XVe législature
Session ordinaire de 2018-2019

Première séance du mercredi 30 janvier 2019

Sommaire détaillé
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Première séance du mercredi 30 janvier 2019

Présidence de M. Richard Ferrand

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Questions au Gouvernement

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Grand débat national en outre-mer

    M. le président

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    La parole est à Mme Justine Benin.

    Mme Justine Benin

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    Madame la ministre des outre-mer, les territoires des outre-mer ont connu des mobilisations sociales d’envergure – en Guadeloupe et en Martinique en 2009, en Guyane en 2017, à Mayotte et à La Réunion en 2018 – dont le trait commun était la protestation contre la faiblesse du pouvoir d’achat, la vie très chère et l’absence de prise en compte de nos spécificités et de nos identités.
    Ici, des députés illustres – Aimé Césaire, Paul Vergès, Rosan Girard, Gerty Archimède, Jean-Paul Virapoullé ou encore Justin Catayée – ne ménagèrent pas leurs efforts pour faire prendre conscience de ces réalités.
    Assises des outre-mer, hier, états généraux des outre-mer, avant-hier : qu’en est-il sorti ? Qu’est ce qui a changé dans le quotidien de nos populations ?

    M. Éric Straumann

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    Rien !

    Mme Justine Benin

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    Nous sommes de nouveau appelés à débattre. Nous n’avons jamais refusé le débat. Mais sachons tirer les leçons du passé !
    Madame la ministre, posons comme postulat l’éternel conflit entre l’appartenance à la République et la reconnaissance de nos identités, ce qui déterminera, j’en suis sûre, la légitimité de la démarche et de l’adhésion.
    Nous ne pouvons plus reculer sur les questions liées à l’embauche locale, à l’exode de notre jeunesse ou à la crise démographique. Nous devons aussi avoir des réponses concrètes aux questions de la couverture sanitaire, de l’emploi, de la sécurité et surtout de l’adaptation de la gouvernance de nos territoires, afin de relever ces nombreux défis.
    Alors, madame la ministre, pouvez-vous nous garantir que cela ne sera pas un débat de plus, un débat de trop ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et sur quelques bancs des groupes LaREM et LR. – M. Gabriel Serville applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre des outre-mer.

    Mme Annick Girardin, ministre des outre-mer

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    Madame Benin, en premier lieu, j’aimerais lever toute ambiguïté : il n’y a pas d’opposition entre l’identité des territoires et la République ; la différenciation voulue par le président de la République est bien une reconnaissance de toutes ces spécificités des territoires d’outre-mer.
    Notre responsabilité à tous est d’être attentifs aux demandes de nos concitoyens, qui veulent plus de débat, échanger davantage avec nous tous. Je peux en témoigner à la lumière des assises des outre-mer, auxquelles 25 000 ultramarins ont participé.
    Ma méthode – vous la connaissez – tient en trois mots : écoute, décision, transparence. Pour vous démontrer, si besoin, que les assises des outre-mer nous ont fait avancer, je rappellerai qu’elles ont conduit à des réformes ambitieuses, notamment dans le domaine économique, pour créer de l’emploi dans les territoires d’outre-mer et les rendre plus attractifs.
    Ainsi, 700 millions d’euros ont été réservés à la formation dans les territoires d’outre-mer. Une centaine de postes de médecins supplémentaires ont été créés, ainsi que 6 500 places de crèche. Un fonds spécifique de lutte contre les addictions a été instauré. En outre, vous le savez, les DOM, départements d’outre-mer, bénéficieront d’un plan de 70 millions d’euros supplémentaires par an – les Guadeloupéens, qui en ont énormément besoin, le savent.
    Les assises, ce sont aussi des ambitions fortes en matière de biodiversité, de réduction de la consommation de gaz à effet de serre, de démographie – vous en avez parlé. Bref, c’est un engagement de l’ensemble de ce gouvernement en faveur des territoires d’outre-mer.
    Je crois sincèrement au débat. Celui-ci est inédit. D’ailleurs, les Français ne s’y trompent pas : 1,1 million d’entre eux ont visité le site ; 500 000 contributions ont été déposées ; près de 2 700 réunions ont été organisées – vous en organisez vous-même, madame la députée, ce dont je vous remercie. Il faut que nous soyons tous sur le terrain, notamment le 1er février, pour la rencontre exceptionnelle entre le président de la République et l’ensemble des élus locaux des territoires d’outre-mer. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes MODEM et LaREM.)

    Politique industrielle

    M. le président

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    La parole est à M. Bastien Lachaud.

    M. Bastien Lachaud

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    Il n’y a pas longtemps, la France était encore une grande nation industrielle. Elle pouvait décider de son avenir. Mais les ingénieurs ont été remplacés par les financiers. Résultat : spéculation et dividendes pour les actionnaires, délocalisations et chômage pour les ouvriers. La moitié des emplois industriels a disparu en trente ans, et les savoir-faire avec.
    Sous la présidence de François Hollande, Emmanuel Macron a abandonné les ouvriers d’Arcelor ; il a vendu l’aéroport de Toulouse à un escroc qui est parti avec la caisse (Applaudissement sur les bancs du groupe FI) ; il a confié les centrales nucléaires aux Américains ; et maintenant General Electric annonce la suppression de 500 postes alors qu’il devait en créer 1 000 en achetant Alstom. Que des échecs !

    M. Fabien Di Filippo

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    Rends l’argent, Macron !

    M. Bastien Lachaud

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    Bien sûr, il n’y a que vos amis banquiers pour décider de la politique industrielle. On ne demande jamais leur avis aux femmes et aux hommes qui savent faire tourner les usines. D’ailleurs, Carlos Ghosn est enfin en prison et les usines tournent encore. (Mêmes mouvements.)Mais vous ne savez toujours pas quoi dire sur l’avenir de l’automobile en France !
    Aujourd’hui, les salariés d’Arjowiggins vont perdre leur boulot, et le Gouvernement perd du temps. À chaque question, c’est toujours la même réponse : la privatisation ! Aéroports de Paris, La Française des jeux, la SNCF, Gaz de France, etc. Bientôt, Airbus et Areva vont se faire racketter par les États-Uniens. Ces derniers l’ont déjà fait pour Alstom, Technip, Total, la Société générale, Alcatel. Et vous, vous ne bougez pas : soumission aux États-Unis !
    Messieurs les ministres, aura-t-on un jour une politique industrielle sérieuse dans ce pays ? Vous n’avez pas d’idées ? Je vous en donne : organisez les filières ; financez la recherche et développement (Mêmes mouvements) ; donnez la priorité à l’écologie ; dites à Bruxelles que l’État subventionnera à nouveau ses propres industries ; mettez au pas les actionnaires et conditionnez les droits de vote à l’investissement à long terme ; interdisez les licenciements boursiers et plafonnez les salaires des dirigeants ; arrêtez d’être naïfs avec nos prétendus alliés et bloquez les prises de contrôle étrangères ; protégez le marché intérieur et faites en sorte qu’à nouveau, la France passe commande à la France. Mais bougez-vous ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

    Mme Caroline Fiat

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics.

    M. Olivier Dussopt, secrétaire d’État auprès du ministre de l’action et des comptes publics

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    Monsieur Lachaud, votre question sonnait comme une profession de foi. Il y avait plusieurs propositions : certaines peuvent paraître de bon sens, d’autres ne le sont pas et nous ne les approuvons pas. Mais peut-être pouvons-nous nous retrouver sur certains points.  
    Ce gouvernement est pour l’industrie. Il est pour l’Europe, et considère que l’Europe est l’espace approprié pour le développement de l’industrie et la protection des activités sur notre territoire. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
    Depuis vingt mois, nous menons une politique qui vise, dans le prolongement de mesures antérieures, à accroître la compétitivité des entreprises. C’est la raison d’être du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, voté en 2014, que nous transformons en allégement de charges afin de rendre nos entreprises manufacturières plus solides sur la scène européenne et face à leurs concurrents internationaux.
    Nous développons, sous l’égide de Muriel Pénicaud, une politique de formation pour permettre à l’ensemble des Françaises et des Français d’accéder à l’emploi et pour améliorer la qualité de notre tissu productif.
    Nous instaurons des filières, comme vous le proposez – peut-être ne le saviez-vous pas. Nous accompagnons les territoires d’industrie qui ont été identifiés par le ministère de l’économie et des finances. Nous allons y travailler avec les collectivités locales, les salariés et les organisations pour mettre en avant les atouts qui les caractérisent.
    Cela ne nous empêche pas d’avoir les yeux ouverts sur les difficultés. Vous avez cité l’entreprise Arjowiggins : une vingtaine de salariés sont localisés dans ma circonscription, et une autre vingtaine dans la circonscription voisine. Le ministère de l’économie et des finances est mobilisé pour accompagner ce groupe qui connaît des difficultés majeures, dont l’endettement, pour le redresser et trouver des repreneurs. Bruno Le Maire comme Agnès Pannier-Runacher y travaillent d’arrache-pied.
    Je vous le dis très sincèrement, monsieur le député, ce que votre question nous enjoint de manière sous-entendue, à savoir protéger l’industrie, les territoires et les emplois, nous ne vous avons pas attendus pour le faire. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    Assurance chômage

    M. le président

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    La parole est à Mme Fiona Lazaar.

    Mme Fiona Lazaar

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    Monsieur le Premier ministre, le chômage baisse. C’est une bonne nouvelle, même si la baisse doit être confirmée dans la durée et qu’il faut aller encore plus loin. C’est d’autant plus essentiel que dans le même temps, les difficultés de recrutement sont toujours fortes. Nombre d’emplois pourraient être pourvus, contribuant ainsi à faire baisser encore plus le chômage, si l’on répondait mieux à ces difficultés de recrutement.
    Nous y répondons en faisant un effort massif et sans précédent – 15 milliards d’euros sur le quinquennat – en faveur de la formation des demandeurs d’emploi par le biais du plan d’investissement dans les compétences. Mais il faut aussi adapter les règles d’indemnisation et d’accompagnement des chômeurs.
    De nombreux emplois pourraient être pourvus en CDI ou en CDD plus longs, si tous les acteurs – entreprises, actifs, branches – étaient davantage incités à le faire. La réforme de l’assurance chômage est donc essentielle pour lutter contre la précarité et faire baisser encore plus le chômage. C’est la raison pour laquelle nous avons voté dans la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel le principe d’une remise à plat des règles au travers d’une négociation entre les partenaires sociaux. Nous avons aussi voté l’ouverture du régime d’assurance chômage aux démissionnaires et aux travailleurs indépendants. Ce sera une réalité cette année et c’est un progrès social dont nous pouvons être fiers.
    Les partenaires sociaux ont été saisis pour négocier la réforme de l’assurance chômage. Mais pour l’heure, la négociation est suspendue, à la demande des organisations patronales. Par conséquent, soit le Gouvernement reprend la main et procède très vite à cette réforme essentielle, soit la négociation reprend. Mais on ne peut pas rester sans agir.
    Monsieur le Premier ministre, le Gouvernement va-t-il constater la fin de la négociation et mettre en œuvre la réforme de l’assurance chômage, ou souhaite-t-il laisser les partenaires sociaux la mener, et dès lors à quelles conditions ? Dans les deux cas, il faut faire vite car les enjeux l’imposent. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Édouard Philippe, Premier ministre

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    Vous m’interrogez, madame Lazaar, sur la négociation engagée entre les organisations patronales et syndicales sur le régime d’assurance chômage.
    C’est une question importante, car l’indemnisation du chômage est un sujet central pour tous nos concitoyens qui, ayant travaillé, se retrouvent, pendant une période donnée, sans activité et doivent pouvoir subvenir à leurs besoins.
    Elle est importante car le contexte dans lequel s’inscrit la discussion est particulier. Vous avez eu raison de dire, madame la députée, que le chômage baisse. Chacun souhaiterait ici qu’il puisse baisser encore plus vite, encore plus fort, mais, en effet, le chômage baisse, et ce de façon continue depuis plusieurs trimestres désormais.
    Autre élément de contexte que chacun doit avoir à l’esprit : notre régime d’assurance chômage n’est pas équilibré. Il a accumulé plus de 30 milliards d’euros de dette alors même que la croissance est là…  

    M. Pierre Cordier

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    1,5 % !

    M. Édouard Philippe, Premier ministre

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    …et que le chômage baisse. Nous devons veiller à réduire cette dette accumulée.
    Il faut aussi dire, et je sais que cela suscite parfois des réactions, que dans le système tel qu’il existe aujourd’hui, plusieurs éléments ne semblent plus cohérents ou justifiés. Par exemple, les règles actuelles – je ne mets pas en cause ceux qui en bénéficient, seulement les règles – permettent à certaines personnes, alors qu’elles sont au chômage avec une partie d’activité, de percevoir une rémunération supérieure à celle qu’elles percevraient si elles étaient juste en activité. Ces cas posent des questions et les partenaires sociaux doivent y apporter des réponses.
    C’est exactement la raison pour laquelle, en septembre, nous avons adressé aux partenaires sociaux – organisations patronales et organisations représentatives des salariés – une lettre de cadrage les invitant à réfléchir ensemble à un système permettant de défavoriser le recours à la précarité. Les chiffres sont intéressants : en quinze ans, le taux de recours aux contrats courts a été multiplié par trois.

    M. Sébastien Jumel

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    85 % des embauches !

    M. Édouard Philippe, Premier ministre

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    Dans huit cas sur dix – c’est énorme ! – c’est le même salarié qui bénéficie du CDD suivant. Cela veut dire que, dans nos règles actuelles, d’une certaine façon, la précarité est encouragée.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Eh oui !

    M. Sébastien Jumel

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    La loi travail a aggravé cela !

    M. Édouard Philippe, Premier ministre

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    Elle est devenue un élément d’équilibre des règles qui ont été définies depuis quinze ans. L’objectif est de corriger cela.  
    Cette lettre de cadrage fixe les objectifs. Elle ne donne pas d’éléments budgétaires, elle établit un cadre et précise les sujets sur lesquels le Gouvernement attend des améliorations : désinciter à la précarité, encourager au retour à l’activité, ne pas permettre de tirer plus d’avantages, même momentanés, de l’inactivité que de l’activité.
    C’est une mission très difficile que nous avons assignée aux organisations syndicales et patronales. Mais j’ai confiance en elles. C’est à elles qu’il revient de définir des instruments et des moyens pour assurer l’équilibre de notre système d’indemnisation du chômage, pour payer la dette accumulée, pour encourager le retour à l’emploi, et, en tout état de cause, pour favoriser la pérennité des contrats, pour désinciter à la précarité des contrats.
    La lettre de cadrage reste valable, madame Lazaar. Elle fixe l’ensemble des éléments sur lesquels nous souhaitons que les partenaires sociaux puissent aboutir à un accord. Je leur fais confiance. Nous vivons un moment où nombre d’organisations syndicales et patronales aspirent à montrer le rôle essentiel qu’elles jouent dans notre vie sociale. C’est à elle de relever ce défi. Je leur fais confiance. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et plusieurs bancs du groupe MODEM.)

    M. Maxime Minot et M. Fabien Di Filippo

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    Cinq minutes trente pour dire ça !

    Attentes des Français

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Charles Taugourdeau.

    M. Jean-Charles Taugourdeau

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    Monsieur le Premier ministre, il y a bientôt trois ans, Emmanuel Macron a semé les graines d’une variété formidable dénommée « espérance », qui a poussé jusqu’à le conduire à l’Élysée et, en même temps, vous conduire à Matignon. Toutefois, vous n’avez su, ni l’un ni l’autre, cultiver et entretenir cette espérance, qui a grandi très vite, trop vite.

    M. Frédéric Reiss

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    Elle est flétrie !

    M. Jean-Charles Taugourdeau

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    Forts de vos certitudes, vous n’avez pas vu qu’après s’être brièvement épanouie, elle a produit les graines d’une redoutable variété dénommée « colère ». Quel gâchis ! Quel gâchis ! (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. Fabien Di Filippo

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    C’était prévisible !

    M. Erwan Balanant

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    La colère a poussé sur le terreau de vos politiques passées !

    M. Jean-Charles Taugourdeau

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    Vous n’avez voulu ni voir ni entendre cette colère, soutenu par les applaudissements incessants de votre majorité debout, enthousiaste et, en même temps, si méprisante envers l’opposition. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR, sur quelques bancs du groupe SOC et parmi les députés non inscrits.)

    Un député du groupe LaREM

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    Jaloux !

    M. Jean-Charles Taugourdeau

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    Ah ! Si vous aviez accepté de coconstruire les textes avec tous les députés, comme promis aux Français, qui n’en peuvent plus de votre « en même temps », qui signifie en fait « tout et son contraire » !

    M. Éric Straumann

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    Les marcheurs sont trop intelligents ! C’est leur grand défaut !

    M. Jean-Charles Taugourdeau

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    Voici trois exemples pour que l’on comprenne mieux.
    Vous déclarez assurer la sécurité des citoyens dans la rue avec un texte du Sénat, vidé de son contenu, et, en même temps, vous annoncez le retour de 130 terroristes, qui seront incarcérés alors que vous n’assurez toujours pas la sécurité des surveillants dans les prisons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)
    Vous déclarez avoir libéré les entrepreneurs par les accords d’entreprise et, en même temps, vous les sanctionnez par un bonus-malus sur l’usage des CDD, imposés par l’instabilité de votre propre créativité juridique.
    Vous déclarez réformer la justice, alors que vous l’éloignez du citoyen et, en même temps, la rapprochez de l’exécutif. Où sera son indépendance ? (M. Thibault Bazin applaudit.)
    Monsieur le Premier ministre, puisque vous êtes le chef du Gouvernement, ma question s’adresse à vous : quand allez-vous, méthodiquement, marche par marche, améliorer concrètement le quotidien des Français ? Les Français souffrent ; ils attendent des décisions claires et des actes concrets. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.)

    M. Éric Straumann

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    Le problème, c’est qu’on descend les marches !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

    M. Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement

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    Monsieur Taugourdeau, je vous remercie de votre question, qui me donnera peut-être l’occasion de donner un éclairage à propos de notre méthode, en faisant le lien avec le grand débat national que nous avons lancé.
    Nous partageons le sentiment que des débats et des controverses sont nécessaires à l’Assemblée nationale. Nous partageons aussi le sentiment que nous pouvons trouver des points d’accord sur un certain nombre de sujets. Vous avez d’ailleurs parfois agi en ce sens – je pense notamment à vos collègues du Sénat lors de la réforme de la SNCF. Nous aurions aimé trouver plus souvent des points de convergence sur bien d’autres sujets. Néanmoins, assumons nos éventuelles divergences.
    Vous avez su évoluer – je vous en donne crédit – sur un certain nombre de textes. Toutefois, si vous voulez que notre pays avance et que nous menions les réformes nécessaires,…

    M. Christian Hutin

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    Demain, nous allons examiner cinq propositions de loi !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    …il faut que personne ne se cantonne dans son camp.

    Mme Amélie de Montchalin

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    Très bien !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    La majorité est prête à travailler avec ceux qui veulent vraiment réformer le pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Maxime Minot

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    C’est du pipeau !

    M. le président

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    Un peu de calme, mes chers collègues !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    L’espérance portée en 2017, que vous avez décrite avec justesse, répondait aussi à la désespérance nourrie pendant des années, quand on voyait les camps s’affronter, les uns contre les autres. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) Nous sommes prêts à franchir le pas, nous le faisons régulièrement (« Non ! » sur les bancs du groupe LR), et c’est aussi l’objet du grand débat national. Je vous donne donc rendez-vous dans quelques mois. Chacun sera placé devant ses responsabilités. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM. – Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    Prélèvement à la source

    M. le président

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    La parole est à Mme Cendra Motin.

    Mme Cendra Motin

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    Monsieur le ministre de l’action et des comptes publics, le prélèvement à la source a suscité des angoisses et des craintes, souvent attisées par des opposants qui voulaient faire de cette grande réforme un épouvantail et agitaient le spectre d’un bug aux conséquences cataclysmiques.

    Mme Émilie Bonnivard

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    Ne parlez pas trop vite ! Nous verrons en juillet !

    Mme Cendra Motin

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    Par contraste avec cette agitation, c’est dans le calme, la maîtrise, je dirais presque la sérénité, que les premiers prélèvements à la source ont été effectués. Par contraste avec cette vision alarmiste, c’est avec rigueur et sang-froid que les agents des finances publiques, mais aussi tous les professionnels de la paie – experts-comptables, caisses de retraite, entreprises –, ont contribué au succès d’une réforme trop longtemps repoussée. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Éric Straumann

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    Ils s’arrachent les cheveux !

    Mme Cendra Motin

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    Malgré un climat social et politique très tendu, les Français ont saisi l’occasion pour adapter leur impôt à leur situation. Au total, à ce jour, plus de 600 000 foyers ont demandé une adaptation de leur taux de prélèvement.
    Ce succès est aussi dû à la mise en place d’un suivi attentif, précis et complet par le Gouvernement et l’Assemblée nationale,…

    M. Patrick Hetzel

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    C’est de l’aveuglement !

    Mme Cendra Motin

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    …construit en prenant le temps, celui de vérifier, celui d’écouter, celui d’adapter.
    Aussi, monsieur le ministre, permettez-moi de vous féliciter, vous et tous les agents qui ont ainsi participé à améliorer la vie des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR.) Votre vigilance, leur compétence et leur application nous honorent et démontrent une fois de plus, s’il le fallait, la qualité de nos services publics.

    Mme Émilie Bonnivard

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    C’est de la bouffonnerie !

    Mme Cendra Motin

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    Si le prélèvement à la source est désormais effectif pour une très grande majorité de contribuables, l’ensemble des acteurs doivent et souhaitent rester mobilisés, afin d’assurer une application toujours plus fiable et efficace d’un dispositif qu’il conviendra d’améliorer, c’est une évidence.

    M. Pierre Cordier

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    Ce sont les entreprises qui paient !

    Mme Cendra Motin

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    Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous dresser un premier bilan de l’application du prélèvement à la source pendant ce mois de janvier 2019 et des différents travaux que conduit encore votre ministère à ce sujet, au service des Français ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’action et des comptes publics.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’action et des comptes publics

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    Vous avez raison, madame Motin : tout au long du mois de janvier – qui prendra fin dans quelques heures –, le Gouvernement a mis en place le prélèvement de l’impôt à la source, sous l’œil vigilant du Parlement, singulièrement de vous-même, et je vous remercie de votre travail sur ce dossier.

    M. Patrick Hetzel

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    En gros, merci d’avoir posé la question que je vous ai envoyée !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Celui-ci change radicalement la façon dont les Français paient l’impôt, même s’il ne modifie évidemment pas le montant de l’imposition.
    Depuis que le Parlement de la République a décidé de créer l’impôt sur le revenu, en 1920, les Français payaient celui-ci un an après avoir touché leurs revenus. Or beaucoup de nos compatriotes – quelque 7 millions d’entre eux par an au cours des dernières années – connaissent des changements très importants de leurs revenus, parce qu’ils partent en retraite, parce que leur conjoint décède, parce qu’ils se marient ou divorcent, parce que leurs enfants quittent le foyer familial, parce qu’ils enchaînent les CDD ou les contrats d’intérim, parce qu’ils sont saisonniers agricoles.

    Mme Frédérique Meunier

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    On le sait !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Bref, ils connaissent de nombreux changements de situation, et payer son impôt sur le revenu un an après avoir touché ses revenus pose de nombreux problèmes de trésorerie, parfois de crédit à la consommation, parfois de surendettement.
    L’impôt à la source est une mesure courageuse. Sept gouvernements ont essayé de l’instaurer mais chacun a reculé devant l’obstacle. (« Eh oui ! » et applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
    C’est parce que le Président de la République et le Premier ministre ont fait confiance aux agents des finances publiques…

    M. Éric Straumann

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    Pour les travailleurs frontaliers, cela ne marche pas ! Ils sont soumis à un double prélèvement !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …que nous avons pu mettre en place cette grande réforme de simplification pour les contribuables. (Exclamations sur les bancs des groupes LR et GDR.)
    Et je dis à l’adresse de l’opposition qu’il faut parfois savoir se réjouir quand les choses fonctionnent bien dans notre pays. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    C’est une belle réforme, que nous devons avant tout, madame la députée, aux fonctionnaires qui l’ont conçue, à ceux qui l’appliquent, à ceux qui répondent au téléphone ou aux messages électroniques.

    M. Sébastien Jumel

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    Et à ceux que vous avez licenciés ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Nous avons su répondre aux interrogations des Français.

    M. Éric Straumann

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    Et les frontaliers ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    C’est une belle réforme, qui marquera, je l’espère, leur histoire et leur vie administratives. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    Retour de djihadistes en France

    M. le président

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    La parole est à M. Meyer Habib.

    M. Meyer Habib

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    Monsieur le ministre de l’intérieur, 130 djihadistes seront rapatriés dans les semaines à venir. Vous parliez hier de combattants. Les mots ont un sens : il s’agit de terroristes aguerris, coupables ou complices des crimes les plus barbares. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.)
    Vous avez ajouté : « D’abord ce sont des Français. » Non. Ces djihadistes ont trahi la France, rêvé d’un califat, projeté d’assassiner des Français, outragé nos valeurs. Ce sont les mêmes qui ont massacré à Charlie, à l’Hypercasher, au Bataclan, et qui ont abattu le colonel Beltrame, (Mêmes mouvements), les mêmes qui commettent un génocide contre les yézidis et persécutent les chrétiens d’Orient. Ils sont exclus à jamais de la communauté nationale.
    Vous dites qu’ils seront judiciarisés. C’est bien la moindre des choses. Ils viendront s’ajouter aux milliers de détenus radicalisés, dont 500 vont être libérés en 2019, parmi lesquels 50 terroristes. Je les ai longuement vus à Fresnes : croyez-moi, beaucoup sont des bombes à retardement. Quand la vie des Français est en jeu, le principe de précaution s’impose. Nous allons faire rentrer des loups dans la bergerie.
    Imaginez, monsieur le ministre, qu’un seul passe à l’acte. Un seul ! Nous serions, vous seriez directement responsable. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.)
    Il y a eu 260 morts depuis 2015. Notre objectif doit être de zéro victime. Le doute ne doit pas profiter aux djihadistes, qui exploitent les failles de notre droit. Je plaide une fois encore pour la déchéance de nationalité, a minima pour les binationaux.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    La France est un État de droit !

    M. Meyer Habib

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    Au moins, comme le suggérait hier Valérie Boyer, appliquons le livre IV du code pénal condamnant l’intelligence avec l’ennemi. Je sais la complexité juridique du dossier : s’il le faut, légiférons !
    À l’heure du grand débat national, interrogez les Français : ils ne veulent pas du retour de ces djihadistes. Alors que nous n’arrivons même pas à suivre les fichés S, comment pouvez-vous certifier qu’ils ne passeront pas à l’acte (M. Marc Le Fur applaudit), sans parler du coût exorbitant que représentent procès, détention, suivi, réinsertion ? N’a-t-on pas d’autres priorités ?

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    M. Meyer Habib

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    Monsieur le ministre, parce que je vous sais attaché à la sécurité des Français, je vous demande solennellement de renoncer à leur rapatriement. (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-Agir, LT et LR, ainsi que parmi les députés non inscrits.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Monsieur le député, le Gouvernement n’a qu’un seul impératif : la sécurité des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.) C’est cet impératif qui nous a amenés, qui nous amène à combattre militairement Daesh, et c’est ce même impératif qui nous amène à combattre les combattants de Daesch, quelle que soit leur nationalité. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.) Quand il s’agit de combattants français, ils sont français, mais ils combattent la France, donc ce sont nos ennemis. Il faut dire les choses clairement. (Mêmes mouvements.)

    M. Thierry Benoit

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    Très bien !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Quand on va à Mossoul au printemps 2015 ou en 2016, vous le savez bien, monsieur le député, ce n’est pas pour y faire du tourisme. En l’occurrence, la position du gouvernement français a toujours été que ceux qui ont commis des crimes doivent les expier là où ils les ont commis.

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    C’est ce qui se passe en Irak, puisque des Français ont été jugés et condamnés dans ce pays. Mais, en Syrie, la situation est plus compliquée, d’abord parce que le Nord-Est syrien est une partie du territoire qui est toujours en guerre, ensuite parce que l’annonce du retrait américain risque d’entraîner la dispersion de ces terroristes. C’est là le danger : la dispersion, qui serait bien pire.

    M. Édouard Philippe, Premier ministre

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    Eh oui !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Nous nous préparons donc, comme l’a dit hier le ministre de l’intérieur, parce que c’est notre devoir, à toutes les éventualités dans le Nord-Est, y compris à une expulsion, parce que notre responsabilité est de prévoir tous les risques pour la sécurité des Français.
    En l’occurrence, monsieur le député, vos chiffres ne sont pas exacts, mais largement surestimés en ce qui concerne le nombre de terroristes français dans la zone. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)
    Pour les enfants, je le dis ici aussi, il existe un traitement spécial, étudié au cas par cas, en relation avec la Croix-rouge internationale et sous le contrôle des autorités judiciaires françaises. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)

    Démocratie participative

    M. le président

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    La parole est à M. Bertrand Pancher.

    M. Bertrand Pancher

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    Monsieur le Premier ministre, la grande crise que nous connaissons actuellement, révélée par le mouvement des gilets jaunes, est aussi et surtout la résultante d’une véritable défiance démocratique.
    Vous avez fait le choix d’engager un grand débat national. Nous avons soutenu cette initiative que j’avais d’ailleurs appelée de mes vœux. Cet exercice attendu par nos concitoyens se traduit pour le moment par beaucoup de participation, une vaste remontée d’attentes et de revendications. Il suscite beaucoup d’espoirs.
    Ce débat qui n’est pour le moment qu’une grande consultation va-t-il aboutir à un exercice de démocratie participative ? En d’autres termes, va-t-il permettre d’identifier les points de consensus et de dissensus entre tous, et de les transformer en propositions, après de véritables débats et confrontations ? Bref, permettra-t-il de créer de l’intelligence collective ? C’est essentiel, mais personne pour le moment ne le sait vraiment.
    Ces propositions, quand elles seront établies, si elles le sont, vont-elles être travaillées par les parlementaires que nous sommes avec les représentants des corps intermédiaires dont nous avons tant besoin pour trouver des équilibres ? La démocratie participative va-t-elle renforcer la démocratie représentative ? C’est indispensable.
    Vous devez, monsieur le Premier ministre, préparer ardemment l’après-consultation pour aboutir à ce double renforcement, faute de quoi les Français vont une nouvelle fois se réveiller avec la gueule de bois. Le Parlement et les corps intermédiaires seraient encore davantage fragilisés. Nous n’en avons pas besoin.
    Vous devez aussi, monsieur le président de l’Assemblée nationale, nous mobiliser, car nous autres, représentants du peuple, porteurs de l’intérêt général, devons nous préparer à ce grand rendez-vous. Nous vous avons d’ailleurs, au titre du groupe Libertés et territoires, transmis des propositions, pour le moment restées sans réponse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT.)
    Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous nous éclairer, mais aussi éclairer les Français ? Nous n’avons vraiment pas le droit de nous tromper. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Édouard Philippe, Premier ministre

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    Monsieur le président Pancher, je vous réponds à la fois en votre qualité de coprésident du groupe LT et de spécialiste reconnu des exercices de débat public. La question de la participation de nos concitoyens, de l’organisation des débats, de la construction d’alternatives, puis de la décision publique vous passionne depuis longtemps, je le sais, et je vous remercie de m’offrir l’occasion de dire un mot devant cette assemblée de la place qu’elle doit occuper dans ce grand débat.
    Depuis que celui-ci est lancé, nous avons constaté une très grande appétence de nos concitoyens à y participer : plus de 450 000 contributions – je le dis de mémoire –  ont été adressées à la plateforme créée pour l’occasion et plus de 2 125 réunions sont inscrites sur le site, ce qui permet à nos concitoyens de venir y participer. Certaines réunions ont été filmées et retransmises en direct.
    J’ai moi-même participé vendredi soir à une de ces réunions à Sartrouville.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’était plutôt un monologue !

    M. Édouard Philippe, Premier ministre

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    C’était un vendredi soir, de vingt heures à vingt-trois heures trente : plus de 250 personnes sont venues échanger,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Spontanément !

    M. Édouard Philippe, Premier ministre

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    …s’entendre, s’écouter et formuler des propositions ! Elles étaient parfois véhémentes, parfois contradictoires, parfois très critiques vis-à-vis de telle ou telle institution. Elles étaient parfois aussi incroyablement élogieuses sur ce qu’est notre démocratie et sur ce qu’est notre pays, et il faut évidemment l’entendre. (Mme Amélie de Montchalin applaudit.)
    Ce débat est né. Il est passionnant. Et nous voyons bien que partout en France, ainsi que parmi les Français de l’étranger, il suscite de l’intérêt. Tant mieux !
    Pour qu’il puisse vivre, nous l’avons placé d’abord sous l’autorité, l’observation, la garantie de cinq personnes qui – vous l’avez constaté, car je sais que vous y êtes particulièrement attentif – formulent des recommandations que nous allons strictement observer, afin que le débat soit organisé dans les meilleures conditions.
    J’ai créé un comité de suivi dans lequel l’ensemble des formations politiques représentées à l’Assemblée nationale et au Sénat ont pu désigner un représentant. Il se réunira pour la première fois cet après-midi. Ainsi, les parlementaires, quels que soient leurs choix et leur appartenance politique, seront en mesure de poser des questions à ceux qui organisent le grand débat, d’obtenir des réponses et de formuler des recommandations. Bref, loin d’être à l’extérieur de ce grand débat, les parlementaires sauront exactement comment se passent ses différentes étapes. Je serai enchanté de rencontrer les représentants de ce comité cet après-midi.
    Puis se posera la question de la sortie. À ce stade, je ne peux pas dire grand-chose sur l’organisation de réunions citoyennes avec certains de nos concitoyens qui, dans chaque région, seront tirés au sort pour pouvoir s’exprimer. Non pas d’ailleurs que je prétende que le tirage au sort serait en quelque manière supérieur à d’autres légitimités. Mais un des objectifs, nous l’avons tous ressenti, est de faire en sorte que ne participent pas au débat public seulement ceux qui ont déjà l’habitude de le faire, qui ont déjà une voix dans ce débat public, qui savent l’utiliser pour se faire entendre,…

    M. Sébastien Jumel

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    Vous pensez au Président de la République ?

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Au Premier ministre ?

    M. Édouard Philippe, Premier ministre

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    …mais que tous nos concitoyens puissent dire ce qu’ils veulent ou ne veulent pas. C’est la raison pour laquelle, dans chaque région, à la fin du débat, nous procéderons à un tirage au sort, afin que, sur la base de ce qui aura été dit, échangé, formulé pendant le grand débat, des Français, nos concitoyens, puissent aussi s’exprimer.
    Il y aura aussi la sortie du grand débat. C’est la question que vous posez.
    Je précise tout d’abord, monsieur le président, qu’il ne m’appartient pas à moi seul de dire comment s’effectuera cette sortie, ni d’en choisir la méthode. C’est un exercice sur lequel je veux entendre le comité de suivi et sur lequel les garants doivent s’exprimer pour que nous soyons certains que nous sommes bien dans les clous de ce qui est acceptable dans un débat de ce type. Et sur le fond, il ne m’appartient pas davantage de tirer les conclusions d’un débat qui commence seulement. Chacun a bien à l’esprit que, compte tenu de la période, des circonstances, de l’espoir qui est né et de la participation imposante qui se dessine dans ce grand débat, il nous faudra tirer, comme l’a dit le Président de la République, des conséquences profondes de ce qui sera exprimé.
    À l’évidence, le Parlement sera associé à ces échanges.  

    M. Michel Herbillon

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    Merci ! Vous êtes trop bon !

    M. Édouard Philippe, Premier ministre

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    À l’évidence, monsieur le président. Quand on prend au sérieux la démocratie représentative, ce qui est votre cas, le mien et celui de tout le monde dans cet hémicycle, on sait qu’il y aurait quelque chose d’anormal, d’absurde et peut-être même, disons-le, de franchement scandaleux à ce que le seul endroit où l’on ne débatte pas soit cette assemblée ou le Sénat.
    Donc, évidemment, il y aura un débat.

    M. Sébastien Jumel

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    Enfin !

    M. Éric Straumann

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    Sur la limitation de la vitesse à 80 kilomètres-heure sur les routes nationales ?

    M. Édouard Philippe, Premier ministre

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    Il ne m’appartient pas de dire comment il sera organisé, mais j’ai cru comprendre qu’hier, le président de l’Assemblée nationale a indiqué, depuis le perchoir, que la Conférence des présidents s’était saisie d’un certain nombre de propositions pour que le débat puisse prospérer, y compris dans cette assemblée. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
    Il vous appartiendra, mesdames et messieurs les députés, de dire comment vous souhaitez vous y associer. Une fois qu’il sera terminé, il faudra aussi que nous puissions discuter des décisions de nature législative qui devront être prises pour appliquer ce qui aura été indiqué. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, MODEM et UDI-Agir.)

    M. le président

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    Monsieur Pancher, pour la troisième fois, puisque j’ai déjà répondu hier à M. Philippe Vigier et, hier encore, à M. Boris Vallaud, j’indique, mais je ne le répéterai plus, que, conformément à ce qui a été décidé en Conférence des présidents, lorsque les conclusions du grand débat auront été entérinées et que les principaux sujets auront été mis au jour, notre assemblée se saisira ici même de ces enjeux et que chaque groupe pourra s’exprimer sur l’ensemble des thèmes. Que tout le monde en prenne note et prépare son travail ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    Pouvoir d’achat des retraités

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart.

    Mme Laurence Trastour-Isnart

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    Monsieur le Premier ministre, le dernier rapport de l’Observatoire français des conjonctures économiques – OFCE – montre que la quasi-totalité des retraités perdent en pouvoir d’achat du fait de votre politique fiscale. Ce rapport accablant prouve une nouvelle fois que les retraités sont les grandes victimes de votre politique.
    Vous avez en effet choisi de désindexer les pensions de retraite de l’inflation : du jamais-vu depuis 1945 !

    M. Hubert Wulfranc

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    Et on n’en débat pas !

    Mme Laurence Trastour-Isnart

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    Après avoir augmenté de 25 % la CSG pour plus de 7 millions de retraités, vous avez partiellement fait marche arrière, sous la pression populaire des Français. L’augmentation de la CSG est effectivement une mesure injuste, que subissent toujours plusieurs millions de retraités, qui sont loin d’être riches : le seuil de déclenchement du taux maximum de 8,3 % de CSG est fixé à 1 880 euros pour les célibataires et à 1 440 euros, en moyenne individuelle, pour un couple de retraités. Est-on riche lorsqu’on dépasse 1 880 euros ou même 1 440 euros de revenu net fiscal mensuel ? Le grand débat national voulu par le Président Macron fait l’impasse sur le niveau de vie des retraités, grands perdants de votre politique fiscale. (Exclamations.)
    Monsieur le Premier ministre, les retraités ne sont pas des nantis ! Prenez conscience que la retraite n’est pas un privilège mais le fruit des cotisations versées durant toute une vie de travail. Aussi, allez-vous tenir compte des conclusions de l’OFCE pour réindexer les pensions de retraite sur l’inflation, revenir sur la hausse de la CSG et cesser le matraquage fiscal injuste des retraités français ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre des solidarités et de la santé.

    Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé

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    Madame Trastour-Isnart, je vous remercie de m’offrir l’occasion de parler des retraités. On sait le rôle qu’ils jouent dans la cohésion sociale de notre pays, et il est primordial de reconnaître leur travail, celui de toute une vie.

    M. Thibault Bazin

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    C’est vrai !

    Mme Agnès Buzyn, ministre

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    Vous le savez, dans la loi relative aux mesures d’urgence économiques et sociales, nous avons pris en compte la colère qui émanait des territoires, et notamment des retraités. Nous avons ainsi annulé une mesure qui avait été considérée comme injuste et insuffisamment discutée : l’augmentation de la CSG, appliquée en 2018, sur les retraités dont la pension mensuelle était comprise entre 1 400 et 2 000 euros. Pour ces personnes, le taux de CSG sera ramené, en 2019, à 6,6 %, et le remboursement du trop-perçu se fera, à partir de janvier, sur la pension de retraite de mai prochain.

    M. Jérôme Lambert

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    Ce n’est pas un cadeau, c’est une restitution !

    M. Sébastien Jumel

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    Merci les gilets jaunes !

    Mme Agnès Buzyn, ministre

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    Près de la moitié des 8 millions de foyers ayant supporté une hausse de la CSG en 2018 retrouveront donc le bénéfice de la situation antérieure.

    M. Jérôme Lambert

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    Moins l’inflation !

    M. Pierre Cordier

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    Et le gel des pensions ?

    Mme Agnès Buzyn, ministre

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    J’ajoute que nous travaillons pour eux.
    Nous avons mis en place une complémentaire santé, pour toutes les personnes percevant une pension de retraite inférieure à 1 000 euros, accessible à moins de 1 euro par jour.
    Nous avons également lancé une vaste concertation sur le grand âge et l’autonomie. En effet, nous savons que, plus les personnes âgées vieillissent, plus elles sont inquiètes de devoir imposer une charge financière à leur famille en raison de l’entrée dans un établissement ou pour recevoir des soins. Ce travail est en cours, et un rapport nous sera remis le 15 mars. Des mesures seront prises dans une loi, cette année, pour répondre à l’anxiété des Français, notamment des personnes âgées, face à la dégradation de leur autonomie au cours du vieillissement.

    M. Jean-Louis Bricout

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    Et l’indexation des retraites ?

    M. Christian Hutin

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    Répondez à la question, madame la ministre !

    Mme Agnès Buzyn, ministre

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    Enfin, le reste à charge zéro, mis en place dès cette année, va permettre l’accès sans frais à des lunettes, des soins dentaires et des audioprothèses. Les retraités seront les premiers bénéficiaires de cette réforme. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Crise politique au Venezuela

    M. le président

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    La parole est à Mme Michèle Crouzet.

    Mme Michèle Crouzet

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    J’associe à ma question ma collègue Paula Forteza, députée de la deuxième circonscription des Français de l’étranger.
    Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, le jeudi 10 janvier, le Président Nicolas Maduro a prêté serment pour un deuxième mandat de six ans à la tête du Venezuela. Son investiture a été contestée par une large partie de la communauté internationale. En effet, les conditions dans lesquelles s’est tenue l’élection présidentielle dans ce pays, en mai dernier, ne permettent pas de considérer ce scrutin comme démocratique et transparent.
    Mercredi 23 janvier, le président du parlement vénézuélien, M. Juan Guaido, a appelé les citoyens à manifester pour soutenir le retour de la démocratie et l’organisation d’élections libres. Depuis lors, des dizaines de milliers de Vénézuéliens sont descendus dans les rues, à Caracas mais aussi en province, pour soutenir les institutions démocratiques de leur pays. Des affrontements ont éclaté entre manifestants de l’opposition et forces de l’ordre.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Comme en France !

    Mme Michèle Crouzet

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    On dénombre déjà plus de 40 morts et 850 arrestations, dont au moins 696 interpellations, durant la seule journée du 23 janvier. L’ouverture d’une enquête indépendante sur le recours à la force contre les partisans de l’opposition a été réclamée, vendredi dernier, par Mme Michelle Bachelet, haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme. Je serai particulièrement attentive à ce que cette enquête ait lieu.

    M. Sébastien Jumel

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    Il faut recommander aux Vénézuéliens d’organiser un grand débat !

    Mme Michèle Crouzet

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    L’Union européenne a sollicité l’organisation d’élections libres et crédibles dans les meilleurs délais. Si aucune annonce de convocation de nouvelles élections n’avait lieu dans les prochains jours, le Président de la République, M. Emmanuel Macron, et plusieurs partenaires européens se sont dits prêts à reconnaître M. Juan Guaido comme Président « en charge », dans le respect de la constitution vénézuélienne. Il est urgent d’aboutir à une solution pacifique et démocratique.
    Monsieur le ministre, comment la France, notamment à travers l’Union européenne, peut-elle accompagner un nouveau processus démocratique au Venezuela ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Hubert Wulfranc

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    Occupez-vous plutôt du Honduras !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Et de la Palestine !

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Madame Crouzet, comme vous l’avez dit, la situation du Venezuela est préoccupante : une économie exsangue, 3 millions – j’insiste sur ce nombre – de réfugiés à l’extérieur du pays, une démocratie étouffée, un Président, M. Maduro, élu au mois de mai dernier dans des conditions contestées par la communauté internationale.

    Un député du groupe GDR

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    Bizarrement !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Celle-ci demande la tenue de nouvelles élections législatives, après celles de 2015, qui, elles, avaient été reconnues.
    Cette crise entraîne des mouvements de population en faveur du président de l’Assemblée nationale, M. Guaido, et la France ne peut que soutenir le peuple vénézuélien dans ses aspirations. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé, par la voix du Président de la République, que le Président Maduro décide de la tenue d’élections présidentielles régulières, vérifiées par la communauté internationale. Or il semble qu’il s’y oppose.

    M. Charles de la Verpillière

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    Mettez-vous à sa place !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Si tel est le cas, nous souhaitons que le président Guaido prenne cette initiative. C’est ce qu’a demandé le Président Emmanuel Macron, à l’instar, d’ailleurs, de l’Union européenne. L’ensemble des ministres des affaires étrangères de l’Union se réuniront demain à Bucarest pour déterminer les suites à donner à l’absence de réponse du Président Maduro. Nous souhaitons que la solution soit démocratique, pacifique, négociée.

    M. André Chassaigne

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    Alors pourquoi mettez-vous de l’huile sur le feu ?

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    L’Union européenne est tout à fait disposée à jouer un rôle d’intermédiaire pour permettre d’aboutir à cette solution. En tout état de cause, madame la députée, il est urgent de trouver une issue à cette crise. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Hubert Wulfranc

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    Et en Égypte ?

    Nouvelle route du littoral à La Réunion

    M. le président

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    La parole est à Mme Huguette Bello.

    Mme Huguette Bello

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    Lancée à la fin de l’année 2013 par la Région Réunion et alors que sa construction est loin d’être terminée, la nouvelle route du littoral, longue de 12 kilomètres, a déjà dépassé le budget initial, réévalué de 1,6 à 2 milliards d’euros. Mais cette facture colossale n’a pas mis ce chantier à l’abri de graves imprévoyances. Ainsi, contrairement au viaduc où les travaux progressent, le tronçon de digue pose problème faute de matériaux adéquats, au motif, pourtant prévisible, qu’à ce jour, La Réunion n’exploite aucune carrière de roches massives.
    Outre l’imbroglio juridico-administratif qui l’entoure, le projet d’exploiter plusieurs carrières, toutes situées à proximité immédiate d’habitations, d’écoles et de crèches, est très contesté, en raison des fortes nuisances et de réels risques sanitaires. Tirs de mines quotidiens, stockage d’explosifs, criblage et concassage des roches, émissions de particules fines et perspective de subir, pendant plusieurs années, près de 3 000 passages de poids lourds par jour justifient les appréhensions et donnent une idée des oppositions citoyennes.
    À cela s’ajoutent de lourdes menaces sur la biodiversité, comme vient de le réaffirmer le Conseil national de la protection de la nature qui s’est saisi du dossier. Dans son avis du 21 décembre, cette instance indépendante déplorait l’accumulation des incertitudes, des insuffisances et des impacts négatifs avérés liés à ce chantier. Elle préconise une nouvelle expertise générale avant la poursuite des travaux du tronçon de digue.
    Monsieur le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, le temps presse. Les Réunionnais comptent sur vous pour déclencher rapidement la procédure d’expertise prévue par l’article 68 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. En effet, eux aussi ont inscrit à leur agenda prioritaire la reconquête de leur biodiversité et la protection de leurs paysages ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR, FI et SOC.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre chargée des transports.

    Mme Élisabeth Borne, ministre chargée des transports

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    La nouvelle route du littoral à La Réunion, lancée en 2013, comme vous l’avez rappelé, revêt une importance déterminante pour l’avenir de l’île. C’est pourquoi ce projet régional fait l’objet d’un soutien financier très important de l’État, à hauteur de 532 millions d’euros, dont près de la moitié a d’ores et déjà été versée.
    Mais l’État est également attaché à ce que l’impact environnemental du projet soit aussi maîtrisé que possible. Le 21 décembre dernier, en effet, le Conseil national de la protection de la nature, qui s’était lui-même saisi, a rendu un nouvel avis sur ce projet. Il relève « un certain nombre d’impacts négatifs avérés, d’insuffisances de prise en compte et d’incertitudes relatives aux impacts environnementaux du projet, en particulier aux conséquences prévisibles de la réalisation projetée de la digue sur remblais ». Cet avis met également en avant des réflexions, des propositions et des demandes visant à limiter ces risques et les impacts négatifs pour les différents volets du projet.
    J’ai pris acte de l’avis de cette instance scientifique et technique, rendu public et communiqué à la région, maîtresse d’ouvrage de ce projet, pour qu’elle prenne en compte ces préconisations. La mise en œuvre d’une procédure de tierce expertise est notamment recommandée, et j’ai demandé à mes services d’étudier cette proposition.
    Vous le voyez, l’État est très attaché à l’achèvement de ce projet, désormais largement engagé, dans le respect de l’ensemble des enjeux environnementaux et locaux.

    Programmation pluriannuelle de l’énergie

    M. le président

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    La parole est à M. Anthony Cellier.

    M. Anthony Cellier

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    J’associe mon collègue Jean-Charles Colas-Roy à cette question. Monsieur le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire, sans forcément en avoir conscience, sans forcément se demander comment cela fonctionne, nous utilisons de l’énergie. Pour nous chauffer, pour nous déplacer, nous éclairer, communiquer, l’énergie est au cœur du quotidien des Françaises et des Français. C’est dire à quel point elle représente un enjeu stratégique pour notre pays.
    Comme elle a un impact sur le quotidien, elle fait chaque semaine l’actualité. La semaine dernière, la prime à la conversion des chaudières, qui aide les ménages, notamment les plus modestes, à se chauffer mieux et moins cher a été lancée. Les aides sont enfin agrégées pour un reste à charge plus faible.
    La programmation pluriannuelle de l’énergie fut également publiée. Ce texte, de plus de 300 pages, dévoilé en partie en novembre par le Président de la République, précise le rapport que nous aurons avec l’énergie, tant sur le volet de la consommation que sur celui de la production, dans les dix prochaines années.

    M. Éric Straumann

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    De combien l’électricité va-t-elle augmenter ?

    M. Anthony Cellier

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    Ce document de programmation est nécessaire aux filières pour pouvoir se projeter. Il est issu de nombreux ateliers construits avec l’ensemble des parties prenantes, professionnels et grand public. Ici même, monsieur le ministre d’État, vous aviez d’ailleurs reçu le G400 : 400 citoyens tirés au sort pour s’exprimer sur notre futur énergétique. Un bel exercice de démocratie participative !
    Un petit écueil, si vous me le permettez, monsieur le ministre d’État : la programmation pluriannuelle de l’énergie est un décret et non, comme nous le souhaiterions avec de nombreux parlementaires, une loi programmatique.
    Notre avenir énergétique fera aussi l’actualité dans les prochains mois, avec une loi sur l’énergie qui modifiera notamment certaines dispositions de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
    Au vu de toute cette actualité, monsieur le ministre d’État, je vous demande de revenir sur le calendrier et sur les grandes orientations de la programmation pluriannuelle de l’énergie et de la future loi sur l’énergie, pour notre avenir énergétique commun.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire.

    M. François de Rugy, ministre d’État, ministre de la transition écologique et solidaire

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    Nous venons de rendre public le document officiel de la programmation pluriannuelle de l’énergie, qui organise une double transition. En effet, la transition énergétique est à la fois la baisse des émissions de dioxyde carbone – nous nous sommes fixé l’objectif d’une diminution de 40 % d’ici à 2030, au lieu des 30 % prévus dans la loi relative à la transition énergétique – et la diversification massive de nos sources d’approvisionnement en énergie, notamment dans la production d’électricité, pour réduire notre dépendance au nucléaire.
    Nous allons organiser cette transition, qui est déjà en marche, si vous me permettez l’expression.

    M. Sébastien Jumel

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    En marche arrière.

    M. Éric Straumann

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    Quelle sera la part du nucléaire ?

    M. François de Rugy, ministre d’État

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    Les Français la pratiquent déjà, les entreprises s’y sont déjà engagées. En 2018, la consommation des carburants a baissé, après trois années consécutives de hausse, alors que nous sommes en période de croissance économique ! Nous réussissons donc à combiner croissance économique et réduction de nos émissions de CO! L’énergie éolienne destinée à l’électricité a crû de 15 % et l’énergie solaire de 11 % ; dans le même temps, l’électricité produite par des centrales thermiques au fioul, au charbon ou au gaz a diminué de 27 %.
    La transition énergétique est engagée, et nous allons la poursuivre en développant les énergies renouvelables et les économies d’énergie. L’éolien maritime, offshore, va monter en puissance, tout comme le biogaz. Avec mon collègue ministre de l’agriculture et de l’alimentation, nous insistons sur le biogaz, ressource pour nos agriculteurs et source de revenus supplémentaires ; c’est une énergie fabriquée en France, qui se substitue à l’importation de pétrole, de gaz ou de charbon. C’est notre propre ressource !

    M. Christian Hutin et M. Jean-Louis Bricout

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    Très bien !

    M. François de Rugy, ministre d’État

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    Pour les économies d’énergie, nous nous inscrivons dans des démarches solidaires : nous l’avons fait pour les voitures et nous le faisons maintenant avec la chaudière à 1 euro. Cette politique est bonne pour l’économie du pays et pour le portefeuille des Français. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Christian Hutin

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    Bravo !

    Scolarisation des enfants en situation de handicap

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Bouillon.

    M. Christophe Bouillon

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    Monsieur le Premier ministre, ne soyez pas surpris que nous soyons si nombreux à nous intéresser à la scolarisation des élèves en situation de handicap car voilà bien une question qui mérite toute notre attention et qui mériterait de faire l’objet d’un large consensus.

    M. Patrick Hetzel

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    Très bien !

    M. Christophe Bouillon

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    C’est ce consensus que nous avons cherché à obtenir, en mettant sur la table une proposition de loi intitulée « pour une école vraiment inclusive ». Celle-ci a été inspirée par les nombreux témoignages des ratés constatés le jour de la rentrée scolaire pour les élèves en situation de handicap.
    Nous ne demandons pas la lune. Nous demandons que les familles, plusieurs semaines avant le jour de la rentrée scolaire, aient la garantie d’un accompagnant si celui-ci a été notifié. Nous demandons que les accompagnants, dont chacun salue les qualités et le rôle essentiel, accèdent à un vrai statut et à une formation digne de ce nom. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR ainsi que sur quelques bancs du groupe LaREM.) Nous demandons que les enseignants bénéficient de la même formation qu’eux au sujet des handicaps. Nous demandons le raccourcissement des délais de demande d’aides à la scolarisation auprès des MDPH – maisons départementales des personnes handicapées. Nous demandons que les écoles du futur soient pensées en lien avec les acteurs du médico-social.
    Il y a quatre mois, notre collègue Aurélien Pradié a déposé un texte de loi sur le même sujet. Vous l’avez rejeté, au prétexte d’une grande loi sur l’école à venir.

    M. Patrick Hetzel

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    On attend toujours !

    M. Christophe Bouillon

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    Il se trouve que ce projet de loi pour une école de la confiance est examiné cette semaine en commission. Or il fait l’impasse sur le handicap.

    M. Philippe Gosselin

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    Eh oui !

    M. Frédéric Reiss

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    Tous nos amendements sont rejetés !

    M. Christophe Bouillon

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    La semaine dernière, en commission, votre majorité a vidé de sa substance la proposition de loi que je défendais.

    M. Patrick Hetzel

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    Le Gouvernement procrastine !

    M. Christophe Bouillon

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    Vous comprendrez ma colère. Sachez qu’elle n’est rien comparée à celle des parents d’élèves en situation de handicap. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR, sur plusieurs bancs des groupes LR et UDI-Agir ainsi que parmi les députés non inscrits.)

    M. Maxime Minot

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    Il y a urgence !

    M. Christophe Bouillon

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    Ces parents se souviennent de l’engagement du Président de la République de ne laisser aucun élève sans situation. Tel est justement l’objet de notre proposition de loi.
    À l’instant, M. le secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement nous appelait à être constructifs. Nous le sommes mais, en l’espèce, vous nous refusez une prime à la destruction et vous vous octroyez une prime à la démolition. Serez-vous demain au rendez-vous de l’école pour tous en approuvant notre proposition de loi ? (Les députés du groupe SOC, suivis de ceux du groupe GDR, se lèvent et applaudissent. – Autres applaudissements sur les bancs du groupe LR, sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir et parmi les députés non inscrits.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse.

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale et de la jeunesse

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    Monsieur Bouillon, je retiens chaque aspect de votre question et commencerai par le commencement.
    Vous évoquez un consensus. Il est nécessaire. Il a caractérisé la politique de scolarisation des élèves handicapés depuis plus de vingt ans, sous tous les gouvernements. Il est très précieux que nous conservions cet état d’esprit. Je pense que nous le pouvons.
    Nous arrivons effectivement à une période au cours de laquelle il sera possible d’accomplir des progrès substantiels au service de la scolarisation des élèves en situation de handicap. Les mesures que vous venez d’énumérer, nous les voulons autant que vous et nous allons les prendre.

    Mme Jacqueline Dubois

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    Très bien !

    Mme Valérie Rabault

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    On attend !

    M. Christian Hutin

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    Alors, dès demain ?

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Là est peut-être la différence – pardonnez-moi ce léger « dissensus » – avec ce que vous avez fait, mesdames, messieurs les députés du groupe Socialiste : le précédent gouvernement n’a pas fait ce que vous dites qu’il faut faire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur les bancs du groupe SOC.) Il faut tout de même le relever : les progrès que vous réclamez seront accomplis par ce gouvernement. Voilà ce qui importe. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et MODEM.)
    Comment ?
    Tout d’abord, nous examinerons demain la proposition de loi que vous avez déposée. De ce point de vue, vous êtes satisfaits.

    M. Christian Hutin

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    Et vous, vous êtes en difficulté !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Ensuite, le projet de loi pour une école de la confiance, que j’ai présenté et que vous avez évoqué, comprendra des dispositions relatives à l’école inclusive. Nous avons accepté hier un amendement de Patrick Hetzel permettant de développer le concept d’école inclusive en plusieurs points du code de l’éducation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
    Enfin, pour être très concret, vous vous focalisez sur l’accompagnement des élèves, lequel au demeurant n’est pas le seul sujet.

    M. Sébastien Jumel

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    Et ma proposition de création d’une commission d’enquête ?

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Je vous rappelle, car vous le savez très bien, qu’avec Sophie Cluzel et le CNCPH – le Conseil national consultatif des personnes handicapées –, nous avons entamé, à la fin du mois d’octobre dernier, une concertation, dont les conclusions seront rendues le 11 février.
    Ainsi, nous accomplirons les choses en trois temps : votre proposition de loi ; le projet de loi demain ; enfin, le 11 février, la conclusion de la CNCPH après une consultation incluant tous les acteurs du sujet.

    M. Frédéric Reiss

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    C’est trop tard !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Cela nous permettra d’atteindre les objectifs que nous souhaitons tous atteindre, notamment une stabilité accrue pour les AESH, les accompagnants des élèves en situation de handicap, ainsi qu’un meilleur salaire – la majorité d’entre eux seront dorénavant à temps plein, ce qui permettra de dépasser 1 000 euros de salaire mensuel – et, pour la première fois, une meilleure formation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Enfin, lors de la dernière rentrée, nous avons réussi, pour la première fois, à disposer de plus d’AESH que de contrats aidés. Ce gouvernement le fait, tandis que vous ne l’aviez pas fait ! (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    Politique spatiale de défense

    M. le président

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    La parole est à Mme Aude Bono-Vandorme.

    Mme Aude Bono-Vandorme

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    Madame la ministre des armées, depuis une dizaine d’années, l’espace est à nouveau un théâtre d’affrontement : les grandes puissances font la démonstration de leurs capacités antisatellites ; le Président des États-Unis appelle à la création d’une force armée de l’espace et de telles réflexions ont cours parmi nos autres alliés, notamment le Canada ; les actes d’espionnage dans l’espace sont de plus en plus fréquents. Ainsi, après plusieurs satellites Eutelsat et après l’un de nos satellites Syracuse, le satellite franco-italien Athena-Fidus a été approché par le satellite russe Luch Olymp, lequel a cherché à intercepter nos communications militaires sécurisées, comme vous l’avez encore rappelé la semaine dernière, lors de vos vœux aux armées.
    La loi de programmation militaire 2019-2025 a fait le choix du renouvellement de l’ensemble de nos capacités exo-atmosphériques en y consacrant un budget de 3,6 milliards d’euros. Toutefois, il faut aller plus loin. Vous l’avez dit à Toulouse il y a quelques semaines : « Une défense spatiale, [...] c’est essentiel ». Vous avez mis en place au sein de votre ministère une équipe dédiée pour réfléchir à une nouvelle doctrine et faire de la France une puissance spatiale incontournable – j’insiste sur le mot « puissance ». Vous lui avez fixé un mot d’ordre simple : ne rien s’interdire.
    Mme Darrieussecq nous a livré hier un aperçu des moyens qui seront mis en œuvre. Pouvez-vous à présent informer la représentation nationale au sujet des premiers contours de la future stratégie spatiale de défense de notre pays ?
    Par ailleurs, l’Europe spatiale a de grandes ambitions, en matière commerciale avec Ariane 6 comme sur le plan de l’exploration, notamment lunaire. Or nous savons tous ici que l’espace est fondamentalement dual. Au-delà la surveillance de l’espace, pouvez-vous également préciser les autres pistes envisagées par le Gouvernement pour jeter les bases de l’autonomie stratégique européenne dans le domaine spatial ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe MODEM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre des armées.

    Mme Florence Parly, ministre des armées

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    Madame Bono-Vandorme, qui fournit à nos forces armées des renseignements et des images précises ?

    M. Jean Lassalle

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    LCP ! (Rires.)

    Mme Florence Parly, ministre

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    Non, les satellites ! Qui permet à nos forces de communiquer et de transmettre des informations sensibles et cryptées ? Les satellites. Qui nous guide pour donner à nos avions de surveillance une connaissance de la géographie du terrain ? Les satellites. Dès lors, notre défense passe plus que jamais par le spatial.
    Le Gouvernement a prévu, dans le cadre de la loi de programmation militaire, 3,6 milliards d’euros de crédits pour renouveler nos capacités spatiales. Le Président de la République me l’a demandé : nous devons nous tenir prêts. J’ai donc posé les premières pierres d’une stratégie spatiale de défense et transmis des propositions au chef de l’État. Celles-ci visent d’abord à mieux connaître notre environnement spatial et à mieux nous défendre.
    Vous avez raison de le souligner, notre défense spatiale se construira avec l’Europe. C’est grâce à une coopération avec nos voisins que nous aurons les moyens et les technologies adaptées.
    Cette coopération existe d’ores et déjà dans le cadre du programme d’observation spatiale MUSIS – système multinational d’imagerie spatiale pour la surveillance, la reconnaissance et l’observation –, rassemblant l’Allemagne, la Belgique, l’Italie, l’Espagne, la Grèce et la France. Au mois de décembre dernier, nous avons franchi un grand pas lors du lancement du premier satellite CSO, la composante spatiale optique de MUSIS.
    Nous devons être prêts à agir dans l’espace. Nous devons également être prêts à préserver notre autonomie pour y accéder. Nous devons être prêts à répondre à quiconque voudrait nous agresser. Nous devons être déterminés à faire en sorte que la France et l’Europe restent dans le peloton de tête des puissances spatiales. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    Quotas de pêche

    M. le président

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    La parole est à M. Jimmy Pahun.

    M. Jimmy Pahun

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    Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, le conseil des ministres européens de l’agriculture et de la pêche s’est tenu en décembre dernier à Bruxelles. C’était un rendez-vous crucial pour la pêche, puisque les totaux annuels de capture – TAC – et les quotas nationaux pour chaque espèce y ont été définis pour 2019.
    Monsieur le ministre, vous y avez défendu avec détermination les intérêts économiques de la flottille française tout autant que la gestion durable de la ressource halieutique. L’un ne peut se concevoir sans l’autre : l’exploitation irraisonnée de la mer ne met pas uniquement en péril la biodiversité qui fleurit sous les océans, mais également l’avenir d’une profession.
    Ce déclin, nous l’avons refusé. La France, aux côtés de ses partenaires européens, a fait le choix de la pêche durable. Et quand je devine les conséquences pour la pêche et les pêcheurs d’une absence d’accord sur le Brexit, quand j’entrevois les tensions et les abus futurs, quand je me rappelle que mon père disait « un emploi en mer, c’est cinq emplois à terre », alors je suis heureux et fier d’appartenir à cette Europe du dialogue, de l’entente et de la solidarité !

    M. Thierry Benoit

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    Excellent !

    M. Jimmy Pahun

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    Les quotas et plafonds de capture nationaux sont un instrument important pour assurer une bonne gestion de la ressource. Ce n’est pas le seul, d’autres sont utilisés, par exemple l’obligation de débarquement à compter du 1er janvier 2019.
    Prenez le bar, par exemple. Sa gestion est source de discorde : les intérêts des pêcheurs plaisanciers et des professionnels se croisent et souvent s’opposent. À mon sens, cette mésentente dessert la mise en œuvre d’une gestion durable du bar, et profitable à tous. N’a-t-il pas fallu, à la fin du mois de novembre, limiter de toute urgence sa capture à 50 kilos par navire et par marée ? Je ne peux m’empêcher de penser aux pêcheurs d’Houat et d’Hoëdic qui sont restés à terre pendant les fêtes de Noël.
    Pourriez-vous, monsieur le ministre, rappeler l’action que vous menez au niveau européen en faveur d’une pêche économiquement viable et durable ? Ne pensez-vous pas nécessaire de mettre autour de la table l’ensemble des acteurs concernés par la pêche au bar, notamment pour envisager des dates de comptage décalées et l’établissement d’une période de repos biologique pendant la période de frai ? (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR, UDI-Agir, LT et SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

    M. Didier Guillaume, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

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    Merci, monsieur le député, à la fois pour votre grande connaissance de la mer, pour votre soutien aux pêcheurs de votre région et pour les questions que vous me posez.
    La France est déterminée à ne pas laisser la pêche devenir la variable d’ajustement d’un Brexit dur. Le Président de la République s’y est engagé ; le Premier ministre a présidé une réunion interministérielle sur ce sujet hier après-midi pour réaffirmer à nos partenaires européens, à la Commission européenne et à nos amis britanniques que, dans le cas d’un Brexit dur, il serait inacceptable pour l’Europe tout entière que les eaux territoriales britanniques soient fermées à la pêche européenne, et à la pêche française en particulier. Nous tiendrons bon sur cette position. Je crois à un succès possible : la semaine dernière, la Commission européenne a demandé au Royaume-Uni, au nom de l’Union, de laisser les eaux territoriales britanniques à la disposition de nos pêcheurs.
    Vous m’interrogez également sur les TAC et les quotas. Au mois de décembre, à Bruxelles, la France s’est bien battue et nous avons obtenu, je pense, l’ensemble des TAC et quotas que nous souhaitions. Un sujet demeure en discussion : l’obligation de débarquement. C’est une décision qui relève de l’Union européenne. La France y était opposée, mais nous faisons avec, et nous cherchons avec la profession les meilleures solutions pour que chacun en souffre le moins possible.
    S’agissant de la gestion durable de la ressource, le comité des pêches a en effet pris à la fin de l’année dernière une décision très importante de réduction de la pêche, pour le bar en particulier : il faut régénérer la ressource. Nous travaillons à assurer le meilleur respect possible de la biodiversité et à gérer au mieux les ressources maritimes. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et quelques bancs du groupe LaREM.)

    Coût des agences de l’État

    M. le président

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    La parole est à M. Guy Bricout.

    M. Guy Bricout

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    Monsieur le Premier ministre, dès mon élection, souhaitant préserver mon ancrage sur le terrain, j’ai installé avec mon suppléant une assemblée citoyenne de circonscription. Depuis près d’un an, soixante membres, issus de la société civile, choisis parmi 300 candidats et nommés pour deux ans, répartis en commissions autonomes dans leur fonctionnement, travaillent pour alimenter mon activité parlementaire. Inversement, je requiers leurs avis sur différents sujets comme sur les revendications exprimées par  les gilets jaunes, qui en font désormais partie.
    Cette assemblée est une réelle force de proposition. Dans le cadre du grand débat national, je les ai sollicités pour qu’ils répondent aux trente-cinq questions posées. Cette instance constitue un relais permanent, très efficace, entre le terrain, l’Assemblée et le Gouvernement. J’incite donc mes collègues à suivre mon exemple et celui de notre collègue Julien Dive.
    Dès la première réunion, les membres de cette assemblée préconisaient la baisse des dépenses de fonctionnement de l’État ; ainsi, ils ont souhaité travailler tout particulièrement sur le rapport alarmant de l’inspection générale des finances qui, en 2012, inventoriait quelque 1 244 agences d’État, dont les coûts annuels de fonctionnement pesaient alors 50 milliards d’euros, c’est-à-dire les intérêts de la dette française, et dont l’excédent de trésorerie s’élevait à près de 2 milliards. Pour information, l’Allemagne ne compte que 122 agences, soit dix fois moins.
    Le même rapport faisait également état d’un manque de stratégie d’ensemble et de nombreux doublons existant entre les agences – dont certaines, j’en conviens, sont utiles et efficaces. Il appelait aussi l’attention sur les rémunérations des personnels, qui dépassent souvent largement les indemnités des parlementaires, pourtant montrés du doigt. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-Agir et LT.)

    M. Thierry Benoit

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    Très bien !

    M. Guy Bricout

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    Quel est aujourd’hui le nombre des agences de l’État ? Combien coûteront-elles en 2019 ? Il me semblerait pertinent qu’une commission d’enquête parlementaire soit créée sur cette question. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-Agir et LT ainsi que parmi les députés non inscrits. – Mme Jacqueline Dubois applaudit aussi.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre chargé des relations avec le Parlement.

    M. Marc Fesneau, ministre chargé des relations avec le Parlement

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    Monsieur le député, vous nous interrogez sur le coût de fonctionnement des opérateurs de l’État. Selon le jaune budgétaire annexé au projet de loi de finances, on dénombre aujourd’hui 486 structures de ce type, qu’il faut distinguer des établissements publics et des associations exerçant des missions de service public. Ce chiffre global cache une très grande diversité d’opérateurs, qui interviennent dans de nombreux champs de l’action publique : y sont par exemple inclus l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie – ADEME –, Pôle Emploi, l’Agence de financement des infrastructures de transport de France ou encore l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture.
    C’est vous dire la variété de ces opérateurs et de leurs missions. On ne peut pas tout amalgamer et dire que tout cela, ce sont des charges de fonctionnement ! Ces opérateurs exercent des missions au nom de l’État et ont des dépenses d’intervention : je crois qu’il faut le dire, au nom de la clarté des débats.
    Vous avez néanmoins raison de souligner la nécessité d’une rationalisation. Depuis 2008, le nombre d’opérateurs a diminué d’un quart.

    M. Éric Straumann

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    Merci Sarko !

    M. Marc Fesneau, ministre

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    Mais l’effort est encore insuffisant et doit être poursuivi. C’est pour cette raison que le Gouvernement fait, avec vous, le choix de la maîtrise des dépenses des opérateurs, tout en procédant à la rationalisation et à la clarification des compétences. La baisse des effectifs s’est ainsi intensifiée, et elle a été plus forte chez ces opérateurs que dans l’État : pour les deux exercices 2018 et 2019, la réduction sera de 3 869 postes, soit  un  niveau  qui  n’a  pas  été  atteint  au  cours  des  dix dernières années.
    J’ajoute que le Gouvernement se montre particulièrement vigilant sur les informations adressées au Parlement. Ceux qui ont assisté aux débats peuvent en témoigner.
    Nous savons pouvoir compter sur votre soutien pour poursuivre ce mouvement. Je dois toutefois vous avouer ma perplexité à la lecture de la proposition de loi déposée par M. Pierre Morel-À-L’Huissier et plusieurs autres parlementaires de votre groupe, dont vous-même, le 16 janvier dernier : vous y demandez justement la création d’un Haut conseil en matière d’utilisation des fonds publics !
    Nous partageons la même exigence, mais nous devons faire collectivement preuve de transparence et de cohérence. (Applaudissements sur les bancs du groupe MODEM et quelques bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures quinze, est reprise à seize heures trente, sous la présidence de M. Hugues Renson.)

    Présidence de M. Hugues Renson
    vice-président

    M. le président

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    La séance est reprise.

    2. Prévention et sanction des violences lors des manifestations

    Suite de la discussion d’une proposition de loi

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la suite de la discussion de la proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs (nos 1352, 1600).

    Discussion des articles

    M. le président

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    J’appelle maintenant les articles de la proposition de loi dans le texte de la commission.

    Article 1er A

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Cordier, pour deux minutes.

    M. Pierre Cordier

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    Ce texte de nos collègues sénateurs a été discuté avant le début des débordements qui ont eu lieu certains samedis en marge des manifestations des gilets jaunes. Il faisait initialement suite aux actions des blacks blocs de mai 2018. Malheureusement, depuis deux mois, ces actes sont devenus hebdomadaires. Il y a donc urgence à agir.
    Député des Ardennes, j’ai pu constater les dégâts causés par les casseurs à Charleville-Mézières, petite ville de province – il n’y a pas qu’à Paris, monsieur le ministre ! Si la colère peut être comprise et entendue, ces exactions sont inadmissibles et ne doivent pas être tolérées.
    Les images que nous voyons chaque samedi depuis plusieurs mois sont indignes d’une démocratie. Ne confondons pas, par ailleurs, gilets jaunes et casseurs. Casser du mobilier urbain, des vitrines de commerces, des monuments symboles de notre République, brûler des voitures sont autant d’actes qui doivent être sanctionnés plus durement. Il faut mettre fin à ce régime d’irresponsabilité pour enfin permettre à l’État de faire payer à ces délinquants le coût de leur violence. À défaut, c’est le contribuable qui paie.
    Le principe doit être clair et efficace : celui qui casse, paie.
    Nous ne voulons pas d’un amalgame entre manifestants et casseurs. Je pense ainsi au groupe de gilets jaunes qui ont encerclé la flamme du soldat inconnu pour la protéger contre les casseurs cagoulés, le 1er décembre dernier. Ces groupes de casseurs font preuve d’une violence aveugle, dirigée vers nos forces de l’ordre, dépositaires de l’autorité publique, à coups de barres de fer, de battes de base-ball, de projectiles et d’armes en tous genres. Cette haine anti-flics et le sentiment d’impunité des casseurs sont inacceptables et insupportables.
    Je regrette qu’en commission, lors de la discussion de l’article 1er en particulier, vous ayez supprimé des mesures pourtant indispensables comme l’instauration de périmètres de contrôle lors des manifestations, le nouveau délit de dissimulation du visage lors de manifestation ou encore la sanction du port d’arme.

    M. le président

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    Merci, monsieur Cordier…

    M. Pierre Cordier

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    Merci, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, de prendre davantage en considération nos amendements.

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin.

    M. Thibault Bazin

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    Depuis quelques années, un grand nombre de manifestations sur la voie publique – Notre-Dame-des-Landes à Nantes, le 1er mai – sont émaillées de violences et de dégradations d’une particulière gravité et mettent en scène des casseurs, des agresseurs des forces de l’ordre.
    Par l’article 1er, les sénateurs Les Républicains voulaient rendre possible le contrôle des  effets personnels des passants quand il existe un risque de trouble à l’ordre public. Nos collègues du Sénat proposaient d’élargir le dispositif des périmètres de protection, aujourd’hui limités à la sécurisation des lieux et des événements exposés aux risques d’actes de terrorisme. Or, le droit de manifester, pourtant garanti par l’article 7 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, est menacé par ces groupuscules qui agissent souvent masqués.
    Il faut réagir. Bien sûr, on peut encadrer ce dispositif par un arrêté bien motivé, une durée limitée avant la manifestation, une adaptation des mesures de contrôle, pour les personnes résidant ou travaillant dans le périmètre, afin de garantir le respect du droit de mener une vie familiale normale. Et il faudrait bien sûr cerner ceux qui sont habilités à mener ces contrôles.
    Hélas, votre majorité, en commission, a supprimé cet article 1er. Vous refusez ainsi d’adapter notre arsenal juridique pour éradiquer les casseurs et les agresseurs des forces de l’ordre. Vous renoncez ainsi à préserver le droit effectif de manifester paisiblement.
    Monsieur le ministre de l’intérieur, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre, ne videz pas de sa substance ce texte, au risque d’en faire une mascarade trompeuse. Je vous en rappelle l’intitulé : « Prévenir les violences lors des manifestations ». Chers collègues, donnons-nous en les moyens, rétablissons l’article 1er.

    M. le président

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    La parole est à Mme Brigitte Kuster.

    Mme Brigitte Kuster

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    Un soupçon pèse sur la majorité, celui de faire de l’examen de ce texte le prétexte à une opération de communication. Lever le soupçon ne devrait donc pas être trop difficile. Soit la majorité vote le texte dans les termes du Sénat – n’était-ce pas d’ailleurs l’idée originelle du Gouvernement ? –, prouvant ainsi qu’elle a bel et bien l’intention de s’attaquer à un phénomène préoccupant au-delà des seules circonstances actuelles, soit elle vote le texte tel qu’il a été modifié en commission, c’est-à-dire vidé en partie de son contenu, et l’opération de communication n’en sera alors que plus flagrante et tournera au fiasco.
    Car la réalité est là : la France n’a pas découvert les violences à l’occasion du mouvement du gilet jaune. Ces violences sont désormais consubstantielles à toute manifestation d’ampleur organisée dans l’espace public. Pas un rassemblement ne se déroule désormais sans que les casseurs ne s’en prennent aux forces de l’ordre et mettent à sac les vitrines et le mobilier urbain. En tant que députée de la circonscription des 16e et 17e arrondissements, je suis bien placée pour le signaler.
    Sur les ondes, dimanche, le président de notre assemblée osait une distinction entre le mouvement des gilets jaunes et la CGT. Selon lui, le syndicat aurait sur les gilets jaunes l’avantage de disposer d’un service d’ordre compétent et devrait bénéficier, à ce titre, d’une plus grande bienveillance. C’est oublier un peu vite que, aussi performant et respectable que soit le service d’ordre de la CGT, il n’a pas empêché que le boulevard de l’hôpital, à Paris, soit mis à sac le 1er mai 2018. Pas davantage n’a-t-il empêché les violences lors de l’examen de la loi El Khomri, et je pourrais citer de nombreux autres exemples.
    La violence infeste désormais chaque mobilisation de rue et se banalise au point qu’elle finirait presque par devenir un moyen d’expression comme un autre. Connaît-on beaucoup de démocraties où la violence est à ce point présente dans le processus de contestation ? Pas à ma connaissance.
    La réponse sécuritaire n’est pas tout. L’épuisement démocratique de notre société est patent et exige bien d’autres remèdes plus puissants.

    M. le président

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    Merci...

    Mme Brigitte Kuster

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    Mais ne rien faire pour empêcher les casseurs de sévir encore serait une catastrophe. Le diagnostic est posé, la France est malade de cette violence sociale, faisons en sorte que le traitement soit à la hauteur des enjeux.

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Pauget.

    M. Éric Pauget

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    La suppression de l’article 1er a largement réduit la portée du texte et on assiste hélas à la déconstruction et au démantèlement de la proposition de loi issue du Sénat. La suppression de cet article montre l’écart entre les paroles du Premier ministre en début d’année et la réalité de votre majorité parlementaire. Cette attitude pose question : comment restaurer dans ces conditions l’ordre républicain et mieux protéger ceux qui en sont les garants, nos forces de sécurité ?
    Toutes les dispositions allant dans le sens de l’élargissement des périmètres de protection et de contrôle lors de ces manifestations, et, en un mot, dans le sens de la sécurité des forces de l’ordre et de nos concitoyens, riverains et commerçants, relèvent du bon sens. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, il faut maintenir ces périmètres de contrôle lors des manifestations.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-François Eliaou.

    M. Jean-François Eliaou

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    Je vous parlerai pour ma part de l’article 1er A, introduit en commission par un amendement de notre groupe afin d’assouplir les modalités de déclaration de manifestation, aujourd’hui très lourdes et fort peu respectées. Il est ainsi demandé que la déclaration soit signée par trois personnes, dont l’une réside dans le département de la préfecture où la déclaration est déposée. On voit bien que l’obligation de domiciliation n’est pas toujours pertinente, surtout aujourd’hui. Aussi souhaitons-nous simplifier la procédure en ne demandant plus qu’une seule personne signataire de la déclaration et en supprimant l’obligation de domiciliation dans le département où se tiendra la manifestation.
    Cette disposition entre dans la logique de la proposition de loi. Grâce à une procédure simplifiée, nous augmenterons le nombre de manifestations déclarées. Or, dès lors qu’elles sont déclarées, elles sont beaucoup plus faciles à organiser et à sécuriser.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je pensais que le ministre prendrait la parole pour répondre à la discussion générale avant que nous commencions à examiner les articles. Je comprends qu’il ne l’ait pas fait cette nuit puisque nous avons terminé à une heure tardive…

    M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur

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    Vous étiez déjà parti !

    M. Ugo Bernalicis

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    …et qu’en raison des conditions climatiques, il eût été compliqué de prolonger les débats. Ce n’est pas grave, nous verrons cela plus tard, au fil de la discussion.
    Il est clair que cet article 1er A pointe une difficulté : quand les gens vont manifester à Paris, parce que c’est la capitale, alors qu’ils ne sont pas Parisiens, leur déclaration pourrait être illégale car ils n’habitent pas dans le département.

    Mme Naïma Moutchou

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    Il s’agit de la déclaration !

    M. Ugo Bernalicis

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    Assouplir le dispositif va dans le bon sens, mais alors pourquoi maintenir l’obligation de domiciliation dans le département pour un signataire ? Le fait d’habiter dans le pays me semble une condition bien suffisante pour y manifester, à moins d’interdire aux gens de manifester ailleurs que dans leur département, ce qui semblerait assez extraordinaire.
    Cette proposition de loi est examinée dans des délais qui nous obligent à nous prononcer très vite à propos d’articles qui n’étaient pas prévus initialement. Alors que très peu d’amendements étaient déposés, on a vu dans la nuit fleurir les sous-amendements sur les amendements déposés par le Gouvernement, qui lui-même sous-amende les amendements de Mme la rapporteure. Tout cela à cause des délais. Et il n’y avait même pas suffisamment de députés de la majorité, lors de la réunion de la commission tenue en vertu de l’article 88 du Règlement, pour accepter certains amendements de la majorité !
    Bref, les conditions d’examen de ce texte sont assez extraordinaires. Un texte qui n’a pas été déposé dans la précipitation, non ! Qui n’est pas un texte de circonstance, non ! Quel dommage alors qu’il n’ait pas été intégré dans les précédents véhicules législatifs, comme le projet de loi de programmation et de réforme de la justice, qui comprenait un volet pénal…

    M. le président

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    Merci, mon cher collègue.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce texte ne servira pas à grand-chose, en tout cas pas à poursuivre le but recherché : arrêter les casseurs. (Mme Caroline Fiat applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à M. Gilles Lurton.

    M. Gilles Lurton

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    Cette proposition de loi poursuit un objectif prévu par la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen : permettre aux personnes de manifester en toute liberté. Or, aujourd’hui, ce droit est menacé en raison des actes malveillants et récurrents de groupuscules violents qui agissent masqués, préparés à ces manifestations et qui y sont présents non pour défendre des causes légitimes comme celles que nous avons connues ces dernières semaines ou le 1er mai dernier, mais avec la seule volonté de semer le désordre, souvent au corps à corps avec les forces de police, de casser nos monuments publics ou de piller les commerces.
    Nous ne pouvons plus admettre de tels agissements. Nous ne pouvons plus admettre que nos forces de police ne soient plus respectées, nous ne pouvons plus admettre que les pompiers soient caillassés et empêchés d’intervenir sur les lieux où ils sont appelés.

    Mme Cécile Untermaier

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    Personne ne peut l’accepter.

    M. Gilles Lurton

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    C’est pourquoi il nous paraît indispensable de graver dans le marbre de la loi la possibilité de placer hors d’état de nuire les casseurs et les agresseurs des forces de l’ordre qui nuisent au droit de manifester paisiblement. Je ne comprends pas, monsieur le ministre, que votre majorité ait choisi, en commission, de supprimer l’article 1er qui visait à instaurer des périmètres de contrôle lors de ces manifestations. Ce faisant, vous et votre majorité avez entamé une déconstruction méthodique de ce texte qui nous vient du Sénat, risquant de lui ôter toute sa substance.  
    Au cours de mes cérémonies de vœux, j’ai eu plusieurs fois l’occasion de souligner que sans forces de police et de gendarmerie, il n’y avait pas de liberté, et que sans liberté, il n’y avait plus de démocratie. Avec ce texte, c’est donc notre démocratie qui est en jeu. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Dino Cinieri.

    M. Dino Cinieri

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    À la suite de Gilles Lurton, je veux profiter de l’examen de cette proposition de loi pour rendre hommage à nos forces de l’ordre et de sécurité. À chacune des manifestations, violentes ou non, nos policiers, CRS, gendarmes et pompiers sont sur le pont pour garantir la sécurité de nos concitoyens. Le 20 décembre dernier, vous avez signé un accord avec les organisations syndicales, relatif à la rémunération des policiers. C’est un premier pas vers une juste reconnaissance de celles et ceux qui sont en première ligne pour faire respecter l’ordre républicain face à la violence et au terrorisme.
    C’est aussi naturellement une question de pouvoir d’achat pour nos policiers comme pour l’ensemble de nos fonctionnaires. Monsieur le ministre, quand les heures supplémentaires qui leurs sont dues, à hauteur de 270 millions d’euros, seront-elles payées ? Pouvez-vous vous engager à ce que ces heures supplémentaires soient défiscalisées pour compenser le retard de paiement ?
    Je vous ai écrit le 20 décembre pour savoir si vous alliez étendre cet accord aux gendarmes et je regrette de ne pas avoir eu de réponse, mais j’espère qu’aujourd’hui vous nous donnerez des précisions. Je n’ignore pas que les gendarmes ont un statut différent des policiers. Mais même s’ils ne peuvent pas exprimer directement leurs revendications du fait de leur statut militaire, les gendarmes ont eux aussi droit à la considération et à la reconnaissance de la nation. Il serait particulièrement injuste qu’ils en soient privés, qu’ils soient oubliés dans cet accord.

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Gosselin.

    M. Philippe Gosselin

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    Je m’étonne de voir ce texte faire couler autant d’encre et être à ce point caricaturé. Il y aurait d’un côté les adeptes du tout sécuritaire et de l’autre, ceux de l’angélisme… En réalité, il faut rester ouvert et garder en tête le principe de réalité. Aujourd’hui, certaines personnes ne viennent pas exercer le droit de manifester ni défendre de grands principes : ils ont tout simplement envie, pardonnez-moi l’expression, de se faire du flic ou du pompier, bref, de fiche le bazar.
    Une démocratie doit-elle se protéger contre ces casseurs, contre ces anti-démocrates ? La réponse est évidemment oui. Oui, nous devons nous protéger ; ce n’est pas le droit de manifester qui est ici en cause, mais celui à une vie démocratique paisible, et ce droit serait menacé si nous n’allions pas au bout du processus, il faut le rappeler ici avec force.
    Je suis donc surpris que la proposition de loi de Bruno Retailleau – le véhicule législatif chargé de traiter le problème – soit vidée de quasiment tout son sens. On a ainsi supprimé l’article 1er, mais aussi les articles 4 et 5. Nous découvrons des textes qui ont circulé sous le manteau, des amendements gouvernementaux… Le périmètre prévu à l’article 1er permettait de rendre le dispositif plus efficace, et j’en regrette l’abandon.
    Au-delà de cet enjeu, ayons tous en tête le besoin de protection. Il n’est nullement question de remettre en cause le droit de manifester. Il me paraît également important que les droits de la défense soient respectés et que les recours soient possibles contre les actes des uns et des autres. Pour autant, pas de procès en indignité : non, dans une démocratie comme la nôtre, on ne doit pas pouvoir se faire du flic et du pompier comme s’il s’agissait d’une activité banale. Il faut réaffirmer avec force qu’il n’en est pas question.

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    N’en déplaise à nos collègues des Républicains et à M. le ministre de l’intérieur, cette loi est bien un texte de circonstance. En effet, comme Ugo Bernalicis l’a rappelé dernièrement, depuis le début de la législature, il y a plus d’un an, nous aurions pu nous saisir de plusieurs occasions pour nous pencher sur ces questions. Nous aurions ainsi pu le faire lors de l’examen de la loi relative à la réforme de la justice ou de celle relative à la sécurité intérieure, qui prévoyait une série de procédures et de dispositifs visant à garantir la sécurité de nos concitoyens et leur expression démocratique.
    Cette loi de circonstance traduit la médiocrité de la réponse du Gouvernement face au mouvement populaire des gilets jaunes, majoritaire dans le pays, qui s’exprime depuis plus de douze semaines sur des modes diversifiés mais presque toujours pacifiques et qui subit de la part du Gouvernement une répression judiciaire et policière brutale.
    Ce ne sont pas uniquement la France insoumise et les participants aux manifestations qui dénoncent les dangers de ce texte, mais aussi les organisations de défense des droits humains. Amnesty International alerte ainsi, depuis l’annonce de la proposition de loi, sur la remise en cause du droit constitutionnel de manifester. C’est clairement de cela qu’il est question : le fait même d’obliger à déclarer systématiquement une manifestation représente d’ailleurs un abus par rapport à ce droit.
    L’indigence de votre réponse est générale.

    M. le président

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    Merci, madame Obono…

    Mme Danièle Obono

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    Vous prétendez ainsi traiter la question des violences dans les manifestations, mais refusez d’aborder une forme de violences qu’ont découverte beaucoup de nos concitoyens : les violences policières. Nous y reviendrons dans le débat parce que vous devrez rendre des comptes. (Mme Caroline Fiat applaudit.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marietta Karamanli.

    Mme Marietta Karamanli

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    Nous assistons tout de même à une drôle de reprise des travaux ! L’article 1er a été supprimé en commission, alors que le ministre – je ne mens pas, et j’ai bonne mémoire – l’avait soutenu dans le débat. Après l’avoir supprimé, la rapporteure en a réécrit une nouvelle version par amendement, mais on découvrira tout à l’heure un amendement du Gouvernement qui supprimera de nouveau ce qui a été proposé par la majorité. Franchement, ce n’est pas sérieux ! Ces errements montrent bien que ce texte ne répond pas aux problèmes qui se posent aujourd’hui. Comme je l’ai dit hier au nom du groupe, plutôt que de reprendre cette proposition de loi, nous aurions dû travailler autrement, sur le fond.
    Je ne mets pas en cause les principes exprimés par les collègues : oui, nous sommes tous attachés à l’expression de la démocratie, y compris à la liberté de manifester, comme à la nécessité de poursuivre et de condamner les casseurs. Nous sommes tous d’accord là-dessus. En revanche, le périmètre de vérification qu’il était question de créer n’autorisait aucune voie de recours, alors que les policiers ont tous insisté sur le problème des moyens humains. Bref, ni la méthode ni le contenu ne sont au rendez-vous. Si la confusion perdure toute la soirée, je crains que le débat ne porte pas sur le fond, tant la forme fait défaut.

    M. le président

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    La parole est à M. Maxime Minot.

    M. Maxime Minot

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    Quelques faits : 14 juin 2016, vitres brisées à l’hôpital Necker-Enfants malades ; 1er mai 2018, scènes de guérilla urbaine ; 1er décembre 2018, Arc de triomphe vandalisé. Qui n’a pas été choqué par ces actes violents et insensés ?
    Il est indéniable que dorénavant, dans notre pays, des groupes dévoient le droit de manifester en droit de casser. Cela doit cesser. Il y va de la survie de notre République car si la sécurité n’est plus assurée, il n’y a plus de contrat social.
    Dans ce contexte, si notre arsenal juridique s’est étoffé au fil des années, force est de constater qu’il reste insuffisant. Ce texte, issu de la majorité sénatoriale, répondait à l’origine à cette carence. Mais s’il y a urgence, elle ne rime certainement pas aujourd’hui avec cohérence : celle-ci manque tant au Gouvernement – qui, au Sénat, dépose des amendements de suppression avant de se prononcer publiquement en faveur de certaines dispositions – qu’à la majorité, puisque les sénateurs de La République en marche ont voté contre ce texte et que les députés l’ont vidé de son contenu.

    M. Pierre Cordier

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    Très bien !

    M. Maxime Minot

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    À ceux qui, de l’autre côté de l’hémicycle, invoquent le respect du droit de manifester, je rappelle que l’interdiction de manifester existe dans notre droit, ne leur en déplaise, et qu’il est préférable d’empêcher quelques individus de manifester plutôt que d’interdire la tenue d’une manifestation. Quant à ceux qui, sur d’autres bancs, se réfugient derrière la liberté individuelle quand cela les arrange, pour masquer un renoncement de l’autorité de l’État, je leur oppose la liberté de ceux qui veulent manifester pacifiquement sans voir notre pays en flammes.
    Vous avez aujourd’hui l’occasion de dépasser les caricatures et les postures ; saisissez-la ou vous rendrez des comptes aux Français. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Didier Paris.

    M. Didier Paris

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    Nous devrions parler sur l’article 1er A, mais, de façon somme toute logique, les collègues s’expriment sur l’intégralité du texte et la vision qu’ils en ont. (« Non ! » sur les bancs du groupe LR.) Je crois donc utile que nous nous exprimions aussi sur ce point.

    M. Thibault Bazin

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    Nous sommes bien obligés puisque l’article 1er a été supprimé !

    M. Gilles Lurton

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    On s’exprime sur ce qu’on veut !

    M. Didier Paris

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    Chers collègues, évitez de faire ce que vous réprouvez dans les rues…
    Le sens de cette loi est, clairement, de garantir le droit de manifester en France. C’est un droit constitutionnel, à la réserve près – rappelée hier dans la discussion générale – que des dispositions, y compris internationales, en fixent les conditions d’exercice.

    M. Pierre Cordier

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    On n’a pas besoin de cours de droit !

    M. Didier Paris

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    Ce droit doit ainsi être limité lorsqu’il menace l’ordre public. C’est un équilibre sans doute délicat, mais nous pouvons, je crois, définir ensemble la meilleure façon de concilier le droit constitutionnel de manifester et la nécessité de préserver l’ordre public. Pour cela, il ne faut pas se contenter de postures politiques – car c’est de cela qu’il s’agit lorsqu’on insiste sur le fait que l’article 1er a été annulé, repris, annulé…  (Rires et  exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Pierre Cordier

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    Pas vous, monsieur Paris !

    M. Didier Paris

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    Ce qu’il faut, c’est adopter des dispositions réellement opérationnelles. Or nous avons de sérieux doutes sur le caractère opérationnel du périmètre puisque, comme vous le savez, les manifestations évoluent et qu’il est délicat de les confiner à l’intérieur d’un secteur.

    M. Emmanuel Maquet

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    Vous insultez les sénateurs !

    M. Didier Paris

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    D’ailleurs, les services de police et de gendarmerie chargés de l’ordre public, auquel nous sommes attachés, ont du mal à résister et gaspillent beaucoup d’énergie à maintenir un périmètre qui n’est pas efficace par rapport à la nature des manifestations. C’est pourquoi nous faisons évoluer le texte dans le bon sens.

    M. Pierre Cordier

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    Bravo, quelle condescendance !

    M. le président

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    La parole est à Mme Caroline Fiat.

    Mme Caroline Fiat

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    Les circonstances nous amènent à évoquer les violences. Vous m’avez souvent entendue parler de maltraitance institutionnelle ; celle-ci ne concerne pas uniquement les établissements de santé, mais toute la sphère gérée par l’État et le Gouvernement.
    Lorsque les forces de l’ordre sont fatiguées, qu’on ne rémunère pas leurs heures supplémentaires, qu’on ne les dote pas de moyens financiers et humains suffisants, elles peuvent commettre des actes de maltraitance. Lorsque les manifestants sont méprisés, insultés, accusés de tous les maux, fatigués, on se retrouve avec des scènes de violence.
    Quant aux casseurs qui ne viennent que pour casser, si j’ai bien compris les propos de M. le ministre, il s’agit de 150 à 300 personnes bien identifiées ; dans ce cas, enfermons-les et toutes les manifestations se passeront bien !

    M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur

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    Il faut quand même respecter le droit !

    Mme Caroline Fiat

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    Ou alors est-ce dans votre intérêt de les laisser continuer ? Il est en tout cas troublant de se dire que le phénomène ne concerne que 150 ou 300 personnes, mais qu’on en arrive là. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
    Pour revenir au problème de la fatigue qui engendre des scènes violentes, monsieur Paris, j’ai l’impression que c’est précisément votre jeu : vous vous amusez à titiller et à agacer, vous faites tout pour excéder et provoquer les gens, pour que « ça » arrive ! (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Maxime Minot

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    Bravo !

    Mme Caroline Fiat

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    Et après vous vous cachez en accusant les groupes d’opposition de mettre le feu aux poudres ! Non, il faut avoir l’intelligence de prendre les choses comme elles sont. Arrêtons les attaques et les piques, cessons d’insinuer qu’on serait plus subtil que les autres. Un peu de cohérence dans la situation actuelle ferait du bien à tout le monde. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. Gilles Lurton

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    Bravo, madame Fiat !

    M. le président

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    La parole est à M. Fabien Di Filippo.

    M. Fabien Di Filippo

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    Cela nous fait doucement rigoler, en effet, d’entendre dire que certains, dans l’opposition, donneraient dans la caricature, dans la posture. Comme vient de le suggérer mon collègue Gilles Lurton, vous et vos troupes, monsieur Le Gendre, avez sans doute été, encore une fois, trop subtils, trop intelligents. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Ugo Bernalicis

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    C’est bien !

    M. Fabien Di Filippo

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    Si nous avions créé, avec cette proposition de loi, un délit d’arrogance – car si l’arrogance n’est peut-être pas la cause de la crise, c’en est un des principaux catalyseurs –, beaucoup d’entre vous se retrouveraient derrière les barreaux. (Protestations  sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Jacques Marilossian

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    Parole d’expert !

    M. Fabien Di Filippo

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    Et puisqu’il est question de postures politiciennes, je citerai, pour me limiter à un exemple de la tartuferie du texte qui nous est soumis, ces propos tenus par le Premier ministre au journal de vingt heures de TF1 : « Ceux qui arrivent aux manifestations cagoulés, aujourd’hui c’est une contravention, demain ça doit être un délit ». Or, vous avez complètement vidé cette loi de sa substance. Le port des casques et des cagoules ne suffira plus à constituer un délit (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR) : il faudra que s’y ajoutent la violence ou l’intention de nuire, qui sont impossibles à caractériser.
    Après avoir supprimé cet article 1er et toutes les mesures qui permettaient d’assurer une vraie sécurité pour les manifestants, vous n’êtes absolument pas en mesure de nous donner des leçons. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Dino Cinieri, pour soutenir l’amendement n193, tendant à la suppression de l’article 1er A.

    M. Dino Cinieri

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    Je regrette de n’avoir pas eu de réponse à la question que j’ai posée à M. le ministre de l’intérieur...

    M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur

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    Elle était dès le mois de décembre dans la presse !

    M. Dino Cinieri

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    Ce n’est pas parce que la majorité des déclarants ne respectent pas les formalités prévues à l’article L. 211-2 du code de la sécurité intérieure qu’il faut les supprimer, qu’il s’agisse du nombre de déclarants et de contreseings ou de l’obligation, pour les organisateurs, d’être domiciliés dans le département où la manifestation doit se dérouler. Cet amendement tend donc à supprimer l’article 1er A.

    M. le président

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    La parole est à Mme Alice Thourot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, pour donner l’avis de la commission.

    Mme Alice Thourot, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    À titre personnel, avis très défavorable, car l’amendement que vous proposez est contraire à l’intérêt collectif. On a, au contraire, tout intérêt à faciliter les déclarations de manifestations afin d’organiser et de sécuriser celles-ci. Je vois mal, d’ailleurs, comment on peut s’opposer à cette démarche de simplification.
    Je voudrais aussi annoncer de bonnes nouvelles. D’abord, une bonne nouvelle pour la droite : comme vous pourrez le constater, nous proposons de remplir les objectifs de l’article 1er – qui vise à lutter contre les armes, notamment les armes par destination, sur les lieux de manifestation – avec une solution plus pragmatique et opérationnelle, attendue de surcroît par les forces de l’ordre qui, comme cela a été dit durant les auditions ne souhaitent pas la mise en place de périmètres. J’espère que vous souscrirez à cette proposition.
    Une bonne nouvelle, ensuite, pour la gauche.

    M. Philippe Gosselin

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    Il y en a pour tout le monde !

    Mme Alice Thourot, rapporteure

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    Monsieur Bernalicis, la réponse qui aurait dû, selon vous, vous être apportée hier par M. le ministre à la suite à la discussion générale… Vous ne m’écoutez pas quand je vous parle, monsieur Bernalicis !

    M. Ugo Bernalicis

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    Je ne crois pas que vous êtes ministre !

    Mme Alice Thourot, rapporteure

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    Vous n’étiez plus avec nous, hier soir, lorsque la discussion générale s’est terminée.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je peux faire plusieurs choses à la fois ! Il y a des écrans.

    Mme Alice Thourot, rapporteure

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    De plus, vous avez mal lu la simplification que nous proposons. Comme vous le demandiez, en effet, nous allons supprimer la condition relative à la domiciliation dans le département car, comme vous, nous considérons qu’elle est aujourd’hui désuète. Je vous remercie donc d’avance pour votre soutien à propos de cette simplification.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur, pour donner l’avis du Gouvernement.

    M. Christophe Castaner, ministre de l’intérieur

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    Je ne m’exprimerai que sur cet amendement, sans répondre à l’ensemble des questions posées. Je tiens à rassurer M. Cinieri et je l’invite à lire la presse.

    M. Fabien Di Filippo

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    La presse d’État !

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Ce qu’il y trouvera à partir de la date du 21 décembre devrait lui apporter toutes les réponses à ses questions, y compris à propos de l’élargissement de bénéfices financiers pour les gendarmes. En effet, ceux-ci ont, bien évidemment, été reçus par Laurent Nunez dès le lendemain de la discussion engagée avec les policiers. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LR.)
    Votre question était vraiment bonne et le principe d’une solidarité en faveur des gendarmes nous a semblé nécessaire…  (Mêmes mouvements.) Permettez-moi de finir ma phrase.

    M. le président

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    Chez collègues, veuillez laisser parler M. le ministre.

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Bien que je m’exprime sur l’amendement, je tiens à répondre aussi à cette question importante. Nous avons en effet des convergences de vues, tant sur la méthode de gestion des heures supplémentaires discutée avec les partenaires sociaux que sur l’octroi d’avantages financiers aux gendarmes – notamment pour les plus bas salaires – compte tenu de leur mobilisation. Ces engagements ont été pris par ce gouvernement.
    Sur l’amendement tendant à supprimer l’article 1er A, l’avis du Gouvernement est défavorable. Pour ne répondre qu’à votre question, madame Obono, et sans aborder toutes les autres, j’ajoute qu’il ne s’agit absolument pas de rendre obligatoire la déclaration, car cette obligation existe déjà – de fait, actuellement, lorsqu’on organise une manifestation, on doit la déclarer. Le Gouvernement et la majorité proposent au contraire d’en simplifier le principe. Alors qu’il fallait précédemment trois personnes vivant dans le département pour déclarer une manifestation, il est proposé aujourd’hui d’adopter un système nettement plus simple. Mais peut-être ne faut-il pas simplifier ?

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Madame la rapporteure, vous savez qu’il existe des écrans permettant de suivre la discussion générale sans pour autant être présent dans l’hémicycle : j’étais à quelques mètres d’ici. Or, la discussion générale ne s’est pas terminée, comme il est de coutume, par une réponse du ministre aux orateurs qui venaient de s’exprimer, mais bien par une levée de séance. Mais il est vrai que ce texte n’a aucunement été préparé dans la précipitation et qu’il n’est assurément pas un texte de circonstance, et qu’il n’y a donc aucune raison d’aller vite – nous l’avons tous remarqué… Quand j’interpelle le ministre, j’attends une réponse de sa part et non de la rapporteure – car c’est elle, dans ce cas, que l’interpellerais, mais ce n’est pas la même chose.

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Vous n’avez pas parlé…

    M. Ugo Bernalicis

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    Monsieur le ministre, à propos des heures supplémentaires, vous recommandez à mes collègues de droite de lire la presse. Quel mépris ! Or, justement, nous lisons la presse et nous savons qu’elle avait annoncé initialement une prime de 300 euros environ pour tout le monde. Au bout du compte, ce sera une augmentation des indemnités qui ne bénéficiera qu’à une partie des corps de la police – les corps d’officiers que j’ai rencontrés ont déploré qu’une fois encore, alors qu’ils étaient mobilisés sur le terrain, ça leur passait sous le nez. Voilà la réalité. Vous n’avez pas répondu à la question des heures supplémentaires, même si vous avez proposé un chiffrage. C’est ici que se décident les crédits, et nulle part ailleurs.

    (L’amendement n193 n’est pas adopté.)

    (L’article 1er A est adopté.)

    Après l’article 1er A

    M. le président

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    La parole est à Mme Coralie Dubost, pour soutenir l’amendement n185, portant article additionnel après l’article 1er A

    Mme Coralie Dubost

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    Défendu

    (L’amendement n185, repoussé par la commission et le Gouvernement, n’est pas adopté.)

    Article 1er

    M. le président

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    La commission a supprimé l’article 1er.
    Je suis saisi de plusieurs amendements, nos 213, 219, 111, 129, 159, 11, 26, 60, 82 et 147, tendant à le rétablir, qui peuvent être soumis à une discussion commune.
    Les amendements nos 213 et 219 sont identiques, ainsi que les amendements nos 11, 26, 60, 82 et 147.
    Les amendements nos 213 et 219 font l’objet de plusieurs sous-amendements, nos 248, 258, 255, 257, 263, 249, 254 et 262.
    La parole est à M. Jean-François Eliaou, pour soutenir l’amendement no  213.

    M. Jean-François Eliaou

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    Cet amendement tend à établir un dispositif plus opérationnel que celui qui était  proposé par la proposition de loi initiale. Il permettra aux forces de l’ordre, sans filtrage à l’entrée des manifestations, de fouiller toute personne et tout véhicule, afin de rechercher des armes ou tout objet pouvant constituer une arme par destination.

    Mme Cécile Untermaier

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    C’est déjà possible !

    M. Jean-François Eliaou

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    Ces personnes ne seront pas laissées dans la nature, mais placées en garde à vue si besoin. Il s’agit donc du même mécanisme que celui qui est prévu à l’article 78-2-2 du code de procédure pénale, mais adapté aux manifestations, car strictement limité aux actes que les forces de l’ordre peuvent constater sur les lieux de la manifestation ou à ses abords afin de neutraliser les personnes venues casser.
    Les sous-amendements du Gouvernement tendront à simplifier la rédaction en préservant, bien entendu, l’objectif visé ici. Je vous invite donc à voter notre amendement et les sous-amendements du Gouvernement.

    M. le président

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    Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 248 et 258.
    La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement n248.

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Je saisirai cette occasion de répondre aussi à la première partie des interventions relatives aux enjeux liés à l’article 1er. Les députés qui étaient présents en commission des lois m’ont entendu évoquer, au nom du Gouvernement, l’importance que revêt cet article – moins par sa rédaction que par les outils qu’il propose et les moyens qu’il donne à nos forces de sécurité, sous l’autorité des préfets et sous le contrôle des magistrats. Il permet en effet de procéder à des interventions qui sécurisent l’action des autorités publiques afin d’assurer le bon déroulement des manifestations.
    J’évoquerai d’abord la notion de périmètre, qui a donné lieu à une lecture inexacte, laquelle a suscité des inquiétudes, notamment lors les auditions réalisées par la rapporteure. Le périmètre a en effet pu être considéré comme figé, comme l’est, par exemple, le dispositif dit de la « fan zone » que nous appliquons le soir du 31 décembre pour permettre à 250 000 personnes de se rassembler sur les Champs-Elysées dans des conditions sécurisées. Il ne me semble pas que c’était le sens de l’intitulé proposé par la proposition de loi votée par le Sénat, qui ne visait pas un périmètre figé, mais un périmètre territorial. Des échanges ont eu lieu sur ce sujet et une proposition a été formulée afin de répondre à ces objectifs.
    Compte tenu des discussions qui ont eu lieu, je vous propose de modifier par deux sous-amendements  la proposition que vient de présenter M. Eliaou, afin de renforcer les moyens d’intervention et de contrôle permettant de sécuriser le déroulement des manifestations. La suppression des alinéas 2 à 6 de l’amendement no 213 apportera une garantie juridique qui permettra de poursuivre dans de bonnes conditions les discussions avec le Sénat.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Louis Thiériot, pour soutenir le sous-amendement identique n258.

    M. Jean-Louis Thiériot

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    L’objet de ce sous-amendement est, simplement et toujours, de donner à nos forces de l’ordre les outils juridiques leur permettant d’intervenir efficacement. Nous avons besoin que le périmètre visé puisse être interdit pour une durée raisonnable. Or, la durée de deux heures ne permet pas d’être efficace. En effet si les constatations peuvent être effectuées en temps réel sur le lieu de la manifestation par les forces de l’ordre, certaines informations peuvent émaner d’autres sources, notamment du renseignement territorial, qui joue un rôle essentiel dans l’appréciation de la menace. Il est donc impératif de rétablir le délai de vingt-quatre heures.

    M. le président

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    Je suis saisi de deux sous-amendements identiques, nos 255 et 257.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir le sous-amendement n255.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce sous-amendement tend à supprimer les autres alinéas, que le Gouvernement a visiblement oublié de supprimer. Nous reviendrions ainsi à l’état du texte issu de la commission, c’est-à-dire à la suppression de l’article 1er. Il est ubuesque, pour obtenir la suppression d’un article, de devoir déposer un sous-amendement à un amendement relatif à un article supprimé. De fait, on ne peut pas déposer un amendement tendant à la suppression d’un article qui n’existe plus ! Voilà la situation dans laquelle nous nous trouvons. Le summum est que l’article et le texte sont tellement bien préparés que le Gouvernement lui-même sous-amende un amendement de la majorité dans un délai qui peut sembler lunaire.
    Monsieur le ministre, vous nous dites que vous avez mené des discussions avec les uns et les autres, mais c’est, d’habitude, ce à quoi servent les auditions.  Il y a une procédure législative et, d’habitude, les rencontres se font au vu de tous les parlementaires qui souhaitent s’impliquer sur ces dossiers. Mais non ! Vous préférez agir dans votre coin, à la va-vite et au mépris de la représentation nationale. Eh bien, pour nous, ce sera une suppression en bloc.

    M. le président

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    La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir le sous-amendement identique n257.

    Mme Marietta Karamanli

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    La discussion reflète ce que je disais tout à l’heure. Ce sous-amendement tend en effet à supprimer ce qui reste de ce qui n’a pas été supprimé – c’est très clair ! (Sourires.) De fait, le sous-amendement du Gouvernement tend déjà à supprimer une partie de l’amendement n213, qui tend à rétablir l’article 1er  supprimé en commission des lois et nous proposons maintenant de supprimer le reste.
    Lors du débat au Sénat sur l’article 1er, certains orateurs ont rappelé la condamnation par la Cour européenne des droits de l’homme.
    Certains de ces dispositifs, qui se trouvaient dans la loi sur l’état d’urgence, se retrouvent aujourd’hui dans la présente proposition de loi. Ce sont ces éléments qui nous ont amenés à proposer initialement la suppression de l’article 1er.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Louis Thiériot, pour soutenir le sous-amendement n263.

    M. Jean-Louis Thiériot

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    Ce sous-amendement répond lui aussi à un souci d’efficacité : nous avons besoin, lors des manifestations, de mesures de police administrative qui permettent non seulement de lutter contre le port d’armes – par nature ou par destination –, mais aussi de pouvoir recourir, à cette fin, à des mesures de palpation et de fouille.
    Nous proposons donc que cette faculté soit explicitement prévue dans le cadre d’une mesure de police administrative prise par le préfet ou par le préfet de police. C’est une mesure d’efficacité et de cohérence.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre, pour soutenir le sous-amendement n249.

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Les palpations évoquées dans le sous-amendement qui vient d’être présenté  soulèvent une difficulté d’ordre juridique. Il s’agit d’une mesure à laquelle recourent aujourd’hui nos forces de sécurité dans le cadre de contrôles et dont l’usage est parfaitement légal, mais il est difficile de les mentionner spécifiquement dans ce cadre, car toute une série d’opérations effectuées par les policiers risquerait de faire l’objet de contestations a contrario : un justiciable pourrait objecter que les palpations n’ont pas été explicitement autorisées dans tel cas, et leur usage pourrait ainsi être contesté.
    Nous proposons donc de maintenir cet usage – qui est réglementé et encadré, et que, me semble-t-il, personne ici ne remet en cause –, en revenant au dispositif d’origine, c’est-à-dire en supprimant la mention des palpations, afin d’éviter tout argument a contrario qui pourrait être retourné contre les bonnes pratiques de nos forces de sécurité.

    M. le président

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    Sur les amendements identiques nos 213 et 219, je suis saisi par le groupe La France insoumise d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir le sous-amendement n254.

    Mme Danièle Obono

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    Il tend à supprimer les alinéas 10 à 12 de ces amendements, que le Gouvernement semble avoir oublié de supprimer comme les autres, afin de maintenir la suppression de l’ensemble de l’article 1er. L’amendement de la rapporteure et le sous-amendement du Gouvernement prévoient de mettre sur le même pied un délit commis lors d’une manifestation et des infractions pénales liées au terrorisme ou à la prolifération des armes de destruction massive, concernant les armes et les explosifs ou  relevant du vol, du recel et du trafic de stupéfiants, pour autoriser l’inspection visuelle et la fouille des bagages et des personnes, ainsi que la visite des véhicules. Cela n’a rien à voir avec la sécurisation des manifestants et la garantie du droit de manifester, mais revient à criminaliser la liberté de manifester.
    Je rappelais tout à l’heure que nous avions déjà eu ces débats lors de l’examen de la loi sur la sécurité intérieure, où il avait été expliqué que l’application des procédures prévues serait encadrée et qu’elles ne pourraient être utilisées que dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. La majorité jurait ses grands dieux qu’elles ne s’appliqueraient certainement pas aux mouvements sociaux. Nous avions malheureusement eu l’expérience du contraire lors de l’état d’urgence, où des militants associatifs et écologistes avaient été visés.
    Vous cherchez ici à appliquer des mesures qui sont certes encadrées, mais qui le sont précisément parce qu’elles supposent des pratiques invasives et qu’elles ne peuvent s’appliquer, par conséquent, que dans des circonstances très particulières. Or vous mettez sur le même plan un mouvement social et des actes relevant de la grande délinquance et du terrorisme. Nous voulons donc supprimer ces alinéas qui remettent en cause le droit de manifester. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir le sous-amendement identique n262.

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    Chacun sait que l’article 1er de la proposition de loi a été supprimé lors de l’examen du texte en commission. Le Gouvernement a alors annoncé son intention de le réécrire en vue de son examen en séance. Cette façon de procéder trahissait déjà, pour le groupe Libertés et territoires, un mépris du travail parlementaire.
    Aujourd’hui, nous découvrons non seulement l’amendement du groupe La République en marche qui vise à réintroduire cet article, alors qu’il continue à poser des problèmes de fond, notamment en termes de libertés publiques, mais aussi le sous-amendement du Gouvernement qui vise à vider cet amendement de sa substance, au motif que « compte tenu de la date de dépôt de cet amendement, des améliorations pourront être apportées à la rédaction de ces dispositions lors de la navette parlementaire ».
    C’est une nouvelle marque de mépris envers la représentation nationale. Vous ne nous permettez pas d’exercer dans de bonnes conditions notre rôle de législateur. Non seulement nous découvrons en séance publique une nouvelle version de l’article 1er, mais vous prenez l’Assemblée en otage pour légiférer à l’aveugle et dans l’urgence sur un sujet clivant, sensible et risqué, qui fait redouter des atteintes réelles aux libertés publiques et aux libertés fondamentales. C’est la preuve qu’il peut y avoir, dans la pratique, des failles quant à l’objet même de l’article 1er.
    Il nous paraît donc indispensable, compte tenu de ces réserves importantes sur la forme comme sur le fond, de supprimer les autres alinéas de l’amendement du groupe La République en marche, c’est-à-dire ses alinéas 10 à 12.

    M. le président

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    La parole est à Mme Trastour-Isnart, pour soutenir l’amendement no 111.(Exclamations sur plusieurs bancs – « Et le 219 ? ».)
    L’amendement no 219 de la rapporteure est identique à l’amendement n° 213 de M. Eliaou, qui a fait l’objet de plusieurs sous-amendements. Maintenant qu’ils ont été examinés, nous passons, si Mme la rapporteure le permet, à l’examen d’autres amendements faisant l’objet de la même discussion commune, qui visent également à rétablir l’article 1er, mais qui ne sont pas identiques aux précédents.

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour un rappel au règlement.

    M. Ugo Bernalicis

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    Ce que vous venez de dire, monsieur le président, est incompréhensible pour tout le monde ! L’amendement no 213 du groupe majoritaire est, dites-vous, identique à celui de la rapporteure, lequel ne sera pas défendu parce qu’il est identique et n’est pas sous-amendé, mais à la fin cela revient au même, sans être pareil… On se moque du monde ! Ces méthodes sont la preuve évidente de la mauvaise tenue de ce débat. (Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    Je ne suis pas certain que la clarté ou l’intelligibilité de mes propos relève du règlement de l’Assemblée nationale. En annonçant le scrutin public – que vous avez d’ailleurs, si nous voulons être précis quant au respect de nos règles, demandé un peu tardivement –, j’ai annoncé que le vote porterait sur les amendements identiques nos 213 et 219, après quoi nous avons procédé à l’examen des sous-amendements.

    Article 1er(suite)

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Trastour-Isnart, pour soutenir l’amendement n111.

    Mme Laurence Trastour-Isnart

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    L’article 1er du texte sénatorial conférait au préfet la possibilité – et non l’obligation – d’autoriser les forces de sécurité intérieure à procéder à des palpations de sécurité, ainsi qu’à un contrôle des effets personnels dans un périmètre délimité autour de la manifestation. Ce dispositif ne pouvait s’appliquer qu’en cas de risque avéré de troubles à l’ordre public.
    Cependant, la commission des lois de l’Assemblée nationale a préféré supprimer cet article qui était au cœur du texte. Elle a ainsi affaibli, voire supprimé, l’efficacité opérationnelle de ce texte. Cela est incompréhensible, car c’était une mesure de bon sens, visant notamment à empêcher l’introduction dans la manifestation de tout objet susceptible de constituer une arme par destination, dans un objectif de protection des citoyens et des manifestants.
    Le présent amendement vise donc à rétablir ce dispositif lorsqu’il existe des risques de troubles graves à l’ordre public.

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement n129.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    La rédaction de cet article posait trois problèmes, que la version que je propose ici veut corriger.
    Le premier tenait au caractère particulièrement flou des circonstances qui laisseraient penser que l’ordre public puisse être remis en cause. Dans la précédente version, il était question de « circonstances qui font craindre des troubles d’une particulière gravité ». C’est un peu vague, me semble-t-il, et c’est surtout marqué par une forte part de subjectivité. C’est pourquoi il me semble plus pertinent de remplacer les craintes de certains par des faits précis. C’est ce que je propose d’inscrire dès la première phrase de ce nouvel article.
    Second problème : le rôle du préfet qui, comme on le sait, est une personnalité fortement politisée. Je comprends qu’il soit a priori plus simple et plus efficace de faire appel à lui mais, en fonction des affinités politiques, les mesures prises pour encadrer les manifestations pourront différer d’une préfecture à une autre. C’est pourquoi je propose que les mesures prises par le préfet soient contrôlées par le juge.
    Troisième problème, enfin : celui du consentement des personnes qui font l’objet d’une vérification. Nous avons déjà eu ce débat lors de l’examen du texte qui devait permettre de lutter contre le terrorisme. À l’époque, on nous avait déjà dit qu’une personne voulant entrer dans une fan zone tout en refusant d’être fouillée serait tout simplement refoulée. Ici, c’est la même logique : on nous dit que si une personne refuse de se soumettre à des palpations de sécurité ainsi qu’à l’inspection de son sac, elle sera priée de s’éloigner du périmètre de sécurité. Ce n’est pas sérieux. Si l’on veut vraiment lutter efficacement contre les personnes qui sèment la violence lors des manifestations, il faut s’en donner les moyens et rendre la fouille absolument obligatoire. Dans le cas contraire, il serait très facile de perpétrer des actes de violence en s’éloignant simplement un peu.
    Pour toutes ces raisons, je propose cette nouvelle rédaction de l’article 1er.

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Diard, pour soutenir l’amendement n159.

    M. Éric Diard

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    Merci, monsieur le président, de me donner enfin la parole. (Sourires.) Mon amendement, qui est presque identique à celui de M. Eliaou, tend à rétablir l’article 1er en renforçant les conditions d’exercice des fouilles et en interdisant le port d’objets pouvant constituer des armes.
    Cependant, je constate que ce dernier point est supprimé par un sous-amendement du Gouvernement, tandis qu’un second sous-amendement du Gouvernement supprime la possibilité donnée aux officiers de police judiciaire –  OPJ – de procéder à des palpations de sécurité.

    M. Christophe Castaner, ministre

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    C’est l’inverse !

    M. Éric Diard

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    Je tiens à vous mettre en garde quant au fait que cette loi, très importante, doit être très efficace. Nous avons tous un impératif commun : concilier l’ordre public et la liberté constitutionnelle de manifester. Nous ne sommes pas là pour préserver les équilibres entre les courants de La République en marche (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.) Que cela soit clair ! Il est pour nous tous impératif que cette loi soit efficace et permette d’éradiquer les casseurs et les brutes. En effet, comme je l’ai dit hier soir, alors que nous n’étions plus très nombreux, les renseignements territoriaux sont entièrement mobilisés pour la surveillance des manifestations et des casseurs, ce qui finit par se faire au détriment de la lutte contre le terrorisme.

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 11, 26, 60, 82 et 147.
    Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe Les Républicains d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Arnaud Viala, pour soutenir l’amendement n11.

    M. Arnaud Viala

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    Cet amendement de notre collègue Masson vise à rétablir l’article 1er dans la rédaction initiale du Sénat, afin de permettre d’introduire dans le droit commun des mesures issues du droit d’exception applicable à l’état d’urgence.

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Naegelen, pour soutenir l’amendement n26.

    M. Christophe Naegelen

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    Nous convenons tous que le droit de manifester est un droit fondamental. Il doit toutefois être exercé dans le respect des institutions. Cet amendement vise à rétablir la rédaction de l’article 1er issue du Sénat, qui prévoit que les palpations sont autorisées dès lors qu’il y a trouble à l’ordre public.

    M. le président

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    La parole est à M. Patrice Verchère, pour soutenir l’amendement n60.

    M. Patrice Verchère

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    Il rétablit la version adoptée par le Sénat. Il a en effet pour objet de rendre possible le contrôle des effets personnels des passants, lors des manifestations, lorsqu’il existe un risque de troubles à l’ordre public, notamment pour assurer l’effectivité de l’interdiction préfectorale susceptible d’être prise au titre de l’article L. 211-3 du code de la sécurité intérieure.

    M. le président

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    La parole est à M. Thibault Bazin, pour soutenir l’amendement n82.

    M. Thibault Bazin

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    C’est assez étonnant : un dispositif est proposé en vue de prévenir les violences. Il est supprimé en commission au profit d’un nouveau, qui déshabille ou « retaille » – sans jeu de mots – le précédent, puisque l’état actuel du droit permet déjà de prendre les dispositions que propose M. Eliaou, si bien que l’objectif initial de nos collègues du groupe Les Républicains du Sénat a été perdu de vue.
    La loi de 2017 renforçant la sécurité intérieure et la lutte contre le terrorisme  – SILT – instaure des périmètres de protection qui sont exorbitants du droit commun en cas d’actes de terrorisme.
    Aujourd’hui, nous assistons à des violences auxquelles l’état actuel du droit ne permet plus de répondre : tel a été notamment le cas à Nantes ou à Paris le 1er mai dernier. Il vous est donc proposé aujourd’hui de rétablir le dispositif prévu dans la rédaction initiale du texte. En effet, ce tour de passe-passe permanent ne nous a toujours pas permis de répondre à la nécessité de nous réarmer et de renforcer notre arsenal juridique face à la violence contemporaine.
    L’exposé des motifs des sous-amendements du Gouvernement à l’amendement de M. Eliaou confesse par deux fois que la rédaction du texte, loin d’être satisfaisante, est perfectible, puisque « des améliorations pourront être apportées à la rédaction de ces dispositions dans le cadre de la navette parlementaire ». Dans ces conditions, pourquoi avoir refusé le renvoi du texte en commission afin de le retravailler, alors que vous avez, cette semaine, la maîtrise de l’ordre du jour ?

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Ciotti, pour soutenir l’amendement n147.

    M. Éric Ciotti

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    Cet amendement, défendu par les députés du groupe les Républicains, vise à restaurer le dispositif prévu par le Sénat qui, dans un périmètre défini, six heures avant une manifestation, confère à l’autorité administrative le pouvoir d’autoriser les forces de sécurité intérieure à procéder à des fouilles et à des contrôles. Telle est la nouveauté du dispositif proposé par notre groupe, monsieur le ministre. En effet, les périmètres de protection prévus par la loi SILT se limitant à la menace terroriste, la rédaction initiale de cet article permettait d’inscrire dans la loi la définition d’un périmètre global de protection.
    Or, vous et votre majorité ne nous proposez que du bricolage législatif : les dispositions que vous proposez, monsieur Eliaou, existent déjà dans notre droit. L’article 78-2-2 du code de procédure pénale prévoit déjà les réquisitions judiciaires, alors que l’article 1er du texte vise des mesures de police administrative : c’est toute la différence ! Quand les dispositions légitimement proposées par les sénateurs permettraient de réaliser un progrès en assurant une plus grande protection, nous en restons, avec l’amendement de M. Eliaou, à l’état actuel du droit, lequel a montré ses limites depuis plusieurs semaines ou plusieurs mois, voire plusieurs années, puisqu’il n’a pas permis, en plusieurs occasions, en raison peut-être d’une organisation déficiente ou d’ordres malvenus, de rétablir l’ordre républicain dans notre pays.
    Vous nous proposez simplement de réinventer l’eau tiède ! Ce n’est pas acceptable. Prévoir un dispositif du même ordre que celui des réquisitions judiciaires n’est pas à la hauteur des enjeux. Ces réquisitions existant déjà, vous ne proposez rien de nouveau sous le soleil, alors que les sénateurs et nous-mêmes proposons des mesures de police administrative précises dans le cadre d’un périmètre de protection.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur l’ensemble des amendements et sous-amendements ?

    Mme Alice Thourot, rapporteure

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    Il s’agit non pas de remettre en cause la liberté de manifester, comme j’ai pu l’entendre, mais, au contraire, de la protéger – je tiens à le souligner. Le respect de l’ordre public est inhérent à la liberté de manifestation et à la liberté d’expression : il est également important de le rappeler.
    Nous partageons l’objectif de l’article 1er : lutter contre la présence des armes et des armes par destination sur les lieux des manifestations, que celles-ci soient ou ne soient pas déclarées – aujourd’hui, en effet, de nombreuses manifestations ne le sont malheureusement pas.
    Vous avez proposé d’instaurer des périmètres : or, des auditions, il ressort que les forces de l’ordre ont besoin de mobilité, afin de pouvoir s’adapter aux menaces nouvelles surgissant au cours des manifestations – nous avons encore pu le constater récemment. De plus, quid de ces périmètres en cas de manifestation non déclarée ? Il faut faire face à l’évolution des violences au cours des manifestations.
    Je l’ai souligné, les forces de l’ordre ne souhaitent pas l’instauration de ces périmètres, afin de pouvoir être plus mobiles : c’est la raison pour laquelle nous avons cherché et trouvé un dispositif nous permettant d’atteindre nos objectifs communs sans recourir à des périmètres. Celui que nous vous proposons est opérationnel sur réquisition du procureur de la République, lequel peut ordonner des palpations de sécurité, des inspections des bagages et des fouilles de véhicule, sur les lieux des manifestations et à leurs abords immédiats, en vue de trouver des armes et des armes par destination.
    Cette disposition ne transige ni avec la liberté de manifester ni avec la sécurité des Français, les deux impératifs que nous souhaitons concilier. Je suis favorable aux sous-amendements nos 248 et 249 du Gouvernement, ainsi, évidemment, qu’au sous-amendement n258 de M. Thiérot, identique au sous-amendement n248 : ils visent à simplifier la rédaction des amendements identiques nos 213 et 219, lesquels avaient repris, pour les préciser, des dispositions du code de la sécurité intérieure, ce qui était inutile. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Si l’article 1er était rétabli avec les deux sous-amendements du Gouvernement, la disposition retenue permettrait d’atteindre un objectif simple : la recherche des armes par destination. En revanche, elle ne permettrait en aucun cas d’interdire à qui que ce soit de participer à une manifestation, d’autant qu’aucun contrôle d’identité n’est prévu, ce qui est une différence avec le texte initial – que je ne  critique pas, puisque, en commission, j’ai souligné que le Gouvernement était favorable à son principe, sous réserve de quelques aménagements.
    Que les choses soient claires : l’objectif est de lutter contre la présence d’armes par destination dans les manifestations. Je l’ai déjà souligné, dans le texte proposé par le Sénat, le périmètre était, à mes yeux, le périmètre de la manifestation et non un périmètre fermé par des gardes statiques. Ce n’est toutefois plus le débat. Il convient de garantir la sécurité de la manifestation, en rendant impossible d’y accéder avec des armes par destination. Deux moyens de contrôles sont prévus : l’inspection visuelle des bagages des personnes et leur fouille dans un cadre réglementé et la visite des véhicules circulant, arrêtés ou stationnés,  sur les lieux de la manifestation et à ses abords immédiats.
    Monsieur Diard, il ne s’agit pas d’empêcher les palpations, dont l’usage est de droit commun aujourd’hui dans l’intervention des forces de l’ordre. Toutefois, les prévoir dans la rédaction de l’article pourrait, a contrario, les rendre impossibles dans le cadre d’autres procédures. Telle est la raison du second sous-amendement du Gouvernement, le n249.
    Notre objectif, je le répète, est de lutter contre la présence d’armes par destination dans les manifestations, ce que permet le rétablissement de l’article 1er avec les deux sous-amendements du Gouvernement.
    Le fait de travailler – c’est votre choix et le nôtre – sur une proposition de loi, issue d’ailleurs d’un groupe n’appartenant pas à la majorité, est une particularité. Le Gouvernement souhaite que le dialogue se poursuive avec le Sénat, parce qu’il nous paraît indispensable de ne rien figer à l’instant présent, par respect pour le caractère bicaméral de notre Parlement. Tel est l’esprit dans lequel nous souhaitons que l’examen du  texte avance.

    M. Pierre Cordier

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    Quelle hypocrisie !

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Demain, les forces de l’ordre, pour lutter contre la présence d’armes par destination, pourront intervenir dans un cadre différent de l’article 78-2-2 du code de la sécurité intérieure et sans avoir toutes les capacités d’intervention offertes par cet article, notamment le contrôle d’identité. Le Gouvernement atteindra ainsi ses objectifs. Le débat se poursuivra certainement, sauf si la CMP permet de trouver un accord entre les deux assemblées. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Michel Fauvergue.

    M. Jean-Michel Fauvergue

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    Les policiers et les gendarmes ne sont pas favorables aux périmètres de sécurité demandés par nos collègues du groupe Les Républicains, parce que le fait d’être immobilisés dans un périmètre leur interdit d’intervenir de manière dynamique. De fait, lors du deuxième samedi de manifestations, l’instauration d’un périmètre autour des Champs-Élysées a eu des conséquences catastrophiques. C’est ce jour-là que l’Arc de Triomphe a subi des dégradations. Voilà pour l’aspect opérationnel.
    Je tiens, pour la forme, à vous rappeler, mes chers collègues du groupe LR, que vous n’avez pas toujours été favorables à l’instauration d’un périmètre de sécurité. Lors de l’examen de la loi SILT, vous avez été quatre-vingt-cinq à voter contre celui qui vous était proposé. Les choses peuvent évoluer. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    En commission, j’ai souligné, devant le ministre, que l’article 1er était inutile et dangereux. Pourquoi aurions-nous besoin de nouvelles dispositions, alors que celles qui sont déjà prévues dans le cadre de l’article 78-2-2 du code de procédure pénale sont suffisantes ?
    Lors des grandes manifestations qui se sont tenues dans ma circonscription, le préfet, qui en avait demandé l’autorisation au procureur de la République, a pu atteindre tous les objectifs que vous vous proposez, mais sous le contrôle de la justice et non pas sous celui de la seule autorité administrative.
    Faisons attention, mes chers collègues ! Comprenez-vous l’utilisation qui pourra être faite, un jour, de ce dispositif par un éventuel régime autoritaire ? Pourquoi ne pas nous contenter de l’article 78-2-2, qui est tout à fait suffisant et qui a déjà montré son caractère opérationnel ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
    Fondamentalement, je suis hostile à ce dispositif qui est confié à la seule autorité administrative, c’est-à-dire au préfet, lequel est placé sous l’autorité du ministre de l’intérieur. Je ne dis pas cela pour M. Castaner, qui est tout sauf un rastaquouère.(Sourires.)

    M. Pierre Cordier

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    Auparavant, quand il était jeune.

    M. Charles de Courson

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    Je ne dis pas cela à l’égard de ce gouvernement – mais il passera, comme tous les gouvernements. En cas d’événements graves, vous verrez les conséquences de l’article qu’on vous demande de voter. Je voterai contre le principe de confier un tel dispositif à la seule autorité administrative, sans aucun contrôle.  Mes chers collègues, je vous demande, en conscience, de bien y réfléchir.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-François Eliaou.

    M. Jean-François Eliaou

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    Je souhaite répondre à l’interrogation soulevée tout à l’heure par Mme Obono. Si nous n’utilisons pas l’article 78-2-2 du code de procédure pénale, c’est parce qu’il n’est pas adapté aux manifestations : en effet, il prévoit également des palpations et un contrôle d’identité. Nous proposons donc de créer un nouvel article 78-2-5…

    Mme Cécile Untermaier

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    Vive la simplification !

    M. Jean-François Eliaou

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    …strictement adapté aux circonstances des manifestations : sans palpations ni contrôle d’identité, il permet aux forces de l’ordre d’intervenir sur les lieux d’une manifestation et à leurs abords.

    Mme Amélie de Montchalin

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    Exactement !

    M. Jean-François Eliaou

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    Je le répète : même si l’article 78-2-2 du code pénal est actuellement utilisé par les forces de police, il n’est pas adapté. Le nouvel article 78-2-5 conviendra davantage aux circonstances qui nous préoccupent aujourd’hui.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Effectivement, les forces de l’ordre utilisent actuellement l’article 78-2-2 du code pénal alors qu’en théorie, il ne leur permet pas de procéder à des fouilles.

    Mme Alice Thourot, rapporteure et M. Charles de Courson

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    Si !

    M. Ugo Bernalicis

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    Il n’autorise que les palpations et les contrôles d’identité – les forces de l’ordre ne peuvent passer à des fouilles que si elles découvrent quelque chose… Or que se passe-t-il tous les samedis, à Lille par exemple ? À l’intérieur d’un périmètre donné, vous êtes fouillés de la tête aux pieds.

    M. Charles de Courson

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    Bien sûr !

    M. Ugo Bernalicis

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    D’ailleurs, on confisque votre sérum physiologique et on le jette, avec ou sans votre consentement. On confisque également les masques de chantier légers, du genre de ceux que vous utilisez pour des travaux de ponçage – je ne parle pas des gros modèles qui filtrent tout.

    M. Sacha Houlié

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    Peut-on savoir ce que vous faites avec un masque de ponçage dans les manifestations ?

    M. Ugo Bernalicis

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    Ces masques sont-ils des armes par destination ? On voit parfaitement à quoi serviront ces fouilles et ces palpations. (Exclamations sur quelques bancs du groupe FI.) C’est une entrave à la liberté de manifestation. Je vous rappelle qu’une arme par destination n’est, par définition, pas une arme en soi, sauf si elle est catégorisée.
    Nous sommes en train de sortir de l’État de droit. (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.) En bons républicains, vous ne devriez même pas avoir ce genre d’idées. Les procès en républicanisme que vous avez l’habitude de nous faire nous font doucement rigoler. Nous défendons ici les principes de l’État de droit et de la République. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. Charles de la Verpillière

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    Comme à Caracas !

    M. Jacques Marilossian

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    C’est un peu facile, monsieur de la Verpillière !

    M. le président

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    Mes chers collègues, je vous demande d’écouter respectueusement les orateurs.

    Mme Sophie Auconie

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    Mais pas les menteurs !

    M. le président

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    Chacun en sortira grandi. Ce rappel s’adresse aux députés de tous les bancs de notre hémicycle.
    La parole est à M. Éric Ciotti.

    M. Éric Ciotti

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    Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, à ce stade de nos discussions, je ne comprends pas votre volonté de dissimuler les choses ou d’embrouiller le débat.
    Deux positions s’affrontent. La première, définie par M. de Courson, consiste à se référer à l’état du droit actuel : pour atteindre les objectifs fixés par M. le ministre, nous pourrions en rester à l’article 78-2-2 du code de procédure pénale et procéder par réquisitions judiciaires. Cependant, pour répondre aux violences qui se sont exprimées de façon grave et récurrente au cours de plusieurs manifestations, les sénateurs ont proposé un autre dispositif, consistant à compléter le droit actuel par une mesure de police administrative, qui s’inspire un peu des périmètres de protection que vous avez mis en place dans le cadre de la loi SILT en matière de terrorisme et que nous étendrions aux manifestations, de manière générale.
    Monsieur Fauvergue, je ne partage pas votre défiance à l’égard des autorités administratives, notamment des préfets, pour lesquels j’ai le plus grand respect.

    M. Jean-Michel Fauvergue

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    Je les adore !

    M. Éric Ciotti

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    Ils agissent dans le cadre du droit et sous le contrôle du juge, ne vous en déplaise – le juge administratif est un juge et toutes les décisions, y compris celles qui pourraient être prises sur le fondement de cette nouvelle mesure de police administrative, sont susceptibles de recours devant lui.
    Ce que vous nous proposez ce soir, c’est de l’habillage et de la dissimulation ! Vous supprimez cette mesure de police administrative que nous considérons comme utile pour mieux protéger nos concitoyens. Reconnaissez-le ! N’inventez pas des dispositifs qui n’ont aucun sens ! Soit nous en restons au droit actuel, comme le propose M. de Courson, dont je ne partage pas le point de vue, soit nous rétablissons la disposition votée par les sénateurs, qui ont fait œuvre utile. Si vous refusez cette mesure, assumez-le et n’essayez pas de faire du bricolage juridique !

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Vichnievsky.

    M. Charles de Courson

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    La voix de la sagesse !

    M. Bruno Millienne

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    Enfin un peu de modération dans notre hémicycle !

    Mme Laurence Vichnievsky

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    Je ferai quelques observations tenant aussi à la chronologie de la rédaction, de la suppression et de la réécriture de l’article 1er.
    J’ai lu avec attention l’amendement de réécriture de l’article 1er déposé par Mme la rapporteure, et j’ai d’abord été séduite par cette disposition prévoyant de combiner les interventions du préfet et du procureur de la République – le premier pour l’efficacité, le second pour la garantie des libertés individuelles. Cependant, une telle mesure est impossible à mettre en œuvre. En effet, je rappelais hier soir que le procureur n’est pas lié par le préfet.
    Je suis donc sensible aux sous-amendements déposés par le Gouvernement, qui suppriment la première partie de cet amendement réécrivant l’article 1er au motif que des dispositions plus efficaces existent déjà – en l’état actuel de la législation, le préfet peut prendre un arrêté interdisant le port et le transport d’objets pouvant constituer une arme vingt-quatre heures avant le début d’une manifestation. On ne peut que convenir de l’opportunité du sous-amendement n248.
    Si ce sous-amendement est adopté, il restera la deuxième partie de l’article 1er relative aux réquisitions judiciaires. Je suis réservée quant à la nécessité d’adopter une disposition supplémentaire, qui s’ajouterait à l’article 78-2-2 du code de procédure pénale, dont l’existence a été rappelée à plusieurs reprises. Il faudra évaluer les avantages de cette nouvelle mesure dans le cadre de la deuxième lecture.

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Après les diverses interventions des uns et des autres, nous y voyons un peu plus clair. Il est extrêmement difficile d’afficher successivement, sur la tablette dont nous disposons, l’amendement et les différents sous-amendements pour avoir une idée de la rédaction finale du texte sur lequel nous allons nous prononcer.
    Nous avons toutefois compris que la mise en place d’un périmètre de protection était abandonnée, ce qui est très bien car cette mesure présentait un risque d’inconstitutionnalité. Un tel dispositif, conçu pour lutter contre le terrorisme, n’a pas de sens pour une manifestation. Je soutiens donc les députés du groupe La République en marche qui ont agi dans ce sens.
    Quant à la possibilité de confier aux préfets le contrôle des armes susceptibles d’être introduites dans la manifestation, je me range à l’idée de la simplification. Assurons-nous que ce nouveau dispositif serve réellement à quelque chose ! S’agissant de l’article 78-2-2 du code de procédure pénale, le raisonnement a contrario redouté par le ministre doit pouvoir être empêché par une modification rédactionnelle : cela me semble aller dans le sens de la simplification, et cela nous évite de prendre des risques en adoptant une mesure de police administrative qui, contrairement à ce que j’ai pu entendre, n’apporte pas tout à fait les mêmes garanties qu’une disposition judiciaire, ne serait-ce que parce que le juge administratif juge a posteriori, alors que le juge judiciaire juge a priori. Il me semble que nous devons être prudents : dans le cadre de la navette, il nous faudra affiner ce dispositif.
    À ce stade, nous considérons qu’il n’est pas utile de voter pour l’article 1er. Nous voterons donc contre tous les amendements visant à le rétablir.

    M. le président

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    La parole est à Mme la rapporteure.

    Mme Alice Thourot, rapporteure

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    Il est important de clarifier les choses.
    Comme vous l’avez compris, le I de l’article 1er disparaîtra du fait de l’adoption du sous-amendement n248 du Gouvernement. Cette disposition existe déjà ; nous l’avions réécrite pour préciser les choses mais, en réalité, elle ne constituait pas une mesure de police administrative nouvelle par rapport à la rédaction actuelle de l’article L. 211-3 du code de la sécurité intérieure.
    Lorsque mon amendement aura été sous-amendé par le Gouvernement, il restera les réquisitions judiciaires – je réponds ainsi aux inquiétudes de M. de Courson.

    M. David Habib et Mme Cécile Untermaier

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    On ne comprend rien !

    Mme Alice Thourot, rapporteure

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    C’est l’autorité judiciaire, plus précisément le procureur de la République, qui sera en charge de cette mesure. Cette dernière sera différente de l’article 78-2-2 du code de procédure pénale, qui permet d’effectuer des contrôles d’identité.

    Mme Naïma Moutchou

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    Eh oui !

    Mme Alice Thourot, rapporteure

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    Or, quand on cherche des armes ou des armes par destination dans une manifestation, l’objectif principal n’est pas de procéder à des contrôles d’identité ni de recueillir l’identité de tous les manifestants. La mesure proposée est donc plus protectrice que l’article 78-2-2 du code de procédure pénale ; elle s’appliquerait spécifiquement aux manifestations et à la recherche d’armes, notamment d’armes par destination à l’occasion de celles-ci, déclarées ou non. Voilà la précision que je souhaitais vous apporter.

    (Les sous-amendements identiques nos 248 et 258 sont adoptés.)

    (Les sous-amendements identiques nos 255 et 257 ne sont pas adoptés.)

    (Le sous-amendement n263 n’est pas adopté.)

    (Le sous-amendement n249 est adopté.)

    (Les sous-amendements identiques nos 254 et 262 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je vais maintenant mettre aux voix les amendements identiques nos 213 et 219 ainsi sous-amendés.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        121
            Nombre de suffrages exprimés                118
            Majorité absolue                        60
                    Pour l’adoption                88
                    Contre                30

    (Les amendements identiques nos 213 et 219, sous-amendés, sont adoptés ; en conséquence, l’article 1er est ainsi rétabli et les amendements nos 111, 129, 159, 11, 26, 60, 82 et 147 tombent.)

    Après l’article 1er

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements portant article additionnel à l’article 1er.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis, pour soutenir l’amendement n92 rectifié.

    M. Ugo Bernalicis

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    L’objet de cet amendement est de fixer des délais à la juridiction administrative en cas d’interdiction de manifester. En l’état actuel du droit, alors que la déclaration doit être déposée soixante-douze heures à l’avance, l’interdiction peut être prononcée quelques heures avant la manifestation, mettant les manifestants dans l’incapacité de se tourner vers la juridiction administrative pour contester cette interdiction. La contestation intervient donc après que la manifestation a été interdite : c’est ubuesque car, de ce fait, celle-ci n’a pas pu se tenir. Nous souhaitons donc rendre le droit en vigueur plus protecteur en améliorant les voies de recours devant la juridiction administrative.
    Le déroulement de la procédure pourrait être le suivant : vous avez soixante-douze heures pour déclarer votre manifestation. L’autorité préfectorale dispose ensuite de vingt-quatre heures pour donner ou non son accord ; si elle dit non, le juge se prononce dans les quarante-huit heures, c’est-à-dire avant le début de la manifestation, sur l’interdiction de l’autorité préfectorale. Cela permet d’éviter la situation ubuesque dans laquelle vous contesteriez l’interdiction a posteriori : gagner votre recours ne changerait rien, car la manifestation aurait été interdite.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Alice Thourot, rapporteure

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    Il faut bien se replacer dans le contexte. Nous demandons trois jours de délai afin que l’administration, une fois informée de la manifestation, mette tout en œuvre avec l’organisateur pour que la manifestation se déroule dans les meilleures conditions. La police pourra ainsi préparer son dispositif et sécuriser les alentours, en retirant par exemple les objets dangereux présents sur les chantiers ou en balisant la circulation pour éviter les accidents.
    Par ailleurs, ce délai de trois jours permet de discuter avec les organisateurs – ou, plutôt, avec l’organisateur, si l’on tient compte de l’amélioration que nous avons apportée avant l’article 1er –, pour définir ce parcours dans les meilleures conditions, alors que l’ambiance peut être tendue. Cet échange permet souvent  d’aboutir à un compromis au bénéfice de tous. L’on se souvient, à la droite de l’hémicycle, que toutes les manifestations de la Manif pour tous ont été autorisées et, à gauche, que les contestations de la loi travail, en 2016, l’ont été également. Il est important que tous fassent des concessions réciproques et cette négociation suppose donc aussi la possibilité d’interdire la manifestation en cas d’échec du dialogue. Cet élément ne doit pas être supprimé. Avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    J’ai sans doute déclaré plus de manifestations que nombre de députés dans cet hémicycle.

    M. Erwan Balanant

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    Vous n’en savez rien !

    M. Ugo Bernalicis

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    Si ! Je vous assure que j’en ai quelques-unes au compteur, et j’ai connu ce dialogue avec les autorités préfectorales et la police. Je ne nie pas que le délai de soixante-douze heures permette d’engager une discussion et je ne vous demande pas de revenir sur ce délai : ce n’est pas le sujet ! Il s’agit d’affirmer que l’autorité préfectorale dispose de vingt-quatre heures, à compter du début du délai de soixante-douze heures, pour dire si elle interdit ou non. Une fois qu’elle a rendu sa décision – les deux amendements ont été rectifiés et se ressemblent, mais la logique est la même –, les organisateurs peuvent se tourner vers le juge administratif pour contester l’interdiction préfectorale. Le juge pourra se prononcer avant le début de la manifestation, voilà tout !
    Mais si le préfet pense que la manifestation ne générera pas outre mesure de troubles à l’ordre public, alors les soixante-douze heures permettront, par exemple, de retirer le matériel de chantier sur le parcours, de discuter avec les organisateurs, de voir avec eux comment assurer le service d’ordre et de déterminer les risques encourus par les uns et les autres. C’est ainsi que cela doit normalement se passer dans une démocratie, dans un État de droit. Mon objectif n’est donc pas de revenir sur le délai de soixante-douze heures, vous l’aurez bien compris, mais d’améliorer les voies et délais de recours.

    (L’amendement n92 rectifié n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement n91 rectifié.

    Mme Danièle Obono

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    En complément de l’amendement précédent, il s’agit de garantir la liberté de manifester en facilitant le recours effectif contre un arrêté d’interdiction par les organisateurs d’une manifestation et les participants à celle-ci. Dans le droit actuel, le préfet ou le maire peut interdire une manifestation à tout moment avant qu’elle ne se tienne, sans limitation du délai de notification, ce qui n’assure pas un recours effectif devant le juge. En effet, cette interdiction peut survenir six heures, deux heures ou quelques minutes avant la tenue de la manifestation, ce qui est manifestement trop court. Nous proposons donc de permettre la contestation auprès du juge par les organisateurs avant la manifestation, afin que le droit de manifester puisse s’exercer à la suite d’une décision favorable de l’autorité judiciaire.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    Mme Alice Thourot, rapporteure

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    Avis défavorable. J’ai déjà répondu à cet amendement, puisque M. Bernalicis a en fait défendu l’amendement no 91 rectifié.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Monsieur le président, je précise que vous aviez appelé l’amendement no 92 rectifié mais que c’est le no 91 rectifié qui a été défendu. Je reviens donc à l’amendement n92 rectifié, qui inverserait le régime de l’interdiction. Aujourd’hui, ce sont les maires ou les préfets qui ont la possibilité d’interdire, et je leur fais confiance. Au nom de la séparation des pouvoirs entre le législatif, l’exécutif et le judiciaire, il me paraîtrait malvenu que le juge, sur la base d’éléments qu’il ne connaît pas, soit amené à se prononcer sur les menaces pouvant conduire un maire à proposer qu’une partie du territoire soit interdite de manifestation. Le système actuel est simple : les maires ou les préfets peuvent interdire une manifestation. Cet acte administratif peut évidemment, en tant que tel, faire l’objet d’un recours administratif. Nous sommes donc défavorables à cette proposition, qui inverse la responsabilité et le régime de l’interdiction.
    Je veux préciser que ce régime de l’interdiction ne doit pas être considéré comme un diable qui serait utilisé à tout-va. Ainsi, depuis le début des manifestations que nous connaissons actuellement, il n’a jamais été utilisé à Paris. Il a pu l’être partiellement en province, comme à Bourges, où le préfet, en lien avec la mairie, avait interdit de manifester dans le cœur de Bourges, seul l’extérieur de la ville étant autorisé. C’est lorsque certains manifestants – et je ne fais bien évidemment pas d’amalgames avec l’ensemble de ceux qui manifestaient – ont voulu pénétrer à l’intérieur de Bourges que des violences et de la casse ont eu lieu.

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    M. le ministre a fait un certain nombre d’amalgames.

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Absolument pas !

    Mme Danièle Obono

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    Tout d’abord, il est heureux qu’il ait confiance dans les préfets, puisque ceux-ci sont placés sous son autorité ! Ensuite, le rôle même du juge administratif est précisément de statuer. En fait, il n’y a pas de confusion entre les pouvoirs, car il relève de son office de rendre de telles décisions.
    Nous parlons beaucoup de l’interdiction de manifester. Pour répondre à la remarque faite par le ministre tout à l’heure, nous avons bien compris votre démarche : dans les débats portant sur les manifestations, beaucoup de fausses informations ont été diffusées. Il est important de rappeler qu’en l’état, la liberté de manifester, qui relève intrinsèquement des droits fondamentaux, doit être garantie, et que le droit de manifester ne peut pas être soumis à une autorisation préalable. L’État peut mettre en place certaines procédures, comme ces déclarations, mais les manifestations ne sont pas illégales si elles ne sont pas déclarées. Le fait de déposer une déclaration préalable, qui n’est pas une autorisation, doit garantir les conditions d’exercice de ce droit ; c’est à l’État de le rendre possible.
    Interdire de manifester pose problème dans ce qui est censé être un État de droit. En République, tout individu, tout collectif a le droit de manifester : ce n’est pas illégal. Les déclarations préalables doivent simplement permettre de garantir le bon exercice de ce droit. Avec ces amendements, nous proposons précisément de faciliter et de simplifier : cela devrait vous plaire ! Pourtant, vous le refusez, démontrant ainsi la réalité de votre choix de réprimer les manifestations et de remettre en cause ce droit fondamental.

    (L’amendement n91 rectifié n’est pas adopté.)

    Article 2

    M. le président

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    La parole est à Mme Stella Dupont, première oratrice inscrite sur l’article 2.

    Mme Stella Dupont

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    La liberté de manifester est, dans notre République, un droit fondamental, qui a valeur constitutionnelle. J’avais interrogé M. le ministre en commission sur le risque de censure par le Conseil constitutionnel et je le remercie de m’avoir apporté un certain nombre de réponses mais il me reste encore quelques interrogations.
    Le texte qui nous est proposé aujourd’hui a subi de nouvelles évolutions depuis son passage en commission. Ainsi, il va plus loin que la version issue du Sénat en prévoyant une interdiction administrative de manifester pouvant durer jusqu’à un mois. Alors que je m’interrogeais déjà sur le principe même de cette interdiction administrative pour une manifestation spécifique, cette durée d’un mois soulève en outre la question de la proportionnalité, que l’on devrait toujours avoir à l’esprit. L’article 2 ne répond pas à l’exigence d’un équilibre entre la protection d’une liberté fondamentale constitutionnellement reconnue et le besoin de répondre aux nouvelles formes de violence qui se répandent, comme cela a été longuement évoqué par les différents orateurs.
    Je suis attachée à l’intervention du juge a priori, en amont d’une décision, et non pas a posteriori. Cet article 2 soulève naturellement des questions. Un certain nombre de sous-amendements présentés permettraient sans doute d’en atténuer les effets mais, à ce stade, la question de la proportionnalité me semble posée. Il est nécessaire de concilier sécurité et liberté. De même, il convient de permettre l’intervention d’un juge en amont des décisions, et non pas seulement en cas de recours.

    M. le président

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    La parole est à M. Paul-André Colombani.

    M. Paul-André Colombani

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    Nous nous apprêtons à examiner une disposition qui, comme mes collègues l’ont déjà exposé, est dangereuse et inutile. L’arsenal législatif nous semble déjà suffisant. Il est superfétatoire d’ajouter de la norme à la norme pour donner l’impression à une opinion désespérée que le législateur peut tout faire. Comme le disait Portalis, « On est forcé de multiplier les lois parce qu’on ne sait plus les faire. »

    M. Éric Straumann

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    C’est vrai !

    M. Paul-André Colombani

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    Insérer une telle disposition inutile ne peut générer que les effets négatifs suivants : tout d’abord, en renforçant les pouvoirs des préfets plutôt qu’en donnant plus de moyens aux magistrats pour contrôler les casseurs identifiés et condamnés, elle électrisera les débats sur les risques de dérive policière de la part du Gouvernement. Ensuite, cette loi ne sera pas applicable, ce qui renforcera le sentiment que la loi ne change pas la vie des gens et que le Parlement est impuissant à proposer de vraies réponses, faisant le lit de l’antiparlementarisme. Enfin, de façon générale, les conflits sociaux doivent être prévenus en amont et non réprimés en aval. Briser un thermomètre n’a jamais guéri la fièvre.

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Pauget.

    M. Éric Pauget

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    Cet article revient à donner au préfet la possibilité de prononcer de manière préventive une interdiction de manifester, en fonction de l’appréciation d’une situation, dans un cadre et à un moment donnés, en raison d’un risque de trouble grave à l’ordre public. Il est impératif de conserver cette prérogative qui permet d’agir avec rapidité et réactivité face à des situations qui sont, par définition, imprévisibles. Les Français, et plus particulièrement ceux qui sont concernés directement par les débordements que nous avons connus – je pense notamment aux commerçants dont l’outil de travail a été dévasté –, ne comprendraient pas que nous revenions sur le cœur du dispositif de cet article, gage de bon sens et d’efficacité.

    M. Thibault Bazin

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    Il a raison !

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Vichnievsky.

    Mme Laurence Vichnievsky

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    Ainsi que je l’ai dit hier, cet article 2 est la disposition centrale de la proposition de loi dont nous débattons. Notre groupe a déposé deux amendements sur cet article. Le premier a pour objet, en l’absence de précision dans le texte, de limiter à quatre heures la durée de la présence contrainte dans les locaux de l’administration de la personne interdite de manifester au moment de la manifestation.
    Notre second amendement, sur lequel je souhaite insister, a pour objet de conditionner l’interdiction préventive de manifester susceptible d’être prononcée par le préfet à une condamnation préalable de la personne concernée pour des faits de violence contre les personnes ou de dégradation de biens lors de précédentes manifestations.
    Nous ne sommes pas opposés à des mesures préventives. Je pense que nous en avons besoin dans le nouveau contexte créé par ces formes assez inédites de manifestations, mais ce que nous voulons, c’est éliminer de ces manifestations les casseurs, les cogneurs, les boxeurs, et non pas donner à un pouvoir politique, quel qu’il soit – je ne fais bien sûr aucun procès d’intention au Gouvernement –, le pouvoir d’empêcher ses opposants de manifester.
    Une condamnation préalable est un fait objectif, extérieur à l’appréciation du préfet, c’est même le seul. C’est là qu’on doit  placer le curseur entre les exigences de l’ordre public et la garantie de la liberté constitutionnelle de manifester.

    M. Olivier Becht

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Ludovic Pajot.

    M. Ludovic Pajot

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    Au cri de détresse des Français, le Gouvernement répond « interdiction de manifester ». Une fois de plus, l’exécutif passe à côté du problème et reste sourd aux revendications légitimes de nos concitoyens, notamment des plus modestes d’entre eux.
    Avec ce projet d’article 2, vous nous proposez d’adopter une disposition qui permettrait au préfet de prononcer une interdiction administrative de prendre part à une manifestation qui serait susceptible de constituer « un risque d’une particulière gravité pour l’ordre public ». Le Gouvernement souhaite aller encore plus loin en proposant par voie d’amendements de durcir encore le texte en y ajoutant la faculté d’interdire de participer à toute manifestation concomitante sur le territoire national ou à une succession de manifestations pendant – accrochez-vous ! – une durée pouvant aller jusqu’à un mois.
    Nos concitoyens et les forces de l’ordre doivent bien évidemment faire l’objet d’une protection totale, mais il s’agit ici d’une véritable atteinte,  parfaitement disproportionnée, aux libertés fondamentales.
    Autre absurdité entendue à longueur d’interventions : cette interdiction administrative serait calquée sur les interdictions de stade. Vous osez donc mettre sur le même plan le fait de se rendre à un match de football et le droit constitutionnel de manifester ! Soyez sérieux, mes chers collègues : notre Constitution ne peut être mise sur le même pied que la faculté de se rendre à une manifestation sportive.
    Au-delà du fait qu’avec ce texte, nous sommes, une fois de plus, dans la logique de la loi de circonstance qui nuit tant à la qualité de notre législation, de nombreuses dispositions légales existent déjà, comme le délit récemment créé visant à sanctionner toute personne dont le visage est dissimulé par une cagoule, ce qui est déjà puni d’une amende. Les textes existent déjà : il suffit de les appliquer.
    Alors, cessez enfin vos opérations de communication dont le but n’est autre que de faire oublier votre absence de résultats concrets, et apportez enfin aux Français les réponses politiques qu’ils attendent.

    M. le président

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    La parole est à M. Matthieu Orphelin.

    M. Matthieu Orphelin

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    J’espère que les amendements visant à limiter les risques d’atteinte à la liberté de manifester liés à cet article 2 seront adoptés, par exemple celui relatif à l’information du procureur de la République, qui paraît être une garantie minimale.

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Muschotti.

    Mme Cécile Muschotti

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    « Quand la maison brûle, on ne va pas demander au juge l’autorisation d’y envoyer les pompiers », déclarait le commissaire du Gouvernement Romieu dans ses conclusions d’un célèbre arrêt rendu par  le tribunal des conflits le 2 décembre 1902. Je pense, monsieur le ministre, mes chers collègues, que nous sommes tous d’accord avec cette judicieuse remarque sous forme de litote et avec ce qu’elle implique en droit. Selon la théorie des circonstances exceptionnelles, le juge administratif accepte que l’autorité chargée du maintien de l’ordre public puisse, lorsque les conditions d’un strict respect de la légalité ne sont pas remplies, déroger à celles-ci sans que sa décision soit entachée pour autant d’illégalité.
    Transposée au contexte actuel, en particulier à celui des violences exceptionnelles qui se donnent cours lors de manifestations, cette théorie autorise le préfet à faire toutes diligences pour prévenir ces violences, y compris  confiner le temps qu’il faut les individus susceptibles de se livrer au sport navrant auquel nous avons tous assisté et qui, à juste titre, nous révolte.
    Cependant vous avez tenu, monsieur le ministre, à opérer une sorte de transfert de cette théorie des circonstances exceptionnelles dans le droit commun – qui, comme son nom l’indique, s’applique aux circonstances communes, c’est-à-dire normales et habituelles, qui  n’autorisent pas à appliquer aux individus auteurs de ces violences un régime super-dérogatoire par rapport au droit commun.
    L’article 2 de cette proposition de loi ne respecte pas ce principe. En transposant dans le droit commun l’interdiction administrative de séjour de l’état d’urgence et en en limitant la portée aux manifestations se déroulant sur la voie publique, comme l’a rappelé la rapporteure du texte au Sénat, Catherine Troendlé, cet article viole en particulier le principe de légalité des délits et des peines . Comment, en effet, le préfet pourrait-il juger de la culpabilité d’un individu au regard d’infractions pénales qui n’auraient pas fait l’objet d’une condamnation judiciaire ? C’est ce qui a motivé l’amendement no 217, dont je suis cosignataire.
    Vous avez répondu à cette interrogation en déposant un amendement no  228 réécrivant l’article 2. Je m’en félicite, même si je ne suis pas pleinement convaincue, bien que persuadée de la nécessité de lutter contre des violences évidemment inacceptables. 

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    La mesure que vous nous proposez avec cet article 2 est celle qui suscite le plus grand nombre d’oppositions, car elle consiste à empêcher physiquement certaines personnes d’exercer leur droit de manifester. Comme notre collègue Fiat l’a rappelé, cette mesure, qui est censée, de l’aveu même du Gouvernement, viser 150 à 300 individus sur l’ensemble de la France, identifiés par les services de l’État comme ayant commis un certain nombre de délits, va changer le droit applicable à l’ensemble de la population.  Il sera possible désormais d’empêcher de manière préventive certaines personnes de manifester en raison de simples soupçons, fondés non pas seulement sur des actions qu’ils auraient commises, mais même sur les intentions qu’on leur prêterait, ou encore de leur liens avec des personnes susceptibles de commettre certains actes.
    Il y a là l’arbitraire le plus total, que nous dénoncions déjà au moment de l’examen du projet de loi sur la sécurité intérieure, la gangrène générale d’un esprit sécuritaire  qui suspecte a priori les individus d’intentions délictueuses que l’arbitraire étatique, policier et judiciaire doit leur interdire de transformer en actes. C’est une sorte de dystopie que vous êtes en train de transformer en réalité.
    Je le répète encore une fois : si vous ne voulez pas entendre nos objections, écoutez au moins celles formulées par les associations internationales de défense des droits de l’homme, qui vous demandent de renoncer à un article qui remet en cause des droits constitutionnels et ouvre une nouvelle brèche dans notre État de droit.

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Becht.

    M. Olivier Becht

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    Tout le monde est évidemment d’accord pour interdire la présence des casseurs dans les manifestations et pour que toutes les mesures soient prises afin qu’on ne revoie pas les spectacles auxquels nous avons assisté ces dernières semaines sur les Champs-Élysées et  ailleurs en France.  Je dois néanmoins rappeler que les lois ne doivent jamais être des lois de circonstance, pour la bonne et simple raison que les circonstances changent. Une disposition qui peut paraître particulièrement légitime dans un contexte donné peut se révéler demain, dans d’autres circonstances, extrêmement dangereuse.
    Mme Vichnievsky l’a dit, il ne faudrait pas qu’un jour, un pouvoir politique qui ne serait pas  aussi doux que celui que nous connaissons depuis l’avènement de la VRépublique puisse, sur le simple soupçon que quelqu’un pourrait représenter une menace, interdire l’exercice du droit fondamental de manifester.
    Pour rendre utile cette mesure à laquelle nous sommes évidemment favorables – interdire aux casseurs de participer à des manifestations – il faut que cette décision se fonde sur des critères objectifs. C’est le plus important. Ces critères doivent être, soit  une condamnation préalable pour des faits de violence, qui peut évidemment être assortie d’une décision judiciaire d’interdiction de manifester, soit des faits de violence imputables à la personne en cause même s’ils n’ont pas fait l’objet de condamnation.
    Pour les députés du groupe UDI, Agir et indépendants, il est important que la décision administrative se fonde explicitement sur des critères objectifs, qui puissent ensuite être contestés devant le juge, dans le respect des libertés et de l’État de droit.

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu.

    M. Stéphane Peu

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    Cet article illustre pleinement la difficulté à concilier une loi de circonstance avec la pérennité du droit, en l’espèce celui de manifester.
    D’abord, on ne peut absolument pas assimiler la participation à un spectacle sportif au droit de manifester, qui est un droit à valeur constitutionnelle.
    Deuxième remarque : on justifie la volonté de prendre des décisions de caractère discriminatoire interdisant à tel ou tel d’aller manifester en évoquant le spectacle de casseurs, que tout le monde ici a en tête. Nous souhaitons tous, je pense, qu’ils soient mis hors d’état de nuire, mais les actes illégaux, voire violents, ne sont pas toujours illégitimes ou incompréhensibles dans les conflits sociaux : on peut comprendre la très grande désespérance et  la très grande colère d’ouvriers qui arrivent un matin sur leur lieu de travail pour découvrir qu’un patron voyou  a déménagé dans la nuit leur outil de travail avant de se réfugier dans un paradis fiscal, ou qui occupent une usine qui licencie alors que ses propriétaires touchent beaucoup de dividendes. On peut comprendre qu’ils commettent des actes certes répréhensibles, mais qui sont l’expression d’une souffrance sociale.
    Avec une telle mesure, les préfets pourraient demain, selon leur bon vouloir, inscrire  les Conti d’Amiens ou les travailleurs d’Arcelor en Lorraine et d’autres encore – je ne vais pas énumérer tous les conflits sociaux que notre pays connaît –  sur la liste de ceux à qui il est interdit de manifester, des travailleurs  de bonne foi  que le désespoir a pu pousser à recourir à des solutions extrêmes pour exprimer leur colère. C’est une menace terrible pour le droit de faire grève et de manifester dans notre pays !

    M. le président

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    La parole est à Mme Coralie Dubost.

    Mme Coralie Dubost

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    Je respecte vos convictions, monsieur Peu, mais les exemples que vous avez cités pour justifier certaines situations sont pour moi incompréhensibles et ne correspondent pas à la réalité. Ces violences qui se produisent dans les manifestations –  je peux en témoigner pour Montpellier, frappée tous les samedis par de telles violences depuis quelques mois –  ne s’exercent pas contre des patrons voyous qui auraient volé du matériel, mais contre des commerçants, des restaurateurs, des gens de tous les jours, des jeunes qui ne vont plus à la piscine parce qu’ils ont peur de ce qui se passe en centre-ville, et ça, c’est inadmissible. (Protestations sur les bancs du groupe FI.)

    M. Stéphane Peu

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    Qu’on applique la loi ! On ne fait pas une loi pour trois semaines.

    Mme Coralie Dubost

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    Les membres de la commission des lois qui appartiennent à la majorité ont souhaité, monsieur le ministre, trouver une solution pour vous accompagner sur cet article 2 d’une proposition de loi dont la rédaction ne nous semblait pourtant pas satisfaisante. À ce titre, nous avons accepté en commission de retirer plusieurs amendements  défendus par des  membres de la majorité, en attendant la séance publique. Pour ma part, j’avais déposé à nouveau deux amendements, notamment sur les liens d’appartenance à un groupe qui pourrait susciter des violences, mais la nouvelle rédaction  de cet article que vous proposez, avec le concours, que je souhaite saluer, de la rapporteure Alice Thourot, me paraît beaucoup plus équilibrée et  permettra, en termes opérationnels, de limiter la présence d’individus dangereux qui viennent dans le dessein de casser et d’empêcher, pas seulement les forces de l’ordre mais aussi nos concitoyens…

    Mme Danièle Obono

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    En portant atteinte à la liberté de manifester !

    Mme Coralie Dubost

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    Et la liberté d’aller et venir ? Et la liberté du commerce ? Elles sont tout aussi importantes et, madame Obono, vous vous trompez quand vous évoquez le caractère constitutionnel du droit de manifester : ce n’est pas un droit absolu, mais un droit relatif qui peut être restreint pour préserver l’ordre public.

    Mme Danièle Obono

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    Cela reste un droit constitutionnel !

    Mme Coralie Dubost

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    C’est le cas en l’espèce et je retirerai donc mes amendements.

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Cet article 2 est au cœur du texte et retient toute notre attention. Sur tous les bancs, nous sommes conscients que nous touchons d’une main tremblante à un droit fondamental : la liberté de manifester – elle est inscrite à l’article 10 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ce qui n’est pas rien, et a été consacrée par le Conseil constitutionnel dans deux décisions rendues, de mémoire, en 1995 et en 2010. J’ajoute qu’il s’agit également d’un droit conventionnel. Nous touchons donc à quelque chose de très important, à l’occasion de manifestations dont nous déplorons tous le caractère délétère et dangereux.
    Néanmoins, notre groupe est très réservé à l’idée que les préfets – en qui j’ai également toute confiance et pour qui j’éprouve une grande estime – puissent avoir la main sur une liberté fondamentale. Nous venons de discuter d’un texte sur la justice et nous considérons que le juge judiciaire peut tout à fait s’adapter aux exigences de l’ordre public et faire en sorte que les condamnations qui doivent être prononcées ou qui sont prononcées soient assorties d’une peine complémentaire d’interdiction de manifester, qu’elle soit recensée et que vous puissiez disposer de ces informations. À ce stade de notre réflexion, voilà où nous en sommes.
    Je conclurai en notant que l’espace des libertés fondamentales se réduit de plus en plus du fait des mesures que nous avons prises, notamment avec l’état d’urgence. Cela n’a pas été facile, mais nous l’avons fait – comme vous l’avez dit très justement – non dans l’absolu, mais relativement à une exigence très forte de sauvegarde de l’ordre public dans un contexte de menace terroriste. En l’occurrence, l’analogie n’est pas possible.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Louis Thiériot.

    M. Jean-Louis Thiériot

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    Cet article 2 est en effet au cœur de cette loi et il est indispensable pour prévenir les violences dans les manifestations.
    Tout d’abord, je constate une convergence intéressante entre la France insoumise et le Rassemblement national (Protestations sur les bancs du groupe FI) lorsqu’ils s’opposent ainsi à ce qui peut assurer la sécurité de nos concitoyens.

    Mme Danièle Obono

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    Nous n’avons pas de leçons à recevoir des fachos ! Vous devriez avoir honte !

    M. Jean-Louis Thiériot

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    Ensuite, je rappelle qu’une décision administrative prise par un préfet est contrôlée par le juge : un juge administratif peut intervenir en tant que juge des libertés dans le cadre du référé liberté. Si l’État a pris une mauvaise décision, un juge administratif peut l’annuler, ce qui ouvre droit à indemnisation dans le cadre du plein contentieux. Oui, le contrôle existe et l’État peut être sanctionné si son représentant – le préfet – a commis une erreur. Je souhaitais souligner ce point.
    J’ai entendu parler d’une gangrène des libertés publiques et de notre État. Or, aujourd’hui, la gangrène, c’est ceux qui s’attaquent à l’hôpital Necker, qui brûlent des voitures de policiers ou qui caillassent des gendarmes ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-François Cesarini.

    M. Jean-François Cesarini

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    Ce texte est très attendu, notamment par nos commerçants, dont les boutiques, tous les week-ends, subissent des dégradations inadmissibles. Il comporte des avancées notables, en particulier sur le plan démocratique, avec la facilitation de la déclaration des manifestations, et sur le plan sécuritaire – je pense au dispositif « casseurs-payeurs », qui était attendu, et à l’instauration, avec l’article 1er, de périmètres administratifs de protection et de contrôle.
    Cet article 2 est en effet central et suscite bien des débats, légitimes, entre la majorité et l’exécutif pour construire aujourd’hui quelque chose de nouveau.
    Il dispose qu’il sera possible de prononcer une interdiction administrative de manifester à l’endroit de personnes ayant déjà commis des atteintes graves à l’ordre public. Le juge doit faire son œuvre : en quoi le préfet doit-il intervenir ? Toute la question est là : qu’apporte de plus cet article 2 par rapport à ce que le juge peut déjà faire ? Nous devons y répondre collectivement. Existe-t-il une procédure plus rapide ? Est-ce un problème de  temps ou de moyens ? Cela ne sera-t-il pas utilisé ?
    La droite dira toujours que ce texte, c’est de l’eau tiède, et l’extrême gauche, qu’il est liberticide. Le problème n’est pas là ! Il faut bien placer le curseur. Nous sommes en train d’y arriver. Nous travaillons concrètement, ensemble, pour avancer.
    Dans notre pays, ce ne sont pas les juges qui rendent la justice : ne dépassons pas cette ligne rouge, malgré l’urgence de la situation.

    M. le président

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    Rendez-vous compte un instant, chers collègues, de ce que vous allez voter ! Rendez-vous en compte, parce que, comme nous l’avons déjà dit, nous sommes en train de renforcer un arsenal qui, auparavant, s’expliquait par l’état d’urgence et qui concernera dorénavant toute la population française, toutes les personnes qui veulent manifester. Pourtant, vous l’avez dit, monsieur le ministre, et nous le répétons avec vous, il n’y a que 150 à 300 casseurs ! Nous sommes en train de nous attaquer aux libertés fondamentales de tout un peuple avec des mesures d’exceptions, ce qui est absolument inacceptable !
    À cela s’ajoute que vous les intégrez de plus en plus au droit commun au point d’en faire voter – comme les gouvernements précédents – presque une par an. Or, le rabougrissement des libertés fondamentales n’a jamais été évalué.
    En revanche, Amnesty International a publié le 31 mai 2017 un rapport concernant la liberté de manifestation, intitulé Un droit, pas une menace, qui montre à quel point l’État a recouru à des interdictions de manifester pour s’attaquer à des mouvements politiques, syndicaux et écologiques, ce qui constitue un dévoiement de la loi. Je vous invite à prendre connaissance des chiffres très intéressants qui y sont donnés, alors même que vous êtes en train de recommencer la même opération, sans accepter d’évaluation. Une fois encore, ce sont les militants, les syndicalistes qui, comme vient de le dire M. Peu, seront attaqués !
    Vous attaquez les droits de tous pour lutter contre une petite minorité, alors que vous disposez déjà de tous les outils nécessaires pour faire en sorte que celle-ci ne se livre pas aux agissements que l’on connaît.
    L’argument de la convergence avec le Front national, nous l’entendons à propos des gilets jaunes, qui seraient proches de ce dernier. Si vous voulez dire qu’Amnesty International est proche du Front national, dites-le, mais ce ne sont pas là des arguments sérieux qui permettront de répondre aux objections des ONG et des juristes, alors que vous attentez gravement à nos droits fondamentaux.

    M. le président

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    La parole est à M. Rémy Rebeyrotte.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Je le répète : nombre de Français nous disent aujourd’hui que nous devons mettre rapidement fin à ces violences. Qu’ils manifestent ou non, ils s’adressent aussi bien à vous qu’à nous et c’est là un impératif qu’ils jugent absolument primordial.

    Mme Danièle Obono

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    Comme l’impôt de solidarité sur la fortune – ISF ! Rendez l’ISF !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Nous sommes tous concernés, sur tous les bancs. Qui pourrait soutenir une telle violence alors que, de surcroît, elle remet en cause la liberté de manifester ?
    Les mesures proposées tendent à mettre les casseurs hors d’état de nuire, car c’est bien eux qu’elles visent, lorsque des faits commis sur le moment ou préalablement ont été établis. Il s’agit de mesures d’urgence. Je rappelle que notre droit en comporte déjà et qu’elles concernent par exemple des personnes dont le comportement est potentiellement dangereux pour elles-mêmes ou pour les autres.
    Le Gouvernement et l’Assemblée apportent par ailleurs des garanties supplémentaires au moyen de tout un ensemble d’amendements.

    M. Loïc Prud’homme

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    Soyons sérieux !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Nous soutiendrons donc ce dispositif, qui est au cœur de ce texte, lequel se veut, je le rappelle, à la fois efficace et opérationnel. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. David Habib.

    M. David Habib

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    Ce texte et cet article suscitent un sentiment de malaise.
    Comme l’a dit tout à l’heure Mme Dupont, nous avons le sentiment que le risque d’inconstitutionnalité est réel – elle a d’ailleurs évoqué la question de la proportionnalité. Beaucoup se sont également exprimés pour souligner l’inutilité de cette proposition de loi, en faisant référence à d’autres dispositifs législatifs, comme la loi du 14 mars 2010.
    Lorsqu’il occupait d’autres fonctions et qu’il était préfet dans mon département, M. le secrétaire d’État a peut-être même  pris, fort des dispositifs existants, des dispositions qui pourraient être contenues dans ce texte – je pense aux moments où, dans le Pays basque, la situation était peut-être plus tendue qu’elle ne l’est aujourd’hui. Nous n’avons donc pas besoin d’ajouter quoi que ce soit à l’arsenal juridique actuel.
    Le plus grave, et chacun le sait, c’est que l’on ne réglera pas le problème des casseurs avec ces dispositions et c’est l’application qui pourrait être faite de ces dernières sur les autres manifestants.
    J’évoquais hier la loi de 1970 et les propos tenus alors par François Mitterrand, qui appelait celles et ceux qui s’apprêtaient à prendre ces dispositions à respecter un scrupuleux équilibre entre la liberté de manifester et le devoir de sécuriser les biens et les personnes.
    Or, vous créez un déséquilibre en favorisant de surcroît l’autorité administrative – nous pourrons y revenir tout à l’heure. Même si la possibilité de contrôle du juge administratif existe, comme cela a été rappelé, notre arsenal juridique a jusqu’ici privilégié l’intervention du juge judiciaire par rapport à celle du juge administratif.
    Vous commettez une erreur, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État même si personne ici – en tout cas, pas moi – n’a la volonté de vous accuser d’une dérive autoritaire.
    Vous vous soumettez tout simplement à une pression médiatique et à la pression de la droite, ce qui est une erreur.

    M. le président

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    La parole est à Mme Caroline Fiat.

    Mme Caroline Fiat

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    Selon M. Rebeyrotte, les gens réclameraient donc que tout cela cesse. Or, je vous rappelle que, dans les semaines qui ont suivi le 17 novembre, toutes les questions de l’opposition au Gouvernement concernaient le début des Gilets jaunes. Nous appelions votre attention sur leur colère, sur le fait que ce mouvement allait prendre et qu’il fallait répondre à ses attentes. Comme d’habitude, vous n’avez pas voulu entendre, vous n’avez pas voulu écouter,…

    M. Rémy Rebeyrotte

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    C’est vous qui êtes responsables !

    Mme Caroline Fiat

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    … ça a ricané et méprisé. Résultat : voyez où nous en sommes ! (Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.) C’est l’opposition qui a lancé les signaux d’alerte… (Mêmes mouvements)… je sais bien qu’il est parfois difficile d’assumer la réalité. (Mêmes mouvements.)
    Les préfets, nommés par l’État, pourront donc décider qui sont les gentils, qui pourront manifester, et qui sont les méchants, qui ne le pourront pas.

    M. David Habib

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    La neutralité des préfets, vous connaissez, monsieur Houlié ?

    Mme Caroline Fiat

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    Imaginons que, dans un département qui ne connaît pas de problèmes de violences, un préfet qui regrette les pelotons de gendarmes voltigeurs – nous connaissons les dégâts qu’ils ont faits – trouve que telle personne présente le profil type de l’extrême gauchiste : il pourra décider qui manifestera ou non.
    Moi, je fais partie du mouvement La France insoumise et j’en suis fière ! Si, demain, cette appartenance était un critère pour m’interdire de manifester, j’aurai un peu de mal à l’entendre.
    Il est vraiment dangereux de donner aux préfets les pleins pouvoirs pour décider qui peut ou ne peut pas manifester. Je rappelle que, lorsqu’une manifestation est interdite et qu’elle a quand même lieu, comme ce fut le cas de celle sur le climat, à Nancy, des manifestants ont été placés en garde à vue alors qu’il n’y avait pas eu un seul incident à déplorer.

    M. le président

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    Je demande à MM. Habib et Houlié d’éviter de s’interpeller lorsque des orateurs ont la parole.
    La parole est à M. Loïc Prud’homme.

    M. Loïc Prud’homme

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    Comme de nombreux orateurs l’ont rappelé, en particulier les collègues de mon groupe, le droit actuel restreint déjà suffisamment, voire trop, la liberté de manifester. Le Gouvernement, par cette proposition de loi d’opportunité, souhaite criminaliser les manifestations populaires. Il introduit dans le droit commun des mesures qui relèvent de l’état d’urgence, telle l’interdiction administrative de manifester, déjà inscrite en 2016 dans la loi prorogeant la loi relative à l’état d’urgence, ainsi que des mesures qui relèvent de la lutte anti-terroriste – l’une d’entre elles est d’ailleurs un copier-coller de l’article 1er de la loi SILT, qui porte sur les « fan zones ». Nous observons un net renforcement de l’arsenal répressif.
    La responsabilité du Gouvernement doit être de garantir le droit de manifester dans de bonnes conditions, en sécurité. Or, face aux mobilisations sociales, la réponse que vous apportez est sécuritaire, alors qu’elle devrait être politique, monsieur le ministre. Vous prenez prétexte des agissements de quelque cent cinquante à trois cents casseurs, que vous avouez connaître parfaitement et contre lesquels vous ne faites rien, pour vous exonérer de cette réponse politique qu’attendent les Gilets jaunes depuis douze semaines. Vous n’avez plus que la dérive autoritaire pour essayer de maintenir le peu d’autorité qu’il vous reste.

    M. le président

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    Madame Wonner, avant de vous donner la parole, je vais faire quelque chose qui n’est pas dans mes habitudes en évoquant les tribunes du public. Je tiens à saluer la présence des légionnaires de la 13demi-brigade de la Légion étrangère de l’Aveyron, qui viennent d’achever leur participation à l’opération Sentinelle à Paris et qui repartiront bientôt en mission. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent.)
    La parole est à Mme Martine Wonner.

    Mme Martine Wonner

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    Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, madame la rapporteure, la force d’un État de droit réside dans sa capacité à protéger d’eux-mêmes tous les citoyens tout en préservant les libertés individuelles, au premier rang desquelles figurent la liberté d’opinion et la liberté de manifestation, et à rendre effective une stricte séparation des trois pouvoirs – l’exécutif, le législatif et le judiciaire.
    L’article 2, dont je comprends la logique et même la motivation, me semble méconnaître ce principe de séparation puisque le texte dispose que l’interdiction de manifester pourrait être prise, non par le juge, comme c’est le cas aujourd’hui, mais par l’État et ses représentants. Si j’entends l’argument du principe de précaution, je m’interroge sur  le caractère flou des critères sur lesquels se fonde l’interdiction faite à une personne de manifester. L’amendement no228 rectifié du Gouvernement modifie le premier alinéa et introduit des critères proportionnés pour empêcher un individu de participer à une manifestation, mais il introduit aussi une nouvelle disposition, qui permet à l’autorité d’interdire à une personne de manifester pendant un mois sur l’ensemble du territoire national, sur la  base de « raisons sérieuses ». Je comprends le principe, disais-je, car les images de l’Arc de Triomphe dégradé et les scènes de guérilla urbaine sont inacceptables – et je veux ici rendre hommage à l’ensemble des forces de l’ordre mobilisées depuis des semaines sur le terrain. Mais qui sommes-nous si, pour protéger l’État de droit, nous en affaiblissons les principes essentiels et fondamentaux ? (Applaudissements sur quelques bancs des groupes FI et Socialistes et apparentés.)
    La puissance publique ne saurait utiliser comme justification la protection de tous pour affaiblir les droits et libertés individuelles. Nous avons déjà renforcé notre arsenal législatif et juridique lorsque nous avons mis fin à l’état d’urgence : les pouvoirs de l’exécutif ont été élargis avec la possibilité d’assigner un individu dans un périmètre donné ou de procéder à des perquisitions à domicile.
    Soyons à la hauteur des valeurs que nous souhaitons protéger et assumons, en tant que législateur, notre indéfectible attachement à la séparation des pouvoirs et aux libertés individuelles. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe Socialistes et apparentés.)

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Castellani.

    M. Michel Castellani

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    L’article 2 vise à permettre aux préfets de prononcer une interdiction de manifester de manière préventive, mais selon des critères qui, vous le savez, peuvent déboucher sur de l’arbitraire. Où est le juge judiciaire, qui est une garantie de l’État de droit ? Comment peut-on envisager de restreindre des libertés publiques en dehors de toute condamnation judiciaire ? Ce n’est pas la conception que j’ai de la démocratie et du pacte républicain.
    Les violences commises lors des manifestations, tout le monde, je pense, les condamne fermement, mais elles ne peuvent justifier en aucun cas de porter atteinte aux droits individuels des citoyens. Nous devons prévenir les violences, mais aussi l’arbitraire, et ce n’est pas ce à quoi tend ce texte.
    C’est pourquoi, avec plusieurs de mes collègues, j’ai déposé un amendement de suppression de l’article 2. Nous ne pouvons soutenir des dispositions qui ne donnent aucune garantie d’un juste équilibre entre protection des libertés publiques et nécessaire maintien de l’ordre public. En outre, nous estimons qu’il n’est pas pertinent de transposer dans le droit commun des mesures d’exception qui veulent répondre au risque terroriste. Nous ne nous situons pas dans le même contexte, même si, je le répète, la violence est inacceptable.  
    Monsieur le ministre, le droit existant permet de prévenir ces violences et de les sanctionner. Alors, rendons effectif notre arsenal juridique et donnons aux forces de l’ordre les moyens de remplir leurs missions.

    M. le président

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    La parole est à M. Yannick Favennec Becot.

    M. Yannick Favennec Becot

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    Cet article 2 est particulièrement important, car il va permettre de lutter efficacement contre les violences inacceptables, intolérables, que nos concitoyens – particuliers, commerçants, mais aussi nos forces de l’ordre – subissent depuis des semaines. L’arsenal juridique existant n’est visiblement pas à même de répondre à l’aggravation des violences qui se déroulent lors des manifestations. C’est pourquoi cette proposition de loi me paraît particulièrement utile.
    J’ai conscience que nous devons légiférer d’une main tremblante, car nous risquons de porter atteinte à ces libertés publiques auxquelles nous sommes tant attachés. Cet article ne s’adresse cependant pas aux citoyens qui veulent manifester pacifiquement, et dont la liberté d’aller et venir ne sera pas atteinte. Bien au contraire, cet article 2 va leur permettre d’exercer sereinement leurs libertés individuelles. Nous ne pouvons laisser des casseurs, des brutes, malmener notre République, notre démocratie et nos valeurs.

    M. le président

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    La parole est à Mme Clémentine Autain.

    Mme Clémentine Autain

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    Cet article 2 est le plus inquiétant pour tous ceux qui sont attachés aux libertés individuelles et au droit de manifester. Il autorise les préfets, autrement dit une autorité de nature politique, et non plus administrative, à interdire à certaines personnes d’exercer leur droit fondamental de manifester. C’est là un recul particulièrement inquiétant.
    Je voudrais rappeler le contexte dans lequel s’inscrit ce texte : il s’agit, bien sûr, des manifestations des gilets jaunes, mais aussi, plus profondément, des choix politiques que vous avez faits depuis que vous êtes aux manettes. Rappelons que l’Organisation des nations unies a relevé, au terme d’une enquête, un recul des droits et libertés en France depuis l’arrivée au pouvoir de votre majorité.(Exclamations sur quelques bancs du groupe LaREM.) De fait, un pré-rapport publié en juin dernier observe des atteintes aux libertés dans les lois que vous avez décidé d’adopter. La présente proposition de loi va contribuer à un énième recul des libertés. Ce recul précède toutefois votre gouvernement et votre majorité, car la pénalisation des mouvements sociaux n’est malheureusement pas une nouveauté dans notre pays, mais nous constatons que celle-ci s’amplifie. Or elle est attentatoire à la possibilité de contester, aux contre-pouvoirs, aux droits des salariés dans l’entreprise, comme l’a souligné Stéphane Peu, et à toute une série de droits que nous devons pouvoir exercer, mais qui sont actuellement réprimés ou, du moins, diminués.
    Je vous accorde que vous faites preuve ici de cohérence. Dans tous les pays d’Europe où, depuis Thatcher, il y a eu une dérégulation économique, on a observé un recul concomitant des droits et des libertés. Pour notre part, nous revendiquons une cohérence strictement inverse.

    M. le président

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    La parole est à M. Pierre Dharréville.

    M. Pierre Dharréville

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    Cette proposition de loi permet aux préfets de prononcer une interdiction administrative de prendre part à une manifestation à l’encontre de toute personne « à l’égard de laquelle il existe des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ». Les dispositions de l’article 2 sont en réalité très floues et ouvrent la voie à une sorte de logique de police comportementale. Or, selon le syndicat des avocats de France, la notion de comportement valide « le passage d’une police administrative de prévention, pour laquelle le risque est connu, mais à un moment déterminé, à une police administrative de précaution et de suspicion, où le risque n’est plus qualifié » .
    Cette interdiction, dont la méconnaissance serait pénalement réprimée, pourrait en outre être assortie d’une obligation de pointage. Ce serait une manière de s’assurer que les personnes ne manifestent pas, puisqu’elles devraient se rendre pendant la manifestation dans un poste de police.
    Ces dispositions nous apparaissent comme autant de fausses solutions. D’abord, elles ne résoudront pas le problème que vous voulez traiter – mais est-ce bien cela que vous recherchez ? Ensuite, elles relèvent de la répression préventive et de la mise en place d’un pouvoir discrétionnaire. Elles s’apparentent à des lettres de cachet à durée déterminée, qui obligent une personne à pointer et à se trouver à un endroit précis pendant une durée déterminée, et qui pourraient être utilisées à plusieurs reprises à l’encontre de cette personne, au vu de faits qu’elle aurait commis à telle ou telle époque, même s’ils sont sans rapport avec la manifestation concernée.
    Ces mesures nous paraissent être profondément attentatoires aux libertés fondamentales et de nature à être déclarées inconstitutionnelles.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Il me paraît très caricatural d’opposer systématiquement un risque liberticide et le besoin d’assurer la sécurité des manifestations, car ce sont des arguments qui peuvent être entendus l’un et l’autre. Comme je l’ai souligné devant vous, notamment en commission, nous avons les moyens de trouver un point d’équilibre.
    Il ne faut pas caricaturer. En aucun cas cet article n’aura pour conséquence d’interdire aux personnes qui le souhaitent de manifester. En aucun cas. Personne ne le conçoit ainsi. (Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.)

    Mme Caroline Fiat

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    C’est faux !

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Je vous ai écoutés avec la plus grande attention, autorisez-moi au moins à répondre.
    En revanche, il y a des personnes dont le comportement présente une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public. Leur interdire de manifester a du sens dans le droit français. Or, le droit français, c’est ici qu’il naît, et non dans les esprits et les interprétations de tel ou telle. Ce droit, c’est vous qui le portez, vous qui l’incarnez.

    M. Loïc Prud’homme

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    Le droit actuel est suffisant !

    M. le président

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    Monsieur Prud’homme, s’il vous plaît !

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Je n’ai pas la prétention de vouloir vous convaincre, monsieur Prud’homme, mais je peux au moins tenter de répondre !
    Il ne s’agit pas d’autre chose que de garantir le droit de manifester, qui est aujourd’hui menacé de façon systématique. De très nombreuses personnes redoutent d’aller manifester, car elles ont peur des conditions dans lesquelles se déroulent les manifestations. C’est aussi cela la réalité. Les militaires qui participent à l’opération Sentinelle, comme ceux qui étaient dans les tribunes tout à l’heure, contribuent par leur engagement à sécuriser la France chaque samedi.
    Le droit français existant, dont la conformité avec la Constitution a été validée par le Conseil constitutionnel, permet à un préfet d’interdire une manifestation, et donc d’interdire à toutes les personnes qui voudraient manifester de le faire. Et certains prétendent qu’il ne serait pas constitutionnel d’interdire à une personne de manifester lorsque son comportement est dangereux pour l’ordre public. N’y a-t-il pas là un paradoxe ? De mes cours de droit de première année à l’université d’Aix-en-Provence, avec le professeur Favoreu, je garde le souvenir que s’il est considéré comme constitutionnel de pouvoir interdire une manifestation à toutes les personnes constituant le cortège, le fait d’interdire à une personne dont le comportement serait violent de manifester l’est aussi. Il faut évidemment que cette décision administrative puisse être évaluée et sanctionnée par un magistrat. C’est ce que nous faisons, y compris en prévoyant des délais précis à cette fin.
    Il faut que la procédure se déroule dans de bonnes conditions. Mme Laurence Vichnievsky soulignait ainsi qu’il n’était pas question de demander à un manifestant de rester enfermé dans un commissariat pendant des heures. Dans un amendement que je défendrai bientôt, le Gouvernement prévoit la possibilité de demander à la personne de pointer, comme certains dispositifs le prévoient. Il s’agira seulement de pointer et il faut veiller à ce que la présence au commissariat n’excédera pas le temps que réclame ce pointage et  l’entretien qui l’accompagne.
    Monsieur Peu, vous vous êtes inquiété des conséquences de ces mesures pour les personnes qui prennent part à des conflits sociaux dans le cadre des entreprises, et des violences subies par les personnes qui manifestent. Vous avez cité certains noms, je ne les reprendrai pas. Les mesures dont nous parlons ne visent que les manifestations sur la voie publique – cortèges, défilés et rassemblements. En aucun cas elles n’auront des conséquences pour la gestion de l’ordre public sur le site d’une entreprise qui serait occupée par les salariés. Je veux vous rassurer sur ce point.
    La proposition de loi vise donc, sur le fondement de critères objectifs, à empêcher celles et ceux qui viennent régulièrement casser de pouvoir continuer leurs violences.
    Il y a un argument ultime, que j’entends : dans le cadre d’une sanction, un juge peut décider d’interdire de participer à une manifestation. Toutefois, vous savez comme moi qu’une décision judiciaire, avec toutes les procédures d’appel, peut durer trois ou quatre ans. Il est normal que le juge prenne son temps, mais allez dire aux commerçants et aux habitants de Bordeaux, de Montpellier ou de Bourges, qui n’avaient pas l’habitude de voir des violences et qui ont vu des casseurs se déplacer spécialement – le mot d’ordre était de venir à Bourges, parce que c’est une ville de bourgeois –, que les casseurs qui ont pu être identifiés, pour lesquels des plaintes ont été déposées, peuvent revenir manifester le samedi suivant, et celui d’après.
    En aucun cas les manifestants qui veulent manifester ne se sentent menacés par ce texte. Au contraire, la proposition de loi leur donne les moyens de manifester en sécurité. C’est ce que l’on appelle la sécurité publique. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    Je suis saisi de plusieurs amendements identiques, nos 34, 49, 161, 171, 177, 191 et 205, qui visent à supprimer l’article 2.
    Sur ces amendements, je suis saisi par le groupe Socialistes et apparentés d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à Mme Marietta Karamanli, pour soutenir l’amendement n34.

    Mme Marietta Karamanli

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    Je profite des éléments de réponse que M. le ministre a apportés au débat pour dire que nous partageons la même préoccupation : parvenir à interdire aux casseurs de manifester. Mais l’arsenal juridique en vigueur répond déjà à cet objectif.

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Non !

    Mme Marietta Karamanli

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    C’est une affaire non pas de police, mais de justice, cela a été rappelé tout à l’heure. Une personne poursuivie pour des faits de violence ou qui a commis des dégradations lors d’une manifestation peut d’ores et déjà faire l’objet d’une peine complémentaire. L’interdiction de manifester peut aussi être une décision non définitive, les peines prononcées en cas de comparution immédiate en attestent. C’est donc bien une question de justice. Le code pénal, dans sa rédaction actuelle, permet d’intercepter ces personnes jugées suspectes. Lors des différents débats, il a été rappelé qu’il était possible de contrôler les supporters à l’entrée d’un stade, mais difficile de réaliser un tel contrôle dans les manifestations.
    L’article 2 conduit donc à une atteinte disproportionnée à la liberté de manifester. Les critères souvent évoqués sont voisins de ceux qui, depuis la fin de l’état d’urgence, permettent à l’autorité administrative de prononcer l’assignation à résidence ou des visites domiciliaires.
    Le droit administratif a tendance à muter pour devenir un socle de véritables restrictions de libertés, sans contre-pouvoir, sans que le juge puisse intervenir a priori.
    Nous souhaitons supprimer tous les éléments de cet article très liberticide, en insistant sur le grave recul qu’ils entraînent pour notre droit fondamental qu’est la liberté de manifester.

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir l’amendement n49.

    Mme Danièle Obono

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    Il vise à refuser que le Gouvernement ne transpose des mesures de l’état d’urgence, qui relèvent du pouvoir judiciaire, pour les donner au préfet, qui dépend directement du pouvoir exécutif.
    Vous souhaitez créer une interdiction administrative de manifester, en donnant au préfet le pouvoir d’interdire, par arrêté motivé, à une personne « de prendre part à une manifestation déclarée ou dont il a connaissance » et d’obliger celle-ci à effectuer un pointage. Sont ainsi concernées les personnes pour lesquelles « il existe des raisons sérieuses de penser que leur comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ». Ne vous en déplaise, monsieur le ministre, une raison sérieuse n’est pas un critère objectif. C’est une des raisons pour lesquelles l’ensemble des organisations de défense des droits humains remettent en cause votre article, car la caractérisation est bien trop floue et absolument pas objective.
    Sont aussi concernées les personnes qui ont été condamnées pour des violences et des dégradations à l’occasion d’une ou plusieurs manifestations. Comme cela a été dit, si la condamnation est nécessaire, elle contient aussi parfois des interdictions de manifester. Le juge statue donc déjà sur la dangerosité et sur les mesures à prendre.
    Des personnes qui appartiennent à un groupe ou entrent en relation « de manière régulière avec des individus incitant, facilitant ou participant à la commission de ces mêmes faits » sont également concernées.
    Par cette mesure, qui ne comprend rien d’objectif, rien d’encadré, vous ciblez tout le monde, n’importe qui. C’est pourquoi de nombreuses associations de juristes ou de défense des droits de l’homme s’y opposent.

    M. le président

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    Je vous remercie de conclure, madame Obono. Le temps de parole est toujours de deux minutes.

    Mme Danièle Obono

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    Naturellement, vous habillez tout cela d’une volonté de défendre les petits commerçants et la sécurité publique. Vous aviez fait de même sur la question de l’état d’urgence ; vous vous attaquiez, là aussi, aux mouvements sociaux.

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu, pour soutenir l’amendement n161.

    M. Stéphane Peu

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    En défendant cet amendement de suppression, je tenterai de ne pas répéter les arguments déjà énoncés et de ne pas polémiquer vainement.
    S’agissant des casseurs, de grâce, ne nous la faites pas, pas à nous ! La présence de casseurs dans les manifestations ne date pas des gilets jaunes.

    Mme Danièle Obono

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    Absolument !

    M. Stéphane Peu

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    Certes, je suis d’accord avec vous, les premiers à subir les casseurs sont les commerçants et les riverains, mais les manifestants aussi, non seulement parce que les manifestations ne peuvent pas aller au bout, mais aussi parce que les manifestants et les services d’ordre des organisateurs sont parfois pris pour cible physiquement.

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Bien sûr !

    M. Erwan Balanant

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    Nous sommes d’accord !

    M. Rémy Rebeyrotte

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    C’est vrai !

    M. Stéphane Peu

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    Nous le savons peut-être mieux que quiconque ici.
    Par ailleurs, je me suis parfois étonné de la mansuétude troublante des stratégies de maintien de l’ordre vis-à-vis des casseurs, notamment à l’encontre des organisateurs de manifestations.

    Mme Danièle Obono

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    Exactement !

    M. Stéphane Peu

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    Fermons la parenthèse mais, de grâce, ne nous faites pas de procès de ce type.
    M. le ministre a répondu tout à l’heure aux exemples que je citais. Évidemment, l’article 2 ne poserait pas de problème s’il ne visait que les casseurs. Cependant, par extension, il pose d’autres questions.
    Bien sûr, l’occupation d’une entreprise ou d’autres actes ne seront pas visés par l’article, mais vous savez bien que quand une entreprise ferme et qu’un actionnaire étranger se présente et refuse de négocier et de recevoir les salariés licenciés, certaines méthodes permettent de se faire entendre hors de l’entreprise : bloquer une route ou un rond-point.

    M. le président

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    Je vous remercie.

    M. Stéphane Peu

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    Notre groupe s’exprime modérément ! Monsieur le président, vous pouvez tout de même m’accorder cinq secondes de plus ! Vous n’avez aucun discernement sur la parole des différents groupes !

    M. le président

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    Permettez-moi de vous interrompre. Mon discernement me fait constater que vous aviez déjà dépassé le temps de parole de seize secondes au moment où je vous ai alerté. Il consiste à entendre tous les points de vue dans cet hémicycle, en considérant que vous n’avez pas un temps de parole plus long que celui de vos collègues. De ce point de vue, vous pourrez reconnaître que j’essaie de faire s’exprimer la diversité des opinions.

    M. Stéphane Peu

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    Je ferai un rappel au règlement !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva, pour soutenir l’amendement n171.

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    L’article 2, qui vise à créer une interdiction administrative de manifester, a été adopté sans modification en commission. Pourtant, mardi matin, alors que cette proposition de loi devait être examinée le soir même en séance publique, le Gouvernement a déposé un amendement de réécriture globale de cet article. C’est un peu comme le paquet de Bonux : une surprise à chaque article ! (Sourires.) Ainsi, comme cela arrive souvent, la commission des lois n’aura pas l’occasion de se prononcer sur cette nouvelle rédaction. Cette manière de procéder est encore une fois l’illustration concrète du fait que l’exécutif fait la loi.
    Vous faites pencher le bras de la justice du côté de l’atteinte aux libertés publiques sans pour autant offrir des garanties claires de maintien efficace de l’ordre public. Des personnes pourront ainsi être frappées d’une interdiction de manifester parce que leur comportement constituerait une « menace d’une particulière gravité pour l’ordre public », notion vague et large. Cette imprécision, qui sera levée à la seule appréciation de l’autorité administrative et du préfet, peut être la source de dérives.
    De plus, contrairement à la rédaction initiale, l’article 2 élargit la possibilité d’une interdiction de manifester à une interdiction pouvant aller jusqu’à un mois. C’est une atteinte disproportionnée à la liberté de manifester et à la liberté de réunion dans toute société démocratique.
    Il faut noter également que vous associez cette interdiction de manifester à une possible obligation de pointage. Une fois de plus, on constate une transcription dans le droit commun de mesures réservées aux situations d’urgence, ce qui n’est évidemment pas acceptable.
    Enfin, en laissant à la simple acceptation du préfet, et non du juge, la possible commission de violences lors d’une manifestation, vous exposez nos concitoyens au risque de l’arbitraire. Tout repose sur la capacité du préfet ou du pouvoir politique à être en tout temps et en tout lieu un pouvoir démocratique. Malheureusement, l’histoire nous a enseigné qu’il n’en va pas toujours ainsi. Je tiens à votre disposition une liste des situations où tel n’a pas été le cas. Confier un tel pouvoir de restriction au pouvoir politique nous paraît inconcevable. (M. Paul Molac et Mme Mathilde Panot applaudissent.)

    Rappel au règlement

    M. le président

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    La parole est à M. Stéphane Peu, pour un rappel au règlement.

    M. Stéphane Peu

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    Oui, sur le fondement de l’article 58, alinéa 1er, de notre règlement, monsieur le président.

    M. le président

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    Il existe deux façons de débattre sur un article : soit chaque membre du groupe intervient à son tour, soit, et c’est ce que nous faisons, le groupe rassemble ses interventions en une ou deux prises de parole.

    M. Sacha Houlié

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    Respectez les règles !

    M. Thibault Bazin

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    Respectez l’orateur !

    M. Gilles Lurton

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    Ils n’ont aucun respect !

    M. Stéphane Peu

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    Aussi, si notre intervention dépasse de quinze ou vingt secondes le temps autorisé, ayez le discernement de constater que les groupes se comportent différemment les uns des autres et abordent le débat avec des stratégies différentes. Ayez alors l’intelligence de nous accorder les quelques secondes de débordement.

    M. le président

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    Je vous remercie, monsieur Peu. J’essaierai de faire en sorte que mon intelligence atteigne le niveau que vous demandez. Le discernement consiste précisément à vous interrompre après deux minutes et vingt secondes. Vous avez donc largement dépassé le temps de parole. Par ailleurs, malgré l’intérêt de votre propos, il ne me semble pas qu’il y ait de raison de vous accorder davantage la parole qu’à d’autres collègues, sur d’autres bancs de cette assemblée. Je n’interdirai jamais aux membres du groupe GDR de prendre la parole, si tant est qu’ils le souhaitent, à la seule condition qu’ils respectent les règles de notre assemblée.
    Je rappelle que les dispositions relatives au temps de parole se trouvent à l’article 95, alinéa 2, de notre règlement. Tous les orateurs, quels que soient leur groupe et le sens de leur intervention, auront le droit au même temps de parole : celui prévu par notre règlement.

    Article 2 (suite)

    M. le président

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    La parole est à Mme Delphine Bagarry, pour soutenir l’amendement n177.

    Mme Delphine Bagarry

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    Nous avons déposé cet amendement de suppression, fondé sur le texte issu de la commission, en espérant que sa rédaction ferait l’objet d’améliorations substantielles. Cependant nous ne sommes qu’en partie satisfaites, puisque l’amendement du Gouvernement dont nous discuterons tout à l’heure qualifiait bien mieux les conditions dans lesquelles les préfets pourront recourir à des interdictions administratives de manifester.
    Notons aussi que le sous-amendement de la rapporteure semble répondre à une autre inquiétude : la possibilité de disposer d’une voie de recours, qui pourra être examinée avant la manifestation.
    Nous regrettons toutefois des dispositions nouvelles, en particulier, à l’alinéa 4, la possibilité pour le préfet d’un département ou le préfet de police de Paris de prendre des interdictions administratives de manifester sur l’ensemble du territoire français, pendant un mois.
    À ce stade, il n’existe dans cet article aucun garde-fou assurant que cette mesure soit proportionnée. Elle semble de surcroît aller au-delà des compétences propres du représentant de l’État dans les territoires.
    Nous maintenons donc notre amendement de suppression, en espérant que les débats permettront d’améliorer encore les dispositions du texte.

    M. le président

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    La parole est à Mme Frédérique Dumas, pour soutenir l’amendement n191.

    Mme Frédérique Dumas

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    Nous proposons de supprimer l’article 2, dont on nous dit qu’il est au cœur du dispositif. Or, depuis quelques minutes, nous constatons la confusion des arguments techniques et juridiques, raison pour laquelle nous aurions souhaité le renvoi en commission du texte. Je tiens à pointer les incohérences et les contradictions de la majorité.
    J’ai sous les yeux les propos que vous avez tenus, monsieur le secrétaire d’État, lorsque vous avez rejeté la proposition de loi.

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Nous ne l’avons pas rejetée !

    Mme Frédérique Dumas

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    Vous faisiez valoir que ce texte ne tenait pas compte des attentes des praticiens sur le terrain – magistrats, policiers, gendarmes. Vous estimiez que les quatre premiers articles n’étaient pas pleinement opérationnels tandis que les derniers ne remplissaient nullement les objectifs recherchés. Mais surtout vous aviez annoncé, avec raison, la création de groupes de travail associant le ministère de l’intérieur et celui de la justice afin d’élaborer des dispositifs applicables juridiquement et opérationnels, et les conclusions devaient être rendues le 15 janvier.
    Vous avez tenu ces propos en octobre, avant le mouvement des gilets jaunes. Désormais, le problème est encore plus compliqué à résoudre. Ce sont sans doute non seulement des mesures techniques et juridiques qui doivent être envisagées mais aussi des mesures budgétaires ou portant sur les équipements. Si les groupes de travail se sont réunis, où sont leurs conclusions, qui, selon vos dires, devaient nourrir la discussion sur la proposition de loi adoptée au Sénat ? Nous avons eu droit, à une proposition de loi gouvernementale, si j’ose m’exprimer ainsi. Je préfère le dire ainsi car si la majorité avait autant abîmé sa propre proposition, cela aurait été curieux.
    À quel moment devons-nous vous croire ? À quel moment avez-vous dit la vérité ? Au mois d’octobre ou aujourd’hui ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-Agir et sur quelques bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir l’amendement n205.

    M. Aurélien Taché

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    Nous assistons depuis plusieurs semaines à des violences inacceptables, cela a été dit. Toutefois, mais, cela a aussi été rappelé, notre histoire sociale en a déjà connues et notre droit avait permis d’y faire face.
    Quoi qu’il en soit, il est des principes intangibles sur lesquels il est très difficile de transiger si nous voulons défendre la liberté dans notre pays. Dans les démocraties libérales que nous promouvons, la liberté individuelle est la règle, sa restriction, l’exception, et c’est une justice indépendante qui doit décider d’une telle restriction.
    Monsieur le ministre, vous avez argué de ce que le préfet pouvait interdire des manifestations dans certains cas, au motif d’un trouble à l’ordre public. C’est vrai mais de telles interdictions sont générales, elles s’appliquent à tous. Or, dans l’article 2, il est bien question de mesures individuelles. Des aménagements des principes fondamentaux ont été adoptés en cas de circonstances exceptionnelles, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, mais les mesures envisagées ici pourraient virtuellement – j’insiste sur ce terme – concerner n’importe quel citoyen français. Il s’agit d’interdictions a priori prononcées par le préfet, de manière préventive, pour des raisons d’ordre public.
    Si nous n’avons aucune inquiétude tant que le Gouvernement et le ministre de l’intérieur seront aussi soucieux des libertés que vous l’êtes (Rires sur les bancs du groupe FI), qu’en serait-il demain si des formations populistes, plus sensibles aux thèses « illibérales » qui ont le vent en poupe en Europe, arrivaient au pouvoir ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Loïc Prud’homme

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    Eh oui !

    M. Aurélien Taché

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    Les considérations d’ordre public peuvent être très diverses : un juge administratif a par exemple estimé que la dignité humaine, qui implique des éléments de morale, pouvait relever de l’ordre public. Si demain les formations que j’évoquais à l’instant arrivaient au pouvoir, qu’est-ce qui les empêcherait de considérer que manifester pour défendre l’IVG est immoral ? Ceux qui voient des patrons voyous partout pourraient aussi estimer que le droit de défendre la liberté d’entreprendre est immoral.
    Si l’on s’engage dans cette voie, il faut encadrer sérieusement l’interdiction. Je reste assez sceptique sur l’article 2 mais, si nous devions l’adopter, il faudrait a minima que le juge judiciaire soit réintégré dans la boucle. Nous défendrons une série d’amendements en ce sens, qu’il serait alors indispensable d’adopter.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur ces amendements de suppression ?

    Mme Alice Thourot, rapporteure

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    Je vois, pour ma part, un réel intérêt à l’interdiction administrative de manifester : celui de pouvoir lutter contre les black blocs, qui se déplacent dans toute l’Europe sans avoir nécessairement fait l’objet d’une condamnation judiciaire en France, bien qu’ils soient connus par les autorités.
    Certains collègues s’offusquent de cette mesure, qui, je le rappelle, est individuelle, alors que le préfet peut aujourd’hui interdire purement et simplement une manifestation, il convient de le rappeler. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.) Il me semble préférable de faire de la petite couture, en interdisant à certaines personnes que l’on sait dangereuses et violentes de venir à des manifestations, plutôt que d’interdire une manifestation dans sa totalité, c’est-à-dire d’interdire à tous de manifester. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)
    J’ai entendu dire que les libertés publiques se réduisaient. Mais, la liberté de manifester est amoindrie à cause des violences. Nous devons lutter contre la violence ; c’est ce que nous demandent les Français.
    J’ajoute que l’amendement présenté par le Gouvernement contient des critères objectifs et précis pour interdire la participation à une manifestation : « Lorsque, par ses agissements à l’occasion de manifestations sur la voie publique ayant donné lieu à des atteintes graves à l’intégrité physique des personnes ainsi que des dommages importants aux biens ou par la commission d’un acte violent à l’occasion de l’une de ces manifestations, une personne constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public ». Il ne s’agit donc pas de n’importe quel citoyen, je tiens à vous rassurer sur ce point.
    Enfin, la mesure est laissée à l’appréciation du juge administratif. Le pouvoir du préfet n’est pas discrétionnaire ; il est soumis au contrôle du juge. Je compte sur le juge des référés pour vérifier strictement la proportionnalité de la mesure à la menace invoquée par l’autorité administrative.
    Ce sont les raisons pour lesquelles je crois nécessaire de maintenir l’article 2. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Christophe Castaner, ministre

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    Même avis.

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Nos concitoyens et concitoyennes qui écoutent ce débat l’auront remarqué, nous ne sommes pas les seuls à exprimer notre opposition, y compris dans les rangs de la majorité. Cela devrait vous interpeller, monsieur le ministre.
    Jamais aucun pouvoir, même celui que nous qualifierions d’autoritaire ou dictatorial, ne prend des mesures de restriction des libertés en assumant sa nature autoritaire ou dictatoriale. Il le fait toujours pour prévenir des actes de violence, pour protéger les petits commerçants ou une autre catégorie. La justification que vous avancez – le faire en ciblant les personnes interdites et pour le bien de la manifestation – ne peut donc pas tenir, surtout lorsque nous savons que de telles mesures ont déjà été dévoyées. C’est un rapport parlementaire sur l’état d’urgence qui le dit, et vous pouvez convenir du sérieux de ce travail : il montre que les mesures utilisées pendant l’état d’urgence ont été détournées de leur objet initial pour viser des militants associatifs ou des écologistes. C’est écrit noir sur blanc ; pour le coup, l’objectivité n’est pas douteuse.
    Si toutes les institutions nationales et internationales interpellent le Gouvernement, c’est parce que vous suivez la pente d’une dérive autoritaire. Vous allez à l’encontre de la philosophie libérale, qui est à l’origine de l’instauration des droits fondamentaux des individus, de la garantie de leur liberté d’aller et venir et de manifester, ainsi que de la protection octroyée à ces derniers vis-à-vis non pas des casseurs mais de l’État et de l’arbitraire.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Quelle libérale !

    Mme Danièle Obono

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    Ces principes sont les fondements du libéralisme politique, dont vous devriez vous revendiquer.

    M. le président

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    Merci, madame Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Or vous les remettez en cause. Madame la rapporteure, vous ne pouvez justifier l’interdiction individuelle par le fait qu’il est déjà possible d’interdire une manifestation entière. (Mme Bénédicte Taurine applaudit.)

    M. le président

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    Compte tenu du nombre de demandes, je donnerai la parole à un orateur par groupe pour répondre à la commission et au Gouvernement sur les amendements de suppression.
    La parole est à M. Charles de Courson.

    M. Charles de Courson

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    Je parlerai tout à l’heure de l’amendement du Gouvernement, mais l’article 2, en l’état, est un monstre juridique. Il réinvente ce qu’on appelait au XIXsiècle les « classes sociales dangereuses » et la présomption de culpabilité.

    M. Pierre Dharréville

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    Tout à fait !

    M. Charles de Courson

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    Ce texte est fondamentalement anticonstitutionnel puisqu’une autorité administrative pourra priver un individu de sa liberté de circuler et de manifester au motif qu’il existe une présomption, « des raisons sérieuses de penser », comme il est écrit dans le texte. Mais qui apprécie les raisons sérieuses ? L’autorité administrative. Allons-y : « des raisons sérieuses de penser que son comportement constitue une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public » ! Mais où sommes-nous, mes chers collègues ? C’est une dérive complète.
    On se croit revenu sous le régime de Vichy. (Vives protestations sur les bancs du groupe LaREM). Mais oui, mes chers collègues, je persiste : le régime de Vichy ; vous êtes présumé résistant, donc on vous enferme. Mais où sommes-nous ? Réveillez-vous, mes chers collègues !
    Il faut donc absolument voter les amendements de suppression.

    Une députée du groupe LaREM

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    Arrêtez les violons !

    M. Charles de Courson

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    Non, ce n’est pas du violon, chère madame. Le jour où une droite extrême sera au pouvoir et où vous serez dans l’opposition, vous verrez ! C’est une pure folie que de voter ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT, FI et GDR ainsi que sur plusieurs bancs du groupe UDI-Agir, sur quelques bancs du groupe LaREM et parmi les députés non inscrits.)
    Alors réveillez-vous ! Je m’adresse aux nombreux collègues de la majorité qui désapprouvent absolument cet article, qui savent que c’est une folie. Il faut voter ces amendements de suppression ; ensuite on pourra discuter. Seule une autorité judiciaire peut décider d’une interdiction, sur la base de faits dangereux, après condamnation – certains juges le font d’ailleurs.

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Ciotti.

    M. Éric Ciotti

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    Je ne sais pas quelle mouche a piqué M. de Courson pour qu’il tienne des propos aussi excessifs,…

    Mme Marietta Karamanli

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    Il a eu raison !

    M. Éric Ciotti

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    …lui qui est d’ordinaire si pondéré et mesuré… (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

    Mme Danièle Obono

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    Justement, cela veut tout dire !

    M. Éric Ciotti

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    Le groupe Les Républicains s’opposera à ces amendements de suppression car le texte serait vidé de toute substance s’ils venaient à être adoptés. L’article 2 est le pivot de ce texte ; c’est celui qui améliorera la sécurité de nos concitoyens et des forces de l’ordre, mais aussi, je veux le souligner, la sécurité des manifestants. (M. Meyer Habib applaudit.)
    Nous sommes entrés dans un cadre nouveau. Jusqu’à présent, l’autorité administrative avait la possibilité d’interdire des manifestations, et elle l’utilisait avec discernement. Le récent mouvement social nous a projetés dans une nouvelle configuration : les manifestations ne font plus l’objet de demandes d’autorisation et il y a une immixtion permanente sur la voie publique. Il faut s’adapter à ce contexte nouveau. (Exclamations sur les bancs du groupe SOC. – M. Meyer Habib applaudit.)

    Mme Marietta Karamanli

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    Sans moyens humains !

    Mme Cécile Untermaier

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    Il ne fallait pas réduire les effectifs des forces de l’ordre !

    M. Éric Ciotti

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    À côté de la mesure d’interdiction globale d’une manifestation en raison d’un trouble potentiel à l’ordre public, il faut une mesure individuelle, qui garantira aussi le droit à manifester. En effet, la violence porte atteinte au droit de manifester.
    Cette disposition, proposée par le groupe Les Républicains au Sénat et soutenue par le Gouvernement – je vous en remercie, monsieur le ministre –,…

    Mme Cécile Untermaier

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    Ce sont des mesures de droite !

    M. Éric Ciotti

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    …est opportune et pertinente. Elle est la condition de la sécurité des manifestants, des forces de l’ordre et de nos concitoyens. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LR. – Exclamations sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-François Eliaou.

    M. Jean-François Eliaou

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    L’article 2 est le cœur du texte. Nous devons collectivement donner des outils fonctionnels aux forces de l’ordre pour que cessent définitivement ces violences auxquelles nous assistons toutes les semaines, ces rodéos. Ces violences empêchent les gens de manifester, d’aller et venir, de se balader, elles empêchent les parents d’accompagner leurs parents.
    Bien entendu, ces mesures efficaces doivent être encadrées ; le texte le prévoit. Il contient en outre des possibilités de recours ; un sous-amendement de la rapporteure que nous étudierons tout à l’heure le confirmera.
    De grâce, donnons des outils efficaces à nos forces de l’ordre, pour que cessent enfin ces violences auxquelles nous assistons tous les samedis ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    Mme Cécile Untermaier

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    Ce n’est pas cela qui empêchera les violences !

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Vichnievsky.

    Mme Laurence Vichnievsky

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    En réalité, il y a une part de vérité dans ce que chacun a exprimé, sur les différents bancs de cette assemblée. Pour ma part, je crois que nous avons besoin de nouveaux outils car nous – c’est un « nous » collectif – ne manifestons pas de nos jours comme nous le faisions par le passé : les appels à manifester ne sont pas lancés de la même manière ; les réseaux sociaux n’existaient pas naguère. Bref, nous devons être efficaces, c’est vrai, et nous devons permettre à nos concitoyens de manifester dans des conditions de sécurité acceptables.
    Dès lors, le groupe MODEM n’est pas opposé à la mesure d’interdiction administrative envisagée. Elle est nécessaire – je pense que vous avez raison sur ce point, monsieur Ciotti – mais elle doit être encadrée, comme cela a été dit sur d’autres bancs. Or l’encadrement prévu par l’amendement que présentera le Gouvernement est, selon notre groupe, insuffisant. C’est pourquoi nous avons déposé le sous-amendement que j’ai évoqué précédemment, qui vise à conditionner le prononcé de cette mesure d’interdiction administrative à l’existence d’une condamnation pénale préalable.
    Nous ne voterons donc pas pour les amendements de suppression de l’article 2.

    M. le président

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    La parole est à Mme George Pau-Langevin.

    Mme George Pau-Langevin

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    Nous sommes effectivement là au cœur du débat. Nous pouvons parfaitement comprendre que l’on ait envie, après des violences et des dégradations commises au cours de plusieurs semaines de manifestations, de prendre des mesures drastiques pour empêcher les débordements de ce type. Toutefois nous avons déjà connu, à une autre époque, une loi anticasseurs, et nous avons bien vu à quels excès elle avait donné lieu.
    La France n’est pas un pays comme un autre : c’est un grand pays démocratique. Compte tenu de notre tradition de respect du droit, nous ne pouvons pas nous permettre de faire n’importe quoi. Même s’il y a une exaspération, il faut impérativement que nous soyons fidèles aux principes qui font la grandeur de notre pays. Par conséquent, un manifestant, quel qu’il soit, ne peut pas être traité par une lettre de cachet, comme l’a dit un de nos collègues.
    Vous avez précisé, madame la rapporteure, qu’un certain nombre de critères seraient fixés : les personnes concernées devront notamment avoir déjà fait preuve de comportements violents. Vous donnez ainsi à entendre que la mesure doit faire l’objet d’un contrôle judiciaire ou être une peine complémentaire, prononcée à l’encontre d’une personne dont on sait qu’elle a déjà commis des exactions. En tout cas, on ne peut absolument pas prendre une telle mesure à titre préalable. Par conséquent, nous devons supprimer l’article 2, et il faut que vous nous présentiez une mesure permettant d’encadrer la liberté de manifester sous le contrôle effectif d’un juge.

    M. le président

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    La parole est à M. Hubert Wulfranc.

    M. Hubert Wulfranc

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    Nous avons entendu, de la part d’un collègue d’une autre sensibilité, des propos qui devraient faire réfléchir ceux qui sont encore engagés en faveur de l’article 2. Ce collègue a expliqué que demain, dans les mains d’un pouvoir autoritaire, une telle disposition pourrait porter gravement atteinte aux libertés individuelles, et il a fait référence, avec excès selon certains d’entre vous, à une page d’histoire particulièrement douloureuse pour notre pays.
    Nous avons aussi entendu des collègues de sensibilité libérale invoquer l’un des fondements de la Révolution française, révolution bourgeoise : les libertés individuelles chéries qui sont aujourd’hui au cœur du débat.
    Vous comprendrez que nous, députés communistes, voyions clairement dans cet article un risque supplémentaire. La phrase a été prononcée : « classes laborieuses, classes dangereuses ». Stéphane Peu a abondamment illustré le fait que les conflits sociaux ne se passaient pas uniquement dans les entreprises. Nombre d’entre nous ont été témoins de conflits lourds, durs, qui se déroulaient aussi dans l’espace public,…

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Vous voulez parler du Printemps de Prague ?

    M. Hubert Wulfranc

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    …au cours desquels des hommes et des femmes furent amenés à se confronter aux forces de l’ordre et à casser, c’est la réalité. Nous le disons très clairement : avec cette mesure, le pouvoir administratif aura dans les mains une capacité à faire mal aux classes laborieuses et à casser un mouvement. (Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Mme Bénédicte Taurine

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    Très bien !

    M. le président

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    Merci, monsieur Wulfranc…

    M. Hubert Wulfranc

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    Pour terminer, votre disposition est totalement inapplicable, en l’état des moyens dont vous disposez.

    M. le président

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    Merci…

    M. Hubert Wulfranc

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    Je le dis d’autant plus que, lorsque j’étais maire de Saint-Étienne-du-Rouvray, j’ai vu comment l’on pouvait être efficace, dans d’autres circonstances, face non pas à des casseurs, mais à d’autres individus.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-François Eliaou.

    M. Jean-François Eliaou

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    Je demande une suspension de séance de quelques minutes.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue. (Exclamations sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)

    M. David Habib

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    Vous n’avez pas le droit de suspendre la séance, monsieur le président !

    Mme Marietta Karamanli

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    Le scrutin public a été annoncé ! Vous avez peur !

    (La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à dix-neuf heures quarante-cinq.)

    M. le président

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    La séance est reprise.
    Je mets aux voix les amendements identiques nos 34, 49, 161, 171, 177, 191 et 205.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        134
            Nombre de suffrages exprimés                129
            Majorité absolue                        65
                    Pour l’adoption                38
                    Contre                91

    (Les amendements identiques nos 34, 49, 161, 171, 177, 191 et 205 ne sont pas adoptés.)

    M. le président

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    Je suis saisi d’un amendement n228 rectifié, qui fait l’objet de plusieurs sous-amendements, nos 259, 231, 244, 250, 237, 238, 245, 251, 232, 247, 253, 239, 261, 260, 252, 240, 256, 264, 229 et 233.
    Les sous-amendements nos 244 et 250 sont identiques, de même que les sous-amendements nos 245 et 251 d’une part, et les sous-amendements nos 256 et 264 d’autre part.
    La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur, pour soutenir l’amendement.

    M. Laurent Nunez, secrétaire d’État auprès du ministre de l’intérieur

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    L’amendement du Gouvernement vise à proposer une nouvelle rédaction de l’article, afin d’éviter l’interdiction pure et simple de participer à une manifestation et de proposer une mesure alternative.
    Avant de le présenter, je souhaite répondre à une interpellation dont j’ai fait l’objet, alors que j’étais au banc du Gouvernement au Sénat. Je rappelle que le Gouvernement ne s’était pas opposé à la proposition de loi Retailleau, mais qu’il avait émis un avis de sagesse. Je rappelle aussi que, comme je l’avais annoncé au Sénat, j’avais renvoyé à un groupe de travail interne aux administrations, qui s’est effectivement réuni, le soin de se prononcer sur ce texte et de lui apporter certaines améliorations juridiques et opérationnelles ; je vous le confirme ici, madame Dumas.
    Venons-en justement à ces améliorations, qui figurent dans la nouvelle rédaction de l’article que je vous propose d’adopter. J’en compte six.
    Nous modifions le texte pour ne pas lier la mesure d’interdiction administrative à une condamnation pénale, car rien, ni dans les textes de loi ni dans la jurisprudence, ne permet de conditionner une mesure de police administrative à une condamnation pénale.
    Nous caractérisons beaucoup mieux le comportement permettant de prononcer une mesure de police administrative d’interdiction de participation à une manifestation. Nous supprimons notamment la référence à l’appartenance à un groupe violent, qui ne suffit pas à caractériser la commission d’un acte violent justifiant l’interdiction administrative.
    Nous proposons une définition très précise du comportement susceptible de donner lieu à cet acte d’interdiction administrative.
    Nous instaurons une obligation de pointage, comme M. le ministre l’a rappelé tout à l’heure.
    Nous prévoyons dans certains cas que des interdictions de participation à toute manifestation sur le territoire national puissent durer jusqu’à un mois.
    Je dirai enfin un mot sur les conditions de notification : nous prévoyons la possibilité de notifier la mesure dans les quarante-huit heures pour des manifestations déclarées et à tout moment pour les manifestations non déclarées.
    Telles sont les précisions qu’apporte l’amendement. Je répète qu’il s’agit bien de précisions, qui visent à donner au texte plus de solidité juridique et surtout opérationnelle, comme je l’avais annoncé au Sénat.

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurianne Rossi, pour soutenir le sous-amendement n259.

    Mme Laurianne Rossi

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    Avec votre autorisation, monsieur le président, j’en profiterai pour défendre les sous-amendements nos 261 et 260, qui seront appelés ultérieurement.
    Monsieur le secrétaire d’État, par l’amendement n228 rectifié, que le Gouvernement a déposé hier et que vous venez de présenter, vous répondez à certaines interrogations que j’avais formulées, avec mes collègues cosignataires de l’amendement n217, lequel ne sera pas examiné si le vôtre est adopté. Je vous remercie de ces clarifications.
    Notre première interrogation portait sur le régime de l’interdiction administrative a priori de manifester, que l’autorité départementale pouvait opposer à un individu dont le comportement pouvait laisser penser qu’il constitue une menace particulièrement grave pour l’ordre public. Nous saluons la rédaction proposée, qui revient pour partie sur le dispositif initial.
    Notre deuxième interrogation concernait la caractérisation des raisons pour lesquelles la participation d’une personne réputée dangereuse à une manifestation était susceptible de constituer une menace caractérisée pour l’ordre public. Cette caractérisation, introduite par les commissaires aux lois, avait pour objet de restreindre le champ de la compétence préfectorale. Nous risquions une censure du Conseil constitutionnel, que nous pointions dans l’exposé sommaire de l’amendement n217. Vous nous avez partiellement répondu.
    En revanche, la rédaction proposée permet dorénavant qu’une personne ayant participé à une ou plusieurs manifestations et qui opte pour une sorte d’itinérance, puisse faire l’objet d’une interdiction de manifester sur tout le territoire pour une durée pouvant aller jusqu’à un mois. Cette adjonction ne nous paraît pas nécessaire et fait peser un risque sur l’ensemble du dispositif, car l’interdiction nous semble disproportionnée en droit. Nous proposons de revenir peu ou prou à ce que prévoyait la rédaction adoptée par le Sénat.
    Enfin, nous comprenons mal comment le préfet peut avoir compétence sur l’ensemble du territoire national pour prononcer une interdiction de manifester, même si nous savons que cette possibilité existe dans des cas particuliers. Nous proposons donc que cette prérogative revienne au ministre de l’intérieur.

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, pour soutenir le sous-amendement n231.

    Mme Laurence Vichnievsky

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    Le Gouvernement a proposé un amendement récrivant partiellement l’article et précisant les conditions dans lesquelles le préfet pourra prononcer l’interdiction administrative préventive. Toutefois cette rédaction ne nous paraît pas suffisante, et nous maintenons notre proposition de fonder l’interdiction préventive du préfet sur une condamnation préalable.
    On m’a opposé deux types d’arguments pour écarter cette condition préalable. M. le secrétaire d’État vient d’en rappeler une en indiquant que le prononcé d’une telle condamnation ne constitue habituellement, ni dans les textes de loi ni dans la jurisprudence, une condition pour l’intervention d’une mesure de police administrative.
    Mais précisément : priver le citoyen de son droit constitutionnel de manifester n’est pas une mesure de police administrative habituelle. Il n’est pas illégitime que vous vous soyez inspiré de la législation anti-hooligans, mais on l’a dit : l’interdiction de pénétrer dans un stade de foot ne peut être comparée avec celle de manifester.
    Aux termes de la dernière rédaction que vous nous proposez, la décision d’interdiction préventive est laissée, en fin de compte, à la seule appréciation du préfet. L’existence d’une condamnation préalable, nécessairement extérieure à la volonté de celui-ci, est un garde-fou que je juge indispensable pour garantir le caractère objectif de sa décision.
    Le second argument qu’on m’a opposé est la lenteur de la justice. Il est pertinent. C’est pourquoi nous proposons que la condamnation ne soit pas définitive. Le tribunal se prononcera quelques jours ou quelques semaines après la commission des faits, de sorte que l’interdiction puisse intervenir très rapidement.

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir le sous-amendement n244.

    M. Aurélien Taché

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    Il contient la disposition que j’ai évoquée tout à l’heure, en défendant l’amendement de suppression. S’il s’avère que les préfets peuvent prononcer demain des interdictions a priori individuelles de manifester – en cas, bien entendu, d’atteinte grave à l’ordre public –, il me semble indispensable que l’autorité judiciaire, qui depuis deux siècles, dans notre pays, est la gardienne des libertés individuelles, soit réintroduite dans la prise de décision, d’une manière ou d’une autre. C’est ce à quoi tend ce sous-amendement, par lequel nous proposons que le procureur de la République soit systématiquement informé quand le préfet prononcera ladite interdiction.

    M. le président

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    Le sous-amendement n250 est défendu.
    Je suis saisi de deux sous-amendements, nos 237 et 238, pouvant faire l’objet d’une présentation groupée.
    La parole est à Mme Danièle Obono, pour les soutenir.

    Mme Danièle Obono

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    Ils tendent à supprimer respectivement l’alinéa 4 et l’alinéa 5 de l’amendement n228 rectifié. Je ne reviens pas sur le problème, longuement développé, que pose l’article, mais un point me semble particulièrement inacceptable : le fait qu’un arrêté puisse être prononcé sur des « agissements » en raison desquels une personne constituerait une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public.
    Mme la rapporteure et M. le ministre ont prétendu avec insistance qu’il s’agit de fait très précis. Or ce n’est pas le cas puisqu’il n’est pas fait mention de faits pénalement punis, mais d’agissements, de suppositions, de on-dit. On bascule dans un monde où une police de la pensée prédira ce que les gens vont faire, percera leurs intentions, sans la moindre preuve, sans même qu’aucun acte ait été commis, ce qui me semble particulièrement grave.
    Le risque que fait peser une telle disposition est réel. Il concerne non l’avenir – dans le cas où un Gouvernement mal intentionné accéderait un jour au pouvoir –, mais le gouvernement actuel et les lois qui s’appliquent aujourd’hui dans la République, où vous introduisez un arbitraire d’État et une forme d’autoritarisme. Cela se passera non pas ailleurs, demain, un jour peut-être, mais ici et maintenant : une police de la pensée empêchera aux gens de manifester, en fonction de ce qu’elle imaginera, et ce n’est pas acceptable. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir le sous-amendement n245.

    M. Aurélien Taché

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    Il est défendu.

    M. le président

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    Le sous-amendement n251 est défendu.
    La parole est à Mme Laurence Vichnievsky, pour soutenir le sous-amendement n232.

    Mme Laurence Vichnievsky

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    Tout à l’heure, monsieur le secrétaire d’État, vous avez indiqué que l’amendement n228 rectifié prévoyait une obligation de pointage pour les personnes faisant l’objet d’une interdiction de manifester, lesquelles pourraient être convoquées par les services de police pendant la durée de la manifestation. Or j’ai relu l’amendement et je n’y vois pas le mot « pointage ».
    La rédaction actuelle me semble trop floue, imprécise. C’est pourquoi je maintiens mon sous-amendement, qui tend à préciser que la durée pendant laquelle une personne peut être retenue – je sais qu’il ne s’agit pas d’une retenue administrative – ne peut excéder quatre heures. J’ai choisi cette durée par référence à la durée maximale d’une audition libre, dans le cadre d’une enquête judiciaire, mais je conviens qu’elle peut paraît excessive.
    Il me semble que nous devons être plus précis que vous ne l’êtes, car retenir longtemps une personne convoquée peut constituer une atteinte importante à la liberté d’aller et venir, une atteinte parfois même plus contraignante que l’interdiction d’aller manifester. Cette éventualité me semblerait très regrettable.

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir le sous-amendement n247.

    M. Aurélien Taché

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    Il est défendu.

    M. le président

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    La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir le sous-amendement n253.

    M. Aurélien Taché

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    Par ce sous-amendement, nous proposons qu’une personne à laquelle le préfet a interdit de manifester ne puisse fait l’objet d’une interdiction de même nature, un mois après le premier arrêté, que si des éléments nouveaux ou complémentaires sont survenus et après que le procureur de la République a rendu un avis sur cette interdiction, alors que le sous-amendement n244 proposait seulement que le procureur en soit informé.

    M. le président

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    La parole est à M. Loïc Prud’homme, pour soutenir le sous-amendement n239.

    M. Loïc Prud’homme

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    Je souligne à nouveau le caractère liberticide de l’amendement. La prise en compte d’« agissements » suffira désormais à prononcer une garde à vue. Danièle Obono l’a souligné : le péril pèse non pas sur l’avenir mais dès aujourd’hui.
    Il existait déjà hier puisque, lors des différents samedis de mobilisation, plus de 5 000 manifestants ont été placés en garde à vue. Selon M. Castaner, ministre de l’intérieur, il y a 300 casseurs, ce qui signifie, en admettant que ces casseurs aient été arrêtés, qu’au moins 4 700 personnes ont été placées arbitrairement en garde à vue. Du reste, sur ces 5 000 gardes à vue, combien de procédures judiciaires ont été diligentées ? Quelques dizaines à peine.
    En somme, nous avons déjà plongé à pieds joints dans l’arbitraire, la suspicion. Si quelqu’un va à la piscine, il peut être arrêté en chemin parce qu’il a dans une poche des lunettes de natation. S’il va manifester avec sa famille en gilet jaune, il sera arrêté parce qu’il sera supposé être un dangereux casseur. On est en plein dans l’arbitraire. En vous référant aux seuls « agissements », vous franchissez un nouveau seuil pour mettre des gens derrière les verrous, pour embastiller à titre préventif ceux qui s’opposent à vos politiques antisociales. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Protestations sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Jean-Michel Fauvergue

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    Ben voyons…

    M. le président

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    Le sous-amendement n261 a été défendu par Mme Rossi.
    C’est également le cas du sous-amendement n260.
    La parole est à M. Aurélien Taché, pour soutenir le sous-amendement n252.

    M. Aurélien Taché

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    Nous proposons, par ce sous-amendement, d’adopter un régime plus protecteur pour les mineurs, en prévoyant qu’une interdiction de manifester ne puisse être prononcée à leur encontre sans une information et même un avis préalable du procureur. Je rappelle qu’en France, beaucoup de jeunes gens complètent leur éducation civique et citoyenne en manifestant. Ce fut mon cas, avant que je ne siège sur ces bancs. Je ne souhaite pas qu’un régime prive un jour les jeunes de cette expérience.

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir le sous-amendement n240.

    Mme Danièle Obono

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    En proposant des sous-amendements tendant à supprimer l’amendement, alinéa par alinéa, nous tentons de combattre l’énormité, la gravité de la rédaction proposée.
    Je me félicite que M. Taché ait évoqué la question des mineurs. Nous avons été indignés, sur l’ensemble de ces bancs, en découvrant, il y a quelque temps, les images d’enfants mis à genoux, humiliés, placés en garde à vue, en l’absence d’un conseil et de leurs parents.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    Vous êtes incroyable !

    Mme Danièle Obono

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    Les procédures en cours, qui concernent une partie d’entre eux, n’ont pas débouché sur des condamnations, ce qui est une nouvelle preuve éclatante de leur caractère arbitraire. Ces événements ont une incidence importante sur la construction des jeunes et leur rapport à la République et aux institutions. De nombreuses personnes ont été touchées.
    Comme nous l’avons dit, plus de 5 000 gardes à vue ont été effectuées.

    M. Rémy Rebeyrotte

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    C’est le Venezuela, ici !

    Mme Danièle Obono

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    Il ne s’agit pas de casseurs, de dangereux braqueurs de banque, mais de gens ordinaires, de citoyens, de pères et de mères de famille, de salariés, d’ouvriers, qui se trouvent pris dans les nasses et ciblés par des interpellations. Ils sont ainsi, durant un temps anormalement long, aux mains de la police, qui les libère ensuite en reconnaissant son erreur. On ne mesure pas le préjudice subi par ces personnes ; aucun suivi n’est effectué, et elles ne se voient proposer aucune mesure de réparation du traumatisme subi. Aucun de nos concitoyens ne devrait être confronté à cette violence d’État.

    M. le président

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    Veuillez conclure, madame Obono !

    Mme Danièle Obono

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    Vous devriez y être attentifs, chers collègues, et voter en faveur de nos sous-amendements de suppression.

    M. le président

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    La parole est à Mme Émilie Cariou, pour soutenir le sous-amendement n256.

    Mme Émilie Cariou

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    Il est défendu.

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Zumkeller, pour soutenir le sous-amendement n264.

    M. Michel Zumkeller

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    Il vise à instaurer un délai de soixante-douze heures entre la notification de l’interdiction de manifester et son entrée en vigueur. Le délai de quarante-huit heures risque en effet d’être un peu court car il correspond à la période dont dispose le juge pour donner son avis. Il nous semble nécessaire de l’allonger légèrement, toujours dans le but de faciliter l’application du texte et d’assurer le respect des droits de chacun.
    Par ailleurs, je partage pleinement l’avis de notre collègue Vichnievsky : alors que le texte dispose que les personnes qui se voient interdire de manifester peuvent faire l’objet de « convocations », vous nous parlez, depuis deux jours, de « pointage », mot figurant dans l’exposé des motifs de la proposition de loi. Il va falloir se mettre d’accord et le préciser dans le texte, car il s’agit de deux notions vraiment différentes. J’aimerais que vous m’éclairiez sur ce point.

    M. le président

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    La parole est à Mme Alice Thourot, pour soutenir le sous-amendement n229.

    Mme Alice Thourot, rapporteure

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    Il vise à prévoir que, lorsque l’arrêté préfectoral fait l’objet d’un recours devant le juge administratif dans le cadre d’un référé-liberté, « la condition d’urgence n’est pas requise » ; elle est, autrement dit, présumée. L’objectif est que l’arrêté puisse être jugé en référé dans des délais très brefs.

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Obono, pour soutenir le sous-amendement n233.

    Mme Danièle Obono

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    Il a pour objet la suppression d’un nouvel alinéa de l’amendement.
    La rédaction proposée a été élaborée dans la précipitation et contredit les observations que nous avions faites au cours des débats sur le budget de la justice et sur le projet de loi de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice. Chacun avait en effet dressé le constat du manque de moyens, du nombre insuffisant de juges, qui pénalisent l’institution judiciaire et placent la France en dessous de la moyenne européenne.
    Vous prétendez avoir introduit des garde-fous dans le texte, mais, en réalité, certains de nos concitoyens – notamment ceux qui disposent de faibles moyens financiers – n’auront pas de droit effectif au recours, car le système judiciaire ne le permet pas. La justice actuelle est à deux vitesses. Des magistrats, des greffiers, des avocats vous ont alertés sur le fait que votre réforme de la justice allait encore amoindrir les droits de la défense. Or la mesure que vous nous proposez va accentuer le caractère autoritaire, arbitraire de la procédure, alors même que vous n’accordez pas à nos concitoyens les moyens d’exercer leur droit au recours et d’être défendus correctement. Votre politique est, dans son ensemble, attentatoire aux libertés et crée un clivage entre ceux qui ont les moyens de se défendre et les autres. Encore une fois, la majorité de la population va en faire les frais.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n228 rectifié et les sous-amendements ?

    Mme Alice Thourot, rapporteure

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    Je suis évidemment très favorable à l’amendement du Gouvernement. Je remercie M. le ministre et M. le secrétaire d’État du travail de rédaction que nous avons pu mener ensemble afin de parvenir à ces garanties.
    Je vais m’efforcer de répondre le plus précisément possible aux auteurs de chacun des sous-amendements.
    Le sous-amendement n259, de nature essentiellement rédactionnelle, est satisfait, me semble-t-il, par la rédaction qui vous est proposée. Je demande donc qu’il soit retiré.
    Votre sous-amendement n231, madame Vichnievsky, soulève une difficulté, car on ne saura jamais ce qu’il faudra exactement intégrer dans la liste des motifs justifiant une mesure d’interdiction de manifester. Par exemple, vous prévoyez la possibilité de prononcer une telle mesure en cas de condamnation pour violences volontaires « ayant entraîné la mort sans intention de la donner ». Nous sommes tous d’accord sur ce point, si ce n’est qu’en cas d’intention de tuer, nous serions en présence d’un meurtre, ce qui rendrait cette interdiction impossible ; cette disposition manque donc de cohérence. Je citerai un autre exemple : le vol en réunion ne pourrait justifier une interdiction de manifester s’il était accompagné de dégradations, ce qui n’a pas grand sens. La loi ne pourra jamais prévoir tous les détails. Je crois donc préférable de s’attacher à définir des garanties procédurales. C’est la raison pour laquelle je vous demande de retirer votre sous-amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
    S’agissant du sous-amendement n244, l’interdiction administrative de manifester n’est pas une mesure judiciaire. Il n’y a donc aucune raison de prévenir le procureur de la République, pour qui cette information ne présentera pas d’utilité. Comme nous l’avons évoqué tout à l’heure, c’est au juge administratif qu’il revient de contrôler le bien-fondé de la mesure. Je vous demande donc de retirer ce sous-amendement, monsieur Taché, ainsi que le n250.
    Le sous-amendement n237 s’inscrit dans la série de ceux visant à supprimer chaque alinéa de l’amendement du Gouvernement. Vous l’avez compris, madame Obono, j’y suis défavorable, comme au sous-amendement n238.
    Concernant les sous-amendements nos 245 et 251, il n’y aurait pas grand sens, je l’ai dit, à prévenir le procureur de la République de l’édiction d’une mesure administrative car ce n’est pas son rôle. Le juge administratif est compétent. Je demande le retrait de ces deux sous-amendements.
    Le sous-amendement n232 a trait à la durée de la retenue de la personne sur son lieu de convocation. Comme vous l’a confirmé M. Nunez en commission, madame Vichnievsky, la crainte que suscite cet amendement est infondée. Au surplus, l’amendement du Gouvernement ne prévoit pas de retenue. Si l’on adoptait votre sous-amendement, on l’instituerait, ce que, personnellement, je ne souhaite pas ; vous allez en réalité plus loin que le texte. Je vous demande donc de retirer votre sous-amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
    S’agissant du sous-amendement n247, comme je l’ai dit précédemment, rien ne justifie l’intervention du procureur de la République dans une procédure administrative. Vos sous-amendements reflètent l’image très positive que recueille le procureur…

    M. Sacha Houlié

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    Tout à fait !

    Mme Alice Thourot, rapporteure

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    …mais, je le répète, ce n’est pas son rôle : le juge administratif est compétent pour se prononcer sur les arrêtés préfectoraux.
    L’argumentation et l’avis sont identiques concernant les sous-amendements nos 253 et 239.
    Le sous-amendement n261 vise à ce que le ministre de l’intérieur prenne les arrêtés d’interdiction de manifester, ce à quoi je suis défavorable. En effet, les pouvoirs qu’il est proposé d’accorder au préfet ne présentent pas un caractère exotique. À titre d’exemple, le préfet peut prendre un arrêté obligeant une personne à quitter le territoire national ou l’expulsant de notre pays ; ces arrêtés concernent l’intégralité du territoire et excèdent donc la circonscription administrative où exerce le représentant de l’État. C’est pourquoi je demande le retrait du sous-amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
    Le sous-amendement n260 vise à supprimer l’interdiction administrative de manifester pendant un mois, afin d’en rester aux interdictions ponctuelles. Étant favorable à l’amendement dans son intégralité, je demande le retrait du sous-amendement ; à défaut, l’avis serait défavorable.
    Le sous-amendement n240 répond également à l’objectif tactique efficace de supprimer méthodiquement chaque alinéa de l’amendement, ce à quoi je suis opposée. L’avis est défavorable.
    Le sous-amendement n256 prévoit la notification de l’arrêté d’interdiction soixante-douze heures avant la manifestation, ce qui est impossible en pratique, parce qu’on a jusqu’à soixante-douze heures avant la manifestation pour la déclarer. Il faut impérativement laisser au préfet au moins vingt-quatre heures pour, le cas échéant, prendre connaissance de la manifestation, l’organiser et prendre un arrêté.
    Le sous-amendement n233 a pour objet de supprimer le dernier alinéa de l’amendement. J’y suis défavorable car j’estime qu’il faut voter l’amendement dans son intégralité. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois

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    Très bien !

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement sur ces sous-amendements ?

    M. Laurent Nunez, secrétaire d’État

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    Les trois sous-amendements de Mme Rossi ont trait à l’interdiction de manifester pendant une durée maximale d’un mois et à la notion de manifestations concomitantes. Je rappelle, tout d’abord, qu’un dispositif de même nature existe déjà : le préfet peut prendre une mesure s’appliquant sur l’ensemble du territoire national. Par ailleurs, il ne sera applicable que s’il existe des raisons sérieuses de penser – qu’il faudra établir – que la personne va participer à plusieurs manifestations sur l’ensemble du territoire national ou à des manifestations concomitantes. Ce n’est pas un cas d’école puisque, en cas d’appel à des mouvements nationaux, il peut y avoir, au cours d’une même journée, des manifestations en plusieurs points du territoire. Cette mesure nous semble donc indispensable. Enfin, je rappelle que l’élévation de la compétence au niveau du ministre de l’intérieur emporterait la compétence du Conseil d’État. En tout état de cause, une garantie de recours est ouverte devant le tribunal administratif.
    Concernant le sous-amendement n231 de Mme Vichnievsky, je confirme ce qu’a dit Mme la rapporteure : il s’agit d’une mesure de police administrative, qui se distingue de la procédure pénale.
    S’agissant du sous-amendement de M. Taché qui a pour objet de recueillir l’avis du procureur de la République, je rappelle que, si la mesure proposée restreint la liberté d’aller et venir, elle ne constitue en aucun cas une mesure de privation de liberté ; cela ne se situe pas dans ce domaine. Le juge administratif est donc compétent.
    Mme Obono a présenté plusieurs sous-amendements ayant pour objet de supprimer les critères de définition du comportement des personnes pouvant faire l’objet d’une mesure d’interdiction de manifester. Nous avons défini ce comportement de manière très précise, me semble-t-il. Parallèlement à l’existence d’une « menace d’une particulière gravité », des conditions sont posées, comme la commission d’un acte violent à l’occasion d’une manifestation ou l’existence de dommages importants. Le texte définit une série de critères, qui devront, bien évidemment, être motivés par les préfets.
    J’en viens au sous-amendement n232 de Mme Vichnievsky, qui a pour objet de limiter à quatre heures la durée d’une prétendue « retenue » de la personne sur son lieu de convocation. Je veux rappeler que le terme « retenue » est impropre. Si l’on parle, en langage courant, de « pointage », le terme juridique est bien « convocation ». C’est le terme employé dans d’autres dispositifs de police administrative, ainsi que pour des contrôles judiciaires : on est convoqué à un endroit désigné par l’autorité pour émarger et attester de sa présence, après quoi l’on repart ; il ne peut pas y avoir de retenue. S’il devait y en avoir une, les fonctionnaires de police ou les gendarmes – selon le service compétent dans la juridiction – se mettraient en infraction avec la loi.
    Monsieur Taché, une mesure nouvelle dépendra bien évidemment d’éléments nouveaux que les préfets devront établir, je peux vous rassurer de ce point de vue.
    Monsieur Taché, madame Obono, des mineurs ont commis des exactions à l’occasion des manifestations de 2017 et de celles des gilets jaunes. Ainsi, dans le ressort de la préfecture de police, un peu plus de 10 % des personnes interpellées étaient mineures, celles-ci ayant parfois comparu devant le juge des enfants. Il ne nous semblerait pas responsable d’exclure les mineurs de ce dispositif, les mêmes conditions restrictives que celles prévues pour les majeurs s’appliquant bien entendu à eux. (Exclamations sur les bancs du groupe FI.)
    Je m’en remets à ce qu’a dit Mme la rapporteure sur le délai de notification porté à soixante-douze heures : un délai de quarante-huit heures semble suffisant pour saisir le juge mais surtout pour avoir connaissance de la manifestation, puisque le délai de déclaration est de soixante-douze heures. Nous voulons de la cohérence, et un délai de quarante-huit heures semble suffisant.

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Vichnievsky.

    Mme Laurence Vichnievsky

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    J’entends pour la première fois une série d’arguments qui s’opposeraient à nos amendements…
    Le premier vise les articles du code pénal auxquels nous nous sommes référés pour préciser ce que nous souhaitons à propos de la condition préalable de la condamnation. Mes chers collègues, je me suis référée à la proposition de loi de M. Retailleau et à la petite loi du Sénat, en excluant le seul délit qui ne me paraissait pas en rapport avec l’objet du texte, qui est de prévenir et de combattre les violences ou les dégradations commises à l’occasion d’une manifestation. On me parle maintenant de meurtres ; désolé, mais cela me semble hors-champ. Voilà pour cet argument qui m’est opposé pour la première fois dans l’hémicycle.
    Pardonnez-moi, j’ai utilisé le mot « retenue » entre guillemets, en précisant bien que je ne me référais pas à la retenue administrative. Une personne condamnée ou placée sous contrôle judiciaire est convoquée dans l’objectif de pointer. Vous avez vous-même, monsieur le secrétaire d’État, utilisé ce terme. Je crois qu’il serait judicieux de le faire figurer dans le texte, qui, à mon sens, manque en l’état de précision.

    M. le président

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    La parole est à M. Sacha Houlié.

    M. Sacha Houlié

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    Je parle de cet article en connaissance de cause.

    M. Ugo Bernalicis

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    Vous êtes un casseur ? (Rires.)

    M. Sacha Houlié

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    Non, monsieur Bernalicis, contrairement à vous, je n’ai jamais été un casseur. En revanche, étant supporter de football, je suis sensibilisé aux interdictions administratives de stade. De ce point de vue, lorsque je vois la définition du champ d’application de la mesure d’interdiction de participer à une manifestation, je suis rassuré par l’amendement proposé par le Gouvernement.
    De même, le sous-amendement de la rapporteure est éclairant pour la garantie de l’accès au juge. Le référé-suspension, applicable aux supporters de football, exige de réunir deux conditions : un doute sur la légalité de l’acte et l’urgence. La condition de l’urgence n’étant jamais remplie, le supporter n’a jamais accès au juge pour contester la mesure en référé. Avec le référé-liberté, nous proposons une sorte de « super-référé », en éliminant la condition de recevabilité qui a trait à l’urgence, de telle sorte que les personnes visées par la mesure auront la possibilité de saisir le juge si elle est disproportionnée ou si elle n’a pas à s’appliquer à elles – ces mesures étant discrétionnaires, les préfets peuvent parfois faire du zèle. Le recours de ces personnes sera entendu et examiné directement sur le fond. Ce dispositif est rassurant. Voilà pourquoi j’invite, au nom du groupe La République en marche, à voter l’amendement no 228, modifié par le sous-amendement n229.

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Il est certain que cet amendement constitue un net progrès par rapport au texte de la proposition de loi qui nous avait été soumis par le Sénat. Je formulerai néanmoins quelques observations.
    Dans le premier paragraphe, vous avez tenté, à juste titre, d’objectiver les situations, afin que le préfet ne décide pas discrétionnairement mais apprécie à partir d’éléments recensés dans l’amendement. Toutefois, lorsqu’on lit le texte, on s’aperçoit que la justice n’est jamais présente. L’amendement évoque « un acte violent à l’occasion de l’une de ces manifestations ». On imagine quand même qu’il y a eu une interpellation ou une enquête de police. Il convient de préciser cet élément, parce que la justice, dans la rédaction actuelle, semble passer à côté de tout : comme si le préfet devait prendre les choses en main et décider à cause de la lenteur de la justice. À l’occasion de la navette, il faudrait enrichir le texte pour qu’il soit clair que le préfet prend cette décision en responsabilité, quand la justice n’a pas eu le temps de rendre une première décision. J’y tiens car c’est une question de justice et non de police.
    Deuxièmement, vous écrivez « convocations » au pluriel, ce qui signifie qu’il y en aura plusieurs. Leur nombre est-il illimité ? Peut-on convoquer la personne plusieurs fois ? Il serait intéressant que vous nous précisiez, dans le débat parlementaire, les limites encadrant ces convocations.

    M. le président

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    La parole est à M. Ugo Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Je sais que j’ai manqué à certains d’entre vous dans cet hémicycle, si bien que je suis revenu le plus rapidement possible…
    Qu’est-ce qui caractérise un État de droit ? C’est le fait que nul ne peut être inquiété de manière arbitraire. C’est le principe de sûreté, qui fonde l’idée de justice. Or, monsieur le secrétaire d’État, vous nous dites qu’une personne ayant commis des agissements, violents ou autres, qui ne sont pas des actes – sinon, vous auriez utilisé ce terme – pourrait faire l’objet d’une interdiction de manifestation. Si on avait écrit le mot « acte », cela aurait été une tautologie. Casser une vitrine ou tabasser un flic est déjà un délit, encore heureux ! J’espère que les gens qui commettent de tels actes sont interpellés et déférés à la justice.
    Vous inventez là une nouvelle conception juridique, qui diffère un peu de celle reposant sur les « raisons sérieuses de penser que ». Celle-ci n’était pas bien meilleure, mais elle était au moins connue du monde judiciaire. En fait, vous laissez entendre qu’on pourra interdire de manifester à des gens sur lesquels ne pèsent que des suppositions.
    La présomption d’innocence, qui fonde la sûreté et l’État de droit, a déjà été chamboulée en matière de terrorisme et de criminalité organisée. Nous comprenons l’émotion qui a pu conduire à de telles modifications, même si nous étions là pour rappeler les principes de l’État de droit et de la République. Et vous étendez maintenant, dans une loi de circonstance, la remise en cause du principe de présomption d’innocence aux manifestations.

    M. le président

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    Merci, monsieur Bernalicis.

    M. Ugo Bernalicis

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    Alors oui, nous avons déposé des sous-amendements tendant à supprimer l’intégralité des dispositions de l’amendement gouvernemental. Ces interdictions de manifester sont mauvaises. Vous trouvez que la justice est trop lente, mais les comparutions immédiates et les placements en détention provisoire sont rapides. Il est dangereux de voter ce genre d’amendements et d’articles, si bien que nous demandons leur suppression intégrale.

    M. le président

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    La parole est à M. Michel Zumkeller.

    M. Michel Zumkeller

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    Je voulais revenir sur l’analogie récurrente entre le fait d’assister à un match de foot et l’interdiction de manifester. Nous avons débattu de ce sujet en commission et nous pouvons comprendre la raison de cette comparaison. Mais assister à un match de football n’est pas un droit constitutionnel. Voilà pourquoi nous devons être beaucoup plus précis dans ce texte. Le secrétaire d’État m’a dit, ce qui m’a choqué, qu’il souhaiterait que la présence aux matchs de l’OM soit un droit constitutionnel – je suis désolé, monsieur le président –, mais ce n’est pas le sujet. (Sourires.)

    M. Erwan Balanant

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    Le président est pour le PSG !

    M. Michel Zumkeller

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    Nous ne pouvons pas perpétuellement dire que l’on va faire pour les manifestants ce que l’on a fait pour les hooligans. Ce sont deux choses différentes, le droit de manifester ayant valeur constitutionnelle. Si le texte n’est pas assez précis, je crains que l’avis rendu par le Conseil constitutionnel ne soit pas très favorable. Ce serait bien dommage, parce que, comme je l’ai déjà dit, nous ne sommes pas du tout opposés à ce texte ; nous voulons simplement qu’il soit applicable, ce qui requiert un certain degré de précision.

    (Les sous-amendements nos 259 et 231, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (Les sous-amendements identiques nos 244 et 250 ne sont pas adoptés.)

    (Les sous-amendements nos 237 et 238, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (Les sous-amendements identiques nos 245 et 251 ne sont pas adoptés.)

    (Les sous-amendements nos 232, 247, 253, 239, 261, 260, 252 et 240, successivement mis aux voix, ne sont pas adoptés.)

    (Les sous-amendements identiques nos 256 et 264 ne sont pas adoptés.)

    (Le sous-amendement n229 est adopté.)

    (Le sous-amendement n233 n’est pas adopté.)

    (L’amendement n228 rectifié, sous-amendé, est adopté ; en conséquence, l’article 2 est ainsi rédigé et les amendements nos 217, 186, 166, 199, 27, 133 rectifié, 201 rectifié, 126, 135, 127, 134, 156, 136, 122, 137, 155, 124, 187, 180, 182, 118, 125, 131, 81, 190, 117, 183, 28, 145, 146, 189, 18, 179, 19 et 184 n’ont plus d’objet.)

    3. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures quarante-cinq :
    Suite de la discussion de la proposition de loi visant à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à vingt heures trente.)

    Le Directeur du service du compte rendu de la séance
    de l’Assemblée nationale
    Serge Ezdra