Question de : M. Philippe Meunier
Rhône (13e circonscription) - Les Républicains

M. Philippe Meunier appelle l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, après la décision prise le 1er août 2013 par le parquet de Chartres (Eure­et-Loir) de relâcher trois condamnés à deux ou trois mois de prison ferme, faute de place en prison. De source policière, le parquet de Chartes aurait reçu la consigne de ne plus enregistrer le moindre écrou jusqu'au 1er septembre à la maison d'arrêt du département ; l'établissement affichant complet. Il lui demande si elle ne craint pas que cette décision encourage une certaine impunité pour les délinquants.

Réponse publiée le 14 janvier 2014

La décision du procureur de la République de Chartres de différer la mise sous écrou de trois personnes condamnées à de courtes peines d'emprisonnement résultait de la situation de surpopulation carcérale que connaissait la maison d'arrêt de Chartres à cette époque de l'été 2013. La garde des Sceaux souhaite à cet égard apporter quelques précisions. Le 1er août 2013, trois personnes condamnées par le tribunal de grande instance de Chartres à des peines d'emprisonnement ferme ont été interpellées par les fonctionnaires du commissariat de police de Dreux et placées en rétention sur le fondement de l'article 716-5 du code de procédure pénale. A l'issue de cette procédure, le procureur de la République de Chartres a pris la décision de ne pas porter immédiatement à l'écrou ses condamnations, toutes inférieures à 6 mois d'emprisonnement, dont les quanta s'élevaient à 2 mois d'emprisonnement pour des faits de violences avec arme n'ayant pas entraîné une ITT supérieure à 8 jours, à 3 mois d'emprisonnement pour des faits de rébellion, d'outrages et de violences sur personne dépositaire de l'autorité publique et à 3 mois d'emprisonnement pour des faits d'inexécution d'un travail d'intérêt général. La décision du ministère public de reporter de quelques semaines la mise à exécution des peines de ces trois personnes condamnées a été fondée sur la situation de la maison d'arrêt de Chartres : le 1er août, sept matelas y étaient installés au sol dans des cellules exiguës et l'atmosphère y était particulièrement tendue en raison de l'épisode de chaleur persistant sur la France. Ainsi, après avoir procédé à un examen au cas par cas de la situation des trois personnes condamnées et de leurs garanties de représentation, au vu de la gravité relative des condamnations et du surencombrement de l'établissement pénitentiaire, le magistrat du parquet de Chartres a décidé de faire exécuter ces courtes peines à une période plus propice, en ayant pris le soin de se concerter avec l'administration pénitentiaire. En outre, le ministère public a ramené à exécution deux de ces condamnations les 12 août et 2 septembre. S'agissant de la troisième, il s'avérait après examen que le condamné n'avait pas reçu les convocations du juge de l'application des peines, le parquet de Chartres a ressaisi ce magistrat du siège, l'intéressé ayant été convoqué devant lui le 8 octobre. Il ne s'agit donc nullement d'une « libération », les trois condamnés concernés n'étant absolument pas dispensés d'effectuer leur peine de prison, mais d'une décision prise par le procureur de la République, dans le respect de ses compétences, conduisant à différer l'exécution de trois décisions d'incarcération. Lors du déplacement de la garde des sceaux à Chartres le 5 août dernier pour rencontrer les acteurs concernés, l'activité régulière et responsable du parquet de Chartres dans sa mission de mise à exécution des peines sur le ressort du tribunal de grande instance a pu être constatée. Il a été l'occasion de vérifier qu'aucune instruction de différer de façon systématique les mises à l'écrou n'a été donnée par celui-ci. En dépit d'une situation difficile, la maison d'arrêt de Chartres a reçu en juillet 2013 48 personnes condamnées pour l'exécution de leur peine, pour un établissement de 112 places et une population carcérale de 143 personnes. Sur ces 48 peines ramenées à exécution, 24 l'ont été par le seul parquet de Chartres. Le procureur de la République, dont les compétences en matière d'exécution des peines ont été considérablement accrues depuis la réforme de 2009, est parfaitement dans son rôle lorsque dans une situation pénitentiaire tendue, il organise dans le temps l'exécution des peines. De manière plus générale sur la problématique d'exécution des peines, il y a lieu de rappeler que le stock total de peines fermes en attente d'exécution des tribunaux de grande instance et cours d'appel s'élevait à fin décembre 2010 à 92 800 peines. Ce volume a connu une augmentation continue jusqu'à décembre 2011, pour atteindre 99 200 peines à fin 2011. L'année 2012 a vu ce stock décroitre pendant les trois premiers trimestres pour remonter et retrouver presque le même niveau (99 600) en fin d'année. Ce stock ne doit pas être considéré comme un volume inerte de peines « jamais exécutées ». Tout au contraire, la dynamique de l'aménagement et de la mise à exécution obéit à un processus temporel avec des délais qui explique que le stock en attente se renouvelle rapidement, attestant d'une certaine fluidité du système. Ainsi, au cours de l'année 2012, l'ensemble des juridictions a prononcé 129 300 peines exécutoires d'emprisonnement ferme et en a fait exécuter 128 900 (112 400 peines exécutées en 2011), soit un taux de couverture des entrées par les sorties de 99%. Une exécution diligente et efficiente de chaque peine prononcée est de toute évidence une donnée essentielle au bon fonctionnement de la justice et à la crédibilité de son action. Elle demeure une des préoccupations constante de la politique pénale du Gouvernement qui souhaite dépasser en la matière une approche purement quantitative. En effet, de nouveaux établissements pénitentiaires ont été construits ces dernières années, tandis que d'autres ont été annoncés par le précédent Gouvernement sans le moindre commencement de financement, or la surpopulation carcérale demeure. La construction de nouvelles places de prison qui est prévue ne résoudra pas le problème sur le long terme. C'est pourquoi, conformément aux engagements du Président de la République, la garde des sceaux a présentée en Conseil des ministres une réforme pénale d'envergure dont les jalons ont été posés dans la circulaire de politique pénale du 19 septembre 2012. La politique pénale menée durant les dix dernières années et privilégiant le recours à l'incarcération pour toute réponse n'a pas permis que la sécurité de nos concitoyens soit fondamentalement mieux assurée. Elle n'a en outre fait qu'accroitre la surpopulation carcérale. L'objectif de la nouvelle politique pénale que la ministre de la justice entend proposer est d'opérer un changement au bénéfice de solutions plus pragmatiques, fondées sur des expériences et des connaissances, et ayant démontré leur utilité pour promouvoir la sécurité de tous.

Données clés

Auteur : M. Philippe Meunier

Type de question : Question écrite

Rubrique : Système pénitentiaire

Ministère interrogé : Justice

Ministère répondant : Justice

Dates :
Question publiée le 13 août 2013
Réponse publiée le 14 janvier 2014

partager