Logo2003modif

N° 276

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2017.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2018,

 

 

TOME II

 

 

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

 

 

 

PAR Mme Delphine BAGARRY,

 

Députée.

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  235, 273 (annexe n° 41).

 

 

 


 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 Pages

introduction

PremiÈre Partie :  prÉsentation des crédits alloués à la mission

A. Le Gouvernement ajoute 700 millions d’euros de provisions à la prime d’activité du programme 304

1. Le Gouvernement lutte contre la pauvreté en soutenant l’emploi

2. La prime d’activité accroît les revenus des travailleurs pauvres et incite les bénéficiaires des minima sociaux à reprendre un emploi

3. Les crédits de l’aide alimentaire augmentent nominalement

4. Le budget de la protection juridique des adultes est reconduit

5. Hors protection des mineurs étrangers, les subventions aux associations de protection de l’enfance diminuent marginalement

B. 682 millions d’euros ajoutés au programme 157, financent, le premier relèvement de l’Allocation adulte handicapé

C. près de 30 millions d’euros sont alloués au programme 137 pour l’égalité entre les femmes et les hommes

D. Le Programme 124 augmente de 50 % les dépenses immobilières et informatiques des ministères sociaux

DeuxiÈme partie :  lÉtat s’engage davantage auprès des départements pour protéger les mineurs étrangers isolés

A. Les étrangers isolés ont droit à une protection juridique et à une aide sociale lorsqu’ils ont moins de 18 ans

1. Hors procédures spéciales, la protection d’un mineur étranger relève, en France, du droit commun de la protection de l’enfance

2. La procédure prévoit un accueil d’urgence suivi de mesures judiciaires

B. les demandes de protection sociale dépassent celles que les départements peuvent satisfaire

1. Le nombre de jeunes étrangers qui réclament une aide sociale aux départements a presque doublé en 2017

2. Les départements qui accueillent le plus de mineurs en urgence ont des taux de reconnaissance de minorité moindres

3. La répartition, sur le territoire métropolitain, des mineurs reconnus isolés rencontre des obstacles juridiques et des résistances politiques

C. En 2018, l’État subventionnera le placement des mineurs Étrangers à l’ASE et assuRerA leur accueil d’urgence

1. L’État assure l’accueil d’urgence et la protection juridique des demandeurs d’asile mineurs mais pas leur protection sociale

2. L’État subventionne, très partiellement, par un fonds de la CNAF, l’évaluation sociale des autres mineurs étrangers isolés

3. L’État pourrait financer davantage, voire confier à ses services, l’accueil d’urgence et l’évaluation des jeunes étrangers

4. Des centres associatifs de mise à l’abri et d’évaluation de mineurs ont déjà été financés à Paris et Calais, par l’État et le département

Conclusion

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. audition des ministres

II. examen des crédits

annexe 1 : Contributions des groupes politiques au Rapport

Contribution écrite du groupe Modem

Contribution écrite du groupe nouvelle gauche

annexe 2 : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure


—  1  —

   introduction

La Cour des Comptes déplore, dans son examen de l’exécution du budget 2016 ([1]), que les dépenses de la mission solidarité aient augmenté plus vite que ne le prévoyait la loi de programmation pour les finances publiques, sans que leur efficacité ait été démontrée.

Elle observe que les crédits votés en loi de finances sont systématiquement inférieurs au montant des dépenses constatées. Elle évalue les sous-estimations budgétaires initiales de l’exercice 2016 à plus de 820 millions d’euros. 446 millions auraient manqué au budget de l’allocation adulte handicapé (AAH) et 380 millions à celui de la prime d’activité. La Cour observe aussi qu’il manquerait un milliard d’euros au budget initial de la mission solidarité en 2017.

Non seulement le projet de loi de finances pour 2018 déposé pour le Gouvernement corrige le déséquilibre constaté par la Cour, mais encore, il ajoute 1 600 millions d’euros au budget de la mission.

700 millions d’euros augmentent la dotation de la prime d’activité. 682 millions d’euros celle de l’allocation adulte handicapé. 110 millions d’euros sont ajoutés à l’aide sociale dont bénéficient les mineurs isolés. 35 millions d’euros couvrent des investissements informatiques et immobiliers nouveaux, partiellement gagés par 25 millions d’euros d’économie de personnel.

Autorisations d’engagement et crédits de paiements sont portés de 17,8 milliards d’euros en loi de finances pour 2017 à 19,4 milliards d’euros pour 2018, sans changement de périmètre, compte tenu d’un premier relèvement du plafond individuel de l’AAH, le second étant prévu en 2019.

Ce budget est donc sincère. Il est aussi plus généreux que les précédents. À la protection des mineurs étrangers, que les départements ne peuvent ou ne veulent plus assumer seuls, ce budget accorde huit fois plus de crédits qu’en 2017.

La partie thématique de l’avis décrit l’urgence de la situation des départements et des mineurs non accompagnés, pour lesquels le plan gouvernemental, que ces crédits financent, structure les politiques qui les accompagneront.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 laisse au Gouvernement jusqu’au 10 octobre pour répondre aux questions écrites des rapporteurs budgétaires. À cette date, 26 réponses sur 65 n’étaient pas parvenues à la rapporteure pour avis.

 


—  1  —

   PremiÈre Partie :

prÉsentation des crédits alloués à la mission

La mission du budget général pour la solidarité, l’insertion et l’égalité des chances est divisée en quatre programmes. Les crédits de paiement alloués à chacun d’eux augmentent, en 2018, dans la même proportion que les autorisations d’engagement. Ce sont, en tout, 1,6 milliard d’euros qui sont ajoutés, soit une augmentation de 8,4 %, double de celle de l’année précédente.

Par cette provision, le Gouvernement se donne les moyens de financer la politique de lutte contre la pauvreté et contre l’exclusion, qu’il entend poursuivre. Celle menée sous la législature précédente a donné des résultats. Le taux de pauvreté a baissé sous les 14 % en 2016. Mais comme l’établit la Cour des Comptes, le coût de cette politique a été minoré par les lois de finances précédentes et beaucoup reste à faire.

Le Gouvernement entend agir davantage en faveur de l’insertion sociale des personnes handicapées. Il tient, par son projet de budget, l’engagement pris par le Premier ministre dans son discours de politique générale du 4 juillet 2017. Il prévoit, pour cela, les crédits nécessaires en 2018 et les deux années suivantes.

Ces preuves de solidarité ne sont que les premières d’un projet plus général et de plus long terme. La réforme des allocations de solidarité, que souhaite le Gouvernement, doit permettre de réduire la pauvreté, en particulier celle des jeunes, en leur donnant accès à un emploi rémunérateur.

C’est par l’emploi que l’on échappe à l’exclusion. Et c’est par la juste rémunération de cet emploi, définie par le contrat de travail, que l’on échappe à la pauvreté. Le Gouvernement a modifié pour cela le droit du travail en 2017. Il modifiera, en 2018, l’indemnisation du chômage et, en 2019, celle de l’exclusion, en respectant l’équilibre d’une programmation budgétaire triennale, à la fois sincère et soutenable par l’économie française.

La programmation qu’il propose jusqu’en 2020 prévoit 2,2 milliards d’euros de crédits de solidarité supplémentaires, gagés par une baisse de 4 milliards d’euros des crédits alloués à la mission travail et emploi. Cette programmation est provisoire. Elle s’ajustera aux conclusions de la concertation, engagée avec les élus locaux et les partenaires sociaux, sur l’assurance chômage.

La concertation sur le financement du RSA reprend, sur de nouvelles bases. Les départements ont exprimé, lors de leur 87e congrès, le souhait unanime d’en conserver l’allocation. Le Gouvernement n’y est pas opposé, à condition de lier le bénéfice du RSA et les politiques d’insertion. 90 départements ont déjà signé, avec l’État, une convention d’appui à leurs politiques.

A.   Le Gouvernement ajoute 700 millions d’euros de provisions à la prime d’activité du programme 304

Le programme 304 de la mission solidarité finance des dépenses sociales de natures différentes.

Certaines compensent la faible rémunération d’un contrat de travail. C’est le cas de la prime d’activité. D’autres accordent un secours d’urgence aux plus pauvres ou aux plus fragiles. C’est le cas de l’aide alimentaire et de la protection judiciaire des adultes déclarés incapables.

Le programme 304 finance la protection judiciaire des adultes. En 2018, celle des mineurs étrangers isolés, placés à l’aide sociale à l’enfance par une décision de justice, pourrait augmenter les crédits reconduits par le projet de loi.

L’appui que l’État apportera, l’an prochain, aux présidents de conseil départementaux qui recueillent et protègent, dans l’urgence, ces mineurs, est décrit dans la seconde partie de l’avis budgétaire.

1.   Le Gouvernement lutte contre la pauvreté en soutenant l’emploi

Dans sa déclaration de politique générale du 4 juillet 2017, le Premier ministre s’est engagé à poursuivre la lutte contre la pauvreté. Cet engagement est tenu par une provision plus sincère des allocations de solidarité versées.

Cet engagement est aussi tenu par la simplification des procédures qui permettent d’obtenir le versement de ces allocations. Le Gouvernement encourage les citoyens les plus pauvres à faire valoir leurs droits pour qu’avec l’aide des services publics d’insertion, ils reprennent, en même temps, une activité.

On ne saurait spéculer sur le découragement des ayants droit pour limiter le montant des dépenses d’allocations et tenir, par ce procédé, le déficit budgétaire voté, au détriment de la solidarité publique promise.

Vendredi 20 octobre 2017, lors du 87e congrès des départements de France, le Premier ministre a annoncé que le régime des allocations de solidarité, financées par les départements, serait modifié par le projet de loi de finances pour 2019, selon les propositions d’un groupe d’experts et d’élus.

2.   La prime d’activité accroît les revenus des travailleurs pauvres et incite les bénéficiaires des minima sociaux à reprendre un emploi

Les dépenses de primes d’activité progressent de 600 à 700 millions d’euros par an depuis 2016. Elles atteindront 5,67 milliards d’euros en 2018. 240 des 740 millions d’euros de dépenses supplémentaires, provisionnées en 2018, financeront l’augmentation de la prime à partir du mois d’octobre. Le solde comble le manque de provisions budgétaires, critiqué par la Cour des comptes.

Nombre de foyers bénéficiaires de la prime d’activité

Semestre

1er sem 2016

2e sem 2016

1er sem 2017

2e sem 2017*

Nombre de foyers bénéficiaires (en milliers)

2 365

2 487

2 567

2 650

Source : revue Prime d’activité conjoncture publiée chaque trimestre sur le site caf.fr

* Estimation figurant dans le projet de performance du programme 304 pour 2018

3.   Les crédits de l’aide alimentaire augmentent nominalement

Le Gouvernement français a pu conserver à la Croix-Rouge, aux Banques alimentaires, au Secours populaire et aux Restos du Cœur, les 80 millions d’euros alloués annuellement, de 2014 à 2020, sur appel d’offres, par un fonds européen, à la distribution gratuite de denrées alimentaires.

Le budget général ajoute 15 % aux versements de l’Union européenne, dont le programme 304 fait en partie l’avance. Ce programme alloue, en outre, des subventions aux épiceries sociales, exclues des appels d’offres européens.

52 millions d’euros sont alloués à l’aide alimentaire en 2018 contre 44 millions d’euros l’an dernier. Cette augmentation tient compte d’un retard du remboursement des avances sur les crédits du fonds européen aux plus démunis.

Les subventions d’investissement dans les matériels de préparation et de distribution des repas et celles de l’aide alimentaire aux demandeurs d’asile, passent de 14,8 millions d’euros en 2017 à 13,5 millions d’euros en 2018.

4.   Le budget de la protection juridique des adultes est reconduit

En 2016, l’État a repris dans le programme 304 les frais des mandataires à la protection de 468 000 adultes. Les crédits de 650 millions d’euros provisionnés en 2017 sont reconduits en 2018, à 3 millions d’euros près.

5.   Hors protection des mineurs étrangers, les subventions aux associations de protection de l’enfance diminuent marginalement

La subvention que l’État alloue à l’Agence française de l’adoption s’ajuste au nombre des adoptions internationales. Elle baisse de 6 % en 2018, comme celle versée au groupement d’intérêt public de l’enfance en danger (GIPED). Les deux groupes sont liés par un protocole d’accord qui préfigure leur fusion légale, annoncée mais différée.

La préfiguratrice de cette fusion, Anne-Sylvie Soudoplatoff, Directrice générale du GIPED s’est inquiétée, en audition, de la baisse de leurs crédits : « Il nous est demandé actuellement des efforts particulièrement importants qui nécessiteront des restructurations avant la fusion, ces restructurations devant nécessairement être revues après la fusion.

« Le maintien du projet – sans date de mise en œuvre – rend périlleuse en l’état toute modification structurelle de l’organisation des groupements qui va pourtant être nécessaire si le principe de la baisse de subventions est maintenu. »

La subvention de l’État aux points d’accueil et d’écoute des jeunes (PAEJ), sur laquelle portait l’avis budgétaire de l’an dernier, diminue de 0,4 million d’euros.

B.   682 millions d’euros ajoutés au programme 157, financent, le premier relèvement de l’Allocation adulte handicapé

Le montant mensuel de l’allocation passera de 810 à 860 euros au 1er novembre 2018. Il atteindra 900 euros à la même date en 2019, comme l’avait promis le président de la République au cours de la campagne électorale.

682 millions d’euros supplémentaires sont alloués au programme 157 en 2018 pour couvrir le premier relèvement. Comme le souhaitait la Cour des Comptes, cette augmentation intègre des provisions plus conformes aux dépenses attendues. Elle devrait diminuer les avances de trésorerie, consenties à l’État par les caisses d’allocations familiales.

Le montant total des allocations versées en 2016 s’est élevé à 9,092 milliards d’euros, soit 486 millions de plus que le montant prévu par la loi de finances initiale.

La dotation de 9,052 milliards d’euros inscrite dans le projet de loi de finances pour 2017 était également sous-évaluée. Les crédits manquants pourraient être ouverts par la loi de finances rectificative annoncée par le Premier ministre lors du 87e congrès de l’ADF.

Allocation Adulte handicapé, compléments inclus

Exercice

2013

2014

2015

2016

2017*

Nb de bénéficiaires en milliers

963

988

1 029

1 056

1 067

Source : Revue L’e-ssentiel publiée sur le site caf.fr. *Nombre d’allocataires en juin 2017

Le nombre de bénéficiaires de l’ASI, à la différence de ceux de l’AAH, diminue depuis plusieurs années. Le montant d’allocation provisionné pour 2018 reste stable.

La subvention garantissant, par poste adapté, la rémunération du travailleur handicapé qui l’occupe, est augmentée de 52 millions d’euros en 2018, pour atteindre 1,34 milliard d’euros, au bénéfice de près de 120 000 personnes.

C.   près de 30 millions d’euros sont alloués au programme 137 pour l’égalité entre les femmes et les hommes

Le programme 137 alloue, en 2018, 29,8 millions d’euros à la politique d’égalité entre les femmes et les hommes. Ce budget est en légère augmentation par rapport aux années précédentes, de + 0,33 % par rapport à la loi de finances initiale de 2017.

Le programme 137 s’est caractérisé, sous le mandat précédent, par une sous-exécution chronique de ses crédits. En moyenne, environ 22,4 millions d’euros ont ainsi réellement été consommés entre 2012 et 2016.

Dans une réponse écrite, la DGCS reconnaît la sous-consommation de certaines lignes de crédits, en particulier de celles finançant les téléphones dits grand danger, attribués sur décisions des procureurs (0,9 million d’euros).

De même, l’allocation financière d’insertion sociale et professionnelle des personnes prostituées (AFIS) ne bénéficierait, pour le moment, qu’à 30 personnes, ce qui a conduit le gouvernement à annuler les crédits provisionnés en 2017 et à diminuer de 1,4 million la dotation pour 2018.

À partir de 2018, le programme 137 recouvrira par ailleurs les 2,8 millions d’euros de crédits alloués au financement des établissements d’information, de consultation et de conseil familial (EICCF) qui, bien qu’ils concernent directement les enjeux d’égalité femmes-hommes, étaient jusqu’alors subventionnés par le programme 304.

Dans ce contexte, l’enjeu qui se dégage est celui de l’exécution effective des crédits et de la bonne mise en place des outils et dispositifs prévus par la loi.

La Secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, a ainsi annoncé que les crédits votés au titre du budget 2018 seront sanctuarisés sur la durée du quinquennat, en ce qu’ils ne seront soumis à aucun gel ou baisse d’autorisation d’engagements sur la période.

La Secrétaire d’État a par ailleurs affirmé son intention de consommer l’ensemble des crédits votés.

D.   Le Programme 124 augmente de 50 % les dépenses immobilières et informatiques des ministères sociaux

Le programme 124 finance l’administration centrale des ministères sociaux, les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE), les directions régionales de la jeunesse des sports et de la cohésion sociale (DRJSCS) et les agences régionales de santé (ARS).

Ses crédits augmentent nominalement de 20 millions d’euros en 2018. Des transferts entre lignes budgétaires révèlent une hausse de 50 % des dépenses immobilières et informatiques, en partie gagée par des économies sur le budget des ARS.

Ces économies, reproduites d’année en année, ont fini par mettre en déficit structurel la trésorerie de neuf d’entre elles. Leur fonds de roulement moyen représentait encore 18 jours de dépenses courantes en 2016.

Dans une réponse écrite, la DGCS rappelle que les annulations de crédits intervenues en 2015, 2016 et 2017 ont prélevé, en tout, sur ces fonds de roulement, 78 millions d’euros. Les effectifs des ARS ont baissé de 6 % depuis 2011. Le projet de loi de finances ramène leur budget sous son montant de 2016.


—  1  —

   DeuxiÈme partie :

l’État s’engage davantage auprès des départements pour protéger les mineurs étrangers isolés

Le droit français accorde une protection d’urgence aux mineurs étrangers, lorsqu’ils sont trouvés sans famille ni accompagnateurs sur le territoire.

Ce secours d’urgence comprend une mise à l’abri et une évaluation de leur détresse. Il s’obtient auprès du président du conseil départemental et ne peut, légalement, excéder quelques jours. Ensuite, le mineur recueilli est, ou bien rendu à ses parents, après négociation, avec eux, des mesures de protection requises par son état, ou bien déféré à l’autorité judiciaire, pour qu’elle ordonne les mesures qui s’imposent.

Depuis quelques années, nombre des jeunes étrangers demandent à bénéficier de cette protection, au terme d’une migration dangereuse. Lors de leur accueil d’urgence, l’appréciation de leur minorité est devenue l’enjeu d’une sélection, prélude de l’examen judiciaire de leur situation. Le ministère de la justice, secondé par les deux ordres juridictionnels, a entrepris de réglementer les pratiques locales d’évaluation de la minorité et de l’isolement, pour les rendre homogènes et impartiales plutôt que contradictoires.

Certains départements confient les jeunes recueillis à des associations, recrutées sur appel d’offres, qui se partagent, sur un même territoire, leur évaluation et leur mise à l’abri.

Certaines collectivités, devant une affluence à laquelle elles n’arrivent plus à répondre, peuvent être tentées de lier les reconnaissances de minorité à leurs capacités d’accueil ou à leur politique d’aide sociale à l’enfance.

Des départements tentent parfois de se soustraire à la répartition nationale des jeunes mineurs isolés, dont un juge a ordonné le placement, ou de les héberger à moindre coût, sans accompagnement social.

Le Conseil d’État vient d’admettre que l’aide sociale à l’enfance pouvait être refusée par un département, faute avérée de ressources. Il exige de l’État qu’il assure ou finance une protection de remplacement qu’il s’est engagé, par des conventions internationales et des obligations légales, à procurer aux enfants, résidents ou étrangers, privés de celle de leur famille.

Le projet de loi de finances pour 2018 prévoit de subventionner davantage les départements qui recueillent des mineurs étrangers isolés. Il financera le tiers du coût de la prise en charge de ceux qui seront admis à l’aide sociale à l’enfance en 2018.

132 millions d’euros d’autorisations de programme sont inscrits pour cela à l’action 17 du programme 304. Cette dotation initiale n’est qu’estimative, faute de pouvoir anticiper le nombre de mineurs isolés qui seront placés en 2018. Ils étaient 8 054 en 2016. Ils seraient 13 000 en 2017.

Le Premier ministre a confirmé, vendredi 20 octobre 2017 ([2]), que la mise à l’abri et l’évaluation des jeunes étrangers trouvés isolés sur le territoire seraient assumées par l’État, comme le Président de la République en avait pris l’engagement.

Le nouveau partage de compétences qu’entraîne cette décision nécessitera une modification du dispositif relatif à la protection de l’enfance. Cette modification était annoncée dès septembre ([3]), en même temps que la réforme de l’asile et du droit des migrations, dont le plan a été adopté par le conseil des ministres du 12 juillet 2017 ([4]).

En attendant son adoption, 64 millions d’euros de crédits de paiement ont été provisionnés pour reconstituer la trésorerie qui finance l’évaluation sociale des mineurs étrangers isolés, réorganiser leur accueil d’urgence selon les conclusions, attendues en décembre, d’experts missionnés par le Premier ministre. 68 millions d’euros de crédits de paiement subventionnent leur placement à l’ASE.

A.   Les étrangers isolés ont droit à une protection juridique et à une aide sociale lorsqu’ils ont moins de 18 ans

1.   Hors procédures spéciales, la protection d’un mineur étranger relève, en France, du droit commun de la protection de l’enfance

a.   Peu de mineurs isolés demandent l’asile en France

Le rapport d’information de la commission des affaires sociales du Sénat sur la prise en charge sociale des mineurs non accompagnés, publié en juin dernier ([5]), citant Eurostat, relève que 36 000 mineurs isolés ont demandé l’asile en Allemagne en 2016, 6 000 en Italie et près de 3 200 au Royaume Uni.

Le rapport d’activité de l’OFPRA pour la même année ([6]) dit que seuls 474 l’ont demandé en France. 132 demandes ont été rejetées. 194 demandeurs ont été déclarés réfugiés. 123 ont bénéficié de la protection subsidiaire. Leur taux d’admission est de 67,5 %. L’instruction de 25 demandes se poursuivait en 2017.

b.   Le nombre de mineurs étrangers déclarés victime de traite internationale des êtres humains n’est pas connu

Le code de procédure pénale protège les mineurs étrangers reconnus victimes de traite criminelle d’être humain. L’article 706-49 prévoit leur admission à l’assistance éducative par le juge des enfants. L’article 706-50 leur assigne un administrateur ad hoc, nommé parmi les proches de l'enfant, ou bien sur une liste de personnes habilitées par la Cour d’appel. La rapporteure n’a pu obtenir du ministère de la justice une estimation du nombre d’étrangers bénéficiaires de cette protection. Le rapport du Sénat n’en fait pas mention.

Selon la mission interministérielle pour la protection des femmes contre les violences et la lutte contre la traite des êtres humains, le ministère de l’intérieur recense 306 victimes mineures de traite criminelle, principalement de prostitution, toutes n’étant pas isolées. En 2016, 60 mineures nigérianes, victimes d’un réseau de prostitution démantelé à Paris, ont été placées dans un centre associatif relevant de l’ASE, installé hors du territoire du département qui le finance.

c.   Peu de mineurs recueillis sont ressortissants de l’Union européenne

Peu de mineurs étrangers isolés, recueillis par les autorités publiques françaises, sont originaires de l’Union européenne. Ils sont moins de 8 % parmi ceux recensés, en 2016, dans le rapport d’activité rendu de la mission de suivi des mineurs non accompagnés, installée par le ministère de la justice. ([7])

Eux seuls pourraient bénéficier des dispositions du règlement Bruxelles II bis, qui transpose, en droit européen, le droit international privé des conventions de La Haye sur la responsabilité parentale et la protection des enfants.

Les ressortissants de pays tiers relèvent du droit commun de la protection de l’enfance, défini par le code civil et le code de l’action sociale, sans distinction de nationalité. Ce droit commun comprend une protection d’urgence, faite d’un accueil, d’une mise à l’abri et d’une évaluation sociale, suivi d’un placement de plus long terme à l’ASE, convenu avec le département ou ordonné par un juge.

2.   La procédure prévoit un accueil d’urgence suivi de mesures judiciaires

a.   La plupart des mineurs étrangers isolés se présenteraient aux services départementaux pour leur demander une aide sociale

Les associations entendues par la rapporteure ont insisté sur la découverte, de plus en plus fréquente, de mineurs étrangers isolés dans la rue, par leurs maraudes. Ceux qui l’acceptent sont présentés aux autorités départementales afin qu’elles leur accordent une protection d’urgence.

Le Pas-de-Calais et la Ville de Paris en auraient recueilli un grand nombre en 2016, parmi les 1 584 et 2 687 jeunes évalués, représentant le quart des arrivées recensées. Des cas similaires sont signalés en 2017 dans d’autres départements.

Les auditions conduites par la rapporteure ont confirmé les témoignages repris dans le rapport d’information du Sénat, selon lesquels la grande majorité des mineurs étrangers, recueillis par les services départementaux, se présenteraient spontanément à eux.

Les témoins ne sont cependant pas indifférents à deux versions des faits, qui présentent, l’une, les jeunes recueillis comme des enfants en détresse voire en danger, et l’autre comme de jeunes adultes tentant de se faire passer pour des mineurs, afin de conclure heureusement une migration clandestine.

Les auditions diligentées par la rapporteure confirment en revanche les rapports précédents selon lesquels les jeunes recueillis apportent une demande écrite d’aide d’urgence, souvent stéréotypée, qui leur est remise par les passeurs qui les ont conduits jusqu’aux bureaux de l’aide sociale.

Cette demande n’émane pas de leurs parents ou tuteurs légaux. Elle ne permet pas de les joindre ni, a fortiori, d’engager avec eux une négociation à distance. Cette absence de parents ou de tuteurs connus complique singulièrement l’appréciation juridique et sociale de la situation des jeunes par les services qui les recueillent. Elle distingue les étrangers des mineurs résidents en France.

La plupart des jeunes étrangers recueillis sont des adolescents. La présomption de minorité dont ils bénéficient peut se heurter à l’impression d’avoir affaire à un jeune adulte, impression parfois entretenue par leur apparence, leur comportement et le récit de leur pérégrination, qui leur confèrent une maturité sans rapport avec leur âge.

b.   En pratique, leur accueil d’urgence, limité à 5 jours par la loi, dure en moyenne 40 jours

L’aide sociale à l’enfance, régie par le code de l’action sociale et des familles, doit, en principe, être demandée au président d’un conseil départemental par les parents ou tuteurs de l’enfant à protéger avant d’être convenue avec eux.

Depuis la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007, les services départementaux de la protection de l'enfance peuvent néanmoins accueillir, sans le consentement de ses parents, un mineur qui a abandonné leur domicile.

L’article L. 223-2 du code l’autorise, dans l’urgence, pendant 72 heures seulement, lorsque le mineur ainsi isolé se trouve en danger. Les parents ou tuteurs doivent être immédiatement informés du recueil de l’enfant, de même que le procureur de la République.

Une interprétation admise du texte autorise le service à garder l’enfant pendant les cinq jours impartis à ses parents ou tuteurs pour donner leur consentement à l’aide sociale que leur propose le service.

Un article R. 221-11 du code de l’action sociale prévoit que ce délai est mis à profit pour procéder « aux investigations nécessaires en vue d'évaluer la situation de cette personne au regard notamment de ses déclarations sur son identité, son âge, sa famille d'origine, sa nationalité et son état d'isolement. »

Selon les témoignages recueillis par la rapporteure et, en particulier, ceux des représentants de l’Assemblée des départements de France ([8]), lorsqu’un jeune demandant une aide d’urgence n’est pas immédiatement éconduit ou déféré au parquet, son évaluation sociale dure en moyenne de 40 jours.

c.   La décision du président du conseil départemental ouvre une instance judiciaire, en l’absence de négociation avec la famille

En l’absence de sollicitation du tuteur légal, s’il reste inconnu du service, ou faute d’obtenir consentement, l’hébergement d’urgence d’un mineur présumé relève du chapitre VII du titre du code de l’action sociale et des familles relatif à l’enfance. L’article L. 227-1 de ce chapitre confie la police des mineurs accueillis hors du domicile familial au président du conseil départemental, non au département. L’article L. 227-2 la partage entre ce président et le juge des enfants.

L’information du parquet ouvre une instance judiciaire. Mais tant que ni le parquet, ni le juge des enfants n’en sont saisis, le président du conseil départemental apprécie discrétionnairement la situation du jeune, sans tuteurs connus, que son service de protection de l’enfance a recueilli.

Il peut conclure que ce jeune n’est pas un mineur en danger et lui signifier un refus de l’admettre plus longtemps dans son service, mettant fin à l’instance qu’il a lui-même ouverte. Le jeune peut faire appel de cette décision soit devant le juge des enfants, soit devant le juge administratif, statuant en référé.

Il peut conclure que la minorité et l’isolement du demandeur sont avérés et transmettre sa conclusion et le rapport d’évaluation qui la fonde au parquet ou bien lui déférer un jeune dont le statut personnel reste douteux.

Il est rare qu’avant cette transmission, une ordonnance de placement provisoire soit demandée au procureur pour que le service puisse poursuivre ses investigations au-delà du délai légal de l’accueil d’urgence.

C’est également avec l’accord tacite du procureur que le service d’aide sociale garde le jeune jusqu’au rendu d’une décision judiciaire de placement à son sujet. Les associations de défense des droits des mineurs étrangers isolés, entendues par la rapporteure ([9]), lui ont décrit un contentieux abondant visant l’instance ouverte et close par décisions d’un président de conseil départemental.

Elles ont dit que certains d’entre eux informeraient le parquet pour exposer des majeurs présumés ou avérés à des poursuites pénales pour fraudes documentaires ou aux prestations sociales, et non plus seulement pour obtenir une protection aux mineurs présumés ou reconnus isolés.

d.   Après l’autorité départementale, l’autorité judiciaire se prononce sur la protection sociale du jeune étranger reconnu mineur isolé

Le procureur saisi doit, s’il n’ordonne pas simplement la poursuite de l’accueil d’urgence, renvoyer le mineur isolé, reconnu ou présumé tel, par le président du conseil départemental, à un juge du siège.

Les réformes législatives de la protection de l’enfance ont rendu ce renvoi délicat. Ce ne sont plus les mêmes magistrats qui sont compétents pour ordonner une protection juridique et une assistance sociale ou éducative. Le rapport du Sénat dit même que « leurs attributions sont potentiellement concurrentes. » ([10])

Certains parquets se contentent souvent de prolonger la garde du mineur jusqu’à sa majorité, sans saisir de son cas un magistrat du siège. Parmi les magistrats du siège compétents, le parquet avait le choix. Le juge des enfants peut ordonner une assistance éducative. Il exerce également, concurremment avec le parquet, une police de l’enfance en danger. Le juge des tutelles et celui aux affaires familiales peuvent ordonner une mesure de protection juridique.

Une nouvelle répartition de leurs compétences respectives est esquissée par la circulaire du 19 avril 2017 ([11]) qui privilégie la saisine d’un juge des enfants, parce qu’il peut intervenir rapidement et être saisi directement par un mineur. En cas de pluralité de juges pour enfants dans un tribunal de grande instance, l’un d’entre eux assure la coordination de la protection de l’enfance.

À la complexité de l’organisation judiciaire s’ajoute le fait qu’une fois les mesures de protection ordonnées, l’enfant est, le plus souvent, placé auprès d’un service départemental de l’ASE, qui n’est plus nécessairement celui qui l’a recueilli, puisqu’une répartition nationale des mineurs isolés a été rendue obligatoire, en 2016, par l’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale. Et ce service n’obtient pas nécessairement, de l’autorité judiciaire, la tutelle provisoire du mineur étranger placé sous sa garde, en l’absence d’informations recueillies, dans son pays d’origine, sur sa famille et son statut personnel.

B.   les demandes de protection sociale dépassent celles que les départements peuvent satisfaire

1.   Le nombre de jeunes étrangers qui réclament une aide sociale aux départements a presque doublé en 2017

a.   La statistique du nombre de mineurs étrangers isolés, présents sur le territoire français, est lacunaire et incertaine

Hors demandes d’asile, la statistique des mineurs étrangers signalés sans famille sur le territoire français est établie par l’Agence des services et des paiements (ASP). Elle l’établit à la lecture des demandes de remboursements d’évaluations sociales qui lui sont adressées par les départements.

Pour l’obtenir, les services départementaux doivent renseigner, chaque trimestre, un formulaire indiquant le nombre de jeunes qu’ils ont recueillis, la durée de leur évaluation, exprimée en nombre de journées, et le nombre de ceux qui sont finalement reconnus mineurs parmi eux.

Ni leur nationalité, ni leur âge, connu ou présumé, ni leur qualité de résident ou d’étranger ne sont mentionnés. Supposer que tous sont de jeunes étrangers revient à considérer que l’accueil d’urgence, prévu par l’article 223-2 du code, ne bénéficie qu’à eux.

Il est probable que, dans le cas d’une fugue d’un résident, la connaissance de son état civil et de sa famille permette d’entamer avec elle, dans la journée, la négociation prévue par cet article. Il s’agit là d’une supposition. Ce n’est pas la seule à rendre incertaine la statistique de l’accueil d’urgence de mineurs étrangers.

Un mineur éconduit par un département peut se présenter dans un autre et être compté deux fois. Les interlocuteurs de la rapporteure lors de son déplacement dans le Pas-de-Calais l’ont attesté. C’est pourquoi le parquet consulte le fichier Cassiopée des actes judiciaires pour retrouver la trace d’un évalué et fait relever les empreintes de ceux qui useraient de noms d’emprunt pour les comparer à celles des fichiers de visas.

Quelques départements, selon les témoignages reçus par la rapporteure, ne renseignent pas les formulaires de remboursement. Soit ils en contestent le principe. Soit ils n’ont pas les effectifs suffisants pour les remplir.

Aucune demande de remboursement n’a été adressée à l’ASP par les départements d’outre-mer, bien que le décret du 24 juin 2016 leur soit applicable et que des mineurs étrangers isolés soient signalés en Guyane et à Mayotte.

La liquidation des demandes de remboursement a, en outre, pris du retard. Le décompte suivant a été transmis à la rapporteure par la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) du ministère des solidarités :

Évaluations sociales remboursées par l’État en application de l’article R. 221-12 du code de l’action sociale et des familles

 

Année

Nombre de jeunes soumis à évaluation

Nombre de reconnus mineurs

Proportion de reconnus mineurs

2013 (T3 et T4)

4 726

3 357

71 %

2014

12 055

7 658

63 %

2015

14 993

9 112

60 %

2016

15 188

7 947

52 %

(Source : ASP 09/2017)

En comptant 9 000 évaluations en 2013, par extrapolation des relevés du second semestre, une augmentation tendancielle du nombre de demandes d’aide sociale d’urgence apparaît. Elle est sans proportion avec le nombre d’évaluations déclarées depuis janvier 2017 et attendues sur l’ensemble de l’exercice, qui pourrait atteindre le double de celles imputées sur l’exercice 2016.

b.   Le nombre de mineurs étrangers recueillis en 2017 a peut-être doublé, sans explication, sinon démographique

La DGCS, au cours de son audition, a estimé que 26 000 jeunes au moins pourraient bénéficier d’une évaluation sociale remboursée au cours de l’exercice 2017, leur nombre se stabilisant les années suivantes.

La rapporteure n’a pu obtenir, en audition, d’explication à une telle augmentation, qui rompt la tendance observable les années précédentes. Une modification des voies commerciales de migration, des rumeurs annonçant l’amélioration des conditions de prises en charge des mineurs étrangers en France ont été avancées, sans éléments probants.

L’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (Uniopss) a même suggéré qu’il n’y avait pas plus de mineurs étrangers isolés en France en 2017 que l’année précédente. Ils seraient, cette année, plus souvent signalés et évalués qu’auparavant, en particulier dans les départements qui reçoivent le plus de migrants.

Leur origine permet cependant d’envisager une explication démographique à l’augmentation de leur nombre. Les adolescents originaires d’Afrique représentent près des trois quarts des mineurs étrangers isolés placés à l’ASE, selon le rapport d’activité de leur mission de suivi ([12]).

Trois sur quatre d’entre eux viennent d’Afrique de l’Ouest ou du Sahel. Or la transition démographique s’est amorcée, dans cette région du monde, plus tardivement que dans les autres ([13]). Elle entraîne une forte hausse de la part la plus jeune de la population. ([14])

Selon une étude, commandée par l’Unicef au collectif Reach ([15]), publiée en juin 2017, 75 % des 720 adolescents africains de 15 à 17 ans interrogés à leur arrivée en Sicile, issus de Gambie, du Nigeria, de Côte d’Ivoire et du Sénégal, déclarent avoir entrepris leur odyssée sans prévenir leurs parents.

Ils ont erré en moyenne un an et deux mois avant d’atteindre l’Italie, le temps d’obtenir, en chemin, l’argent de la traversée. Les motifs de départ sont très différents selon leur origine. L’étude relève, parmi ces motifs, la prévalence de formes de violence, de conflit ou d’exploitation, évoquée dans deux tiers des cas, et le manque de moyens de subsistance, dans la moitié.

Moins de la moitié de ces adolescents projetaient de venir en Europe lorsqu’ils ont quitté le domicile familial. Ce sont les péripéties de leur errance qui les ont guidés le long des voies migratoires, vers des pays voisins d’abord puis vers ceux de traversée, où leur passage vers l’Union européenne est organisé.

2.   Les départements qui accueillent le plus de mineurs en urgence ont des taux de reconnaissance de minorité moindres

a.   Les mineurs étrangers isolés sont principalement découverts dans les départements les plus exposés aux migrations internationales

Les demandes d’aide sociale à l’enfance présentées par des étrangers le sont encore aux services des départements par lesquels ils sont entrés sur le territoire français. Il y a également la situation particulière des départements qui se trouvent sur les voies migratoires : certains jeunes quittent les lieux d’accueil d’urgence avant que leur évaluation ne soit terminée, car ils se considèrent en transit et non pas à l’échéance de leur parcours.

Le tableau de la page suivante indique le nombre d’évaluations sociales de mineurs isolés réalisées en 2016 et déclarées à l’ASP fin septembre 2017. Paris, la Seine-Saint-Denis et le Pas de calais ont été les départements initialement les plus exposés à l’arrivée de jeunes migrants demandant une aide sociale à l’enfance. Ils le sont encore avec, respectivement, 2 687, 1 587 et 1 584 accueils déclarés à l’ASP en 2016 et sans doute davantage en 2017.

D’autres départements d’Ile-de-France les ont rejoints, comme le Val-de-Marne, puis ceux des départements frontaliers de l’Allemagne et de l’Italie. En 2016, neuf départements ont accueilli entre 500 et 1 500 jeunes. Les trois plus sollicités reconnaissent moins d’un quart de mineurs isolés parmi ceux qu’ils évaluent. La Ville de Paris, qui évalue 12,5 % des jeunes découverts, ne reconnaît que 16 % de mineurs isolés parmi eux.

ÉValuations déclarées à l’ASP, en 2016, de jeunes mineurs isolés

Département

 

Jeunes

évalués

Mineurs

isolés

Département

 

Jeunes

évalués

Mineurs

isolés

 

 

 

 

 

 

AIN

37

35

MANCHE

108

108

AISNE

75

75

MARNE

179

179

ALPES-DE-HAUTE-PROVENCE

9

9

HAUTE-MARNE

21

21

HAUTES-ALPES

72

72

MAYENNE

97

41

ALPES-MARITIMES

370

370

MEURTHE-ET-MOSELLE

304

156

ARDENNES

16

16

MEUSE

2

2

ARIÈGE

41

41

MORBIHAN

107

35

AUBE

48

48

MOSELLE

256

246

AUDE

604

148

NIÈVRE

116

37

AVEYRON

20

20

NORD

836

315

BOUCHES-DU-RHÔNE

169

129

OISE

205

97

CALVADOS

131

117

ORNE

39

21

CANTAL

8

8

PAS-DE-CALAIS

1584

383

CHARENTE

91

91

PUY-DE-DOME

155

155

CHARENTE-MARITIME

293

85

PYRENEES-ATLANTIQUES

91

91

CHER

55

15

HAUTES-PYRENEES

53

53

CORREZE

20

20

PYRENEES-ORIENTALES

285

272

COTE-D'OR

181

37

BAS-RHIN

345

69

COTES-D'ARMOR

65

36

HAUT-RHIN

73

73

CREUSE

9

8

RHONE

569

307

DORDOGNE

20

7

HAUTE-SAONE

15

4

DOUBS

164

66

SAONE-ET-LOIRE

154

154

DROME

40

26

SARTHE

53

36

EURE

69

69

SAVOIE

134

45

EURE-ET-LOIR

150

30

HAUTE-SAVOIE

91

91

FINISTERE

212

57

PARIS

2687

446

CORSE

1

1

SEINE-MARITIME

91

53

GARD

84

43

SEINE-ET-MARNE

932

359

HAUTE-GARONNE

517

429

YVELINES

266

121

GERS

14

14

DEUX-SEVRES

126

120

GIRONDE

122

54

SOMME

23

22

HERAULT

220

220

TARN

47

47

ILLE-ET-VILAINE

315

68

TARN-ET-GARONNE

65

65

INDRE-ET-LOIRE

26

26

VAR

110

110

ISERE

698

210

VAUCLUSE

52

49

JURA

45

37

VENDEE

87

87

LANDES

5

5

VIENNE

239

239

LOIR-ET-CHER

49

48

HAUTE-VIENNE

109

109

LOIRE

161

54

VOSGES

32

32

HAUTE-LOIRE

61

60

YONNE

183

183

LOIRE-ATLANTIQUE

901

589

TERRITOIRE DE BELFORT

30

26

LOIRET

102

63

ESSONNE

733

733

LOT

74

74

HAUTS-DE-SEINE

149

140

LOT-ET-GARONNE

79

79

SEINE-SAINT-DENIS

1587

339

LOZERE

5

4

VAL-DE-MARNE

875

875

MAINE-ET-LOIRE

264

131

VAL-D'OISE

476

238

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Total sur l’année

21483

11228

 

Source Consolidation annuelle, par les services de l’Assemblée nationale, de données trimestrielles transmises par la DGCS ; certains départements, en particulier ceux d’Outre-mer, n’ont déclaré aucun accueil remboursable.

 

b.   Leur afflux peut dépasser les capacités d’accueil locales

Aux arrivées de l’étranger s’ajoute le transit des jeunes entre départements. Selon le témoignage de Pierre Henry, directeur général de France Terre d’Asile ([16]), les plus réticents à les reconnaître comme mineurs isolés les dirigent parfois vers d’autres départements, réputés accueillir leurs demandes.

Certains services départementaux d’aide sociale à l’enfance seraient débordés par les demandes d’accueil d’urgence. M. Gilbert Favreau, président du conseil départemental des Deux-Sèvres, entendu par la rapporteure en tant que représentant de l’ADF ([17]), a décrit la saturation de ses services.

Bien que dévoués à l’accueil d’urgence des mineurs isolés, le personnel de l’ASE, pourtant renforcé par des recrutements et conforté par une hausse du budget, a fini par se mettre en grève, parce que les mineurs isolés recueillis s’ajoutaient à ceux placés, débordant les capacités de prise en charge du service.

Le Premier ministre, lors de son allocution au 87e congrès des départements de France, vendredi 20 octobre 2017, a déclaré que leur arrivée était depuis quelques mois, devenue « un phénomène plus massif et plus diffus. Il est plus massif, parce qu’il s’accélère, et il est plus diffus, parce qu’il concerne un nombre croissant de départements, pour bientôt les concerner tous. »

Il a reconnu que cette situation n’est pas tenable et que les présidents des conseils départementaux sont ou se sentent dépassés par ce mécanisme exceptionnel et lourd sur le plan budgétaire.

c.   Lorsque les services d’accueil d’urgence sont débordés, la mise à l’abri des jeunes évalués devient facultative ou sommaire

Faute d’une répartition, dans le temps et sur le territoire national, de leur accueil, les conditions dans lesquelles les jeunes accueillis sont évalués se dégradent. Tous ne sont plus mis à l’abri. Une sélection s’opère pour éconduire les plus âgés. Parmi eux, des mineurs sont remis à la rue.

En audition, les associations de défense des droits des mineurs étrangers ont déclaré que les mises à l'abri, dans l'attente d’un rapport d’évaluation ou d’une décision judiciaire, quand elles sont assurées, le sont désormais fréquemment dans des hôtels à très bas coût, sans accompagnement éducatif ni accès à des soins.

Un tarif de 17 euros par jour en hébergement d’urgence a été évoqué en audition. La convention de mise à l’abri, établie entre l’État et une association, dont la rapporteure a pu obtenir copie prévoit un hébergement d’urgence avec accompagnement, à Paris, pour un tarif de 44 euros par jour, dans lequel la location de l’hébergement entre pour 45 %, les charges de personnel pour 30 %.

d.   Les évaluateurs renversent la charge de la preuve de la minorité, en dépit de contraintes réglementaires nationales

Aux défauts de la mise à l’abri s’ajoute une dégradation des conditions dans lesquelles la minorité et l’isolement des jeunes étrangers sont évalués. En dépit d’une réglementation nationale de plus en plus stricte, les services ou prestataires départementaux qui l’évaluent accordent moins à leurs allégations de minorité le bénéfice du doute, alors qu’elles ont justifié leur mise à l’abri.

L’évaluation exige du jeune qu’il prouve son âge et son isolement, sans conseil juridique, ni soutien consulaire, dans une procédure discrétionnaire qui ne lui apporte pas les garanties du contradictoire judiciaire. Moins bienveillante, cette évaluation devient aussi plus suspicieuse. Elle ne présume plus la bonne foi du demandeur ni l’authenticité des documents d’identité qu’il produit.

Il s’agit le plus souvent d’un extrait d’acte de naissance sans photographie ni empreinte digitale permettant de l’attribuer au porteur avec certitude. Faute de saisine des autorités consulaires du pays d’origine, le titre produit n’emporte pas la reconnaissance de sa minorité dans les termes de l’article 47 du code civil. Son authenticité est mise à l’épreuve d’un contrôle de fraude documentaire pour confondre le menteur plutôt que pour aider le mineur.

e.   Des présidents de conseils départementaux rejettent les demandes estimées excédentaires sans les motiver ou contre l’avis de l’évaluateur

Lors de son audition par la rapporteure ([18]), Sylvie Vella, cheffe de la mission de suivi des mineurs étrangers isolés au ministère de la justice, a reconnu que leur évaluation sociale restait disparate dans son organisation et très inégale dans ses méthodes et ses résultats.

Les règles nationales, posées par voie réglementaires et sanctionnées par les tribunaux des deux ordres de juridiction, n’ont pas suffi à garantir localement que l’intérêt du mineur prévale sur celui du département.

Leur application se heurte au pouvoir discrétionnaire d’appréciation que les textes accordent implicitement au président du conseil départemental, hors hiérarchie judiciaire. La saturation de leur accueil d’urgence conduit certains d’entre eux à éconduire des jeunes migrants, en dépit d’un rapport d’évaluation reconnaissant leur minorité.

Ces refus d’aide sociale ne sont pas tous notifiés par écrits ni motivés, bien que le Conseil d’État en ait rappelé l’obligation. Quand ils le sont, c’est par une formule lapidaire, disant qu’aucun élément tangible n’a été apporté à l’appui de l’allégation de minorité, sans établir pour autant la fausseté de celle-ci.

Certains services départementaux opèrent une présélection des demandes, selon le nombre de places d’hébergement disponibles dans les accueils d’urgence et ne dirigent que les sélectionnés vers un évaluateur, pour éviter que les autres n’intentent un recours contre une décision formelle de refus.

Ces pratiques sont attestées par des témoignages sans qu’une statistique du ministère de la justice ne permette de les corroborer, faute d’enregistrement, dans le fichier Cassiopée, des actes administratifs auxquels elles donnent lieu.

Les relevés de l’ASP les recoupent en accusant une baisse continue du taux de reconnaissance de mineurs parmi les jeunes accueillis d’urgence. Le taux moyen est tombé à 52 % en 2016 alors qu’il était de 71 % en 2013 puis de 63 % en 2014. Le rapport d’information du Sénat l’annonce à 49 % au second semestre 2016 et à 40 % au premier semestre 2017.

Cette évolution, très variable d’un département à l’autre, peut s’expliquer par des pratiques d’évaluation non harmonisées. Certains départements reconnaissent la minorité de tous les jeunes demandeurs d’aide qu’ils évaluent. D’autres en éconduisent un grand nombre.

L’hypothèse alternative d’une augmentation générale de l’âge moyen des demandeurs d’aide serait incohérente avec la légère diminution de l’âge moyen des admis à l’aide sociale, dont fait état le dernier rapport de la mission de suivi ([19]).

Selon ce rapport, 3 329 enfants, sur 8 054 mineurs étrangers admis à l’ASE en 2016, avaient moins de 16 ans, soit 41 %. Ils étaient 2 224 sur 5 990, soit 39 % en 2015. Il peut s’agir du résultat d’une sélection des demandes d’aide sociale conduisant à ne protéger, dans certains départements, que les plus jeunes parmi les mineurs étrangers.

Cette inégalité de traitement, confirmée par les associations de défense des droits des mineurs étrangers, n’est pas conforme aux engagements internationaux de la France. Elle motive l’harmonisation entreprise, de sa propre initiative, par le ministère de la justice. Mais cette initiative heurte l’autorité départementale.

3.   La répartition, sur le territoire métropolitain, des mineurs reconnus isolés rencontre des obstacles juridiques et des résistances politiques

a.   L’autorité judiciaire opère une répartition nationale des mineurs placés à l’ASE pour soulager les départements qui les ont accueillis

La répartition nationale des admis à l’aide sociale à l’enfance, proposée par la circulaire du 31 mai 2013 ([20]) manquait d’un titre légal, selon le Conseil d’État, qui l’a annulée. Un amendement a ajouté un article 48 à la loi n° 2016-297 du 14 mars 2016 relative à la protection de l'enfant, lui donnant force de loi.

Cette répartition est désormais prescrite par l’article L. 221-2-2 du code de l’action sociale et de familles. Le décret d’application de cet article a été confirmé par le Conseil d’État ([21]). Le Conseil constitutionnel n’en a pas été saisi.

Au cours de son audition, Sylvie Vella a estimé que la répartition à laquelle procède la cellule nationale qu’elle dirige n’est plus guère contestée. Gilbert Favreau, entendu par la rapporteure en qualité de représentant de l’ADF, a confirmé que cette dernière en acceptait le principe.

Les juges du siège, en particulier les juges des enfants, admettent encore des mineurs étrangers à l’assistance éducative de leur ressort sans solliciter la cellule nationale d’orientation. Cette saisine ne s’impose qu’aux parquets.

Les effectifs admis à l’ASE sans décision d’orientation sont estimés par Sylvie Vella à 10 % du total des mineurs étrangers placés. Ils sont cependant réintégrés après coup dans la base de données @MIE pour entrer dans les effectifs retenus par la clé démographique de répartition.

Implicitement, cette répartition ne s’applique qu’aux mineurs étrangers, bien que le droit applicable ne les distingue pas comme tels, du seul fait que les mineurs isolés résidents ne sont pas signalés à la cellule nationale.

b.   La répartition est moins contrariée par des réévaluations systématiques que par l’exécution négligente des ordonnances de placement

Lorsqu’un mineur recueilli d’urgence change de département sur ordonnance judiciaire, les autorités départementales qui le reçoivent ne s’estiment pas toujours tenues par une décision de placement, prise par un juge du parquet ou du siège hors de son ressort.

Elles peuvent demander un réexamen du cas à leurs services ou à l’autorité judiciaire compétente localement, reprenant la procédure à son origine, comme si le mineur venait d’être découvert. Les sources statistiques ne permettent pas de connaître la fréquence de ces réévaluations.

Elles sont souvent évoquées en audition mais Sylvie Vella ne les a confirmées que dans un seul département. Les départements qui estiment que l’évaluation des mineurs qui leur sont transférés n’est pas fiable préfèrent en contester le rapport devant la juridiction d’appel de l’ordonnance de placement.

Ils les confient à des associations, recrutées sur appels d’offres, selon des cahiers des charges et des tarifs analogues à ceux de l’accueil d’urgence. Dès lors, les prestations d’aide sociale à l’enfance accordées aux mineurs étrangers varient du simple au triple d’un département à l’autre.

c.   Des besoins particuliers sont invoqués pour confier les mineurs étrangers à des associations caritatives plutôt qu’aux services de l’ASE

Selon les témoignages reçus, de moins en moins de mineurs étrangers sont admis dans les foyers départementaux de l’enfance ou dans les maisons d’enfants à caractère social, pour être confiés à des associations caritatives voire à des prestataires hôteliers.

Ces prestataires sont recrutés spécialement sur appel d’offres, à un prix d’appel bien inférieur à celui d’un mineur placé à l’ASE. L’hébergement qu’ils offrent prive le mineur placé de l’accès aux services d'un soignant et d’un éducateur ou d’un travailleur social, sans parler de l’accès à de l’aide juridique indispensable aux moindres démarches d’un mineur sans état civil.

Il n’existe pas de recensement statistique national des marchés de placement à l’aide sociale passés sur appels d’offres par les départements. Mais plusieurs prestations départementales d’hébergement de mineurs étrangers ont fait l’objet de saisines du Défenseur des droits ([22]). Les enquêtes diligentées par Geneviève Avenard, Défenseure des enfants, adjointe au Défenseur des droits, confirment que des départements confient l’hébergement des mineurs étrangers placés aux moins-disants qui répondent à des appels d’offres dont les cahiers des charges négligent l’assistance éducative. Des mineurs sont aussi placés dans des hébergements d’urgence.

Les prestations d’assistance éducative qui leur sont assurées ont fait l’objet d’un dossier thématique de l’Observatoire national de la protection de l’enfance de février 2017 ([23]). Ce dossier conclut que l’assistance due est complète pour les moins de 15 ans, partielle pour les 15-16 ans et minimale pour les plus de 16 ans, alors que ces derniers sont majoritaires parmi les mineurs étrangers placés. La sous-traitance, à moindre coût, du placement des mineurs étrangers est justifiée par leur âge moyen et leur suradaptation, qui attesteraient leur autonomie et par des besoins qui leur seraient particuliers.

Le rapport de la Cour des Comptes ([24]) sur la situation financière des collectivités territoriales, publié le 11 octobre 2017, confirme, page 256, des placements de mineurs à 50 euros par jour. Il reconnaît que : « pour limiter l'impact budgétaire de cette mission nouvelle sans pénaliser les dispositifs existants, plusieurs départements (Indre-et-Loire, Yvelines, Yonne) expérimentent des dispositifs d’accueil conventionnés avec le secteur associatif (accueil en semi-autonomie en auberge de jeunesse, foyer de jeunes travailleurs, appartement) qui apparaissent par ailleurs mieux adaptés aux besoins des jeunes mineurs accueillis. »

Elsa Keravel, chargée de mission à l'ONPE a expliqué en audition que la suradaptation de ces mineurs, qui trompe les professionnels de la protection de l’enfance et les juges, est un symptôme traumatique de leur migration.

Quant à leurs besoins spécifiques, ceux qui tiennent à l’absence d’un état civil et d’un titre de séjour, à la scolarisation, à l’accès à la formation professionnelle et aux soins de santé appellent, selon la circulaire interministérielle du 25 janvier 2016 ([25]), un concours des services de l’État et non une délégation à des prestataires inconnus des services judiciaires.

Les auditions conduites par la rapporteure lui ont confirmé que ce concours n’était apporté que dans quelques départements, comme dans le Pas-de-Calais, où la rapporteure s’est rendue. Dans les autres, la circulaire n’est pas appliquée. Sans ce concours, les éducateurs départementaux doivent acquérir par eux-mêmes les compétences requises pour l'appréhension des décalages interculturels et l’enseignement de la langue française.

Leur surinvestissement en faveur des mineurs étrangers isolés les conduit à un découragement évoqué par plusieurs auditions, lorsque les projets élaborés dans les termes de la loi sont rompus par le refus d’un titre de séjour à la majorité. Ce refus peut être motivé par la preuve d’un lien conservé entre le mineur placé et sa famille. Or la dissimulation ou la clandestinité de ce lien trouble la relation de confiance entre les jeunes et leurs éducateurs.

d.   Le surcoût de l’aide sociale procurée aux mineurs étrangers, allégué par l’ADF, n’est pas confirmé par la Cour des Comptes

Les départements hésitent à investir davantage dans la protection de l’enfance, alors que l’exercice de cette compétence est davantage réglementé par l’État que par leurs conseils élus. Le budget alloué à l’ASE pâtit de la baisse des dotations de l’État et d’une augmentation des autres dépenses sociales.

Ceux qui ne peuvent ou ne veulent consentir à dépenser davantage pour des mineurs étrangers sont enclins à les considérer comme des migrants plutôt que comme des enfants. Il les place à moindre coût et ne leur accorde guère de contrats jeunes majeurs, dont les nombres et le budget seraient en baisse.

Une dépense d’un milliard d’euros, en 2016, pour la protection sociale des mineurs étrangers isolées a été alléguée par l’ADF. Sa décomposition entre accueil d’urgence, placement à l’ASE et contrats jeunes majeurs figure à la page 39 du rapport d’information du Sénat de juin 2017 ([26]). Cette dépense n’apparaît pas aussi élevée dans le rapport de la Cour des Comptes d’octobre 2017 cité plus haut. Ce rapport évalue, page 220, l’augmentation des dépenses départementales d’ASE depuis 2012 à 400 millions d’euros, sans préciser celles imputables à la protection des mineurs étrangers.

C.   En 2018, l’État subventionnera le placement des mineurs Étrangers à l’ASE et assuRerA leur accueil d’urgence

1.   L’État assure l’accueil d’urgence et la protection juridique des demandeurs d’asile mineurs mais pas leur protection sociale

a.   L’État finance sur le programme 303 le placement de mineurs isolés en zone d’attente

Le droit européen limite les mesures de refoulement, d’éloignement et de rétention administrative applicables aux mineurs non accompagnés ([27]). Il ne s’oppose pas à leur placement en zone d’attente. La procédure qui leur est applicable reproduit celle à laquelle sont soumis les mineurs isolés considérés comme demandeurs d’asile, entièrement réglée par le droit européen ([28]).

Dès le prononcé d’un refus d’entrée sur le territoire, un mineur isolé est placé en zone d’attente. Il bénéficie de la protection juridique d’un administrateur ad hoc, désigné par le procureur de la République, et d’une protection sociale, assurée par des associations caritatives.

Les mineurs étrangers de moins de 13 ans, retenus à leur descente d’avion à l’aéroport Charles-de-Gaulle de Roissy, sont confiés à la Croix-Rouge Française. Elle les loge dans une zone réservée de l’aéroport puis, le temps de formaliser et d’examiner la recevabilité de leur demande d’asile, dans deux centres d’accueil et d’orientation, installés à Boissy-Saint-Leger et Taverny.

Ces hébergements lui sont remboursés par l’État sur le fonds de concours européen asile et migration. En 2017, les versements de ce fonds apparaissaient dans le projet annuel de performance du programme 303 de la mission Immigration, asile et intégration et s’élevaient à 690 000 euros. En 2018, la présentation des crédits ne les distingue plus parmi les 5,7 millions d’euros de subventions du fonds de concours.

Le rapport annuel de performance prévoit 1,62 million d’euros de subventions aux centres de rétention de la Croix-Rouge mais cette somme couvre à la fois l’assistance humanitaire aux étrangers et celle aux mineurs étrangers isolés demandeurs d’asile.

b.   Les mineurs étrangers isolés qui demandent l’asile après leur entrée sur le territoire sont placés à l’ASE par la justice

L’évaluation des mineurs étrangers, placés en zone d’attente, pour lesquels l’administrateur ad hoc demande l’asile, est confiée à l’OFPRA. L’office assure également l’évaluation des mineurs isolés considérés comme demandeurs d’asile après leur entrée sur le territoire français. Ces derniers, comme ceux, auparavant retenus, dont la demande a été déclarée recevable, ne sont pas hébergés en centre d’accueil (CADA), comme les demandeurs d’asile adultes ou les familles.

Lorsqu’un mineur isolé entré sur le territoire est considéré comme demandeur d’asile, l’OFPRA en informe le parquet et le président du conseil départemental. Le parquet lui assigne un administrateur ad hoc jusqu’au prononcé d'une mesure de tutelle. Le président du conseil départemental fait évaluer sa situation sociale. En pratique, le demandeur l’asile est confié, sur décision de justice, à un service ou une association d’aide sociale à l’enfance, qui le loge et prend soin de lui pendant l’instruction de sa demande, aux frais du département.

2.   L’État subventionne, très partiellement, par un fonds de la CNAF, l’évaluation sociale des autres mineurs étrangers isolés

a.   L’État reconnaît depuis 2013 le surcroît de charge qu’impose l’accueil d’urgence inventé en 2007 mais ne le rembourse que très partiellement

Le remboursement de l’évaluation sociale des mineurs isolés, qui ne sont pas demandeurs d’asile ni victimes de traite, est imputé, depuis 2013, sur le Fonds national de financement de la protection de l'enfance (FNFPE). Ce fonds a été créé par l’article 48 de la loi n° 2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l'enfance. Cet article est lui-même issu d’un amendement du Gouvernement, déposé en réponse à ceux de groupes du Sénat, dont les auteurs estimaient que l’accueil d’urgence, prévu par la loi, ajoutait à l’ASE une charge qui devait être compensée. Le Gouvernement l’a reconnu en créant le FNFPE.

Ce fonds devait être alimenté par l’État et la CNAF. Cette dernière ne l’abonde plus depuis 2013, bien qu’il reste inscrit dans ses comptes et qu’elle en assure la gestion administrative et comptable. Selon les réponses écrites de la DGCS, les dépenses annuelles de remboursements, par le FNFPE, d’évaluations sociales de mineurs isolés ont été les suivantes depuis 2014 :

Remboursements d’accueil d’urgence de mineurs étrangers par l’ASP

Année

Nombre de jeunes évalués

Nombre de jours d’évaluation

Montant, en euros, des remboursements

2014

 12 055

 46 753

 11 688 250

2015

 14 993

 56 372

 14 093 000

2016

 15 188

 62 723

 15 680 750

Source : Réponse de la DGCS, citant l’ASP, aux questions budgétaires de la rapporteure

Selon l’article R. 221-12 du code de l’action sociale et des familles, le remboursement est forfaitaire. Il est calculé par jour et par personne prise en charge, dans la limite de cinq jours. Il couvre les dépenses relatives à la phase de mise à l'abri, d'évaluation et d'orientation, engagées par les départements.

Le montant du forfait journalier a été fixé à 125 euros par la circulaire de 2013. Il pourrait être relevé de la même façon. Le coût de l’évaluation est estimé en moyenne à 10 000 euros par l’ADF, soit le décuple du remboursement maximum. Cette dépense correspond à la durée moyenne d’accueil d’urgence de 40 jours, soutenue lors de la même audition.

b.   Les recettes budgétaires du fonds ont été insuffisantes en 2015, entraînant un retard de remboursement de plus d’un semestre

Les dépenses de remboursement, par le FNFPE, d’évaluations sociales ne sont apparues dans les documents budgétaires qu’à l’occasion du projet de loi de finances pour 2017. Les recettes qui les ont couvertes antérieurement ont pu être reconstituées par la rapporteure, avec le concours de la DGCS.

Il restait, en 2014, 3,1 millions d’euros de provisions sur le budget initial du fonds, destiné à financer des expérimentations sociales. 2,8 millions ont été réaffectés au remboursement des dépenses d’évaluation sociales des jeunes étrangers. Les ministères de l’intérieur, de la justice, de l’éducation nationale et des affaires sociales ont ensuite apporté 9,5 millions d’euros au fonds pour cela.

En 2015, le budget des remboursements a été ouvert par 1,5 million d’euros de réserve parlementaire. Il a été abondé, en septembre, par 8 millions d’euros pris aux ministères de la justice, de l’intérieur et de l’éducation.

Il a manqué 4,5 millions d’euros sur l’exercice. Un décalage d’un semestre s’est installé dans la liquidation des remboursements demandés par les départements.

Au cours de l’exercice 2016, le FNFPE a reçu, en février, 12,85 millions d’euros des 14 millions ajoutés, en séance, au projet de loi de finances initiale ([29]), qui n’en prévoyait pas. En novembre, lui ont été versés 1,15 million d’euros de la réserve de précaution et 2,5 millions d’euros, retranchés du budget de la justice.

En 2017, le fonds a reçu, en mars, 14 millions d’euros sur les 15,26 votés en loi de finances initiale et, en septembre, 6,1 millions d’euros, obtenus par une levée sur la réserve du programme 304 et par un report de crédits.

Si le nombre de jeunes évalués dépasse, comme prévu, les 26 000 cette année, il manquera au moins 6 millions d’euros au budget de l’exercice et le triple en trésorerie puisque, fin septembre, le fonds n’a rien versé sur l’exercice 2017.

c.   Le projet de loi de finances pour 2018 double la dotation du fonds, qui financera encore les évaluations attendues en 2018

Le projet de loi de finances pour 2018 alloue 132 millions d’euros de crédits de paiement à l’accueil et à l’orientation des mineurs étrangers isolés. En audition ([30]), la DGCS a indiqué que 63,7 millions d’euros, soit moins de la moitié de cette dotation, rembourseront des évaluations sociales.

Sur cette somme, 44,8 millions d’euros couvrent celles prévues en 2018. Un tel montant annonce soit un nouveau doublement des arrivées attendues, soit, plus vraisemblablement, un doublement de la part payée par l’État.

La rapporteure en déduit que les 18,9 millions d’euros restants couvrent le besoin de financement de 2017 et reconstituent la trésorerie du fonds ainsi que la réserve du programme 304. Aucun supplément de crédits n’a été annoncé par le Premier ministre dans le projet de loi de finances rectificative pour 2017.

d.   Le Gouvernement s’est, en outre, engagé à subventionner le placement des mineurs étrangers à l’ASE, au-delà du 13 000e à compter de 2017

La DGCS a également confirmé, au cours de l’audition, que 66,8 millions d’euros de crédits de paiement financeront, en 2018, une subvention de l’État aux services de l’aide sociale à l’enfance, lorsqu’ils prendront en charge un mineur étranger isolé, placé sous leur responsabilité, soit par une décision judiciaire, soit par la cellule d’orientation nationale, cela n’a pas été précisé.

Restent 2 millions d’euros de crédits de paiement non affectés sur les 132 millions d’euros provisionnés en 2018, peut-être destinés à financer le coût de traitement des dossiers, par le FNFPE ou une autre instance comptable.

Le rapport du Sénat faisait état d’une subvention de l’ASE par l’État, page 43, indiquant que : « pour toute arrivée de jeune migrant au-delà du seuil de 13 000, l’État verserait 12 000 euros (30 % du chiffre qu’il retient pour la prise en charge d’un MNA ([31]), soit 40 000 euros). »

Lors du comité de suivi de l’accueil d’urgence des mineurs étrangers du 15 septembre 2017, les ministres de la justice et des solidarités et de la santé ont confirmé l’engagement de l’État de subventionner partiellement leur placement. Le communiqué de presse du ministère de la justice du 18 septembre 2017 ([32]) évoque une subvention de 30 % du coût estimatif de l’aide sociale, accordée pour tout mineur placé après le 31 décembre 2016.

En audition, l’ADF a confirmé que l’accord passé avec l’État garantit cette subvention pour tout mineur au-delà du 13 000e placé, à compter du 1er janvier 2017. Le site Internet de la cellule nationale déclare 10 755 mineurs non accompagnés admis à l’ASE entre le 1er janvier 2017 et le 13 octobre 2017 ([33]).

Puisque 12 000 sont attendus sur l’année, la subvention ne serait versée qu’à compter du 1001e admis en 2018. Un mineur étranger est placé en moyenne à 16 ans, pour deux ans. Les informations recueillies en audition n’ont pas permis de préciser si la subvention annoncée serait versée une seule fois ou annuelle.

Dans l’hypothèse la plus probable où elle serait versée annuellement, puisqu’un même nombre d’admissions est attendu en 2017 et 2018, 11 000 mineurs isolés seraient annuellement à la charge du budget de l’État, tant que les admissions se maintiendront.

A raison de 12 000 euros par admis et par an, la subvention représenterait une dépense budgétaire de 132 millions d’euros. Cette dépense correspond exactement au montant des autorisations d’engagements inscrites en 2018. Il apparaît alors qu’aucune autorisation d’engagements n’a été provisionnée pour les remboursements d’évaluation, ce qui semble impliquer que le FNFPE cesserait de les rembourser à compter de 2019.

Une réforme du code de l’action sociale et des familles serait jointe à celle du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dit CESEDA, prévue par le plan d’action, adopté par le conseil des ministres du 12 juillet 2017, pour garantir le droit d’asile et mieux maîtriser les flux migratoires. Cette réforme précisera sans doute les conditions dans laquelle la subvention à la prise en charge sera versée.

Il serait surprenant qu’elle soit allouée indifféremment au placement d’un mineur à 50 euros par jour en hôtel social, à 70 ou 80 euros par jour auprès d’un assistant familial ou en foyer de jeune travailleur et à plus de 120 euros dans un établissement de l’ASE.

Une allocation forfaitaire aggraverait le déséquilibre sachant que la clé de répartition des placements ne tient compte ni des ressources des départements, ni de leurs charges d’aides sociales à l’enfance.

La subvention pourrait être conventionnée par département, comme l’est l’appui de l’État aux politiques d’insertion depuis la loi de finances pour 2017, et comme le prévoit l’article L. 228-5 du code de l’action sociale et des familles lors des situations exceptionnelles.

3.   L’État pourrait financer davantage, voire confier à ses services, l’accueil d’urgence et l’évaluation des jeunes étrangers

Lors du 87e congrès des départements de France, vendredi 20 octobre 2017, le Premier ministre a déclaré que : « Pour sa part, conformément aux engagements du président de la République, l’État assumera l’évaluation et l’hébergement d’urgence des personnes se déclarant mineures, entrant dans le dispositif, jusqu’à ce que leur minorité soit confirmée »

« C’est le rôle de l’État d’accueillir dignement une personne étrangère sur notre territoire, de lui assurer la protection correspondant à son statut, de s’assurer que les titres qu’elle présente sont authentiques et de déterminer, enfin, son âge, pour savoir à quoi, le cas échéant, elle a droit. Il va donc falloir mettre en place des dispositifs d’accueil et un processus de prise en charge spécifique, adapter les dispositions législatives, clarifier la question des coûts. »

La réforme annoncée indiquera la destination des 44,8 millions d’euros de crédits de paiement, destinés à rembourser des évaluations réalisées en 2018. Cette somme pourrait financer des centres d’évaluation, administrés par l’État.

a.   L’ouverture de centres interdépartementaux d’accueil des mineurs étrangers est réclamée depuis quinze ans par les rapports officiels

Le rapport de l’ancien préfet d’Ile-de-France Bernard Landrieu ([34]), publié en 2003, propose d’organiser, à l’échelle francilienne, une plateforme régionale d’accueil, d’évaluation et d’orientation des mineurs étrangers isolés. Le rapport rendu par trois membres de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), en janvier 2005 ([35]), recommande la constitution, par les préfets, de plateformes ou de réseaux coordonnés de compétences.

Le rapport de mission ([36]), adressé en mai 2010 à la ministre de la justice, par la sénatrice Isabelle Debré, appuie la création de ces plateformes territoriales. Le rapport de notre ancien collègue Jean-Pierre Michel, remis à la ministre de la Justice le 18 décembre 2013, invite à en créer un nombre limité, à proximité des lieux par lesquels les jeunes entrent sur le territoire.

Le rapport d’évaluation de l’application de la circulaire de 2013, rendu en juillet 2014 ([37]) par trois inspections générales, recommande de mutualiser et de concentrer là, par contrat, les moyens des conseils départementaux. Le rapport d’information du Sénat de juin 2017 ([38]), souhaite que ces plateformes interdépartementales disposent de l'expertise des services de l'État.

b.   Une jurisprudence administrative récente emporterait leur ouverture

L’intervention de l’État, lors de l’évacuation de campements insalubres de migrants qui réunissent adultes et enfants, a été présentée comme exceptionnelle.

Une jurisprudence du Conseil d’État la rend subsidiaire de la carence des autorités locales et, à ce titre, obligatoire, sous le contrôle du juge des référés ([39]). Cette jurisprudence pourrait accélérer l’ouverture de centres de mise à l’abri des migrants et d’évaluation de ceux qui se déclarent mineurs ou en ont l’apparence.

La jurisprudence de leur protection a, d’ailleurs, également changé cet été. Une décision du Conseil d’État du 25 août 2017 ([40]) admet qu’un département puisse prouver au juge des référés que l'augmentation de ses capacités d'hébergement et l'accélération de ses procédures d'évaluation, requises pour accueillir un surcroît de mineurs isolés, excèdent ses moyens.

Le juge administratif mettrait alors en balance l’intérêt supérieur d’un mineur et les diligences et moyens de l’aide sociale à l’enfance d’un département, avant de décider si ce mineur peut être placé auprès de ce département ou bien si ce dernier peut, à bon droit, refuser de l’accueillir et de le placer. Pour le juge administratif, ce refus serait admissible puisque l’État supplée la carence du département.

Ce motif n’est pas reçu par le juge judiciaire, lorsqu’il apprécie, en droit, l’intérêt supérieur de l’enfant et les mesures de protection qu’il requiert, sans considération des moyens d’exécution de ses ordonnances.

Interrogé à ce sujet par la rapporteure, le ministère de la justice reconnaît que la jurisprudence administrative renvoie à l’État la responsabilité de prendre en charge un mineur, quand le département saisi n’a pas les moyens de l’assumer.

Sa réponse rappelle néanmoins les dispositions de l’article 432-1 du code pénal, sur la mise en échec de l’exécution de la loi. Elle rappelle aussi que l'article 375-3 du code civil, modifié par la loi n° 2017-258 du 28 février 2017 relative à la sécurité publique, permet au procureur de requérir le concours de la force publique pour faire exécuter les décisions d’assistance éducative.

Afin de résoudre cette difficulté, le Gouvernement augmente ses subventions à l’ASE et soulagera les services départementaux les plus sollicités, en leur apportant le concours des siens, dans des centres qui seraient permanents.

c.   Des centres permanents pourront appliquer les règles de l’évaluation sociale et réunir les compétences professionnelles qu’elles requièrent

L’État a pris la responsabilité de réglementer l’évaluation sociale des mineurs isolés, au motif que, depuis 2007, le parquet doit être informé de leur accueil d’urgence. Sur rapport du ministre de la justice, le Premier ministre a soumis, par décret ([41]), cette évaluation à un référentiel national. Ce référentiel figure dans l’arrêté ministériel du 17 novembre 2016 ([42]) du ministre de la justice.

Les modalités d’évaluation qu’il prévoit sont précises et exigeantes en ressources humaines. Elles imposent le recours à un interprète « faisant preuve de neutralité vis-à-vis de la situation » et à des professionnels justifiant d'une formation ou d'une expérience en matière de connaissance des parcours migratoires et de géopolitique des pays d'origine, de psychologie de l'enfant et de droit des mineurs. Les compétences exigées sont rares. Elles relèvent de plusieurs disciplines universitaires. Certaines ne peuvent s’acquérir que par l’expérience.

L’arrêté exige de l’évaluateur qu’il « veille à confronter l’apparence physique de la personne évaluée, son comportement, sa capacité à être indépendante et autonome, sa capacité à raisonner et à comprendre les questions posées, avec l’âge qu’elle allègue. L’évaluateur est attentif à tout signe d’exploitation ou d’emprise dont peut être victime la personne évaluée. »

L’évaluateur qui découvre, en entretien, que ses compétences ne suffisent pas à apprécier la minorité et l’isolement du jeune, doit obtenir le concours de professionnels d'autres spécialités, lors d’un nouvel entretien.

L’interprète requis devrait être également qualifié en psychologie sociale et cognitive ou en ethnopsychiatrie pour repérer, signaler et traduire les expressions, dans la langue et la culture d’origine des jeunes évalués, des signes symptomatiques d’une migration traumatisante qui échapperaient à l’évaluateur.

Ces compétences doivent être mobilisables dans les cinq jours de l’accueil d’urgence, dans n’importe quel département, sauf à déférer le jeune au parquet et obtenir du procureur une ordonnance prolongeant l’évaluation.

L’arrivée des jeunes migrants restant imprévisible, leur origine variée, des professionnels qualifiés à l’égard de chaque culture d’origine devraient être disponibles sur l’ensemble du territoire, en métropole comme outre-mer.

Cette mobilisation est trop coûteuse pour les départements. Seul l’État peut l’adapter à des arrivées qui restent imprévisibles. Le personnel qualifié pour accueillir les arrivants serait rassemblé dans quelques centres, près des principaux lieux d’entrée sur le territoire, plutôt que dispersé dans les départements, dans l’attente de demandes occasionnelles.

d.   Ces centres pourront établir l’état civil des recueillis et garantir aux mineurs la protection juridique qu’exige le droit international

L’évaluation sociale de l’isolement des mineurs étrangers recueillis est actuellement biaisée par la vérification préalable de leur minorité. Dans sa décision du 14 juin 2017 ([43]), le Conseil d’État a confirmé que cette vérification n’emporte pas la reconnaissance d’un état civil.

Cependant la méconnaissance de l’état civil des jeunes évalués peut être préjudiciable à la protection des mineurs parmi eux. Sa reconstitution est nécessaire pour de nombreux actes de la vie courante, comme les inscrire à l’école ou à la sécurité sociale, leur permettre de passer le permis de conduire, leur ouvrir un compte bancaire, leur procurer un abonnement téléphonique, leur accorder une autorisation de travail à 16 ans et un titre de séjour à leur majorité.

Cette reconstitution implique de prendre l’attache des autorités consulaires du pays de résidence habituelle du jeune étranger accueilli, comme le prévoit la circulaire du 25 janvier 2016, lorsqu’il n’est pas demandeur d’asile. Cette consultation est en outre nécessaire à l’application de l’article 47 du code civil sur la bonne foi des actes d’état civil à ceux présentés lors de l’évaluation.

Reconstituer l’état civil du mineur isolé éviterait de recourir à des examens médicaux, admis par l’article 388 du code civil, lorsque l'âge allégué n'est pas vraisemblable et qu’aucun titre ne l’atteste. Ces examens, intrusifs, sont peu fiables entre le début de la puberté et l’âge adulte. La rapporteure a recueilli à leurs sujets de nombreuses critiques lors de ses auditions. Leur opportunité pourrait faire l’objet d’une réévaluation à l’occasion de la réforme du droit d’asile.

Dans un avis n° 17-10, rendu le 11 octobre 2017, après l’audition de la Défenseure des enfants par la rapporteure, le Défenseur des droits rappelle son opposition à ces examens et celle du Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, exprimée dans ses observations du 23 février 2016 sur le cinquième rapport périodique établi par la France ([44]).

L’article 388 précise que l’examen ne peut être pratiqué qu’après recueil de l'accord de l'intéressé. Étant mineur, son accord devrait être précédé d’une sollicitation de ses parents ou tuteurs, d’ailleurs prévue par le code de l’action sociale après 72 heures d’accueil d’urgence. En leur absence, seul un juge du siège ou un tuteur provisoire pourrait l’autoriser, avec l’accord de l’enfant.

Plus généralement, des mineurs sont juridiquement incapables de demander la protection qui leur est due. L’intercession d’un tiers majeur est indispensable à l’exercice de droits qui peuvent modifier leur statut personnel.

Ce tiers de confiance peut aussi prendre contact avec la famille du mineur et explorer les relations qu’il entretient avec elle qui, sans son concours bienveillant, seraient tues ou dissimulées aux autorités. Appréciant les aspects individuels et familiaux de l’intérêt supérieur du mineur, il peut le représenter au juge du siège comme aux autorités publiques, consulaires ou locales.

Pour obtenir sa désignation, quand le parquet n’y a pas spontanément pourvu, le code civil permet à un mineur de saisir directement le juge des enfants. Pour garantir que l’examen de son intérêt personnel, par ce juge ou par le parquet, voire par le président du conseil départemental, soit contradictoire, le requérant mineur devrait avoir droit à un administrateur ad hoc et à un avocat.

e.   Le coût de la protection juridique des mineurs étrangers isolés n’est pas provisionné par le projet de loi de finances pour 2018

Cette protection juridique des mineurs étrangers isolés est réclamée par le droit international. Les observations du 23 février 2016, présentées par le Comité des droits de l’enfant des Nations Unies, le rappellent. La doctrine européenne du mineur non accompagné la prévoit. Cette doctrine a été confirmée par la Commission européenne dans une communication du 12 avril 2017 ([45]).

Les ministères, interrogés à ce sujet par la rapporteure, lui ont indiqué qu’un groupe de travail, constitué au sein du comité de suivi, l’étudiait. Ses conclusions auront une incidence budgétaire. Aux dépenses de mise à l’abri et d’évaluation s’ajouteraient les frais de l’administrateur ad hoc jusqu’au prononcé d’une mesure de tutelle ou de délégation provisoire de la responsabilité parentale.

L’indemnisation de ses frais n’apparaît pas dans le projet de loi de finances pour 2018 alors que la dépense annuelle a été estimée à 17 euros par jour et par mineur par la DGCS, lors de son audition.

Cette dépense se monterait à 2,21 millions d’euros si les 26 000 jeunes étrangers, arrivant chaque année, étaient accompagnés par un conseil pendant les 5 jours de leur évaluation. Elle atteint 13,26 millions d’euros si leur évaluation dure, en moyenne, 30 jours.

À cette dépense d’urgence s’ajoute celle de la tutelle, pendant les deux années correspondant à la durée moyenne de placement à l’ASE d’un mineur étranger. En ne comptant que les 11 000 placements subventionnés par l’État en 2018 et un coût de 17 euros par jour, la dépense atteint 68,25 millions d’euros sur l’exercice. Elle double l’année suivante, si les arrivées se maintiennent.

Ces dépenses de protection juridique et celles d’échanges consulaires mises à part, le coût de centres permanents d’accueil et d’évaluation de jeunes étrangers peut être rapporté à celui des centres associatifs de mise à l’abri et d’évaluation des migrants, adultes et mineurs, ouverts, sur contrat, à Calais et Paris par l’État et le département qui se sont partagés leur financement, l’un assumant la mise à l’abri, l’autre l’évaluation sociale des mineurs.

4.   Des centres associatifs de mise à l’abri et d’évaluation de mineurs ont déjà été financés à Paris et Calais, par l’État et le département

a.   L’État finance, sur le programme 177, la mise à l’abri des migrants d’Ile-de-France, majeurs et mineurs

L’État subventionne, en 2017, 10 000 places d’hébergement d’urgence pour les migrants trouvés sans domicile en Ile-de-France, dont 1 400 à l’hôtel. Nombre de ceux qui sont accueillis sont demandeurs d’asile.

Un protocole d’accord établi, le 16 septembre 2016, entre la Ville de Paris, les préfets de région et de police, l’ARS, l’OFPRA et l’association Emmaüs solidarité, complété par une convention de mise à la disposition de l’ancienne gare de La Chapelle, à Paris, a permis à l’association d’ouvrir un centre d’accueil, d’évaluation et de mise à l’abri de 400 places, destinées aux « primo-arrivants sans abri à Paris ayant vocation à demander l’asile ».

À la suite de l’évaluation, faite par l’association, une orientation est proposée par les agents de l’État. Les accueillis qui se déclarent mineurs sont évalués dans le centre d’accueil, mais ils sont hébergés à l’hôtel par une autre association, selon une convention distincte, passée pour 25 places. La rapporteure a obtenu copie de ces conventions mais pas des engagements financiers réciproques des parties au protocole.

La participation de l’État au financement des 10 000 places d’hébergement d’urgence ouvertes en Ile-de-France s’élèverait, selon une réponse obtenue par le rapporteur spécial sur le logement et l’hébergement d’urgence, à 137 millions d’euros en 2017. Cette dépense est imputée sur le programme 177 intitulé « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », de la mission de cohésion des territoires.

Il ne s’agit pas de remboursements, versés pour la mise à l’abri ou l’évaluation sociale d’un individu. Il s’agit de subventions proportionnelles à un nombre de places d’hébergement offertes à l’année et aux dépenses d’accompagnement social et juridique des hébergés.

Ces subventions sont attribuées par des conventions passées avec des associations, sans appel d’offres. En 2016, les 21 principales ont reçu 643 millions d’euros sur les 735 millions de dépenses d’hébergement d’urgence financées par l’action 12 du programme 177, auxquels s’ajoutent 65 millions d’euros du programme 303 pour l’hébergement des demandeurs d’asile.

Le projet de loi de finances pour 2018 augmente cette dotation de 225 millions d’euros. Aucune indication ne permet d’isoler, dans cette provision, le financement de nouveaux centres permanents d’accueil et de mise à l’abri de mineurs étrangers. C’est pourtant sur cette ligne budgétaire qu’ont été imputées les dépenses d’évacuation du campement de fortune installé sur la lande de Calais.

b.   L’État a ouvert puis refermé des centres d’accueil et d’orientation des mineurs isolés (CAOMI) recueillis à Calais

Le Pas-de-Calais reste l’un des départements les plus exposés à l’arrivée de migrants. Il s’agit, pour la plupart, de ressortissants de pays en guerre qui souhaitent obtenir un asile au Royaume-Uni. Après avoir transité par les pays de l’espace Schengen, ils se trouvent empêchés d’embarquer dans les trains ou ferrys pour l’Angleterre, en application du traité du Touquet ([46]), qui a remplacé, en 2003, les protocoles de Sangatte de 1991 et 2000. Adultes et mineurs isolés campent alors autour des ports et le long des voies ferrées.

Le 23 octobre 2016, le camp de fortune, surnommé la jungle, a été évacué. 1 922 jeunes migrants, dont 151 jeunes filles, trouvés sur place, ont été répartis dans 61 centres d’accueil et d’orientation des mineurs isolés (CAOMI), ouverts par des associations. Une circulaire du 1er novembre 2016 ([47]) décrit leur organisation.

Installés dans des lieux choisis par les préfets, ils offrent un hébergement dans des locaux gardés, la désignation immédiate d’un administrateur ad hoc par le procureur, un bilan de santé, des animations sportives, un apprentissage du français. L’évaluation sociale du jeune accueilli ne commence qu’après s’être assuré qu’il ne demande pas l’asile à l’étranger.

La circulaire précise que cette évaluation est de la responsabilité du président du conseil départemental, même si l'ensemble des frais est pris en charge par l'État. Elle se conclut par l’orientation des majeurs vers un centre d’accueil et d’orientation pour adultes, par l’attribution de la garde des mineurs non isolés à un adulte responsable, identifié et localisé sur le territoire national, et par le placement des mineurs reconnus isolés auprès d’un service départemental d’aide sociale à l’enfance, désigné par la cellule d’orientation du ministère de la justice.

Parmi les 1 922 mineurs recensés, seuls 500 ont été admis à demander l’asile au Royaume Uni. Les autres ont été placés à l’ASE par la cellule nationale. Les CAOMI ont fermé au cours du premier semestre 2017.

c.   L’organisation et le coût des CAOMI du Pas-de-Calais permettent d’estimer ceux de CAESMI qui seraient permanents.

Deux CAOMI, celui de Croisilles, près d'Arras et celui de l'abbaye de Belval, à Troisvaux, ont été transformés en nouveaux centres d’accueil et d’examen des situations de migrants adultes (CAES).

Ces CAES ont été ouverts par le ministère de l’intérieur, à la demande du Président de la République, à la suite de la décision du Conseil d’État du 31 juillet 2017.

Leur coût et leur imputation budgétaires ne sont pas connus. En revanche, celui des CAOMI du Pas-de-Calais a pu être estimé par la DGCS à 10,6 millions d’euros sur les trois derniers mois de 2016 et 3,3 millions d’euros en 2017, soit 7 232 euros par jeune accueilli, imputés sur le programme 177.

L'État a financé la mise à l’abri et l’accompagnement associatif des jeunes concernés. Il aurait remboursé forfaitairement leur évaluation sociale aux collectivités qui lui ont prêté leurs agents, à raison de 125 euros par jour et par agent mobilisé plutôt que par jeune accueilli, selon un accord du 21 décembre 2016, passé entre le Premier ministre et le président de l’ADF.

Le personnel salarié mobilisé représentait 395 équivalents temps pleins, parmi lesquels 30 directeurs ou chefs de service, 128 d’éducateurs, 104 animateurs, 62 veilleurs de nuit, 21 interprètes, 20 juristes, 20 professeurs de français et 10 psychologues.

Depuis la fermeture des CAOMI, ce sont les services départementaux du Pas-de-Calais qui accueillent et évaluent les jeunes étrangers, invités par les maraudes associatives ou la police à se présenter à eux.

La rapporteure s’est entretenue avec les responsables de leur accueil d’urgence. La collaboration, les réunions hebdomadaires et la bonne entente entre les services de l’État, du département et des associations qu’elle a constatée sur place, pourraient servir d’exemple aux centres d’évaluation à installer.

 


   Conclusion

Le budget du dispositif d’accueil et d’orientation des mineurs isolés étrangers, inclus dans le programme 304 du projet de loi de finance 2018, va fortement augmenter passant de 15 à 132 millions d’euros. Ceci s’explique par un accroissement progressif de l’accueil d’urgence de ces jeunes par les départements depuis 2014, qui s’est accentué en 2017.

L’augmentation des arrivées de ces mineurs sur le territoire français, l’interpellation de l’Association des Départements de France sur les difficultés à financer leur protection et les alertes des différentes associations ou organismes de protection de l’enfance, font que le sujet thématique choisi dans ce rapport dépasse le simple avis budgétaire. Il s’inscrit dans une nécessité organisationnelle et une politique globale de la protection de l’enfance vis-à-vis d’une population singulière.

Des centres permanents d’accueil et d’évaluation des mineurs étrangers, administrés par l’État ou confiés à des associations caritatives sous sa tutelle, permettraient de soulager les départements exposés à leur afflux.

Ils permettraient d’accueillir ces jeunes, de vérifier leur identité, de reconstituer leur état civil et d’évaluer leur isolement social dans les conditions strictes prévues par la circulaire ministérielle du 25 janvier 2016.

Un agent habilité pourrait contrôler les titres d’identité présentés par le jeune accueilli, à défaut, relever ses empreintes pour les comparer à celles des fichiers européens, dont la législation est en cours de révision, et interroger les autorités consulaires du pays de résidence habituelle du jeune.

L’évaluation sociale ne peut être conduite dans l’urgence, tant son résultat est déterminant pour le mineur recueilli. Une prise en charge sanitaire physique et psychologique et une période de repos paraissent nécessaires au préalable : le traumatisme créé par l’isolement, la séparation, le chemin parcouru souvent long et périlleux peut déformer le récit de son parcours et de sa situation.

Conduite dans de bonnes conditions, avec les compétences professionnelles requises, sous le contrôle du Conseil national de la protection de l’enfance, une évaluation sociale peut soumettre au juge les mesures de protection les plus adaptées, qu’il s’agisse du retour dans la famille ou d’un placement à l’aide sociale. Il est nécessaire, pour assurer une homogénéité dans les avis rendus, qu’un socle de formation commun soit assuré pour tous les évaluateurs.

Les tests osseux utilisés en dernier recours et en cas de persistance de doute sur la minorité d’un demandeur, ne devraient plus être réalisés, ils sont largement critiqués sur le plan scientifique, mais aussi sur le plan éthique.

 

Le représentant de l’ADF a confirmé à la rapporteure que les autorités départementales étaient disposées à protéger ceux des mineurs isolés qui leur seraient confiés par l’autorité judiciaire, pourvu qu’elles n’aient pas à assumer seules leur évaluation et le coût de leur prise en charge.

Cependant, la clé de répartition des placements des mineurs non accompagnés dans les différents départements, par la cellule nationale, ne tient compte ni des ressources des départements ni de leurs charges d’aides sociales à l’enfance. Aussi il conviendrait que la subvention accordée par l’État à l’ASE pour la prise en charge des MNA fît l’objet d’une convention.

La collaboration et les réunions régulières entre les services de la préfecture, les conseils départementaux, les services judiciaires, les associations prenant en charge les mineurs, voire l’Éducation nationale, démontrent, à l’instar de ce qui se pratique dans le Pas-de-Calais, leur efficacité pour faciliter l’intégration et la formation des mineurs non accompagnés.

Ainsi la délivrance automatique d’une autorisation de travail à un mineur pris en charge par l’Aide sociale à l’enfance devrait devenir automatique du moment où celui-ci poursuit une formation d’autant plus si c’est une formation en apprentissage, de même pour le titre de séjour à sa majorité.

L’évaluation sociale, la mise à l’abri et la prise en charge des mineurs non accompagnés, qu’elles soient confiées à des associations ou des travailleurs sociaux des départements, ne sont ni harmonisées, ni égales partout sur le territoire.

L’État a annoncé qu’il financerait la protection d’urgence et l’évaluation, mais il devra aussi garantir une homogénéité des avis rendus et s’assurer que, quel que soit leur mode de placement, les mineurs confiés à l’Aide sociale à l’enfance soient traités de façon digne et adaptée. Il fera en sorte que les délais de reconnaissance de la minorité et de l’isolement soit les plus courts possibles afin de ne pas retarder les mesures d’accompagnement éducatif et social.

La singularité du parcours de ces enfants qui peut entraîner une fragilité sanitaire et psychologique importante nécessite un dispositif adapté qui ne peut pas faire l’objet d’une prise en charge « au rabais ».

 


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   audition des ministres

La commission des Affaires sociales procède, le 3 novembre 2017 à 15 heures en commission élargie à l’ensemble des députés, à l’audition, de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, de Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées et de Mme Marlène Schiappa, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, sur les crédits pour 2018 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » ([48]).

II.   examen des crédits

À l’issue de la commission élargie, la commission des Affaires sociales, examine, pour avis, les crédits pour 2018 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous sommes saisis de plusieurs amendements.

La Commission examine l’amendement n° II-AS66 de Mme Delphine Bagarry, rapporteure pour avis.

Mme Delphine Bagarry, rapporteure pour avis. La ministre des solidarités et de la santé vient d’expliquer que les crédits du programme 304 destinés aux points d’accueil écoute jeune (PAEJ) ne diminuent pas en 2018, puisque le projet de loi de finances reconduit le montant de ceux consommés en 2016. En conséquence, je retire mon amendement.

L’amendement n° II-AS66 est retiré.

Suivant l’avis de la rapporteure, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », tels qu’ils figurent à l’état B, sans modification.

La Commission examine deux amendements de suppression de l’article 63, nos II-AS63 de M. Gilles Lurton, II-AS58 de M. Brahim Hammouche et un amendement de repli n° II-AS59 de ce dernier.

M. Gilles Lurton. J’ai eu l’occasion, dans mon intervention précédente, d’évoquer le sujet de cet amendement. Il s’agit de l’exclusion du bénéfice de la prime d’activité, par l’article 63, des personnes titulaires de pensions d’invalidité ou de rentes consécutives à un accident du travail ou une maladie professionnelle. Ces personnes devraient pouvoir continuer à bénéficier de cette prime. J’ai entendu les explications de la ministre. Mais ces personnes vont subir une perte de ressources qui me paraît importante, surtout dès lors qu’elles sont dans une situation de fragilité. C’est pourquoi je demande la suppression de l’article 63.

Mme Delphine Bagarry, rapporteure pour avis. La ministre a expliqué que cet article revenait à l’objectif initial de la prime d’activité, à savoir favoriser le pouvoir d’achat des salariés les plus modestes et la reprise ou la poursuite d’une activité, même peu rémunératrice. La ministre a rappelé que l’allocation adulte handicapée restait incluse dans le calcul de la prime d’activité, parce que c’est une allocation subsidiaire, qui conserve une incitation au travail. En revanche, les rentes d’invalidité et les pensions sont des revenus fixes qui ne répondent pas à l’objectif initial de la prime, d’inciter au travail. J’émets un avis défavorable à la suppression de l’article 63.

M. Brahim Hammouche. Plutôt que de supprimer le bénéfice de la prime d’activité aux salariés bénéficiaires d’une rente d’invalidité ou d’une pension consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle (AT/MP), il serait nécessaire de renforcer leur accès à leurs droits, en améliorant l’information qui leur est destinée, afin qu’ils puissent formuler une demande d’aide auprès de leur caisse d’allocations familiales. C’est pourquoi je demande la suppression de l’article 63. Mon amendement suivant est un amendement de repli qui diffère d’une année l’entrée en vigueur de cet article.

Mme Delphine Bagarry. La ministre nous a rappelé que la loi de 2016, qui a étendu le droit à la prime d’activité aux bénéficiaires de pensions et de rentes, l’a fait par dérogation au principe d’incitation au travail et à l’objectif initial de cette prime, d’augmenter les revenus des salariés les plus modestes. L’article 63 revient sur cette dérogation. Mon avis sur les amendements de suppression ainsi que sur l’amendement de repli est défavorable.

M. Gilles Lurton. Je considère que les bénéficiaires de ces rentes et pensions sont bien dans la situation de personnes modestes que l’on incite à reprendre un travail par l’octroi d’une prime d’activité. Ce sont des personnes en invalidité ou handicapées, pour lesquelles il est difficile de retrouver du travail, et qui y parviennent, souvent à temps partiel compte tenu de leur handicap. La prime d’activité était un complément de ressources dont elles avaient fortement besoin. En la leur supprimant, on ne va pas les inciter à rechercher du travail. On pénalise très fortement ces publics qui sont parmi les plus modestes. Il faut trouver un moyen d’aider ces personnes invalides ou handicapées qui font l’effort de reprendre un travail. Dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous avons étudié un amendement qui facilite le retour au travail des personnes dialysées, malgré les soins qui leur sont prodigués chaque semaine. L’article 63 pénalise fortement des personnes méritantes que, personnellement, j’encourage et même j’admire.

La Commission rejette les deux amendements de suppression n° II-AS63 et II-AS58 puis l’amendement n° II-AS59.

La Commission adopte l’article 63 sans modification.

 

 

 

 


—  1  —

   annexe 1 :
Contributions des groupes politiques au Rapport

Contribution écrite du groupe Modem

 

 

 

 

 

 

 

8,8 millions de pauvres, soit 14,1 % de la population dont près de 20 % ont moins de 18 ans et près de 36 % sont des familles monoparentales : selon une étude de l’INSEE de 2012, sur cinq années, un tiers des français a été concerné par la pauvreté. Un tiers de nos concitoyens a donc subi une violation de ses droits humains.

Ces constats sont un défi à notre humanisme. La mission budgétaire « solidarité, insertion et égalité des chances » en prend la mesure, et c’est pourquoi les députés du Groupe Modem la soutiennent. Cette mission regroupe les politiques publiques destinées à lutter contre la pauvreté, réduire les inégalités et protéger les personnes vulnérables. Avec 19,2 milliards d’euros de crédits, elle est en hausse de près de 8,6 % par rapport à 2017, principalement du fait de la réévaluation de la prime d’activité et de l’allocation adulte handicapé. Le groupe Modem votera ces crédits et réaffirme ainsi son engagement résolu à lutter contre la pauvreté.

Nous considérons en effet que ce budget destiné à protéger les personnes les plus vulnérables contribue de manière volontariste à la lutte contre la pauvreté et les inégalités et nous appuierons les deux axes qui le sous-tendent.

En premier lieu, il pérennise et approfondit des mesures de justice sociale et d’égalité que nous saluons.

Il s’agit tout d’abord de la hausse de la prime d’activité, entrée en vigueur le 1er janvier 2016, pour soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs pauvres. Ce sont 2,6 millions de foyers dont 15,5 % ont entre 18 et 24 ans, pas assez pauvres pour bénéficier des minima sociaux, pas assez riches pour bénéficier des allègements d’impôts qui touchent actuellement en moyenne 160 euros de prime d’activité et qui verront ce montant croître de 20 euros par mois pour atteindre jusqu’à 80 euros par mois au niveau du SMIC au cours du quinquennat.

Cela concerne aussi la dotation exceptionnelle de 50 millions d’euros pour le fonds d’appui aux politiques d’insertion et les 143 millions d’euros de crédits de paiement accordés pour prendre en charge, à titre exceptionnel, une partie des surcoûts de l’aide sociale à l’enfance liés à la hausse du nombre de mineurs isolés accueillis dans les départements cette année. Notre groupe estime cependant que la réforme de 2018 doit permettre à l’État de mieux accompagner les départements dans leurs actions d’insertion et de solidarité, et revoir sur le long terme la répartition des rôles de chacun.

Enfin, ce budget sanctuarise les crédits en faveur de l’égalité femmes hommes pour financer entre autres des actions de promotion des droits, la prévention et la lutte contre les violences sexistes dont les crédits augmentent de 12,7 % ou encore le 5ème plan interministériel qui lui est dédié.

En second lieu, cet exercice budgétaire pose les bases d’une convergence des minima sociaux, par le haut, que nous souhaitons encourager.

Cette convergence vise en effet à faire en sorte que plus personne en France ne vivent en deçà du seuil de pauvreté. Ainsi, l’allocation adulte handicapé (AAH) qui bénéficie à 1,1 million de personnes sera revalorisée et portée à 860 euros dès le 1er novembre 2018 et à 900 euros en 2019, soit un effort de 2 milliards d’euros sur le quinquennat. À taux plein, son montant rejoindra celui de minimum vieillesse qui atteindra 903 euros en 2020.

Cependant, certains points appellent notre vigilance.

Notre groupe souhaite en effet qu’un effort supplémentaire soit entrepris pour lutter plus efficacement contre les taux de non-recours des prestations sociales. C’est pourquoi nous demandons par voie d’amendement au gouvernement de revenir sur la suppression du bénéfice de la prime d’activité aux salariés touchant une rente AT-MP ou une pension d’invalidité, au motif que le taux de recours est trop faible. Nous pensons que des actions d’information auprès des publics concernés doivent être préalablement entreprises avant d’envisager des réajustements.

Le groupe Modem souscrit pleinement à l’effort budgétaire consenti pour augmenter l’AAH mais s’inquiète de deux autres mesures qui en neutralisent la portée :

Le groupe Modem note que les crédits de paiements alloués aux démarches d’adoption internationale continuent de diminuer consécutivement à la baisse du nombre des adoptions (177 en 2016) alors que le nombre de parents désirant adopter ne cesse de croître. Nous engageons le gouvernement à prendre des mesures correctrices nécessaires, y compris pour réduire les délais d’attente et les coûts d’adoption, conformément aux recommandations de la Cour des comptes. 

Notre groupe constate qu’après une hausse de 32,6 % l’année dernière, les dépenses allouées à la prévention et à la lutte contre la prostitution et la traite humaine baissent de 26,5 %, en particulier les crédits dédiés à l’aide financière à la réinsertion et à l’accompagnement social, qui permettent d’accéder à des alternatives à la prostitution en application de la loi du 13 avril 2016 contre le système prostitutionnel. Nous enjoignons donc le gouvernement à faire rapidement, devant la commission des affaires sociales, un premier point d’étape sur le déploiement en 2017 du parcours de sortie de la prostitution.

Notre groupe Modem entend peser assurément sur les débats budgétaires et renouveler l’exercice afin d’en être pleinement acteurs.

Dans cette perspective, nous souhaitons ouvrir deux pistes de réflexion en matière de solidarité :

 

 

 


—  1  —

Contribution écrite du groupe nouvelle gauche

La mission « Solidarité, inclusion et égalité des chances », qui s’élevait à 17,7 mds d’euros en Loi de Finances Initiale 2017, sera portée à 19,2 mds en 2018 du fait de l’augmentation de la prime d’activité et l’Allocation Adulte Handicapé (AAH), prestations qui représentent 78 % des crédits de la mission toute entière. Cependant, les revalorisations ou hausses de budget cachent de nombreux coups de rabot. Il convient donc de ne pas s’arrêter à la hausse de 1,5 milliard d’euros en 2018 pour analyser la politique du gouvernement.

Tout d’abord, si l’AAH est effectivement augmentée, la réforme sera en trompe-l’œil pour les personnes en situation de handicap. Certes, l'allocation aux adultes handicapés est revalorisée le 1er novembre 2018 pour porter à 860 euros par mois les « montants mensuels de prestations versées à partir de décembre 2018 » (c'est-à-dire dans plus d'un an). Une nouvelle revalorisation exceptionnelle de l'allocation interviendra fin 2019 afin de porter le montant mensuel à 900 euros. Rappelons que le seuil de pauvreté s’établit à 1015 euros par mois : l’AAH sera donc toujours en dessous.

Cependant, le gouvernement affirme en même temps que « dans une logique d'équité, les règles de prise en compte des revenus d'un couple à l'AAH seront progressivement rapprochées de celles d'un couple au RSA ». Cette mesure atténue fortement voire annule l’effet de la revalorisation pour près de 300 000 personnes, soit un tiers des bénéficiaires de l’AAH ! Cette mesure paraît contraire à l’article 28 de la convention internationale des droits des personnes handicapées qui prévoit que “les États Parties reconnaissent le droit des personnes handicapées à un niveau de vie adéquat pour elles-mêmes et pour leur famille” que la France a ratifiée. La logique d'équité s'entend difficilement dans ce cas présent. Tout d'abord, en quoi les situations d'un couple de personnes en situation de handicap et d'allocataires du RSA sont-elles comparables ? Ensuite, l'égalité réelle (à des situations différentes, il est juste de répondre différemment) voudrait que les personnes en situation de handicap physique ou mental, qui freinent leur insertion professionnelle, soient davantage soutenues financièrement par les pouvoirs publics. Enfin et surtout, pour les couples d'allocataires de l'AAH, la revalorisation de l'AAH est un jeu à sommes nulles : ils perdent ce qu'ils viennent de gagner du fait de la révision des critères de revenus !

De plus, « dans une perspective de rationalisation, le complément de ressources (CR) qui implique une évaluation particulière de la capacité des bénéficiaires, en sus de l’appréciation de son taux d’incapacité, disparaitra à compter de 2019 au profit de la majoration pour la vie autonome (MVA). » Cette fusion des compléments de ressources à la baisse fera de nombreux perdants parmi les personnes en situation de handicap. Pour la première fois, les revenus des personnes handicapées pourraient donc reculer. Les études confirment pourtant que le handicap expose à la pauvreté et aux bas niveaux de vie comme le montre notamment l’Observatoire des inégalités ou la DREES dans une étude sur le niveau de vie des personnes handicapées de mars 2017.

Autre réforme en trompe l’œil, la revalorisation de la prime d’activité n’interviendra qu’en septembre 2018 (contre une hausse de la CSG en vigueur dès le 1er janvier 2018). Cependant, celle-ci s’accompagne d’une réforme du barème. Le Projet Annuel de Performances indique ainsi à la page 41 : « le barème et les ressources prises en compte pour le calcul de la prime d’activité seront modifiés afin de cibler le bénéfice de ces revalorisations pour les allocataires dont les revenus sont compris entre 0,5 et 1,3 SMIC. » Comme pour la PAJE ou l’AAH, il est à craindre qu’une réforme des critères d’éligibilité suscite de forts effets d’éviction.

Enfin, ultime trompe l’œil du gouvernement, l’augmentation du budget Egalité femmes/hommes n’est malheureusement pas effective et n’est due qu’à un tour de passe-passe. En effet, le programme 137, qui avait déjà souffert des coups de rabot décidés au cours de l’été, passe de 29 772 326 euros à 29 871 581 euros d’autorisations d’engagement entre la LFI 2017 et le PLF 2018 : il semble ainsi en légère augmentation. Cependant, cette hausse est due à l’abondement, sur l’action 12 du programme (« Promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes »), des crédits destinés aux établissements d’information, de consultation et de conseil familial (EICCF). L’enveloppe de 2,8 millions était auparavant inscrite à l’action 17 du programme 304 « Inclusion sociale ».

Le programme affiche donc, sans ce tour de passe-passe, une baisse importante : les « Actions et expérimentations pour la culture de l’égalité et en faveur de l’égalité professionnelle, politique et sociale », « Actions de soutien, d’expérimentation en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes » et « prévention et lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains » sont en baisse. Pour cette dernière, la baisse est d’1,8 million d’euros, ce qui fait craindre aux associations une aggravation des conditions de vie des personnes se prostituant. Hormis l’action 12, en hausse artificielle, seule l’action 13 (« Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes ») est en augmentation, celle-ci demeurant modeste (500 000 euros). Il est à regretter que la politique pour l'égalité entre les femmes et les hommes, qui est une grande cause quinquennale du quinquennat, connaisse un tel tour de passe-passe et ne compte d'ailleurs que pour 0,3 % (57,7 millions d'euros) de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Dénonçons enfin l’inquiétant coup de rabot qui s’annonce sur la protection juridique des majeurs. En effet, les crédits sont en baisse pour 2018 de 0,4 % et cette diminution s’accompagne d’une réforme visant à accroître le taux de participation des majeurs à la protection juridique dont ils font l’objet. Elle sera mise en œuvre dès le 1er avril 2018 « afin d'ajuster la couverture financière entre fonds publics et privés ». L’UNAPEI note que « le fait de bénéficier d’une mesure de protection ne doit pas aboutir à une discrimination qui conduirait les personnes à ne plus pouvoir subvenir à leurs besoins les plus élémentaires. » De plus, la franchise égale au montant de l’AAH dans la détermination de l’assiette des ressources sera supprimée. Si le gouvernement assure que « les populations les plus fragiles seront préservées grâce au maintien de l'exonération de participation financière des personnes ayant un niveau de ressources inférieur ou égal au niveau de l'AAH », il convient de noter que l'AAH est sous le seuil de pauvreté. Rappelons à cet égard que la moitié des majeurs protégés dispose de ressources inférieures au seuil de pauvreté.

Pour toutes ces raisons, cette mission nous semble profondément injuste : le groupe Nouvelle Gauche votera contre.

 

 

 

 

 

 


—  1  —

   annexe 2 :
Liste des personnes auditionnées
par la rapporteure

(par ordre chronologique)

 

 Table ronde

  Croix Rouge française   Mme Nasrine Tamine, direction des métiers sanitaires, sociaux et médico-sociaux (DMSSS) - Filière Enfants et Familles, Chargée de mission Mineurs isolés étrangers

  France Terre d’Asile - M. Pierre Henry, directeur général, et M. Serge Durand, directeur de la protection des mineurs isolée étrangers

 Ministère de la justice-Sous-direction des missions de protection judiciaire et d’éducation (SDMPJE)  Mme Sylvie Vella, cheffe de la mission mineurs non-accompagnés

 Sous-direction de l’enfance et de la famille de la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) – Mme Isabelle Grimault, sous-directrice de l’enfance et de la famille, et Mme Catherine Briand, adjointe au bureau de la protection de l’enfance et de l’adolescence

Mme Geneviève Avenard, défenseure des enfants adjointe au défenseur des droits, Mme Nathalie Lequeux, juriste du pôle Défense des droits de l'enfant, et Mme France de Saint-Martin, attachée parlementaire 

 Audition commune

 Association pour la Défense des Mineurs Isolés Étrangers (ADMIE)  M. Renaud Mandel, président, et Mme Btissam Bouchaara, éducatrice

 Groupe d’intervention et de soutien des immigrés (GISTI)  Mme Hélène Gacon, avocate et membre du bureau et M. Jean-François Martini, chargé d'études

 Observatoire national de la protection de l'enfance – Mme Anne-Sylvie Soudoplatoff, directrice générale de GIP Enfance en Danger, intérim de la direction de l’Observatoire, et Mme Elsa Keravel, magistrate,  chargée de mission à l'ONPE

 Assemblée des départements de France (ADF) – M. Gilbert Favreau, président du conseil départemental des Deux-Sèvres, M. Jean-Michel Rapinat, directeur délégué politiques sociales, M. Hervé Cochetel, directeur de cabinet du président des Deux-Sèvres, Mme Ann-Gaëlle Werner-Bernard, conseiller relations avec le Parlement

 Uniopss – M. Jérôme Voiturier, directeur général, Mme Samia Darani, Conseillère technique Enfances, Familles, Jeunesses

 Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Mme Virginie Magnant, directrice du cabinet, et Mme Karen Martinon, cheffe de cabinet, Mme Pauline Berne, cheffe du bureau des minima sociaux

 Mme Corinne Torre, chef de Mission France, Médecins sans Frontières

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


([1]) https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/EzPublish/NEB-2016-Solidarite-insertion-egalite-chances.pdf

([2]) http://www.gouvernement.fr/partage/9630-discours-de-m-edouard-philippe-au-congres-de-l-assemblee-des-departements-de-france-marseille  

([3]) http://www.gouvernement.fr/action/garantir-le-droit-d-asile-mieux-maitriser-les-flux-migratoires  

([4]) http://www.gouvernement.fr/conseil-des-ministres/2017-07-12/plan-d-action-pour-garantir-le-droit-d-asile-et-mieux-maitri  

([5]) Rapport d’information n° 598 (2016-2017) déposé le 28 juin 2017 par Mme Elisabeth Doineau et M. Jean-Pierre Godefroy, au nom de la commission des affaires sociales du Sénat, sur la prise en charge sociale des mineurs non accompagnés - http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-598-notice.html , page 21

([6]) https://www.ofpra.gouv.fr/fr/l-ofpra/nos-publications/rapports-d-activite , annexe page 116

([7]) http://www.justice.gouv.fr/art_pix/RAA_MMNA_2016.pdf

([8]) Audition du 12 octobre 2017

([9]) Audition commune du jeudi 5 octobre 2017

([10]) Rapport n° 598 (2016-2017), op. cit., - http://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-598-notice.html, p. 77

([11]) http://www.justice.gouv.fr/_telechargement/JUSF1711230C.pdf  

([12]) http://www.justice.gouv.fr/art_pix/RAA_MMNA_2016.pdf , page 7

([13]) https://www.oecd.org/fr/csao/publications/39803778.pdf  

([14]) https://esa.un.org/unpd/wpp/Publications/Files/WPP2017_Volume-II-Demographic-Profiles.pdf  

([15])https://www.unicef.org/eca/REACH_ITA_GRC_Report_Children_on_the_Move_in_Italy_and_Greece_June_2017.pdf Étude comparative de l’état et du parcours de mineurs interrogés à leur arrivée en Grèce et en Italie depuis 2015 ; 92 % des mineurs migrants par l’Italie seraient non accompagnés selon une étude précédente de l’Unicef, publiée en avril 2017, contre 9 % des réfugiés arrivant en Grèce.

([16]) Table ronde du jeudi 21 septembre 2017, tenue de 10 heures à 11 heures 30

([17]) Audition du jeudi 12 octobre 2017

([18]) Audition du 21 septembre 2017

([19]) http://www.justice.gouv.fr/art_pix/RAA_MMNA_2016.pdf , page 5

([20]) http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/JUSF1314192C.pdf  

([21]) Décision du 14 juin 2017 n° 402890

([22]) Le Défenseur des droits a rendu, le 11 octobre 2017, un avis n° 17-10 après l’audition de son adjointe, défenseure des enfants, par la rapporteure pour avis, le 28 septembre précédent.

([23]) https://www.onpe.gouv.fr/system/files/publication/20150126_jm_web.pdf  

([24]) https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2017-10/20171011-rapport-finances-publiques-locales.pdf  

([25]) http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/JUSF1602101C.pdf

([26]) Rapport n° 598 (2016-2017), op. cit., p. 39 : http://www.senat.fr/rap/r16-598/r16-5986.html#toc141

([27]) Voir les articles 5, 10 et 17 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, dite directive retour - http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1503662786505&uri=CELEX:32008L0115  

([28]) Les lois européennes sur l’asile du règlement Dublin III et des directives Accueil, Procédures et Qualification, suivent la doctrine du mineur non accompagné posée par une résolution du Conseil européen de juin 1997 et confortée par la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, qui est rappelée, en dernier lieu, par une communication de la Commission européenne publiée à la page : http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1503666011965&uri=CELEX:52017DC0211

([29]) Amendement du Gouvernement n° II-197, discuté lors de la 2e séance de l’Assemblée nationale du 3 novembre 2015 - http://www.assemblee-nationale.fr/14/cri/2015-2016/20160040.asp#P640862

([30]) Audition du jeudi 28 septembre 2017

([31]) [Mineur Non Accompagné]

([32]) http://www.presse.justice.gouv.fr/archives-communiques-10095/mineurs-non-accompagnes-30833.html  

([33]) http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Tableau_mna.pdf

([34]) Rapport disponible sur les sites Internet suivants : http://www.anafe.org/doc/mineurs/rapport-idf.html et https://www.cairn.info/revue-journal-du-droit-des-jeunes-2004-9-page-37.htm

([35]) https://infomie.net/IMG/pdf/Rapport_IGAS.pdf

([36]) http://www.justice.gouv.fr/_telechargement/rapport_mineur_20100510.pdf  

([37]) http://www.igas.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_MIE.pdf  

([38]) Rapport d’information n° 598 (2016-2017) du 27 juin 2017 : https://www.senat.fr/notice-rapport/2016/r16-598-notice.html , proposition n° 20

([39]) Décision du Conseil d’État du 31 juillet 2017 dans les affaires n°s 412125, 412171 sur requêtes de la Commune de Calais et du ministère de l’Intérieur, déposées contre des injonctions rendues en référé

([40]) Décision du Conseil d’État du 25 août 2017 n° 413549

([41]) Décret n° 2016-840 du 24 juin 2016 - http://www.justice.gouv.fr/art_pix/Decret_24%20juin_2016.pdf  

([42]) http://www.justice.gouv.fr/art_pix/arrete_17_novembre_2016_evaluation_MNA.pdf  

([43]) Décision n° 402890 : « si la date de naissance est un élément de l'état civil, le dispositif d'évaluation n'a pas pour objet de déterminer cette date, mais seulement d'apprécier la vraisemblance des affirmations de la personne se déclarant mineure et, le cas échéant, avec le concours des services compétents de l'Etat, de procéder à la vérification des éléments d'identification qu'elle détient. »

([44])https://www.google.fr/url?sa=t&rct=j&q=&esrc=s&source=web&cd=3&cad=rja&uact=8&ved=0ahUKEwimzLbIuPfWAhVHVhoKHRWXDDMQFggzMAI&url=http%3A%2F%2Fdocstore.ohchr.org%2FSelfServices%2FFilesHandler.ashx%3Fenc%3D6QkG1d%252FPPRiCAqhKb7yhsunLt%252FWNn9IUMCa5I2sTMky9H0t6Apsnxbu5hzZI1wZHm0XsRTBDqB%252BpHO%252B6BM4x4Z%252B%252BGImXvrKK0t2yvSrrMyxcdqO1T01VtS72n%252FNGKmcM&usg=AOvVaw27PwbvLfLvRKFPBjsrPGq0

([45]) http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1503666011965&uri=CELEX:52017DC0211  

([46]) Traité relatif à la mise en oeuvre de contrôles frontaliers dans les ports maritimes de la Manche et de la mer du Nord des deux pays -  http://www.diplomatie.gouv.fr/traites/affichetraite.do?accord=TRA20030006

([47]) Circulaire du 1er  novembre 2016 relative à la mise en œuvre exceptionnelle d'un dispositif national d'orientation des mineurs non accompagnés dans le cadre des opérations de démantèlement de la lande de Calais, publiée sur Internet à l’adresse : http://www.textes.justice.gouv.fr/art_pix/JUSD1631761C.pdf

([48]) http://videos.assemblee-nationale.fr/video.5112586_59fc74866bcf9.commission-elargie-credits-2018--solidarite-insertion-et-egalite-des-chances-3-novembre-2017