XVe législature
Session ordinaire de 2020-2021

Deuxième séance du mardi 08 décembre 2020

Sommaire détaillé
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Deuxième séance du mardi 08 décembre 2020

Présidence de M. Richard Ferrand

M. le président

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    La séance est ouverte.

    (La séance est ouverte à quinze heures.)

    1. Hommage au président Valéry Giscard d’Estaing

    M. le président

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    (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.) Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, mercredi dernier, le 2 décembre, nous apprenions la disparition de Valéry Giscard d’Estaing. Demain, une journée de deuil national honorera la mémoire de l’ancien Président de la République.
    Aujourd’hui, je voudrais simplement saluer le grand parlementaire que fut aussi Valéry Giscard d’Estaing, dont le souvenir marquera notre hémicycle. À onze reprises, il fut choisi comme député par les électeurs du Puy-de-Dôme. Élu pour la première fois en 1956 – cet Européen de toujours put ainsi approuver l’année suivante la ratification du traité de Rome –, il siégeait encore ici en 2002.
    Entre ces deux dates, Valéry Giscard d’Estaing s’exprima sur ces bancs ou à la tribune à de multiples reprises, comme député ou comme ministre, avec cette aisance qui lui permettait de présenter un projet de loi de finances sans la moindre note.
    Devenu chef de l’État, il conserva un immense respect du Parlement et de ses prérogatives, renonçant à dissoudre l’Assemblée nationale, malgré les risques que représentaient des élections législatives à mi-mandat. En ouvrant à soixante députés ou soixante sénateurs la saisine du Conseil constitutionnel, Valéry Giscard d’Estaing renforça de manière décisive les droits de l’opposition.
    Enfin, avant de vous donner la parole pour les questions au Gouvernement, il n’est pas anodin de rappeler que ce rendez-vous démocratique fut institué en application de l’un de ses engagements, le 12 juin 1974.
    Quand il était Président de la République, le Parlement eut à se prononcer sur des réformes de société des plus fondamentales, comme l’interruption volontaire de grossesse.
    Pour Valéry Giscard d’Estaing, les parlementaires avaient un rôle central à jouer, car on ne peut moderniser sans convaincre. Il déclarait ici même, le 19 décembre 2000, il y aura bientôt vingt ans : « Chacun répète à l’envi qu’il faut restaurer les droits du Parlement. Le meilleur moyen d’y parvenir est d’en faire l’enceinte normale des grands débats politiques de notre pays, et le premier lieu de réflexion sur les enjeux de son avenir. » Il voyait juste.
    Le Bureau de l’Assemblée nationale se réunira demain. Il lui sera proposé qu’une plaque commémorative inscrive à jamais dans notre hémicycle le nom de Valéry Giscard d’Estaing. Ce sera justice, il me semble.
    Monsieur le Premier ministre, mesdames et messieurs les membres du Gouvernement, mesdames et messieurs les députés, chers collègues, en mémoire de Valéry Giscard d’Estaing, je vous invite à observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)

    2. Questions au Gouvernement

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle les questions au Gouvernement.

    Équilibre entre libertés et sécurité

    M. le président

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    La parole est à M. Olivier Becht.

    M. Olivier Becht

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    Certains voudraient faire croire que le Gouvernement fait régresser les libertés dans notre pays.
    Certes, le confinement restreint nos libertés, du fait de la pandémie, mais c’est aussi le cas dans presque tous les pays du monde et chacun sait que c’est transitoire.
    Hormis cette situation exceptionnelle, c’est probablement nous, qui vivons dans ce pays et à cette époque, qui disposons du plus grand nombre de libertés depuis le début de l’histoire humaine.
    Pour nous en convaincre, il suffit de rappeler que la liberté de choisir son conjoint,… (Brouhaha)

    M. le président

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    Chers collègues, chut !

    M. Olivier Becht

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    …quel que soit son sexe, la liberté de poursuivre sa grossesse ou de l’arrêter, la liberté de changer de sexe, la liberté de choisir sa religion ou de ne pas croire, la liberté de caricaturer ou de blasphémer, la liberté de s’exprimer dans la rue ou sur n’importe quel support contre le pouvoir, nous auraient conduits à l’échafaud il y a encore 250 ans.
    J’ajoute que nous avons la liberté de voyager dans presque tous les pays, et d’échanger des produits et des idées dans le monde entier.
    Toutefois, même si certains semblent l’oublier, la liberté a aussi des limites, celles qui assurent, en vertu de l’article 4 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, la jouissance de ces mêmes droits aux autres membres de la société.
    Ainsi, la liberté de manifester n’emporte pas celle de tout casser, comme nous le voyons trop souvent depuis quelques années le samedi après-midi dans nos villes, au détriment de la liberté et de la sécurité des commerçants et des honnêtes citoyens, ce qui devient proprement insupportable.
    La liberté de filmer les policiers et de diffuser ces images n’emporte pas la liberté d’organiser sur les réseaux sociaux des chasses aux flics et de porter atteinte à leur sécurité, notamment dans leur vie privée.
    Enfin, la liberté d’aller et de venir n’emporte pas le droit de contaminer autrui, pour ceux qui ont été testés positifs à la covid-19 et refusent de s’isoler.
    Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous rassurer les Françaises et les Français quant à la volonté du Gouvernement de garantir le nécessaire équilibre entre les libertés et la sécurité de tous ? (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Monsieur Olivier Becht, vous m’autoriserez à ne pas me lancer devant la représentation nationale dans un grand exposé sur la manière de concilier libertés et sécurité – vaste débat.

    Un député du groupe LR

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    Effectivement, il ne vaut mieux pas !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Encore que je ne peinerais pas à vous convaincre que le respect de la liberté d’aller et venir est d’abord garanti par la sécurité due à chaque citoyen de la République.
    Ce que je sais…

    Mme Émilie Bonnivard

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    C’est que vous êtes sur le fil !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    …en outre, c’est que la liberté ne saurait autoriser, comme on l’a vu samedi dernier, à porter atteinte à l’intégrité physique de quarante-sept membres des forces de sécurité intérieures, auxquelles je veux, devant la représentation nationale, apporter le soutien sans faille du Gouvernement et de la nation tout entière. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et LR.)

    Un député du groupe LaREM

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    Il a raison !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Ce que je sais, c’est que la liberté, ce n’est pas de jeter en pâture des policiers sur les réseaux sociaux ou de leur crier « Suicidez-vous ! ».
    Ce que je sais, c’est que la liberté, ce n’est pas de casser des vitrines, des commerces et du mobilier urbain pendant les manifestations.
    Ce que je sais, c’est que la liberté, ce n’est pas porter atteinte au droit de manifester et d’exprimer légitimement ses revendications.
    Je tiens à faire savoir à la représentation nationale qu’après ces événements, quarante-deux personnes ont été interpellées ; vingt-neuf d’entre elles ont été placées en garde à vue pour dégradation, port d’arme prohibé, ou violence volontaire. Neuf d’entre elles ont été présentées à un magistrat à l’issue de leur garde à vue.

    M. Fabien Di Filippo

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    Ce n’est pas assez !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Ces événements, vous avez parfaitement raison, sont intolérables.
    Cela fait trop longtemps que ces casseurs s’immiscent dans les manifestations, et commettent des actes inadmissibles (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens.)
    J’ai demandé au ministre de l’intérieur de proposer des mesures pour remédier à cette situation intolérable, notamment des mesures préventives, qui, vous le savez, ont dans un premier temps été censurées par le juge constitutionnel.
    Nous allons remettre l’ouvrage sur le métier, pour trouver la solution la plus adaptée pour que cessent ces comportements inadmissibles. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, Dem et Agir ens. Brouhaha.)

    M. le président

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    Chers collègues, un peu de silence, s’il vous plaît.

    Protection des forces de l’ordre

    M. le président

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    La parole est à M. Fabrice Brun.

    M. Fabrice Brun

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    Samedi, Paris a une nouvelle fois été le théâtre de scènes d’une violence inouïe.
    Nous faisons à chaque fois le même constat : des forces de l’ordre blessées par dizaines, des pompiers attaqués et insultés, des commerces vandalisés, des manifestants pris en otage et l’image de la France toujours plus abîmée.
    Pendant ce temps, dans une interview diffusée par un grand média numérique, le Président de la République ose indiquer à demi-mot que la police serait violente et raciste.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Scandaleux !

    M. Fabrice Brun

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    C’est grave, c’est faux et c’est impardonnable.  Honteux ! » et exclamations sur les bancs du groupe LR.)
    Dans notre pays, quand les policiers ont des comportements contraires à la déontologie, ceux-ci sont sanctionnés et personne ne trouve rien à y redire.
    On ne saurait en dire autant pour les voyous qui s’en prennent aux forces de l’ordre : ils courent toujours, en toute impunité.  C’est vrai ! » sur les bancs du groupe LR.) 
    Plus aucun territoire de la République n’est d’ailleurs épargné. Ce week-end, deux policiers en patrouille ont été pris à partie par une vingtaine d’individus formant une bande organisée dans la ville préfecture de Privas.
    Au-delà des paroles, qu’attendez-vous, monsieur le Premier ministre, pour casser cette spirale de la violence qui n’en finit plus, pour mettre fin aux black blocs qui nient l’idée même de l’État, et pour soutenir les policiers choqués par les déclarations caméléon d’Emmanuel Macron au média Brut ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)
    Rien ne justifie l’opprobre jeté sur les forces de l’ordre au plus haut niveau de l’État. Les lâcher aujourd’hui, c’est les lyncher ! Ils ne le méritent pas, eux qui exécutent des missions difficiles au quotidien, pour protéger la population.
    Les Français ne méritent pas ce double discours qui affaiblit la République et l’État de droit.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Double langage ! Hypocrites !

    M. Fabrice Brun

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    Après avoir attisé toutes les tensions depuis trois ans et soufflé le chaud et le froid sur les policiers, allez-vous rétablir l’ordre et la sécurité, première des libertés et protéger enfin ceux qui nous protègent ? (Vifs applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Au moins, elle est arrivée à l’heure aujourd’hui !

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

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    Monsieur le député,…

    Un député du groupe LR

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    Caméléons !

    M. le président

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    S’il vous plaît, chers collègues, écoutons madame la ministre déléguée dans le silence.

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée

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    …moi aussi j’ai une question à vous poser : pourquoi faites-vous cela ? (Vives protestations sur les bancs du groupe LR) Pourquoi faites-vous croire que le Président de la République aurait déclaré que la police était structurellement raciste, alors qu’il ne l’a jamais dit ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. – Les exclamations continues sur les bancs du groupe LR couvrent la voix de l’oratrice. – Plusieurs députés, sur divers bancs, font un signe montrant qu’il n’entendent pas la ministre.)
    Pourquoi faites-vous croire qu’il aurait lâché les policiers, alors qu’il a manifesté son soutien à l’institution qu’est la police républicaine, tout en indiquant qu’il fallait sanctionner très fermement les dérapages et les violences individuelles lorsqu’elles ont lieu ?
    Monsieur le député, pourquoi faites-vous croire que le Président de la République a tenu des propos exactement inverses à ceux effectivement prononcés dans son interview ?
    Ce que vous faites n’est pas bien : vous jetez de l’huile sur le feu et attisez les divisions et les haines, alors que le Gouvernement soutient la police. Le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin n’a cessé de soutenir les forces de l’ordre, en paroles et en actes, (Protestations sur les bancs du groupe LR) dans la continuité de l’action que nous menons depuis 2017, avec le livre blanc de la sécurité intérieure, élaboré grâce à Christophe Castaner et Laurent Nunez,… (Mêmes mouvements.)

    Une députée du groupe LR

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    Et la Constitution, vous connaissez ?

    M. le président

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    S’il vous plaît, chers collègues.

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée

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    …ou avec le chantier du Beauvau de la sécurité, annoncé par le Président de la République et qui sera conduit au ministère de l’intérieur, avec des moyens supplémentaires considérables.
    D’ailleurs les députés du groupe Les Républicains au Sénat, qui appartiennent au même parti que vous, ont voté en faveur de l’augmentation du budget du ministère de l’intérieur, en soulignant que le Gouvernement avait pris  un engagement historique, exceptionnel, en faveur des forces de l’ordre – contrairement à vous, lorsque vous étiez au pouvoir. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – Huées sur les bancs du groupe LR. – Bruit persistant.) 
    Je réitère notre soutien aux policiers et aux gendarmes qui ont été blessés. Ils sont plus de 13 212, depuis le début de l’année 2020. Ces policiers, ces policières et ces gendarmes qui tous les jours s’engagent pour protéger la République française et les citoyens ; nous les soutenons.

    M. le président

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    Mes chers collègues, par votre chahut, vous ayez privé monsieur Brun de la réponse de la ministre déléguée ; je le déplore.
    J’ajoute que ce comportement n’est absolument pas digne de la tenue qu’exigent nos débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Écologie et territoires

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    Permettez-moi, en premier lieu, au nom du groupe Libertés et territoires, de saluer la mémoire de Valéry Giscard d’Estaing, grâce à qui les parlementaires sont aujourd’hui plus libres dans leur action et qui, élu de Chamalières, n’a jamais oublié d’écouter les territoires.
    Ma question s’adresse à la ministre de l’écologie. Aujourd’hui, journée mondiale du climat, nous devons plus que jamais rappeler la menace bien réelle que constitue le réchauffement climatique, et la nécessité d’agir pour limiter ses effets. C’est l’ambition portée par la France depuis la COP21, il y a tout juste cinq ans.
    Le Président de la République a voulu une Convention citoyenne pour le climat. Pendant neuf mois, cent cinquante personnes ont travaillé pour proposer des mesures concrètes. Ces propositions devaient être transmises sans filtre, c’était la promesse du Président de la République, le 25 avril dernier, promesse qu’il n’a pas tenue.
    Tout au long de l’été, les déclarations du Gouvernement se sont multipliées pour écarter des mesures ici, pour les affaiblir là. À ces décisions, le pouvoir législatif a été trop peu associé, les territoires pas du tout : ni les maires, ni les élus locaux, ni non plus les associations ou les entreprises.
    Or l’écologie, pour être efficace, doit s’inscrire dans la France des territoires, sans quoi nous courons le risque d’une rupture de confiance entre le Gouvernement et les Français. Seule l’écologie des territoires permettra de tisser ces liens de confiance.
    Si le Gouvernement n’a pas su anticiper la crise de la covid-19, il sait en revanche que nous devons anticiper la catastrophe du dérèglement climatique, et qu’il faut pour cela aller plus vite, plus loin, plus fort.
    Pour mobiliser le pays, nous avons besoin d’associer des élus locaux, des forces vives de l’État et des parlementaires : comment allez-vous assurer cette coconstruction qui permettra à la France, cinq ans après la COP21, de reprendre le flambeau de la lutte contre le réchauffement climatique ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LT.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Elle est où, Pompili ?

    M. Marc Fesneau, ministre délégué chargé des relations avec le Parlement et de la participation citoyenne

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    Vous l’avez rappelé, le Président de la République a fait le choix d’une démarche innovante, celle de réunir cent cinquante citoyens tirés au sort et de leur demander de répondre à une question à la fois simple dans son énoncé et compliquée dans sa réponse : comment de réduire de 40 % les émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030 ?
    À l’issue de travaux remarquables et remarqués, le Président de la République a pris un engagement devant les citoyens, celui de faire en sorte que l’ensemble des 146 propositions retenues trouve une traduction réglementaire, législative ou budgétaire, dans un cadre national ou européen. C’est la tâche à laquelle nous nous sommes attelés depuis le mois de juillet, dans des conditions que vous travestissez un peu…

    M. Maxime Minot

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    Qu’est-ce que vous avez contre les travestis ?

    M. Marc Fesneau, ministre délégué

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    …puisqu’y ont été associés, dans une démarche de coconstruction de la loi, les membres de la convention citoyenne mais également plusieurs parlementaires.
    Cela ne va pas sans difficulté, sans écueil ou sans débat mais si c’était facile, cela se saurait ! Vous ne pouvez ignorer, monsieur le député, vous qui avez une expérience de la majorité et de l’opposition, au sein de plusieurs groupes politiques, qu’il s’agit d’un sujet complexe, et j’aimerais que vous me citiez un seul texte qui ait fait l’objet pour son élaboration d’une concertation aussi ouverte avec les parlementaires et les citoyens ? (M. Erwan Balanant applaudit.)
    La convention citoyenne était dans son rôle en formulant des propositions ;…

    M. Maxime Minot

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    Parlez-en à votre Premier ministre !

    M. Marc Fesneau, ministre délégué

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    …le Gouvernement est dans le sien en rédigeant un projet de loi, qu’il soumettra au Parlement ; le Parlement sera dans le sien en débattant, en amendant et en votant ce texte – il n’est pas inutile de rappeler l’ordre des choses.
    Il y a au moins un point sur lequel nous devrions non pas nous diviser mais nous accorder : c’est sur la promesse, faite devant cent cinquante citoyens français, devant tous nos compatriotes, notamment les plus jeunes, de répondre au défi climatique. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. François-Michel Lambert.

    M. François-Michel Lambert

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    Monsieur le ministre, vous avez oublié les élus locaux, et nous le regrettons fortement. (Exclamations sur les bancs du groupe LaREM.)

    Justice pénale des mineurs

    M. le président

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    La parole est à M. Jean Terlier.

    M. Jean Terlier

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    Monsieur le garde des sceaux, après onze heures de débat en commission, c’est avec enthousiasme que nous abordons cette semaine, en séance publique, le projet de loi portant modification de l’ordonnance de 1945 sur la justice pénale des mineurs. Avec enthousiasme et fierté, parce qu’à l’issue de nos débats dans l’hémicycle, nous pourrons nous féliciter collectivement d’avoir contribué à la création d’un nouveau code, le code de la justice pénale des mineurs ; avec ténacité aussi, car cela fait maintenant plus de deux ans que la représentation nationale travaille à l’élaboration de cette ambitieuse réforme – et je voudrais ici saluer et remercier votre prédécesseure, Mme Nicole Belloubet (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM – « Oh là là » sur les bancs du groupe LR), qui a eu le courage politique de porter ce sujet délicat dans le cadre de la loi de programmation de justice, alors qu’aucun gouvernement depuis quinze ans n’en avait pris l’initiative.
    Je voudrais également saluer la méthode qui a permis que nous puissions avoir un vrai débat parlementaire autour de ce texte, avant son entrée en vigueur, le 31 mars 2021.
    Tous les sujets seront abordés durant nos débats : celui de l’âge de la responsabilité pénale des mineurs, autour de la restauration d’une présomption simple de non-discernement pour les mineurs de moins de treize ans ; celui de la réaffirmation des grands principes à valeur constitutionnelle qui guident ce texte – la primauté de l’éducatif sur le répressif, l’atténuation de la responsabilité d’un mineur qui ne peut être jugé comme un majeur, la nécessité d’une justice pénale spécialisée.
    Sera également abordé le sujet des moyens à engager pour conduire une ambitieuse réforme de la procédure. Elle doit permettre que les mineurs soient jugés en moins de trois mois, instaurer une mise à l’épreuve éducative d’une durée de six à neuf mois et redonner une place prépondérante à la prise en charge des victimes.
    Enfin, il sera aussi question des mineurs non accompagnés délinquants, qui ne doivent pas être considérés différemment des mineurs français délinquants – et je salue l’accord historique signé ce week-end avec le Maroc.
    Pouvez-vous nous indiquer dans quelles dispositions l’avocat pénaliste devenu garde des Sceaux aborde cette ambitieuse réforme de l’ordonnance de 1945 ? (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Pierre Cordier

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    C’est lui qui a rédigé la question !

    Un député du groupe LR

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    Il va aussi faire la réponse !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Selon un sondage récent, 97 % des Français…

    Un député du groupe LR

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    …ne soutiennent pas la réforme !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    …attendent cette réforme de la justice pénale des mineurs, et 59 % d’entre eux estiment que c’est une réforme prioritaire.
    Le texte, dont nous débattrons dès jeudi, est le fruit d’une très longue concertation, qui remonte à 2007. Des centaines de parlementaires ont été consultés, ainsi que des organisations syndicales, des magistrats et des avocats.
    Après avoir mobilisé quatre gardes des sceaux, cette réforme est mûre, et j’aurais l’honneur, jeudi, de vous exposer quels sont les renforts en magistrats, en greffiers et en éducateurs que nous allons attribuer à chaque juridiction, à la suite d’une expertise particulièrement précise de l’Inspection générale de la justice.
    Pour ce qui concerne mes sentiments, je suis particulièrement fier et honoré de défendre cette réforme avec vous, et je mesure évidemment la responsabilité qui est la mienne – la nôtre, devrais-je dire. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    Cette réforme en effet est une réforme équilibrée, qui consacre la primauté de l’éducatif sur le répressif, et qui répond à l’exigence de rapidité indispensable lorsqu’il s’agit de juger des mineurs, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

    M. Maxime Minot

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    Tout va très bien, madame la marquise !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je ne sais pas si tout va bien, mais tout ira mieux grâce à cette réforme.

    Disparition de Valéry Giscard d’Estaing

    M. le président

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    La parole est à M. Guillaume Larrivé.

    M. Guillaume Larrivé

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    Permettez-moi d’exprimer, au nom du groupe Les Républicains et des Français que nous représentons, notre reconnaissance à l’égard du président Valéry Giscard d’Estaing.
    Il a servi la France avec l’intelligence et l’élégance d’un grand amoureux de la liberté. Pour ma génération, il était le président des jours heureux de notre enfance ; nous l’admirions.
    La préférence pour la raison plutôt que pour les passions se combinait chez lui avec la conscience de l’histoire et la volonté de s’inscrire dans le temps long. S’il était européen, c’est d’abord parce qu’il aimait la France et qu’il ne voulait pas qu’elle fut effacée à l’heure du choc des grandes puissances.
    Il n’ignorait pas le tragique, qu’il avait éprouvé dès l’âge de dix-huit ans dans l’armée du général de Lattre de Tassigny. Il avait appris l’État, à l’aube de la Ve République, comme ministre des finances du général de Gaulle et de Georges Pompidou, et il savait au fond faire vivre dans notre siècle, la belle tradition nationale et libérale.
    Il avait compris que notre pays ne devait pas se complaire dans la nostalgie et qu’il ne pouvait y avoir de continuité sans changement. Il a su être un novateur raisonnable, faisant progresser la France, faisant progresser la société française et améliorant la condition des femmes. Il a conforté notre démocratie, en affirmant les libertés publiques, et renforçant les droits des citoyens et, parce qu’il savait que la France n’était forte que dans l’unité, il espérait pouvoir rassembler un jour jusqu’à deux Français sur trois.

    Un député du groupe GDR

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    Pose ta question !

    M. Guillaume Larrivé

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    Le président Valéry Giscard d’Estaing nous invitait à regarder haut. Je veux espérer, monsieur le Premier ministre, que nous saurons collectivement rester fidèles au legs giscardien en retrouvant la capacité à préparer l’avenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement.

    M. Gabriel Attal, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, porte-parole du Gouvernement

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    Valéry Giscard d’Estaing s’est éteint la semaine dernière. Avec lui, la France a perdu non seulement l’un de ses anciens présidents mais aussi un réformateur passionné, un visage du courage face aux conservatismes, de l’ouverture face au nationalisme.
    La semaine dernière, le Président de la République exprimait l’émotion d’une nation tout entière ; vous lui rendez hommage à votre tour, et je m’y joins au nom du Gouvernement.
    Valéry Giscard d’Estaing a posé certains des fondements de notre société moderne. J’appartiens à une génération qui est née après son septennat et qui a grandi sans forcément savoir qu’elle lui devait la majorité à dix-huit ans, l’égalité des droits, l’interruption volontaire de grossesse.
    Valéry Giscard d’Estaing a aussi contribué à changer la politique. Il a voulu faire tomber les murs qui séparaient les Français du pouvoir, il a voulu aller vers chacun d’entre eux, il a voulu rassembler par-delà les clivages.
    Valéry Giscard d’Estaing était un Européen, et c’est ce que nous retenons : un Européen passionné, exigeant, qui croyait en l’Europe parce qu’il aimait la France et qu’il voulait qu’elle continue à faire entendre sa voix dans le concert des nations.
    L’Union européenne a ses pères fondateurs, Valéry Giscard d’Estaing les rejoint, puisqu’il a permis l’élection du Parlement européen au suffrage universel, instauré le Conseil européen, posé les fondements d’une monnaie unique et donné âme au couple franco-allemand. L’Auvergne, la France, l’Europe, tels étaient ses horizons.
    Nous nous rappellerons son regard vif, son action, ses mots et ses combats. Nous perdons un homme dont la passion était de servir la France, et la France ne l’oubliera pas. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Stratégie de sortie du glyphosate

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Luc Fugit.

    M. Jean-Luc Fugit

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    Monsieur le ministre de l’agriculture et de l’alimentation, depuis deux ans, notre mission d’information sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate a dressé un état des lieux de l’évolution des usages et de l’existence de solutions de remplacement.
    Ses travaux ont été conduits en se fondant sur la science et en privilégiant la confiance envers les acteurs rencontrés, dont les agriculteurs à qui je veux rendre hommage pour la qualité de leur travail. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)
    Notre rapport de fin 2019 identifiait les difficultés rencontrées et formulait des propositions pour accompagner le monde agricole. Les données dont nous disposons montrent qu’entre 2017 et 2019 les ventes de glyphosate en France ont diminué de 30 % : c’est un premier pas à souligner. Pour aller plus loin, vous avez indiqué le mois dernier, devant notre mission, les orientations que vous reteniez : interdiction et réduction de l’usage du glyphosate sur la base des travaux de l’ANSES – Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail –, mise en place d’un chef de projet glyphosate, soutien financier aux agriculteurs en lien avec le plan de relance et financement de nouvelles recherches.
    Ces mesures devraient diminuer de 50 % l’usage du glyphosate en 2021, ce qui fera de la France un pays pionnier. Nous sommes en effet le seul grand pays d’Europe à avoir engagé la sortie progressive du glyphosate, ce que n’ont pas fait les autres pays, quelle que soit la coalition au pouvoir.
    Il nous faut poursuivre la transition engagée, tout en soutenant nos agriculteurs avec des aides à la hauteur de l’enjeu, pour éviter de mettre en péril leurs exploitations.
    Dans cette perspective, quelle est la feuille de route fixée au chef de projet ? Pouvez-vous nous donner des précisions sur l’ensemble des mesures de soutien que l’État apportera aux agriculteurs engagés dans la sortie du glyphosate dès 2021 ? Ne pensez-vous pas enfin que, pour en finir complètement avec ce principe actif et les autres produits phytosanitaires dangereux, il soit désormais souhaitable de porter la question au niveau européen ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

    M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

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    Avant de répondre à votre question, je souhaiterais rendre hommage à tous les agriculteurs et à tous les éleveurs, qui continuent à nourrir le pays pendant cette nouvelle période de confinement. Cette force de l’évidence provient du travail acharné de ces femmes et de ces hommes, y compris pendant le confinement. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM, LR, Dem, SOC, Agir ens et LT.)
    Je veux aussi saluer les travaux de la mission d’information commune sur le suivi de la stratégie de sortie du glyphosate, dont vous étiez le corapporteur avec votre collègue Jean-Baptiste Moreau.
    On ne le dit pas suffisamment, mais la transition est en cours : ainsi, un tiers des exploitations agricoles sont déjà sorties du glyphosate et un autre tiers est en train d’en sortir. D’ici à la fin du quinquennat, le volume de glyphosate utilisé aura diminué d’environ la moitié. Vous l’avez dit, nous devons être fiers de cette transition agroécologique, la plus poussée en Europe avec celle du Luxembourg – mais avec tout le respect que j’ai pour nos amis luxembourgeois, le défi n’est pas exactement le même, au regard de la différence de puissance agricole.
    Comment renforcer la transition en cours ? D’abord, il faut évidemment investir dans la recherche : nous venons de voter des crédits supplémentaires dans ce domaine.
    Ensuite, il faut porter le débat au niveau européen, parce que nous ne pouvons pas accepter que des produits utilisant d’autres types de production concurrencent, au sein du marché commun, nos propres productions qui abandonnent le glyphosate.
    Enfin, il faut accompagner les agriculteurs, car l’injonction est trop facile ; en effet, il est trop facile de dire « il faut, il faut, il faut » sans se soucier de la création de valeur, donc de la rémunération. Pour ce faire, nous avons décidé de renforcer l’accompagnement : une transition ayant un coût, nous allons créer, si l’Assemblée l’autorise, un crédit d’impôt glyphosate. Nous allons affecter 80 millions d’euros supplémentaires à l’investissement agroécologique dans le plan de relance, pour porter ce poste à 215 millions.
    C’est cela, l’écologie : affronter la complexité du réel et refuser l’incantation. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Projet Hercule

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Monsieur le Premier ministre, ce matin, lors de la séance des questions orales sans débat, j’ai interrogé Mme la secrétaire d’État auprès de la ministre de la transition écologique, chargée de la biodiversité, sur le projet Hercule.
    Ce projet a pour objet de scinder EDF…

    M. Pierre Cordier

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    Scandaleux !

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    …en plusieurs entités étanches entre elles, notamment pour ouvrir le capital de ses activités dans les énergies renouvelables. La réponse, ou plutôt l’absence de réponse,…

    M. Maxime Minot

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    Comme d’habitude !

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    …de Mme la secrétaire d’État n’est pas de nature à lever les inquiétudes fortes et légitimes des syndicats, des élus locaux et de toutes celles et tous ceux qui s’intéressent au sujet de l’énergie.
    Depuis un an, le projet Hercule se construit dans le plus grand secret entre l’Élysée et Bruxelles.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Il faut financer 2022 !

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Selon Libération et Les Échos, visiblement mieux informés que la représentation nationale  ce qui est inacceptable ! , le Président de la République aurait décidé seul le démantèlement du grand service public qu’est EDF.
    Sur le fond, de très nombreuses questions se posent, alors que le contexte nous rappelle l’importance de services publics forts pour affronter les défis sanitaires, énergétiques et climatiques. EDF est l’un d’entre eux, alors pourquoi prendre le risque de le démanteler et de le fragiliser ?

    M. Raphaël Schellenberger

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    C’est vrai !

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Pouvez-vous présenter à la représentation nationale les bases sur lesquelles les discussions se déroulent à Bruxelles ? Où en sommes-nous sur l’ARENH – accès régulé à l’électricité nucléaire historique ? Quels seront le périmètre et le statut de la quasi-régie que vous souhaitez créer pour l’hydroélectricité ? Quid du multiusage de l’eau, indissociable de la production ?

    M. Raphaël Schellenberger

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    Bravo !

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Quid des concessions de la SHEM – société hydroélectrique du midi ?
    Sur la forme, les questions sont également nombreuses. Qu’en sera-t-il de la gouvernance des trois entités créées ? Comptez-vous associer les parlementaires, les élus locaux et les syndicats ? Quels seront le calendrier et le véhicule législatif retenus ?

    M. Raphaël Schellenberger

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    Excellent !

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Monsieur le Premier ministre, nous attendons…

    M. Raphaël Schellenberger

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    Eh oui !

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    …des réponses précises. Il est grand temps de faire preuve de transparence sur l’avenir de notre entreprise publique d’énergie et de cesser d’ignorer le Parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR, FI et GDR. – Mme Stéphanie Kerbarh applaudit aussi.)

    M. Raphaël Schellenberger

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    Excellente question !

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité

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    Nous en avons effectivement discuté ce matin, EDF joue et doit continuer de jouer un rôle éminent pour notre pays. Elle est l’un des principaux moteurs de la transition.
    Cela n’a pas changé : je vous redis l’attachement du Gouvernement, dans le cadre des négociations actuelles, à préserver les équilibres et à ne surtout pas déstabiliser cette entreprise.

    Mme Valérie Rabault

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    Les réponses n’arrivent pas !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Notre parc de production est faiblement émetteur de gaz à effet de serre et EDF développe massivement ses énergies renouvelables dans le parc nucléaire. (Au fur et à mesure que la secrétaire d’État s’exprime, les protestations se font de plus en plus fortes, se transformant en un brouhaha qui couvre souvent la voix de l’oratrice.)

    M. Raphaël Schellenberger

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    Débitons les éléments de langage et ne nous intéressons surtout pas aux problèmes de fond !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Alors que nous nous préparons à la fermeture de centrales à charbon,…

    M. Pierre Cordier

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    Vous venez de les rouvrir !

    M. André Chassaigne

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    C’est du baratin !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    …nous devons absolument, comme le prévoit la programmation pluriannuelle de l’énergie, préserver l’équilibre, tout en dégageant des capacités d’investissement supplémentaires pour alimenter la transition écologique et énergétique. (Bruit persistant.)

    Mme Marie-Noëlle Battistel et Mme Valérie Rabault

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    Ce n’est pas la question !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    EDF nous permet de produire une électricité parmi les plus décarbonées d’Europe. Dans le cadre du projet Hercule, nous avons demandé au PDG d’EDF de formuler des propositions relatives à l’organisation du groupe et de dégager des ressources nécessaires pour répondre au défi de ces investissements.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Ce n’est pas la question !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Il nous faut retrouver un équilibre économique tout en dégageant une nouvelle perspective industrielle et en portant la plus grande attention aux salariés, qui doivent pouvoir continuer de développer leurs compétences et leurs savoir-faire dans les meilleures conditions. (Protestations puis huées sur les bancs LR et SOC.)
    Les négociations se tiennent en ce moment. Nous serons vigilants pour assurer une protection durable aux consommateurs d’énergie. Nous avons la détermination et l’ambition de défendre les intérêts des Français. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    M. Raphaël Schellenberger

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    C’est tout sauf une réponse !

    M. le président

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    La parole est à Mme Marie-Noëlle Battistel.

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Encore une fois, vous n’apportez aucune réponse aux sept questions extrêmement précises que j’ai posées. (Vifs applaudissements sur les bancs des groupes SOC, LR et GDR Mme Stéphanie Kerbarh et M. Matthieu Orphelin applaudissent également.)

    M. Raphaël Schellenberger

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    Bravo !

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Aucune réponse ! C’est un mépris total du Parlement. Nous serons mis devant le fait accompli, c’est inacceptable ! Vous confisquez le débat !

    Contrôle des exportations d’armement

    M. le président

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    La parole est à Mme Michèle Tabarot.

    Mme Michèle Tabarot

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    Monsieur le Premier ministre, mon collègue Jacques Maire et moi-même avons présenté, le 18 novembre dernier, le rapport de la mission d’information sur le contrôle des exportations d’armement, créée à l’initiative de la présidente de la commission des affaires étrangères, Marielle de Sarnez.
    En dix-huit mois, nous avons effectué quatre déplacements et rencontré de très nombreux acteurs – experts, industriels, membres d’organisations non gouvernementales et industriels. Ce travail nous a permis de parvenir à un constat équilibré de la situation : nous avons rappelé l’importance des exportations d’armes pour l’autonomie stratégique de notre pays, mais nous avons aussi relevé des manques, qui nous ont conduits à formuler trente-cinq propositions, parmi lesquelles figurent l’élaboration d’une clause systématique de non réexportation des armes de petit calibre, afin que des armes vendues par la France ne puissent pas être retournées un jour contre elle, et l’accroissement du rôle du Parlement dans le contrôle des exportations d’armement.
    En effet, nous avons constaté que la France était le seul pays occidental à ne pas impliquer les parlementaires dans ce domaine. Les États-Unis, la Suède, le Royaume-Uni et bien d’autres sont depuis longtemps parvenus à concilier ventes d’armes et transparence. La France doit faire de même. Voilà pourquoi nous demandons la création d’une délégation parlementaire au contrôle des exportations d’armement.
    Hier, l’ONG Disclose et des médias ont affirmé qu’il existerait une note confidentielle du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale placé sous votre autorité.  

    Un député du groupe LR

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    Ce n’est pas bien !

    Mme Michèle Tabarot

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    Le SGDSN conseillerait au Gouvernement de ne pas permettre au Parlement d’exercer ce contrôle. Ce serait une lourde erreur. Vous savez que cette évolution est inéluctable. L’opacité entretient les doutes.
    Monsieur le Premier ministre, cette note existe-t-elle ? Quelle est votre position sur la création d’une délégation parlementaire ? Une telle création respecterait les droits du Parlement.

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants.

    M. Pierre Cordier

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    Où est la note ?

    Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée de la mémoire et des anciens combattants

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    Dans votre intervention, vous évoquez des éléments mentionnés dans un article de presse que je ne commenterai pas, ce que vous comprendrez parfaitement au regard de la législation sur le secret de la défense nationale.
    Vous le savez et vous le soulignez dans votre rapport, les décisions sur les autorisations d’exportation de matériels de guerre sont prises à la suite d’un examen interministériel rigoureux. Le rapport que vous avez coécrit avec le député Jacques Maire confirme l’efficacité et la rigueur de ce processus d’attribution de licences par la commission interministérielle pour l’étude des exportations de matériels de guerre. Il est rappelé que ce processus garantit le strict respect de nos engagements internationaux sur le commerce des armes.
    Depuis 1998, le ministère des armées remet chaque année à la représentation nationale un rapport détaillant les exportations d’armement de la France. Depuis trois ans, le format et le contenu de ce rapport ont largement évolué pour offrir davantage de clarté et de lisibilité et ainsi répondre à l’exigence de transparence.
    Votre rapport illustre par ailleurs le rôle majeur que jouent les exportations pour l’équilibre et la pérennité de la base industrielle et technologique de la défense française, ainsi que pour le maintien de notre autonomie stratégique, en lien avec la politique étrangère de la France.
     
    Il aborde également le rôle joué par les exportations de matériels de guerre dans la réponse apportée aux besoins légitimes de certains États partenaires de renforcer leur sécurité, dans un contexte international lourd de menaces.
    Vous préconisez certaines évolutions, rassemblées dans trente-cinq propositions que le Gouvernement étudie avec attention. Vous connaissez notre disponibilité pour travailler sur ces sujets, dans le cadre des principes constitutionnels de séparation des pouvoirs, des prérogatives de l’exécutif pour la conduite de la politique étrangère et de la préservation des secrets protégés par la loi.

    Disparition de Valéry Giscard d’Estaing

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Louis Bourlanges.

    M. Jean-Louis Bourlanges

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    Monsieur le Premier ministre, la disparition de Valéry Giscard d’Estaing nous fait vivre un singulier paradoxe. L’ancien président de la République était un homme de 94 ans, qui avait quitté le pouvoir voici près de quarante ans et à qui la faveur du peuple n’avait accordé qu’un mandat de sept ans. Eh bien, cet homme-là, tout le montre, dans les commentaires, les images et les éloges qui entourent son départ, est resté notre contemporain capital. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes Dem et LaREM.)
    Que nous dit donc aujourd’hui Valéry Giscard d’Estaing qui nous importe au premier chef et qui doit, monsieur le Premier ministre, vous importer comme à nous ?
    Nous mesurons d’abord que son œuvre, une œuvre dont tant de nos concitoyens avaient tendance à oublier qu’il en était l’auteur, pétrit toute notre vie quotidienne. Au lendemain de mai 1968, il n’a pas inventé la modernité, mais il l’a inscrite décisivement dans nos lois et dans nos usages. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)
    Ses combats, l’égalité des femmes et des hommes, l’émancipation de la société civile, la reconnaissance des droits et du rôle de la jeunesse et la construction d’une Union européenne ambitieuse et politique, sont aujourd’hui nos combats de tous les jours. (Même mouvements.)
    À l’affrontement des Gorgones et des Méduses, il a passionnément voulu substituer le règne de ce qui nous manque le plus cruellement aujourd’hui : une démocratie paisible et réfléchie construite autour d’une idée partagée du bien commun.
    Monsieur le Premier ministre, vous êtes confronté à une France plurielle, fragmentée, divisée et qui semble en permanence être au bord de la crise de nerfs. Nous vous demandons d’aller plus loin dans la fidélité au message du président Giscard d’Estaing. Nous vous demandons de prendre les initiatives qui s’imposent pour que notre pacte républicain, aujourd’hui si mal en point, soit refondé et que la démocratie représentative, dont nous sommes dans cette chambre les dépositaires, soit pleinement réhabilitée. Êtes-vous prêt, monsieur le Premier ministre, à écrire avec nous un nouveau chapitre de la démocratie française ? (Mmes et MM. les députés du groupe Dem se lèvent et applaudissent Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Un député du groupe Dem

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Je choisis de répondre à votre question, monsieur Bourlanges, non seulement pour m’associer une nouvelle fois à l’hommage que l’ensemble de la nation rend à l’œuvre et à la personne du président Valéry Giscard d’Estaing, récemment disparu, mais aussi parce que je sais combien son héritage est fièrement revendiqué par la formation politique à laquelle vous appartenez, vos collègues députés et vous-même, et combien il a inspiré votre implication au Parlement européen et ici même.
    En vous voyant, je pense d’abord à l’engagement européen du président Valéry Giscard d’Estaing. Je tiens à rappeler à cet égard qu’il ne fut pas toujours compris,…

    M. Guillaume Larrivé

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    Ah non !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    …qu’il fut même combattu. Pourtant, il a ouvert de nombreuses voies, et le couple qu’il formait – selon la formule consacrée – avec le chancelier Schmidt demeure d’une étonnante modernité.
    Je n’oublie pas que le président Giscard d’Estaing fut élu en 1974, année où la France, l’Europe et le monde entrèrent dans une crise grave, suscitée par le premier choc pétrolier et mettant un point final aux Trente Glorieuses, qui nous paraissent désormais si lointaines. Nous ne sommes d’ailleurs pas encore tout à fait sortis de cette crise.

    M. Pierre Cordier

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    Raison de plus pour ne pas fermer les centrales nucléaires !

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Le président Giscard d’Estaing lutta contre elle avec énergie. Là encore, vous le savez, cela n’alla pas sans controverses, sans divisions, sans problèmes. Pourtant, il fit face sans démagogie, prenant des mesures parfois incomprises, mais toujours nécessaires.
    Enfin, le président Giscard d’Estaing fit, comme on le dit aujourd’hui, bouger les lignes de notre société. Je ne vous ferai pas l’injure de rappeler toutes les réformes essentielles que vous avez vous-même évoquées et qui marquent encore profondément notre vie collective. Pourtant, vous le savez, cela n’alla pas de soi, les contestations furent vives et l’apaisement fut long.
    Lorsque l’on évoque la mémoire du président Giscard d’Estaing, on se dit qu’il faut oser et qu’il est parfois difficile d’avoir raison trop tôt. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Conséquences du Brexit pour les pêcheurs

    M. le président

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    Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à M. Jean-Luc Bourgeaux, devenu le 1er août dernier député de la septième circonscription d’Ille-et-Vilaine, en remplacement de M. Gilles Lurton. (Applaudissements sur les bancs des groupes LR et LaREM.)
    Vous avez la parole, mon cher collègue.

    M. Jean-Luc Bourgeaux

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    Monsieur le Premier ministre, il reste à Londres et à l’Union européenne vingt-quatre jours pour parvenir à un accord, puisque la période de transition post-Brexit s’achèvera le 31 décembre prochain. S’il n’y a pas d’accord, les règles de l’Organisation mondiale du commerce s’imposeront avec toutes leurs conséquences. Cet après-midi, je vous parlerai non pas de l’impact sur l’agriculture, sur le transport, sur le tourisme ou sur les nombreux Britanniques qui possèdent une résidence secondaire chez nous, mais plutôt de l’instauration de droits de douane et de quotas pour nos pêcheurs.
    Un « no deal » aurait des conséquences considérables pour l’Union européenne, la France et les régions du littoral. En Bretagne, la pêche est essentielle : elle fait vivre 4 990 marins pêcheurs et leurs familles, emploie 16 500 personnes et représente 40 % à 45 % de la pêche française.

    Un député du groupe LR

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    Eh oui !

    M. Jean-Luc Bourgeaux

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    Si Jersey reprenait la main sur ses eaux et distribuait des droits de pêche payants, les marins de Saint-Malo seraient contraints, pour pêcher, de naviguer deux à trois heures supplémentaires.

    M. Sébastien Jumel

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    Ce n’est pas possible ! Nous ne voulons pas de ça !

    M. Jean-Luc Bourgeaux

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    Le port de Saint-Malo perdrait alors son caractère stratégique pour les armements de navires de pêche. L’absence d’accord ou un mauvais accord aurait un impact sur toutes les politiques de pêche en Europe et remettrait en question un équilibre patiemment conçu.
    Lors d’un déplacement à Boulogne-sur-Mer la semaine dernière, monsieur le Premier ministre, vous avez été interpellé par les marins pêcheurs. Or la réponse que vous avez formulée m’inquiète beaucoup : « C’est une négociation et une négociation doit aboutir à des compromis. »
    Ma question est donc simple : allez-vous sacrifier la pêche française et les marins pêcheurs pour signer un accord avec le Royaume-Uni ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – MM. Sébastien Jumel et Jean-Luc Mélenchon applaudissent aussi.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

    M. Maxime Minot

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    Il n’a jamais péché !

    M. Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

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    Vous avez raison, après plus de trois ans de discussion, c’est désormais le moment de vérité entre les autorités britanniques et l’Union européenne, dont le négociateur est Michel Barnier. Nous devrons dans les prochains jours faire un choix difficile : finaliser un accord ou, si le texte n’est pas bon, acter la fin de la négociation. Dans le second cas, vous l’avez dit, nous serions dans le domaine du « no deal ».
    Je veux souligner que, pour nous, un accord serait en tout point meilleur ; nous souhaitons un accord. À l’heure où nous parlons, M. Barnier continue à négocier avec la partie britannique. Néanmoins, nous l’avons toujours dit depuis trois ans et demi, et le Premier ministre l’a encore rappelé ces derniers jours, nous n’accepterons pas un accord à tout prix – je tiens à vous rassurer à ce sujet.
    Les points qui restent difficiles sont connus : la question des conditions de concurrence équitables, dans tous les domaines, y compris la pêche ; les questions de gouvernance ; la question spécifique de la pêche, qui est sans doute la plus importante. Sur tous ces points, nous défendons nos intérêts.
    S’agissant de la pêche, nous défendons à la fois le maintien de quotas de pêche élevés dans les eaux britanniques et la préservation d’un accès durable à ces eaux, notamment à la bande des six à douze milles, point particulièrement important, vous le savez, pour les Hauts-de-France et pour la Bretagne.

    M. Jérôme Nury

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    Et pour la Normandie !

    M. Clément Beaune, secrétaire d’État

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    Nous voulons un accès large, stable et durable à ces eaux.
    Après le 1er janvier 2021, nous l’avons dit de manière transparente dès le premier jour, le statu quo ne prévaudra dans aucun domaine, mais nous ne sacrifierons pas, soyez-en sûr, les intérêts de la pêche française.
    Le Premier ministre, la ministre de la mer et plusieurs autres membres du Gouvernement se sont déplacés à Boulogne-sur-Mer la semaine dernière. Annick Girardin et moi avons récemment effectué une visite en Normandie et nous rendrons prochainement en Bretagne. Nous continuerons à défendre les intérêts des pêcheurs français.
    Un « no deal » serait tout à fait catastrophique, mais un accord ne sera pas conclu à tout prix, je vous le garantis. En outre, je le rappelle, le Premier ministre a annoncé la semaine dernière que, dans toutes les hypothèses, le plan de relance serait complété par un plan d’accompagnement du secteur de la pêche. Nous ne laisserons pas tomber la pêche française. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    Projet Hercule

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Jumel.

    M. Sébastien Jumel

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    Monsieur le Premier ministre, vous ne pouvez pas rester silencieux ; branchez-vous à cette question !
    Électricité de France a construit l’indépendance énergétique de notre pays. EDF, c’est notre souveraineté. EDF, c’est le patrimoine des Français. EDF, c’est aujourd’hui encore l’outil qui pourrait nous permettre de relever le défi climatique.
    Depuis vingt ans, l’opérateur historique a été fragilisé, désorganisé par une vague de libéralisation du marché de l’énergie, vendue comme un graal. Pour réguler l’énergie nucléaire, on a inventé une usine à gaz, l’ARENH, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique. On a ainsi démultiplié les fournisseurs et affaibli EDF, devenue la mère nourricière de simples marchands d’énergie.
    EDF, c’est notre bien commun.

    M. Alexis Corbière

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    Il a raison !

    M. Sébastien Jumel

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    Or, sans jamais avoir dressé un quelconque bilan de cette vague de libéralisation, vous voulez franchir un pas supplémentaire dans le démantèlement de ce fleuron industriel, avec le projet Hercule. Les Français vont rapidement comprendre les périls induits par Hercule, grâce aux salariés et à leurs syndicats, grâce à la presse et grâce à l’opposition rassemblée. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)
    Après toutes les questions restées sans réponse depuis deux ans, je vous adresse cet après-midi deux questions simples, celles que se pose, dans l’Assemblée, un large spectre qui va des Républicains aux Insoumis en passant par les communistes et les socialistes.
    Le projet Hercule, qui consiste à découper en tranches EDF, peinte en bleu, vert et azur pour la carte postale marketing, sera-t-il, oui ou non, dans les bagages du projet de loi inspiré par la convention citoyenne pour le climat ? Sera-t-il embarqué dans ce texte sous la forme d’un article renvoyant à une ordonnance future, autrement dit privant le Parlement de ses prérogatives d’amendement et d’opposition ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    Mme Émilie Bonnivard

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    Comme d’habitude !

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

    M. Sébastien Jumel

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    Vous vous dérobez, monsieur le Premier ministre !

    M. André Chassaigne

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    C’est dommage que vous ne répondiez pas !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité

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    Vous l’avez dit, monsieur Jumel, comme je l’ai dit tout à l’heure, EDF est un bien commun, que tout le monde à a cœur de préserver.

    Mme Valérie Rabault

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    Ce n’est pas la question !

    M. Pierre Cordier

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    Vous avez déjà lu cette fiche tout à l’heure !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    La priorité du Gouvernement – je l’ai énoncée précédemment – est de disposer de capacités d’investissement accrues pour participer pleinement à la transition énergétique.
    EDF nous permet déjà de produire une énergie très décarbonée. Certains réfléchissent effectivement au projet Hercule.

    M. Fabien Roussel

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    Et nous, nous n’avons pas le droit de réfléchir ?

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Il est normal, dans une dynamique industrielle, qu’une réflexion de cette nature ait lieu. Elle vise à préserver une certaine agilité dans notre outil. Il s’agirait de restructurer, ce qui ne signifie pas nécessairement déstructurer, monsieur Jumel. (Exclamations sur divers bancs.) Cette réflexion relative à une évolution éventuelle est saine.

    M. André Chassaigne

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    EDF, c’est l’énergie à la française !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    S’il peut y avoir des craintes, sachez qu’il est essentiel, pour nous comme pour vous, de préserver le salariat, le pouvoir d’achat des Français et notre indépendance énergétique. Pour le reste, vous le savez, nous craignons que n’importe quel signe ou hypothèse ne soit interprété comme un signal susceptible de déstabiliser certains marchés et certaines négociations.
    Vous savez à quel point la sphère parlementaire est impliquée dans ces réflexions.

    M. Sébastien Jumel

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    Non ! Non !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Nous aurons évidemment à cœur de les poursuivre lorsque les choses se préciseront, soyez-en certain.

    M. Fabien Roussel

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    Où et quand ?

    M. André Chassaigne

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    Cette réponse est une honte !

    M. le président

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    La parole est à M. Sébastien Jumel.

    M. Sébastien Jumel

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    Monsieur le Premier ministre, votre secrétaire d’État vient de confirmer que vous négociez en catimini avec la Commission européenne, au détriment de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. André Chassaigne

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    Oui !

    M. Sébastien Jumel

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    Sortez les doigts de la prise et venez discuter avec le Parlement de ce projet essentiel pour l’avenir de la nation !

    M. Pierre Cordier

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    Il a raison !

    Lutte contre le réchauffement climatique

    M. le président

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    Je suis heureux de souhaiter la bienvenue à Mme Marie Silin, devenue le 27 août dernier députée de la douzième circonscription de Paris, en remplacement de Mme Olivia Gregoire. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)
    Vous avez la parole, ma chère collègue.

    Mme Marie Silin

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    Madame la secrétaire d’État chargée de la biodiversité, trois degrés supplémentaires, c’est l’ampleur du réchauffement qui nous attend d’ici à 2100, d’après l’étude du GIEC, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat. En cette journée mondiale du climat et à quatre jours seulement de la date anniversaire de l’accord de Paris, regardons collectivement le chemin parcouru et réaffirmons notre ambition politique.
    Depuis trois ans, n’en déplaise aux oppositions, la majorité parlementaire et le Gouvernement agissent en faveur de la transition écologique et de la lutte contre le réchauffement climatique. Je pense, entre autres, à la fermeture des centrales à charbon en 2022, à l’interdiction des hydrocarbures en 2040, à l’interdiction progressive des plastiques à usage unique et à l’abandon de grands projets controversés, notamment la Montagne d’or en Guyane.
    Depuis plusieurs années, la France défend ces ambitions environnementales au niveau international, notamment en Europe, avec le green deal. Elle a conforté son leadership en la matière pendant que certaines puissances telles que les États-Unis ou le Brésil étaient dans le renoncement. À cet égard, je me réjouis de la nomination de John Kerry en qualité de représentant spécial du président américain pour le climat. Il s’agit là d’un signal fort pour le monde et d’un encouragement pour nous tous.
    Plus que jamais, la France a un rôle majeur à jouer en matière de diplomatie environnementale. En ces temps difficiles pour nos concitoyens, nous devons porter un message d’espoir et de pragmatisme. Nous devons les associer et les consulter sur ces enjeux phares ; je pense en particulier à la jeunesse et aux territoires. Les travaux de la convention citoyenne pour le climat doivent guider nos politiques publiques. Nous, parlementaires, aurons à en être les garants.
    Madame la secrétaire d’État, comment souhaitez-vous faire de la loi issue de la convention citoyenne pour le climat un axe fort de ce quinquennat ? De quels moyens le Gouvernement se dote-t-il pour faire de la transition écologique une fierté française et européenne ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité

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    Depuis le début du quinquennat, nous avons effectivement à cœur de renouveler notre ambition écologique et nous y travaillons avec le Parlement, les citoyens, les sphères économique et financière. Si nous faisons face aujourd’hui à l’une des plus grandes crises sanitaires, économiques et sociales, c’est que l’activité humaine a perturbé, malheureusement, certains équilibres.
    Dans ce moment de difficulté mais aussi de prise de conscience collective, nous avons déployé des moyens d’une ampleur inédite ; les 30 milliards d’euros du plan de relance financent une transition devenue impérative. Nous avons souhaité agir au plus près du quotidien : 2 600 bonus écologiques sont distribués chaque semaine pour l’achat de véhicules électriques, contre 1 300 au début de l’année ; le nombre de dossiers déposés chaque mois pour obtenir MaPrimeRénov’ est passé de 10 000 à 30 000.
    Nos convictions nous amènent à aborder la transition écologique non pas comme une contrainte, non pas en faisant contre, mais en faisant avec – avec l’engagement et la participation de tous. C’est ce que le Président de la République a souhaité concrétiser avec cette innovation démocratique qu’est la convention citoyenne pour le climat ; ce processus participatif en vue de l’élaboration de la loi fera date.
    Les quelques mesures les plus emblématiques ne doivent pas masquer la diversité, la richesse et la cohérence de ses propositions ; un nouveau modèle économique se dessine, qui devra concilier amélioration du niveau de vie de nos concitoyens et respect des limites planétaires. C’est une responsabilité commune, qui exige avant tout une cohérence entre les objectifs et les moyens, mais aussi au sein de nos politiques publiques entre ce que nous défendons au niveau national et ce que nous défendons au niveau international. Voilà comment nous serons légitimes au moment des grandes échéances internationales de 2021 : COP15 sur la biodiversité et COP26 sur le climat. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Pierre Cordier

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    Et sans la fiche, ça donne quoi ?

    Conséquences de la crise sanitaire sur le monde du sport

    M. le président

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    La parole est à M. Régis Juanico.

    M. Régis Juanico

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    Monsieur le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, la crise sanitaire montre à quel point le sport est vital. C’est un atout face à la pandémie pour préserver la santé mentale et physique de nos concitoyens. L’activité physique et sportive est une bouffée d’oxygène, un antidépresseur puissant qui permet de lutter contre le stress, l’anxiété et les troubles du sommeil. L’activité physique adaptée est le meilleur médicament pour prévenir les facteurs de risques de la covid-19, comme l’obésité, le diabète, l’hypertension artérielle, les maladies cardiovasculaires, mais aussi pour soigner les nombreux malades qui souffrent de séquelles. Et pourtant, le monde du sport se sent délaissé, voire méprisé.
    Alors que les gens s’entassent parfois dans les centres commerciaux, pourquoi attendre la fin du mois de janvier pour envisager de rouvrir les salles de loisirs marchands aujourd’hui exsangues, dont la moitié envisage une procédure de sauvegarde ou de liquidation dans les six prochains mois ? Pourquoi attendre le mois de janvier pour autoriser le public à revenir dans les stades en plein air, ou les salles avec des protocoles sanitaires stricts ? La survie de nombreux clubs professionnels est en jeu. Pourquoi attendre la fin janvier pour que les adultes puissent reprendre les sports collectifs, alors que les clubs subissent une coupure sans précédent de huit mois de leurs activités et une perte de licences estimée entre 20 % et 25 % ? Le sport amateur à l’arrêt, au-delà de la santé publique, c’est une perte de vie sociale et de bien-être collectif !

    Mme Marie-Noëlle Battistel

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    Absolument !

    M. Régis Juanico

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    Le « pass’sport » est une bonne idée, que nous avions proposée en 2019 avec mon collègue sénateur Jean-Jacques Lozach, mais le dispositif envisagé est clairement sous-dimensionné ; et il faut le mettre en place le plus rapidement possible, dès le 1er trimestre 2021, pour accompagner la reprise des activités en club, et non pas à l’été 2021.
    Monsieur le ministre, pourquoi n’avez-vous pas encore lancé un grand plan pour lutter contre les effets de la sédentarité qui fait aujourd’hui des ravages chez les enfants, les adolescents et les étudiants ? (Applaudissementssur les bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

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    Nous sommes pleinement en accord sur le début de votre propos, qui était très beau et disait l’essentiel : le sport est fondamental, et l’éducation physique et sportive due à nos élèves. Je souligne que, dans le monde entier, on constate après la classe de sixième une baisse de l’activité physique et une baisse de la lecture ; sur ces deux sujets, nous sommes extrêmement actifs.
    Nous sommes actifs, vous le savez, mais aussi responsables – dans le contexte de la crise sanitaire, certaines pratiques peuvent être contaminantes. Personne ne peut nous reprocher notre prudence. Mais nous sommes aussi actifs, et nous soutenons les acteurs du monde sportif, dont je veux souligner à quel point ils sont eux aussi responsables, comme l’a montré la récente vidéoconférence qui nous a réunis autour du Président de la République et du Premier ministre. Les solutions y ont été coconstruites.
    Depuis le mois de mars, nous avons dépensé plus de 3 milliards d’euros pour soutenir le monde sportif ; on ne peut pas dire que nous n’ayons rien fait ! Nous agissons dans le cadre des mesures générales, bien sûr, mais aussi avec des mesures particulières. Merci d’avoir cité « pass’sport », et je veux bien être stimulé par vous sur ce sujet pour aller encore plus loin. (Exclamationssur les bancs des groupes LR et GDR.) Il s’agit non seulement de traverser la crise, mais aussi de préparer l’avenir, c’est-à-dire d’accroître le nombre d’enfants et d’adolescents qui s’inscrivent dans les clubs. Nous soutenons aussi le sport professionnel avec la compensation de billetterie. Pour chacun de ces deux sujets, c’est plus de 100 millions d’euros : ce sont donc plus de 200 millions d’euros qui s’ajoutent aux 3 milliards que je mentionnais.

    M. Fabien Di Filippo

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    Vous tuez les associations !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Le temps me manque pour détailler toutes les autres mesures que nous prenons. Mais je voudrais dire que nous venons d’annoncer la création d’un enseignement de spécialité d’éducation physique et sportive en lycée général et technologique : la réforme du lycée permet ainsi de développer l’EPS, comme d’autres réformes que nous menons. Je pense aussi à ce que nous faisons à l’école primaire, avec les « trente minutes d’exercice par jour à l’école » lancées dans l’académie de Créteil, dispositif qui a vocation à être généralisé. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Régis Juanico.

    M. Régis Juanico

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    Monsieur le ministre, vous nous parlez de la future spécialité d’EPS, en 2021. Mais les écoles étaient ouvertes pendant le deuxième confinement : pourquoi ne pas avoir lancé un grand plan d’EPS supplémentaire obligatoire de trente minutes d’activité quotidienne ? (Applaudissementssur les bancs du groupe SOC.)

    Violences sexuelles faites aux enfants

    M. le président

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    La parole est à Mme Maud Petit.

    Mme Maud Petit

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    En avril 2019, dans cet hémicycle, j’ai pris la parole pour dénoncer l’ignominie sociétale des violences sexuelles commises sur nos enfants. En Europe, chez nous, un enfant sur cinq en est victime. Toutes et tous, dans cette assemblée, nous condamnons fermement ces agissements ; mais les mots ne suffisent plus, la prise de conscience ne suffit pas. Nous, élus de la nation française, devons prendre nos responsabilités et protéger les plus fragiles d’entre nous, ceux qui ne peuvent se défendre et qui ne peuvent pas parler lorsque ce qui est inimaginable pour eux se produit. Je veux reprendre ici les mots du manifeste contre la pédocriminalité écrit par Karl Zéro, Homayra Sellier et Serge Garde, que j’ai rencontrés : « utiliser le corps d’un enfant, ce n’est ni une liberté, ni un choix de vie ; c’est un crime ».
    Je connais votre engagement, monsieur le ministre de la justice, dans cette lutte. Je veux vous dire, ainsi qu’à mes collègues, que nos concitoyens réclament des mesures fortes et justes pour lutter contre l’horreur de la pédocriminalité. Ma collègue Alexandra Louis vous a remis la semaine dernière un rapport contenant des recommandations importantes. Il rejoint des propositions que nous avions été plusieurs, de toutes sensibilités politiques, à défendre en 2018 : créer des circonstances aggravantes relatives aux comportements incestueux ; dédier une partie du code pénal aux infractions sexuelles commises sur les mineurs ; envisager d’intégrer dans la loi un mécanisme de prescription glissante. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes recommande aussi une présomption de contrainte lorsqu’un majeur commet un acte sexuel à l’encontre d’un enfant de moins de 13 ans.

    M. Fabien Di Filippo

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    La castration chimique, voilà ce qu’il faut !

    Mme Maud Petit

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    Enfin, quelle reconnaissance juridique pour l’amnésie traumatique ?
    Monsieur le ministre, les éléments du débat sont là, la volonté parlementaire aussi. Nos concitoyens attendent des actes forts pour qu’en France, dorénavant, la honte change de camp. Comment le Gouvernement entend-il rejoindre cette lutte ?

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Dans une vie désormais révolue, j’ai souvent plaidé que la justice n’était jamais aussi grande que quand elle se préoccupait du sort des tout petits. C’est vrai aussi pour la politique, j’en suis absolument convaincu.
    En matière de lutte contre les violences faites aux femmes, comme en matière de lutte contre les violences sexuelles faites aux enfants, nous avons beaucoup travaillé depuis le début de ce quinquennat et j’ai la fierté de vous dire que personne n’en a fait autant que notre majorité. (Protestationssur les bancs des groupes LR et SOC.)

    M. David Habib

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    Arrêtez !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Personne ! Les textes – la loi du 3 août 2018, la loi du 30 juillet 2020 – le démontrent.
    Mme Alexandra Louis m’a remis cette semaine un rapport ; j’ai tenu à la recevoir en présence de deux ministres déléguées, Élisabeth Moreno et Marlène Schiappa, pour montrer que le Gouvernement est tout entier mobilisé et solidaire sur ces questions.
    Vous me posez une question précise, et je veux y répondre précisément. Certaines recommandations de ce rapport feront l’objet d’une analyse précise des services. Prendre des mesures, c’est une chose, mais il faut le faire en respectant l’État de droit et les grands principes qui nous dirigent.
    Je veux aussi vous dire que M. Adrien Taquet a déjà mis en œuvre certaines des recommandations de ce rapport, notamment le déploiement des unités d’accueil pédiatriques enfants en danger ; notre objectif est qu’il en existe une par département d’ici à 2022. Nous sommes également mobilisés pour renforcer les contrôles systématiques des professionnels exerçant une activité auprès des mineurs.
    Je sais que vous me faites confiance, madame la députée : nous sommes totalement engagés sur cette question. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.)

    Sécurité des installations nucléaires

    M. le président

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    La parole est à Mme Mathilde Panot.

    Mme Mathilde Panot

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    Monsieur le Premier ministre, pas un mot : des plans d’une centrale nucléaire circulent, ils sont dans la nature et peuvent se retrouver entre n’importe quelles mains malveillantes, et vous ne dites pas un mot de ces révélations de Greenpeace et Mediapart ! (Exclamationssur les bancs du groupe LaREM.) Schéma des clôtures électriques, position exacte des alarmes et des détecteurs anti-intrusion, vue des caméras et détail de leurs angles morts, plan des sas d’accès sécurisés, et jusqu’à la taille exacte des boulons qui serrent les grilles d’accès à la centrale : n’avez-vous rien à dire alors que circule un véritable mode d’emploi pour une attaque contre une installation nucléaire ?
    Le nucléaire est hors de contrôle ; l’EPR – réacteur à eau pressurisée – en est le symbole. Vous en êtes responsables, car vous êtes restés sourds à toutes les alertes ; vous avez ignoré les associations et la commission d’enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, dont la rapporteure était une certaine Barbara Pompili. Pire, vous avez criminalisé les lanceurs d’alerte et utilisé des moyens antiterroristes contre les militants de Bure.
    L’EPR de Flamanville était déjà un désastre ; il devient une bombe à retardement. Il devait coûter 3 milliards ; la facture sera de 19 milliards. La mise en service se fera avec onze années de retard. L’EPR, ce sont des problèmes en série : sur la cuve, sur le couvercle, sur le mur de la piscine, sur les soudures. L’EPR, c’est la condamnation de Bouygues pour travail dissimulé sur le chantier, et une cascade de sous-traitants, y compris dans la sécurité.
    Ah, qu’elle est belle, votre énergie d’avenir, puits sans fond qui ne cesse d’engloutir les milliards ! Le nucléaire est dangereux, du fait de centrales vieillissantes aux multiples défaillances, mises à l’arrêt au moindre aléa climatique, sales, produisant des montagnes de déchets radioactifs dont personne ne sait que faire, et low cost, avec un recours massif à la sous-traitance et maintenant cibles faciles pour une personne malintentionnée. On savait déjà que le nucléaire était une énergie du passé ; avec ces révélations, nous avons une preuve de plus qu’elle menace notre avenir.

    M. Hervé Berville

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    Et que proposez-vous ? Des panneaux solaires ?

    Mme Mathilde Panot

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    Monsieur le Premier ministre, soyez à la hauteur de vos responsabilités : quand allez-vous arrêter ce fiasco ? (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.– M. Jean-Paul Lecocq applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable.

    Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État chargée de l’économie sociale, solidaire et responsable

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    Nous ne sommes pas d’accord et vous le savez : non, l’énergie nucléaire n’est pas nécessairement une énergie du passé ; le Président de la République est en ce moment même, et vous le savez aussi, au Creusot pour conforter et soutenir une filière essentielle, celle du nucléaire civil mais aussi militaire,…

    Mme Mathilde Panot

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    C’est la journée des révélations !

    Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État

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    …qui nous permet – si vous m’autorisez à vous répondre, madame Panot… – de disposer d’une économie et d’une énergie décarbonée.
    Nous ne serons pas d’accord non plus sur l’avenir de la filière – sur lequel vous ne m’interrogez pas, mais comme nous croyons au nucléaire, à défaut de commenter les fuites de la presse – sur lesquelles je reviendrai –, c’est un point qui me semble intéressant, puisque des centaines de milliers de travailleurs français sont concernés. (Applaudissements  sur les bancs du groupe LaREM.)
    Je sais que vous suivez le dossier depuis des années, et nous attendons pour le début ou le milieu de l’année 2021 un rapport d’EDF sur l’avenir d’éventuels réacteurs EPR de nouvelle génération.

    M. Loïc Prud’homme

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    Répondez à la question !

    Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État

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    Mais de grâce, faisons les choses dans l’ordre… (Protestations sur les bancs du groupe FI.) J’entends votre voix, madame Panot, mais elle ne couvrira pas la mienne car je tiens à vous apporter une réponse précise.
    Nous prendrons le temps d’attendre cette réponse d’EDF pour savoir ce qu’il est possible de faire pour la filière.
    Vous parlez d’une fuite médiatique, mais les questions au Gouvernement sont plutôt, à mon sens, un lieu d’échanges qu’un lieu de commentaire sur des fuites. Le fait de disposer des plans de la zone d’accès contrôlé – ZAC – de Flamanville n’est pas une information classifiée ou sécurisée ! Entre nous, on voit à l’œil nu l’emplacement des caméras ou des détecteurs. Il n’y a aucun risque pour la sécurité.

    M. Loïc Prud’homme

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    En somme, ça ne craint rien ?

    Mme Olivia Gregoire, secrétaire d’État

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    Vous faites de cette fuite une affaire qui n’en est pas une ; je vous reconnais bien là. Cela ne remet en rien en cause notre engagement aux côtés de la filière nucléaire, ni nos travaux sur le mix énergétique de la France. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM. Protestations sur les bancs du groupe FI.)

    M. Raphaël Schellenberger

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    Cet engagement-là, on en attend des preuves !

    M. le président

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    Madame Panot, au lieu de crier, prenez donc le micro : il vous reste cinq secondes…

    Mme Mathilde Panot

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    Les plans d’une centrale nucléaire sont dans la nature, et vous dites que ce n’est pas un problème de sécurité ? Vous êtes hallucinants ! Irresponsables !

    Projet « Territoires numériques éducatifs »

    M. le président

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    La parole est à M. Jacques Krabal.

    M. Jacques Krabal

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    Nous venons encore de l’entendre, certains estiment que tout va de mal en pis. Mais s’il y a des difficultés, il y a aussi de bonnes nouvelles. C’est le cas avec le projet « Territoires numériques éducatifs ». Comme nous l’avons souhaité avec ma collègue Cécile Rilhac, il s’agit d’une réponse à la fracture numérique.
    Cette expérimentation concerne le Val-d’Oise urbain et l’Aisne rurale. Son coût de 27 millions d’euros est entièrement pris en charge par l’État. Le projet est global, inclusif. Il s’adresse à la fois aux élèves, aux familles et aux enseignants, avec un volet formation dédié à la continuité pédagogique. Il vise à la sensibilisation des élèves à une culture du numérique et à un usage critique des réseaux sociaux. Il est sans précédent en matière d’équipement, avec la mise à disposition de 2 700 écrans interactifs, de 18 000 tablettes et de kits robotiques. C’est Noël avant l’heure pour soixante-deux écoles du sud de l’Aisne et toutes les classes ULIS – unités localisées pour l’inclusion scolaire –,…

    M. Raphaël Schellenberger

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    Il est candidat aux élections départementales ?

    M. Jacques Krabal

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    …comme à Dampleux ou à Neuilly-Saint-Front, où je me suis rendu. Oui, la satisfaction est totale !
    « En toute chose, il faut considérer la fin », disait Jean de La Fontaine, né à Château-Thierry, dont nous allons fêter le 400e anniversaire en 2021. La finalité de ce projet, c’est de faire reculer l’illectronisme et l’illettrisme ; c’est de lutter contre les injustices territoriales et de favoriser l’égalité des chances. C’est cela, faire de la politique !
    Monsieur le ministre de l’éducation, de la jeunesse et des sports, ce projet expérimental est exceptionnel. Pouvez-vous nous dire s’il sera étendu à d’autres départements et, le cas échéant, selon quels critères et dans quels délais ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Et candidat aux élections régionales !
    Il va parler des tablettes dans les lycées !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

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    S’il est expérimenté dans l’Aisne et le Val-d’Oise, ce projet de la plus haute importance est au service de l’ensemble du pays. Vous avez rappelé les chiffres, cette expérimentation dispose d’amples moyens. Des milliers d’élèves sont concernés. Et nous avons tiré les enseignements de ce que nous avons fait en matière numérique par le passé.
    Le premier enseignement est ancien : nous savons que l’équipement ne suffit pas. Dans ce projet de plus de 20 millions d’euros, pour chaque euro consacré à l’équipement, un euro est également alloué à la formation, et un autre euro à l’achat de logiciels – c’est-à-dire le software. Et nous constatons que cette méthodologie commence à fonctionner.
    Dans la mesure où il s’agit d’une expérimentation, nous procéderons bien sûr à une évaluation, laquelle conditionnera son éventuelle extension. Mais nous tirons d’ores et déjà les leçons de la période que nous venons de vivre. Hélas, le confinement a aussi révélé des inégalités en matière numérique. Dans l’Aisne et le Val-d’Oise, nous sommes en train de les compenser.
    Le plan de relance nous permettra d’aller de l’avant dans ce domaine, sans attendre l’éventuelle extension de cette expérimentation. Il vient en appui des collectivités locales pour l’achat d’équipements informatiques dans les écoles rurales et plus généralement dans l’ensemble des établissements de notre pays.
    Tout cela atteste d’une stratégie générale pour la France dans le domaine du numérique. Celle-ci découle d’une vaste concertation, qui a eu lieu lors des états généraux du numérique pour l’éducation, organisés au début du mois de novembre dans le cadre du Grenelle de l’éducation. Il s’agit d’une stratégie générale de discernement, qui consiste notamment à bien investir en favorisant les entreprises produisant des équipements numériques en France. En effet, pour le projet « Territoires numériques éducatifs », ce sont essentiellement des fournisseurs français qui ont été choisis.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Fournisseurs ou fabricants ? Ce n’est pas pareil !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    L’objet est ainsi d’offrir un tremplin pour les technologies éducatives fabriquées en France.
    Notre volonté est également de nous montrer efficaces sur le plan pédagogique. C’est le nouveau rôle du réseau Canopé, qui sera au service de cette stratégie numérique que je vous remercie d’avoir évoquée. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Libertés fondamentales

    M. le président

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    La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton

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    Monsieur le Premier ministre, décidément cette majorité a beaucoup de mal avec le respect des libertés fondamentales !

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    C’est vrai ! C’est un régime autoritaire ! (Protestations sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. Raphaël Schellenberger

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    La seule chose avec laquelle ils n’aient pas de mal, ce sont les éléments de langage !

    M. Xavier Breton

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    Depuis plusieurs semaines et en dépit de nos mises en garde, vous cherchez à passer en force pour imposer des restrictions à l’exercice des libertés publiques et individuelles. Or, chaque fois, les juges viennent sanctionner vos dérapages. Rappelons-nous, en juin dernier, la décision du Conseil constitutionnel – relative à la loi Avia visant à lutter contre les contenus haineux sur internet –, qui dénonçait des atteintes disproportionnées à la liberté d’expression et de communication.
    Le 29 novembre, le juge des référés vous a également obligé à revoir votre copie limitant les cérémonies religieuses à trente personnes, estimant que le Gouvernement portait « une atteinte grave et manifestement illégale » à la liberté fondamentale qu’est la liberté de culte.
    Et que dire de l’intolérance de cette radio du service public, qui souhaite interdire à une grande association humanitaire la diffusion d’un appel aux dons sous prétexte que cet appel mentionne les mots « chrétiens d’Orient » ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. Raphaël Schellenberger

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    C’est profondément scandaleux ! Censure !

    M. Xavier Breton

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    Heureusement, le tollé suscité par cette décision vient de faire reculer cette nouvelle tentative de censure.
    Nous pouvons également évoquer la préparation du projet de loi confortant les principes républicains, qui vise notamment à restreindre très fortement la liberté d’instruction en famille. Dans l’avis qu’il vient de rédiger, le Conseil d’État indique que la réforme prévue par le Gouvernement soulève de délicates questions de conformité à la Constitution.

    M. Raphaël Schellenberger

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    C’est un gouvernement liberticide !

    M. Xavier Breton

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    Le Conseil d’État ajoute que la limitation de la liberté des parents n’est appuyée dans l’étude d’impact par aucun élément fiable ni documenté, ce qui montre bien le parti pris de cette mesure idéologique.
    Monsieur le Premier ministre, quand allez-vous cesser de vous en prendre à nos libertés fondamentales ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports.

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports

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    Je commencerai par un point de droit et poursuivrai par une remarque politique.
    Contrairement à ce que vous dites, lorsque le Conseil d’État émet un avis avant le dépôt d’un projet de loi, il ne s’agit en aucun cas d’un arrêt ou d’une décision de justice. À l’inverse, il s’agit d’une contribution au processus démocratique d’élaboration d’un texte de loi.

    M. Hervé Berville

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    Eh oui !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    En l’espèce, je me garderai bien de le commenter ; traditionnellement cela ne se fait pas.
    Ce qui est intéressant, c’est justement que le Conseil d’État nous aide à rédiger un projet de loi qui vise quelque chose – et nous en arrivons à la remarque politique – qu’habituellement vous affirmez combattre. (Exclamations sur les bancs du groupe LR.)

    M. Raphaël Schellenberger

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    Ce n’est pas ce vous faites ! Vous restreignez les libertés de nos concitoyens !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Vous nous donnez des leçons de lutte contre l’islamisme politique et le jour où nous avançons en la matière, vous dites que notre projet de loi va à l’encontre des libertés, et ce avant même d’en connaître la rédaction. Il semblerait donc que votre parti pris est d’attaquer le Gouvernement quoi qu’il fasse, même quand il va dans le sens que vous prétendez réclamer. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
    Ainsi le Gouvernement cible-t-il certaines pratiques inacceptables, sans pour autant porter atteinte aux libertés fondamentales. Attendez donc de voir le projet, qui sera présenté demain en Conseil des ministres. Vous constaterez qu’il est conforme au principe d’équilibre posé dès le début par le Président de la République et le Premier ministre. Ce texte tend à empêcher les abus que vous affirmez dénoncer, ce que nous faisons réellement. En effet, il existe aujourd’hui des enfants qui sont pratiquement cachés à la puissance publique et qu’on envoie parfois étudier dans des hangars, sous l’égide de structures informelles et dans l’irrespect complet de leurs droits. Voilà le problème que nous ciblons.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Que faites-vous ? Vous avez les moyens de lutter contre ça, alors allez-y !

    M. Jean-Michel Blanquer, ministre

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    Et il va de soi que nous avons prévu un régime d’exception pour tous les cas légitimes et bien connus liés à la santé, aux pratiques sportives et artistiques, ou encore à des projets pédagogiques particuliers. Nous préserverons les libertés et protégerons les droits de l’enfant : la marque de cette majorité est bien celle de l’équilibre. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM. – M. Jimmy Pahun applaudit également.)

    Un député du groupe LR

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    Menteur !

    M. le président

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    La parole est à M. Xavier Breton.

    M. Xavier Breton

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    Monsieur le ministre, vous parlez d’exception, mais, par définition, la liberté ne saurait en souffrir d’aucune. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    Exode et chômage en Martinique

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Philippe Nilor.

    M. Jean-Philippe Nilor

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    Monsieur le Premier ministre, selon l’INSEE – Institut national de la statistique et des études économiques –, la Martinique, qui compte 363 480 habitants, a perdu 10 % de sa population en dix ans, alors que la démographie française est en croissance continue. Nous subissons une véritable exsanguination du peuple martiniquais avec les départs sans retour de tous ces jeunes en quête de formation et d’emploi.
    Paradoxalement, cet exode des forces vives ne freine nullement l’aggravation du chômage endémique, puisque désormais 36 % des 55 000 chômeurs ont plus de 45 ans. La Martinique est le territoire français le plus touché par le chômage des seniors.
    L’exode massif des jeunes, le chômage record des seniors, la paupérisation des retraités et le vieillissement de la population concrétisent un risque de désagrégation de la Martinique, confirmant l’inefficience des politiques publiques menées depuis longtemps dans ce territoire.
     
    Cette situation explosive me conduit à réitérer solennellement quatre propositions.
    Premièrement, l’État doit donner l’exemple en stoppant l’exil forcé des enseignants néo-titulaires de l’éducation nationale vers la France hexagonale, dès lors que des postes existent sur le territoire martiniquais.
    Il convient ensuite d’instaurer un dispositif d’aide au recrutement des cadres, afin d’éviter le phénomène de trappe à bas salaires et d’optimiser ainsi le retour des hauts profils martiniquais.
    En troisième lieu, l’administration française se doit de recruter des cadres antillais, de manière à briser le plafond de verre, facteur de discriminations insupportables.
    Enfin, quatrième proposition : à compétences suffisantes, il faut promouvoir la priorité martiniquaise à l’embauche pour tout emploi public ou privé à pourvoir sur le territoire.
    Monsieur le Premier ministre, prendrez-vous donc enfin les mesures fortes et courageuses de nature à permettre le retour à l’emploi au pays de ces forces vives ? (Applaudissements sur les bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    La parole est à M. le ministre des outre-mer.

    M. Sébastien Lecornu, ministre des outre-mer

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    Vous avez raison sur les faits en évoquant une spécificité antillaise grave, qui nous préoccupe fortement et qui pose question en matière de natalité, mais également – vous l’avez dit – d’émigration. À cet égard, votre question appelle une série de réponses.
    La première est connue et porte sur l’attractivité. Vous en avez parlé en filigrane dans votre intervention et il convient de la considérer de manière très globale. L’attractivité a trait à l’emploi. Vous avez rappelé les chiffres, sur lesquels je n’aurai pas le temps de revenir dans les deux minutes qui me sont imparties. Mais nous avons abordé ce sujet lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2021. Des mesures importantes ont été prises et il nous faudra bien sûr continuer d’avancer en ce sens.
    La continuité territoriale, que vous n’avez pas évoquée et que nous continuons de développer, constitue une autre réponse, en ce qu’elle contribue à lutter contre une forme d’assignation à résidence.
    Troisièmement, il nous faut évidemment être à la hauteur des grands défis, notamment sanitaires, auxquels fait face votre territoire. Comment ne pas mentionner la question de l’eau en Martinique et en Guadeloupe ? Comment un jeune peut-il revenir au pays de bon cœur s’il sait qu’un certain nombre de fonctions vitales du service public peuvent y être en défaut ? C’est également pour cette raison que je souhaite accélérer sur cette question.
    Quant à la pauvreté, nous serons prochainement amenés, monsieur le député, à travailler ensemble sur ce point, car je souhaite adapter la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté aux territoires ultramarins.
    En ce qui concerne la fonction publique, Amélie de Montchalin et moi-même allons évoluer sur le recrutement des cadres. Vous savez que des avancées sont en cours à Mayotte et qu’elles commencent à porter leurs fruits en Nouvelle-Calédonie. Nous souhaitons toutefois fixer deux limites à ne pas franchir. En quelques secondes, je n’ai pas le temps de préciser ma pensée, mais les quotas en constituent une. Et il convient évidemment de ne pas remettre en cause les critères de transparence du recrutement de la fonction publique, qui font l’honneur de notre service public aussi bien dans l’Hexagone que dans nos territoires d’outre-mer.
    Enfin, ces questions ne sont pas seulement l’affaire de l’État – vous l’avez d’ailleurs dit et je vous en remercie. Les associations accomplissent un travail remarquable, à l’instar d’Alé Viré, qui déploie de bonnes initiatives sur le terrain. Et je souhaite que la campagne des élections départementales et régionales qui viennent permettent d’aborder ces questions, car celles-ci sont aussi l’affaire des collectivités territoriales.

    Tensions en Nouvelle-Calédonie

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Christophe Lagarde.

    M. Jean-Christophe Lagarde

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    En préambule, monsieur le président, veuillez permettre aux députés du groupe UDI et indépendants de s’associer à vos hommages au président Valéry Giscard d’Estaing, qui contribuent à rendre justice à un homme trop longtemps incompris, et de vous remercier des initiatives que vous prenez pour saluer sa mémoire.
    Ma question s’adresse à M. le Premier ministre, au nom de nos collègues Philippe Dunoyer et Philippe Gomès, députés de Nouvelle-Calédonie.
    La Nouvelle-Calédonie se trouve au bord d’un chaos politique, économique et social. Le projet de reprise de l’usine du Sud suscite chaque jour davantage de tensions. Des milliers de Néo-Calédoniens ne peuvent plus circuler librement. Le conflit s’est étendu à de nombreux sites miniers et Nouméa a été ces derniers jours le théâtre de véritables scènes de guérilla urbaine, avec de nombreux blessés du côté des forces de l’ordre, auxquelles nous souhaitons rendre hommage pour leur dévouement exemplaire.
    Des indépendantistes ont décidé de boycotter le groupe de dialogue créé par le ministre des outre-mer dans la perspective du troisième référendum. Ces événements nous ramènent aux heures les plus sombres de l’histoire néo-calédonienne, que nous avons connues il y a trente ans.
    L’État doit désormais piloter au plus haut niveau ce dossier, à l’instar de Michel Rocard lors des accords de Matignon de 1988 ou de Lionel Jospin lors de l’accord de Nouméa de 1998. Dans ce territoire, l’État est un partenaire incontournable, non seulement en tant que signataire des accords, mais également en tant qu’acteur du processus de vente de l’usine. En effet, les financements qu’il apporte représentent 50 % de l’enveloppe globale permettant son rachat, soit 500 millions d’euros. Rien ne peut se faire sans lui !
    Le 4 octobre, au soir du deuxième référendum, le Président de la République avait appelé les Néo-Calédoniens à dialoguer et à imaginer l’avenir. Pour donner corps à cette perspective, l’État ne peut se contenter de prendre acte de la situation, comme un simple greffier des accords politiques qui lient indépendantistes et anti-indépendantistes. Il est un acteur majeur du processus engagé depuis trente ans et doit le rester.
    Votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, doit donc prendre la main et obliger Vale à repousser l’échéance fixée unilatéralement au 31 décembre. À défaut, il est à craindre que l’usine ferme, mettant 3 000 emplois au tapis, et que la Nouvelle-Calédonie continue de s’enfoncer dans les troubles à l’ordre public, constitutifs d’une véritable ornière économique et politique.
    La question des deux députés calédoniens est donc la suivante : quelles initiatives l’État entend-il prendre pour mettre un terme à la spirale mortifère dans laquelle s’enfonce la Nouvelle-Calédonie ? (Applaudissements sur les bancs du groupe UDI-I. – M. Marc Le Fur applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. le Premier ministre.

    M. Jean Castex, Premier ministre

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    Je veux d’emblée vous dire que je suis personnellement la situation en Nouvelle-Calédonie, aux côtés de Sébastien Lecornu, non seulement parce que les événements récents sont préoccupants, comme vous l’avez dit, mais parce que je sais quelle responsabilité incombe historiquement au Premier ministre dans le suivi et la gestion de ce dossier. Je rappelle à la représentation nationale que les troubles récents qui ont éclaté, qui ont conduit à la blessure de plusieurs gendarmes et que je tiens à condamner fermement, comme vous l’avez fait, sont liés au transfert de l’usine du Sud, l’usine Vale, située dans le village de Prony.
    Puisqu’il est question du rôle de l’État, je rappelle que, depuis des années, pour sauver cette usine qui n’en est pas à son premier soubresaut, l’État s’est massivement engagé en mettant sur la table plus de 500 millions d’euros. C’est de l’argent voté par la représentation nationale. Au total, sur l’ensemble de la filière nickel, filière stratégique pour la Nouvelle-Calédonie, la Cour des comptes a indiqué, dans un rapport remis au début de cette année, que le coût fiscal était de 730 000 euros par emploi en Nouvelle-Calédonie. Si cela ne s’appelle pas de la solidarité nationale, je ne sais pas ce que c’est ! Nous devons en être fiers.
    En effet, que cherche l’État dans cette affaire ? D’abord, à sauver les 3 000 emplois directs et indirects ; c’est notre priorité absolue car l’usine est à vendre et trouve difficilement des repreneurs. L’État est intervenu dès le mois de septembre dernier pour retarder la fermeture annoncée de l’usine, et nous avons négocié avec le groupe brésilien Vale pour qu’il parte en laissant 500 millions d’euros dans les caisses. Mais, dans cette affaire, l’État n’est ni le vendeur, ni l’acheteur ; il n’est pas le propriétaire et apporte uniquement des garanties financières, sur le terrain social et environnemental. Il n’y a actuellement qu’une seule offre viable de reprise de l’usine. Je vous assure que cette offre que nous soutenons est assortie de conditions strictes, notamment sur le montage financier et environnemental, lesquelles pourront être discutées jusqu’à la signature définitive prévue en janvier prochain.
    C’est à l’occasion de ce processus que les troubles que vous avez cités ont éclaté. Au lendemain du référendum, j’ai envoyé sur place, dans les conditions sanitaires que chacun connaît, le ministre des outre-mer qui a rouvert le dialogue avec les parties prenantes. Nous poursuivrons inlassablement le dialogue, car tel est le premier rôle de l’État : encourager le dialogue, toujours le dialogue, jusqu’à parvenir, avec l’ensemble des acteurs, à une solution négociée.

    M. Pierre Cordier

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    Zéro applaudissement…

    Projet Hercule

    M. le président

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    La parole est à M. Adrien Quatennens.

    M. Adrien Quatennens

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    Avant que la Commission européenne et les gouvernements successifs qui en furent les complices n’aient décidé de tout mettre par terre au profit du dogme de la concurrence libre et non faussée, la France disposait d’un monopole public maîtrisant la chaîne de l’énergie d’un bout à l’autre : EDF-GDF. Celui-ci fut méthodiquement déconstruit et, avec une imagination débordante, on saucissonna ses différentes activités dans le seul et unique but de créer de toutes pièces des marchés qui n’existaient pas.

    M. Alexis Corbière

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    Il a raison !

    M. Adrien Quatennens

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    À présent, la Commission européenne s’impatiente de voir enfin la totalité de la production d’EDF accessible à ses concurrents. C’est ainsi que naît le projet Hercule, contre lequel les salariés d’EDF sont mobilisés. Ce projet, que vous négociez actuellement avec la Commission européenne, vise à maintenir la production nucléaire, la plus coûteuse, dans une entité publique appelée EDF bleu, et à transférer tout le reste, dont les énergies renouvelables et la commercialisation, dans une entité privée ouverte, EDF vert. Socialisation des pertes, privatisation des profits : un grand classique du néolibéralisme.
    Monsieur le Premier ministre, déconstruire EDF, c’est déconstruire la France.

    M. Alexis Corbière

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    C’est vrai !

    M. Adrien Quatennens

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    Pour planifier la bifurcation écologique, la France a besoin d’un grand pôle public de l’énergie (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR) maîtrisant toute la chaîne d’un bout à l’autre, intégrant notamment General Electric et reconstituant EDF-GDF.

    M. Jean-Luc Mélenchon

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    Parfaitement !

    M. Adrien Quatennens

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    Monsieur le Premier ministre, entre la France et les injonctions de la Commission européenne, choisissez ! La question vous a été posée plusieurs fois sur différents bancs de cette assemblée depuis le début de la séance ; à cette heure, la représentation nationale n’a toujours aucune réponse.

    M. Alexis Corbière

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    On s’impatiente !

    M. Adrien Quatennens

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    Je vous repose donc la question une énième fois, monsieur le Premier ministre : oui ou non, avez-vous l’intention de détourner le projet de loi issu des recommandations de la convention citoyenne pour le climat pour imposer le démantèlement d’EDF ? (Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR.– M. Jean-Louis Bricout applaudit également.)

    M. François Ruffin

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    La question est simple : oui ou non ?

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité

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    Effectivement, c’est une longue conversation que nous poursuivons et qui ne s’éteint pas aujourd’hui…

    M. François Ruffin

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    Oui ou non ?

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    …puisque les négociations, comme vous l’avez très justement dit, se poursuivent ;…

    M. François Ruffin

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    Oui ou non ?

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    …elles ont lieu, rien n’est arrêté, il n’y a pas d’agenda secret…

    M. François Ruffin

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    Oui ou non ?

    M. le président

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    Monsieur Ruffin, arrêtez de vociférer.

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    …simplement, il y a différentes hypothèses et une réflexion est nécessaire…

    M. François Ruffin

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    Oui ou non ?

    M. le président

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    Arrêtez, monsieur Ruffin, c’est le dernier avertissement.

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    …car ne pas avoir de réflexion aujourd’hui sur l’évolution de notre outil industriel…

    M. François Ruffin

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    Oui ou non ? Elle ne répond pas !

    M. le président

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    Arrêtez !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    …nous serait reproché, et vous nous en tiendrez pour responsables. Les négociations ont lieu. Je répète que cette réflexion sur une éventuelle restructuration ne rime pas avec déstructuration.

    M. François Ruffin

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    Oui ou non ?

    M. le président

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    Arrêtez !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Nous avons toutes les garanties et nous serons extrêmement attachés à conserver un groupe intégré…

    M. François Ruffin

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    Oui ou non ?

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    …et à conserver une capacité d’investissement qui protège les salariés et leur permette de continuer à travailler dans leur domaine d’expertise et en fonction de leur savoir-faire.

    M. François Ruffin

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    Oui ou non ?

    M. Sébastien Jumel

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    Nous voulons des réponses !

    M. le président

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    Monsieur Ruffin, je vous rappelle à l’ordre avec inscription au procès-verbal ! Il y en a assez, maintenant, arrêtez de vociférer ! (Applaudissements et exclamations sur les bancs du groupe LR.) Continuez, madame la secrétaire d’État.

    Un député du groupe LR

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    Sortez-le !

    Une députée du groupe LR

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    Ça suffit !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Nous continuerons à assurer le financement du parc nucléaire… (M. François Ruffin retire son masque pour protester. Exclamations sur plusieurs bancs.)

    Plusieurs députés de divers bancs

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    Son masque, il n’a pas son masque !

    Un député du groupe LR

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    Irresponsable !

    M. le président

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    S’il vous plaît…

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    …et ces négociations, qui vraisemblablement vous intéressent beaucoup moins que la séquence médiatique qui se joue sur ces sujets, se poursuivront par une réflexion structurelle.

    M. le président

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    Votre masque, monsieur Ruffin ! Le port du masque est obligatoire dans l’hémicycle.

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Les craintes qu’a exprimées le Parlement – c’est son rôle – ont été largement entendues aujourd’hui,…

    M. François Ruffin

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    Vous ne répondez pas : oui ou non ?

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    …et nous serons vigilants.

    Aide à la prise en charge des congés payés

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Luc Lagleize.

    M. Jean-Luc Lagleize

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    Ma question s’adresse à Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion.
    Madame la ministre, mercredi dernier, vous avez annoncé la prise en charge par l’État de dix jours de congés payés pour les entreprises les plus lourdement frappées par la crise sanitaire. Ce soutien supplémentaire, en plus des mesures exceptionnelles adoptées par le Gouvernement depuis le début de la crise, dont le dispositif d’activité partielle, était nécessaire. Ces aides, parfois de longue durée, ont permis d’éviter de très nombreux licenciements. Mais le dispositif d’activité partielle a aussi généré ces derniers mois une dette sociale importante, et de nombreux professionnels rencontrent aujourd’hui des difficultés pour faire face aux congés payés progressivement accumulés par leurs salariés en activité partielle.
    Vous y répondez par cette aide économique ponctuelle et non reconductible, ciblée sur certains secteurs : pour pouvoir en bénéficier, les entreprises devront avoir connu une baisse d’activité de plus de 90 % pendant les périodes d’état d’urgence sanitaire ou une interruption partielle ou totale d’une durée d’au moins 140 jours en 2020.
    Ces deux seuils permettent de rendre éligibles les cafés, les restaurants et les hôtels ainsi que certaines entreprises des secteurs les plus touchés par les fermetures administratives, dont l’événementiel, les discothèques et les salles de sport. Mais ils excluent des milliers de petites et moyennes entreprises, de commerçants et d’artisans qui ne pourront pas assumer les congés payés de leurs salariés et se verront contraints de licencier. Madame la ministre, le Gouvernement a fait plus que tout autre pays au monde pour aider les entreprises. Ma question sera simple : que comptez-vous faire pour renforcer et élargir la prise en charge des congés payés à davantage d’entreprises frappées par la crise sanitaire ?

    Un député du groupe LaREM

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    Excellent !

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre de l’emploi et de l’insertion.

    Mme Élisabeth Borne, ministre du travail, de l’emploi et de l’insertion

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    Et du travail !
    Vous l’avez rappelé, monsieur Lagleize, le Gouvernement complétera l’accompagnement des secteurs les plus affectés par la crise par la prise en charge d’une partie des congés payés. Alain Griset et moi-même avons entendu les inquiétudes du secteur des hôtels, cafés et restaurants…

    M. Pierre Cordier

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    On n’est pas rendu avec ça !

    Mme Élisabeth Borne, ministre

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    …concernant le coût que représentent les congés payés accumulés pendant les périodes de fermeture des deux confinements. Je rappelle que l’acquisition de congés payés liés à l’activité partielle n’est pas une décision du Gouvernement : elle résulte d’un accord entre les partenaires sociaux datant de 2012. Toutefois, dans la période inédite que nous traversons, elle peut représenter une charge importante pour les entreprises, dont certaines ont été fermées près de cinq mois. C’est pourquoi le Gouvernement a décidé de prendre en charge, de façon exceptionnelle, dix jours de congés payés à prendre entre le 1er et le 20 janvier pour les entreprises particulièrement affectées par la crise. Comme vous l’avez dit, ce sont les entreprises qui ont été amenées à fermer plus de 140 jours cette année ou qui ont perdu plus de 90 % de leur chiffre d’affaires.
    Cette mesure sera mise en œuvre dans le cadre du dialogue social, notamment pour les congés pris par anticipation, l’essentiel des congés acquis en activité partielle devant être pris entre le 1er juin 2021 et le 31 mai 2022. La mesure répondra aux difficultés des cafés et restaurants, mais aussi des hôtels qui n’ont pas fait l’objet d’une fermeture administrative mais dont certains ont dû fermer, faute de clients. Elle bénéficiera à toutes les entreprises qui répondent à ces critères, notamment dans l’événementiel, la culture ou le sport. Le Gouvernement répond ainsi de façon pragmatique, réactive et ciblée pour compléter les mesures déjà prises en matière d’accompagnement des entreprises, des artisans et des commerçants. (Applaudissements sur les bancs du groupe LaREM et sur quelques bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    Il vous reste onze secondes, monsieur le député.

    M. Jean-Luc Lagleize

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    Merci pour votre réponse, madame la ministre. Il faudrait penser à un autre mécanisme pour aider des entreprises de taille inférieure qui ne demandent peut-être pas cette prise en charge de dix jours, mais une aide pour les congés payés.

    Conséquences de la réglementation environnementale 2020
    sur le chauffage au gaz

    M. le président

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    La parole est à M. Jérôme Nury.

    M. Jérôme Nury

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    Monsieur le Premier ministre, la ministre de la transition énergétique a dévoilé il y a quelques jours la réglementation environnementale 2020, laquelle entrera en vigueur dès l’année prochaine pour les bâtiments neufs. Une action ambitieuse en termes d’isolation et de performance énergétique, que ce soit dans le neuf ou dans la rénovation, est tout à fait louable, mais l’annonce a créé une immense surprise en stigmatisant l’énergie gaz : en effet, à partir de 2021, il sera quasiment interdit d’installer du chauffage au gaz dans les maisons individuelles, et à partir de 2024 dans les logements collectifs. Ce bannissement est totalement incompréhensible, en premier lieu parce que la précédente réglementation thermique de 2012 favorisait le chauffage au gaz, vertueux en termes de rejets de CO2, nous disait-on. Bref, le gaz, c’était écolo hier ; aujourd’hui, il ne l’est visiblement plus.
    La volte-face du Gouvernement sur le gaz pose également problème du point de vue de la cohérence de l’action de l’État. D’un côté, le Gouvernement prend des mesures visant à encourager les opérateurs du gaz à procéder à des extensions de réseau pour raccorder plus de territoires et, de l’autre, vous cisaillez la filière avec la nouvelle réglementation environnementale ; d’un côté, vous encouragez les agriculteurs à produire du biogaz en débridant le marché de la méthanisation – au risque de déséquilibrer des pans entiers de l’agriculture avec la prolifération de méthaniseurs dans les campagnes – et, de l’autre, vous faites en sorte que l’énergie ne soit plus utilisée dans les constructions neuves ; d’un côté,  vous souhaitez mettre fin aux passoires thermiques et au chauffage énergivore et, de l’autre, vous interdisez le chauffage au fioul et au gaz, même lorsqu’il s’agit de combustible vert ou renouvelable.

    M. Pierre Cordier

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    Eh oui, il a raison !

    M. Jérôme Nury

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    Où est la logique ? Qui sera pénalisé par ce tango énergétique ? Les artisans du bâtiment, qui seront encore appelés à modifier leurs offres ; les agriculteurs, poussés à investir des millions d’euros pour produire du gaz devenu subitement polluant ; les foyers les plus modestes qui, souvent, optent pour des chaudières au gaz, plus abordables que les pompes à chaleur ou la géothermie. Monsieur le Premier ministre, comment comptez-vous réintroduire de la cohérence dans notre stratégie énergétique nationale, laquelle vogue apparemment au gré des ministres de l’environnement et des influences qu’ils subissent ? (Applaudissements sur les bancs du groupe LR.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État chargée de la biodiversité

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    Vous l’avez très bien dit, diminuer le bilan carbone de notre parc de logements est une nécessité : nous partageons cet objectif. En 2019, il représentait en effet 25 % de nos émissions de gaz à effet de serre. Or, la loi relative à l’énergie et au climat, que le Parlement a adoptée, prévoit que la neutralité carbone sera atteinte en 2050.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Ah ?

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Ainsi, nous entendons, d’une part, diminuer les besoins énergétiques de bâtiments de 30 % par rapport à la précédente réglementation et, d’autre part, favoriser l’installation de solutions de chauffage économiques et écologiques, à l’instar des pompes à chaleur, que vous avez évoquées.

    M. Raphaël Schellenberger

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    Comme les pompes à chaleur électriques, alors qu’il n’y a quasiment plus d’électricité ?

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Je voudrais rappeler trois éléments s’agissant de l’avenir de la filière gaz : tout d’abord, si le chauffage exclusivement au gaz doit être progressivement abandonné, les solutions hybrides permettent l’utilisation ponctuelle du gaz pour faire face aux grands froids. Celle-ci reste donc possible. Ensuite, comme vous le savez, la nouvelle réglementation s’applique aux constructions neuves. En 2050, une grande partie du parc actuel existera toujours, qui continuera d’être, pour une large part, chauffée au gaz. Enfin, je rappelle que le chauffage des logements est loin d’être le seul débouché pour le gaz naturel, largement utilisé dans l’industrie.

    M. Pierre Cordier

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    Et la méthanisation des agriculteurs ?

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    Nous devons donc effectivement diminuer notre consommation de gaz naturel importé, afin de diminuer notre dépendance énergétique…

    M. Pierre Cordier

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    Si nous fermons nos centrales nucléaires, cela risque d’être difficile !

    Mme Bérangère Abba, secrétaire d’État

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    …et nos émissions de gaz à effet de serre. Pour cela, nous soutenons fortement le développement du biogaz, auquel je vous sais très sensible, à travers l’établissement de tarifs d’achat public. Le biogaz représente moins de 1 % de notre consommation actuelle de gaz naturel, nous avons donc une intéressante marge de progression. L’enjeu est avant tout de remplacer progressivement notre consommation de gaz naturel, en particulier par du biogaz : c’est l’objectif qui doit nous mobiliser. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    Articulation des fonds du plan de relance européen
    avec les actions prioritaires du traité d’Aix-la-Chapelle

    M. le président

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    La parole est à M. Christophe Arend.

    M. Christophe Arend

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    Monsieur le secrétaire d’État chargé des affaires européennes, secrétaire général à la coopération franco-allemande, le 22 janvier est une date symbolique pour la relation franco-allemande, si chère au président Valéry Giscard d’Estaing. En effet, elle marque la conclusion du traité de l’Élysée, en 1963, et celle, cinquante-six ans après, du traité d’Aix-la-Chapelle.
    La cinquième séance plénière de l’assemblée parlementaire franco-allemande se réunira donc le 22 janvier prochain. Les cent parlementaires des deux pays qui y siègent s’assurent de l’application des traités et travaillent à renforcer la coopération dans tous les domaines. Depuis un an, les travaux de cette assemblée se sont logiquement concentrés sur la crise liée à la covid-19. Dès le mois d’avril, nous avions appelé nos gouvernements respectifs à œuvrer ensemble à une réponse plus européenne.
    À l’heure des discussions relatives à la relance de nos économies, je souhaiterais donc vous interroger, monsieur le secrétaire d’État, sur la place des projets prioritaires franco-allemands, identifiés dans le traité d’Aix-la-Chapelle, au sein du plan de relance européen, baptisé Next generation EU. Ces projets répondent en effet aux aspirations de nos concitoyens en matière de développement des réseaux ferroviaires, d’application d’une transition énergétique coordonnée, ainsi que dans les domaines spatial et numérique. Le volet sociétal n’est pas en reste : à travers le forum franco-allemand pour l’avenir, nos deux pays se sont engagés dans une réflexion sur la société de demain. Par souci de cohérence, il nous semble approprié que le plan de relance européen nous permette d’avancer dans l’exécution des projets définis en 2019 par nos deux gouvernements, qui sont pertinents à long terme. Certains ont d’ailleurs déjà été lancés.
    De plus, cet été, lors d’une déclaration commune, le président Macron et la chancelière Merkel s’étaient engagés à défendre ensemble des projets prioritaires. Pour une meilleure intégration européenne, notre majorité porte une attention vigilante à l’amitié franco-allemande. Monsieur le secrétaire d’État, pouvons-nous compter sur votre intervention, lors du prochain conseil européen, qui se tiendra les 10 et 11 décembre, pour défendre, avec votre homologue allemand, le caractère prioritaire des projets franco-allemands dans le cadre du plan de relance européen ? (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. le secrétaire d’État chargé des affaires européennes.

    M. Clément Beaune, secrétaire d’État chargé des affaires européennes

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    Votre question intervient au bon moment, puisque je me suis entretenu de ces projets ce matin même, avec mon homologue allemand, dans le cadre du suivi du traité d’Aix-la-Chapelle.

    M. Pierre Cordier

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    Ce matin ? Incroyable comme le hasard fait bien les choses…

    M. Clément Beaune, secrétaire d’État

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    À quelques semaines du 22 janvier, date anniversaire de la journée franco-allemande qui marque, vous l’avez dit, les deux ans du traité d’Aix-la-Chapelle et l’anniversaire du traité de l’Élysée, je souhaite dire un mot de la dimension franco-allemande du plan de relance européen, que vous avez rappelée.
    Tout d’abord, l’accord du 18 mai 2020, qui a permis l’aboutissement d’un plan de relance européen de 750 milliards d’euros au mois de juillet, est une initiative franco-allemande, défendue par le Président de la République et la chancelière. Nous travaillons actuellement au déblocage des fonds du plan de relance, qui financera plusieurs projets d’infrastructures, ainsi que des projets en matière climatique.
     
    Le 20 août, lors de la visite d’Angela Merkel à Brégançon, le Président de la République et la chancelière se sont accordés pour que des projets industriels communs dans les domaines de l’hydrogène, du numérique, mais aussi de l’espace et de l’intelligence artificielle, marquent ces investissements d’avenir, tant dans le plan de relance européen que dans nos plans de relance nationaux respectifs. Bruno Le Maire, ministre de l’économie, des finances et de la relance, se rendra d’ailleurs à Berlin demain et après-demain, pour continuer ce travail avec son homologue allemand, le ministre de l’économie et de l’énergie Peter Altmaier.
    Comme vous l’avez rappelé, de nombreux projets prioritaires figurent dans le traité d’Aix-la-Chapelle proprement dit, qui rejoignent ces axes de travail. Vous-mêmes êtes d’ailleurs directement impliqué dans certains d’entre eux, comme ceux portant sur les liaisons ferroviaires transfrontalières. Certaines études sont d’ores et déjà financées par des fonds européens, comme celles du programme Interreg relatives aux liaisons entre Strasbourg et le Palatinat, Colmar et Fribourg ou encore la connexion entre Strasbourg et l’aéroport de Francfort. Malgré la crise sanitaire, le fonds citoyen franco-allemand, dont vous avez défendu la création avec plusieurs de vos collègues, a déjà identifié plusieurs projets associatifs.
    Pour terminer, je tiens à souligner la grande utilité du comité de coopération transfrontalière, que vous animez…

    M. Raphaël Schellenberger

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    Au siège du Parlement européen, à Strasbourg !

    M. Clément Beaune, secrétaire d’État

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    …et qui a permis d’éviter des mesures de fermeture en cette période d’épidémie.

    Avenir des sapeurs-pompiers volontaires

    M. le président

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    La parole est à M. Hervé Saulignac.

    M. Hervé Saulignac

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    Nos sapeurs-pompiers volontaires sont au cœur de notre modèle de sécurité civile, qu’une directive européenne de 2003 pourrait remettre en cause. En effet, selon cette directive, il faudrait désormais comptabiliser l’activité des pompiers volontaires comme du temps de travail. La menace est aujourd’hui très sérieuse puisque, selon mes informations, le décret serait sur le point d’être signé.
    Je veux rappeler ici que la qualité de nos secours tient à la disponibilité de nos pompiers et à la souplesse d’un système qui permet de les mobiliser facilement, parfois pour des missions longues. Assimiler le volontariat à du travail c’est, à coup sûr, ne plus avoir suffisamment de pompiers pour assurer les gardes, armer les casernes et disposer, en temps et en heure, de ces femmes et de ces hommes qui, justement, ne comptent pas leur temps.
    Une réalité plus vraie encore dans les départements ruraux, qui comptent souvent un maillage très fin de petits centres de secours, dont l’activité est parfois assurée uniquement par une poignée de volontaires. Dans mon département, en Ardèche, ceux-ci constituent même 92 % des effectifs. Si le modèle de volontariat est mis à mal, l’équation est simple : soit il nous faut davantage de volontaires, avec toutes les difficultés que l’on connaît en termes de recrutement, soit nous créons massivement des postes de pompiers professionnels, mais ni l’État, ni les collectivités locales, n’en ont les moyens. C’est donc une dégradation des secours qui nous menace.
    Je sais que le Gouvernement dialogue avec les autorités européennes : il est absolument vital d’obtenir gain de cause. Aussi, je souhaiterais savoir comment le Gouvernement entend écarter cette menace et exclure définitivement les pompiers volontaires du champ d’application de la directive. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC et sur quelques bancs du groupe LR. – M. Sébastien Jumel applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté.

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la citoyenneté

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    Avant toute chose, je voudrais vous remercier de votre engagement sur ce sujet fondamental, monsieur le député. À quelques jours de la Sainte-Barbe, votre question m’offre d’ailleurs l’occasion de rendre hommage à l’engagement des sapeurs-pompiers volontaires et de l’ensemble des pompiers qui, en sauvant de vies, sont de véritables héros du quotidien. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem.) Merci pour eux.
    Il y a quelques mois, je m’étais rendue auprès de pompiers volontaires de Corse ; la semaine dernière encore, j’étais avec des pompiers volontaires dans les Yvelines : je crois que nous pouvons collectivement être fiers de notre modèle de sécurité civile, qui repose notamment sur l’engagement de nos 200 000 sapeurs-pompiers volontaires. C’est un engagement citoyen et je crois que, chacun, ici, connaît leur courage et leur détermination à venir au secours des Français.

    M. Pierre Cordier

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    Ce n’est pas la question.

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée

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    Cela s’appelle une contextualisation, monsieur Cordier.

    M. Pierre Cordier

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    Je ne sais pas, je n’ai pas fait les mêmes études que vous !

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée

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    Pourtant, ces dernières années, la directive européenne sur le temps de travail, que vous avez évoquée, et l’interprétation qui en est faite par l’arrêt Matzak, ont fait naître des craintes sur ce modèle. Dès le départ, le Gouvernement a affirmé sa volonté de ne pas abandonner ce modèle important fondé sur l’engagement volontaire des sapeurs-pompiers. Avec Gérald Darmanin, nous sommes fiers d’avoir remporté une première bataille : en effet, nous avons négocié avec la Commission européenne et obtenu qu’elle rédige, à l’automne, une lettre confortant notre modèle. Depuis, les échanges se poursuivent.
    Je peux vous assurer, monsieur le député, que depuis le début du mandat, la majorité s’est engagée avec force et détermination en faveur de la sécurité civile, notamment des sapeurs-pompiers. Nous travaillons à une meilleure coordination de leur travail avec le SAMU – service d’aide médicale urgente – et les services ambulanciers. À cette fin, nous avons pris des mesures visant à renforcer leur sécurité, notamment en matière d’équipement, nous avons augmenté la prime de feu…

    M. Pierre Cordier

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    Ce sont les collectivités locales qui paient, pas l’État !

    Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée

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    …et engagé une large partie des mesures du plan d’action pour les sapeurs-pompiers volontaires. Cela devrait également susciter des vocations et renforcer l’attractivité de ce bel engagement citoyen dont nous sommes tous fiers. J’appelle les jeunes qui nous regardent à rejoindre les sapeurs-pompiers et à s’engager à leurs côtés : peut-être se découvriront-ils une vocation. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Hervé Saulignac.

    M. Hervé Saulignac

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    Je vous remercie, madame la ministre, pour votre compassion que nous partageons tous, mais je ne suis qu’à moitié rassuré : je tiens vraiment à vous alerter sur ce sujet, car si nous ne le traitons pas, il existe un risque important de nous retrouver avec des centres de secours vides. Assimiler le volontariat à du temps de travail est une véritable menace pour les secours publics français. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC, sur plusieurs bancs du groupe LR et quelques bancs du groupe GDR.)

    M. le président

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    Mes chers collègues, avant d’appeler la dernière question, je vous rappelle qu’à l’issue des questions au Gouvernement, la séance ne sera pas suspendue, car je prononcerai l’éloge funèbre de notre regretté collègue Jean-François Cesarini.

    Congés de Noël des enfants confiés à l’aide sociale à l’enfance

    M. le président

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    La parole est à M. Jean Lassalle.

    M. Jean Lassalle

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    Nous sommes le 8 décembre : dans seize jours précisément, près de 40 000 enfants placés en foyer, qui n’ont ni parents ni famille, devraient passer les fêtes de Noël dans des familles bénévoles ou des centres de vacances. Des milliers de volontaires et d’associations les attendent dans toute la France ; tout est prêt : l’organisation des rencontres, les mises en contact, le transport.
    Mais des associations – le Secours populaire et le Secours catholique, notamment – tirent déjà la sonnette d’alarme : le décret du 27 novembre dernier, qui porte sur l’organisation des activités avec hébergement, remet drastiquement en question ces projets et risque d’annuler ces vacances de Noël pour les enfants placés. Quel crève-cœur ! En raison du confinement, qui a entraîné leur déscolarisation, ils ont déjà vécu une année compliquée pour des enfants : ils comptent beaucoup sur ce moment si particulier, convivial, fraternel et magique qu’est Noël.
    Certains de ces enfants ont été brisés, ils vivent des souffrances psychologiques très fortes et nous les priverons de ce qu’ils attendent le plus, toute l’année durant : un repas de Noël dans des familles bénévoles et dévouées, des cadeaux et des copains.
    Monsieur le ministre des solidarités et de la santé, êtes-vous prêt à déplacer des montagnes pour ces enfants seuls au monde, afin de leur offrir cette lueur de bonheur que sont les fêtes de Noël ? Une lueur qui sera, pour nous tous, un moment de fierté et d’espoir. Tant de Français vous le demandent, des étoiles plein les yeux : n’oublions pas ces enfants. (Applaudissements sur les bancs des groupes LT et UDI-I.)

    M. le président

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    La parole est à Mme la ministre déléguée chargée de l’autonomie.

    Mme Brigitte Bourguignon, ministre déléguée chargée de l’autonomie

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    Je vous remercie, monsieur le député, de parler avec cette bienveillante attention des enfants de l’aide sociale à l’enfance, qui sont confiés à notre protection à toutes et tous. Je connais votre engagement de longue date sur ce sujet, comme celui d’autres députés de tous les bancs. Moi-même, je suis, vous le savez, engagée auprès des jeunes majeurs sortant de l’aide sociale à l’enfance.
    De nombreux acteurs de la protection de l’enfance ont fait remonter des inquiétudes légitimes sur la possibilité que des enfants accueillis partent en vacances à Noël. Deux raisons de bon sens guident le souhait du Gouvernement de répondre favorablement à cette demande légitime : d’une part, le besoin pour les enfants accueillis d’avoir une respiration, notamment lorsqu’un retour dans leur famille n’est pas envisageable et, d’autre part, la nécessité de permettre à leurs encadrants, soumis à une forte pression durant le confinement, car la prise en charge de ces enfants est parfois difficile, de prendre des congés.
    Ces remarques ont été entendues et le Gouvernement, par la voix du secrétaire d’État, Adrien Taquet, a fait savoir à vos collaborateurs, avec lesquels il a été récemment en contact, qu’il souhaitait que les enfants accueillis dans un établissement d’aide sociale à l’enfance ou en famille d’accueil puissent partir en colonie de vacances durant les congés de Noël dans le strict respect du protocole sanitaire. Nous y réfléchissons. Sachez que le dialogue se poursuit et devrait aboutir dans les tout prochains jours. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et LT.)

    M. le président

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    Nous avons terminé les questions au Gouvernement.

    3. Éloge funèbre de Jean-François Cesarini

    M. le président

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    (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent.) C’est avec une émotion toute particulière que je prends la parole en mémoire de notre ancien collègue Jean-François Cesarini, disparu le 29 mars, dont je salue la famille, les proches et amis présents. Il n’avait pas 50 ans ; il n’aura pu achever son unique mandat parlementaire. Pourtant, nous retiendrons de lui qu’il a vécu intensément le peu d’années que la destinée lui avait laissées. Au moment de lui dire adieu, au lieu d’une formule funèbre et convenue dont il se serait sans doute moqué, je voudrais, avec amitié, avec respect, lui adresser deux mots moins protocolaires et tout simples : chapeau, l’artiste !
    Car Jean-François Cesarini était d’abord, intrinsèquement, un artiste. Parolier, chanteur, comédien, il ne se contentait pas d’aimer les arts et la culture : il les vivait et, en eux, il revivait. De cet enfant d’Avignon, nous connaissions l’officiel ; il y avait aussi le off. L’officiel, c’était le chef d’entreprise, le militant politique, le député investi dans la vie associative et dans la promotion économique de son territoire. Le off, c’était l’humaniste plein de verve et de fantaisie qui aime la poésie, qui monte sur scène, chante, interpelle le public et à travers lui la société, jouant en plein festival dans une pièce de théâtre dont le titre, Demain vite !, aurait pu devenir sa devise.
    « Demain », car ce social-démocrate de toujours travaillait à un avenir de justice sociale et de progrès. Vivant au siècle des nouvelles technologies, il en avait discerné le pouvoir disruptif et voulait que notre pays soit à la pointe de l’innovation, de toutes les innovations. « Vite », car le temps lui manquait. Il le savait, d’ailleurs, depuis ce sinistre rendez-vous médical que la cruauté du sort avait placé entre les deux tours des élections législatives de 2017. Au candidat gonflé à bloc, qui venait les voir à la veille d’un grand meeting, les médecins révélèrent qu’un mal incurable minait déjà sa bonne humeur et sa vitalité. D’autres auraient renoncé ; d’autres auraient démissionné. Lui décida de mener plusieurs vies en une, plusieurs combats de front, mettant à profit chaque minute pour faire avancer ses idées.  
    Avec lui, au second tour, ses idéaux de tolérance et de progrès triomphaient largement, sa personnalité radieuse fédérant toutes les familles politiques de l’arc démocratique.
    Avec lui, dans le Vaucluse, l’ancienne cité des papes devenait la capitale de la French tech culture.
    Avec lui, au Palais-Bourbon, le discours parlementaire sonnait tout à coup comme une tirade du répertoire ; ce fut par une chanson de sa composition qu’il accueillit chaleureusement une délégation étrangère.
    Au sens propre, Jean-François Cesarini savait faire bouger les lignes : jamais cette expression n’eut autant de sens que pour le gamin des faubourgs monté à l’assaut des sommets, le comédien amateur qui ne voulait pas devenir un professionnel de la politique, mais s’efforçait d’être un citoyen complet. Sa vie n’avait pas été simple ; il lui a fallu l’enchanter pour surmonter les déceptions d’une jeunesse passée à l’ombre des grands ensembles, dans l’une de ces tours sans âme où l’on a tôt fait de désespérer. Les quartiers populaires, la détresse sociale, n’étaient pas pour lui des sujets académiques ni des thèmes de colloque. Il a vécu, intimement, cette existence grisaille, avec l’idée ancrée en lui qu’on pouvait s’en sortir et qu’il n’y avait pas de fatalité. La philosophie, la poésie, la culture ? Autant de fenêtres vers un futur plus prometteur et plus juste.
    Aussi Jean-François Cesarini ne séparait-il pas le progrès social du progrès technique ; il voulait à la fois la création de richesses et le partage des opportunités, l’égalité des chances et l’émancipation. C’est pourquoi il est entré en politique, tel qu’il était, sans se renier : comme vous tous ici, je salue l’énergie de son engagement et la puissance de ses convictions progressistes. Pour lui, débattre n’était pas un vain mot. La discussion, l’échange, la controverse nourrie et passionnée, mais toujours respectueuse de l’autre et des idées d’autrui, constituait son élément naturel. Aussi cet hémicycle, tendu de velours rouge comme un théâtre à l’italienne, fut-il la grande scène nationale où il put enfin donner toute sa mesure. Je le dis : si nous avons perdu un collègue, la République, elle, a perdu un talent – un talent singulier, unique, irremplaçable, un brio dans l’art oratoire et le débat contradictoire qui démentait tous les commentaires pessimistes sur le désenchantement de la politique.
    Hélas, Jean-François savait par Tchékhov que « la brièveté est sœur du talent ». Il savait qu’il n’aurait pas le temps de bâtir, mais seulement celui de poser des jalons et de donner l’exemple. Alors, en artiste accompli, avant de nous tirer sa révérence, il nous adressa un dernier message de résilience et d’espoir.
    Le mot de « dévouement » semble faible, en effet, quand on évoque les derniers jours de Jean-François Cesarini. En mars, au moment où la crise du coronavirus vient frapper la France, il sait, quant à lui, que ses jours sont comptés ; loin de se décourager, il met toute son imagination au service de la collectivité. Membre de notre groupe d’études consacré au cancer, il connaît le milieu hospitalier, ainsi que la conscience professionnelle des soignants, qu’il met en valeur : « Je suis régulièrement hospitalisé, ainsi je réalise la grandeur de l’effort qui est réalisé. Merci de nous protéger », écrit-il dès le début de la pandémie. Très vite, c’est un véritable parcours numérique qu’il met en ligne pour aider ses concitoyens à effectuer leurs démarches et à s’occuper pendant le confinement. Tel était Jean-François Cesarini, humaniste agissant, moderne héritier des Lumières, capable de conjuguer altruisme et technologie.
    En lui disant au revoir, c’est enfin l’homme de courage que je salue en votre nom à tous : courage au service de ses convictions, courage au service de ses concitoyens, courage devant la maladie d’un élu exerçant jusqu’au bout de ses forces le mandat qui lui avait été confié.
    À sa famille, à ses amis, à ses collaborateurs, au nom de tous les députés de l’Assemblée nationale et en mon nom personnel, je présente mes sincères condoléances attristées.
    La parole est à M. le ministre de l’agriculture et de l’alimentation.

    M. Julien Denormandie, ministre de l’agriculture et de l’alimentation

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    Il me revient de m’associer, au nom du Gouvernement, à l’hommage rendu ce jour à notre collègue et ami Jean-François Cesarini. J’ai la chance – oui, la chance – d’être au nombre de ceux dont la vie a croisé la sienne : ces rencontres qui vous marquent, ces échanges qui vous construisent, ces partages qui vous unissent. Au moment de commencer ce discours, je voudrais avoir une pensée pour la famille de Jean-François, ici présente, et lui faire part de toute l’émotion qui est la nôtre alors que nous lui rendons hommage.
    Retracer le parcours de Jean-François, c’est marcher dans les pas d’un homme qui voulait être utile aux autres, par instinct et par conviction, parce qu’il ne se satisfaisait jamais de ce qu’il voyait d’absurde ou d’injuste. Rebelle, sans doute, révolté, assurément : il évoquait volontiers L’Homme révolté, cet essai de Camus dont la lecture, lorsqu’il avait 20 ans, l’avait profondément marqué et façonné. « L’art et la révolte ne mourront qu’avec le dernier homme », peut-on y lire. Cette révolte indissociable de l’art, cette révolte qui est l’aventure de tous est une prise de conscience dont Jean-François ne s’est plus jamais défait. Féru de philosophie, de littérature et d’art, homme d’idées et homme d’action, il apportait en politique son obsession du concret et de l’utile, attisée par l’urgence d’agir pour ceux qui ont besoin d’un appui, d’une béquille.
    Car Jean-François fut avant tout un citoyen engagé. Pour lui, la politique n’était pas tout ; en revanche, tout était politique. Pour lui, la politique ne constituait pas une carrière, ni une fin en soi, mais tout au contraire une passion, comme une évidence. Chef d’entreprise dans l’immobilier, puis entrepreneur du numérique au service de la citoyenneté et des territoires, ceux qui travaillent alors à ses côtés lui reconnaissent un véritable don pour mettre en valeur les jeunes talents de la région. Issu de la famille de la social-démocratie, dont la liberté de choix et l’émancipation constituent les combats les plus importants, Jean-François était viscéralement épris de justice sociale ; protégeant l’idéal sans négliger le réel, il refusait la facilité, les fausses solutions. Il avait créé dans le Vaucluse, il y a quelques années, la première antenne locale de Terra Nova, un « laboratoire d’idées », comme on disait à l’époque : elle eut le mérite, et non des moindres, de susciter déjà le débat au-delà des partis.
    Défendre pied à pied les valeurs de justice sociale, d’écologie, de liberté d’entreprendre, qui lui étaient chères, le faire avec une exigence constante, ne rien céder à la facilité : voilà sans doute ce qui a convaincu ses concitoyens de l’élire au sein de cette belle assemblée. Député au service de la Nation, Jean-François a su gagner la confiance et le respect, la complicité aussi de ses collègues, devenus, pour bon nombre d’entre eux, ses amis. À ses côtés, j’ai été témoin de son engagement en faveur de son département du Vaucluse, de sa belle ville d’Avignon, en particulier des quartiers en difficulté, avec, toujours, un surcroît d’attention pour ceux qui ont le plus besoin d’être accompagnés par l’État, par le collectif. Convaincu que droits et devoirs sont intimement liés, il n’a eu de cesse de rechercher l’équilibre, le chemin de crête qui oblige parfois à faire un pas de côté, à mordre la ligne, mais ne s’éloigne jamais des fondamentaux.
    Comment ne pas souligner le courage, l’incroyable courage de Jean-François ce jour de février où, depuis sa chambre d’hôpital, il est apparu, le sourire large, le regard fier et rieur, sur l’écran géant de la salle Victor-Hugo, à quelques mètres d’ici, pour prendre part au premier colloque consacré aux tiers-lieux, dont nous venions ensemble de créer l’association ? Au sein du groupe La République en marche, au sein de la majorité, sa voix était de celles qui portent et que l’on écoute ; une voix discordante, parfois, car l’unité n’est pas l’uniformité. Dans ce monde du théâtre qu’il aimait tant, on dit de certains acteurs qu’ils ont « une gueule » : ce quelque chose de différent, impossible à définir, mais qui les rend si attachants et donne envie de les suivre. Avec son charisme, sa volonté affirmée, Jean-François avait la trempe de ceux qui redoublent d’énergie et de détermination face aux obstacles, de ceux qui ne reculent pas devant un mur, mais le contournent, de ceux qui bâtissent et agissent. Aujourd’hui, cette voix chaleureuse, cette voix chantante et puissante qui, au fond, disait tout de lui, nous manque infiniment.
    Acteur de sa vie, à l’aise devant la caméra, derrière le micro, accompagné d’un piano, Jean-François était, selon ses propres mots, « hyper fier d’être député ». Il avait l’humilité et la soif propres à ceux qui ne se vantent jamais d’avoir traversé petites et grandes épreuves, mais n’en oublient rien et s’en nourrissent. Tout, dans son parcours, fait écho à ces valeurs qu’il n’a cessé de défendre : ne jamais se résigner, ne jamais se complaire, ni céder à la facilité quand les choses sont complexes ; réformer pour améliorer ; faire un pas de côté, faire différemment ; se dire que contre les inégalités, contre les absurdités, tout n’a pas été tenté. Le parcours de Jean-François, c’est la preuve que rien n’est écrit, qu’il n’y a pas de destin tout tracé. Cette preuve qu’il nous lègue aujourd’hui, nous la garderons à jamais en mémoire.

    M. le président

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    En mémoire de notre ancien collègue Jean-François Cesarini, je vous demande d’observer une minute de silence. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement observent une minute de silence.)
    Je vous remercie. (Applaudissements prolongés sur tous les bancs.)

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures quinze, est reprise à dix-sept heures vingt, sous la présidence de M. David Habib.)

    Présidence de M. David Habib
    vice-président

    M. le président

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    La séance est reprise.

    4. Amélioration du système de santé par la confiance
    et la simplification

    Vote solennel

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle le vote, par scrutin public, sur l’ensemble de la proposition de loi visant à améliorer le système de santé par la confiance et la simplification (nos 3470, 3598 rectifié).

    Vote sur l’ensemble

    M. le président

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    Je mets aux voix l’ensemble de la proposition de loi.

    (Il est procédé au scrutin.)

    M. le président

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    Voici le résultat du scrutin :
            Nombre de votants                        510
            Nombre de suffrages exprimés                492
            Majorité absolue                        247
                    Pour l’adoption                334
                    Contre                158

    (La proposition de loi est adoptée.)

    (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et DEM.)

    5. Élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République

    M. le président

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    Avant de suspendre la séance, je rappelle que nous allons maintenant procéder à l’élection, par scrutin dans les salles voisines de la salle des séances, d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République.
    Je suis saisi de la candidature de Mme Marie Silin. Je rappelle que le scrutin est secret et que des bulletins imprimés sont à votre disposition. Pour que le vote soit valable, le bulletin déposé dans l’urne ne doit comporter qu’un seul nom. Les délégations de vote ne sont pas admises.
    J’ouvre le scrutin, qui est annoncé dans l’enceinte de l’Assemblée nationale pour une durée de trente minutes. Il sera donc clos à dix-sept heures cinquante-quatre.

    Suspension et reprise de la séance

    M. le président

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    La séance est suspendue.

    (La séance, suspendue à dix-sept heures vingt-cinq, est reprise à dix-sept heures quarante-cinq.)

    M. le président

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    La séance est reprise.

    6. Parquet européen et justice pénale spécialisée

    Discussion, après engagement de la procédure accélérée, d’un projet de loi adopté par le Sénat

    M. le président

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    L’ordre du jour appelle la discussion, après engagement de la procédure accélérée, du projet de loi, adopté par le Sénat, relatif au parquet européen et à la justice pénale spécialisée (nos 2731, 3592).

    Présentation

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice

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    Le projet de loi relatif au parquet européen et à la justice pénale spécialisée que nous examinons aujourd’hui traite en particulier de l’Europe et de l’environnement. Ce sont des sujets particulièrement chers à ce gouvernement et vous comprendrez le plaisir qui est le mien d’être devant vous pour présenter ces réformes importantes, à la fois opérationnelles et fortes en symboles.
    Il s’agit d’intégrer dans notre droit la création d’une nouvelle institution européenne qui constitue une rupture conceptuelle pour l’espace judiciaire européen, évolution dans laquelle la France peut s’enorgueillir d’avoir joué, depuis le début, un rôle moteur.
    Rupture conceptuelle car, pour la première fois, une structure européenne, le nouveau parquet européen, sera compétent pour exercer directement l’action publique partout sur le territoire des vingt-deux États membres participants.
    Mécanisme équilibré aussi car tout en actant cette nouvelle compétence européenne, le parquet européen respecte pleinement notre système judiciaire, dans lequel il s’intègre de façon harmonieuse.
    De quoi s’agit-il au fond ? Ce nouveau parquet européen aura pour mission de combattre les fraudes au budget de l’Union européenne. Ce budget est le principal levier d’action de l’Union européenne : il finance toutes les politiques communes ; c’est en quelque sorte notre bien commun. Ce sera donc désormais au niveau européen que les fraudes européennes, dont la nature est souvent transnationale, pourront être poursuivies. Entre 2010 et 2019, l’Office européen de lutte anti-fraude – OLAF – a recommandé le recouvrement de plus de 7,3 milliards d’euros. En 2018, d’après la Commission européenne, les fraudes à la taxe sur la valeur ajoutée – TVA – ont représenté 140 milliards d’euros de manque pour le budget des États membres, et il y a lieu de craindre que ce chiffre soit plus élevé en 2020.
    En cette période difficile où l’Europe, à travers un plan de relance sans précédent, se mobilise pour faire repartir nos économies, la lutte contre la fraude aux financements européens est impérative. C’est une question de crédibilité pour l’Union et un devoir vis-à-vis des contribuables européens. C’est précisément pour mettre un terme à ces agissements pour lesquels l’action au niveau national n’est pas suffisante qu’a été pensé le parquet européen.
    Je me réjouis du large consensus qui a présidé à l’adoption par le Sénat, puis par votre commission des lois, des dispositions modifiant le code de procédure pénale, le code de l’organisation judiciaire et le code des douanes qui garantiront le fonctionnement du parquet européen.
    Ce projet de loi permet, d’une part, d’assurer l’indépendance statutaire des procureurs européens requise par le règlement européen et, d’autre part, d’organiser les modalités selon lesquelles ils pourront conduire leurs investigations et exercer leurs poursuites devant les juridictions françaises. Ils disposeront ainsi des mêmes prérogatives que le procureur de la République mais aussi, ce qui est beaucoup plus novateur, de certaines prérogatives des juges d’instruction, le cas échéant, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention – JLD –, lorsqu’ils seront amenés, pour les besoins de l’enquête, à porter atteinte aux libertés individuelles.
    Sans anticiper sur nos débats, et comme je l’ai déjà dit devant la commission des lois, je tiens dès à présent à apaiser des craintes de deux ordres.
    À ceux qui voient une atteinte à notre souveraineté, je rappelle que cette question a été tranchée par le Conseil d’État, qui a indiqué que l’insertion de cette nouvelle institution dans notre système judiciaire n’appelait pas de nouvelle révision constitutionnelle. J’ajoute d’ailleurs que les procureurs européens délégués – PED – appliqueront la procédure française ainsi aménagée en se reposant sur les services d’enquête nationaux et en exerçant les poursuites devant le tribunal judiciaire de Paris. Celui-ci se voit d’ailleurs doter d’une compétence exclusive pour l’ensemble des matières relevant de la compétence du parquet européen.
    À ceux qui craignent que ce nouveau parquet soit un premier pas vers la remise en cause du juge d’instruction français, je veux dire qu’il n’en est rien : l’organisation judiciaire de droit commun restera ce qu’elle est.
    Je souhaite ensuite évoquer l’autre volet de ce texte, celui relatif à la justice pénale spécialisée.
    Le projet de loi renforce significativement l’efficacité et la cohérence des dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, la criminalité organisée, la délinquance économique et financière ainsi qu’aux atteintes à l’environnement. À cette fin, il facilite l’exercice des compétences des parquets spécialisés, dont l’expertise est désormais reconnue. Leur action sur notre territoire doit être coordonnée au mieux pour permettre une meilleure réponse pénale dans des domaines souvent complexes.
    De même, le parquet national antiterroriste verra ses compétences élargies, en particulier en matière d’entraide avec la Cour pénale internationale, dont il devient l’interlocuteur privilégié. Les travaux de la commission des lois, qui ont enrichi ces dispositions, vont aussi lui permettre de bénéficier de l’appui précieux d’assistants spécialisés en matière de terrorisme.
    Le renforcement de l’efficacité de la justice en matière environnementale est le troisième grand axe de ce projet de loi. Je serai d’ailleurs favorable à l’amendement de Mme Naïma Moutchou, rapporteure de la commission des lois, qui vise à inclure cette dimension dans son intitulé même. Permettez-moi de profiter de cet instant pour adresser des remerciements appuyés à Mme la rapporteure, ainsi qu’à Didier Paris, pour leur implication et pour leur travail d’une très grande qualité. (Applaudissements sur plusieurs bancs des groupes LaREM et Dem.)
    La protection de l’environnement est certainement le combat de cette génération et de celle qui vient. Et je vous le dis en tant que garde des sceaux, mais aussi en tant que citoyen, la justice doit bien évidemment y prendre toute sa part. Il nous faut progresser substantiellement dans cette matière.
    Un rapport conjoint de l’inspection des services judiciaires et du Conseil général de l’environnement et du développement durable – CGEDD – l’année dernière a mis en lumière les difficultés et les insuffisances en ce domaine. Quantitativement, le contentieux environnemental représente seulement 1 % des condamnations pénales, contre 2 % dans les années quatre-vingt-dix. En matière civile, le constat est pire encore, puisqu’il ne représente que 0,5 % des décisions prononcées. En 2017, seules 139 personnes morales ont été condamnées à une amende pour une infraction de nature environnementale. Qualitativement, ensuite, les peines prononcées sont faibles : en 2017, la peine d’amende ferme moyenne était de seulement 27 000 euros.
    Ces quelques chiffres témoignent à l’évidence de l’inadaptation de la réponse pénale, qui n’est plus à la hauteur des attentes de nos concitoyens, et nous ne pouvons l’accepter. Face à des enjeux globaux de préservation de l’environnement, la réponse se doit elle aussi d’être globale. Si le texte améliore d’une manière indispensable le cadre procédural, il sera complété par des dispositions de droit pénal matériel qui seront intégrées dans la loi « Convention citoyenne pour le climat », laquelle comportera un titre dédié à la justice environnementale.
    Nous proposons ici d’étendre le mécanisme de la convention judiciaire d’intérêt public au domaine de l’environnement afin de favoriser la remise en l’état, sous le contrôle du juge, lorsque des dégradations à l’environnement ont eu lieu. Nous prévoyons aussi la création, dans chaque cour d’appel, d’une juridiction spécialisée dans le domaine de l’environnement. Le travail de la commission des lois a d’ailleurs permis de l’étendre au domaine civil, pour que le même juge puisse connaître des aspects civils et des aspects pénaux de cette matière très spécifique.
    Le texte propose aussi, grâce à une nouvelle amélioration de la commission des lois soutenue par vos rapporteurs, de conférer le statut d’officier de police judiciaire – OPJ – aux inspecteurs de l’Office français de la biodiversité – OFB.
    Je tiens à remercier l’ensemble des membres de la commission du développement durable, dont le travail a permis, là encore, de perfectionner le texte que nous vous présentons. Par la voix de sa rapporteure pour avis, Souad Zitouni, a notamment été actée la création d’assistants spécialisés en matière d’environnement rattachés aux nouveaux pôles environnementaux qui seront les véritables chevilles ouvrières de la justice environnementale que nous appelons de nos vœux.
    Enfin, permettez-moi de saluer le travail de la rapporteure pour observation de la commission des affaires européennes, Liliana Tanguy, qui a permis d’accompagner la mise en place de cette nouvelle institution européenne tant attendue.
     
    Vous l’aurez compris, le texte que nous examinons cet après-midi répond à plusieurs des engagements forts de ce quinquennat  : l’engagement pour l’Europe, d’abord, qui fait l’identité même de cette majorité qui, depuis 2017, œuvre, je le sais, aux côtés du Président de la République à poursuivre cet idéal européen qui porte en lui les réponses aux défis d’aujourd’hui et de demain  ; l’engagement écologique, ensuite, né de l’indiscutable urgence d’agir pour préserver notre environnement en mettant en branle toutes nos institutions.
    C’est mon rôle en tant que garde des sceaux que d’assurer la pleine mobilisation de la justice pour participer à ce défi majeur. Ce texte en est la première étape indispensable et je suis heureux, très heureux devrais-je dire, d’en débattre avec vous. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Dem. – M. Jean Lassalle applaudit aussi.)

    M. le président

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    Je vous informe que la clôture du scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République est annoncée dans l’enceinte de l’Assemblée nationale. Le résultat du scrutin sera proclamé à l’issue du dépouillement.
    La parole est à Mme Naïma Moutchou, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République, qui m’a promis une intervention courte. (Sourires.)

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Robert Badinter, interrogé il y a plusieurs années sur l’intérêt d’un parquet européen, avait déclaré devant la Commission européenne : « Ce ne sont pas les idées qui font défaut, c’est la volonté politique ». Je me réjouis, après quelque quinze ans de négociations, que la volonté politique nous permette aujourd’hui d’aller au bout de ce processus. C’est une étape historique que nous nous apprêtons à franchir en créant un espace de justice européen à part entière dédié à la lutte contre la fraude. Nous en sommes les acteurs avec nos amis sénateurs, et c’est pour moi un autre motif de réjouissance.
    En plus d’aborder le parquet européen, le projet de loi améliore notre dispositif national dans les domaines de la justice pénale spécialisée et de la justice environnementale.
    Le parquet européen nous permettra de mieux lutter contre une délinquance financière astucieuse et jusqu’alors insuffisamment réprimée. La compétence européenne est naturelle dans ce domaine, car cette délinquance est internationalisée et ses délits impliquent souvent plusieurs États membres. Les fraudes en question étant massives – elles représentent plusieurs dizaines de milliards d’euros –, il n’est pas satisfaisant de les traiter à l’échelon national, d’autant que les systèmes de poursuite et de répression varient d’un territoire à l’autre. Le choix a été fait d’inscrire le parquet européen dans une coopération renforcée, qui réunit à ce jour vingt-deux des vingt-sept États membres. Il siégera à Luxembourg, capitale judiciaire de l’Union, et aura à sa tête une procureure européenne, Mme Laura Kövesi, assistée de vingt-deux procureurs nationaux – un par État participant. À l’échelle nationale, des procureurs européens délégués – au moins deux par État – seront chargés du suivi des enquêtes et des poursuites ; pour ce qui concerne la France, ils seront au nombre de cinq, basés à Paris, tout près du parquet national financier.
    Les trois premiers articles du projet de loi intègrent dans le code de procédure pénale, dans le code de l’organisation judiciaire et dans le code des douanes plusieurs dispositions permettant de prendre en considération le statut et le rôle particuliers des procureurs européens et de leurs délégués. Je l’ai dit en commission : l’architecture proposée est cohérente, pragmatique et équilibrée. Le système ainsi créé, avec un niveau européen central et un niveau local décentralisé, permet d’atteindre une véritable efficacité, en combinant collégialité et caractère opérationnel. Le projet de loi garantit l’indépendance des procureurs délégués, en articulant leur appartenance au parquet européen et leur travail réalisé en France. Quelques ajustements ont été nécessaires pour permettre aux procureurs délégués de conduire leurs investigations conformément à ce que prévoit le règlement européen, tout en respectant notre propre cadre procédural ; nous reparlerons de ce statut hybride novateur au cours de nos débats.
    La deuxième partie du projet de loi concerne les juridictions pénales dites spécialisées. Si les modifications apportées en la matière ont un caractère ponctuel, elles permettent, très concrètement, d’améliorer le traitement des contentieux. Ainsi, un mécanisme simple donne une priorité au juge spécialisé par rapport au juge de droit commun, et à la juridiction nationale par rapport à celle qui exerce à l’échelon local. Ce dispositif fait l’unanimité.
    Dans un même esprit d’efficacité, il est donné compétence au parquet national antiterroriste pour les demandes d’entraide adressées par la Cour pénale internationale, et au parquet national financier pour les pratiques anticoncurrentielles. Ces dispositions ont été enrichies en commission. Le parquet national antiterroriste centralisera également les demandes d’entraide des tribunaux internationaux – article 5 bis –, et nous pourrons couvrir les frais de voyage des victimes pour assister à un procès pénal à l’étranger, notamment dans les grandes affaires liées aux attentats terroristes – article 4 ter. Quant à l’article 4 bis, il précise qu’une plainte ou une dénonciation préalable n’est pas nécessaire pour poursuivre un délit commis à l’étranger par un Français ou sur un Français, relevant d’un des parquets spécialisés : c’est une disposition de poids, puisque nous pourrons enquêter dès qu’un ressortissant français sera victime, sans passer par une phase diplomatique ni par une recherche d’ayants droit ; c’est important en matière terroriste ; c’est décisif en matière de lutte contre la délinquance financière ; pour la France, c’est un pas franchi dans l’extraterritorialité.
    Enfin, l’article 7 bis modifie et précise plusieurs points de la convention judiciaire d’intérêt public, cette justice transactionnelle que nous souhaitons voir se développer, tant l’innovation issue de la loi relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin 2, a fait preuve de son efficacité à la fois pour sanctionner les comportements répréhensibles et pour parer à l’activisme judiciaire des puissances étrangères.
    Nous avons voulu donner de l’envergure au projet de loi en matière de droit de l’environnement. Les sept articles additionnels adoptés en témoignent : nous avons élargi la compétence pénale des pôles environnementaux, qui traiteront aussi du contentieux civil, créant ainsi une juridiction de l’environnement ; nous avons affiné la compétence des juridictions spécialisées du littoral, les JULIS, et avons mieux associé les inspecteurs de l’environnement aux enquêtes pénales ; en confiant à ces derniers des prérogatives judiciaires, nous ouvrons la voie à la création d’un service d’enquête dédié à la protection de l’environnement.
    Le projet de loi corrige par ailleurs diverses imperfections pouvant rendre inopérantes certaines dispositions du code de procédure pénale – j’ai peu à dire sur ces sujets largement techniques et consensuels.
    Il crée également une peine complémentaire d’interdiction d’accès aux transports en commun. Je vous ai fait part de mon scepticisme et de celui de mes collègues à ce sujet en commission, monsieur le ministre : cette mesure paraît redondante et nous pouvons questionner son efficacité. Vous aviez promis un travail en commun, et votre promesse a été tenue – je vous en remercie. Toutefois, mes échanges avec vos services n’ont pas permis de lever nos objections. J’en resterai donc à ma position initiale et proposerai à mes collègues une suppression de l’article 11.
    Enfin, l’article 12 aborde un sujet en lien avec les missions des officiers publics et ministériels. Il a été profondément remanié par nos collègues du Sénat, et prévoit, dans sa rédaction actuelle, d’autoriser les ordres professionnels des commissaires de justice et des notaires à percevoir directement des contributions volontaires obligatoires. À cela s’ajoute une disposition réformant la procédure d’installation des nouveaux offices dans les zones contrôlées. Cette nouvelle version de l’article 12 me semble de bon sens.
    Tel est le contenu du projet de loi, particulièrement enrichi lors des débats en commission. Nous évoquerons plus longuement ces sujets au cours de l’examen des amendements, mais je suis convaincue que le texte forme un ensemble cohérent et efficace. Le travail de qualité qui a été mené n’efface pas mes quelques regrets concernant des sujets qui me tiennent à cœur – la protection du secret professionnel et la durée de l’enquête préliminaire –, mais je sais que vous y travaillez, monsieur le ministre. (M. le garde des sceaux acquiesce.) Je gage donc que nous nous retrouverons bientôt pour les faire avancer. Dans cette attente, je vous invite à apprécier le chemin parcouru, et à soutenir les avancées que nous avons obtenues.
    Pour finir, je tiens à remercier M. le ministre pour le dialogue et la qualité de nos échanges constants.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Merci !

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Je remercie également mes collègues rapporteures pour leur travail, ainsi que Didier Paris pour son soutien. Un mot, enfin, pour remercier les administrateurs de la commission des lois, Alice Gondard et Julien Souplet, qui m’ont accompagnée tout au long des débats. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Liliana Tanguy, au nom de la commission des affaires européennes.

    Mme Liliana Tanguy

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    Je m’exprime aujourd’hui en tant que rapporteure d’observation sur le projet de loi. Mon rapport pour la commission des affaires européennes se consacre au titre Ier, qui adapte le droit national au règlement européen de 2017 portant création du parquet européen. Cette nouvelle autorité est un grand pas pour la coopération judiciaire européenne. Sa compétence porte sur les fraudes aux intérêts financiers de l’Union. Malgré le caractère consensuel de la lutte contre la fraude, certains États membres se sont opposés à la mise en commun des compétences permettant de poursuivre ces infractions ; c’est regrettable, car les intérêts financiers européens sont moins bien poursuivis au niveau national – la fraude aux subventions, en particulier, fait l’objet d’un taux de signalement très faible, y compris en France. L’absence d’unanimité quant au projet de parquet européen n’a pas empêché vingt-deux États membres d’avancer ensemble dans le cadre d’une coopération renforcée.
    Le résultat est un organe collégial – avec son collège de vingt-deux procureurs européens – et décentralisé – puisque les procureurs européens délégués exerceront, dans chaque État membre, la conduite concrète des enquêtes et des poursuites. Pour cela, le parquet devra coopérer étroitement avec les autres organes de coopération judiciaire que sont Europol, l’OLAF et surtout Eurojust. Les membres du collège d’Eurojust, en particulier, seront des interlocuteurs privilégiés. L’accord de coopération entre le parquet européen et Eurojust, négocié ces derniers mois, permettra aux deux institutions de traiter ensemble des affaires complexes, pouvant concerner des États qui ne participent pas au parquet européen.
    Beaucoup a été dit sur le projet de loi. Mes travaux me permettent de conclure qu’il s’agit d’un texte satisfaisant et équilibré, qui répond aux grands objectifs fixés par le règlement européen. Il crée les procureurs européens délégués en droit français – préalable nécessaire au lancement des travaux du parquet –, et prévoit des garanties d’indépendance à l’égard du ministère public français. Signalons que plusieurs pays, dont l’Allemagne et la Slovaquie, ont d’ores et déjà désigné leurs procureurs européens délégués. Cela doit nous engager à voter le texte, afin de permettre, nous aussi, l’installation du parquet européen : déjà repoussée par la crise actuelle, elle était envisagée pour le mois de novembre 2020 ; la nouvelle échéance qui se dessine est le mois de mars prochain.
    Désormais, l’enjeu est de créer les conditions adéquates, en termes budgétaires et humains, pour que le parquet européen commence à exercer sa mission dans les conditions les plus favorables. Au niveau européen, il serait opportun que la France plaide en faveur d’une augmentation de la dotation budgétaire du parquet, afin, notamment, que l’échelon central, à Luxembourg, puisse recruter suffisamment de personnel. Le commissaire à la justice Didier Reynders, que nous avons auditionné hier, est partisan d’une hausse de l’enveloppe budgétaire du parquet, fixée à 37,7 millions d’euros pour l’année 2021. Un bon démarrage est fondamental pour que le parquet européen démontre sa pertinence : mieux il sera doté, lus il sera susceptible de rapatrier les fonds détournés dans le budget européen, ce qui créera un cercle vertueux.
    J’en viens à l’élargissement des compétences. Dès le discours qu’il a prononcé à la Sorbonne en 2017, le Président de la République a évoqué la lutte contre le terrorisme comme une compétence possible du parquet européen. Un tel élargissement est souhaitable : l’actualité récente a montré que ce type de criminalité s’attaquait de plus en plus à des valeurs européennes ; c’est donc une réponse européenne qui peut y remédier.
    Par ailleurs, comme vient de le souligner M. le ministre, la France et de l’Union européenne font preuve d’un réel volontarisme quant à la protection de l’environnement – en témoignent les orientations politiques fortes prises par le gouvernement français et la Commission dans le cadre du pacte vert pour l’Europe. Le climat, la qualité de l’air ou encore la biodiversité sont des biens communs, que tous les Européens ont intérêt à sauvegarder. La définition d’infractions aux intérêts environnementaux au niveau européen pourrait ainsi s’accompagner d’une compétence européenne en matière de poursuites. Ces extensions possibles des compétences du Parquet européen me semblent pertinentes pour le futur. Face aux crises, j’ai la conviction que la voie européenne est celle de la raison. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    Motion de rejet préalable

    M. le président

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    J’ai reçu de M. Jean-Luc Mélenchon et des membres du groupe La France insoumise une motion de rejet préalable déposée en application de l’article 91, alinéa 5, du règlement.
    La parole est à M. Ugo Bernalicis. (M. Jean-Paul Lecoq applaudit.)

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Applaudissements solidaires !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Bravo !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Il n’a pas encore parlé !

    M. Julien Aubert

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    Brillant !

    M. Ugo Bernalicis

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    Si je vous présente une motion de rejet préalable de ce texte, c’est que nous sommes opposés à la déclinaison du parquet européen dans le droit français, pour plusieurs raisons.
    La première tient à la souveraineté. Je ne prétends pas qu’un dispositif, parce qu’il est situé en dehors de nos frontières, nous fait automatiquement perdre notre souveraineté : nous occupons au contraire toute notre place dans certains organismes de coopération transnationaux, qui s’avèrent pleinement satisfaisants. Le problème n’est pas là.
    Notre droit comporte des principes – qui nous ont d’ailleurs été rabâchés dans l’hémicycle, les gardes des sceaux successifs y étant très attachés – selon lesquels la politique pénale doit être conduite par le garde des sceaux, et assumée en tant que telle. Elle doit ensuite se décliner auprès des parquets généraux puis des procureurs de la République, selon une organisation hiérarchique assumée.
    Le corollaire de cela, c’est la défense par les ministres successifs des remontées d’informations, en accord logique avec cette responsabilité politique du garde des sceaux, qui conduit la politique pénale.
     
    Qui va conduire la politique pénale du parquet européen ? C’est la seule question de souveraineté qui vaille.

    M. Julien Aubert

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    Ce n’est pas faux !

    M. Ugo Bernalicis

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    La politique pénale sera  définie par le bureau central des  vingt-deux procureurs européens, qui détermineront eux-mêmes leur propre politique pénale. Or d’où ces vingt-deux procureurs européens tirent-ils leur légitimité, si ce n’est des États respectifs qui les ont désignés ? Au fond, ils décideront, dans leur coin, de la politique pénale, s’il convient de poursuivre telle infraction à la réglementation de l’Union européenne plutôt que telle autre. Finalement, il n’y a aucun contrôle démocratique de cette nouvelle instance – qui n’a rien à voir, par exemple, avec la Cour européenne des droits de l’homme – CEDH –, laquelle est une instance en dernier recours, qui est saisie après l’épuisement des voies de recours internes. Nous avons là deux types de visions de la construction juridique au niveau européen.
    Ce texte ne propose pas non plus de régler les problèmes concrets qui se posent chaque jour dans les enquêtes qui dépassent nos frontières. Le problème central pour qui conduit une enquête qui dépasse les frontières, ce sont les commissions rogatoires internationales et les délais. Quand on demande des informations à un pays, ce n’est pas la même chose s’il vous les donne en trois mois, six mois, un an, un an et demi ou deux ans. D’ailleurs, les plus longues enquêtes en matière économique et financière conduites par le parquet national financier sont celles qui dépassent les frontières, non parce que les policiers ou les magistrats ne travaillent pas, mais parce qu’entre le moment où ils demandent des éléments d’investigation sur des commissions rogatoires et le moment où ils reçoivent les éléments pour les analyser, il peut s’écouler un délai extraordinaire. Imaginez des montages fiscaux complexes passant par plusieurs pays. Si vous dénichez une première entreprise offshore dans un État, vous faites une commission rogatoire internationale, vous finissez par avoir les informations, dans le meilleur des cas, au bout de trois mois. Et si en vous penchant sur son fonctionnement juridique, vous vous apercevez qu’elle détient une autre boîte dans un autre pays, rebelote : vous faites une autre commission rogatoire, etc. Tout cela peut prendre un temps fou. Or que propose le texte pour régler ces histoires de délai ? Malheureusement rien. Pour le coup, ce sont souvent dans des conventions judiciaires bilatérales où on est censé discuter de cela que l’on ne parle jamais de délais, parce que personne ne veut s’engager sur quoi que ce soit.
    En fait, les enquêtes qui sont conduites actuellement par nos juridictions françaises ne seront pas traitées plus rapidement demain par un délégué du procureur européen, puisqu’elles seront instruites par les mêmes services d’enquête. À cet égard, il est de ma responsabilité d’alerter sur la question des moyens des services d’enquête, que ce soit en matière de délinquance environnementale ou de délinquance économique et financière. Il se trouve que j’ai rendu un rapport d’information dans le cadre du comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques, avec notre collègue Jacques Maire, sur l’évaluation de la lutte contre la délinquance financière. Il pointait du doigt la faiblesse des moyens attribués dans tous les ministères concernés par ce problème. Pourtant, ce sont des fonctionnaires qui rapportent « un pognon de dingue » ! Ils sont rentables !

    M. Pierre Cordier

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    Ils sont bien payés !

    M. Ugo Bernalicis

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    Il y aurait donc matière à embaucher des fonctionnaires rentables. Je dis cela pour mes collègues de droite qui, je le sais, portent un regard très pointilleux et très méticuleux sur les deniers publics.

    M. Julien Aubert

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    Mais il y a beaucoup de fonctionnaires de gauche ! Il ne faut pas les insulter !

    M. Ugo Bernalicis

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    Certains ont dit que le parquet européen serait en fait un objet juridique non identifié, parce qu’on vient créer un chapitre particulier dans notre droit, parce que notre construction judiciaire actuelle ne correspond pas aux attendus de ce futur parquet européen. On va donner spécifiquement au procureur délégué à la fois les pouvoirs de procureur de la République et de juge d’instruction, et il pourra passer d’un cadre d’enquête à l’autre lorsqu’il le décidera, au vu de l’analyse qu’il fait du dossier.
    On nous dit que c’est un modèle d’indépendance. Je retiens tout de même que, cette fois, vous ne trouvez pas étrange qu’on supprime les remontées d’informations et le fait qu’il n’y ait pas de soumission à un procureur général et à une politique pénale. J’insiste sur ce point, sur lequel je reviendrai lorsque nous aborderons la nécessaire réforme du parquet.
    Quelle position administrative auront les procureurs européens délégués ? Ils seront en position de détachement. Ce n’est pas une nouveauté : il existe des précédents. Il y a déjà à l’heure actuelle, dans notre droit, des magistrats qui sont en détachement dans des juridictions. Je pense notamment – j’imagine que vous me voyez venir – à Monaco. Qu’est-il arrivé au magistrat qui y était en détachement ? On l’a remercié, parce qu’il n’y a pas d’inamovibilité pour le magistrat en détachement comme il peut y en avoir pour le juge d’instruction ou le magistrat du siège dans notre droit français. Ce texte ne prévoit donc pas de garanties statutaires d’indépendance. Il y a des garanties d’indépendance, mais elles ne sont pas d’ordre statutaire.
    J’ai compris que le Parquet européen ne nous prendrait pas beaucoup d’effectifs puisqu’il n’y aura, au début, que quatre procureurs délégués. Il n’empêche que ces quatre postes vont nous manquer pour ce que nous avons besoin de faire dans notre pays. D’ailleurs, qui n’était pas déjà poursuivi et le sera demain par les procureurs délégués européens ? Cette question apporte peut-être des réponses particulières dans d’autres pays européens qui vont adhérer au dispositif, mais s’agissant de la France, l’étude d’impact montre que ce sont des enquêtes déjà confiées à des juridictions qui seront données à un procureur délégué européen. Je rappelle que la conduite de l’enquête et la politique pénale seront du ressort du bureau central des vingt-deux procureurs.
    C’est dans ce même texte qu’on vient créer nos histoires de conventions judiciaires d’intérêt public – CJIP– en matière environnementale. Je réaffirme ici notre opposition aux conventions judiciaires d’intérêt public en toutes matières, y compris fiscale. On nous donne comme argument massue, imparable et inévitable, les rentrées d’argent qu’ont permis ces conventions. Je donnerai juste un exemple d’une saisine qui n’a pas été homologuée et dans lequel on est allé au jugement : la procédure concernant UBS. La condamnation en première instance a été de 3,7 milliards, là où le montant de la CJIP n’était même pas de 2 milliards. Dire que la saisine rapporte davantage que le jugement n’est donc pas vrai. Le seul argument que je veux bien entendre est celui de la célérité. Mais s’il est sûr que c’est plus rapide, il n’y a pas de reconnaissance de culpabilité. Ceux qui sont un peu de mauvaise foi diront que comme la justice classique est trop longue, il faut faire des CJIP. D’autres diront que dès lors que les affaires dépassent les frontières, la CJIP, cette méthode transactionnelle, nous permet de nous synchroniser avec les pays anglo-saxons, qui ont ces méthodes traditionnelles. C’est ce qu’on a fait avec Airbus : on s’est partagé le gâteau de l’amende à trois, dans une convention judiciaire d’intérêt public cosignée en même temps dans les trois pays. Je ne dis pas que je suis pour ou contre à ce stade de l’argumentation, mais cela pose des questions de souveraineté.

    M. Julien Aubert

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    Ah !

    M. Ugo Bernalicis

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    Nous ne sommes pas en mesure de poursuivre Airbus avec nos propres moyens d’enquête ; nous sommes obligatoirement dépendants de la diplomatie à l’égard, en la circonstance, des États-Unis et du Royaume-Uni. Je rappelle qu’à la fin, le jugement est rendu au nom du peuple français quoi qu’il advienne – même pour les délégués du procureur européen, puisque c’est le tribunal judiciaire de Paris qui est compétent. Vous le voyez, on a bien là un objet juridique non identifié, parce qu’on a à la fois de la souveraineté et de la légitimité européennes et de la souveraineté et de la légitimité nationales. L’articulation entre ces différents éléments est un peu étrange.
    Par ailleurs, la convention judiciaire d’intérêt public est un élément de prévisibilité. Bien évidemment, je suis favorable à que le droit soit prévisible, c’est-à-dire à ce qu’on  sache ce qu’il nous en coûtera quand on commet un délit ; mais en la matière, on est dans une « prévisibilité plus plus » permettant aux entreprises de savoir à quoi elles s’exposent d’un point de vue financier en signant une CJIP en fonction du type de préjudice qu’elles ont commis. Elles peuvent donc calculer le rapport avantage-coût qu’il y a à respecter ou non telle ou telle disposition. Le parquet national financier a d’ailleurs publié, parce que la loi l’y poussait et que la réglementation va dans ce sens, ce qu’on appelle des lignes directrices, qui indiquent ce que l’on encourt dans tel type de cas de figure dans le cadre de la CJIP et comment cela va se passer. D’un côté, on fait de la transparence, et de l’autre de la prévisibilité et un calcul avantage-coût. Or la procédure pénale classique n’est pas sur ce registre transactionnel, mais sur celui de la loi à respecter et du juge souverain et impartial, qui délibère en fonction des éléments qu’il a eus lors du procès.
    On nous dit que les personnes physiques continueront d’être poursuivies, mais on voit bien qu’il y a un décalage dans le temps, notamment en matière fiscale, entre la CJIP – qui va vite – et la personne physique – qui continue d’être poursuivie. Cela prendra plus de temps, mais ce n’est pas grave, car de toute façon, cela ne rapportera pas forcément d’argent. Or je ne suis pas favorable à une vision purement économique du fonctionnement de la justice – bien au contraire !
    J’en viens à mes derniers arguments contre ce texte. Cela doit faire la troisième fois que vous venez remettre sur la table vos histoires de visioconférence, et on en remettra encore une couche lors de l’examen du texte sur la justice pénale des mineurs. Mais qu’avez-vous donc avec cette visioconférence ?

    M. Pierre-Alain Raphan

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    C’est pratique !

    M. Ugo Bernalicis

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    Je sais bien que pendant le confinement, on a tous vu que c’était génial, mais en quoi ce dispositif doit-il être un élément de gestion de la justice ? Pour ma part, je pense que ce qui est déterminant en matière judiciaire, c’est bien le contact physique, la relation physique et humaine à toutes les étapes de la procédure. Je vois bien la tentation qu’il y a de dire que le rejet de l’appel en deuxième instance pourra avoir lieu en  visioconférence. Mais une fois que cette procédure aura été instaurée et qu’elle aura marché, on nous dira qu’il faut aussi la mettre en œuvre en première instance, etc. On voit comment on prend cette pente. Pendant le premier confinement, la visioconférence a d’ailleurs – de manière unilatérale, par ordonnance – été possible partout, tout le temps, et en toutes matières. Nous redirons donc notre opposition à la visioconférence. Mais, de votre point de vue, vous avez bien fait de la remettre dans ce texte, puisque la disposition sur la visioconférence qui avait été prévue dans le cadre de la loi d’accélération et de simplification de l’action publique, dite loi ASAP, a été censurée comme cavalier législatif. J’espère pour vous que ce ne sera pas le cas cette fois-ci encore…
    J’utiliserai la dernière minute qu’il me reste pour protester une nouvelle fois…

    M. Julien Aubert

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    Contre l’article 24 ! (Sourires.)

    M. Ugo Bernalicis

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    …contre l’application de l’article 45 de la Constitution sur les irrecevabilités pour absence de lien direct ou indirect avec le texte. Nous avons déposé un amendement visant à proposer le crime d’écocide : irrecevable ; nous avons déposé un amendement visant à multiplier par deux les sanctions en matière environnementale : irrecevable ;…

    M. Pierre-Alain Raphan

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    Il était mal écrit !

    M. Ugo Bernalicis

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    …nous avons déposé un amendement visant à créer un délit de violation délibérée d’obligation de prudence ou de sécurité : irrecevable ;  nous avons déposé un amendement visant à créer un délit de mise en danger de l’environnement : irrecevable ; nous avons déposé un amendement prévoyant le droit pour les associations de l’environnement de s’aligner sur le droit des associations de consommateurs : irrecevable ; nous avons déposé un amendement visant à supprimer les remontées d’informations, alors même que le texte prévoit d’y déroger pour le parquet européen : irrecevable. Enfin, s’agissant des conditions de détention, le Gouvernement aura peut-être des choses à nous dire le moment venu puisque, si j’ai bien compris, nous changeons de véhicule législatif.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    C’est cela !

    M. Ugo Bernalicis

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    On pourra peut-être en discuter en cours de route, pourquoi pas ? Cela ne modifiera pas les habitudes de travail de cette assemblée, qui ressemble bien souvent plus à une chambre d’enregistrement qu’à un Parlement. (Applaudissements sur les bancs des groupe FI et GDR.)

    7. Élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République (suite)

    M. le président

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    Mes chers collègues, voici les résultats du scrutin pour l’élection d’un juge suppléant à la Cour de justice de la République.
            Nombre de votants        194                
            Nombre de suffrages exprimés                177
            Majorité absolue                        89
    Mme Marie Silin a obtenu 177 voix. Ayant obtenu la majorité absolue des suffrages, je la proclame juge suppléant à la Cour de justice de la République. La Conférence des présidents a fixé au mercredi 9 décembre, à quinze heures, la date à laquelle aura lieu sa prestation de serment.

    8. Parquet européen et justice pénale spécialisée (suite)

    M. le président

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    Nous en venons aux explications de vote sur la motion de rejet préalable. La parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    Compte tenu du rythme effréné que connaît l’Assemblée nationale et des difficultés que nous avons à travailler sur les textes, chacun d’entre eux pourrait faire l’objet d’une motion de rejet, mais celui-ci, relatif au parquet européen, résulte d’un travail engagé depuis de longues années par d’éminents juristes et sous des gardes des sceaux tels que Robert Badinter, Christiane Taubira, et aujourd’hui Éric Dupond-Moretti. Nous examinons ici la création d’une institution européenne qui sert notre intérêt : lutter contre la fraude au niveau de l’Union européenne comme le faisons au niveau national. Cette architecture a été difficile à mettre en place et Christiane Taubira a eu le courage de poser les jalons permettant aux États européens de se concerter pour réunir des dispositifs judiciaires différents en vue d’un objectif européen commun, sans pour autant remettre en question l’organisation et la législation judiciaires au niveau national.
    Pour ce qui est des conventions judiciaires d’intérêt public en matière environnementale, nous avons été interpellés par des ONG dont les réserves me semblent pouvoir être justifiées et fondées. Nous avons du reste déposé des amendements visant à encadrer ces conventions, afin qu’elles ne soient pas le copié-collé d’une convention tendant à la réparation d’une fraude, alors qu’il s’agit ici de la réparation d’un préjudice écologique – et Dieu sait que cela n’a pas la même portée et combien il est difficile d’imaginer une telle réparation !
    Pour ces raisons et parce qu’il faut retravailler sur ces questions, et compte tenu par ailleurs des observations de M. Bernalicis, auxquelles je ne souscris pas pleinement pour autant, le groupe Socialistes et apparentée s’abstiendra sur cette motion de rejet préalable.

    M. le président

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    La parole est à M. Dimitri Houbron.

    M. Dimitri Houbron

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    Le groupe Agir ensemble votera contre cette motion de rejet préalable, et cela pour deux raisons. La première est une raison de fond : nous croyons profondément à l’Europe et à la vision de la construction européenne défendue dès 1948 par des chefs d’État au lendemain d’une guerre qui laissait pourtant encore des cicatrices. Cette vision doit dépasser le mur de l’immédiateté. Elle porte aussi l’idée que chaque citoyen qui réside dans l’Union européenne doit disposer des mêmes droits fondamentaux.
    Il reste encore des marges de progression dans d’autres domaines, notamment en matière de sécurité et à propos d’autres litiges, pour lesquels il nous faut avancer vers une justice plus européenne. Cette dernière s’illustre dans ce projet de loi, que nous défendons. Pour lutter contre la criminalité organisée au niveau transnational, il nous faut également adapter cette justice à l’échelle transnationale, et en particulier au niveau européen. Il nous faut donc changer de dimension : notre évolution et notre sûreté sont à ce prix.
    L’autre raison qui nous pousse à voter contre cette motion est de forme : nous sommes toujours favorables à un débat de fond, ce que l’adoption de la motion ne permettrait pas.

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau

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    M. Bernalicis et son groupe sont cohérents avec leur pensée en déposant cette motion de rejet préalable, et j’entends leur argumentation selon laquelle la création de ce parquet européen serait constitutive d’un abandon de souveraineté, mais le groupe UDI et indépendants ne partage pas cette analyse, car en réalité, les frontières nationales n’arrêtent pas les délinquants. Elles arrêtent, en revanche, les policiers et les juges, et le problème consiste bien, dans un espace européen d’échanges qui ne sont pas seulement humains, mais aussi économiques, à nous donner les moyens – aujourd’hui en matière de délinquance financière contre les intérêts de l’Union européenne et demain, nous l’espérons, en matière de grande délinquance organisée et de terrorisme – de faire progresser cet espace aussi dans le domaine de la justice, en complémentarité avec le renseignement et avec une stratégie de coopération policière européenne. Ce sont là un débat et une divergence idéologique de fond. Nous pouvons assurément respecter un point de vue inverse au nôtre, mais puisque nous ne le partageons pas, nous ne voterons pas cette motion de rejet.

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    Comme l’a très bien expliqué mon collègue Bernalicis, le projet de loi qui nous est présenté soulève un problème de fond et de forme ; il ne correspond pas à ce qu’il faudrait faire en matière de coopération internationale et au niveau européen. Le groupe La France insoumise est favorable à cette coopération, qui existe d’ailleurs déjà en matière de lutte contre la délinquance financière comme en matière environnementale : il faut la renforcer, car les instruments ne sont pas aujourd’hui à la hauteur de la situation, mais nous ne croyons pas que ce projet de loi réponde à cette nécessité de matière justifiée et cohérente, ni même d’un point de vue opérationnel.
    Sur le fond, le problème de la méthode mise en œuvre depuis bien trop d’années dans la construction des instruments européens est, comme l’a dit notre collègue, que cette construction se fait sur des bases qui zappent l’enjeu et l’importance de la souveraineté des peuples. La justice doit être rendue au nom du peuple, avec le contrôle démocratique correspondant. Or, la construction européenne s’est faite jusqu’à présent sans le peuple, et parfois même contre le peuple. (M. Jean Lassalle applaudit.) D’une certaine manière, ce projet de loi continue dans cette voie.
    En matière de lutte contre la délinquance en col blanc, nous l’avons dit, il y a de quoi faire : on parle de plus de 1 000 milliards d’euros perdus à ce titre au niveau européen. Or, les instruments proposés ici ne vont pas dans le sens que nous pensons positif – la convention judiciaire évoquée, et dont nous continuerons à discuter, va même dans le sens contraire.
    Il y a, enfin, la question écologique fondamentale de la création d’une véritable justice environnementale, sur laquelle nous reviendrons car, là encore, le texte passe à côté des enjeux et de l’urgence de la situation. (M. Jean Lassalle applaudit.) Voilà pourquoi cette motion doit être votée et ce texte rejeté. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI. – M. Jean Lassalle applaudit aussi.)

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Puisqu’il est question de cohérence, le groupe communiste, dans sa cohérence, est en faveur de cette motion de rejet préalable déposée par nos collègues du groupe La France insoumise. En effet, si nous considérons que l’intronisation du parquet européen peut se justifier par les missions qui lui sont actuellement confiées, nous craignons que la création de cette juridiction ne constitue une première entrave à notre souveraineté. Chacun peut en effet imaginer qu’une fois l’institution dûment confortée, certains fédéralistes, qui d’ailleurs se sont exprimés en demandant encore davantage, voudront adosser de nouvelles expertises à cette juridiction, si celle-ci a fait ses preuves – nous pouvons ainsi penser à la politique pénale antiterroriste, dont on voit aujourd’hui, hélas, qu’elle est plus que jamais mobilisée. Or, c’est ici que le bât blesse, et l’histoire est bonne conseillère : nous savons que lorsqu’il y a perte de compétences nationales au profit de l’Union européenne, les peuples et la démocratie sont souvent les grands perdants. (M. Jean Lassalle applaudit.)
    Nous sommes également opposés à la convention judiciaire introduite par ce texte, car l’instauration d’une telle procédure, à l’image de la convention prévue en matière fiscale, revient à constituer une justice d’exception pour les délits environnementaux, permettant ainsi aux principaux pollueurs d’acheter leur impunité et d’éviter un procès en bonne et due forme. Nous savons, et les associations environnementales ne cessent de le dire, que les personnes morales dotées de capacités financières importantes seront peu effrayées par l’idée de débourser une somme d’argent pour réparer leurs méfaits environnementaux, s’octroyant ainsi un droit permanent à polluer. Au fond, faute de pouvoir faire condamner ces entreprises, le Gouvernement s’oriente vers une sorte de financiarisation de la justice, au mépris de nos grands principes républicains. (M. Jean Lassalle applaudit.) Nous pensons, au contraire, qu’il faut donner plus de moyens à la justice et, surtout, aux polices de l’environnement pour faire leur travail. C’est ainsi que nous protégerons la nature. Voilà pourquoi le groupe GDR votera en faveur de cette motion de rejet préalable. (MM. Ugo Bernalicis et Jean Lassalle applaudissent.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pacôme Rupin.

    M. Pacôme Rupin

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    Nos collègues du groupe La France insoumise, nous le savons, n’aiment pas beaucoup l’Europe,…

    Mme Naïma Moutchou, rapporteure

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    Et voilà !

    M. Pacôme Rupin

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    …et il n’est donc pas étonnant qu’ils soient opposés à la création du parquet européen, alors même que celui-ci va permettre de lutter contre les fraudes fiscales, ce qui est précisément l’un de leurs combats. (Protestations sur les bancs du groupe FI.) Nous, à La République en marche, nous aimons l’Europe. Voilà une brique de plus dans la construction de l’Union européenne : elle viendra renforcer ses institutions et lui permettre de défendre ses intérêts face à ceux qui qui trichent, ceux qui ne paient pas les impôts qu’ils lui doivent.
    Quant aux pôles régionaux spécialisés en environnement, il n’est pas étonnant non plus que nous ayons une divergence en matière d’écologie : vous défendez une écologie radicale, qui doit avant tout punir, tandis que nous préférons une écologie pragmatique.  Ah ! »sur les bancs du groupe FI.) Nous préférons les résultats à la théorie.

    Mme Danièle Obono

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    Eh bien, bravo !

    M. Pacôme Rupin

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    Nous voterons donc contre votre motion de rejet. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    Dans cette motion, il y avait des choses qui relevaient effectivement d’une motion de rejet préalable, et d’autres qui n’en relevaient pas. En effet, une telle motion doit consister à invoquer ce qui, dans la Constitution, pourrait faire obstacle au débat sur cette loi. Or, le groupe Les Républicains ne croit pas que les dispositions statutaires et les différentes questions évoquées à la fin de votre intervention, monsieur Bernalicis, relevaient de ce cadre.
    Reste néanmoins le premier argument, celui de la souveraineté, à propos duquel vous avez expliqué avec conviction que, dès lors que nous adopterions ce parquet européen, la justice ne serait pas rendue au nom du peuple français et qu’une partie de la politique pénale échapperait, de facto, au Gouvernement. Avant d’écouter cette intervention, nos collègues du groupe Les Républicains étaient majoritairement prêts à adopter une position d’abstention sur la motion, mais après avoir entendu certaines interventions qui semblent confondre les choses en laissant entendre qu’être contre un projet fédéral, ce serait être contre l’Europe, notre groupe a changé de position et votera donc pour cette motion, afin de rappeler qu’il ne faut pas confondre les enjeux : on peut fort bien être favorable à une coopération intergouvernementale – dans le cadre, par exemple, d’Europol ou d’Eurojust, qui permettent que la police, les gendarmes et les juges n’aient pas de frontières (M. Jean-Paul Lecoq acquiesce). Or, ce qu’on nous propose ici est une réflexion sur la manière d’administrer la justice ; et si le travail est très poussé au niveau de la réflexion juridique, il ne l’est pas niveau de la Constitution.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    Très bien !

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Latombe.

    M. Philippe Latombe

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    Le groupe MoDem et démocrates apparentés, profondément européen, votera contre cette motion de rejet, et cela pour deux raisons. La première est que nous ne pensons pas qu’il s’agisse ici d’une perte de souveraineté, bien au contraire. Je rappelle en effet que le principe est précisément que certains contentieux pénaux présentent une gravité et une spécificité particulières qui justifient la création de ce mécanisme. La deuxième raison est que nous pensons qu’aller dans ce sens permettra précisément de disposer d’une force. Nous sommes très attachés à ce qu’on appelle la souveraineté, laquelle peut être nationale ou européenne. En l’espèce, puisqu’il s’agit de rechercher et de punir des infractions pénales qui portent atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, il est normal que puissions disposer d’un tel parquet. Pour toutes ces raisons, que nous développerons, je l’espère, dans la discussion générale, nous sommes donc opposés à cette motion de rejet.

    Un député du groupe LR

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    Fédéraliste !

    (La motion de rejet préalable, mise aux voix, n’est pas adoptée.)

    M. le président

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    La parole est à M. le garde des sceaux.

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Je n’aurai pas à me battre beaucoup, car le résultat du vote est, pour moi comme pour la majorité, tout à fait satisfaisant. Je rappelle aux députés du groupe Les Républicains que c’est le traité de Lisbonne qui constitue la base juridique du parquet européen, que ce traité a été adopté à l’unanimité sous la présidence de Nicolas Sarkozy et que le texte a été adopté par vos collègues du groupe Les Républicains au Sénat. Est-ce le vent qui tourne, ou la girouette ? Nous ne le saurons jamais. (Applaudissements sur quelques bancs du groupe LaREM.)
    Monsieur Bernalicis, je rappelle qu’il ne s’agit dans ce texte, en termes de compétences, que de fraude à l’Europe, et de rien d’autre. Le garde des sceaux conduit la politique pénale, et j’imagine mal un garde des sceaux qui soit favorable à la fraude à l’Europe, permettez-moi de vous le dire !
    Monsieur Brindeau, vous avez eu la bonne formule, et ce n’est pas qu’une formule : c’est vrai, les frontières laissent passer les délinquants, mais pas la police ni la justice. Contre ces fraudes internationales ultra-sophistiquées, un parquet européen est évidemment la seule arme possible, étant donné le peu d’efficacité de nos systèmes nationaux – il n’est qu’à voir le montant de ces fraudes.
    Monsieur Bernalicis, il n’y aura plus de commissions rogatoires, ce qui est quand même un vrai progrès, parce que le parquet européen pourra agir directement. Il rendra également des comptes devant le Parlement européen et devant chaque parlement national, à la demande de ces derniers : c’est le sens de l’article 7.
    Une dernière chose : ce qui nous distingue, c’est que moi, j’aime profondément, fondamentalement, l’Europe.

    Mme Danièle Obono

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    Vous n’aimez pas le peuple !

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Laissez-moi terminer, madame Obono. Sur la forme, contrairement à vous, je pense que le contradictoire a des vertus et qu’il vaut mieux discuter de ce texte plutôt que d’aller dans le sens de votre intervention. (Applaudissements sur les bancs des groupes LaREM et MODEM.)

    Discussion générale

    M. le président

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    Dans la discussion générale, la parole est à Mme Cécile Untermaier.

    Mme Cécile Untermaier

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    S’agissant du titre Ier, la transposition du règlement relatif au Parquet européen n’appelle pas de notre part d’observations au fond. C’est une belle avancée institutionnelle, le résultat d’un travail de nombreuses années, dont le pas décisif est franchi aujourd’hui. On doit rappeler ici le rôle de Christiane Taubira.
    L’institution d’un parquet européen, doté d’un statut d’indépendance et intégré à notre système national, pose toutefois plus que jamais la question de la nécessaire indépendance statutaire du parquet français. La seule réponse est de revisiter le statut du parquet et d’imposer que le Conseil supérieur de la magistrature – CSM –propose la nomination des plus hauts magistrats de l’ordre judiciaire, comme cela avait été engagé par la proposition de loi constitutionnelle présentée sous le quinquennat précédent. Dans l’esprit de cette harmonisation, il importe que la France se hisse au niveau des autres États membres. Le rapport de la commission européenne pour l’efficacité de la justice – CEPEJ –, récemment publié, confirme que ce budget, même majoré, ne permet pas un fonctionnement efficient de la justice.
    La question de la justice spécialisée, et plus spécifiquement de la justice pénale environnementale, consacrée à l’article 8, a suscité, pour sa part, l’essentiel des amendements, révélant une attente forte sur ce sujet. La mission conjointe des ministères de la justice et de la transition écologique rappelle, à l’appui de ses recommandations, dont seulement une partie est reprise ici, que « notre espèce est en capacité de provoquer sa propre extinction après avoir détruit les grands équilibres de la planète » et qu’il est urgent de nous doter d’un arsenal préventif et pénal efficace pour prévenir et condamner à réparation les atteintes à l’environnement.
    Ce texte ne porte pas cette ambition, ni celles de la convention citoyenne pour le climat. Un autre texte devrait s’en charger, nous dit-on. Quoi qu’il en soit, rapprocher justice et environnement est essentiel et en cela, le texte va dans la bonne direction.
    La création de juridictions spécialisées composées de magistrats formés à la question environnementale se justifierait par la technicité et la complexité du droit de l’environnement. Elle est en toute hypothèse le résultat d’une activité judiciaire indigente s’agissant des litiges environnementaux. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, le contentieux environnemental représente seulement 1 % des condamnations pénales et 0,5 % des actions civiles, des chiffres dérisoires au regard de la protection de l’environnement, qui constitue à juste titre une préoccupation première des citoyens.
    S’il y a trop peu de constatations et de contentieux, c’est qu’il y a trop peu d’inspecteurs de l’environnement en capacité de dresser un constat et trop peu de poursuites ordonnées par les procureurs : pour poursuivre, il faut une enquête et un dossier. C’est la loi de l’impuissance et donc de l’impunité.
    En matière fiscale, la convention judiciaire d’intérêt public a démontré son efficacité. L’étendre au domaine environnemental, comme ce texte le prévoit, pourquoi pas, à condition de considérer que l’écologie n’est pas la fiscalité et que l’atteinte aux biens n’est pas l’atteinte, souvent irréversible, à l’environnement : un préjudice écologique ne se répare jamais vraiment. Il ne s’agirait pas, par ce dispositif réparateur, de banaliser un tel préjudice. Une telle convention ne peut donc être calquée sur le modèle de la fraude fiscale, et c’est pourquoi nous proposerons des amendements tenant compte de l’enjeu écologique.
    C’est ainsi que nous demandons que les associations de protection de l’environnement agréées soient associées en amont de la conclusion de la convention judiciaire, pour éclairer le magistrat. La complexité exige la diversité des analyses et l’inscription dans la loi d’une telle mesure sera de nature à rassurer tous ceux qui œuvrent à la protection de l’environnement.
    Par ailleurs, la convention ne doit pas évacuer le risque réputationnel pour la personne mise en cause. Toute décision de justice doit avoir une force pédagogique et afin de renforcer le caractère dissuasif des sanctions pécuniaires, il importe, dans un souci de transparence, de garantir une publicité de la convention dans la presse. La convention est un outil permettant un traitement plus rapide d’un litige ; elle ne perd pas de son attractivité par ces deux préconisations.
    Le rapport ministériel « justice et environnement » dont je viens de parler recommande que les préfets soient évalués sur leurs capacités à protéger l’environnement et à prévenir ses atteintes, au même titre que leurs autres compétences. C’est une belle recommandation, tirée du constat que ce n’est pas le cas actuellement. Rappelons que la loi ASAP, par ailleurs fortement censurée par le Conseil constitutionnel, les invite pourtant à baisser la garde sur ce sujet, en chevauchant des procédures pourtant destinées à prévenir le risque d’atteinte à l’environnement.
    Enfin, l’article 12 vient concrétiser la promesse faite par Nicole Belloubet de revenir sur le dispositif de la loi Macron qui n’avait pas pu être mis en place et d’inscrire dans la loi la convention volontaire obligatoire, qui se pratique déjà depuis longtemps. Nous proposons simplement que ce dispositif fasse l’objet d’un texte réglementaire fixant, avec la profession, les règles élémentaires de ce fonctionnement, afin de la protéger des conséquences anti-concurrentielles. Il s’agit là de s’inspirer des conventions volontaires obligatoires consacrées par le code rural et de la pêche maritime. (Applaudissements sur les bancs du groupe SOC.)

    M. le président

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    La parole est à M. Dimitri Houbron.

    M. Dimitri Houbron

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    Nous examinons aujourd’hui un projet de loi qui, mis à part le curieux article 11 dit « anti-frotteurs », poursuit deux objectifs principaux. Le premier est celui d’adapter notre législation à la création du parquet européen. Le deuxième consiste à améliorer les dispositifs actuels relatifs à la justice pénale spécialisée nationale.
    Comme cela a été rappelé par les précédents orateurs, le parquet européen sera chargé de rechercher, de poursuivre et de renvoyer devant la justice les auteurs d’infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, à savoir la fraude, la corruption ou encore la fraude transfrontalière à la TVA d’un montant supérieur à 10 millions d’euros. Cette instance supranationale chargée de la lutte contre les atteintes aux intérêts financiers de l’Union européenne sera compétente pour diligenter des enquêtes, effectuer des actes de poursuite ou encore exercer l’action publique devant les juridictions compétentes des États membres.
    Le groupe Agir ensemble est attaché au renforcement de la protection des intérêts de l’Union européenne. Notre groupe ne peut donc que saluer le fait que ce parquet soit doté d’outils performants pour lutter contre la criminalité financière. La Commission européenne pointe régulièrement les chiffres de la criminalité financière, que ce soit ceux de la fraude transnationale, qui fait perdre 50 milliards d’euros de recettes de TVA aux États membres, ou ceux des détournements de fonds européens, estimés à 700 millions d’euros.
    Conscient que la concrétisation d’un tel projet, au regard des compétences accordées aux procureurs européens délégués, peut susciter certaines crispations, le groupe Agir ensemble estime qu’il est nécessaire de donner à cette instance les moyens de ses ambitions. Le cadre procédural est novateur, permettant une plus grande efficacité quant à la répression d’une délinquance astucieuse qui est largement internationale et dont les profits se chiffrent en millions d’euros.
    Par ailleurs, le groupe Agir ensemble salue les apports de ce projet de loi à la justice environnementale. Tout d’abord, lorsque ce texte sera promulgué, la justice française se verra dotée, dans chaque cour d’appel, de tribunaux spécialisés dans les cas d’atteintes à l’environnement, où de gros enjeux financiers sont en jeu. Ces nouveaux pôles, compétents en matière civile et pénale, permettront de faciliter la réponse dans des affaires dirigées contre des personnes morales. En clair, il s’agit d’en finir avec la faible judiciarisation des dommages environnementaux.
    De plus, l’élargissement de la convention judiciaire d’intérêt public aux infractions au droit de l’environnement est une véritable avancée. L’efficacité des conventions judiciaires d’intérêt public, mécanisme introduit dans notre droit par la loi dite Sapin 2 afin de lutter contre la corruption, n’est plus à prouver. En substance, le dispositif envisagé offrirait à une personne morale pénalement mise en cause, mais pas encore poursuivie, la possibilité de conclure avec le ministère public une convention aux termes de laquelle elle reconnaîtrait les faits d’atteinte au droit de l’environnement qui lui sont reprochés, verserait une amende au Trésor public et s’engagerait à suivre un programme de mise en conformité ou à réparer le dommage causé par les faits qui lui sont imputés. C’est un mécanisme efficace et dissuasif que nous nous satisfaisons de voir étendu aux infractions au code de l’environnement.
    Le groupe Agir ensemble aurait aimé pouvoir défendre un amendement visant à permettre au ministère public, dans le cadre des mesures de classement sous condition, de proposer au délinquant la poursuite d’un stage au sein d’une structure environnementale. Un tel stage aurait pu constituer une mesure pédagogique particulièrement opportune afin de sensibiliser les personnes mises en cause à l’impérieuse nécessité de respecter notre environnement. J’avais d’ailleurs déjà, dans le cadre de la niche parlementaire du groupe Agir ensemble, défendu l’idée d’élargir le champ des mesures alternatives aux poursuites susceptibles d’être mises en œuvre sur le fondement de l’article 41-1 du code de procédure pénale. Cet amendement a hélas été jugé irrecevable.
    Le groupe Agir ensemble votera cependant en faveur de ce projet de loi à la fois nécessaire et audacieux. (Applaudissements sur les bancs du groupe Agir ens.)

    M. le président

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    La parole est à M. Pascal Brindeau.

    M. Pascal Brindeau

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    Ce projet de loi, adopté par le Sénat en première lecture, comporte deux volets : le premier met en œuvre le règlement européen créant un parquet européen ; le deuxième porte sur la justice spécialisée, en particulier en matière environnementale.
    Sur le premier point, je l’ai dit, le groupe UDI et indépendants se félicite de ce progrès en matière de coopération européenne puisque, pour reprendre ma formule, les frontières nationales arrêtent les magistrats et les policiers mais elles n’arrêtent pas, malheureusement, les délinquants, particulièrement la grande délinquance. La création d’un parquet européen en matière de lutte contre la fraude aux intérêts financiers de l’Union européenne est un premier pas.
    Nous souhaitons depuis longtemps que cette coopération renforcée puisse intervenir en matière de lutte contre la grande délinquance et de lutte contre le terrorisme. Elle sera un étage supplémentaire de coopération, après le renseignement et la police et avant la justice demain.
    Nous regrettons – mais la France n’y est pour rien – que seuls vingt-deux États de l’Union européenne aient souhaité adhérer à ce dispositif, et nous formons le vœu que son efficacité convaincra demain d’autres pays d’y adhérer, d’autant – et c’était un élément de la négociation au niveau européen – que les parquetiers délégués placés sous l’autorité du procureur européen seront nationaux et non européens.
    Si nous nous félicitons, donc, de cette mise en œuvre, nous avons quelques réserves quant aux prérogatives dont disposeront le procureur européen et les procureurs délégués. La culture judiciaire française est fondée, nous le savons, sur une séparation stricte entre le ministère public, représentant les intérêts de l’État et de la société, qui n’a pas de pouvoir d’instruction, et le juge d’instruction, à qui est dévolu le pouvoir d’instruire dans tous les actes de procédure.
    Par la force des choses et pour l’efficacité du dispositif, nous créons aujourd’hui un parquet dont les membres exerceront, outre les attributions du procureur de la République, certaines prérogatives du juge d’instruction.
    Si nous comprenons la logique de ce choix, nous demandons que des précautions soient prises concernant l’étendue de ces pouvoirs. Nous avons d’ailleurs dépose des amendements afin qu’au-delà des actes de privation de liberté, qui restent dévolus au juge des libertés et de la détention, une séparation plus nette des pouvoirs soit instaurée, notamment en matière de mise en examen.
    D’autres questions restent selon nous en suspens, mais le ministre y répondra peut-être.
    Nous avons compris que les procureurs européens délégués seraient nommés, par voie de détachement, sur le contingent des magistrats actuellement en exercice. Même si vous répondrez sans doute que plus aucun poste de magistrat n’est vacant dans notre pays, nous attendons vos éclairages : qu’adviendra-t-il de ceux que les magistrats concernés occupent actuellement et qu’ils devront abandonner ?
    S’agissant de la justice spécialisée, nous nous félicitons qu’elle se développe sur les questions environnementales, qui sont souvent très complexes.
    Nous avons noté l’extension prévue de la procédure de transaction. Pourtant, là aussi, j’ai des objections. Pourquoi la réserver aux seules personnes morales ? Pour un même contentieux, celles-ci y auraient accès alors que pour les personnes physiques, il faudrait forcément en passer par un procès !
    En outre, l’éligibilité à cette transaction, à cette négociation de peine, n’est pas soumise à ce stade à une reconnaissance préalable de culpabilité par les personnes morales concernées. Cela ne me semble pas logique, mais peut-être aurons-nous l’occasion d’en débattre.
    Pour le reste, notre groupe est favorable au texte.

    M. le président

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    La parole est à Mme Danièle Obono.

    Mme Danièle Obono

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    « L’humanité fait la guerre à la nature ; c’est suicidaire car la nature rend toujours coup pour coup, et elle le fait déjà, avec une force et une fureur toujours croissantes. » C’est par ces mots qu’António Guterres, le secrétaire général de l’Organisation des Nations unies, a alerté la communauté internationale le 3 décembre, à l’occasion de la présentation par l’Organisation météorologique mondiale de son rapport annuel.
    Celui-ci est alarmant, comme l’est celui du Programme des Nations unies pour l’environnement – PNUE –, également publié la semaine dernière. Selon l’Organisation météorologique mondiale, 2020 est en passe de devenir l’une des trois années les plus chaudes jamais enregistrées. Quant au rapport du PNUE, il fait apparaître le grand écart entre la production  de combustibles fossiles prévue dans les différents plans de relance et les niveaux de production mondiaux nécessaires pour limiter le réchauffement à 1,5 ou 2 degrés.
    Avec le projet de loi un peu fourre-tout dont nous entamons l’examen en séance aujourd’hui, vous vous êtes saisis de l’obligation de transposition d’un règlement européen relatif au parquet européen pour créer des juridictions spécialisées en matière environnementale et réformer certaines dispositions pénales censurées par le Conseil constitutionnel.
    Nous y sommes opposés pour deux raisons.
    Tout d’abord, nous déplorons que la création du parquet européen consacre la perte de souveraineté de la France en matière de répression des infractions financières, puisque le parquet national financier et les juridictions spécialisées seront dessaisis à son profit. En outre, cette création se fait à moyens constants ou réduits, car seulement cinq postes de procureurs européens délégués sont créés pour la France, contre onze en Allemagne ou vingt en Italie.
    Elle porte également atteinte aux garanties d’un procès équitable et aux droits de la défense, du fait de l’attribution au procureur européen délégué de pouvoirs relevant en principe du ou de la juge d’instruction. L’analyse du statut de ces procureurs montre en outre que celui-ci n’offre pas toutes les garanties d’indépendance et d’impartialité requises par la Cour européenne des droits de l’homme.
    Ensuite, les dispositions relatives à la justice environnementale sont soit insuffisantes, soit contre-productives.
    En cette journée mondiale du climat, et alors que nous fêterons samedi les cinq ans de l’accord de Paris sur le climat, que les grèves et les marches pour le climat se sont multipliées ces deux dernières années, que les rapports du groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat s’empilent sur les bureaux des ministères, la réponse que vous apportez avec ce projet de loi se résume malheureusement, de notre point de vue, à un effet de communication. Vous créez des juridictions spécialisées, mais sans moyens suffisants.
    Ce n’est pas de mots dont nous avons besoin pour faire face au changement climatique. À quoi bon les graver dans le marbre de la loi, puisqu’ils resteront lettre morte ? Il faut des actes, des politiques à la hauteur de l’urgence. Il faut agir, comme l’exige avec force et justesse la jeunesse du monde entier, qui a saisi la justice en portant plainte contre cinq États, dont la France, pour inaction climatique. Il faut agir, car cela fait plus d’un demi-siècle que les scientifiques alertent sur la situation. Mais les dirigeants et dirigeantes des grandes puissances mondiales, dont la France, font la sourde oreille et poursuivent les politiques écocides qui sont les principales causes des catastrophes naturelles, lesquelles se multiplient d’année en année. Il faut agir, car, comme l’expliquait, sous cette législature, l’ancien ministre de la transition écologique et solidaire lors de sa démission, la « politique des petits pas » ne suffit plus et il faut passer à la vitesse supérieure.
    Or en créant de nouvelles juridictions spécialisées sans leur accorder de moyens supplémentaires, vous n’agissez pas en faveur de la justice environnementale ; vous nous faites plutôt perdre, à tous et toutes, un temps précieux que nous n’avons pas.
    De même, en permettant le recours à la convention judiciaire d’intérêt public pour les infractions environnementales, vous n’agissez pas en faveur de la justice, mais laissez prospérer le banditisme environnemental en col blanc.
    Ce n’est pas en négociant des subsides auprès des gros pollueurs que vous récupérerez les 600 000 milliards d’euros que coûte, au niveau mondial, le non-respect de l’accord de Paris. Vous y parviendrez par une condamnation ferme, et des politiques publiques volontaristes envers les criminels environnementaux, qui devraient être sanctionnés par des amendes correspondant aux dégâts et aux préjudices causés. (M. Ugo Bernalicis applaudit.)
    Plutôt que l’inaction dans laquelle vous vous complaisez en définitive, nous proposons de planifier, grâce à des moyens juridiques, financiers et humains importants, une complète bifurcation écologique et solidaire.
    Il faut par exemple octroyer les moyens humains et financiers nécessaires à l’État et à ses opérateurs publics ; pénaliser les mésusages et les gaspillages des biens communs comme l’eau ; protéger les habitats et les espèces ; bannir les pesticides ; instaurer des zones tampons ; lutter contre l’artificialisation des sols et gérer durablement l’eau ; éradiquer la maltraitance envers les animaux ; interdire le glyphosate et les néonicotinoïdes, et rendre justice aux victimes du chlordécone dans les Antilles ; mettre fin aux accords commerciaux internationaux climaticides.
    C’est ce qu’exige aujourd’hui la situation et ce que nous engagerons une fois au pouvoir. (Applaudissements sur les bancs du groupe FI.) 

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Félix Acquaviva.

    M. Jean-Félix Acquaviva

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    Chaque année, plusieurs dizaines de milliards d’euros échappent au budget de l’Union européenne ou à celui des États membres, notamment à cause d’affaires de fraude à la TVA dont le montant est évalué à plus de 50 milliards d’euros.
    Les détournements de fonds européens sont évalués à près de 640 millions d’euros, sans compter la corruption ou le blanchiment d’argent.
    Aussi le groupe Libertés et territoires accueille-t-il favorablement la création du parquet européen, après de longues années de négociations entre l’Union européenne et les États membres. Cela permettra, dans le cadre européen, de renforcer et d’homogénéiser de manière plus efficace la réponse pénale apportée aux délits financiers affectant les intérêts de l’Union européenne.
    Ce nouveau dispositif qui doit, certes, être évalué dans le temps et donner des preuves de son efficacité pratique, apparaît à première vue relativement équilibré, entre le procureur européen à Luxembourg et ses délégués dans chacun des vingt-deux États.
    Les prérogatives prévues pour le parquet sont étendues et permettront de mener à bien les enquêtes et les poursuites nécessaires. Si le procureur européen délégué pourra placer la personne mise en cause sous contrôle judiciaire, il ne pourra prendre seul des mesures attentatoires aux libertés, comme l’assignation à résidence avec surveillance électronique ou le placement en détention provisoire.
    Si l’article 6 du règlement européen 2017/1939 prévoit l’indépendance du parquet européen, nous nous interrogeons néanmoins sur l’absence de garanties statutaires pour les procureurs. Nous notons toutefois les quelques corrections apportées en commission.
    Il serait intéressant que ce débat sur les questions judiciaires dans l’Union européenne conduise à  un début d’harmonisation des budgets de la justice des États – par le haut, naturellement.
    Concernant l’autre grand volet du projet de loi, relatif à la justice environnementale, nous regrettons un certain manque d’effectivité et d’ambition. Un texte plus global, reprenant certains éléments de la convention citoyenne pour le climat, devrait nous être soumis ultérieurement ; en attendant, nous redoutons que vous vous contentiez de simples effets d’annonce sur le volet environnemental, sans permettre un véritable saut qualitatif dans la poursuite des délits.
    Monsieur le garde des sceaux, votre interview en compagnie de votre collègue, Barbara Pompili, a suscité beaucoup d’espoir. Cependant, nous avons vite compris que vous ne comptiez pas instaurer un crime d’écocide, mais deux délits, un délit général de pollution et un délit de mise en danger de l’environnement. (M. le garde des sceaux acquiesce.) Ce serait néanmoins une avancée, évidemment.
    J’en reviens au présent texte ; enfin et surtout, celui-ci prévoit la désignation d’un tribunal judiciaire spécialisé dans le contentieux environnemental dans chacune des cours d’appel. Notre groupe accueille cette réforme avec bienveillance, en espérant qu’elle permette une plus grande familiarité des tribunaux avec les questions environnementales. Il faut développer en France une véritable expertise judiciaire dans le domaine environnemental, qui n’est pour l’heure pas garantie.
    Nous déplorons en revanche que cette création de tribunaux spécialisés se fasse à moyens budgétaires constants, comme l’indique l’étude d’impact.
    En outre, il nous semble nécessaire, afin d’accroître l’effectivité de la justice environnementale, d’accorder plus de moyens aux polices de l’environnement. Or, comme nous le savons, l’OFB, l’ONF – Office national des forêts – et les parcs nationaux ne disposent pas des ressources humaines et matérielles suffisantes pour constater les infractions. La création de postes d’assistants spécialisés en matière environnementale et l’attribution du statut d’officier de police judiciaire aux inspecteurs de l’environnement ne semblent pas suffisants.
    Par ailleurs, l’introduction de la convention judiciaire d’intérêt public dans le domaine écologique suscite des interrogations. Nous établissons là une sorte de justice d’exception qui, au fond, affranchira les principaux pollueurs d’un procès en bonne et due forme et fait abstraction du fait qu’entacher la réputation des entreprises constitue l’une des sanctions les plus dissuasives.
    En outre, comme cela a déjà été évoqué, le Conseil national des barreaux soulève une difficulté pratique – nous espérons que les débats permettront de la traiter. Puisque seules les personnes morales pourront bénéficier de la convention judiciaire d’intérêt public, les personnes morales pourraient être exonérées et les personnes physiques poursuivies, pour un même délit !
    En ce qui concerne l’article 5, nous saluons l’avis favorable du ministre et de la rapporteure à l’amendement que nous avons défendu en commission pour revenir sur l’extension prévue du champ des compétences du parquet national antiterroriste aux crimes et délits contre les intérêts fondamentaux de la nation. Ces chefs d’accusation, en effet, regroupent des actes qui ne relèvent pas uniquement du terrorisme. Le risque de dérive dans le recours à une réponse pénale d’exception était trop grand.
    Par ailleurs, nous réitérons notre demande : il faut maintenir l’obligation, pour les officiers de police judiciaires, de se référer au procureur de la République dans leur mission de collecte et de traitement des empreintes génétiques ou digitales, ainsi que pour l’accès aux différents systèmes de vidéoprotection. Peut-être ne s’agit-il que d’une simple formalité pour les auteurs du texte, mais pour nous, sa suppression serait une nouvelle entorse aux libertés individuelles.
    Malgré ces réserves non négligeables, et au vu, notamment, de l’importance de la création du parquet européen, le groupe Libertés et territoires votera majoritairement en faveur de ce texte.

    Mme Yaël Braun-Pivet, présidente de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la République

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    Merci !

    M. le président

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    La parole est à M. Jean-Paul Lecoq.

    M. Jean-Paul Lecoq

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    C’est un projet de loi bien curieux dont nous avons à discuter aujourd’hui.
    Curieux, ce texte l’est d’abord dans sa forme, puisqu’il mélange des éléments très disparates,…

    Mme Cécile Untermaier

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    C’est vrai !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    …quoique essentiels au bon fonctionnement de nos institutions judiciaires.
    Dans un souci d’exigence démocratique, il aurait été préférable que la création du parquet européen et les mesures ayant trait au droit de l’environnement fassent l’objet de projets de loi distincts.
    Curieux, ce texte l’est ensuite sur le fond, puisque cette discussion intervient après la bataille, si j’ose dire, étant donné que le parquet européen est d’ores et déjà institué et que son organisation est établie – j’y reviendrai.
    Je souhaite en premier lieu rappeler le combat historique du groupe de la Gauche démocrate et républicaine en matière de lutte contre les pratiques financières et fiscales frauduleuses. Depuis le début de la législature, nous n’avons cessé de présenter des propositions de loi et des amendements qui convergeaient vers l’idéal de justice fiscale que nous entendons mettre en pratique.
    C’est en vertu de ces valeurs que nous prenons acte de la naissance du parquet européen. Nous savons que depuis le 28 septembre, cette nouvelle juridiction est prête à travailler. L’anglais est sa langue officielle – ce qui, avouons-le, ne manque pas de sel au moment où nos amis britanniques quittent définitivement l’Union européenne ! L’ONU utilise aussi le français comme langue officielle ; le parquet européen aurait pu faire de même, puisqu’il paraît que notre langue est plus précise, ce qui, en matière de justice, est une bonne chose.
    Si nous approuvons l’objectif de veiller aux intérêts financiers de l’Union européenne qui est assigné au parquet européen, le mode de fonctionnement de celui-ci pose par ricochet la question de l’organisation du parquet à la française.
    D’un côté, la France a contribué à créer le parquet européen, dont les magistrats se sont engagés, lors de leur installation, à exercer leurs fonctions « en pleine indépendance » et sans accepter aucune instruction d’une « entité extérieure » ; de l’autre, le Gouvernement repousse aux calendes grecques l’indispensable réforme du statut des magistrats du parquet, que nous appelons de nos vœux depuis des années. Comment l’accepter ?
    Plus grave encore, nous craignons que la naissance de ce parquet ouvre la porte à un fédéralisme qui ne dirait pas son nom. (M. Jean Lassalle applaudit.) Chacun peut en effet imaginer qu’une fois l’institution durablement confortée, certains européistes voudront adosser de nouvelles expertises à cette juridiction – je pense à la politique pénale antiterroriste, dont on voit aujourd’hui, hélas, qu’elle est plus que jamais mobilisée. Or c’est ici que le bât blesse, car un acte de cette nature constituerait une perte de souveraineté sur leur justice inacceptable pour les peuples européens.
    L’histoire est bonne conseillère, et nous savons qu’en matière de délégation de compétences nationales au profit de l’Union européenne, la démocratie et les peuples sont trop souvent les grands perdants, voire les oubliés. (M. Jean Lassalle applaudit.)
    Ils perdront tout autant avec l’intronisation de la CJIP, acronyme d’une justice d’exception, pour les délits environnementaux, permettant aux entreprises qui polluent d’acheter leur impunité et d’éviter un procès en bonne et due forme.
    Écologiquement nuisible, cette financiarisation de la justice est aussi profondément contraire à nos principes républicains, puisque, en l’absence de débat judiciaire et d’auditions correctionnelles publiques, la justice perd sa valeur d’exemplarité, reléguant l’objectif de recherche de la vérité au second plan. Je ne peux en cela qu’être d’accord avec François Molins…

    M. Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux

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    Oh oui !

    M. Jean-Paul Lecoq

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    … lorsqu’il affirme que la progression des alternatives aux poursuites s’est faite au détriment du procès. Or dans ce domaine, les procès pénaux, explique-t-il, ont d’une part, lorsqu’ils étaient publics, favorisé la sensibilisation des citoyens aux enjeux de la sauvegarde de la nature, et d’autre part contribué à des avancées jurisprudentielles majeures.
    Pensez-vous que le cimentier Lafarge, qui vient récemment de déverser des eaux usées dans la Seine, soit effrayé par l’idée de payer une amende, à l’abri des regards, alors que son chiffre d’affaires avoisine les 3 millions d’euros par heure ? Ne croyez-vous pas, au contraire, que la perspective d’un procès médiatique, donnant droit à une condamnation, soit plus dissuasive et plus protectrice des intérêts de notre environnement ?
    En la matière, notre conviction est faite, et c’est pourquoi, au regard des nombreuses réserves que je viens d’évoquer, les députés de notre groupe voteront contre ce projet de loi qui, je le crains, comporte plus de sujets d’inquiétude que de raisons de se réjouir.

    M. le président

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    La parole est à M. Didier Paris.

    M. Didier Paris

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    Le parquet européen, inscrit dans le traité de Rome, aura mis dix ans à voir le jour en Europe, et treize ans chez nous. On peut le comprendre.
    Il pose le principe de la totale indépendance des procureurs, qui n’acceptent aucune instruction extérieure au parquet européen lui-même, ce que confirme la loi française que nous nous apprêtons à voter.
    Il engage les pays membres dans un nouvel ordre juridique de coopération renforcée (M. Jean Lassalle applaudit, comme il le fera à différentes reprises tout au long de l’intervention de l’orateur) – merci, monsieur Lassalle –, raison pour laquelle six pays ne l’ont pas accepté – certains par tradition, comme la Grande-Bretagne, l’Irlande, la Suède ou le Danemark, d’autres, comme la Pologne ou la Hongrie, par refus politique des mesures de contrôle ou d’intégration.
    Il pose de nouveau la question de l’indépendance – encore relative – du parquet à la française, et celle, politiquement plus difficile, de la poursuite, après le mandat d’arrêt européen en 2013 et Eurojust, de cette intégration transnationale, notamment dans des domaines comme le terrorisme ou les infractions financières, qui dépassent largement les frontières de nos États. Il peut faire craindre, enfin, une protection insuffisante des libertés individuelles.
    La vérité, comme l’indique Mireille Delmas-Marty, que personne ne soupçonnera de faiblesse en matière de protection des libertés, est que loin de menacer la souveraineté des États membres, le nouveau parquet européen contribue à une harmonisation de leurs justices respectives.
    Le système repose sur un office central, où siège Frédéric Baab en tant que procureur représentant la France et qui est dirigé par la procureure générale roumaine Laura Codruta Kövesi, dont nous connaissons les qualités. Il se compose d’une chambre permanente et de procureurs européens délégués.
    À ce stade, le parquet européen ne protège que les intérêts budgétaires de l’Europe, les fraudes aux fonds structurels – nous savons parfaitement qu’elles existent – et à la TVA transfrontalière. Ce bloc de procureurs dirige les enquêtes, décide des poursuites et renvoie en jugement devant les juridictions des États membres et non devant une juridiction européenne.
    La difficulté était évidemment de concilier l’indépendance des procureurs avec les législations très différentes des vingt-deux États qui ont signé cette convention. Les Luxembourgeois et les Espagnols ont fait un choix sensiblement identique au nôtre, tandis que les Belges se sont montrés beaucoup plus frileux, optant pour un système très dépendant des autorités nationales, d’où des risques réels de conflit positif.
    Nous avons su imaginer un système politiquement intelligent permettant d’intégrer la fonction du juge d’instruction, caractéristique de notre modèle français – seuls quatre pays sont dotés d’un tel organe – dont les fonctions seront exercées par un procureur européen délégué qui conservera sa totale indépendance.
    La préservation des libertés individuelles est garantie. Si, en France, le procureur peut mettre en examen, placer sous statut de témoin assisté et procéder à tous les actes d’investigation selon les règles d’enquête préliminaire de flagrance, voire de l’instruction, il ne peut prendre aucune mesure de sûreté comme l’assignation à résidence avec bracelet électronique, la détention provisoire ou la délivrance d’un mandat d’arrêt. Il ne peut pas non plus attenter à la vie privée en ayant recours à la géolocalisation, à la perquisition sans assentiment, aux écoutes ou à toutes les techniques spéciales d’enquête, sans l’intervention du juge du siège français –en l’espèce, le juge des libertés et de la détention.
    Le deuxième volet principal du texte concerne la justice pénale environnementale. En attendant une loi de fond, il amorce politiquement la traduction des enjeux de la protection de l’environnement et de la biodiversité, selon les récents éclairages fournis par la convention citoyenne pour le climat ainsi que par le rapport « Une justice pour l’environnement ».
    Il répond aux règles de l’État de droit européen en étendant à l’environnement le dispositif de la CJIP, déjà à l’œuvre dans les domaines douaniers et fiscaux où il a montré son efficacité pleine et entière.
    Il améliore la répression contre les infractions environnementales les plus graves, qui sont aussi les plus complexes et les plus techniques, grâce à la spécialisation de juridictions spécialisées dans chaque cour d’appel. Ces pôles régionaux spécialisés, indispensables si l’on veut atteindre nos objectifs de lutte contre le banditisme environnemental, pour reprendre les termes de M. le ministre, ont été complétés lors des débats en commission par un dispositif identique en matière civile ; nous y rajoutons les OPJ environnementaux.
    Il s’agit donc d’un projet de loi novateur, pragmatique, qui constitue un levier puissant de la construction européenne, à laquelle nous tenons, et traduit notre volonté politique de lutter fermement contre les atteintes à l’environnement et à la biodiversité. Ce sont des raisons amplement suffisantes pour que le groupe La République en marche le soutienne pleinement et sans réserve. (Applaudissements sur plusieurs bancs du groupe LaREM.)

    M. le président

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    La parole est à M. Julien Aubert.

    M. Julien Aubert

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    Sans me prononcer sur le fond des dispositions que ce texte contient, je suis tout d’abord forcé de reconnaître que la cohérence de celui-ci ne saute pas aux yeux et qu’il est difficile d’identifier le fil d’Ariane qui relie entre elles les mesures des trois titres qui le composent, alors que certains minotaures semblent s’y promener en toute liberté. (M. Jean Lassalle applaudit, comme il le fera à différentes reprises tout au long de l’intervention de l’orateur)
    Ainsi, du titre Ier concernant l’adaptation du code de procédure pénale à la création du parquet européen, nous passons à un deuxième, qui traite principalement des parquets nationaux spécialisés, notamment un pôle spécialisé dans le contentieux environnemental, avant que le texte se termine par un titre III, qui contient à la fois un toilettage du code de procédure pénale et deux mesures de fond : l’une créant une peine complémentaire d’interdiction de paraître dans les réseaux de transports publics et l’autre relative au financement d’un fonds destiné à favoriser une présence équilibrée sur le territoire de certaines professions du droit. Bref, dans ce texte un peu cafoutche, on trouve certes des lames de parquet mais aussi un balai brosse, et même une tirelire, en cherchant bien.

    M. Jean-Luc Bourgeaux

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    Il a raison !

    M. Julien Aubert

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    Outre ces remarques de forme, je soulèverai des réserves sur le fond. Tout d’abord, revenons sur la question de la souveraineté nationale. S’il est tout à fait normal que les intérêts financiers de l’Union européenne soient préservés, dans la mesure où ce sont les contribuables des pays membres qui les financent, nous devons être bien attentifs à ce fait inédit : nous parlons avec le parquet européen de la première instance européenne disposant de compétences judiciaires propres en matière pénale, avec la possibilité, si ce parquet décide d’exercer sa compétence, de voir écartées les autorités nationales, qui s’abstiendront de rechercher les mêmes délits.
    De la même façon, le ministre de la justice ou le procureur général ne pourront pas adresser d’instructions générales en matière de conduite pénale sur ce sujet au procureur délégué. Le Gouvernement ne disposera donc plus tout à fait de l’administration au sens de l’article 20 de la Constitution, puisqu’une partie de notre politique pénale ne sera plus décidée à Paris.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Exactement !

    M. Julien Aubert

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    On me rétorque que le juge sera indépendant, mais indépendant de qui ? De quel pouvoir politique ce juge sera-t-il indépendant ? Qui va gérer la politique pénale ? Au nom de qui va-t-on rendre la justice ? Au nom d’un peuple européen ?
    Le ministre a parlé tout à l’heure d’une rupture conceptuelle, mais s’agit-il d’une rupture conceptuelle ou d’une rupture constitutionnelle ?
    J’ai notamment trouvé intéressant l’argument selon lequel on avait réformé la Constitution. Si je suis cet argument et si demain, je réforme la Constitution et supprime la présomption d’innocence, vous me démontrerez donc qu’une loi qui permet d’embastiller est respectueuse de la liberté !

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Excellent, monsieur Aubert ! Belle démonstration !

    M. Julien Aubert

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    Pour le dire autrement, dans la mesure où nous avons trituré la Constitution qui, avant 2008, rendait inconstitutionnelle l’adoption d’un parquet européen, et que, ce faisant, on l’a privée de son efficacité, vous pouvez désormais affirmer qu’il n’y a plus de problème !
    Ce que le Conseil d’État a formulé à sa façon : « Il semble […] raisonnable d’estimer que les conséquences inhérentes à l’institution effective du parquet européen, pour ce qui est de l’atteinte excessive à la souveraineté nationale, ont été nécessairement acceptées par la loi constitutionnelle du 4 février 2008, toutes les virtualités comprises dans l’article 86 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne –TFUE – étant purgées de leurs éventuels vices d’inconstitutionnalité »
    Vous nous avez dit, monsieur le ministre, que c’était la girouette qui tournait. Prenez garde à ces leçons de cohérence, et rappelez-vous ce grand avocat qui disait, en avril 2018, qu’il n’accepterait jamais un « truc pareil » – il parlait d’un poste de ministre. (Souriressur les bancs du groupe LR.)

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Excellent !

    Mme Souad Zitouni, rapporteure pour avis de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

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    C’est nul !

    M. Julien Aubert

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    S’agissant ensuite des juridictions spécialisées, si nous n’avons pas d’objection à formuler sur les dispositions concernant celles vouées à la délinquance financière ou à la lutte antiterroriste – encore qu’à titre personnel, je sois, dans ce dernier domaine, favorable à la création d’une juridiction d’exception, composée de juges militaires et présidée par un magistrat de l’ordre judiciaire –, il n’en va pas de même pour les juridictions spécialisées dans les atteintes à l’environnement. Nous voulons éviter – d’où notre méfiance lors des débats en commission –que tout ceci aboutisse à la création d’aller d’un délit d’écocide.
    Nous ne comprenons pas bien pourquoi les pôles de jugement spécialisés dans l’environnement pourraient être uniquement composés de fonctionnaires du ministère de la transition écologique sans que la même possibilité soit offerte aux autres ministères comme le ministère de l’agriculture, lui aussi concerné, tandis que, dans le même temps, vous faites exactement l’inverse en matière de santé publique, puisque vous autorisez des fonctionnaires du ministère de l’agriculture ou de la transition écologique à exercer les fonctions d’assistant de justice. Ce que nous voulons éviter, c’est un pôle spécialisé qui soit biaisé.
    De la même manière, la rapporteure a proposé des amendements qui permettaient à des associations agréées d’ordonner toute mesure destinée à faire cesser des agissements illicites. Nous considérons que cela ouvre la porte à une judiciarisation de la protection de l’environnement, et surtout à un grand militantisme qui nous semble incompatible avec une vision dépassionnée.

    M. Jean-Pierre Vigier

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    Qu’est-ce qu’il est bon !

    M. Julien Aubert

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    Aussi, malgré quelques mesures que nous pourrions soutenir, ce texte appelle de la part du groupe Les Républicains des réserves importantes, sur la forme comme sur le fond. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR. – M. Jean Lassalle applaudit également.)

    M. le président

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    La parole est à M. Philippe Latombe.

    M. Philippe Latombe

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    Certains contentieux pénaux présentent, en raison de leur nature ou de leur gravité, une spécificité particulière qui justifie qu’ils fassent l’objet de règles de procédure adaptées, faisant intervenir des magistrats ou des juridictions spécialisées.
    C’est le cas des infractions pénales portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union européenne, pour lesquelles a été créé un parquet européen dans le cadre du mécanisme de coopération renforcée, à l’article 86 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne.
    Celui-ci doit avoir pour mission de rechercher, de poursuivre et de renvoyer en jugement les auteurs des infractions portant atteinte aux intérêts financiers de l’Union, au titre de la directive 2017/1371 du Parlement européen et du Conseil, ainsi que des infractions qui leur sont indissociablement liées.
    Les vingt-deux procureurs européens, dont le magistrat Frédéric Baab pour la France, ont été nommés le 22 juillet 2020. Les conditions d’emploi des procureurs européens délégués ont été fixées le 29 septembre dernier. Le Gouvernement a d’ailleurs déposé un amendement en commission des lois pour tenir compte de ces conditions.
    De manière générale, ce projet de loi entend adapter la législation française – code de procédure pénale, code de l’organisation judiciaire et code des douanes – à la création du parquet européen. L’article 4 renforce l’efficacité de la justice pénale spécialisée, en donnant notamment au parquet spécialisé le pouvoir de faire prévaloir l’exercice de sa compétence lorsque plusieurs parquets peuvent être compétents. L’article 5 confie au procureur de la République antiterroriste la compétence d’exécution des demandes d’entraide judiciaire émanant de la Cour pénale internationale. L’article 7 renforce les compétences du parquet national financier. L’article 8, enfin, institue une convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale et crée, dans le ressort de chaque cour d’appel, un tribunal judiciaire chargé du traitement des délits complexes du code de l’environnement.
    Le titre III du projet de loi entend aussi tirer, dans le code de procédure pénale, les conséquences de plusieurs décisions du Conseil constitutionnel et d’une jurisprudence de la Cour de cassation. Il vise également à corriger des malfaçons issues de la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice.
    Chers collègues, ce texte visant à la création d’un parquet européen est, pour le groupe du Mouvement démocrate et démocrates apparentés, une nécessité pour lutter contre la criminalité financière et protéger l’argent des contribuables européens. Il était attendu depuis longtemps, et j’ai une pensée particulière pour Laurence Vichnievsky, qui, le 1er octobre 1996, avait, alors magistrate, participé à l’appel de Genève en faveur d’une relance de la question de la création d’un procureur européen.
    Cette évolution, bien loin de constituer un pas important vers une Europe plus intégrée, comme ont pu le craindre certains États membres par le passé, illustre la capacité des États membres à adopter une approche européenne unifiée pour lutter contre les crimes qui affectent les intérêts financiers de l’Union.
    Il est plus que jamais essentiel de rendre la justice dans un domaine où l’impunité est fréquente et où les pertes sont élevées, tant pour l’Union européenne que pour les budgets nationaux. Le parquet européen prend la forme que la France souhaitait, à savoir une institution à la fois européenne par sa compétence et nationale par son exercice effectif. L’ancien directeur des affaires criminelles et des grâces, Robert Gelli, l’a dit il y quelques semaines : « Nous connaissons un moment historique ! C’est la première fois depuis bien longtemps que l’on crée une nouvelle institution européenne. Le parquet européen aura pour mission de poursuivre les atteintes aux intérêts financiers de l’Union, autrement dit les fraudes aux impôts des citoyens européens. Il ne s’agit plus d’une simple lutte administrative, mais judiciaire, avec un procureur indépendant européen qui aura le pouvoir d’enquêter sur tout le territoire de l’Union européenne et de poursuivre tous ceux qui seront impliqués dans des affaires qui relèvent de sa compétence. (M. Jean Lassalle applaudit.) C’est très important, on ne mesure pas aujourd’hui l’impact d’une telle réforme. (M. Jean Lassalle applaudit.) Les fraudes représentent des montants considérables et les systèmes actuels des parquets nationaux sont insuffisamment adaptés à des enquêtes et des poursuites qui touchent plusieurs pays européens et nécessitent donc une coordination. Sur fond de scepticisme à l’égard de l’Europe, ce parquet européen est en mesure non seulement de renforcer l’efficacité judiciaire, mais aussi de redonner confiance aux citoyens. »
    À la veille de la journée de deuil national, je pense aussi nécessaire de rendre hommage à Valéry Giscard d’Estaing, à sa passion européenne, aux réformes qu’il a mises en œuvre comme celle de l’élection du Parlement européen au suffrage universel et celle de l’instauration du Conseil européen, aux prémices de la monnaie européenne et au couple franco-allemand. Comme a pu le dire le Président Emmanuel Macron lors de son hommage à l’ancien chef de l’État, « si notre continent européen est plus uni, plus fort, c’est aussi à sa passion européenne que nous le devons. » Ce projet de parquet européen s’inscrit dans cette lignée.
    C’est pour toutes ces raisons que les députés du groupe Mouvement démocrate et démocrates apparentés voteront avec enthousiasme ce texte. (Applaudissements sur les bancs du groupe Dem.)

    M. le président

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    La parole est à Mme Albane Gaillot.

    Mme Albane Gaillot

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    Je me fais aujourd’hui la porte-parole du collectif « Écologie, démocratie, solidarité ». J’espère que ce projet de loi apportera des avancées intéressantes, notamment l’amélioration du traitement des contentieux environnementaux. L’adaptation du droit interne à la création du parquet européen appelle peu de commentaires sur le fond. Elle est bienvenue pour lutter contre les atteintes aux intérêts financiers de l’Union européenne. Nous défendrons toutefois un amendement important visant à solidifier les pouvoirs de direction et de sanction des procureurs européens sur les policiers et les gendarmes enquêtant sous leur direction. (M. Jean Lassalle applaudit.)
    Concernant les dispositions relatives à la justice pénale spécialisée, il nous semble important – ce sera le sens d’un amendement déposé par notre collègue Matthieu Orphelin – de permettre au juge d’instruction de prendre des mesures urgentes sans l’avis du procureur de la République en cas de risque imminent d’atteinte à l’environnement. (M. Jean Lassalle applaudit.)
    Nous estimons que la convention judiciaire d’intérêt public en matière environnementale peut être positive pour accélérer les réparations écologiques. Il conviendra toutefois d’en évaluer l’efficacité. Nous saluons la création de juridictions spécialisées en matière d’atteinte à l’environnement. Elles devraient permettre d’orienter les contentieux pénal et civil vers des magistrats formés et expérimentés sur les questions environnementales. Ces pôles régionaux spécialisés sont une vraie chance de faire enfin appliquer le droit de l’environnement, à l’heure où les signaux de l’urgence climatique et de l’érosion de la biodiversité sont toujours plus prégnants. Je m’inquiète toutefois que cette mutation s’opère à moyens constants, comme l’indique l’étude d’impact. Nous ne pourrons accroître l’effectivité de la justice environnementale sans y accorder davantage de moyens.
    Permettez-moi de revenir, mes chers collègues, sur le problème de compétence des tribunaux en matière d’action relative au devoir de vigilance des entreprises. Mon collègue Matthieu Orphelin comptait défendre un amendement visant à transférer les compétences en matière de devoir de vigilance à un ou plusieurs tribunaux judiciaires spécialement désignés plutôt que de conserver l’incertitude existante entre la compétence du tribunal judiciaire et celle du tribunal de commerce, afin d’accroître l’efficacité de la justice environnementale. Nous trouvons inadmissible que cet amendement, fruit d’un travail conjoint effectué après l’examen en commission des lois avec le garde des sceaux et Dominique Potier, rapporteur de la loi du 27 mars 2017 relative au devoir de vigilance des sociétés mères et des entreprises donneuses d’ordre, ait été déclaré irrecevable pour cause de cavalier législatif, alors que le devoir de vigilance est intrinsèquement lié au droit à un environnement sain.
    Pour rappel, depuis 2017, la loi sur le devoir de vigilance impose aux sociétés mères et aux grandes entreprises donneuses d’ordre la mise en place d’un plan de vigilance. Ce plan doit permettre d’identifier les risques résultant de leurs activités et de prévenir les atteintes graves à l’environnement, mais aussi aux droits humains, aux libertés fondamentales, à la santé et à la sécurité des personnes.
    Les premières actions judiciaires en cours soulignent toutefois que le contentieux environnemental est à chaque fois le cœur du problème dont découlent d’autres atteintes, aux droits humains notamment.
    Les impacts environnementaux visés par les premiers contentieux sont d’ailleurs considérables : déforestation en Amazonie – je pense à Casino –, destruction de terres agricoles en Ouganda ou engagement climatique insuffisant de Total. En outre, la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme manifeste la forte interdépendance existant entre les droits de l’homme et le droit de l’environnement, en s’appuyant notamment sur l’article 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, qui reconnaît le droit à la vie et sur son article 8, qui reconnaît le droit au respect de la vie privée et familiale. Tous ces éléments montrent que les liens, même indirects, sont bien réels.
    Ce projet de loi représentait une formidable opportunité pour améliorer l’application du devoir de vigilance. Monsieur le garde des sceaux, nous comptons sur vous pour continuer à travailler collectivement et trouver une solution rapide pour l’inclure dans la loi. Comptez sur nous pour continuer de nous battre pour mettre les entreprises face à leurs responsabilités et pour défendre le droit à un environnement sain, en inscrivant cette disposition dans un prochain projet de loi. Nous ferons ce grand pas en avant pour l’application du devoir de vigilance que les autres pays nous envient. Parce que ce projet de loi représente un premier pas vers une meilleure effectivité de la justice environnementale, le collectif « Écologie, démocratie, solidarité » votera pour son adoption. (Mme Émilie Cariou applaudit.)

    M. le président

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    La discussion générale est close.
    La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

    9. Ordre du jour de la prochaine séance

    M. le président

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    Prochaine séance, ce soir, à vingt et une heures :
    Suite de la discussion du projet de loi relatif au parquet européen et à la justice pénale spécialisée.
    La séance est levée.

    (La séance est levée à dix-neuf heures quarante.)

    Le Directeur du service du compte rendu de la séance
    de l’Assemblée nationale
    Serge Ezdra