EDF
Question de :
M. François Brottes
Isère (5e circonscription) - Socialiste
Question posée en séance, et publiée le 19 octobre 2005
OUVERTURE DU CAPITAL D'EDF
M. le président. La parole est à M. François Brottes, pour le groupe socialiste.M. François Brottes. Le suspense est insoutenable pour les Français, monsieur le Premier ministre, depuis que vous leur avez déclaré que le Père Noël ne pouvait passer tous les moyens. Je peux vous dire en confidence que ceux qui ne paient pas l'impôt sur la fortune s'en rendent compte tous les jours. C'est ce que tout à l'heure, monsieur Copé, vous appeliez sans pudeur la justice. À ce propos, monsieur Copé, rien ne vous autorise à travestir les propos de Didier Migaud, d'autant que celui-ci ne peut pas lui répondre. (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste.)
Pour les Français, monsieur le Premier ministre, le suspense est insoutenable, parce qu'ils ne savent pas encore jusqu'où vous leur demanderez de remplir votre hotte. Le prix du timbre sera-t-il augmenté pour payer la soulte de la Poste à l'État ?
Plusieurs députés du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. Caricature !
M. François Brottes Le tarif des autoroutes sera-t-il doublé, pour permettre aux heureux lauréats de la privatisation de payer leur acquisition ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Devront-ils subir l'augmentation des tarifs de l'énergie, qui va de pair avec la fin des monopoles et du service public ?
M. Richard Cazenave. Caricature !
M. François Brottes. Devront-ils acheter des actions au titre du capitalisme populaire, cette arnaque géniale qui consiste à faire payer aux Français ce qui leur appartient déjà ?
Plusieurs députés du groupe socialiste. Très juste !
M. François Brottes. Pour les Français le suspense est insoutenable, car ils ne savent pas si l'épisode douloureux de la SNCM vous donne mauvaise conscience et vous engage à renoncer à privatiser EDF ? (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Pour les Français le suspense est insoutenable, car ils savent que si c'est la seule logique du profit qui guide les pas des gestionnaires des centrales nucléaires et des barrages, c'est leur sécurité qui risque d'être mise en péril.
Monsieur le Premier ministre, vous savez que cette belle entreprise publique qu'est EDF dégage des résultats remarquables, qui lui permettent d'investir. Vous savez qu'au prétexte d'augmenter son capital en privatisant, vous allez lui demander de changer de logique.
L'énergie est vitale pour nos concitoyens et pour nos entreprises. Rien ne vous oblige, monsieur le Premier ministre, a emboîter le pas de M. Sarkozy, alors ministre de l'économie, et à imposer une ouverture du capital d'EDF strictement idéologique et financière.
Monsieur le Premier ministre, il n'y a pas que l'argent dans la vie. La sécurité des Français, leur droit à s'éclairer et se chauffer dans des conditions acceptables pour tous est un droit républicain, que l'État doit absolument garantir.
Monsieur le Premier ministre, pour les Français le suspense est insoutenable (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) : ...
M. Richard Cazenave. On a compris !
M. Lucien Degauchy. C'est lourdingue !
M. François Brottes. ...aurez-vous la lucidité de renoncer à la privatisation d'EDF ? (Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste. - Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Jean-Pierre Brard. Lui aussi était au mariage de Delphine !
M. Albert Facon. Dites-nous plutôt quel ministre n'y était pas !
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le député, un peu de retenue tout de même ! (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.) Je sais en effet que vous connaissez mieux que quiconque dans cette assemblée la situation de l'entreprise EDF. C'est une très belle entreprise française, comme vous l'avez rappelé à juste titre, avec huit milliards d'euros de fonds propres - ça vous rappelle sans doute quelque chose, monsieur le député ? - mais dix-neuf milliards d'euros de dettes - cela vous rappelle aussi sans doute quelque chose, car on a déjà connu ça, monsieur le député.
M. Jean Glavany. C'est un comble ! Vous êtes mal placé pour faire la leçon !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Aujourd'hui, vous le savez mieux que quiconque, cette entreprise n'a pas les moyens d'aller au-delà de ce qui est nécessaire pour la France. Il faut, comme l'a dit le Premier ministre, donner à cette entreprise les moyens de se développer et d'investir sur le territoire national, pour garantir et renforcer notre indépendance énergétique.
Vous le savez d'autant mieux que ce débat a déjà eu lieu dans cet hémicycle, mesdames et messieurs les députés, et qu'un vote est intervenu. Alors quoi ? On ne respecte plus la loi maintenant ? (Exclamations sur les bancs du groupe socialiste.)
M. Jean Glavany. Ça vous va bien de dire ça !
M. Henri Emmanuelli. Pas vous, monsieur Breton !
M. le président. Ça suffit, monsieur Emmanuelli !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette loi a précisément été votée pour donner à EDF les moyens de son développement.
Comme l'a dit le Premier ministre dans son discours de politique générale, il faut absolument qu'EDF aille de l'avant. Cela suppose une augmentation de son capital : il ne s'agit pas, comme vous l'avez fait pour les autoroutes, de vendre des actions pour assurer les fins de mois ! (Protestations sur les bancs du groupe socialiste.)
Deux éléments restent encore à vérifier : d'abord - point très important sur lequel vous insistez à juste titre -, les délégations et les missions de service public - la vérification sera bientôt achevée ; ensuite, la capacité d'investissement d'EDF et les moyens nécessaires pour permettre à notre pays non seulement de maintenir son indépendance énergétique, mais aussi de la développer. Voilà la vérité.
M. Henri Emmanuelli. Vous n'êtes pas crédible !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Cette opération se fera lorsque les marchés le permettront. En effet, 5 milliards d'euros, voire 6 ou 7 milliards, ce sont des montants très importants.
M. Henri Emmanuelli. Bouchez donc les trous !
M. Richard Mallié. Ce sont les trous que vous avez faits !
M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Nous n'attendrons pas la veille pour vous prévenir, mais nous le ferons lorsque cela sera nécessaire pour l'entreprise, c'est-à-dire bientôt. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire. - Exclamations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des député-e-s communistes et républicains.)
Auteur : M. François Brottes
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Énergie et carburants
Ministère interrogé : économie
Ministère répondant : économie
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 19 octobre 2005