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N° 266 rectifié

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 10 octobre 2017.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2018 (n° 235)

TOME IV

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

PAYSAGES, EAU ET BIODIVERSITÉ

 

PAR M. Yannick HAURY

Député

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 Voir les numéros : 235, 273 (Tome III, annexe 16).


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

PREMIÈRE PARTIE : Paysages, eau et biodiversité

I. la politique du paysage, qui se trouve au croisement de nombreuses préoccupations en matière de développement durable, doit être valorisée

A. Les crédits affectés à la politique du paysage et à la politique des sites dans le PLF 2018

B. de très nombreux acteurs impliqués

II. Le défi de la création de lagence française pour la biodiversité a été relevé et lagence doit désormais bénéficier des moyens nécessaires à sa montée en puissance

A. La subvention pour charges de service public de lAFB ne sera plus inscrite sur le programme 113

B. Les moyens de lAFB vont permettre une prise en charge de lensemble de ses missions nouvelles

1. Les études scientifiques attestent dun recul sans précédent de la biodiversité

2. LAFB doit monter en puissance sur de nouvelles compétences

III. la politique en faveur du milieu marin voit ses crédits augmenter de 15 %

seconde PARTIE : Expertise, information géographique et météorologie

I. Le cerema

II. lIGN

III. Météo-France

EXAMEN EN COMMISSION

Liste des personnes auditionnÉes


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   introduction

Le présent rapport examine pour avis les crédits inscrits pour 2018 au programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » et au programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

Les crédits affectés à ces programmes permettent de mettre en œuvre des politiques publiques en lien étroit avec des enjeux essentiels pour nos sociétés. Les politiques du paysage, de l’eau et de la biodiversité sont en effet en prise directe avec les changements climatiques et le recul dramatique de la biodiversité.

Axées sur leur mise en œuvre opérationnelle, ces politiques ont un impact majeur sur de très nombreux acteurs territoriaux et sur nos concitoyens. En effet, ces derniers ont des attentes de plus en fortes. Les années récentes ont été marquées par une véritable prise de conscience et une progression très nette de ces préoccupations.

De nombreux opérateurs, dont les champs de compétence sont très variés, dépendent, pour le déploiement de leurs actions, de ces deux programmes.

La France est liée par ses engagements internationaux et européens, nombreux en ces matières ([1]). Elle s’est également récemment dotée d’un instrument juridique important avec la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages ([2]), qui a permis de grandes avancées, telles que la création de l’Agence française pour la biodiversité, opérationnelle dès janvier 2017. Ce nouvel établissement doit mettre en lumière et porter les défis de la reconquête de la biodiversité.

Le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » est doté de 148,6 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP).

136,2 millions d’euros sont inscrits à l’action 7 « gestion des milieux et biodiversité », qui constitue donc le cœur du programme 113. L’architecture du programme a nettement évolué par rapport à 2017 puisque, en application de l’article 54 – rattaché à la mission Écologie, développement et mobilité durables – du projet de loi de finances pour 2018, les subventions pour charges de service public de l’agence française pour la biodiversité (AFB), de l’office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) ainsi que des parcs nationaux seraient prises en charge par les agences de l’eau, qui finançaient jusqu’en 2016 l’Office national de l’eau et des milieux aquatiques (ONEMA), intégré depuis lors à l’AFB.

Ce programme, qui regroupe de grands opérateurs (20 au total), est mis en œuvre par plus de 3 500 personnels des services de l’État et plus de 5 300 agents des opérateurs. Il a un impact opérationnel particulièrement important.

L’articulation entre les politiques nationales et territoriales est essentielle pour la mise en œuvre du programme 113.

Votre rapporteur souhaite éclairer plus spécifiquement trois volets du programme 113 :

– la dynamique de la politique du paysage ;

– la création et le développement de l’Agence française pour la biodiversité ;

– le renforcement des moyens accordés à la mise en œuvre de la directive cadre « stratégie pour le milieu marin » (DCSMM).

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » est doté de 516,47 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 515,46 millions d’euros en crédits de paiement (CP) en 2018, contre 497,01 millions d’euros en AE et 497,09 millions d’euros en CP en loi de finances initiale 2017. Cette hausse des crédits s’explique par le rattachement au programme du financement du Commissariat général au développement durable (CGDD) et des crédits pour le financement de mesures en faveur de l’économie sociale et solidaire.

Ce programme comprend, comme en 2017, les subventions pour charges de service public de trois opérateurs : Météo-France, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA).

À titre liminaire, votre rapporteur souligne que ces opérateurs ont d’importantes difficultés à suivre le rythme de restructuration et de baisse des plafonds d’emplois qu’il leur est demandé de mettre en œuvre. Chacun des trois opérateurs fait face à des défis qui lui sont propres. L’attention de votre rapporteur a été appelée sur la nécessaire lisibilité à moyen terme des efforts demandés, pour pouvoir mener à bien leur politique d’investissement, et sur le fait qu’un décrochage trop rapide des plafonds d’emplois peut remettre en cause les missions mêmes des structures.

 


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   PREMIÈRE PARTIE :
Paysages, eau et biodiversité

Les politiques portées par le programme 113 sont nombreuses et englobent à la fois la politique du paysage, ainsi que celles de l’eau et de la biodiversité. La politique du paysage comprend les activités de connaissance, de protection et de gestion des paysages ainsi que des sites inscrits et classés. Elle n’est pas seulement axée sur la valorisation des paysages remarquables ou exceptionnels mais vise également les paysages dits « du quotidien ».

La politique de leau est notamment structurée par nos engagements européens avec la directive-cadre sur l’eau ([3]), qui trouve sa déclinaison concrète dans les schémas directeurs d’aménagement et de gestion des eaux (SDAGE 2016-2021 ([4]) applicables dans les six bassins hydrographiques métropolitains et cinq grands bassins outre-mer) ([5]). La qualité des eaux des bassins connaît une amélioration lente ([6]) et les SDAGE prévoient que les deux tiers des eaux devront atteindre un bon état écologique en 2021.

Les dépenses au titre de la politique de l’eau sur le programme 113 comportent celles afférentes à la police de leau et de la nature. Il convient à cet égard de relever que les risques de contentieux européens et de sanctions financières sont élevés dans le domaine de l’eau. En matière d’eaux résiduaires urbaines, deux contentieux ont été récemment classés mais un nouveau pré-contentieux s’est ouvert cet automne, au regard de la non-conformité de nombreuses stations d’épurations, selon la Commission européenne. Un contentieux est par ailleurs encore en voie de classement en matière d’application de la directive nitrates. La poursuite de la mise en conformité des systèmes d’assainissement demeure donc une priorité.

Les crédits financent également la mise en œuvre de plusieurs plans nationaux daction (plans « assainissement », « micropolluants et résidus de médicaments », « Ecophyto » ou programmes d’actions « nitrates »). Compte tenu des résultats décevants du plan Ecophyto I, le plan Ecophyto II, désormais co-piloté par les ministères en charge de l’agriculture et de l’environnement, a été organisé autour de plusieurs axes, parmi lesquels le maintien du cap d’une réduction de 50 % de l’utilisation des pesticides par rapport à 2008, selon une trajectoire en deux temps (- 25 % en 2020 et – 50 % en 2025), une attention portée à l’ensemble des impacts, une inscription au cœur du projet agro-écologique, une démarche territoriale et centrée sur l’entreprise. Les moyens du plan Ecophyto, tirés de la redevance pour pollutions diffuses perçue par les agences de l’eau et payée par les utilisateurs de pesticides (41 millions d’euros affectés à l’Agence française pour la biodiversité pour financer les actions du plan Ecophyto II) ont été renforcés à hauteur de 30 millions d’euros en 2016 pour financer les actions mises en œuvre par les agences de l’eau.

La politique de protection des captages deau potable relève également du programme 113 et a été renforcée à la suite de la conférence environnementale de 2016.

Les acteurs locaux (collectivités territoriales, comités de bassin et agences de l’eau) sont les principaux intervenants de la politique de l’eau. Votre rapporteur examinera notamment dans la suite de son rapport la portée des articles 19 et 54 du présent projet de loi de finances, qui soulèvent de réelles difficultés pour les agences de l’eau.

En ce qui concerne les collectivités territoriales, la création de la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations » (GEMAPI), désormais confiée aux communes et établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, vise en particulier à confier au niveau de maîtrise d’ouvrage pertinent les travaux de restauration des cours d’eau. Votre rapporteur souhaite toutefois attirer l’attention sur la difficulté que représente la prise en charge de la compétence relative à la prévention des inondations pour ces acteurs. Il relève également que très peu d’EPCI ont pris en charge cette compétence par anticipation, comme le permettait la loi. À ce stade, 171 EPCI à fiscalité propre sur environ 1 266 en France ont, selon les informations transmises à votre rapporteur, anticipé la mise en œuvre de cette compétence. Malgré les cellules d’appui mises en place auprès des préfets, le soutien des agences de l’eau et les stratégies d’organisation des compétences locales de l’eau, la mise en œuvre de ce transfert s’avère complexe au plan local.

La politique de gestion des milieux et de la biodiversité a connu de profondes évolutions avec l’adoption de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. La réforme de la gouvernance de la biodiversité, avec l’émergence d’un acteur central au plan national, le renforcement de l’ensemble des politiques pour la biodiversité, la nature et les paysages, la création de nouveaux outils innovants et la coordination de tous les acteurs impliqués constituent autant d’avancées très importantes.

Les engagements européens ([7]) et internationaux ainsi que la stratégie nationale pour la biodiversité, qui concrétise les objectifs français, notamment au titre de la Convention internationale sur la diversité biologique (CDB), constituent le socle de cette politique. Votre rapporteur souligne à cet égard que les associations de protection de l’environnement reçues au cours de ses travaux ont souligné la nécessité de redonner un élan à la stratégie nationale pour la biodiversité actuellement en vigueur, afin de mieux préparer la stratégie 2021-2030 et développer la mise en œuvre des stratégies régionales pour la biodiversité, qui ont été renforcées par l’article 8 de la loi pour la reconquête de la biodiversité.

Les mesures de protection des espèces animales recouvrent les plans nationaux d’action en faveur des espèces les plus menacées. Une soixantaine de plans nationaux d’actions ont été mis en œuvre en 2016 ([8]), dont une quinzaine uniquement outre-mer. La loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a prévu que l’État mette en œuvre, d’ici 2020, des plans nationaux d’actions en faveur des espèces endémiques de faune ou de flore sauvage particulièrement menacées ([9]). La protection des grands carnivores relève également pour partie du programme 113 (indemnisation). La lutte contre les espèces exotiques envahissantes, qui sont particulièrement néfastes en outre-mer, fait aussi partie des actions financées par le programme 113.

Les crédits du programme 113 financent le réseau des espaces protégés au plan réglementaire (parcs nationaux et réserves naturelles) ainsi que le soutien à la gestion durable des espaces naturels (parcs naturels régionaux, réseau Natura 2000, parcs naturels marins).

La politique de connaissance de la biodiversité constitue également un axe majeur, en partenariat avec de nombreux acteurs (Muséum national d’histoire naturelle, associations de protection de l’environnement, réseaux de naturalistes, collectivités territoriales, maîtres d’ouvrage). La loi pour la reconquête de la biodiversité a renforcé les dispositions relatives aux inventaires de la biodiversité.

Le tableau suivant présente les crédits affectés aux différentes actions du programme 113. Ces derniers évoluent fortement entre 2017 et 2018 puisque le programme perd près de 50 % de ses crédits, cette baisse s’expliquant par la suppression des subventions pour charges de service public (SCSP) des grands opérateurs, au profit d’un prélèvement nouveau institué sur les agences de l’eau (article 54 du présent projet de loi de finances, voir infra).

Évolution des crédits du programme n° 113 (2017-2018)
Comparaison des crédits ouverts en LFI 2017 et
des crédits demandés dans le PLF 2018

Actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2017/2018 (en %)

LFI 2017

PLF 2018

Évolution 2017/2018 (en %)

action n° 1 : Sites, paysages, publicité

6 968 325

6 767 226

-2,9 %

6 968 325

6 767 226

-2,9 %

action n° 2 : Logistique, formation, contentieux

5 631 514

5 631 514

-

5 631 514

5 631 514

-

action n° 7 : Gestion des milieux et biodiversité

268 294 965

136 195 542

-49,2

268 294 965

136 195 542

-49,2

TOTAL

280 894 804

148 594 282

-47,1

280 894 804

148 594 282

- 47,1

Source : PLF 2018

Le tableau suivant retrace l’évolution des crédits du programme 113 par sous-action depuis la loi de finances initiale pour 2016 et présente les évolutions dans le versement de la subvention pour charges de service public (SCSP) aux opérateurs ayant été fusionnés au sein de l’AFB, puis à l’AFB.

En 2016, chacun des quatre opérateurs fusionnés au sein de l’AFB avait perçu sa SCSP puis l’AFB nouvellement instituée a reçu une SCSP égale au montant cumulé de celles des quatre opérateurs. À compter de 2018, la SCSP n’est plus imputée sur le programme 113.

Le programme 113 ne versera donc plus de SCSP qu’à titre marginal ([10]).

Il convient de relever par ailleurs que le programme 113 voit certains de ses crédits augmenter à hauteur de 5 millions d’euros, qui seront répartis de la manière suivante :

– 2 millions d’euros pour la mise en œuvre prioritaire de la directive-cadre stratégie pour le milieu marin ;

– 0,5 million d’euros pour financer une dépense nouvelle liée au fonctionnement du barrage du Couesnon implanté dans la baie du Mont Saint Michel ;

– 2 millions d’euros pour Natura 2000 et l’animation dans le cadre de la mise en œuvre des documents d’objectifs (DOCOB) ;

– 0,5 million d’euros pour financer les travaux de connaissance assurés par le muséum national d’histoire naturelle.


Évolution des dotations du programme 113 entre 2016 et 2018

(en millions d’euros)

Actions

Sous-actions

LFI 2016*
(en M€)

LFI 2017*
(en M€)

PLF 2018

(en M€)

Évolution
2018-2017
 %

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 1 – Sites, paysages, publicité

Sites, paysages, publicité

6,98

6,98

6,97

6,97

6,77

6,77

-2,9 %

-2,9 %

Sous-total action 1

6,98

6,98

6,97

6,97

6,77

6,77

-2,9 %

-2,9 %

Action 2 – Logistique et contentieux

Fonctionnement courant et logistique

0,40

0,40

0,49

0,49

0,49

0,49

-

-

Contentieux de lingénierie, de leau et de la biodiversité

5,15

5,15

5,14

5,14

5,14

5,14

-

-

Sous-total action 2

5,55

5,55

5,63

5,63

5,63

5,63

-

-

Action 7 – Gestion des milieux et biodiversité

Milieux et espaces marins

14,19

14,24

15,80

15,88

18,18

18,25

+15 %

+15 %

Mesures territoriales dans le domaine de l’eau

13,54

13,50

13,55

13,51

13,49

13,45

-0,4%

-0,4%

TVB – Espaces protégés

41,11

40,23

40,86

39,99

40,45

39,58

-1 %

-1 %

Parcs nationaux

61,06

61,06

64,05

64,05

0

0

-100 %

-100 %

Natura 2000

30,66

31,57

31,01

31,92

33,01

33,92

+6,5 %

+6,2 %

Connaissance et préservation de la biodiversité

29,08

29,02

29,39

29,32

29,01

28,95

-1,3 %

-1.3 %

ONCFS

37,67

37,67

37,63

37,63

0

0

-100 %

-100 %

Autres opérateurs de l’eau et de la biodiversité

1,51

1,51

1,49

1,49

1,13

1,13

-24 %

-24 %

Agence française pour la biodiversité

Agence des aires marines protégées (AAMP) transférée à l’AFB au PLF 2017

23,09

23,09

0,00

0,00

-

-

Parcs nationaux de France intégrés à l’AFB au PLF 2017

4,80

4,80

0,00

0,00

-

-

GIP ATEN, MNHN intégrés à l’AFB au PLF 2017
Atelier technique des espaces naturels
Muséum national d’histoire naturelle

6,66

6,66

0,00

0,00

-

-

Agence française pour la biodiversité

0,00

0,00

34,50

34,50

0

0

-100 %

-100 %

Sous-total action 7

263,36108

263,36108

268,29496

268,29496

136,195542

136,195542

-49,2%

-49,2%

Total programme 113 – PEB

275,89580

275,89580

280,89480

280,89480

148,594282

148,594282

-47,1%

-47,1%

* y. c réserve parlementaire ; source : PLF 2018.


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I.   la politique du paysage, qui se trouve au croisement de nombreuses préoccupations en matière de développement durable, doit être valorisée

Votre rapporteur souhaite valoriser la politique du paysage. Les attentes de nos concitoyens sont en effet de plus en plus fortes sur ces questions.

Le paysage, étendue spatiale, naturelle ou transformée par l’homme, qui présente une certaine identité visuelle ou fonctionnelle, est un élément central de la qualité de vie de chacun. Il constitue un point clé de son attractivité et de l’attachement à un territoire. Son évolution doit pouvoir être réfléchie et concertée.

L’article L. 110-1 du code de l’environnement pose le principe que les paysages diurnes et nocturnes font partie du patrimoine commun de la Nation. Ils constituent un patrimoine à la fois culturel et naturel vivant, en constante évolution.

La convention européenne du paysage du Conseil de l’Europe, signée à Florence en 2000 définit le paysage comme « une partie de territoire telle que perçue par les populations, dont le caractère résulte de laction de facteurs naturels et/ou humains et de leurs interrelations ».

De nombreux textes européens et internationaux portent une attention spécifique aux domaines de la protection et de la gestion du patrimoine naturel et culturel, de l’aménagement du territoire, de l’autonomie locale et de la coopération transfrontalière ([11]).

La protection et la valorisation du paysage sont au cœur des réflexions des sites remarquables (sites inscrits ou classés, opérations grands sites), des espaces naturels protégés (parcs naturels nationaux ou régionaux par exemple) mais aussi des espaces plus ordinaires ayant connu ou risquant de connaître une dégradation, tels que les entrées de ville, les centres-bourgs dévitalisés et les zones d’activité commerciale.

La protection du paysage peut également ressurgir à l’occasion de projets d’aménagement au cours desquels les populations peuvent mieux appréhender l’importance de ce qui se trouve tous les jours sous leurs yeux (projets éoliens par exemple).

Les paysages d’exception recèlent une forte partie de l’identité des territoires et des populations et ces dernières y sont d’autant plus attachées qu’ils sont valorisés. Ainsi, les opérations grands sites de France et le label grand site de France sont toujours des démarches d’origine territoriale.

Il apparaît à votre rapporteur qu’une dynamique émerge, qui devrait être encouragée.

Il convient en effet de mieux préserver la valeur des paysages, de les placer au cœur des décisions d’aménagement et de bien en réguler les usages.

A.   Les crédits affectés à la politique du paysage et à la politique des sites dans le PLF 2018

La politique du paysage comprend trois axes principaux : développer la connaissance des paysages ; formuler des « objectifs de qualité paysagère » ; promouvoir une culture du paysage et valoriser les compétences.

Les crédits affectés à cette politique représentent en 2018 un montant de 3,16 millions d’euros en AE et en CP, dont des transferts aux collectivités de 1,15 million d’euros. La politique du paysage comprend à la fois des outils de connaissance et des outils de projet à l’intention des porteurs de projets.

Le plan d’action paysage initié en 2014 développe des outils méthodologiques pour une meilleure prise en compte des paysages, met en valeur certaines actions, valorise les plans de paysage ([12]) (outils permettant d’appréhender l’évolution des paysages de manière prospective sur un territoire et d’en orienter l’évolution, au nombre de 51 actuellement) et développe la connaissance du paysage. Il prévoit la généralisation des plans de paysage. En 2018, l’appel à projet auprès des collectivités représentera 0,45 million d’euros en crédits en AE et en CP.

Le programme 113 permet l’organisation des journées annuelles du paysage et contribue aux ateliers des territoires sur le paysage. 66 atlas du paysage ont été écrits, couvrant 85 départements ([13]). Un grand prix bisannuel du paysage permet de mettre en valeur des exemples remarquables.

Des chantiers innovants de restauration de paysages urbains dégradés ont été soutenus.

La diffusion d’une culture du paysage représente 0,64 million d’euros de crédits et fait l’objet d’une attention spécifique, ce dont il convient de se féliciter. Elle se traduit par le déploiement d’un réseau métier « paysage », s’appuyant sur des formations des agents de l’État et les missions des paysagistes-conseils de l’État, l’appui à l’instauration du titre de paysagiste-concepteur, en application de l’article 174 de la loi du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, le soutien aux écoles de paysage (0,45 million d’euros) et aux associations qui accompagnent les actions de l’État.

Il convient de rappeler que la loi pour la reconquête de la biodiversité précitée prévoit également, au sein du titre VII consacré au paysage, une réforme de la procédure d’inscription des monuments naturels et des sites sur les listes départementales, une simplification de la procédure de classement, un régime de protection des allées et alignements d’arbres, ainsi que la création d’une mission paysagère attribuée aux conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement.

Des réseaux régionaux du paysage se renforcent depuis 2015 autour de la région, qui constitue un acteur clé avec l’élaboration, avant juillet 2019, des schémas régionaux d’aménagement, de développement durable et d’égalité des territoires (SRADDET), au sein desquels il conviendra de porter une attention spécifique aux paysages.

La politique des sites, dotée pour 2018 de 3,42 millions d’euros sur le budget du programme 113, comporte également une composante paysagère très importante.

Mise en œuvre dès 1906, elle comprend trois volets : la préservation par la procédure d’inscription ou de classement ; la valorisation et la gestion au plan national ou international avec notamment les opérations grands sites ; l’inscription sur la liste du patrimoine mondial. Comme pour les monuments historiques, l’inscription d’un site consiste en une surveillance plus légère que le classement. L’inscription permet de surveiller l’évolution des ensembles bâtis sur le site.

2 701 sites sont classés, couvrant 1,03 million d’hectares (soit 1,6 % du territoire). L’inscription concerne, quant à elle, 4 500 sites sur 1,6 million d’hectares. Ce sont donc au total 2,5 % du territoire qui sont protégés, pour un budget de 1,74 million d’euros sur le programme.

L’article 168 de la loi pour la reconquête de la biodiversité a prévu de distinguer, dans un délai de 10 ans (1er janvier 2026) tous les sites inscrits ayant vocation à être classés. Les classements doivent être effectués dans ce délai de dix ans.

Les sites qui ne seront pas classés avant cette date feront l’objet soit d’un décret mettant fin à leur inscription (état de dégradation irréversible ou couverture par une autre mesure de protection, de niveau au moins équivalent), soit d’un maintien en tant que site inscrit.

Les sites protégés sont les plus beaux du patrimoine paysager français et les plus visités, tout en étant le siège d’activités traditionnelles qui concourent au développement du territoire. Parmi ces sites, certains entrent dans le cadre d’une « Opération grands sites ». Un grand site est défini comme un territoire remarquable pour ses qualités paysagères, naturelles et culturelles, dont une partie significative du territoire est classée, et qui accueille un large public. L’exigence liée au classement diffuse alors sur l’ensemble du grand site et oriente sa gestion.

Ces opérations, toujours initiées par le territoire concerné, connaissent un succès grandissant avec 55 opérations à ce jour, dont 17 ont reçu le label « grand site de France » pour l’excellence de leur gestion en matière de développement durable. Cinq nouvelles opérations ont été lancées pour la seule année 2017. En 2018, l’enveloppe affectée à ces actions représente 1,56 million d’euros.

Le paysage est également au cœur de la démarche de classement au patrimoine mondial. En France, 42 biens sont inscrits, dont 3 naturels (le Golfe de Porto, les Lagons de Nouvelle-Calédonie, les Pitons cirques et remparts de l’Île de la Réunion) et 1 mixte (Pyrénées – Mont Perdu). Six de ces biens sont des paysages culturels, dont les Causses et les Cévennes, inscrits en 2011, et le Bassin minier du Nord-Pas-de-Calais, inscrit en 2012. La dotation affectée à cette action s’élève à 0,18 million d’euros.

B.   de très nombreux acteurs impliqués

Plusieurs acteurs auditionnés par votre rapporteur ont pu rappeler leurs actions en matière de valorisation des paysages.

Ainsi votre rapporteur tient-il à souligner le rôle du Conservatoire du littoral, en partenariat avec les collectivités territoriales auxquelles est confiée la gestion des sites que le Conservatoire acquiert.

Comme le souligne sa stratégie d’intervention 2015-2050, la préservation des paysages constitue un élément central de la mission du Conservatoire. Les paysages sont au cœur du patrimoine culturel et naturel, s’agissant notamment des sites classés. D’une manière générale, la valeur paysagère d’un bien est déterminante dans les choix d’acquisition du Conservatoire. Ce dernier peut détruire les bâtiments disgracieux et sans usage et s’assure de l’intégration des sites dans des environnements urbains sous contrainte.

En matière d’aménagement, le Conservatoire veille à ce que la dimension paysagère figure en bonne place des préoccupations des projets.

Le Conservatoire évalue la qualité paysagère en tenant notamment compte des effets du changement climatique. Avec le développement des phénomènes d’érosion et de submersion côtières, il développe des politiques d’adaptation au changement climatique ainsi que des politiques d’aménagement visant à freiner les effets du changement climatique. Ainsi, la régénération de dunes, au gré du recul du trait de côte et sans nécessairement créer d’ouvrages de protection coûteux, permet de préserver une barrière naturelle face aux submersions marines. L’ouverture de polders, qui consiste à rendre à la mer ce qui avait été gagné par endiguement, peut permettre de recréer un espace tampon où la houle est atténuée et qui a donc une fonction protectrice. La mobilité des espaces naturels doit être encouragée et leur permettre d’assurer leur fonction protectrice.

Les forêts publiques appartenant à l’État et aux collectivités territoriales sont gérées par l’Office national des forêts (11 millions d’hectares), établissement public à caractère industriel et commercial placé sous la double tutelle des ministres en charge de l’agriculture et de l’environnement. La forêt, principal puits de carbone avec les océans, est au cœur des problématiques de biodiversité, de lutte contre le changement climatique et d’adaptation à ses conséquences. La gestion durable des forêts constitue la mission première de l’ONF. De nombreuses actions de connaissance et de soutien à la biodiversité, de maintien d’un équilibre forêt-gibier ([14]), de protection de la qualité des sols, d’adaptation et de lutte contre le changement climatique sont menées par l’établissement. L’entretien des paysages forestiers et leur adaptation au changement climatique peut passer notamment par l’observation de forêts faisant office de sentinelles et par la migration d’essences. Les enjeux paysagers sont également pris en compte dans les choix de coupe et des efforts de pédagogie sont faits pour présenter l’intérêt des coupes.

Les programmes internationaux de gouvernance des forêts permettent, compte tenu des enjeux mondiaux communs, d’aider les pays les plus en difficulté, de développer l’expertise et de diffuser les bonnes pratiques dans de nombreux pays étrangers.

Les exploitants agricoles sont également au cœur des enjeux de la gestion des paysages. Leur rôle est en effet central dans plusieurs paysages très spécifiques (bocages avec le maintien des haies, prairies, zones de montagne avec le pastoralisme ou zone littorale). La déprise agricole et l’enfrichement qui peut en résulter sont également une préoccupation importante. Votre rapporteur souligne notamment le rôle de l’agroforesterie dans la préservation des paysages et de la biodiversité et son intérêt dans la valorisation de la biomasse.

II.   Le défi de la création de l’agence française pour la biodiversité a été relevé et l’agence doit désormais bénéficier des moyens nécessaires à sa montée en puissance

Dès sa création, en 2017 (l’agence a été opérationnelle en janvier 2017), l’AFB a regroupé en son sein quatre opérateurs existants : Agence des aires marines protégées, Atelier technique des espaces naturels (ATEN), établissement public Parcs nationaux de France, Office national de l’eau et des milieux aquatiques. Elle a été dotée, sur le programme 113, de 34,5 millions d’euros au titre de sa subvention pour charges de service public, sur un budget total de 220,5 millions d’euros. Les autres ressources de l’AFB étaient constituées de ressources d’origine fiscale : 145 millions d’euros de contribution des agences de l’eau – ex-contribution ONEMA – et 41 millions d’euros reversés par les agences de l’eau au titre du plan Ecophyto.

A.   La subvention pour charges de service public de l’AFB ne sera plus inscrite sur le programme 113

Pour l’année 2018, la structure du budget est profondément modifiée. En effet, le Gouvernement a choisi de faire financer par les agences de l’eau (et donc in fine par la fiscalité de l’eau) les subventions pour charges de service public versées :

– à l’AFB pour un montant de 34,5 millions d’euros ;

– à l’ONCFS pour un montant de 37,6 millions d’euros ;

– aux parcs nationaux pour un montant de 64,05 millions d’euros. Cette dernière subvention serait versée à l’AFB, qui sera chargée de la reverser aux parcs, qui sont rattachés à l’agence, selon une clé de répartition qui sera fixée par un arrêté du ministre de la transition écologique et solidaire, qui exerce la tutelle des parcs nationaux.

Ces nouveaux modes de financement sont fixés par l’article 54 du présent projet de loi de finances, rattaché à la mission Écologie, développement et mobilité durables. L’article 54 ne fixe cependant pas un montant déterminé mais seulement une fourchette. Ainsi, les contributions des agences de l’eau à l’AFB et à l’ONCFS représenteraient un total compris entre 270 et 297 millions d’euros, à comparer à la contribution versée en 2017 par les agences de l’eau à l’AFB à hauteur de 145 millions d’euros.

Cette débudgétisation, organisée par l’article 54 du présent projet de loi de finances, peut poser une question dans son principe. En effet, si l’AFB a bien intégré l’ONEMA ([15]) qui était auparavant financée par les agences de l’eau selon ce même circuit, l’AFB a également intégré d’autres établissements et son champ d’action est désormais bien plus vaste que celui de l’ONEMA. Il ne va pas non plus nécessairement de soi de débudgétiser le versement d’une SCSP d’une agence. Plusieurs acteurs auditionnés par votre rapporteur ont également relevé que le circuit retenu faisait peser le financement de la SCSP de l’ONCFS sur la fiscalité de l’eau.

Les agences de l’eau assurent la perception de sept redevances auprès de personnes publiques et privées pour le financement de projets, essentiellement selon le principe du « pollueur payeur ».

Les recettes des agences de l’eau estimées pour 2017 s’élèvent à 2,28 milliards d’euros. L’article 19 du présent projet de la loi de finances a prévu d’abaisser le plafond de recettes perçues par les agences de l’eau (de 2,3 milliards à 2,105 milliards d’euros), dans le cadre d’un objectif de baisse des prélèvements, les sommes excédant ce plafond étant reversées au budget général.

Les agences de l’eau contribuent au budget général de l’État depuis 2014, à hauteur d’un prélèvement 210 millions d’euros en 2014 puis de 175 millions d’euros par an de 2015 à 2017.

La combinaison des articles 19 (écrêtement des recettes des agences de l’eau en 2018) et 54 du projet de loi de finances pour 2018 contribue à diminuer les ressources des agences dans des proportions que votre rapporteur juge excessives. La baisse de ressources disponibles atteindrait en effet en 2018 un montant de l’ordre de 125 à 152 millions d’euros par rapport à 2017 (de 6,5 % à 7,8 % des ressources disponibles en 2017).

Or, les agences de l’eau fonctionnent selon des cycles d’investissement programmés sur six années. Les Xes programmes d’investissement des agences de l’eau (2013-2018) produisent leur plein effet en fin de programmation et les engagements de financement ont d’ores et déjà été pris. Les XIes programmes sont en cours d’élaboration et nécessitent une bonne visibilité quant aux capacités d’investissement.

Il convient en outre de souligner que la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016 a étendu la compétence des agences de l’eau à la biodiversité terrestre et marine en en faisant des partenaires très importants. Il paraît donc difficile de déstabiliser les recettes de ces opérateurs, alors même que la nécessité de leur engagement en faveur de missions élargies a fait l’objet de nombreux débats.

Votre rapporteur a ainsi déposé, ainsi que plusieurs de ses collègues et la présidente de votre commission, Barbara Pompili, un amendement à l’article 19 afin de supprimer l’écrêtement des recettes prévu par l’alinéa 6 de l’article 19.

Les débats ont conduit le Gouvernement à proposer une solution d’attente. Le plafonnement des recettes a été fixé à 2,8 milliards d’euros pour 2018 puis à 2,105 milliards d’euros à compter de 2019 et, pour l’année 2018, un prélèvement de 200 millions d’euros a été opéré sur les ressources accumulées des agences.

B.   Les moyens de l’AFB vont permettre une prise en charge de l’ensemble de ses missions nouvelles

1.   Les études scientifiques attestent d’un recul sans précédent de la biodiversité

Votre rapporteur se félicite de la création de l’AFB, qui trouve notamment son origine dans la nécessité de disposer, pour la mise en œuvre de politiques cruciales pour notre avenir et la survie des espèces, d’un acteur puissant, immédiatement identifiable et capable de mettre en lumière des problématiques qui pouvaient auparavant être passées sous silence ou marginalisées face à d’autres enjeux.

Or, il est certain aujourd’hui que l’érosion de la biodiversité connaît une accélération sans précédent. Après le dernier rapport Planète vivante, publié en octobre 2016 par le Fonds mondial pour la nature (WWF), qui estime que les populations mondiales de poissons, d’oiseaux, de mammifères, d’amphibiens et de reptiles ont chuté de 58 % entre 1970 et 2012 (3 700 espèces étudiées), en 2017, de nombreuses études ont confirmé le rythme catastrophique de la disparition des espèces. Ainsi :

– une étude publiée le 10 juillet dernier dans la revue Proceedings of the National Academy of Sciences (PNAS) ([16]), menée par des chercheurs américains et mexicains sur plus de 27 000 espèces, conclut que les espèces de vertébrés reculent de manière massive sur Terre, à la fois en nombre d’animaux et en étendue de territoire. La disparition des populations précède la disparition des espèces, qui ne doit donc pas constituer notre seul indicateur.

32 % des espèces étudiées déclinent en termes de population et d’étendue. Plusieurs espèces de mammifères sont maintenant en voie de disparition alors qu’elles ne suscitaient pas d’inquiétudes il y a une ou deux décennies. Non seulement des espèces emblématiques connaissent un recul majeur ([17]), mais 30 % des espèces en déclin sont considérées comme communes.

En France, le chardonneret a vu ses populations baisser de 40 % en dix ans. L’indicateur de performance du programme 113 relatif à la préservation de la biodiversité ordinaire et intitulé « Évolution de l’abondance des oiseaux communs, catégorie des oiseaux inféodés à certains milieux » est passé de 76 % en 2014 à 70 % en 2017, pour un objectif de 77 %. Or, l’abondance des oiseaux communs est un indice agrégé qui reflète l’évolution globale des espèces et des milieux car les oiseaux sont le plus souvent au sommet de la chaîne alimentaire ;

– une étude publiée le 18 octobre dernier par la revue PLoS one ([18])  analyse les données de capture d’insectes depuis 1989 en Allemagne. Le déclin des populations d’insectes atteint 76 %, et 82 % en été, en seulement 27 ans, au sein de 63 aires protégées allemandes réparties sur tout le territoire, majoritairement de moyenne surface et entourées d’espaces agricoles. Le recours accru aux pesticides sur la période apparaît comme un facteur déterminant de ce déclin qui va au-delà de toutes estimations attendues.

Or, il faut rappeler que des écosystèmes entiers reposent sur les populations d’insectes. En France, l’impact sur les populations d’oiseaux est constaté de longue date.

Il convient de souligner qu’une extinction de masse est caractérisée par une période de disparition « rapide » et massive d’espèces, à l’échelle des temps géologiques, c’est-à-dire sur une période de 500 000 à quelques millions d’années au maximum. Dans le cas présent, l’extinction se constate en quelques dizaines d’années. Selon nombre de scientifiques, nous sommes entrés dans la sixième extinction de masse des espèces.

2.   L’AFB doit monter en puissance sur de nouvelles compétences

L’AFB est la première agence créée qui ait pour vocation la protection et la reconquête de la biodiversité. Comme le soulignait M. Philippe Martin, président du conseil d’administration, auditionné par votre commission le 1er février 2017, l’AFB « nest pas en elle-même un aboutissement, mais le début dune tâche à la fois immense et exaltante. Cest la première fois quil y aura, dans le monde, une agence nationale soccupant exclusivement de la biodiversité. Elle sera ce que la loi a voulu, mais aussi ce que nous en ferons. Elle contribuera, après lAccord de Paris et la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, à faire de la France un pays dexcellence environnementale. Elle permettra de mieux installer dans le paysage des acteurs qui œuvrent inlassablement, et parfois depuis longtemps, à la préservation et à la connaissance de la biodiversité. »

L’AFB ne résulte pas de la simple fusion de quatre organismes (Agence des aires marines protégées, Atelier technique des espaces naturels (ATEN), établissement public Parcs nationaux de France, Office national de l’eau et des milieux aquatiques). Elle constitue également une entité nouvelle porteuse d’une vision et de missions propres dont certaines sont inédites.

Votre rapporteur souligne notamment le dispositif d’accès aux ressources génétiques et connaissances traditionnelles associées et au partage des avantages découlant de leur utilisation, pour lequel l’agence a un rôle d’accompagnement et de suivi ([19]). L’AFB contribue à la lutte contre la bio piraterie. Elle assure aussi l’évaluation de l’impact du changement climatique sur la biodiversité et le suivi des actions françaises dans ce domaine dans le cadre de l’agenda des solutions de la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques.

Doivent également être rappelées les conventions passées avec les agences régionales de la biodiversité, qui sont de nouvelles entités, la mise en œuvre de nouveaux dispositifs de compensation écologique des atteintes à la biodiversité, dont l’AFB est chargée du suivi, les nouvelles unités de travail commune avec l’ONCFS pour l’exercice des missions de police administrative et de police judiciaire relatives à l’eau et à l’environnement, même si celles-ci apparaissent à ce stade difficiles à mettre en œuvre.

L’AFB doit également soutenir la réalisation des inventaires locaux ou territoriaux ou d’atlas de la biodiversité, mettre en œuvre des actions de sensibilisation pour mobiliser la société et lancer de nouveaux appels à projet. Elle doit développer des systèmes d’information sur les milieux terrestres et marins.

Ce sont autant de missions nouvelles qui nécessiteront des crédits et ne pourront toutes se faire à moyens constants. Il est par ailleurs généralement admis que les opérations de fusion ne permettent de dégager des marges de manœuvre qu’à moyen terme. À court terme, elles constituent en elles-mêmes plutôt une charge supplémentaire, notamment pour les services de support.

Le plafond des « équivalents temps plein annuel travaillé » (ETPT) sera à cet égard important. Pour mémoire, l’AFB a bénéficié en 2017 de 45 ETPT supplémentaires et demeure préservée pour l’année 2018, ce dont il faut se féliciter. Il convient également de mentionner la régularisation, en cours d’achèvement en cette fin d’année 2017, de 85 ETPT hors plafond qui passeront sous plafond et bénéficieront du quasi-statut, venus principalement d’équipes du Muséum national d’histoire naturelle. Au total, à la fin de l’année 2017, le plafond des ETPT de l’agence s’élève à 1 227, pour une masse salariale s’établissant à 81,4 millions d’euros.

III.   la politique en faveur du milieu marin voit ses crédits augmenter de 15 %

La politique en faveur des milieux marins gagne en importance depuis une quinzaine d’années mais le retard pris demeure important. La hausse de 15 % des crédits disponibles en 2018 par rapport à 2017 fait suite à une hausse de 11 % en loi de finances initiale pour 2017 par rapport à 2016. Elle traduit l’accélération de cette politique sur les années récentes. Un changement d’échelle de la politique doit se poursuivre pour atteindre le bon état écologique du milieu marin en 2020. Le coût total de la mise en œuvre des plans d’action pour le milieu marin est estimé à 61 millions d’euros pour 2017 (dont 8,5 millions sur le programme 113) mais il devrait atteindre 86 millions d’euros en 2020 ([20]).

Les engagements pris aux niveaux international, avec en premier lieu l’Accord de Paris, et européen ([21]) structurent la politique en faveur du littoral et des milieux marins. La directive-cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM), en lien avec la directive-cadre sur l’eau et les directives habitats-faune, flore et oiseaux doit voir sa mise en œuvre accélérée.

Au plan national, la conférence environnementale de 2013 avec la table ronde « Biodiversité marine, mers et océans », le plan d’action en faveur des milieux marins, la stratégie nationale pour la mer et le littoral et la récente loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages constituent des outils majeurs.

La DCSMM fixe notamment l’objectif d’atteindre ou de maintenir le bon état écologique des eaux marines au plus tard en 2020 et adopte une approche écosystémique du milieu marin (diversité biologique conservée et interactions correctes entre les espèces et leurs habitats, océans dynamiques et productifs). Elle a également pour but de permettre le maintien de l’exercice des usages du milieu marin pour les générations futures. La directive-cadre est le pilier environnemental de la politique maritime intégrée européenne.

Elle comporte un programme de surveillance (200 dispositifs de suivi couvrant treize thématiques) et des programmes de mesures.

Dans sa communication du 20 février 2014 ([22]) établissant un bilan de la première phase de mise en œuvre de la directive, la Commission européenne a souligné que celle-ci n’était pas pleinement satisfaisante. Beaucoup restait à accomplir.

En France, pour le deuxième cycle de mise en œuvre, les programmes de surveillance ont été approuvés en 2015 puis les programmes de mesures en 2016. Ils seront ensuite révisés mi-2020 et fin 2021. La DCSMM est applicable aux eaux métropolitaines, divisées en quatre sous-régions marines : Manche-mer du Nord, Mers celtiques, Golfe de Gascogne, Méditerranée occidentale.

Pour chaque sous-région marine doit être élaboré un plan d’action pour le milieu marin (PAMM), révisable tous les six ans, qui comporte : une évaluation initiale des eaux marines, la définition du bon état écologique de ces eaux, la définition d’objectifs environnementaux et d’indicateurs pour atteindre le bon état écologique, un programme de surveillance et un programme de mesures qui permette d’atteindre les objectifs. Les PAMM ont été intégrés dans les documents stratégiques de façade ([23]).

Ces programmes se composent de mesures nouvelles (29 mesures nationales et 36 mesures locales) portant sur l’ensemble des thèmes liés à l’environnement marin. Cette politique doit désormais monter en puissance.

Il convient de rappeler que la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages a prévu plusieurs mesures en faveur de la préservation des milieux marins avec, notamment : la création de nouvelles « zones de conservation halieutique » pour protéger et gérer durablement des zones fonctionnelles pour les espèces commerciales, l’obligation d’autorisation pour les activités de recherche, d’exploration, d’exploitation des ressources naturelles ou d’utilisation du milieu marin sur le plateau continental, la mise en place de dispositifs « anti-collision » sur les navires battant pavillon français dans les sanctuaires marins (sanctuaires Pelagos et Agoa), ainsi que l’interdiction des cotons-tiges en plastique et des microbilles de plastique dans les cosmétiques afin de réduire les déchets plastiques en mer.

Le Livre Bleu, faisant suite au Grenelle de la Mer de juillet 2009, fixait un objectif d’aires marines protégées représentant 20 % de la zone économique exclusive de la France en 2020. Cet objectif a été atteint fin 2016 avec l’extension de la réserve naturelle nationale des Terres australes françaises (611 064 km² en surfaces marines) ainsi que la création d’un arrêté de protection de biotope dans les eaux territoriales de l’île de Clipperton (1 811 km²). Dans le cadre de la stratégie nationale de création et de gestion d’aires marines protégées, plusieurs statuts et objectifs de conservation spécifiques existent, parmi lesquels les neuf parcs naturels marins, les réserves naturelles et les parcs nationaux. Il convient désormais de déployer effectivement les aires récemment créées, de finaliser l’extension de la réserve des terres australes françaises et de lancer concrètement la création des zones de conservation halieutique.

Lors du congrès mondial de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) en 2016, la France a soutenu la définition d’un objectif international de 30 % de couverture des eaux sous juridiction des États par un haut niveau de protection d’ici 2030.

Le projet d’une nouvelle aire marine protégée des Marquises (estimation de 720 000 km²), dont la création relève du gouvernement de la Polynésie française, doit être mentionné ([24]).

En ce qui concerne la protection des mangroves et des récifs coralliens, votre rapporteur souhaite également attirer l’attention sur la nécessaire mise en œuvre des engagements pris dans le cadre de la COP 21 et des mesures prévues par l’article 113 de la loi pour la reconquête de la biodiversité, en application duquel l’État doit engager « un programme dactions territorialisé de protection de 55 000 hectares de mangroves dici à 2020 et élaborer, dans le cadre de linitiative française pour les récifs coralliens et sur la base dun bilan de létat de santé des récifs coralliens et des écosystèmes associés réalisé tous les cinq ans, un plan daction contribuant à protéger 75 % des récifs coralliens dans les outre-mer français dici à 2021 ». Ces échéances prochaines appellent dès à présent des actions de protection résolues.

 


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   seconde PARTIE :
Expertise, information géographique et météorologie

Le programme 159 « expertise, information géographique et météorologie » connaît en 2018 une nouvelle évolution de son périmètre.

En effet, il regroupe depuis 2017 les subventions pour charges de service public des opérateurs suivants :

– le Centre d’études et d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) ;

– l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) ;

– Météo-France.

En 2018, il comprendra également :

– les moyens du commissariat général au développement durable (CGDD), qui étaient inscrits sur le programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables » : 14,66 millions d’euros en AE et CP ;

– les crédits, issus du programme 134 « Développement des entreprises et du tourisme », qui seront affectés au financement des actions prioritaires décidées par le Gouvernement pour le développement de l’économie sociale et solidaire : 6,65 millions d’euros en AE et 5,64 millions d’euros en CP ;

– le financement des dispositifs locaux d’accompagnement (DLA), transféré du programme 103 « Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi » : 8,6 millions d’euros en AE et en CP.

Le programme est donc doté au total de 516,47 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 515,46 millions d’euros en crédits de paiement (CP) en 2018 (contre 497,01 millions d’euros en AE et 497,09 millions d’euros en CP en loi de finances initiale pour 2017).

I.   Le cerema

Le CEREMA est un établissement public à caractère administratif. Créé le 1er janvier 2014, il est placé sous la tutelle du ministre de la transition écologique et solidaire.

Il constitue le centre de ressources et d’expertise scientifique et technique interdisciplinaire. Il participe à l’élaboration, à la mise en œuvre et à l’évaluation des politiques publiques du ministère. Ses missions sont, en application notamment du contrat d’objectifs et de performance 2015-2020, de promouvoir les modes de gestion des territoires qui intègrent les facteurs environnementaux, économiques et sociaux, d’accompagner les acteurs publics et privés dans la transition vers une économie sobre en ressources et décarbonée, respectueuse de l’environnement et équitable, et d’apporter à l’État et aux acteurs territoriaux un appui d’ingénierie et d’expertise sur les projets d’aménagement nécessitant une approche pluridisciplinaire.

Les préoccupations relatives au développement durable (transition énergétique et changement climatique) sont appelées à prendre une importance croissante et le CEREMA constitue un acteur de référence à cet égard.

Il doit assister l’État et les collectivités dans la gestion de leur patrimoine d’infrastructures de transport et leur patrimoine bâti et renforcer leur capacité à faire face aux risques.

La subvention pour charges de service public du CEREMA diminue de 2,25 % en 2018 par rapport à 2017. Elle s’élève à 206 millions d’euros, contre 213,2 en loi de finances initiale pour 2017. Les ressources propres de l’établissement sont en hausse de 3 millions d’euros en 2016 (soit + 12,2 %) et leur développement demeure une des priorités des prochaines années.

L’effort de maîtrise des dépenses se traduit également par le rythme de réduction des ETPT sous plafond qui diminueraient à 2 796 en 2018, contre 2 899 en 2017 et 2 979 en 2016. Votre rapporteur souligne les difficultés de l’établissement à faire face au rythme des baisses d’emplois annoncées pour les prochaines années. Si la baisse devait se poursuivre à hauteur d’une centaine d’emplois chaque année, ce serait la structure des missions de l’établissement qui devrait être remise à plat. Au-delà des gains de productivité, c’est bien une réorganisation qui est demandée à l’opérateur, qui apparaît complexe à mener.

Si la contrainte de maîtrise de la dépense publique est bien globale, votre rapporteur souligne toutefois la nécessité de tenir compte de la structure du personnel de l’établissement et notamment des délais de formation des experts pour répondre à de nouvelles priorités.

II.   l’IGN

L’IGN est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle des ministres chargés du développement durable et des forêts. Un nouveau contrat d’objectifs et de performance doit être rédigé en 2018.

La subvention pour charges de service public atteint 91,16 millions d’euros en 2018, contre 93,71 en 2017. Des financements publics importants, à hauteur de 6,6 millions d’euros, sont également liés à plusieurs projets menés en partenariat avec des acteurs publics ([25]).

L’IGN fait face à des difficultés importantes en matière de ressources propres. En hausse en 2017, elles atteignent près de 61 millions d’euros. Mais leur évolution dans le contexte de la gratuité des données publiques est conditionnée au maintien de redevances de mise à disposition et de réutilisation, avec une dérogation à la loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public (dite loi Valter), qui a été prise pour des durées de 6 et 12 mois ([26]). Par ailleurs, les recettes tirées du marché grand public sont en recul (11,2 millions d’euros) avec une érosion structurelle des ventes de cartes papier. Les recettes du marché professionnel sont à un niveau équivalent (11 millions d’euros). L’évolution du marché à la baisse apparaît structurelle avec la multiplication d’acteurs proposant des offres de moindre résolution et précision mais à des coûts inférieurs.

Il convient néanmoins de souligner qu’un marché important a été signé avec la Défense en 2016 pour 7 ans (16,8 millions de recettes en 2017).

Le plafond des ETPT de l’établissement atteindra 1507 en 2018, contre 1542 en 2017, en baisse depuis 2012.

III.   Météo-France

Météo-France est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la transition écologique et solidaire. Ses missions sont nombreuses et évoluent, en particulier du fait du changement climatique. De très nombreux secteurs d’activité dépendent de la météorologie, tels que la Défense, la sécurité civile, la prévention des risques, l’aéronautique, l’agriculture, les transports, la production d’énergies renouvelables, le tourisme, etc.

Pour l’ensemble de ces activités, la qualité et la réactivité des prévisions en temps réel sont essentielles.

La mission principale de Météo-France est celle d’observation et de prévision météorologiques. Elle comprend l’observation et la prévision des évolutions de l’atmosphère, de l’océan superficiel et du manteau neigeux, ainsi que l’avertissement des autorités en charge de la sécurité et du grand public sur les risques météorologiques, la conservation de la mémoire du climat et l’analyse de ses évolutions constatées ainsi que la diffusion des informations produites.

La mission de recherche météorologique est également au cœur de l’activité de Météo-France. L’activité de recherche porte sur la météorologie pour améliorer la qualité et la fiabilité des modèles et en matière de climat. Ainsi, Météo-France participe activement aux travaux du Groupe d’experts Intergouvernemental sur l’Évolution du Climat (GIEC).

Les priorités de l’État, telles qu’elles apparaissent notamment dans le contrat d’objectifs et de performance 2017-2021, sont :

– d’une part, la sécurité des personnes et des biens, en particulier dans un contexte où les événements climatiques extrêmes et dangereux sont appelés à devenir plus fréquents (tempêtes, submersions marines, inondations mais aussi dispersion de polluants et sécurité aéronautique). Tous ont notamment en mémoire la série d’ouragans ayant ravagé en septembre les îles de Saint-Martin et Saint-Barthélemy, et provoqué des dégâts humains et matériels colossaux dans toute la région jusqu’à la Floride. Votre rapporteur tient ici à saluer le travail considérable réalisé par les équipes de Météo-France lors de ces événements extrêmes ;

– d’autre part, la connaissance des climats passés et futurs est devenue centrale pour les politiques publiques, en particulier dans une logique de développement durable et dans un souci d’adaptation au changement climatique.

Les crédits prévus par le PLF 2018 (188,85 millions d’euros en AE et CP sur le programme 159) sont en baisse de 3,3 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2017 (195,24 millions d’euros en AE et en CP). Cette diminution s’inscrit dans le cadre de l’effort global de réduction des dépenses publiques.

La SCSP représente environ la moitié du budget de Météo-France, qui s’élève à 401 millions d’euros, dont 85,5 millions de recettes de redevances de navigation aéronautique et 33 millions d’euros de recettes commerciales.

S’agissant du plafond d’emplois de l’établissement, celui-ci est réduit en 2018 par rapport à 2017, après déjà plusieurs années de profonde restructuration.

Votre rapporteur souhaite attirer l’attention sur la difficulté pour l’établissement à suivre, non seulement le rythme des baisses de plafond successives, mais aussi à réorganiser sa stratégie de moyen terme sans disposer de la visibilité nécessaire.

Le plafond des ETPT sera de 2 925 en 2018, contre 3 020 en 2017 (contre près de 3 800 jusqu’en 2008). Or, l’établissement comptait 108 centres répartis sur le territoire avant la réorganisation territoriale décidée en 2008 pour la période 2012-2016, dont 54 ont été supprimés. À terme, Météo-France ne devrait comporter que des centres météo thématiques et 7 centres interrégionaux en métropole ainsi que 4 outre-mer. Il pèse sur Météo-France une obligation de fonctionnement 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et votre rapporteur souligne que la permanence du service est une question cruciale à ce stade de réduction des effectifs. Il convient également de garder à l’esprit que le sens du service au client structure l’ensemble des missions de l’opérateur.

Votre rapporteur souhaite également alerter sur le financement du supercalculateur. Ce dernier n’a pas été retenu dans le cadre du programme investissements d’avenir n° 3. Le renouvellement des supercalculateurs actuels constitue un projet vital pour Météo-France et ne doit pas être remis en cause car il s’agit de multiplier par cinq les capacités de calcul. Le budget annuel complémentaire est estimé à environ 20 millions d’euros annuels, pour un surcoût total de 100 millions d’euros sur 5 ans. Or, les appels d’offres doivent être élaborés dès à présent et sans tarder, pour que le supercalculateur puisse être opérationnel dès 2019 comme prévu. Sans prétendre à un budget quinquennal compte tenu du principe de l’annualité budgétaire, et dans la mesure où la SCSP sera à la base du financement de l’investissement, Météo-France doit pouvoir bénéficier d’une vraie lisibilité budgétaire pour toute la période. Tel n’est pas encore le cas à ce stade.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Dans le cadre de la commission élargie, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné pour avis, sur les rapports pour avis de MM. Fabrice Brun, Christophe Bouillon, Yannick Haury, Mme Jennifer De Temmerman, M. Damien Pichereau, Mme Zivka Park, M. Jimmy Pahun, les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » (voir compte rendu officiel de la commission élargie du mardi 31 octobre 2017, sur le site Internet de l’Assemblée nationale) ([27]).

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À l’issue de la commission élargie, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a délibéré sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Article 29 : crédits du budget général

La commission examine l’amendement n° II-CD82 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Je retire l’amendement.

L’amendement n° II-CD82 est retiré.

La commission examine l’amendement n°II-CD81 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. L’amendement n°II-CD81 est un amendement d’appel, pour inciter le Gouvernement à faire basculer les éventuels surplus de recettes du compte d’affectation spéciale « Transition écologique » en 2018 vers le Fonds Chaleur.

La commission adopte l’amendement n° II-CD81.

Puis elle examine l’amendement n° II-CD72 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun, rapporteur pour avis. La loi du 20 juin 2016 pour l’économie bleue a étendu le champ des exonérations de la cotisation patronale d’allocations familiales et de la contribution à l’allocation d’assurance contre le risque de privation d’emploi. Cette extension a conduit à augmenter, en 2017, le budget du programme 205 « Affaires maritimes » de 19 millions d’euros, afin de compenser la perte de recettes pour les organismes de Sécurité sociale et pour Pôle Emploi. Mais dans le projet de loi de finances pour 2018, l’article 53 prévoit la suppression de l’extension du champ des exonérations. Le présent amendement vise à transférer 19 millions d’euros du programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables », sans que cette somme soit prélevée sur les crédits de personnel de ce programme, vers le programme 205.

M. Christophe Bouillon, rapporteur pour avis. Je comprends votre préoccupation, mais le programme 217, qui est un programme « support », a déjà fait l’objet de rationalisations et de réductions de crédits : on arrive à l’os ! Opérer une nouvelle ponction risque de compromettre des actions. Je suis donc défavorable à cet amendement.

La Commission rejette l’amendement n° II-CD72.

Sur l’ensemble des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », MM. Christophe Bouillon, Yannick Haury, Mme Jennifer De Temmerman, MM. Damien Pichereau, Zivka Park et Jimmy Pahun, rapporteurs pour avis, expriment un avis favorable. M. Fabrice Brun, rapporteur pour avis, émet un avis défavorable.

La commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

Article 30 : Crédits des budgets annexes

La commission donne un avis favorable à l’adoption des crédits du budget annexe « Contrôle et exploitation aériens ».

Article 31 : Crédits des comptes d’affectation spéciale

La commission examine l’amendement n° II-CD83 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement vise à rendre possible la mise en place, par décret, d’un dispositif d’aide à l’achat des vélos à assistance électrique, en identifiant une somme de 30 millions d’euros au sein du compte d’affectation spéciale pour le financer.

M. Damien Pichereau, rapporteur pour avis. Avis favorable

M. Vincent Thiébaut. Le groupe La République En Marche soutient cet amendement.

La commission adopte l’amendement n°II-CD83. Elle donne ensuite un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Aides à l’acquisition de véhicules propres » ainsi qu’à l’adoption de ceux du compte d’affectation spéciale « Services nationaux de transport conventionnés de voyageurs ».

Article 53 : Réforme du dispositif d’exonération de cotisations sociales pour les entreprises d’armement maritime

La commission est saisie de l’amendement n° II-CD71 de M. Jimmy Pahun.

M. Jimmy Pahun, rapporteur pour avis. Quand j’ai présenté le rapport pour avis sur le budget des affaires maritimes, j’ai souligné l’importance de la flotte française, l’importance du trafic dans la Manche, l’importance de la formation des marins français. J’avais évoqué les différences de coûts salariaux entre les marins français et ceux d’autres pays, différences qui avaient conduit à l’adoption d’une mesure de réduction des cotisations sociales patronales dans le cadre de la loi du 20 juin 2016 pour l’économie bleue.

L'article 53 du projet de loi de finances supprime cette mesure, qui était une des mesures les plus emblématiques de la loi pour l’économie bleue, et ce, à peine un an et demi après son adoption.

Cette mesure d’allégement des charges sociales visait à réduire le coût du travail, ce qui était indispensable pour permettre au pavillon français de résister à la concurrence internationale très vive des pavillons de pays où les salaires sont très bas. Cette mesure visait aussi à favoriser l’employabilité des marins français.

Aucune étude d’impact précise n’a été réalisée pour évaluer les pertes d’emplois potentielles ou encore les dépavillonnements que pourrait provoquer la suppression du « netwage ». En effet, l’évaluation préalable de l'article 53 publiée par le Gouvernement se borne à évoquer une « perte potentielle » pour « les entreprises armant des navires de fret ou de service » !

Par ailleurs, je remarque que les arguments employés pour justifier la suppression du « netwage » sont assez surprenants.

Tout d’abord, le délai mis par la Commission européenne à valider le dispositif est présenté comme un signe de non-conformité de la mesure avec le droit européen. Toutefois, l'avis de la Commission est attendu pour la fin de l'année et rien n'indique qu'il sera négatif !

De plus, l'étude d'impact de l'article 53 indique que les entreprises d'armement maritime pourront bénéficier à partir de 2019 du renforcement des allégements de charges sociales, contrepartie de la suppression du crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE). Les armements ne bénéficient pas aujourd’hui du CICE et ces exonérations de charges sociales étaient vues comme une contrepartie.

Toutefois, la réforme prévue n'est pas encore appliquée et il convient de trouver une solution pour l'année à venir !

C'est pourquoi le présent amendement propose simplement de repousser d'un an l'entrée en vigueur de l’article 53 du projet de loi de finances, de manière à ce que la décision de conserver ou non le « netwage » puisse être fondée sur une véritable étude d'impact socio-économique précise reposant sur une analyse juridique solide.

La commission rejette l’amendement n° II-CD71 puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 53.

Article 54 : Création d’une contribution des agences de l’eau au bénéfice d’opérateurs de l’environnement

La commission est saisie de l’amendement n° II-CD63 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prud’homme. L’amendement de suppression qui vous est proposé est lié au fait que les ressources des agences de l’eau servent trop souvent de variable d’ajustement pour le budget de l’État. Et en 2018, c’est une double peine qui risque de leur être appliquée avec l’effet combiné des articles 19 et 54 du projet de loi de finances pour 2018. L’écrêtement des ressources tel qu’il était prévu à l’article 19 a été reporté à 2019 mais un prélèvement de 200 millions d’euros sera opéré en 2018. En outre, l’article 54 prévoit une contribution directe des agences de l’eau à l'Agence française pour la biodiversité (AFB), aux parcs nationaux et à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), pour un total de 260 à 297 millions d’euros. C’est une trop grande contrainte budgétaire que l’on fait peser sur les agences de l’eau, alors même que leurs responsabilités et missions s’accroissent. Le Gouvernement persiste dans la logique des beaux discours en rabotant les ressources essentielles à la protection des milieux aquatiques. Nous ne sommes pas dupes, cela ne vise qu’à compenser les coupes franches effectuées par le Gouvernement dans le budget de la mission sur le dos de la biodiversité, de l’eau et des paysages, dont les crédits ont été divisés par deux. Le Gouvernement doit prendre ses responsabilités face à l’urgence climatique et financer les politiques du paysage, de l’eau et de la biodiversité.

M. Yannick Haury, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable car l’article 54 ne peut être supprimé car cela revient également à supprimer tout versement de l'équivalent des subventions pour charges de service public à l'Agence française pour la biodiversité (AFB), aux parcs nationaux et à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS).

La commission rejette l’amendement n° II-CD63.

La commission est ensuite saisie de l’amendement n° II-CD76 de M. Vincent Thiébaut.

M. Vincent Thiébaut. Il est proposé que l’arrêté prévu par l’article 54 détermine également les modalités de versement de la contribution des agences de l’eau. Un premier versement de chacune des agences de l’eau serait opéré avant le 15 février 2018, d’un montant minimal de 10 millions d'euros par agence pour l’Agence française pour la biodiversité et de 1,5 million d'euros par agence pour l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. L’article 54 instaure en effet un financement annuel par les agences de l’eau d’autres établissements publics de l’environnement, l’Agence française pour la biodiversité (AFB) et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Cette évolution traduit l’aboutissement de la politique de rapprochement des opérateurs de l’eau et de la biodiversité, confortée par la loi relative à la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages du 8 août 2016.

En cohérence avec cette mesure, les établissements publics chargés des parcs nationaux seront également financés par les agences de l’eau, par l’intermédiaire de l’AFB. Le montant de la contribution des agences de l’eau à l’AFB, prévu au I de l’article 54, permet à cette dernière d’assurer ce financement. Toutefois, la répartition de cette contribution sera fixée par arrêté par le ministre chargé de la tutelle.

Afin de ne pas remettre en cause l’équilibre financier d’établissements qui ne disposent pas d’une trésorerie importante, et notamment de couvrir leurs dépenses obligatoires en début d’année, le présent amendement précise les modalités de versement des agences de l’eau à l’AFB et l’ONCFS.

Cet amendement vise également à interroger le Gouvernement sur le montant minimal du versement qu’il entend faire engager, à travers l’AFB, aux établissements publics chargés des parcs nationaux, ainsi que les modalités dudit versement.

M. Yannick Haury, rapporteur pour avis. J’émets un avis favorable.

La commission adopte l’amendement n° II-CD76 puis elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 54 ainsi modifié.

Après l’article 54

Mme Barbara Pompili. Nous sommes à présent saisis d’amendements portant article additionnel après l’article 54.

La commission examine l’amendement n° II-CD64 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prud’homme. L’amendement est défendu.

M. Yannick Haury, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable, compte tenu des travaux déjà engagés au sein de notre commission, avec l’avis budgétaire sur le programme 113 et la mission d’information relative à l’application de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, dont Mmes Nathalie Bassire et Frédérique Tuffnell sont rapporteures. Il convient également de ne pas multiplier les demandes de rapport qui ont un coût en termes de personnel et ne sont pas toujours très utiles.

La commission rejette l’amendement.

La commission examine l’amendement n° II-CD66 de Mme Mathilde Panot.

M. Loïc Prud’homme. Deux tiers de nos réacteurs sont actuellement à l’arrêt ou en panne. Certains tuyaux des circuits de refroidissement sont rouillés. Quel est le coût, tant financièrement que sur le plan de la sûreté et de la sécurité de cette gestion ? Par ailleurs, faire une lumière totale sur ce que va coûter la prolongation des réacteurs nucléaires au-delà de 40 ans, si toutefois cette décision irresponsable était prise, est d’une absolue nécessité. En effet, les dépenses liées au démantèlement des centrales ont coutume d’être systématiquement sous-provisionnées par EDF. Le cabinet d’analyse financière AlphaValue avait souligné en 2016 le sous-provisionnement massif relatif aux dépenses prévisionnelles liées au démantèlement des réacteurs nucléaires et du traitement des déchets nucléaires. Le sous-provisionnement, à horizon 2025, était estimé entre 57,3 et 63,4 milliards d’euros. Il n’y a pas de raison pour que le coût de réhabilitation de certaines centrales ne le soit pas de la même façon. L’Assemblée nationale doit donc impérativement saisir cette occasion pour produire une information indépendante à ce sujet. Il s’agit de savoir ce qu’il peut en coûter aux finances publiques, lorsqu’il sera demandé à l’État de renflouer EDF comme il a déjà dû renflouer Areva à hauteur de 3,3 milliards d’euros. Le nucléaire est un gouffre financier. Ce rapport d’information est de nature à en estimer l’ampleur, et opérer une comparaison entre le coût de la gestion actuelle et le coût d’une sortie du nucléaire à horizon 2035.

M. Fabrice Brun, rapporteur pour avis. Vous soulevez de vraies questions mais « trop de rapports tuent le rapport ». Je serais d’ailleurs curieux de savoir combien de demandes de rapports ont été formulées au cours de l’examen de cette loi de finances. Il y a une sorte d’inflation. Je vous invite plutôt à travailler sur le sujet en vous saisissant des outils mis à disposition des parlementaires en demandant des auditions ou des missions d’information sur ce sujet ou en effectuant des visites sur le terrain auprès de l’ANDRA ou d’autres structures dont les portes sont ouvertes comme elles l’étaient au cours des législatures précédentes. Pendant mes travaux, nous avons auditionné notamment l’IRSN et la Direction générale de la prévention des risques et je regrette que vous n’ayez pas participé à ces auditions.

Mme Barbara Pompili, présidente de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire. Je vous précise, chers collègues, que notre commission réalisera très prochainement des auditions sur ces questions.

M. Loïc Prud’homme. Comme vous le savez, l’article 40 de la Constitution nous empêche de déposer des amendements plus concrets. Les rapports que nous demandons s’adressent au gouvernement et ne sont pas en concurrence mais en complément des travaux que peut conduire l’Assemblée. Nous le faisons pour avoir des éléments financiers précis et chiffrés sur des sujets qui nous préoccupent. Il n’y a pas de désinvolture de notre part.

La commission rejette l’amendement n° II-CD66 puis elle examine l’amendement n° II-CD67 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Il s’agit encore d’une demande de rapport d’information. Le projet de loi de finances pour 2018 appelle, dans le paragraphe relatif à l’Agence Nationale de Gestion des Déchets Radioactifs (ANDRA), qui aborde le cadre du projet de contrat d’objectifs 20172021, « à réussir Cigéo collectivement ». Il n’est pas possible de faire réussir un projet voué à l’échec, ou à tout le moins, qui suppose tant de risques qu’il serait inconséquent de le poursuivre en l’état. Les risques ont été soulignés par l’institut de radioprotection et de sûreté nationale (IRSN) dans des conclusions rendues publiques en juillet dernier. En effet, les déchets nucléaires présentent un risque fort d’inflammation lors de leur enfouissement. Le risque est d’autant plus grand que l’incendie pourrait se propager aux autres types de déchets présents dans la centrale d’enfouissement. Ce problème pose, plus généralement, la question des déchets nucléaires radioactifs, pour le traitement desquels aucune solution n’a pour l’heure été trouvée et, en toute hypothèse, ne sera jamais trouvée. Nous exprimons les mêmes inquiétudes à l’égard du projet d’enfouissement de déchets ultimes « Stocamine », soit 44 000 tonnes de déchets ultimes stockés sous la plus grande nappe phréatique d’Europe. Cette demande de rapport d’information sur Cigéo et sur Stocamine est l’occasion de soulever le problème central qui est celui de la politique de traitement des déchets ultimes, et de renouveler une position raisonnable et seule adaptée pour résoudre une fois pour toutes le problème : la sortie du nucléaire d’ici 2035.

M. Fabrice Brun, rapporteur pour avis. Je comprends votre argumentaire relatif à l’article 40 et loin de moi l’idée de considérer votre démarche comme désinvolte. Mais pour les mêmes raisons que celles expliquées précédemment, j’émets un avis défavorable à cet amendement en vous invitant à vous rendre sur le terrain et à échanger avec les acteurs concernés.

La commission rejette l’amendement n° II-CD67.

Elle examine ensuite l’amendement n° II-CD36 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Cet amendement demande un rapport sur la privatisation des aéroports. Les aéroports sont un secteur stratégique pour l’État qui rapporte chaque année aux finances publiques plusieurs dizaines de millions d’euros de dividendes par l’intermédiaire de l’Agence des participations de l’État. Les aéroports jouent un rôle majeur pour la souveraineté de la Nation. En revendant ses parts dans les aéroports français, l’État délègue la gestion des sites à des entreprises privées. Alors que plusieurs privatisations ont eu lieu et que d’autres sont en cours, à l’image du sort fait aux Aéroports de Paris, un bilan d’étape s’impose pour évaluer combien d’argent ont réellement rapporté ces cessions d’actifs publics, quels coûts directs et indirects elles ont induit pour les administrations publiques et l’intérêt de la Nation. Les aéroports de Paris ont été les premiers, en 2005, à passer sous un statut privé. Ainsi, la loi du 20 avril 2005 relative aux aéroports cède aux collectivités territoriales et aux Chambres de commerces et d’industrie (CCI) la propriété et la gestion d’une grande majorité des aéroports provinciaux. L’État ne reste présent que sur les sites présentant un « potentiel national et international ». À ce titre, les aéroports de Lyon, Bordeaux, Marseille ou Strasbourg pourraient un jour être également concernés par le processus de privatisation pour financer notamment la filière nucléaire et le désendettement. La privatisation de Toulouse-Blagnac s’est faite à ce titre dans des conditions nébuleuses. Les parties refusent de dévoiler le pacte d’actionnaires et l’actionnaire majoritaire Chinois (49,9 %) agit en prédateur sur les profits. Ce rapport visera notamment à déterminer si cette orientation politique de marchandisation des infrastructures publiques poussée par l’Union européenne est judicieuse au regard de la perte de souveraineté nationale sur des éléments stratégiques.

Mme Zivka Park. Cet amendement demande un rapport sur « la privatisation en cours de plusieurs aéroports français ». Or, je constate que les privatisations des aéroports de Toulouse, Nice et Lyon, réalisées en 2015 et 2016, n’auront pas d’incidence financière sur le projet de loi de finances pour 2018 ; l’éventuelle décision relative à la cession de parts d’AdP n’est pas encore prise et n’aura donc pas d’incidence, non plus, sur le présent projet de loi de finances. Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette l’amendement n° II-CD36 puis elle examine l’amendement n° II-CD39 de M. Loïc Prud’homme.

M. Loïc Prud’homme. Le projet d’aéroport à Notre-Dame-des-Landes, qui stagne depuis plusieurs années, a un coût initial estimé à 565 millions d’euros, coût qui sera probablement dépassé dans des proportions importantes si le projet est mis en œuvre. Mais un coût encore plus important serait celui de son impact carbone, avec l’accroissement des émissions de gaz à effet de serre due au trafic. Aucune stratégie d’aménagement et d’accessibilité au site en transports en commun n’a été pensée. Le car et la voiture individuelle seront privilégiés. Par ailleurs, beaucoup d’agriculteurs sont opposés à ce projet qui supprimerait près de 2000 hectares de terres agricoles. 731 hectares de bocages et zones humides sont par ailleurs menacés. Une étude effectuée en 2013 par la Direction générale de l’aviation civile estimait en retour qu’un maintien de l’activité à Nantes Atlantique impliquait la construction de nouvelles aérogares, la réfection de la piste et la fermeture de l’aéroport pendant trois à six mois.

Du fait de l’enlisement du dossier, les parlementaires doivent être en mesure de bénéficier des conclusions d’une étude actualisée, intégrant les données les plus récentes sur le volet économique mais également environnemental, pour pouvoir évaluer de manière pertinente les coûts inhérents à toutes les potentialités. Quelle facture pour l’État et les collectivités locales de l’abandon du projet de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ? Quel montant pour les travaux d’extension de l’aéroport actuel ? Quel montant pour l’indemnisation de Vinci en cas de renoncement au projet ? Quelle part de prise en charge de l’État et des collectivités locales des coûts prévisionnels ? Il reste bien des zones d’ombre dans ce dossier : les parlementaires comme les citoyens ont le droit de bénéficier d’informations objectives pour en mesurer le poids sur les finances publiques.

Mme Zivka Park. Comme vous le savez peut-être, un rapport d’experts doit être remis à l’exécutif en décembre et une décision gouvernementale sera prise ensuite sur la base de ce rapport. Plutôt que de demander au gouvernement un rapport sur ce rapport, je vous propose plutôt de demander la publication de ce rapport ou, tout au moins, de ses conclusions. À défaut, rien ne vous empêchera de proposer, le moment venu, une audition de la ministre des transports ou des experts ayant rendu le rapport. Mon avis est donc défavorable.

La commission rejette l’amendement n° II-CD39.

 


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   Liste des personnes auditionnÉes

Ministère de la transition écologique et solidaire - Direction générale de laménagement, du logement et de la nature (DGALN)

– M. Paul Delduc, directeur général

– M. Guillem Canneva, sous-directeur par intérim de la sous-direction de l’animation territoriale et de l’appui aux politiques de protection et de restauration des écosystèmes

– M. Frédéric Rocchi, sous-directeur de la performance

Ministère de la transition écologique et solidaire - Commissariat général au développement durable (CGDD) - Direction de la recherche et de l’innovation

– M. Serge Bossini, directeur de la recherche et de l’innovation

– M. Laurent Tapadhinas, directeur et adjoint à la commissaire générale au développement durable

Table ronde des associations de protection de l’environnement

– Ligue pour la Protection des Oiseaux : Mme Dominique Aribert, directrice du pôle Conservation (en charge de la mise en œuvre de la CPO ministérielle)

– France Nature Environnement : M. Jean-David Abel, vice-président, pilote du réseau biodiversité

– Humanité et Biodiversité : M. Bernard Chevassus-au-Louis, président

Assemblée permanente des chambres dagriculture (APCA)

– M. Pascal Ferey, président de la Chambre d’agriculture de la Manche, vice-président des chambres d’agricultures France, en charge de la biodiversité

– Mme Marion Demade, chargé de mission Biodiversité

– M. Justin Lallouet, coordinateur des affaires publiques

Table ronde des agences de l’eau

– Mme Patricia Blanc, directrice générale de l’agence de l’eau Seine Normandie

– M. Claude Gitton, directeur général adjoint de l’agence de l’eau Loire Bretagne

– M. Marc Hoeltzel, directeur général de l’agence de l’eau Rhin Meuse

– M. Laurent Roy, directeur général de l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse

Agence française pour la biodiversité

– M. Christophe Aubel, directeur général

– Mme Sophie Gravellier, secrétaire générale

CEREMA

– M. Bernard Larrouturou, directeur général

Conservatoire du littoral

– Mme Odile Gauthier, directrice

Institut géographique national (IGN)

– M. Daniel Bursaux, directeur général

– M. Sylvain Latarget, directeur général adjoint

– M. Emmanuel Rousselot, secrétaire général

Météo France

– M. Jean-Marc Lacave, président-directeur général

– M. François Bolard, secrétaire général

Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS)

– M. Olivier Thibault, directeur général

Office national des forêts (ONF)

– M. Patrick Soulé, directeur général adjoint

– M. Michel Hermeline, chef du département pilotage et valorisation du système d’information

 

 


([1]) Convention sur la diversité biologique du 5 juin 1992, Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction du 3 mars 1973.CITES et, au niveau européen, directive « Habitats » en 1992, directive-cadre sur l’eau en 2000, directive-cadre « Stratégie pour le milieu marin » en 2008, directive « Oiseaux » en 2009.

([2]) Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

([3]) Plusieurs directives importantes ont été prises dans le domaine de l’eau.
Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.

 Directive 91/271/CEE du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires.

 Directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles.

 Directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive-cadre « stratégie pour le milieu marin »).

 Directive 2006/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 février 2006 concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade et abrogeant la directive 76/160/CEE.

([4]) Il convient de relever qu’un effort d’articulation des SDAGE avec les plans d’action pour le milieu marin a été mené lors de la révision des SDAGE en 2015.

([5]) Les schémas d’aménagement et de gestion des eaux (SAGE) sont, quant à eux, les outils de planification au niveau des sous-bassins. On en dénombre 180, couvrant la moitié du territoire national. Les SAGE relèvent essentiellement d’une démarche territoriale.

([6]) 43,7 % des masses d'eau de surface sont au moins en bon état écologique au sens de la directive-cadre sur l'eau en 201,5 contre 41 % en 2010. Les évaluations sont réalisées deux fois par cycle de six ans. Pour mémoire, l’objectif initial des SDAGE était d’atteindre 66 % de bon état écologique des eaux de surface en 2015, mais les difficultés de mise en œuvre des mesures de lutte contre les pollutions diffuses et de restauration écologique ont abouti au report de cet objectif à 2021.

([7]) Directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages.

 Directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages.

([8]) Notamment pour les espèces suivantes : gypaète barbu, crapaud vert, hamster commun, tortue d’Hermann, iguane des petites Antilles, plantes messicoles.

([9]) Environ 120 espèces dont 75 % sont présentes à l’outre-mer, majoritairement de flore.

([10]) À l’établissement public du marais poitevin et au Domaine national de Chambord, pour un montant total de 1,13 million d’euros.

([11]) Voir notamment : Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe (Berne, 19 septembre 1979), la Convention pour la sauvegarde du patrimoine architectural de l’Europe (Grenade, 3 octobre 1985), la Convention européenne pour la protection du patrimoine archéologique (révisée) (La Valette, 16 janvier 1992), la Convention-cadre européenne sur la coopération transfrontalière des collectivités ou autorités territoriales (Madrid, 21 mai 1980) et ses protocoles additionnels, la Charte européenne de l’autonomie locale (Strasbourg, 15 octobre 1985), la Convention sur la diversité biologique (Rio, 5 juin 1992), la Convention concernant la protection du patrimoine mondial, culturel et naturel (Paris, 16 novembre 1972).

([12]) Le plan de paysage, le schéma de cohérence territoriale (ScoT) et la charte de Parc naturel régional (PNR) sont les documents centraux d’aménagement pour définir les objectifs de qualité paysagère.

([13]) Un atlas du paysage vise à identifier (délimiter une unité paysagère et la nommer), caractériser (décrire les structures paysagères) et qualifier (saisir les représentations sociales associées à une unité paysagère) un paysage. La loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages définit au niveau législatif les atlas (Art. L. 350-1 B du code de l’environnement), dont la réalisation s’opère "conjointement par l’État et les collectivités territoriales".

([14]) Des déséquilibres importants sont constatés s’agissant notamment des cervidés et des sangliers, les pratiques d’aménagement des dernières décennies ayant nettement favorisé le gros gibier au détriment du petit gibier. Ces déséquilibres emportent des conséquences multiples (diffusion de zoonoses, dommages à la forêt et dommages aux cultures).

([15]) Plus de 70 % des agents de l’Agence sont en effet issus de l’ONEMA (865 agents) et l’ONEMA disposait, d’un budget équivalent à 80 % du budget de l’AFB.

([16]) Biological annihilation via the ongoing sixth mass extinction signaled by vertebrate population losses and declines, Gerardo Ceballosa, Paul R. Ehrlichb, and Rodolfo Dirzo, Proceedings of the National Acadamy of Sciences (PNAS), 10 juillet 2017.

([17]) La population des 35 000 lions africains décline de 43 % depuis 1993 et les populations d’orangs-outans de Bornéo de 25 % en dix ans (80 000 individus).

([18]) More than 75 percent decline over 27 years in total flying insect biomass in protected areas, Caspar A. Hallmann, Martin Sorg, Eelke Jongejans, Henk Siepel, Nick Hofland, Heinz Schwan, Werner Stenmans, Andreas Müller, Hubert Sumser, Thomas Hörren, Dave Goulson, Hans de Kroon, PLoS one, 18 octobre 2017.

([19]) Ce dispositif issu de la Convention de Nagoya est entré en vigueur avec la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

([20]) Rapport du comité opérationnel du grenelle de la mer Droits d’usage des mers, financement, fiscalité présidé par Jean-Michel Charpin, 2012.

([21]) Directive 2000/60/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l’eau.

 Directive 91/271/CEE du Conseil du 21 mai 1991 relative au traitement des eaux urbaines résiduaires.

 Directive 91/676/CEE du Conseil du 12 décembre 1991 concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles.

 Directive 2008/56/CE du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 établissant un cadre d’action communautaire dans le domaine de la politique pour le milieu marin (directive-cadre « stratégie pour le milieu marin »).

 Directive 2006/7/CE du Parlement européen et du Conseil du 15 février 2006 concernant la gestion de la qualité des eaux de baignade et abrogeant la directive 76/160/CEE.

([22]) La première phase de mise en œuvre de la directive cadre « stratégie pour le milieu marin » (2008/56/CE) Évaluation et orientations par la Commission européenne (COM 2014(97) final).

([23]) Les documents stratégiques de façade en France métropolitaine et les documents stratégiques de bassin outre-mer définissent une stratégie pour la mer et le littoral pour une façade ou un bassin maritime. Ils précisent et complètent la stratégie nationale pour la mer et le littoral. Ils mettent en œuvre cette stratégie pour protéger l’environnement, valoriser le potentiel de l’économie bleue et anticiper et gérer les conflits d’usages. En France métropolitaine, quatre documents stratégiques de façade sont élaborés pour : la façade « manche Est-mer du Nord » ; la façade « Nord Atlantique-Manche Ouest », la façade « Sud Atlantique » et la façade « Méditerranée ». Outre-mer, quatre bassins maritimes sont définis : le bassin « Antilles » regroupant la Guadeloupe, la Martinique, Saint-Martin et Saint-Barthélemy ; le bassin « sud océan Indien » englobant La Réunion, les Terres australes et antarctiques françaises et Mayotte ; le bassin « Guyane » et le bassin « Saint-Pierre-et-Miquelon ».

([24]) L’un des indicateurs de performance du programme 113 prévoit donc un pourcentage des eaux françaises sous protection égal à 30 % en 2018, contre 22,36 % en 2017.

([25]) Par exemple : la production du référentiel hydrographique à grande échelle, BD Topage, dans le cadre d’une coproduction avec l’agence française pour la biodiversité (AFB), la production de modèles numériques de terrain des zones inondables à partir de prises de vue LIDAR, le développement de services en ligne, notamment la coproduction d’une nouvelle version du Géoportail de l’urbanisme et la maintenance du portail Edugéo, la poursuite du projet OSHIMAE subventionné dans le programme investissement d’avenir.

([26]) Le décret n° 2016-1036 du 28 juillet 2016, relatif aux principes et aux modalités de fixation des redevances de réutilisation des informations du secteur public, autorise l’IGN (selon un calcul spécifique) à établir des redevances d’utilisation. Il est nécessaire que les conditions actuelles d’application de la loi perdurent (la couverture des coûts liés à l’activité principale est assurée par les redevances pour au moins 25 % de leur montant) afin que l’IGN puisse continuer à percevoir des recettes issues de ses partenariats.

 La loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique, dite loi Lemaire, dispose que l’échange d’informations publiques entre les administrations de l’État, ne peut donner lieu à une redevance. Cette disposition de la loi a ainsi entraîné un re-basage de la SCSP de l’IGN afin de compenser partiellement la baisse des ressources propres issues de ces redevances (700 000 euros).

([27])  http://www.assemblee-nationale.fr/15/budget/plf2018/commissions_elargies/cr/c014.asp