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Edition J.O. - débats de la séance
Articles, amendements, annexes

Assemblée nationale
XIVe législature
Session ordinaire de 2015-2016

Compte rendu
intégral

Deuxième séance du mardi 21 juin 2016

Présidence de Mme Laurence Dumont

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à vingt et une heures trente.)

1

Reconquête de la biodiversité

Nouvelle lecture (Suite)

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion, en nouvelle lecture, du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages (nos 3748, 3833).

Discussion générale (suite)

Mme la présidente. Cet après-midi, l’Assemblée a commencé d’entendre les orateurs inscrits dans la discussion générale.

La parole est à M. Patrick Weiten.

M. Patrick Weiten. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, madame la rapporteure, mes chers collègues, je souhaite tout d’abord saluer la qualité du travail accompli depuis deux ans autour de ce projet de loi. Récemment arrivé à l’Assemblée nationale, je n’ai pris connaissance qu’il y a peu des débats que vous avez depuis 2014 sur ce texte, débats souvent inédits sur la scène publique. En effet si la protection de notre biodiversité représente un enjeu majeur pour la survie de notre planète, il est rare de voir de tels sujets au cœur de discussions parlementaires, souvent passionnées d’ailleurs !

Certes la COP21 a permis d’éveiller les consciences sur les grands défis environnementaux de notre siècle tels que la lutte contre le dérèglement climatique, devenue une cause commune et mondiale. Pourtant la préservation de notre biodiversité continue à être un enjeu mal appréhendé par les pouvoirs publics. Nous ne pouvions donc que saluer l’ambition qui est celle du Gouvernement en présentant un projet de loi de reconquête de la biodiversité.

Le groupe de l’Union des démocrates et indépendants, à travers la voix de mon collègue Bertrand Pancher, dont je tiens à saluer les convictions et la ténacité sur ces dossiers…

M. Thierry Benoit. Très bien.

M. Philippe Vigier. Excellent collègue !

M. Patrick Weiten. …était plus que jamais prêt à vous soutenir, et ce d’autant plus que c’est le Grenelle de l’environnement qui, dès 2007 et sous l’impulsion de Jean-Louis Borloo, a placé la biodiversité au cœur de ses travaux et en a fait une priorité absolue. C’était un signal fort envoyé aux acteurs économiques de notre pays, une main tendue pour les aider à se mobiliser.

Les travaux du Grenelle ont ainsi permis de mettre en place des mesures audacieuses et originales. Je pense par exemple à l’instauration d’aires marines protégées, à la création d’un observatoire national de la biodiversité ou encore à l’élaboration de la trame verte et bleue.

Malheureusement, je n’ai pas retrouvé dans votre texte l’esprit insufflé par le Grenelle de l’environnement, un esprit novateur qui avait permis à tous les acteurs de se mettre autour de la table pour trouver des mesures équilibrées et consensuelles.

Le consensus : voilà certainement ce qui a manqué tout au long des discussions. En lisant les comptes rendus des débats, je me suis souvent inquiété de certains raccourcis. À vous en croire, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, une partie de l’hémicycle, plutôt située à ma gauche, serait prête à défendre sans réserve la nature tandis que l’autre partie serait sous la coupe de lobbies et plus encline à la détruire.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Ce n’est pas ce que l’on a dit !

M. Patrick Weiten. Je crois qu’il est dangereux d’avoir une vision aussi manichéenne des discussions qui ont eu lieu dans notre assemblée ou au Sénat.

Ce projet de loi s’est finalement heurté à un écueil bien connu dans notre hémicycle : celui de l’idéologie. Les sujets qui restent en discussion après l’échec de la CMP sont d’ailleurs à l’origine des oppositions dogmatiques qui font rage depuis deux ans. Je crois sincèrement que nous ne pouvons plus nous permettre d’opposer, schématiquement et de façon méprisante, développement économique et protection de l’environnement. Je ne nie pas que l’état de notre biodiversité est le reflet d’un monde de plus en plus marqué par l’influence de l’homme. Cependant notre rôle est de trouver la voie vers un modèle plus durable, conciliant à la fois développement économique, préservation de l’agriculture et performance environnementale.

Malheureusement, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, vous n’avez pas toujours su faire confiance aux principaux acteurs de notre biodiversité. Je pense par exemple aux agriculteurs, déjà malmenés par une crise terrible qui les plonge, chaque jour un peu plus, dans une insoutenable détresse professionnelle et personnelle. Est-ce réellement le moment de leur imposer de nouvelles règles, de nouvelles normes, de nouvelles contraintes ? Notre pays, dans le domaine de l’agriculture comme dans bien d’autres, souffre d’un mal bien français : celui de vouloir toujours trop en faire. Or le « trop » est, dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, l’ennemi du bien.

Je prendrai l’exemple de l’interdiction des néonicotinoïdes à partir du 1er septembre 2018, votée par l’Assemblée nationale en deuxième lecture. Le groupe UDI a toujours eu une position claire et sans ambiguïté sur le sujet : à terme, nous pourrons soutenir une interdiction préparée et réfléchie de ces produits dont la toxicité, je le rappelle, n’est toujours pas confirmée. Pour les députés de notre groupe, une telle décision ne peut être prise dans la précipitation et sans une consultation approfondie des acteurs concernés.

M. Gérard Menuel. Très bien.

M. Patrick Weiten. En outre, la cacophonie qui règne au sein du Gouvernement sur des sujets aussi graves est inquiétante et révèle tout l’amateurisme qui entoure cette décision. Dois-je rappeler que le ministre de l’agriculture s’oppose fermement à cette mesure…

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité. C’est faux !

M. Patrick Weiten. …alors même que la ministre de l’environnement n’hésite pas à se répandre dans les médias pour dire qu’elle viendra appuyer le vote de l’interdiction des néonicotinoïdes ici, dans cette assemblée ?

Le groupe UDI a toujours soutenu l’idée d’une cessation progressive de leur utilisation. Pour nous, une interdiction est possible s’il existe des produits de substitution fiables et moins nuisibles. Il faut donc soutenir activement la recherche, tout d’abord pour aboutir à un état des lieux fiable et ensuite s’engager dans la définition de solutions alternatives viables.

Une interdiction aussi abrupte risque au contraire de pousser nos agriculteurs à utiliser des produits plus anciens et surtout plus toxiques. Nous demandons qu’au minimum l’entrée en vigueur de cette interdiction soit reportée à 2021 pour laisser le temps à nos agriculteurs de trouver des solutions.

L’adoption par la commission d’un moratoire sur la mise en culture de semences de colza et de tournesol tolérantes aux herbicides issues de la mutagénèse est également incompréhensible. Les règles du jeu ne peuvent pas changer quotidiennement pour les agriculteurs.

M. Gérard Menuel. Très juste.

M. Patrick Weiten. Madame la secrétaire d’État, il est temps d’être responsable et raisonnable et d’abandonner les postures dogmatiques. Les distorsions de concurrence auront des effets catastrophiques pour la survie de nos agriculteurs et plus globalement pour notre compétitivité. Nos agriculteurs, comme nos chefs d’entreprise, sont asphyxiés par le poids des normes et des contraintes que vous leur infligez.

M. Gérard Menuel. Absolument.

M. Patrick Weiten. Une nouvelle fois, vous préférez pénaliser plutôt qu’accompagner. Vous reproduisez d’ailleurs exactement le même schéma en proposant une taxe sur l’huile de palme qui aura un impact à la fois sur le pouvoir d’achat des consommateurs et sur nos relations diplomatiques avec l’Indonésie et la Malaisie.

Madame la secrétaire d’État, la France a des atouts exceptionnels qu’il faut mettre en valeur face à la concurrence accrue de nos voisins européens.

Je suis, par exemple, fier des Jardins fruitiers de Laquenexy, dans mon département de Moselle. Ces jardins centenaires accueillent chaque année des milliers de visiteurs curieux de connaître le savoir-faire français. Ils représentent la vitrine de la culture fruitière et participent directement à la préservation de notre biodiversité. Deux cents pommes marquées de Laquenexy ont d’ailleurs été offertes aux participants de la COP21.

Cet exemple, parmi tant d’autres, est la preuve que nous avons des ressources exceptionnelles qu’il faut valoriser et non entraver par le poids des contraintes.

Votre texte est finalement une succession de mesures, sans grande cohérence, sans grande ambition, mais qui ont parfois le mérite d’apporter des réponses à certaines problématiques. Ainsi l’inscription du préjudice écologique dans notre code civil répond à une attente de longue date.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Enfin quelque chose de bien !

M. Patrick Weiten. La rédaction du Sénat nous semblait néanmoins plus équilibrée  en ce qu’elle limitait la liste des personnes pouvant agir en réparation.

M. Gérard Menuel. En effet.

M. Patrick Weiten. Le titre IV relatif à l’accès aux ressources génétiques et au partage juste et équitable des avantages était également une nécessité après la signature du Protocole de Nagoya en 2011. Nous vous renouvelons notre soutien sur ce point.

Nous ne cachons cependant pas notre déception de voir que ce qui devait être une grande agence française pour la biodiversité se contente finalement d’être une agence de la biodiversité aquatique, dépourvue d’un financement pérenne et aux missions beaucoup trop étendues.

Le groupe UDI, dans son rôle d’opposition constructive, a une nouvelle fois déposé une quarantaine d’amendements dont l’adoption serait une solution d’équilibre.

Ainsi, plutôt que d’inscrire brutalement le principe de non-régression dans le code de l’environnement, nous proposons une phase d’expérimentation.

M. Gérard Menuel. Très bien.

M. Patrick Weiten. Nous présenterons également des ajustements de l’article 2 bis sur le préjudice écologique. Nous serons aussi vigilants quant aux mesures relatives aux compensations écologiques, qui font aujourd’hui obstacle à la réalisation de certains projets économiques au point d’empêcher la résorption de friches industrielles, même profondément polluées.

S’il faut préserver la flore et la faune, il faut également protéger la « faune » humaine.

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Patrick Weiten. J’aimerais terminer mon propos par un petit mot en direction de nos territoires ultramarins.

Mme la présidente. D’un mot, monsieur le député : vous avez déjà dépassé votre temps de parole.

M. Patrick Weiten. Notre groupe, riche de sa diversité puisqu’il compte trois députés polynésiens et deux députés néo-calédoniens, est satisfait des avancées obtenues par ces territoires qui regroupent 80 % de notre biodiversité. Ils devraient occuper une place centrale et stratégique dans le maintien de nos écosystèmes.

M. Thierry Benoit. Tout à fait.

M. Patrick Weiten. Pour ces raisons le groupe UDI se dirige vers un vote majoritairement défavorable, sous réserve néanmoins des amendements qui seront adoptés en séance publique. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

Mme la présidente. La parole est à M. Joël Giraud.

M. Joël Giraud. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, madame la rapporteure, mes chers collègues, après l’échec de la commission mixte paritaire, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages revient dans notre hémicycle. Depuis son premier examen en juin 2014, il y a deux ans, nous en sommes aujourd’hui à la dixième version du texte.

Si le calendrier s’est accéléré, c’est peu dire que l’accouchement aura été douloureux. Nous l’avons déjà dit ici, les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste sont conscients des enjeux de la biodiversité pour l’avenir de notre pays et de notre planète.

Sur ce sujet comme sur beaucoup d’autres, nous pensons que nous devons être guidés par une boussole scientifique et nous écarter des positions idéologiques parfois séduisantes, mais souvent éloignées de la réalité. Thierry Gauquelin, un de nos meilleurs experts de la biodiversité, a des mots très justes : « un effort de pédagogie doit être fait car il ne suffit pas de dire qu’il faut protéger la nature parce que c’est beau. Une perte de la biodiversité est une menace pour l’humanité. Le point central est donc de bien faire comprendre aux citoyens le fonctionnement de l’écosystème. »

C’est le rôle des scientifiques de participer à la démocratisation de leurs connaissances pour informer les citoyens et apporter les éléments nécessaires aux choix politiques.

Au-delà des clivages partisans, nous pouvons nous rassembler autour de points de consensus car, au sens propre comme au figuré, l’enjeu de la préservation de la biodiversité est vital et sa dégradation continue est préoccupante. Du fait de la diversité de ses paysages, de sa présence dans de nombreux territoires de notre planète, et en particulier dans nos outre-mer, la France est le cinquième « point chaud » de la biodiversité mondiale.

Nous avons incontestablement une responsabilité particulière face aux défis que représentent les relations entre les écosystèmes et les êtres humains. Le Président de la République l’a d’ailleurs rappelé à plusieurs reprises, notamment au cours des conférences environnementales et de la COP21.

La principale problématique consiste à trouver les bonnes réponses pour concilier, ensemble, développement économique, respect des écosystèmes et soutien à tous les acteurs de la biodiversité – je pense en particulier à nos paysans et à l’ensemble du monde rural, qui vit au quotidien cette biodiversité.

La biodiversité, richesse patrimoniale et moteur économique, est certes aujourd’hui de plus en plus menacée par la surexploitation, la destruction et la fragmentation des habitats, l’introduction d’espèces envahissantes et les pollutions, mais cela ne doit pas nous empêcher de trouver des régulations intelligentes pour nous donner les moyens de fonder des compromis qui protègent la nature tout en respectant la culture et l’homme.

Si nous sommes confrontés à une crise économique, sociale et morale, et si les questions de sécurité liées au terrorisme sont fondamentales, rappelons-nous que la croissance, l’emploi et la production sont liés à la préservation de la biodiversité car une crise du vivant comporte aussi des coûts indirects lourds et probablement encore sous-estimés.

Le projet de loi que nous allons examiner comporte déjà de nombreuses avancées et nous le soutenons majoritairement. Depuis l’examen en deuxième lecture au Sénat et en nouvelle lecture en commission, nous avons trouvé des compromis équilibrés et des dizaines d’articles ont été adoptés conformes, mais il reste encore cinquante-huit articles en discussion et des points de divergence importants – je pense par exemple au principe de non-régression, à la définition du préjudice écologique et à l’ouverture de l’action à toute personne ayant qualité à agir, à la gouvernance, au zonage prioritaire pour la biodiversité, aux déboisements effectués par nos jeunes agriculteurs et, de manière générale, à la place et au rôle de nos paysans. Il faut également rappeler les deux sujets complexes et polémiques que sont la taxe sur l’huile de palme et les modalités de l’interdiction des néonicotinoïdes.

Tout au long des débats, les députés du groupe RRDP vous feront des propositions. Le principe de non-régression et l’inscription de la notion de préjudice écologique dans le code civil, en excluant l’idée de préjudice écologique « anormal » adoptée par le Sénat, ont été rétablis en commission. Nous sommes favorables à ces principes mais nous pensons que les terres agricoles doivent également être préservées. En effet, la surface agricole diminue en France et nous devons porter à cette question une attention particulière car il y va de l’avenir de notre agriculture.

Ces principes risqueraient en outre de conduire à des mesures irréversibles en termes de protection de certaines espèces, comme le loup, alors que nous savons qu’il est nécessaire de pouvoir réviser régulièrement les dispositifs.

En matière de gouvernance, la commission a confirmé la consultation du Comité régional de la biodiversité dans le cadre de l’élaboration du schéma régional d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires – SRADDET. Le groupe RRDP juge ce dispositif inopportun. Il apparaît en effet peu pertinent et en partie contraire à la logique de l’élaboration d’un schéma tel que le SRADDET de prévoir une intervention du Comité régional de la biodiversité – CRB – avant même que le conseil régional ait débattu des objectifs du schéma et, par conséquent, avant que les partenaires associés au document puissent contribuer utilement à l’élaboration de ce schéma. En outre, il est en partie inutile de prévoir que le CRB intervienne aussi en amont alors qu’en tout état de cause la biodiversité fait partie des objectifs obligatoirement visés par le SRADDET et qu’il n’y a donc pas de risque que ces préoccupations soient oubliées.

La commission confirme que l’Agence française pour la biodiversité – AFB – participe aux actions de formation, notamment dans le cadre de l’éducation nationale. Cela nous semble intéressant. La commission a cependant supprimé la mission d’évaluation des dommages agricoles et forestiers causés par les espèces animales protégées et nous avons donc déposé un amendement visant à confier cette mission à l’AFB. En effet, dans l’état actuel du droit, les dommages causés aux exploitations agricoles par des espèces animales protégées ne font pas l’objet d’une indemnisation, contrairement aux dégâts causés par le gibier. Cet amendement propose donc de donner pour mission à l’AFB l’évaluation des dommages agricoles et forestiers causés par les espèces protégées et la mise en place de dispositifs destinés à limiter ces dommages pour les activités agricoles et forestières.

Pour ce qui est du titre IV, relatif à l’accès aux ressources génétiques et au partage juste et équitable des avantages, la commission a rétabli le paragraphe 1 bis de l’article 18, supprimé par le Sénat. Les procédures d’accès et de partage des avantages – APA – pour les ressources génétiques et les connaissances traditionnelles associées seront applicables, dans le cas de collections préalablement constituées, à toute utilisation à des fins commerciales postérieure à la publication de la loi.

À l’article 18, notre collègue Ary Chalus vous proposera un amendement visant à inscrire dans la loi les mots « une redistribution juste et équitable ».

À la suite du rétablissement de l’article 34, supprimé par le Sénat, qui crée la catégorie des zones prioritaires pour la biodiversité, nous avons déposé un amendement de suppression, car nous considérons que ce zonage viendrait se superposer à des emprises de zones exploitées ayant déjà leurs propres programmes d’action, créant une surenchère et un cumul des mesures de restauration, de préservation et de gestion.

Pour ce qui concerne les néonicotinoïdes, notre groupe soutient majoritairement un compromis prévoyant une interdiction progressive, assortie d’une mission pérenne de vigilance confiée à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail – ANSES –, même si, je ne vous le cache pas, certains d’entre nous préféreraient une interdiction plus radicale. Nous convenons tous cependant que nous devons interdire à terme les néonicotinoïdes, en veillant à la disponibilité de produits de substitution, y compris si ces produits sont plus chers. Il serait en effet difficile d’ordonner à un agriculteur de rester passif devant la dévastation de ses cultures sans lui proposer aucune solution.

Enfin, nous sommes attachés au soutien qu’il convient d’apporter à nos jeunes agriculteurs, qui représentent notre avenir. L’agriculture, ce sont avant tout des hommes et des femmes qui veulent vivre de leur travail. C’est un métier dans lequel les jeunes ne veulent plus s’engager, parce que les conditions de vie y sont dures et que les revenus sont faibles. C’est un métier qui risque de disparaître.

Nous vous proposerons un amendement visant à ce que les déboisements effectués dans les cinq premières années suivant l’installation d’un jeune agriculteur ne soient pas considérés comme des défrichements. Pour la création d’activité, le développement économique des territoires ruraux et la pérennisation de l’installation des jeunes en agriculture, nous devons en effet éviter de tels freins à l’installation et l’instauration d’une concurrence surfacique inutile entre forêt et agriculture.

En conclusion, si nous soutenons le projet de loi, nous n’en attendons pas moins de notre débat des avancées claires sur des sujets importants.

Enfin, puisque ce texte est suivi, pour notre groupe, par mon collègue Jacques Krabal, qui aurait dû être à cette tribune, vous comprendrez que je suis contraint de citer une fable de La Fontaine. (Sourires.) Le poète, né à Château-Thierry, écrivait dans L’Hirondelle et les petits oiseaux : « Nous n’écoutons d’instincts que ceux qui sont les nôtres / Et ne croyons le mal que quand il est venu. »

Sachons donc être à l’écoute de notre planète et de tous les acteurs qui vivent la biodiversité au quotidien. Nos concitoyens attendent de nous que nous soyons à la hauteur de la confiance qu’ils nous ont accordée. Nous formulons le vœu que ce projet de loi y contribue.

Mme la présidente. La parole est à M. Patrice Carvalho.

M. Patrice Carvalho. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, chers collègues, nous examinons cette semaine, en nouvelle lecture, le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire du 25 mai dernier.

Nous arrivons désormais presque au terme d’un processus parlementaire aussi long que méandreux. Annoncé par le Président de la République en septembre 2012 et examiné en commission en juin 2014, le texte n’a été débattu pour la première fois dans notre hémicycle qu’en mars 2015 et par le Sénat neuf mois plus tard : nous sommes proches des records de lenteur en termes de procédure.

Cette lenteur traduit la difficulté à prendre la mesure des enjeux environnementaux et à rompre avec une logique productiviste qui conduit inéluctablement à la destruction de notre patrimoine naturel, de sa richesse, de sa beauté et des potentialités qu’il offre pour l’avenir.

Notre pays porte une responsabilité particulière dans la préservation de ce patrimoine à l’échelle européenne et internationale. La France métropolitaine héberge ainsi 40 % des espèces européennes de plantes supérieures, soit environ 6 000 espèces. La faune de France métropolitaine est tout aussi riche et diversifiée : près de 40 000 espèces d’insectes y ont été recensées et presque 1 500 espèces de vertébrés, dont environ la moitié vivent en milieu marin. La France représente donc une bonne part de la biodiversité européenne. Elle héberge par ailleurs des populations importantes de certaines espèces parmi les plus fragiles. Elle est ainsi le deuxième pays européen par le nombre d’espèces d’amphibiens et 58 % des espèces d’oiseaux nidifiant en Europe s’y reproduisent.

On estime cependant qu’environ 20 % des vertébrés autochtones sont aujourd’hui menacés, selon la Liste rouge des espèces menacées en France – 9 % pour les mammifères et 27 % pour les oiseaux. Quant aux poissons marins ou mollusques de France, leur statut est inconnu.

Si l’on se tourne vers les territoires d’outre-mer, il faut reconnaître que la France occupe une place unique au monde par la variété de ses milieux naturels. Du subarctique, avec Saint-Pierre-et-Miquelon, à l’Antarctique, avec la Terre-Adélie, en passant par les zones tropicales de trois grands océans, la biodiversité atteint en outre-mer des niveaux exceptionnels tant par sa richesse que par son originalité, ce qui confère à la France une grande responsabilité au niveau international en matière de conservation. Il y a globalement trente-cinq fois plus de plantes, trois fois plus de mollusques et soixante-dix fois plus d’oiseaux endémiques en outre-mer qu’en métropole.

Alors que l’objectif fixé par l’ONU de stopper l’érosion de la biodiversité en 2010 n’a pas été atteint, il était temps que Gouvernement et parlementaires se mobilisent afin de rénover un cadre législatif vieux de quarante ans et de doter notre pays de vrais moyens politiques et concrets pour agir plus efficacement.

Si le principal point noir reste la question du financement, nous tenons à saluer le travail de notre rapporteure, Geneviève Gaillard, dont l’écoute et la conviction ont permis d’aboutir à un texte ambitieux.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Merci !

M. Patrice Carvalho. Nous nous retrouvons dans ce texte et nos amendements ont été pour la plupart satisfaits. Merci, madame la rapporteure.

Parmi les principaux sujets de satisfaction figurent la reconnaissance du principe de non-régression, la fixation d’un cadre plus clair au principe de compensation pour les dégâts causés à la biodiversité par la réalisation de projets d’aménagement et la traduction dans la loi française du protocole international de Nagoya encadrant l’exploitation de ressources génétiques naturelles.

Nous nous réjouissons de l’adoption des dispositions, pourtant controversées, relatives à l’interdiction des néonicotinoïdes, ces pesticides aggravant la mortalité des abeilles. Nous soutiendrons la mesure de suppression de ces substances d’ici à deux ans et proposerons l’extension de cette interdiction aux substances actives de la famille des chlorpyriphos-éthyl, dont les impacts dévastateurs sur l’environnement et la santé humaine sont aujourd’hui suffisamment documentés.

Nous demeurerons donc très attentifs à ce que ce texte ne soit pas défiguré par ceux qui, notamment à droite, n’éprouvent aucun scrupule à sacrifier la qualité de l’environnement sur l’autel des profits à court terme. Sous cette réserve, l’ensemble des députés du groupe de la Gauche démocrate et républicaine voteront avec conviction pour ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe de la Gauche démocrate et républicaine.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Chantal Berthelot.

Mme Chantal Berthelot. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, mes chers collègues, cette troisième lecture du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité intervient, beaucoup l’ont dit, après deux ans et demi de travaux et de navettes législatives relativement constructives mais surtout symboliques de deux visions profondément différentes de la protection et de la valorisation de notre biodiversité. Grâce, toutefois, à une cohérence et à une solidarité quasiment sans faille au sein de notre majorité socialiste et écologiste à l’Assemblée nationale, nous avons su consolider les principes et objectifs consacrés par ce texte à chacune de ses lectures, en commission comme en séance publique. Ce fut le cas pour le préjudice écologique et l’obligation de réparation des atteintes non négligeables à 1a nature, dont la prochaine inscription dans le code civil résonne déjà comme un événement historique majeur.

Je tiens saluer l’écoute dont ont su faire preuve Mme la secrétaire d’État et notre chère collègue Geneviève Gaillard, rapporteure pour notre commission. Cette sagacité nous a permis, avec le concours de mes collègues ultramarins à l’Assemblée nationale comme au Sénat, d’enrichir ce projet de loi dans l’intérêt de notre biodiversité.

Les outre-mer auront donc une représentation dans les différentes instances de gouvernance, et en premier lieu au sein du conseil d’administration de l’Agence française pour la biodiversité qui, à défaut d’être parfaitement proportionnelle à la part de la biodiversité de nos territoires, nous permettra de nous assurer de la pleine prise en compte des réalités et des enjeux respectifs de nos territoires.

Parallèlement, pour stopper la dégradation de la biodiversité en outre-mer et préserver le rôle de cette dernière dans l’adaptation des territoires au changement climatique, le texte se fixe notamment pour objectif d’élaborer et de mettre en œuvre un programme d’action territorialisé de protection de 55 000 hectares de mangroves d’ici 2020, dont l’intérêt pour nos territoires a du reste été rappelé lors d’un séminaire organisé par le Conservatoire du littoral le 1er juin dernier. Je tiens à cet égard à saluer la présidente de cet organisme, Viviane Le Dissez, qui est également notre responsable de groupe.

L’article 18 du projet de loi, à défaut de participer à la reconnaissance juridique de nos peuples autochtones de Guyane et de respecter ainsi la lettre du protocole de Nagoya, consacre le dispositif APA, qui sera un outil pertinent pour mieux protéger et valoriser nos ressources génétiques, mais aussi et surtout les connaissances traditionnelles et ancestrales de nos peuples amérindiens de Guyane.

Pour ce qui concerne plus spécifiquement la personne morale de droit public qui sera chargée de représenter les peuples amérindiens à chacune des étapes du dispositif APA, j’ai proposé par amendement que le Conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenguées détienne cette responsabilité. Grâce au soutien du Gouvernement et de notre majorité, cet amendement a pu être adopté, assurant ainsi la cohérence et la légitimité de ce dispositif en Guyane.

Pour que cette mesure soit réellement effective, un travail de refonte statutaire est d’ores et déjà engagé au sein du Conseil consultatif des populations amérindiennes et bushinenguées, le CCPAB. Vous devriez avoir, madame la secrétaire d’État, l’opportunité de rencontrer ce conseil et les principales autorités coutumières de Guyane lorsque vous viendrez – bientôt j’espère ! – dans notre territoire pour travailler sur cette question.

Parallèlement à ce travail et aux avancées indéniables déjà obtenues, d’autres questions soulevées par ce texte devront enfin recevoir des réponses constructives et historiquement justes. L’histoire de la Guyane, qui est aussi celle de la France, ne peut plus être ignorée et éternellement reniée pour des raisons constitutionnelles. Nous parlons là des 10 000 Amérindiens de Guyane qui sont, mes chers collègues, des autochtones de la République française.

L’enjeu est trop important et les défis trop cruciaux. Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nos travaux législatifs ont été longs et constructifs mais ils ne trouveront leur sens que dans leur application concrète au service de nos concitoyens, de nos territoires et de leur environnement. De ce point de vue, les défis qui se présenteront à nous dans les prochains mois seront au moins aussi importants que les avancées que nous avons su obtenir et consacrer dans ce texte.

Le Gouvernement, les collectivités, le monde de la recherche, les associations, en un mot l’ensemble des acteurs de la biodiversité, devront se saisir de ce texte et le faire vivre dans le respect de sa lettre et de son esprit. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Laurence Abeille. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Menuel.

M. Gérard Menuel. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, après une navette complète et après l’échec malheureux de la commission mixte paritaire…

M. Jean-Marie Sermier. Malheureux en effet !

M. Gérard Menuel. …, notre assemblée doit s’exprimer de nouveau sur le projet de loi pour la reconquête de la biodiversité.

Le Sénat a pourtant réalisé un travail intéressant, fruit d’une approche pragmatique. Sur de nombreux sujets, il a proposé des mesures équilibrées et enrichi ce texte avant que notre commission ne détricote le travail effectué – en tant qu’élu de la cité de la maille, je ne peux que regretter ce détricotage ! (Sourires.)

Sur le fond, personne ne conteste les fondamentaux de ce texte. La biodiversité est une richesse, un capital que nous devons protéger et transmettre de génération en génération dans les meilleures conditions.

Notre pays, avec ses territoires, y compris bien évidemment ceux de l’outre-mer, est un sanctuaire formidable pour des milliers d’espèces animales et végétales. Mais, comme Jean-Marie Sermier l’a souligné cet après-midi avec détermination, reconnaissons que ce texte, sous couvert de bonnes intentions, pose plus de problèmes qu’il n’en résout.

Une bonne loi doit être partagée et comprise. Elle doit, dans sa définition, dans son élaboration au fil des débats, être la résultante d’un consensus et ne pas opposer les acteurs les uns aux autres ni pointer du doigt certaines catégories de nos concitoyens, comme les chasseurs ou les agriculteurs, qui sont pourtant des acteurs incontournables de la diversité.

La protection de la biodiversité est l’affaire de tous et je suis persuadé que chacun y est sensible. Faut-il par exemple opposer agriculteurs et apiculteurs, alors que chacun a besoin de l’autre au quotidien ?

M. Jean-Marie Sermier. C’est vrai !

M. Gérard Menuel. Dans le dossier des néonicotinoïdes, dans lequel le regard et l’expertise de l’ANSES doivent faire autorité, il est absolument nécessaire de prendre un peu de hauteur si on veut appréhender la situation réelle. Nous le savons, la mortalité des abeilles est multifactorielle : viser la seule catégorie des agriculteurs est non seulement injuste mais revient à fermer les yeux sur la réalité du problème de la mortalité des abeilles dans toute ses dimensions.

M. Jean-Marie Sermier. C’est l’arbre qui cache la forêt !

M. Gérard Menuel. Il suffit de superposer la carte de l’utilisation des néonicotinoïdes avec celle de la production moyenne de miel par ruche en France pour remettre en cause la validité des réponses toutes faites que vous apportez !

De plus imposer la fin de l’utilisation des néonicotinoïdes sans aucune étude d’impact préalable serait dramatique pour de nombreuses exploitations agricoles et pour tout un pan de notre économie. Nous ne sommes pas favorables à une autorisation sans limite de ces produits, dont certains, en effet, peuvent être dangereux pour la santé et pour l’environnement, mais nous devons trouver une réponse équilibrée. Celle du Sénat l’était et nous ne pouvons que regretter vivement qu’elle n’ait pas été retenue par la commission : elle permettait une sortie progressive, équilibrée et pérenne du système actuel.

Une interdiction trop précoce aura l’effet inverse au but recherché en termes d’impact environnemental. En lieu et place du traitement enrobé sur la graine, très économe en substance active, l’agriculteur sera obligé de recourir à une méthode qui suppose plusieurs aspersions, ce qui se traduira inévitablement par un coût environnemental supérieur. Donnons des moyens et du temps à la recherche pour qu’elle mette à disposition des méthodes et des produits de substitution.

Dans le même esprit, concernant les VTH – variétés tolérantes aux herbicides – et la mutagénèse, est-il bien prudent de recourir aux arguments invoqués à l’appui de l’article 51 ? Imposer un moratoire, même limité, dans ce domaine se heurte aux orientations actuelles de la recherche. Ainsi l’objectif du plan Ecophyto de réduire l’utilisation des produits phytosanitaires grâce au recours à des solutions alternatives sera mis à mal au nom d’objectifs que nous approuvons par ailleurs.

Sans amendements notables, ce texte de reconquête de la biodiversité ne sera pas celle de l’unité de la représentation nationale. Il est l’expression de cette habitude bien française de « sur-transposer » les directives européennes, par laquelle la France alourdit encore les normes européennes – en l’espèce en prévoyant des zones prioritaires pour la biodiversité ou en créant un principe de non-régression.

Ces débats seront aussi pour nous l’occasion de souligner ce qui est chez vous une constante : celle, à la moindre difficulté, de créer une taxe ou un impôt. Alors que la France est déjà championne en matière de pression fiscale et que le Président de la République avait promis de ne créer aucune nouvelle taxation, voilà que vous proposez de taxer l’huile de palme. Certes nous ne pouvons pas ignorer les dégâts liés à sa production, notamment la déforestation, mais une taxation n’est pas la solution : non seulement elle mettrait en péril les nombreuses familles qui vivent de son exploitation mais elle pénaliserait de nombreuses entreprises. Nous devons au contraire favoriser la production d’huile de palme durable. Cette façon de faire, très française, de créer à chaque nouveau problème une nouvelle taxe ou un nouvel impôt n’est pas, quant à elle, durable.

Nous regrettons que la majorité à l’Assemblée nationale ait refusé le texte du Sénat par pure idéologie. Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, il reste un long chemin à parcourir lors de la discussion de ce texte pour faire évoluer notre position. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Suzanne Tallard.

Mme Suzanne Tallard. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission – cher Jean-Paul Chanteguet –, madame la rapporteure – chère Geneviève Gaillard –, mes chers collègues, deux ans après nos premiers travaux en commission, l’Assemblée nationale va discuter en nouvelle lecture du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

L’objectif qu’exprime l’intitulé même de ce projet de loi est déjà ambitieux. Je veux saluer l’initiative gouvernementale qui nous permet de nous saisir, sur ce thème comme sur d’autres, de sujets de société majeurs, à propos desquels l’histoire retiendra notre capacité, ou notre incapacité, à légiférer avec courage et discernement et en prenant toute la mesure des défis auxquels notre monde est aujourd’hui confronté.

Cette nouvelle lecture du projet de loi intervient à la suite de l’échec de la commission mixte paritaire. Celui-ci a révélé des divergences de fond entre deux conceptions du rapport que l’homme doit entretenir avec la nature, c’est-à-dire avec l’environnement dans lequel il évolue, au sein d’une diversité écologique aujourd’hui menacée.

Il ne faut pas adopter une vision utilitariste de la biodiversité : il est au contraire nécessaire d’interroger et de corriger notre mode de vie actuel pour répondre à la prise de conscience collective des atteintes graves et parfois irréversibles que nous causons à notre environnement, à notre planète – véritable bien commun de toutes les espèces animales et végétales et donc de tous les hommes, d’aujourd’hui comme de demain.

Nous avons par conséquent le devoir impératif d’enrayer ce processus en changeant certains de nos comportements liés à un modèle économique non plus créateur de richesses mais bien destructeur d’avenir.

Le débat parlementaire a permis de nous accorder presque tous sur un certain nombre de points, tels que l’extrême nocivité et la dangerosité des produits phytosanitaires à base de néonicotinoïdes et donc sur la nécessité de les interdire le plus rapidement possible. Le seul débat qui demeure vraiment, à l’article 51 quaterdecies, concerne la date d’entrée en vigueur de cette interdiction, qui impliquera de trouver le plus rapidement possible des solutions alternatives respectueuses aussi bien de notre environnement que de notre santé.

L’objectif ambitieux de ce projet de loi a été consolidé par le long travail parlementaire, qui a su lui donner toute sa dimension, non seulement en le précisant, mais en l’enrichissant de façon substantielle. Cela démontre le rôle déterminant du législateur dans l’élaboration de la norme et la nécessité de toujours s’y conformer.

Plusieurs notions majeures ont été introduites, qui auront des conséquences concrètes sur la manière dont particuliers ou collectivités, ménages ou entreprises devront agir en responsabilité pour préserver et reconquérir la biodiversité. C’est le cas notamment du principe de non-régression du droit de l’environnement créé par l’Assemblée, supprimé par le Sénat puis rétabli ces derniers jours lors des discussions en commission. Directement issu d’un principe internationalement reconnu et rappelé dès l’article 2 de ce projet de loi, ce principe vise à assurer l’absence de perte nette, voire un gain de biodiversité.

S’il a pu être considéré par certains comme un danger dans la mesure où il risquerait d’entraver la lutte contre des espèces nuisibles ou invasives, je ne doute pas que nos débats seront de nature à les rassurer. Un véritable effort de pédagogie est nécessaire, sur ce sujet comme sur d’autres.

Parmi les avancées obtenues par la discussion parlementaire, notamment par le travail en commission – pour la qualité duquel je tiens à remercier et le président de la commission et la rapporteure –, l’introduction de la notion de préjudice écologique me semble être également une mesure essentielle et efficace. Désormais, toute personne qui causera un préjudice écologique sera tenue de le réparer. Cette disposition, dont l’application est précisée à l’article 2 bis, est à la mesure de l’ambition de ce texte.

De même, rappeler, dès l’article 1er, que les sols concourent à la biodiversité et qu’il est nécessaire d’en tenir compte dans le cadre de l’objectif que nous nous sommes fixé me semble être une véritable avancée. Celle-ci ne remet pas en cause notre agriculture, comme nous l’avons parfois entendu, mais l’oblige simplement à se raisonner.

En revanche, je regrette que la discussion en commission ne nous ait pas permis de réintroduire à l’article 4 quater, comme nous l’avions fait lors de la précédente lecture, la possibilité de cession à titre onéreux, ne visant pas une exploitation commerciale, de semences de variétés non inscrites au catalogue officiel mais qui représentent une ressource importante pour les associations de défense de la biodiversité. Je souhaite que nos travaux en séance nous permettent de rétablir cette disposition.

Dans son ouvrage La Voie, Edgar Morin considère l’écologie comme une science nouvelle à l’aune de laquelle nous devons construire nos politiques. Ainsi « une politique nouvelle (…) devrait affronter non seulement lobbies et corporatismes, mais aussi apathie et indifférence. Elle appellerait à un éveil citoyen, lequel se produirait par la prise de conscience des problèmes vitaux qui sont en jeu. Pour devenir citoyens de la Terre, nous devons impérativement changer notre façon de l’habiter. » C’est, je crois, l’ambition que porte ce texte.

Même si nous aurions parfois pu aller plus loin, ce projet de loi comporte de nombreuses avancées réelles et me semble conforme à l’objectif qu’il se fixe. Je souhaite que les débats qui s’engagent contribuent encore à l’améliorer et non à le dénaturer. Dans ces conditions, je le voterai avec fierté. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues et amis, ce texte, tel que je le ressens, est un merveilleux rêve qui me ramène à ma jeunesse, passée dans les montagnes. Lorsque j’avais quatre ou cinq ans, mon cœur explosait dans ma poitrine lorsque l’ours attaquait le troupeau et que celui-ci se rabattait irrémédiablement sur les tôles qui recouvraient la vieille cabane couverte de cailloux. Papa sortait alors, un bâton à la main, et il rentrait toujours un peu désespéré, en disant « Il m’en a encore pris une ! » Voyant que j’avais très mal à la poitrine, tellement j’avais eu peur, il me disait : « Ne t’en fais pas ! Que veux-tu, il fait partie de la nature, comme nous ! Mais il ferait mieux de se mettre à bosser au lieu de toujours nous taper ! »

Je ne pouvais pas savoir que, trente ou quarante ans après, l’idée de cet homme de bien qui voyait en l’ours une création de la nature, comme lui, ferait couler tant d’encre et de salive, inutilement.

Je voudrais d’abord saluer ces hommes et ces femmes simples, ordinaires, qui ont aimé la nature au point d’avoir choisi d’y vivre. Ils ont abandonné, pour certains, des carrières qui auraient pu être différentes, sous les lampadaires des grandes cités, parce qu’ils aimaient par-dessus tout le pays, leur territoire. Le service qu’ils lui rendent est inestimable, alors qu’ils sont de moins en moins nombreux, qu’ils disparaissent jour après jour : ils ont du mal et pourtant ils sont là. Ils ne peuvent pas supporter qu’il y ait un mètre carré qui ne soit pas entretenu.

Et puis il y a le cauchemar, affreux, qui a commencé il y a soixante ans environ à cause de certains hommes, toujours les mêmes, avides d’argent et de puissance. Parmi eux, cette terrifiante famille qui se partageait entre le soutien à l’apartheid en Afrique du Sud et l’achat de marques de cigarettes, qui en avait fait le plus grand cigarettier du monde. Comprenant que le monde changeait, un de ses membres s’est dit qu’il était temps de se reconvertir dans la protection de la nature : c’était M. Huxley qui a fondé le World Wildlife Fund – WWF –, formidable machine à recycler l’argent sale, l’argent pourri, à le reverdir même, en utilisant de petites associations de protection de la nature, sensibles, honnêtes, qui se battent aux côtés des nôtres pour que leur environnement, leur village, leur colline, leur clocher soient toujours un petit peu plus beaux.

Sauf qu’on ne parle pas de la même chose. Certains ont pensé que dans ce monde où l’on s’agglomérait de plus en plus, il fallait toucher la sensiblerie du cœur chez des individus perdus parce qu’ils étaient malheureux de devoir s’entasser, tandis que d’autres n’en finissaient pas de mourir à force d’être trop peu nombreux et de ne plus pouvoir se parler.

Eh bien ! ils ont formidablement réussi ; ils ont réussi à créer une cause mondiale autant que fausse et hypocrite. Le grand malheur de notre temps est que des esprits éveillés, intelligents, honnêtes, purs, sincères, y aient cru.

Je ne parle pas uniquement de Nicolas Hulot qui sera bientôt candidat à l’élection présidentielle : qu’il ait réussi à faire payer les plus grands pollueurs de la planète pour financer sa fondation, c’est chouette, mais j’ai connu mieux. (Sourires.) Il sera bientôt candidat et pourra expliquer qu’il a de l’argent : tant mieux, mille fois tant mieux !

Mais pourquoi déshonorer ceux qui, dans nos territoires ultramarins, dans nos campagnes, dans nos villes, partout où l’Homme pense qu’il a un rôle à jouer, œuvrent pour la nature, pour l’avenir, pour leur enfant, pour ce qu’ils ont de plus cher : la terre.

Quand donc quelqu’un se lèvera enfin, parmi ceux qui savent, les « sachants », pour dire que tout cela n’est qu’une vaste escroquerie intellectuelle et un mensonge politique majeur, à l’échelle de la France, qui a malheureusement joué les premiers de la classe, comme à l’échelle du monde.

Oui, je crois passionnément à ce qui a été dit lors de la COP21, mais à une condition, madame la secrétaire d’État : c’est que nous n’ayons plus peur d’aborder le problème du pétrole et que nous arrêtions de dire que nous ne pouvons pas passer à l’énergie solaire. Tous les experts que j’ai rencontrés m’ont dit que c’était possible. N’écoutons plus ces marchands de pétrole, ces marchands d’armes et tous ceux qui détruisent la nature.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur le député.

M. Jean Lassalle. Écoutons la vraie voix de ceux qui savent qu’ils ont raison.

L’énergie des marées est de même nature. Si nous consentons à devenir sages, sérieux et pragmatiques, si nous aimons notre pays, nous en ferons le premier à franchir ce cap incroyable, celui qui bâtira la paix de demain. (Applaudissements sur divers bancs.)

Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure – chère Geneviève –, monsieur le président de la commission – cher Jean-Paul Chanteguet –, mes chers collègues, ce projet de loi est le premier texte qui s’attache à faire de la protection de la nature, de la biodiversité et donc de notre avenir, un choix politique ambitieux et assumé.

Ainsi, il faut se satisfaire pleinement que l’on puisse réactualiser les principes qui structurent la politique française de conservation de la nature et qu’à travers ce texte ambitieux, on puisse faire cohabiter deux enjeux a priori inconciliables pour certains : la protection des espèces et l’objectif de progrès poursuivi par notre société.

La déliquescence de la biodiversité est malheureusement visible par nos concitoyens ; la reconquête de celle-ci représente un enjeu majeur pour tous les Français.

Au cours de cette nouvelle lecture, nous aurons à trancher sur plusieurs points.

Le Sénat a supprimé toute taxation de l’huile de palme. La commission a rétabli un dispositif prévoyant une taxe à 90 euros la tonne à l’horizon 2020. L’huile de palme, importée, bénéficie d’une absence de taxation, alors que l’huile d’olive, produite en Provence notamment, est taxée : il faut le dire.

Cependant, nous devons aussi entendre l’inquiétude des pays qui sont sortis de la pauvreté grâce à l’exploitation de cette ressource que nous leur avons achetée et que nous continuons à acheter en grande quantité. Alors, s’il faut réfléchir à une disposition plus claire qui ne puisse être perçue comme discriminatoire, pourquoi pas ? Mais dans la mesure où nous parlons de biodiversité, la production d’huile de palme conduisant souvent à la déforestation, nous ne pouvons pas sortir de cette discussion sans avoir avancé sur ce sujet.

Décidons, à tout le moins, de mettre à plat la fiscalité de toutes les huiles alimentaires…

M. Jean-Yves Caullet. Et pas seulement alimentaires !

M. François-Michel Lambert. …et de moduler les taux en fonction de la certification en matière de développement durable.

Autre point, les néonicotinoïdes. Je me réjouis qu’un consensus existe en faveur d’une interdiction de ces pesticides en raison de leur dangerosité.

M. Jean-Marie Sermier. Consensus restreint !

M. François-Michel Lambert. Les modalités d’interdiction font quant à elles débat. Ces pesticides causent un déclin extrêmement préoccupant des populations d’abeilles et plus largement des pollinisateurs. Ils contaminent les eaux de nos rivières et s’inscrivent dans la spirale infernale par laquelle l’industrie agrochimique se rend elle-même indispensable : on utilise des produits de plus en plus toxiques, qui engendrent des parasites eux-mêmes toujours plus résistants aux pesticides, lesquels nécessitent des produits encore plus toxiques et toujours plus destructeurs. Une spirale infernale !

Compte tenu de leurs effets dévastateurs, en particulier du déclin rapide des populations d’abeilles, l’interdiction des néonicotinoïdes relève de l’urgence, comme en témoignent tous les apiculteurs que je rencontre. Comme disait Alain Bashung dans une poésie prémonitoire : « d’heure en heure, l’apiculteur se meurt. »

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. François-Michel Lambert. Il est donc l’heure d’agir, sans trembler.

Par les dispositions transitoires que les pouvoirs publics sont en mesure de mettre en œuvre pour l’agriculture, nous pouvons aujourd’hui voter une interdiction dès 2018, sans pénaliser le secteur agricole, en lui laissant l’opportunité de trouver des solutions alternatives viables.

Je vous exhorte à voter cette interdiction telle qu’elle a été adoptée en commission, avec les conditions et les limites qui ont été décidées. Je le dis avec force à tous ceux qui défendent les intérêts de la chasse : l’intérêt des chasseurs est la diversité, la richesse et l’abondance de la faune. Les néonicotinoïdes sont synonymes de restriction, de réduction, de destruction de la faune. C’est pourquoi vous devez voter cette mesure avec nous, je le dis très clairement.

En l’état, les écologistes réformistes perçoivent ce texte comme ambitieux et salutaire : ce sera une grande loi qui fera date.

J’ajouterai qu’au-delà de cette loi, nous aurons à trouver les voies pour réconcilier tous les mondes de la nature car opposer les uns aux autres ne va pas dans le sens de la nature : chasseurs, pêcheurs, promeneurs, usagers divers, services de protection de la nature, scientifiques, écologistes, nous vivons dans un même monde. Sachons vivre un même projet, une même confiance, pour conserver une biodiversité unique.

Mme Véronique Massonneau. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri.

M. Dino Cinieri. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission, madame la rapporteure, mes chers collègues, nous sommes tous d’accord sur ces bancs pour dire que la préservation de la biodiversité constitue un enjeu capital pour la survie de l’Homme et celle de notre planète. Au-delà de son apport fondamental à l’environnement, la biodiversité renforce l’économie, l’attractivité du territoire et offre une matière première essentielle favorisant l’innovation, notamment en matière agricole.

Il est donc indispensable de lutter contre l’érosion de la biodiversité et cet enjeu est loin d’être secondaire pour la France, où existe, tant en métropole qu’outre-mer, une réserve considérable de biodiversité.

Néanmoins, ce texte sur lequel nous travaillons depuis plus de deux ans ne doit pas opposer nos concitoyens car l’ensemble des acteurs économiques – les agriculteurs, les pêcheurs, les forestiers, les chasseurs – sont des acteurs majeurs de la biodiversité.

Le monde agricole, exaspéré et fragilisé par les crises, découragé par les contraintes toujours plus nombreuses, ne doit pas non plus être la cible de ce projet de loi …

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Dino Cinieri. …car les agriculteurs, notamment les éleveurs, sont indispensables pour administrer la biodiversité, dans la confiance et la responsabilité.

Ce que nous souhaitons, c’est que ce projet de loi aboutisse à une véritable démarche partenariale et non à une écologie punitive.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Dino Cinieri. La préservation de la biodiversité peut ne pas être un obstacle au développement économique. C’est cet équilibre qu’il nous faut trouver.

Ce texte tend à compléter les lois « Grenelle I » et « Grenelle II » qui avaient posé les bases d’une nouvelle ambition environnementale de la France et inscrit dans notre paysage législatif des outils inédits, parmi lesquels les trames vertes et bleues, la prise en compte de l’environnement par les documents d’urbanisme ou la lutte contre la production de déchets.

Mais il risque de perdre sa force en s’éparpillant : je pense en particulier à la taxe Nutella créée à l’article 27 A.

Le texte qui nous revient du Sénat contient plusieurs avancées, comme l’adoption de la définition des cours d’eau ; la reconnaissance du principe de complémentarité entre agriculture et environnement et des services environnementaux rendus par les agriculteurs ou la compensation par l’État du coût supporté par les collectivités pour la mise en œuvre du dispositif d’exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties en sites Natura 2000. En outre, la végétalisation des toitures et des aires de stationnement des centres commerciaux est avancée au 1er mars 2017 et la nouvelle rédaction de l’article 59 bis B précise que les fusions de communes n’entraîneront pas systématiquement celles des associations communales de chasse agréées.

Toutefois, certains articles, tels qu’ils sont rédigés aujourd’hui, pourraient avoir des conséquences importantes pour les exploitations agricoles. C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe Les Républicains et avec mon ami Lassalle, nous avons déposé de nombreux amendements à l’occasion de cette nouvelle lecture.

Nous y reviendrons en détail mais il est par exemple important de préciser le caractère « notable » des atteintes à la biodiversité dans l’application du principe « éviter, réduire, compenser », ou ERC, pour se conformer au droit européen.

Je pense aussi que nous aurons un long débat sur l’interdiction des néonicotinoïdes en France dès le 1er septembre 2018, interdiction qui ne semble absolument pas réaliste, de même que celle de la mise en culture des semences de colza et de tournesol issues de la mutagenèse, introduite par un amendement de notre rapporteure en commission la semaine dernière. En effet, madame la rapporteure, les variétés tolérantes aux herbicides – VTH – présentent un intérêt certain, du point de vue économique et environnemental comme du point de vue de la santé publique.

Je voudrais à ce propos citer deux ministres, madame la rapporteure, car nous avons entendu tout et son contraire ces derniers temps…

Le ministre Stéphane Le Foll, en déplacement dans le Gers le 30 juillet 2013, a dit que « les VTH ne sont pas des OGM ».

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Nous le savons !

M. Dino Cinieri. Jean-Marie Le Guen, secrétaire d’État aux relations avec le Parlement, l’a affirmé clairement lui aussi à l’Assemblée nationale, le 15 avril 2014. Je le cite : « Vous parliez du tournesol et du colza. Nous avons été très précis et nous n’avons jamais accepté l’amalgame que certains ont voulu faire entre la mutagenèse et la question des OGM. Vous ne pouvez pas ramener la représentation démocratique, la majorité parlementaire qui a été élue par une majorité de Français, à des positions d’activistes tout à fait minoritaires dans la société. Cette vision totalement caricaturale et finalement idéologique de la majorité n’est pas correcte : elle ne correspond pas à la réalité et n’est pas à la hauteur du débat ».

Ne disposant que de cinq minutes, je ne peux évoquer tous les points qui soulèvent des problèmes…

Mme la présidente. Eh non !

M. Dino Cinieri. …mais nous aurons l’occasion d’y revenir lors de l’examen des articles qui restent en discussion et des quelques 442 amendements qui ont été déposés. (Applaudissements sur les bancs du groupe Les Républicains.)

M. Jean Lassalle. Vous êtes un juste, monsieur le député !

Mme la présidente. La discussion générale est close.

La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État chargée de la biodiversité. Quelques mots, mesdames et messieurs les députés, pour vous remercier de cette discussion générale fort instructive qui, je le sens, laisse présager des débats passionnants.

Je remercie Mme Le Dissez d’avoir tout simplement rappelé les chiffres de la biodiversité, aujourd’hui, en France, lesquels remettent en cause certaines idées reçues que j’ai notamment entendues au Sénat, certaines personnes jugeant qu’il n’est plus possible de faire quoi que ce soit dans notre pays parce que notre droit aurait mis la nature sous cloche. Les chiffres que vous avez cités prouvent, malheureusement, que la nature n’est pas si protégée que cela.

Je vous remercie également d’avoir apporté par votre voix le soutien du groupe socialiste, écologiste et républicain, dont nous aurons bien besoin ce soir.

Monsieur Sermier, votre intervention a été elle aussi très intéressante.

M. Antoine Herth. C’est ironique ! (Sourires)

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Elle a en effet confirmé que, malgré toute la volonté qui est la nôtre – ainsi que la vôtre, j’en suis sûre – de mener un débat constructif, la tendance n’en est pas moins à la caricature et au procès d’intention. Je m’emploierai à vous prouver de manière argumentée que vous faites erreur : il n’est absolument pas question de mettre la nature sous cloche, au contraire ! Je veux montrer – et je pense que j’y suis déjà quelque peu parvenue même si je vais continuer à essayer de vous convaincre – que préservation voire reconquête de la biodiversité et développement économique peuvent aller de pair. C’est même la condition de notre avenir et du développement durable.

Par ailleurs, je constate que nous devrons revenir sur un certain nombre de points, notamment sur l’application du Protocole de Nagoya. Les chiffres que vous avez avancés à propos de la contribution des entreprises sont manifestement incompris. J’ai mené des discussions avec des professionnels, notamment de l’entreprise Yves Rocher – qui est très engagée dans cette démarche – et ces incompréhensions imposent que nous levions un certain nombre d’incertitudes.

M. Jean-Marie Sermier. Avec plaisir !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Nous le ferons tout à l’heure et j’espère que cela nous permettra de nous retrouver tous ensemble pour un vote positif.

J’en viens à l’accusation selon laquelle nous préférerions l’idéologie au pragmatisme. Sans vouloir en rajouter, je voudrais vous dire que depuis que j’ai pris en main ce dossier, je suis allée sur le terrain, à la rencontre de tous les acteurs concerné, notamment les acteurs économiques ; j’ai également reçu au ministère les représentants de toutes les professions que vous avez mentionnées avec lesquels j’ai dialogué. Je ne peux donc pas vous laisser dire que ma politique se réduit à des postures.

Vous avez raison de vous féliciter de ce débat, monsieur Weiten, en considérant que de tels débats sont trop rares dans l’hémicycle. Il est en effet essentiel pour notre avenir de parler de ces questions et je vous remercie de l’avoir souligné. Vous avez également rappelé les apports du Grenelle de l’environnement, que nous consolidons avec ce projet de loi.

Vous avez évoqué les nombreux acteurs concernés, notamment les agriculteurs – j’y reviendrai. Vous avez aussi évoqué, après d’autres, une prétendue cacophonie gouvernementale. Je tiens à vous rassurer sur ce point qui, je le sais, vous inquiète beaucoup : c’est au nom de tout le Gouvernement que je m’exprime aujourd’hui, sur tous les sujets, y compris celui des néonicotinoïdes. Sur ce point, je porte, outre ma propre parole, celle de Ségolène Royal et de Stéphane Le Foll.

Je vous remercie également d’avoir fait part de votre satisfaction s’agissant de toutes les dispositions relatives à l’outre-mer. Je crois que de nombreux collègues vous suivent sur ce point.

Vous avez eu raison, Joël Giraud, de rappeler que la France est le cinquième « point chaud » de la biodiversité mondiale : cela méritait d’être rappelé afin de renforcer notre sentiment de responsabilité vis-à-vis de nos concitoyens mais aussi du reste du monde.

Vous avez évoqué la nécessité d’un effort pédagogique via ce projet de loi mais aussi au travers d’un certain nombre d’initiatives que je prendrai d’ici l’année prochaine : je travaillerai en effet beaucoup dans cette perspective car, à la différence de la question du changement climatique, celle de la préservation de la nature et de la biodiversité doit encore mûrir dans les esprits, quels qu’ils soient, tant du côté des citoyens que des différents acteurs en présence.

Patrice Carvalho a rappelé lui aussi l’importance de l’outre-mer, qui confère à la France une place unique dans le monde. Il a, comme d’autres, remercié Geneviève Gaillard pour son travail et je le fais à mon tour. Le vote favorable du groupe GDR constitue une avancée qui témoigne que la majorité peut se retrouver sur des sujets importants. Je l’en remercie.

Chantal Berthelot, vous avez abordé plus précisément les questions relatives à l’outre-mer, notamment celle des mangroves. Le programme d’action territorialisé est absolument essentiel. J’ai assisté au colloque que vous avez évoqué et je peux vous assurer que je suivrai de près cette question ainsi que celle de l’application du Protocole de Nagoya, notamment en Guyane. J’avais prévu de m’y rendre mais je suis malheureusement contrainte de repousser ma visite puisqu’elle devait avoir lieu la semaine où le texte sera examiné au Sénat – je ne le sais que depuis quelques jours. Vous pouvez néanmoins compter sur moi pour venir dès que possible découvrir votre magnifique région et les populations qui ont fait, font et continuent de faire beaucoup en faveur de la biodiversité.

Bien sûr qu’il ne faut pas opposer agriculteurs et apiculteurs, monsieur Menuel ! Les agriculteurs, comme je le leur ai dit lors de nos nombreuses rencontres sur le terrain, ne doivent pas se sentir stigmatisés par qui que ce soit. Ce sont des travailleurs de la biodiversité qui ont aussi subi ou vécu – on peut le dire comme on veut – une politique agricole qu’on leur a demandé de suivre pendant des dizaines d’années.

Aujourd’hui, on leur demande de revoir leurs priorités à l’aune des nouvelles connaissances dont nous disposons. Ils doivent s’adapter, même si cela est très difficile pour eux, parce que c’est ainsi qu’ils prépareront leur avenir. Nous les accompagnerons en leur donnant des perspectives claires – c’est en cela que nous divergeons sur la question des néonicotinoïdes – de manière à stabiliser enfin la situation. Pour ce faire, nous devons prendre des mesures qui leur permettent de se projeter dans l’avenir.

Je ne doute pas que nous réussirons à trouver des solutions mais je peux vous garantir qu’il n’est absolument pas question pour le Gouvernement de laisser les agriculteurs au bord de la route. Au contraire, nous serons à leur côté. Non seulement ils sont les premiers acteurs de la biodiversité mais ils sont malheureusement aussi les premières victimes des désastres sanitaires liés aux pesticides.

Vous avez également dit que la biodiversité est un capital à préserver. Au risque – n’écoutez pas, de l’autre côté de l’hémicycle (Sourires) ! – de paraître plus capitaliste que vous, j’ose dire qu’il faut le faire fructifier car le préserver ne suffit pas.

M. Jean-Marie Sermier. Vous avez lu la Bible !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Non !

Suzanne Tallard, mais aussi d’autres parlementaires avant elle, ont évoqué deux conceptions de la biodiversité. Je suis d’accord avec les propos de Mme Gaillard sur cette question : ces deux conceptions peuvent en effet se rejoindre et se concilier. Nous devons dès lors travailler afin que ces dernières intègrent un nouveau modèle économique, comme vous l’avez dit, qui nous permettra de travailler et de préparer l’avenir pour nous-mêmes et pour nos jeunes. Je pense que c’est très important.

Vous avez fait part de votre satisfaction quant à l’intégration dans la loi du préjudice écologique : je m’en félicite également. Il s’agit d’une belle avancée – parlementaire pour le coup. Vous avez magnifiquement cité les magnifiques propos d’Edgar Morin. J’aime beaucoup ces mots qui affirment que, pour devenir citoyen de la terre, nous devons impérativement changer notre façon de l’habiter. C’est tout l’objet de ce projet de loi.

Jean Lassalle, vous nous avez fait partager un rêve. Je retiens vos propos sur ces hommes et sur ces femmes qui aiment tant la nature qu’ils ont décidé de vivre près d’elle, en lien avec elle. Depuis ma nomination, j’en ai rencontré beaucoup et j’ai pu constater leur passion, leur amour…

M. Gérard Menuel. C’est romantique ! (Sourires)

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. …et les connaissances, très importantes, qui sont les leurs et qu’ils aiment transmettre. Il est d’autres personnes dont vous n’avez pas parlé – mais je pense que c’est d’elles aussi que vous vouliez parler – et que j’ai aussi rencontrées : toutes les personnes qui ont choisi de travailler dans ce domaine de la protection de la nature et de la biodiversité. Elles sont aujourd’hui concernées au premier chef par ce projet de loi et elles sont très attentives à ce qui va se dire et à ce qui va se passer. Je profite de l’occasion que vous me donnez pour rendre hommage à leur passion et à leur travail car ce sont des professionnels de grande qualité, bien formés et dont nous avons bien besoin.

Vous nous avez, François-Michel Lambert, cher François-Michel, qui êtes toujours aussi investi dans ce domaine, offert une belle citation de Bashung, l’un des premiers à évoquer les apiculteurs dans ses chansons.

Vous avez évoqué des sujets un peu complexes mais qui sont importants : les néonicotinoïdes et l’huile de palme. Sur ce dernier point, vous avez raison : nous devons trouver les moyens de ne discriminer personne. Nous ne sommes pas là pour stigmatiser tel ou tel pays – nous aussi, nous avons fait des erreurs ! Mais nous devons essayer, sans faire de discrimination, de trouver les moyens de promouvoir tout ce qui peut favoriser la protection de l’environnement d’une manière générale. Notre fiscalité doit ainsi favoriser tout ce qui peut être certifié de manière durable. Je ne doute pas que nous trouverons les solutions pour mettre tout cela en place – nous aurons ainsi réalisé un grand pas. C’est cela, la fiscalité « écolo » ! Ce n’est pas de l’écologie punitive ! Au contraire : c’est une écologie qui récompense, qui permet d’aller de l’avant et qui est positive.

Vous avez dit qu’il fallait réconcilier les mondes de l’écologie : c’est ce que nous essayons de faire aujourd’hui. Je suis très optimiste quant à nos chances de succès car le travail accompli, notamment en commission, me permet d’espérer en l’avenir de ce texte.

Dino Cinieri, je vous remercie pour avoir, à la fin de cette discussion générale, défendu une vision constructive en égrenant un certain nombre de points sur lesquels vous avez formulé des propositions. Vous avez réussi – presque jusqu’au bout ! – à éviter toute caricature. Vous avez ainsi évoqué des éléments aussi concrets que la végétalisation des toitures et des parkings des centres commerciaux. Nous comptons également être le plus concrets possible dans l’examen de ce projet de loi, contrairement à ce que certains prétendent. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Discussion des articles

Mme la présidente. J’appelle maintenant, dans le texte de la commission, les articles du projet de loi.

Article premier

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Je commencerai également par des remerciements, adressés cette fois à notre rapporteure, Mme Geneviève Gaillard, qui au fil des semaines, des mois et des années a su écouter et entendre les diverses propositions et faire pour le mieux alors que sa position est particulièrement difficile. Je voudrais aussi la remercier d’avoir, au cours de ces débats, défendu une ligne claire, qui est le reflet de ses convictions.

J’aimerais également remercier le président Jean-Paul Chanteguet, pour ses convictions mais aussi pour la façon dont il a présidé nos débats en commission, lui qui nous a fait partager des moments très instructifs, notamment lors des auditions, sur des sujets qui concernent de très près ce projet de loi.

Je crois qu’il sera difficile de trouver un consensus sur ce texte, étant donné la ligne de fracture nette qui est apparue au fil de ces mois, et même de ces années de débats. Il y a, d’un côté, ceux qui tiennent la biodiversité pour ce qui doit être absolument préservé, absolument protégé, et dont nous devons absolument préserver l’avenir, non pas au service des hommes et des femmes, mais pour elle-même, en tant qu’elle est l’avenir de la planète ; de l’autre, ceux pour qui la biodiversité ne peut être que complémentaire aux activités humaines, qui ont toujours affirmé, au cours de ces débats, que les meilleurs défenseurs de la biodiversité étaient ceux qui travaillaient au plus près de la nature et des sols, les agriculteurs et les chasseurs, qui prétendent être les meilleurs défenseurs de la biodiversité.

Mme la présidente. Merci de conclure, madame la députée.

Mme Laurence Abeille. Ce projet de loi est important et nos votes vont déterminer l’ambition que nous aurons pour la biodiversité de notre pays.

M. Jean-Yves Caullet. Ce sont plutôt nos ambitions qui vont déterminer nos votes !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor. « Le monde contient bien assez pour les besoins de chacun, mais pas assez pour la cupidité de tous. » Cette citation de Gandhi traduit bien la problématique de la biodiversité : la quête effrénée de profits a conduit l’homme à maltraiter la nature et à se maltraiter lui-même. En outre-mer, nous en payons aujourd’hui le lourd tribut, puisque nous détenons aujourd’hui le record du monde des cancers du sein et de la prostate.

Les agriculteurs n’ont pas vocation à être des empoisonneurs, mais des protecteurs, les premiers protecteurs de l’environnement. Ceux qui les confortent dans la voie mortifère du profit, à n’importe quel prix, ne leur rendent pas service quand le prix à payer est encore plus lourd en termes de santé publique et de perte de biodiversité.

Au-delà des discours incantatoires, ce qui ressort de l’examen de ce texte, chez nous, en outre-mer, c’est de l’amertume, parce que vous prétendez enrayer la perte de la biodiversité sans nous, ou en nous maintenant dans une position subalterne.

M. Jean Lassalle. Très bien !

M. Jean-Philippe Nilor. Nous prétendons avoir toutes les capacités pour contribuer, avec vous, à la protection de cette biodiversité. En faisant preuve d’une telle surdité, d’une telle cécité face à notre revendication légitime d’occuper la place qui nous revient naturellement au sein des institutions censées régir la biodiversité, vous piétinez vous-même le principe fondamental de la biodiversité, qui est la non-exclusion. Par son caractère objectivement excluant, ce texte est décevant.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Je dois dire au préalable que je trouve extrêmement singulier de discuter d’un texte sur la biodiversité immédiatement après que la gauche de cette assemblée a, cet après-midi, refusé de lutter réellement contre la GPA. (Exclamations sur quelques bancs du groupe socialiste, écologiste et républicain.)

Mme Martine Lignières-Cassou. Oh !

M. Jacques Bompard. Ce comportement souligne les drames de la logique du progressisme militant, destructeur de toute faiblesse, de toute fragilité, de toute différence, qu’il s’agisse de la nature ou de l’homme.

On ne peut qu’être favorable à la biodiversité, à condition que cette reconquête se pense comme une réhabilitation des petites patries, dans la défense de l’identité de leur territoire et de leur paysage.

Au lieu de cela, l’article 1er ouvre le texte par la définition suivante : « On entend par biodiversité, ou diversité biologique, la variabilité des organismes vivants de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres, marins et autres écosystèmes aquatiques, ainsi que les complexes écologiques dont ils font partie. » J’ai failli m’étouffer en lisant cela – ce qui n’est pas très écologique. Je vous assure que le paysan du Vaucluse, le vigneron et le maraîcher de mon pays n’y comprendront rien : ils expliqueront alors, à raison, que ce que nous avons fait ici, c’est de l’écologie politique et que nous n’avons pas réellement défendu leur terre.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Yves Caullet.

M. Jean-Yves Caullet. J’aurais souhaité, pour rendre hommage à ceux qui m’ont enseigné le peu de biologie que je connais, qu’il soit fait mention de la diversité biologique mais aussi pédologique. On a omis ce dernier mot, qui désigne la science des sols, et on lui a préféré l’expression plus vague de « sols ». Or, d’un point de vue sémantique, mentionner successivement la diversité biologique, la géodiversité et les sols n’est ni très joli, ni très exact. Je sais que mon souhait est voué à l’échec : il a juste le mérite de l’esthétique.

M. Thierry Benoit. Il a raison !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Parce que tout compte dans un débat, j’aimerais dire tout d’abord que nous avons de la chance d’avoir une secrétaire d’État à la diversité souriante et agréable – je vous assure que cela n’a pas toujours été le cas.

Mme Catherine Coutelle. Ça va !

M. Jean Lassalle. Cela a son importance car, selon ce que l’on incarne, selon ce que montre notre visage, c’est la confiance ou au contraire la méfiance qui s’installe. Je ne sais pas ce que vous deviendrez, madame Pompili, vous irez certainement très loin, mais je veux dire que vous inspirez confiance, même à quelqu’un qui a beaucoup de raisons de se méfier de tout ce qui touche à la protection de la nature vue de Washington ou de Nagoya, si vous voyez ce que je veux dire.

Puisque vous connaissez les hommes et les femmes qui aiment ces territoires – vous l’avez très bien démontré –, et pour revenir à une question soulevée au Sénat, pourquoi continuer à promouvoir ces fameuses réserves Natura 2000 ? Pourquoi avons-nous besoin de cela ? Ne sommes-nous pas capables de nous faire confiance, dans un pays comme le nôtre ? Ne sait-on pas où sont les véritables amoureux de la nature ?

Oui, madame, vous avez eu raison de rappeler qu’il y a, au sein des associations, des hommes et des femmes qui aiment passionnément la nature et qui lui consacrent beaucoup de leur temps. Il ne faut pas les induire en erreur : les grands enjeux, chez nous, ne relèvent pas de la protection de la biodiversité. Nous faisons tout ce que nous pouvons, et nous le faisons plutôt bien…

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Lassalle.

M. Jean Lassalle. Il me reste quelques secondes, madame la présidente ! Tout le monde reconnaît que la France mérite des mauvais points, mais certainement pas en matière de protection de la nature. La financiarisation est un problème beaucoup plus préoccupant – j’y reviendrai.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n368.

M. Jacques Bompard. Cet amendement pourrait paraître anodin, mais je le crois d’importance, compte tenu de la nature du texte que nous examinons.

La nature est par essence indivisible. Au cours de l’histoire, sa conception fut l’objet d’une série de débats philosophiques, religieux, puis, très malheureusement, économiques. Je fais partie de ces élus enracinés qui se moquent profondément des étiquettes et des interprétations médiatiques mais pour qui le bon sens provençal fut la meilleure des écoles. Or le bon sens provençal a conservé cette ancienne conviction d’Aristote que la nature est un tout, une étendue.

Descartes est venu plus tard nous rappeler qu’il nous appartient de la dominer, c’est-à-dire de la magnifier mais en la respectant. En précisant les expressions de la nature, vous laissez en réalité la porte ouverte à tous ceux qui voudraient la morceler, l’adapter à leur appétit financier ou mercantile. Acceptez donc que l’harmonie n’ait pas besoin de la loi et que, par « nature », chacun, dans son bon sens, entende de quoi nous parlons, dans la mesure – et dans la mesure seulement – où le matérialisme ne règne pas en maître car c’est le matérialisme, tous les matérialismes, qui détruisent la nature.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Permettez-moi de vous dire, monsieur Bompard, avec tout le respect que je vous dois, que cet amendement est assez incompréhensible.

Aujourd’hui, le code de l’environnement parle des espaces, des ressources et des milieux naturels terrestres et marins. Votre argumentaire relatif à la res nullius n’a donc pas grand sens.

S’agissant du principe de bonne légistique, nous aurions peut-être dû l’introduire dans notre article 1er : cela nous aurait évité certaines interventions. La commission a repoussé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. L’avis du Gouvernement est défavorable. Vous voulez supprimer un apport qui consacre le rôle particulier que joue le milieu marin dans la politique de la biodiversité en France. Or cet apport est très bien venu, compte tenu de l’importance de notre domaine maritime et des ressources de celui-ci.

(L’amendement n368 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements identiques, nos 96, 118, 208, 375 et 399.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n96.

M. Dino Cinieri. La définition du « patrimoine commun de la nation » sera complétée par cette loi, avec une définition de la biodiversité, qui consiste en la variabilité des organismes vivant de toute origine, y compris les écosystèmes terrestres. Cette loi vise en effet à préserver la biodiversité de tous les écosystèmes. Or la biodiversité des sols est une composante à part entière des écosystèmes terrestres.

Il paraît néanmoins nécessaire de préciser que ce sont les processus biologiques des sols et la géodiversité qui contribuent au patrimoine commun de la nation.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n118.

M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement vise à faire respecter le droit de propriété, qui s’applique aux sols, et à ne pas les confondre avec les biens communs que sont l’air et l’eau. C’est pourquoi il paraît nécessaire de préciser que ce sont les processus biologiques des sols, et la géodiversité, qui contribuent au patrimoine commun de la nation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n208.

Mme Jeanine Dubié. Afin d’éviter toute confusion et de préciser que l’on n’entend pas ici les sols dans le sens que leur donnent le code civil et le droit de propriété, cet amendement entend préciser que ce sont les processus biologiques des sols qui contribuent au patrimoine commun de la nation.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement n375.

M. Jean-Marie Sermier. Mes collègues l’ont bien dit : le mot « sol » a deux sens, puisqu’il peut désigner à la fois la propriété d’un terrain et un substrat végétal. Or c’est bien dans son second sens que nous le considérons ici.

Comme Jean-Yves Caullet l’a justement fait remarquer, il aurait été préférable d’introduire le terme « pédologique ». Mais, puisque nous n’en sommes plus là, la meilleure solution consisterait à substituer, à l’alinéa 6, à la seconde occurrence du mot « les », le mot : « des ».

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Heinrich, pour soutenir l’amendement n399.

M. Michel Heinrich. Ce texte confond la biodiversité des sols et le sol en tant qu’il est soumis au droit de propriété. Puisque les sols ne peuvent être assimilés à des biens communs, il est nécessaire de préciser que ce sont les processus biologiques des sols qui contribuent au patrimoine commun de la nation.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Je ferai d’abord remarquer à mes collègues que la pédologie désigne l’étude des sols, qui n’est pas précisément l’objet de ce projet de loi. Ensuite, je voudrais répéter une fois de plus que le droit de propriété n’est absolument pas concerné par ce projet de loi.

Par ailleurs, l’année 2015 a été, pour l’Organisation des nations unies, l’année des sols, en général, qui contribuent effectivement à la biodiversité par un certain nombre de processus.

En adoptant la rédaction que vous proposez et en mentionnant le « processus biologiques des sols », on restreindrait les processus biologiques à ceux des sols, ce qui n’est pas le sens de l’article du code de l’environnement en cause.

La commission est donc défavorable à ces amendements dont la rédaction est trop restrictive.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Je partage l’avis de la rapporteure. Les amendements proposés visent à restreindre les processus biologiques à ceux qui concernent les sols. Or ce sont bien tous les processus biologiques, qu’ils concernent les sols ou tout autre milieu – aquatique, marin ou la géodiversité – qui concourent à la constitution de notre patrimoine naturel. Je suis donc défavorable à ces amendements.

(Les amendements identiques nos 96, 118, 208, 375 et 399 ne sont pas adoptés.)

(L’article 1er est adopté.)

Article 2

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, première oratrice inscrite sur l’article.

Mme Laurence Abeille. L’article 2 est extrêmement important en ce qu’il introduit des notions fondamentales, comme l’objectif qu’il n’y ait plus de pertes nettes de biodiversité voire qu’on tende vers un gain de biodiversité, la confirmation du triptyque « éviter, réduire et compenser », le principe de solidarité écologique ou celui de non-régression.

Je rappelle notre opposition à l’introduction d’un principe de l’utilisation durable « selon lequel la pratique des usages peut être un instrument qui contribue à la biodiversité » qui affaiblit la portée de l’article. Nous n’avons pas déposé d’amendements à ce propos car nous l’avons fait sans succès lors de la lecture précédente mais nous tenons à réitérer l’expression de nos craintes quant à l’introduction d’un tel principe, qui nous semble pour le moins superfétatoire.

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle Bonneton.

Mme Michèle Bonneton. Madame la secrétaire d’État, madame la rapporteure, monsieur le président de la commission, mes chers collègues, l’article 2, dans sa rédaction issue des derniers travaux de la commission, présente des dispositions indéniablement progressistes. Le principe de non-régression en matière de protection de l’environnement et donc de la biodiversité, qui figure à l’alinéa 15, signifie qu’il ne sera plus possible de prendre des décisions portant atteinte à l’environnement et à la biodiversité. Toute action y portant atteinte devrait être impérativement compensée. C’est un principe d’action, d’ailleurs reconnu par l’Union européenne.

L’alinéa 12 consacre le principe de solidarité écologique. Il oblige les pouvoirs publics à prendre en compte les impacts de leurs décisions sur la biodiversité, dont on sait qu’elle subit un grave recul, au point que certaines espèces sont menacées. Certains amendements à l’article 2 tendent à réduire la portée de ce principe. Je pense que ce serait une très grave erreur.

D’autres dispositions de cet article posent question. C’est le cas, aux alinéas 14 et 13, du principe de complémentarité entre l’environnement, l’agriculture et la gestion durable des forêts. Ce ne sont pas ces principes en eux-mêmes qui posent problème mais l’interprétation juridique qui pourrait en être faite, dans la mesure où les termes de « complémentarité » et de« durabilité » n’ont pas véritablement de contenu juridique. La notion d’agroécologie, que nous avons déjà largement introduite dans notre droit, permettrait de les préciser. Nous souhaitons que des décrets dissipent ce flou juridique.

Cet article marque une nouvelle étape dans la reconnaissance de l’importance de l’environnement et de la biodiversité, ce qui ne s’oppose en rien à un développement de l’économie intelligent et durable. Il y va de l’avenir de l’humanité.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Bompard.

M. Jacques Bompard. Une atteinte à l’environnement est une rupture de l’ordre qui règle la vie. Vous le savez, deux positions concurrentes existent quant à l’analyse de la richesse de la biodiversité. Pour les uns, la nature est un dieu qu’il ne s’agirait en aucun cas de déranger. En cela, et en cela seulement, une certaine tendance écologiste rejoint certaines dimensions du monde primitif, qui vit en symbiose avec la nature. Pour les autres, l’ordre naturel est d’abord et avant tout le lieu d’expression et d’accomplissement du bien commun. Aussi convient-il de préciser la nature des atteintes faites à l’environnement, lequel, pour moi, n’est pas un dieu mais une condition du possible.

Or il semble que cette partie du texte sombre dans l’idéologie panthéiste. Ainsi – et c’est assez représentatif du texte – les expressions « préservation des continuités écologiques » et « services environnementaux qui utilisent les fonctions écologiques d’un écosystème pour restaurer, maintenir ou créer de la biodiversité », à la fin de l’alinéa 8, sont absolument incompréhensibles pour toute personne en contact fréquent avec la nature. L’objectif du projet de loi est de ce fait difficile à comprendre, ce qui revient à laisser à des technocrates le soin de définir ce qui devrait relever du bon sens.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Au contraire, c’est très facile à comprendre !

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Lassalle.

M. Jean Lassalle. Essayons de clarifier, aux yeux du monde entier et d’abord de la France, cette notion de biodiversité en rappelant la grandeur et la générosité du projet mais aussi à quel point il est pourri par les faiblesses que nous avons à l’égard de pollueurs notoires. Je ne comprends pas qu’on continue à faire des cadeaux à la fondation cosmétique Yves Rocher. Je sais bien que ce groupe est à la mode et il aurait peut-être financé ma campagne électorale avant que je ne dise cela – mais ça ne fait rien. Qu’il paie, lui aussi !

Pourquoi certains sont-ils obligés de trimer alors que d’autres reçoivent des cadeaux royaux ? Ceux qui polluent ne paient pas, sinon pour acheter le silence. Je sais que je ne serai pas tout de suite entendu mais je prendrai le temps de me faire comprendre parce que je suis patient. Avec l’argent qu’ils nous doivent, nous pourrions financer des associations telles que Kokopelli, qui fait un travail considérable pour préserver les semences anciennes et paysannes. Nous pourrions aider ces hommes et ces femmes qui sauvent des races rustiques, qu’il s’agisse de vaches, de brebis, ou d’autres espèces très productives et que nous ne pouvons pas financer.

Enfin, si nous pouvions en finir avec cette horreur absolue que sont les parcs nationaux ! La France est un pays de liberté : elle n’a besoin ni de ces parcs, qui divisent inutilement la population, ni de la réintroduction des ours ou des loups – il y en a maintenant assez, Dieu merci ! Il ne faut pas mettre à feu et à sang des campagnes dans lesquelles il ne reste qu’une chose à réintroduire : des hommes, des femmes, des enfants, bref une véritable vie pour redonner un espoir à la France et au monde.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Madame la secrétaire d’État, vous avez dit vouloir concilier développement économique et protection de l’environnement. Comment expliquez-vous alors que votre gouvernement soutienne des projets qui contreviennent à ce beau principe ?

Je pense notamment à un projet d’éolienne en mer que le Gouvernement veut nous imposer au sud de la côte d’Opale, dans un couloir majeur de circulation et de traversée des oiseaux migrateurs, dans des zones essentielles pour l’activité des marins pêcheurs. On va détruire et abîmer des paysages qui sont le premier atout d’un territoire vivant essentiellement de l’économie touristique. C’est bien beau de tenir des grands discours dans l’hémicycle ; encore faut-il que le Gouvernement écoute sur le terrain les acteurs économiques, les protecteurs de l’environnement et tous ceux qui sont attachés à concilier protection de l’environnement et développement économique.

S’agissant plus précisément de l’article 2, je voudrais dénoncer le principe de non-régression, qui ne figurait pas dans le texte initial. Comment pouvez-vous accepter l’introduction d’un principe qui figera le droit de l’environnement de façon absurde ? Que se passera-t-il si, par exemple, une espèce protégée se met à proliférer au point de devenir nuisible ? On ne pourra pas revenir en arrière. Que se passera-t-il en cas de découvertes scientifiques, de nouveaux comptages ou analyses ? On ne pourra pas tenir compte de ces avancées de la science. Il y a là un risque d’interprétations divergentes qui peut être source de contentieux. Est-il vraiment utile d’encombrer des tribunaux qui peinent déjà à interpréter le principe de précaution ?

En outre, le principe « éviter réduire et compenser » suffit déjà à traiter cette question. Enfin le principe de non-régression contredit totalement l’alinéa 5 de l’article 2. Nous déposerons donc un amendement qui tend à revenir à la rédaction initiale et à supprimer ce principe de non-régression, qui n’a rien à faire dans ce texte.

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements à l’article 2. La parole est à M. Jacques Bompard, pour soutenir l’amendement n367.

M. Jacques Bompard. Je l’ai dit précédemment, les députés ont vraiment l’impression que ce texte, dans sa rédaction issue de l’Assemblée nationale, n’est pas écrit pour ceux qui travaillent dans la nature mais pour et par ceux qui fantasment sur la nature. La nature n’est pas une revue de presse ou une note d’experts stipendiés ; c’est une réalité que l’homme a toujours façonnée. Comme en toute chose, la mesure doit s’y imposer mais l’idéologie devrait surtout en être exclue.

Aux termes du futur article L. 110-1 du code de l’environnement « les espaces, ressources et milieux naturels, les sites et paysages, la qualité de l’air, les espèces animales et végétales, la diversité et les équilibres biologiques auxquels ils participent font partie du patrimoine commun de la nation. » Voulez-vous, par cette nouvelle formulation, défendre les connaissances de ceux qui vivent auprès de la nature ? Vous vous tromperiez parce qu’en voulant conserver les savoirs traditionnels, vous permettriez aux profiteurs de la loi d’avoir recours à des techniques juridiques pour exploiter cette connaissance, comme on le voit déjà depuis plusieurs années en matière de commercialisation des céréales. Encore une fois, l’idéologie prêterait le flanc à l’exploitation économique et financière de ceux qu’elle prétend défendre.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Toujours avec le respect que je vous dois, monsieur Bompard, je n’ai pas trouvé de relation entre votre amendement et le texte que nous examinons. Je dois probablement fantasmer sur la nature ! Votre argumentaire fait d’ailleurs référence à l’article 1er.

La commission a émis un avis défavorable à cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Avis défavorable pour les mêmes raisons.

(L’amendement n367 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 18 rectifié, 191 rectifié, 284, 97, 119, 313, 400, 209 et 378, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 18 rectifié et 191 rectifié, ainsi que les amendements nos 97, 119, 313, 400, et les amendements nos 209 et 378 sont identiques.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n18 rectifié.

M. Dino Cinieri. Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’alinéa telle qu’issue des travaux au Sénat en première lecture. En effet la nouvelle rédaction proposée réduit le champ d’application du principe « éviter, réduire, compenser » – ERC –, qui doit s’appliquer à toutes les composantes de l’environnement.

Or, à côté de l’objectif de réduction des atteintes à la biodiversité, les décisions publiques doivent aussi être guidées par la nécessité de lutter contre les changements climatiques, de contribuer à un environnement respectueux de la santé et à une meilleure qualité de l’air ou encore de préserver les paysages. Ce principe est également rappelé au sein des lignes directrices rédigées par le ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie en 2013. Il ne convient donc pas d’y contrevenir.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n191 rectifié.

M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement vise à revenir à la rédaction du Sénat. La rédaction proposée réduit le champ d’application du principe « éviter, réduire, compenser », qui doit s’appliquer à toutes les composantes de l’environnement. L’objectif est bien de réduire les atteintes à la biodiversité.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement n284.

M. Yannick Favennec. Je défendrai à la fois les amendements n284 et n373, si vous me le permettez, car leur objet est similaire. Ils visent à préciser le principe « éviter, réduire, compenser » en revenant à une rédaction plus équilibrée. Depuis la loi relative à la protection de la nature de 1976, ce principe est inscrit dans le code de l’environnement. Il est mis en œuvre pour les décisions publiques ainsi que pour les projets publics ou privés ayant une incidence notable sur l’environnement. Ce triptyque est également inscrit dans le droit européen depuis une directive de 1985. Il n’est donc pas nécessaire d’en modifier la portée.

Ainsi, par cet amendement, nous proposons de limiter l’application de ce principe aux atteintes significatives – c’est l’objet de l’amendement n284 –, ou notables – c’est l’objet de l’amendement n313 – à l’environnement. Cette précision permettra d’éviter les dérives et bien des problèmes d’interprétation juridique.

Mme la présidente. La parole est à Mme Véronique Louwagie, pour soutenir l’amendement n97.

Mme Véronique Louwagie. Le principe « éviter, réduire, compenser » – ERC – est une des dispositions de la transposition en droit français de la directive 2011/92/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011, modifiée par la directive 2014/52/UE concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement.

Cette directive exige des États membres qu’ils mettent en place des dispositifs pour soumettre à autorisation et à évaluation les projets publics ou privés susceptibles d’avoir des incidences notables sur l’environnement.

Au-delà de la traduction des termes de la directive en droit français, il convient de qualifier les atteintes à la biodiversité visées par le principe « éviter, réduire, compenser », inscrit dans les principes du droit de l’environnement, par le mot « notables », qui est utilisé dans la directive.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Louis Costes, pour soutenir l’amendement n119.

M. Jean-Louis Costes. La directive européenne ne prévoit de sanctionner que des atteintes notables à la biodiversité. Or, en supprimant le mot « notables », vous voulez laver plus blanc que la directive, ce qui porterait, en termes juridiques, un nouveau coup à la façon dont nous traitons la biodiversité.

C’est pourquoi je vous propose de revenir à la directive européenne en rajoutant le mot « notables ».

Mme la présidente. L’amendement n313 a déjà été défendu.

La parole est à M. Michel Heinrich, pour soutenir l’amendement n400.

M. Michel Heinrich. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n209.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement, qui obéit à la même logique que les précédents, vise à éviter de surtransposer. C’est pourquoi il propose de qualifier les atteintes à la biodiversité de « non négligeables ».

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement n378.

M. Jean-Marie Sermier. Comme mes collègues l’ont rappelé, toute activité humaine s’accompagne nécessairement d’une atteinte à l’environnement. Considérer que toute atteinte à la biodiversité doit être compensée nous mettra dans une situation très difficile puisque toute activité humaine devra entraîner une compensation, ce qui risque évidemment de créer en grand nombre des contentieux juridiques non négligeables.

C’est pourquoi, madame la secrétaire d’État, nous souhaitons vous entendre sur ce que vous entendez par des atteintes importantes ou « non négligeables », pour reprendre les termes de l’amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Je tiens tout d’abord à rappeler, à la suite de M. Fasquelle, que le principe « éviter, réduire, compenser » date de la loi du 10 juillet 1976. À l’époque il n’avait été ni prévu ni voulu de lier ce principe à l’importance des atteintes à la biodiversité.

Or nous nous apercevons que la modification de ces mots nous plonge au cœur du principe de régression – j’anticipe sur le débat que nous aurons sur le sujet. J’ai expliqué dans mon propos liminaire que le principe de non-régression implique de ne pas revenir sur des dispositions législatives. Or ce que vous proposez, c’est précisément ce qu’à mes yeux il ne faut pas faire en matière de protection de la biodiversité. Le principe « éviter, réduire, compenser » existe déjà. Certains pensent même qu’il n’est pas suffisant. L’atténuer encore en ajoutant un adjectif qui qualifierait les atteintes à la biodiversité, ce serait faire bien pire que ce qui a déjà été fait jusqu’à présent.

Il y a une deuxième raison pour laquelle ces amendements ne conviennent pas, c’est que la rédaction que vous proposez omet la fin de l’alinéa 8 : « en tenant compte des espèces, des habitats naturels et des fonctions écologiques affectées. » Or il est important de conserver ces mots.

Je tiens, pour finir, à m’adresser à ceux qui veulent reprendre la directive européenne pour leur rappeler que nous n’y sommes pas obligés du tout, puisque nous pouvons aller plus loin.

M. Jean-Frédéric Poisson. C’est bien cela le problème.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. C’est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur tous ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Ces amendements qui, pour être différents, partagent toutefois le même esprit, visent à réintroduire les notions d’atteintes « significatives » ou « non négligeables ».

Comme la rapporteure, je tiens à rappeler qu’une directive n’est pas un règlement. Autant il faut appliquer un règlement à la lettre, autant une directive se contente de donner une direction : chaque État l’applique à sa manière.

L’objectif de l’article 2 est de compléter l’article L. 110-1 du code de l’environnement qui concerne la biodiversité et les principes qui s’y appliquent. Toutes les atteintes à l’environnement et à la biodiversité sont donc concernées. Or la rédaction actuelle du code de l’environnement ne qualifie pas ces atteintes, car elle vise un objectif général, qui doit le rester. Les rédactions que vous proposez ne conviennent donc pas.

C’est pourquoi je suis défavorable à tous ces amendements.

(Les amendements identiques nos 18 rectifié et 191 rectifié ne sont pas adoptés.)

(L’amendement n284 n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 97, 119, 313 et 400 ne sont pas adoptés.)

(Les amendements identiques nos 209 et 378 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Sur les amendements identiques nos 19, 103 et 401, je suis saisie par le groupe socialiste, écologiste et républicain d’une demande de scrutin public.

Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n19.

M. Dino Cinieri. Cet amendement supprime l’introduction d’un objectif d’« absence de perte nette » de biodiversité, voire de surcompensation.

L’introduction de ce principe fait craindre une instrumentalisation, à des fins contentieuses. C’est un argument de plus pour les opposants à certains projets de travaux et d’aménagements. En effet, qui peut juger d’une perte ou d’un gain de biodiversité ? Quelles sont les équivalences entre les espèces animales et végétales ? Quels seront les moyens utilisés pour cette évaluation ? Quel sera le niveau géographique d’appréciation : local, national, voire européen ou international ? De nombreuses entreprises françaises participent activement aux réflexions internationales, principalement à travers le Business and Biodiversity Offset Program : or ces questions n’ont toujours pas trouvé de réponses claires.

Par ailleurs, cette démarche va au-delà de la réglementation européenne. La Commission européenne reste d’ailleurs très prudente en ce qui concerne cette approche en raison de l’absence de méthode de mesure.

Avant d’entériner cet objectif, il semble donc opportun d’approfondir la façon de le décliner sur le plan pratique.

Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Menuel, pour soutenir l’amendement n103.

M. Gérard Menuel. Le principe « éviter, réduire et compenser les atteintes à la biodiversité » serait complété par un objectif de zéro perte nette de biodiversité, qui pourrait même tendre vers un gain net.

Les tribunaux seront dès lors saisis de nombreux litiges car cet objectif, inscrit dans les principes fondamentaux du droit de l’environnement, serait applicable à toute personne susceptible de détruire la biodiversité. Il obligerait ainsi chacun – particulier, entreprise, collectivité – à justifier que son projet n’a pas détruit de biodiversité, ou qu’il a pris toutes les mesures pour recréer la biodiversité détruite. Tous les projets pourraient être contestés devant le juge.

C’est pourquoi il convient absolument de supprimer les alinéas 9 et 10.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Heinrich, pour soutenir l’amendement n401.

M. Michel Heinrich. L’intention des alinéas 9 et 10 – démontrer que son projet n’a pas détruit de biodiversité ou que toutes les mesures ont été prises pour recréer la biodiversité détruite – est peut-être louable : ces alinéas créent en réalité les conditions d’une insécurité juridique. Sous ce prétexte en effet, n’importe quel projet d’aménagement, privé ou public, devient contestable devant le juge.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Ces amendements visent à supprimer l’objectif d’absence de perte nette : nous en avons déjà longuement discuté au cours de nos débats en commission et nous nous sommes prononcés à plusieurs reprises pour son maintien.

Je vous rappelle qu’il s’agit de préciser à l’article L. 110-1 le principe d’action préventive et de correction, qui ne doit pas être présenté de façon absurde. Ce texte vise la reconquête de la biodiversité : lorsque nous refusons toute perte nette et souhaitons même un gain de biodiversité, nous affichons la volonté active de tout faire pour éviter la disparition de la biodiversité.

De plus, ce principe est déjà appliqué dans la stratégie nationale pour la biodiversité. Il n’est donc pas nouveau et chacun a pu constater qu’il n’encombre pas les tribunaux.

Avis défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Le principe « éviter, réduire, compenser » existe déjà. Le problème, qui a été soulevé ici, est que son application est loin d’être optimale. La preuve en est que des territoires entiers sont à l’heure actuelle artificialisés en dépit de l’existence de ce principe. Il convient donc de le consolider et de le sécuriser au plan juridique pour le rendre effectif.

L’objectif d’absence de perte nette fait évidemment partie de la consolidation de ce dispositif. Il vient renforcer sa portée en réaffirmant le besoin d’exigence, notamment en matière de compensation. Il constitue aussi une réaffirmation des engagements pris par la France au plan international dans le cadre des objectifs d’Aichi, qui doivent être mis en œuvre.

C’est pourquoi je suis défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Je reviens, madame la secrétaire d’État, à vos belles paroles de tout à l’heure, visant à nous convaincre que le texte permettra de concilier le développement économique et la protection de l’environnement. Nous allons faire tout le contraire, en nous tirant des balles dans le pied, comme nous savons si bien le faire en France. La réalisation de n’importe quel projet prend dans notre pays deux fois plus de temps qu’en Allemagne et le chômage est chez nous très élevé. Les élus locaux, qui vont à la rencontre des acteurs économiques, le savent : tout est en France très compliqué et tous ceux qui veulent empêcher le développement de notre pays, qui gêne leurs intérêts particuliers, multiplient les actions devant les tribunaux.

Avec la surtransposition de la directive européenne, ces alinéas 9 et 10 et l’introduction d’un principe de non-régression, ce texte amplifiera encore la régression économique que subit la France. Par pitié, introduisons un peu de bon sens dans le texte et cessons de donner des arguments à ceux qui, demain – ce sont malheureusement souvent vos amis –, multiplieront les actions devant les tribunaux pour bloquer tous les projets. Aujourd’hui, déjà, n’importe quelle association peut bloquer un projet en saisissant n’importe quel tribunal et il faut attendre deux ou trois ans la décision.

Du reste, madame la secrétaire d’État, puisque ce texte multipliera les contentieux, quels moyens supplémentaires donnerez-vous aux tribunaux pour traiter dans des délais décents tous les dossiers qui ne manqueront pas d’arriver sur les bureaux des juges ?

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19, 103, 401.

(Il est procédé au scrutin.)

Voici le résultat du scrutin :

Nombre de votants65
Nombre de suffrages exprimés59
Majorité absolue33
Pour l’adoption17
contre42

(Les amendements identiques nos 19, 103, 401 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Madame la rapporteure ?…

Mme Geneviève Gaillard. Je demande une suspension de séance de quelques minutes, madame la présidente.

Mme la présidente. Elle est de droit.

Suspension et reprise de la séance

Mme la présidente. La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à vingt-trois heures trente, est reprise à vingt-trois heures trente-cinq.)

Mme la présidente. La séance est reprise.

Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 210 et 380.

La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n210.

Mme Jeanine Dubié. Cet amendement propose de supprimer la fin de l’’alinéa 10 car les mots : « […] voire tendre vers un gain de biodiversité. », pourraient susciter des risques de contentieux et aboutir à la réduction de surfaces agricoles et forestières.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement n380.

M. Jean-Marie Sermier. On est vraiment en plein délire puisqu’il ne s’agit plus seulement de compenser une perte nette de biodiversité mais d’agir positivement en faveur de cette dernière chaque fois qu’il y aura des travaux ou toute autre activité humaine. Il faut que vous nous précisiez, madame la secrétaire d’État, quel sera le volume de l’atteinte écologique qui nécessitera une amélioration en la matière. On comprend bien qu’il y ait des compensations, voire un gain net positif, s’il s’agit de faire un aéroport ou une ligne TGV, mais cet alinéa s’adresse à l’ensemble de ceux qui vivent dans la ruralité : qu’en sera-t-il demain pour un agriculteur qui ira tout simplement tailler sa haie ou drainer son champ ? Il y aura évidemment un risque par rapport à la biodiversité, mais pourra-t-il tout de même continuer à travailler ? Nous attendons vos explications.

M. Gérard Menuel. Très bien !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces amendements identiques ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. L’objectif mentionné à l’alinéa 10 est déjà très connu puisque la stratégie de l’Union européenne en matière de biodiversité à l’horizon 2020 comprend déjà cette mesure. C’est l’Action 7 de l’Objectif 2 : « Éviter toute perte de biodiversité et de services écosystémiques ».

M. Jean-Marie Sermier. Mais comment sera définie l’atteinte ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Je vous rappelle, mon cher collègue, que notre Assemblée a voté une résolution, à l’initiative de Mme Auroi, qui traitait déjà de ce sujet et qui a été validée sans difficulté. Sur le plan national, la lutte contre la perte de biodiversité est donc aussi, je le répète, au cœur de la stratégie de notre pays en la matière. Désormais, il faut aller plus loin en l’inscrivant dans le code de l’environnement : ce texte de loi mentionne explicitement la « reconquête de la biodiversité ». On ne peut donc pas sempiternellement revenir en arrière comme vous et vos collègues avez encore voulu le faire tout à l’heure à propos du triptyque ERC, tout en se plaignant en permanence lors de la discussion générale du fait que la biodiversité soit en train de s’éteindre. Je ne comprends pas les postures que vous et vos collègues adoptez. Il faut que vous réfléchissiez un tant soit peu pour que nous puissions aboutir à un texte équilibré : soit vous ne voulez pas de protection pour la biodiversité, soit vous acceptez de déclarer qu’il ne doit pas y avoir de perte nette. Sinon, elle continuera à s’éroder et à tendre vers zéro. La commission a donc repoussé ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. On est vraiment ici dans l’esprit même du projet de loi : il s’agit de viser à une reconquête de la biodiversité et donc, évidemment, parmi les objectifs proposés figure celui de tendre vers un cercle vertueux en matière de protection et de restauration de nos milieux. À ce stade, j’entends déjà certains chercher une fois de plus à agiter des peurs…

M. Jean-Marie Sermier. Donnez-nous des gages !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. …sur les contentieux sans fin…

M. Gérard Menuel. Il y en aura de toute façon !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. …qui vont empêcher nos entreprises de vivre et de pouvoir élaborer des projets, et plus généralement toute activité économique. J’ai plusieurs réponses à apporter, j’espère une bonne fois pour toutes pour que l’on reparte sur de bonnes bases – sinon, ce n’est pas grave, je les répéterai.

Reconquérir la biodiversité passe, par exemple sur l’île d’Ouessant – je l’ai observé récemment sur place mais il se constate aussi souvent ailleurs –, à opérer un revirement. Auparavant, il y avait une agriculture vivrière, essentiellement du fait des femmes, les marins partant en mer. Or elle a disparu avec les changements de mode de vie, d’où le développement de friches, et aujourd’hui la biodiversité a beaucoup faibli sur l’île. C’est pourquoi on y travaille à réinstaller un agriculteur, puis plusieurs si possible, en tout cas à rétablir une activité agricole, donc une activité économique, qui permettra de redévelopper de la biodiversité. Voilà typiquement un exemple de cercle vertueux. J’aurai pu en citer d’autres.

Quant à la question des contentieux à n’en plus finir, il faut rappeler pourquoi il y en a aujourd’hui : c’est justement parce que le triptyque « éviter, réduire, compenser » n’est pas correctement mis en œuvre. Nous, nous voulons par ce texte conforter les porteurs de projet pour que, bien en amont, ceux-ci puissent prendre en compte ces questions afin de retravailler à cette aune leur projet, parfois le redimensionner ou le relocaliser, etc. Il s’agit ainsi pour eux de ne pas se retrouver, une fois tous les investissements obtenus et les travaux prêts à démarrer, devant des problèmes de contentieux. Notre objectif est d’améliorer la situation actuelle (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe Les Républicains) pour que le développement économique ne soit plus entravé. Cela passe par ce que nous proposons et qui est vertueux dans tous les sens du terme : on préserve ainsi notre environnement tout en développant notre économie par la prise en compte dorénavant de ces facteurs que nous ne pouvons plus aujourd’hui occulter et que les associations de protection de l’environnement, vigilantes, nous rappellent… malheureusement souvent trop tard. L’avis est évidemment défavorable à ces amendements.

M. Jean-Marie Sermier. C’est bien dommage !

(Les amendements identiques nos 210 et 380 ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement n233.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Il s’agit d’un amendement rédactionnel.

(L’amendement n233, accepté par la commission et le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Weiten, pour soutenir l’amendement n285.

M. Patrick Weiten. Il concerne l’alinéa 12 qui insère dans le code de l’environnement un « principe de solidarité écologique appelant à prendre compte dans toute prise de décision publique […] les interactions des écosystèmes […]. » Malheureusement peu précis, il risque d’être une nouvelle source de divergences d’interprétation et, lui aussi, source de contentieux juridiques pour le moins problématiques.

Lors des précédentes lectures, le groupe UDI avait déposé plusieurs amendements visant à supprimer ce principe. En effet, son inscription dans le code de l’environnement nous laisse craindre le report aux calendes grecques de certaines décisions publiques. En outre, la formulation retenue est davantage déclarative que normative. Un porteur de projet risque donc de se heurter à l’application dudit principe car, d’une part, il ne connaîtra pas les contraintes qui en découlent, et, d’autre part, sera confronté aux incertitudes quant à la validité des décisions qu’il aura à prendre. L’inscription d’un tel principe dans notre droit pourrait donc avoir des répercussions catastrophiques sur le développement économique.

Si nos amendements de suppression n’ont jamais été adoptés, nous espérons que cet amendement d’ajustement pourra l’être.

Cet amendement vise à circonscrire la portée du principe de solidarité écologique, en encadrant son application aux territoires directement concernés par une prise de décision juridique.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Avis défavorable. La commission a déjà beaucoup débattu du principe de solidarité écologique, que j’ai, de plus, longuement évoqué au cours de mon intervention précédente.

Nous connaissons ce principe, consacré dans la loi relative aux parcs nationaux. Il est important de l’intégrer dans les grands principes de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, afin de pouvoir s’en servir demain, afin d’aider certains territoires qui, en raison d’une grande zone à protéger, n’auraient pas la capacité de développer leur économie. Ainsi, les territoires voisins d’une zone humide et qui en profitent devraient pouvoir participer à cette protection et aider les communes directement concernées.

Cet amendement doit donc trouver sa prolongation dans le projet de loi de finances, ce qui a été proposé à plusieurs reprises depuis une quinzaine d’années. Sur les bancs de droite, certains parlementaires ont aussi proposé d’avancer sur ce sujet. Maintenons l’objectif !

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Avis défavorable. La solidarité écologique ne peut être limitée au seul territoire directement concerné par des décisions publiques. En effet, certains territoires pourraient alors être oubliés, à tort. L’aval d’un cours d’eau, par exemple, est concerné par des aménagements, mêmes lointains, en amont.

(L’amendement n285 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Weiten, pour soutenir l’amendement n288.

M. Patrick Weiten. À l’alinéa 14, l’examen du texte a permis de consacrer le principe de complémentarité entre l’environnement et l’agriculture, en reconnaissant les surfaces agricoles, aquacoles et forestières d’une part, comme de véritables lieux de biodiversité et d’autre part, comme participant directement à la protection de nos écosystèmes.

Le groupe UDI ne peut qu’approuver l’inscription de ce nouveau principe dans le code de l’environnement, puisqu’il souligne le rôle moteur et crucial que jouent l’agriculture et la sylviculture, tant dans le maintien que dans la gestion de la biodiversité. Les agriculteurs et les forestiers sont en mesure de faire les efforts nécessaires dans la voie d’une agriculture et d’une sylviculture plus responsables. Ils l’ont d’ailleurs déjà fait pour nombre d’entre eux.

L’instauration de ce principe de complémentarité s’inscrit en outre dans la droite lignée des débats que nous avons eus lors de l’examen de la loi d’avenir agricole.

Par ailleurs, l’aquaculture a été ajoutée à la liste des activités en deuxième lecture.

Cet amendement vise ainsi à ajuster le principe de complémentarité, en parlant non d’agriculture mais plutôt d’agroécologie, qui reste le principe phare porté par la loi d’avenir agricole. Ce terme concilie à la fois performance économique et environnementale : il s’inscrit dans l’idée même d’une agriculture plus responsable, et respectueuse de l’environnement.

Lors de l’examen du texte en première lecture, Mme Ségolène Royal avait donné un avis favorable à cet amendement. Lors de l’examen en deuxième lecture, madame la secrétaire d’État, vous aviez émis un avis de sagesse. Adopter cet amendement est important car nous avons déjà remplacé « sylviculture » par « gestion durable des forêts ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Avis défavorable. Nous avons, là encore, discuté assez souvent de ces questions. Le principe de complémentarité vise à emmener l’ensemble de l’agriculture dans une direction plus responsable envers l’environnement.

Restreindre le principe de complémentarité à la seule agroécologie irait finalement à l’encontre des objectifs de diffusion et de respect des préoccupations environnementales. Il est donc important de pousser toute l’agriculture vers une responsabilité environnementale. En effet, les surfaces agricoles sont porteuses d’une biodiversité extrêmement variée et fournie.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. J’entends vos propos, qui sont en accord avec le projet agroécologique français du Gouvernement, qui vise à réorienter l’agriculture française pour qu’elle prenne mieux en considération les mécanismes écologiques naturels, et produise un impact moindre sur l’environnement et la santé des populations.

Néanmoins, je partage les propos de Mme la rapporteure. Nous devons porter toute notre agriculture vers ce but. Utiliser, dans cet alinéa, le terme « agroécologie », en réduira la portée, à l’inverse de ce que nous voulons faire. C’est pourquoi j’ai émis un avis défavorable, afin que toute l’agriculture soit entraînée dans ce cercle vertueux.

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille.

Mme Laurence Abeille. Une fois n’est pas coutume, je juge moi aussi cet amendement nécessaire et vous propose de l’approuver.

J’entends bien les arguments qu’ont développés la secrétaire d’État et la rapporteure. Cela étant, comme je l’ai dit précédemment, l’introduction du principe de complémentarité me semblait être une mauvaise idée, dès le départ. L’agriculture, l’aquaculture, la sylviculture ont ensuite été ajoutées. 

S’agissant de l’agriculture, préciser que les pratiques agroécologiques peuvent être complémentaires de la protection et la préservation de la biodiversité a un sens. Mais comment parler de complémentarité entre la biodiversité et une agriculture intensive qui utilise des pesticides et autres intrants chimiques divers et variés ?

(L’amendement n288 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de plusieurs amendements, nos 5 rectifié, 78 rectifié, 89, 137, 211 rectifié, 419 rectifié, 286 et 287, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 5 rectifié, 78 rectifié, 89, 137, 211 rectifié et 419 rectifié sont identiques.

La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement n5 rectifié.

M. Jean-Marie Sermier. Cet amendement vise à supprimer l’alinéa 15, qui tend à introduire un principe de non-régression en matière environnementale.

En évoquant l’île d’Ouessant, madame la secrétaire d’État, vous avez choisi un exemple significatif : sur ce territoire, il a été décidé d’installer un agriculteur pour remédier à une dégradation de la qualité environnementale.

Il s’agit là d’un principe et d’une action collectifs : la biodiversité doit en effet s’entendre à l’échelle d’un territoire, dans sa globalité. Mais l’on risque de voir s’opposer d’un côté une vraie volonté de principe, qui peut rencontrer notre accord, et de l’autre, la déclinaison d’une action individuelle, qui ne peut pas entrer dans cette logique.

L’île d’Ouessant, par exemple, peut être l’objet d’attaques environnementales, des habitants coupant probablement des haies, pour les entretenir. Pourtant, ce qui importe, c’est la globalité d’un territoire, qui ne se retrouve pas dans ce texte de loi. Des contentieux apparaîtront donc inévitablement, dans chacune des actions individuelles.

Si le Gouvernement indique clairement qu’il s’agit de grands principes et qu’en aucun cas, ce texte de loi ne pourra venir inquiéter l’auteur d’une action individuelle, nous sommes prêts à retirer nos amendements.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle, pour soutenir l’amendement n78 rectifié.

M. Daniel Fasquelle. Cet amendement vise à retirer du projet de loi le principe de non-régression, qui n’y figurait pas au départ. Il s’agit d’éviter de figer le droit de l’environnement, ce qui n’est absolument pas justifié.

En effet, la prolifération d’espèces telles que le loup, le cormoran, la bernache du Canada, aujourd’hui protégées, pourrait poser problème à l’avenir.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Cela ne change rien !

M. Daniel Fasquelle. Quant aux constats scientifiques relatifs à l’évolution des espèces, de la faune et de la flore, ils peuvent aussi évoluer. Que faire alors du principe de non-régression, qui sera nécessairement sujet à interprétation, donc source de contentieux ? Il n’est pas nécessaire d’encombrer inutilement les tribunaux.

Il faut donc faire preuve d’un peu de bon sens. Les entreprises souffrent d’une part d’un écrasement de leurs marges et, d’autre part, de réglementations trop complexes, avec de terribles conséquences pour notre économie, notamment le chômage. La France a aujourd’hui décroché : elle n’est plus la deuxième économie d’Europe, mais la troisième.

Par ailleurs, il faut écouter les personnes sur le terrain. L’île d’Ouessant prouve que nous souhaitons tous, par l’intervention des agriculteurs, permettre la biodiversité. L’intervention de l’homme est donc parfois nécessaire pour atteindre ce but. Madame la secrétaire d’État, vous ne défendrez pas uniquement les agriculteurs de l’île d’Ouessant, mais tous les agriculteurs et tous les chasseurs.

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Certes !

M. Daniel Fasquelle. J’attends donc que vous envoyiez également des messages clairs en ce qui concerne ces défenseurs de la nature que sont les chasseurs. Ils dénoncent avec force l’introduction du principe de non-régression, qui n’a absolument aucun sens, alors qu’ils sont présents, eux. Il faut donc s’appuyer sur eux pour réguler les espèces, comme pour protéger les espaces.

Faites donc preuve de bon sens, madame la secrétaire d’État, retirez ce principe de non-régression, qui n’a pas à figurer dans ce texte de loi !

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n89.

M. Dino Cinieri. Avec ce principe, les mesures adoptées en faveur de la protection des espèces ne pourront plus être révisées. Elles seront irréversibles. Par ailleurs, le principe de non-régression est déjà induit par un principe de rang constitutionnel ainsi que par la séquence « éviter, réduire, compenser ». Il est par ailleurs contraire à la vision dynamique de la biodiversité proposée à l’alinéa 5 de l’actuel projet de loi.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Meunier, pour soutenir l’amendement n137.

M. Philippe Meunier. L’introduction du principe de non-régression en matière environnementale est à rebours de la vision dynamique de la biodiversité, proposée à l’alinéa 5 de l’actuel projet de loi. C’est la raison de cet amendement.

Mme la présidente. La parole est à Mme Jeanine Dubié, pour soutenir l’amendement n211 rectifié.

Mme Jeanine Dubié. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Plisson, pour soutenir l’amendement n419 rectifié.

M. Philippe Plisson. Nous ne pouvons que partager l’assertion émise par les orateurs précédents : le principe de non-régression de la biodiversité est bon ; mais le diable se cache dans les détails. Qu’en sera-t-il de son application ? Il faut pourtant bien que les populations de ragondins, de cormorans, et de bien d’autres espèces soient contenues et ajustées.

Le principe de non-régression est déjà inclus dans le principe constitutionnel de précaution. Ajouter cet alinéa, ce n’est pas garantir la pérennité des espèces, mais induire le risque d’une interprétation qui refuse la régulation et ouvre la porte aux déséquilibres, lesquels, au bout du compte, sont néfastes pour la biodiversité. Il faut donc supprimer l’alinéa 15.

M. Dino Cinieri. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir, ensemble, les amendements nos 286 et 287.

M. Yannick Favennec. Ces amendements, équilibrés, consensuels ont été adoptés par l’Assemblée nationale, mais supprimés par le Sénat. Ils invitent à réfléchir au principe de non-régression, connu dans plusieurs pays anglo-saxons sous l’expression standstill obligation.

Si nous avons compris qu’il était difficile d’inscrire dès maintenant ce principe dans le code de l’environnement car son application pourrait poser des difficultés, à la fois techniques et juridiques, il nous semble néanmoins intéressant de travailler sur le sujet.

Rappelons que le principe juridique de non-régression exclut tout abaissement du niveau d’exigence de la protection de l’environnement. Ainsi, il garantit une sorte de non-retour en arrière dans les politiques publiques de l’environnement.

Bien que difficile à mettre en œuvre dans notre droit national, ce principe est cependant déjà présent en droit international, notamment dans la Convention des Nations unies sur le droit de la mer. En 2012, la Conférence de Rio + 20 avait également rappelé la nécessité de ne pas revenir sur les engagements pris à l’occasion de la Conférence de Rio de 1992. Il nous semble donc intéressant de réfléchir à une façon d’instaurer un tel garde-fou dans les textes législatifs.

Ce rapport nous permettrait d’évaluer l’incidence non seulement juridique, mais aussi économique du principe de non-régression, et de juger s’il est opportun ou non de l’inscrire dans notre code de l’environnement.

M. Philippe Vigier. Très bien !

M. Yannick Favennec. La commission mixte paritaire a échoué sur ce point, le Sénat refusant d’intégrer le principe de non-régression dans le texte. L’amendement n286 propose donc une version plus équilibrée : c’est un compromis, que le rapporteur du texte au Sénat, M. Jérôme Bignon, était prêt à accepter.

Le second amendement, n287, va un peu plus loin, puisqu’il tend à inscrire le principe de non-régression dans le code de l’environnement pour une durée de trois ans, à titre expérimental. À l’issue de ces trois ans, un rapport d’évaluation de la mesure serait remis au Parlement ; ses conclusions nous permettraient de savoir s’il convient d’intégrer de manière durable le principe de non-régression dans le code de l’environnement. Cet amendement est lui aussi le fruit des débats qui ont eu lieu lors de la commission mixte paritaire.

M. Philippe Vigier. C’est la force de la preuve !

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Il s’agit d’amendements dont nous avons déjà eu l’occasion de parler longuement. Tout à l’heure, dans mon propos liminaire, j’ai expliqué ce qu’ils représentaient – mais comme il faut répéter, encore répéter, inlassablement répéter, je vais encore le faire !

Le principe de non-régression, qui prévoit que les États ne peuvent abaisser le niveau de protection de l’environnement et d’accès à la justice environnementale, figure parmi les principes de la déclaration adoptée à l’issue du premier congrès mondial du droit de l’environnement, qui s’est tenu à Rio en avril dernier – il n’y a pas très longtemps, donc. Une motion invitant tous les gouvernements à prendre des mesures pour mettre en œuvre et renforcer le principe de non-régression dans les domaines de la politique et du droit de l’environnement devrait enfin être débattue au cours du prochain congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature, l’UICN, qui se tiendra à Hawaii.

Le principe de non-régression est, je le répète, un principe de progrès – si vous le voulez, je peux l’enregistrer sur une cassette pour que vous puissiez l’écouter tous les soirs avant de vous endormir ! (Exclamations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Philippe Meunier. Pitié ! Pas ça !

M. Philippe Vigier. Point trop n’en faut, madame la rapporteure !

M. Philippe Meunier. On préfère regarder un bon western !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Il s’agit donc d’un principe de progrès, selon lequel la protection de l’environnement assurée par des dispositions législatives et réglementaires ne peut faire l’objet que d’une amélioration constante. Mais c’est aussi un principe d’action, qui n’interdit pas de modifier la règle existante, dès lors que cette modification n’entraîne pas un recul de la protection de l’environnement.

La caricature que vous faites de ce principe consiste à dire : « Est-ce que je pourrai encore tirer sur les ragondins ? ». Eh bien non, ce n’est pas ça !

M. Philippe Meunier. Quelle vision de la nature et des chasseurs… C’est édifiant !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Le principe de non-régression ne concerne pas les espèces ; il ne concerne pas les individus ; il ne concerne pas le droit de chasse. Il ne concerne que la loi. D’ailleurs, tout à l’heure, dans le cadre de la définition de la séquence « éviter, réduire, compenser », vous désiriez aller à l’encontre de ce principe, puisque vous souhaitiez revenir sur les dispositions législatives qui protègent la biodiversité.

M. Philippe Vigier. Vous exagérez ! Ce n’est pas ce qu’a dit M. Favennec !

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Alors arrêtez, s’il vous plaît ! Vous savez très bien ce qu’il en est ; vous l’avez compris, mais c’est une posture que vous adoptez, parce que cela vous arrange ! (Protestations sur les bancs du groupe Les Républicains et du groupe de l’Union des démocrates et indépendants.)

M. Dino Cinieri et M. Philippe Meunier. C’est faux !

M. Yannick Favennec. M’avez-vous écouté, madame la rapporteure ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. En outre, vous aurez remarqué, monsieur Fasquelle, que la commission a précisé que l’amélioration constante devait s’entendre « compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ».

La commission a par conséquent émis un avis défavorable sur tous les amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Philippe Vigier. Madame la secrétaire d’État va essayer de nous convaincre, mais elle va avoir du travail !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. L’introduction du principe de non-régression en matière d’environnement démontre une grande ambition environnementale, à l’occasion d’un texte qui vise à la reconquête de la biodiversité. Il ne s’agit pas d’un texte de statu quo. Bien évidemment, ce principe ne signifie nullement qu’il sera impossible de modifier des textes si la protection ne s’avère plus nécessaire, par exemple en cas d’évolution de l’environnement ou d’amélioration des connaissances scientifiques. En outre – j’aimerais que cela soit bien compris –, il ne concerne pas les situations individuelles : il s’agit d’objectifs et de principes.

Ce principe garantit au contraire une évolution du droit de l’environnement afin que celui-ci s’adapte à la nature et aux menaces sur l’environnement, sans perte d’efficacité. Il garantit aussi que des intérêts conjoncturels, de court terme, ne remettront pas en cause des acquis fondamentaux en matière de protection de l’environnement.

Cela étant, certaines personnes m’ont fait part de leurs inquiétudes, soulignant qu’en cas d’évolution des connaissances scientifiques, nous risquerions d’être coincés. J’ai entendu cet argument – et la rapporteure aussi, puisque la commission, dans sa grande sagesse, a adopté un amendement qui devrait rassurer tout le monde.

M. Jean-Marie Sermier. Non, il ne nous rassure pas !

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Il est désormais indiqué que l’évolution des connaissances sur l’environnement sera prise en considération pour faire évoluer le droit : c’est ce que précise la formule « compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment ». Voilà qui prouve qu’entre les lectures successives, on peut répondre aux inquiétudes ! Il me semble qu’avec cet ajout, nous devrions pouvoir nous retrouver sur le texte.

Avis défavorable sur l’ensemble des amendements, donc.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Ce que nous venons d’entendre n’est vraiment pas de nature à nous rassurer !

M. Jean-Frédéric Poisson. Ça, c’est sûr !

M. Daniel Fasquelle. D’ailleurs, vous vous contredisez : la secrétaire d’État a affirmé que ce n’était pas un texte de statu quo, alors que la rapporteure venait de prétendre, l’instant d’avant, que cela ne changerait rien.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Pour le gibier, monsieur Fasquelle !

M. Daniel Fasquelle. Il faut choisir : soit cela ne change rien, soit cela change tout ! Vous dites, l’une après l’autre, le tout et son contraire !

Vous affirmez que ce principe est fait pour encadrer la loi et qu’il ne concernera pas les espèces. Mais si une loi prévoit la protection de telle ou telle espèce ou si elle donne un cadre pour l’adoption d’un texte réglementaire concernant une espèce, le principe de non-régression qui s’applique à la loi concernera forcément, par ricochet, les espèces.

M. Jean-Frédéric Poisson. Évidemment !

M. Daniel Fasquelle. Il n’est pas sérieux de soutenir le contraire !

La secrétaire d’État évoque des préoccupations « conjoncturelles » qui pourraient être contrecarrées par le principe de non-régression. De quoi s’agit-il ? D’une allusion à la prolifération du loup, qui menace aujourd’hui les populations ? Ou à celle de telle ou telle espèce nuisible ?

Franchement, je trouve tout cela bien flou. Que se passera-t-il en définitive ? Eh bien, les tribunaux vont s’engouffrer dans la brèche pour donner à ce principe une portée que vous n’osez pas lui donner ce soir afin de nous rassurer – mais rassurés, nous ne le sommes pas, et j’insiste pour que nous adoptions les amendements de suppression de cet alinéa, potentiellement extrêmement dangereux.

M. Jean-Frédéric Poisson. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Delphine Batho.

Mme Delphine Batho. Il y a erreur d’interprétation sur ce qu’est le principe de non-régression. Tous ceux qui sont attachés à la modernisation du droit de l’environnement, ainsi qu’à sa simplification, devraient y être favorables !

M. François-Michel Lambert. Tout à fait !

Mme Delphine Batho. C’est précisément le fait de poser ce principe, c’est-à-dire d’affirmer que l’on ne renonce pas à l’objectif de protection de l’environnement, qui permettra de changer les modalités et de simplifier un certain nombre de règles dès lors que cette simplification n’aura pas pour but d’aboutir à plus de pollution ou à plus de destruction de la nature. Vous commettez un contresens total dans l’interprétation du principe de non-régression – que j’avais déjà défendu en 2013, alors que j’étais membre du Gouvernement.

Ce principe est en outre l’un des points fondamentaux de l’accord de Paris sur le climat, conclu à l’issue de la COP21, avec l’adoption du mécanisme de la révision à la hausse tous les cinq ans des engagements en matière climatique. L’une des pierres angulaires de l’accord de Paris est le fait que tous les États s’engagent à ce qu’il n’y ait pas de recul dans la lutte contre le réchauffement climatique, mais qu’il y ait une marche en avant.

Je le répète : tous ceux qui sont attachés à la modernisation et à la simplification d’un certain nombre de procédures devraient soutenir l’inscription du principe de non-régression dans la loi, car c’est ce qui permettra de le faire.

M. Daniel Fasquelle. Cela ne nous rassure pas, tout ça !

Mme la présidente. La parole est à M. François-Michel Lambert.

M. François-Michel Lambert. Reprenant ce que vient de dire ma collègue Delphine Batho, je veux aller à l’encontre de ce que Daniel Fasquelle affirmait concernant les entreprises. Je m’appuierai pour cela sur les travaux de France Stratégie sur la responsabilité sociétale des entreprises, la RSE ; certes, cela dépasse la question environnementale, mais cela l’inclut.

Il a été démontré très clairement que la RSE procurait un gain de performance économique de l’ordre de 13 % en moyenne, en particulier lorsque sa mise en œuvre relevait de la propre initiative de l’entreprise. Prendre en compte les intérêts des autres parties prenantes constitue donc, au-delà des déclarations de principe, un enjeu tangible pour les entreprises.

Autrement dit, les chiffres et les études confirment que la stabilité que nous proposons est favorable à tous les acteurs – notamment les acteurs économiques, mais pas seulement – qui travailleront sur la question de la biodiversité, avec une vision à long terme.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Je trouve ce débat quelque peu surréaliste. Lorsque l’on suit l’évolution d’un concept comme celui d’espèce, on voit bien qu’il devient de plus en plus flou, de plus ou plus indéterminé, et qu’il évolue au fil du temps. La vie elle-même est inventivité et évolution permanentes. Or vous avez, madame la secrétaire d’État, une vision totalement statique des choses. Vous avez fait référence à l’île d’Ouessant ; mais quelles étaient la faune et la flore là-bas avant l’apparition de l’homme et l’invention de l’agriculture ?

L’homme fait aujourd’hui partie du biotope. Depuis qu’il a domestiqué les espèces, il a changé le génome de celles-ci ; désormais, il fait partie du jeu. Mais vous, vous privilégiez une vision statique, sans aucune évolution possible, en totale contradiction avec les recherches actuelles en zoologie. Votre vision est fermée, alors que les espèces s’adaptent.

Nous avons eu il y a deux ans des débats qui se sont achevés par le suicide d’un berger, chez moi, parce qu’une espèce constituée par un super-prédateur, qui se trouve au sommet de la pyramide alimentaire, en concurrence directe avec l’homme, le loup, n’est plus adaptée aux zones territoriales fermées de l’Europe de l’Ouest, où tout est clos, tout est métré.

Je ne comprends pas votre raisonnement. Vous aviez l’intention de préserver une multitude de variétés dans le biotope qui nous entoure, mais en adoptant une vision totalement statique et contre-productive, qui ne correspond en rien à ce qu’est la vie aujourd’hui.

M. François de Rugy. C’est le contraire !

M. Nicolas Dhuicq. Je vous signale en outre, madame la secrétaire d’État, que dans certain article après l’article 51, que nous examinerons bientôt, vous oubliez que les bactéries et les champignons évoluent extrêmement vite, bien plus vite que nous.

Mme la présidente. Merci, monsieur le député.

M. Nicolas Dhuicq. Or vous voulez interdire des produits qui sélectionnent les bactéries invasives : c’est contradictoire !

(Les amendements identiques nos 5 rectifié, 78 rectifié, 89, 137, 211 rectifié et 419 rectifié ne sont pas adoptés.)

(Les amendements nos 286 et 287, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n20 rectifié.

M. Dino Cinieri. Il n’existe actuellement aucune méthode permettant de mesurer la réalisation de l’objectif d’absence de perte nette. Cet objectif va en outre à l’encontre des travaux de la Commission européenne, qui, eu égard à cette absence de méthode de mesure, reste très prudente en ce qui concerne l’approche « no net loss ».

Avant d’entériner un tel objectif, il serait opportun d’approfondir la façon de le décliner sur le plan pratique, notamment lorsqu’il s’agira d’appliquer la démarche « éviter, réduire, compenser » aux plans et programmes soumis à évaluation environnementale, en particulier aux documents d’urbanisme.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Cet amendement ne me semble plus avoir d’objet, dans la mesure où nous avons inscrit dans la loi le principe en question. Je suggère donc le retrait, faute de quoi l’avis serait défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. L’amendement n’a effectivement plus d’objet, puisqu’il préconise « un rapport sur l’opportunité d’inscrire l’objectif d’absence de perte nette », objectif que nous venons d’inscrire dans la loi. Le retrait me paraît donc s’imposer ; à défaut, l’avis serait défavorable, car la disposition n’aurait pas de sens.

Mme la présidente. Retirez-vous votre amendement, monsieur Cinieri ?

M. Dino Cinieri. Non, madame la présidente, je le maintiens.

(L’amendement n20 rectifié n’est pas adopté.)

(L’article 2, amendé, est adopté.)

Article 2 bis

Mme la présidente. La parole est à Mme Laurence Abeille, première inscrite sur l’article 2 bis.

Mme Laurence Abeille. Cet article, relatif au préjudice écologique, constitue un apport majeur des parlementaires, en l’occurrence du Sénat.

Le préjudice écologique, inséré dans le code civil aux articles 1386-19 et suivants, est à peu près conforme à nos aspirations. La version issue de la seconde lecture au Sénat comportait de très nombreuses difficultés, notamment la limitation de la réparation à un dommage jugé « anormal » : cette précision aurait rendu la réparation aléatoire et l’aurait considérablement limitée.

Par ailleurs, le principe de la réparation en nature est introduit, conformément au vœu des écologistes. Nous nous réjouissons donc de cette écriture.

Enfin, en cas d’impossibilité de réparation en nature, le principe d’une réparation en dommages-intérêts n’est plus réservé, dans la nouvelle rédaction de l’article, aux cas où la réparation aurait été manifestement disproportionnée par rapport au dommage causé. Au regard du texte issu de la seconde lecture au Sénat, c’est une avancée dont nous nous réjouissons également.

Toutefois nous déplorons l’absence d’amendes civiles, lesquelles auraient eu un effet dissuasif et préventif, important pour l’efficacité du dispositif.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Nous demeurons, madame la secrétaire d’État, dans le flou le plus absolu. L’article que votre majorité vient d’adopter fige les choses ; comme l’ont dit mes collègues, et contrairement à vos dénégations, il s’appliquera aux espèces, y compris à celle que je mentionnais : elle est tout à fait respectable, mais sa présence n’est pas forcément souhaitable si l’on entend maintenir une activité humaine – je ne parle même pas d’une activité économique.

Il est à la mode, pour le capitalisme financier qui s’étend de façon illimitée sur la planète, de chiffrer le service écologique rendu par certaines espèces ; en l’occurrence je m’interroge, une fois de plus, sur la notion de « dommage anormal ». J’y vois une contradiction interne dans votre texte, eu égard à votre souhait d’une définition extensive des dommages causés aux biotopes. J’ignore, pour ma part, ce qu’est un « dommage anormal », à moins que tout dommage ne le soit puisque toute activité humaine peut causer un accident, autrement dit un imprévu.

Vous fermez donc la loi à des possibilités d’imprévu et d’inventivité. Je comprends votre volonté, au vu de tragédies comme celle du Torrey Canyon, que nous avons connue lorsque nous étions tout jeunes ; mais, à terme, le résultat sera l’inverse de celui que vous recherchez, et vous ferez la fortune de grands cabinets d’avocats outre-Atlantique.

Mme la présidente. Nous en venons aux amendements à l’article.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n21.

M. Dino Cinieri. Cet amendement précise le fait générateur de la responsabilité encourue pour atteinte à l’environnement. Il a pour objectif d’assurer la cohérence du droit en évitant un hiatus entre les dispositions du droit de l’environnement et celles du droit civil.

En effet, il ne serait pas cohérent qu’un comportement tenu pour licite en droit de l’environnement puisse être jugé illicite du point de vue du droit de la responsabilité civile.

Il est donc indispensable que le juge judiciaire saisi tienne compte de l’autorisation délivrée à l’exploitant dans le cadre de l’appréciation de la responsabilité civile de ce dernier en cas de dommage provoqué par l’exercice d’une activité réglementée par le code de l’environnement.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Cet amendement, très restrictif, a été repoussé par la commission, qui a retenu une tout autre option.

(L’amendement n21, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Patrick Weiten, pour soutenir l’amendement n289.

M. Patrick Weiten. Si vous m’y autorisez, madame la présidente, je défendrai, en même temps que cet amendement relatif à l’alinéa 5, les amendements nos 311 et 318 rectifié, qui le sont à l’alinéa 6. Le présent article, introduit par le Sénat, crée au sein du code civil un nouveau titre relatif à la réparation du préjudice écologique.

De fait, le droit civil ne reconnaît pas, actuellement, le préjudice subi par l’environnement. Une proposition de loi de notre collègue sénateur Bruno Retailleau, adoptée en 2013, visait à inscrire la notion de « dommage grave et durable causé à l’environnement » dans le code civil. Ce dispositif a finalement été inséré dans le projet de loi dont nous débattons, ce dont nous ne pouvons que nous réjouir.

Il est néanmoins indispensable, pour éviter tout flou juridique, de bien préciser les dommages environnementaux concernés. La rédaction adoptée par la commission fait mention d’un « préjudice écologique résultant d’une atteinte non négligeable aux […] écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement ».

Avec ces amendements nous proposons de parler plutôt de « dommage grave et durable », car la compensation doit être évaluée au regard de la gravité et de la durée du dommage. Il importe de définir un périmètre à la notion de responsabilité en matière d’atteinte à l’environnement.

Par ailleurs, cette rédaction permettrait une graduation de la compensation, et elle serait cohérente avec la terminologie de la responsabilité civile, qui privilégie le terme de « dommage ».

L’absence de précision sur les dommages concernés par ce principe risquerait de générer une jurisprudence délicate.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Défavorable, car l’amendement n289, qui s’appuie sur la notion de « dommage grave et durable », cache en réalité une volonté de restreindre la portée du dispositif ; il reprend la logique de la loi relative aux nouvelles régulations économiques – LRE –, logique qui n’est pas celle que nous souhaitons suivre en l’espèce.

(L’amendement n289, repoussé par le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 22 rectifié et 199 rectifié.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n22 rectifié.

M. Dino Cinieri. Cet amendement tend à exclure le recours à la responsabilité civile lorsque le dommage à l’environnement relève de régimes spéciaux de réparation prévus par des conventions internationales.

Il s’agit de préciser les conditions d’articulation entre le droit commun de la responsabilité civile et les régimes spéciaux de réparation.

Conformément à l’adage selon lequel « le spécial déroge au général », lorsqu’un mécanisme spécial est prévu, il l’emporte sur le droit commun. C’est la solution qui a été adoptée lors de la transposition en droit français de la directive européenne de 2004 relative à la responsabilité environnementale.

La logique qui a conduit le législateur à prévoir des exclusions du domaine de la responsabilité environnementale doit également prévaloir en matière de responsabilité civile.

Mme la présidente. La parole est à M. Guillaume Chevrollier, pour soutenir l’amendement n199 rectifié.

M. Guillaume Chevrollier. Cet amendement vise à préciser que « le présent chapitre n’est pas applicable aux dommages visés à l’article L. 161-2 du code de l’environnement ».

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Ces amendements visent à exclure de la responsabilité civile les dommages qui entrent dans le champ de la loi LRE, ce qui n’est pas la voie suivie par la commission. Il n’y aura pas de double réparation, je veux rassurer chacun sur ce point. Le juge, qui disposera d’un pouvoir d’appréciation important, aura tous les instruments nécessaires pour surseoir à statuer si une procédure administrative conduite au titre de la loi LRE est déjà engagée sur le même préjudice.

Aux termes de l’article 2 bis, le juge devra tenir compte des mesures de réparation éventuellement décidées en application de la loi LRE et, à l’inverse, la police administrative devra tenir compte des mesures de réparation éventuellement obtenues au civil. C’est pourquoi la commission a repoussé cet amendement.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Ces amendements tendent à exclure la réparation du préjudice écologique lorsque la loi LRE a prévu qu’elle ne s’appliquait pas. Le parallélisme ne se justifie pas en l’espèce, puisque la directive européenne de 2004, transposée par ladite loi LRE de 2008, a prévu un régime entièrement autonome de réparation du dommage environnemental. Il était donc logique qu’elle détermine de manière exhaustive les cas d’engagement et d’exclusion de responsabilité.

L’objectif que nous poursuivons avec l’article 2 bis est tout à fait différent : il s’agit de consacrer le caractère réparable du préjudice écologique dans notre droit de la responsabilité civile. Les nombreux cas d’exonération et les régimes spéciaux que connaît déjà le droit civil restent donc intacts : il n’est ni opportun, ni même utile d’y revenir. Avis défavorable.

(Les amendements identiques nos 22 rectifié et 199 rectifié ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. L’amendement n311 a été défendu.

(L’amendement n311, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement n443.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Le présent amendement vise à apporter une précision supplémentaire à la définition du préjudice écologique lui-même. L’article 1386-19-1 préciserait que le préjudice écologique consiste en une atteinte non négligeable aux éléments ou aux fonctions des écosystèmes ou aux bénéfices collectifs tirés par l’homme de l’environnement.

(L’amendement n443, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 23, 200 et 318 rectifié.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n23.

M. Dino Cinieri. Cet amendement tend à encadrer le champ d’application de la réparation du préjudice écologique. Il s’inscrit en résonance avec la logique du législateur européen qui considère, avec la directive 2004/35/CE, que ne sont réparables que les atteintes « graves » aux ressources naturelles, c’est-à-dire celles dont les effets se manifestent de façon suffisamment prolongée dans le temps.

Il s’agit donc d’instaurer une graduation de la compensation, en fonction de la gravité du dommage causé à l’environnement.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement n200.

M. Jean-Marie Sermier. Il s’agit de substituer aux mots : « non négligeable », les mots : « grave et durable ».

Cet amendement améliorerait le texte, puisqu’il précise qu’une atteinte grave se manifeste pendant un certain temps.

Mme la présidente. L’amendement n318 rectifié a été défendu.

(Les amendements identiques nos 23, 200 et 318 rectifié, repoussés par la commission et le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 24 rectifié et 198 rectifié.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n24 rectifié.

M. Dino Cinieri. Cet amendement précise les personnes qui ont qualité pour agir en réparation des dommages causés à l’environnement, en limitant notamment cette qualité aux administrations et aux associations.

S’agissant d’un dommage qui consiste en une atteinte à l’environnement, indépendamment de ses répercussions sur les personnes ou les biens, il n’existe pas de victime identifiée et, par suite, pas de titulaire du droit d’agir. Il est donc nécessaire d’attribuer cette action par la loi, afin d’identifier les titulaires du droit d’agir.

Une détermination stricte est par ailleurs nécessaire pour prévenir le risque d’une multiplication des demandeurs à l’action en réparation du dommage à l’environnement et, ainsi, empêcher une multiplication des contentieux devant les juridictions civiles.

Aussi est-il proposé d’accorder qualité pour agir à l’État, ainsi qu’aux collectivités territoriales, à leurs groupements et établissements publics et aux associations agréées satisfaisant à certaines conditions.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement n198 rectifié.

M. Jean-Marie Sermier. Les dispositions que notre assemblée vient d’adopter étant lourdes de conséquences, il importe de préciser qui a intérêt à agir dans ce cadre nouveau.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. La commission a émis un avis défavorable concernant ces deux amendements identiques. Notre vision des choses est totalement différente : au contraire, nous avons souhaité ouvrir le plus largement possible l’action en réparation du préjudice écologique.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Le Gouvernement soutient les modifications apportées par la commission car elles améliorent sensiblement le texte : il émet donc un avis défavorable concernant ces amendements.

(Les amendements identiques nos 24 rectifié et 198 rectifié ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier, pour soutenir l’amendement n290 rectifié.

M. Philippe Vigier. Madame la secrétaire d’État, cet amendement vise à préciser les actions en réparation du préjudice écologique. La commission a effectivement élaboré une rédaction qui prévoit que cette action « est ouverte à toute personne ayant qualité et intérêt à agir ».

Or cette rédaction nous semble extrêmement large : d’ailleurs, en commission, plusieurs exemples ont été donnés. Que l’État, l’Agence française pour la biodiversité, les collectivités territoriales et leurs groupements aient qualité pour agir, cela ne soulève évidemment aucune difficulté. Il en va de même pour les associations travaillant dans le champ environnemental et plus particulièrement dans la défense de l’environnement.

En revanche, si le spectre est trop ouvert, le risque est de voir les actions se multiplier, dans un mouvement mal contrôlé dont le résultat pourrait même s’avérer contre-productif.

Faire en sorte d’encadrer celles et ceux qui auront intérêt à agir – j’ai rappelé que la rédaction actuelle définissait un spectre suffisamment large – paraît de nature à permettre précisément la réparation d’un tel préjudice.

M. Yannick Favennec. C’est du bon sens.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Défavorable : la commission s’est déjà prononcée en faveur d’une large ouverture du spectre. Or supprimer les mots : « toute personne ayant qualité et intérêt à agir, telle que » restreint une telle ouverture.

Enfin, nous faisons, nous, confiance au juge qui saura parfaitement prendre les décisions qui s’imposeront afin d’avancer dans le cadre de cette procédure.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Même avis.

(L’amendement n290 rectifié n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement n291.

M. Yannick Favennec. La rédaction actuelle prévoit, dans la liste des personnes ayant la possibilité d’ouvrir une action en réparation du préjudice écologique, « les associations agréées ou créées depuis au moins cinq ans à la date d’introduction de l’instance qui ont pour objet la protection de la nature et la défense de l’environnement. »

Cette formulation nous paraît beaucoup trop large : il serait en effet préférable de restreindre la liste des personnes pouvant agir en réparation aux seules associations agréées.

En effet, si celles-ci disposent, dans la majorité des cas, de l’expertise nécessaire afin d’engager de telles procédures, nous craignons que les associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins n’aient pas les mêmes capacités.

Les associations agréées sont d’ailleurs définies dans le code l’environnement, alors que les associations régulièrement déclarées depuis cinq ans au moins ne sont pas contrôlées.

Nous proposons donc, à l’alinéa 7, de supprimer de la liste des personnes ayant qualité et intérêt à agir en réparation du préjudice écologique les associations de ce type.

Ne pas supprimer ces associations de cette liste pourrait conduire à une multiplication des demandeurs et donc à une multiplication des contentieux.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Également défavorable.

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Vigier.

M. Philippe Vigier. J’aimerais que la rapporteure nous explique pourquoi : une association agréée dispose, me semble-t-il, d’une capacité à appréhender.

Tout à l’heure, nous avons évoqué les associations agréées ainsi que les compétences qui leur sont reconnues au titre de leur agrément : il me semble qu’elles seraient les plus enclines à demander réparation d’un préjudice écologique.

Or toute personne ne dispose pas toujours d’une compétence d’appréciation. Si je vous dis cela, ce n’est pas du tout pour enterrer la mesure mais pour la rendre plus efficace et plus pertinente.

À vouloir trop élargir le spectre, on prend le risque d’une multiplication des recours : or je ne suis pas persuadé qu’en définitive l’action en soit renforcée !

M. Daniel Fasquelle. Simple bon sens !

M. Philippe Vigier. Madame la rapporteure, vous disiez tout à l’heure que la mesure avait pour objet de favoriser la biodiversité et de réparer les préjudices. Or conserver la rédaction actuelle rendrait, au contraire, un mauvais service à la réparation des préjudices.

M. Yannick Favennec. Il a raison.

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. J’ai dit tout à l’heure que nous souhaitions ouvrir le plus largement possible ces actions et que cette ouverture ne risquait pas d’entraîner tout et n’importe quoi. En effet, le juge jouera son rôle.

Par ailleurs, les associations créées depuis au moins cinq ans sont reconnues et travaillent généralement bien. Je ne vois donc pas, comme la commission, pourquoi il est suggéré de les supprimer de la rédaction de l’alinéa 7.

(L’amendement n291 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n25.

M. Dino Cinieri. La réparation du dommage à l’environnement doit s’effectuer exclusivement en nature. En effet, si le droit commun de la responsabilité civile admet la réparation par équivalent monétaire, cette solution ne peut être transposée en matière de responsabilité environnementale.

Les milieux endommagés, qui n’ont pas la personnalité juridique, ne peuvent pas être réparés du simple fait que des demandeurs, qui affirment agir en leur nom, ont reçu différentes sommes d’argent.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Cet amendement vise à ne permettre qu’une réparation du préjudice écologique en nature. Or, dans certains cas, une telle réparation n’est pas possible : d’où la nécessité de prévoir la possibilité d’allouer des dommages et intérêts.

M. Daniel Fasquelle. Au profit de qui ? Pour faire quoi ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. L’avis de la commission est donc défavorable.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Il est défavorable, car malheureusement, dans la mesure où le jugement interviendra parfois longtemps après la réalisation du dommage, la réparation en nature pourra s’avérer très difficile, voire impossible à mettre en œuvre.

Il faut donc prévoir le cas où le versement de dommages et intérêts affectés à la mise en œuvre d’actions de protection de l’environnement pourra être considéré comme une réparation du préjudice.

Nous nous situons dans la même perspective qu’avec le principe de la compensation. Il est donc nécessaire de prévoir une alternative à la réparation en nature en permettant au juge d’allouer, à titre subsidiaire, une réparation financière tout en s’assurant que l’affectataire en fera une utilisation conforme à la logique du dispositif.

(L’amendement n25 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n26.

M. Dino Cinieri. La rédaction de cet amendement est directement inspirée de l’article L. 162-9 du code de l’environnement. Conformément à celui-ci, l’amendement met en évidence que la réparation en nature désigne différentes mesures physiques de restauration des milieux, par opposition à la réparation par équivalent monétaire qui consiste en une simple allocation de sommes d’argent.

Il précise, en outre, que ces mesures peuvent consister en une remise en état du site endommagé dans son état antérieur, ou dans un état approchant, mais également en des dispositifs complémentaires destinés à fournir un niveau équivalent de ressources pouvant être mises en œuvre, le cas échéant, sur un autre site.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Cette proposition de définition de la réparation en nature est directement inspirée de l’article L. 162-9 du code de l’environnement : elle ne trouverait vraiment pas sa place dans le code civil.

La notion de réparation est claire – nous avons beaucoup consulté sur cette question afin de nous forger un jugement . Cet amendement a donc été repoussé par la commission.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Nous préférons en réalité laisser au juge une marge de manœuvre en vue de déterminer ces modalités, ce qui lui permettra de tenir compte des circonstances de chaque cas particulier, en fonction des espèces et des milieux impactés.

En outre, l’amendement fixe l’objectif de réparation uniquement sur la base du niveau de ressources fourni par les milieux : c’est une conception très utilitariste de la nature, que je ne partage pas. Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement n° 26.

(L’amendement n26 n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 27 et 28, qui peuvent faire l’objet d’une présentation groupée.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour les soutenir.

M. Dino Cinieri. L’amendement n27 supprime la condamnation systématique par le juge du responsable du préjudice à verser des dommages et intérêts, à défaut d’avoir pu le réparer en nature.

Il est tout d’abord difficile de déterminer une équivalence entre le préjudice subi par l’environnement et la somme que devrait reverser son responsable. L’attribution de dommages et intérêts en réparation du préjudice écologique ferait exception au regard des régimes de réparation du préjudice écologique existants, dans la mesure où les États qui l’ont institué en ont exclu la réparation pécuniaire.

Enfin, cette mesure présente un risque de dérive important. En effet, certains demandeurs pourraient être tentés de plaider l’impossibilité de droit ou de fait ou l’insuffisance des mesures de réparation en vue d’obtenir des dommages et intérêts qu’ils affecteront à la protection de l’environnement.

Pour toutes ces raisons, il est proposé de supprimer l’attribution de dommages et intérêts.

Mme la présidente. Dois-je considérer que l’amendement n28 a également été défendu ?

M. Dino Cinieri. Oui : il s’agit d’un amendement visant à revoir la rédaction de l’alinéa 9, et, en conséquence, à procéder à la même substitution à l’alinéa 34.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Défavorable : il est tout à fait nécessaire de prévoir la possibilité de condamner au versement de dommages et intérêts, comme je l’ai dit tout à l’heure. En effet, dans certains cas, la réparation en nature sera impossible. Je rappelle que ce dispositif est extrêmement encadré et que nous n’avons pas, contrairement au Sénat, souhaité étendre lesdits dommages et intérêts.

Quant à l’amendement n28, l’avis de la commission y est également défavorable, car il apparaît contradictoire avec l’amendement n27 que nous venons d’examiner. La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Également défavorable sur les deux amendements, et pour les mêmes raisons.

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Fasquelle.

M. Daniel Fasquelle. Pour une fois, et c’est suffisamment rare pour être signalé, je ne suis pas d’accord avec mon ami Dino Cinieri : je pense qu’il faut effectivement réparer le préjudice, que ce soit en nature ou, lorsque cela s’avère impossible, par équivalence.

Mon inquiétude est ailleurs : certaines entreprises réaliseront un gain supérieur au montant de la réparation qu’elles auront à payer ou à supporter si elle est en nature.

Cela signifie donc que ces entreprises continueront à nuire à l’environnement car le montant des sommes qu’elles auront à payer sera toujours inférieur au bénéfice qu’elles retireront du préjudice qu’elles lui ont causé.

En matière d’atteinte au droit à l’image dans la presse, ce phénomène est bien connu : une certaine somme d’argent est due en réparation d’une atteinte à la vie privée ou au droit à l’image, mais, dans la mesure où cette atteinte a permis d’augmenter les ventes et de gagner une somme bien supérieure, le comportement délictueux perdure.

C’est pour cette raison que certains journaux et entreprises continuent à se comporter de la sorte. Qu’allez-vous faire concrètement, et que proposez-vous en vue de mettre fin à ces fautes que l’on appelle parfois lucratives ? En effet, malgré le dispositif que vous avez prévu à l’article 2 bis, certaines entreprises continueront à porter atteinte à l’environnement.

Mme la présidente. La parole est à M. Nicolas Dhuicq.

M. Nicolas Dhuicq. Les rédacteurs de ces amendements avaient évidemment en tête ce qui se passe aux États-Unis où, lorsqu’une entreprise attaque un biotope, elle est obligée de recréer – soi-disant – l’équivalent à un autre endroit du territoire. Je pense notamment aux zones humides.

La limite de ce type de dispositif réside, effectivement, dans l’infinie variété de la vie et des espèces : il n’est jamais possible de remplacer à l’identique. Il s’agit d’une première question.

Nous parlions d’Ouessant : imaginons qu’une espèce particulière de bigorneaux disparaisse sans que la cause de cette disparition ait pu être scientifiquement établie. Dans ce cas, qui allez-vous indemniser et comment ?

Ce type de questions se posera à l’avenir, alors que parfois, de façon naturelle et sans intervention de l’homme, des espèces animales peuvent disparaître. Telle est en effet leur destinée, comme cela sera également la nôtre.

(Les amendements nos 27 et 28, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement n234.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Il s’agit d’un amendement de précision.

(L’amendement n234, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 236 et 327 rectifié.

La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement n236.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Cet amendement propose de supprimer la possibilité pour le juge de condamner le responsable à verser des dommages et intérêts à toute personne désignée par l’État, dans la mesure où cette disposition est dérogatoire aux règles de procédure civile. En effet, un jugement ne peut profiter à un tiers.

Dans l’hypothèse où des dommages et intérêts lui seraient versés, l’État pourrait ensuite, en vertu de ses prérogatives, désigner une personne à laquelle il pourrait confier la mission de réparation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour soutenir l’amendement n327 rectifié.

Mme Viviane Le Dissez. Il est défendu.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces deux amendements identiques ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Il est favorable.

(Les amendements identiques nos 236 et 327 rectifié sont adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n29.

M. Dino Cinieri. Cet amendement rend l’alinéa 10 conforme au principe de réparation intégrale.

En effet, pour évaluer le préjudice écologique existant au jour où il statue, le juge doit tenir compte des mesures de réparation déjà ordonnées ou susceptibles d’être prescrites, en application de l’article L. 160-1 du code de l’environnement. Dans les cas où une procédure administrative est déjà en cours au moment de la saisine du juge judiciaire, celui-ci sursoit à statuer et prend en compte les mesures prescrites par le juge administratif, de façon à optimiser la réparation.

En outre, c’est en toute hypothèse que le juge doit prendre en considération les mesures déjà prises ou à tout le moins ordonnées en vue de la réparation du préjudice écologique, et non pas seulement le cas échéant. Or, dans l’alinéa 10, la locution « le cas échéant » est positionnée de telle manière qu’il est permis de douter que le juge a bien l’obligation, et non simplement la faculté, de prendre en compte l’historique administratif de l’affaire qu’il a à trancher. Il est donc utile de la supprimer.

(L’amendement n29, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements, nos 30, 238 et 326, pouvant être soumis à une discussion commune.

Les amendements nos 238 et 326 sont identiques.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n30.

M. Dino Cinieri. Dans sa rédaction actuelle, l’article n’est pas cohérent avec l’objectif poursuivi. Dans la mesure où le préjudice écologique ne constitue pas un préjudice personnel, il ne convient pas de liquider l’astreinte au profit du demandeur.

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement n238.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Cet amendement permet de reprendre les mêmes conditions de versement de l’astreinte que celles prévues dans l’article 1386-20 relatif au versement des dommages et intérêts, et dans l’article 1249. Ainsi, l’astreinte serait liquidée au profit du demandeur à des fins de réparation ou, si celui-ci ne peut prendre les mesures utiles, au profit de l’État.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour soutenir l’amendement n326.

Mme Viviane Le Dissez. Il est défendu.

(L’amendement n30, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

(Les amendements identiques nos 238 et 326, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements, nos 104 et 31, pouvant être soumis à une discussion commune.

La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement n104.

M. Jean-Marie Sermier. Il existe aujourd’hui un régime de responsabilité dite environnementale. L’introduction du préjudice écologique fait sur de nombreux aspects double emploi avec cette responsabilité environnementale. Il est donc crucial que le texte précise l’articulation entre l’un et l’autre.

Si cet amendement n’était pas voté, il risquerait d’y avoir une insécurité juridique majeure pour les entreprises et leurs assesseurs.

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n31.

M. Dino Cinieri. Cet amendement réintroduit un dispositif d’articulation entre le nouveau régime de réparation des préjudices écologiques et le régime de police administrative, tel que cela avait été proposé à l’Assemblée nationale.

Avec l’inscription de la réparation du dommage à l’environnement dans le code civil, un même dommage pourrait faire l’objet de mesures de réparation ordonnées à la fois par l’administration et par le juge.

Cet amendement prévoit que, lorsqu’une procédure administrative tendant à la réparation du même préjudice est déjà en cours au moment de la saisine du juge judiciaire, celui-ci se prononce sur la recevabilité de l’action, ce qui évite un déni de justice, mais sursoit à statuer sur la réparation jusqu’au terme de la procédure administrative. Ainsi, il pourra prendre en compte les remarques de l’administratif dans l’évaluation de la réparation civile.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Le mécanisme du sursis à statuer a été supprimé au Sénat. Nous nous sommes ralliés à cette position dans la mesure où le juge a tous les instruments pour statuer avec l’article 377 du code de procédure civile.

La commission est donc défavorable à ces amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Barbara Pompili, secrétaire d’État. Le dispositif de sursis à statuer a effectivement été supprimé au Sénat, et c’est une bonne chose puisqu’il risquerait d’y avoir des délais excessifs au détriment de l’efficacité de la réparation du préjudice écologique.

Je suis donc défavorable à ces deux amendements.

(Les amendements nos 104 et 31, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n32.

M. Dino Cinieri. Cet amendement supprime la possibilité pour le demandeur d’obtenir le remboursement par le responsable de ses dépenses engagées afin de prévenir la réalisation imminente d’un préjudice, d’en éviter l’aggravation ou d’en réduire les conséquences.

En effet, toute mesure préventive n’est pas forcément justifiée du fait de la méconnaissance de certaines personnes habilitées à agir. Par ailleurs, cette mesure peut facilement être détournée par des mesures dilatoires de prévention pouvant entraîner des enrichissements sans cause, dans le cadre de procédures.

Il est très difficile de justifier l’action de prévention, et donc, de facto, la légitimité du demandeur. Afin de prévenir toute action intempestive et toute multiplication d’actions en justice, il convient donc de supprimer cet alinéa.

(L’amendement n32, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n33.

M. Dino Cinieri. C’est un amendement rédactionnel.

(L’amendement n33, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n34.

M. Dino Cinieri. Cet amendement propose d’attribuer la compétence de la réparation des préjudices écologiques à des juridictions spécialisées.

Dans un souci de rationalisation des compétences et des moyens, il serait pertinent de réserver la compétence en matière de réparation du préjudice écologique à un nombre limité de tribunaux. Cela permettrait corollairement de participer à la spécialisation de juges en droit de l’environnement.

Enfin, la création de juridictions spécialisées serait le gage d’une plus grande homogénéité dans la mise en œuvre du régime de réparation.

(L’amendement n34, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 36 et 206.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n36.

M. Dino Cinieri. Cet amendement applique la prescription de responsabilité de droit commun.

L’article fixe des délais de prescription différents de ceux prévus dans le code de l’environnement, et, de fait, complexifie la lecture des prescriptions civiles. Il convient donc de prévoir que le point de départ de la prescription de trente ans est fixé à la date de réalisation du préjudice.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement n206.

M. Jean-Marie Sermier. Depuis le début de cette séance, nous n’arrêtons pas d’ajouter des dispositions importantes. Pour éviter une insécurité juridique aux entreprises, il convient maintenant de fixer un délai de prescription. Nous proposons trente ans.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces deux amendements ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Le délai de prescription de dix ans suivant la date à laquelle la personne a connu ou aurait dû connaître la manifestation du préjudice me semble être une bonne solution. En matière de police administrative, l’ensemble du dispositif reposant sur la notion de dommages à l’environnement, il n’est pas possible d’instituer une prescription prenant comme point de départ la réalisation d’un préjudice.

La commission a donc repoussé ces amendements.

(Les amendements identiques nos 36 et 206, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques, nos 240 rectifié et 325 rectifié.

La parole est à Mme Geneviève Gaillard, pour soutenir l’amendement n240 rectifié.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Cet amendement propose de revenir, s’agissant de la date à compter de laquelle le délai de prescription commence à courir, au jour où le titulaire de l’action a connu ou aurait dû connaître la manifestation du préjudice, et non du dommage. Il s’agit donc de reprendre la formulation retenue par l’Assemblée nationale et le Sénat en deuxième lecture.

Le Sénat a ramené le délai de prescription à dix ans, sans délai butoir, solution à laquelle la commission s’est ralliée.

Le choix du terme dommage apparaissait plus conforme aux formulations usuelles du code civil en matière de prescription, mais il pourrait, dans certains cas, avoir pour conséquence de réduire la durée de la prescription. Il est donc proposé de mentionner le terme préjudice.

En matière de police administrative en revanche, l’ensemble du dispositif reposant sur la notion de dommage à l’environnement, il n’est pas possible d’instituer une prescription prenant comme point de départ la réalisation d’un préjudice. Cela n’aurait eu aucun sens.

Mme la présidente. La parole est à Mme Viviane Le Dissez, pour soutenir l’amendement n325 rectifié.

Mme Viviane Le Dissez. Il est défendu.

(Les amendements identiques nos 240 rectifié et 325 rectifié, acceptés par le Gouvernement, sont adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques, nos 37, 105 et 317.

La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n37.

M. Dino Cinieri. Cet amendement introduit une clause relative à l’application de la loi dans le temps.

En effet, il convient de préciser que le nouveau régime de responsabilité créé dans le code civil, visant à réparer et à prévenir les dommages à l’environnement, s’applique aux seuls dommages survenus postérieurement à la publication de la loi.

Conformément à la position récurrente du Conseil constitutionnel, une loi créant un nouveau régime de responsabilité ne saurait être d’application rétroactive.

Par ailleurs, toute application rétroactive de ce nouveau régime de responsabilité exposerait les entreprises et les particuliers à un risque de ruine dans la mesure où les contrats d’assurance antérieurs à l’entrée en vigueur de la loi ne disposeraient pas de la garantie nécessaire à leur protection.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement n105.

M. Jean-Marie Sermier. Il est défendu.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Favennec, pour soutenir l’amendement n317.

M. Yannick Favennec. Cet amendement vise à préciser que l’article 2 bis n’est pas rétroactif et s’applique donc uniquement aux dommages à l’environnement postérieurs à l’entrée en vigueur de la loi de reconquête de la biodiversité.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission sur ces trois amendements ?

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. Nous avons souhaité maintenir l’option retenue par le Sénat et viser également les préjudices dont les faits générateurs sont antérieurs à la loi. La commission est donc défavorable à ces amendements.

(Les amendements identiques nos 37, 105 et 317, repoussés par le Gouvernement, ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement n446.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. C’est un amendement de précision.

(L’amendement n446, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Sermier, pour soutenir l’amendement n106 rectifié.

M. Jean-Marie Sermier. L’objectif de cet amendement est d’exclure du périmètre de la réparation du préjudice écologique les dommages résultant d’activités relevant de conventions internationales. La France doit respecter sa signature.

(L’amendement n106 rectifié, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Geneviève Gaillard, rapporteure, pour soutenir l’amendement n447.

Mme Geneviève Gaillard, rapporteure. C’est un amendement de coordination.

(L’amendement n447, accepté par le Gouvernement, est adopté.)

(L’article 2 bis, amendé, est adopté.)

Mme la présidente. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

2

Ordre du jour de la prochaine séance

Mme la présidente. Prochaine séance, cet après-midi, à quinze heures :

Questions au gouvernement sur des sujets européens ;

Adoption de six projets de loi en procédure d’examen simplifié autorisant l’approbation de conventions et accords internationaux ;

Suite de la discussion du projet de loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

La séance est levée.

(La séance est levée, le mercredi 22 juin, à une heure.)

La Directrice du service du compte rendu de la séance

de l’Assemblée nationale

Catherine Joly