ART. 32N°209

ASSEMBLÉE NATIONALE
14 novembre 2018

LOI DE PROGRAMMATION 2019-2022 ET DE RÉFORME POUR LA JUSTICE - (N° 1396)

Commission
 
Gouvernement
 

Rejeté

AMENDEMENT N°209

présenté par

Mme Obono, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin et Mme Taurine

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ARTICLE 32

Supprimer cet article.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Par cet amendement de suppression ciblée, nous souhaitons prévenir la “banalisation de mesures dérogatoires”que prévoit cet article par l’extension du champ et de la durée des enquêtes de flagrance, la perquisition sans assentiment, la pénétration dans domicile de jour .

En effet, que ce projet de loi proposé par le Gouvernement prévoit, dans cet article :

- la prolongation de l’enquête de flagrance est étendue à tous les délits à partir de 3 ans d’emprisonnement encourus (contre 5 actuellement), sur autorisation du procureur de la République, de 8 à 16 jours ;

- la durée de l’enquête de flagrance est étendue à 16 jours (8 jours normalement depuis la loi du 23 juin 1999) pour la criminalité organisée ;

- l’ouverture de la possibilité lors de l’enquête préliminaire de pénétrer dans un domicile de jour pour interpeller une personne suspectée d’un crime ou d’un délit puni d’au moins 3 ans d’emprisonnement. (enquête préliminaire 78 CPP). (Existe déjà pour la flagrance art 70 CPP) ;

- l’élargissement du champ des perquisitions sans assentiment en enquête préliminaire pour les délits d’au moins 3 ans (contre 5 ans avant).

Au-delà du fait qu’il n’y a aucune justification suffisante dans l’étude d’impact produite par le Gouvernement, le Gouvernement banalise réellement ces mesures exceptionnelles. En effet, l’abaissement à 3 ans du seuil de perquisition sans assentiment et la pénétration dans domicile de jour constitue en effet quasiment un non seuil. Les infractions suivantes pourraient ainsi rentrer dans ce champ :

- le fait de diffuser un logiciel de téléchargement d’oeuvres protégées par le droit d’auteur (article L. 335‑2‑1 Code de la propriété intellectuelle) ;

- le vol simple (sans circonstance aggravante, article 311‑3 du code pénal) ;

- l’introduction de fusées et artifices dans un stade de football (article L. 332‑8 du code du sport).

En outre, l’enquête de flagrance consacre des pouvoirs exceptionnels, pour partie sans aucune intervention du procureur de la République, ce pour une durée qui est donc désormais doublée, et ce pour tous les délits punis d’une peine supérieure ou égale à trois ans d’emprisonnement.

Malgré le fait que le Sénat ait proposé des ajustements (refus de la création d’un nouveau régime ad hoc permettant aux agents des forces publiques de pénétrer au sein d’un domicile afin de faire exécuter un ordre de comparaître, modification de la procédure de demande d’annulation de l’acte de perquisition au juge des libertés et de la détention, prévoir la possibilité pour la personne faisant l’objet d’une perquisition d’être assistée de son avocat, encadrement de la perquisition sur tout navire ou engin flottant), cet article reste problématique. Le Gouvernement et la majorité LREM ont par ailleurs refusé ces ajustements en Commission des Lois.

En détail :

Il faut noter aussi le rajout, après l’avis du Conseil d’État, qu’en contrepartie de l’extension des possibilités de perquisition, l’article insère enfin dans le code de procédure pénale un article 802‑2 permettant aux personnes chez qui une perquisition a été réalisée et qui n’ont pas fait l’objet de poursuites dans les six mois suivant l’accomplissement de cet acte, d’en contester la régularité devant le juge des libertés et de la détention. Mais ceci n’est clairement pas suffisant eu égard au caractère liberticide des extensions de champ et de durée prévus par le Gouvernement.