XVe législature
Session ordinaire de 2020-2021

Première séance du mardi 06 octobre 2020

Sommaire détaillé
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Première séance du mardi 06 octobre 2020

Présidence de M. Richard Ferrand

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Intempéries ayant touché la France

    M. le président

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    Des intempéries d’une violence exceptionnelle ont frappé ces derniers jours plusieurs départements de notre pays. Je souhaite exprimer la solidarité de la représentation nationale à nos concitoyens, tout particulièrement aux habitants des Alpes-Maritimes, département particulièrement meurtri par cette catastrophe. Nos pensées accompagnent les victimes et leurs familles dans ces moments douloureux.
    Je sais que le Gouvernement est pleinement mobilisé pour apporter toute l’aide nécessaire aux départements touchés. Dès demain, le Président de la République se rendra dans les Alpes-Maritimes.
    Mes chers collègues, je souhaite également saluer en votre nom le travail exemplaire des équipes de secours, auxquelles s’est jointe l’armée, et l’engagement sans faille, sur le terrain, des agents des services publics et des élus locaux. Ceux d’entre vous qui ont été touchés par ce drame ont déployé eux aussi beaucoup d’efforts ces derniers jours. Je veux exprimer, en notre nom à tous, notre soutien à Marine Brenier, Bernard Brochand, Éric Ciotti, Loïc Dombreval, Éric Pauget, Cédric Roussel, Michèle Tabarot, Laurence Trastour-Isnart et Alexandra Valetta Ardisson. (Vifs applaudissements sur tous les bancs.)

    2. Questions au Gouvernement

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Intempéries dans les Alpes-Maritimes

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Ciotti.

    M. Éric Ciotti

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    J’associe à ma question ma collègue Marine Brenier ; je crois pouvoir y associer également les autres députés des Alpes-Maritimes.
    Vous l’avez dit, monsieur le président, le département des Alpes-Maritimes a subi un choc terrible. Je suis très sensible à votre témoignage de sympathie, comme je l’ai été au message que vous m’avez adressé au cours du week-end.
    Monsieur le Premier ministre, la montagne des Alpes-Maritimes a été touchée au cœur. Les villages de nos vallées ont subi un véritable traumatisme : équipements publics détruits ; cimetières emportés ; maisons rayées de la carte – quatre-vingt-six dans la commune de Saint-Martin-Vésubie ; victimes disparues dont la recherche se poursuit. Vous êtes venu sur place, et je vous en remercie. L’État a été au rendez-vous : il s’est montré réactif et efficace. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LR et Dem.)
    Je veux remercier très sincèrement tous les services placés sous votre autorité, bien sûr les militaires de la gendarmerie et ceux de l’armée que vous avez dépêchés. Je veux remercier nos sapeurs-pompiers, qui ont été admirables de courage dans la nuit tragique de vendredi à samedi. (Mmes et MM. les députés se lèvent et applaudissent longuement.)
    Je pense en cet instant au capitaine Bruno Kohlhuber et à Loïc Millo, sapeur-pompier volontaire du centre d’incendie et de secours de Saint-Martin-Vésubie. Ils ont disparu et n’ont toujours pas été retrouvés.
    Monsieur le Premier ministre, il faudra se relever de ce choc. Je lance un véritable appel au secours, un appel à la solidarité nationale. La volonté doit réparer l’injustice de la force des éléments. Selon de premières estimations sommaires, il faudra au moins 1,5 milliard d’euros pour réparer les infrastructures. Des dizaines de ponts ont été arrachés ; des dizaines, voire des centaines de kilomètres de routes ont été endommagés. Nous avons besoin de vous, nous avons besoin de cette solidarité. Nous lançons un appel à l’engagement de la nation en faveur des communes touchées. (Applaudissements sur tous les bancs.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Ce week-end, vous l’avez dit et nous l’avons vu toutes et tous, les Alpes-Maritimes ont été touchées par un épisode climatique absolument hors norme. J’ai d’abord une pensée pour les familles endeuillées, pour celles qui attendent des nouvelles de leurs proches, pour celles qui ont tout perdu. Ces familles, que j’ai rencontrées avec vous samedi, m’ont impressionné par leur esprit de résilience et de solidarité.
    La détresse et la désolation dont le ministre de l’intérieur et moi-même avons été témoins nous ont considérablement touchés. Au moment où je m’exprime devant vous, le bilan humain n’est pas encore connu, mais il est d’ores et déjà très lourd : quatre personnes décédées, huit disparues et treize supposées disparues dont on est sans nouvelles.
    À l’heure où nous parlons, de nombreux acteurs – forces de secours, militaires de la gendarmerie et des armées, personnels civils – continuent de s’activer au profit des populations sinistrées. Je veux à mon tour, au nom du Gouvernement de la République, rendre hommage à l’ensemble de ces femmes et de ces hommes engagés dans la crise, sous l’autorité du préfet des Alpes-Maritimes. (Applaudissements sur tous les bancs.)
    Vous avez bien voulu, monsieur Ciotti, souligner le dévouement et l’engagement sans faille de l’État. Je veux à mon tour souligner celui des collectivités territoriales, des associations et de l’ensemble de la population, qui se sont mobilisées avec dévouement et dans un esprit de coordination exemplaire. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
    En complément des 550 sapeurs-pompiers départementaux, 200 sapeurs-pompiers de la région, 200 sapeurs-sauveteurs de Brignoles et de Nogent-le-Rotrou, plus de 500 gendarmes, des militaires, notamment du 1er régiment étranger de génie – chargés de déblayer et d’ouvrir les axes et d’assurer des missions de transport et de secours aux personnes –, et une flotte de treize hélicoptères – quatre hélicoptères lourds des armées, six appareils de la sécurité civile et trois de la gendarmerie – ont été immédiatement mobilisés par mes soins pour assurer les secours aux personnes et l’acheminement de vivres, d’eau et de matériel, notamment de soixante-six groupes électrogènes déployés en un temps record et de téléphones satellitaires.
    Les actions des pouvoirs publics se concentrent sur cinquante-cinq communes particulièrement touchées, dans les vallées de la Tinée, de la Vésubie et de la Roya, où vivent environ 12 000 personnes. Sept cents habitants ont d’ores et déjà été accueillis dans des hôtels ou des centres d’hébergement. Au total, plus de 1 600 personnes ont été concernées par les opérations de secours. Certaines d’entre elles ont été secourues par les airs, et plus de 760 interventions ont été assurées à terre.
    Alors que la mobilisation se poursuit sur le terrain et que nous sommes toujours dans le temps du secours et de l’aide aux sinistrés, le temps de la reconstruction s’est d’ores et déjà mis en place. Les différents ministères sont mobilisés pour organiser le soutien aux victimes et à la population et reconstruire les infrastructures routières et les réseaux – eau, électricité, téléphone – ou les remettre en état de fonctionnement.
    Vous l’avez dit, monsieur le président, le Président de la République se rendra lui-même sur place demain pour le constater et affirmer la très forte mobilisation de l’État, qui s’est engagé dès le début – vous l’avez reconnu, monsieur Ciotti – et ne faillira pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, Dem et Agir ens.)

    Intempéries dans les Alpes-Maritimes

    M. le président

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    La parole est à M. Loïc Dombreval.

    M. Loïc Dombreval

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    J’associe à ma question mes collègues députés des Alpes-Maritimes, notamment Cédric Roussel et Alexandra Valetta Ardisson, qui est restée dans sa circonscription, particulièrement touchée, pour aider la population. Je tiens également à y associer Denis Masséglia, présent à mes côtés : originaire de Breil-sur-Roya, il est resté sans nouvelles de sa famille pendant quatre jours. (Applaudissements sur de nombreux bancs.)
    Monsieur le Premier ministre, le département des Alpes-Maritimes a subi le 2 octobre dernier un épisode climatique dévastateur tel qu’on n’en avait jamais connu depuis l’installation des instruments de mesure. Vous vous êtes immédiatement rendu sur place, accompagné du ministre de l’intérieur, pour annoncer des mesures attendues et exprimer la solidarité de la nation, et je vous en remercie. Le Président de la République y sera présent demain.
    J’exprime à mon tour ma compassion fraternelle aux proches des victimes et aux sinistrés. La préfecture des Alpes-Maritimes, qui avait pris toutes les dispositions nécessaires en amont, est plus que jamais au travail. Rendons de nouveau un hommage appuyé à nos pompiers, à nos gendarmes, à nos militaires, à nos policiers, ainsi qu’à nos bénévoles, à nos entreprises et à toute la population des Alpes-Maritimes, qui ont fait preuve de générosité. (Applaudissements sur de nombreux bancs.) Saluons également les maires et les élus locaux, extraordinaires, ainsi que les agents de l’État et des collectivités territoriales, qui mobilisent toutes leurs forces sur le terrain aux côtés des sinistrés.
    Le département des Alpes-Maritimes est l’un des rares qui soit exposé à presque tous les risques naturels : avalanches, feux de forêt, inondations, tempêtes, mouvements de terrain, canicules, séismes, risques littoraux. En quarante ans seulement, certaines de ses communes ont été reconnues plus de quarante fois en état de catastrophe naturelle. Demain, l’état de catastrophe naturelle sera déclaré par le Conseil des ministres.
    Vous l’avez constaté, monsieur le Premier ministre, le département des Alpes-Maritimes souffre. La fréquence des sinistres, l’importance des dégâts subis et la diversité des risques menaçant son territoire appellent un traitement différencié. Au-delà de la réponse immédiate et parfaitement adaptée que vous avez su apporter, que comptez-vous faire désormais pour prévenir une énième catastrophe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Monsieur Dombreval, en répondant à votre intervention, qui fait suite à celle de M. Ciotti, je veux souligner devant la représentation nationale la forte mobilisation des élus de terrain, en particulier des députés des Alpes-Maritimes. Je les ai vus à pied d’œuvre dès les premières heures de cette catastrophe épouvantable. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur plusieurs bancs du groupe LR.)
    Je l’ai dit, alors que l’heure est toujours aux secours immédiats et à la recherche des victimes, l’État entend continuer et amplifier autant que nécessaire sa contribution à l’accomplissement de ces missions. Cela étant, vous avez parfaitement raison, nous devons d’ores et déjà anticiper la suite. Je vous confirme que le Conseil des ministres déclarera demain, pour les territoires concernés, l’état de catastrophe naturelle. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
    Par ailleurs, les procédures prévues en pareilles circonstances pour que la solidarité nationale s’exerce en faveur des collectivités territoriales dont les infrastructures essentielles, vitales même, ont été endommagées – cela a été rappelé – ont déjà été engagées, afin que les rapports d’expertise correspondants me soient remis dans les meilleurs délais et que nous puissions mobiliser les fonds nécessaires à la reconstruction. Il est en effet à craindre que le volume des dégâts atteigne des proportions tout à fait significatives. Il n’est donc pas question que les collectivités territoriales touchées en supportent seules les conséquences. Sur ce registre, comme sur les autres, l’État sera au rendez-vous. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    Décision du conseil d’administration d’Engie

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Rabault.

    Mme Valérie Rabault

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    Monsieur le Premier ministre, ce qui s’est passé hier soir au conseil d’administration d’Engie est une honte !

    Un député

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    Absolument !

    Mme Valérie Rabault

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    En effet, pour la première fois dans l’histoire de notre pays,…

    M. Pierre Cordier

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    Elle a raison !

    Mme Valérie Rabault

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    …l’État, premier actionnaire d’une entreprise, fleuron industriel autrefois public, a été mis en minorité par le conseil d’administration de celle-ci. (MM. Nicolas Dupont-Aignan, José Evrard et Jean Lassalle applaudissent.) Pensez-vous que quiconque aurait osé faire subir une telle humiliation au général de Gaulle, à Georges Pompidou ou à François Mitterrand ? (Murmures sur les bancs du groupe LaREM.)
    Avec ce conseil d’administration, c’est l’État qui a été humilié, et donc nous toutes et tous. Or, monsieur le Premier Ministre, c’est le Président de la République et vous-même…

    M. Nicolas Dupont-Aignan

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    Complices !

    Mme Valérie Rabault

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    …qui portez la responsabilité de faire en sorte que l’État soit respecté.

    M. Fabien Di Filippo

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    L’État n’a aucune autorité !

    Mme Valérie Rabault

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    Faire respecter l’État, c’est…

    M. Fabien Di Filippo

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    Démissionner !

    Mme Valérie Rabault

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    …donner une ligne claire sur la stratégie d’un groupe industriel dont il est le premier actionnaire. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)
    Vous avez dit soutenir l’opération Veolia ; votre ministre de l’économie a dit le contraire. Faire respecter l’État, c’est protéger l’argent des Français et mettre des contreparties au soutien qu’il donne.

    Mme Valérie Rabault

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    Aujourd’hui, vous êtes moins-disant que le gouvernement libéral des Pays-Bas  Quelle horreur ! » sur plusieurs bancs des députés du groupe LR) qui, lui, demande des contreparties lorsqu’il apporte son soutien. Faire respecter l’État, c’est empêcher les démantèlements opérés par certains grands groupes internationaux, comme celui que nous craignons chez Honeywell à l’usine de Laguépie.
    Je vous demande une seule chose, monsieur le Premier ministre : faites respecter l’État par cette frange du capitalisme qui ne vous respecte plus. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Dans cette affaire comme dans les autres…

    M. Thibault Bazin

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    C’est vrai, c’est une affaire !

    M. Fabien Di Filippo

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    Castex, rends l’argent !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    …l’État a veillé au respect de ses intérêts et de ceux des contribuables. Il a exprimé par son vote au conseil d’administration d’Engie la position qui est la sienne depuis l’ouverture du dossier.

    M. Pierre Cordier

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    Il nous a dit le contraire en commission !

    M. Fabien Di Filippo

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    Mythomane !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Sur cette opération, nous demandons, premièrement, la sauvegarde de l’emploi ; deuxièmement, la sauvegarde d’une logique industrielle,…

    M. Pierre Cordier

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    Vous avez dit le contraire la semaine dernière !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    …ainsi que l’a rappelé M. le ministre de l’économie de façon constante ;…

    M. Thibault Bazin

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    Quelle honte !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    …troisièmement, le respect des règles de concurrence dans les marchés d’assainissement de l’eau dans les collectivités territoriales ;…

    M. Boris Vallaud

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    C’est un fiasco !

    M. Thibault Bazin

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    Vous avez dit le contraire la semaine dernière !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    …quatrièmement, le respect des règles de souveraineté, afin que ce segment stratégique demeure sous pavillon national.

    M. David Habib

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    Bravo !

    M. Hubert Wulfranc

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    Carton plein !

    M. Pierre Cordier

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    Le Premier ministre n’a aucune autorité !

    M. Fabien Di Filippo

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    Il subit tout !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Je rappelle à l’Assemblée nationale que la seule offre qui se soit présentée à ce jour est celle de Veolia. C’est précisément parce que nous avons demandé, par la voix de Bruno Le Maire,…

    M. Fabien Di Filippo

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    On l’attendait !

    M. Thibault Bazin

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    On a peur !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    …que les discussions soient approfondies sur ces quatre principes que nous n’avons pas donné un vote favorable à la solution retenue au conseil d’administration, hier soir. Nous demandons que les discussions se poursuivent (Exclamations sur les bancs du groupe SOC) pour atteindre un respect clair et net des objectifs que nous avons fixés. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Boris Vallaud

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    Mais c’est fini !

    M. le président

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    La parole est à Mme Valérie Rabault.

    Mme Valérie Rabault

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    Monsieur le Premier ministre, vous avez exprimé une position et l’État a été mis en minorité.

    M. Boris Vallaud

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    Faites-vous respecter ! (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes SOC et GDR.)

    Mme Valérie Rabault

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    C’est une première dans l’histoire de la Ve République. Ce n’était jamais arrivé ! Se faire respecter passe par des actes : vous auriez pu entrer au capital de Suez si vous l’aviez voulu. Là, vous auriez créé un rapport de forces. Mais vous avez refusé le rapport de forces. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR et sur quelques bancs du groupe FI.)

    Lutte contre la grande pauvreté

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Coquerel.

    M. Éric Coquerel

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    Monsieur le Premier ministre, la France est malade. Cette maladie se propage ; cette maladie, c’est la misère. La France, 66 millions d’habitants, comptera à la fin de l’année 10 millions de pauvres ; 8 millions de Français vont chercher, la boule au ventre, une aide alimentaire.
    « Nous n’avons jamais vécu une situation pareille depuis la seconde guerre mondiale », nous dit le Secours populaire. Une responsable de Médecins du Monde nous a confié qu’elle avait dû gérer en Seine-Saint-Denis une situation comparable à celle des pays pauvres. Je veux rendre hommage à ces associations, aux familles aussi, qui combattent, seules, l’épidémie de misère qui ronge le pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR et sur quelques bancs des groupes SOC, LT et LaREM.)
    Seules, parce que l’État n’est plus là. Le Président est parti en guerre contre un virus, paraît-il, mais il a capitulé face à la misère. Non, vous n’êtes plus là : moins de 1 % des 100 milliards du plan de relance est consacré au soutien aux personnes pauvres et précaires. Il aurait pourtant suffi de 7 milliards d’euros pour éradiquer la grande pauvreté, pour que la solidarité ne soit pas qu’un mot. Aussi je vous demande de prendre position sur les premières mesures concrètes que je vais vous présenter.
    Je pense à notre jeunesse à genoux. Pour qu’elle puisse rester debout, on pourrait ouvrir le RSA – revenu de solidarité active – aux 18-25 ans, ou recruter 300 000 emplois jeunes au SMIC. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.) Dans une société solidaire, la gratuité des premiers mètres cubes d’eau, de l’électricité et du gaz ne serait pas un cadeau, mais une juste mesure contre la misère.

    M. Fabien Di Filippo

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    Ça n’existe pas, la gratuité !

    M. Thibault Bazin

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    Demain, on rase gratis…

    M. Éric Coquerel

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    Dans une société solidaire, annuler la réforme de l’assurance-chômage, augmenter les minimas sociaux et automatiser leur versement ne serait pas une faveur, mais une juste mesure contre la pauvreté. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)
    Collègues, écoutez la voix de nos anciens. C’était il y a 170 ans. Victor Hugo était là, sur les mêmes bancs que nous, et disait : « Je ne suis pas de ceux qui croient qu’on peut supprimer la souffrance en ce monde. Mais je suis de ceux qui pensent et qui affirment qu’on peut détruire la misère. » (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe FI.)
    Collègues, il n’y a pas besoin de décréter la guerre à la misère pour éradiquer cette lèpre, simplement de tendre la main. Alors, à ceux et celles qui se taisent, qui se cachent sous leur capuche dans les files d’attente alimentaires, je dis : n’ayez pas honte de revendiquer la solidarité.
    Je demande au Gouvernement ce qu’il compte faire pour détruire la misère. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR et sur quelques bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Vous avez raison, l’épidémie et le confinement de ces derniers mois ont eu un impact sur de nombreux ménages français. Il est factuel de dire que le nombre de familles qui relèvent de l’aide alimentaire a augmenté dans le pays. Il est factuel de dire que certains Français n’ont pas pu joindre les deux bouts, faute de pouvoir gagner le complément de salaire qui était parfois le leur, et de dire que de nombreuses familles qui ne pouvaient plus se rendre dans les supermarchés bon marché et qui ont dû faire les courses dans leur quartier ont vu leurs dépenses du quotidien augmenter.
    Mais le Gouvernement n’a pas été inactif, loin s’en faut, pendant cette période. L’aide exceptionnelle de solidarité a été attribuée à des millions de familles. L’aide alimentaire a été augmentée pour des millions de familles – elle n’avait jamais été attribuée à un tel niveau. L’allocation de rentrée scolaire a été augmentée de 100 euros par enfant. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est une aide sociale déguisée ! Qui paie ?

    M. Olivier Véran, ministre

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    Un soutien exceptionnel et sans précédent de 100 millions a été apporté aux associations distribuant de l’aide alimentaire. (Mêmes mouvements.)
    J’ai moi-même installé, il y a quinze jours, le Comité national de coordination de la lutte contre la précarité alimentaire, qui réunit des associations impliquées dans le soutien à l’aide alimentaire et le CNLE – Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion –, placé sous l’autorité de la députée Fiona Lazaar. Il y a quelques jours, le Premier ministre a reçu pendant plus de trois heures l’ensemble des associations qui luttent dans le champ des solidarités pour faire le point sur la stratégie de lutte contre la pauvreté et pour annoncer que des mesures supplémentaires seraient bientôt prises pour venir en aide aux familles les plus pauvres.

    M. Thibault Bazin

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    Il n’a rien compris !

    M. Olivier Véran, ministre

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    Monsieur le député, je ne partage pas votre vision du plan de relance. D’abord, parce que des sommes considérables et inédites seront consacrées aux plus précaires et aux plus fragiles. Ensuite, parce que la première solidarité dans notre pays, c’est l’emploi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. Exclamations sur les bancs des groupes FI et GDR.)La première porte de sortie de la misère, c’est l’emploi. La première raison d’entrée dans la pauvreté, c’est le chômage.
    Lorsque vous mettez des milliards sur la table pour aider les entreprises à embaucher des jeunes, lorsque vous évitez aux seniors des entreprises de perdre leur emploi – car on sait qu’ils n’en retrouveront pas –, vous menez une politique de solidarité active et efficace. C’est un tout que constitue l’action du Gouvernement de ces derniers mois, et celle qu’il poursuivra dans les mois à venir. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Budget de la justice

    M. le président

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    La parole est à Mme Michèle Crouzet.

    Mme Michèle Crouzet

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    Monsieur le ministre de la justice, je veux, en préambule, vous assurer de toute ma confiance…

    M. David Habib

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    C’est bien la seule !

    Mme Michèle Crouzet

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    …ainsi que de celle de bon nombre de mes collègues.

    M. Charles de la Verpillière

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    On est soulagé !

    M. Thibault Bazin

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    Il fallait le dire car on pouvait en douter…

    M. Fabien Di Filippo

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    Dommage que vous n’ayez pas la confiance des Français !

    Mme Michèle Crouzet

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    Toutefois, la confiance n’exclut pas le contrôle. Ces derniers temps, quelques magistrats vous prêtent des volontés sur la base de supputations ; il convient de rappeler ici que l’on ne juge pas sur des mesures hypothétiques, mais sur du concret.
    Lors de vos différentes prises de parole, vous avez indiqué vouloir une justice de proximité et une réconciliation entre les Français et leur justice. Voilà une volonté que l’on ne peut qu’approuver et dont on ne peut que se réjouir. Aujourd’hui, malheureusement, force est de constater que la réalité est tout autre dans les territoires, en particulier dans les territoires ruraux.
    J’en ai un exemple concret dans ma circonscription : en juin dernier, les auditeurs de justice ont dû choisir leur affectation pour une prise de fonction en septembre 2020. Oubli ou volonté, aucun poste de juge d’instruction n’a été ouvert pour le tribunal judiciaire de Sens ; seul un juge judiciaire y a été affecté.

    M. Fabien Di Filippo

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    Quoi ? Le Gouvernement aurait menti ?

    Mme Michèle Crouzet

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    Par conséquent, ladite juridiction n’a plus de magistrat instructeur et son président sera amené à confier par délégation la compétence de juge d’instruction au juge judiciaire.
    Cette organisation ne renforce ni la justice de proximité, ni la justice de la confiance.

    M. Patrick Hetzel

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    Très juste !

    Mme Michèle Crouzet

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    Il sera en effet très compliqué pour ce magistrat d’instruire correctement les affaires compte tenu de ses autres prérogatives. Un magistrat instructeur entretient des liens étroits avec les enquêteurs ; ces liens risquent d’être distendus et de rendre ainsi la résolution des affaires plus complexe. Par ailleurs, point essentiel à mes yeux, la délégation dont bénéficiera le juge en question ne lui apportera pas les mêmes garanties que celle dont jouit un magistrat instructeur – je parle ici de l’inamovibilité.
    Un tribunal sans cabinet d’instruction ne correspond pas aux ambitions affichées du Gouvernement.

    M. Thibault Bazin

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    Parce qu’il n’y a plus de justice de proximité !

    M. Patrick Hetzel

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    Il faudrait l’aider à régler ça…

    Mme Michèle Crouzet

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    Monsieur le ministre, que pensez-vous faire concrètement et rapidement concernant la situation du tribunal de Sens ? Pouvez-vous vous engager devant la représentation nationale à ne pas vider les juridictions de proximité et à leur permettre de rester opérationnelles ?

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Il serait temps de s’en apercevoir.

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Fabien Di Filippo

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    Le fossoyeur des tribunaux !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Aimer la justice, c’est d’abord la défendre – pendant l’été meurtrier par exemple –, mais c’est aussi être intransigeant quand elle dysfonctionne et lui donner les moyens d’agir.
    Je suis fier de vous indiquer que l’année prochaine, si vous le voulez bien, la justice sera dotée d’un budget historique en augmentation de 8 %.(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.) Merci, monsieur le Premier ministre, pour votre écoute attentive.  Fayot ! » sur les bancs du groupe LR.) C’est la hausse la plus forte depuis un quart de siècle (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens) : 607 millions supplémentaires, qui seront répartis entre la protection judiciaire de la jeunesse, l’administration pénitentiaire et les juridictions.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Le budget sera gelé en mars.

    M. Fabien Di Filippo

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    Des actes ! Elles sont où, les 15 000 places de prison ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Cela correspond à 2 450 recrutements, dont 750 postes ouverts dès maintenant et 764 autres qui renforceront la justice dès le 1er janvier prochain pour aider les magistrats. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.) Les services du ministère sont déjà au travail…

    M. Fabien Di Filippo

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    Plus que le ministre, j’espère !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …pour permettre aux renforts obtenus d’être opérationnels dès cette date, et j’ai rencontré ce matin les procureurs généraux. Concrètement, cela signifie que chaque juridiction de chaque territoire recevra des moyens humains.
    S’agissant de la juridiction qui vous occupe, trois personnels supplémentaires, un juriste assistant et deux renforts de greffe, viendront compléter le tribunal de Sens.

    M. Thibault Bazin

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    Pas de juges ?

    M. Fabien Di Filippo

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    Tu parles d’une question téléphonée !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est cela, aimer la justice de notre pays. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Diminution du budget du POSEI

    M. le président

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    La parole est à Mme Karine Lebon.

    Mme Karine Lebon

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    Ma question s’adresse à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.
    La crise sanitaire que nous subissons a mis en évidence l’urgence de développer les productions locales dans les secteurs stratégiques. Dans cette nouvelle cartographie, la sécurité alimentaire occupe une place centrale, surtout lorsqu’il s’agit de petits territoires insulaires. Cette évidence est largement admise mais la Commission européenne vient de donner un signal inquiétant.
    En dépit des engagements successifs des commissaires à l’agriculture et malgré le vote du Parlement européen, la Commission a décidé, ces jours derniers, de diminuer le budget du POSEI – programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité –, qui est la déclinaison de la PAC – politique agricole commune – pour les régions dites ultrapériphériques. Les aides directes destinées aux agriculteurs des régions d’outre-mer seraient ainsi amputées de 77 millions pour la période 2021-2027, dont 25 millions de moins pour La Réunion.
    Cette diminution est une exception puisque, dans le même temps, l’enveloppe française de la PAC sera maintenue et préservée. Pour quelle raison les territoires les plus pauvres devraient-ils être, de surcroît, pénalisés de la sorte ?

    M. Fabien Roussel

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    Très bien !

    Mme Karine Lebon

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    Ce paradoxe est incompréhensible et très mal vécu par nos agriculteurs et l’ensemble des filières agro-industrielles.
    Si elle devait se confirmer, la position de la Commission aggraverait la situation actuelle car les fonds POSEI sont déjà insuffisants et doivent être complétés par des aides nationales. Pire, l’autosuffisance alimentaire de nos territoires, qui est désormais un objectif partagé par tous, serait durablement compromise.
    Monsieur le ministre, quelle initiative comptez-vous prendre, en liaison avec l’Espagne et le Portugal, pour que l’enveloppe du POSEI soit au moins maintenue à son niveau actuel ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

    M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

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    Madame la députée, permettez-moi de vous féliciter pour votre élection et pour cette première prise de parole.(Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et GDR.)Permettez-moi aussi de rendre hommage à la députée Huguette Bello, qui a tant travaillé au service des territoires ultramarins. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et GDR.)
    Vous avez raison, et je tiens à le dire clairement : nous ne laisserons pas tomber les territoires ultramarins après la décision inacceptable de la Commission européenne de réduire le montant du POSEI.
    Pour celles et ceux qui ne le connaissent pas, le POSEI est un fonds de près de 280 millions qui permet de financer des projets agricoles, alimentaires et agroalimentaires dans les territoires ultramarins. Son rôle est essentiel. Or la Commission européenne a prévu de diminuer l’enveloppe des fonds dédiés aux territoires ultramarins français et européens de près de 4 %.
    Ce n’est pas acceptable. Nous allons donc tous nous mobiliser ; nous avons d’ailleurs déjà commencé. Il y a quelques jours, les membres de la représentation nationale ont rencontré le commissaire européen à l’agriculture, pour lui faire part de ces préoccupations.
    Le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, Clément Beaune, le ministre des outre-mer, Sébastien Lecornu, et moi-même menons une triple action. Premièrement, nous mobilisons les autres pays européens. J’étais il y a quelques jours à Bruxelles ; avec l’Espagne, le Portugal et la Grèce, nous parlons d’une même voix.
    Deuxièmement, nous avons signalé à la Commission européenne que sa proposition financière concernant le POSEI ne tenait pas compte de l’augmentation extraordinaire du budget de la PAC obtenue par le Président de la République et Clément Beaune, lors du dernier Conseil européen ; elle doit donc être réévaluée.
    Enfin, aujourd’hui même, Sébastien Lecornu, Clément Beaune et moi-même avons adressé un courrier au commissaire européen concerné, pour faire entendre nos voix au bénéfice des territoires ultramarins. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Incendie criminel à Rillieux-la-Pape

    M. le président

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    La parole est à M. Bernard Perrut.

    M. Bernard Perrut

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    Monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre de l’intérieur, depuis plusieurs jours, dans le sud de la France, les sapeurs-pompiers portent secours à nos concitoyens et mobilisent toutes leurs forces pour faire face avec courage à une situation climatique exceptionnelle. Nous saluons bien évidemment leur action au péril de leur vie.
    Mais au même moment, dans le département du Rhône, d’autres sapeurs-pompiers, qui sont déjà régulièrement victimes de violences, ont subi de nouvelles agressions. L’un d’entre eux a même été blessé, à quelques pas de sa caserne, par un individu armé d’une hachette.
    À Rillieux-la-Pape, commune pourtant très investie dans la lutte contre l’insécurité, une nouvelle étape a été franchie : une dizaine de voitures ont été incendiées, dont l’une fut projetée contre la façade de l’église, cible d’un acte criminel mené par un commando de personnes vêtues de noir et cagoulées. Nos soldats du feu et leurs véhicules ont été caillassés. C’est intolérable ! S’attaquer à une église, ou à tout autre lieu de culte, est absolument inqualifiable.
    Face à ces actes révoltants, quelle réponse concrète apportez-vous pour lutter contre les violences urbaines qui se multiplient ?
    Combien d’effectifs supplémentaires vont être déployés dans la métropole de Lyon et les autres communes du département du Rhône pour ramener le calme, rassurer nos concitoyens qui ont peur et soutenir les forces de sécurité et de secours qui sont excédées ?
    Quels pouvoirs et moyens allez-vous donner aux maires, déterminés à agir, qui vous sollicitent, car ils sont confrontés chaque jour à des actes qui mettent à mal l’ordre républicain ?
    L’État ne pourra se faire respecter que si vous annoncez devant nous de la fermeté dans l’action, dans la répression et dans la sanction. Il y va de l’avenir de la France !  Bravo ! » et applaudissements sur les bancs du groupe LR. – MM. Jean Lassalle et Nicolas Dupont-Aignan applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

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    Hier, je me suis rendu à Rillieux-la-Pape, pour apporter mon soutien aux catholiques de France, puisqu’une église y a été attaquée avec une voiture incendiée. Les caméras de protection installées par la mairie montrent qu’il s’agissait bien d’un acte intentionnel, mené par des hommes cagoulés qui s’en sont pris aux pompiers, aux forces de l’ordre, et à ce symbole important pour la commune de Rillieux-la-Pape.

    M. Pierre Cordier

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    Une église, ce n’est pas un symbole !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    J’ai apporté à la députée de la circonscription concernée, au maire de la commune ainsi qu’à la communauté des forces de l’ordre et des pompiers le soutien de la nation tout entière. J’ai également demandé que des moyens particuliers soient déployés par la police pour que les responsables soient retrouvés, confondus par la justice, et, nous l’espérons, condamnés.
    Monsieur Perrut, je compte effectivement déployer des moyens supplémentaires, à la demande du Premier ministre, dans les grandes agglomérations, et singulièrement à Lyon, dont le maire m’a écrit, et dont les parlementaires, quels que soient leurs bords, m’ont interpellé, car il y manque des effectifs. Je suis très heureux, en tant que ministre de l’intérieur, de créer des postes supplémentaires ; les nouveaux effectifs pourront être envoyés dans l’agglomération lyonnaise à partir de cette année. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
    J’appelle en outre votre attention sur la proposition de loi vers une sécurité globale, de Mme Alice Thourot et M. Jean-Michel Fauvergue, dont l’examen est inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale le 18 novembre. J’espère que vous voterez comme un seul homme les propositions du groupe de La République en marche visant à accorder davantage de moyens aux polices municipales. J’ai annoncé au maire de Rillieux-la-Pape qu’il pourrait expérimenter ce dispositif destiné aux maires, lesquels sont courageux, comme vous l’avez souligné.
    Enfin, la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et à valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers, de M. Fabien Matras, – encore un parlementaire de la majorité –  Oh ! » sur plusieurs bancs du groupe LR) nous donnera l’occasion de souligner davantage le grand effort fourni par les pompiers de France. Des moyens de vidéoprotection seront installés sur leurs uniformes – ce sont des caméras-piétons –, et sur leurs véhicules, afin de les protéger, et de disposer des preuves nécessaires à la condamnation de leurs agresseurs. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Personnel soignant de la fonction publique territoriale

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen

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    Madame la ministre déléguée chargée de l’autonomie, on ne peut que déplorer que les soignants de la fonction publique territoriale soient oubliés par les politiques actuelles.
    Alors qu’ils doivent déjà passer des concours régionaux, sur titres, qui n’ont rien à voir avec leur métier, et que le nombre de postes qui leur est ouvert est en totale inadéquation avec le nombre de postes vacants, ce qui entrave la titularisation et la fidélisation des agents, ils sont l’objet d’une forte discrimination salariale.
    La différence de salaire avec la fonction publique hospitalière s’élève à environ 350 euros par mois pour une infirmière titulaire, et peut monter jusqu’à 450 euros par mois pour les auxiliaires de soins. Cette situation absurde crée un cercle vicieux, le travail dégradé entraînant une hémorragie du personnel dans les EHPAD de la fonction publique territoriale.
    Mes questions sont simples : que comptez-vous faire pour simplifier l’accès aux métiers de la santé de la fonction publique territoriale, afin de la rendre plus attractive, et d’en revaloriser les salaires ?
    Je voulais aussi vous interpeller, plus largement, sur ces autres oubliés du Ségur de la santé que sont les services de soins infirmiers à domicile – SSIAD – et les professions du secteur du handicap. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe GDR.) Que comptez-vous faire pour les rémunérer enfin à hauteur de leur engagement ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie

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    Vous m’interrogez sur la différence de traitement, dans les EHPAD, entre le personnel de la fonction publique territoriale, et celui de la fonction publique hospitalière. Je vous en remercie : votre question me permet de saluer l’engagement quotidien de ces professionnels pour les résidents des EHPAD, encore plus remarquable durant cette crise sanitaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    Le plan hôpital, présenté l’an passé par Agnès Buzyn…

    M. Pierre Cordier

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    Qui ça ?

    M. Fabien Di Filippo

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    Une ministre si bonne que vous l’avez gardée au Gouvernement ! Elle a d’ailleurs été brillamment élue à Paris ensuite !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    …était la première brique d’un engagement massif de l’État en faveur de la revalorisation de ces métiers.
    Vous le savez, ce plan prévoyait la création d’une prime « grand âge », à destination des infirmiers, des aides-soignants et des aides médico-psychologiques dans les établissements publics.
    La prime a été créée le 30 janvier 2020, et, dès cette date, elle a été versée au personnel de la fonction publique hospitalière ; nous attendions à l’époque les textes pour la fonction publique territoriale. J’ai le plaisir de vous informer qu’ils sont désormais publiés. La prime « grand âge » viendra donc compléter la paye de tous les agents concernés de la fonction publique territoriale dès le mois de novembre.

    M. Sylvain Maillard

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    Très bien !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    La revalorisation est très substantielle – son montant est de 110 euros par mois en moyenne – ; s’y ajoute celle prévue par le Ségur, de 180 euros par mois. En tout, cela représente un treizième ou un quatorzième mois pour ces agents. L’État est donc au rendez-vous, et répond à l’appel des agents des EHPAD publics.
    J’aurai prochainement l’occasion de présenter, dans le cadre du plan métier du Laroque de l’autonomie, d’autres mesures, en faveur des salariés du secteur du grand âge. Qu’ils soient à domicile, ou en établissement, nous leur devons beaucoup ; à nous de leur apporter la reconnaissance qu’ils méritent. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Naegelen.

    M. Christophe Naegelen

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    Merci, madame la ministre déléguée, de votre réponse. Vous parlez d’une « première brique ». C’en est une, et la mesure est assez intéressante, mais ne suffit pas, alors qu’un mur sépare le personnel de la fonction publique territoriale des autres – je pense notamment au concours. (Mme Caroline Fiat applaudit.)
    Je regrette aussi que vous ne m’ayez pas répondu, concernant les professions du secteur du handicap et les SSIAD. (Mme Caroline Fiat applaudit.) Ils ont été largement oubliés et ont besoin de réponses concrètes.  

    Personnel des EHPAD

    M. le président

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    La parole est à Mme Jeanine Dubié.

    Mme Jeanine Dubié

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    Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, la situation est désormais critique dans les établissements et services pour personnes âgées. De nombreux professionnels du soin et de l’accompagnement des personnes âgées sortent épuisés et découragés de la première vague de l’épidémie de covid-19, ce qui entraîne de nombreux arrêts maladie, voire des démissions, et ne fait qu’aggraver la situation déjà difficile dans laquelle se trouve le secteur médico-social en matière de recrutements depuis de nombreuses années.
    Dans près de deux tiers des EHPAD, on compte aujourd’hui au moins un poste non pourvu depuis plus de six mois, notamment pour les aides-soignantes. Les agences d’intérim ne parviennent plus à répondre à l’ensemble des demandes.
    Bien sûr, les revalorisations salariales annoncées à l’issue du Ségur de la santé, ainsi que les primes « grand âge » et covid sont un premier pas pour rendre ces métiers plus attractifs, mais encore faudrait-il qu’elles soient versées de manière équitable et rapide à tous les professionnels du grand âge, quel que soit le type de structures qui les emploient.
    Je n’oublie pas non plus le secteur de l’aide à domicile, où la prime covid tarde à être versée.
    Les mesures prises sont loin d’être suffisantes. À situation critique, réponse immédiate. Pouvez-vous engager une campagne de promotion de la réserve sanitaire, afin de faire connaître et renforcer ce vivier de professionnels volontaires, mobilisables par l’État ? Par ailleurs, pouvez-vous vous engager à lancer un plan massif de formation aux métiers du grand âge afin de permettre aux établissements et services de pourvoir les postes vacants ? Vous présenterez demain le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 en conseil des ministres, avez-vous prévu les crédits nécessaires ?
    Voilà maintenant deux ans que le Gouvernement mène concertation sur concertation à propos de l’autonomie. Nos étagères sont remplies de rapports, nos têtes pleines de propositions. Pouvez-vous nous assurer que le Laroque de l’autonomie ne sera pas un moyen supplémentaire pour retarder le projet de loi relatif au grand âge et à l’autonomie, tant attendu ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie

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    Votre question me donne l’occasion de revenir sur la politique en matière d’autonomie que nous menons au ministère des solidarités et de la santé. Vous le savez, la crise sanitaire a particulièrement mobilisé les acteurs du grand âge et de l’autonomie.
    Cet engagement honore ces professionnels ; il nous oblige, aussi. C’est pourquoi, dès mon arrivée, j’ai tenu à ce que les aides à domicile, qui méritent d’être mises à l’honneur dans cet hémicycle… (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et SOC)

    M. Éric Coquerel

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    Et les carrières ? Et les salaires ?

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    …bénéficient, au même titre que ceux qui travaillent en EHPAD, d’une prime, en lien avec les conseils départementaux. Leur métier est complexe, difficile, physiquement, psychologiquement, particulièrement alors que nous sommes en pleine crise.
    La revalorisation prochaine de leur profession passe aussi par une amélioration de leurs conditions de travail.
    Maintenant que la création, historique, de la cinquième branche, liée à la perte d’autonomie, a été décidée, il nous appartient de lui donner corps. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2021 permet de poser un premier jalon, en créant un périmètre qui reprend le champ de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie – CNSA – et le complète par l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé.
    Le PLFSS pour 2021 intégrera en outre des mesures nouvelles, pour un montant de 2,5 milliards, liées notamment au Ségur de la santé. Rome ne s’est pas faite en un jour,…

    M. Thibault Bazin

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    Cela fait trois ans et demi que vous dites ça !

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée

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    …je l’ai dit, c’est un premier jalon. Le Laroque de l’autonomie, que j’ouvrirai prochainement, permettra d’associer les acteurs à l’élaboration de la loi relative au grand âge et à l’autonomie que le Président de la République veut voir examinée au Parlement dans les meilleurs délais. Elle serait présentée en conseil des ministres au début de l’année 2021, comme il l’a précisé à Bracieux, lors de la visite d’un EHPAD. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    Vous avez souligné l’enjeu que constituent les politiques transversales destinées aux personnes âgées et en situation de handicap – je pense notamment aux mesures d’âge, auxquelles je suis sensible. Elles nous permettront d’envisager la structuration de cette cinquième branche.

    Droit de vote à seize ans

    M. le président

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    La parole est à M. Matthieu Orphelin.

    M. Matthieu Orphelin

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    Monsieur le Premier ministre, jeudi dernier la commission des lois a débattu de la proposition de loi instaurant le vote dès seize ans, dont la rapporteure est Paula Forteza, coprésidente du groupe Écologie démocratie solidarité. Si l’ensemble des groupes a reconnu l’importance et l’intérêt de ce débat, nous n’avons malheureusement pas obtenu de réponse claire de la majorité sur le fond de cette proposition.
    D’où ma question : au-delà des questions techniques de calendrier et de véhicule législatif,…

    M. Fabien Di Filippo

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    Il est accidenté, le véhicule !

    M. Matthieu Orphelin

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    …le Gouvernement est-il pour ou contre l’abaissement de la majorité électorale à seize ans ? S’il y est favorable, comment souhaite-t-il travailler sur cette mesure durant les dix-huit prochains mois ?

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Le Gouvernement partage vos préoccupations mais ne pense pas à ce stade que l’abaissement à seize ans de la majorité électorale soit la réponse la plus adaptée, d’autant que cela nécessiterait un changement de notre constitution.

    M. Adrien Quatennens

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    Non !

    M. Erwan Balanant

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    Si, monsieur Quatennens  !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    En effet, les jeunes ayant dix-huit ans révolus n’utilisent pas suffisamment leur droit de vote, et c’est à la question de l’engagement politique que nous devons, ensemble, nous attaquer. (Applaudissements sur les quelques bancs des groupe Dem et LR.)

    M. Fabien Di Filippo

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    Les députés EDS sont les idiots utiles du Gouvernement !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    C’est d’ailleurs ce que cette majorité a très largement commencé à faire depuis 2017, et cela n’a rien d’étonnant puisque, véritable révolution, alors qu’il n’y avait, sous la précédente législature, que quatre députés de moins de trente ans, il sont trente à avoir été élus en juin 2017 ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
    Le Gouvernement et la majorité ont travaillé sur cette question de l’engagement, notamment sous l’égide du ministre de l’éducation nationale en charge de la jeunesse. La citoyenneté se construit en effet par l’engagement : on ne se découvre pas citoyen, on le devient !
    En ce sens, le Gouvernement déploie, dès l’école, un apprentissage de la citoyenneté par l’exercice du droit de vote. Il renforce la citoyenneté de 145 000 jeunes chaque année grâce aux missions de service civique, 100 000 missions supplémentaires devant bientôt être ouvertes grâce au plan de relance.
    Je rappelle également à cette assemblée les nombreux dispositifs d’engagement qui ont été créés : les jeunes sapeurs-pompiers, qui impliquent 38 000 jeunes de onze à dix-huit ans ; les 329 classes de cadets de la sécurité civile, qui accueille plus de 5 000 élèves. Enfin, le Gouvernement poursuit la montée en puissance du service national universel, qui va préparer, dès seize ans, nos jeunes à entrer dans la citoyenneté.
    Nous sommes pleinement mobilisés sur cette question de l’engagement des jeunes dans la vie politique comme dans la vie tout court, il s’agit d’une des priorités du quinquennat. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Vous n’en ferez rien !

    M. le président

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    La parole est à M. Matthieu Orphelin.

    M. Matthieu Orphelin

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    Merci, monsieur le Premier ministre, pour cette réponse qui montre que vous êtes opposé à l’abaissement de la majorité électorale à seize ans. Chaque opinion se respecte mais la façon dont se sont exprimés, la semaine dernière, de nombreux députés de la majorité nous avait fait comprendre l’inverse.
    On peut, cela étant, baisser l’âge de la majorité électorale sans toucher à l’âge de la majorité civile  - je vous renvoie sur ce point au rapport de Paula Forteza. (Applaudissements sur les bancs des groupes EDS et FI.)
    Par ailleurs, l’exemple des pays ayant récemment adopté une telle mesure montre de bons résultats : en Autriche, il y a eu 80 % de votants dans la tranche des 16-18 ans, puis 60 % lors de l’élection suivante.
    Il est donc dommage que vous choisissiez de faire du surplace alors que d’autres pays européens avancent et que les jeunes se mobilisent, partout dans le monde, sur le terrain et dans les associations. Nous regrettons que vous restiez les bras croisés, alors que, soirée électorale après soirée électorale, le premier constat est toujours celui de l’abstention. (Applaudissements sur les bancs des groupes EDS et FI.)

    Projet de loi contre le séparatisme

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Diard.

    M. Éric Diard

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    Monsieur le ministre de l’intérieur, après l’avoir sans cesse repoussé, Emmanuel Macron a finalement prononcé son discours sur le séparatisme le 2 octobre dernier. Après des mois de tergiversations, le Président a enfin employé les bons mots et clairement désigné la menace : le séparatisme islamiste.
    Malgré des points forts, ce discours laisse subsister quelques interrogations, notamment sur le fait de laisser la formation des imams au Conseil français du culte musulman, perturbé par des divisions internes et où siègent toujours des fondamentalistes.
    L’islam radical hante notre quotidien. Le 25 septembre dernier, deux journalistes ont été grièvement blessés au cours d’une attaque au hachoir qui visait les anciens locaux de Charlie Hebdo, en plein procès des attentats ; vendredi, cela a fait trois ans qu’un islamiste a tué deux jeunes filles au couteau sur le parvis de la gare Saint-Charles à Marseille ; samedi marquait le premier anniversaire de l’assassinat par Mickaël Harpon de quatre de ses collègues au sein même de la préfecture de police de Paris.
    Aujourd’hui, nous apprenons que le mot « séparatisme » est retiré de l’intitulé du futur projet de loi, rebaptisé projet de loi « renforçant la laïcité et les principes républicains ».
    Entre le discours du Président de la République et les actes, il y a souvent, hélas, un large fossé.

    M. Fabien Di Filippo

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    Un canyon !

    M. Éric Diard

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    La défense de la laïcité et des lois de la République est un combat fondamental qui nous interdit de taire et de nier la réalité de la menace islamiste. Après les annonces générales du 2 octobre, pouvez-vous nous donner plus de détails sur ce texte, qui sera présenté en conseil des ministres, le 9 décembre ?

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

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    Monsieur Diard, je connais votre honnêteté intellectuelle et votre engagement sur cette question…

    M. Fabien Di Filippo

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    Ce qui n’est pas votre cas !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    …puisque vous avez rendu, avec le député de la République en marche, Éric Poulliat, un rapport qui a, entre autres, servi de base au projet de loi que vous proposera le Gouvernement.
    Cela étant, la République ne reconnaissant aucun culte, ce n’est pas le ministre de l’intérieur qui va former les imams, les sélectionner, voire écrire la prière du vendredi, (Exclamations sur divers bancs) car je doute que cela soit tout à fait dans mes compétences institutionnelles…

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas à la hauteur de la question !

    M. Raphaël Schellenberger

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    Qui est le ministre des cultes ?

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Comme les catholiques, les juifs, les protestants ou les orthodoxes, les musulmans organisent la religion comme ils le souhaitent. La République n’a pas à s’en mêler, à la condition stricte que cela ne menace ni l’ordre public, ni les exigences minimales de la vie en société, ni les valeurs de la République. Nous faisons confiance à nos représentants du culte musulman, comme d’autres présidents de la République avant le Président de la République actuel.
    Autour de ce projet de loi important, nous souhaitons le plus large consensus républicain, même si nous devons surmonter quelques désaccords.

    M. Fabien Di Filippo

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    Plus que quelques-uns !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Il mettra fin à des décennies de laisser-aller : si, dans les années quatre-vingt et quatre-vingt-dix, ceux qui étaient au pouvoir avaient pris de telles mesures, nous n’en serions pas là. (Protestations sur les bancs du groupe FI. Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Éric Diard.

    M. Éric Diard

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    Les tergiversations et le « en même temps » peuvent être des poisons pour les Français.

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Vous avez raison, monsieur le député, on ne peut pas toujours convoquer le « en même temps » sur les questions régaliennes et de sécurité. C’est pour cela que j’ai du mal à comprendre comment, « en même temps », vous pouvez vous prononcer contre les stupéfiants et compter dans vos rangs un maire favorable à la légalisation du cannabis.  Zéro ! » sur les bancs du groupe LR.)

    M. Philippe Gosselin

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    Lamentable !

    Lutte contre le communautarisme

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Euzet.

    M. Christophe Euzet

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    Monsieur le ministre de l’intérieur, le groupe Agir ensemble a reçu avec gravité le discours tenu par le Président de la République aux Mureaux, le 2 octobre dernier. Nous avons également accueilli avec beaucoup de bienveillance les déclinaisons courageuses que vous en avez tirées, de façon très concrète et conformément aux attentes de la grande majorité de nos compatriotes.
    Le projet de loi dont nous allons débattre dans les prochains mois aborde frontalement des sujets particulièrement sensibles mais essentiels pour notre société : la neutralité dans le service public et parapublic, parfois battue en brèche par la multiplication des salles de prière et la remise en cause du principe de mixité ; le renforcement des pouvoirs du préfet pour lutter contre les dérives constatées dans certaines piscines, certaines bibliothèques ou certaines associations auxquelles sont accordées des subventions publiques ; la lutte contre la polygamie, les mariages forcés, les certificats de virginité ; la défense du droit à l’héritage des femmes. Les choses sont dites avec les mots qui conviennent. Rendre l’école obligatoire à trois ans pour tous, renforcer le contrôle des lieux de culte sont des décisions courageuses et attendues, nécessaires à la cohésion sociale.
    Cela ne doit pas faire oublier le travail remarquable déjà accompli par une grande partie du réseau associatif existant, ni le rôle crucial que jouent les services publics et l’éducation nationale dans la cohésion sociale, au quotidien.
    Il ne faudrait pas non plus négliger le rôle que les forces de police auront à jouer dans ce nouveau dispositif. Vous avez récemment pu constater dans l’Hérault qu’elles sont largement mobilisées par les trafics de stupéfiants, la sécurisation des quartiers et la délinquance des mineurs. Or le projet de loi va leur assigner de nouvelles missions : comment la police s’intégrera-t-elle dans le nouveau dispositif ? Quel sera son rôle dans cette lutte contre le séparatisme, la promotion de la laïcité et des principes républicains ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

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    Merci pour vos encouragements concernant le texte de loi que nous présenterons le 9 décembre en conseil des ministres, cent quinze ans jour pour jour après la loi de séparation des Églises et de l’État, votée dans ce même hémicycle.
    Toutes les décisions que vous évoquez vont permettre de renforcer les moyens de contrôle de la puissance publique et permettre aux représentants de l’État de veiller au respect de la neutralité politique et religieuse – pour tous les cultes – par ceux qui, salariés, contractuels ou fonctionnaires, concourent aux services publics.
    Le texte renforce le pouvoir administratif des représentants de l’État mais également des collectivités territoriales, qui étaient nombreuses à le demander et souhaitaient des chartes proscrivant notamment les subventions publiques aux associations faisant clairement acte de prosélytisme ou n’agissant pas dans le respect des valeurs de la République.
    Les forces de l’ordre concourent à faire appliquer les lois de la République, C’est notamment le cas de la Direction générale de la sécurité intérieure ou des Renseignements territoriaux, qui ont vu en trois ans leurs effectifs augmenter de plus de mille policiers, augmentation que devrait conforter le prochain projet de loi de finances.
    Je dois également mentionner les policiers et les gendarmes qui accompagnent les contrôleurs de l’éducation nationale ou les collectivités locales qui font ce qu’on appelle des contrôles d’établissements recevant du public (ERP) ou d’urbanisme.
    Cette réorganisation de certains pouvoirs administratifs ne concerne donc pas directement les forces de l’ordre, mais elles auront accessoirement à intervenir dans les cas où la contrainte sera nécessaire pour que s’applique la loi de la République. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Surpopulation carcérale

    M. le président

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    La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Monsieur le garde des sceaux, par un arrêt de janvier 2020 la Cour européenne des droits de l’homme a condamné sévèrement la France pour les conditions inhumaines et dégradantes de ses établissements pénitentiaires et le non-respect du droit à un recours effectif. D’autres requêtes sont pendantes.
    La Cour de cassation a, depuis, jugé que les conditions indignes d’accueil pouvaient faire obstacle à la poursuite de la détention et, le 2 octobre 2020, c’est le Conseil constitutionnel qui a exigé du Parlement, d’ici le 1er mars 2021, une loi permettant la libération des personnes placées en détention provisoire dans des conditions indignes.

    Mme Valérie Rabault

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    Bravo !

    Mme Cécile Untermaier

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    C’est un moment important pour toutes celles et tous ceux – 
    je crois que, dans un autre temps, vous en étiez, monsieur le ministre – qui, au nom du principe de dignité, dénoncent depuis des années la surpopulation carcérale.
    Le respect de ce principe de dignité nous est ainsi sévèrement rappelé. Il nous faut agir sur tous les fronts, par décence et humanité. La surpopulation carcérale n’est pas une fatalité, les dispositions adoptées dans le cas de la crise sanitaire ont montré leur efficacité et combien le travail du personnel de surveillance et d’insertion s’en trouvait amélioré.
    Envisagez-vous de maintenir, voire d’amplifier le dispositif instauré, sous le contrôle du juge, dans le cadre de l’état d’urgence, dispositif qui permet d’agir sur la surpopulation carcérale ?
    Par ailleurs, combien de nouvelles places sont attendues à l’horizon de mars 2021 dans le cadre du plan immobilier des prisons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    En d’autres temps, j’ai dénoncé les conditions carcérales, et je continue à les dénoncer, sans angélisme. La prison est nécessaire, indispensable, mais il faut aussi donner la priorité à tout ce qui est susceptible de favoriser la réinsertion, car la prison est également criminogène.
    J’ai naturellement pris connaissance des arrêts rendus par la Cour de cassation et de la décision rendue récemment par le Conseil constitutionnel. J’ai demandé à mes services de travailler activement, avec une échéance au 1er mars 2021, délai fixé par la haute juridiction ; bien évidemment, ce travail se fera avec vous.
    Il est intolérable que la France puisse être encore condamnée, comme le 30 janvier dernier, pour l’indignité de ses prisons.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Ce n’est pas la première fois !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    L’état d’une démocratie se mesure aussi à l’état de ses prisons. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Exactement !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    La crise sanitaire a permis une baisse inédite du nombre de détenus ; il faut impérativement éviter une remontée des effectifs. J’ai demandé ce matin aux procureurs généraux de donner la priorité, chaque fois que cela est possible, aux peines alternatives à l’emprisonnement.

    M. Fabien Di Filippo

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    Laxiste !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne suis pas le ministre du laxisme !

    M. Fabien Di Filippo

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    Mais si ! Ce n’est pas parce que vous criez que vous avez de l’autorité !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    S’agissant du programme immobilier, j’annonce la création de 15 000 nouvelles places. Les programmes sont engagés. Il ne s’agit pas d’incarcérer plus, mais avant tout d’incarcérer mieux et dignement. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Journée nationale des aidants

    M. le président

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    La parole est à Mme Stéphanie Atger.

    Mme Stéphanie Atger

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    Ma question s’adresse à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées. Je souhaite y associer mes collègues mobilisés sur ce sujet.
    En cette journée nationale des aidants, je tiens à saluer toutes les personnes qui viennent en aide à leurs parents, à leurs grands-parents ou encore à leur conjoint, avec une totale abnégation et souvent au détriment de leur propre vie et de leur santé. Par la mise en place récente du congé de proche aidant, le Gouvernement et la majorité témoignent de leur volonté de les encourager dans la prise en charge des services essentiels qu’ils rendent au quotidien aux personnes en perte d’autonomie.
    La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, dont les missions seront profondément refondées dans le cadre du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, met à la disposition des aidants une variété de dispositifs visant à les accompagner, au premier rang desquels figurent des programmes de formation non professionnelle, cofinancés grâce à une contractualisation avec les départements et les associations nationales. Au total, dix-huit conventions ont été signées entre 2009 et 2018, avec pour objectif la formation de 94 000 aidants. Toutefois, avec la mise en place du congé de proche aidant, il semble nécessaire d’anticiper un accroissement des demandes. Est-il prévu d’étendre l’accès à ces formations à un plus grand nombre d’aidants ?
    Madame la secrétaire d’État, vous avez installé hier, aux côtés de Mme Brigitte Bourguignon, le comité de suivi de la stratégie « Agir pour les aidants », dont nous avons fêté le premier anniversaire. Un volet sera-t-il consacré au baluchonnage, un dispositif déjà utilisé dans les outre-mer, notamment en Martinique et à La Réunion, qui permet de soulager les proches des personnes dépendantes grâce à l’intervention d’une tierce personne ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.

    Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées

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    Je vous remercie d’avoir posé cette question, en cette dixième journée nationale des aidants. Plus de 10 millions d’aidants s’occupent d’un enfant handicapé, d’un proche malade ou d’une personne âgée en perte d’autonomie. Nous devons aider les aidants, et c’est tout l’enjeu de notre stratégie.
    Ce matin, j’étais avec le Président de la République et Mme Brigitte Macron (Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LR) pour écouter ces aidants au sein de la plateforme handicap répit des aidants de l’association OSE – œuvres de secours aux enfants. Cette plateforme répond au besoin de répit des 10 millions d’aidants. Parce que la crise nous y oblige, nous avons voulu accélérer la réponse à ces dizaines de personnes, en créant le numéro vert 0800 360 360 comme porte d’entrée unique aux besoins de répit et d’accès aux soins.
    Oui, il nous faut accélérer la formation ; cela nous a été dit ce matin. Nous allons la rendre accessible à plus de 450 000 aidants d’ici à 2021. L’instauration, depuis le 1er octobre, du congé rémunéré pour les salariés aidants a également été saluée (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM) : d’une durée de trois mois fractionnable, il permet la conciliation entre vie sociale et vie professionnelle.
    Nous avons 30 000 places de solution de répit, dont 20 000 pour les adultes. Le baluchonnage est aussi une solution de répit ; avec Brigitte Bourguignon, nous l’avons salué hier lors de l’installation du comité de soutien et de suivi. Nous devons approfondir cette solution, que nous utilisons déjà et qui est très intéressante : pour une fois, l’aidant reste chez lui et c’est une tierce personne qui se rend au domicile de la personne en perte d’autonomie, sans perturber la vie quotidienne de cette dernière, pour lui permettre de souffler jusqu’à cinq jours. Cette expérimentation est l’une des nombreuses solutions que nous proposons, parce qu’aider les aidants, c’est aider un pilier de notre société en matière de solidarité collective. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    M. le président

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    Mes chers collègues, des places se sont libérées sur les bancs. Je vous engage à vous éloigner les uns des autres pour éviter une trop grande proximité, qui pourrait vous nuire.

    Séparatisme

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Benassaya.

    M. Philippe Benassaya

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    Vendredi, le Président de la République présentait un plan dit de « lutte contre les séparatismes », qui a le mérite de désigner enfin l’ennemi : l’islamisme radical, communautariste et sécessionniste. Cet islamisme radical n’a rien à voir avec l’attachement à une spiritualité ou à un héritage culturel, comme des millions de nos compatriotes musulmans peuvent le vivre. Le séparatisme islamiste est une machine de conquête : des corps, des esprits et des territoires.
    Monsieur le Premier ministre, après plusieurs mois d’attente, vous allez enfin nous proposer des outils, à travers le futur projet de loi renforçant la laïcité et les principes républicains. Il y a toutefois un angle mort, parmi d’autres, dans ce plan et peut-être dans votre projet de loi : je veux parler des prisons. La prison est devenue, à l’intérieur, un accélérateur de radicalisation, et à l’extérieur, un diffuseur de séparatisme. Cinq cents détenus le sont pour des faits en lien avec le terrorisme islamiste ; 1 500 autres, de droit commun, sont connus comme radicalisés, selon l’excellent rapport de mon collègue Éric Diard assorti de propositions concrètes. Autant de menaces en puissance, pour les autres détenus et pour le reste de la société quand ils ressortiront.
    Le maire d’une ville possédant une maison d’arrêt que j’ai été, et le nouveau député que je suis désormais, vous alerte sur l’urgence d’une action forte et déterminée. Je salue l’augmentation du budget, l’achat futur d’équipements de brouillage et la volonté d’enrayer les suicides en milieu carcéral, mais il faut faire plus et plus vite.
    Contre la surpopulation carcérale et les cellules insalubres, il faut construire les places promises. Contre le séparatisme islamiste, qui menace directement la vie des surveillants pénitentiaires, à qui je veux rendre hommage, il faut des actes. Monsieur le Premier ministre, qu’allez-vous faire pour lutter contre le séparatisme islamiste dans les prisons ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Non seulement vous allez avoir des actes, mais aussi des chiffres. De vrais chiffres, pour le coup, car ceux que vous avez cités sont erronés : cent agents supplémentaires affectés au service national du renseignement pénitentiaire, qui travaillent évidemment avec les services du ministère de l’intérieur ;…

    M. Fabien Di Filippo

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    Cent, seulement ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …six quartiers d’évaluation de la radicalisation et un septième d’ici à la fin de l’année ; quatre établissements pénitentiaires dotés de quartiers de prise en charge, dont deux dans les prochains mois ; quatre centres spécialisés à Paris, Marseille, Lyon et Lille.

    M. Fabien Di Filippo

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    Tout ce que vous avez fait jusqu’à présent, c’est vider les prisons !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Le ministre de l’intérieur et moi-même travaillons toutes les semaines à l’amélioration des MICAS – mesures individuelles de contrôle administratif et de surveillance. Je me suis pleinement engagé dans l’amélioration du dispositif actuel, avec M. Gérald Darmanin. Voilà ce que nous faisons. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. Pierre Cordier

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    Vous êtes copains maintenant ?

    Séparatisme

    M. le président

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    La parole est à M. Alexis Corbière.

    M. Alexis Corbière

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    La France insoumise est très attachée à la laïcité. À tel point que nous ne comprenons pas que la loi de 1905 ne soit toujours pas appliquée sur l’ensemble du territoire.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Où est le problème ?

    M. Alexis Corbière

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    À tel point que nous dénonçons que le Président de la République accepte encore d’être chanoine de Latran. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) À tel point que nous condamnons les nombreux avantages fiscaux accordés aux cultes, les subventions publiques aux crèches confessionnelles et les différents renoncements au principe de laïcité. Nous désapprouvons enfin votre ambition de vous mêler de l’organisation d’un culte.
    Voilà comment « renforcer la laïcité et les principes républicains », selon le nouveau nom du projet de loi. Mais il nous semble évident que vous voulez fabriquer un agenda médiatique où durant des mois, vous répétez des mots qu’ensuite vous peinez à définir, comme le « séparatisme » que vous avez abandonné dans le titre du futur projet de loi. Ainsi, vous contournez les problèmes sociaux et sanitaires qui déchirent notre pays, en saturant l’opinion d’une question obsessionnelle : l’islam, l’islam, l’islam. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)

    M. Raphaël Schellenberger

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    Non, l’islamisme !

    M. Alexis Corbière

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    Vous voulez lutter contre les islamistes ? Eh bien, agissez chaque fois qu’ils ne respectent pas la loi : on ne peut exiger autre chose en République. J’affirme ici que les lois actuelles permettent déjà largement de régler les problèmes pointés par Emmanuel Macron vendredi dernier : vous pouvez fermer les écoles clandestines où se développe le fanatisme. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) D’ailleurs, donnez-nous des chiffres à leur sujet : combien sont-elles réellement, celles contre lesquelles vous ne pourriez agir ? Et pourquoi tous ces « buzz », que vous déclenchez inlassablement dans les médias sur les certificats d’allergie au chlore ou les certificats de virginité ? Nous attendons à ce sujet des faits, des éléments d’analyse partagés, afin de mieux agir s’il le faut.
    Vous voulez agir contre des séparatismes ? En voici un : celui des riches (Applaudissements sur les bancs du groupe FI), qui ont leurs propres écoles et leurs cliniques, qui refusent l’impôt et qui font de plus en plus sécession comme le dénonce avec inquiétude le politologue Jérôme Fourquet.
    Vous voulez faire reculer le fanatisme ? Faites progresser la République, la santé, l’éducation, la justice, l’égalité hommes-femmes, la lutte contre la pauvreté et contre le chômage. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) La majorité de nos concitoyens en a marre qu’on lui parle de religion. Laissez les fidèles tranquilles quand ils respectent la loi, mais agissez pleinement pour les citoyens ! (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

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    Si certains ont évoqué le réveil républicain, je crains malheureusement que vous ne soyez dans le déni. Reprenant une formule évangélique, je dirais : « Celui qui a des oreilles, qu’il entende ! »

    M. Raphaël Schellenberger

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    Amen !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Mais il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas écouter… (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
    Le scrutin uninominal que vous combattez a tout de même quelques avantages : celui de vous placer au milieu de vos concitoyens. Dans votre circonscription, vous le savez fort bien et nous aurons peut-être l’occasion d’en parler tout à l’heure…

    M. Alexis Corbière

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    Je vous prends au mot d’en trouver dans ma circonscription !

    M. le président

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    S’il vous plaît, monsieur Corbière !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ma maman m’a appris à ne pas montrer du doigt, monsieur Corbière ! C’est très impoli ! (Protestations sur les bancs du groupe FI.)

    M. le président

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    S’il vous plaît, mes chers collègues !
    Poursuivez, monsieur le ministre.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Ne pas montrer du doigt fait sans doute partie des exigences minimales de la vie en société, et je vous demande de m’entendre autant que je vous ai entendu. (Exclamations continues sur les bancs du groupe FI.) La démocratie oblige à un peu de calme lorsqu’un point de vue diffère du sien. (Applaudissements sur de nombreux bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    M. Alexis Corbière

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    C’est grave, ce dont vous nous accusez !

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Effectivement, la situation est très grave. (Exclamations persistantes sur les bancs du groupe FI.)

    M. Alexis Corbière

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    Respectez les députés que nous sommes !

    M. le président

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    S’il vous plaît, monsieur Corbière ! C’est le dernier avertissement ! La prochaine fois, je vous sanctionnerai.

    M. Gérald Darmanin, ministre

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    Je ne m’explique pas qu’un parti comme le vôtre, qui a dénoncé pendant longtemps l’opium du peuple, soit désormais lié à un islamo-gauchisme qui détruit la République. (Protestations sur les bancs du groupe FI. – Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens, sur quelques bancs du groupe LR et parmi les députés non inscrits.) Voilà la réalité, monsieur Corbière ! Manifestement, nous ne faisons pas que gêner quelques islamistes radicaux ; quand j’entends vos propos et ceux de M. Mélenchon, je sens que nous gênons aussi beaucoup dans votre corps électoral. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM ainsi que sur plusieurs bancs des groupes Dem et Agir ens.)

    M. Alexis Corbière

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    C’est indigne !

    M. Éric Coquerel

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    Démagogue !

    Situation de la minorité ouïghoure en Chine

    M. le président

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    La parole est à Mme Coralie Dubost.

    Mme Coralie Dubost

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    Je souhaite évoquer un sujet qui, je l’espère, fera l’unanimité sur les bancs de notre hémicycle.
    Monsieur le ministre de l’Europe et des affaires étrangères, à l’heure où le peuple ouïghour subit une répression terrible au Xinjiang, notre jeunesse nous exhorte à ne pas détourner le regard. À sa façon, munie de hashtags et de posts Instagram, notre jeunesse s’est mobilisée : elle n’accepte pas la violation organisée par Pékin des droits les plus fondamentaux des peuples ouïghours. Elle n’accepte pas les atteintes aux droits des femmes et des enfants, les atteintes aux libertés individuelles, les traitements inhumains et dégradants.
    Monsieur le ministre, nous avons conscience de l’engagement du Président de la République et du vôtre dans le cadre du dialogue franc et direct avec les autorités chinoises, mais notre jeunesse réclame d’ajouter la puissance de la parole publique à ces relations diplomatiques, notamment à l’endroit des acteurs privés. Nommons, dans cet hémicycle, ce qui arrive aux Ouïghours. Nommons les entreprises qui continuent de sous-traiter aux fournisseurs utilisant la répression contre les Ouïghours : Gap, Uniqlo et Huawei, notamment.
    Comme notre jeunesse, n’acceptons pas ! Portons la voix de la France des droits de l’homme, de la liberté et de la justice ! Cette parole, portons-la auprès des entreprises françaises et européennes qui continuent à avoir des intérêts dans vingt-sept usines de la région ; nous voulons qu’elles s’engagent concrètement à couper tout lien avec les sous-traitants. Nous n’acceptons pas de nous chausser et de nous vêtir dans l’indignité et la maltraitance du travail forcé. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem, LT et EDS.)

    M. le président

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    Merci, madame la députée.

    Mme Coralie Dubost

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    Dans le cadre de son dialogue direct avec la Chine, quels sont les engagements que la France prend pour apporter son soutien au peuple ouïghour ?

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’Europe et des affaires étrangères.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des affaires étrangères

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    Madame la députée Caroline Dubost…

    M. le président

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    C’est Coralie, monsieur le ministre ! (Rires sur de nombreux bancs.)

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    C’est l’émotion !

    M. Éric Diard

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    Ou le décalage horaire !

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    J’ai eu l’occasion, au mois de juillet dernier, de faire valoir devant votre assemblée l’indignation de la France à l’égard de ce que subit la population ouïghoure. Tous les documents et les témoignages qui nous parviennent de la société civile sur la situation au Xinjiang font état de pratiques injustifiables, que vous avez évoquées et que nous avons condamnées fermement.
    Le Président de la République s’est exprimé publiquement et avec beaucoup de force sur ce sujet, lors de l’assemblée générale des Nations unies il y a quelques jours. Nous avons nous-mêmes porté cette question au niveau européen, si bien qu’elle a été abordée publiquement devant le président Xi Jinping, lors du sommet entre l’Union européenne et la Chine en septembre. Nous nous sommes pourvus devant le conseil des droits de l’homme des Nations unies pour que le plus grand nombre possible d’États reprennent cette condamnation, y compris les membres de l’Organisation de la coopération islamique.
    Dans l’immédiat, quatre urgences dominent. Les camps d’internement doivent fermer immédiatement. Il convient d’organiser une visite sur place du haut-commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Mme Michelle Bachelet, et d’experts pouvant vérifier, en toute transparence, les dires des autorités chinoises – on croit comprendre que celles-ci n’y sont pas opposées, donc allons-y et faisons toute la lumière sur cette situation. Il importe que les entreprises françaises et européennes soient plus vigilantes sur le respect des droits de l’homme – les entreprises et les éventuelles sociétés mères doivent respecter la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre.

    M. le président

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    Merci, monsieur le ministre.

    M. Jean-Yves Le Drian, ministre

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    Enfin, il importe que les Ouïghours soient reconnus et respectés en France – ce n’est pas une affaire secondaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Ordonnance du 20 mai 2020 sur la reprise d’entreprise

    M. le président

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    La parole est à Mme Laurence Dumont.

    Mme Laurence Dumont

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    J’associe à ma question Régis Juanico, député de la Loire.
    Les entreprises, notamment les PME et les TPE, et tous leurs salariés doivent faire l’objet de toute notre attention en cette période particulièrement difficile.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est vrai !

    Mme Laurence Dumont

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    Pour autant, il ne saurait être question d’aider des patrons voyous, et il y en a : ceux qui profitent de votre ordonnance du 20 mai 2020 portant adaptation des règles relatives aux difficultés des entreprises et des exploitations agricoles aux conséquences de l’épidémie de covid-19, qui permet de reprendre sa propre société après l’avoir placée en liquidation ou en redressement judiciaire. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR.)
    Une reprise qui s’accompagne de suppressions massives d’emplois et de l’effacement des dettes : comment est-ce possible ? Grâce à vous et au tour de passe-passe accompli par cette ordonnance, qui ne contient pas le moindre garde-fou et qui représente, en somme, un permis officiel de licencier sans aucune entrave.
    L’actualité des derniers mois a pointé ce scandale avec Camaïeu et Alinéa. Pour ces dirigeants sans vergogne et peu scrupuleux, l’effet d’aubaine, constitué d’un risque minimal et d’un bénéfice maximal, était trop tentant.
    Ce véritable scandale continue avec Inteva. Les dirigeants de ce groupe américain ont saisi cette opportunité, qu’ils n’imaginaient même pas dans leurs rêves capitalistes les plus fous. Ils pourraient ainsi, si leur offre était retenue par le tribunal de commerce ce vendredi, se débarrasser de 169 millions d’euros de dette, chiffre avancé par mon collègue Alain Tourret dans le courrier qu’il a adressé au ministre de l’économie, des finances et de la relance, et mettre au chômage plus de 300 salariés avec, en particulier, la fermeture du site de Saint-Dié-des-Vosges. Le site Inteva d’Esson, dans le Calvados, ne serait pas à ce stade menacé par l’offre d’Inteva, mais pour combien de temps ?
    Nous le savons, la crise va durer : l’attraction exercée par cette ordonnance ne va donc pas s’éteindre. Au contraire, on peut craindre qu’elle ne s’accroisse et soit de plus en plus utilisée. Quand et comment pensez-vous mettre fin à ce dispositif malsain ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, FI et GDR. – M. Alain Tourret applaudit également.)

    M. Pierre Cordier

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    Je ne suis pas de gauche, mais elle a raison !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie

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    Je vous remercie pour cette question qui me donne l’occasion de clarifier certaines choses. Peut-être ne vous êtes-vous pas plongée dans le droit des entreprises en difficulté,…

    M. Pierre Cordier

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    Quelle condescendance ! Quand on a votre bilan, en plus !

    M. Jean-Paul Dufrègne

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    Nous ne sommes pas assez intelligents pour comprendre !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    …mais le principe de reprise d’une entreprise en difficulté, qu’il s’agisse d’un artisan, d’une TPE ou d’une entreprise plus structurée, est précisément de revoir l’échéancier de la dette, de discuter avec l’actionnaire et de faire, de part et d’autre, des efforts aboutissant à des abandons de dette et à la poursuite de l’activité de l’entreprise. Voilà les fondamentaux de la survie des entreprises en difficulté !
    Le prêteur prend son risque quand il prête, mais il peut se retrouver dans des situations difficiles : vous le savez d’ailleurs comme moi, puisque vous êtes nombreux sur ces bancs à m’interpeller pour demander des efforts aux banquiers et aux créanciers. Nous traitons précisément ce type de situations.
    Il est faux de dire que l’ordonnance vise à autoriser la reprise par un actionnaire de sa propre entreprise, parce que cette faculté existe depuis bien longtemps. La seule modification apportée par ce texte est de supprimer, dans un esprit d’efficacité et de rapidité et à un moment où nous étions confrontés à une crise majeure, l’étape de l’ordonnance formalisée du procureur de la République : ce n’est pas exactement ce que vous avez indiqué !
    Enfin, l’application de cette ordonnance a une date limite, celle du 31 décembre 2020. Élisabeth Borne et moi-même avons déjà indiqué ici même qu’elle ne serait pas prolongée.

    M. Régis Juanico

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    Alors pourquoi continuer ?

    M. Fabien Roussel

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    Combien d’emplois seront-ils supprimés d’ici là ?

    M. Pierre Cordier

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    Si c’est un mauvais texte, il faut l’abroger tout de suite !

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Ce qui nous motive, c’est de sauver des emplois, mais dans certains dossiers, il n’y a pas d’alternative.

    M. le président

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    Merci, madame la ministre déléguée.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée

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    Lorsque deux usines sur trois sont sauvées, interrogez les salariés qui, eux, ont fait leur choix ! (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Budget de la justice

    M. le président

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    La parole est à M. Yves Hemedinger.

    M. Yves Hemedinger

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    Monsieur le garde des sceaux, vous avez annoncé une augmentation de 8 % du budget du ministère de la justice. Dans l’attente du débat sur les moyens et les financements de votre souhait, je prends acte de votre annonce. Il était temps !
    Cette augmentation nous permettra peut-être de gagner quelques places dans le classement européen des budgets des systèmes judiciaires. L’Allemagne et les Pays-Bas, par exemple, dépensent, par habitant, presque deux fois plus que la France pour leur justice. Je dis « dépensent » mais il serait plus juste de dire « investissent ».
    Le défi est immense : condamner plus vite, faire exécuter toutes les peines, construire les places de prison manquantes, rénover les plus indignes d’entre elles, lutter contre la radicalisation en milieu carcéral, traiter enfin les problèmes psychiatriques de nombreux détenus, développer les peines alternatives, miser sur la réinsertion pour limiter les récidives, augmenter les moyens de la protection judiciaire de la jeunesse, assurer une juste place aux victimes dans notre système judiciaire.
    Je le redis : face à la hausse des chiffres de la délinquance et aux agressions de policiers, de gendarmes, de pompiers, de soignants et d’élus, le défi est immense !
    Monsieur le garde des sceaux, je vous pose trois questions. Allez-vous affecter prioritairement ces moyens à la construction et à la rénovation de places de prison, ainsi qu’à la rénovation des tribunaux ? Je pense notamment à celui de Colmar, qui en a bien besoin, tant pour ses bâtiments que pour ses moyens humains. Allez-vous affecter prioritairement ces moyens à la réduction tant attendue des délais entre la commission des délits et leur sanction ? Allez-vous augmenter les moyens donnés aux juges de prononcer et faire exécuter en plus grand nombre des condamnations à des travaux d’intérêt général ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Vous auriez presque pu signer avec moi ma première circulaire de politique générale, que j’ai adressée aux procureurs généraux de notre pays, car elle couvre toutes vos préoccupations. Parmi elles figurent la poursuite de la construction de places de prison – je l’ai dit tout à l’heure à Mme Untermaier –…

    M. Stéphane Viry

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    Combien ?

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …et l’exécution des peines. Pour cette dernière, la difficulté n’est pas que les peines ne seraient pas exécutées, contrairement à ce que j’entends parfois, car 92 % d’entre elles le sont, mais qu’elles le sont trop tard.

    M. Sylvain Maillard

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    Voilà !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je veux passer d’un travail d’intérêt général exécuté quatorze mois après la condamnation à un travail non rémunéré effectué tout de suite. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Ugo Bernalicis

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    Pour cela, il faut du personnel dans les services pénitentiaires d’insertion et de probation !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    J’ai dit ce matin aux procureurs généraux qu’il valait mieux un travail non rémunéré effectué tout de suite qu’une peine de deux mois d’emprisonnement avec sursis dans dix-huit mois. Voilà la philosophie dans laquelle je veux m’inscrire ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    Sur la récidive, nous songeons à des mesures pour la combattre.
    Nous avons précisément réparti les crédits de ce budget, que, j’espère, vous voterez, entre la justice, l’administration pénitentiaire et les services de la protection judiciaire : tout le monde bénéficiera de la hausse du budget de la justice. Toutes vos préoccupations sont prises en compte, je vous prie de me croire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. Yves Hemedinger.

    M. Yves Hemedinger

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    Je souscris à ce que vous avez dit, monsieur le garde des sceaux. Reste à mesurer la différence, que j’espère très mince, entre vos paroles, vos actes et les crédits qui seront inscrits dans le projet de loi de finances. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LR.)

    Obligation de scolarisation dès trois ans

    M. le président

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    La parole est à M. Ludovic Mendes.

    M. Ludovic Mendes

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    Ma question, à laquelle je veux associer mes collègues de la commission des affaires culturelles et de l’éducation, tout particulièrement Anne Brugnera, Anne-Christine Lang et Pierre Henriet, s’adresse à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.
    Ce vendredi 2 octobre, le Président de la République a tenu un discours franc, clair et sans stigmatisation pour dénoncer les séparatismes de notre République, en appelant toute la nation à un réveil républicain.
    Dans nos territoires, certains citoyens se voient comme les nouveaux misérables de la République : pour eux, demain est loin et l’avenir est incertain. Ils souffrent d’une crise d’appartenance collective face à la République, alors ils se réfugient parfois auprès des personnes qui les comprennent, leur ressemblent, ne les jugent pas et leur proposent un autre cadre, dans lequel prospère souvent un discours identitaire.
    Il nous a fallu comprendre, non pas pour excuser, mais pour agir et arrêter cette conquête séparatiste. Le Président de la République a annoncé le dépôt d’un projet de loi, dont l’école est un pilier. C’est un sujet primordial :…

    M. Sylvain Maillard

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    Eh oui !

    M. Ludovic Mendes

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    …l’enfant est naïf, insouciant et en pleine construction vers l’âge adulte. Il a besoin de repères et de modèles. Si ceux-là sont défaillants ou ne cherchent qu’à l’embrigader dans une cause fondamentaliste, il sera difficile de le faire revenir, une fois adulte, dans le chemin de la République.
    Ainsi, dès la rentrée de 2021, l’instruction à l’école sera rendue obligatoire pour tous dès trois ans. L’instruction à domicile sera strictement limitée, notamment aux impératifs de santé. L’encadrement des écoles hors contrat sera renforcé s’agissant du parcours des personnels, du contenu pédagogique des enseignements et de l’origine des financements. À titre personnel, j’espère que nous y intégrerons le redécoupage des cartes scolaires pour garantir la mixité sociale.
    Monsieur le ministre, pouvez-vous détailler les mesures en faveur de la protection de l’enfance, notamment les moyens de contrôle de l’instruction obligatoire et des écoles hors contrat, prévues par le projet de loi ? (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

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    Je souscris évidemment à chacun de vos propos. Vous avez raison de placer votre question sous le signe des droits de l’enfant ; en effet, notre action tendra à protéger non seulement la République, mais aussi tout simplement ces droits. Le parallèle entre les deux est justifié : depuis 1881, la République, au moyen de son école, consolide ses propres fondements, tout en affermissant les droits de l’enfant.
    Depuis le début de la législature, vous avez déjà accompli une œuvre importante : vous avez voté l’instruction obligatoire à 3 ans et accompagné le dédoublement des classes de CP et de CE1, ainsi maintenant que des classes de grande section de maternelle. Cette mesure concerne 320 000 enfants par an. Elle est très concrète et revêt un caractère profondément social ; elle participe donc à la protection de l’enfant.
    Quand on examine les débats parlementaires de 1882, on s’aperçoit que l’instruction à domicile est finalement envisagée comme une forme d’exception, accompagnée de mesures visant à protéger les droits de l’enfant. Aujourd’hui, nous ne sommes plus en situation d’assurer cette protection ; trop d’enfants sont conduits vers l’obscurantisme, le racisme, l’antisémitisme, toutes sortes de dangers qui peuvent les guetter.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Et la misère ?

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    La misère en fait éventuellement partie.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Pas « éventuellement » !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Nous devons donc lutter à la fois contre la misère et contre tous les groupes qui essaient d’enrôler les enfants. Malheureusement, de très jeunes enfants sont concernés par le phénomène. Tout à l’heure, M. Alexis Corbière affirmait que la loi autorise déjà la fermeture d’écoles clandestines. En réalité, les fermetures administratives sont difficiles à obtenir ; le projet de loi tend à les faciliter afin de protéger les droits de l’enfant. Avec le même objectif, l’instruction à domicile sera limitée à des cas exceptionnels, notamment liés à des problèmes de santé. La loi que nous défendrons sera donc offensive pour la République, et offensive pour les droits de l’enfant. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Frais de déplacement des parents accompagnants résidant en Corse

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    En cette journée nationale des aidants, ma question s’adresse à M. le ministre des solidarités et de la santé.
    Monsieur le ministre, votre prédécesseure avait été sensible à la demande légitime de familles résidant en Corse, dont un enfant atteint d’une maladie grave doit se rendre sur le continent, à Marseille, à Nice ou à Paris, pour recevoir des soins, faute de CHU dans l’île ou en l’absence de la spécialité médicale. Lorsqu’une famille se trouve malheureusement dans ce cas, l’assurance maladie prend en charge, automatiquement, le billet d’un seul des deux parents accompagnants. Quand la maladie est grave et chronique, la présence du deuxième parent devient indispensable.
    Après divers échanges, sur les bancs de l’Assemblée nationale, notamment lors de l’examen du PLFSS pour 2020, ou à l’occasion de rencontres directes entre la ministre d’alors et les associations de parents, comme La Marie-Do ou Inseme, que je salue, Mmes Jacqueline Gourault et Agnès Buzyn ont annoncé en mars 2019, puis en novembre 2019, qu’un décret rendrait effective la prise en charge du déplacement du deuxième parent par l’assurance maladie. En attendant sa parution, les frais de déplacement sont temporairement assumés par les deux caisses de solidarité de l’assurance maladie de l’île, obligeant les parents à les avancer. Cette situation ne peut perdurer car ces caisses financent d’autres actions sociales qui pourraient à long terme être réduites ou supprimées.
    À l’occasion de son déplacement en Corse en septembre dernier, le Président de la République a annoncé la parution imminente du décret. Cependant, nous avons appris qu’il concernerait uniquement les mineurs de moins de 16 ans et exclurait certaines maladies relevant de spécialités pourtant absentes de l’île. Ainsi, les grands engagements pris l’année dernière par le Gouvernement ne seraient pas totalement remplis. Si tel était le cas, permettez-moi, monsieur le ministre, d’exprimer mon profond désaccord avec l’établissement de critères inacceptables pour les familles concernées, qui le vivraient légitimement comme une injustice. Pouvez-vous donc nous assurer qu’aucune des familles ni aucun des enfants concernés ne seront oubliés par ce décret ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Je veux d’abord partager votre constat : il y a une forme de double peine à avoir un enfant malade et à ne pas pouvoir le faire soigner dans la région où l’on réside du fait de l’absence de structures sanitaires adéquates.
    Effectivement, ma prédécesseure s’était engagée à prendre en charge les frais de transport d’un deuxième accompagnant, alors que le droit commun prévoit un seul accompagnant ; elle a instauré un dispositif extra-légal en mars 2019. Vous l’avez dit également : lors de son déplacement en Corse au mois de septembre, le Président de la République s’est engagé à pérenniser le dispositif. Un décret va paraître pour le conforter dans le droit ; les parents ne rencontreront donc plus de difficultés et n’auront plus à avancer de frais.
    Le dispositif concerne la totalité des mineurs de moins de 16 ans devant subir une hospitalisation, et la totalité des mineurs de moins de 16 ans atteints d’une affection longue durée, catégorie qui recouvre l’écrasante majorité, pour ne pas dire la totalité – et au-delà – des pathologies qui requièrent des soins spécialisés, qu’on trouverait sur le continent et pas en Corse. Si toutefois des difficultés subsistaient, des situations extrêmement particulières qui ne rentreraient pas dans l’une ou l’autre de ces catégories, j’ai pris l’engagement – je vous le confirme ici – que les deux caisses de solidarité que vous avez citées, la Mutualité sociale agricole – MSA – et la caisse primaire d’assurance maladie – CPAM –, interviendront de manière à épargner aux familles toute dépense de transport inhérente aux soins de l’enfant, que ce soit pour un ou deux parents accompagnateurs.

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    Merci pour votre réponse. J’estime que les familles qui subissent cette double peine et n’entrent pas dans le champ du dispositif méritent que vous leur accordiez un rendez-vous pour approfondir leur cas particulier, au-delà de la question de l’intervention de la caisse d’assurance maladie.

    Attaques de loup en Saône-et-Loire

    M. le président

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    La parole est à Mme Josiane Corneloup.

    Mme Josiane Corneloup

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    Vendredi dernier, j’étais aux côtés des éleveurs d’ovins, devant la préfecture de Saône-et-Loire, pour exprimer l’exaspération d’hommes et de femmes passionnés par leur métier, qui subissent depuis juin les attaques d’un seul loup, qui en l’espace de trois mois a tué 109 moutons de race charolaise. J’ai vu un éleveur, victime de plusieurs attaques, en larmes devant les derniers cadavres d’ovins, qu’il avait emmenés à Mâcon. Outre l’anxiété permanente, les éleveurs subissent une perte financière très importante, car l’indemnisation, qui obéit à un barème national, ne couvre absolument pas le prix d’un ovin charolais, à forte valeur ajoutée. En effet, cette race est le résultat de longues années de recherches génétiques. De même, l’indemnisation des brebis gravides ignore les agneaux à naître. Au total, les comptes d’exploitation des éleveurs connaissent donc un manque à gagner injustifiable.
    La configuration très parcellisée du bocage charolais impose un mode d’élevage dispersé, qui interdit toute cohabitation entre le loup et l’élevage ovin, en dépit des équipements de protection des troupeaux, déjà installés. Même si le loup finira – je l’espère – par être abattu par les louvetiers, le problème ne sera pas résolu. Le préfet a déjà annoncé que la Saône-et-Loire se trouve manifestement sur un front de colonisation : d’autres loups pourront donc à leur tour investir le département. Ce n’est pas aux éleveurs de modifier leur façon de travailler et de s’adapter aux comportements des loups, pas plus qu’ils n’ont à construire des bunkers pour abriter leurs moutons, au nom d’une biodiversité irréfléchie imposée par l’État. Allez-vous reconsidérer les dispositions du plan loup, afin qu’il prenne enfin en considération les intérêts des éleveurs et assure la pérennité d’une économie pastorale, à laquelle vous comme moi sommes très attachés ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.  M. Jean-Paul Dufrègne applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de la transition écologique.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Elle est revenue ! On ne l’a pas vue hier soir !

    Mme Barbara Pompili, ministre de la transition écologique

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    La question est difficile. Je suis comme vous très attentive à la situation des éleveurs. Je suis allée dans les Hautes-Alpes récemment, pour rencontrer des éleveurs victimes d’attaques de loups ; ils le vivent très difficilement.

    M. Fabien Di Filippo

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    C’est un traumatisme !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Au-delà de la question financière, ces attaques atteignent leur manière de travailler ; c’est très angoissant et il faut que nous soyons à leurs côtés pour affronter la situation.
    N’oublions pas que le loup est une espèce protégée,…

    M. Jean-Paul Dufrègne et M. Stéphane Viry

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    Et les brebis ?

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    …qui doit le rester. En tant que ministre de la transition écologique, mon rôle consiste à faire en sorte que la coexistence se passe le mieux possible.

    M. Pierre Cordier

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    Elle n’est pas possible !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Oui, le loup est revenu, et nous devons nous y habituer.
    Vous avez raison, on ne peut pas laisser les éleveurs tout seuls. Pour résoudre ce problème, l’État a pris des engagements, notamment avec le plan loup, ainsi qu’avec le soutien aux éleveurs de la brigade grands prédateurs de l’Office français de la biodiversité – OFB –, qui vient leur prêter main-forte sur le terrain.
    Concernant la situation particulière de la Saône-et-Loire, le préfet m’a fait remonter les attaques survenues ces derniers mois. Nous travaillons pour soulager les éleveurs dans le désarroi. L’ensemble des mesures d’effarouchement n’ont pas été suffisantes ; nous avons donc décidé d’autoriser un tir de prélèvement pour ce loup, comme le préfet coordinateur l’a annoncé. De tels tirs sont possibles en dernier recours, comme c’est ici le cas.
    Plus largement, je serai vigilante à ce que nous appliquions nous-mêmes, sur le terrain, ce que nous demandons aux autres ailleurs. Nous défendons par exemple, au niveau international, la protection de l’éléphant d’Afrique, qui commet d’énormes dégâts sur les cultures. Nous ne pouvons pas tenir ce discours si nous-mêmes ne réussissons pas à gérer la coexistence avec la faune sauvage.

    M. Bruno Studer

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    Très juste !

    Mme Barbara Pompili, ministre

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    Pour y parvenir, nous ne pouvons laisser seuls les éleveurs, qui sont en première ligne ; je suis à leurs côtés, et je sais que je pourrai compter sur vous. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. Pierre Cordier

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    Et le dédommagement ?

    Violences à l’encontre des sapeurs-pompiers

    M. le président

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    La parole est à M. Luc Geismar.

    M. Luc Geismar

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    Monsieur le ministre de l’intérieur, à quelques jours du congrès national des sapeurs-pompiers de France, un accablant constat s’impose : les violences contre les pompiers sont toujours en forte augmentation, dans l’ensemble du territoire.

    M. Sylvain Maillard

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    C’est vrai !

    M. Luc Geismar

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    À titre d’exemple, dans mon département de Loire-Atlantique, plus d’une centaine de signalements ont été effectués en 2019 contre « seulement » dix-sept en 2017. Une agression a lieu tous les trois jours. Sur ces bancs, je sais que notre indignation est unanime. Qu’elles soient verbales ou physiques, les violences contre ces héros du quotidien sont intolérables. Nous leur devons des réponses et des solutions. Ils risquent déjà leur vie dans l’exercice de leur mission ; comment imaginer qu’ils doivent également surmonter des agressions ?
    Monsieur le ministre, depuis votre arrivée place Beauvau, vous avez pris des mesures fortes pour soutenir les sapeurs-pompiers, notamment en revalorisant la prime de feu. Désormais, les pompiers attendent des actes pour les protéger des violences, afin qu’ils n’aient plus à partir en intervention la peur au ventre, avec la crainte d’être agressés. L’utilisation des caméras-piétons a été une première réponse. Existe-t-il d’ores et déjà un bilan de cette initiative ? De plus, le taux de condamnation des personnes inquiétées pour violences sur les pompiers est très bas, ce qui peut être particulièrement décourageant, vous en convenez. Comment envisagez-vous de remédier à cette situation ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

    M. Pierre Cordier

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    Il va être gentil puisque c’est une question de la majorité !

    M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur

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    Vous avez parfaitement raison : à quelques jours du congrès des pompiers, ces questions se posent – elles se posent tous les jours. La République soutient les forces de l’ordre, dont bien sûr les pompiers, qu’ils soient volontaires ou professionnels, civils ou militaires. De par leur fonction, ils interviennent dans des circonstances déjà dramatiques ; ils sont confrontés à la misère, à la détresse, aux difficultés humaines. Parfois – souvent désormais –, ils sont aussi confrontés à des agressions, tout à fait inacceptables, qu’elles soient orales ou physiques. Parfois, ces agressions blessent et tuent.
    Dès le lendemain de ma nomination, j’ai rendu visite aux sapeurs-pompiers. Depuis quatre mois que je suis ministre de l’intérieur, sous l’autorité de M. le Premier ministre, j’ai eu l’occasion plusieurs fois de porter plainte – j’agis ainsi systématiquement, pas simplement pour aider le pompier blessé ou agressé, mais pour déposer plainte au nom de l’État contre les personnes qui ne respectent manifestement pas le b.a-ba de la civilité, de la République et de ses valeurs.
    J’ai donc accepté, en accord avec les sapeurs-pompiers et toutes leurs organisations syndicales, que j’ai longuement reçues, d’accentuer la protection que nous leur devons. Je me rendrai au congrès national, comme le Président de la République.
    Les mesures concernent d’abord la protection fonctionnelle, pour les aider, en particulier juridiquement, lorsqu’ils rencontrent des difficultés et doivent faire valoir leurs droits.
    Deuxièmement, je donnerai une instruction aux préfets, pour organiser de manière méthodique, dans chacun des territoires de la République, la protection des forces de l’ordre, des policiers ou des gendarmes lorsqu’ils doivent intervenir. À Rillieux-la-Pape, cette protection a fonctionné : le camion de sapeurs-pompiers est passé au commissariat avant d’aller éteindre un incendie de véhicules.
    Troisièmement, la loi autorisera – si vous la votez – les caméras-piétons ainsi que celles installées sur les véhicules afin d’aider la justice à mieux condamner les fauteurs de trouble. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Manque de moyens dans les hôpitaux

    M. le président

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    La parole est à M. Alain Bruneel.

    M. Alain Bruneel

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    Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, le personnel soignant est épuisé par ces longs mois de lutte pour sauver des vies, mais aussi très affecté par les nombreux décès qui ont touché les patients et les soignants eux-mêmes.
    Depuis plusieurs années, les plans annuels d’économies ont affaibli fortement les hôpitaux. En 2019, une fois de plus, 3 400 lits ont été supprimés. Malgré les cris d’alerte des personnels soignants et bien avant le coronavirus, les hôpitaux ont été contraints de réduire leur capacité d’accueil.
    La crise sanitaire actuelle a malheureusement aggravé les faiblesses de notre système hospitalier. En mars dernier, malgré des conditions de travail parfois catastrophiques, le personnel a dû une nouvelle fois faire face et se montrer inventif.
    Vous ne répondez aucunement à l’urgence ! Dans un contexte où les scientifiques alertent sur la possible survenue d’une seconde vague, vous ne changez pas de cap. Je le redis, le personnel est à bout de souffle. La première vague a démontré la limite des ressources humaines et matérielles. Aucune leçon n’en a été retenue. Le manque de lits, et plus particulièrement de lits de réanimation, est criant, comme le manque de moyens humains et matériels. Les protections sont toujours en nombre limité ; à la veille de l’hiver, on craint qu’il n’y ait pas de vaccins antigrippe pour tout le monde.
    Les soignants n’ont plus confiance. Ils ont tout donné, ils ont été volontaires et ne veulent plus revivre la situation de la première vague. La confiance est rompue aussi pour les oubliés du Ségur.
    Monsieur le ministre, entendez-vous ces héros mobilisés pour sauver l’hôpital public qui seront une nouvelle fois dans la rue le 15 octobre ? (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI, ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des solidarités et de la santé.

    M. Olivier Véran, ministre des solidarités et de la santé

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    Je partage certaines de vos inquiétudes, ainsi que certains constats que vous dressez au sujet de l’hôpital, en particulier public, et de la politique qui y a été menée depuis plusieurs années, voire plusieurs décennies : suppression de lits, suppression de postes, réduction des moyens. (Exclamations sur plusieurs bancs des groupes GDR et FI.)

    M. Pierre Cordier

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    Parlez-en à votre ancienne collègue Marisol Touraine !

    M. Olivier Véran, ministre

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    En revanche, en écoutant votre question, on pourrait presque oublier qu’un accord majoritaire a été signé, ce qui n’était pas arrivé depuis des années, avec l’ensemble des corps professionnels de l’hôpital public, notamment avec Force ouvrière, la CFDT et l’UNSA. Si ces syndicats ont signé l’accord du Ségur, c’est qu’il apporte de l’oxygène comme jamais l’hôpital n’en avait connu ! Vous allez bientôt pouvoir voter ces mesures.
    Je suis sûr, monsieur Bruneel, que vous en voterez plusieurs. Je suis sûr que vous voterez pour les 8 milliards d’euros destinés à revaloriser les salaires de 1,6 million de soignants dans notre pays, qui sont à 85 % des femmes. Je suis sûr que vous voterez la reprise de dette à hauteur de 13 milliards d’euros pour l’ensemble des hôpitaux : c’est un tiers de la dette des hôpitaux, qui se creuse depuis vingt ans.

    M. Pierre Cordier

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    Comment cette mesure sera-t-elle financée ?

    M. Olivier Véran, ministre

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    Je suis sûr que vous voterez pour les 6 milliards d’euros d’investissements inscrits dans le plan France Relance, qui permettront de développer, tant dans les EHPAD qu’à l’hôpital et en ville, des structures modernes et numérisées. Je suis sûr que vous voterez pour l’ouverture de 4 000 lits dans l’ensemble des hôpitaux publics de notre pays. Je suis sûr que vous voterez pour la création de 15 000 postes en renfort dans les hôpitaux.

    M. Pierre Cordier

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    C’est facile de voter des dépenses, mais il faudra aussi voter des recettes !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Et les mesures d’urgence, où sont-elles ?

    M. Olivier Véran, ministre

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    Accompagnez-nous ! Nous pouvons faire le constat que la situation n’était pas glorieuse, et qu’elle reste tendue, tout en soutenant les soignants et en les accompagnant – mais sans leur faire peur. Contrairement à ce que vous dites, il y aura des vaccins pour tous les soignants. (M. Jimmy Pahun applaudit.) La campagne de prévention de la grippe commencera le 13 octobre, et je profite des quelques secondes qui me restent pour encourager tous les soignants de ce pays, à l’hôpital, en ville, en EHPAD, à se faire vacciner contre la grippe. C’est une protection pour eux, mais surtout pour les personnes dont ils prennent soin au quotidien. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    M. Pierre Cordier

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    Et dire que vous avez conseillé Marisol Touraine, monsieur le ministre !

    M. le président

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    La parole est à M. Alain Bruneel.

    M. Alain Bruneel

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    Monsieur le ministre, je vous ai écouté mais je n’ai entendu aucune réponse à l’urgence que nous vivons. Sortez de votre bulle, de vos certitudes ! Écoutez les soignants qui se battent ! Vous ne répondez jamais aux questions. Un fossé se creuse, et même un ravin, entre vos déclarations et la situation. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    M. Olivier Véran, ministre

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    Mais allez-vous voter les mesures du Ségur ?

    Situation de l’usine Daimler à Hambach

    M. le président

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    La parole est à Mme Nicole Trisse.

    Mme Nicole Trisse

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    Ma question, à laquelle j’associe mes collègues mosellans, notamment Hélène Zannier et Christophe Arend, s’adresse à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.
    En annonçant subitement, le 3 juillet dernier, la vente de son site de production de voitures Smart à Hambach, le groupe Daimler a plongé dans l’incertitude tous ses salariés et leurs familles, tout le site et tout le bassin d’emploi qui en dépend. Ce sont 1 500 femmes et hommes, dont plusieurs centaines de sous-traitants, qui y travaillent tous les jours. Leurs compétences de haut niveau font la renommée de Smartville, l’un des centres de production automobile les plus modernes, symbole de la réussite de la coopération franco-allemande, vitrine industrielle de la Moselle et du savoir-faire français.
    Madame la ministre déléguée, vous vous êtes immédiatement mobilisée, avec vos équipes. Dès juillet, vous êtes venue à la rencontre des salariés et des élus, avec un seul objectif : le maintien de l’emploi, y compris pour les sous-traitants, et donc la recherche d’un repreneur avec un projet industriel solide. Je tiens à saluer votre mobilisation constante et l’énergie que vous déployez pour que le site, et surtout les 1 500 femmes et hommes qui y œuvrent, aient un avenir. Je remercie le maire de Hambach et le président de la communauté d’agglomération pour leur appui auprès de la population locale. Je continuerai, avec mes collègues et les élus locaux, à relayer les préoccupations des salariés dans l’esprit collectif et transpartisan qui nous anime.
    Je tiens surtout à rendre hommage aux salariés et à leurs représentants syndicaux, qui ont eu dès le début l’intelligence collective de former une intersyndicale solidaire. Ils ont su revendiquer dans la dignité, sans jamais mettre le site en péril. C’est aussi grâce à leur action que des solutions sont aujourd’hui possibles.
    Madame la ministre déléguée, pouvez-vous faire le point sur l’avenir du site d’Hambach, à la suite de notre réunion de ce matin ? (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’industrie.

    Mme Agnès Pannier-Runacher, ministre déléguée chargée de l’industrie

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    Merci de montrer par votre question l’intérêt, constant et exigeant, que vous manifestez pour ce site, avec vos collègues Hélène Zannier et Christophe Arend.
    Je mesure l’émotion et l’inquiétude des 1 500 hommes et femmes, salariés ou sous-traitants de Daimler, qui ont appris le 3 juillet dernier la fermeture de ce site. J’ai immédiatement fait savoir à la direction de Daimler que je souhaitais que nous recherchions ensemble une solution alternative, une solution de reprise. C’est ce que nous avons fait, et vous avez raison de souligner l’engagement fort des syndicats, qui ont su s’organiser en intersyndicale et afficher un front uni et exigeant face à la direction de Daimler.
    Nous entretenons aujourd’hui avec celle-ci un dialogue ferme et constructif, avec l’appui du cabinet de conseil Roland Berger, que j’ai mandaté et qui a restitué ses travaux aujourd’hui devant les élus locaux, fortement impliqués dans ce dossier, et les organisations syndicales.
    Nous sommes en passe d’obtenir des avancées significatives, notamment le report de l’arrêt de la production de la Smart de 2022 à 2024, et la confirmation de la production de certaines pièces par Daimler sur ce site. Un groupe industriel sérieux a manifesté son intérêt pour la reprise et le développement de ce site, avec un nouveau véhicule.
    Nous allons continuer ce travail, en grande proximité et en confiance avec les élus du territoire, avec les représentants du personnel et des sous-traitants, pour obtenir une solution qui offre un maximum de garanties pour le site et pour chaque salarié. Ma boussole, c’est l’emploi et la préservation des savoir-faire industriels. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Mesures de soutien aux PME et TPE

    M. le président

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    La parole est à M. Robert Therry.

    M. Robert Therry

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    Monsieur le ministre de l’économie, des finances et de la relance, la plus grande entreprise de France souffre. Vous la connaissez, nous la connaissons tous : ce sont les artisans, les commerçants, les PME ainsi que certaines professions libérales, qui sont au cœur du développement économique de nos territoires. (M. Jean Lassalle applaudit.)
    Bien entendu, le Gouvernement a mis en place des dispositifs de soutien indispensables, à commencer par le chômage partiel, qui offre une bulle d’oxygène mais qui ne peut rester que temporaire. Il y a aussi le prêt garanti par l’État, certes, mais comment faire pour le rembourser compte tenu de l’arrêt partiel voire total des activités depuis le mois de mars ? Je pense aussi aux reports de loyers pour quelques mois, mais quid de ceux qui remboursent des crédits ? Les charges de fonctionnement, elles, ne sont pas reportées. De même, il n’y a ni report ni annulation même partielle des taxes foncières pour la période où l’activité a cessé.
    Sans activité, les pertes d’exploitation sont telles que de nombreuses TPE seront incapables de rembourser loyers, emprunts accumulés et charges même après leur report. Elles sont étranglées par ces dettes qui grossissent de jour en jour.
    Les députés du groupe Les Républicains demandent depuis des mois des annulations de charges beaucoup plus massives pour les TPE et PME. Cela doit être la priorité dans vos choix de dépenses publiques. Sans ces annulations de charges, vous préparez des dépôts de bilan et des faillites en cascade. Aussi, êtes-vous prêt à engager de plus fortes annulations de charges ?
    Par ailleurs, les aides que vous proposez sont versées sous condition d’un chiffre d’affaires maximal, mais en aucun cas il n’est tenu compte du bénéfice, qui est réellement touché. Ce point est d’une importance capitale : pour le bien de ces acteurs, pouvez-vous revenir sur ce critère, et au lieu du chiffre d’affaires, prendre comme référence le bénéfice effectivement réalisé ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur plusieurs bancs du groupe Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises.

    M. Alain Griset, ministre délégué chargé des petites et moyennes entreprises

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    Merci de rappeler ce beau slogan : « l’artisanat, première entreprise de France ».

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Jusque-là, ça va !

    M. Alain Griset, ministre délégué

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    Les artisans, les commerçants, les professionnels libéraux et les PME sont au cœur de l’action menée par le Gouvernement depuis le confinement ; je crois pouvoir dire que la France est le pays qui a instauré les dispositifs les mieux adaptés à ces entreprises.
    Néanmoins, beaucoup d’entre elles rencontrent des difficultés. Vous avez cité les loyers ; Bruno Le Maire et moi-même examinons cette question. Par ailleurs, au fur et à mesure de l’avancée de la pandémie, nous travaillons avec les différents secteurs touchés. Nous avons pris des décisions spécifiques ; ainsi, lorsque des entreprises, par exemple des restaurants, ont dû cesser leur activité par décision de l’État, la somme versée par le fonds de solidarité pour compenser la perte de recettes est passée de 1 500 à 10 000 euros.
    Toutes ces mesures visent à soutenir les entreprises, afin qu’elles traversent ce moment de crise douloureux. Nous adaptons nos politiques aux besoins.
    Permettez-moi de signaler que nous agissons aussi dans le respect des règles budgétaires. Vous connaissez l’état de nos finances publiques. Nous comptons sur votre soutien à tous, mais aussi sur votre compréhension : nous ne pouvons pas aller au-delà de ce que nous avons fait, qui est déjà beaucoup. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    M. le président

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures cinq.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    3. Mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques

    Vote solennel

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle les explications de vote et le vote, par scrutin public, sur l’ensemble du projet de loi relatif aux conditions de mise sur le marché de certains produits phytopharmaceutiques en cas de danger sanitaire pour les betteraves sucrières (nos 3298, 3358).

    Explications de vote

    M. le président

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    Dans les explications de vote, la parole est à Mme Delphine Batho.

    Mme Delphine Batho

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    Je ne vous cache pas ma sincère émotion. Cette émotion, que partagent certains collègues ainsi que d’anciens députés, se fait ressentir à quelques minutes d’un vote qui tourne le dos à des années de travail et de combat aux côtés des apiculteurs et de centaines de milliers de citoyens qui se sont mobilisés pour obtenir l’interdiction des néonicotinoïdes.
    De fait, ce sont vingt-six ans d’efforts pour faire reconnaître les vérités scientifiques sur les impacts monstrueux de ces poisons qui seront remis en question par ce projet de loi de réhabilitation des néonicotinoïdes, et ce pour des enjeux économiques de court terme.
    Ce texte intervient au moment même où l’économie mondiale a dû être mise à l’arrêt et se trouve en récession en raison d’une pandémie dont l’état des connaissances scientifiques nous dit qu’elle est certainement liée à la destruction massive des écosystèmes, laquelle permet à des virus de franchir des barrières d’espèces.
    Au-delà de tous les enjeux politiques, l’orientation que le Gouvernement propose au Parlement est bouleversante. On se demande comment une telle aberration, qui consiste à remettre sciemment dans la nature un poison qui tue les abeilles, les oiseaux ou les papillons, et qui continuera de produire des effets bien au-delà de cette législature, pourra être assumée aussi bien politiquement que moralement.
    Depuis l’autorisation des néonicotinoïdes dans les années 1990, 85 % des populations d’insectes qui peuplent les campagnes de France ont disparu en moins d’un quart de siècle, tandis qu’un tiers des oiseaux des champs se sont éteints en moins de quinze ans. Ces chiffres donnent le vertige.
    La voilà, la véritable pénurie qui menace notre souveraineté et notre sécurité alimentaires : elle est celle des pollinisateurs et des insectes. Elle produit une nature morte et vide de toute cette richesse du vivant qui fait la beauté de nos paysages et travaille gratuitement avec nos agricultrices et nos agriculteurs.
    Avec ce projet de loi, nous avons beaucoup parlé de la betterave à sucre, mais sans donner droit à l’intérêt général ni voix au chapitre à toutes les autres productions agricoles ; je pense, bien sûr, à l’apiculture, mais plus généralement à toutes les grandes cultures qui dépendent de la pollinisation et présentent déjà une évolution défavorable de leurs rendements, faute de pollinisateurs.
    Qu’à cela ne tienne, des semences enrobées de néonicotinoïdes, contenant des produits tellement dangereux qu’ils ont été interdits non seulement en France mais dans l’Union européenne, seront utilisés sur 400 000 hectares, sans même que l’on sache si les conditions propices aux infestations de pucerons et à la jaunisse ne se reproduiront pas.
    Un moineau passe et mange une ou deux graines de semences mal enfouies : il est tué instantanément !
    En outre, 80 à 98 % du poison contenu dans les semis néonicotinoïdes part dans le sol et dans les eaux. Une abeille passe et boit dans une flaque : elle meurt instantanément ! D’autres vont butiner les pissenlits ou les colzas à des centaines de mètres voire à des kilomètres de là : elles ramèneront des néonicotinoïdes dans la ruche alors que des quantités infimes, de l’ordre de 0,005 nanogramme par jour, suffisent à multiplier par deux le taux de mortalité au sein de la colonie.
    Ce désastre durera pendant des années car ces poisons s’accumulent et leur rémanence dépasse les vingt ans.
    Au cours du débat d’hier, nous avons entendu, médusés, certaines argumentations contestant ces vérités scientifiques. Mais nier l’évidence de la dangerosité des néonicotinoïdes pour la biodiversité est aussi obscurantiste que de nier la responsabilité des émissions de gaz à effet de serre liées aux activités humaines dans le changement climatique.
    Quant à la situation de la filière de la betterave à sucre, il existait un autre chemin. Mais vous avez écarté toutes les propositions que nous avons faites pour indemniser les pertes des agriculteurs et leur assurer des revenus garantis, conditionnés à une évolution des pratiques vers l’agro-écologie. La réhabilitation des néonicotinoïdes a été justifiée par un argument roi, s’apparentant à un chantage : celui du spectre d’une pénurie de sucre alors que la France est très largement exportatrice.
    Le groupe Écologie démocratie solidarité appelle à un vote de conscience et de lucidité sur l’urgence climatique dans laquelle nous sommes. C’est la raison pour laquelle nous avons demandé un vote solennel. À l’Assemblée nationale, il y a des votes qui échappent à la logique partisane car ils constituent des choix éthiques. Nous appelons chaque député à s’émanciper des camps, à faire le choix de la survie du vivant, à voter pour les abeilles, les papillons et les oiseaux. (Applaudissements sur les bancs du groupe EDS ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM, SOC et LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Baptiste Moreau.

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    Nos débats passionnés et passionnants ont témoigné de la dimension symbolique que revêt la problématique des néonicotinoïdes. Cette question se trouve en effet à la croisée de deux grands objectifs que nous partageons toutes et tous au sein de la majorité présidentielle. Il s’agit, d’une part, de la préservation de notre souveraineté alimentaire nationale et européenne ; la crise sanitaire que nous traversons depuis de nombreux mois conforte cette nécessité et a permis de faire la lumière sur la résilience de notre agriculture. Et il s’agit, d’autre part, de la transition agro-écologique, nécessaire et même indispensable pour l’agriculture de notre pays.
    Sans revenir sur nos longs débats, je souhaite rappeler que ce projet de loi ne constitue pas une réautorisation pure et simple des néonicotinoïdes, mais une réponse pragmatique à la situation catastrophique dans laquelle se trouve la filière de la betterave sucrière française depuis de nombreux mois. Elle doit faire face à la prolifération du virus de la jaunisse et se situe dans une impasse technique monumentale depuis l’interdiction des néonicotinoïdes en 2018. C’est un fait : face à un hiver doux, puis à un printemps tempéré, les betteraviers n’ont pas réussi à endiguer cette maladie avec les produits de substitution dont ils disposaient et qui sont d’ailleurs, par de nombreux aspects, plus dangereux que les néonicotinoïdes, car leur pulvérisation a détruit toute vie sur un certain nombre de parcelles.
    Cette filière qui emploie environ 40 000 personnes, qui regroupe cultures et sucreries, agriculteurs et industriels, cette filière qui produit l’alcool utilisé par notre parfumerie – l’une des plus reconnues au monde – et qui, au début de la crise actuelle, s’est ainsi mise à fabriquer en masse des gels hydroalcooliques, cette filière se trouve dans une situation catastrophique. Si nous ne faisons rien, elle est condamnée à disparaître : face aux aléas climatiques, et à défaut d’autre solution, nos agriculteurs décideront de planter autre chose que de la betterave. Les indemniser n’est pas la question. Un agriculteur ne se lève pas le matin pour savoir quelles subventions il va toucher à la fin du mois, mais avec l’espoir, que nous devons nourrir, de vivre dignement de la vente des produits qu’il aura cultivés dans le respect de l’environnement.  
    Encore une fois, le projet de loi que nous allons voter n’a pas vocation à réintroduire les néonicotinoïdes : l’enrobage des semences de betterave sucrière ne concerne que 10 % des usages qui en étaient faits avant 2016, et dont 90 % resteront donc interdits. De plus, le ministre a apporté des garanties concernant leur rémanence, puisque la filière s’est engagée à ne pas cultiver de plantes mellifères dans les deux ans suivant la plantation de betteraves, afin d’éviter que des pollinisateurs ne soient contaminés par les néonicotinoïdes.
    Le projet de loi n’entend pas nier le danger que présentent ces insecticides, mais l’encadrer strictement. Les travaux effectués en commission, puis en séance, ont abouti à un texte qui prévoit une utilisation restreinte à l’enrobage des semences, sous réserve d’un accord entre les ministres de l’agriculture, de la santé et de la transition écologique, et pour une durée limitée à trois ans au plus. Notre objectif demeure la transition agro-écologique, qui ne se fera pas sans les filières concernées et en premier lieu la filière de la betterave sucrière.
    Plus généralement, tous ces débats ne doivent pas laisser croire que notre agriculture serait seule responsable de la chute de la biodiversité, du réchauffement climatique, des atteintes à l’environnement, ainsi que nous avons pu l’entendre au cours de nos discussions. Partout dans le monde, elle est reconnue comme la plus durable. Pourquoi toujours montrer du doigt les pratiques de 400 000 agriculteurs et ne jamais s’interroger sur le mode de vie des 67 millions de Français ? Certes, nous avons connu cette année une recrudescence des pollinisateurs et la production de miel battra certainement des records, mais ce phénomène n’est pas dû à l’interdiction des néonicotinoïdes : il résulte de l’arrêt de toute activité humaine pendant deux mois et par conséquent de la baisse de la pollution.
    L’agriculture est une voie vers la reconquête de la biodiversité. Sa transition, sa mutation agro-écologique est enclenchée, mais le temps agronomique et agricole est plus long que le temps politique et médiatique. En tant que représentants de la nation, il est de notre devoir de calculer le rapport bénéfice-risque et de légiférer en fonction de l’intérêt général. C’est pourquoi le groupe La République en marche soutiendra ce texte, qui rend minime le risque lié à l’utilisation en faible quantité des néonicotinoïdes…

    Mme Bénédicte Taurine

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    Obscurantiste !

    M. Jean-Baptiste Moreau

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    …et sauve une filière essentielle à nos territoires en lui offrant des perspectives à court et moyen terme. (Applaudissements sur de nombreux bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Dive.

    M. Pierre Cordier

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    Un homme de terrain !

    M. Julien Dive

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    Ce qui nous amène à nous exprimer aujourd’hui sur ce projet de loi, c’est bien la situation de crise dans laquelle la filière de la betterave sucrière est plongée depuis plusieurs années : fin des quotas, chute des cours, distorsions de concurrence dues aux divergences normatives au sein même de l’Union européenne, et désormais crise sanitaire, car le virus de la jaunisse de la betterave ravage les productions.
    En France, chaque fermeture d’une sucrerie entraîne la suppression de 100, 200, 300, 400 emplois directs : autant de familles touchées, de territoires affectés, autant d’emplois industriels que nous ne restaurerons pas. Cette activité contribue à notre souveraineté économique et alimentaire ; elle nous évite d’avoir dans nos cuisines du sucre importé de piètre qualité.
    Par conséquent, délaisser cette filière reviendrait à abandonner des milliers de personnes, ainsi qu’une part de notre souveraineté. Ce serait un drame économique et social. Que les aficionados de la caricature outrancière,…

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Ah !

    M. Julien Dive

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    …qui soutiennent ce choix, l’assument : ce n’est pas le mien.
    Une économie sans industrie forte, sans agriculture forte, est une économie fragile, sans avenir. Pour autant, ces deux secteurs doivent affronter l’urgence environnementale et s’engager pleinement en ce sens. Opposer l’économie à l’écologie n’a aucun sens en 2020 : la transition vers l’agro-écologie constitue la preuve éclatante qu’elles sont conciliables. La transition, voilà l’essence même de la situation dans laquelle nous sommes. Transformer, muter, convertir ne se réalise pas en un claquement de doigts. L’adaptation nécessite des efforts, un peu de temps ; telle est l’ambition de ce texte.
    Ce projet de loi établit l’interdiction des néonicotinoïdes pour toutes les cultures mellifères et le fait que la filière de la betterave à sucre n’aura plus droit à une chance supplémentaire après 2023. Le message est clair : au boulot ! Au boulot pour accélérer la transition vers l’agro-écologie, pour accélérer la conversion au bio, pour fixer à la culture de la betterave un objectif de haute valeur environnementale.
    La période dérogatoire ne concernera que la filière de la betterave sucrière, c’est-à-dire trente départements et 1,6 % des champs exploités en France. Il ne s’agit pas d’autoriser de nouveau une substance active controversée dans les plus grandes régions apicoles de France, puisque la culture betteravière y est absente. Il ne s’agit pas des abeilles des territoires concernés, puisque, par définition, elles n’iront pas butiner des cultures non mellifères. En outre, contester ce texte, c’est ne prendre pour cible que l’enrobage des semences, alors que la filière s’est engagée à en réduire la proportion et que la pulvérisation affecte davantage les insectes auxiliaires.
    Ce sursis accordé à la filière sucrière doit être pour nous l’occasion de tirer une leçon de ce débat, de remettre en question notre façon de prendre des décisions abruptes. L’interdiction par la loi d’une substance active doit toujours prévoir des délais réalistes afin de trouver des alternatives, d’autres substances acceptables, d’autres techniques culturales, favorisant le bio-contrôle, en vue d’une pérennité économique et écologique. En bref, il faut s’assurer en amont de l’existence d’une alternative viable et, s’il n’y en a pas, accepter de prévoir une période de transition, ainsi que tous les moyens nécessaires. C’est de cette manière que nous arriverons à concilier écologie et économie, que nous mènerons à bien la transition vers l’agro-écologie de toutes les filières agricoles.
    L’interdiction unilatérale, sans concertation, sans propositions, ne conduit qu’à des impasses comme celle-ci. C’est la raison pour laquelle ce projet de loi, qui suscite chez plusieurs d’entre vous, chers collègues, des interrogations légitimes, constitue en réalité une occasion d’être plus exigeant avec la filière. J’en veux pour preuve la création du conseil de surveillance chargé du suivi et du contrôle de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives : il sera composé de parlementaires, de chercheurs, de représentants des associations de protection de l’environnement, mais aussi des apiculteurs. Hier soir, au cours de nos débats, nous avons voulu les y associer. Ils traversent eux-mêmes une période difficile et le sujet les concerne : leur place était au sein de ce conseil.
    Les pollinisateurs sont essentiels à notre biodiversité et à notre souveraineté ; pour autant, ne tombons pas dans la caricature en nous en prenant uniquement aux agriculteurs et en les accusant d’être des tueurs d’abeilles. Les véritables fautifs sont ceux qui n’ont pas eu de vision à long terme, si bien qu’ils ont débouché dans des impasses, opposé des filières entre elles, et pour finir retardé la transition.
    Même si la majeure partie du groupe Les Républicains votera en faveur de ce texte, nous sommes attachés à la liberté du vote individuel, qui nous rappelle que nous ne nous perdons pas dans nos certitudes et que le doute a un rôle à jouer dans toute décision saine. Ce projet de loi n’est pas un blanc-seing, mais une dernière chance pour la filière – dernière chance exigeante. Nous avons trois ans pour trouver une alternative, trois ans pour accompagner cette transition et en finir avec les néonicotinoïdes, trois ans pour préserver les emplois industriels de nos territoires. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Millienne.

    M. Bruno Millienne

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    Je l’ai dit hier : ce vote ne sera ni évident, ni facile. Il est toutefois nécessaire, et j’en appelle à votre responsabilité à tous : voulons-nous condamner une filière victime des choix politiques irresponsables qui ont été faits il y a quatre ans ?
    En tant que législateurs, nous devons nous en tenir à une ligne claire : pas d’interdiction sans solution. Celle des néonicotinoïdes a été décidée en 2016, sans qu’aucune autre solution viable n’existe. Quatre ans plus tard, nous voici dans une situation sans issue qui a conduit les betteraviers à utiliser des insecticides encore plus dangereux, les désormais bien connus pyréthrinoïdes. Tandis que les néonicotinoïdes n’étaient autorisés que sous forme d’enrobage de la graine, se diffusant ensuite dans la plante, les pyréthrinoïdes sont appliqués par pulvérisation et détruisent indistinctement tous les insectes qui se trouvent alors à la surface du plant, coccinelles ou pucerons – dont un grand nombre prolifère d’ailleurs à l’abri des feuilles. Nous ne pouvons continuer à adopter dans cet hémicycle des interdictions qui paraissent louables et de bon aloi mais dont les conséquences se révèlent encore plus néfastes que la pratique originelle.

    M. Patrick Mignola

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    C’est vrai !

    M. Bruno Millienne

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    L’accompagnement est en effet le maître mot d’une transition écologique réussie. Si la transition vers une agriculture sans pesticides doit être entreprise avec sincérité et résolution, elle ne peut raisonnablement faire l’impasse sur le principe de réalité. Ce projet de loi ne propose donc qu’une solution à court terme, qui vise à contrecarrer des pratiques catastrophiques pour la biodiversité. Cette solution répond également à une urgence : toutes les régions productrices françaises sont touchées par le virus de la jaunisse de la betterave ; la perte de rendement peut atteindre 20 % à 40 % pour les parcelles les plus touchées. Cette situation incite les agriculteurs à ne pas replanter de betteraves sucrières. Nous risquons ainsi de les voir, en 2021, massivement délaissées au profit d’autres cultures, ce qui pourrait entraîner la fermeture de nombreuses sucreries et, à terme, la disparition de la filière betteravière.
    Il faut donc réfléchir à des alternatives plus respectueuses de l’environnement. Les chercheurs de l’INRAE, l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement, travaillent depuis des années à la mise au point de pratiques durables : changement du système de culture, faux semis avant implantation, rotation de cultures beaucoup plus longues, parcelles plus petites, accroissement de la biodiversité, recours aux prédateurs des pucerons. Des alternatives sont donc en cours d’élaboration, mais encore trop peu abouties pour être utilisées efficacement par les agriculteurs. La recherche prend du temps et nécessite beaucoup de moyens. Néanmoins, grâce au plan de relance et aux investissements massifs, 5 millions d’euros viennent d’être débloqués en vue de la recherche de solutions efficientes qui nous éviteront, dans trois ans, une nouvelle impasse.
    Rappelons que le groupe Mouvement démocrate (MoDem) et démocrates apparentés a fait adopter en commission, avec d’autres groupes, des amendements instituant un conseil de surveillance chargé du suivi de la recherche et de la mise en œuvre d’alternatives aux produits phytopharmaceutiques comportant des néonicotinoïdes. Nous sommes convaincus que l’éradication des populations de pucerons ne sera possible, à terme, qu’en recourant à l’agro-écologie et entre autres aux haies bocagères, véritables réservoirs de biodiversité, en particulier de prédateurs des pucerons. Sept ou huit ans suffisent pour enrichir le paysage d’une haie de belle taille. Nos concitoyens y sont très sensibles, car ces haies sont bien visibles et ont un effet perceptible sur la biodiversité, permettant l’installation de nouvelles populations d’insectes utiles. Monsieur le ministre, profitons donc de l’actuelle réforme de la PAC, la politique agricole commune, pour inciter les agriculteurs à se tourner vers d’autres méthodes, telles que les haies bocagères.  
    L’agriculture s’inscrit dans le temps long : elle nécessite un accompagnement durant plusieurs années. C’est pourquoi nous considérons qu’il est indispensable de proposer une politique à long terme, par exemple un soutien et une restructuration de la filière apicole ou la création d’espaces Natura 2000 visant à favoriser l’installation de ruches et la production d’un miel français. Il importe d’accompagner ce projet de loi de politiques publiques globales, destinées d’une part à encourager la restructuration de nos paysages par des haies, d’autre part à soutenir les apiculteurs, auxquels il est de notre devoir d’adresser des signaux positifs. Dans cette attente, nous voterons en faveur du texte qui nous est soumis. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem et sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Dominique Potier.

    M. Dominique Potier

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    Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, vous avez évoqué hier la mémoire de Jean Jaurès en citant cette phrase fameuse : « Le courage, c’est d’aller à l’idéal et de comprendre le réel. » Comprendre le réel, c’est admettre une vérité qui peut tous nous déranger. Il vient d’être dit de multiples façons à la tribune qu’il nous faut trois ans de transition. Or, en 2016 a été votée une loi qui a fixé une limite. Depuis lors, nous avons eu quatre ans, et qu’avons-nous fait ? (M. Thierry Benoit applaudit.) Il y a eu quelque incurie partagée, du fait de l’État, en partie peut-être aussi du monde paysan et de la filière, ainsi que de nos organisations collectives de marché, qui ont failli. Si nous ne faisons pas cet examen de vérité, nous ne sommes pas prêts à engager la transition qui vient.
    La première responsabilité, monsieur le ministre, consiste à avoir mis en panne un plan Écophyto supposé résoudre à la source l’agri-bashing, les controverses et les polémiques qui sont autant de freins empêchant la France d’être le leader de l’agro-écologie qu’elle devrait être. Cette panne d’Écophyto dans les trois années qui viennent de s’écouler, c’est notre responsabilité – c’est la vôtre. Il est urgent de remettre en route ce processus, car le conseil de surveillance que vous avez évoqué concerne une molécule, une culture et 400 000 hectares : si nous devons déployer ce modèle à l’échelle de la France, il faudra soixante-dix de ces conseils ! Je préfère donc un plan Écophyto démocratique, transparent et efficient, exprimant la puissance publique et privée de notre pays et tourné vers les marchés du futur.
    Le groupe Socialistes et apparentés n’a pas voulu opposer la dignité de tous les travailleurs de la terre et poursuit l’ambition non seulement d’assurer la souveraineté alimentaire de notre pays, mais aussi – et je préfère cette expression – de contribuer à une sécurité alimentaire mondiale où la France doit prendre toute sa place et de protéger cette assurance-vie que représente la biodiversité.
    En voulant concilier ces trois impératifs, nous avons conçu un « plan B » comme un processus associant des innovations de marché : une filière fabriquant un sucre qui, dans dix ans, portera pour 50 % une mention valorisante ; une révolution économique et sociale créant, par la solidarité, une véritable force dans les marchés du futur ; une contribution de la part d’une filière qui a bénéficié de l’écroulement des prix et acheté sa matière première deux fois moins cher pendant les trois dernières années ; une contribution volontaire obligatoire qui crée les conditions d’une assurance collective ; enfin, une réforme du Fonds national agricole de mutualisation du risque sanitaire et environnemental et du Fonds national de gestion des risques en agriculture. Ces réformes permettraient, à court terme, non seulement de disposer de la ressource, mais aussi d’assurer l’indemnisation totale de 100 % des pertes causées par le puceron et la jaunisse, d’engager la transition écologique que nous souhaitons et de prendre en charge le déficit de l’industrie sucrière, dont les charges fixes sont très importantes et qui doit être compensé à cet effet.
    Tout cela n’est possible que mis au service d’une troisième révolution, laquelle est une innovation agro-écologique combinant sept techniques. Je n’en citerai que trois : le criblage génétique, qui est le choix des variétés ; l’écologie chimique, par l’addition des variétés et, au-delà, par le mélange des espèces ; le changement de nos mosaïques paysagères. Cette troisième technique me semble être la plus grande promesse, à moyen et long terme.
    En combinant ces innovations de marché et commerciales, une innovation économique et sociale et la transition agro-écologique, nous pourrons créer les conditions d’une filière durable – qui ne pourra cependant l’être qu’à la condition que nous réformions les marchés. Nous avons, pour ce faire, deux outils sous-utilisés, que je vous invite, monsieur le ministre, à mettre en œuvre. Le premier est celui des organisations de producteurs : les grandes régions françaises qui produisent de la betterave doivent s’organiser non seulement pour fixer un prix de base, comme le prévoient la loi Sapin 2 – la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique – et la loi EGALIM – la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine et durable –, mais elles doivent aussi pouvoir réguler à nouveau le marché, avec des instruments nouveaux, sans quoi tous nos discours seront vains et nous irons de crise en crise. Nous devrons également encourager une réforme de l’organisation commune des marchés à l’échelle européenne ; j’attends de vous, monsieur le ministre, que vous la souteniez dès demain.
    Nous devons, mes chers collègues, nous inscrire dans le récit d’une seule santé, seul récit qui permette de réconcilier les hommes, la nature et l’économie. Une seule santé, c’est le pari que la santé de l’homme dépend de la santé des végétaux, de celle des animaux et de celle du sol, et qu’il s’agit là d’un seul combat. Ce combat, nous le disons en tant que socialistes, nous ne pouvons pas le mener sans justice. C’est pourquoi nous avons engagé autant de réformes économiques et sociales que de réformes écologiques. Une seule santé, c’est le pari que nous faisons aujourd’hui. C’est ce qui pourrait nous rassembler et c’est pourquoi nous vous invitons à voter contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. Antoine Herth.

    M. Antoine Herth

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    Je veux d’abord saluer l’initiative du Gouvernement, qui a répondu aux appels de détresse de la filière française de la betterave, confrontée aux ravages de la jaunisse. Malgré les polémiques et les postures qui caractérisent trop souvent les débats sur les questions environnementales – et ce texte n’a pas fait exception –,…

    Mme Mathilde Panot

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    Ce ne sont pas des postures, c’est la science !

    M. Antoine Herth

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    …vous avez, monsieur le ministre, fermement maintenu le cap. De même, la précision de vos réponses a largement contribué à la qualité de nos débats, et je vous en remercie.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Quel obscurantisme !

    M. Antoine Herth

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    Député du Bas-Rhin, élu d’un territoire où se trouve la sucrerie d’Erstein, je mesure l’ampleur des menaces qui pèsent sur cette filière. Nous savons malheureusement que la perte de 10 % à 15 % de la surface de betterave signifierait l’arrêt de l’usine, incapable de couvrir ses charges de structures, et entraînerait la suppression de dizaines d’emplois. Les agriculteurs ne pouvaient attendre une année de plus – ou davantage, en fonction de l’évolution de la recherche – pour trouver une solution en termes de contrôle des attaques de pucerons. La seule indemnisation des pertes financières n’est pas non plus la bonne piste, car il faut d’abord assurer la survie d’un outil industriel et sa capacité d’approvisionnement, question d’une très grande actualité à l’heure des relocalisations. N’oublions pas, en effet, que la filière sucrière a récemment encore démontré son caractère stratégique en lançant au pied levé la fabrication de gel hydroalcoolique, alors que nous manquions de tout, au plus fort de la crise du covid-19.
    Sur le plan législatif, ce projet de loi est un progrès sensible par rapport aux modalités strictes d’interdiction des néonicotinoïdes adoptées en 2016. Il permet en effet de rouvrir la voie à une dérogation, prévue à l’article 53 du règlement européen 1107/2009 afin de parer à une situation sanitaire urgente. Sans ce recours face à une menace imprévisible, nous nous serions trouvés dans un cas typique de surinterprétation de la réglementation européenne, pratique souvent dénoncée par les acteurs économiques et qui nous a placés dans une impasse technique.
    Européen convaincu, j’ai toujours défendu la hiérarchie des normes entre ce qui relève du droit européen et ce qui est du ressort du législateur national. Dans le même esprit, je regrette que, trop souvent, le Parlement cherche à se substituer au pouvoir exécutif en légiférant sur des dispositions qui sont, de toute évidence, d’ordre réglementaire. Faut-il, dès lors, s’étonner que ces pratiques nous amènent régulièrement dans un corner,…

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Parlez français !

    M. Antoine Herth

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    …surtout lorsque la nature résiste à nos injonctions et à nos coups de menton ? En revanche, il est sage de renforcer le rôle de contrôle du Parlement. C’est bien ce que prévoit ce projet de loi en instituant une commission de suivi des dérogations, et je m’en félicite.
    La réponse apportée dans l’urgence à une situation sanitaire critique ne doit pas nous exonérer de l’obligation de mobiliser l’ensemble des savoirs français et européens pour trouver et mettre en œuvre des techniques durables afin d’accompagner la transition de notre modèle de production et de nous passer définitivement des néonicotinoïdes. À terme, seules des solutions agro-écologiques garantiront la résilience de l’agriculture française face au changement climatique, tout en lui permettant de mieux répondre aux attentes des consommateurs.
    À l’instar de notre collègue Dominique Potier, je crois qu’il nous faut sans tarder imaginer la suite du plan Écophyto, mais cela suppose aussi que nous fassions enfin confiance à la capacité d’innovation et d’adaptation des agriculteurs. Je sais, monsieur le ministre, que vous en avez l’ambition et le talent. Aussi le groupe Agir ensemble votera-t-il majoritairement en faveur du projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens ainsi que sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. Thierry Benoit.

    M. Thierry Benoit

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    Ce texte est très important. Sans refaire la genèse de ce dossier, je tiens à rappeler, pour avoir participé alors à ces débats, que, voilà quatre ans, Mme Pompili nous a demandé avec insistance de mettre un terme à l’usage des néonicotinoïdes en France.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Où est-elle, aujourd’hui ?

    M. Thierry Benoit

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    La question est très sensible, et le dossier est compliqué et grave. À l’époque, je m’étais abstenu. J’avais laissé passer cette proposition de loi, considérant que les produits phytosanitaires, et tout particulièrement l’usage des néonicotinoïdes, soulevaient un problème. De fait, j’étais déjà sensibilisé au problème de la pollinisation et au travail réalisé par les apiculteurs, ainsi qu’à la fragilité de la biodiversité dans le monde et en France. Nous voici aujourd’hui confrontés à la dure réalité du terrain – et Mme Pompili avec nous.

    Plusieurs députés du groupe GDR

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    Non, elle n’est pas avec nous !

    M. Thierry Benoit

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    Comme hier, je regrette qu’elle ne soit pas présente pour entendre nos conclusions. Mais j’ai la satisfaction de vous voir, monsieur le ministre – vous, Julien Denormandie, ingénieur agronome, ministre de l’agriculture. Vous êtes ici à votre place légitime. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-I, LaREM et Dem.)

    M. Pierre Dharréville

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    Ce n’est pas la question !

    M. Thierry Benoit

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    J’ai exprimé hier mes observations personnelles. Comme celle de bon nombre de groupes, la position du groupe UDI et indépendants sera variée : il y aura des votes pour ce texte, des abstentions et des votes contre. À titre personnel, je voterai contre, et je vais m’en expliquer en conscience. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)
    Je regrette en effet que les députés soient conduits à confier au Gouvernement une délégation pour signer durant trois années successives des arrêtés permettant de déroger à l’interdiction d’utilisation des néonicotinoïdes. J’aurais préféré – tel était le sens d’un amendement que j’ai défendu hier – que les députés décident d’accorder une dérogation d’un an à l’interdiction : vous auriez, pendant ce délai, travaillé avec l’INRAE, l’Institut technique de la betterave et les industriels de la filière, et vous seriez revenus rendre compte devant les parlementaires, avec Mme Pompili et le ministre de la santé. Peut-être alors, dans un an, si la réalité du terrain le nécessitait, aurions-nous donné à ce dispositif une perspective supplémentaire.
    Il est encore un deuxième point qui m’interpelle, et à propos duquel je vous avoue que je ne suis pas encore convaincu, malgré l’instauration d’un conseil de surveillance chargé de mener un travail consciencieux. J’ai, en effet, de très grandes craintes quant à la rémanence, la persistance de traces de néonicotinoïdes dans les sols et dans les eaux superficielles et souterraines. C’est là un vrai problème.
    Je souhaiterais aussi que, dans ce dossier, on parle beaucoup plus du rôle moteur que devrait jouer la France au niveau européen en vue d’une harmonisation stratégique de l’arrêt de l’utilisation des néonicotinoïdes. Il est en effet problématique de nous expliquer ou d’expliquer à nos concitoyens que nous sommes obligés de poursuivre cet usage parce que nos amis belges ou polonais vont continuer à structurer leur filière industrielle du sucre sans se préoccuper de cette utilisation.
    Monsieur le ministre, même si l’objectivité me commande de dire que j’ai bien compris votre souhait de mettre en œuvre un plan stratégique de soutien à l’apiculture française, j’observe que les débats ont très fortement mis l’accent sur l’industrie du sucre et sur les producteurs de betterave, mais pas assez sur la nécessité d’encourager et de soutenir l’apiculture française et européenne. Faut-il rappeler que les néonicotinoïdes sont sept mille fois plus toxiques pour les abeilles que le dichlorodiphényltrichloroéthane, le fameux DDT ? Qu’en France, la mortalité des abeilles atteint 30 % chaque année ? Que la production française de miel a reculé de moitié en vingt-cinq ans ?

    Mme Mathilde Panot

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    Eh oui ! Vous avez raison de le rappeler !

    M. Thierry Benoit

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    Que 80 % des insectes volants ont disparu au cours de la même période ? Que 30 % de la population d’oiseaux ont disparu en quinze ans ? (Applaudissements sur les bancs des groupes UDI-I et FI, ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC, EDS, LT et GDR.)  

    M. Pierre Cordier

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    Il n’y a pas de fleurs sur les betteraves !

    M. Thierry Benoit

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    On en pense ce qu’on veut, mais la situation m’interpelle.
    Quatre ans plus tard, au vu de l’état écologique de la planète, les députés auraient dû décider eux-mêmes plutôt que de déléguer ce pouvoir au Gouvernement.
    Pour toutes ces raisons, je voterai à titre personnel et en conscience contre le projet de loi ; certains de mes collègues du groupe UDI-I voteront contre également, d’autres pour, d’autres encore s’abstiendront. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes UDI-I, SOC et FI.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    Depuis trois ans que je siège dans cet hémicycle, je vous ai étudiés attentivement et c’est avec une grande fierté que je vous présente aujourd’hui le fruit de mes observations. J’ai sobrement intitulé mon propos « Petit manuel d’antidémocratie : trucs et astuces pour museler l’opposition ». (Murmures. – M. Loïc Prud’homme applaudit.)

    M. Florian Bachelier

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    Parole d’experte !

    Mme Mathilde Panot

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    J’ai décidé de vous rendre service : à chacun de nos désaccords, il vous suffira de relire mon intervention et de piocher dans les astuces suivantes.
    Première astuce : débattre des pesticides la nuit, toujours en catimini. C’est avec cette méthode que vous avez refusé l’interdiction du glyphosate – par un vote à quatre heures trente du matin, un samedi, dans un hémicycle désert ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. Erwan Balanant

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    À qui la faute ?

    M. Fabien Di Filippo

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    Ce n’est pas le cas aujourd’hui !

    Mme Mathilde Panot

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    Après tout, pourquoi attendre la présence dans l’hémicycle d’une grande partie des parlementaires pour légiférer sur des sujets délicats ?

    Mme Caroline Fiat

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    Eh oui !

    Mme Mathilde Panot

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    C’est également ce qui s’est passé hier soir lors de la discussion sur les pesticides tueurs d’abeilles, qui s’est prolongée jusqu’à deux heures trente du matin.

    Mme Caroline Fiat

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    Exactement !

    Mme Mathilde Panot

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    Deuxième astuce : faire passer directement les éléments de langage et les amendements du Gouvernement aux députés de la majorité. Vous avez raison : on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.) Il suffit pour le Gouvernement d’envoyer aux députés du groupe La République en marche des questions qui, de préférence, célèbrent les louanges de sa politique et des amendements qui vont dans son sens… Mais attention, collègues : pensez bien à modifier l’exposé des motifs, sans quoi vous risqueriez de paraître un peu ridicules ! (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.)
    Troisième astuce : demander un second vote lorsqu’on désapprouve le premier. Vous avez adopté cette technique la semaine dernière encore : l’Assemblée avait rejeté un recul de la démocratie environnementale le mercredi mais un nouveau vote a eu lieu le vendredi. Cette astuce présente l’avantage que demander un second vote suffit à faire comprendre aux députés de la majorité que le premier n’était pas le bon. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI et EDS.) Au fond, c’est aussi ce à quoi nous assistons aujourd’hui au sujet des néonicotinoïdes, interdits en 2016 en raison de leur dangerosité et en passe d’être à nouveau autorisés quatre ans plus tard. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.)
    Quatrième astuce : mentir, tout simplement. Annoncer la fin du glyphosate tout en refusant l’ensemble des amendements qui visent à l’interdire ; prétendre reprendre sans filtre les propositions de la convention citoyenne pour le climat puis enterrer les propositions qui nuisent le plus au bon fonctionnement du libéralisme. (Mêmes mouvements) ; ou encore proclamer haut et fort que vous êtes contre les néonicotinoïdes et voter en leur faveur. (Mêmes mouvements.)
    Cinquième astuce : faire diversion dès que possible. Cette astuce est à utiliser sans modération. Inviter Greta Thunberg le jour du vote du traité de libre-échange avec le Canada, dit CETA ;…

    Mme Caroline Fiat

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    Il fallait le faire, quand même !

    Mme Mathilde Panot

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    …ou encore, pendant que le vivant s’effondre et que le dérèglement climatique s’aggrave, parler du nombril des jeunes filles, de séparatisme et – sujet gagnant à tous les coups – des musulmans. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI. – Mme Karine Lebon applaudit également.)
    Sixième astuce : vous faire passer pour des pragmatiques. C’est votre astuce préférée : vous l’avez copieusement utilisée pendant l’examen de ce projet de loi. Il vous suffit de dépeindre les députés de l’opposition comme des rêveurs, des irresponsables qui tiennent des « propos d’estrade », et de vous présenter comme les réalistes qui, les pieds sur terre, prennent des décisions rationnelles. Ne dites surtout pas que vous avez écouté les lobbies ! Préférez dire que vous êtes « contraints de faire ce que vous faites en vertu du principe de réalité ». Employez un sophisme classique : si l’opposition est contre la réautorisation des néonicotinoïdes, c’est qu’elle est pour la fin de l’industrie sucrière en France et pour la mise à mort des producteurs de betteraves. En somme, au-delà de la réautorisation de ces pesticides, point de salut !
    Votre « pensée complexe » va même plus loin : en réalité, il faut être contre les néonicotinoïdes mais pour le texte qui les réautorise. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.) Il ne faut pas hésiter à affirmer que ce texte marque la fin de l’autorisation des pesticides tueurs d’abeilles, alors qu’il les réintroduit.
    Vous me suivez ? Tant mieux.

    Un député du groupe LaREM

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    C’est du théâtre mal joué !

    Mme Mathilde Panot

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    Hélas, je crains que ce manuel et ces astuces, aussi utiles soient-elles, n’éclipsent pas totalement la réalité de ce que vous êtes en train de faire. Vos arguments d’autorité n’y changeront rien, monsieur le ministre. Oui, nous avons bien compris que vous possédez un diplôme d’ingénieur des eaux et forêts mais, comme Mme la ministre Barbara Pompili – qui a brillé par son absence pendant nos débats – le disait en 2016, lors du vote en faveur de l’interdiction des néonicotinoïdes, « nous ne pourrons pas dire que nous ne savions pas » ! Oui, nous savons et vous savez aussi ! Vingt ans d’études scientifiques prouvent la dangerosité, pendant des dizaines d’années, des néonicotinoïdes pour les abeilles, les sols, l’eau, la biodiversité et la santé humaine. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.) Nous savons que 80 % des insectes européens ont disparu en trente ans et que sans pollinisateurs, 85 % des cultures sont en danger – et notre souveraineté alimentaire avec ! Nous savons que ce vote menace la place de la France sur la scène internationale, alors qu’elle avait mené une politique exemplaire d’interdiction de ce poison. Nous savons que ce texte aura des effets sur les générations futures, notamment sur le développement du cerveau de l’enfant.
    Oui, nous savons et nous pouvons faire autrement. Il faut de toute urgence planifier la bifurcation vers une agriculture paysanne et écologique. Nous voterons contre ce texte car il se traduira par un empoisonnement volontaire. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI et GDR.) S’il devait être adopté, nous adresserons un signalement à la Cour de justice de la République pour mise en danger de la vie d’autrui en connaissance de cause. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe FI.)
    Collègues, votez en conscience et soyez à la hauteur des enjeux du siècle ! Notre refus peut changer l’histoire. (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe FI. – Applaudissements sur les bancs du groupe GDR et sur plusieurs bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.
    La parole est à M. Hubert Wulfranc.

    M. Hubert Wulfranc

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    Votre texte ne convainc pas. En effet, si difficultés il y a dans la filière betteravière, elles sont dues, nous l’avons dit et répété, à la réforme de 2017 qui a supprimé les quotas sucriers. La libéralisation totale du marché du sucre, le choix de la surproduction organisée par les groupes sucriers et la chute des prix qui en a découlé pour les planteurs entretiennent plus encore l’obligation de rendement maximum qui les étrangle. Avec un prix de 20 euros par tonne, la betterave ne paie plus. En bout de chaîne, la restructuration des sucreries, des distilleries et des unités de transformation a d’ores et déjà commencé, bien avant la crise de la jaunisse. Tereos, Cristal Union et Saint-Louis Sucre, les trois principaux groupes sucriers installés en France, ont déjà fermé plusieurs unités de production.  

    M. Loïc Prud’homme

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    Eh oui !

    M. Hubert Wulfranc

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    D’autres ont été placées en arrêt partiel d’activité et je vous répète, monsieur le ministre, que certaines unités de production ont été mises sous cloche.
    Cette stratégie de libéralisation à tous crins a déjà produit ses effets sur le revenu et l’emploi des planteurs et des salariés de la filière. Des licenciements sont d’ores et déjà en marche. Et voilà qu’un aléa naturel intervient : la maladie de la jaunisse, transmise par le fameux puceron vert, est endémique et en lien avec les caractéristiques climatiques pendant la période de pousse des betteraves. Voilà qui suffirait à réintroduire temporairement l’usage des néonicotinoïdes, ce pesticide particulièrement dangereux, interdit en 2016 à l’échelle européenne ! Il est dangereux pour les insectes, pour les abeilles, pour la biodiversité et pour la santé humaine – même si, sur ces bancs, personne n’est capable de l’affirmer malgré l’état actuel des recherches, ce qui est scandaleux.
    Il s’agit d’un recul grave, contraire au droit français de l’environnement et malheureusement permis par la réglementation européenne, qui comportait dès 2016 une possibilité de dérogation qu’ont utilisée onze pays européens – c’est inqualifiable ! Nous mesurons là à quel point il y a loin de la coupe aux lèvres s’agissant de la promotion d’une agriculture plus propre, d’autant plus que dès 2016, l’agro-industrie betteravière a pesé de tout son poids contre l’interdiction des néonicotinoïdes. Notons que parallèlement, la recherche de solutions alternatives n’a pas bénéficié d’engagements suffisants pour aboutir et parer aux maladies auxquelles la betterave est exposée.
    Dans ces conditions, rejoindre le contingent des pays qui dérogent à l’interdiction constituerait la première marche vers un recul majeur. Une telle décision porterait de nouveau l’empreinte de toutes les tares liées à l’utilisation d’un tel pesticide, sans aucune certitude de pouvoir en sortir puisque le plan de recherche devant aboutir dans trois ans constitue déjà un tour de force, de l’aveu même des chercheurs.
    Rejoignant les voix de plusieurs groupes, nous pensons quant à nous qu’il y a lieu de compenser les pertes de récolte en accordant un soutien financier aux planteurs – sous une forme que vous dites avoir examinée avant d’y renoncer quoi qu’il en coûte. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur plusieurs bancs du groupe SOC.) C’est pourtant une voie raisonnable face à un aléa dont, cette année, l’intensité est forte, mais qui ne se reproduira pas automatiquement dans les années à venir. C’est en faveur d’une telle sage décision que l’effort de recherche doit être porté à la puissance dix, sans oukase sur le résultat.
    Surtout, cette filière doit faire l’objet d’un plan de rééquilibrage et de régulation de la production qui soit dégagé des griffes du marché et du productivisme. Les planteurs sont prêts à prendre cette trajectoire, à l’opposé des grands industriels sucriers. Elle permettrait de mieux répartir la valeur en faveur de ceux qui travaillent la terre et qui veulent continuer de la travailler proprement pour eux-mêmes et pour leur environnement.
    Monsieur le ministre, vous avez donné votre accord à la représentation de l’Institut de l’abeille au conseil de surveillance créé par votre texte, mais souhaitons que cette représentation ne soit pas l’œil de Caïn au fond de la tombe de la biodiversité ! (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et FI ainsi que sur plusieurs bancs des groupes SOC et EDS.)

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Falorni.

    M. Olivier Falorni

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    Accepter ce texte, c’est accepter une régression écologique. Accepter ce texte, c’est accepter un renoncement écologique. Accepter ce texte, c’est accepter un reniement écologique.
    Depuis le 1er septembre 2018, la France a interdit cinq substances de la famille des néonicotinoïdes utilisées dans le traitement des semences. Hier ou presque, en 2019, le Gouvernement a souhaité, par la loi EGALIM, aller plus loin en matière de protection de la santé et de l’environnement en interdisant des substances présentant le même mode d’action que ces néonicotinoïdes.
    Aussi pensions-nous que vous étiez non seulement conscients mais également convaincus de la nocivité de ces produits. Quelle ne fut pas notre consternation quand nous avons vu le sujet revenir sur la table au cours de l’été ! Consternation parce qu’après un pas en avant, vous faites deux pas en arrière. Consternation parce que les effets dévastateurs des néonicotinoïdes sur la biodiversité sont connus, étayés par un nombre important d’études, et reconnus par tous.
    Les néonicotinoïdes sont dangereux pour les pollinisateurs, pour tous les insectes et, plus largement, pour nos écosystèmes. Les recherches sur la gestion de l’eau ont par ailleurs confirmé la contamination durable des sols et des milieux aquatiques, même dans des zones non traitées.
    Bien sûr, nous connaissons les arguments visant à justifier leur réintroduction dans nos cultures : vous estimez que la filière sucrière est dans une impasse, vous craignez un effondrement de la production suite à la pandémie de jaunisse, vous redoutez des destructions d’emplois.
    Certains membres de mon groupe partagent d’ailleurs vos inquiétudes et considèrent que la réintroduction temporaire des néonicotinoïdes est la solution la moins mauvaise. Pour ma part, et à l’instar d’une majorité des membres du groupe Libertés et territoires, j’y suis fermement opposé, et nos débats d’hier n’ont fait que conforter cet avis.
    Tout d’abord, cette réintroduction emporte un risque important d’atteintes durables et étendues à la biodiversité. Ensuite, elle revient à ouvrir la boîte de Pandore. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur plusieurs bancs du groupe EDS.)

    Mme Mathilde Panot

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    C’est vrai !

    M. Olivier Falorni

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    Avec une légitimité égale à celle des betteraviers, d’autres cultures pourraient demander, dans un mois, six mois ou un an, à bénéficier de cette dérogation. Vous avez beau l’avoir limitée aux betteraves sucrières, nous ne sommes pas dupes : l’article pourra être supprimé au Sénat et, si ce n’est pas le cas, il sera très probablement censuré par le Conseil constitutionnel !
    Je tiens enfin à rappeler que la loi du 8 août 2016 – celle-là même qui avait prévu l’interdiction progressive des néonicotinoïdes, et en faveur de laquelle j’avais voté à l’époque – a également inscrit, en tête du code de l’environnement, le principe de non-régression. (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.) Ce faisant, elle engageait la protection de l’environnement dans une dynamique de progrès. Mais le texte dont nous discutons est-il autre chose qu’une régression ? Hélas, pire qu’une régression, il s’agit d’une lamentable marche arrière.
    J’en finirai en vous rappelant que le problème auquel nous faisons face n’est pas lié à des agriculteurs, mais à un modèle agricole. Ce sont la fin des quotas européens, la surabondance de la production mondiale et l’écroulement des cours mondiaux qui ont durablement affaibli la filière sucrière. Et c’est parce que nous n’avons pas suffisamment accompagné cette dernière ni investi dans la recherche de solutions alternatives que nous en sommes réduits à débattre de ce projet de loi.
    Une majorité du groupe Libertés et territoires, convaincue de la nécessité d’opter durablement pour des pratiques respectueuses de l’environnement, se prononcera contre la réintroduction de ce poison, et votera donc contre le projet de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI et sur quelques bancs des groupes SOC et LT. – M. Cédric Villani applaudit également.)

    M. le président

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    Mes chers collègues, avant de mettre aux voix le projet de loi, je vous rappelle que ce vote sera immédiatement suivi du scrutin public portant sur le projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique. Par conséquent, que personne ne bouge ! (Sourires.)

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble du projet de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        527
            Nombre de suffrages exprimés                471
            Majorité absolue                        236
                    Pour l’adoption                313
                    Contre                158

    (Le projet de loi est adopté.)
    (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Huées sur les bancs du groupe FI.)

    4. Accélération et simplification de l’action publique

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je vais maintenant mettre aux voix, par scrutin public, l’ensemble du projet de loi d’accélération et de simplification de l’action publique (nos 2750, 3347).

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        531
            Nombre de suffrages exprimés                445
            Majorité absolue                        223
                    Pour l’adoption                332
                    Contre                113

    (Le projet de loi est adopté.)
    (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-huit heures cinq, est reprise à dix-huit heures quinze, sous la présidence de M. Hugues Renson.)

    Présidence de M. Hugues Renson
    vice-président

    M. le président

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    La séance est reprise.

    5. Exploitation commerciale de l’image des enfants
    sur les plateformes en ligne

    Deuxième lecture

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne (nos 3133, 3380).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles

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    Vous savez toutes et tous à quel point la ministre de la culture, Mme Roselyne Bachelot, aurait souhaité être avec vous aujourd’hui, mais il se trouve qu’elle applique scrupuleusement, comme chacun de nos concitoyens, les consignes sanitaires du Gouvernement. Il me revient donc à la fois de vous transmettre son soutien et ses remerciements pour votre travail, et d’exprimer l’avis du Gouvernement au sujet de cette proposition de loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne. Je me réjouis, cher Bruno Studer, de pouvoir être présent avec vous aujourd’hui, alors que nous avons initié ensemble la réflexion sur ce texte il y a plusieurs mois.
    Depuis 2017 en effet, le Gouvernement s’est attaché à maintes reprises, à l’échelle nationale et européenne, à mieux réguler l’espace numérique pour que chacun y soit mieux protégé. Il le fait par exemple au travers de la lutte contre la manipulation de l’information, une ambition que le secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, M. Cédric O, porte en permanence. J’ai pour ma part un intérêt particulier pour la protection des mineurs et, en tant que secrétaire d’État chargé de l’enfance et des familles, je suis évidemment très attentif à ce qu’internet ne soit pour eux ni un espace de non-droit ni un espace de violence, quelle qu’elle soit.
    En effet, les enjeux neurologiques, psychologiques et sociaux de l’exposition des enfants aux écrans ne sont connus que depuis peu. Il est donc logique que la législation applicable s’adapte à l’évolution des connaissances scientifiques et à celle des pratiques de la société. En matière de conséquences sur le développement de l’enfant ou de façonnage des représentations de genre et sexuelles – au travers notamment de l’exposition à la pornographie –, la législation, évolutive, révèle la volonté des pouvoirs publics de rester agiles et réactifs face à des phénomènes à l’évolution rapide. Le Parlement l’est aussi et cette proposition de loi constitue, en la matière, un cas d’école.
    L’apparition d’enfants dits influenceurs, c’est-à-dire qui participent à des vidéos souvent conçues et réalisées par leurs parents et générant des revenus, est relativement récente. Ce n’est que depuis peu que des plateformes de partage, comme YouTube ou TikTok, hébergent des vidéos, nombreuses, dans lesquelles des enfants sont filmés en train de jouer, de cuisiner, de réagir à différentes situations qui, en dépit de leur apparente spontanéité, sont souvent mises en scène par des adultes. Pour ces enfants, ces activités et l’exposition publique de leur image qui en résulte présentent de nombreux risques qu’il est indispensable de prévenir.
    La présente proposition de loi, que vous examinez aujourd’hui en deuxième lecture, montre que le Parlement a bien conscience de ces enjeux. Elle propose d’étendre et d’adapter à l’univers numérique le dispositif de protection qui s’applique déjà aux enfants dans le secteur du spectacle et aux jeunes mannequins. En comblant ce qui était jusqu’à présent un vide législatif, elle garantit l’application sur les plateformes de partage de vidéos des règles de droit commun. Elle propose également de nouvelles mesures adaptées à la spécificité des usages numériques.
    Le texte examiné – et cela participe de sa force – repose sur la responsabilisation de tous les acteurs impliqués, en premier lieu des parents. Le plus souvent, ce sont eux qui organisent l’activité de leur enfant. Il leur reviendra, ou bien il reviendra aux représentants légaux, de déclarer l’activité de l’enfant et de respecter le régime d’obligations qui s’imposera à eux. Si l’activité des mineurs est assimilable à un travail salarié, elle sera soumise au régime prévu par le code du travail, comme c’est le cas pour les enfants employés pour se produire sur scène ou lors de tournages. Si cette activité ne peut être considérée comme relevant du salariat, une attention particulière sera accordée en fonction du nombre de vidéos réalisées et du montant des revenus qui en sont tirés. Une action pédagogique forte, de prévention, sera notamment menée au sujet des règles à respecter. Surtout, il est prévu que les représentants légaux assurent la consignation des revenus obtenus, afin qu’ils soient reversés directement aux enfants à leur majorité. Cette mesure me semble un point majeur du texte.
    La proposition de loi que vous examinez aujourd’hui définit également les responsabilités incombant aux annonceurs, qui sont nombreux à assurer la promotion de leurs produits par le biais de jeunes influenceurs. Ils devront vérifier que les enfants relèvent bien du régime qui s’impose à eux et seront tenus de verser, le cas échéant, la rémunération des enfants à la Caisse des dépôts et consignations, afin qu’elle soit consignée jusqu’à leur majorité. Le texte tend enfin à renforcer la responsabilité des plateformes de partage hébergeant les vidéos et tirant donc elles aussi des revenus de l’audience réalisée. Elles devront adopter des chartes relatives à la protection des mineurs, dont le Conseil supérieur de l’audiovisuel, le CSA, sera chargé de veiller à l’efficacité et à la bonne application.
    En plus de cette responsabilisation des différents acteurs, la proposition de loi prévoit également de nouveaux droits pour les enfants, indispensables à leur protection. C’est le cas en particulier du droit à l’oubli, que les enfants pourront exiger sans avoir à obtenir au préalable l’accord de leurs parents – garantie pour que ce droit puisse s’appliquer sans restriction. Il s’agit d’une autre mesure importante du texte, grâce à laquelle les enfants seront assurés que l’exposition dont ils ont fait l’objet à un moment de leur vie ne pourra pas produire d’effets irréversibles. Les évolutions du texte intervenues au cours de la première lecture ont permis de clarifier les modalités du dispositif de protection qui sera mis en place. Celui-ci s’appuie sur des mesures efficaces et pragmatiques, qui définissent clairement les responsabilités de l’ensemble des acteurs concernés.
    Ce texte est en définitive remarquablement précis et équilibré. Les mesures qu’il contient contribueront de manière concrète et effective à la protection des mineurs. Ses règles s’appliqueront à tous les acteurs de la vie numérique, qu’il s’agisse des géants qui hébergent un nombre apparemment infini de contenus ou bien des usagers des plateformes numériques qui s’y expriment de façon souvent anonyme, parfois à des fins lucratives. Construit dans le respect absolu de la liberté d’expression, il contribuera à faire d’internet ce qu’il doit être : un espace de création, de partage et de liberté qui respecte les droits de chacun. Voilà pourquoi le Gouvernement apporte son soutien total à la proposition de loi déposée par M. Bruno Studer. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. Bruno Studer, président et rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

    M. Bruno Studer, rapporteur de la commission des affaires culturelles et de l’éducation

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    L’occasion m’étant donnée de prendre de nouveau la parole au sujet de cette proposition de loi, je voudrais rappeler les raisons de mon intérêt pour cette question, après quoi je reviendrai sur les modifications apportées par le Sénat, qui me semblent aboutir à un texte équilibré. Ma motivation est en définitive simple, chers collègues : il s’agit de rappeler, y compris à l’heure d’internet – qui n’est pas une zone de non-droit –, que le travail des enfants est interdit en France, sauf dérogation. Ces dérogations pour les enfants dits du spectacle existent depuis les années soixante ; il faut s’en réjouir. Elles offrent un cadre juridique robuste et protecteur, qu’il s’agit aujourd’hui d’adapter, avec toutes les difficultés que cela peut comporter, aux enfants dits influenceurs ou youtubers, dont l’image est exploitée commercialement sur les plateformes de partage en ligne. Je le répète, le travail des enfants est interdit, sauf dérogation, y compris sur internet.
    Il ne s’agit pas d’interdire pour interdire. On ne peut que se réjouir, comme vous l’avez dit monsieur le secrétaire d’État, de l’émergence de nouvelles formes d’expression et de création. Il convient néanmoins de nous assurer que, lorsque nous, nos enfants – comme les miens – ou nos petits-enfants regardons des vidéos sur ces plateformes, les intérêts supérieurs des enfants qui sont derrière l’écran sont protégés : droit au consentement d’abord, droit au repos, droit à l’instruction, droit enfin de bénéficier le moment venu, lors de leur émancipation, des revenus générés par leur activité.
    Souvent, dans nos circonscriptions, les citoyens nous interpellent au sujet du temps passé par les enfants devant les écrans. Avec ce texte, il s’agit de s’intéresser aux enfants qui se trouvent derrière. C’est un phénomène que l’on connaît relativement mal, mais l’on sent bien que quelque chose se passe. Ce projet de loi permettra d’ailleurs, grâce au nouveau rôle dévolu au CSA, d’acquérir une meilleure connaissance du phénomène des enfants influenceurs, dont on estime qu’il génère jusqu’à 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires annuel. On sait aussi que trois enfants, parmi le top douze, seraient mineurs et que certains d’entre eux génèrent jusqu’à 150 000 euros de revenu mensuel en France. Or il faut s’assurer que, le moment venu, lorsqu’ils seront émancipés de leurs parents, ils pourront bénéficier de ces sommes. Voilà tout ce que propose ce texte.
    J’en viens maintenant aux précisions et améliorations apportées par le Sénat. Je tiens à en remercier les membres, en particulier Jean-Raymond Hugonet, rapporteur de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication. À l’article 1er, l’information des employeurs des enfants stars des plateformes de partage de vidéos a été renforcée. Dans le même temps, les peines prévues en cas de non-respect du nouveau cadre juridique ont été ajustées afin de mieux se conformer au principe de légalité des délits et des peines. Une simplification a également été introduite au profit de l’ensemble des enfants dits du spectacle qui pourront, dès leur émancipation, accéder aux fonds déposés sur un compte ouvert à leur nom à la Caisse des dépôts.
    À l’article 2, le Sénat a souhaité élargir le champ de la saisine judiciaire pouvant être opérée par l’autorité administrative : cette saisine sera désormais possible non seulement vis-à-vis des producteurs professionnels mais aussi dans les situations semi-professionnelles, s’il a été constaté que les représentants légaux de l’enfant ont manqué à l’obligation de déclaration de leur activité de vidéo. Une telle mesure ne peut que renforcer l’efficacité de l’ensemble du dispositif, en ne laissant aucune situation en dehors du champ de la loi et en améliorant la coopération avec les plateformes.
    Je suis également favorable aux modifications apportées à l’article 3 ; elles permettront à l’autorité administrative de formuler des recommandations aux parents agissant dans un cadre semi-professionnel sur une large palette de sujets, allant des conditions de réalisation des vidéos aux obligations financières prévues par la loi. Les dispositions du texte n’en seront que mieux appliquées.
    La responsabilité propre aux annonceurs, à laquelle je tiens, a également été clarifiée et renforcée tandis que l’article 4, scindé par la création d’un nouvel article 4 bis, a fait l’objet de modifications essentiellement rédactionnelles.
    À l’article 5, le Sénat a procédé à une modification identique à celle que nous avions effectuée lors de l’examen en commission du projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère du numérique – je n’y reviens pas.
    Enfin, les articles 6 et 8 ont été adoptés conformes par la Haute Assemblée.
    En définitive, je vous proposerai d’adopter sans modification la proposition de loi issue de la première lecture du Sénat.
    Il me reste quelques secondes pour remercier tous ceux qui travaillent sur ce sujet depuis plus de deux ans – il y a plus de deux ans en effet que je suis venu vous voir, monsieur le secrétaire d’État –, notamment l’administration de l’Assemblée nationale, dont le diagnostic a lancé le travail légistique, tout particulièrement Chloé Marchand et Alexandra Feuillade, chef de division de ma commission, ainsi que mes collaborateurs. Un travail interministériel, c’est toujours compliqué, mes chers collègues : je voudrais donc saluer également l’implication des ministres Franck Riester, Cédric O, Roselyne Bachelot, bien entendu, Muriel Pénicaud, Élizabeth Borne et vous-même, Adrien Taquet.
    Il ne faut pas oublier la place que tient Matignon dans ce travail interministériel, même si c’est souvent un travail de l’ombre. Permettez-moi de remercier ici pour leur appui Fanny Le Luel, Adrien Caillerez et Maïa Wirgin.
    Chers collègues de tous les groupes, merci pour le soutien que vous m’avez apporté lors des discussions en commission et en première lecture. Permettez-moi de remercier tout particulièrement Gilles Legendre, qui a permis l’inscription de ce texte à l’ordre du jour quand il présidait mon groupe, ainsi que Christophe Castaner, pour la même raison. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM, DEM, LR, SOC, EDS et GDR.)

    M. Maxime Minot

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    Bravo !

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Il est bon à un moment donné d’exprimer sa reconnaissance même si j’ai été un tout petit peu trop long, monsieur le président…

    M. Maxime Minot

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    Ça en valait la peine !

    M. le président

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    La mienne vous est acquise, monsieur le président !

    Discussion générale

    M. le président

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    La parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit

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    Soyons fiers, mes chers collègues, d’être le premier Parlement au monde à vouloir encadrer l’exploitation commerciale de l’image des enfants, une pratique très courante sur les réseaux sociaux !
    La première lecture à l’Assemblée nationale avait déjà permis d’enrichir un texte essentiel pour le respect et la protection des droits des mineurs. L’intention du Sénat était de renforcer cette orientation et le groupe Mouvement démocrate MoDem et démocrates apparentés partage cette volonté. Rappelons qu’en quelques heures, une vidéo en ligne peut devenir virale et avoir un impact important sur la vie de la personne exposée. De plus en plus de vidéos exposent des adolescents ou de jeunes enfants – voire des bébés – dans diverses scènes du quotidien, et il s’agit d’un phénomène mondial.
    Le déploiement massif du numérique nous amène à légiférer aujourd’hui afin d’établir des règles garantissant droits et protection. Il est d’autant plus nécessaire de donner un cadre aux usages du numérique lorsque ceux-ci impliquent des enfants, parfois très jeunes. En effet, derrière une apparence de légèreté existe bel et bien le danger d’utiliser l’enfant comme un outil publicitaire, au détriment de son bien-être et de ses droits, sans que les parents ou les responsables légaux aient toujours conscience de la portée de ces pratiques.
    Nous l’avons dit, la présente proposition de loi pose des règles précises pour encadrer ce phénomène en s’inspirant du régime qui s’applique aux enfants travaillant dans le spectacle et le mannequinat. En effet, à partir du moment où elles génèrent des revenus, ces pratiques s’apparentent à une activité professionnelle. C’est d’ailleurs parce que ces activités sont à l’origine d’importants revenus, à la fois pour les parents et pour les plateformes, qu’il est impératif d’entourer ces usages d’un cadre juridique jusqu’ici inexistant. Par cette loi, inédite en Europe et dans le monde, la France témoigne de sa volonté de lutter contre les dérives du numérique et de protéger ses mineurs.
    C’est dans cette perspective que l’article 3 encadre les horaires de travail et ouvre un droit à rémunération pour le mineur, ces sommes pouvant être déposées sur un compte de la Caisse des dépôts et consignations jusqu’à sa majorité, ceci dans le cas où l’enfant aura donné son assentiment ou que l’autorisation individuelle prévue à l’article 1er aura été fournie. Le Sénat a ajouté un point de vigilance important à la fin de l’article concernant le placement de produit dans un programme diffusé sur une plateforme de partage de vidéos et dont le sujet principal est un enfant de moins de seize ans.
    En première lecture, notre groupe avait rappelé l’importance de l’implication des plateformes numériques dans ce processus ainsi que l’enjeu fondamental d’une sensibilisation aux risques liés à ces pratiques. L’adoption de chartes explicitant ces risques est de ce point de vue une réelle avancée. Le groupe MoDem avait insisté sur les risques de dommages psychologiques durables. Ces chartes sont nécessaires en ce qu’elles engagent les plateformes à assumer leurs responsabilités et les parents à s’informer sur la réalité de ces pratiques numériques.
    Le travail des sénateurs a permis que le CSA promeuve l’adoption de ces chartes par les plateformes de partage de vidéos : ce sera un moyen supplémentaire de mettre en exergue ces chartes, qui doivent être connues du plus grand nombre. De plus, ce nouvel article prévoit la publication périodique d’un bilan de l’application effective de ces chartes, ce qui contribuera aussi à la visibilité et la pérennisation du dispositif.
    Cette deuxième lecture confirme l’ambition originelle de la proposition de loi : protéger les mineurs des risques de surexposition et d’atteinte à leur image, mais aussi sensibiliser les adultes qui les entourent aux enjeux du numérique, et responsabiliser les plateformes, sans qui rien ne pourra évoluer. La pédagogie et l’information sont, nous le croyons, les meilleurs outils pour prévenir les risques de ces pratiques émergentes et nous soutiendrons les initiatives qui iront en ce sens.
    Nous voyons aujourd’hui l’aboutissement d’un travail rigoureux et commun dans la création d’un cadre législatif pragmatique et fonctionnel, parfaitement adapté au sujet qui nous occupe. Le groupe Mouvement démocrate MoDem et démocrates apparentés votera donc avec conviction en faveur de cette proposition de loi et tient à saluer l’engagement de tous les parlementaires dans la protection de notre jeunesse. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – M. Benoit Potterie applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Michèle Victory.

    Mme Michèle Victory

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    Être un « influenceur » est devenu pour nos enfants un doux rêve qu’il semble aisé de poursuivre dans cet espace de liberté qu’est l’internet, pour le meilleur et pour le pire. En effet, tourner des vidéos et les diffuser sur internet est aujourd’hui à la portée de tous et présente la plupart du temps un aspect fortement récréatif et ludique. Derrière la caméra, toutefois, se jouent des intérêts divers, parfois inconciliables avec celui de l’enfant, brouillant les frontières entre le travail et le divertissement ou encore entre la vie privée et la vie publique. De ce point de vue, la production de tels contenus a fait bouger les lignes et nous a mis face à notre responsabilité de parents, d’éducateurs, d’hommes et de femmes politiques.
    Face à ces enjeux, la présente proposition de loi ne constitue certes pas la panacée mais marque assurément une étape essentielle vers la protection des intérêts des mineurs contre les risques liés aux nouveaux usages d’internet. Elle vient en effet utilement corriger une situation parfaitement injuste, certains enfants ne bénéficiant pas de la protection du droit du travail et se trouvant privés du fruit de leur activité et de revenus parfois impressionnants, vous nous l’avez rappelé, monsieur le rapporteur. Il est à noter aussi qu’au-delà même du cas des enfants influenceurs, évoqué à l’occasion de ce texte de loi, ce sont tous nos enfants qui multiplient les publications diverses sans avoir toujours conscience de la portée de ces dernières, s’exposant malgré eux à des situations qui peuvent souvent devenir dramatiques et à des risques psychiques que nous ne prenons peut-être pas suffisamment en considération.
    C’est pourquoi cette proposition de loi a reçu l’adhésion de l’ensemble des parlementaires, députés et sénateurs, et je tiens à saluer de nouveau le travail réalisé par M. Studer, qui tend à appliquer à un phénomène nouveau un cadre juridique protecteur qui a déjà fait ses preuves dans le domaine du mannequinat.
    Le Sénat a apporté à ce texte des modifications bienvenues. La distinction opérée entre les vidéos professionnelles et semi-professionnelles permet de mieux appréhender le phénomène et d’y appliquer des contraintes proportionnées, allant de la simple obligation de déclaration a posteriori à l’obligation préalable d’autorisation ou d’agrément par l’autorité administrative compétente.
    Conformément à notre volonté commune de ne pas entraver par trop l’activité créatrice sur internet, ce texte se veut pédagogique et incitatif : l’évolution rapide de la technologie nous appelle à l’humilité et commande, pour ce texte novateur, le recours à un droit souple, à l’encouragement des pratiques vertueuses plutôt qu’aux vaines injonctions.
    La refonte de l’article 4, qui oblige les plateformes à adopter des chartes destinées à lutter contre l’exploitation illégale de l’image des enfants sur internet, va dans ce sens. En commission, ma collègue Sylvie Tolmont avait exprimé le regret que les enfants ne soient pas davantage responsabilisés, à l’instar des autres acteurs visés par ce texte, tels les parents et les plateformes, sur les risques de cette exposition médiatique. Dans cette perspective, nous avions souligné la nécessité de faciliter l’exercice du droit à l’effacement des données à caractère personnel en faisant obligation à ces chartes d’informer les mineurs des modalités de mise en œuvre de ce droit dans des termes simples et précis. Ce travail de responsabilisation de tous et de toutes doit évidemment impliquer l’éducation nationale.
    Nous nous réjouissons que le contenu de ces chartes ait également pu être complété par le Sénat, à l’initiative de nos collègues du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain, afin d’assurer l’information et la sensibilisation des mineurs eux-mêmes sur les conséquences de la diffusion de leur image, singulièrement en matière d’atteinte à la vie privée et de risques psychologiques. En effet, la création de contenus vidéos ne suppose plus forcément l’accord des parents, que celui-ci soit explicite ou même implicite. À cet égard, les nouvelles tendances de création de contenus vidéo, telles celles qui sont apparues sur TikTok, doivent nous interpeller en ce qu’elles ne font pas intervenir les parents en tant que producteurs, semblant de fait remettre en cause l’effectivité de la présente proposition de loi. L’évolution extrêmement rapide de ce secteur et sa faculté à trouver sans cesse de nouveaux moyens de contourner les règles ne peuvent être ignorées.
    Vous nous avez rappelé, monsieur le président, un principe fort et simple : le travail des enfants est interdit. Au-delà de ce principe, nous sommes heureux que vous ayez pu inscrire à notre ordre du jour ces mesures concrètes. Même si du chemin reste à parcourir, le groupe Socialistes et apparentés votera donc avec conviction en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur plusieurs bancs des groupes LaREM et GDR.)

    Mme Maud Petit

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    Bravo !

    M. le président

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    La parole est à M. Benoit Potterie.

    M. Benoit Potterie

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    La semaine dernière, la commission des affaires culturelles et de l’éducation adoptait, en deuxième lecture, une proposition de loi importante qui questionne les conséquences de la révolution du numérique, dont nous n’avons pas fini de mesurer les effets. La vague inédite des réseaux sociaux, où chacun dévoile une part de son intimité et se met en scène, dit en ce sens quelque chose de notre époque. C’est un formidable espace de liberté, qui entre en résonance avec les aspirations de nos sociétés à davantage d’horizontalité. Il s’agit d’un réservoir de talents, d’un vecteur d’innovation et d’opportunités. Mais c’est également un univers ambivalent et porteur de risques nouveaux. Nos débats récurrents sur les manipulations de l’information et les dangers qu’elles font peser sur nos vieilles démocraties l’illustrent bien.
    Cette proposition de loi s’attache en particulier à l’enjeu de la protection des enfants mineurs mis en scène dans des vidéos en ligne. Elle vient combler un vide juridique : celui de l’exposition des mineurs de moins de seize ans sur les plateformes en ligne.
    Le problème se pose chaque jour avec plus d’acuité. Depuis quelques années, les vidéos mettant en scène des mineurs se multiplient sur internet. On peut distinguer les vidéos réalisées par ces mineurs eux-mêmes et celles réalisées par leurs parents, mettant en scène leur vie de famille. Bien que de qualité parfois discutable sur le plan créatif, elles peuvent comptabiliser des millions de vues, engendrant des recettes publicitaires très significatives liées à la monétisation de ces vidéos comme au placement de produits.
    Parmi les chaînes les plus populaires, certaines publient des contenus quotidiennement. Si ces vidéos ont souvent un caractère ludique et en apparence « bon enfant », on peut légitimement se demander si elles sont naturelles, vu la cadence à laquelle elles sont publiées et les revenus qu’elles engendrent. Certaines peuvent cacher des pratiques de travail illicites, voire une forme d’exploitation moderne.
    Par ailleurs, nous mesurons encore mal l’impact psychologique que peut avoir, pour des mineurs, une exposition aussi précoce et massive de leur vie privée.
    Le travail des enfants est interdit depuis 1867, hormis quelques rares exceptions strictement encadrées. L’activité des enfants dits du spectacle, ou encore des enfants mannequins, est ainsi régie par un cadre et des règles protecteurs. Face à des abus manifestes, et afin d’éviter les dérives, il est de notre responsabilité de créer un cadre analogue pour les mineurs exposés sur les plateformes en ligne.
    Tel est l’objet de ce texte novateur, dans lequel le groupe Agir ensemble retient trois avancées majeures.
    Tout d’abord, il protège les enfants en faisant entrer dans le droit commun cette nouvelle forme de travail, salariée ou non, et en l’alignant sur le droit des mineurs exerçant dans le cinéma. Leur temps de travail sera désormais encadré, et les revenus afférents leur seront affectés.
    Ensuite, il garantit un droit à l’oubli, que les mineurs pourront exercer sans l’autorisation de leurs parents. C’est une avancée fondamentale pour la réussite du texte.
    Enfin, il responsabilise les plateformes et les associe à ce combat, puisqu’elles devront édicter des chartes et contribuer à la lutte contre les abus.
    La France est le premier pays au monde à s’emparer de ce sujet – il faut s’en féliciter. Cette démarche doit s’accompagner d’une prise de conscience de la nécessité d’éduquer au numérique et à ses zones d’ombre. Comme pour l’ensemble des défis liés à la régulation du numérique, des solutions doivent par ailleurs être trouvées au niveau européen. Dans cette attente, ce texte constitue le premier jalon d’une meilleure protection des enfants sur internet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM. – Mme Maud Petit, Mme Michèle Victory et M. Maxime Minot applaudissent également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Agnès Thill.

    Mme Agnès Thill

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    Protéger nos enfants, leurs revenus et leur image, est vital. C’est dans cet esprit que nos prédécesseurs ont légiféré concernant la présence des enfants dans le milieu de la musique, de la mode et du cinéma. Nous nous emparons aujourd’hui de la diffusion de vidéos sur internet, dont les revenus peuvent être très aléatoires, mais qui peuvent se multiplier au point d’engendrer des gains substantiels – sans que celui qui fait le succès, l’enfant, ait la moindre certitude de les percevoir. Nous nous réjouissons que ces nouveaux modes de communication se voient appliquer un système de protection ayant fait ses preuves dans la musique, la mode et le cinéma – et nous nous en réjouissons d’autant plus que le législateur tend trop souvent à être critiqué pour son incapacité à s’adapter rapidement aux nouvelles technologies et à leurs usages. Les sommes que récupéreront les enfants à leur majorité constitueront un pécule important pour se lancer dans la vie.
    Les vidéos mettant en scène des enfants ne datent pas d’hier, certes, mais il est important de remplir notre rôle de parlementaires, d’être à l’écoute des citoyens et de voter des mesures sécurisantes pour leur quotidien. Dans ce domaine comme dans d’autres, nous devons tout faire pour éviter que les jeunes soient exposés à des situations pouvant les dépasser, dans lesquelles la course aux revenus prend parfois le pas sur la création. Leurs parents ou leurs responsables légaux doivent assurer cette protection, mais la loi doit également apporter des garanties. Lorsqu’on a moins de 16 ans, on ne peut pas maîtriser son image comme un adulte. Aussi est-il important de garantir un droit à l’oubli aux jeunes qui ont réalisé des vidéos sans l’autorisation préalable de leurs parents.
    Je ne m’attarderai pas sur chaque article de la proposition de loi, mais je soulignerai l’une de ses avancées importantes : les chartes que devront élaborer les plateformes, et dont l’application sera contrôlée par le CSA. Je remercie nos collègues sénateurs d’avoir apporté, à ce sujet, un éclaircissement bénéfique pour la sécurité des enfants, prouvant, une fois encore, que l’expertise de la Chambre haute ajoute toujours un point de vue utile à nos débats. Certains auraient voulu responsabiliser encore davantage les plateformes, mais nous pensons que l’application de la mesure prévue par la loi, sous le contrôle du CSA, constitue déjà un pas en avant – en lien, qui plus est, avec les associations de protection de l’enfance. La prévention, l’information, le dialogue et, in fine, la sanction, nous semblent la meilleure voie.
    Avec Béatrice Descamps, nous avions souhaité que l’État se fasse garant de la prévention des risques concernant les enfants, outre la prévention assurée par les plateformes. En effet, trop peu de parents et d’enfants semblent sensibilisés aux dangers que constituent l’exposition en ligne de l’image des plus jeunes et l’utilisation de leurs données. S’il était important de garantir la protection des enfants et de leurs revenus, nous nous réjouissons que les chartes prévoient également un volet de prévention qui saura, nous l’espérons, promouvoir un usage sain et approprié des outils numériques. Ce dispositif répond d’ailleurs aux attentes que nous avions formulées en première lecture.
    En définitive, le texte ne nous semblait pas mériter plus de discussions que celles dont il a déjà fait l’objet ; sans suspense, les députés UDI et indépendants le soutiendront. (Mme Maud Petit, Mme Marie-France Lorho, M. Maxime Minot et Mme Emmanuelle Ménard applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Muriel Ressiguier.

    Mme Muriel Ressiguier

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    L’avènement du web 2.0 a provoqué une révolution dans la vitesse de diffusion des contenus et dans leur multiplicité. Véritable phénomène sociétal, l’apparition de nouveaux modes de communication sur les plateformes entraîne des comportements inédits, notamment chez les jeunes générations qui sont friandes de ces technologies et y sont particulièrement exposées. La frontière entre le simple partage en ligne, la recherche de popularité et la démarche commerciale n’est pas toujours clairement affichée, et la notion de travail n’est pas toujours évidente.
    La notoriété sur le web est lucrative ; elle est convoitée par des marques et des sociétés de communication qui ne proposent pas toujours une rémunération directe, mais des accès à des lieux privilégiés, à des voyages ou à des produits, en échange de contenus promotionnels. Actuellement, ces contreparties ne sont pas valorisées comme des revenus financiers ni soumises à des cotisations sociales, bien qu’elles atteignent parfois des sommes importantes. Selon un classement des youtubers les mieux payés réalisé par Forbes en 2019, la chaîne de Ryan, un jeune garçon de 8 ans, a ainsi enregistré 26 millions de dollars de recettes. À cet égard, votre proposition de loi a le mérite de combler un vide juridique.
    Certes, le phénomène des enfants stars et l’utilisation des plus jeunes dans un but commercial ne sont pas nouveaux. Dans les domaines du mannequinat et du spectacle, la frontière entre l’intime et le professionnel est relativement définie. S’agissant de vidéos enregistrées dans un contexte familial, en revanche, le temps de travail et la notion même de travail sont plus difficiles à appréhender pour l’enfant, voire pour ses parents. Quand un enfant est filmé en train de faire ses devoirs ou de jouer, a-t-il conscience qu’il travaille ? Que dire de la pratique de l’unboxing, consistant à déballer des cadeaux devant la caméra pour faire découvrir un produit ? Face à l’ampleur du phénomène, les plateformes, les parents et les autorités publiques de régulation doivent assumer pleinement leurs responsabilités.
    Les enfants qui tournent des vidéos avec leurs parents sont, en outre, soumis aux dérives comportementales observées sur les réseaux sociaux : addiction au web, hyper-narcissisme, compétition exacerbée, harcèlement, risque d’isolement… Le sentiment d’être toujours observé et jugé entraîne une modification des comportements et rétrécit la sphère de l’intime. En quête d’identité et de reconnaissance, les enfants et les adolescents sont particulièrement vulnérables. Votre proposition de loi n’évoque pourtant pas ces risques, pas plus qu’elle n’aborde la collecte de données personnelles occasionnée par le visionnage de vidéos.
    En guise de moyen protecteur, vous proposez de délivrer une autorisation ou un agrément à l’employeur – les représentants légaux de l’enfant – et d’inviter les plateformes à signer une charte. Ces propositions, si elles vont dans le bon sens, ne sont pas assez contraignantes pour les plateformes. Il est certes nécessaire – bien que difficile – de dialoguer avec elles, mais l’incitation seule ne peut être un moyen de régulation efficace. La Commission européenne en a d’ailleurs conscience. Une ébauche d’étude d’impact du Digital Services Act, la législation européenne relative aux services numériques, affirme ainsi que les plateformes se soumettent de manière inégale aux obligations de la directive e-commerce, vu leur nature volontaire.
    Le texte devrait également être plus protecteur concernant le délai de retrait des images imposé aux plateformes dans le cadre du droit à l’oubli numérique – car, à l’heure de la communication instantanée, la diffusion virale des contenus est souvent fulgurante.
    Enfin, le placement de produits devrait être proscrit des vidéos diffusées sur les plateformes dont l’auteur ou le destinataire est un enfant de moins de 16 ans. Ce n’est pas un scoop : les enfants sont particulièrement influencés par la publicité, qu’elle soit assumée ou déguisée. Selon l’association Résistance à l’agression publicitaire, 76 % des demandes d’achat ou des achats émanant d’enfants de 4 à 10 ans sont liés à une publicité. Dans une tribune de janvier 2016, Philippe Meirieu et Serge Tisseron observent qu’avant 6 ou 7 ans, les enfants n’établissent pas de distinction entre les programmes et les messages publicitaires, mélangeant réalité, fiction et prescription.
    Si la proposition de loi pose un premier jalon utile, nous regrettons – vous vous en doutez – qu’elle ait été en grande partie vidée de sa portée coercitive lors de la première lecture par la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale. Nous restons convaincus qu’il est nécessaire de montrer une détermination politique sans faille pour contraindre les plateformes, guidées par la seule logique du profit, à respecter certaines règles. Avec les réserves que je viens d’évoquer, le groupe La France insoumise votera ce texte. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes FI, LR, Dem et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet.

    Mme Marie-George Buffet

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    Dès sa première lecture, avec mes collègues du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, nous avons salué l’initiative de cette proposition de loi, prise par Bruno Studer. Il était urgent de légiférer et de poser un cadre juridique sur les vidéos d’influence mettant en scène des enfants, qui atteignent des centaines de milliers de vues et engendrent des revenus pour les familles, mais aussi, et surtout, pour des grandes entreprises qui en perçoivent le potentiel marketing.
    Certains parents ont beau prétendre qu’il s’agit uniquement d’activités de loisirs, nous faisons souvent face, en vérité, à une nouvelle forme de travail des enfants. Lorsqu’une famille publie jusqu’à trente vidéos par mois, il est évident que la notion de loisir n’est plus valable – un chercheur américain appelle cette situation le playbour, contraction des mots anglais « jeu » et « travail ». Les enfants concernés sont utilisés tout à la fois par des parents peu responsables et par des groupes publicitaires qui incitent à produire de nouvelles vidéos, au détriment du rythme de vie et du temps de jeu indispensable à la construction et à l’épanouissement des plus jeunes.
    La mise en ligne de telles vidéos expose les enfants à des milliers d’inconnus qui ont accès au plus intime de leur vie privée. Elle occasionne des vagues de commentaires aléatoires, positifs ou négatifs, qui peuvent déstabiliser complètement l’enfant, en particulier lorsqu’ils sont injurieux voire diffamants. Une telle célébrité a un impact au moment de la publication ; elle produit des conséquences indéniables sur la sociabilité des enfants et leur développement. Elle peut aussi ressurgir plus tard, à l’adolescence ou à l’âge adulte, puisque, malheureusement, les publications sur internet, telles des taches indélébiles, sont très difficiles à effacer.
    Nous n’avons pas assez de recul pour évaluer l’effet de ces vidéos à long terme. On sait toutefois qu’un malaise émerge chez une partie des adolescents nés entre 2004 et 2007, lorsqu’ils prennent conscience de la quantité d’images qui ont été publiées sur les réseaux sociaux durant leur enfance. Plusieurs chercheurs américains ont montré qu’ils se sentaient trahis et très vulnérables.
    L’expansion de telles pratiques interroge plus globalement le rapport au numérique des parents et des enfants. Il est donc nécessaire de renforcer l’éducation au numérique, sans la concentrer sur l’usage de ce médium, mais en favorisant la compréhension de cet univers très abstrait, de sorte que chacun puisse y agir librement.
    Nous avons aussi proposé qu’un accompagnement psychologique soit systématiquement requis pour tous les enfants impliqués dans la diffusion de vidéos telles que celles visées par la présente loi. Par ailleurs, nous saluons l’adoption de notre amendement relatif au respect de la protection des données au sens du règlement général sur la protection des données, le RGPD : il était en effet nécessaire de renforcer la protection des données produites par ces vidéos doublement rentables pour les entreprises qui, en plus de s’en servir pour faire passer des publicités et valoriser leurs produits, les utilisent comme une forme d’étude directe des comportements qui leur permet ensuite d’adapter leur production.
    Nous regrettons néanmoins que le texte présenté ce soir ait été assoupli par rapport à sa première version, et nous vous proposons de reprendre les articles 4 et 6 tels qu’ils étaient initialement prévus, c’est-à-dire imposant des obligations strictes aux plateformes de diffusion et des sanctions en cas de non-respect de ces obligations.
    Nous considérons que cette loi est très positive, même si elle ne pourra suffire face aux multiples problématiques que pose le numérique par rapport aux jeunes enfants, aux adolescents et à leurs parents. Le groupe de la Gauche démocrate et républicaine votera donc ce texte en étant confiant sur la suite de nos travaux. (Applaudissements sur les bancs des groupes GDR et sur plusieurs bancs des groupes LaREM, Dem, SOC et Agir ens.)

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Merci beaucoup !

    M. le président

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    La parole est à Mme Frédérique Dumas.

    Mme Frédérique Dumas

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    Les enfants sont de plus en plus présents dans les vidéos partagées en ligne. Par ailleurs, grâce à la monétisation des vidéos et au partenariat avec des marques, certaines chaînes génèrent des revenus importants, pouvant atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros par mois pour les plus populaires d’entre elles. Pourtant, contrairement à ce qui se fait pour les enfants du spectacle, les horaires et la durée de tournage des enfants figurant dans ces vidéos ne sont pas encadrés par le droit du travail. Par ailleurs, les enfants de moins de seize ans sont régulièrement touchés par des formes de cyberharcèlement.

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    C’est vrai !

    Mme Frédérique Dumas

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    Dans ces conditions, il est impératif de protéger les libertés individuelles et la sécurité des mineurs, c’est pourquoi nous partageons les objectifs de cette proposition de loi visant à encadrer l’exploitation commerciale de l’image d’enfants de moins de seize ans sur les plateformes en ligne. C’est pour mettre un terme à l’absence de cadre juridique dans ce domaine que le groupe Libertés et territoires avait soutenu cette initiative parlementaire, tout en émettant certaines réserves et certains doutes sur son efficacité. Notre groupe salue l’inscription de ce texte en deuxième lecture à l’ordre du jour, dans la mesure où son adoption par voie d’amendement au projet de loi relatif à la communication audiovisuelle était compromise.
    La proposition crée deux régimes juridiques distincts pour les enfants youtubeurs, l’un aligné sur le régime applicable aux enfants du spectacle et valant pour une pratique professionnelle, l’autre concernant une pratique semi-professionnelle. Cette distinction est particulièrement pertinente pour les vidéos qui, engendrant des revenus, portent sur une activité s’apparentant à du travail déguisé. En outre, depuis le texte initial, une plus grande attention a été portée à l’information – notamment à l’égard des parents – en matière d’obligations financières et de risques psychologiques.
    Cette exigence impliquant de responsabiliser davantage les plateformes numériques, notre commission avait déjà réécrit l’article 4 en prévoyant l’adoption de chartes de bonnes pratiques. Si l’ambition de l’article s’en trouve amoindrie, sa nouvelle rédaction est bien plus opérationnelle. Les précisions apportées en première lecture à l’Assemblée et au Sénat sont utiles, notamment en ce qu’elles désignent le CSA comme l’autorité compétente pour promouvoir ces chartes de bonnes pratiques. Il convient surtout d’insister sur la nécessité de mieux informer et responsabiliser les enfants, qui sont les premiers concernés : de ce point de vue, les amendements adoptés au Sénat vont dans le bon sens.
    Par ailleurs, le Gouvernement a remplacé la procédure de retrait des contenus sur injonction administrative, initialement prévue par l’article 2, par une procédure de saisine du juge des référés. Cette procédure, à laquelle notre groupe est attaché, permettra au juge de déterminer les mesures les plus adaptées à chaque situation, ce qui nous paraît un dispositif plus à même d’assurer la conciliation entre la préservation de la liberté d’expression et la protection des mineurs.
    D’une manière générale, nous encourageons à aller vers toujours plus de protection des mineurs en ligne, qu’ils soient spectateurs ou créateurs de contenus. Les outils numériques évoluent très vite, et le nombre de menaces à l’encontre des enfants tout autant. À l’heure actuelle, de nombreux contenus mettant en scène des enfants ne font pas l’objet d’une autorisation des parents – c’est le cas des vidéos sur TikTok – et dans ce cas, il n’est pas possible de parler d’une exploitation des enfants. Cependant, ce phénomène méritera une attention particulière de notre part, afin de prendre en considération de façon globale la question de l’image des enfants sur internet.
    Cette proposition de loi ne sera très certainement pas suffisante, mais elle constitue la première pierre d’un édifice qui nécessitera quelques ajustements. La nouvelle rédaction ménage un meilleur équilibre entre la protection des utilisateurs et la garantie de la liberté d’expression. Nous devons rester vigilants sur ces sujets délicats, et la décision du Conseil constitutionnel sur la proposition de loi Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur internet, à laquelle notre groupe s’était opposé, en est une nouvelle preuve. Le travail qui a été réalisé, monsieur le rapporteur, est pertinent et utile, et le groupe Libertés et territoires votera en faveur de cette proposition de loi. (Applaudissements sur les bancs du groupe LT et sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem, FI et GDR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Albane Gaillot.

    Mme Albane Gaillot

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    Le jeune Américain Ryan Guan a gagné près de 26 millions de dollars en 2019, ce qui fait de lui le youtubeur le mieux payé au monde cette année. Lancée en 2015 par ses parents alors qu’il n’avait que trois ans, sa chaîne compte aujourd’hui près de 22 millions d’abonnés avec, à l’origine de ce succès, des vidéos de Ryan ouvrant des paquets-cadeaux et jouant avec ses nouveaux jouets. Vous le savez, l’histoire de Ryan Guan n’a rien d’exceptionnel : les enfants youtubeurs ont six, huit ou dix ans, ils sont vus par des millions de fans sur les réseaux sociaux et leur activité engendre des revenus atteignant des dizaines de milliers d’euros par mois. Bien souvent, les parents montent des sociétés pour gérer ces revenus, et filmer leurs enfants devient un métier à plein temps.
    Vouloir immortaliser des moments de vie et les montrer à ses proches n’a rien de neuf ni de condamnable. En revanche, partager de manière intensive des images de ses enfants les réseaux sociaux pose problème car ces contenus, aussi anodins soient-ils, relèvent de la réalité quotidienne des familles, ce qui les fait ressembler à la téléréalité. Le respect de l’intimité des enfants est essentiel, car une exposition à outrance peut avoir des conséquences psychologiques néfastes à long terme, notamment la perte de l’estime de soi.
    À qui revient la faute d’une telle situation ? Aux parents qui, sans doute malgré eux, finissent par exploiter leurs enfants, ou bien aux plateformes numériques, qui permettent le développement de ce phénomène ? La proposition de loi que nous sommes amenés à voter aujourd’hui entend répondre à deux problématiques. Elle vise d’abord à lutter contre l’exploitation commerciale des enfants, quand leur activité est telle qu’elle ne peut plus être assimilée à un loisir, mais s’apparente à une activité à plein temps. Et comme rien ne garantit aujourd’hui qu’ils puissent bénéficier à leur majorité des revenus engendrés par leur activité, elle prévoit de nouvelles dispositions inspirées du régime en vigueur pour les enfants du spectacle ou de la mode.
    Une autre disposition essentielle est la garantie du droit à l’oubli pour les mineurs figurant sur des vidéos mises en ligne sur des plateformes numériques – ceci, bien sûr, sans le consentement de leurs représentants légaux, bien souvent leurs parents, dont j’ai précédemment rappelé le rôle. Il est tout aussi important, et c’est le deuxième objectif de la proposition de loi, de responsabiliser les plateformes numériques qui tirent des revenus directs de la monétisation de ces vidéos. Pour lutter contre toutes les formes de dérives, la mobilisation des réseaux sociaux est une priorité. Afin que les plateformes deviennent un véritable espace de liberté pour toutes et tous, celles-ci doivent s’engager à renforcer leurs procédures de détection de cas problématiques, en lien avec les associations de protection de l’enfance ; elles doivent également s’engager à effectuer un travail de pédagogie, aussi bien auprès des parents que des internautes.
    En effet, s’exposer au monde entier peut comporter des dangers, notamment quand le buzz se trouve à l’origine d’une déferlante de faits de cyberharcèlement. La période de confinement a constitué un véritable révélateur des dangers de ce type : je pense notamment à la multiplication des comptes dits « ficha », qui diffusent des photos de femmes dénudées, souvent mineures.
    Dans ce cadre, la protection des enfants en tant que spectateurs, mais également en tant qu’acteurs, doit être notre priorité. Cette proposition de loi est la première pierre apportée à l’édifice législatif qui a vocation à être érigé en la matière, et elle a le mérite de poser clairement le débat. J’espère qu’elle permettra d’engager une réflexion plus large sur la protection des mineurs en matière de numérique, dans un contexte d’évolution rapide des usages – outre le cyberharcèlement, je pense à l’exposition des mineurs aux contenus pornographiques. Le groupe Écologie démocratie solidarité salue et votera donc cette proposition de loi attendue. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem, FI et GDR.)

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Merci !

    M. le président

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    La parole est à M. Bertrand Sorre.

    M. Bertrand Sorre

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    Je vous félicite, monsieur le rapporteur, pour le travail que vous avez accompli avec ce texte précurseur en la matière : il était important de se saisir d’un sujet de société qui revêt aujourd’hui une ampleur mondiale. Le développement du numérique, d’internet et des nombreux réseaux sociaux ouvre des perspectives inégalées à la création et à l’imagination. Si ce contexte offre de nouvelles possibilités, il comporte aussi son lot de risques face auxquels il est de notre responsabilité, en tant que législateurs, de combler les vides juridiques : la toile ne doit pas être un espace de non-droit pour nos enfants, que nous devons protéger d’eux-mêmes, des autres, et parfois de leur environnement.
    Depuis de nombreuses années, nous assistons à la multiplication de vidéos, parfois diffusées sur des chaînes dédiées, mettant en scène des enfants sur des plateformes numériques publiques. Si ce nouveau phénomène prend une ampleur considérable, c’est notamment parce qu’il peut engendrer d’importants revenus pour les parents et les plateformes. Certaines vidéos et chaînes ont une audience très forte, pouvant atteindre plusieurs millions d’abonnés et totalisant des milliards de vues à travers le monde. Il s’agit donc d’activités pouvant s’avérer extrêmement rentables.
    S’improvisant scénaristes, des parents peuvent demander à leurs enfants de recommencer une prise de vue plusieurs fois jusqu’à obtenir la vidéo parfaite et la diffuser, ce qui caractérise une relation de travail. En l’état actuel de notre droit, les gains financiers résultant du placement de produit ou de l’audience obtenue ne sont pas encadrés, et rien ne permet de garantir que l’enfant les percevra à sa majorité. C’est donc la double peine : non seulement les enfants ne bénéficient pas de la protection juridique offerte par le droit du travail, mais ils ne perçoivent pas les revenus dont ils sont pourtant à l’origine.
    Créant un nouveau cadre juridique, les dispositions de cette proposition de loi visent à appliquer aux enfants youtubeurs les dérogations existantes, sur le modèle du régime applicable aux enfants du spectacle et aux enfants mannequins, dont le lien de travail avec leurs parents est établi. Elles offrent ainsi un cadre juridique clair, qui assure à l’enfant de pouvoir profiter de l’argent gagné en échange du travail fourni.
    Si, bien souvent, les scènes filmées montrent un moment du quotidien en famille, une journée au parc, les enfants en train de manger ou de cuisiner, il arrive que certains parents filment leurs enfants dans des situations ou des postures dégradantes, ce qui peut s’apparenter à de la maltraitance. Il est donc primordial de sensibiliser les parents à ce qu’il est possible de faire ou de ne pas faire, car les abus constatés sont très inquiétants, et la diffusion sur internet de ces moments immortalisés soulève de nombreuses questions au regard de l’intérêt de l’enfant comme de son développement harmonieux.
    L’autorité compétente sera donc chargée de délivrer un agrément aux parents et de formuler des recommandations quant aux modalités de réalisation des vidéos, notamment en ce qui concerne les durées maximales quotidienne et hebdomadaire souhaitables. Pour l’heure, nous ne disposons d’aucun recul sur les effets psychologiques liés à l’exposition médiatique des enfants, sur l’augmentation du cyberharcèlement dont ils peuvent être victimes, ou encore sur l’augmentation de la pédopornographie dont ils peuvent être la cible. À ce titre, l’un des points forts du texte est de prévoir un droit à l’oubli numérique. Appelé aussi « droit à l’effacement », il fait partie des droits fondamentaux en matière de traitement des données personnelles. Il est ainsi prévu que, sur demande du mineur, les vidéos concernées pourront être retirées de la plateforme dans les meilleurs délais.
    Les parents ne sont pas les seuls à exploiter ce filon : les entreprises et les grandes marques profitent aussi pleinement de la notoriété de certains enfants afin de faire du placement de produit. Il est donc indispensable de sécuriser les gains engendrés et de prévoir des sanctions en cas de non-respect des règles.
    Cette proposition de loi est pionnière en matière de protection des droits de l’enfant sur internet : à ce jour, aucun autre État au monde n’a encore légiféré sur le sujet. Elle s’inscrit également dans un mouvement plus large, engagé par notre majorité et concrétisé par l’adoption de la loi relative à la lutte conte la manipulation de l’information et de la loi visant à lutter contre les contenus haineux sur internet.
    Les sénateurs ont su apporter toute leur compétence technique à ce texte en le précisant et en le renforçant, mais sans en dénaturer l’esprit. J’appelle donc tous mes collègues à voter une nouvelle fois à l’unanimité cette proposition de loi, mais aussi à l’adopter conforme, afin qu’elle puisse entrer en vigueur le plus rapidement possible.

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Très bien !

    M. Bertrand Sorre

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    Engagé depuis le premier jour en faveur de la défense des droits de l’enfant, le groupe La République en marche votera avec conviction et enthousiasme ce texte pionnier, pragmatique et de bon sens. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et UDI-I.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Frédérique Meunier.

    Mme Frédérique Meunier

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    Comme le relève l’exposé des motifs de la proposition de loi, depuis plusieurs années, des vidéos mettant en scène des enfants à différents moments de leur vie sont publiées sur des plateformes telles que YouTube. Ils sont ainsi amenés à être filmés dans le cadre d’activités de loisirs, en train de relever des défis, de suivre des tutoriels, ou bien de tester, de déguster ou de déballer divers produits. En France comme à l’étranger, ces vidéos sont l’objet d’une grande popularité, notamment auprès des plus jeunes.
    Véritable enjeu de société, ce phénomène nouveau constitue également un enjeu économique et financier important, que ce soit pour les familles, qui retirent parfois un revenu important des vidéos de leurs enfants, ou pour les marques, qui voient dans ces contenus une nouvelle opportunité publicitaire.
    Ce type de vidéos ne fait aujourd’hui l’objet d’aucun encadrement légal et le but de cette proposition de loi est de combler cette lacune en s’inspirant du régime en vigueur pour les enfants du spectacle, dans le théâtre ou le cinéma, qui définit les horaires, la durée de tournage, les modalités de consignation des revenus.
    En outre, ce texte souhaite responsabiliser les plateformes et créer un droit à l’oubli pour ces enfants.
    Comme vous le savez, notre famille politique a toujours été attachée à la protection de l’enfance. Nous l’avons démontré à de nombreuses reprises. S’agissant des enfants du spectacle, nous avons été pionniers. La loi du 6 août 1963 modifiant et complétant les dispositions relatives à l’emploi des enfants dans le spectacle a structuré la législation dans ce domaine et celle-ci a été consolidée en 2007 et 2008, sous le quinquennat de Nicolas Sarkozy, notamment grâce au décret du 24 août 2007 relatif au suivi médical et au pécule des enfants employés dans les spectacles, la publicité et la mode.
    Nous considérons que le travail des enfants est un sujet extrêmement important qui mérite toute l’attention du législateur. Internet est un espace particulier de liberté qui doit être préservé mais si la liberté d’entreprendre est essentielle, elle ne peut se faire au détriment des plus fragiles.
    Au-delà de la protection juridique et économique, il est nécessaire de prendre la mesure des effets dévastateurs que peuvent avoir sur les enfants ces mises en scène de leur vie. Qu’il s’agisse de l’omniprésence des écrans, de la pression sociale de la célébrité ou du rythme qui leur est imposé, les conséquences sur leur santé et leur développement sont avérées.
    Voici les raisons pour lesquelles, le groupe Les Républicains approuve les différents articles et votera ce texte.
    En commission, le texte a reçu le soutien de l’ensemble des groupes, qui ont reconnu le besoin d’un cadre juridique. En revanche, on ne peut que regretter que l’adoption de certains amendements ait allégé les dispositifs prévus aux articles 3 et 4. Si la proposition de loi est peut-être devenue plus souple, sa version initiale paraissait plus protectrice des droits des enfants sur deux points : le cas des enfants n’entrant pas dans le cadre créé par l’article 1er du texte et la responsabilisation des plateformes.
    L’article 3, qui encadre la diffusion de l’image des enfants sur les plateformes de partage de vidéos lorsque cette activité ne relève pas du droit du travail, apparaît essentiel. Une déclaration devra être faite auprès de l’autorité administrative dès que la durée ou le nombre de vidéos dépasse un seuil fixé par décret en Conseil d’État ou que l’activité génère un revenu important. Dans ces cas, un régime proche de celui prévu pour les enfants du spectacle pourra être appliqué. Ainsi, leurs horaires de travail seront encadrés et une partie de leurs rémunérations sera obligatoirement versée sur un compte de la Caisse des dépôts et consignations, et ce jusqu’à leur majorité.
    En commission, l’article 4, qui encadre la responsabilisation des plateformes en ligne, a été entièrement réécrit. Les services de plateformes devront adopter des chartes visant à améliorer la lutte contre l’exploitation commerciale illégale de l’image d’enfants de moins de seize ans. On peut regretter que ce passage d’un système d’obligations à un système de chartes ait rendu le régime des plateformes moins contraignant.
    Le Sénat, dans sa grande sagesse, a renforcé cette proposition de loi en la réécrivant. Il l’a clarifiée et a consolidé le régime de protection des enfants de moins de seize ans. La commission des affaires culturelles et de l’éducation, en seconde lecture, a préservé l’essentiel du dispositif. Le groupe Les Républicains, à l’unanimité, dans un consensus presque parfait, votera donc ce texte. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et sur quelques bancs des groupes LaREM, Dem, Agir ens et UDI-I.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-France Lorho.

    Mme Marie-France Lorho

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    Voici une proposition de loi consensuelle. Elle vient en effet encadrer les très nombreuses vidéos qui fleurissent sur les réseaux sociaux et qui mettent en scène des mineurs, parfois en bas âge. Activités sportives, défis à relever, ou encore scènes de vie privées, ces films, le plus souvent réalisés par les parents eux-mêmes, sont mis en ligne sur des plateformes comme YouTube, Instagram, TikTok ou Twitch et peuvent atteindre des millions de vues.
    Alors, oui, cette proposition de loi, qui entend combler un vide juridique, est la bienvenue car l’intérêt de l’enfant doit être l’unique boussole du législateur lorsqu’il est appelé à réfléchir sur cette période si cruciale de la vie. Les sénateurs ne s’y sont pas trompés puisqu’ils ont adopté, à l’unanimité, le 25 juin dernier, une version qui vise à aller un peu plus loin dans la protection de nos enfants.
    Elle permettra de responsabiliser non seulement les parents, en leur donnant un cadre juridique plus clair sur ce qu’ils peuvent mettre en ligne et dans quelles conditions, mais aussi les plateformes qui diffusent lesdites vidéos ainsi que les annonceurs qui ont recours aux enfants pour promouvoir des produits. Les activités en ligne mettant en scène des enfants de moins de seize ans devront notamment être soumises à une autorisation préalable auprès de la commission des enfants du spectacle. Et c’est tant mieux.
    Le champ de la saisine judiciaire pouvant être effectuée par l’autorité administrative a été étendu. Ne sont plus seulement concernés les producteurs professionnels mais également les vidéos effectuées dans un cadre semi-professionnel dès lors que les représentants légaux de l’enfant auraient manqué à leur obligation de déclaration de leur activité.
    La responsabilité des annonceurs a également été clarifiée et renforcée, ce qui ne pourra qu’assurer une meilleure protection des enfants dont l’image est commercialement exploitée sur les plateformes en ligne.
    Les améliorations de cette proposition de loi sont d’autant plus essentielles que, bien souvent, les familles assimilent ces activités à du loisir et du divertissement pour leurs enfants. Cela peut être vrai dans certains cas, mais lorsque l’existence d’une rétribution financière, parfois d’un lien de subordination ou d’une prestation de travail peut être établie, le travail déguisé n’est pas loin. Dès lors, les règles du droit du travail s’appliquent. Toute dérogation à l’interdiction du travail des enfants, personne n’en disconviendra, doit être mûrement pesée et réfléchie. Tout retour en arrière en ce domaine serait inacceptable.
    Depuis les grandes enquêtes sanitaires du docteur Louis-René Villermé et la loi du 22 mars 1841 limitant le travail des enfants dans les grandes manufactures, le chemin pour interdire le travail des enfants dans notre pays fut long. Il a fallu quasiment un siècle et plusieurs dizaines de mesures d’application règlementaires pour que soit enfin mis un terme à l’insupportable exploitation des enfants dans les filatures, les mines, les fabriques et tout autre type d’établissement industriel.
    En définitive, malgré la plus ou moins bonne volonté du législateur, une loi n’est rien si elle n’est pas appliquée. Et pour qu’elle soit appliquée, il faut bien souvent que les mentalités aient déjà changé.
    Cette proposition de loi répond à des situations nouvelles mais au-delà de la protection juridique et économique des enfants, nous pouvons légitimement nous poser des questions sur l’omniprésence des écrans et la mise en scène de la vie des enfants. Je finirai donc logiquement mon intervention en évoquant le droit à l’oubli qui me paraît ici primordial. C’est une bonne chose que de permettre qu’il soit mis en œuvre de façon élargie et la plus souple possible afin d’éviter les « zones grises ».
    Bien évidemment, je voterai ce texte, comme chaque fois qu’il s’agit de renforcer la protection de l’intérêt supérieur de l’enfant. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LR, Dem et UDI-I. – M. Yannick Kerlogot applaudit également.)

    M. le président

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    La discussion générale est close.
    La parole est à M. le rapporteur.

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Merci à toutes et tous pour vos interventions, chers collègues, sur un sujet sur lequel je dirai que nos positions convergent. En politique, je crois en effet plus aux convergences qu’au consensus et je pense que c’est grâce à elles que nous adopterons ce texte, afin qu’il puisse entrer le plus rapidement possible en vigueur.
    J’entends vos interrogations, que j’ai pu partager en partie. Si je suis resté ferme sur certains points, je suis en effet revenu sur des propositions que j’avais faites dans la version initiale du texte parce qu’il m’a semblé au cours des échanges qu’il fallait accepter des modifications dans le souci de garantir au dispositif davantage d’efficacité sur le fond. C’est ainsi qu’en matière de territorialité du droit, j’ai bougé sur la responsabilisation des plateformes. Nous évoluons dans un cadre européen fixé par la directive « e-commerce » qui remonte à l’an 2000, date à laquelle, rappelons-le, ni les smartphones ni les plateformes de partage de vidéos n’existaient. Ces plateformes restent donc aujourd’hui considérées comme des hébergeurs et non des éditeurs. Vous avez souligné, madame Ressiguier, que la Commission européenne était en train de changer de position. Ce genre d’initiative législative permet aussi de montrer qu’il faut aller plus loin dans le régime de responsabilité des plateformes. Je comprends une partie de votre frustration mais j’espère vous convaincre que voter le texte sans modification, c’est le rendre efficace.
    Madame Victory, j’ai bien noté votre questionnement sur TikTok, plateforme évoquée par plusieurs d’entre vous où ce sont les enfants eux-mêmes qui mettent en ligne des vidéos. Ayons quand même à l’esprit qu’un mineur ne peut ouvrir un compte en banque qu’à partir de seize ans, avec l’autorisation de ses parents. Si ce texte responsabilise les entreprises et les plateformes, s’il donne des moyens aux associations, à l’administration ainsi qu’au juge pour traquer les pratiques que ce dernier considérera comme des abus, il ne faut pas perdre de vue que la responsabilité première à l’égard des enfants incombe aux parents. La proposition de loi a un volet coercitif : quand une relation de travail est clairement établie, il s’agit de travail dissimulé et des peines très élevées pourront être prononcées. Elle a aussi un volet pédagogique qui concerne toute cette zone grise où il n’y a pas de relation de travail : aucune consigne n’est donnée à l’enfant qui est filmé dans sa vie quotidienne mais la vidéo peut devenir si populaire qu’elle en devient virale, ce qui aboutit parfois à des placements de produits ou à d’autres types de revenus comme la monétisation des vidéos. Comme j’ai déjà eu l’occasion de le dire, à la tentation de la viralité, il nous faut préférer l’impératif de l’intimité.
    Cette proposition de loi, dont nous connaissons toutes et tous les limites, permet des avancées et je vous remercie, madame Lorho, d’avoir rappelé le cheminement historique qui a mené à l’interdiction du travail des enfants, autour de laquelle la République sociale s’est construite.
    Je vais laisser la parole à M. le secrétaire d’État. En matière de protection de l’enfance et de numérique, il y a encore beaucoup de choses à faire. Nous progresserons d’autant plus facilement que le cadre européen aura évolué. La Commission européenne a, à cet égard, une responsabilité immense qu’il est bon de rappeler ici, à l’Assemblée nationale, car la France est le premier pays à donner un cadre légal à l’exploitation commerciale des enfants influenceurs. Et ce premier pas que nous nous apprêtons à faire nous honore.
    Je répondrai bien sûr à vos amendements, mes chers collègues, et j’espère que nous parviendrons à nous entendre pour nous retrouver au moment du vote sur l’ensemble du texte, malgré les avis défavorables ou les demandes de retrait.
    Madame Buffet, permettez-moi de vous saluer, puisque je sais que vous allez quitter la commission des affaires culturelles et de l’éducation que je préside.

    M. Pierre-Alain Raphan

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    Oh non !

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Je vous remercie d’autant plus d’avoir pris la parole ce soir. (Applaudissements sur tous les bancs.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État.

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Pour compléter, je vais étendre le propos à la question, évoquée par plusieurs d’entre vous, de la protection des enfants à l’ère numérique. Je souhaite faire part à cet égard de trois observations à la représentation nationale.
    Premièrement, cette question renvoie bien évidemment à celle de l’exposition des enfants aux écrans dès le plus jeune âge, ainsi que Mme Lorho l’a relevé dans son intervention. La commission des 1 000 premiers jours présidée par Boris Cyrulnik a émis des recommandations à ce sujet, sur le fondement desquelles le Gouvernement et Santé publique France élaboreront des messages de santé publique, afin de donner des repères aux parents ainsi qu’à l’ensemble des professionnels qui les accompagnent dans les premières années de la vie de l’enfant. (M. le rapporteur et Mme Maud Petit applaudissent.)
    Deuxièmement, la question de la protection des enfants à l’ère numérique renvoie aussi à celle de l’exposition des mineurs à la pornographie, laquelle a des effets collatéraux assez dramatiques. Le Gouvernement mène depuis plusieurs mois un travail à ce sujet avec l’ensemble des acteurs concernés, la démarche envisagée étant assez similaire à celle que vous prévoyez dans votre proposition de loi.
    Pour la première fois, nous avons mis autour de la table l’ensemble des parties prenantes : les plateformes, les éditeurs de contenus, les fabricants de téléphones, les opérateurs, les associations de protection de l’enfance, les associations familiales. Le sujet est complexe, et cela fait vingt ans que l’ensemble des pays essaient de restreindre l’accès des enfants à la pornographie, notamment sur internet. Je rappelle qu’en France, la première exposition des enfants à la pornographie intervient en moyenne à l’âge de onze ans. Je parle d’effets dramatiques, car cette exposition n’est pas sans lien avec un autre phénomène montant dans notre pays, celui de la prostitution des enfants.

    Mme Marie-George Buffet

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    Tout à fait !

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Nous devons donc véritablement trouver les moyens de lutter contre l’accès facilité à la pornographie. Nous y travaillons avec l’ensemble des acteurs, et je vous tiendrai au courant des avancées en la matière. Nous réfléchissons notamment à l’instauration éventuelle de contrôles parentaux par défaut sur les téléphones et les différents dispositifs en cause ou chez les fournisseurs.
    Troisièmement, la protection des enfants à l’ère numérique revêt une dimension internationale. Le Président de la République s’est exprimé à ce sujet le 20 novembre dernier à l’UNESCO – Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture – à l’occasion du trentième anniversaire de la Convention internationale des droits de l’enfant. Lorsque cette convention a été rédigée, il y a trente ans, internet n’existait pas. Dès lors, aucune de ses dispositions ne permet d’assurer une protection efficace des enfants dans le monde numérique. Quant aux protocoles adoptés depuis lors, ils demeurent insuffisants.
    C’est pourquoi le Président de la République nous a demandé de travailler, en prélude à un éventuel protocole, à une déclaration politique forte qui serait adoptée par l’ensemble des États du monde, afin de renforcer cette protection. La déclaration aborderait à cette fin plusieurs sujets que vous avez évoqués au cours de vos interventions, notamment la lutte contre l’exploitation des enfants par le travail, la restriction de l’accès à la pornographie, la lutte contre la pédocriminalité – dont internet est, on le sait, l’un des vecteurs – et la protection des données personnelles.
    Telle est, au-delà du texte important que vous examinez cet après-midi, l’action plus globale que nous essayons de mener pour assurer une meilleure protection de nos enfants face au numérique. Comme je l’ai indiqué dans mon propos introductif, le numérique doit rester un lieu de création et d’inventivité, mais il doit s’agir d’un lieu où nos enfants sont protégés. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)

    Discussion des articles

    M. le président

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    J’appelle maintenant dans le texte de la commission les articles de la proposition de loi sur lesquels les deux assemblées n’ont pu parvenir à un texte identique.

    Article 1er

    (L’article 1er est adopté.)

    Article 2

    (L’article 2 est adopté.)

    Article 3

    M. le président

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    La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l’amendement no 2.

    Mme Muriel Ressiguier

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    Le placement de produit dans les programmes télévisés est interdit en France. Nous souhaitons étendre cette interdiction aux plateformes de partage de vidéos dont le sujet principal ou le destinataire est un enfant de moins de 16 ans. L’article 11, alinéa 2, de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels, dite directive SMA, interdit déjà le placement de produit dans les programmes pour enfants diffusés dans les médias audiovisuels.
    Actuellement, les marques s’imposent, de façon plus ou moins visible, dans les vidéos dont le sujet principal ou le destinataire est en enfant de moins de 16 ans. Or, dans une tribune publiée en 2016, que j’ai mentionnée au cours de la discussion générale, Philippe Meirieu et Serge Tisseron nous ont alertés sur le fait que la publicité « instrumentalise l’égocentrisme enfantin – une phase normale du développement – et maintient nos enfants dans l’infantile du caprice quand il faudrait, au contraire, les aider à s’en délivrer pour accéder à la pensée ».
    Les enfants n’étant pas à même de reconnaître un contenu commercial, ni de distinguer le réel du virtuel, il est nécessaire d’interdire cette forme de publicité dans les vidéos, de même qu’à la télévision.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Vous souhaitez améliorer encore le texte, et je vous en remercie.
    Néanmoins, la proposition de loi porte davantage sur l’enfant qui est derrière l’écran que sur celui qui est devant l’écran. En outre, une telle interdiction aurait des effets sur le financement du sport amateur, car elle mettrait en danger la pratique du sponsoring, par exemple celui des équipes de foot par les petites entreprises et les commerces, qui permet à ces équipes de se procurer des équipements. Enfin, les entreprises ont pris des engagements : au moment où nous examinions la proposition de loi en première lecture, la Fédération française des industries jouet-puériculture a adopté une charte encadrant les pratiques de ses membres en la matière.
    Pour l’ensemble de ces raisons, j’émets un avis défavorable, bien que je comprenne l’intérêt de votre amendement. Le placement de produit s’apparente à un téléachat des temps modernes, à la puissance dix, puisque les plateformes comptent parfois des millions d’abonnés.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Avis défavorable également, pour les mêmes raisons.

    M. le président

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    La parole est à Mme Muriel Ressiguier.

    Mme Muriel Ressiguier

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    Je pense à la fois à l’enfant sujet de la vidéo et à l’enfant qui la regarde. La publicité a un effet nocif, hélas, sur l’un comme sur l’autre. Vous savez ce que je pense des chartes, monsieur le rapporteur : elles ne sont pas assez coercitives ; vous n’avez pas réussi à me convaincre à ce sujet, et réciproquement.
    Je souhaite que nous poursuivions la discussion. Comme souvent, on s’attache à un cas particulier, en l’espèce celui des pratiques dans le sport amateur. Nous pourrions réfléchir ensemble à des exceptions à l’interdiction.
    En tout cas, nous sommes d’accord, je crois, sur le fait que la publicité est nocive et représente un danger psychologique pour les enfants, outre qu’ils y sont utilisés à des fins commerciales. Peut-être voterez-vous, dès lors, notre amendement de repli ?

    (L’amendement no 2 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq, pour soutenir l’amendement no 5.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Les articles 1 et 3 de la proposition de loi tendent à réguler la diffusion de vidéos mettant en scène des enfants, en raison de leur durée ou du niveau des revenus qu’elles produisent. L’amendement vise à instaurer un suivi psychologique trimestriel, par ses représentants légaux, de tout enfant concerné par cette pratique.
    En effet, ce type de pratique peut être source de nombreux troubles psychiques pour l’enfant.
    D’abord, cela a été relevé par plusieurs d’entre nous, il est avéré que certains enfants sont manipulés par leurs parents à des fins lucratives. La notion de divertissement mise en avant par les parents ne tient plus lorsqu’il s’agit d’une activité occupant l’enfant plusieurs heures d’affilée chaque semaine. Selon l’Observatoire de la parentalité et de l’éducation au numérique, l’OPEN, dans les cas les plus extrêmes, les enfants n’ont plus aucun temps de loisir ni de liberté dans leur vie quotidienne.
    La manipulation peut également être le fait d’entreprises qui utilisent ce type de vidéos pour faire du placement de produit ou introduire des coupures publicitaires. L’enfant est alors considéré comme un objet permettant la valorisation de produits commerciaux.
    Les relations de cette nature, avec les parents ou avec une entreprise, peuvent avoir des conséquences très graves sur la perception que l’enfant a de lui-même, sur son développement et sur sa sociabilité.
    Enfin, rappelons que l’exposition sur internet peut conduire à la réception de vagues de commentaires, positifs ou malveillants, qui peuvent bouleverser non seulement l’enfant, mais également sa famille. N’oublions pas que, sur les plateformes en ligne, les vidéos restent la plupart du temps disponibles de manière illimitée dans le temps et visibles par des millions d’inconnus.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Je vous remercie de votre proposition, monsieur Lecoq. Votre intention est tout à fait louable.
    La procédure d’agrément que nous créons, inspirée du régime d’autorisation applicable aux enfants du spectacle, rendra possible un contrôle médical dans la durée. Au demeurant, l’obligation d’information instaurée par les articles 1er et 3 de la proposition de loi sera plus efficace, car elle permettra à l’administration de disposer de l’identité de l’enfant et des parents et de détecter les éventuelles situations problématiques.
    L’amendement est, en pratique, satisfait. Je vous invite donc à le retirer. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Pour les mêmes raisons, je demande le retrait de l’amendement, faute de quoi mon avis sera défavorable.

    M. le président

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    Retirez-vous l’amendement, monsieur Lecoq ?

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Vous avez expliqué, monsieur le rapporteur, que le nouveau régime, inspiré de celui applicable aux enfants du spectacle, permettrait un suivi médical – nous évoquions pour notre part un suivi « psychologique ». Nous considérons que l’amendement est satisfait et nous le retirons.

    (L’amendement no 5 est retiré.)

    (L’article 3 est adopté.)

    Article 4

    M. le président

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    Je suis saisi de deux amendements, nos 6 et 1, pouvant être soumis à une discussion commune.
    La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 6.

    Mme Marie-George Buffet

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    Il vise à récrire l’article 4 afin d’imposer des obligations plus strictes aux plateformes diffusant des vidéos en ligne et de garantir le respect de la loi. Compte tenu des explications fournies précédemment par M. le rapporteur, je le retire.

    (L’amendement no 6 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Emmanuelle Ménard, pour soutenir l’amendement no 1.

    Mme Emmanuelle Ménard

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    Il vise à revenir à la rédaction initiale de l’article 4, afin d’imposer de véritables obligations aux plateformes. En effet, les chartes prévues par la nouvelle version de l’article peuvent être considérées comme peu contraignantes. Toutefois, vous nous ferez certainement valoir que les chartes seront parfaitement respectées. Aussi, dans un souci d’efficacité, je retire moi aussi mon amendement.

    (L’amendement no 1 est retiré.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l’amendement no 3.

    Mme Muriel Ressiguier

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    Il s’agit d’un amendement de repli, qui vise à ce que les contenus vidéo comportant un placement de produit soient identifiés par un signe visuel distinctif.
    Le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique prévoyait d’ailleurs de remédier au problème : son article 52 précisait que les fournisseurs de plateformes de partage de vidéos « informent clairement les utilisateurs de l’existence de ces communications commerciales au sein des programmes et des vidéos créées par les utilisateurs ».
    Il est indispensable de permettre la distinction entre ce qui relève du divertissement et ce qui relève du contenu publicitaire et marchand. Nous l’avons rappelé à plusieurs reprises, l’enfant ne différencie pas, de manière innée, le réel du virtuel. Selon l’association Résistance à l’agression publicitaire, les jeunes enfants ne sont pas équipés pour comprendre l’intention persuasive de la publicité. D’ailleurs, tout est fait pour qu’ils ne puissent pas faire la distinction, les personnages du dessin animé se retrouvant dans la publicité.
    L’apparition d’un signe distinctif identique à celui qui est imposé dans les programmes télévisés permettrait au moins de clarifier l’intention publicitaire du message.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    Madame Ressiguier, vous êtes en avance d’un jour : nous examinerons demain le projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière. Il contient une transposition de la directive SMA – directive européenne sur les services de médias audiovisuels – révisée en 2018, laquelle encadre strictement le placement de produit.
    Puisque votre amendement reprend la directive mot pour mot, je vous demande de le retirer. Il sera adopté demain – car j’ai peu de doutes sur l’adoption du texte – et son retrait nous permettra d’adopter un texte conforme à celui du Sénat, ce qui fera gagner du temps.

    M. le président

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    La parole est à Mme Muriel Ressiguier.

    Mme Muriel Ressiguier

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    Pour vous répondre avec une note d’humour : ce n’est pas très grave d’être en avance quand on va dans le bon sens ! Lorsqu’une mesure est positive, on peut la voter deux fois, une fois aujourd’hui et une demain. Ainsi, nous nous assurerons qu’elle entrera en vigueur avant que nous soyons tous morts. (M. Maxime Minot applaudit.)

    (L’amendement no 3 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    Mes excuses, monsieur le secrétaire d’État, je ne vous ai pas entendu sur l’amendement no 3. Pardonnez-moi ; M. le rapporteur avait exprimé une position si lumineuse que j’ai considéré l’Assemblée éclairée. (Sourires.)

    (L’article 4 est adopté.)

    Article 4 bis

    (L’article 4 bis est adopté.)

    M. le président

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    Sur l’ensemble de la proposition de loi, je suis saisi par le groupe La République en marche d’une demande de scrutin public.
    Le scrutin est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale.

    Article 5

    M. le président

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    La parole est à Mme Muriel Ressiguier, pour soutenir l’amendement no 4.

    Mme Muriel Ressiguier

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    Les nouvelles générations sont de plus en plus présentes sur les réseaux sociaux, soit de leur propre initiative, soit par l’intermédiaire de leurs parents ou de leurs amis. Certains enfants se retrouvent sur les plateformes en ligne dès leur naissance, car leurs parents ou leur famille ont publié une photo ou une vidéo d’eux.
    En grandissant, ils postent eux-mêmes des contenus qui les représentent, sans forcément avoir conscience des répercussions que ces publications peuvent avoir à l’instant où ils les postent, voire plus tard. Ces erreurs de jeunesse peuvent leur être préjudiciables à bien des égards. De même, les réactions suscitées lors de la mise en ligne de ces contenus peuvent avoir un effet plus que négatif pour celui qui les publie.
    Actuellement, le délai pour l’effacement des données peut aller jusqu’à deux mois entre la première demande et l’avis de la CNIL. C’est beaucoup trop long. L’amendement demande donc la réduction de ce délai.

    M. le président

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    Quel est l’avis de la commission ?

    M. Bruno Studer, rapporteur

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    L’amendement tend à raccourcir le délai d’effacement des données personnelles relatives aux mineurs. Le délai de saisine de la CNIL en cas d’absence de réponse passerait ainsi d’un mois à dix jours et la CNIL aurait ensuite quinze jours pour se prononcer.
    Je me réjouis que vous vouliez aller vite mais, encore une fois, pour faire rapidement entrer ces dispositions en vigueur, il vaut mieux voter un texte conforme. Avis défavorable. Il est préférable de rester dans le droit commun pour ces cas-là, même si, j’en conviens, la situation des enfants exige une attention particulière. De plus, les plateformes sont extrêmement réactives sur un sujet qui présente pour elles un risque réputationnel important, car elles ont tout intérêt à montrer patte blanche.

    M. le président

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    Quel est l’avis du Gouvernement ?

    M. Adrien Taquet, secrétaire d’État

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    Ce n’est pas la réactivité des plateformes qui pose problème, mais plutôt la méconnaissance par les parents et les enfants de la possibilité d’exercer leur droit de retrait. C’est à cela que nous devons travailler, et il est prévu de faire connaître cette possibilité dans la charte afin que les contenus soient retirés plus rapidement. Avis défavorable.

    M. le président

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    La parole est à Mme Muriel Ressiguier.

    Mme Muriel Ressiguier

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    Se pose aussi le problème de l’investissement des plateformes dans la modération : tout l’argent est dévolu aux algorithmes qui apparaissent à tort comme la panacée. Les conséquences sont extrêmement graves pour les enfants qui vont parfois jusqu’au suicide. Je ne doute pas que le débat se poursuivra sur le sujet et que nous aurons de nouveau à légiférer.

    (L’amendement no 4 n’est pas adopté.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-George Buffet, pour soutenir l’amendement no 10.

    Mme Marie-George Buffet

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    Il visait à remettre dans le texte les sanctions initialement prévues à l’article 6 du projet de loi, supprimé en première lecture. Mais, à la lumière des éléments que vous nous avez apportés, et dans l’espoir que nous votions tous ce soir un texte conforme, je le retire.

    (L’amendement no 10 est retiré.)

    (L’article 5 est adopté.)

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        69
            Nombre de suffrages exprimés                69
            Majorité absolue                        35
                    Pour l’adoption                69
                    Contre                0

    (La proposition de loi est adoptée.)
    (Applaudissements sur tous les bancs.
    )

    6. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance ce soir, à vingt et une heures trente :
    Discussion du projet de loi relatif à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-neuf heures cinquante.)

    Le Directeur du service du compte rendu de la séance
    de l’Assemblée nationale
    Serge Ezdra