XVe législature
Session ordinaire de 2017-2018

Première séance du mardi 10 octobre 2017

Sommaire détaillé
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Première séance du mardi 10 octobre 2017

Présidence de M. François de Rugy

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Questions au Gouvernement

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Politique du logement

    M. le président

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    La parole est à M. Thierry Benoit, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants.

    M. Thierry Benoit

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    Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement a présenté le mois dernier sa stratégie pour le logement : suppression du prêt à taux zéro dans les zones rurales et les villes moyennes et de l’aide personnalisée au logement pour l’accession à la propriété, dont l’importance sociale est pourtant avérée.
    « En même temps », la semaine dernière, le Président de la République a souhaité corriger ces annonces désastreuses…

    M. Éric Straumann

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    Cela reste insuffisant !

    M. Laurent Furst

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    Ça avance, ça recule…

    M. Thierry Benoit

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    …car ce sont les territoires périphériques qui paieraient le prix fort de ces orientations si le Gouvernement les mettait en œuvre.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est vrai !

    M. Thierry Benoit

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    Les villes moyennes et les territoires ruraux sont en déficit de logements de qualité, notamment pour ce qui concerne la précarité énergétique et la qualité de l’air.
    Il est donc nécessaire d’amplifier la dynamique de la rénovation énergétique et de la construction dans ces territoires à faible densité de population. En supprimant le prêt à taux zéro, vous condamneriez la réhabilitation et l’accès au logement dans des zones qui en ont autant besoin que les zones denses compte tenu des niveaux de revenus de leurs habitants, beaucoup plus faibles. Une politique du logement qui ne tient pas compte des différences territoriales est la négation d’une politique d’aménagement du territoire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LC et LR.)

    Mme Sylvia Pinel

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    Très bien !

    M. Thierry Benoit

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    Vouloir concentrer les aides à l’accession sur les zones les plus tendues, où la demande dépasse l’offre, c’est alimenter la chaudière de l’inflation.

    Un député du groupe LR

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    Exactement !

    M. Thierry Benoit

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    Les récentes déclarations du Président de la République vont dans le sens du maintien d’inégalités incompréhensibles entre les territoires. Faut-il rappeler que les villes moyennes et les territoires ruraux mobilisent près de 60 % du prêt à taux zéro ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LC et LR.)
    Le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants interpelle le Gouvernement afin que celui-ci engage une stratégie du logement encourageante non seulement pour les jeunes, les primo-accédants, mais aussi pour les Français à faibles revenus. (Mêmes mouvements.)

    M. Sébastien Jumel et Mme Sylvia Pinel

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de la cohésion des territoires.

    M. Jacques Mézard, ministre de la cohésion des territoires

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    Monsieur le député Benoit, je vous remercie de votre question constructive (Sourires) et, « en même temps », y réponds de manière constructive.

    Un député du groupe LR

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    Quelle bienveillance !

    M. Jacques Mézard, ministre

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    Vous avez fait des propositions ; vous avez été entendu. Les dispositifs dont vous avez rappelé l’existence devaient s’arrêter au 31 décembre 2017. Le Gouvernement a choisi de les prolonger selon de nouvelles modalités et avec une visibilité sur quatre ou deux ans.
    En premier lieu, je vais vous rassurer en ce qui concerne les territoires « détendus », nos zones rurales, nos villes moyennes. Que va-t-il se passer pour le PTZ ? Vous le savez déjà : en ce qui concerne l’accession à la propriété dans l’ancien, le dispositif sera maintenu sur quatre ans. En ce qui concerne le neuf, et le Président de la République l’a confirmé la semaine dernière, il sera prolongé dans les zones B2 et C sur deux ans.

    M. Marc Le Fur

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    Mais pas avec le même taux !

    M. Jacques Mézard, ministre

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    Nous aurons donc une visibilité pendant quatre ans et deux ans, ce qui n’était pas le cas jusqu’ici.
    En second lieu, vous avez parlé des jeunes, des étudiants, des villes moyennes et des territoires ruraux. En ce qui concerne les jeunes, les étudiants, nous avons pris l’engagement, en présentant cette stratégie, de construire 80 000 logements, dont 60 000 pour les étudiants.

    M. Aurélien Pradié

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    Vous baissez l’APL !

    M. Jacques Mézard, ministre

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    Le bail mobilité, l’extension de la garantie locative à tous les étudiants sont des mesures vraiment nouvelles et très importantes, et qui n’avaient jamais été proposées jusqu’ici. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM. - « Ce n’est pas la question ! » sur les bancs du groupe LR.)
    Concernant les villes moyennes, nous vous proposerons au début de l’année prochaine un contrat qui changera la donne, car elles sont effectivement oubliées depuis des années. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

    Fonction publique

    M. le président

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    La parole est à M. Jacques Savatier, pour le groupe La République en marche.

    M. Jacques Savatier

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    Monsieur le président, ma question s’adresse à M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics.

    M. Thibault Bazin

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    Judas ! (Protestations sur les bancs du groupe REM.)

    M. Jacques Savatier

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    Aujourd’hui, les syndicats de la fonction publique ont appelé les agents publics à une grève nationale afin de dire leur inquiétude quant aux mesures proposées par le Gouvernement pour la fonction publique. Des manifestations et rassemblements sont prévus dans toute la France et les enseignants, les personnels des hôpitaux ou du secteur des transports ont répondu à cet appel.
    Monsieur le ministre, j’aimerais pouvoir rassurer nos concitoyens fonctionnaires ou contractuels de la fonction publique de l’État, des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière, tout en rappelant la nécessité de moderniser le service public.
    Je vous demande donc de nous expliquer les initiatives qu’a prises le Gouvernement pour redéfinir le périmètre des missions de service public, faciliter la mobilité des fonctionnaires et leur progression de carrière, renforcer leur formation continue et améliorer leur qualité de vie au travail, pour un meilleur service rendu aux usagers.
    Je sais que ces sujets sont étroitement suivis, dans le cadre du débat budgétaire à venir, par Mme Émilie Chalas, rapporteure pour avis de la commission des lois et Mme Cendra Motin, rapporteure spéciale de la commission des finances, que je remercie d’avance pour leur contribution. Cependant, les Français ont besoin de connaître dès aujourd’hui la vision et les projets, la méthode et le calendrier qui sont les vôtres. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes REM et MODEM.)

    M. Éric Straumann

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    Allô !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics

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    Monsieur le député, un certain nombre de syndicats de la fonction publique ont souhaité faire de ce 10 octobre une journée à la fois de grève et de manifestations. Comme vous, je suis républicain et démocrate. En tant que républicain, le membre du Gouvernement que je suis écoute, entend et reçoit les organisations syndicales qui manifestent et appellent à la grève, ce qui est tout à fait leur droit – elles méritent notre grand respect. Mais en tant que démocrate, j’estime que la majorité parlementaire a été élue pour appliquer le programme du Président de la République, et notamment transformer l’action publique, les services publics, afin de donner plus à nos concitoyens.
    Comme vous – élus locaux, parlementaires, citoyens – je rencontre tous les jours les héros du quotidien. Ce sont les infirmiers, les enseignants, les agents des services publics qui, nuit et week-ends compris, travaillent pour nos concitoyens. Ils méritent notre respect. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
    Oui, nous avons prévu une transformation de l’action publique, comme souhaité par le Président de la République et le Premier ministre. Nous devons nous poser pour savoir ce que l’État peut encore faire, ce que l’État doit faire mieux, notamment pour les territoires les plus reculés de la République. Nous devons exclure tout coup de rabot, ne pas recourir au non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, mais réfléchir.

    M. Thibault Bazin

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    On a vu ce qu’a donné cette méthode avec les APL !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est pourquoi nous proposons cette année de revoir les missions des services publics, sans supprimer en nombre les emplois publics. Une fois les missions redéfinies, nous mettrons les moyens et le nombre d’équivalents temps plein – ETP – nécessaires pour les remplir.
    La vision comptable de l’administration publique a conduit à ce que nous constatons aujourd’hui, incrédules : des créations de postes, auxquelles ont succédé autant de suppressions de postes, de nouveau suivies par des créations de postes, avec, au bout du compte, des agents publics désorientés.
    Enfin, je veux dire ici que l’augmentation de la CSG sera intégralement compensée pour les trois fonctions publiques : 3 milliards d’euros sont prévus dans le projet de loi de finances. Aucun agent public ne verra sa rémunération baisser au mois de janvier. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

    Glyphosate

    M. le président

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    La parole est à Mme Bénédicte Taurine, pour le groupe La France insoumise.

    Mme Bénédicte Taurine

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    Monsieur le président, ma question s’adresse à M. le Premier ministre et porte sur les révélations qui viennent d’être faites concernant le glyphosate : Monsanto, afin de défendre son business, a payé des scientifiques pour signer de fausses études rédigées par ses services.
    Nous faisons face à une nouvelle crise sanitaire. La nocivité de la molécule de glyphosate a été démontrée par l’OMS. Ce pesticide étant d’ailleurs interdit pour les usages non agricoles en France, pourquoi continuer à l’autoriser pour l’agriculture ? D’ores et déjà, des maladies imputées au glyphosate font surface. C’est le cas pour Théo, 10 ans, dont la mère affirme avoir été exposée au pesticide, et qui en est à sa cinquante-deuxième opération. On retrouve également le glyphosate dans les tests urinaires réalisés par les Faucheurs volontaires de l’Ariège.
    Monsieur le Premier ministre, qu’attendez-vous encore pour intervenir ? Les faits et les études scientifiques indépendantes vous le montrent : le glyphosate des Monsanto et Bayer est un poison ! Des alternatives viables pour les agriculteurs et les consommateurs existent déjà.

    M. Laurent Furst

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    Lesquelles ?

    Mme Bénédicte Taurine

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    Il s’agit à présent de les mettre en place. C’est à vous et à votre gouvernement d’intervenir et d’impulser ce changement. En 2016, la France a interdit un autre herbicide, le diméthoate.

    M. Christian Jacob

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    Il s’agit d’un insecticide !

    Mme Bénédicte Taurine

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    Cela a conduit l’Espagne, l’Italie et d’autres pays à l’interdire également.
    La France a tout à fait les moyens d’enrayer cette crise sanitaire. Ce poison ne touche pas seulement notre pays ; il est de la responsabilité de votre gouvernement d’agir clairement pour interdire le glyphosate en France avant la fin de l’année. Ne soumettons pas la santé des Français à la Commission européenne et aux lobbies de l’agroalimentaire ! Monsieur le Premier ministre, à quelle date mettrez-vous un terme à cette crise sanitaire ? Et quels moyens donnerez-vous aux agriculteurs ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Edouard Philippe, Premier ministre

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    Madame la députée, ce n’est pas la première fois, et probablement pas la dernière, que nous évoquons ce sujet lors de la séance des questions au Gouvernement. À votre grande déception sans doute, je ferai la même réponse que précédemment, ce qui démontrera une certaine constance et le souci d’être cohérent.
    Le glyphosate entre dans la composition de 178 produits commercialisés en France. Des interrogations ont été formulées sur son éventuelle dangerosité. De nombreuses expertises ont été conduites par des autorités de santé, aussi bien françaises qu’européennes. Votre vision, votre lecture, vous conduisent à évoquer certaines de ces études ; il en existe d’autres, vous le savez.

    Mme Mathilde Panot

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    Que faites-vous des « Monsanto papers » ?

    M. Edouard Philippe, Premier ministre

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    Notre but est très simple. Nous partons de l’idée qu’il nous faut fixer des objectifs à la fois clairs, prévisibles et irréversibles. Constatant qu’il n’existe pas à ce jour de produits qui puissent aboutir aux mêmes résultats que ceux élaborés à partir du glyphosate, constatant que certains agriculteurs souhaitent pouvoir transformer leur façon de produire mais que d’autres se trouvent dans la nécessité d’utiliser ces produits, j’ai demandé au ministre de l’agriculture et au ministre d’État chargé de la transition écologique de préparer une stratégie de sortie du glyphosate.
    Ainsi, en tenant compte de l’ensemble des connaissances scientifiques et de l’évolution des pratiques agricoles, nous pourrons définir de façon calme, ordonnée, prévisible – et irréversible – les moyens de faire évoluer notre modèle de production agricole.
    Madame la députée, la Commission européenne a présenté une proposition tendant à autoriser la commercialisation du glyphosate pour les dix prochaines années. Le Président de la République et le Gouvernement ont indiqué que la France n’était pas favorable à cette proposition. La position de la France n’a pas changé depuis la dernière fois que l’on m’a posé cette question et il est probable qu’elle n’évoluera pas d’ici à la prochaine.
    Nous essaierons de traiter ce sujet dans sa globalité. Nous tiendrons compte des enjeux liés à l’environnement, à la transformation du modèle agricole et à la capacité des agriculteurs à produire et à vivre de leur travail. Les États généraux de l’alimentation offrent l’occasion de se poser ces questions. Mais encore une fois, c’est aux deux ministres compétents dans ce domaine qu’il appartiendra de proposer une feuille de route sur laquelle le Gouvernement pourra s’engager. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

    Couverture des territoires ruraux en téléphonie mobile

    M. le président

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    La parole est à M. Xavier Batut, pour le groupe La République en marche.

    M. Xavier Batut

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    Ma question s’adresse à M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé du numérique.
    Je suis élu d’une circonscription rurale qui est fière de son histoire et consciente de son potentiel, mais ce territoire, situé à équidistance du Havre et de Rouen est, à l’heure actuelle, orphelin. Nous souffrons d’une couverture mobile désastreuse et d’un réseau internet déplorable.
    J’appartiens à cette génération souvent nommée la génération Y. Je vis sur un territoire que j’affectionne…

    M. Éric Straumann

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    Nous aussi !

    M. Xavier Batut

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    …mais je vis également avec mon temps et ses usages.
    Lors de ma campagne, j’ai sillonné 233 communes et parcouru près de 6 000 kilomètres :…

    M. Aurélien Pradié

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    Vous n’êtes pas le seul !

    M. Xavier Batut

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    …accéder au réseau EDGE relevait alors souvent du miracle. La couverture est si faible que des familles, des entrepreneurs, des retraités doivent se mettre au milieu de leur jardin pour téléphoner. Et ce que je vous décris n’est pas la situation d’un territoire particulier mais celle de nos territoires ruraux.

    M. Thibault Bazin

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    Rejoignez l’opposition !

    M. Xavier Batut

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    Monsieur le secrétaire d’État, la téléphonie mobile et le numérique représentent la fracture sociale de notre siècle. À l’heure de la dématérialisation, nous devons en avoir pleinement conscience et agir vite en faveur des territoires ruraux, qui sont des atouts pour notre pays.
    Je me suis longuement entretenu avec des acteurs du secteur. La fibre ne peut être l’unique solution pour bénéficier du haut débit. L’État a pris un engagement vis-à-vis de Seine-Maritime Numérique. Quel sera son apport complémentaire en plus des 30 millions d’euros déjà promis ? Monsieur le secrétaire d’État, pourriez-vous m’assurer que nous allons démocratiser la montée en débit et que nous reverrons les conditions d’obtention des licences 5G en durcissant les critères imposés aux opérateurs en matière d’investissement et d’accès de la population au service ? (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

    M. Éric Straumann

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    En 2025 !

    M. Thibault Bazin

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    Il faut le haut débit pour tous, pas un réseau à deux vitesses !

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé du numérique.

    M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État chargé du numérique

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    Monsieur le député Batut… Non, il siège là ! » sur les bancs du groupe LR.)
    Cela vous fait rire ! Pourtant, la couverture numérique est aujourd’hui le dernier reflet des exclusions. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.) Allez-y, continuez donc à rire ! (Applaudissements sur les bancs du groupe REM. - Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Éric Diard

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    Qu’on lui donne du Temesta !

    M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État

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    Monsieur le député, je suis conscient de la situation que vous décrivez et des attentes des territoires. J’ai fait campagne avec vous. Les Français étaient nombreux à nous demander où étaient les barres.

    M. Christian Jacob

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    Vous avez découvert les Français : c’est bien !

    M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État

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    Ils ont raison de poser la question : où sont les barres, en effet ? (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
    Deux sujets nous occupent en ce domaine. Le premier est celui de la couverture fixe, pour laquelle nous avons pris un engagement clair. D’ici 2020, nous voulons un haut débit satisfaisant, partout sur le territoire. (Mêmes mouvements.)
    Le deuxième engagement concerne le réseau mobile. (Exclamations continues sur les bancs du groupe LR.)Nous savons en parler normalement quand vous venez me voir, chers collègues de l’opposition : faisons de même ici. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)
    Je n’entrerai pas dans les détails, mais parlons de la méthode, qui a été annoncée dans un courrier que nous avons signé avec MM. Mézard, Denormandie et Griveaux et qui est soutenue par les opérateurs. Des engagements seront pris en ce domaine. Deux d’entre vous, Mme Laure de La Raudière et M. Bothorel, on rendu sur ce sujet un rapport dont les recommandations doivent nous amener à revoir notre manière de travailler ensemble. Elles ont d’ores et déjà aidé le Gouvernement à prendre des décisions et à s’engager avec les opérateurs.

    M. Fabien Di Filippo

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    Quelles décisions ?

    M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État

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    Nous souhaitons aujourd’hui que cette méthode de travail nous permette d’avancer ensemble. Quelques engagements, fermes et opposables, plus de transparence,…

    M. Aurélien Pradié

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    Bla bla !

    M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État

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    …et un renforcement majeur des obligations des opérateurs, notamment dans le cas des prochaines attributions de fréquences. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Rien du tout !

    M. Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État

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    Je vous le demande : engageons-nous tous ensemble sur ce sujet puisque, vous le savez bien, c’est sur ce programme que vous pourrez être réélu. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM - Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    Fonction publique

    M. le président

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    La parole est à M. Luc Carvounas, pour le groupe Nouvelle Gauche.

    M. Luc Carvounas

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    Monsieur le Premier ministre, au nom du groupe Nouvelle Gauche, je veux vous féliciter. Jamais sous la VRépublique, un gouvernement n’avait réussi l’exploit, en à peine cinq mois, de réunir un front commun de tous les syndicats de la fonction publique contre lui.

    M. Laurent Furst

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    Eh oui ! Bravo !

    M. Éric Straumann

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    Valls n’était pas mauvais non plus dans ce domaine !

    M. Luc Carvounas

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    Aujourd’hui, les Français manifestent dans plus de 130 communes de notre pays.
    Mais, c’est vrai, avec La République en Marche, tout va toujours plus vite.
    Aujourd’hui, ce ne sont pas des fonctionnaires qui défilent. Ce sont des femmes et des hommes qui éduquent nos enfants, qui servent au quotidien leurs concitoyens, qui les soignent. À ceux de l’exécutif qui parlent de fainéants ou de fonctionnaires de circulaire (Exclamations sur les bancs du groupe REM)merci, mes chers collègues, de votre soutien ! –, je veux parler des cadeaux fiscaux accordés aux plus riches, aux 200 000 qui ont déjà tout ! (Mêmes mouvements.)
    Avec ces 5 milliards d’euros que vous leur offrez, nous pourrions ouvrir 150 000 postes de professeurs chaque année en plus, et doubler en un quinquennat l’effectif du corps professoral.
    Mais vous avez fait d’autres choix : vous avez préféré geler le point d’indice des fonctionnaires, leur imposer une politique d’austérité, rétablir le jour de carence. Surtout, après un plan de casse sociale se traduisant par la suppression de 160 000 emplois aidés, vous avez décidé un nouveau coup de rabot stupide à hauteur de 120 000 postes. Où les prendrez-vous ? Dans nos écoles ? Dans nos armées ? Dans nos maisons de retraite ? (Exclamations sur les bancs du groupe REM.) Cette question est légitime.
    Vous allez encore aujourd’hui réunir nos syndicats dans une grande conférence salariale, mais je vous demande, monsieur le Premier ministre, où se trouve le vrai pouvoir d’achat pour les salariés du quotidien, pour ceux qui font vivre le service public, seul patrimoine de ceux qui n’en ont pas ! (Applaudissements sur les bancs du groupe NG – Exclamations sur les bancs du groupe REM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupe REM et MODEM.)

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics

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    Pardonnez-moi, monsieur le député, en vous cherchant des yeux, je regardais plutôt du côté du groupe La France insoumise. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Contrairement à vous, tout le monde ne change pas de groupe du jour au lendemain !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Rappelons deux vérités, monsieur le député. Pendant quatre années, vous n’avez pas augmenté le point d’indice des fonctionnaires. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.) L’erreur est humaine, mais persévérer est diabolique.

    M. Patrice Verchère

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    L’erreur, c’est Valls !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Le contre-budget que Mme Rabault nous a présenté ne contient aucune mesure pour augmenter le pouvoir d’achat des agents de la fonction publique. Aucune ! (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)Il est vrai qu’il n’est pas très épais !
    Par ailleurs, cette année, le pouvoir d’achat des agents publics a augmenté de 4 % en moyenne cette année, et devrait augmenter de 2 % encore l’année prochaine. C’est vrai, c’est une moyenne, et des disparités existent, mais nous avons déclaré aux organisations syndicales que nous étions prêts à y travailler.
    Il est encore vrai que le pouvoir d’achat de certains fonctionnaires doit être amélioré. Nous ferons, avec M. Blanquer, des propositions pour améliorer celui des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles.
    Vous savez, monsieur le député, je respecte les agents des mairies de France qui ont aujourd’hui choisi d’exercer leur droit de grève ou de manifestation, mais un peu moins les élus qui ont fermé tous les services publics dans leur commune, comme c’est le cas dans la vôtre, ce qui a empêché certains de nos concitoyens de faire garder leurs enfants ou de les faire manger à la cantine ! (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)
    Prendre en otage les citoyens de la République, ce n’est pas normal !

    M. Fabien Di Filippo

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    N’importe quoi !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Au cours du précédent quinquennat, l’ancienne majorité a fait des promesses qu’elle n’a pas su financer. Cela ne m’étonne qu’à moitié, monsieur le député, quand on sait de quelle manière vous avez géré les deniers publics dans votre propre commune ! (Applaudissements sur les bancs du groupe REM. - Exclamations et huées sur les bancs du groupe LR.)

    M. Laurent Furst

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    C’est une attaque personnelle, c’est honteux !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Si la chambre régionale des comptes a pu faire état d’un endettement extraordinaire, c’est que vous n’avez manifestement pas su gérer les finances publiques. Pour notre part, nous ne faisons pas de promesses que nous ne pourrions pas financer. Au contraire, nous prendrons dès le 16 octobre, vis-à-vis des organisations syndicales, des engagements que nous pourrons tenir. Point de démagogie ici, monsieur le député. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

    M. Aurélien Pradié

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    Lamentable !

    Périmètre du Grand Paris

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Millienne, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.

    M. Bruno Millienne

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    Monsieur le Premier ministre : 1 278 communes, 82 intercommunalités, 8 départements, une métropole composée elle-même de 131 communes et de 12 territoires, plus de 900 groupements de collectivités et, bien évidemment, la région administrative. À n’en pas douter, l’Île-de-France détient le record de la complexité, de quoi donner le tournis à une toupie !
    Alors que les dernières lois territoriales se fixaient pour objectif de clarifier les compétences de chaque collectivité, les batailles parlementaires ont laissé des territoires ankylosés et confus. L’organisation francilienne est digne des plus prodigieux mille-feuilles dont on se délecterait sans doute s’il n’était pas question de l’efficacité de l’action publique au service de nos concitoyens.
    La simplification drastique, pour reprendre les mots du Président de la République, est une absolue nécessité. Une gouvernance qui fait coexister trois poids lourds – région, métropole, Paris – ne peut pas fonctionner.
    Ce fut une erreur du précédent gouvernement de réduire le périmètre de la métropole au seul ancien département de la Seine, excluant de fait cinq millions de Franciliens et faisant peser le risque d’une marginalisation sociale, économique et culturelle des territoires périurbains et ruraux de la grande couronne. La solution ne peut consister à intégrer à la métropole des valeurs ajoutées comme Roissy et le plateau de Saclay.
    Pour répondre aux défis qui nous sont lancés par les grandes régions du monde, faisons le choix cohérent et logique de la région métropole calquée sur le périmètre de l’Île-de-France et dotée de compétences stratégiques. Si nous voulons bâtir une agriculture – pour ne prendre que cet exemple – qui serait, elle aussi, moteur du développement économique, c’est bien cet échelon qu’il faut envisager.
    Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous éclairer la représentation nationale, les élus locaux et les Franciliens sur les orientations retenues par le Gouvernement dans la perspective de la conférence du Grand Paris ? Pouvez-vous réaffirmer que vous aurez à cœur de ne pas laisser s’installer une Île-de-France à plusieurs vitesses dont les territoires de grande couronne seraient, à nouveau, les grands oubliés ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Bernard Brochand

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    C’est un onemanshow aujourd’hui !

    M. Edouard Philippe, Premier ministre

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    Monsieur le député, pour recevoir en ce moment de nombreux élus franciliens, régionaux, départementaux, présidents d’établissements publics territoriaux et maires, je mesure mieux la complexité du débat sur le Grand Paris ou la métropole. Je mesure les passions, les inquiétudes, les interrogations qu’il suscite.
    Pour vous répondre, je partirai de trois constats. Premier constat – et c’est plutôt une bonne nouvelle –, le fait métropolitain s’est imposé ; il n’est pas contesté. Chacun s’accorde à reconnaître que le fait métropolitain existe, que la très grande densité démographique sur l’aire géographique très vaste autour de Paris relève de ce fait métropolitain et qu’il faut donc traiter celui-ci en tant que tel.
    Deuxième constat : que l’on retienne le périmètre de la métropole actuelle avec ses 7 millions d’habitants ou le périmètre de la région Île-de-France avec ses près de 11 millions d’habitants, il n’existe pas sur le territoire national quelque chose de comparable, qui présente les spécificités du Grand Paris ou de la métropole, quel que soit le nom qu’on veuille lui donner.
    Troisième constat : tout le monde s’accorde sur le fait que la situation actuelle ne peut pas durer.

    Un député du groupe LR

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    C’est clair !

    M. Edouard Philippe, Premier ministre

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    C’est d’ailleurs très intéressant. Des modifications législatives ont été tentées, mais je n’ai encore rencontré personne qui me dise : « Surtout ne changez rien ! ».
    Je crois que la bonne méthode, monsieur le député, est de partir non pas d’une logique institutionnelle, presque administrative, mais plutôt des politiques publiques. C’est une meilleure méthode.
    Réfléchissons aux enjeux de l’organisation du fait métropolitain : à celui, essentiel et urgent, de la compétitivité. Réfléchissons à l’enjeu de la qualité de vie – ce n’est pas un vain mot dans ce territoire ; comme partout en France, mais singulièrement dans le territoire métropolitain, cette question se pose. Pensons aussi aux questions de solidarité, car la répartition des richesses sur le territoire métropolitain est à l’évidence marquée par de très fortes inégalités.
    Sur la base de ces constats et de ces orientations, le Président de la République et le Gouvernement proposent une méthode. La première caractéristique de cette méthode est d’écouter et de prendre le temps d’entendre les points de vue et les aspirations de l’ensemble des acteurs. Ces aspirations sont souvent contradictoires, vous le savez, monsieur le député. Il faut prendre le temps d’écouter pour comprendre quelles sont les logiques portées par les différents niveaux d’administration territoriale et par les élus qui les incarnent.
    Deuxième point de méthode : éclairer. Nous devons instruire et documenter les différents scénarios possibles d’organisation parce qu’une multitude de questions techniques, juridiques, financières et même pratiques sur la répartition ou le transfert des compétences se posent. Si, sur un coin de table ou dans sa tête, on peut envisager un cadre administratif parfait, dans la pratique, le transfert des compétences est redoutablement complexe. Personne ne veut, dans les années qui viennent, créer plus de désordre encore dans la répartition des compétences.
    Enfin, troisième point de méthode : décider. C’est ce que nous ferons à l’issue de ce processus et après la réunion, à l’initiative du Président de la République, d’une conférence sur le Grand Paris pour dessiner les nouveaux modes d’organisation.

    M. Thibault Bazin

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    Avec des assises ?

    M. Edouard Philippe, Premier ministre

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    Ce qui est certain, monsieur le député, c’est que nous ne pouvons pas nous contenter du statu quo. Nous allons donc devoir avancer et inventer quelque chose qui n’existe nulle part ailleurs en France – il n’existe aucun modèle dont nous pourrions nous inspirer ou que nous pourrions reproduire s’agissant de la métropole parisienne. C’est donc à un exercice non seulement d’inventivité intellectuelle, mais aussi d’enracinement très fort dans la réalité métropolitaine que nous devons nous livrer. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.)

    Fiscalité applicable aux retraités vivant en établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Cordier, pour le groupe Les Républicains.

    M. Pierre Cordier

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    Monsieur le Premier ministre, non, les retraités ne sont pas des nantis ! Ils ont travaillé toute leur vie et ont bien mérité leurs pensions. À vous entendre, ceux qui perçoivent 1 200 euros par mois sont riches ! Mais non, monsieur le Premier ministre !
    Ces 60 % de retraités que vous qualifiez d’aisés doivent eux aussi payer leurs factures d’électricité et de gaz, leur essence – dont le prix va encore augmenter grâce à vous –, se loger, se nourrir. Pour eux aussi, les fins de mois sont difficiles.
    Ma question porte plus précisément sur les 700 000 retraités hébergés en maisons de retraite. En effet, ils vont subir de plein fouet votre hausse de la CSG de 22 % à partir du 1er janvier 2018 car, n’ayant plus de résidence principale, ils ne bénéficieront pas de la baisse d’un tiers du montant de la taxe d’habitation en 2018. En conséquence, leur pension baissera sans aucune compensation. Nous sommes donc bien loin de la neutralité que vous annoncez dans les médias !
    Cette situation est d’autant plus inadmissible que les enfants de ces retraités doivent souvent les aider à payer les frais d’hébergement qui s’élèvent en moyenne à 1 800 euros par mois en province et 2 200 euros en Île-de-France.
    Alors, monsieur le Premier ministre, qu’avez-vous prévu pour eux ? Je vous remercie de répondre de manière précise à cette question précise. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics

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    Monsieur le député, votre question est importante. La situation que vous décrivez serait insupportable si elle était vraie, mais je vous rassure : ce n’est pas le cas. Le Gouvernement proposera un amendement au projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour que chacun en soit assuré. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Christian Jacob

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    C’était donc vrai !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je vais tout vous expliquer. D’abord, nous constatons que, dans les 7 400 établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes – EHPAD – que compte notre pays, 60 % des personnes hébergées disposent de revenus inférieurs au seuil de déclenchement de l’augmentation de la CSG, à l’inverse de l’ensemble des retraités. On peut donc en conclure que les personnes vivant dans les EHPAD sont en moyenne plus pauvres que la population nationale. Donc, 60 % des résidents ne sont pas concernés par la hausse de la CSG.
    Ensuite, certaines personnes sont hébergées au sein d’un EHPAD – elles choisissent une maison de retraite, qu’elle soit publique ou privée –, mais n’ont pas recours aux services de médicalisation. Mme Buzyn et moi-même l’avons vérifié, ces personnes sont assujetties à la taxe d’habitation. Elles bénéficieront évidemment d’un dégrèvement de la taxe d’habitation jusqu’à 2 500 euros pour une personne seule.

    M. Éric Straumann

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    Ce n’est pas possible dans les EHPAD !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Quant aux personnes médicalisées, elles ne reçoivent pas la taxe d’habitation, mais l’EHPAD la reçoit pour elles et la répercute sur ses tarifs.

    M. Éric Straumann

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    Vous dites des bêtises !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Non, je ne dis pas de bêtises. Ces établissements auront évidemment droit au dégrèvement s’ils le demandent aux services fiscaux. C’est l’objet de l’amendement que nous allons présenter dans le cadre du projet de loi de financement de la Sécurité sociale.

    M. Daniel Fasquelle

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    Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué !

    M. Thibault Bazin

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    C’est une usine à gaz !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il y a enfin le cas de ceux – moins de 15 % des personnes concernées – qui ne paient pas la taxe d’habitation, ni par le biais de leur établissement ni directement. Un débat aura lieu avec Mme Buzyn et des amendements seront proposés par les parlementaires pour permettre une répercussion sur les prix des EHPAD. Aucun retraité ne sera concerné par l’augmentation que vous évoquez. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est de l’enfumage !

    Réhabilitation de l’étang de Berre

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Marc Zulesi, pour le groupe La République en marche.

    M. Jean-Marc Zulesi

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    Monsieur le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, ma circonscription est riveraine du plus grand étang d’eau salée de France, d’une superficie supérieure à la Ville de Paris : je veux parler de l’étang de Berre.
    Pendant des décennies, ce joyau écologique, pépite des Bouches-du-Rhône, a malheureusement été victime de rejets conséquents de produits chimiques et de dégradations dues à une urbanisation galopante. Le constat est accablant : la faune et la flore subaquatiques ont été en grande partie détruites.
    Mais les temps ont changé. Aujourd’hui, les associations, les élus et les habitants aspirent unanimement à la réhabilitation de l’étang de Berre. Ce renouveau écologique permettrait le retour d’une biodiversité riche, mais aussi la création de milliers d’emplois dans les secteurs du tourisme et de la pêche.
    Pour réaliser cet objectif, il y a une solution, saliniser une eau devenue trop douce, et il y a un moyen, remettre en eau le tunnel du Rove, qui reliait la Méditerranée à l’étang. (« On n’est pas mardi matin ! » sur les bancs du groupe LR.)
    En avril dernier, un rapport commandé par le ministère de l’écologie…

    M. Christian Jacob

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    Il ferait mieux de nous donner des sous en plus !

    M. Jean-Marc Zulesi

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    …avait jugé possible la mise en place d’un débit de dix mètres cubes par seconde en perçant un conduit dans ce tunnel. Cette solution aura certes un coût financier, mais ses retombées seront bien supérieures, aux niveaux écologique, économique et humain.
    Monsieur le ministre, quelles sont vos perspectives d’actions pour la réhabilitation de l’étang de Berre ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

    M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire

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    Monsieur le député, d’abord, je tiens à vous rassurer : même si la tentation d’ignorer le sujet sur lequel vous m’interpellez me traversait l’esprit, il ne se passe pas un jour sans que convergent vers moi ce cri d’espoir et cette attente partagés dans votre territoire. (Sourires et exclamations sur les bancs du groupe LR.)
    Comme vous l’avez dit, anciennement salé, l’étang de Berre est devenu depuis de longues années un étang d’eau douce, excessivement pollué. Mais sa restauration ne peut pas se faire à n’importe quel prix.
    Nous partageons évidemment votre priorité. L’objectif, auquel nous parviendrons ensemble, est bien de dépolluer rapidement cet étang. En revanche, l’expertise que vous venez d’évoquer et dont nous avons reçu les conclusions en juin, nous inspire quelques interrogations sur la méthode que vous proposez.
    Les études menées par les experts soulignent en effet que les apports artificiels de grandes quantités d’eau salée ne sont pas forcément la meilleure option, et qu’il existerait de techniques plus douces, plus respectueuses de l’écosystème.

    M. Aurélien Pradié

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    Les sacs de sel ?

    M. Nicolas Hulot, ministre d’État

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    En effet, non seulement l’utilisation du canal du Rove actuellement obstrué, pour alimenter l’étang en eau de mer via un système de pompage, serait très coûteuse – 25 millions d’euros – mais son résultat serait très incertain. Il nous paraît donc nécessaire d’en débattre immédiatement avec les partenaires locaux et d’examiner les propositions alternatives plus douces.

    M. Éric Diard

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    Il n’y en a pas !

    M. Nicolas Hulot, ministre d’État

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    En parallèle, des dispositifs d’observation seraient utiles pour comprendre le fonctionnement de cet écosystème. Il est possible par exemple de jouer sur la courantologie faible des étangs ou sur d’autres facteurs, notamment le mistral,…

    M. Éric Diard

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    C’est une usine à gaz, ça !

    M. Aurélien Pradié

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    C’est de la poésie !

    M. Nicolas Hulot, ministre d’État

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    …et de remettre en état les ouvrages existant sur les digues.

    M. Éric Diard

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    Il ne faut pas écouter les technocrates !

    M. Nicolas Hulot, ministre d’État

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    Pour conclure, le ministère est prêt à réfléchir sans tarder avec vous et avec l’ensemble des acteurs locaux afin de trouver des solutions pour l’étang de Berre. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes REM, MODEM et LC.)

    Aéroport de Notre-Dame-des-Landes

    M. le président

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    La parole est à M. Yannick Favennec Becot, pour le groupe les constructifs : républicains, UDI, indépendants.

    M. Yannick Favennec Becot

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    Monsieur le ministre de la transition écologique et solidaire, quand allez-vous arrêter de nous embrouiller sur le projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ?
    Dernier épisode du feuilleton : les médiateurs que vous avez nommés ont demandé à la société Carbone 4 une expertise complémentaire sur le bilan carbone des deux options possibles, la construction d’un nouvel aéroport à Notre-Dame-des-Landes ou le réaménagement de l’aéroport Nantes Atlantique.
    Or deux des dirigeants de cette société sont des personnalités que vous connaissez très bien. Au même titre que Gérard Feldzer, l’un des trois médiateurs, Jean-Marc Jancovici, ingénieur-conseil en énergie et climat, siège au comité stratégique de la Fondation Hulot (Exclamations sur les bancs du groupe LR) et il est également co-auteur de votre pacte écologique de 2007.
    Alain Grandjean, expert en transition énergétique, siège, quant à lui, au conseil scientifique de votre Fondation. (Nouvelles exclamations sur les bancs du groupe LR.) Vous lui avez d’ailleurs remis la Légion d’honneur et avez préfacé deux de ses ouvrages.
    Mon propos n’est pas de remettre en cause le principe de l’expertise, ni même les compétences de l’agence sur les questions environnementales.

    M. Marc Le Fur

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    Loin de nous cette idée ! (Sourires.)

    M. Yannick Favennec Becot

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    En revanche, l’appartenance de ces deux personnalités à la fondation Hulot crée la suspicion sur l’indépendance de leurs futures conclusions, surtout si l’on ajoute que MM. Grandjean et Jancovici ont pris des positions personnelles contre l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes.
    Alors, monsieur le ministre, Notre-Dame-des-Landes : réelle médiation ou véritable manipulation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LC et sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

    M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire

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    Monsieur le député Favenne,…

    Plusieurs députés du groupe LR

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    Favennec !

    M. Nicolas Hulot, ministre d’État

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    Peu importe. (Protestations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Christian Jacob

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    Est-ce que l’on vous appelle : « monsieur le ministre Dugenou » ?

    M. Nicolas Hulot, ministre d’État

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    Peu importe, parce que votre propos, monsieur le député, est lourd d’insinuations. Pardon de vous le dire, mais…

    M. Éric Ciotti

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    Ne vous adressez pas à nous ! La question a été posée par votre copain !

    M. Nicolas Hulot, ministre d’État

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    …je vous demanderai de démontrer que j’ai en quoi que ce soit participé de près ou de loin non seulement à la nomination des experts mais à la demande de ces experts de désigner la société Carbone 4 pour évaluer les émissions de gaz à effet de serre dans les deux projets. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.)
    Pour tout vous dire, je l’ai découvert en ayant connaissance de votre question. Sachez seulement que la médiation proposée par le Gouvernement, dont je salue le travail,…

    M. Dino Cinieri

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    Mais c’est qui, le Gouvernement ?

    M. Nicolas Hulot, ministre d’État

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    …nommera en toute transparence les instruments et la méthodologie.
    Pour l’heure, nous ignorons encore l’issue de ces travaux. Mais ma ligne de conduite sera la suivante : je me plierai à la décision du Gouvernement lorsque la médiation aura déposé ses conclusions, puisque celle-ci a pour vocation d’étudier en toute indépendance – je peux le garantir – toutes les alternatives et d’en donner une lecture au Gouvernement.

    M. Thibault Bazin

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    C’est qui, le Gouvernement ?

    M. Nicolas Hulot, ministre d’État

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    Cette échéance arrivera fin décembre. D’ici là, pardon de vous le dire, je me concentrerai pour ma part sur d’autres priorités et je me plierai à la décision indépendante du Gouvernement. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

    M. Thibault Bazin

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    Mais c’est qui, le Gouvernement ?

    Projet de réforme de la carte judiciaire

    M. le président

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    La parole est à Mme Isabelle Rauch, pour le groupe La République en marche.

    Mme Isabelle Rauch

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    Madame la garde des sceaux, ministre de la justice, permettez-moi, en ce jour, de rendre hommage à l’un de vos prédécesseurs, Robert Badinter, dont la loi portant abolition de la peine de mort était promulguée il y a trente-six ans. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM, NG et FI, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes GDR et LR.)
    Ma question, qui porte sur l’avenir de notre système judiciaire, émane, à travers moi, de toute la Moselle. Elle est partagée par l’ensemble de mes collègues parlementaires, par les élus locaux et, au-delà, par l’ensemble de la population, ainsi que par les personnels de justice. Elle touche à ce qui nous est cher : l’organisation de l’État et des services publics dans notre département.
    Depuis maintenant plusieurs semaines, les barreaux, de manière bruyante, les personnels de justice, plus discrètement, nous alertent sur une disparition qui semblerait programmée de la cour d’appel de Metz et des tribunaux de grande instance de Thionville et de Sarreguemines.
    Madame la garde des sceaux, au-delà des mots encourageants que vous avez prononcés dans la presse, il nous faut aujourd’hui des actes. La Moselle, c’est plus de 1 million d’habitants. C’est un département qui se bat pour tenir son rang et mobiliser ses énergies…

    M. Laurent Furst

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    C’est vrai !

    Mme Isabelle Rauch

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    …malgré le lourd tribut qu’il a payé aux restructurations militaires, à la réorganisation territoriale et aux transformations industrielles. Les élus, les acteurs économiques, les citoyens, les organisations professionnelles – dont les barreaux – se battent tous les jours pour y développer l’emploi, l’attractivité, la qualité de vie et y préparer l’avenir de nos enfants. Et ici, peut-être plus encore qu’ailleurs, les services publics comptent, pour l’emploi direct et indirect qu’ils génèrent, pour la permanence de l’État qu’ils incarnent, pour le maillage des territoires qu’ils permettent.
    Aussi, madame la garde des sceaux, ma question est simple. Quelles sont les intentions de la chancellerie quant au devenir de la cour d’appel de Metz et des tribunaux d’instance et de grande d’instance de Thionville et Sarreguemines ?

    M. Éric Straumann

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    On ferme !

    Mme Isabelle Rauch

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    Mais, au-delà de cette question concernant la carte judiciaire, je souhaite aussi connaître votre stratégie pour permettre à ces juridictions de conserver leurs attributions, voire pour amplifier leur rayonnement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

    Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Madame la députée, 69 % des Français pensaient en 2016 que la justice fonctionnait mal. C’est bien la raison pour laquelle le Président de la République et le Premier ministre ont décidé de proposer un budget en augmentation de près de 4 %, ce qui est tout à fait significatif, et permettra une création de 1 000 emplois en 2018. C’est aussi la raison pour laquelle, avec M. le Premier ministre, nous avons lancé il y a quelques jours, à Nantes, les chantiers de la justice. Vous l’avez peut-être lu dans la presse, il s’agit de cinq chantiers qui porteront à la fois sur la numérisation, la simplification des procédures pénale et civile, l’adaptation de l’organisation de nos juridictions et le sens et l’efficacité de la peine.

    M. Éric Straumann

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    Ce n’est pas la question !

    Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

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    Ces chantiers devront être achevés d’ici au 15 janvier prochain afin que je puisse revenir devant vous au printemps pour vous présenter un projet de loi de programmation et un projet de loi relatif à la procédure pénale.

    M. Éric Straumann

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    La question !

    Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

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    Le chantier relatif à l’adaptation de nos juridictions est évidemment le plus sensible. Comme vous, madame la députée, je suis absolument certaine que les services publics doivent demeurer présents sur nos territoires.
    C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité confier à deux anciens présidents de la commission des lois de l’Assemblée nationale – M. Dominique Raimbourg et M. Philippe Houillon – une mission de réflexion sur ce chantier de l’adaptation. Ils devront nécessairement – cela me semble inéluctable – raisonner en termes non pas de statu quo, mais de dynamique, et penser en termes de proximité, de spécialisation, de collégialité.

    M. Laurent Furst

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    Combien d’ouvertures ?

    Mme Nicole Belloubet, garde des sceaux

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    En toute hypothèse, nous avons pris un engagement : aucun lieu de juridiction ne sera fermé et le maillage actuel des juridictions sera conservé. Nous travaillerons en ce sens. Le résultat de la concertation nous donnera le schéma définitif. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

    Manifestation des fonctionnaires

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Dharréville, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

    M. Pierre Dharréville

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    Monsieur le ministre de l’action et des comptes publics, je veux vous parler de ces pompiers, avec leur dévouement quotidien – j’ai encore eu l’occasion de les rencontrer le week-end dernier, luttant contre un feu –, de ces policiers de la brigade anticriminalité – BAC –, engagés contre les trafics, de ces hospitaliers qui ne supportent pas de voir leur hôpital traiter de plus en plus mal ses patients quand sa mission est de les soigner, de ces enseignants, qui ont conscience d’exercer une mission essentielle auprès des enfants et qui ont le sentiment d’être empêchés, de ces douaniers qui ne comprennent pas pourquoi on organise leur inefficacité face aux fraudes. Ces « œuvriers » du bien commun sont, chacune, chacun à leur façon, indispensables. Ils devraient être la fierté de la République.
    Pourtant, ce sont eux qui manifestent aujourd’hui, partout en France. Ils demandent des comptes ; ils posent des questions précises auxquelles, pour l’instant, vos réponses n’ont pas été suffisantes. Ils veulent le déploiement du service public. Ils demandent quand va cesser cet acharnement à les priver de moyens d’agir ; ils demandent quand leur travail sera respecté, quand les usagers seront respectés, quand les droits des citoyens de ce pays seront respectés. Et vous leur répondez : quand nous aurons fini de faire des restrictions, et vous ne cessez jamais. Et vous refusez d’aller chercher l’argent là où il est – par exemple, les quelque 300 milliards planqués par des citoyens français dans les paradis fiscaux.
    Gardons l’argent du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi – CICE –, de l’impôt de solidarité sur la fortune – ISF –, des taxes sur les dividendes, et les milliards que vous dilapidez pour vos amis – les riches et les acteurs de la finance ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe REM.)

    Mme Danièle Obono

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    Très bien !

    M. Pierre Dharréville

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    Ces « héros du quotidien », dont vous avez parlé, payez-les correctement, recrutez-les ! Ne privez pas la République de sa force ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI.)
    Monsieur le ministre, quelle ambition avez-vous pour les services publics ? Quand allez-vous prendre la mesure de la colère sociale qui monte dans le pays ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes FI et NG.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics

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    Monsieur le député, vous avez raison : comme je l’ai indiqué précédemment à votre collègue, les personnes que vous citez sont effectivement des héros du quotidien, qui travaillent chaque jour à la sécurité des Français et à leur bien vivre. Nous sommes tous, ici, attachés aux services publics, aux fonctionnaires et aux agents contractuels de la fonction publique. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe REM.)
    Cela dit, si certains d’entre eux manifestent, ce qui est leur droit, toute la fonction publique ne le fait pas. Nous voulons aussi dire à l’ensemble des agents publics que nous avons compris qu’ils souhaitaient être considérés, ce qui est bien légitime. De fait, après des années sans augmentation du point d’indice, ni évolution de leur rémunération, ni modification de leurs missions, on leur a infligé des années durant des coups de rabot, en termes de suppressions de postes, avant de décider, au cours des deux dernières années, une augmentation extrêmement forte de leurs effectifs, le tout sans réelle concertation.
    Nous allons donc remettre les choses à plat. D’abord, monsieur le député, sans vouloir caricaturer vos propos, j’apporterai une précision. La rémunération moyenne des agents publics ne connaît pas l’austérité que vous évoquez : elle connaîtra une augmentation moyenne de 4 % en 2017 et de 2 % l’année prochaine. Par ailleurs, dans la trajectoire budgétaire que nous présenterons tout à l’heure à la commission des finances, nous avons maintenu les 4 milliards d’euros qui ont été actés, mais non financés, dans le cadre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » – PPCR –, ce qui constituera une augmentation de pouvoir d’achat pour l’ensemble des agents publics.
    Monsieur le député, on ne peut pas tout confondre. Nous avons pris un certain nombre de dispositions extrêmement fortes contre la fraude fiscale. À la demande de M. le Président de la République et de M. le Premier ministre, nous fermerons, au 31 décembre, le service de traitement des déclarations rectificatives – STDR –, qui concerne un certain nombre d’évadés fiscaux. Nous allons par ailleurs augmenter les moyens accordés, notamment, à la Direction générale des finances publiques – DGFIP –, aux renseignements douaniers et au renseignement TRACFIN – traitement du renseignement et action contre les circuits financiers clandestins – pour lutter contre la fraude fiscale. De fait, vous avez raison, la fraude, qu’elle soit sociale ou fiscale, est un coup de canif porté au pacte républicain. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.)

    Mme Elsa Faucillon

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    Ces fraudes ne sont pas comparables !

    Refondation de l’Europe

    M. le président

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    La parole est à M. Xavier Paluszkiewicz, pour le groupe La République en marche.

    M. Xavier Paluszkiewicz

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    « L’Europe ne se fera pas en un jour ni sans heurts. Rien de durable ne s’accomplit dans la facilité. Pourtant déjà elle est en marche », disait Robert Schuman. C’est en ce sens que M. le Président de la République, le 26 septembre dernier, s’est exprimé au sujet de l’une de ses priorités du quinquennat, la refondation d’une Europe souveraine, démocratique et unie.
    C’est cette même Europe qui nous permettra, je l’affirme ici en ma qualité de rapporteur spécial aux affaires européennes (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR), né et élu, qui plus est, à deux pas des frontières belge et luxembourgeoise, de défendre nos valeurs et nos intérêts dans un monde qui ne cesse de se mouvoir.
    La France doit porter un véritable projet européen, ambitieux et réaliste. C’est pourquoi nous devons non seulement parler du budget, mais également de projet. Les dernières actualités en Europe sont fort symboliques : la percée des nationalistes au Bundestag, le référendum sur l’indépendance de la Catalogne et l’instabilité politique italienne...

    M. Fabien Di Filippo

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    Les échecs de Macron !

    M. Xavier Paluszkiewicz

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    Voici quelques exemples d’une Europe à deux vitesses, électrisée par des problèmes endémiques auxquels nous devons faire face ensemble.
    Concentrer l’énergie et la force des États membres pour que nous puissions enfin créer un projet européen bien supérieur à la simple somme des États qui composent l’Union, voilà l’équation que nous devons porter, n’en déplaise à certains eurosceptiques assis sur les bancs de cette assemblée.

    M. Fabien Di Filippo

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    Où cela ?

    M. Xavier Paluszkiewicz

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    Alors, selon la formule hautement consacrée, madame la ministre, les Français veulent savoir ! Savoir si la réforme du statut des travailleurs détachés, si chère à M. le Président de la République,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Notre cher, très cher Président !

    M. Xavier Paluszkiewicz

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    …mettra enfin un terme aux disparités salariales et concurrentielles dont souffrent nos salariés et nos entreprises. Savoir si la refonte des institutions européennes pourra enfin créer un cadre commun plus solide, à travers la nécessité d’organiser des débats issus de conventions démocratiques. Pour qu’aucun pays ne puisse plus bloquer ceux qui veulent avancer plus vite ou plus loin, nous devons frapper fort. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre chargée des affaires européennes.

    Mme Nathalie Loiseau, ministre chargée des affaires européennes

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    Monsieur le député Paluszkiewicz, depuis sa prise de fonction, le Président de la République a mis l’accent sur la nécessité de faire en sorte que l’Europe protège mieux ses citoyens. Mieux protéger ses citoyens, c’est mieux protéger les travailleurs contre le risque d’une concurrence déloyale par des travailleurs low cost.

    M. Aurélien Pradié

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    Nous sommes déjà au-delà du simple risque !

    Mme Nathalie Loiseau, ministre

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    C’est la raison pour laquelle, et vous avez raison, il est urgent de mettre fin au régime actuel des travailleurs détachés et de le réformer en profondeur en respectant le principe : « à travail égal, salaire égal » sur le même lieu de travail.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Ça existe déjà, ça ! Ce sont les cotisations sociales, le problème !

    Mme Nathalie Loiseau, ministre

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    Un conseil des ministres européen aura lieu fin octobre pour discuter de cette révision de la directive. Muriel Pénicaud, Élisabeth Borne et moi-même parlons quotidiennement à nos partenaires de l’Union européenne pour faire avancer nos idées. La négociation n’est pas facile, mais nous avons bon espoir ; j’étais en Pologne la semaine dernière…

    M. Aurélien Pradié

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    Les voyages forment la jeunesse ! J’espère qu’il a fait beau !

    Mme Nathalie Loiseau, ministre

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    …et je serai en Hongrie dans quelques jours ; nous ne négligeons aucun effort.
    Réformer le travail détaché est indispensable, mais ce n’est pas suffisant : pour parvenir à une vraie convergence vers le haut, il faut faire en sorte d’adopter des normes sociales communes exigeantes et rapprocher nos fiscalités.
    Vous avez raison : l’Europe qui protège, c’est aussi l’Europe refondée que le Président de la République a proposée à la Sorbonne.

    M. José Evrard

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    C’est vers l’Europe des nations que nous devons aller !

    Mme Nathalie Loiseau, ministre

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    Le ministre de l’Europe et des affaires étrangères et moi-même présenterons cet après-midi dans l’hémicycle, lors d’un débat prévu par l’article 50-1 de la Constitution, nos objectifs et notre méthode.
    Refonder l’Europe suppose que nous le fassions avec les citoyens,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Il faut le dire au Président !

    Mme Nathalie Loiseau, ministre

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    …c’est la raison pour laquelle nous agirons par le biais des conventions démocratiques que vous avez mentionnées, monsieur le député. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes REM et MODEM.)

    Couverture des territoires ruraux en téléphonie mobile

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Pierre Cubertafon, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.

    M. Jean-Pierre Cubertafon

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    Ma question s’adresse au ministre de la cohésion des territoires. Alors qu’un rapport d’information parlementaire sur la couverture numérique du territoire vient d’être publié le 27 septembre, je souhaite, monsieur le ministre, appeler votre attention sur cette couverture.
    En observant les cartes de l’ARCEP, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, j’ai été étonné d’apprendre qu’au 17 septembre, une seule commune de ma circonscription était classée parmi les zones blanches. Or, au cours de mes déplacements en tant que député, j’ai pu constater que, dans cette circonscription rurale, le nombre de zones blanches était bien plus important que les chiffres officiels ne le laissent penser.

    M. Thibault Bazin

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    On vous a menti !

    M. Jean-Pierre Cubertafon

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    Dans les espaces les plus isolés, et en Dordogne, les nombreuses zones blanches et grises sont une réalité quotidienne pour les administrés dont l’exaspération augmente. Je constate notamment qu’il existe un véritable décalage entre ce qu’indiquent les cartes et le ressenti des habitants.

    M. Fabien Di Filippo

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    Eh oui ! Les discours, cela ne suffit pas, monsieur le ministre !

    M. Jean-Pierre Cubertafon

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    Ce décalage est dû, selon moi, aux critères permettant de définir les zones blanches : sont ainsi désignées les communes dont le centre bourg n’est couvert par aucun opérateur de réseau mobile dans un rayon de 500 mètres autour de la mairie. La présence d’un seul opérateur suffit donc pour sortir de ce classement. De plus, les mesures sont effectuées à l’extérieur des bâtiments. De tels critères sont complètement déconnectés de la réalité.
    Qu’en est-il des citoyens et des entreprises qui s’installent loin des centres ? Qu’en est-il du sentiment de ces citoyens, qui se sentent exclus au profit des centres urbains ?

    Mme Laure de La Raudière

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    Très bien !

    M. Jean-Pierre Cubertafon

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    Ces trous dans la couverture nuisent gravement à l’activité économique de nos TPE, de nos PME et de nos grandes entreprises. Monsieur le ministre, je sais votre volonté et celle du Gouvernement d’œuvrer pour le désenclavement. Comptez-vous réformer les critères de définition des zones blanches ? Quelles sont les pistes de réflexion du Gouvernement dans ce domaine ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs du groupe REM.)

    M. Raphaël Schellenberger

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires.

    M. Julien Denormandie, secrétaire d’État auprès du ministre de la cohésion des territoires

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    Monsieur le député, vous avez entièrement raison. J’ajouterai même qu’officiellement, 98 % des Français sont connectés à la téléphonie mobile.

    M. Thibault Bazin

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    Quel scandale !

    M. Julien Denormandie, secrétaire d’État

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    Or cela ne correspond ni au ressenti ni à la perception des Français. Ce ne sont pas les chiffres qui nous animent, mais la volonté de traiter le ressenti et la perception des Français. Telle est notre unique boussole. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe REM. - Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
    Nous n’avons pas attendu votre question, puisque nous avons commencé à travailler avec l’ensemble des opérateurs et avec le régulateur, l’ARCEP, afin d’obtenir plus de transparence. C’est ainsi que l’ARCEP a publié des cartes de couverture réelle.

    M. Fabien Di Filippo

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    Avant, elles étaient fausses ?

    M. Julien Denormandie, secrétaire d’État

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    Mais nous irons plus loin, puisque des cartes seront régulièrement publiées pour voir l’évolution des choses.
    Vous avez raison, il faut revoir les critères de définition des zones blanches et des zones grises, de façon à éviter les situations ubuesques que vous avez décrites. Ce travail, nous l’avons commencé : nous avons ainsi demandé à l’ARCEP et à l’ensemble des opérateurs de nous proposer, avant la fin de l’année, une nouvelle définition de la qualité de service.
    Comment cette qualité de service sera-t-elle définie ? Très simplement : au regard du facteur d’utilisation. Puis-je ou non télécharger un fichier ? Puis-je ou non téléphoner à l’intérieur de ma maison et pas uniquement à l’extérieur ? Dois-je rester assis sur mon sofa pour téléphoner (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR) ou puis-je appeler depuis ma voiture, pendant un trajet ? C’est en fonction de l’utilisation que nous choisirons de nouveaux critères pour définir la qualité de service.
    Enfin, pour atteindre ces nouvelles exigences en matière de qualité de service, nous avons entrepris de négocier avec les opérateurs pour qu’ils investissent plus et plus vite. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupesREM et MODEM.)

    Transformation de l’opération Sentinelle

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Pauget, pour le groupe Les Républicains.

    M. Éric Pauget

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    Monsieur le ministre d’État, ministre de l’intérieur, vous le dites vous-même, la menace terroriste est à un niveau inégalé. L’attentat de Marseille nous le rappelle, hélas, avec une particulière acuité.
    Or, face à la menace terroriste, et alors qu’il nous faut redoubler de vigilance, vous décidez de sortir de l’état d’urgence au détriment de la sécurité des Français. Mais, Monsieur le ministre d’État, hors état d’urgence, quid de l’opération Sentinelle ? Elle a été revue récemment et les choix capacitaires et opérationnels ont été modifiés. Vous maintenez le même effectif de 10 000 hommes, dont je salue l’efficacité et le grand professionnalisme, mais ce qui change, c’est la manière dont on utilise cet effectif, notamment le nombre de militaires mobilisés pour des événements ponctuels, qui est devenu variable. C’est bien là que réside le problème face à une menace puissante et par nature imprévisible.
    La poursuite de la mobilisation totale des militaires de l’opération Sentinelle, particulièrement en direction des lieux et des territoires à forte affluence touristique, est essentielle. Nice, Cannes et Antibes ont pu assurer leur sécurité et celle de leurs touristes grâce à la présence de ces militaires. Ces destinations demeurant des cibles d’attentats potentiels, cette mobilisation permanente me paraît être une priorité absolue. Or, contre toute attente et sans aucune concertation, les soixante militaires basés à Antibes depuis un an viennent d’être retirés.
    Monsieur le ministre d’État, notre pays doit y mobiliser totalement et en permanence ses forces de sécurité. Le déploiement de Sentinelle ne doit pas s’effectuer selon les circonstances ou les périodes de l’année ! C’est pourquoi je souhaiterais que vous nous fassiez part de vos intentions et que vous confirmiez le maintien des forces Sentinelle sur nos territoires, notamment au sein des zones à fort potentiel touristique. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre des armées.

    M. Fabien Di Filippo

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    Très chère ministre !

    Mme Florence Parly, ministre des armées

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    Monsieur le député, avant toute chose, je voudrais louer de nouveau le professionnalisme des soldats de Sentinelle qui, après le Louvre et Orly, le week-end dernier à Marseille ont permis que cesse l’opération meurtrière et barbare menée par un individu arrêté en gare de Marseille et neutralisé. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM ainsi que sur plusieurs bancs du groupe LR.) Hier encore, à Nice, avec l’aide, également, des forces de sécurité intérieure, c’est un autre individu qui a pu être neutralisé avant d’avoir pu commettre ses méfaits. L’opération Sentinelle a donc fait ses preuves.
    Nous ne baissons pas la garde puisque les effectifs de Sentinelle ne sont pas modifiés. Nous disposons toujours de 7 000 soldats qui peuvent monter à 10 000 lorsque les circonstances l’exigent. Il ne s’agit donc pas de faire moins : il s’agit de faire mieux. Ce qui change, c’est le mode d’emploi, parce que, comme toute opération militaire, Sentinelle doit s’adapter au contexte et aux circonstances. Nous avons donc préconisé que le dispositif Sentinelle soit désormais plus flexible, plus mobile et plus réactif, de sorte qu’il permette de concentrer les forces là où elles sont nécessaires au bon moment et au bon endroit, et en préservant l’effet de surprise – c’est très important – parce que, comme toute opération, il est indispensable vis-à-vis des agresseurs potentiels que la prévisibilité de Sentinelle soit inconnue. C’est très important aussi pour la protection de nos soldats. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes REM et MODEM.)

    Tour de France de l’égalité

    M. le président

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    La parole est à Mme Bérangère Couillard, pour le groupe La République en marche.

    Mme Bérangère Couillard

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    Monsieur le président, ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les hommes et les femmes,…

    M. Aurélien Pradié

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    Entre les femmes et les hommes !

    Mme Bérangère Couillard

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    …entre les femmes et les hommes, bien sûr. Mercredi 4 octobre, le Premier ministre et vous-même, madame la secrétaire d’État, avez lancé le Tour de France de l’égalité femmes-hommes. Le combat pour l’égalité n’est plus seulement législatif, il est également culturel. Il faut, comme vous l’avez dit, « transformer les mentalités pour faire changer les comportements ». Le Président de la République a enclenché le mouvement en consacrant l’égalité entre les femmes et les hommes comme grande cause nationale du quinquennat.
    Or, aujourd’hui, s’agissant de l’égalité entre les femmes et les hommes, que connaissons-nous ? Des chiffres : 216, 84, 27 et 72. Ce n’est pas le tirage du loto, car ici les femmes perdent à chaque fois : ce sont 216 000 agressions sexuelles et 84 000 viols chaque année, de 12 % à 27 % d’écart salarial et 72 % des tâches domestiques encore effectués par les femmes. Ces chiffres, terribles, tragiques, doivent être connus pour, je l’espère, que nous puissions dire très bientôt : « C’était avant. »
    Partout en France, dans les campagnes et dans les villes, en métropole et outre-mer, dans le privé comme dans le public, des personnes mettent en place des initiatives en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Porter l’espoir et mettre en lumière ce qui, trop souvent, reste dans l’ombre, voilà ce qui sera mis en marche dans le cadre du Tour de France de l’égalité femmes-hommes. Ecouter, comprendre, puis changer les choses : voilà une méthode qui a du sens et qui permettra de faire évoluer les mentalités. Soyez sûre que les députés de La République en marche et de la Délégation aux droits des femmes seront à vos côtés dans ce projet.
    Madame la secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes, pouvez-vous nous préciser comment se déroulera concrètement le Tour de France de l’égalité ? (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes.

    Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes

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    Madame la députée, vous avez parfaitement décrit la réalité des inégalités entre les femmes et les hommes en France. C’est pour faire chuter tous les chiffres que vous avez cités que le Président de la République, Emmanuel Macron, a décidé que l’égalité entre les femmes et les hommes serait la grande cause nationale de son quinquennat.

    Mme Bénédicte Taurine

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    Il faudrait commencer par lui affecter de l’argent !

    Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État

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    Nous devons d’urgence abaisser le niveau de tolérance de notre société aux violences sexistes et sexuelles. C’est pour cela que les ministres de la justice et de l’intérieur et moi-même ferons en sorte que les lois de la République interdisent bientôt, grâce au travail des parlementaires et de la mission interministérielle de protection des femmes, le harcèlement de rue.
    Parallèlement, l’égalité des salaires et l’égalité des carrières sont un axe prioritaire de ma feuille de route. J’étais ce matin encore, aux côtés de Murielle Pénicaud, au ministère du travail pour évoquer ce sujet.
    Au-delà des réponses institutionnelles, notre défi, votre défi, sera d’engager toute la société française. Quand la volonté est là, la société est prête à donner toute leur place aux femmes. Quel plus bel exemple de réussite que l’Assemblée nationale à cet égard ? (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

    Mme Émilie Bonnivard

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    Et les moyens ?

    Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État

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    Avec plusieurs centaines d’événements partout, en métropole et outre-mer, organisés avec les services des droits des femmes,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Paroles, paroles !

    Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État

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    Oh, gardez vos nerfs ! (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)
    …le Tour de France de l’égalité, lancé le 4 octobre par le Premier ministre Édouard Philippe, mobilise l’ensemble du Gouvernement pour atteindre l’égalité entre les femmes et les hommes partout. Les entreprises, les lycées, les associations peuvent participer à cet élan collectif citoyen,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Votre budget a baissé !

    Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État

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    … en organisant des ateliers qui nous permettront d’écouter les femmes et les hommes directement et d’ajuster nos actions en fonction des priorités exprimées. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM)
    Nos politiques publiques ne seront efficaces que dès lors qu’elles auront un impact tangible sur la vie quotidienne des femmes,…

    Mme Frédérique Meunier

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    Avec un budget en baisse !

    Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État

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    …qu’elles soient ouvrières en Sarthe, mères célibataires en Corse, hauts fonctionnaires dans le 7arrondissement de Paris ou l’inverse.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est du bla-bla !

    Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État

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    Le Tour de France de l’égalité femmes-hommes s’achèvera autour du 8 mars avec un forum européen pour lutter contre l’obscurantisme et pour l’universalité des droits des femmes, que je co-présiderai avec la ministre Nathalie Loiseau. C’est un enjeu de civilisation et un défi enthousiasmant que je vous propose de relever ensemble. (Mmes et MM. les députés des groupes REM et MODEM se lèvent et applaudissent vivement.)

    M. le président

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures dix, est reprise à seize heures vingt.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    2. Fin de la recherche et de l’exploitation des hydrocarbures

    Vote solennel

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote par scrutin public sur le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels et portant diverses dispositions relatives à l’énergie et à l’environnement (nos 155, 174, 172).

    Explications de vote

    M. le président

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    Dans les explications de vote, la parole est à M. Bruno Duvergé, pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés.

    M. Bruno Duvergé

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    Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, madame la présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, monsieur le rapporteur, madame la rapporteure pour avis de la commission des affaires économiques, mes chers collègues, le vote solennel de ce jour revêt, je dois bien l’avouer, un sens tout particulier pour tous ceux qui se sont investis depuis longtemps dans la transition écologique. À bien des égards, il n’est pas exagéré de considérer le texte que nous allons voter comme historique.

    M. Laurent Furst

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    Oh !

    M. Bruno Duvergé

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    Il l’est assurément par sa portée. Il est rare que nous ayons à voter des textes qui s’inscrivent dans un horizon aussi vaste et qui engagent notre pays dans une démarche qui prendra des décennies. Pour ce faire, il faut adopter une vision qui transcende les problématiques du quotidien pour faire ressortir, face aux nécessités du moment, la responsabilité de l’avenir.
    En plaçant ce projet de loi dans le souffle du combat du siècle, celui de la transition vers un monde plus sobre, moins consommateur et moins destructeur, vous avez pu, monsieur le ministre d’État, réunir les intérêts que d’aucuns auraient pensés antagonistes, pour ne pas dire irréconciliables. Il est assez rare de voir les mondes entrepreneurial, économique, associatif et la société civile s’accorder sur un texte aussi ambitieux qui ne prévoit rien de moins que la fin de l’utilisation et de l’exploitation des énergies qui, depuis deux siècles et jusqu’à aujourd’hui, ont nourri le développement de nos sociétés. Avec la fin du pétrole et du charbon, nous voulons entrer dans un monde plus propre, qui préserve notre environnement.
    Historique, ce projet de loi l’est aussi par le rôle que jouera désormais notre pays aux yeux des signataires de l’accord de Paris de novembre 2015. La France s’investit de manière décidée et irréversible dans la révolution écologique ; par ce texte, elle prend acte de son statut de leader parmi les pays industriels. Notre pays deviendra ainsi le premier au monde à interdire la recherche et l’exploitation des hydrocarbures sur son territoire. Le changement climatique est l’affaire de tous : chacun doit en prendre sa part et, pour ce qui nous concerne, nous entendons bien servir d’exemple.
    Historique, ce projet de loi l’est enfin, et peut-être surtout, par la méthode choisie pour aboutir au résultat que nous connaissons. Vous avez fait le choix, monsieur le ministre d’État, de jouer le jeu de la concertation poussée sans rien renier de vos objectifs, ce qui a suscité un effet d’entraînement impensable au départ. Finalement, les intérêts qui paraissaient contradictoires n’ont pas débouché sur un compromis, un accord sur le plus petit dénominateur commun, mais sur une sortie par le haut qui garantit l’effectivité des mesures annoncées, qui ne sont pas rien au regard des changements industriels qu’elles vont impliquer. En prenant comme horizon le temps long mais néanmoins mesurable à échelle humaine, ce texte donne à chacun les perspectives nécessaires pour préparer sa reconversion et anticiper ses besoins futurs. Parce que vous laissez aux acteurs le temps de mener la transition, vous garantissez la réussite de la démarche qui doit conduire à la fin des hydrocarbures en France.
    Cela n’aura été possible que grâce au maître-mot de ce projet de loi : équilibre. C’est dans ce souci d’équilibre que nous inscrivons notre action commune, qui vise sortir de manière progressive et maîtrisée de la situation actuelle tout en garantissant – c’est une constante pour le groupe du Mouvement démocrate et apparentés – l’accompagnement des territoires touchés par les cessations de programmes prévues.
    Nous sommes donc sensibles, monsieur le ministre d’État, à votre attitude d’écoute de nos élus en matière de transition, primordiale dans un texte comme celui-ci. Nous apprécions l’adoption de deux de nos amendements permettant de régler le cas où un produit autre que les hydrocarbures – le soufre ou la chaleur, par exemple – est valorisé et prévoyant différentes alternatives de reconversion comme la géothermie ou l’implantation d’énergies renouvelables.

    M. Laurent Furst

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    Très bien !

    M. Bruno Duvergé

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    Ce texte va libérer les énergies des entreprises qui vont oser créer, découvrir de nouvelles technologies et investir dans les énergies renouvelables. Il faut pouvoir tirer bénéfice des innovations qui seront développées et anticiper le nouvel écosystème qui naîtra de cette contrainte. C’est là un précepte bien connu de l’économie : la destruction ou la disparition d’un élément entraîne invariablement l’émergence d’un monde nouveau.
    Nous vous savons gré, monsieur le ministre d’État, d’avoir entendu nos élus qui vous ont fait part de leur inquiétude de voir disparaître des filières entières de leurs territoires – je pense particulièrement au bassin de Lacq – alors même que leurs activités ne sont pas directement liées au gaz mais qu’elles en nécessitent l’extraction et l’exploitation pour obtenir du soufre.
    J’espère que le point d’équilibre trouvé dans ce texte permettra à une très large majorité de la représentation nationale de voter et de se retrouver dans un projet de loi qui marque de manière décisive l’évolution de notre société vers une meilleure préservation des équilibres naturels, sociaux et donc politiques. C’est pourquoi le groupe du Mouvement démocrate et apparentés votera ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et REM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bertrand Pancher, pour le groupe Les Constructifs : républicains, UDI, indépendants.

    M. Bertrand Pancher

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    Nous vous l’avons dit lors des débats, monsieur le ministre d’État : nous ne vous attendions pas, a priori, sur un texte de ce type.
    Les parlementaires de notre groupe veillent tout particulièrement à ce que nous nous engagions dans un développement équilibré et à ce que nos grands objectifs en matière d’environnement et de transition énergétique puissent être mis en œuvre. Ce qui nous intéresse, ce sont les moyens accordés à cette politique et la possibilité de suivre la réalisation de nos objectifs. Puisque ce projet de loi traite notamment des conséquences de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre et de la nécessité de réduire notre empreinte carbone, nous attendions plutôt le Gouvernement sur le suivi de ces trajectoires, sur la possibilité d’atteindre nos objectifs nationaux, européens et internationaux, très ambitieux : 80 % de diminution de gaz à effet de serre en 2050, avec une étape à 40 % en 2040.
    Ce qui nous intéresse, ce sont les trajectoires dans les domaines du logement, des transports, de la rénovation thermique, des énergies renouvelables et de la baisse de la consommation énergétique.
    Monsieur le ministre d’État, vous avez, présenté ce projet de loi et, dans un premier temps, les parlementaires de notre groupe se sont demandé pourquoi s’engager dans une sortie complète de la production d’hydrocarbures dans notre pays en 2040, alors qu’à cette date, même si nous sommes les meilleurs du monde, nous continuerons à avoir besoin d’énergies fossiles (« Eh oui ! » sur plusieurs bancs du groupe LR), y compris, très certainement, de ce 1 % qui est produit sur notre territoire.
    Nous pensions plutôt que le premier texte que présenterait le Gouvernement viserait à faire entrer dans le code de l’environnement toutes les dispositions minières. Depuis pratiquement une dizaine d’années, en effet, les majorités successives ont travaillé à la mise en place du code minier, afin que ces productions soient compatibles avec la réglementation, les besoins et la nécessaire implication de l’ensemble des Françaises et des Français en matière de production d’hydrocarbures.
    Bien entendu, nous vous soutenons, monsieur le ministre d’État, dans votre volonté de nous engager beaucoup plus loin. Nous comprenons bien qu’un moment vient où il faut s’arrêter et changer de mode de production. Et puisque le monde de demain sera un monde sans énergies fossiles, pourquoi ne pas nous fixer ces objectifs nationaux et montrer cet exemple sur les plans européen et international ?
    Nous nous posions, à l’intérieur de notre groupe, de nombreuses questions, qui ont été soulevées au fur et à mesure du riche débat que nous avons eu, notamment, en commission du développement durable, au moyen d’amendements que nous avons proposés. Nous considérons notamment que, même à partir de 2040, nous pourrons continuer à produire, à condition que cette production soit plus en phase avec les besoins du moment – nous pensons notamment à la plasturgie et à la possibilité d’utiliser ces ressources pour le chauffage urbain. C’est la raison pour laquelle nous avons soutenu ces amendements, qui nous rassurent.
    La position du groupe Les Constructifs sur ce texte a évolué, passant d’une opposition quasi générale à un vote qui est plutôt d’abstention, voire favorable, même si certains parlementaires s’y opposent encore.
    Pour ma part, je soutiendrai le texte. Si cela a été possible et si une partie d’entre nous a changé d’avis, c’est réellement grâce à la co-construction législative. Je tiens à vous en remercier, ainsi que les collaborateurs de votre cabinet qui nous ont aidés dans cette recherche de compromis. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LC, REM et MODEM.)

    M. Laurent Furst

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    Vous n’êtes pas d’accord avec le texte, et vous le votez !

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Bouillon, pour le groupe Nouvelle Gauche.

    M. Christophe Bouillon

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    Monsieur le ministre d’État, avec ce texte, vous faites mentir une fameuse formule du cardinal de Retz, selon laquelle on ne sort de l’ambiguïté qu’à son détriment. C’est ici tout le contraire.
    On sort ainsi de l’ambiguïté qui consiste à applaudir l’accord de Paris sans en tirer toutes les conséquences, à avoir invité Al Gore à l’Élysée, voilà dix ans, sans écouter ses conseils et à voter des lois aussi importantes que celles du Grenelle de l’environnement – auxquelles j’ajoute la loi sur la transition énergétique – sans mesurer qu’il faut aller jusqu’au bout de cette logique. Souvent aussi, on examine les conséquences des changements et du dérèglement climatiques, comme les nombreux ouragans observés ces derniers temps, et on demande des commissions d’enquête sans mesurer l’urgence qu’il y a à agir contre les changements climatiques.
    Le projet de loi répond à la nécessité de lever cette ambiguïté, car il repose sur un constat auxquels souscrivent l’ensemble des scientifiques, notamment le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat – GIEC –, pour qui la limitation à moins de 2 degrés de l’augmentation des températures exige que nous gardions dans nos sous-sols 80 % des hydrocarbures.
    Ce texte permet aussi de sortir de l’ambiguïté liée, ces dernières années, au fait que notre droit présentait des trous, que notre arsenal juridique était un « gruyère », qui a rendu les décisions impossibles lorsque les ministres qui se sont succédé ont été confrontés à des demandes de permis de recherche ou d’exploitation. Mon collègue Jean-Pierre Chanteguet s’est efforcé, en son temps, de combler ce trou, comme nous avons également tenté de le faire en présentant des amendements par la voix de Delphine Batho, d’Hervé Saulignac et de Guillaume Garot. Vous apportez ici une réponse à ce vide juridique et à ces difficultés qui ont eu pour conséquence, je le rappelle, de constituer et de gonfler un « stock » de demandes et de contentieux longs et coûteux pour l’État.
    Ce texte permet, enfin, de sortir de l’ambiguïté qui consiste à décrire un monde meilleur sans en donner la définition, sans permettre que cette mutation que vous appelez de vos vœux puisse se faire concrètement.
    Il y a aujourd’hui en France, sur certains territoires, des centaines d’entreprises, des milliers d’hommes et de femmes qui travaillent dans les filières pétrolière et parapétrolière, et qui font vivre à la fois leurs familles et ces territoires. Il est donc important, dans les vingt-deux ans dont nous disposons jusqu’en 2040, de répondre à une exigence absolue : si nous voulons réussir ce texte de loi et atteindre cet horizon, il faut donner une définition des contrats de transition écologique et solidaire, décrire les emplois de demain et tracer les voies qui doivent mener, au moyen de nombreuses formations, à occuper ces emplois.
    Nous devons réunir autour de la table les territoires, les entreprises, les représentants des personnels, mettre dès aujourd’hui l’ensemble des acteurs au travail pour que ces territoires soient demain des témoins de la transition écologique réussie. Je sais que c’est ce que vous appelez de vos vœux. C’est la raison pour laquelle mes collègues et moi-même avons particulièrement insisté sur ce point lors des débats. C’était là, pour nous, une condition essentielle pour atteindre l’objectif que vous avez fixé avec ce texte.
    Subsistent certes encore quelques ambiguïtés, comme la définition de la neutralité carbone, abordée par Delphine Batho, ou celle des techniques « non conventionnelles ». J’espère qu’avec le temps, vous les lèverez. D’ailleurs, vous avez annoncé au cours des discussions qu’interviendrait prochainement la réforme tant attendue du code minier : avec ce texte, vous pourriez lever les dernières ambiguïtés, ou du moins répondre aux dernières questions que nous nous posons.
    Vous l’avez compris, monsieur le ministre d’État, c’est forts des amendements que nous avons défendus et que vous avez acceptés, ainsi que de l’exigence de ce texte que, sans ambiguïté, nous le voterons. (Applaudissements sur les bancs du groupe NG et sur plusieurs bancs du groupe REM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour le groupe La France insoumise.

    M. Loïc Prud’homme

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    Monsieur le ministre d’État, vous souhaitiez faire de ce projet de loi l’un des axes forts de votre plan climat et, pour le reste du monde, un exemple du modèle qu’il faut abandonner. Nous saluons l’intention du Gouvernement de mettre fin à l’exploration et à l’exploitation des gisements pétroliers. C’est un premier pas indispensable, bien que ce texte, que vous qualifiez vous-même de symbolique, ne porte que sur 1 % de notre consommation totale.
    Il n’a cependant pas fallu longtemps aux parlementaires et aux observateurs attentifs pour constater que ce projet de loi est à l’image du sous-sol français qu’il entend préserver : truffé de trous et de vides.
    La France insoumise, si elle ne renie pas la force des symboles, est aussi dans l’action concrète et immédiate. Nous nous sommes donc appliqués, avec sérieux, à boucher les trous de cette loi pour qu’elle améliore rapidement et définitivement notre qualité de vie. J’en veux pour preuve que plusieurs de nos amendements, acceptés en commission, ont musclé le projet de loi sur plusieurs registres, en imposant pour cadre général de ce texte la lutte contre le réchauffement climatique, et donc le respect des engagements internationaux de la France, en levant le doute sur l’exploitation du gaz de mine, en élargissant le périmètre de cette loi à tous les hydrocarbures, quelle que soit la technique utilisée, afin d’effacer la frontière floue entre hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, et en renforçant la portée contraignante du texte avec une date d’échéance précise pour l’arrêt d’exploitation au 1er janvier 2040.
    À notre grand regret cependant, alors que nous pelletions à mains nues en commission pour boucher les fameux trous de ce projet de loi, les lobbyistes utilisaient des pelles mécaniques dans les couloirs pour maintenir le droit de suite, point crucial et essentiel du code minier.
    Pour que votre loi soit pleinement achevée, il aurait donc fallu s’attaquer au code minier et au droit de suite. Ces règles d’un autre temps ont été édictées pour – et, en partie, par – l’industrie minière, à son seul profit. C’est le sens des amendements que nous avons proposés et pour lesquels nous n’avons trouvé aucun signe d’ouverture de la part du Gouvernement ni de la majorité. Vous décidez ainsi que les intérêts économiques de grands groupes continueront à primer sur l’intérêt général humain et écologique, via la sacro-sainte liberté d’entreprendre, érigée en dogme. C’est d’ailleurs là le véritable fil rouge de cette loi.
    Le résultat est un texte paradoxal et contradictoire, qui prétend arrêter l’exploitation de tous types d’hydrocarbures en 2040, mais dont les non-dits permettent de prolonger des concessions bien au-delà de cette date – jusqu’en 2054. Or l’urgence écologique et climatique est bien là, comme nous l’a malheureusement rappelé l’actualité de ces dernières semaines. Elle ne se satisfera pas de demi-mesures.
    Ce texte, monsieur le ministre d’État, arrive devant l’Assemblée nationale à un moment qui est finalement fort propice pour éclairer les incohérences – et même pour révéler le double discours – du gouvernement de M. Macron sur l’écologie et le climat.
    Pour l’incohérence, l’accord économique et commercial global – CETA –, cheval de Troie du défunt traité de libre-échange transatlantique dit TAFTA, est entré en application depuis le 21 septembre. Ainsi, nous actons notre résignation à consommer massivement des hydrocarbures dont l’extraction et la production ne respectent aucune norme environnementale.
    Nous attendrons également vos explications lors de l’examen du projet de loi de finances et vous soumettrons l’équation suivante : comment exécuter un budget apparemment en hausse de 3,9 % avec la suppression de 1 324 équivalents temps plein de fonctionnaires au sein de votre ministère ?
    Mais le plus grave est le double discours du Gouvernement. En fin de semaine dernière, un média a révélé que, pendant que nous discutons de ce projet de loi, la France fait des pieds et des mains pour revenir sur les objectifs fixés par l’Union européenne en matière de climat, qui prévoient 27 % d’énergies renouvelables à l’horizon 2030.
    Les méthodes habituelles y sont à l’œuvre : suppression des suivis réguliers et contraignants pour atteindre l’objectif, refus de créer un fonds de solidarité pour que les pays européens les plus fragiles puissent réaliser cette transition – tout cela au mépris des accords de Paris et sans même que vous-même ou votre cabinet soyez consultés. Les beaux discours télévisés sur le climat ou l’Europe ne sont donc qu’un rideau de fumée.
    Monsieur le ministre d’État, vous paraissez être un ministre de la transition écologique bien solitaire au milieu d’un gouvernement qui ne se préoccupe guère des questions du climat et de l’écologie – je vous ai interpellé à ce propos la semaine dernière dans l’hémicycle.
    Pour notre part, le fond de ce texte, qui ne va pas au bout de sa logique, nous laisse sur notre faim mais, surtout, le contexte dans lequel il est examiné – avec le CETA et les accords climat – nous rend perplexes quant à la réelle volonté du Gouvernement. Pour ces raisons nous nous abstiendrons lors du vote.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est courageux !

    M. Loïc Prud’homme

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    Pour conclure, je profite de cette tribune pour m’adresser aux députés qui portent la même attention que moi à l’environnement et au climat, pour nous et les générations futures. Je vous encourage à ne pas céder aux puissances stériles de la finance, à réagir et à ne pas voter cette loi pour atteindre un premier objectif, fort simple : « Make Nicolas Hulot Green Again ! » (Rires et applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    Sur l’ensemble du projet de loi, le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Hubert Wulfranc, pour le groupe de la Gauche démocrate et républicaine.

    M. Hubert Wulfranc

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    Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la présidente de la commission, madame et monsieur les rapporteurs, chers collègues, le projet de loi dont nous achevons aujourd’hui l’examen se veut un texte emblématique de la volonté du Gouvernement de faire face aux enjeux climatiques et de permettre à notre pays de prendre le virage de la neutralité carbone.
    Nous partageons, bien entendu, les ambitions de ce texte. Nous sommes, comme vous, convaincus de la nécessité pour notre pays de prendre ses responsabilités en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre et de prolonger la dynamique engagée avec l’accord de Paris. Il faut ainsi réduire de manière significative notre consommation finale d’énergie carbonée ; cela recueille d’ailleurs un large consensus.
    Pour les pays industrialisés, qui ont bâti une large part de leur prospérité sur l’exploitation des énergies fossiles, l’entreprise de désintoxication, pour reprendre vos termes, monsieur le ministre d’État, impose de profondes mutations technologiques, économiques, sociales et sociétales. La réussite de la transition écologique exige surtout des moyens budgétaires et une attention constante à ne pas faire des plus modestes les premières victimes de ces mutations.
    Le Gouvernement a annoncé un plan de 20 milliards d’euros sur cinq ans pour la transition écologique. C’est la somme que nous devrions en réalité consacrer chaque année à la transition énergétique, pour mener à bien la rénovation thermique de l’habitat et la promotion des énergies renouvelables, pour donner un nouveau souffle au transport ferroviaire et aux modes alternatifs au transport routier, pour développer la recherche et accompagner la transformation des outils de production.
    Vous avez fait le choix, dans ce texte, de prendre une mesure ciblée en promulguant l’interdiction de l’exploitation des hydrocarbures conventionnels et non conventionnels, ainsi que la fin progressive de la production d’énergie fossile sur le territoire national. Vous souhaitez par là envoyer un signal fort. Ce volontarisme vous honore ; il faut cependant reconnaître que ce texte sera d’une portée et d’une efficacité encore à démontrer.
    La production française de pétrole et de gaz ne couvre que 1 % de la consommation du pays ; sur la scène internationale, nul n’ignore ce premier constat. Votre texte n’interdira pas aux multinationales de continuer d’exploiter les hydrocarbures aux quatre coins du globe, ni à notre pays d’importer les hydrocarbures dont il a besoin.
    Votre texte souffre également d’un sérieux problème de cohérence. Il est révélateur des contradictions gouvernementales, par-delà même le domaine de compétences de votre ministère. Comme l’a souligné notre collègue Gabriel Serville, nous ne pouvons nous défendre du sentiment que le Gouvernement cherche, à travers vous et à travers ce texte, à afficher une conscience écologique tout en autorisant, avec le CETA, l’importation de pétroles canadiens hautement polluants et tout en fermant les yeux sur la situation des pays du Sud, où l’on pourra continuer de polluer impunément.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est vrai !

    M. Hubert Wulfranc

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    Quelle cohérence quand, au même moment, on annonce la réduction du champ de certaines normes environnementales et sociales, la suppression des aides au maintien de l’agriculture bio, et que l’on recule encore sur l’interdiction des néonicotinoïdes ou du glyphosate ?
    Nous ne pouvons non plus faire l’impasse sur la situation de la Guyane. Les Guyanais ont dit au monde entier, il y a quelques mois, qu’ils n’admettraient plus de ne plus être entendus par les décideurs métropolitains. Vous avez pris des engagements sur ce point : il sera décisif d’y être attentif.
    Il nous faudrait aussi des engagements clairs sur les contrats de transition écologique, qui intéressent les territoires mais aussi les salariés du secteur, notamment en termes budgétaires.
    Monsieur le ministre d’État, comme vous l’avez souligné, le temps est venu de nous mettre en action et de nous hisser à la hauteur des enjeux. Nous ne doutons pas de votre bonne volonté ; cette loi se veut effectivement l’étendard d’une croisade apolitique contre un fléau dont nous serions tous également responsables.
    Nous pensons, au contraire, que la lutte contre le réchauffement climatique invite à changer de paradigme, à desserrer l’étau de l’austérité, de la loi du marché et de la financiarisation de l’économie. Pour que la transition écologique ne soit pas un facteur d’aggravation des inégalités, il nous faut réaffirmer le rôle régulateur de la puissance publique en matière énergétique. En conséquence, nous nous abstiendrons sur le présent projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. Sylvain Maillard

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    Pourquoi s’abstenir ?

    M. le président

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    La parole est à M. Matthieu Orphelin, pour le groupe La République en marche.

    M. Matthieu Orphelin

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    Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame la présidente de la commission, chers rapporteurs et chers collègues, avec cette loi sur la fin des hydrocarbures en France, nous faisons le pari d’un futur meilleur, libéré des énergies fossiles, le pari que nous arriverons effectivement à limiter les changements climatiques à plus 1,5 degré. C’est une priorité, non pas seulement dans les discours, mais surtout dans notre action au cours du quinquennat, comme nous l’avons détaillé dans le plan climat.
    Cette loi, c’est aussi le pari de la clarté et de la responsabilité politique, après des années d’errance où l’État était tout simplement dans l’incapacité de refuser la plupart des demandes de permis de recherche et d’exploitation. Avec cette loi, aucun nouveau permis de recherche ne sera plus accordé.

    M. Fabien Di Filippo

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    Il y aura plus d’importations !

    M. Matthieu Orphelin

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    Nous assumons la méthode : notre transition réussira, car nous la mènerons avec l’ensemble des acteurs, en accompagnant les territoires, les entreprises et les salariés. C’est le pari de l’action, dont on sait qu’elle coûtera beaucoup moins cher que l’inaction.
    Nous remplacerons les énergies fossiles, non pas par des importations supplémentaires d’hydrocarbures produits ailleurs, mais par un développement sans précédent des économies d’énergie et des énergies renouvelables. Voilà la transformation que nous portons ! (Applaudissements sur les bancs du groupe REM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)
    Avec cette loi, nous fixons un cap clair et cohérent avec les alertes des scientifiques : il faut laisser plus de 80 % des énergies fossiles dans le sol. Il est donc cohérent d’arrêter de chercher de nouvelles réserves à exploiter. La France montre l’exemple en s’y engageant ; d’autres pays suivront inexorablement.

    M. Laurent Furst

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    Probablement Monaco !

    M. Matthieu Orphelin

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    C’est le sens de l’histoire.
    Nous avons fait un travail parlementaire de fond pour faire progresser le texte. Nous avons porté et fait adopter en commission, puis en séance, des avancées majeures. En particulier, le droit de suite est mieux encadré et la règle change : dorénavant, les premières concessions seront limitées à 2040 – avancée confirmée et sécurisée lors de la séance publique. Nous avons également obtenu une mobilisation de l’État pour accompagner les territoires, les entreprises et les salariés dans cette transition, et anticiper les conversions professionnelles. Le Gouvernement s’est ainsi engagé à remettre au Parlement, dans un an jour pour jour, un plan d’action pour assurer les conditions de réussite de cette transition.
    D’autres avancées ont également été obtenues : l’élargissement de la loi du 13 juillet 2011 avec l’interdiction de toutes les techniques non conventionnelles pour exploiter les hydrocarbures ; une meilleure définition du gaz de mine, qui sera la seule exception ; une nouvelle transparence sur les demandes de permis et les concessions attribuées ; le lancement de travaux préliminaires pour pouvoir, à moyen terme, interdire les importations d’hydrocarbures les plus polluants ; des avancées sur les autres dispositifs prévus par cette loi, dont la sécurisation de l’approvisionnement en gaz naturel en France, tout en maîtrisant le coût pour les consommateurs.
    Nous avons fait le pari de l’intelligence collective ; cela a été rappelé par les précédents orateurs.

    Un député du groupe LR

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    Et le pari de la modestie ?

    M. Matthieu Orphelin

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    La question mérite que l’on dépasse les clivages. Des amendements importants, présentés par d’autres groupes ou travaillés avec eux, ont été adoptés sur l’accompagnement des territoires, sur la référence à l’accord de Paris, sur l’exclusion des techniques non conventionnelles ou sur la prise en compte des enjeux de qualité de l’air dans les marchés publics.
    Malgré cela, bien sûr, cette loi ne plaira pas à tout le monde. Elle ne plaira pas à certains lobbies, parmi lesquels le lobby, si puissant, de l’immobilisme. Elle ne plaira pas aux sceptiques ni à ceux à courte vue, qui préféreraient que rien ne change, quelles que soient les conséquences.

    M. Laurent Furst

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    Quelle arrogance !

    M. Matthieu Orphelin

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    Elle ne plaira pas à certains romantiques, qui pensent qu’on peut sortir en un jour de notre dépendance aux fossiles.

    M. Laurent Furst

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    Et les voitures avec chauffeur ?

    M. Matthieu Orphelin

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    Bien sûr, il faudra aller plus loin. Cette loi nous obligera à la cohérence, et c’est tant mieux. L’interdiction de l’importation des hydrocarbures les plus polluants, que la France doit défendre avec force au niveau européen, le désinvestissement financier des énergies fossiles – sujet majeur qui doit tant aux ONG et aux mobilisations citoyennes –, la fin de toute forme de soutien de l’État aux industries extractives à l’export : nous devrons nous y engager pleinement.

    M. Laurent Furst

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    Mais oui !

    M. Matthieu Orphelin

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    Nous avons posé dans cette loi les bases pour progresser et basculer définitivement sur tous ces sujets.
    Le groupe La République en marche votera pour ce texte, avec responsabilité, confiance dans l’action et conscience que ce premier pas en appelle d’autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert, pour le groupe Les Républicains.

    M. Julien Aubert

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    Monsieur le président, monsieur le ministre d’État, madame le président de la commission,…

    Mme Barbara Pompili, présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

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    La présidente !

    M. Julien Aubert

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    …chers collègues, j’ai entendu parler de sens de l’histoire, de texte ambitieux, de la France devenue leader mondial ! Je tiens à ce que la pression retombe quelque peu dans cet hémicycle. (Exclamations sur les bancs du groupe REM.)
    Monsieur le ministre d’État, vous qui êtes maintenant un habitué de ces bancs et de l’Assemblée nationale, connaissez-vous la superficie de l’hémicycle ? Elle est de 540 mètres carrés. Si on doublait la surface de l’hémicycle, on obtiendrait environ 1 000 mètres carrés. (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et FI.)

    Je remarque que la République en marche sait compter : cela vous servira ensuite pour connaître le malheur de notre production industrielle !
    Si l’on rapportait ces 1 000 mètres carrés à la superficie de la France, on obtiendrait très exactement le pourcentage d’économies de gaz à effet de serre par rapport à la totalité de la consommation mondiale,…

    M. Erwan Balanant

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    Ça fait combien de parrainages ?

    M. Julien Aubert

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    …c’est-à-dire que nous traitons aujourd’hui 0,00018 % du problème ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – « On ne comprend rien ! » sur divers bancs.)
    Maintenant que vous êtes revenu à un ratio qui relativise l’ambition de ce texte – 0,00018 % du problème –, je me permets, monsieur le ministre d’État, de vous expliquer pourquoi nous voterons majoritairement contre ce texte. (Exclamations sur les bancs du groupe REM.)

    M. Erwan Balanant

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    Quelle surprise !

    M. Julien Aubert

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    Tout d’abord, il reflète une absence totale de politique industrielle : la preuve en est que, au cours des débats, vous y avez inclus le charbon sans aucune étude d’impact ! De même, vous en êtes arrivé, dans un texte interdisant la production d’hydrocarbures, à oublier le sujet du gaz de Lacq : il fallait quand même le faire ! Vous avez dû réintégrer par voie d’amendement, après la réunion de la commission et sans étude d’impact, le sujet de Lacq, qui est pourtant l’un des principaux gisements d’hydrocarbures !

    M. Erwan Balanant

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    C’est à cela que sert le Parlement !

    M. Julien Aubert

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    Alors ne venez pas nous expliquer que ce texte a été bien préparé.

    M. Erwan Balanant

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    Ne venez pas nous expliquer que le Parlement ne sert à rien !

    M. Julien Aubert

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    Quand on oublie le cœur du moteur de la production d’hydrocarbures de ce pays, on ne peut pas dire que la loi a été bien faite ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
    Quant à la politique industrielle, votre volonté est tout simplement de supprimer toute recherche. Si vous aimez les animaux, comme vous nous l’avez expliqué, monsieur le ministre d’État, pour notre part, nous n’aimons pas beaucoup les autruches ! (Exclamations sur les bancs du groupe REM.)

    M. Sylvain Maillard

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    Sectarisme !

    M. Julien Aubert

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    Non seulement il n’y a pas de politique industrielle dans ce texte, mais, et c’est beaucoup plus grave pour un ministre de l’environnement, il n’y a pas non plus de politique environnementale, parce que vous vous attaquez à la production et non à la consommation !
    Cela se pratique beaucoup sur ces bancs : un ancien ministre de l’agriculture avait ainsi interdit le diméthoate. Effectivement, il n’y a plus de diméthoate en France, mais maintenant nous consommons tous des cerises venant de l’étranger et traitées au diméthoate – aucun impact en matière de santé publique !

    M. Stéphane Le Foll

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    Ce n’est pas vrai ! Vous êtes un menteur !

    M. Marc Le Fur

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    Il est là, d’ailleurs, ce ministre !

    M. Julien Aubert

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    Tout à l’heure, j’entendais Matthieu Orphelin, notre collègue de la République en marche, évoquer Paris : je suppose que c’était une discrète allusion à la politique de Mme Hidalgo, qui déplace la pollution en interdisant la circulation automobile sur les voies sur berges. Qu’obtient-on à la fin ? Aucune avancée en matière de qualité de l’air, parce qu’on a déplacé la pollution ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.) Vous allez faire la même chose : en interdisant la production, vous déporterez le problème sur les importations.
    Et même si l’on devait supprimer la consommation d’hydrocarbures – ça, ce serait une véritable politique environnementale ! –, le dernier pour cent à supprimer serait celui que l’on produit, parce qu’il est le moins cher, le plus utile pour les réserves stratégiques de ce pays, et celui qui permet aux Français de payer une facture énergétique la plus basse possible. (Applaudissements sur les mêmes bancs.)
    Monsieur le ministre d’État, c’est parce que vous mettez la charrue avant les bœufs, parce que vous commencez par réduire le dernier pourcentage plutôt que le premier – celui qu’on importe –, que nous voterons majoritairement contre ce projet de loi. Alors que nous sommes pour une politique de lutte contre le chômage,…

    Mme Mathilde Panot

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    On l’a vu : vous avez été brillants !

    M. Julien Aubert

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    …vous allez en créer ; alors que nous sommes pour la diminution du CO2, vous luttez contre la filière nucléaire et vous vous abstenez de toute réflexion sur les hydrocarbures. En réalité, vous menez une politique de lutte contre les symboles ; or ce ne sont pas les symboles qui nous intéressent, mais la situation économique de ce pays !

    M. Claude Goasguen

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    Très bien !

    M. Julien Aubert

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    Voilà, monsieur le ministre d’État, pourquoi nous comptons mener une véritable politique de transition énergétique, passant par une forme d’adaptabilité et la reconnaissance que nous avons besoin, sur une vraie longue durée, de toutes sortes d’énergies pour la réussir pleinement ! (« Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    (Le projet de loi est adopté.)
    (Mmes et MM. les députés des groupes REM et MODEM se lèvent et applaudissent longuement.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

    M. Nicolas Hulot, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire

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    Mesdames et messieurs les députés, je l’avais dit en ouverture de ces débats, j’ai conscience que cette loi n’est pas le tout d’un dispositif. La France, dans cette détermination, ne donne pas des leçons au reste du monde ; elle donne l’exemple. La science nous impose de renoncer à 80 % des énergies fossiles qui se trouvent sous nos pieds. Avant que d’enjoindre à d’autres pays de faire de même, on s’applique cette règle à soi-même. Dans le même temps, parce qu’il y a d’autres objectifs complémentaires, nous allons réduire notre consommation.
    Je n’ai pas votre expérience des échanges qui ont précédé le vote de ce projet de loi mais je dois dire que, quelles que soient les divergences de point de vue, j’ai plutôt assisté, en commission ou en séance plénière, à des échanges animés par un esprit positif et constructif, et je voulais remercier chacun d’avoir pris ses responsabilités.
    Peut-être que l’on ne mesure pas l’effet à long terme mais la France ouvre, avec ce projet de loi, une voie de sortie des énergies fossiles qui sera irréversible. En s’affranchissant des énergies fossiles, la France se libère et ouvre la voie d’une autonomie énergétique. Sur le bénéfice à moyen ou long terme de cette loi, je pense qu’on peut se retrouver. Merci pour votre participation. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    3. Déclaration du Gouvernement suivie d’un débat sur l’avenir de l’Union européenne

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement suivie d’un débat sur l’avenir de l’Union européenne, en application de l’article 50-1 de la Constitution.
    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Monsieur le président, madame la ministre chargée des affaires européennes, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames et messieurs les députés, l’Europe est le cadre primordial et naturel dans lequel nos valeurs et nos intérêts doivent être portés à l’heure de la mondialisation ; elle est le cœur d’un projet majeur pour la France.
    Le Président de la République a fait de l’ambition européenne renouvelée une priorité de son mandat pour la France. C’est ce qu’il a exprimé avec force, d’abord à Athènes puis à la Sorbonne le 26 septembre dernier, en affirmant les deux convictions qui ont guidé son action et celle du Gouvernement depuis le premier jour. La première, c’est que, dans un monde en proie aux crises et à des bouleversements sans précédent, seule l’Europe nous permettra d’exercer pleinement notre souveraineté, de conserver la maîtrise de notre destin. La seconde, c’est que le projet européen ne peut réussir que si nous comblons le fossé qui n’a eu de cesse, depuis quelques années, de se creuser entre les peuples et les institutions européennes, au risque de voir le populisme et un nationalisme dévoyé submerger notre démocratie comme celle de nos partenaires.
    Oui, l’Europe est le déterminant majeur d’une politique globale. Pour que la France fasse entendre sa voix, il nous faut un cap clair. Le Président l’a fixé et vous avez entendu ses nombreuses propositions pour l’Europe.
    Je veux souligner qu’elles s’ordonnent selon deux horizons temporels. D’abord, l’échéance de 2019 où seront organisées les prochaines élections européennes – il nous faut nous y préparer, et cela nous donne le temps de convaincre nos partenaires. Ensuite, 2024 sera l’horizon de la nouvelle Commission résultant de ces élections, et nous devons avoir pour objectif de lui proposer un mandat ambitieux, porté par la volonté de refonder l’Europe. L’ensemble du Gouvernement est mobilisé, derrière le Président de la République, au service de ces objectifs.
    Mais pour préparer au mieux ces rendez-vous, il nous faut aussi une conscience lucide de la situation dans laquelle se trouve l’Europe aujourd’hui. En la matière, et alors que la défiance s’est installée dans une partie des peuples européens, rien ne serait pire que le déni de réalité.
    Regardons les choses en face : l’Europe est aujourd’hui perçue comme trop lointaine et technocratique. Incapable de rendre intelligibles ses décisions comme ses instruments de légitimité démocratique, elle suscite une forme d’indifférence résignée, dont a encore témoigné le faible taux de participation aux dernières élections européennes.
    Pour autant, nos concitoyens n’ignorent pas l’Europe. En vérité, elle est revenue au centre de l’attention mais, trop souvent, de manière négative. Avec les crises qui ont frappé le continent ces dernières années, elle a été tantôt pointée du doigt en cas d’échec, tantôt laissée dans l’ombre lorsqu’elle apportait des solutions. Je ne crois pas que nous ayons assez dit, au cours de ces dernières années, ce que l’Union européenne rendait possible et ce qu’elle apportait concrètement à nos concitoyens.
    En outre, depuis quinze ans, des forces centrifuges traversent le continent. Elles ont atteint leur paroxysme voilà un peu plus d’un an, avec la décision du Royaume-Uni de quitter l’Union européenne. C’est la décision souveraine du peuple britannique et nous la respectons, même si elle représente une mauvaise nouvelle pour l’Europe.
    Depuis le 19 juin, la négociation est enclenchée sous la conduite de Michel Barnier – que vos commissions entendront, je crois, le 16 novembre prochain. Il a reçu pour cela un mandat clair des vingt-sept États membres et de la Commission européenne sur la base des orientations arrêtées à l’unanimité par le Conseil européen en mai et juin derniers.
    Je vous rappelle les principes impératifs qui fondent la décision des Vingt-Sept : garanties réciproques pour les citoyens directement concernés par le Brexit ; respect par le Royaume-Uni de ses obligations administratives, financières et juridiques souscrites en sa qualité d’État membre ; prise en compte de la spécificité de la frontière irlandaise. S’y ajoute, sur le marché intérieur, le rappel du caractère indivisible des quatre libertés de circulation : les capitaux, les biens, les services et les personnes.
    Mesdames et messieurs les députés, aucune négociation, ni sur les conditions du retrait, ni sur les contours de l’accord futur, ne sera menée à titre bilatéral. Dans cette crise, l’Union européenne fait la preuve de son unité et de sa cohésion. Il ne s’agit pas pour autant d’adopter une approche punitive à l’égard du Royaume-Uni, qui restera, après son retrait, un partenaire et un allié essentiel de la France, tout particulièrement dans le domaine de la défense et de la sécurité, en vertu des accords de Lancaster House.
    Néanmoins, nous ne devons avoir aucune naïveté dans la négociation en cours : chacun défend ses intérêts. Notre intérêt collectif, c’est de mettre fin dès que possible à l’incertitude que fait planer le Brexit et de le faire en deux temps : d’abord, en négociant les conditions du retrait ; ensuite, en instaurant le cadre juridique de nos futures relations. Pour l’heure, après les premières sessions de négociation, force est de constater que le compte n’y est pas s’agissant des différents principes que je viens de rappeler et qui conditionnent pour nous un retrait acceptable du Royaume-Uni.
    Le discours de Theresa May à Florence, il y a quelques jours, a certes donné des signaux d’ouverture et la quatrième session de négociation a permis de réaliser quelques progrès, mais ils restent insuffisants. La cinquième session de négociation est en cours, mais le prochain Conseil européen ne pourra sans doute pas décider d’ouvrir les discussions sur la deuxième phase concernant les relations futures que l’Union européenne entretiendra avec le Royaume-Uni.
    Mesdames et messieurs les députés, hier, le vote britannique, ces derniers temps, la défiance d’un nombre important de nos concitoyens, aujourd’hui, la crise qui secoue la Catalogne : tout cela nous commande d’agir. Nous ne pouvons plus nous permettre de continuer à faire l’Europe comme par le passé. Il faut revoir en profondeur nos priorités politiques, nos pratiques institutionnelles et les moyens qui sont dédiés à chaque objectif. Un sursaut, une véritable refondation, pour reprendre l’expression du Président de la République, sont désormais indispensables.
    Je tiens à dire à ceux qui dénoncent aujourd’hui la construction européenne qu’ils entretiennent nos concitoyens dans une représentation chimérique de la souveraineté : la souveraineté de repli qu’ils proposent à nos concitoyens est un leurre et ne peut mener la France qu’à l’isolement, à une exposition plus grande encore de notre pays aux désordres du monde.
    C’est une communauté de destin qui nous unit aux peuples d’Europe. Dire cela, ce n’est pas faire l’aveu d’une fatalité : c’est affirmer à la fois une histoire partagée et une vision stratégique et volontariste de la place de la France dans le monde.
    Je suis aujourd’hui responsable de la conduite de notre diplomatie et je peux vous le dire – mais vous le sentez vous-mêmes –, jamais, depuis la fin de la guerre froide, les divergences, les tensions, le niveau de conflictualité n’ont été aussi élevés. Dans un monde pourtant plus interdépendant que jamais, la compétition est à son paroxysme, la coopération entre nations faillit, les crises se multiplient dans le voisinage immédiat de l’Europe, des stratégies de puissance s’affirment de façon de plus en plus agressive, la concurrence économique, les tensions commerciales et les inégalités que génère la mondialisation s’accroissent fortement.
    Dans ce contexte, la seule réponse qui vaille est à la fois nationale et européenne : les deux dimensions sont aujourd’hui inséparables. Si la France veut garantir sa sécurité, si elle veut défendre ses intérêts et affirmer ses valeurs, bref, si elle veut compter dans le concert des nations et continuer d’écrire elle-même son histoire, alors, sa souveraineté passe par son effort propre et aussi par l’Europe, mais une Europe réformée, capable de s’affirmer elle-même comme une puissance souveraine.
    Pour faire entendre sa voix, l’Union doit intégrer ce que j’appelle une culture du rapport de forces qui lui a trop souvent fait défaut. C’est ce projet que le Président de la République a affirmé à Athènes, à la Sorbonne, et qu’il a répété récemment devant ses homologues à Tallin.
    Cette Europe souveraine repose elle-même sur trois conditions : l’unité de l’Europe, la protection de ses citoyens et de ses intérêts, et ce que j’appelle la capacité de projection de l’Union européenne, c’est-à-dire sa capacité à agir comme un acteur global, à peser réellement sur les dossiers internationaux et à diffuser son modèle et ses valeurs.
    La première condition de l’Europe souveraine, c’est le renforcement de son unité, mais ce travail d’unification est voué à l’échec s’il ne prend pas réellement en compte les aspirations des peuples, dépositaires de la souveraineté européenne. Le peuple français, les peuples d’Europe doivent être de véritables acteurs de cette refondation si nous voulons qu’une authentique démocratie européenne existe.
    C’est la raison pour laquelle la France propose l’organisation de « conventions démocratiques » dans tous les États membres qui souhaiteraient participer à cette initiative. Il s’agit de redonner la parole aux citoyens et de débattre sur le fond, au plus près du terrain, des priorités de l’Union pour les années à venir. Au premier semestre 2018, chaque État membre qui le souhaite pourra organiser, selon les modalités qui lui paraîtront les plus adaptées, un débat, des échanges dont les conclusions seront mises en commun pour préparer l’échéance de 2019 et refonder l’Europe en répondant au mieux aux attentes des citoyens qui, cette fois, auront été consultés en amont.
    La ministre chargée des affaires européennes, Nathalie Loiseau, est mobilisée pour donner corps à ce projet de la façon la plus large possible avec les acteurs politiques, syndicaux, sociétaux, pour qu’il y ait un véritable débat de fond dans notre pays.
    Renforcer l’espace démocratique européen, le mettre en mouvement, animé par un projet sachant dépasser les seules formations politiques nationales, c’est aussi le sens de la proposition du Président de la République de créer une circonscription européenne. Les députés y seraient élus sur la base de listes transnationales selon un principe simple : rassembler des candidats de même sensibilité politique mais de nationalités différentes. Cette circonscription transnationale, ce sera l’occasion toute particulière d’une réponse européenne au Brexit.
    L’unité de l’Europe est, bien sûr, une réalité politique, une réalité économique – j’y reviendrai dans un instant –, mais la base, le socle sur lequel tous ces projets doivent se construire, c’est le lien sensible, le vivre-ensemble, en un mot, la conscience qu’ont nos concitoyens d’être des Européens. Fortifier cette conscience, tout particulièrement dans notre jeunesse, par l’enseignement, par les échanges universitaires et dans le domaine de l’apprentissage, c’est garantir l’avenir de l’idée européenne, cet universel qui se dit en plusieurs langues, cette civilisation que chacune de nos cultures nationales exprime d’une façon propre, d’une façon singulière. Il y a, là aussi, un enjeu d’égalité : notre jeunesse n’a jamais été aussi mobile, aussi ouverte sur le monde et d’abord sur les pays européens. Assurer une égalité d’accès à l’horizon européen, c’est aussi de cette manière que nous conjuguerons l’unité de l’Europe et l’exigence démocratique.
    Les objectifs qu’a affichés le Président de la République sont ambitieux. Ceux qui veulent aller plus loin, plus vite, doivent pouvoir le faire sans en être empêchés.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    C’est déjà possible !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Les coopérations seront ouvertes à tous, avec pour seul critère le niveau d’ambition partagée. Le Président de la République a d’ailleurs proposé de réunir au sein d’un « groupe de la refondation européenne » tous les États membres qui partagent cette vision afin de définir les mesures qui traduiront concrètement cette ambition à l’horizon 2024. Je dois dire que l’accueil réservé à nos propositions par nos partenaires, lors du sommet des chefs d’État et de gouvernement à Tallinn, est positif, en lien avec les propositions faites par le président de la Commission Jean-Claude Juncker lors de son discours sur l’état de l’Union. Sur la base de ces premières discussions, le président du Conseil, Donald Tusk, a été chargé de présenter une feuille de route dans les prochaines semaines pour organiser cet exercice collectif de refondation.
    Pour avancer, l’Allemagne, sera notre partenaire majeur. Vous le savez, la République fédérale est entrée dans une période de négociation du contrat de coalition sous l’égide d’Angela Merkel. Je tiens d’ailleurs à souligner devant la représentation nationale la qualité des relations qui se sont nouées entre les ministres allemands et les membres du Gouvernement ces dernières années. Cette relation de confiance est importante et c’est sur cette base politique et relationnelle que nous pourrons porter le projet politique européen. Cela est d’autant plus important que les élections allemandes avec, notamment, le score élevé de l’extrême droite, ont révélé que le scepticisme, voire le rejet de l’Europe, étaient également un risque outre-Rhin. La meilleure réponse sera apportée par l’action conjointe d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron pour permettre à l’Europe de progresser en souveraineté et, ainsi, de relever les grands défis qui nous font face, dans la solidarité.
    Nous avons été ensemble le moteur de l’Europe par le passé ; nous le serons encore demain. Le Président de la République a souhaité l’élaboration d’un nouveau traité de l’Élysée qui pourrait être le creuset du futur projet européen.
    L’unité de l’Europe doit aussi se manifester face à la crise migratoire. Ce drame exige la solidarité des pays européens : solidarité, s’agissant de l’accueil et du droit d’asile, mais solidarité aussi dans l’aide à apporter aux pays de départ et de transit de celles et ceux qui risquent leur vie pour rejoindre l’Europe.
    C’est dans ce but que le Président de la République a réuni à Paris, le 28 août dernier, ses homologues allemand, espagnol, tchadien, nigérien ainsi que la Haute représentante, Mme Mogherini. C’est aussi le sens des mesures concrètes que le Président a exposées dans son discours de la Sorbonne : je pense à la mise en place d’un véritable Office européen de l’asile pour harmoniser les procédures ou encore à la création d’une police aux frontières européenne. Sur ce sujet comme sur d’autres, l’exigence de solidarité européenne repose sur un équilibre, une réciprocité entre les droits et les obligations. La cohésion entre les États, la cohérence du projet européen comme sa légitimité passent par ce nécessaire équilibre.
    L’unité de l’Europe passe également par une convergence sociale et fiscale accrue. Jacques Delors a coutume de dire que le modèle économique européen doit se fonder sur trois principes : la concurrence qui stimule, la coopération qui renforce et la solidarité qui unit. Force est de reconnaître que l’Union européenne a davantage avancé sur le premier volet que sur les deux autres. Or il est fondamental de préserver un équilibre pour que les États membres convergent économiquement et socialement, et le fassent vers le haut. C’est ce que nous demandent nos concitoyens – je pense notamment au travail détaché. Je sais que ce sujet mobilise l’attention et le travail du Parlement. La directive actuelle n’est satisfaisante pour personne : ni pour les travailleurs français, qui font face à une concurrence déloyale par le dumping aux cotisations, ni pour les travailleurs étrangers dont les conditions de vie et de travail sont souvent insuffisamment protectrices, ni pour leurs pays d’origine qui souffrent d’une insuffisance de main-d’œuvre qualifiée.
    L’ensemble des ministres concernés par ce dossier est mobilisé avec une méthode claire : parler à tous, écouter nos partenaires, notamment les pays d’Europe centrale et orientale, afin de dégager des convergences avec le plus grand nombre d’entre eux.
    J’ajoute que la convergence sociale passe aussi par la définition d’un socle minimal de droits sociaux européens. Il est indispensable d’atteindre cet objectif, et le Président de la République participera à un sommet en Suède, le 17 novembre, pour avancer sur cette question majeure.
    Parvenir à une convergence des niveaux de développement, c’est aussi le but du Fonds de cohésion, qui bénéficie aux États membres les plus éloignés du niveau moyen de développement en Europe. Il s’agit d’un outil puissant et nécessaire pour minimiser les disparités entre les régions, ce qui profite à la croissance collective. C’est ce même objectif de minimiser les disparités au sein de l’Union qui guide l’affectation des fonds structurels. Comme vous le savez, la France bénéficie, sur la période 2014-2020, de 27 milliards d’euros au titre du Fonds européen de développement régional, du Fonds social européen, du Fonds européen agricole pour le développement rural et du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche. Les élus locaux, départementaux et régionaux savent l’importance de ce soutien européen à notre politique de cohésion économique, sociale et territoriale.
    Sur le terrain économique, la condition de l’unité européenne, c’est, bien sûr, le marché unique. L’objectif est aujourd’hui de progresser en matière d’union économique et monétaire en poursuivant l’établissement de l’Union des marchés de capitaux, afin de stimuler la croissance par l’investissement et l’innovation. De même, les discussions se poursuivent sur l’achèvement de l’Union bancaire, avec la mise en place d’un système européen de garantie des dépôts.
    Plus généralement, nous devons faire de l’Europe une véritable puissance économique et monétaire. C’est pour cette raison que le Gouvernement a une ambition forte pour la zone euro. Nous souhaitons la renforcer pour qu’elle puisse, tout d’abord, mieux garantir ses membres contre les crises financières lorsque c’est nécessaire. La proposition du Président de la République de créer un budget de la zone euro constitue un objectif pragmatique au service de cette ambition.
    Le renforcement de la zone euro nécessitera également d’inventer une gouvernance adaptée, avec un ministre commun et un contrôle parlementaire au niveau européen, devant lequel il devra rendre des comptes. Mais, plus encore que d’une gouvernance, nous aurons besoin de définir les grandes orientations économiques et politiques de la zone euro, pour lui permettre de s’affirmer comme une puissance économique mondiale capable de défendre les intérêts des États membres.
    Cette exigence de protection, c’est le deuxième élément qui définit aujourd’hui notre ambition d’une Europe souveraine. Le souci de protection est inhérent au projet européen, y compris dans ses politiques les plus anciennes et les plus emblématiques. En effet, quelle était la préoccupation des Européens en instituant la politique agricole commune – PAC ? La protection du revenu des agriculteurs, la sécurité alimentaire et la protection des consommateurs. À ces objectifs historiques se sont ajoutés la protection de l’environnement et le développement rural. Nous devons, dans le cadre d’une PAC rénovée, nous assurer que ces exigences essentielles seront encore mieux respectées, pour que notre agriculture assure un niveau de vie décent aux producteurs et pour que les consommateurs accèdent à des produits agricoles de qualité et à un juste prix.
    Ne tombons pas dans la caricature d’une Union européenne qui ne serait guidée que par les forces du marché et qui oublierait de protéger ses citoyens les plus fragiles. Le Fonds européen d’aide aux plus démunis permet à la France de recevoir, sur la période 2014-2020, 500 millions d’euros pour la fourniture d’aide alimentaire aux plus démunis. Cela représente, pour les associations qui agissent dans ce domaine, un quart de leurs frais et un quart de leur mobilisation.
    Mais, dans une mondialisation aujourd’hui perturbée par la concurrence entre grands blocs économiques et les tentations isolationnistes, une Europe qui protège, c’est aussi une Europe qui cesse d’être naïve dans le domaine commercial. Nous progressons sur ce sujet et je veux, à cet égard, saluer la décision du Conseil européen de se doter d’une nouvelle méthode de calcul des distorsions de marché résultant de l’intervention de l’État dans les pays tiers. S’agissant de la lutte contre la concurrence commerciale déloyale, nous veillerons à ce que la Commission fasse plein usage de ce nouvel instrument anti-dumping en vue, prioritairement, de défendre l’industrie européenne.
    Plus largement, nous devons refonder la politique commerciale européenne. Les négociations commerciales ne peuvent plus être menées portes fermées ; elles doivent être transparentes. Elles ne peuvent plus concerner seulement les tarifs et les tonnages, mais garantir pleinement le respect des normes sanitaires et environnementales, et contribuer à la lutte contre le dérèglement climatique.
    Oui, je le dis devant votre assemblée, demain, les accords devront être plus complets que ne l’est le CETA. Comprenons-nous bien : cet accord reste à nos yeux un bon accord…

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Ah bon ?

    Mme Clémentine Autain

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    Au moins, c’est dit !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    …par les ouvertures de marchés qu’il autorise, et parce qu’il prévoit un véritable mécanisme juridictionnel de règlement des différends sur les investissements. Mais il doit se voir ajouter un instrument complémentaire, dans le domaine climatique en particulier. Telle est la voie choisie par le Gouvernement. En outre, comme l’a demandé votre commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission, le Parlement sera informé à chaque étape préparatoire de la ratification du CETA.
    Une fois négociés, ces accords doivent être pleinement respectés dans toutes leurs dimensions. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a proposé que soit rapidement installé un « procureur commercial » au niveau européen, chargé d’assurer la protection de nos intérêts face aux pratiques commerciales litigieuses à l’œuvre dans les échanges internationaux.
    Parce qu’une puissance doit définir ses intérêts stratégiques, la souveraineté de l’Europe passe également par la sauvegarde de ses intérêts économiques majeurs. Comme vous le savez, le président Jean-Claude Juncker a présenté, à la suite de son discours sur l’état de l’Union, une proposition visant à établir un cadre pour la surveillance des investissements étrangers dans les secteurs stratégiques au sein de l’Union. Aujourd’hui, certains États membres, comme la France, sont déjà dotés de dispositifs performants ; d’autres mécanismes nationaux le sont moins ; certains États n’en ont aucun. Une coordination européenne est indispensable sur ces questions dans le cadre du marché unique.
    L’Europe souveraine s’entend également sur le terrain de la défense et de la sécurité. Je l’ai rappelé, les crises internationales affectent nos intérêts dans des zones toujours plus proches de l’Europe – la Syrie, la Libye, le Sahel, l’Ukraine, sont à proximité ou à nos portes –, avec des effets directs sur l’ensemble des pays européens. Elles génèrent une menace terroriste, font craquer les frontières de Schengen ou vaciller l’architecture de sécurité européenne. Cette situation exige que nous soyons collectivement capables de définir des intérêts fondamentaux de sécurité communs.
    La France, en raison de ses capacités et de son engagement, doit être à l’initiative, et d’abord dans la manière de définir ses propres intérêts nationaux en relation avec la souveraineté de l’espace européen. Avec l’Allemagne, nous avons aussi un partenaire conscient des menaces diverses qui pèsent sur l’Europe, à l’Est comme sur son flanc sud – on l’a vu ces dernières années en Afrique. Nous devons et nous pouvons avancer avec elle sur ces sujets.
    La définition d’une doctrine stratégique commune européenne est la condition sine qua non de la mise en œuvre de l’autonomie stratégique européenne. C’est en effet à partir d’une conception partagée de ces intérêts communs que nous pourrons définir les capacités, le budget et la culture stratégique commune qui donneront corps à cette dimension fondamentale de la souveraineté européenne.
    Concrètement, s’agissant de l’Europe de la défense, deux avancées majeures ont été récemment enregistrées, à commencer par le projet d’une coopération structurée permanente – CSP. Sur la base d’une contribution rédigée par la France, l’Espagne, l’Italie et l’Allemagne et soutenue par la Belgique, les Pays-Bas, le Luxembourg, la Finlande et la République tchèque, une liste précise de critères à remplir pour participer à la CSP a été établie et approuvée, assortie d’un mécanisme de vérification permettant de garantir que ces critères ambitieux sont respectés par les États membres désireux d’y participer.
    Les États de la CSP s’engagent à fournir un effort particulier en termes de développement de leur capacité de défense, mais aussi de mise à disposition d’unités de combat pour des missions communes. Il appartient désormais aux États membres qui le souhaitent de notifier leur volonté de participer à la CSP et de démontrer qu’ils respectent les critères que nous avons fixés collectivement, ce qui devrait permettre son lancement d’ici à la fin de l’année.
    Autre avancée majeure dans ce domaine, la proposition par la Commission de créer un programme européen pour le développement de l’industrie de défense, qui doit financer des investissements nationaux dans la recherche, le développement de prototypes et l’acquisition d’équipements et de technologies. Les négociations sont en cours sur ce programme, que l’on appelle désormais le Fonds européen de la défense, et qui constitue une avancée majeure. Notre objectif est qu’elles aboutissent au cours du premier semestre de 2018. L’enjeu sera ensuite de le doter de financements suffisants pour assurer sa mission dans le cadre financier pluriannuel prévu à cet effet – ils pourront atteindre 500 millions par an à partir de 2020. C’est une évolution considérable, que nous devrons poursuivre au-delà de cette date, avec une grande détermination.
    Mesdames et messieurs les députés, le Président de la République a exposé à la Sorbonne les principales clefs de l’Europe souveraine à construire : outre la sécurité, il a cité la maîtrise de ses flux migratoires, la stabilisation de son voisinage, la confirmation d’une transition écologique efficace et équitable, son affirmation en tant que puissance d’innovation, en particulier numérique, et sa puissance économique et monétaire. Sur toutes ces politiques structurantes, le Président de la République a fait des propositions opérationnelles, que vous avez entendues. Il a proposé à la fois une vision et des projets concrets. Dans chacun de ces domaines, l’objectif est de construire une Europe capable d’agir comme une puissance globale.
    Cela m’amène à la troisième dimension de l’Europe souveraine : sa capacité de projection. Je pense notamment à l’action que nous devons mener à l’échelle européenne s’agissant de la régulation de la mondialisation et des inégalités qu’elle génère. Le sentiment d’être laissé pour compte est partagé par une part croissante des citoyens européens et l’espérance de progrès social qui a animé nos sociétés est mal en point. Cette perception, qui oscille entre le désenchantement, bien souvent, le désespoir, parfois, mais aussi la colère, affecte profondément notre vie démocratique. Elle met au défi les responsables politiques de proposer un chemin qui fait le pari de l’optimisme, du progrès et de l’ouverture, plutôt que de l’isolement, du repli et de la fermeture.
    Ce que nos citoyens réclament, ce n’est pas le projet irréaliste d’une sortie de la mondialisation, c’est une mondialisation organisée selon des règles justes et équitables. L’Europe est un acteur de premier plan, de même niveau que la Chine ou les États-Unis. Elle a donc des arguments à faire valoir dans les instances internationales pour agir en faveur de cette régulation que nos peuples réclament.
    De même, elle doit agir pour le développement économique et humain, tout particulièrement en Afrique. De ce point de vue, l’Alliance pour le Sahel, lancée avec l’Allemagne et l’Union européenne, a valeur d’exemple. Cet effort sera poursuivi avec la proposition du Président de la République de reprendre les travaux sur la mise en œuvre d’une taxe sur les transactions financières, dont le produit serait exclusivement affecté au développement.
    En matière de lutte contre le réchauffement climatique et pour l’environnement, l’Europe doit également être exemplaire, pour convaincre à l’échelle mondiale. C’est le sens de la proposition d’Emmanuel Macron de travailler à un juste prix du carbone et à l’instauration d’une taxe aux frontières extérieures de l’Union pour compenser le différentiel d’ambition environnementale pour les entreprises les plus exposées à la concurrence internationale. Par ailleurs, vous l’avez remarqué, la méthode d’action pour assurer un consensus des États autour de l’accord de Paris en dépit de la décision américaine de retrait prouve, là encore, que la voix de la France porte, lorsqu’elle est bien coordonnée avec ses partenaires européens.
    Mesdames et messieurs les députés, l’Europe, ce sont des valeurs, celles de la démocratie, des droits et des libertés publiques, de la paix et de la coopération. Dans un monde en proie aux incertitudes, la volonté d’ouverture à laquelle le Président de la République invite l’Europe répond à une exigence de responsabilité. L’unité, la protection, ce sont les conditions pour que l’Europe puisse se projeter et contribuer efficacement à la stabilité de l’ordre international, pour que les normes qu’elle incarne soient un modèle crédible à l’échelle du monde.
    Pour la génération qui naît aujourd’hui à la conscience politique, l’idée européenne passe pour une évidence. Nous pouvons nous en réjouir, bien sûr, tant ce sentiment illustre les soixante-dix ans de silence des armes que le projet européen a rendu possibles entre nos États, grâce à une construction bâtie sur l’idée de réconciliation et qui reste la meilleure garantie pour la paix, comme le rappelait sans cesse Simone Veil.
    Mais, si nous voulons bâtir l’avenir de l’Europe, nous devons aussi nous rappeler en permanence que les créations humaines en apparence les plus assurées peuvent être balayées par les fracas que l’histoire et la folie des hommes peuvent déployer. La valeur de la construction européenne, cette création politique unique, mesurons-la non seulement en termes de capacités économiques, mais aussi en la ramenant à son origine, celle des drames du siècle passé et de la volonté qui permit de les dépasser.
    Chacune des générations de notre pays peut rattacher la naissance de sa conscience européenne à un événement marquant, à un projet fédérateur : je pense aux ruines de la guerre dont notre pays s’est relevé, aux premiers efforts de réconciliation avec l’Allemagne dans une Europe divisée par la guerre froide ; je pense à la liesse lors de la chute du mur de Berlin ou à l’émotion immense de voir Helmut Kohl et François Mitterrand main dans la main devant l’ossuaire de Douaumont ; je pense au projet et à la concrétisation de la monnaie unique. Quel sera, pour notre jeunesse, elle qui incarne l’avenir de l’idée européenne, elle qui devra en assumer demain la responsabilité, l’événement, le projet à partir duquel elle fera sien l’idéal européen ? C’est la question à laquelle nous devons essayer de répondre collectivement par notre action.
    Mesdames, messieurs les députés, l’horizon de notre souveraineté est européen. C’est en construisant, avec l’ensemble des États membres de l’Union, une Europe souveraine que nous assumerons nos responsabilités à l’égard du peuple français. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC, ainsi que sur quelques bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Louis Bourlanges.

    (À dix-sept heures quarante-cinq, M. Sacha Houlié remplace M. François de Rugy au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de M. Sacha Houlié
    vice-président

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, on peut difficilement le contester, je crois : il y a un moment Europe et, au cœur de ce moment, il y a un moment Macron en Europe.
    La première question qui se pose à nous, au Gouvernement comme au Parlement, est : « De quoi ce moment est-il fait ? » Si nous n’y répondons pas clairement, nous serons incapables d’organiser, sur des bases sérieuses, une relance cohérente de l’Union européenne. Ce que nous vivons, selon moi, c’est à la fois l’épuisement d’un cycle, la renaissance d’une menace et la découverte d’un inéluctable.
    L’épuisement d’un cycle, d’abord. Aujourd’hui s’achève une période de vingt années d’enlisement de la construction européenne, caractérisée, au milieu des années 1990, par la relève des eurofervents par les eurotièdes, le démantèlement, à Nice, du système communautaire, la fuite en avant en direction de la Turquie et le refus suicidaire de prolonger l’Europe monétaire par une politique économique commune. Ajoutons à cela l’étalement de nos divisions dans l’affaire irakienne.
    Ce cycle mortifère a marqué le pas il y a deux ans, quand le Premier ministre Tsipras a compris et fait comprendre au peuple grec que son avenir était en Europe et que rien ne serait pire pour son pays que de sortir de l’euro. Aujourd’hui, l’Europe continue d’agacer, mais l’anti-Europe a cessé de séduire. Depuis lors, de Vienne à Madrid, de La Haye à Paris, et même – preuve par l’absurde de l’introuvable alternative – de Londres à Washington, le cycle de l’enlisement se retourne progressivement.
    Ce retournement procède largement – vous y avez fait allusion, monsieur le ministre – d’une prise de conscience de plus en plus vive d’un retour massif et multiforme de la menace, que celle-ci soit traditionnelle, avec les menées russes en Ukraine et dans les États baltes, ou nouvelle, avec la déstabilisation du Moyen-Orient, les bouleversements migratoires, le terrorisme islamiste et, couronnant le tout, l’incertitude du comportement américain, sans parler, bien entendu, de l’intensification de la compétition économique et commerciale mondiale.
    Il y a, enfin, la découverte progressive d’un inéluctable. Nos concitoyens n’aiment pas l’Europe incertaine, velléitaire et impuissante à laquelle nous ont condamnés pendant vingt ans des dirigeants eurosceptiques ou eurotièdes, cyniques et court-termistes. Ils savent toutefois désormais, au plus profond d’eux-mêmes, que la survie de leur modèle de société, la défense de leurs intérêts et de leurs valeurs passent par la construction d’une Europe libre, forte et unie. Si nous voulons vivre à notre guise, tels que la géographie, l’histoire et la politique nous ont façonnés, l’Europe est, non pas une option mais, chacun le sent bien, une figure imposée – imposée par ce que nous sommes à ce que nous voulons.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    On a le droit de ne pas être d’accord !

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    Oui, c’est certain.
    Le Président de la République a, dans ses discours d’Athènes et de la Sorbonne, pris toute la mesure des effets de cette nouvelle prise de conscience européenne. Il a compris que l’on sortirait de la crise de l’Union, non pas par la pause – on ne répare pas une voiture arrêtée en la maintenant à l’arrêt –, mais par un sursaut et un supplément d’ambition européenne.

    M. Erwan Balanant

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    Très bien !

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    Le changement de perspective tient en une phrase : « L’Europe de demain sera politique ou ne sera pas. » Vous avez d’ailleurs clairement analysé cette situation, monsieur le ministre. La dichotomie entre l’Europe des échanges et l’Europe de la puissance, la distinction entre le doux commerce qui régit la vie des sociétés et le « dur désir de durer » qui domine la confrontation des puissances ont vécu, comme a vécu la frilosité française devant l’exigence de l’ouverture économique au monde et la pusillanimité allemande face au dumping chinois.
    Le message d’Emmanuel Macron sur « l’Europe qui protège » est là : dans l’idée que, sur tous les plans, économique et commercial, technologique, culturel, civilisationnel, ce que nous sommes affairés à construire, c’est un ensemble géopolitique qui inspire au monde à la fois le respect du droit et l’autorité de la puissance ; l’Europe qui protège autant que l’Europe qui échange, l’Europe qui rayonne autant que l’Europe qui commerce, l’Europe des réalités autant que l’Europe des principes.
    Ce retour en force de l’idée européenne, cet enrichissement nécessaire du projet, cette redécouverte de l’exigence politique, longtemps ignorée, et cette inscription de la volonté d’Europe au cœur de la diplomatie française, comment les hommes du centre, les démocrates sociaux, les sociaux-libéraux pourraient-ils ne pas y souscrire ?
    Je voudrais toutefois, monsieur le ministre, madame la ministre, vous rendre attentifs aux deux risques principaux qui guettent aujourd’hui le projet présidentiel : l’embarras de richesses et le caractère diabolique des détails.
    L’embarras de richesses, d’abord. Réaliser le quart de la moitié de ce que propose le Président de la République, c’est l’overdose garantie aux yeux des trotte-menu de l’Europe essoufflée que sont encore certains de nos partenaires, même si l’accueil a été favorable en Estonie, ainsi que vous l’avez indiqué, monsieur le ministre. Une inspiration si haute et si forte réjouit l’âme du militant européen que je suis, mais, en même temps, une ambition aussi multiforme effraie les prudents. Je ne voudrais pas que le grand dessein du Président Macron puisse être considéré comme l’œuvre de Voltaire par Émile Faguet, à savoir comme un « chaos d’idées claires ».
    Ce que l’Europe a réussi de mieux, c’est ce qu’elle a fait, jusqu’à présent, avec une arme simple : le calendrier – le calendrier qui permet de hiérarchiser, de sélectionner, d’échelonner. Nous attendons du Gouvernement qu’il dessine, en matière européenne, un parcours politique clair, précis et cohérent – vous en avez jeté les bases, monsieur le ministre – à partir, évidemment, des discours fondateurs du Président.
    Sachons voir toutefois que la crédibilité des ambitions françaises est totalement indexée sur le courage avec lequel le Gouvernement conduira le redressement des finances publiques. Et, je dois le dire, il en faudra plus que l’actuel projet de loi de finances pour apaiser, notamment, une opinion allemande échaudée par des années de fausses promesses.
    La deuxième chose à laquelle je vous invite à prêter attention est le risque permanent, dans l’Union européenne, de dégradation d’une bonne idée initiale en cauchemar pratique. J’en donnerais deux exemples. Le Président s’est prononcé, à juste titre, pour une Commission européenne réduite à quinze membres. Imaginez toutefois ce que serait une telle Commission si cette réduction était opérée, comme il est prévu par le traité, par le jeu d’une rotation égalitaire des suppressions de postes qui ferait que, cinq années sur dix, il n’y aurait pas de commissaire allemand ni français, tandis qu’il y aurait en permanence cinq commissaires balkaniques. Ce serait aberrant.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Il propose pire puisqu’il propose d’y renoncer !

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    Dans le même esprit, le Président, comme l’ensemble des institutions européennes, s’est prononcé en faveur de la procédure, qui a bien fonctionné avec Jean-Claude Juncker, dite du Spitzenkandidat pour la désignation du président de la Commission. A-t-on toutefois suffisamment réfléchi au caractère aléatoire de la désignation d’une personnalité à travers une élection majoritaire à un seul tour dans le cadre d’un système partisan totalement fragmenté tel que le système européen actuel ?
    Monsieur le ministre, madame la ministre, nous aurions toutefois mauvaise grâce à bouder le plaisir que nous a procuré le Président Macron à Athènes et à la Sorbonne. Sachons voir qu’il a composé une magnifique ouverture, mais reconnaissons qu’il lui faudra, qu’il vous faudra, qu’il nous faudra maintenant écrire l’opéra. C’est une rude tâche qui attend le Gouvernement et ses partenaires de l’Union. Vous pouvez compter sur nous pour vous aider à l’accomplir. (Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM, REM et LC.)

    Mme Marielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères

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    Très bien !

    M. Erwan Balanant

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    Bravo, Jean-Louis !

    M. le président

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    La parole est à Mme Sophie Auconie.

    Mme Sophie Auconie

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    Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mesdames les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes, mes chers collègues, enfin, l’Europe est au cœur de nos discussions, enfin, la France revient dans le jeu européen pour faire avancer cette belle idée pour les citoyens tant français qu’européens. J’applaudis, évidemment, avec grande satisfaction, en tant que députée nationale ; en tant qu’ancienne parlementaire européenne, je mesure combien la position du Président de la République et du Gouvernement redonne du sens à l’influence française au sein des institutions européennes.
    L’Europe est non pas une option, mais une nécessité vitale : le XXIsiècle est celui des États-continents, et les pays membres de l’Union européenne doivent s’unir pour peser face aux grandes puissances de demain, grâce à ce qu’Aristide Briand appelait « une sorte de lien fédéral ». La France seule, l’Allemagne seule, l’Italie seule, la Pologne seule, aucun État membre n’est plus à l’échelle utile pour être à la hauteur de nos partenaires d’aujourd’hui et, surtout, de ceux de demain. Le Président de la République l’a souligné dans ses discours d’Athènes et de la Sorbonne, et les membres de notre groupe y souscrivent totalement.
    La politique européenne de cette législature appelle à une réelle évolution des institutions et du fonctionnement de l’Union européenne. Nous espérons que le Gouvernement concrétisera son projet de renouveau ambitieux, à la hauteur de ce que l’Europe peut nous offrir, même si, cher Jean-Louis Bourlanges, nous en mesurons les difficultés.
    Cette approche proactive doit nous permettre de doter l’Union européenne d’outils efficaces, afin de lutter contre les fléaux qui touchent les États membres : le désintérêt alarmant des citoyens pour la construction de l’Union européenne et sa vie démocratique, le réchauffement climatique, la concurrence déloyale qui profite du manque de volonté et de courage politique empêchant de parvenir à une harmonisation fiscale et sociale, et, plus largement, la problématique terroriste et les menaces diplomatiques.
    L’Union européenne est la meilleure voie de protection de notre souveraineté, car elle a profondément évolué depuis les cinquante dernières années. Pour cela, je tiens d’abord à rappeler la nécessité de développer et de consolider notre marché intérieur. Il est essentiel de développer les marchés de demain, notamment ceux de la robotique, du numérique et de la domotique. Les géants de demain peuvent être européens si nous prenons le temps de les construire, comme nous avons commencé à le faire avec Airbus : les noces entre Alstom et Siemens sont annoncées, et nous suivrons ce dossier avec vigilance, et l’entreprise STX peut constituer un embryon d’entreprise européenne.
    Jean Monnet disait que les pays d’Europe avaient besoin de marchés plus larges pour assurer à leur peuple la prospérité que les conditions modernes rendent possible et par conséquent nécessaire. Depuis, nos marchés ont bien évolué, mais la question demeure : comment faire pour que l’Europe reste une locomotive dans le monde de demain ?
    À notre sens, des accords de libre-échange permettraient aux États membres de mener une politique commerciale et industrielle de partenariat commune à l’échelle mondiale, à même de promouvoir le standard européen de négociation et de faire rayonner nos économies à l’échelle mondiale. J’appelle, sur ces thématiques, à une Europe offensive, une Europe qui n’hésite pas à protéger ses marchés publics lorsque ses partenaires en font autant, et qui conditionne l’ouverture des siens à la seule réciprocité de nos partenaires ; une Europe qui utilise sa monnaie pour consolider son modèle et qui n’a pas peur de la mettre en valeur, avec un budget fort au sein d’une zone euro forte et un ministre des finances européen disposant de pouvoirs ; une Europe, enfin, qui ne laisse pas la sécurité de ses citoyens de côté. À cet égard, je salue la proposition du Président de la République d’instaurer une force commune d’intervention à l’horizon 2020. Soyons audacieux et avançons vers l’armée européenne !
    Je conclus en disant que la politique européenne du Gouvernement sera soutenue par notre groupe, car, plus que jamais, nous avons la France pour patrie, l’Europe pour frontière, et le monde pour horizon. (Applaudissements sur les bancs des groupes LC, REM et MODEM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marietta Karamanli.

    Mme Marietta Karamanli

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    Monsieur le ministre, madame la ministre, mesdames les présidentes de commission, mes chers collègues, l’Europe et la construction européenne constituent un des enjeux forts de la législature. L’Europe est une réalité. D’ailleurs, ce n’est pas en supprimant un mot ou un symbole, tel un drapeau dans l’hémicycle, que cette réalité sera supprimée.

    Mme Marielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères

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    Très bien !

    Mme Marietta Karamanli

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    Changement climatique, migrations, défense, lutte contre le terrorisme et le crime organisé et, bien évidemment, développement économique et partage des richesses, dans le contexte de la globalisation : aucune de ces questions ne peut trouver une solution seulement nationale. La dimension européenne nous empêche de vivre seuls et enfermés dans nos frontières. Ce que les États pris isolément ont perdu en efficacité dans leur territoire soumis à des décisions qui ne leur appartiennent plus seulement, ou à des événements dont ils ne sont plus maîtres, ils peuvent le retrouver en agissant ensemble et le faire valoir face à des États situés en dehors de l’Europe plus puissants démographiquement, économiquement ou militairement.
    Mon propos est celui des députés socialistes pour lesquels l’Europe est, non pas un plan B ni une variable d’ajustement de la politique nationale, mais un espace politique qui a vocation à donner plus de protection et plus de prospérité à nos concitoyens. Le Président de la République a récemment appelé à une refondation de l’Europe, en invoquant, entre autres, la sécurité, les migrations, la politique étrangère, la transition énergétique, l’innovation radicale, la coordination des politiques économiques ou l’instauration d’un budget commun à la zone euro. Il a cité plusieurs initiatives : la refonte de la directive sur les travailleurs détachés, la généralisation de la taxe sur les transactions financières ou l’harmonisation des cycles d’études du second degré. Il a parlé méthode en réitérant son souhait d’instaurer des conventions démocratiques faisant partie intégrante de la refondation européenne.
    Tout cela, dans les intentions, apparaît satisfaisant, mais ce n’est pas la garantie de la meilleure façon d’avancer et de combler les fractures au sein de l’Europe. Les outils sont déterminants, mais ils ne font pas à eux seuls une politique nouvelle. Les fractures sont de trois ordres. D’abord, il existe une fracture sur la nature et les objectifs mêmes de l’Union, et ce, entre les décideurs nationaux et européens, et les citoyens. Selon une étude de juin 2017 menée dans dix pays, seulement 34 % du public a le sentiment d’avoir bénéficié de l’appartenance à l’Union européenne, contre 71 % des responsables. Une majorité du public – 54 % – estime que son pays était un meilleur endroit pour vivre il y a vingt ans. L’identité joue un rôle significatif dans la façon dont les citoyens le perçoivent.
    Cette fracture existe au sein même des responsables – certains parleraient des élites –, qui divergent sur la façon dont le processus doit être poursuivi ou non. Contrairement aux idées reçues, les élites ne sont pas toujours des fervents défenseurs de l’intégration : 28 % d’entre elles soutiennent le statu quo, et 31 % estiment que l’Union européenne devrait rendre une partie de ses pouvoirs aux États membres.
    Il ne suffira donc pas d’affirmer pour convaincre. Il ne suffira pas de communiquer. Il faudra des actes forts, des actes qui traduisent de nouvelles politiques publiques européennes, qui « embarquent » – permettez-moi le mot – plus de monde. Plutôt que de suivre une logique de crédits épars, vécue comme lointaine par les citoyens, il faut donner à l’Europe une vocation plus large. Des projets qui parlent aux individus doivent être relancés. Certains de ces sujets ont été fortement défendus par les députés de la majorité de la précédente législature.
    À cette première fracture s’ajoute, la fracture économique et sociale, exacerbée en partie par la crise économique qu’ont connue l’Union européenne et ses États depuis 2008. Les politiques de ce que j’appelle « la rigueur mal partagée », défendues dans un contexte d’accroissement des inégalités, ont laissé et laissent des incertitudes qui constituent une des causes principales de la désaffection. Rien dans les propositions faites n’annonce un recadrage ou une nouvelle étape de type plan européen.
    Les choix faits dans notre propre pays en termes de politique budgétaire et fiscale, que nous examinerons prochainement dans cette même assemblée, évoquent plutôt un alignement sur ce que pratiquent plusieurs gouvernements de droite, sans nouveau souffle pour l’Europe. Avoir un outil commun est un préalable, mais cela ne change pas la donne si les opportunités nouvelles ne sont pas saisies.
    Pourtant, des marges existent : une récente étude réalisée par des experts et économistes montre qu’un scénario d’actions coordonnées, avec une augmentation mesurée simultanée des dépenses publiques, une taxation plus progressive des revenus, et une meilleure prise en compte des salaires dans chaque pays aurait un effet positif sur l’investissement public et privé, ainsi que sur le solde budgétaire – le déficit diminuerait.
    S’agissant de l’amélioration des rémunérations, elle pourrait être atteinte par l’augmentation de la couverture de la négociation collective, la politique des salaires minima et l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes, ce qui ne ressemble pas aux orientations prévues par les récentes ordonnances. Autrement dit, la coordination dans la zone euro doit permettre de retrouver le chemin de la prospérité, et pas seulement celui des équilibres.
    La troisième fracture est celle de la non-perceptibilité des grandes politiques publiques européennes. Dans le cadre de l’Europe, la France et les Français ont à discuter et négocier avec les autres États. On le sait, en matière de négociations internationales, les victoires sont, pour une large part, un art d’exécution. C’est parce que les citoyens auront le sentiment que leurs préoccupations quotidiennes sont mieux prises en compte par l’Europe qu’ils accepteront d’aller plus loin. Cette préoccupation d’une dimension sociale et solidaire de l’action de l’Union doit être un leitmotiv.
    Cet objectif passe aussi par des services publics efficaces. Le droit de l’Europe est d’abord un droit de la concurrence ; il tend à ignorer le service public. Pourtant, celui-ci reste, dans la plupart des cas, le garant de principes qui ont une fonction sociale, qui font « société » : l’égalité, la liberté, la continuité du service public. À bien y regarder, cette notion existe dans bon nombre de pays, et elle mériterait d’être revalorisée.
    Concernant les grandes politiques publiques, trois grands projets qui « parlent » aux individus pourraient être défendus par notre pays. L’un est la relance et l’amplification d’Erasmus, des échanges scolaires et des temps de formation dans un autre pays, seul véritable succès européen, qui « parle » tant aux jeunes. Un autre est la mise en chantier d’une assurance chômage européenne, qui marquerait une volonté de convergence et de construction sociale par le haut et serait un outil économique et budgétaire. Ce pourrait être un fonds de stabilisation organisant des transferts temporaires entre États membres au gré de leur situation à un moment économique ou bien un régime d’assurance chômage commun, première réalisation d’une intégration budgétaire de l’Union européenne. Un autre encore est l’approfondissement d’une Europe de la justice et de la police, avec ce que cela suppose de réelle mise en commun de moyens renforcés, à l’image de la création d’un corps de garde-frontière européen, défendue de longue date par notre assemblée, ou de l’interopérabilité des systèmes d’information.
    Je termine par une considération institutionnelle. Pour la plupart de nos concitoyens, les traités de l’Union européenne et les accords au sommet constituent une part inconnue et, partant, inquiétante de l’Europe. Il faut que les parlements nationaux puissent mieux faire entendre leur voix en se concertant entre eux en amont de chaque étape importante de la coordination intergouvernementale sur les grands textes européens. L’Assemblée nationale l’a fait avec succès ces dernières années en matière de politique culturelle, de sécurité ou encore des droits des consommateurs. Il s’agit là d’un moment de réappropriation politique de l’Europe.
    Si la démocratie directe et instantanée a son importance, la continuité des débats, leur caractère contradictoire raisonné par le dialogue, la mesure des effets des décisions dans la durée sont autant d’éléments majeurs de la vie démocratique et de la représentation. Il nous faut aller vers l’Europe pour mieux revenir vers notre pays. Dans un monde en crise, celle-ci ne peut être une option. Si on veut l’approfondir et la rendre plus solidaire, on ne peut l’abandonner. Dépasser la crise des identités nationales suppose que nous défendions un nouvel idéal égalitaire et accomplissions des progrès réels pour lutter contre les inégalités. Ce message sera au cœur des propositions que défendra notre groupe en matière de politique européenne. (Applaudissements sur les bancs des groupes NG, REM et MODEM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, la géopolitique a toujours commandé la politique, et la longue histoire de France en atteste. Encerclés je ne sais combien de fois sous l’Ancien régime, envahis quatre fois par notre voisin au cours d’un peu plus d’un siècle, agressés par toute l’Europe lorsque nous avons fondé la République, nous avons, comme leçon de notre histoire, décidé finalement de nous orienter vers la construction d’une union européenne. C’est notre histoire, et rien ne sert de revenir sur les conditions dans lesquelles elle s’est faite.
    En revanche, nous pouvons faire ce que nous voulons de l’avenir. La cause est devenue confuse en France, et la nation française, qui est la nation politique en Europe, comme le reconnaissent tous nos voisins, a besoin de savoir où elle va. De ce point de vue, depuis 2005, tout est confus. On a voulu nous faire croire, avec le traité de Lisbonne, que le vote de la France en faveur du « non » était en fait un « oui ». Puis le président Hollande, après avoir dit qu’il renégocierait le traité budgétaire, a fini par le signer sans rien avoir renégocié.
    C’est pourquoi les deux interventions du président Macron, celle qu’il a faite à l’ouverture de la conférence des ambassadeurs et celle qu’il a faite à la Sorbonne, sont les bienvenues : nous sortons enfin de cette politique en demi-teinte qui était celle des petits pas, qui ne disait ni où elle allait ni par quel chemin elle comptait passer. C’est donc une opération de clarification à laquelle je souscris.
    J’ajoute que je partage le diagnostic du Président : on ne peut plus continuer ainsi. Le chemin actuel ne mène nulle part, sinon à une dislocation dont chacun risque de renvoyer la responsabilité à son voisin. Nous avons besoin de transformer la prochaine élection européenne en un vrai débat politique sur l’avenir de l’Europe. Cela, j’y souscris.
    Mais l’essentiel du discours du président Macron consiste en un basculement du paradigme européen. Pour la première fois, un président de la République française définit la souveraineté de la France comme étant conditionnée par celle de l’Europe. Devant les ambassadeurs, M. Macron déclare : « Pour la France, […] le lieu de notre souveraineté aujourd’hui c’est l’Europe. » À la Sorbonne, il affirme : « L’Europe seule peut, en un mot, assurer une souveraineté réelle ». Je suis en désaccord complet avec cette formule. Et je voudrais qu’on l’entende comme un moment de pensée philosophique, politique, car c’est sur ce terrain qu’on arrivera à avoir un débat.
    Qu’est-ce que la souveraineté ? Elle est évoquée dix-huit fois dans le discours de la Sorbonne, mais elle n’est jamais définie. La souveraineté, c’est l’autorité sans partage d’un groupe sur la population qui le compose et le territoire qu’il occupe. Et la légitimité de cette autorité sans partage, c’est la démocratie. C’est parce que la loi est votée par tous qu’elle s’applique à tous. Il n’y a donc de souveraineté que dans le peuple, et il n’y a de communauté que la communauté légale constituée par le peuple constituant qui décide des lois qui s’appliquent à lui. Voilà où est la souveraineté de la France : dans son peuple. Et cette définition est celle de son histoire ; il n’en existe pas d’autre. Il n’y a pas de lieu de la souveraineté. Il ne faut pas confondre la souveraineté et la puissance. La puissance de la France est d’ailleurs liée à la souveraineté de son peuple, pas à son commerce extérieur, ni à ses échanges commerciaux !

    M. Adrien Quatennens

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    Très bien !

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Elle est liée à la souveraineté du peuple, parce que c’est le peuple qui a toujours tiré la France des impasses dans lesquelles ses élites maintes fois l’ont enfermée.
    Je vous mets en garde contre l’idée qu’au paradigme central de l’autorité populaire viendraient se substituer des chiffons rouges qu’on partagerait. L’Europe de la défense serait ainsi devenue la nouvelle mode, par exemple, et on en oublie quel sort a connu la Communauté européenne de défense quand elle nous a été proposée. La défense n’est pas un projet commun. La défense, c’est l’Europe de la guerre. La guerre contre qui ? Il faut dire les choses comme elles sont, d’un bout à l’autre des résolutions de l’Union européenne : contre la Russie. Je ne suis pas d’accord : la Russie est non pas un ennemi, mais un partenaire. Nous n’avons pas à nous organiser contre les Russes.

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    Voilà qui est embêtant.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    En revanche, nous devons nous souvenir que la stratégie de défense de la France repose sur la dissuasion nucléaire. On en pense ce qu’on veut, mais c’est l’arme ultime des Français. La dissuasion nucléaire ne se partage pas. On ne met pas vingt-neuf doigts sur le bouton – c’est déjà assez grave qu’un seul puisse appuyer. Et cette stratégie, qui est celle de la France, n’est pas compatible avec les batteries antimissiles que l’OTAN a installées en Pologne et dans les pays périphériques de la Russie comme une menace, car cela signifie que l’Europe pourrait devenir un théâtre d’opérations, ce que nous, Français, avons toujours refusé. La dissuasion nucléaire est tous azimuts. Quand on demandait au général de Gaulle s’il ne trouvait pas que c’était un peu excessif, compte tenu de l’existence d’un allié, les États-Unis d’Amérique, il soutenait que le monde n’allait pas plus mal depuis qu’on avait pris cette décision. Il avait raison.

    M. Julien Aubert

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    Très bien !

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Ce qui tue l’Europe, c’est d’avoir rendu impossible l’expression d’un intérêt général européen, c’est-à-dire d’avoir empêché son peuple, ses peuples de constituer ensemble un intérêt général, qui est nécessairement un intérêt social. Les traités européens interdisent l’harmonisation sociale, ils interdisent l’harmonisation fiscale. Ils ne connaissent qu’une règle : la concurrence libre et non faussée, c’est-à-dire la compétition de chacun contre tous à l’intérieur des nations et entre les nations. C’est parce qu’on agit de cette manière que progressivement les nations deviennent des coquilles vides où ceux qui sont les plus avantagés ne veulent plus prendre en charge ceux qui le sont moins. Cela mène à un indépendantisme régional généralisé des plus favorisés vis-à-vis de ceux qui le sont moins.
    Je voudrais vous montrer que le résultat de cette logique est déjà sous vos yeux, sous nos yeux à tous. Les frontières, à la stabilité desquelles nous sommes tous attachés, car nous savons les dangers que leur déplacement fait peser sur tout le continent, n’ont cessé de bouger autour de nous : en Yougoslavie, il y a désormais sept États à la place d’un, et on compte 400 000 déplacés ; la Tchécoslovaquie s’est divisée en Tchéquie et Slovaquie, heureusement sans cris ni heurts.
    Et le mouvement se poursuit aujourd’hui : le Brexit soulève de nouveau la question des frontières entre l’Écosse et le Royaume-Uni, entre les deux Irlande. Les Flamands en Belgique récriminent contre l’appartenance des Wallons au royaume. Et la Catalogne s’agite sous nos yeux. Pourquoi est-ce ainsi ? Parce que la substance de la nation, le contrat qui la fonde, c’est-à-dire la souveraineté du peuple et son intérêt social commun sont démembrés.

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    Cela n’a pas de sens !

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Voilà ce qui tue l’Europe plus que tout autre égoïsme, plus que toute autre construction bureaucratique incompréhensible.
    Il faut donc changer de cap. Ce sera l’objet de cette élection, du moins c’est ce que je souhaite ; et cela doit apparaître aussi clairement que possible. On m’a soutenu que, parce qu’il y avait un Parlement européen, le peuple était représenté, mais ce n’est pas du tout le cas. Le Parlement européen est le seul Parlement au monde qui n’a pas la possibilité de proposer une loi. Dans le meilleur des cas, il partage son pouvoir avec la Commission et le Conseil ; le reste du temps, c’est-à-dire 70 % de l’activité du Parlement européen, les textes pourraient tout aussi bien être votés dans un club de philatélistes, car ils n’ont pas la moindre incidence pratique sur le reste de l’Europe.
    Il faut changer de cap, il faut rendre possible l’harmonisation sociale et fiscale entre les peuples d’Europe. C’est ce que nous avons appelé le plan A ; il faut un plan A pour changer de cap.
    Vous en avez proposé un avec une dizaine ou une quinzaine de propositions, monsieur le ministre, mais je vous invite à les regarder dans le détail. Quelqu’un a sans doute mal rédigé les fiches du président Macron, car ses propositions sur le volet numérique existent déjà et devraient voir le jour en 2019. De même, il existe déjà un office de la sécurité alimentaire et une police des frontières. La seule chose qui n’existait pas jusque-là, c’est l’idée absconse que la France n’ait plus de commissaire à la Commission européenne. Et puisque nous avons déjà cinq présidents, pourquoi n’aurions-nous pas deux parlements, par-dessus le marché ? C’est bien ce qui est proposé !
    C’est la confusion. Il nous faut des règles claires sur le nerf qui agite tout le reste de l’organisme. Il faut mettre fin à l’indépendance de la Banque centrale européenne, organiser le rachat de la dette publique directement aux États, car on en a pour cent ans à rembourser cette dette dans toute l’Europe. Personne ne la remboursera jamais, sachez-le, mes chers collègues ! Et c’est absurde de proposer aux générations qui viennent d’avoir pour seul objectif d’acquitter une dette. La liquider n’est rien, c’est de la technique, et je pourrais m’en ouvrir à vous quand vous le voudrez.
    Ensuite, il faut maintenir le niveau de l’euro au niveau du dollar ; chaque fois que l’euro est surévalué, nous nous ruinons. Il faut prohiber les instruments financiers toxiques, taxer les transactions financières, contrôler les mouvements de capitaux, organiser la conférence européenne sur les dettes souveraines, arrêter la libéralisation des services publics, mettre en place un protectionnisme solidaire. J’ai vu que le Président commence à le proposer en mettant une taxe carbone aux frontières de l’Europe, ce qui est un début ; si ça vaut pour le carbone, ça doit valoir pour le reste. Il faut mettre fin au dumping à l’intérieur de l’Union européenne, refonder la politique agricole commune pour garantir l’autosuffisance alimentaire, laquelle était d’ailleurs garantie par la première PAC et ne l’est plus aujourd’hui. Enfin, il faut abandonner le marché carbone, qui est un droit à salir quand on en a les moyens.
    Mes chers collègues, la France n’est pas mineure, la France est souveraine, et elle peut l’être. La France est contributeur net au budget de l’Union européenne : les 7 milliards d’euros qu’elle verse servent à organiser les infrastructures de nos concurrents. La France n’est ni occidentale ni européenne, la France est universaliste parce qu’elle est présente sur les cinq continents. La France est francophone, et le français sera d’ici peu la troisième langue la plus parlée dans le monde.
    Pour conclure, si j’ai moi aussi, bien sûr, le souci de l’Europe, ce que je veux d’abord partager, c’est l’optimisme de ma patrie républicaine. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)

    M. Julien Aubert et M. Michel Herbillon

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. André Chassaigne.

    M. André Chassaigne

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    Madame et monsieur les ministres, mesdames les présidentes de commission, mes chers collègues, avec ce débat, nous avons l’occasion de revenir sur les causes profondes de la crise existentielle qui mine l’Europe.
    Je ferai tout d’abord un constat : si le lien de confiance entre les peuples et l’Union européenne est si gravement atteint, c’est le résultat, non pas de la défiance populaire envers un bouc émissaire mais, comme le disait Pierre Bourdieu, de la mise en pratique d’une utopie, le néolibéralisme, convertie en programme politique. Oui, c’est bien le fruit abîmé d’un programme politique dont nous héritons aujourd’hui, un programme aux orientations économiques et monétaires libérales assumées depuis trente ans par les dirigeants successifs, un programme qui s’accompagne d’une dérive antidémocratique au sein même des institutions européennes.
    Comment projeter l’Europe dans un autre avenir sans revenir sur les grands choix européens, depuis le traité de Maastricht en 1992, en passant par le traité de Lisbonne imposé aux forceps en 2009 ou le pacte budgétaire européen de 2012 ? Nous verrions alors combien chacune de ces dates compose la partition du programme politique mis au service de ceux qui dominent les rapports économiques, les grands groupes transnationaux et bancaires.
    Aussi, monsieur le ministre, pourquoi ce déni de réalité à l’égard du néolibéralisme, ce terreau sur lequel germent tous les replis nationalistes et xénophobes européens ? Pourquoi ?
    Mes chers collègues, disons-le clairement : le socle politique de l’Union européenne entre profondément en contradiction avec tout volontarisme politique européen. En disant cela, je souhaite, bien sûr, revenir sur les propos du Président de la République du 26 septembre dernier.
    En déclinant sa vision volontariste de l’avenir de la construction européenne quelques heures après le résultat du scrutin allemand, le chef de l’État a indéniablement voulu prendre la main sur l’agenda européen et sur son contenu. À la lecture de son discours, auquel il faut reconnaître une belle vigueur europhile, on remarque nombre d’angles morts et d’incohérences qui laissent planer le doute sur la sincérité de certaines propositions.
    Je prendrai pour exemple le volet politique extérieure et de défense : « notre objectif doit être la capacité d’action autonome de l’Europe, en complément de l’OTAN », affirme le Président, ajoutant que « l’Europe devra ainsi être dotée d’une Force commune d’intervention, d’un budget de défense commun et d’une doctrine commune pour agir ». Voilà qui fixe clairement le cadre d’une Europe de la défense, mais celle-ci continue de se fondre dans le moule états-unien, et aucune précision n’est donnée sur le fondement de la « doctrine commune ». Il n’est ainsi jamais question de l’autonomie de la politique extérieure de l’Union et de sa capacité d’action au service de la paix dans le monde et de la coopération entre les peuples. Une telle autonomie devrait pourtant constituer le préalable à la mise en place d’une force d’intervention.
    Parmi les contradictions les plus visibles du discours de la Sorbonne, une autre concerne la nouvelle critique de la sacro-sainte concurrence libre et non faussée et des méfaits de la compétition fiscale et sociale au sein de l’Union européenne, problématiques que nous connaissons bien pour les dénoncer depuis trente ans comme facteurs principaux du creusement des inégalités sociales et territoriales en Europe. Sur ce point, le discours du Président de la République n’est pas sans rappeler celui du président Sarkozy à Toulon, le 28 septembre 2008. Découvrant les méfaits de la financiarisation de l’économie suite à la crise des subprimes, il voulait soudainement moraliser le capitalisme financier et en finir avec les paradis fiscaux.
    Dans la même veine, Emmanuel Macron affirme vouloir en finir avec la divergence fiscale en harmonisant les taux d’impôt sur les sociétés et en réformant la directive sur le travail détaché. Il propose que « le niveau le plus élevé de cotisations soit payé, mais au profit du pays d’origine ». Que d’intentions louables pour les peuples européens de la part d’un président qui, ainsi, s’affiche progressiste, alors qu’au même moment, dans son propre pays, il entend faire passer des mesures exactement inverses en alignant le taux d’impôt sur les sociétés vers le bas, en démantelant l’impôt sur la fortune, en supprimant la taxe sur les dividendes ! Derrière le verbe du nouveau Démosthène européen se cachent ainsi des pratiques qu’il faut bien qualifier de philippiques pour ses propres concitoyens.
    Dans la continuité de ce cabinet de curiosités rhétoriques présidentielles, la question budgétaire occupe une large place. Emmanuel Macron plaide pour un « budget commun » au service de « davantage d’investissements » et du développement de nos « biens communs ». Autre originalité : il affirme vouloir un grand budget européen pour l’action, mais se plie, dans le même temps, aux canons de la Commission en supprimant, en 2018, 16 milliards d’euros de dépenses publiques utiles. En d’autres termes, il a l’art de donner des marques de réorientation européenne en mettant en œuvre des choix nationaux contraires.
    Mais le comble n’est-il pas d’entendre le Président de la République défendre une taxe sur les transactions financières au niveau européen, avec une « assiette large », tout en abrogeant le lendemain même, dans le projet de loi de finances de son gouvernement, l’extension de l’assiette de la taxe sur les transactions financières nationales aux opérations infrajournalières ?
    La nécessité d’un vrai budget européen, nous la soutenons depuis très longtemps, mais sans occulter deux réflexions, l’une touchant aux ressources nouvelles à affecter pour de nouvelles dépenses commune, l’autre à la nature et aux objectifs de ces nouvelles dépenses. Nous avons le devoir d’y répondre collectivement, mais sans laisser de côté le cœur des responsabilités.
    Ainsi, si nous saluons l’esquisse de nouvelles taxes européennes dans le domaine numérique ou environnemental, nous pouvons nous interroger sur un trou noir de la pensée budgétaire présidentielle : la lutte contre l’évasion fiscale. Pourquoi n’y faire jamais référence ? Mille milliards d’euros de recettes soustraites chaque année au bien public dans l’Europe des Vingt-Huit ! C’est plus, en une seule année, que la totalité du budget actuel de l’Union pendant six ans ! Voilà de quoi alimenter un budget commun à la hauteur !
    En complémentarité de la proposition d’un parquet européen contre la criminalité organisée et le terrorisme, pourquoi ne pas avancer plus vite dans le fonctionnement effectif d’un parquet financier européen aux pouvoirs étendus ? Les criminels financiers réfugiés au Luxembourg ou à Jersey ne font-ils pas sauter sans vergogne les digues de la solidarité européenne ? C’est une question, chers collègues, de crédibilité et de cohérence.
    Poussons la construction d’une vraie force européenne d’intervention contre l’évasion fiscale, à l’appui de services fiscaux nationaux renforcés ! Faisons sauter les verrous, tel celui de Bercy que vous continuez de défendre ! Organisons, en Europe, une COP fiscale mondiale ! C’est à ces étoiles-là qu’il faut accrocher nos charrues.
    Côté investissements d’avenir, portons là encore notre ambition sans rester figés dans le dogme du veau d’or. Nous avons besoin d’un grand plan européen d’investissements en faveur des transitions écologique et énergétique. Dépassons, par exemple, les contraintes actuelles de la concurrence dans le domaine de l’énergie : elles amplifient les déséquilibres, les inégalités et la précarité. Si l’énergie est un des « biens communs » chers au Président de la République, mettons sur les fonts baptismaux un grand pôle public européen, depuis la recherche fondamentale jusqu’à la distribution. Coopérons vraiment pour répondre aux objectifs de réduction des émissions de C02, sinon, ils ne seront jamais atteints !
    Le Président de la République a également plaidé pour défendre « l’ambition de la zone euro ». Mais pourquoi ne jamais faire référence au rôle stratégique que devrait jouer la Banque centrale européenne ? La refonte des statuts de la BCE doit être posée. Elle se veut indépendante des peuples ? Elle est ultra-dépendante des marchés financiers ! Et si elle ouvre en grand le robinet à liquidités, c’est seulement pour certains : 1 700 milliards d’euros de garanties dégagés après la crise de 2007-2008 ; 767 milliards de prêts à taux zéro ou négatif au secteur bancaire depuis 2014. Pour quels résultats ? L’action de la BCE sur l’économie réelle est quasi invisible, sauf pour les détenteurs d’actifs !

    M. Sébastien Jumel

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    Très bien !

    M. André Chassaigne

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    Être innovant et audacieux sur le plan européen, ce n’est pas faire abstraction de ce problème de fond ; c’est proposer que ces milliards soient orientés et contrôlés, qu’ils servent à la création d’emplois stables, qu’ils aident au soutien d’un secteur industriel relocalisé et, prenant le virage de la transition écologique, qu’ils servent aussi au développement de grands services publics du XXIe siècle.
    Je voulais terminer cette brève exégèse de l’ambition européenne de l’Élysée par un retour sur l’agriculture, mais le temps me manque. Pour établir la « souveraineté alimentaire », remisée au placard depuis tant d’années au profit du mythe libéral de la « compétitivité », pour « favoriser la grande transition agricole européenne », il faut avoir le courage de mettre un coup d’arrêt aux accords de libre-échange, qui se soucient bien peu du principe de souveraineté alimentaire ! Je parle bien sûr du CETA, des négociations avec le MERCOSUR ou avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande, que le président Juncker, lui, mène déjà au pas de charge !
    Mes chers collègues, parlons plus d’Europe, allons au fond des choses, ne cachons rien ! Surtout, changeons l’Europe néolibérale qui se détruit elle-même ! Rendons-la à la souveraineté populaire, exigeons des actes forts en rupture avec les politiques menées depuis trente ans. Faisons en sorte qu’elle ne soit plus une simple constellation d’or sur un drapeau qui se mêle désormais aux plis des drapeaux de chacun des peuples qui la constituent ! (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    Mme Sophie Auconie

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    C’est beau ! (Sourires.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Nicole Trisse.

    Mme Nicole Trisse

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    Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, mesdames les présidentes des commissions des affaires étrangères et des affaires européennes, chers collègues, la tenue d’un tel débat sur l’avenir de l’Union européenne, en début de législature, est tout à la fois symbolique et révélatrice. Symbolique, parce que l’Europe n’a pas occupé la place centrale qui devrait être la sienne dans cet hémicycle. Révélatrice, car cette démarche s’inscrit dans un ensemble d’initiatives qui traduisent enfin un attachement profond et sincère des plus hautes autorités françaises à l’avenir du projet européen.
    Européenne de conviction, je me réjouis personnellement de nos échanges d’aujourd’hui et remercie le Gouvernement, la présidence et les présidentes des commissions d’avoir organisé ce débat.
    Ces dernières années, l’Union européenne a trop souvent servi de bouc émissaire aux échecs et aux reniements des gouvernements nationaux. La victoire en France du « non » à la Constitution européenne, en 2005, les tensions autour de la dette grecque, en 2010-2011, le vote britannique en faveur du Brexit, en 2016, ont été les conséquences logiques d’instrumentalisations politiques nationales, pour la plupart inconsidérées.
    C’était là faire bien peu de cas de ce que sont les acquis considérables de la construction de l’Europe : la paix entre des nations au passé tumultueux, la création d’un vaste espace de libre-échange ou encore la monnaie unique, pour n’en citer que quelques-uns.
    Alors oui, évidemment, l’Europe telle qu’elle est construite n’est pas idéale. Elle a des insuffisances et des lacunes, elle se révèle parfois trop lointaine ou tatillonne, elle ne protège pas toujours suffisamment nos concitoyens. Est-ce pour autant une raison de rejeter tout l’édifice communautaire ? Je ne le pense pas.
    Le Président de la République, à l’occasion de son discours à la Sorbonne, le 26 septembre, a fait le choix courageux de dresser des perspectives pour engager un dialogue avec nos partenaires les plus proches et amorcer un processus de réformes dans plusieurs domaines clés.
    Le moment choisi pour ce retour de la France, pays fondateur de l’Union européenne, est indéniablement le bon, alors que la plupart des États membres « historiques » viennent de vivre des échéances électorales et que d’autres, comme l’Italie, en connaîtront prochainement. C’est donc maintenant, avant les élections européennes de 2019, avant que nos concitoyens ne se prononcent, que doit se construire collectivement un projet.
    Les pistes évoquées par Emmanuel Macron constituent une base de départ solide pour la réflexion qui va s’engager. Je me bornerai à saluer ses propositions en faveur d’une redynamisation de l’Europe de la défense, avec notamment la mise en place d’une force commune d’intervention européenne d’ici à 2020. Je souscris également à la création d’une véritable protection civile commune, notamment pour aider les territoires touchés par une catastrophe naturelle, telles celles qui ont frappé les Antilles. Je soulignerai aussi la proposition de développer des coopérations en matière de maîtrise de l’immigration, nécessaires compte tenu de l’amplification prévisible des phénomènes migratoires.
    Le Président de la République préconise des évolutions institutionnelles et politiques. La reconfiguration du format de la Commission européenne, et plus encore, la création de listes transnationales pour l’élection des députés européens sont des propositions à la fois pragmatiques et novatrices.
    Je souhaiterais apporter ma modeste pierre à l’édifice, en ma qualité de présidente de la délégation française à l’assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Cette assemblée siège cette semaine à Strasbourg, mais il m’a paru important de revenir le temps de notre débat, pour formuler le vœu que la feuille de route qui sera établie rationalise les rapports de l’Union européenne avec les institutions du Conseil de l’Europe, pour ce qui concerne les droits de l’homme et la défense de l’État de droit.
    Ainsi, j’observe que, depuis le sommet des chefs d’État et de gouvernement des membres du Conseil de l’Europe réunis à Varsovie en mai 2005, peu de progrès ont été enregistrés. De même, l’adhésion de l’Union européenne à la convention des droits de l’homme, bien que prévue par le traité de Lisbonne, reste compliquée à mettre en œuvre. Or je pense que tous les citoyens du continent européen gagneraient à ce que l’on parvienne à clarifier les compétences et les interventions.

    M. le président

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    Veuillez conclure, madame Trisse.

    M. Fabien Di Filippo

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    Je n’ai pas bénéficié de la même mansuétude…

    Mme Nicole Trisse

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    Je conclurai, monsieur le président, en insistant sur le fait qu’il me semble primordial qu’une telle clarification intervienne d’ici à 2019, date des élections européennes et des soixante-dix ans du Conseil de l’Europe. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Constance Le Grip.

    Mme Constance Le Grip

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    Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre déléguée, chers collègues, c’est la première fois que je participe à un débat sur l’Union européenne dans cet hémicycle, et je suis heureuse de pouvoir le faire devant deux drapeaux, le drapeau français et le drapeau européen. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et REM.)
    Le Président Macron a livré deux longs discours sur l’Europe, l’un à la Pnyx, à Athènes, début septembre, l’autre, plus récemment, à la Sorbonne. Il nous a donné à la fois sa vision de l’Europe et a formulé plusieurs dizaines de propositions, sur un ton parfois très lyrique. Permettez-moi de souligner que je suis de ceux qui se réjouissent que la France soit à nouveau à l’initiative, qu’elle soit capable de se faire entendre sur la scène européenne, qu’elle formule des propositions et promeuve des idées.
    J’ai assez déploré, tout au long du quinquennat précédent, la faiblesse de l’exécutif français, son incapacité à être audible, à proposer des idées et des projets précis, pour ne pas reconnaître ce retour de la France en Europe et la capacité de nos autorités à se faire entendre.
    Tout au plus aurais-je envie de rappeler que l’Europe n’est pas, selon la formule consacrée, « la France en grand ». Une règle presque aussi ancienne que la construction européenne veut que la France – souvent à la manœuvre –, n’avance jamais seule sans s’être assurée au préalable du soutien de ses principaux partenaires, au premier rang desquels l’Allemagne.
    Manifestement, cela n’a pas été le cas pour le discours du président Macron à la Sorbonne, feu d’artifice de propositions tous azimuts, prononcé tout juste deux jours après les élections législatives allemandes – dont on voit bien que le résultat pourrait retarder le processus décisionnel allemand, voire le compliquer. Mais l’essentiel n’est pas là.
    L’heure est venue de réinventer l’Europe, de la refonder. Certes, la refondation, terme fort s’il en est, n’est pas l’apanage du président Macron. D’autres, sur la scène politique française, comme ailleurs en Europe, ont porté cette volonté. Incontestablement, nous ne pouvons plus continuer comme si de rien n’était. Pression migratoire sans précédent, Brexit, terrorisme islamiste, poussée de l’indépendantisme catalan, isolationnisme américain, changement climatique, euroscepticisme, déplacement du centre de gravité géopolitique, réveil de certaines puissances hégémoniques sur le continent européen, mondialisation : les défis que nous avons à affronter sont énormes, et nous voyons bien que c’est seulement à l’échelle de l’Union européenne que nous pourrons le faire de façon sérieuse et utile.
    Je le disais tout à l’heure, c’est un véritable feu d’artifice de propositions qu’a tiré tous azimuts le Président de la République dans ses derniers discours. Il ne m’est pas possible de les citer ni de les commenter toutes. Certaines reprennent des projets ou des chantiers déjà bien engagés, d’autres reposent sur des textes européens dont la discussion a déjà commencé, d’autres projettent d’aller encore plus loin et plus vite que ce qui est pour l’heure prévu, ce qui peut être une bonne chose.
    Prenons garde toutefois à ne pas céder à la tentation de répondre à chaque défi par l’annonce d’une nouvelle structure ou agence européenne. Essayons déjà de faire fonctionner correctement ce qui existe, n’aggravons pas la bureaucratie.
    Que le Président de la République évoque la souveraineté européenne est intéressant et audacieux. Je reprendrai ici deux des six clés de souveraineté qu’il a citées.
    Commençons par celle de la défense. Force commune d’intervention, budget de défense commune, doctrine commune pour agir : tels sont les principaux instruments qu’il a avancés. Mais, vous le savez mieux que quiconque ici, monsieur le ministre, la défense est avant tout au service d’une politique étrangère, et donc d’une politique étrangère commune. Faute d’une appréciation commune des enjeux de sécurité et de puissance, les outils de la défense présentés par le Président de la République pourraient rester dans la boîte à outils.
    Pour parvenir à une politique étrangère européenne commune, le discours de la méthode reste à inventer. Ainsi, quel partage de tâches à organiser avec l’OTAN ? Sommes-nous capables de nous préoccuper sérieusement des enjeux de sécurité particulièrement alarmants pour la Pologne et les États baltes ? Quel type de relation voulons-nous avec l’Iran ? Tout reste à faire et le discours présidentiel nous laisse sur notre faim.
    Autre clé de la souveraineté européenne évoquée par M. Macron : le renforcement de la zone euro. Les députés Les Républicains sont disposés à avancer et à y réfléchir ensemble. Nous l’avons répété à de nombreuses reprises, au cours des campagnes présidentielles de 2012 comme de 2017. Une présidence stable de la zone euro pour une meilleure gouvernance, un secrétaire général faisant office de directeur du Trésor, la transformation du mécanisme européen de solidarité en fonds monétaire européen, tels sont depuis longtemps nos principales propositions.
    Bien entendu, la question de la légitimité démocratique d’une zone euro renforcée se pose. Le président stable, permanent, de la zone euro, qui serait également vice-président de la Commission européenne en charge de l’euro, pourrait être responsable devant le Parlement européen, et régulièrement invité à s’exprimer devant la fameuse conférence interparlementaire – cette instance inventée par l’article 13 du Traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Nous pourrions beaucoup dire de cette instance, mais en attendant, elle rassemble des représentants des commissions compétentes, tant des parlements nationaux que du Parlement européen. Ce n’est faire injure à personne que de considérer que le fonctionnement et la représentativité de cette conférence interparlementaire gagneraient à être améliorés.
    S’agissant du renforcement de la gouvernance de la zone euro, les prochains débats avec notre grand partenaire allemand seront certainement très délicats.
    Par-delà la question de la légitimité démocratique d’une zone euro renforcée, que nous appelons de nos vœux, se pose celle de la légitimité démocratique de l’Union européenne. Nous devons tenter de répondre à cet enjeu vital sous peine de voir l’euroscepticisme, le rejet, l’europhobie, le désamour, la désaffection continuer de croître partout en Europe. Des exemples nous ont encore été donnés récemment.
    Le Président de la République n’esquive pas ce sujet. Comme lui, et beaucoup d’autres, je considère que l’Union européenne ne peut pas se faire sans les peuples, et surtout pas contre les peuples – ce serait pire que tout.
    Mais la réponse apportée par le Président Emmanuel Macron tient en deux pistes, essentiellement : les conventions démocratiques et les listes transnationales. Autant il y a peu à redire des conventions démocratiques – notre groupe serait prêt à participer à l’exercice pour peu que ces conventions soient véritablement démocratiques, ouvertes, et non pas réservées au cénacle des initiés habituels –, autant il en va différemment des listes transnationales, si le projet devait prospérer. Nous y voyons l’archétype même de la fausse bonne idée car les députés européens pourraient perdre tout lien avec le terrain et, faute de se confronter régulièrement à leurs électeurs, devenir des élus « hors-sol ».
    Nous ne trancherons pas cet après-midi la question de la future architecture institutionnelle, qui pourrait placer la démocratie en son cœur – Europe à la carte, Europe à plusieurs vitesses, Europe à géométrie variable, coopération renforcée. Tous les schémas, toutes les possibilités, toutes les idées sont sur la table. Notre groupe pense simplement que nous ne pouvons pas faire l’économie d’une réflexion européenne et française sérieuse, approfondie, courageuse, sans aucun tabou. C’est à cet objectif que nous vous appelons.

    M. le président

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    Veuillez conclure.

    Mme Constance Le Grip

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    Je conclurai par un très joli mot d’un grand Français et d’un grand Européen, Thomas Pesquet, qui a acquis une véritable hauteur de vue sur notre planète : « Plus d’Europe, ce n’est pas moins de France ». (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et LC.)

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Becht.

    M. Olivier Becht

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    Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, chers collègues, je voudrais tout d’abord vous remercier pour l’occasion qui m’est donnée de participer à ce débat. Je le fais avec honneur et émotion, venant d’une région, l’Alsace, qui sait ce qu’elle doit à l’Europe et ce que la paix doit à la construction européenne. À l’heure où, dans divers pays d’Europe, certains de nos concitoyens –la plupart nés d’une génération qui n’a jamais connu la guerre –semblent tentés par un repli nationaliste, il peut être bon de rappeler ce que nous devons à l’Europe.
    Il peut être bon de rappeler que nous sommes en réalité la première génération à être épargnée par les conflits qui entre-déchirèrent l’Europe occidentale au cours des deux derniers millénaires. Car l’histoire de l’Europe, mesdames et messieurs, c’est en réalité l’histoire de la guerre. En effet, entre la fin de la pax romana en 180 après Jésus Christ et 1945, il n’est pas trente années de paix continue en Europe.
    Si nous avons la chance incroyable, sans toujours savoir l’apprécier à sa juste valeur, de vivre la période de paix la plus longue depuis 2000 ans, ce n’est pas le fruit du hasard. C’est le résultat de la foi qui anima certains de nos illustres prédécesseurs sur ces bancs qui, souvent contre les vents de l’opinion publique, décidèrent de tendre la main et de faire le pari fou de l’avenir.
    C’est d’ailleurs cette même question qui se pose aujourd’hui à nous. Céderons-nous à la tentation du repli ou oserons-nous tendre la main ? Céderons-nous au conformisme ou oserons-nous faire le pari fou de l’avenir ? La première tentation existe, c’est bien sûr celle de la facilité. Celle de considérer que l’Europe a rempli son œuvre. Elle a assuré la reconstruction de notre continent, elle a assuré les conditions de la prospérité, elle a réconcilié des peuples que l’histoire avait déchirés. Et c’est parce qu’elle a réussi ce pourquoi elle avait été créée que nous n’en aurions plus besoin.
    À cet argumentaire, nous pourrions ajouter que l’Europe ne répond plus aux préoccupations qui sont celles de nos concitoyens aujourd’hui. Elle ne sait pas nous protéger contre les grandes migrations qui bousculent l’Europe au Sud. Elle ne sait pas nous protéger contre le terrorisme islamiste qui frappe chaque semaine dans ses chairs un autre État européen. Elle ne sait pas garantir nos intérêts et assurer notre défense en projetant les troupes nécessaires à la stabilisation du bassin méditerranéen. Enfin, elle ne sait pas nous protéger contre le dumping social et fiscal que pratiquent sans scrupule certains États en son sein comme au-dehors.
    Nous pourrions, avec nos concitoyens, instruire le procès de l’Europe. Il serait certainement intéressant car il montrerait que, partout où elle a échoué, c’est en réalité ses propres États membres qui lui ont refusé le pouvoir d’agir.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    C’est vrai.

    M. Olivier Becht

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    Ce procès nous ramènerait donc inlassablement vers la question qui nous anime aujourd’hui : oserons-nous, alors que tout pourrait nous incliner au contraire, faire le pari de l’avenir et relancer la construction européenne ? Oserons-nous bâtir, au-delà des concepts anciens de souveraineté nationale, un concept nouveau de souveraineté européenne qui permette, sans renier nos nations et leurs identités, de retrouver ce qui fait le sel de la souveraineté, c’est-à-dire notre capacité à prendre notre destin en main et à influencer les affaires du monde ?
    Oserons-nous construire une véritable police européenne aux frontières pour reprendre le contrôle des flux migratoires qui convergent vers l’Europe ? Oserons-nous bâtir une véritable police fédérale capable de traquer les terroristes et les criminels qui se jouent des frontières en les poursuivant, à travers des enquêtes uniques, sur tout le territoire de l’Union ? Oserons-nous construire une vraie défense européenne, au-delà des simples regroupements industriels, pour pouvoir projeter demain plus de 100 000 hommes vers des théâtres d’opérations extérieures si les intérêts stratégiques de l’Europe étaient menacés ?
    Oserons-nous harmoniser nos systèmes fiscaux et sociaux pour combattre le dumping ? Oserons-nous créer les outils régulateurs des flux financiers internationaux pour veiller à ce que les capitaux irriguent bien l’économie réelle au bénéfice du développement durable et de l’emploi ? Oserons-nous lancer une véritable politique de recherche sur les énergies de demain ? Oserons-nous nous affranchir de l’unanimité pour avancer sur ces sujets autour d’un noyau dur d’États – la zone euro ou un espace plus restreint –partageant la même vision de l’avenir ?
    Et surtout, oserons-nous le faire à temps, avant que les peuples, à la fois déçus par l’incapacité de l’Europe à se réformer et enfermés dans l’illusion mortelle d’une paix à jamais acquise, ne finissent, maille après maille, par déconstruire l’œuvre de nos prédécesseurs ?
    Oui, mesdames et messieurs, le débat ouvert, avec un courage inégalé depuis plus de vingt-cinq ans, par le Président Emmanuel Macron, nécessitera, pour y répondre, un acte de foi. Un acte identique à ceux que firent les pères fondateurs de l’Europe au cours des soixante-dix dernières années. Un acte dont les conséquences détermineront en grande partie l’Europe que nous léguerons à nos enfants. Un acte dont nous serons comptables devant l’histoire et devant les hommes. (Applaudissements sur les bancs du groupe LC et sur plusieurs bancs des groupes LRM et MODEM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Gomez-Bassac.

    Mme Valérie Gomez-Bassac

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    Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la ministre, chers collègues, les États d’Europe connaissent un déficit démocratique que chacun d’entre nous s’accorde à constater. Je salue l’ampleur de la tâche que s’assignent M. le Président de la République et le Gouvernement afin de tout mettre en œuvre pour que ces États et les citoyens se réapproprient la belle idée d’une Union européenne et qu’elle soit perçue telle qu’elle est : l’Europe de la libre circulation, l’Europe de la croissance économique, l’Europe de la culture, l’Europe de la paix mais surtout l’Europe de la solidarité.
    Le citoyen européen doit comprendre la force de l’Europe, telle que l’espéraient ses pères fondateurs. Pour cela, une seule voie, la refondation d’une Europe souveraine, unie et démocratique.
    Les conventions démocratiques pour la refondation de l’Europe ont vocation à impliquer les peuples européens, à les informer, à communiquer et dialoguer pour que chacun connaisse l’Europe et ses institutions et participe à son renouveau. La volonté n’est pas d’imposer mais de proposer, de développer une méthode participative. Il est nécessaire d’ouvrir un processus de discussions avec et entre les États membres mais également avec et entre les citoyens. Si l’objectif de ces conventions démocratiques est clair, qu’en est-il des instruments à déployer afin d’atteindre le but poursuivi ?
    Un groupe de travail, dont je suis rapporteure, a été constitué au sein de la commission des affaires européennes afin d’établir un rapport sur ces conventions démocratiques. L’organisation de dialogues citoyens, quel que soit le support, présente pour risque de ne fédérer que les convaincus. Mesdames et messieurs les ministres, les citoyens attendent de nous que nous soyons plus audacieux. Ils attendent de nous que nous ne reculions sur aucun de vos engagements, de nos engagements.
    Donnons tout leur sens aux conventions démocratiques afin qu’elles ne restent pas un simple concept abstrait, un simple gadget participatif ! Il ne doit pas s’agir d’un exercice partisan pris sous l’angle des institutions devant aboutir à une refonte des traités, mais l’expression d’une volonté de mobiliser les forces vives des peuples, les forces vives de l’Europe.
    Expliquons, échangeons et partageons avec les indécis et les réfractaires. Allons plus loin, utilisons l’éducation, la culture, le savoir, les métiers… À l’image du programme européen le plus connu et le plus reconnu des citoyens, Erasmus, soyons mobiles et créons du lien entre les pays d’Europe, défions la méfiance à l’égard de l’ouverture aux autres.
    Pour parler de l’Europe avec fierté, labellisons des événements « conventions démocratiques » : des concerts, des pièces de théâtres, des dégustations de produits. Comme je le fais en auditionnant les représentants de la société civile, impliquons les étudiants, les associations, les chercheurs, les chefs d’entreprise, les syndicats professionnels. Ne nous contentons pas d’écouter les spécialistes de l’Europe mais faisons parler les réels acteurs de l’Europe.
    Changeons de lieux ! Dialoguer sur des plateformes ou dans des amphithéâtres, c’est s’adresser aux convaincus. Allons également vers les indécis. Allons dans les quartiers, dans les zones rurales, dans les entreprises, dans le quotidien des Français.
    Mobilisons les médias : dédions des émissions à l’Europe en ce qu’elle a de meilleur !
    Jusqu’où le Gouvernement est-il prêt à aller pour que l’Europe soit plus qu’une idée, plus qu’un idéal, pour que l’Europe soit, qu’elle soit l’expression du vivre ensemble dans un intérêt commun ?
    Formaliser les conventions démocratiques, c’est créer, alors créons !
    La phase nationale est essentielle, mais soyons force de proposition en prenant l’initiative d’une charte européenne, dont l’ambition serait de réunir les États membres autour de lignes directrices, chacun d’entre eux choisissant librement les modalités d’application de ces conventions.
    Faisons œuvre de pédagogie, expliquons le sens de l’Europe. Aux hostiles et aux abstentionnistes, il est de notre responsabilité politique de dire pourquoi il est important pour la France de faire partie de l’Union européenne plutôt que de se replier sur le pré carré national.
    Afin de donner aux membres du Gouvernement les outils adaptés pour réaliser la refondation de l’Europe, le groupe de travail finalise des auditions dans les États membres. D’ores et déjà, nous pouvons affirmer la volonté de beaucoup de s’impliquer dans cette démarche, de créer un mouvement ascendant des citoyens vers les élus. Chaque élu se devra d’être un relais entre les différents acteurs, du local au national. Les conventions démocratiques doivent proposer des outils décentralisés afin d’intégrer celles et ceux que l’on entend trop peu.
    Revenons à cette charte dont le contenu sera l’expression de tous afin d’être comprise et acceptée et qui déterminera la ligne de conduite à tenir pour les principaux gouvernements. La charte, acte solennel, formalisera les objectifs à atteindre. Il s’agira d’un véritable engagement.
    Les modalités d’application au niveau national, que je proposerai et exposerai dans mon rapport, permettront d’unir les citoyens européens autour de passions communes – la musique, la lecture, le sport – afin d’engager le dialogue sur des thèmes mobilisateurs comme l’écologie, l’emploi, la solidarité et bien d’autres.
    Comme si l’Europe faisait partie de la politique étrangère de la France, les médias télévisuels nationaux l’ont abandonnée ou n’en parlent qu’à l’occasion d’une crise. Il est grand temps d’inverser la tendance. Les médias doivent prendre leurs responsabilités et informer en montrant aussi l’Europe en ce qu’elle a de meilleur.
    Madame la ministre, monsieur le ministre, nous marchons dans la même direction pour la réussite de ces conventions démocratiques. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre-Henri Dumont.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, plus que jamais, un débat sur l’avenir de l’Union européenne est nécessaire.
    Depuis le non français au référendum de 2005, notre pays hésite dans la démarche à adopter vis-à-vis de nos partenaires européens, alternant entre des phases de franche réussite, à l’instar de la présidence française en 2008, et de grands échecs patents, tel le recul incompréhensible de notre pays dans l’ensemble des différentes instances.
    Cette hésitation française a creusé la défiance de nos concitoyens à l’égard de cette union dont nous étions pourtant des précurseurs, des fondateurs, des moteurs.
    Mais cette défiance a également été encouragée par ceux qui voyaient en l’Europe un bouc émissaire facile, le paravent de nos propres incohérences françaises, un accusé bien commode pour les dirigeants successifs d’une France qu’ils n’osaient réformer eux-mêmes, allant même jusqu’à proposer de renégocier certains accords budgétaires avant de se retrouver confrontés au mur de la réalité.
    Tous, appartenant à l’ancien comme au nouveau monde, nous avons une part de responsabilité dans cette défiance de nos concitoyens vis-à-vis de l’Europe, une défiance qui a poussé plus d’un tiers de nos compatriotes à faire le choix, en mai dernier, de tourner le dos à notre histoire commune, à notre héritage mais aussi à notre avenir.
    Madame la ministre, la responsabilité du gouvernement auquel vous appartenez est immense car vous n’avez pas le loisir d’échouer dans votre volonté, louable, de relancer l’Europe. Mais avant de relancer l’Europe, vous avez surtout le devoir de restaurer la fierté de nos concitoyens d’appartenir à cette union.
    Le chantier européen n’est ainsi pas simplement externe, à l’adresse des autres pays membres, il est avant tout interne. Il faut expliquer à quoi sert l’Europe, le Fonds social européen, la politique agricole commune, Erasmus, Frontex, montrer que l’euro est avant tout un atout pour notre pays ; bref, éviter le cavalier seul, le « qui m’aime me suive » pour faire preuve, au contraire, de pédagogie.
    Malheureusement, avec vos déclarations successives, nous pouvons craindre le pire. Le pire, c’est de faire en Europe ce que vous faites déjà en France, c’est-à-dire cliver, cliver au lieu de dialoguer, en mettant au ban des nations européennes celles qui ne comprennent pas ou ne veulent pas suivre les incantations de la France jupitérienne. (Murmures sur les bancs du groupe REM.)
    Madame la ministre, l’Europe est, par définition, un vieux monde, et vous ne pouvez chercher à la faire imploser comme vous avez voulu le faire avec la politique française.
    En affirmant de façon autoritaire que l’Europe à deux ou trois vitesses sera demain, sous votre impulsion, une réalité, en lançant vos propositions au moment même où l’Allemagne, notre plus fidèle partenaire, se trouve en position de faiblesse institutionnelle, vous prenez le risque, immense, d’échouer, et de voir demain la France blâmée pour ce que l’on reprochait hier à l’Allemagne, une volonté d’hégémonie sur les autres États membres.
    À la co-construction européenne, vous avez préféré, comme vous le faites ici, le mépris de vos partenaires et de vos adversaires pour tenter un solo, donnant des leçons de morale alors qu’au même moment, votre premier budget s’affranchit des règles européennes concernant la trajectoire d’amélioration du solde structurel. Nous le regrettons, car après le temps des incantations viendra inévitablement le moment de l’action.
    Vous l’aurez compris, les Républicains auront une position équilibrée. Équilibrée face à ceux qui étalent leur europhobie à coup d’amendements visant à faire disparaître le drapeau européen ou qui font de l’Europe la mère de tous les maux, oubliant par là même que des années durant, ils en ont bien profité de cette Europe, pour garnir leurs comptes en banque et étoffer les effectifs de leurs partis politiques.

    M. Alexis Corbière

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    Vous êtes honteux, monsieur ! Votre argument est minable, indigne d’un parlementaire !

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Une position équilibrée également face à ceux qui ne jurent que par l’Europe, au détriment, souvent, de notre pays…

    M. Alexis Corbière

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    Monsieur le président, franchement ! Ce n’est pas la rédaction de Minute ici !

    M. le président

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    Monsieur Corbière, nous avons écouté M. Mélenchon jusqu’au bout, faites de même avec M. Dumont, s’il vous plaît. Seul M. Dumont a la parole.

    M. Alexis Corbière

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    C’est une attaque honteuse ! Où vous croyez-vous ?

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Vous avez fini, monsieur Corbière ? Je peux continuer ?
    Une position équilibrée face à ceux qui sacrifient nos fleurons industriels Alstom et STX sur l’autel d’un géant européen dans lequel les intérêts et les emplois français seraient toujours secondaires. Une position équilibrée face à ceux qui pensent que la création de listes transnationales aux élections européennes ou la disparition du commissaire français donnera plus de poids à notre pays.
    Mes chers collègues, face aux « euro-phobiques » et aux « euro-phoriques », nous serons, à droite, « euro-réalistes ». (« Bravo ! »sur les bancs du groupe LR.)
    La ligne rouge est tracée : oui nous sommes européens, mais jamais nous n’accepterons que cette construction européenne se fasse au détriment des peuples, en acceptant un fédéralisme plus fort dans lequel le seul avenir proposé serait celui de la dilution des prérogatives des États et donc de leur souveraineté.

    M. le président

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    Merci de conclure, monsieur Dumont.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Je termine, j’ai été interrompu.

    M. le président

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    Je vous ai laissé vingt secondes supplémentaires.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    Notre Europe doit être une Europe intelligente, une Europe audacieuse, une Europe qui avant tout protège…

    M. le président

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    Merci, monsieur Dumont.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    …une Europe qui nous protège contre la dérégulation du monde…

    M. le président

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    Monsieur Dumont, terminez, s’il vous plaît.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    …tant sur le plan économique ou climatique que migratoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    Je vous remercie, monsieur Dumont.

    M. Pierre-Henri Dumont

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    J’ai été interrompu pendant une minute par M. Corbière !

    M. Alexis Corbière

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    Et vous, vous avez perturbé la séance pendant vingt minutes avec vos idioties !

    M. le président

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    Monsieur Dumont, vous avez été interrompu dix secondes et je vous ai laissé trente secondes de plus.
    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis issu d’un petit peuple de Méditerranée. Depuis des siècles, des hommes et des femmes sont venus de tous les horizons se fondre dans un sentiment commun d’appartenance à ce peuple, le peuple corse. Cette fusion et cette appartenance, chaque jour confirmées, sont notre fierté et notre raison d’être politique. Elles devront être inscrites dans la loi, et je suis sûr qu’elles le seront bientôt.
    La destinée nous a placés au cœur de la Méditerranée. À ce titre, la construction européenne est au centre même de notre quotidien et de nos préoccupations. Nous sommes les enfants des échanges européens, depuis la nuit des temps : d’Homère qui décrivait les falaises de Bonifacio, du roi d’Aragon qui nous a transmis l’emblème du Maure, de Rome où les Corses protégèrent les papes, de Pise et de Gênes qui nous léguèrent tant de richesses patrimoniales, des Écossais venus accompagner notre indépendance, et bien sûr de la France.
    L’Europe demeure un phare du monde. Mais l’Europe est en crise d’identité. Il est de notre devoir d’entendre la déception que les peuples expriment de plus en plus clairement. Il est de notre devoir de traiter ces citoyens pour ce qu’ils devraient être et qu’ils ne sont pas, les responsables de l’avenir de nos sociétés. Nous avons à quitter notre posture de gestionnaire pour retrouver le souffle du politique. Nous avons donné un corps à l’Union. Il nous reste maintenant à lui donner une âme.
    Car l’Europe est un élément constitutif de notre nature, une dimension humaine majeure. Les foires, les routes terrestres et maritimes, les couvents, les ports, les lieux de savoir furent depuis l’Antiquité des espaces d’échanges ; ils ont tissé un maillage inégalé, précurseur de l’Union européenne.
    La construction européenne a permis de chasser les images des tranchées et des champs de bataille, de Verdun ou d’un continent coupé en deux par le rideau de fer. C’est un acquis considérable, bien sûr. La paix était un objectif des pères fondateurs. Il est globalement atteint, même si le terrorisme, les trafics humains, et les atteintes à la démocratie demeurent encore trop présents.
    Les récents événements de Catalogne nous montrent la fragilité du fait démocratique au sein même de l’Union. Le silence du pouvoir central face à des délibérations majeures de l’Assemblée de Corse pose problème, tout comme les atteintes aux droits des prisonniers et de leurs familles.
    Notre devoir est de faire renaître l’idéal européen, de rendre vivant le rêve de ses initiateurs, et de restaurer la confiance en l’Union européenne en la rendant plus démocratique.
    Il convient de rendre publiques les décisions du Conseil, et d’en garantir le contrôle par les citoyens. Il s’agit de réfléchir au découpage de certaines circonscriptions, d’établir celle de Corse ou celle de la Bretagne unifiée. Il s’agit de reconnaître les nations sans État. La réalité d’un peuple ne se mesure pas au nombre de ses habitants. C’est cette Europe des peuples, enracinée mais ouverte, que nous appelons de nos vœux.
    L’Europe doit agir, et les champs d’action ne manquent pas, en complément de l’intervention des États et des collectivités territoriales : précarité, inégalités régionales, lutte contre le terrorisme, sauvegarde et promotion du modèle démocratique, maîtrise des flux migratoires et intégration des réfugiés, transition énergétique, lancement de grands projets économiques et soutien à l’innovation.
    Le dumping social et fiscal, les abus fiscaux des multinationales et la spéculation financière sont sources d’injustice, de frustrations, et donc de tensions. Nous devons aller vers une harmonisation fiscale et sociale, qui est l’indispensable complément de la liberté d’installation.
    Le futur de l’Union ne doit plus se résumer à un emplâtre technocratique tel qu’il est perçu aujourd’hui, à tort ou à raison, ni à une concurrence entre peuples et nations, et moins encore à une concurrence biaisée.
    La France doit pouvoir retrouver un rôle moteur dans cette œuvre inachevée de la construction européenne. Elle doit peser sur la politique de cohésion, sur la réorganisation prévue des fonds structurels, et sur la nouvelle donne induite par le Brexit.
    Il ne faut plus laisser s’installer le doute et la colère. Il ne faut plus abandonner le pouvoir à des technocrates sans contrôles, au risque d’aggraver ainsi le déficit démocratique.
    Dans sa déclaration du 9 mai 1950, Robert Schuman affirmait : « L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord une solidarité de fait. » Eh bien, sachons nous retrouver sur de nouvelles solidarités de fait, mais surtout rendons-les respectueuses des peuples et de leurs aspirations. Elles seront alors l’âme de l’Europe. Elles pourront en ouvrir le futur.

    M. le président

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    La parole est à M. Pieyre-Alexandre Anglade.

    M. Pieyre-Alexandre Anglade

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    Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l’Europe est en crise depuis quinze ans, c’est en partie à cause de l’absence de dirigeants nourrissant un véritable projet pour le continent et une véritable vision pour l’Union. Or, le récent discours du Président de la République sur l’avenir de l’Europe et l’intervention ce soir dans cet hémicycle du ministre sont venus largement contredire cette réalité.
    Depuis longtemps, nous n’avions pas vu s’exprimer en France, avec autant de force et de courage politique, un projet ambitieux de refondation de l’Europe.
    Il n’était que temps, car depuis 2005 et le non français, puis néerlandais à la Constitution européenne, l’Europe n’a connu que des crises : crise économique et financière, crise de l’euro, guerre en Libye, en Syrie, en Ukraine, terrorisme, crise de l’accueil des réfugiés et enfin défiance toujours plus affirmée de nos concitoyens envers l’Union. Cette décennie noire s’est terminée par ce qu’il faut bien appeler un cataclysme : le Brexit, qui a fait vaciller jusqu’aux fondations mêmes de l’Union.
    Pourtant, alors que les Cassandre prédisaient la fin du projet européen, force est de constater que nous avons assisté au contraire à un sursaut européen initié en réaction au Brexit, puis renforcé par l’élection de Donald Trump. Le « printemps des populistes » que l’on nous annonçait partout, aux Pays-Bas, en Autriche et en France, n’a pas eu lieu, bien au contraire !
    Bien sûr, les antieuropéens sont toujours là, présents également dans cet hémicycle, réclamant main dans la main que le drapeau européen en soit retiré. Mais, que vous le vouliez ou non, mes chers collègues, l’Europe et son drapeau appartiennent profondément à la vie de notre hémicycle et à celle de notre pays. Les Français vous l’ont rappelé avec force lors des dernières élections.
    Cette évidence ne doit cependant pas nous aveugler. Le combat en faveur de l’Europe est loin d’être terminé. L’enthousiasme de cette fin d’année 2017 peut être aussi éphémère que le pessimisme et le désespoir qui survinrent au lendemain du Brexit.
    Ce que veulent nos concitoyens est clair. Ils plébiscitent l’Europe, mais ne veulent pas la voir perdurer dans son fonctionnement actuel. Ils appellent de leurs vœux une Europe refondée, réformée, qui s’engage, qui avance et qui les écoute, une Europe qui agit contre le changement climatique, qui accompagne les mutations économiques et industrielles, qui résout les flux migratoires et organise l’accueil des réfugiés, qui les protège du terrorisme et soit capable de les mettre à l’abri des désordres du monde grâce à une défense européenne, projet que je soutiens de toutes mes forces.
    Le moment est donc venu de sortir de l’état de crise permanent que nous connaissons depuis trop longtemps pour enfin construire l’Europe que souhaitent les Européens. Cela signifie qu’il faut mettre en œuvre sans tarder des mesures concrètes.
    Je pense dans un premier temps à un véritable gouvernement de la zone euro afin que nous puissions orienter l’économie européenne et créer des entreprises européennes qui deviendront demain des moteurs dans le monde, puis à un système européen de droit d’asile afin que nous puissions remplacer le système de Dublin, qui est défaillant, puis à un véritable corps européen de gardes-frontières et de gardes-côtes, pour que prenne fin le drame inacceptable des réfugiés qui meurent en Méditerranée, enfin à une meilleure coopération entre les services de renseignement des États membres pour mieux lutter ensemble contre les menaces terroristes.
    M. Mélenchon a remis en cause l’Union européenne de la défense. À mes yeux, ce projet est nécessaire. Il est important que l’Union dispose d’une véritable autonomie stratégique aux côtés de l’OTAN.
    Cette Europe est nécessaire, puisque les États membres, qui dépensent aujourd’hui un peu plus de 40 % du budget que les Américains consacrent à la défense, ne disposent que de 10 % à 15 % de leurs capacités opérationnelles. La priorité est donc de rationaliser nos dépenses militaires. Les Européens possèdent actuellement dix-sept types de chars de combat, vingt-neuf types de frégates et vingt avions de chasse différents. Parce que ces accumulations freinent l’interopérabilité, il est nécessaire d’avancer sur tous ces sujets.
    Mais ce n’est pas tout. Pour que ces mesures puissent voir le jour et s’inscrire durablement dans notre nouvelle Europe, nous devons également renforcer la démocratie européenne. C’est pourquoi nous souhaitons établir des listes transnationales pour une véritable circonscription européenne. Cela nous permettra d’élever notre démocratie à l’échelle continentale, car l’Europe représente bien plus que la somme de vingt-sept démocraties nationales. Cela renforcera par ailleurs le Parlement européen, ce qui est nécessaire.
    Mes chers collègues, pour la première fois depuis très longtemps, la France, par ses propositions, est au rendez-vous de l’histoire européenne et nous aurions tort de ne pas prendre la mesure du moment historique que nous traversons.
    L’immobilisme est le plus grand danger pour l’Europe, et c’est pour cette raison que nous proposons d’avancer à ceux qui le veulent. Cette volonté doit être entendue, cette chance doit être saisie, car l’enjeu est fondamental. Ce n’est ni plus ni moins que le choix entre la dislocation inévitable de l’Europe si nous restions dans le statu quo ou sa transformation en profondeur pour une relance salvatrice. Les événements récents en Espagne – au moment où nous parlons, le débat commence au parlement catalan –, nous rappellent la fragilité de la démocratie européenne.
    Bien sûr, lors de la mise en œuvre de cet ambitieux programme, sans doute faudra-t-il apporter quelques nuances, prévoir des adaptations, des changements qui feront l’objet de négociations diplomatiques, mais pour la première fois depuis quinze ans, l’Europe est à la relance. C’est bien cela qui compte.
    J’exhorte donc tous ceux qui, dans leur for intérieur, savent que l’Europe est notre plus grande chance…

    M. le président

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    Merci, monsieur Anglade.

    M. Pieyre-Alexandre Anglade

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    …d’y souscrire, pour un avenir meilleur. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Carole Grandjean.

    Mme Carole Grandjean

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    Madame la ministre, notre groupe souscrit pleinement à votre énoncé de politique générale européenne et plus globalement à celle du Gouvernement.
    Réfléchir à notre avenir social et économique ne doit pas uniquement s’inscrire dans une dynamique nationale. Une vision européenne est indispensable. Face à la mondialisation et à la concurrence des autres pays, comment protéger nos concitoyens si nous nous fermons à l’Europe ? N’avons-nous pas une responsabilité pour construire sa protection et son avenir ?
    Longtemps, on s’est laissé aller à présenter l’Europe comme la cause des difficultés de compétitivité que rencontrent notre économie et notre marché du travail. Or, à ne pas oser promouvoir les avancées de la construction européenne, nous avons laissé s’inscrire dans l’esprit collectif des peurs sur lesquelles jouent aujourd’hui les eurosceptiques de tous bords.
    L’Union européenne a été bâtie sur la volonté commune de pays prêts à travailler de concert non seulement pour la paix, mais aussi pour une réussite sociale et économique commune. Là où le charbon et l’acier liaient les fondateurs de l’Europe, une multitude de secteurs d’activité traversent nos pays de part en part : du primaire au tertiaire, nous évoluons en Europe et l’Europe évolue avec nous.
    Par nos valeurs communes, nous portons cet héritage dans nos pratiques économiques, sociales et financières. Aujourd’hui, il est essentiel de soutenir ces idées par une réglementation harmonisée.
    Nos pratiques économiques ont évolué depuis le 18 avril 1951. Si nous voulons continuer de faire de l’Europe un acteur majeur d’une mondialisation globale, il est nécessaire de nous armer du droit pour renforcer la protection de tous les travailleurs de l’Union. Protéger et faciliter sont les fers de lance des négociations européennes sur le travail. Aussi, nous soutenons la régulation des durées de détachement et encourageons la création d’une agence européenne qui facilite le contrôle du travail détaché.
    L’Europe des peuples n’est pas uniquement économique ou financière. L’Europe, c’est l’adhésion à une union protectrice, solidaire : celle qui parle du quotidien, des conditions de travail, des moyens de lutter contre la pauvreté. Les salariés détachés qui travaillent en France doivent bénéficier des mêmes conditions d’emplois que les travailleurs français, notamment de la même rémunération globale. Nous y tenons !
    Ce n’est pas seulement la France que nous protégeons. Ce sont tous les citoyens européens qui traversent les frontières chaque jour pour accomplir leur travail et qui sont les premières victimes des dérives potentielles.
    Aujourd’hui, avec ce nouveau projet voulu par le Président de la République et son gouvernement, nous pouvons modifier le regard et les comportements pour ancrer dans l’esprit des citoyens que l’Europe se fait non pas sans eux, mais avec eux.
    Chaque jour, par exemple, plus de 90 000 Lorrains passent la frontière du Luxembourg, de la Belgique ou de l’Allemagne. C’est une dynamique européenne du travail et il nous faut l’accompagner.

    M. Thibault Bazin

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    Très juste !

    Mme Carole Grandjean

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    L’Europe ne doit plus être un projet flou, une idée abstraite. Nous autres, parlementaires français, avec nos homologues allemands et européens, devons contribuer à l’attractivité législative de l’Union européenne en matière sociale. L’Union européenne sociale, c’est celle dans laquelle un salarié qui accède à un emploi par intérim ou qui vient d’un autre pays voisin a les mêmes droits qu’un travailleur permanent. C’est une Europe qui vise à réduire les inégalités sociales, économiques et territoriales. Oui, une Europe qui protège et aide ses citoyens.
    Je crois beaucoup en l’Europe et je ne suis pas la seule dans cet hémicycle. La mobilité des travailleurs doit en l’espèce œuvrer pour la convergence économique et sociale en Europe, mais cette mobilité doit être organisée sur la base de règles claires et équitables. C’est pourquoi la proposition du Gouvernement de réviser les règles sur le détachement des travailleurs et d’encourager la coordination des pays pour leur application me paraît nécessaire.
    Les règles concernant la rémunération, les conditions de détachement et la protection des travailleurs doivent être les mêmes pour les travailleurs détachés et pour les travailleurs locaux. C’est une question d’équité et de concurrence loyale.

    M. Thibault Bazin

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    Absolument !

    Mme Carole Grandjean

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    Pour conclure, mes chers collègues, je vous demande de susciter l’adhésion au projet européen et de convaincre nos concitoyens de participer à la construction de son avenir.
    La révision de la directive des travailleurs détachés est une première étape significative vers une réalité atteignable et attendue par beaucoup : une Europe unie et solidaire pour tous et pour toutes. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.)

    M. Thibault Bazin

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Alexandre Freschi, pour le groupe La République en marche.

    M. Alexandre Freschi

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    Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, Eric Hobsbawn écrit dans L’Ère des révolutions : « Les mots sont des témoins qui parlent souvent mieux que les documents. »
    Cyberespace, big data, algorithme, intelligence artificielle, hyperlien, nanotechnologie, ces quelques mots ont progressivement envahi notre champ lexical. Signes d’un ancrage dans un monde nouveau, ils témoignent surtout d’une évolution civilisationnelle et culturelle, d’un monde qui change, qui se transforme et dont les paradigmes sont rebattus.
    Face à une Europe parfois soumise à des tensions d’euroscepticisme, ils doivent nous permettre de considérer les changements à l’œuvre et de nous réunir autour d’un projet à nouveau commun. C’est dans l’union que l’Europe a construit la paix tout en relevant des défis colossaux et uniques. C’est dans le numérique que notre vieille Europe doit se repenser.
    Depuis mai 2015, la mise en opération de la stratégie d’un marché unique pour le numérique est une priorité politique de la commission Juncker. Il s’agit de créer un véritable écosystème numérique à dimension européenne. À cet effet, la Commission européenne a déjà présenté un total de trente-cinq propositions législatives et initiatives politiques.
    Le sommet de Tallinn du 29 septembre 2017 rappelle lui aussi ce postulat indispensable à tout développement : une Europe du numérique articulée autour d’un marché intérieur unique capable de contribuer pour plus de 415 milliards d’euros au PIB de l’Union.
    Pour ce faire, des préalables demeurent nécessaires.
    Dans une logique d’inclusion, l’Europe doit tout d’abord accompagner la construction d’un maillage numérique équilibré sur l’ensemble des territoires européens. Il y a déjà trop de périphéries en Europe et, au sein même des États, la discrimination numérique est un enjeu de poids.
    En ce sens, les engagements de la commission Juncker invitent à une méthode de travail collective afin de ne pas réitérer les erreurs du passé, constatées par exemple lors du déploiement de la 3G ou de la 4G.
    Nos investissements doivent combler la fracture numérique et garantir une connectivité plus juste, plus efficace, plus équitable afin de permettre à nos entreprises, à nos citoyens, à nos administrations de s’ancrer définitivement dans un cadre numérique cohérent.
    En marge du sommet européen de Tallinn, la commissaire européenne chargée du numérique Mariya Gabriel a également rappelé les enjeux économiques et stratégiques de la révolution numérique, révolution dont, pour la première fois dans l’histoire, l’Europe n’est ni à l’origine ni à la tête.
    L’Europe doit ainsi dégager des synergies afin de ne pas s’éloigner de la frontière technologique et de procéder continuellement et collectivement à des investissements dans l’innovation. C’est déjà le cas pour le premier supercalculateur européen qui verra le jour en 2022 ou 2023.
    N’ayons pas peur non plus de faire naître ces « destructions créatrices » schumpétériennes, au service d’un appariement efficace entre l’offre et la demande sur le marché du travail. Il faut aussi et concomitamment qu’une concurrence juste et loyale se déploie sur l’ensemble de l’espace européen. Il faut que nos start-up et nos entreprises sortent d’une réglementation européenne adamique. Tout reste à définir de manière européenne.
    Le numérique permet aux TPE et aux PME de s’adapter aux transformations de l’économie et de s’attaquer aux situations établies en changeant de paradigme d’un point de vue technologique, économique et organisationnel.
    Aidons nos entreprises en construisant un droit commun au service des enjeux de notre modernité. Par exemple, il faut permettre à des entrepreneurs de créer – ce qui est possible à Singapour – une start-up en moins de soixante-douze heures.
    De même, retrouvons-nous dans la préconisation estonienne d’instaurer une cinquième liberté de circulation en Europe – celle des données – pour améliorer la compétitivité européenne, tout en assurant un cadre normatif garant de la sécurité des données personnelles et protecteur face aux cybermenaces.
    Dans nos temps modernes, il devient urgent de développer la culture du numérique auprès des plus jeunes. Afin d’éviter une fracture socionumérique, il faut éduquer à ces nouveaux outils et permettre à chacun de s’adapter et de s’insérer dans la transition digitale.
    Il faut aussi agir à l’échelle européenne sur la fiscalité pesant sur le travail et sur le capital. Ayons à cœur d’assigner aux entreprises des obligations de transparence, d’harmoniser une fiscalité qui impose les activités virtuelles des nouvelles industries et qui encourage l’investissement dans la recherche et le développement.
    Au regard des changements à l’œuvre et des évolutions numériques qui bousculent chaque once de notre quotidien, seule une démarche collective nous engagera dans une transition numérique.
    À chaque époque, les sciences et les technologies ont été les moteurs de la prospérité. Soyons audacieux ! Ayons à nouveau cet esprit de conquête, cette volonté de nous adapter aux défis de notre siècle et bâtissons ensemble l’Europe numérique. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Christine Hennion.

    Mme Christine Hennion

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    Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les présidentes de commission, chers collègues, je suis heureuse et fière d’intervenir ce soir sur l’Europe. Le 26 septembre, le Président Emmanuel Macron exposait sa vision d’une Europe audacieuse, moins bureaucratique et plus proche des citoyens. De fait, l’Europe est aujourd’hui perçue comme une administration normative, complexe et éloignée des réalités du terrain. Elle doit se doter de règles plus simples et plus lisibles, faciles à comprendre pour les non-spécialistes. Pour se transformer, notre Europe doit s’appuyer sur deux piliers : ses valeurs démocratiques, issues des États de droit qui la constituent, d’une part, son marché unique, d’autre part, qui doit être la garantie de sa puissance, de sa prospérité et de son attractivité.
    La relation franco-allemande doit redevenir le cœur du dessein européen grâce à des projets concrets qui profiteront au plus grand nombre. La mise en œuvre d’un code des affaires commun, idée reprise par Emmanuel Macron, en est un parfait exemple. En parallèle de sa monnaie commune utilisée par dix-neuf pays, l’Europe a développé un corpus de directives et de règlements unifiant le fonctionnement de certains domaines économiques. Cependant, des règles disparates régulent toujours les relations commerciales entre les entreprises des vingt-huit États de l’Union. Les États-Unis, pour leur part, se sont dotés en 1953 d’un code des affaires, qui constitue pour les entrepreneurs et commerçants américains un instrument de travail indispensable au quotidien.
    L’objectif de ce code des affaires européen serait de protéger et d’encourager les échanges transfrontaliers et les investissements des PME, qui constituent l’essentiel du tissu économique de l’Union. De fait, seul un tiers des PME françaises et allemandes commercent en dehors de leurs frontières, et toutes ne le font pas régulièrement. Ce chiffre est trop faible, sachant que les échanges commerciaux entre ces deux pays représentent aujourd’hui plus de 50 % de l’activité économique au sein de l’Union.
    Bien sûr, l’espace unique de paiement en euros, SEPA, facilite les paiements, et le règlement des petits litiges bénéficie de formalités simplifiées, mais de nombreuses PME n’osent toujours pas se lancer dans le commerce transfrontalier, apeurées par la trop grande complexité du droit.
    Ce sujet a également été relevé par la Commission européenne. Dans son Livre blanc sur l’avenir de l’Europe à l’horizon 2025, elle indique qu’il convient de rédiger un « code de droit des affaires[…] qui aide les entreprises de toutes tailles à exercer facilement leurs activités au-delà des frontières. » Cela apparaît d’autant plus nécessaire que l’on fait face à de multiples vides juridiques et à une grande hétérogénéité entre les ordres juridiques nationaux. Ainsi, le droit de la concurrence relève de la compétence exclusive de l’Union européenne mais, lorsqu’il n’existe pas de droit européen, l’État membre applique son propre droit, qui ne va pas forcément dans le sens d’une harmonisation. La législation doit non seulement s’adapter au développement du marché, mais aussi à la vie quotidienne des affaires et à l’évolution des pratiques. Aussi ce code devra-t-il nécessairement prendre en compte le développement du numérique et intégrer la responsabilité sociale et environnementale des entreprises.
    L’Europe doit également changer de méthode en saisissant l’occasion de renouer avec la tradition historique de développement du droit du commerce. De fait, il s’agit d’un droit concret, écrit par des praticiens ; dans de nombreux pays européens, les litiges sont tranchés par des tribunaux composés d’acteurs économiques. Des think tanks, comme l’association Henri Capitant, la Fondation pour le droit continental et EuropaNova, ainsi que des universitaires français, allemands, belges et italiens réfléchissent déjà à l’élaboration d’un code commun des affaires, du commerce et de l’entreprise. Il reste donc à associer à ce dispositif des praticiens venant d’entreprises de toutes tailles, et particulièrement des PME.
    Le développement de cette législation doit se faire du monde économique vers le monde économique, des entrepreneurs vers les institutions. La France doit le proposer en s’appuyant sur les conventions démocratiques. C’est ainsi que nous apporterons une réponse concrète à la critique selon laquelle l’Europe se trouverait éloignée des citoyens. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thierry Michels.

    M. Thierry Michels

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    Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les présidentes de commission, chers collègues, il y a quelques semaines, les membres de la commission des affaires européennes m’ont confié le soin de rédiger un rapport d’information sur la transition énergétique au sein de l’Union européenne. Chaque jour, cette tâche m’offre l’occasion de mesurer la place d’avant-garde que l’Europe occupe dans ce domaine. Mais, chaque jour, je mesure aussi l’audace dont il faut faire preuve pour avancer.
    Rappelons-nous ce qui reste aujourd’hui l’une des plus belles aventures scientifiques et humaines : le tour du monde de Solar Impulse, cet avion propulsé uniquement à l’énergie solaire. « Des feuilles de fibre de carbone de 50 grammes par mètre carré, dites-vous ? Impossible ! » objectaient les experts : « 200 grammes, voilà ce que l’on peut faire de mieux. » À force de persévérance, de volonté et d’audace, l’avion solaire s’est envolé avec des feuilles de 25 grammes, le tiers d’une feuille A4. Impossible, disaient-ils ? Si cet avion a pu décoller, rien ne pourra clouer notre ambition au sol. Chacun, dans cette assemblée, en est convaincu : impossible n’est ni français ni européen !
    Il faut le reconnaître, sur la question de la transition écologique et énergétique comme sur bien d’autres, le leadership vient désormais de la France. N’est-ce pas la France qui a été à l’origine du succès de la COP21 ? N’est-ce pas la France qui organise le grand sommet sur le climat du 12 décembre prochain ? N’est-ce pas la France qui appelle de ses vœux l’augmentation significative du prix du carbone ? N’est-ce pas la France qui est à l’initiative d’un pacte mondial sur l’environnement ? Et n’est-ce pas cette assemblée qui vient d’adopter la loi sur les hydrocarbures, qui matérialise l’engagement de la France à sortir des énergies fossiles ? Toutes nos initiatives conféreront à l’accord de Paris sa pleine dimension.
    De l’audace, encore de l’audace ! C’est à l’échelle européenne que nous la trouverons. Quand on nous dit « impossible », il faut démentir ceux qui doutent. C’est pourquoi nous sommes en parfaite symbiose avec l’action engagée par l’Union européenne : celle-ci s’engage à faire diminuer les émissions de CO2de 40 % d’ici 2030 ; chaque année, à partir de 2021, le paquet législatif « énergie propre » mobilisera 177 milliards d’euros d’investissement public et privé. L’isolation des bâtiments est nécessaire : l’Union européenne la favorisera massivement. Voilà l’écho européen de notre action.
    Si nombre de nos concitoyens se sont éloignés de l’Europe, c’est ce grand défi qui la rendra indispensable aux yeux de tous. Pour changer nos énergies, nos modes de transport, notre industrie, notre agriculture, nos habitudes, pour nous transformer, quelle meilleure chance que l’Europe ? C’est à elle d’agir. Et l’Europe agit : nous pouvons être fiers des actions engagées, d’autant plus qu’elles participent à la refondation du projet européen. Le gouvernement américain ne souhaite pas, pour l’heure, livrer la bataille en faveur de la planète ? Soit ! Permettons à l’Europe d’assurer notre souveraineté et notre sécurité face aux grandes puissances. C’est elle qui nous permettra de ne dépendre de personne. Une Europe qui protège, c’est une Europe qui s’engage avec force vers cette transition écologique et énergétique que nous souhaitons.
    Répondre au défi écologique est un formidable levier économique. Demain, des centaines de milliers d’emplois seront créés parce qu’il faudra trouver les moyens de produire de l’énergie autrement, de mieux isoler les bâtiments, de mieux recycler ce que nous produisons, de mieux cultiver ce que nous mangeons. C’est pourquoi il faut dès aujourd’hui mettre en place une formation professionnelle efficace, en France comme en Europe, pour être en mesure, demain, de pourvoir en nombre et en qualité ces nouveaux emplois. Répondre au défi écologique, c’est aussi permettre aux citoyens européens de renforcer le lien qui les unit. L’état et l’avenir de notre environnement nous placent de facto dans une communauté de destin qu’il convient de faire fructifier. Les conventions démocratiques européennes permettront aux Européennes et aux Européens de décider, par l’échange et la discussion, dans toutes les langues qu’ils partagent, des grands chantiers de la transition et d’en être pleinement les acteurs.
    Même si les projets sont là, même si l’ambition est là, et même si cette transition est en marche, il est difficile de convaincre l’ensemble de nos partenaires, d’adopter la bonne stratégie pour rallier tous les États, tous les citoyens, à cette cause dont notre avenir dépend. Encore trop de citoyens, de responsables politiques, d’États restent frileux face au besoin d’agir en réaction au changement climatique et au regard de l’ambition que nous portons. Sachez, madame la ministre, que vous pouvez compter sur le soutien sans réserve de cette assemblée pour appuyer l’action du Gouvernement. Demain, la transition que nous engageons nous mènera à une Europe de l’initiative, de la prospérité, de la sécurité, de la souveraineté, de la citoyenneté, de la démocratie, du partage, de la jeunesse, de la culture, du dynamisme sans frontières, en un mot, à l’Europe que nous aimons. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM et sur quelques bancs des groupes MODEM et LC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme.

    Mme Aude Bono-Vandorme

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    Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les présidentes de commission, chers collègues, le 14 juin 1985, la France, l’Allemagne, la Belgique, le Luxembourg et les Pays-Bas signent les accords de Schengen, qui prévoient la réalisation progressive de la libre circulation des personnes au sein de l’espace du même nom, sans contrôle aux frontières intérieures de ces pays. Sa création marque l’une des plus formidables réussites de l’Union.
    Aujourd’hui, l’espace Schengen est composé de vingt-six pays européens. Il procure des avantages considérables à plus de 400 millions de personnes. Appartenir à cet espace signifie pour ces pays qu’ils doivent procéder à des contrôles harmonisés à leurs frontières extérieures, selon des critères clairement définis, et qu’ils ne pratiquent plus aucun contrôle à leurs frontières intérieures. Des contrôles temporaires peuvent cependant être remis en place pour des motifs graves de sécurité ou d’ordre public.
    Parallèlement, afin de garantir la sécurité à l’intérieur de cet espace, les États se doivent de procéder à un échange d’informations dans le cadre de la lutte contre la criminalité organisée transfrontalière et le terrorisme. La coopération policière a donc été intensifiée, notamment par la poursuite et l’observation transfrontalières, la création d’équipes et de centres de police communs et la mise en place du système d’information Schengen. Ce dernier permet une coopération poussée entre les États membres pour veiller à ce que la liberté de circulation ne s’accompagne pas d’une moindre sécurité.
    Ce dispositif a pourtant été profondément ébranlé ces derniers mois par la menace terroriste et par la plus importante crise de réfugiés que l’Europe ait connue depuis la fin de la Seconde guerre mondiale. La menace terroriste demande une coopération accrue entre les services de renseignement nationaux, dont le cœur doit être l’échange d’informations. C’est pourquoi le Président Emmanuel Macron a proposé la création d’une académie européenne du renseignement. Il y va de la sécurité des citoyens européens et de la pérennité de l’espace Schengen.
    Par ailleurs, l’arrivée d’un nombre sans précédent de réfugiés et de migrants dans l’Union européenne a mis en évidence de graves fragilités sur certains tronçons des frontières extérieures de l’Union, mais aussi des défaillances du point de vue de la solidarité intra-européenne, notamment avec les pays les plus exposés, comme la Grèce, l’Italie ou Malte. Ce manque de solidarité a amené certains États membres à appliquer la politique du « laisser passer ». En réponse, d’autres États membres ont réintroduit temporairement les contrôles aux frontières intérieures, remettant ainsi en question le fonctionnement originel de l’espace Schengen. Il en fut ainsi de la France, qui a invoqué le danger terroriste, de l’Allemagne, du Danemark, de l’Autriche, de la Suède et de la Norvège, pour des raisons liées à la pression migratoire après l’afflux massif de 2015. Ces mesures dérogatoires expireront le 31 octobre pour la France, et le 11 novembre pour les cinq autres pays. À la demande, notamment, de la France, la Commission européenne a donc proposé, il y a tout juste deux semaines, des mises à jour ciblées de la convention Schengen.
    Celles-ci offrent aux États membres la possibilité de réintroduire temporairement un contrôle à leurs frontières intérieures, en cas d’événements prévisibles et de menaces mises en évidence, et ce pour une durée maximale qui passe de six mois à un an. Parallèlement, la Commission ajoute des garanties procédurales plus rigoureuses, afin que ce contrôle nécessaire et proportionné ne soit réintroduit qu’en dernier recours et que les États membres concernés soient pleinement associés. La Commission propose également d’instaurer une nouvelle procédure spéciale, régissant les cas dans lesquels la même menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure persiste au-delà d’un an.
    Madame la ministre, nous savons que le dispositif de contrôle aux frontières intérieures, que la France, en lien avec le droit européen et les nouvelles propositions de la Commission européenne, mettra en place à compter du 1er novembre, sera attentivement regardé.
    Pour clore mon intervention, permettez-moi, au nom du groupe La République en marche, de faire nôtres les propos du président Emmanuel Macron, lors de son discours à la Sorbonne : « Assurer notre souveraineté […], à l’échelle européenne, c’est maîtriser nos frontières en préservant nos valeurs. […] Ça n’est qu’avec l’Europe que nous pourrons efficacement protéger nos frontières ». (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et LC.)

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à Mme Laetitia Saint-Paul.

    Mme Laetitia Saint-Paul

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    Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les présidentes de commission, mes chers collègues, l’Union européenne s’est construite de manière pragmatique et très progressive, d’abord comme espace économique, puis comme zone intégrée de libre circulation des personnes, des capitaux, des biens et des marchandises. Délibérément écartées à l’origine, les fonctions régaliennes sont restées du ressort des États. En matière de défense, le contexte géostratégique de la guerre froide avait placé l’OTAN en situation fédératrice. La problématique de l’Europe de la sécurité et de la défense connut alors un long sommeil. Avec la fin de la guerre froide, la perception des risques a profondément modifié la place de l’effort de défense dans les politiques nationales, et les budgets ont alors été allégés à l’aune des « dividendes de la paix ».
    Aujourd’hui, les États de l’Union prennent progressivement conscience de leurs intérêts stratégiques communs, ainsi que du déséquilibre entre, d’une part, le poids économique et financier indéniable de l’Union, et, d’autre part, son rôle politique, diplomatique et militaire qui reste encore mineur. Or, si l’Europe politique ne se réduit pas à la défense, celle-ci peut constituer l’un de ses instruments d’expression. Avec le retrait du Royaume-Uni, les capacités militaires de l’Union européenne vont se retrouver réduites de 25 % au 30 mars 2019. La France sera la seule puissance nucléaire et le seul État membre à disposer d’un siège permanent au Conseil de sécurité de l’ONU. Aucun État membre ne peut supporter, seul, le coût de la recherche et du développement des nouvelles technologies, comme le drone armé, alors que des organisations terroristes risquent d’y parvenir, à une époque où des armes qui n’étaient possédées jusqu’alors que par des États le sont désormais par des organisations non étatiques. L’irénisme qui a présidé notre destin européen le met aujourd’hui en danger. Plus que jamais, il est temps de coopérer pour notre sécurité à tous.
    Le président de la République a mentionné le projet d’une Europe à plusieurs vitesses, dans l’objectif de permettre aux États qui le souhaitent d’avancer ensemble. Cette Europe existe déjà en droit communautaire sur les questions militaires et de défense, à travers la coopération structurée permanente, prévue par le traité de Lisbonne, qui voit enfin le jour. Nous pouvons progresser dans la mutualisation de certaines de nos forces et de nos équipements, renforcer la culture de coopération et approfondir l’intégration européenne en termes de défense.
    Mon temps de commandement au sein de la brigade franco-allemande et mes recherches auprès de Bronislaw Geremek portant sur l’armée polonaise me permettent d’affirmer que si la volonté politique doit être vigoureuse dans la construction de la défense européenne, il existe un fossé à combler dans nos différences d’organisations hiérarchiques, nos moyens matériels et nos pratiques militaires.
    Nous devons également prendre en considération l’histoire de nos nations respectives qui sont marquées par le vécu propre à chacune. La Pologne a été trois fois rayée de la carte en moins de cent cinquante ans, livrée pendant trois siècles aux impérialismes européens, et cela laisse des marques profondes dans les esprits. En Allemagne, où le musée de l’Holocauste est construit tel une cicatrice au cœur de sa capitale, vos interlocuteurs vous disent encore que « plus rien ne sera jamais comme avant ». Ces différences, qui touchent à l’intime qui nous constitue depuis des siècles, forment aussi des différences à aplanir, et ce ne sont pas seulement des décisions politiques prises d’en haut qui le permettront, mais bien des rapprochements d’en bas, au cœur des groupes humains.
    Madame la ministre, pour aborder notre grand projet de défense européenne, mon expérience m’amène à solliciter votre engagement à considérer tant une ambition politique de taille et inscrite dans la durée que davantage d’empathie envers nos partenaires. Ce sont ces deux conditions qui permettront à nos soldats de se comprendre et de s’approprier nos différences de cultures militaires, pour qu’ils construisent ensemble la cohésion indispensable à toute armée dont ils sont et seront les acteurs principaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Ludovic Mendes.

    M. Ludovic Mendes

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    Monsieur le président, madame la ministre, mesdames les présidentes de commission, mes chers collègues, en préambule, je souhaite exprimer au nom des députés La République en marche de la commission des affaires européennes notre satisfaction à l’écoute des propos réalistes, ambitieux et résolument européens tenus cet après-midi par M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.
    Oui, il est temps de remettre l’Europe au cœur du débat public dans notre pays. Nous sommes aujourd’hui à la croisée des chemins, et le moment est venu d’agir pour ne pas prendre le risque d’assister, du haut de nos divergences, à la dislocation d’un projet qui a su maintenir l’unité et la paix de notre continent depuis près de soixante-dix ans. Nous avons collectivement laissé la méfiance vis-à-vis des institutions européennes, alimentée par une lecture parfois manichéenne et par une instrumentalisation de ces sujets à des fins de politique nationale, s’installer dans la société et au sein même des parlements nationaux.
    Depuis le discours fondateur de Robert Schuman en 1950, l’Europe n’existe toujours pas politiquement. C’est à nous, Européens convaincus, de porter cette Europe politique. L’Europe ne peut être un projet unilatéral et doit être une volonté collective. Nous ne pouvons ignorer les doutes qui agitent les parlements voisins. Il nous faut donc convaincre.
    Les futures conventions démocratiques doivent permettre de réconcilier les citoyens et leurs institutions. Par le biais de ces conventions, les citoyens de tous les États membres seront appelés à se prononcer, librement, sur l’avenir qu’ils souhaitent donner au projet européen. Nous croyons dans la force du dialogue, du débat et de la concertation comme meilleur rempart face à ceux qui font recette de l’impopularité des institutions européennes, sans toutefois proposer d’autre projet que le repli nationaliste mortifère.
    Réconcilier, cela passe d’abord par une solidarité plus effective au cœur du projet européen. Le marché commun a été le pilier central de notre Union européenne. Les bénéfices économiques de cette ouverture sont réels et indéniables, et doivent maintenant être mieux partagés. L’Europe ne doit pas se réduire à un espace financier froid ; elle doit être protectrice pour les plus faibles et combative contre ceux qui oublient que notre planète est en danger. C’est par l’harmonisation des normes que nous créerons une cohérence européenne et que la défiance des peuples s’atténuera. L’Europe doit être à la hauteur des enjeux de notre siècle. Protéger nos concitoyens, c’est construire une véritable Europe de la défense, mettant en commun ses atouts militaires et parlant d’une seule et même voix. Mais protéger les Européens, c’est aussi porter l’idée d’une gouvernance monétaire européenne forte et équilibrée.
    Réconcilier, cela passe aussi par un processus démocratique plus clair et plus lisible. Si l’Europe souffre, c’est que sa légitimité s’est effritée, faute de projets suscitant l’adhésion des peuples, mais aussi que la voix de ses défenseurs s’est faite plus faible quand les nationalismes se sont relevés.
    Enfin, réconcilier, c’est assumer nos différences. L’Europe est le fruit de compromis, de dialogues, d’hommes et de femmes qui ont su assumer leurs différences pour tracer un itinéraire commun. Il n’est pas et n’a jamais été question d’une Europe qui viendrait dissoudre les identités et les particularismes nationaux dans le grand bain d’une communauté homogène et aseptisée, mais bien de proposer un socle commun de principes dans lesquels nous nous reconnaissons. Ce socle, c’est la démocratie. Il nous faut affirmer sans détour que quiconque renonce aux valeurs démocratiques s’exclut de la communauté européenne.
    L’Europe est une part indissociable de notre identité : dans nos repas de famille, dans le monde professionnel ou à la terrasse d’un café, nous échangeons des mots en français, en espagnol, en portugais, en italien, en anglais ou en allemand. C’est alors que l’Union fait tomber les murs et crée de nouvelles passerelles. C’est alors que nous pouvons être fiers de nous rassembler et fiers de nous sentir Européens. Certes, ma génération n’a rien connu des drames et des conflits qui ont ravagé l’Europe au siècle dernier. Malgré tout, elle sait à quel point la paix est un équilibre fragile, et elle a conscience que le projet européen recule quand il n’est plus assumé par ses défenseurs.
    Ce projet européen, aussi imparfait soit-il, se doit d’être défendu, et nous n’accepterons pas de le voir reculer devant le repli nationaliste, qui, de tout temps, n’a engendré que le conflit. L’Europe doit nous rassembler, et celles et ceux qui, sur ces bancs, croient en cet idéal, doivent le porter avec la majorité et le Gouvernement. Une fenêtre d’optimisme s’ouvre, dans laquelle le projet européen peut reprendre corps. Mais ce projet ne survivra pas à une nouvelle décennie d’errements et de synthèses technocratiques.
    Les parlements nationaux abritent le cœur battant de la vie démocratique et seront aussi les acteurs de la refondation du projet européen. Nous avons pu constater, depuis plusieurs semaines, à quel point le volontarisme du Président de la République, du Gouvernement et de la majorité sur ces questions, a conduit certains, dans cet hémicycle, à porter un message qui confine maintenant à l’europhobie. L’ironie veut que les plus virulents des pourfendeurs de l’Union européenne siégeaient souvent il y a peu au Parlement européen, à Strasbourg.
    Nous sommes résolus à faire vivre l’unité européenne, madame la ministre, et à œuvrer avec le Gouvernement pour faire aboutir le projet que vous avez présenté. L’année 2018 sera celle de l’Europe. Cette dernière aura besoin de toutes les volontés, de droite comme de gauche, pour la défendre.
    L’Europe, quand elle n’avance plus, se meurt. Des années d’immobilisme ont réduit le projet européen à une question en suspens. Pourtant, l’Europe est une réponse. Une réponse aux déclinistes qui ont déjà baissé les bras, une réponse à l’urgence écologique, une réponse à ceux qui se sentent lésés par la mondialisation. L’Europe est une réponse car elle incarne une idée, celle d’un avenir en commun, qui nous dépasse tous. Alors soyons à la hauteur ! (Applaudissements sur les bancs du groupe REM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères.

    (À vingt heures, M. Hugues Renson remplace M. Sacha Houlié au fauteuil de la présidence.)

    Présidence de M. Hugues Renson
    vice-président

    Mme Marielle de Sarnez, présidente de la commission des affaires étrangères

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    Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires européennes – chère Sabine –, mes chers collègues, nous l’avons vu avec les nombreux intervenants qui ont parlé avec grande qualité à cette tribune, notre débat est marqué et orienté par le discours, à bien des égards historique, qui a été prononcé par le président de la République à la Sorbonne. Ce discours, pour beaucoup d’entre nous, a été un grand moment. Pas seulement parce que la vision de l’Europe qui s’exprimait là était en parfaite résonance avec celle que nous sommes nombreux à porter depuis bien longtemps, mais parce que l’élan, la clarté et la volonté qui s’y faisaient entendre signaient – enfin ! –, avec l’engagement personnel du président de la République, le retour de la France en Europe.
    Et de cela, beaucoup de Français, bien au-delà de cet hémicycle, doivent être fiers. S’il est une certitude en effet, c’est que rien de grand, rien de majeur, rien de positif ne peut se faire en Europe si la France ne le formule et l’entraîne. Quand il n’y a pas de projet français en Europe, il n’y a pas de projet européen du tout ! Il ne s’agit évidemment pas de décider tout seuls ou même avec nos amis et partenaires allemands. Mais c’est une évidence depuis la fondation de l’Union européenne, la France a une responsabilité particulière et une vocation : elle est, au sein des peuples européens, celle qui inspire, qui propose, qui dessine une vision et un horizon.
    Et jamais autant qu’aujourd’hui les peuples de l’Europe et l’Union qui les rassemble n’ont eu autant besoin de vision. La dimension des défis, nous la connaissons tous : ce sont des défis à dimension planétaire, qui attendent des réponses au bon périmètre, à la bonne hauteur. Être à la bonne hauteur, cela veut dire s’unir et se rassembler pour peser sur la réalité et agir ainsi sur l’équilibre du monde.
    Et c’est bien cela la question : voulons-nous peser dans le monde ou acceptons-nous que d’autres décident à notre place ? Si c’était le cas, si chacun de nos pays décidait qu’après tout il valait mieux faire cavalier seul, alors nous perdrions tous ensemble ! Et nous perdrions l’essentiel : les valeurs que nous portons, notre modèle de société et notre mode de vie, c’est tout cela, qui est unique au monde et infiniment précieux, qui s’effacerait.
    Voilà pourquoi il y a urgence ! Voilà pourquoi il faut changer les choses ! Voilà pourquoi il nous faut agir vite et ensemble !
    Agir ensemble pour affronter la compétition que porte en elle la mondialisation économique : il nous faut coordonner nos politiques industrielles, bâtir des champions européens, définir un calendrier volontariste d’harmonisation fiscale et sociale et nous doter des bons instruments de défense commerciale et d’une vraie et durable capacité d’investissement.
    Agir ensemble pour maîtriser le changement climatique, accélérer la transition énergétique et afficher notre volonté commune de sortir d’une économie carbonée. Agir ensemble pour notre sécurité en luttant mieux contre la menace terroriste, ce qui veut dire – cela a déjà été souligné – capacité de défense autonome, culture stratégique partagée, agence européenne du renseignement et parquet européen antiterroriste. Agir ensemble, enfin, pour construire un espace commun de l’asile et de l’immigration et, au-delà de la protection de nos frontières, initier une politique nouvelle avec l’Afrique et la Méditerranée.
    Tel est le projet que le Président de la République a dessiné à la Sorbonne à l’intention des Français et de nos concitoyens européens. Dans un moment où se multiplient, nous le voyons bien, les signes de division, pour la première fois depuis longtemps un chef d’État a présenté l’Europe non pas comme une contrainte mais comme une attente, une chance choisie : la seule chance en vérité.
    Mais à cette chance il y a une condition : c’est que nous imposions la voix des peuples dans la construction de leur union. Trop longtemps, la construction européenne a été affaire d’experts et d’initiés. Or l’Europe se brisera si elle ne sait pas faire place en son sein à la nécessité démocratique. C’est un enjeu démocratique majeur, le seul moyen de réconcilier les peuples avec l’idéal européen.
    Tel est, mes chers collègues, ce qui dicte la ligne que doit suivre notre Parlement : soutenir auprès du Président de la République et du Gouvernement l’élan refondateur de l’Europe, afin que notre peuple citoyen devienne un acteur, non pas un spectateur mais un acteur, de la refondation de l’Europe !(Applaudissements sur les bancs des groupes MODEM et REM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Sabine Thillaye, présidente de la commission des affaires européennes.

    Mme Sabine Thillaye, présidente de la commission des affaires européennes

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    Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si l’Europe est un vieux continent, l’Union européenne est une idée moderne. Même si beaucoup de choses ont été dites ce soir, j’aimerais rappeler qu’elle est un projet d’avenir sans équivalent dans l’histoire. C’est une œuvre juridique et humaine inédite et toujours en devenir. Je tiens ici à remercier le Gouvernement d’avoir pris l’initiative d’organiser ce débat, une semaine seulement après le début de la session ordinaire. C’est la preuve que les questions européennes sont consacrées au premier rang des priorités.
    Très souvent on souligne que l’Europe manque d’un récit permettant de fonder son avenir et qu’on ne saurait simplement se contenter d’évoquer la guerre. Je ne suis pas d’accord : nous avons un récit. L’Europe aujourd’hui, c’est 7 % de la population du monde, 25 % de sa richesse mais 50 % de ses dépenses sociales. Le social est une valeur fondamentale de l’Europe. Nous avons de quoi civiliser la mondialisation si nous voulons nous en donner la peine. Si nous acceptons d’ôter nos lunettes nationales – françaises, allemandes ou espagnoles – d’États membres et chausser des lunettes extérieures, que constatons-nous ? Que nous sommes enviés, alors que nous passons notre temps à critiquer l’Europe du matin au soir ; que des peuples à notre porte votent avec leurs pieds pour venir ici profiter de ce que nous sommes : des États de droit et des démocraties fondées sur des valeurs. Nous devrions nous le rappeler de temps à autre !
    En ce début du XXIsiècle, nous sommes face à une rupture majeure. La révolution numérique, qui ouvre une ère nouvelle, imposera un changement d’échelle qui peut déboucher sur une redistribution totale des cartes. Pour rester dans l’histoire, garder notre capacité d’influence et défendre notre modèle social et notre art de vivre, l’Europe est notre meilleure chance.
    Toutefois, pour réussir, elle doit s’appuyer sur deux éléments : des ambitions et une méthode. Les ambitions ont déjà été évoquées par les précédents orateurs : l’Europe de la défense, la sécurité, l’intelligence artificielle, la gouvernance de la zone euro – je n’y reviens pas. La commission des affaires européennes veut être une force de propositions sur tous ces sujets : elle s’en préoccupera.
    Le deuxième élément déterminant pour engager la refondation de l’Europe est la méthode. Pour réussir, l’ensemble des acteurs compétents – institutions, gouvernements, parlements nationaux, société civile – doivent s’engager dans une démarche collective. Je souhaite que la commission des affaires européennes porte cette dynamique. En plus de ses missions de contrôle, elle doit agir pour un dialogue interinstitutionnel modernisé.
    Il nous faut aussi dépasser le seul cadre de l’Assemblée nationale et multiplier les contacts avec les autres parlementaires européens. La France est attendue en Europe et sa voix compte. Mais, pour réussir, nous devons aussi nous ouvrir à d’autres points de vue. Loin de constituer des obstacles, cette interculturalité et cette diversité sont une chance pour l’Europe. Elles bousculent nos habitudes et nous invitent à penser autrement. Elles sont ainsi sources d’innovation. Je suis persuadée que l’Union européenne aura toujours une longueur d’avance grâce à ses différentes manières de penser. De langues différentes, fondements de la pensée, naissent des logiques différentes qui sont sources de richesse et d’innovation.
    À tous les niveaux – à Bruxelles, à Strasbourg, à Paris et dans l’ensemble des États membres – les questions européennes doivent faire l’objet d’un débat public. Les conventions démocratiques doivent également nous permettre d’engager un vrai travail de pédagogie sur les politiques existantes et le fonctionnement des institutions. Les parlements nationaux ont une responsabilité majeure. Le traité de Lisbonne leur donne une vraie légitimité pour agir. Saisissons-la ! C’est à nous, députés français, d’amplifier cette dynamique. Nous sommes le trait d’union entre l’échelon européen et les territoires.
    Monsieur le président, madame la ministre, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, mes chers collègues, nul ne peut dire avec certitude aujourd’hui ce que sera l’Europe au XXIsiècle, mais ce qui importe, c’est qu’elle est une œuvre politique en devenir. Tout reste à écrire.
    Je finirai sur une question fondamentale : oserons-nous devenir une vraie puissance ? Oserons-nous jouer vraiment la solidarité ? Oserons-nous dépasser nos égoïsmes nationaux ? (Applaudissements sur les bancs des groupes REM et MODEM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre chargée des affaires européennes.

    Mme Nathalie Loiseau, ministre chargée des affaires européennes

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    Monsieur le président, madame la présidente de la commission des affaires étrangères, madame la présidente de la commission des affaires européennes, mesdames et messieurs les députés, je tiens à vous remercier pour ce débat qui a permis une expression aussi libre que complète de notre vision de l’avenir de l’Union européenne. Je reviendrai sur plusieurs des sujets que vous avez soulevés, mais je crains de ne pouvoir tout traiter dans le temps qui m’est imparti. Je resterai bien évidemment à la disposition des membres de la représentation nationale pour approfondir le dialogue, comme je le fais depuis ma nomination en particulier, mais sans exclusive, avec la commission des affaires européennes, dont je salue ici l’engagement.
    Mesdames et messieurs les députés, plusieurs d’entre vous ont exprimé, sur l’Union européenne comme elle fonctionne ou comme les autorités françaises souhaiteraient qu’elle soit refondée, non seulement des encouragements mais aussi des critiques. Soyez remerciés des uns et des autres car certaines critiques sont, à l’évidence, légitimes.
    Oui, l’Union européenne est parfois trop bureaucratique et trop peu démocratique. Ces critiques doivent être entendues et prises en compte dans les efforts que nous déployons pour une refondation ambitieuse de l’Europe. En revanche, je voudrais réaffirmer ici avec force – et si je le pouvais de là où je parle, je regarderais évidemment le drapeau européen en le disant – : le Gouvernement a fait le choix de porter, à la suite du Président de la République, et comme le souhaite Jean-Louis Bourlanges, une véritable ambition pour l’Europe.
    Le Président de la République l’a clairement souligné à la Sorbonne : c’est en refondant l’Europe que nous retrouverons, en la partageant, notre pleine souveraineté. C’est à l’échelle de l’Europe que nous serons les mieux armés pour relever les défis des migrations, des mutations technologiques, du dérèglement climatique ou encore du terrorisme.
    Ne réinventons pas le passé : nous partageons notre souveraineté depuis le début du projet européen. Il n’y a pas, et c’est heureux, une seule politique publique nationale qui ne comporte aujourd’hui un minimum de concertation européenne. Assumons-le, faisons-le de façon plus efficace, plus ouverte et plus transparente : nous serons plus forts ensemble.
    Soyez assurés que nous le ferons également sans naïveté. Nous demandons à nos partenaires et à la Commission, madame la présidente de Sarnez, une réforme de la politique commerciale de l’Union, laquelle doit être plus transparente et plus équilibrée, et doit également mieux associer les parlements nationaux, comme vous l’appelez de vos vœux, madame Karamanli.
    Jean-Yves Le Drian vous a présenté les lignes de force du discours du Président de la République à la Sorbonne le 26 septembre. Une dynamique s’est mise en place : l’appel lancé par le Président de la République a eu un écho très important dans les opinions publiques comme auprès des membres du Conseil européen qu’il a rencontrés le 28 septembre.
    Nous devons faire vivre cette dynamique et en conserver l’ambition : rien ne serait pire que de nous contenter d’un catalogue de mesures qui risquerait de se réduire petit à petit. C’est pour cette raison qu’il était essentiel qu’à Tallinn les chefs d’État et de gouvernement s’accordent sur la nécessité de refonder l’Europe, ce qu’ils ont fait – madame Le Grip, j’espère vous rassurer sur ce point.
    Pour la même raison, nous devions démontrer qu’il s’agissait non d’une préoccupation française mais d’une cause européenne : le fait que le Président du Conseil européen Donald Tusk ait été mandaté pour présenter dans les prochains jours une feuille de route européenne, qui a vocation à porter notre vision, est fondamental et répond à ceux qui essayaient d’opposer notre approche à l’approche communautaire.
    Oui, nos objectifs sont ambitieux et oui, sans doute, tous ne pourront pas être atteints tout de suite à vingt-sept. Ceux qui veulent aller plus loin plus vite doivent pouvoir le faire sans en être empêchés. Mais les travaux que nous préparons sont ouverts à tous, monsieur Dumont, avec pour seul critère un niveau d’ambition partagé.
    Tous les États qui adhèrent à cette volonté pourront participer au « groupe de la refondation européenne », avec bien entendu les institutions européennes. D’ici à l’été 2018, ce groupe travaillera pour préciser et proposer les mesures qui traduiront concrètement cette ambition. Il devra notamment déterminer, pour chaque politique et sans tabou, compte tenu des avancées qu’un nombre significatif d’États envisage, s’il est possible d’avancer à vingt-sept, si un changement de traité est nécessaire, si, à traité constant, il peut être utilisé une coopération renforcée ou la coopération structurée permanente dans le domaine de la défense – que vous avez évoquée monsieur Anglade et madame Saint-Paul –, ou s’il faut envisager dans un premier temps des coopérations intergouvernementales.
    Tous ces instruments existent et ils ont tous été utilisés dans le passé, comme ce fut le cas pour Schengen ou encore pour le traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance. Nous voulons le faire dans un esprit résolument européen, en donnant envie à tous nos partenaires d’avancer avec nous.
    Parallèlement, nous devons aussi préserver le fondement de ce que nous partagerons toujours, à vingt-huit aujourd’hui, à vingt-sept demain. Je pense bien entendu non seulement au marché unique mais aussi à l’État de droit. J’espère que ces indications répondront aux remarques formulées par M. Mendes. Sur l’État de droit, à l’évidence, dans une Europe refondée, nous devrons disposer d’instruments plus efficaces pour assurer son respect au sein de l’Union européenne elle-même, en veillant à ce que la cohésion de notre Union soit une cohésion autant démocratique qu’économique ou budgétaire.
    S’agissant de l’État de droit, je n’oublie pas, bien entendu, l’importance du Conseil de l’Europe que vous avez mentionné à juste titre, madame Trisse, alors que la France présidera le comité des ministres de cette organisation en format « droits de l’homme » de novembre 2018 à mai 2019.
    Plusieurs orateurs se sont exprimés – comme vous, madame la présidente Thillaye – sur les conventions démocratiques. Je souhaite y revenir, car ces conventions joueront un rôle essentiel pour que la refondation de l’Europe, que nous appelons de nos vœux, puisse se réaliser.
    Soyons clairs : nous ne pourrions atteindre nos objectifs – certains ont relevé qu’ils étaient ambitieux, n’est-ce pas, monsieur Bourlanges ? – s’ils ne suscitaient que l’indifférence des Européens et d’abord, en ce qui nous concerne, des Français. Il serait absurde de vouloir refonder l’Europe sans eux ou en se contentant de leur demander d’exprimer un avis simpliste, résumé par un « oui » ou par un « non », à l’issue d’un long processus de négociation. Au contraire, nous voulons donner la parole aux Français et, au-delà, aux Européens, les écouter et leur donner l’occasion de dire sur quels sujets l’Europe répond à leurs attentes, les déçoit, dans quels domaines elle manque d’ambition et ce qu’ils voudraient qu’elle puisse faire pour eux. J’espère répondre ainsi à l’intervention de Mme Gomez-Bassac.
    Jean-Yves Le Drian vous a présenté les grandes lignes du dispositif : des débats publics, à Paris et dans les territoires, physiquement comme en ligne, dans les institutions mais aussi dans les universités, les lieux de culture, les entreprises, les associations, avec tous ceux qui voudront s’exprimer, des fervents partisans de l’Europe aux eurosceptiques affirmés – nous en avons entendu quelques-uns, certes minoritaires, dans le débat d’aujourd’hui –, car l’Europe nous concerne tous. Nous envisageons que les conventions démocratiques se tiennent au cours du premier semestre 2018, avec les pays qui le souhaiteront, en trouvant le bon équilibre entre une démarche de principe commune et une dose nécessaire de flexibilité pour chaque État membre.
    Je voudrais maintenant répondre brièvement à quelques-unes des interventions qui ont concerné des sujets plus sectoriels.
    Madame Grandjean, vous avez souligné l’importance d’une régulation plus exigeante du régime des travailleurs détachés. J’abonde dans votre sens. Vous savez que le Gouvernement est pleinement engagé en faveur d’une révision de la directive sur les travailleurs détachés et des aspects pertinents des règlements sur la Sécurité sociale. Il ne fait aucun doute, monsieur Mélenchon, monsieur Chassaigne, que nous sommes déterminés à lutter contre le dumping social au sein de l’Union européenne.

    M. Alexis Corbière

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    Nous voilà rassurés !

    Mme Nathalie Loiseau, ministre

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    S’agissant du numérique, vous avez évoqué, monsieur Freschi, les ambitions de la présidence estonienne. Nous sommes tout à fait favorables au marché unique du numérique, mais aussi très attentifs à la mise en place d’une régulation européenne pertinente de la nouvelle économie, que ce soit en matière de droits d’auteur, de cybersécurité, de libre circulation des données, de fiscalisation des grands acteurs de l’internet ou de retrait automatique des contenus appelant à la commission d’actes terroristes, par exemple.
    En ce qui concerne la transition énergétique, monsieur Michels, nous mesurons pleinement la contribution de l’Europe au succès de la COP21 et à sa mise en œuvre. Nous prenons donc une part active aux négociations européennes qui déclinent les trois objectifs pour 2030 : au moins 40 % de réduction des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, au moins 27 % d’énergies renouvelables dans le mix énergétique européen, au moins 30 % d’efficacité énergétique.
    S’agissant de Schengen, je voudrais répondre à votre préoccupation, madame Bono-Vandorme, en précisant que la France renouvellera les contrôles à ses frontières du 1er novembre 2017 au 30 avril 2018, comme le code frontières Schengen l’y autorise, au vu de la persistance de la menace pour la sécurité intérieure.
    Permettez-moi de dire quelques mots sur l’harmonisation du droit des affaires. Vous avez relevé, madame Hennion, que le Président de la République appelle de ses vœux ce processus : il a proposé d’amorcer une première démarche franco-allemande d’harmonisation du droit des faillites.
    Monsieur Becht, vous avez questionné la dimension européenne de la lutte contre le terrorisme. Elle doit être renforcée en mettant en œuvre l’ensemble des dispositions déjà adoptées, mais aussi en poursuivant l’approfondissement de la coopération européenne. Nous veillerons, par exemple, à l’effectivité de l’échange d’informations sur les passagers des vols intra-européens et des charters. Nous sommes également favorables à l’élargissement du mandat du parquet européen aux faits de terrorisme et à la création d’une académie européenne du renseignement.
    Mesdames et messieurs les députés, nous avons abordé au cours de cette séance un nombre considérable de questions. Cette diversité peut rendre le domaine européen parfois touffu, mais c’est aussi ce qui rend la discussion indispensable. Le Gouvernement sait qu’il peut compter sur l’Assemblée nationale et sur les députés pour donner corps à ce débat au quotidien.
    Je tiens à vous remercier pour le grand honneur que vous m’avez fait en me donnant l’opportunité de m’adresser à vous cet après-midi et à vous dire toute la fierté que je ressens, en tant que ministre et européenne convaincue, à ce que la France porte à nouveau le débat sur l’Europe et soit à nouveau au cœur du débat européen. Notre place n’est nulle part ailleurs. (Applaudissements sur les bancs des groupes REM, MODEM et LC.)

    M. le président

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    Le débat est clos.

    4. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
    Discussion de la proposition de résolution tendant à modifier le Règlement de l’Assemblée nationale.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures vingt.)

    La Directrice du service du compte rendu de la séance
    de l’Assemblée nationale
    Catherine Joly