Question au Gouvernement n° 2077 :
budget de l'Etat

11e Législature

Question de : M. Jacques Barrot
Haute-Loire (1re circonscription) - Union pour la démocratie française-Alliance

Question posée en séance, et publiée le 10 mai 2000

M. le président. La parole est à M. Jacques Barrot.
M. Jacques Barrot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
En ce cinquantième anniversaire de la construction européenne, qui est une initiative française, l'affaiblissement de l'euro nous interpelle, monsieur le ministre. Certes, vous l'avez relativisé, et il convient sans doute de le faire. Nous n'en devinons pas moins, derrière cet affaiblissement, la méfiance des investisseurs...
Un député du groupe du Rassemblement pour la République. Et pour cause !
M. Jacques Barrot. ... et des marchés quant à la solidité de la croissance européenne et à la capacité des gouvernements européens à adopter une démarche économique commune.
Pour y répondre, vous avez d'ailleurs évoqué, avec vos collègues des autres gouvernements de l'Europe, la nécessité d'une meilleure coordination des politiques économiques. Nous nous en réjouissons. Mais, en la matière, le gouvernement de la France peut-il se contenter d'exhortations ? La semaine dernière, la Cour des comptes nous a rappelé que les dépenses publiques, en 1999, avait progressé de 2,8 % en volume au lieu de 1 %. Le déficit public français, qui s'élève à 1,8 % du PIB, nous met à la douzième place de l'Union européenne.
Alors, monsieur le ministre, comment entendez-vous assumer notre part de responsabilité dans cette insuffisante lisibilité des grands choix européens ? Comment donner un signal fort à nos partenaires, si ce n'est en leur montrant notre volonté de maîtriser nos dépenses publiques de fonctionnement pour privilégier l'investissement et de réduire des déficits qui mineraient notre croissance en cas de retournement de la conjoncture ?
Et si le vrai projet européen doit être celui d'une société de la connaissance, porteuse de développement et de plein emploi à long terme, je vous pose la question: («Ah !» sur les bancs du groupe socialiste) pendant la présidence française de l'Union européenne, le Gouvernement entend-il faire cesser cette exception budgétaire française, qui se met peu à peu en place et qui consiste à reculer devant les adaptations structurelles nécessaires, et à manquer de volonté pour limiter les dépenses publiques de fonctionnement au profit des investissements, lesquels pourtant feront l'avenir de la France et de l'Europe ? (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance, du groupe du Rassemblement pour la République et du groupe Démocratie libérale et Indépendants.)
M. le président. En donnant la parole à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, je me vois contraint de l'inviter à la concision, compte tenu de l'heure.
M. Jean-Pierre Brard. Requiem pour M. Barrot !
M. Laurent Fabius, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. C'est une vaste question que vous posez là, monsieur Barrot, à laquelle il a déjà été répondu en partie mais j'y reviens volontiers à nouveau.
Quand on examine - et vous le faites avec attention - les chiffres du budget de la France, on s'aperçoit que, même si, sur certains points - et, après tout, c'est tout à fait normal - il peut exister telle ou telle spécificité, sur l'ensemble, il y a convergence avec les autres politiques économiques et budgétaires européennes. Cela ressort clairement des derniers travaux réalisés par la Commission européenne. Et vous aurez connaissance prochainement - dans quinze jours ou trois semaines - de ce que l'on appelle les grands objectifs de politique économique, dont nous avons discuté encore hier, qui mettent bien en évidence cette convergence.
Au reste, toute position politique mise à part, si la France ne s'y conformait pas, les autres pays se feraient fort - et ils auraient raison - de l'y rappeler très vite.
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour la démocratie française-Alliance. Ils l'ont fait !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous plaidons, depuis un certain temps, pour ce que nous appelons un «gouvernement économique». La formule est peut-être elliptique, mais elle exprime bien ce que cela veut dire: une harmonisation plus poussée.
Hier encore, nous avons proposé un certain nombre d'initiatives en ce sens et, lors de la présidence française - peut-être M. le Premier ministre y fera-t-il allusion tout à l'heure - nous en proposerons d'autres. Mais nous serions en contradiction avec nous-mêmes si ce credo que nous demandons aux autres de partager, nous ne nous l'appliquions pas à nous-mêmes.
Je suis donc obligé de vous contredire sur quelques points. La France, comme plusieurs autres pays - pas tous ! -, voit bel et bien son déficit budgétaire diminuer. Même si nous voulons financer nos priorités, la part des dépenses publiques dans la richesse nationale se réduit, comme le montrent indéniablement les chiffres, et le Gouvernement garde la volonté d'assumer les tâches de service public qui profitent à toute la nation. Je ne vois là aucune contradiction.
En revanche, et je ne trahis là aucun secret, la Commission de Bruxelles, et nos voisins, sont à juste titre sévères à l'égard de certains pays et - est-ce un hasard ? - la condamnation la plus sévère a été formulée, hier même, à l'encontre de l'Autriche à qui il a été dit, de la façon la plus nette, qu'elle ne pouvait pas, d'un côté, se réclamer de l'Union européenne et, de l'autre, proposer une politique économique et budgétaire qui ne respecte pas les exigences de l'Europe sur ce plan.
Bref, monsieur Barrot, nous sommes désireux de progresser, et nous le ferons encore dans le cadre des débats d'orientation budgétaire, mais la France doit s'inscrire parfaitement dans cette logique européenne tout en défendant, comme c'est normal, les choix spécifiques qui sont les siens. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste et du groupe Radical, Citoyen et Vert.)

Données clés

Auteur : M. Jacques Barrot

Type de question : Question au Gouvernement

Rubrique : Finances publiques

Ministère interrogé : économie

Ministère répondant : économie

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 10 mai 2000

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