réforme
Question de :
M. Jean-Pierre Brard
Seine-Saint-Denis (7e circonscription) - Député-e-s Communistes et Républicains
Question posée en séance, et publiée le 5 juin 2003
RETRAITES
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Brard, pour le groupe des député-e-s communistes et républicains.
M. Jean-Pierre Brard. Monsieur le président, mes chers collègues, je remercie M. Francis Mer d'avoir illustré par anticipation mon propos. (Sourires.)
C'est dans Le Figaro magazine que Michel Barnier, commissaire européen français, déclare : « C'est à notre engagement européen et à lui seul que nous devons autant de réformes successives, que nous n'aurions pas su ou pas pu mener par nous-mêmes. »
M. Marc Laffineur. M. Barnier a raison !
M. Jean-Pierre Brard. Voilà, monsieur le Premier ministre, une déclaration qui a le mérite de la clarté.
Pour perpétrer vos mauvais coups (Protestations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), vous avez besoin de l'alibi européen, comme au sommet de Barcelone où nos gouvernants ont avec leurs compères européens prévu de repousser l'âge de la retraite à soixante-trois ans. (Exclamations sur les mêmes bancs.)
Qu'est-ce qui fait que vous ayez tellement envie de jouer les moutons de Panurge ? (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Est-ce pour faire plaisir à M. Bébéar, M. Kessler et autres assureurs qui, tapis dans l'ombre et le silence, attendent que vous ayez terminé le sale boulot qu'ils vous ont confié contre les régimes de retraite ? Ou bien est-ce parce que vous devez obéir à M. le baron Ernest-Antoine Seillière de la Borde, président du MEDEF (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire), qui veut quant à lui nous obliger à cotiser pendant quarante-cinq ans, alors que des millions de nos compatriotes sont expédiés en préretraite bien avant qu'ils n'aient atteint l'âge de soixante ans ?
En réalité, monsieur le Premier ministre, la situation de la France est bien meilleure, elle est beaucoup plus favorable que celle de la plupart de ses partenaires européens. La démographie de notre pays est particulièrement positive (« Pas assez ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire) et elle augure bien de l'avenir des retraites. La productivité de nos salariés est la deuxième du monde, après celle des Etats-Unis. Rien n'oblige par conséquent à conduire la politique que vous nous concoctez. (« La question ! » sur plusieurs bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Le mimétisme européen que vous prônez n'est pas une politique, mais un alibi ! (Exclamations sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Ma question sera simple : pourquoi ne voulez-vous pas nous dire la vérité ? Pourquoi ne voulez-vous pas dire aux Français que notre situation n'est pas comparable à celle des autres pays européens et qu'elle est bien meilleure ? Mais il est évident que, pour arriver à vos fins, vous êtes obligé de faire une description catastrophiste. (Applaudissements sur les bancs du groupe des député-e-s communistes et républicains et sur plusieurs bancs du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. François Fillon, ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Monsieur le président, mesdames, messieurs les députés, il n'y a aucun mimétisme dans la réforme que nous présentons au Parlement puisque la France est l'un des seuls pays européens qui ait choisi, avec la Finlande et quelques autres, de consolider le régime par répartition au lieu de bouleverser l'équilibre de nos régimes de retraite en introduisant massivement, comme l'ont fait presque tous les autres, la capitalisation. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Un député du groupe socialiste. Vous le ferez aussi !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. L'Union européenne n'a pas de compétence en matière de régimes de retraites. Les Etats sont libres et souverains pour décider de l'organisation de leurs régimes comme ils l'entendent. C'est ce que nous faisons.
M. Jacques Myard. Très bien !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. Cela dit, compte tenu de l'impact des dépenses sociales sur les équilibres macro-économiques, l'Union européenne a le droit et même le devoir d'émettre des recommandations à l'égard des Etats. C'est ce qu'a fait hier le Conseil des ministres de l'Union européenne, en proposant notamment de favoriser l'allongement de la vie professionnelle, de relever l'âge du départ effectif à la retraite...
M. Jean-Claude Lefort. De quoi se mêle-t-il ?
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... de modifier autant que faire se peut les dispositifs de préretraite, ou encore de rendre le système de retraite mieux à même de s'adapter à l'évolution démographique.
M. Jean-Pierre Brard. Mimétisme !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. La vérité, monsieur Brard, c'est que, si nous faisons cette réforme, c'est pour sauver nos régimes de retraite, c'est pour permettre aux générations futures de ne pas avoir peur dans l'avenir. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.) Ce n'est pas pour nous conformer à telle ou telle injonction de l'Union européenne. (« Très bien ! » sur les mêmes bancs.)
Il faut vraiment que vous soyez à court d'arguments pour invoquer la réunion du Conseil ECOFIN d'hier...
M. Jean-Pierre Brard. Je n'en ai pas parlé !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... afin de tenter de formuler une nouvelle critique sur la réforme des retraites.
Vous avez tout à l'heure rappelé la réunion de Barcelone à laquelle, cela ne vous a pas échappé, participait le chef du gouvernement français de l'époque, que vous souteniez par vos votes à l'Assemblée nationale. (« Eh oui ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvemet populaire.)
Vous avez cité le nom de M. Kessler. Il ne vous a pas échappé non plus qu'il avait écrit avec Dominique Strauss-Kahn un ouvrage remarquable sur les fonds de pension. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)
Nous ne nous sommes inspirés de rien de tout cela ! Nous avons voulu conforter un système solidaire,...
M. André Chassaigne. C'est faux !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... un système dont nous sommes fiers...
M. André Chassaigne. Vous avancez masqués !
M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité. ... mais un système qui était fragilisé par l'absence de décision et par la peur que vous avez manifestée pendant cinq ans devant le choix et les risques que présente pour une majorité le fait de prendre ses responsabilités.
L'Europe n'a rien à voir dans tout cela ! (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire et du groupe Union pour la démocratie française.)
Auteur : M. Jean-Pierre Brard
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Retraites : généralités
Ministère interrogé : affaires sociales, travail et solidarité
Ministère répondant : affaires sociales, travail et solidarité
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 5 juin 2003