Question orale n° 174 :
tabagisme

13e Législature

Question de : M. Jacques Remiller
Isère (8e circonscription) - Union pour un Mouvement Populaire

M. Jacques Remiller appelle l'attention de M. le ministre du travail, des relations sociales, de la famille et de la solidarité sur l'interdiction de fumer dans tous les lieux à usage collectif. Près de 3 mois après l'entrée en vigueur de cette règlementation dans tous les lieux publics, qui semble globalement respectée, les patrons de bars-tabac et de discothèques se plaignent d'un fort recul de leur chiffre d'affaires et d'une relative désaffection de leur clientèle. La confédération des buralistes reconnaît une baisse d'activité de 20 % à 25 % sur les consommations, de 10 % sur les jeux et 12 % sur les tabacs. L'UMIH (Union des métiers et industries de l'hôtellerie) évoque également une baisse de recettes d'environ 20 % pour les discothèques et de 15 % à 20 % pour les bars-tabac. Il souhaite par conséquent savoir si des mesures de compensation ou d'assouplissement sont envisagées à l'endroit des professionnels lésés par l'application de ce décret.

Réponse en séance, et publiée le 26 mars 2008

CONSÉQUENCES DE L'INTERDICTION DE FUMER
DANS LES LIEUX PUBLICS

M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller, pour exposer sa question, n° 174.
M. Jacques Remiller. Madame la secrétaire d'État chargée de la famille, alors que certains quotidiens évoquent ce matin un net recul du tabagisme chez les adolescents, je souhaite attirer l'attention sur les conséquences de l'interdiction de fumer dans tous les lieux à usage collectif. Le décret qui l'a mise en oeuvre est apprécié par un grand nombre de nos concitoyens, même par des fumeurs, et il n'est pas question de revenir sur cette interdiction. En tant que député de base, je n'en ai d'ailleurs pas le pouvoir.
Néanmoins, près de trois mois après l'entrée en vigueur de cette réglementation dans tous les lieux publics et alors qu'elle semble globalement respectée, les patrons de bars-tabacs et de discothèques se plaignent d'un fort recul de leur chiffre d'affaires et d'une relative désaffection de leur clientèle, ce qui met en péril certains établissements, en particulier ceux qui n'ont pas la possibilité d'installer des terrasses extérieures.
La confédération des buralistes, présidée par René Le Pape, signale également une baisse d'activité de 20 % à 25 % sur les consommations, de 10 % sur les jeux et 12 % sur les tabacs. L'Union des métiers et industries de l'hôtellerie évoque quant à elle une baisse de recettes d'environ 20 % pour les discothèques et de 15 % à 20 % pour les bars-tabacs, notamment en zone rurale. Cette tendance, qui s'observe dans ma circonscription, plus rurale qu'urbaine, n'offre pour avenir à certains commerces que la fermeture à terme, avec un impact prévisible sur le lien social auquel ils contribuent dans les petits villages de France. Si les professionnels des grandes villes ou de régions au climat particulièrement clément s'en sortent à peu près, de nombreux lieux de convivialité sont en péril dans les campagnes françaises.
Je souhaite donc savoir si des mesures de compensation ou d'assouplissement sont envisagées à l'endroit des professionnels les plus touchés par l'application de ce décret.
M. le président. Avant de passer la parole à Mme la secrétaire d'État, je voudrais la féliciter pour sa nomination au Gouvernement et lui souhaiter la bienvenue au banc des ministres. J'en profite pour saluer à ses côtés Hubert Falco, qui retrouve cet hémicycle en tant que secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire. Nous avons fait nos premiers mandats ensemble et je suis très heureux de le retrouver aujourd'hui.
La parole est à Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille.
Mme Nadine Morano, secrétaire d'État chargée de la famille. Merci, monsieur le président, pour votre mot aimable à mon égard. Ma première intervention en tant que membre du Gouvernement pour répondre à Jacques Remiller, qui est aussi un ami, est en effet pour moi un moment émouvant.
Je vous remercie tout d'abord, monsieur le député, d'avoir, comme la presse ce matin, souligné le recul du tabagisme chez les lycéens. Ce constat constitue pour nous un encouragement à poursuivre notre politique.
Je tiens à rappeler que le tabagisme est la première cause de mortalité évitable en France : le tabac est responsable de 66 000 décès par an, dont environ 5 000 sont dus au tabagisme passif. Face à cet enjeu de santé publique majeur, le décret du 15 novembre 2006, qui renforce l'interdiction de fumer, est un indéniable progrès. Il offre aux Français une protection satisfaisante face à la fumée du tabac dans les lieux collectifs. Dès avant ce décret, un arrêt du 29 juin 2005 de la Cour de cassation, imposait à l'employeur " une obligation de sécurité de résultat vis-à-vis de ses salariés en ce qui concerne leur protection contre le tabagisme dans l'entreprise ".
Le tabagisme n'est pas une simple gêne. Les concentrations en toxiques mesurées dans l'air des bars et des discothèques sont particulièrement élevées. En raison d'une exposition importante, les salariés du secteur présentent une grande vulnérabilité au tabagisme passif avec, en particulier, un risque accru de pathologies respiratoires, de maladies cardiovasculaires et de cancers du poumon. L'interdiction totale de fumer dans les lieux collectifs apportera un bénéfice rapide.
Plusieurs études réalisées aux États-Unis et en Italie ont mis en évidence une diminution de la fréquence des infarctus du myocarde au sein de la population quelques mois seulement après la mise en place de cette interdiction. En Écosse et en Irlande, des travaux ont également montré qu'elle s'était accompagnée d'une amélioration des symptômes respiratoires des employés de bar. Les premiers éléments dont nous disposons suggèrent des résultats semblables en France avec, notamment, une baisse de l'incidence des infarctus du myocarde au sein de la population générale et une amélioration des symptômes respiratoires des salariés du secteur depuis l'application du décret dans les lieux de convivialité. Cette tendance encourageante est naturellement à confirmer.
Certains professionnels souhaitent des aménagements au décret. Le Gouvernement n'y est pas favorable. Des dérogations nous empêcheraient d'obtenir les résultats positifs sur la santé des salariés de ce secteur et de l'ensemble de nos concitoyens, que nous commençons à enregistrer. En effet, tous les aménagements proposés ont été soigneusement expertisés par les services du ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative. Ils ont conclu qu'ils ne permettraient plus de prémunir suffisamment les non-fumeurs contre les méfaits sanitaires du tabagisme passif.
En outre, une étude réalisée à la demande du service d'information du Gouvernement auprès des professionnels du secteur montre leur refus de toute dérogation pour un type spécifique d'établissement. Ils considèrent à juste titre que cela constituerait une atteinte injustifiée au principe d'égalité.
Enfin, je tiens à souligner que le grand public soutient les mesures du décret. Il est conscient de la nécessaire prise de responsabilité collective et individuelle sur le sujet du tabagisme passif notamment.
Le tabagisme représente aussi un coût pour les lieux de convivialité. Il constitue pour l'employeur une charge économique, liée notamment aux dégâts provoqués par les cigarettes, aux coûts supplémentaires de nettoyage engendrés par le tabagisme, ainsi qu'aux absences plus nombreuses pour cause de maladie chez les salariés exposés.
Par ailleurs, les données en provenance des États et régions qui appliquent ces mesures d'interdiction de fumer montrent globalement l'absence d'effet défavorable sur l'emploi et le chiffre d'affaires pour l'ensemble du secteur concerné. Ces résultats sont attestés par de nombreuses études, non financées par l'industrie du tabac, qui se fondent sur des statistiques relatives aux taxes versées sur le chiffre d'affaires et l'emploi. Les études concluent à l'absence d'effet économique négatif notable consécutif à l'interdiction de fumer dans les lieux de convivialité. À titre d'exemple, en Écosse, l'activité de restauration du groupe de pubs Mitchell's & Butler's marquait une hausse de plus de 10 % six mois après l'interdiction de fumer. Il s'exerce en effet un transfert de clientèle. Une partie des fumeurs seraient remplacés par des non-fumeurs, désireux de consommer plus souvent et davantage dans une atmosphère non polluée. Ce transfert n'est pas nécessairement immédiat et peut demander un temps d'adaptation.
Le Gouvernement a souhaité limiter les éventuels effets défavorables en signant, le 21 décembre 2006, un nouveau contrat d'avenir avec la Confédération des buralistes, lequel vient d'entrer en vigueur. Prévu pour quatre ans, c'est-à-dire de 2008 à 2011, ce nouveau contrat renforce la politique de diversification des activités des buralistes. C'est fondamental. Il maintient par ailleurs le principe, existant de longue date, de la compensation partielle de la baisse de chiffre d'affaires de l'activité tabac. Il comprend également pour les débitants de tabac, et pour la première fois depuis 1976, une progression de la rémunération sur la vente des tabacs de 0,5 point pendant la durée du contrat. L'enveloppe budgétaire prévue est d'environ 160 millions d'euros par an pendant la durée du contrat, somme à laquelle s'ajoute, je tiens à le préciser, la progression de la rémunération sur la vente du tabac.
Pour les hôtels, cafés et restaurants, des aides fiscales pour la mise aux normes sont prévues dans le " contrat de croissance " entre les ministères chargés des PME et du tourisme et les organisations professionnelles. Ces mesures détaillées comprennent notamment des dispositions fiscales pour la mise en place des emplacements réservés aux fumeurs. Les baisses du chiffre d'affaires annoncées par l'Union des métiers de l'industrie hôtelière, l'UMIH, et la Confédération des buralistes vont être prises en compte et analysées. Il est néanmoins beaucoup trop tôt pour les valider, totalement ou en partie.
En ce qui concerne les bars-tabacs, un groupe de travail réunissant le ministère de la santé, de la jeunesse, des sports et de la vie associative, le ministère du budget et la Confédération des buralistes va tenter d'obtenir des précisions sur les pertes déclarées depuis le début de l'année, en les comparant notamment au chiffre d'affaires des années précédentes à la même période. Les conclusions de ce groupe de travail, permettant de déterminer un diagnostic partagé avec la Confédération des buralistes de l'impact réel de l'interdiction de fumer sur le chiffre d'affaires des bars-tabacs, seront rendues dans les prochaines semaines.
Tels sont les éléments de réponse que je pouvais vous apporter, monsieur le député.
M. le président. La parole est à M. Jacques Remiller, pour une réponse rapide.
M. Jacques Remiller. Madame la secrétaire d'État, je me joins aux félicitations de notre président. Nous avons souvent travaillé ensemble et vous m'avez même succédé à la présidence du groupe d'amitié avec le Tchad, poste que vous allez devoir abandonner.
Vous avez évoqué le recul du tabagisme chez les adolescents, ce qui constituait le corps de ma question. Ce que la presse ne nous dit pas, en revanche, c'est le risque de voir le tabac supplanté par d'autres substances. Vous comprenez ce que je veux dire.
J'ai le sentiment, madame la secrétaire d'État, que vous vous êtes placée uniquement sur le terrain de la santé, ce qui est bien normal puisque vous êtes en charge de la famille. Étant moi-même président du centre hospitalier Lucien-Hussel à Vienne, j'ai rencontré récemment les chefs de service de pneumologie et ils m'ont fait part, eux aussi, de la baisse des pathologies constatées dans le cadre du contrôle qu'ils effectuent. C'est incontestable.
En revanche, il ne faudrait pas attendre 2011 pour agir. Comme je vous l'ai dit, l'interdiction de fumer a déjà fait beaucoup de dégâts dans les bars-tabacs des zones rurales et ils ne pourront attendre aussi longtemps. Je vous demande donc, à vous comme à Éric Woerth, d'être très vigilants afin de ne pas sacrifier ce pan de l'économie.
M. le président. Mes chers collègues, le temps théorique consacré à une question-réponse est de sept minutes. Or nous en sommes à treize. Je vous demande donc d'être un peu plus concis.
M. Jacques Remiller. C'est un sujet important : il y va de l'emploi et de l'économie !
M. le président. Assurément, mais nous ne tiendrons pas notre emploi du temps si chacun ne respecte pas son temps de parole.
M. Jacques Remiller. Pardonnez-moi, monsieur le président.

Données clés

Auteur : M. Jacques Remiller

Type de question : Question orale

Rubrique : Santé

Ministère interrogé : Travail, relations sociales, famille et solidarité

Ministère répondant : Budget, comptes publics et fonction publique

Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 25 mars 2008

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