ART. 3N°50

ASSEMBLÉE NATIONALE
24 janvier 2019

PRÉVENTION ET SANCTION DES VIOLENCES LORS DES MANIFESTATIONS - (N° 1600)

Commission
 
Gouvernement
 

Rejeté

AMENDEMENT N°50

présenté par

M. Bernalicis, Mme Autain, M. Coquerel, M. Corbière, Mme Fiat, M. Lachaud, M. Larive, M. Mélenchon, Mme Obono, Mme Panot, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, Mme Ressiguier, Mme Rubin, M. Ruffin et Mme Taurine

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ARTICLE 3

Supprimer cet article.

EXPOSÉ SOMMAIRE

Par cet amendement, nous refusons que le Gouvernement crée un fichage des personnes interdites de manifester par les préfets, en s’inspirant du fichier de lutte contre le hooliganisme (FNIS, fichier national des interdits de stade – déclarations d’Edouard PHILIPPE le 7 janvier 2019 https ://www.francetvinfo.fr/sports/foot/hooligans/c-est-l-inverse-de-la-justice-la-loi-dont-edouardphilippe-veut-s-inspirer-contre-les-casseurs-est-critiquee-par-les-supporters_3135047.html).

En effet, initialement le Gouvernement souhaitait autoriser les ministres de l’Intérieur et de la Justice à créer un fichier recensant les personnes faisant l’objet d’une interdiction de manifester sur la voie publique.

Désormais, après l’examen en Commission des Lois, il est question d’un fichage non plus de toutes les interdictions de manifester (administratives et judiciaires) mais seulement judiciaires, et non plus dans un fichier distinct, mais dans le FPR (Fichier des personnes recherchées).

Or, derrière l’argument de l’uniformisation territoriale (par exemple : un préfet de la Mayenne peut être informé qu’une personne allant manifester dans son territoire est sous le coup d’une interdiction dans un autre département - administrative ou judiciaire), les arguments ne tiennent pas :

- Le fichier des personnes recherchées recense les cas limités les plus graves : est-ce comparable d’être interdit de manifester avec le fait d’être une « personne recherchée en vue de l’exécution d’une décision de placement d’office en établissement psychiatrique ou évadée d’un tel établissement », « Les personnes considérées comme insoumises ou déserteurs en application des dispositions des articles 397 à 404 du code de justice militaire » ? (article 230‑19 du code de procédure pénale et article 2 du Décret du 28 mai 2010 relatif au FPR).

- dans le cadre d’une décision de justice (peine complémentaire d’interdiction de manifester dans certains lieux déterminés) ce serait présupposer que quelqu’un qui est interdit par le juge dans certains lieux de manifester doit l’être dans d’autres (incitant le préfet à de fait élargir le champ de condamnation initial du juge) ;

- si l’inscription de personnes condamnées de cette peine est effectuée dans le FPR (comme certaines autres, telles) alors pourquoi cibler ainsi spécifiquement ce type de condamnation pénales, pourquoi pas les milliers d’autres qui peuvent être prononcées ? Les interdits de manifestation seraient-ils ainsi d’une dangerosité supérieure à ceux ayant commis des actes de cruauté sur les animaux ?

En détail :

En ce qui concerne le FNIS et la lutte contre le hooliganisme, les interdictions administratives préfectorales ont toutefois été dénoncées, car selon l’ANS (Association nationale des supporteurs) lors d’un recours devant le juge 95 % étaient annulées (https ://www.lci.fr/social/gilets-jaunes-lutte-contre-casseurs-la-loi-anti-hooligans-qui-a-inspire-l-interdiction-de-manifester-est-elle-si-efficace-2109542.html).

De plus, selon O. LE BOT (professeur de droit public à l’université d’Aix-Marseille, https ://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/01/08/le-projet-de-loi-anti-casseurs-d-edouard-philippe-est-il-juridiquement-tenable_5406398_4355770.html), tenter de calquer le régime des interdictions de stade à une interdiction de manifester pose des difficultés constitutionnelles majeures. La création d’un fichier des interdictions de manifester, à l’instar de l’interdiction de stade 1) porte sur l’exercice d’un droit fondamental, la liberté de manifester, alors que le droit d’accéder à une enceinte sportive n’en est pas un, 2) d’autre part, ce droit de manifester s’exerce sur la voie publique et non pas dans un lieu fermé (le stade).