ART. 14N°9

ASSEMBLÉE NATIONALE
11 avril 2018

PROTECTION DES DONNÉES PERSONNELLES - (N° 860)

Commission
 
Gouvernement
 

Adopté

AMENDEMENT N°9

présenté par

le Gouvernement

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ARTICLE 14

Rédiger ainsi l’alinéa 11 :

« III. – Le comité éthique et scientifique mentionné à l’article L. 612‑3 du code de l’éducation remet chaque année à l’issue de la procédure nationale de préinscription et avant le 1er décembre, un rapport au Parlement portant sur le déroulement de cette procédure et sur les modalités d’examen des candidatures par les établissements d’enseignement supérieur. Le comité peut formuler à cette occasion toute proposition afin d’améliorer la transparence de cette procédure. »

EXPOSÉ SOMMAIRE

Le présent amendement a pour objet de supprimer cet alinéa introduit à l’initiative de la commission des lois du Sénat. Cette disposition supprime le dernier alinéa du I de l’article L. 612-3 du code de l’éducation dans sa nouvelle rédaction issue de la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants.

Cette disposition a été introduite par un amendement du Gouvernement en séance publique au Sénat. Il s’agit de garantir aux candidats à une formation de premier cycle un accès spécifique et individualisé aux documents administratifs qui, sans compromettre le principe du secret des délibérations de la commission d’examen des candidatures, leur permettra de comprendre les critères et les motifs de la décision prise par le chef d’établissement.

La commission des lois a considéré, au contraire, que cette disposition, à la lumière des autres dispositions du présent projet de loi, ouvre la voie à une prise de décision par des algorithmes locaux sans aucune intervention humaine.

Le Gouvernement ne partage pas cette position qui n’est fondée sur aucune expertise du déroulement réel des délibérations au sein des formations.

En premier lieu, les dispositions de la loi « orientation et réussite des étudiants » ont été conçues de manière à imposer une intervention humaine dans le traitement des dossiers des candidats dans le prolongement de la décision du 25 septembre 2017 de la CNIL sur le système APB.

De plus, le dispositif de la loi du 8 mars 2018 est une percée majeure en faveur de la transparence en comparaison du système APB.

A la différence d’APB, tous les algorithmes permettant de faire fonctionner Parcoursup seront rendus publics conformément au souhait du Président de la République. Cela concerne également l’outil d’aide à la décision mis à disposition des établissements d’enseignement supérieur pour les assister dans l’examen des vœux des lycéens. Cette exigence de publicité des algorithmes avait d’ailleurs été introduite dans la loi à l’initiative d’un amendement du groupe majoritaire à l’Assemblée nationale.

Concernant les critères, ils sont publics d’ores et déjà affichés sur Parcoursup. Ils sont inscrits dans les caractéristiques des formations conformément au principe d’information des lycéens inscrit également au I de l’article L.612-3 dans sa nouvelle rédaction.

En outre, la loi du 9 mars 2018 instaure, pour départager les candidats, un critère difficilement traduisible en masse par un algorithme : la cohérence entre le profil du candidat et les attendus de la formation demandée. Ce critère, qui a été reconnu comme objectif par le Conseil d’Etat puis par le Conseil constitutionnel n’est pas quantifiable dès lors qu’il laisse une large part à l’appréciation de la motivation des candidats dans le choix des équipes pédagogiques. Dans ces conditions, il ne saurait être mis en œuvre uniquement par un algorithme d’affectation. Une intervention humaine, en l’espèce la délibération de l’équipe pédagogique, est donc incontournable.

Ensuite, l’article L. 612-3, dans sa nouvelle rédaction, prévoit à la fois la personnalisation des cursus et l’instauration de dispositifs d’accompagnement pédagogique qui doivent être adaptés aux profils des candidats. Là encore, un algorithme ne saurait se substituer à l’appréciation portée par les équipes pédagogiques sur le profil du candidat et sur l’utilité des dispositifs proposés dans chaque établissement, ces accompagnements pouvant évoluer d’une année sur l’autre selon la politique conduite par ces établissements. Dans ces conditions, les établissements ne peuvent faire l’économie, au profit d’un traitement automatisé, d’une appréciation personnelle des candidatures transmises.

Le recours, le cas échéant, à un outil d’aide à la décision, par les équipes pédagogiques est néanmoins possible afin de les assister dans le travail d’examen des candidatures mais il ne saurait pour autant exclure toute délibération des équipes pédagogiques. C’est d’ailleurs précisément l’objet du dernier alinéa du I de l’article L. 612-3 que de vouloir consacrer l’intervention systématique des équipes pédagogiques dans le traitement des candidatures des bacheliers tout en préservant le secret qui s’attache traditionnellement et nécessairement à leurs délibérations.

Par ailleurs, cette disposition se borne en effet à tirer les conséquences du principe général du secret des délibérations que le Conseil d’Etat a consacré dans sa décision du 17 février 2016. L’alinéa dont la suppression a été votée en commission des lois a donc pour objectif d’instaurer un équilibre entre l’existence d’une délibération des équipes pédagogiques qui ne se confond pas avec le recours à un traitement automatisé local et la protection du secret de leurs délibérations. Dans ces conditions, la suppression de cet alinéa est contraire à son intention puisqu’il supprime également la mention du rôle joué par les équipes pédagogiques.

Le principe du secret des délibérations, qui était jusqu’alors reconnu comme un principe général du droit par le Conseil d’Etat est désormais encadré par la loi au bénéfice de plus de transparence. La disposition visée rend  possible pour les candidats d’obtenir les documents ayant permis de justifier la décision de l’établissement à titre individuel. C’est un droit nouveau reconnu aux étudiants. La mention de ce droit sera indiquée sur la notification reçue sur la plateforme.

A contrario, imposer la publicité intégrale comme le souhaite la commission des lois du Sénat, c’est supprimer ce principe de protection des délibérations et par conséquent leur indépendance ce qui va dans un sens contraire aux objectifs de la réforme : lutter contre l’échec en licence par la mise à disposition d’un accompagnement pédagogique adapté au profil de chaque candidat.

Enfin, et en vue de se prémunir contre d’éventuelles dérives, la loi du 9 mars 2018 a institué un comité éthique et scientifique qui a vocation à prévenir ce type de risque et à garantir un traitement humain des dossiers et un haut niveau de protection des candidats.

Dans ces conditions et malgré la faculté ouverte par le présent projet de loi de prendre des décisions sur le fondement d’un traitement automatisé, il apparait que la procédure de traitement des dossiers des candidats pour l’accès aux formations dans le premier cycle ne saurait exclure toute intervention humaine et ouvrir ainsi la voie à la constitution d’un « nouvel APB ».

En outre, la suppression du dernier alinéa du I de l’article 612-3 du code de l’éducation fragiliserait le rôle de la délibération des équipes pédagogiques. Dès lors, la suppression de cet alinéa qui a été votée en commission des lois ne répond pas à l’objectif que leurs auteurs entendent poursuivre.

Pour ces raisons, le Gouvernement propose, par le présent amendement, le rétablissement de cette disposition tout en garantissant au Parlement de poursuivre ses travaux sur le sujet. Le comité éthique et scientifique, organe de suivi institué par la loi sera ainsi chargé d’expertiser la transparence de la nouvelle procédure nationale de préinscription dès après la clôture de la rentrée universitaire. Cette analyse permettra, le cas échéant, au Parlement de déterminer les évolutions ultérieures des garanties de transparence d’ores et déjà portées par le Gouvernement.