inondations dans l'Aude
Question de :
M. David Habib
Pyrénées-Atlantiques (3e circonscription) - Socialistes et apparentés
Question posée en séance, et publiée le 17 octobre 2018
INONDATIONS DANS L'AUDE
M. le président. La parole est à M. David Habib, pour le groupe Socialistes et apparentés.
M. David Habib. Monsieur le Président, je souhaite évoquer les inondations qui ont touché le département de l'Aude.
Avant de vous interroger à ce sujet, monsieur le Premier ministre, et avant de saluer votre déplacement d'hier dans ce département, je veux, avec l'ensemble des députés socialistes, m'associer au deuil des Audoises et des Audois, et souhaiter à chacun des habitants de ce département tous les courages pour surmonter cette épreuve. (Mmes et MM. les députés et les membres du Gouvernement se lèvent. Mmes et MM. les députés applaudissent longuement.)
On évoquera – et c'est légitime – les dérèglements climatiques ou même l'imperméabilisation des sols : je souhaite, pour ma part, faire d'autres constats.
Premièrement, en France, les services de secours fonctionnent remarquablement : saluons leur courage et leurs compétences. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Deuxièmement, la coordination, sous l'autorité des préfets, répond bien à l'urgence de ces situations.
Troisièmement, ce qui pose problème est d'abord l'anticipation et la prévision à court terme, mais aussi l'alerte. Nous avons, en matière climatique comme en matière de risques technologiques, un devoir de modernisation et de professionnalisation de notre dispositif d'alerte.
Quatrièmement, l'entretien des cours d'eau est une question importante : aujourd'hui, il est juridiquement et administrativement impossible d'intervenir sur les rivières, les fleuves et les gaves, par exemple pour évacuer les embâcles.
Nous devons, monsieur le Premier ministre, modifier notre arsenal législatif et réglementaire en la matière. (Applaudissements sur les bancs du groupe LR et sur quelques bancs du groupe UDI-Agir.)
Cinquièmement, la procédure de classement en catastrophe naturelle n'est plus adaptée. Je prends l'exemple de mon département : en Béarn, la commune de Gan a été inondée le 16 juillet 2018.
La commission interministérielle a donné un avis favorable le 11 septembre. Or, trois mois après les faits, l'arrêté n'a toujours pas été publié au Journal officiel, ce qui interdit aux victimes d'être indemnisées.
Hier, monsieur le Premier ministre, vous avez été interrogé par les élus et par les habitants de l'Aude, que je veux saluer. Quelles réponses comptez-vous leur donner ?
Au-delà, face à ce drame, mais en pensant également à celui des Antilles, pouvez-vous prendre l'engagement que toutes nos politiques sur ce sujet donneront lieu à une évaluation sans à priori ainsi que, si nécessaire, à une remise en cause, et ce dans les meilleurs délais ? (Applaudissements sur les bancs des groupes SOC et GDR.)
M. le président. La parole est à M. le Premier ministre.
M. Edouard Philippe, Premier ministre. Monsieur le député, vous l'avez dit, dans la nuit de dimanche à lundi, un événement d'une intensité littéralement jamais vue s'est déroulé dans le département de l'Aude : il a conduit à des dégâts matériels mais, surtout, à des décès, à un bilan dramatique et à un paysage dévasté. Il a plongé les habitants de l'Aude, et en particulier ceux des quelques communes qu'il m'a été permis de visiter, dans la consternation.
Je voudrais d'abord, comme vous, saluer la mémoire de ceux qui ont péri dans ce drame et faire part de notre soutien à leurs familles.
Comme j'ai eu l'occasion de le faire hier, et les élus se sont démenés pour partager cette parole, je voudrais également exprimer mon soutien à ceux qui, dans la nuit de dimanche à lundi, ont eu peur. Cette peur, souvent panique, a été celle qu'ils ont éprouvée lorsque, en pleine nuit, sans électricité, ils ont constaté que l'eau montait dans leur maison et qu'elle était susceptible de menacer leur vie. Cette peur, les habitants de l'Aude que j'ai rencontrés hier m'en ont fait part avec beaucoup de dignité. Elle était réelle. Nous l'entendons, la comprenons, et, avec les services de l'État – et au fond avec l'ensemble des ressources humaines dont nous disposons, quel que soit leur rattachement administratif – essayons d'y apporter des réponses et d'accompagner ceux qui l'ont ressentie.
Vous l'avez dit, monsieur le député, les secours ont été à la hauteur : ils avaient en effet été prépositionnés, car l'événement météorologique avait été anticipé, mais pas son intensité ni le déroulement chronologique de sa manifestation, qui l'ont rendu plus grave encore que ce qui avait été imaginé.
La vigilance orange avait en effet été déclarée, et les secours, comme je viens de le dire, prépositionnés. Dès le lundi matin, plus de 700 sapeurs-pompiers, militaires de la sécurité civile, gendarmes, policiers, agents des collectivités territoriales et de la préfecture se sont ainsi mobilisés.
Je ne veux pas oublier, bien entendu, les bénévoles ni le rôle joué par la Croix-Rouge ainsi que par d'autres bénévoles : tous se sont mobilisés pour apporter le secours et l'assistance nécessaires. Leur travail a été remarquable. Monsieur le député, vous l'avez dit et je vous en remercie : il n'a jamais été mis en cause. Au contraire, il a été salué par les élus comme par les populations concernées.
Face à ces drames, savoir que, dans le secours et dans l'assistance, la réponse publique est à la hauteur des enjeux est déjà une grande chose. (Applaudissements sur quelques bancs des groupes LaREM et MODEM.)
Vous avez également indiqué qu'il était nécessaire, monsieur le député – c'est une question sur laquelle il faudra bien entendu revenir –, d'avoir ce qu'on appelle parfois, en langage technique, un « retour d'expérience » : il faudra effectivement continuer à apprendre, de la même façon que la France avait appris des considérables inondations de 1999, qui avaient fait vingt-six morts dans l'Aude, et une trentaine au total. De très nombreuses décisions avaient été prises alors, qui s'étaient notamment traduites par des investissements de plusieurs dizaines de millions d'euros : près de 80 millions pour le premier plan d'adaptation, et quelque 30 millions pour le second.
Ces décisions avaient été suivies d'effet : je veux à cet égard saluer tous ceux qui, au cours des quinze dernières années, c'est-à-dire depuis 1999, y ont participé et les ont assumées, alors même qu'elles nécessitaient un engagement budgétaire et financier, et que – comme vous le savez, monsieur le député – elles suscitaient parfois des désagréments et des désaccords exprimés localement. Nous le savons tous, ici.
Vous nous demandez, monsieur le député, ce qui sera fait à l'issue de ce drame : nous allons évidemment faire en sorte, comme je l'ai indiqué à M. le ministre de l'action et des comptes publics, de mobiliser les fonds d'urgence qui peuvent l'être afin d'apporter un secours aux collectivités territoriales et aux personnes qui ont subi des dommages.
Vous avez évoqué les relations que nous avons avec la Fédération française des sociétés d'assurance : nous avons indiqué à ses représentants que nous comptions sur eux pour faire en sorte que, là encore, les indemnisations soient versées le plus rapidement possible.
Vous avez également évoqué la réflexion nécessaire sur l'avenir de cette procédure de catastrophe naturelle : je partage votre point de vue.
Vous avez en outre évoqué la question de la diffusion de l'information. Elle n'est pas facile, car, dans l'Aude, on sait bien que la vigilance orange intervient régulièrement, et que, à la longue, le niveau d'attention et de vigilance diminue : c'est humain, c'est un fait.
Il faut que nous adaptions nos procédures et que nous apprenions de ce qui s'est passé afin que, à la prochaine occurrence d'un tel phénomène – car, ne nous voilons pas la face, de tels phénomènes se répéteront –, nous soyons encore mieux préparés et que nous soyons alors en mesure de faire passer l'information de façon encore plus efficace. C'est difficile, en pleine nuit, mais c'est indispensable.
Monsieur le député, je vous remercie de votre question et redis toute mon admiration et tout mon soutien à tous ceux qui, hier, quel que soit leur statut, ont aidé nos compatriotes. (Applaudissements sur tous les bancs.)
Auteur : M. David Habib
Type de question : Question au Gouvernement
Rubrique : Catastrophes naturelles
Ministère interrogé : Premier ministre
Ministère répondant : Premier ministre
Date : La question a été posée au Gouvernement en séance, parue au Journal officiel du 17 octobre 2018