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N° 1285

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 3 octobre 2018.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255)

TOME V

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

TRANSITION ÉCOLOGIQUE

PAR Mme Jennifer De TEMMERMAN

Députée

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 Voir les numéros : 1255, 1302 (Tome III, annexe 18).

 


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  SOMMAIRE

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Pages

introduction

Première partie : LES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

I. Le programme 174 : trois priorités pour une transiton écologique

1. Une érosion structurelle et continue des crédits de laprès-mines

2. Une augmentation des crédits de la politique de lénergie et de la lutte contre le réchauffement climatique

a. Actions 1 et 6 : un soutien continu à la mise en œuvre de la politique de lénergie

b. Une priorité qui demeure : la lutte contre le réchauffement climatique

II. Le compte daffectation spéciale transition énergétique : un soutien majeur À la production dénergies renouvelables

1. Une hausse du remboursement du principal de la dette CSPE à Électricité de France

2. Une hausse du soutien à leffacement de la consommation et à linjection de biométhane

3. Pour un renforcement du soutien à la chaleur et au froid renouvelables par le compte daffectation spéciale

III. Une mobilisation budgétaire et fiscale dampleur

1. Des dépenses fiscales dun montant élevé contribuent au financement de la transition écologique

2. Des crédits budgétaires dun montant important sont mobilisés dans le cadre de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », mais également dans le cadre dautres missions

3. Pour une amélioration de la présentation des documents budgétaires autour des objectifs stratégiques de la politique gouvernementale

Deuxième partie : Recherche, innovation et numérique au service DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

I. Un soutien appuyé à la recherche et à linnovation technologique pour tirer au mieux parti de la révolution numérique dans le domaine de lénergie

A. La révolution numérique au service de la transition énergétique

1. Un accroissement possible de lefficience de la production et de la distribution dénergie

2. Un outil au service dune plus grande sobriété de la consommation dénergie

3. Des gains à mettre en regard de coûts économiques et environnementaux non négligeables

B. Une prise en compte du numérique dans la stratégie nationale de recherche énergétique à amplifier

1. Des axes de recherche transversaux intégrant les enjeux de la digitalisation

2. Une spécificité du secteur de lénergie impliquant de soutenir les innovations « du laboratoire à la mise sur le marché »

II. Innovation juridique, budgétaire et sociale à amplifier

A. Des financements dun montant élevé, mais qui demeurent insuffisants à des moments clés de la vie des projets

1. Recherche : des financements à renforcer sur la maturation industrielle

2. Innovation : des objectifs ambitieux, mais une consommation insuffisante des crédits

a. Un financement des démonstrateurs par lADEME dans le cadre du programme dinvestissement davenir à revisiter

b. Un financement par le Grand plan dinvestissement qui pourrait être davantage mobilisé

3. Un soutien organisationnel et financier aux filières à renforcer

B. encadrer et Impulser : deux défis à relever pour une transition digitale de lénergie réussie

1. Placer linnovation au service de lappropriation de la digitalisation de lénergie

2. Gouvernance : un rôle d’impulsion indispensable et à renforcer

examen en commission

liste des personnes auditionnées

 


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   introduction

Le rapport spécial sur les conséquences du réchauffement climatique présenté au début du mois d’octobre par le Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) ([1]) l’a une nouvelle fois mis en évidence : une élévation des températures de 1,5 °C par rapport aux niveaux préindustriels aurait des conséquences humaines, économiques et environnementales très lourdes, surtout dans les territoires les moins développés et les plus vulnérables. Les activités humaines contribueraient aux deux tiers à cette élévation, pour bonne part due à celle du niveau des concentrations des gaz à effet de serre (GES) anthropiques.

L’urgence d’une mobilisation déterminée et d’ampleur pour le climat est donc patente, ce qui n’est pas sans faire écho aux engagements internationaux pris par la France. Atteindre les objectifs fixés par lAccord de Paris sur le climat implique à cet égard de faire du respect de lAgenda 2030 ([2]) une priorité politique de tout premier plan, au service de laquelle tous les leviers politiques et budgétaires doivent être actionnés.

Dans le domaine de l’énergie, qui intéresse plus particulièrement l’objet de ce rapport, cela passe par l’atteinte de l’objectif de développement durable n° 7 « Garantir laccès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable », c’est-à-dire par le développement de la part des énergies renouvelables dans le bouquet énergétique et par le renforcement de l’efficacité énergétique.

Les crédits présentés dans ce rapport sont tournés vers cet objectif. La rapporteure pour avis se félicite à cet égard de l’augmentation des crédits dédiés à l’accélération de la transition énergétique et, plus largement, de la transition écologique, qu’il s’agisse de dépenses fiscales inscrites en première partie du projet de loi, des crédits budgétaires inscrits dans le programme 174 et le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », ou des crédits concourant à son atteinte inscrits dans d’autres missions.

La rapporteure pour avis se félicite tout particulièrement de la prorogation du crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE), dont le ciblage sur les dépenses les plus efficaces doit être poursuivi et la conversion en prime envisagée dès que cela sera techniquement possible, ainsi que de l’augmentation des crédits dédiés aux chèques énergie.

Elle salue l’augmentation annoncée des crédits du Fonds chaleur de 100 millions d’euros. Elle a présenté deux amendements en vue de soutenir cette démarche par un abondement au budget de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME). Le premier vise à consolider ses crédits à due concurrence de l’augmentation afin de lui permettre de financer les actions du fonds sans réduire le montant des crédits accordés au titre de ses autres missions. Le second, est quant à lui un appel au doublement du fonds, unanimement demandé par l’ensemble des acteurs du secteur pour permettre à la France d’atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés.

Cette année, la rapporteure pour avis a souhaité porter une attention particulière aux enjeux de recherche, d’innovation et du numérique dans la transition énergétique. Le développement de technologies nouvelles, l’amélioration des technologies existantes, leur diffusion sur le marché se situent au cœur de la démarche de transition énergétique. Cela est d’autant plus vrai dans un contexte d’accélération sans précédent des progrès dans le domaine du numérique, qui ouvre d’importantes perspectives dans le domaine de l’énergie.

Ce rapport tente d’ouvrir, par une vue large et transversale, la voie à de futurs approfondissements dans le cadre d’une mission d’information. En effet, les auditions menées par la rapporteure pour avis ont permis d’identifier d’importants freins au déploiement des nouvelles technologies, qui appellent un ajustement des dispositifs de soutien financier et de l’encadrement règlementaire, ainsi qu’un renforcement de la gouvernance.

À ce titre, l’innovation technologique devra être consolidée par un important effort d’innovation juridique et sociale pour permettre une meilleure valorisation des fruits de l’excellence de la recherche énergétique française et consolider l’appropriation des possibilités que le numérique ouvre par les citoyens.

 


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   Première partie :
LES CRÉDITS EN FAVEUR DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

I.   Le programme 174 : trois priorités pour une transiton écologique

Le programme 174 « Énergie, climat et après-mines » est constitué de quatre actions articulées autour de trois finalités :

– mettre en œuvre une politique énergétique qui satisfasse à la fois aux impératifs de coûts, de sécurité d’approvisionnement et d’utilisation rationnelle de l’énergie ;

– lutter contre le réchauffement climatique et relever le défi sanitaire de la qualité de l’air ;

– garantir aux anciens mineurs la préservation de leurs droits après l’arrêt de l’exploitation minière.

Le programme est très majoritairement consacré à cette dernière priorité. Plus particulièrement, 309 millions d’euros, représentant 77 % de ses crédits, financent les prestations versées par l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM).

Les dépenses de personnel du programme sont imputées à l’action 23 programme 217 « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables », au titre de laquelle sont demandés 57,5 millions d’euros en 2019, contre 56,3 ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2018.

Répartition par actions des crédits du programme 174

Source : Commission du développement durable, d’après le projet annuel de performances

En raison de cette part prépondérante des crédits de l’ANGDM qui diminuent sous l’effet de l’évolution démographique de la population des bénéficiaires des prestations qu’elle sert, les crédits du programme ont diminué de 26,1 millions deuros ( 6,1 %) par rapport à la LFI pour 2018, malgré une augmentation des crédits des trois autres actions.

Évolution des crédits du programme 174

Autorisations d’engagement, années 2016 à 2019 (*)

(*) Le montant des AE est le plus souvent égal à celui des CP dans le programme 174. Toutefois, en 2016 et 2017, le montant des crédits de l’action 5 a été impacté par l’engagement des crédits de l’enveloppe ESTE (cf. infra). Ceux-ci n’apparaissent qu’en AE en 2016 sur ce graphique, mais des CP qui n’y figurent pas ont été exécutés en 2016 et 2017.

Source : commission du développement durable, d’après les projets annuels de performances et rapports annuels de performances correspondants

1.   Une érosion structurelle et continue des crédits de l’après-mines

Les crédits de l’action 4 « Gestion économique et sociale de l’après‑mines » assurent principalement le financement des plans sociaux intervenus dans le secteur minier. Il est demandé 360,1 millions deuros en 2019, soit 30,6 millions deuros de moins (7,8 %) que le montant des crédits ouverts en LFI pour 2018 (390,7 millions d’euros).

La plus grande part de ces crédits (85 %) est affectée à lANGDM, qui a pour mission de garantir les droits sociaux des mineurs en cas de fermeture d’entreprises minières et ardoisières et, dans cet objectif, verse notamment aux anciens mineurs des avantages en nature. Elle assure aussi les obligations d’employeur pour les anciens salariés des Charbonnages de France qui sont encore titulaires d’un contrat de travail.

Elle disposera en 2019 de 309 millions deuros de crédits dintervention en vue de verser notamment des prestations en nature à près de 99 400 bénéficiaires, contre 106 300 en 2018 et 109 800 en 2017.

Évolution des dépenses d’intervention de l’ANGDM depuis 2013

(en millions d’euros)

Source : commission du développement durable, d’après une réponse au questionnaire budgétaire

En 2017, toutes natures de prestations confondues et ASS comprise (cf. infra), l’agence a consacré 57,1 % de ses ressources au logement, 19,9 % au chauffage et 16,9 % aux préretraites. Elle continuera à déployer en 2019 son plan d’action « bien vieillir 2017‑2019 » qui portera une attention particulière aux aidants. Les indicateurs communiqués par l’agence font état d’un avancement globalement satisfaisant de sa mise en œuvre.

L’agence disposera aussi en 2019 d’une subvention pour charges de service public de 13 millions deuros, stable par rapport à 2018. Elle a prévu de poursuivre ses projets informatiques (logiciel Dune). Le directeur général a indiqué que bénéficier de crédits d’investissement supplémentaires permettrait une adaptation des locaux dont l’agence est propriétaire en vue de générer des économies de fonctionnement à terme.

Les effectifs de lagence diminuent : 26 emplois sous plafond devraient ainsi être supprimés entre 2018 et 2022. L’objectif de réduction de 4 postes devrait toutefois être difficile à atteindre en 2019 et en 2020, dans la mesure où seuls 3 départs à la retraite sont attendus pour chacune de ces années. En 2021, l’objectif pourra être atteint et, en 2022, il sera nettement dépassé, puisque 10 départs sont attendus pour un objectif de réduction de 5 postes.

Évolution des dépenses de fonctionnement et d’investissement
de l’ANGDM depuis 2013

(en millions d’euros)

Source : commission du développement durable, d’après une réponse au questionnaire budgétaire et l’ANGDM

Comme les années précédentes, le montant de la subvention pour charges de service public est toutefois inférieur au montant des dépenses quelle vise à couvrir, qui devraient sélever à 14,2 millions deuros en 2019. Il en résulte une mobilisation de la trésorerie, qui a atteint un niveau jugé bas. Alertée par le directeur général de l’agence, la rapporteure pour avis tient à souligner qu’en deçà de 35 millions deuros de trésorerie, celle-ci ne sera plus en mesure dassurer léquivalent dau moins trente jours de prestations. Le niveau de trésorerie demeure donc, encore cette année, sous surveillance.

L’ANGDM également compétente en matière d’action sanitaire et sociale

L’agence s’est vue confier en 2012 des missions d’action sanitaire et sociale (ASS) au nom de la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM), qui gère le régime spécial de sécurité sociale dans les mines, la liquidation des pensions de retraite des affiliés au régime minier au titre de l’assurance vieillesse ayant été confiée en 2005 à la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Ces prestations d’ASS s’élèveront en 2019 à 16,7 millions d’euros. Ce montant est imputé à l’action 1 du programme 195 « Régimes de retraite des mines, de la SEITA et divers », dont l’objet premier est, outre ces prestations, d’assurer l’équilibrage du régime spécial de retraite des mineurs.

Le financement de lagence par deux programmes obéissant à des règles de gestion différentes est une source de complication pour lagence. En effet, les crédits dédiés à l’ASS ne sont pas fongibles avec ceux du programme 174 et leur procédure d’affectation implique la CANSSM, ce qui n’est pas le cas pour le programme 174.

Aussi, le directeur général a indiqué à la rapporteure pour avis quil serait favorable à ce que le financement des prestations extralégales actuellement financées par le programme 195 soit désormais opéré uniquement par le programme 174, dans la mesure où la destination de ces crédits est très similaire à celle des crédits de ce dernier programme (dépenses de logement).

Les crédits de l’action 4 visent également à financer les plans sociaux résultant de la fermeture de plusieurs mines :

– les plans de retraite ou de cessation dactivité anticipée liés à la fermeture des Charbonnages de France, des Mines de potasse dAlsace et des Mines de Salsignes, en remboursant la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines (CANSSM) : 3 millions deuros sont prévus pour lannée 2019, le niveau d’exécution des dépenses en 2018 devant atteindre 4,8 millions d’euros, contre 10,2 millions d’euros en 2017. Cette diminution des crédits s’explique par la diminution du nombre de bénéficiaires, qui était de 1 050 en 2017 et devrait s’élever à 550 en 2019 ;

– les prestations de retraite servies par la Caisse nationale de retraite des industries électriques et gazières (CNIEG), au bénéfice de 1 600 anciens agents français des établissements publics et offices d’électricité et du gaz d’Afrique du Nord (Algérie, Maroc et Tunisie) : 7,6 millions deuros de créances sont prévus en 2019, contre 8,4 millions d’euros en 2018 et 9,2 millions d’euros en 2017 ;

– le contentieux, essentiellement lié à la reconnaissance des maladies professionnelles, résultant de la liquidation des Charbonnages de France. 4,25 millions d’euros ont été demandés en 2019.

Enfin, l’action 4 finance la réhabilitation et la reconversion économique des sites à la suite de la cessation des activités minières :

– les dépenses de personnel et de fonctionnement de la structure de liquidation de la société des Mines de potasse d’Alsace, ainsi que les travaux nécessaires à la fermeture du site de stockage souterrain de déchets Stocamine : 22,8 millions deuros sont demandés en 2019, dont 5 millions d’euros de frais de fonctionnement et 4,8 millions d’euros d’entretien d’après les prévisions communiquées dans un récent rapport d’information parlementaire ([3]) ;

Déstockage ou confinement ? 2019 : l’année du choix pour l’avenir de Stocamine

D’après le rapport d’information sur le site de stockage souterrain de déchets Stocamine, déposé à l’Assemblée nationale en septembre 2018 ([4]), le montant des travaux de déstockage intervenus entre 2014 et 2017 sest élevé à 42,3 millions deuros, au lieu des 47,9 millions d’euros prévus. De premiers travaux de confinement ont débuté en 2018, pour un montant de 3,3 millions deuros.

Le montant des crédits prévus en 2019 au titre de laction 4 du programme 174 repose sur lhypothèse de la poursuite du confinement des déchets, dont le coût global, estimé en 2011 à 107 millions d’euros, devrait approcher 140 millions d’euros d’après de nouvelles estimations effectuées en 2017. Au titre de lannée 2019, 13,4 millions deuros sont demandés pour financer ces opérations de confinement.

Toutefois, la poursuite du confinement n’est pas assurée. Le rapport dinformation recommande létude de scénarios de déstockage pour éviter tout risque de contamination de la plus grande nappe phréatique dEurope. Le coût des scénarios de déstockage pourrait s’élever à un montant compris entre 393 millions d’euros et 480 millions d’euros.

Une étude du Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM) est attendue au premier semestre 2019. Un arbitrage interministériel pourrait alors être rendu dans le courant de l’année, ce qui serait très opportun dans un souci de protection de l’environnement comme de maîtrise des deniers publics. En fonction du scénario retenu, le montant des crédits exécutés en 2019 pourrait en tout état de cause différer des montants demandés dans le projet de loi de finances.

– les frais de gestion de l’Agence des services et des paiements (ASP) dans le cadre du financement de la reconversion économique des anciens pays miniers par le Fonds dindustrialisation des bassins miniers, qui a progressivement pris fin à compter de 2007. 14 300 euros d’AE ont été programmés pour 2019. En 2017, 310 450 euros d’aides ont été versés dans le cadre des conventions en cours.

2.   Une augmentation des crédits de la politique de l’énergie et de la lutte contre le réchauffement climatique

Les crédits des actions 1, 5 et 6, représentant 10 % de ceux du programme, devraient augmenter de près de 5 millions deuros en 2019 par rapport à la LFI pour 2018, notamment au titre de la lutte contre le réchauffement climatique. La rapporteure pour avis salue cet accroissement, qui sinscrit dans la mise en œuvre dun axe prioritaire de la politique du Gouvernement.

a.   Actions 1 et 6 : un soutien continu à la mise en œuvre de la politique de l’énergie

Les crédits de l’action 1 « Politique de l’énergie », qui recouvre l’ensemble des activités de l’État concourant à satisfaire les besoins des consommateurs, particuliers et entreprises en énergie sous la conduite de la Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), devraient progresser de 800 000 euros (+ 18 %). Le montant demandé en 2019 sélève ainsi à 5,2 millions deuros en AE=CP, contre 4,4 millions d’euros en LFI pour 2018.

La moitié des crédits de l’action est dédiée au versement de la subvention pour charges de service public de lAgence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA), opérateur de lÉtat pour le financement duquel sont demandés 2,8 millions deuros en 2019, contre 2,6 millions d’euros en 2018.

Le montant total des ressources de l’agence s’élève à 375,4 millions d’euros, comprenant notamment 241,1 millions d’euros de fiscalité affectée au projet Cigéo, dont elle assure la maîtrise douvrage. Le montant de ses charges devrait s’élever à 362,4 millions d’euros, dont 294,6 millions d’euros de dépenses de fonctionnement et 67,8 millions d’euros de dépenses de personnel.

L’autre moitié des crédits de l’action 1, s’élevant à 2,4 millions deuros contre 1,8 million deuros en 2018, est demandée pour financer diverses actions de soutien à la mise en œuvre de la politique de lénergie :

– le contrôle de la qualité des carburants exigé au titre des engagements européens et internationaux de la France ;

– le programme EXTRAPLAC, programme interministériel visant à délimiter l’extension du plateau continental, et dont la maîtrise d’ouvrage a été confiée à l’IFREMER ;

– la subvention de l’État au Comité local d’information et de suivi du laboratoire souterrain de recherche de Meuse/Haute-Marne (CLIS de Bure) ;

– la participation du ministère de la transition écologique et solidaire au fonctionnement du Conseil supérieur de l’énergie ;

– la réalisation de diverses études dans le domaine de l’énergie et des actions de coopération internationale ;

– la sécurisation des barrages dans le cadre des renouvellements des concessionnaires : dans un contexte de prix bas de l’électricité sur les marchés et de non-rentabilité de certains petits ouvrages hydroélectriques, l’État assure en effet la mise en sécurité d’ouvrages dont la concession est échue.

Enfin, le montant des crédits demandés au titre de laction 6 « Soutien », qui permet d’assurer le financement des dépenses de fonctionnement transférées du programme 217 au programme 174 en 2012, devrait progresser de 1,1 million deuros (+ 0,6 %).

Laugmentation du montant de crédits demandés pour cette dernière action est justifiée par le rattachement du Centre national de réception des véhicules, auparavant rattaché à la DIREE, la création dun service à compétence nationale pour la surveillance du marché des véhicules et surtout par le versement anticipé dastreintes substantielles dans des contentieux de permis exclusifs dhydrocarbure.

La révision de la programmation pluriannuelle de lénergie en 2019 : un moment essentiel de la mise en œuvre de la politique de lénergie

La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ([5]), encadrée par les articles L. 141‑1 à L. 141-6 du code de l’énergie, définit les orientations du Gouvernement en matière dénergie sur deux périodes de 5 ans. La PPE actuelle porte sur les périodes 2016-2018 et 2019-2023. La nouvelle PPE portera sur les périodes 2019-2023 et 2024-2028.

La révision de la PPE a été lancée en juin 2017, en même temps que celle de la stratégie nationale bas carbone (SNBC) dans le cadre d’une réunion jointe du comité de suivi de la PPE et du comité d’orientation de la SNBC :

– Le comité de suivi de la PPE a été réuni à trois reprises au cours de l’année. Des ateliers de travail sectoriels relatifs à la maîtrise de la demande, réunis à quatre reprises, ont été menés conjointement avec les travaux de révision de la SNBC ;

– 24 ateliers de travail ont été organisés entre octobre 2017 et janvier 2018, sur l’ensemble des thématiques spécifiquement abordées par la PPE ;

– Un débat public a été organisé par la Commission nationale du débat public (CNDP) du 19 mars 2018 au 30 juin 2018, dans le cadre duquel se sont tenues 92 rencontres réunissant 8 000 participants. 474 avis et cahiers d’acteurs ont été partagés.

Nourri de ces contributions et consultations, un projet de décret PPE devrait être publié avant la fin de lannée 2018. Devront alors être recueillis les avis de l’Autorité environnementale pour son évaluation environnementale stratégique, du Conseil national de la transition écologique, du Conseil supérieur de l’énergie, du Comité d’experts pour la transition énergétique, du Comité de gestion de la CSPE, du Comité du système de distribution publique d’électricité, des pays dont le système électrique est interconnecté avec le système français (Allemagne, Belgique, Luxembourg, Suisse, Italie, Espagne, Royaume-Uni, Irlande et Pays-Bas) et de la Commission européenne.

Une fois ces avis rendus, le projet de décret PPE sera finalisé et publié.

Lors des auditions quelle a menées, la rapporteure pour avis a été alertée à de nombreuses reprises sur la nécessité de maintenir une ambition élevée : les trajectoires définies par les objectifs de la stratégie envoient en effet un signal-prix décisif pour la détermination du niveau des investissements des acteurs économiques ainsi que pour l’organisation des filières et de leurs rapports réciproques.

La rapporteure pour avis émet donc avec force le vœu que la PPE et la SNBC, stratégies dune importance majeure, fassent lobjet de débats très approfondis à lAssemblée nationale, prolongeant les premières tables rondes conjointes entre les commissions du développement durable et de l’aménagement du territoire et des affaires économiques du 18 juin dernier.

b.   Une priorité qui demeure : la lutte contre le réchauffement climatique

Les crédits de l’action 5 « Lutte contre le changement climatique », qui financent des actions visant à diminuer les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, à préparer le passage à une économie décarbonée, à étudier les mécanismes et effets du réchauffement climatique, et à mobiliser la société internationale et l’ensemble des outils permettant de réduire les émissions, devraient progresser de 3 millions deuros (+ 27,4 %). Le montant demandé en 2019 sélève ainsi à 33,8 millions deuros en AE=CP, contre 30,8 millions d’euros ouverts en LFI pour 2018.

Les crédits de l’action financent le Centre interprofessionnel technique détudes de la pollution atmosphérique (CITEPA), opérateur de l’État créé en 1961 et chargé d’identifier, d’analyser et de diffuser des informations sur la pollution atmosphérique et les émissions de polluants et de gaz à effet de serre (GES), pour un montant de 1,4 million deuros en 2019, stable par rapport à 2018. Cette subvention a pour objectif la réalisation des inventaires annuels de polluants atmosphériques et de GES en France, afin de répondre aux exigences internationales et européennes.

En outre, 24,4 millions deuros sont demandés en 2019 pour financer les actions suivantes dédiées à l’amélioration de la qualité de l’air :

– le financement des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) au titre de leurs missions d’intérêt général de surveillance de la qualité de l’air, et du Laboratoire central de surveillance de la qualité de l’air (LCSQA), dispositif national chargé d’apporter un appui technique et scientifique aux AASQA ;

– la réalisation de mesures dans les domaines du changement climatique (effet de serre, fonctionnement de l’Observatoire national sur les effets du réchauffement climatique) et de l’efficacité énergétique, ainsi que le suivi de la gestion des actifs carbone et des marchés de carbone ;

– la mise en œuvre des mesures décidées pour la prévention et la réduction de la pollution atmosphérique : plans de protection de l’atmosphère (PPA), plan d’urgence pour la qualité de l’air et renforcement de la surveillance de la qualité de l’air, dispositions articulées avec le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA) ([6]).

Enfin, des crédits sont demandés pour financer :

– les études nécessaires à l’élaboration de la réglementation des émissions des véhicules, confiées à l’Union technique de l’automobile et du cycle (UTAC) ;

– la location des installations nécessaires pour la réalisation des opérations de réception des véhicules réalisées en service déconcentré.

Il na pas été ouvert de crédits de paiement au titre de lenveloppe spéciale transition énergétique (ESTE), créée par l’article 20 de la loi n° 2015‑992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. Confiée à la Caisse des dépôts et consignations, cette enveloppe a été dotée :

– en autorisations d’engagement, de 250 millions d’euros en 2015 et 500 millions d’euros en 2016, l’enveloppe totale ayant été ramenée à 700 millions d’euros par un rétablissement de crédits de 50 millions d’euros ;

– en crédits de paiement, de 250 millions d’euros en 2015, 150 millions d’euros en 2016, et 70 millions d’euros en 2017 auxquels se sont ajoutés 5 millions d’euros de crédits réaffectés, ce qui a porté l’enveloppe totale à 475 millions d’euros.

Plus de 2 000 conventions, dont certaines s’éteindront en 2021, ont été signées entre l’État et les bénéficiaires, pour un montant égal aux AE engagées. Aussi, votre rapporteure pour avis souhaite émettre un point de vigilance : 255 millions deuros dAE exécutées nont pas encore été couverts par des ouvertures de crédits de paiement, ce qui signifie que ces sommes restent encore à payer jusquen 2021, année de clôture du dispositif.

Une réponse au questionnaire budgétaire indique que : « Compte tenu des crédits transférés à la Caisse des dépôts et consignations, et du niveau des paiements effectués à ce jour, des crédits supplémentaires ne sont pas envisagés au stade du projet de loi de finances pour couvrir les besoins de lannée 2019. Les besoins financiers étant largement dépendants des demandes de paiements réalisés par les bénéficiaires, les mécanismes budgétaires adéquats seront mobilisés, afin de procéder, en cas de besoin, à un abondement de lESTE. »

Néanmoins, un état des lieux détaillé de l’avancement des actions financées dans les conventions pourrait être utilement remis au Parlement à l’occasion de l’examen de la prochaine loi de règlement, afin de rendre possible l’estimation du montant des crédits de paiements susceptibles d’être ouverts.

II.   Le compte d’affectation spéciale transition énergétique : un soutien majeur À la production d’énergies renouvelables

Le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » (CAS TE), créé par l’article 5 de la loi de finances rectificative pour 2015, finance des actions contribuant à la transformation du modèle énergétique en vue de lutter contre le dérèglement climatique et de réduire la facture énergétique. Ces actions contribuent de ce fait au développement de nouvelles technologies et à la conquête de nouveaux marchés dans le domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique.

En recettes, le compte d’affectation spéciale est principalement alimenté par une fraction de la taxe intérieure sur la consommation des produits énergétiques (TICPE) prévue à larticle 265 du code des douanes, pour un montant de 7,2 milliards deuros. Deux autres ressources lui sont également affectées :

– une fraction de la taxe intérieure sur les houilles, les lignites et les cokes, prévue à l’article 266 quinquies B du code des douanes, pour un montant estimé en 2019 à 1 million d’euros ;

– les revenus tirés de la mise aux enchères des garanties d’origine, pour un montant estimé à 32 millions d’euros.

En dépenses, les crédits du compte d’affectation spéciale sont présentés dans deux programmes :

– le programme 764 « Soutien la transition énergétique » qui s’articule autour de deux objectifs : le soutien au développement des énergies renouvelables et le développement des effacements de consommation ;

– le programme 765 « Engagements financiers liés à la transition énergétique » qui finance essentiellement le remboursement du principal de la dette CSPE à EDF.

Répartition des crédits du CAS Transition énergétique
par programmes et par actions en 2019

Capture

Source : Commission du développement durable, d’après le projet annuel de performances

La rapporteure pour avis souhaite souligner et saluer le montant important des crédits dédiés au soutien à la production dénergies renouvelables, qui sélève à 7,2 milliards deuros, et saluer leur augmentation de près dun milliard deuros (+ 1,3 %), signe de la volonté politique du Gouvernement daccélérer la transition énergétique et écologique de la France.

1.   Une hausse du remboursement du principal de la dette CSPE à Électricité de France

Les crédits du programme 765 progressent de 197 millions deuros (+ 12 %). Le montant demandé en 2019 sélève ainsi à 1,8 milliard deuros, contre 1,6 milliard deuros en LFI pour 2018.

Cette augmentation résulte principalement de l’augmentation du montant versé à Électricité de France (EDF) en vue de rembourser le principal de la dette qui s’est constituée entre 2009 et 2015 du fait de l’absence de couverture des charges de service public de l’électricité par la contribution au service public de l’électricité (CSPE) ([7]).

Ce montant est conforme à l’échéancier défini par l’arrêté du 2 décembre 2016, à la suite de la délibération du 13 juillet 2016 de la Commission de régulation de l’énergie.

Échéancier de remboursement de la CSPE

(en millions d’euros)

 

Déficit de compensation restant dû au 31 décembre de lannée n hors intérêts 2015

Remboursement en principal du déficit précité par le compte daffectation spéciale « Transition énergétique »

Paiement des intérêts

futurs associés au déficit précité (programme 345)

2015

5 778,9

0

 

2016

5 585,8

194

99,3

2017

4 357,8

1 228

99,5

2018

2 735,8

1 622

87,2

2019

896,8

1 839

62,5

2020

0

896,8

40,61

Total

 

5 772

389,1

Source : Projet annuel de performances

2.   Une hausse du soutien à l’effacement de la consommation et à l’injection de biométhane

Les crédits du programme 764 diminuent de 102 millions deuros (– 1,8 %). Le montant demandé sélève en 2019 à 5,4 milliards deuros en 2019 contre 5,5 milliards deuros en LFI pour 2018.

Cette diminution résulte essentiellement de la diminution des crédits portés à laction 1 « Soutien aux énergies renouvelables électriques » de 163 millions deuros (– 3 %). Le montant pouvant être accordé aux opérateurs agréés et fournisseurs historiques (EDF et entreprises locales de distribution) en compensation des surcoûts résultant des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables (EnR) ([8]) s’élèvera en effet à 5,2 milliards d’euros en 2019, au lieu de 5,4 milliards d’euros en 2018, en application de la délibération de la Commission de régulation de l’énergie du 12 juillet 2018.

Toutefois, le reste des crédits progresse :

– à l’action 2, le montant prévisionnel des crédits visant à financer l’appel d’offre prévus par la loi relative à la transition énergétique pour soutenir l’effacement de consommation électrique retenu par la CRE dans sa délibération de juillet 2018 s’élève à 45 millions deuros en 2019, contre 17,9 millions deuros en 2018, soit une progression de 27 millions deuros (+ 151,4 %) ;

– à l’action 3, les crédits visant à couvrir les surcoûts liés à l’application des contrats d’achat de biométhane produit par des installations éligibles à l’obligation d’achat dans le but de favoriser son injection dans les réseaux de transport et de distribution de gaz naturel progressent de 32,6 millions deuros (+ 32,8 %), le montant demandé en 2019 sélevant à 132 millions deuros, contre 99,5 millions d’euros ;

 enfin, a été créée cette année une nouvelle action en vue de financer un fonds dinterconnexion en vue de favoriser la connexion du réseau électrique français avec le réseau irlandais (projet Celtic), le montant de 1,4 million deuros demandé en 2019 devant permettre le financement des études sous-marines préalables. Le fonds devrait être doté de 42,7 millions d’euros au total.

3.   Pour un renforcement du soutien à la chaleur et au froid renouvelables par le compte d’affectation spéciale

La chaleur représente environ la moitié de la consommation finale dénergie en France. Elle peut être aisément produite à partir de sources renouvelables. Toutefois, alors que la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a fixé l’objectif que 38 % de la chaleur consommée soit d’origine renouvelable en 2030, cette part était de 20 % en 2016. Elle progresse en moyenne de 0,8 % par an depuis 2010. De même, tandis que la quantité de chaleur et de froid renouvelable et de récupération distribuée par les réseaux de chaleur et de froid en 2016 était 1,6 fois plus importante que celle distribuée en 2012, la LCETV a fixé l’objectif de la multiplier par cinq.

Ce constat pose la question du soutien à la filière productive, aujourdhui essentiellement tourné vers lélectricité. La quasi-totalité des crédits du compte d’affectation spéciale y est dédiée, pour un montant révélant l’ambition importante du Gouvernement en la matière. Malgré une nette augmentation des crédits en 2019, dont la rapporteure pour avis se félicite, seuls 2,5 % des crédits du programme 764 seront affectés à l’injection de biométhane dans les réseaux de gaz, alors que la part du gaz dans la consommation finale approche un tiers et que cette filière est moins décarbonée que la filière électrique.

Dans ce contexte, la rapporteure pour avis estime que le soutien aux producteurs de chaleur et aux filières faiblement décarbonées autres que lélectricité contribuant à la production de chaleur et de froid doit être encore renforcé non seulement par lintermédiaire du compte daffectation spéciale, mais aussi dans le cadre des aides à linvestissement du Fonds chaleur de lAgence de lenvironnement et de lénergie (cf. infra).

Bilan énergétique de la France en 2017

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Source : Bilan énergétique de la France métropolitaine en 2017, page 3

 


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III.   Une mobilisation budgétaire et fiscale d’ampleur

Le soutien à la transition écologique ne se limite pas aux crédits du compte daffectation spéciale et du programme 174, qui totalisent à eux deux 7,6 milliards deuros. La transition écologique et solidaire est en effet un véritable projet de société qui passe par une transformation de l’ensemble des secteurs économiques et par une mobilisation de tous les types d’acteurs, qu’il s’agisse des entreprises, des collectivités et les citoyens.

1.   Des dépenses fiscales d’un montant élevé contribuent au financement de la transition écologique

Le document de politique transversale lutte contre le changement climatique identifie 17 dépenses fiscales contribuant à latteinte de cet objectif, pour un montant estimé à 10,4 milliards deuros relevant pour moitié du crédit d’impôt en faveur de la recherche (5,8 milliards d’euros).

Vingt-et-une dépenses fiscales sont rattachées au programme 174, pour un montant cumulé estimé à 3,2 milliards d’euros en 2019. Ces dépenses servent pour près des deux tiers au financement de la rénovation énergétique des bâtiments. Le dernier tiers vise essentiellement à atténuer les effets de la TICPE par des taux et tarifs réduits, ainsi que par des exonérations.

Principales dépenses fiscales rattachées au programme 174 en 2019

Source : Commission du développement durable, d’après le projet annuel de performances.

Plus précisément, dix-huit de ces dépenses portent de manière principale sur des impôts d’État, pour un montant estimé à 2 milliards d’euros en 2019. Huit ne sont pas chiffrées ou sont d’un montant inférieur à 1 million d’euros. Parmi les dix autres, il convient de distinguer :

– un ensemble dexonérations et de réductions de tarifs et de taux de taxe intérieure de consommation pour les produits énergétiques (TICPE) dans les cas prévus par l’article 265 du code des douanes pour un montant estimé à 1,1 milliard deuros en 2019 ([9]) ;

– le crédit dimpôt pour la transition énergétique, dont le coût devrait atteindre 879 millions deuros en 2019, au bénéfice de plus de 1,2 million de ménages ;

– le taux réduit de TVA pour la fourniture par réseau dénergie dorigine renouvelable, dont le montant devrait atteindre 57 millions deuros en 2019.

À ces 18 dépenses s’en ajoutent deux qui ne portent pas à titre principal sur des impôts d’État :

– un dégrèvement de la cotisation de taxe foncière sur les propriétés bâties pour les organismes HLM et SEM au titre de leurs travaux déconomie dénergie, créé en 2005 et dont le nombre de bénéficiaires n’a pu être estimé, qui pèse sur la fiscalité locale pour un montant estimé à 52 millions deuros en 2019 (aucun chiffrage n’étant proposé pour 2018 et 2019, ce montant repose sur la valeur estimée en 2017) ;

– un taux de 5,5 % de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour les travaux damélioration de la qualité énergétique des locaux à usage d’habitation, créé en 2013 et bénéficiant à 310 000 entreprises, qui pèse de manière subsidiaire sur la fiscalité de l’État pour un montant estimé à 1,1 milliard deuros en 2019.

La rapporteure pour avis salue leffort notable et continu de lÉtat en faveur de la transition écologique, en maintenant à un niveau élevé le niveau les dépenses fiscales relatives à la rénovation des bâtiments, gisement important de réduction des émissions de CO2.

Elle se félicite notamment de la prorogation dun an du CITE. Les auditions qu’elle a menées ont en effet confirmé le rôle décisif joué par ce crédit d’impôt, dont il a été largement admis que le resserrement sur les dépenses les plus efficaces du point de vue de la performance énergétique était une démarche non seulement nécessaire, mais à amplifier. Les travaux aboutissant à une performance énergétique plus importante devraient être davantage encouragés, tant dans le choix de la qualité des matériaux et équipements choisis que pour le nombre d’actes réalisés par opération. Cela suppose en outre de renforcer la démarche de diagnostic, dont la qualité doit être améliorée et uniformisée. Enfin, sauf lorsque cela empêcherait tout investissement, des bouquets de travaux doivent être privilégiés.

Les auditions ont également mis en évidence lopportunité très grande de convertir le crédit dimpôt en prime en vue de faciliter les investissements. La rapporteure pour avis a été sensible à la priorité donnée aux bénéficiaires potentiels dont les revenus sont les plus bas, en coordonnant les efforts avec ceux consentis par lAgence nationale de lhabitat (Anah) dans le cadre du programme « habiter mieux ». La transition écologique ne sera possible que si elle est solidaire. Elle considère toutefois que le crédit dimpôt devrait être converti en prime pour tous ses bénéficiaires, une fois le prélèvement à la source mis en place.

Exonérations de taxe intérieure de consommation sur
la consommation de produits énergétiques (TICPE)

La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) est un droit d’assise portant sur les produits énergétiques utilisés comme carburants ou combustibles, en fonction de leur quantité. Son régime général est fixé, dans le cadre de la réglementation européenne ([10]) par les articles 265 et suivants du code des douanes.

Elle frappe l’ensemble des produits énergétiques mis en vente, utilisés ou destinés à être utilisés comme carburant ou combustible, y compris les carburants d’origine non fossile, à l’exception des produits soumis à un système de taxation spécifique : le gaz naturel, les houilles, lignites et cokes, les huiles végétales pures, etc.

Son tarif est différencié en fonction :

– de la nature du produit énergétique concerné : essences, gazole, gaz, etc., chacun d’entre eux ayant un tarif propre ;

– du territoire : des dispositifs particuliers sont prévus en Corse et dans les départements et régions d’outre-mer en vue de ne pas y renchérir le prix des carburants ;

– de l’usage qui est fait du produit énergétique : certains usages bénéficient de tarifs préférentiels, d’une exonération ou d’un remboursement d’une partie de la taxe.

En outre, un remboursement d’une partie de la TICPE est prévu pour les exploitants agricoles et les chauffeurs de taxi et sociétés de transport routier.

2.   Des crédits budgétaires d’un montant important sont mobilisés dans le cadre de la mission « Écologie, développement et mobilités durables », mais également dans le cadre d’autres missions

Le document de politique transversale « Lutte contre le changement climatique » annexé au PLF pour 2018 identifiait la contribution de 39 programmes à l’atteinte de l’objectif de cette politique publique, pour un montant de crédits s’élevant en 2018 à 8,1 milliards d’euros, contre 7,5 milliards d’euros en 2017. Le rapport sur le financement de la transition énergétique annexé au PLF pour 2018 mettait en perspective ceux de ces crédits plus spécifiquement tournés vers la transformation du système de production d’énergie.

La rapporteure pour avis regrette que, cette année encore, ce document de politique transversale et ce rapport naient pas été publiés au moment de lexamen des crédits présentés dans le présent rapport. La consultation des documents budgétaires des années précédentes est utile pour comprendre l’architecture générale des politiques publiques et situer les principaux ordres de grandeur, mais l’annualité de la procédure d’examen des crédits nécessiterait d’avoir une vision plus précise des évolutions intervenues par rapport aux années précédentes.

Les crédits de paiement de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » nets des contributions directes de l’État au CAS « Pensions » s’élèveront en 2019 à 10,6 milliards d’euros, contre 10,4 milliards d’euros, soit légèrement plus que la trajectoire de la loi de programmation des finances publiques (10,5 milliards d’euros).

Crédits de la MISSION écologie, développement et mobilité durables

Crédits de paiements demandés pour 2019 (*)

(*) Montants hors fonds de concours et attributions de produits

Source : Commission du développement durable, d’après le projet annuel de performances

En plus des crédits du programme 174, la rapporteure pour avis tient à souligner le rôle crucial joué par les crédits de plusieurs programmes de la mission Écologie en faveur de la transition écologique :

– ceux du programme 345 « Service public de l’énergie » (28 % des CP demandées pour 2019), au titre duquel sont soutenus, outre les intérêts de la dette CSPE (cf. supra), les chèques énergie (765 millions deuros), dont le montant a été porté de 150 euros à 200 euros dans le cadre du présent projet de loi de finances, ainsi que la cogénération dont les crédits progressent de 5 % ;

Chèques énergie : une augmentation saluée, un dispositif à renforcer

L’augmentation du montant des chèques énergie a été saluée à l’occasion de plusieurs auditions. Il a été indiqué à la rapporteure pour avis que cette augmentation pourrait néanmoins demeurer insuffisante pour certains de ses bénéficiaires.

Le montant du chèque demeure en effet très inférieur au montant des factures des ménages résidant dans des « passoires thermiques », qui peut atteindre 1 200 euros. En outre, l’UFC Que choisir ? a souligné le risque de voir l’augmentation du prix de lénergie et de la fiscalité absorber le gain résultant de l’augmentation du chèque pour les ménages qui se chauffent au gaz

Dans ce contexte, la rapporteure pour avis souligne la nécessité de mieux articuler le dispositif des chèques énergie avec le programme « habiter mieux » porté par l’Anah, dont il est impératif d’atteindre les ambitieux objectifs (cf. infra). Un montant supérieur de chèque énergie pourrait être accordé aux personnes résidant dans les « passoires thermiques » afin datteindre lobjectif de leur solvabilisation en attendant que les travaux de rénovation naient été effectués.

– ceux du programme 181, dont l’action 12 porte la subvention pour charge de service publique de lAgence de lenvironnement et de la maîtrise de lénergie (ADEME) depuis la loi de finances pour 2018. 603,2 millions deuros sont demandés en 2019, contre 612,7 millions d’euros en 2018, soit 9,5 millions d’euros de moins.

Avant 2018, lADEME était financée par des recettes fiscales. La rapporteure pour avis a déposé en son nom propre un amendement pour rétablir un tel financement, de nature à mieux mettre en évidence le lien entre fiscalité environnementale et dispositifs de soutien à la transition énergétique, et de ce fait à contribuer à une meilleure acceptabilité de la fiscalité environnementale.

Dépenses de l’Agence de l’environnement et de la maÎtrise de l’énergie

Source : ADEME

Le premier poste du budget incitatif de l’ADEME est le Fonds chaleur. La rapporteure pour avis salue l’augmentation annoncée du budget consacré à ce fonds, qui sera porté à 300 millions d’euros en 2019. Toutefois, sans abondement à due concurrence des crédits de lagence, cette augmentation risque de se faire au détriment dautres projets. En outre, les auditions ont mis en évidence la nécessité de porter le fonds à 400 millions deuros pour répondre aux enjeux, ce dont la rapporteure pour avis est pleinement convaincue.

En conséquence, la rapporteure pour avis a présenté deux amendements pour abonder les crédits du programme 181 au bénéfice de lADEME : l’un permettant de consolider les comptes de l’Agence au titre de l’augmentation annoncée du fonds (+ 100 millions d’euros) et l’autre en vue de permettre, scénario le plus souhaitable, son doublement (+ 200 millions d’euros).

Fonds chaleur : un doublement est plus que jamais nécessaire !

La chaleur représente la moitié de la consommation d’énergie finale en France. La loi sur la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) a fixé l’objectif que 38 % de la chaleur consommée soit d’origine renouvelable en 2030.

Cette part, qui était de 20 % en 2016, progresse en moyenne de 0,8 % par an depuis 2010. Le projet de révision de la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) vise un rythme moyen d’accroissement du taux de chaleur renouvelable et de récupération entre 1,4 % et 2,1 % par an entre 2020 et 2030.

Entre 2009 et 2017, le Fonds chaleur géré par lADEME a permis dengager 1,9 milliard deuros, en soutenant près de 4 300 opérations qui ont généré un montant d’investissement total de 5,8 milliards d’euros et une production totale de 25 TWh/an.

L’ADEME a indiqué que, pour atteindre les objectifs indiqués précédemment en tenant compte de l’effet de la contribution climat énergie, il serait nécessaire d’atteindre avant 2022 un rythme de 5 TWh/an de nouvelles capacités de production aidées. Or, le budget actuel permet un rythme de 2,1 TWh/an seulement. 510 millions deuros dAE supplémentaires seraient nécessaires sur la période 2018-2022 pour atteindre le rythme de 5 TWh/an.

Plusieurs auditions ont souligné le fait que de nombreux projets nont pas pu aboutir en raison du sous-dimensionnement des financements octroyés par lADEME dans un contexte de baisse du coût des énergies fossiles. Ces abandons de projets 155 millions d’euros ont été désengagés en 2017 ; 79 millions d’euros à la fin du mois 2018 contre 65 millions d’euros les années précédentes – ont conduit lagence à accumuler de la trésorerie.

Aussi, la rapporteure pour avis salue le vote par le conseil dadministration de lagence, le 18 octobre, dune hausse de 14 % du Fonds chaleur en 2018. Elle salue également l’annonce du ministre de la transition écologique et solidaire d’une augmentation de 50 % du fonds en 2019, ce qui le portera à 300 millions d’euros.

Lutilisation de la trésorerie accumulée et la mise à disposition de crédits supplémentaires sont en effet indispensables à très court terme, à la fois car à lapproche des élections municipales, un certain nombre dinvestissements risque de prendre du retard et car la période actuelle est un momentum : il est urgent dagir maintenant pour rendre possible latteinte des objectifs que la France sest assignés au regard de la durée nécessaire pour que les projets dinvestissement arrivent à terme.

LADEME indique en outre quun relèvement de ses autorisations dengagement à 700 millions deuros permettrait, entre autres, une augmentation du Fonds chaleur de 55 % par rapport à 2017, l’accompagnement de la feuille de route pour l’économie circulaire et la mise en place du Fonds hydrogène.

Parmi les crédits mobilisés dans le cadre d’autres missions que la mission « Écologie », la rapporteure pour avis souhaite souligner l’incidence particulière des crédits :

– de la mission « Programme dinvestissements davenir » (PIA). L’ADEME est à ce titre l’opérateur du volet « démonstrateurs » de l’action 3 du programme 422 « Valorisation de la recherche » doté de 330 millions d’euros. L’agence bénéficie également de 100 millions d’euros de subventions et 50 millions d’euros d’avances remboursables (AE ouvertes en loi de finance initiale pour 2017) au titre de l’action 5 « Concours d’innovation », du programme 423 « Accélération de la modernisation des entreprises » ;

– dédiés à l’Agence nationale de lhabitat (Anah), opérateur de l’État rattaché au programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » de la mission « Cohésion des territoires » pour lequel la lutte contre la précarité énergétique constitue un objectif prioritaire. En cohérence avec le Plan de rénovation énergétique des bâtiments adopté en avril dernier, le programme « Habiter Mieux », qui a déjà permis la rénovation de 190 000 logements depuis sa mise en place en 2011, affiche ainsi un objectif de 75 000 logements rénovés par an, ce qui devrait permettre de diviser par deux le nombre de passoires thermiques avant 2022.

Certificats d’économie d’énergie : un dispositif à renforcer

Rattaché au sous-directeur du climat et de la qualité de l’air de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), le Pôle national des certificats d’économies d’énergie met en œuvre le dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE).

Introduit en 2005, ce dispositif vise à la réalisation d’économies d’énergie dans les secteurs diffus : principalement le bâtiment, mais aussi la petite et moyenne industrie, l’agriculture ou les transports.

Un objectif d’économie d’énergie est assigné aux fournisseurs d’énergie au prorata de leurs ventes d’énergie aux consommateurs finaux en vue de les obliger à entreprendre des actions auprès d’eux pour les inciter à investir dans des équipements économes en énergie. Ces actions, si elles sont certifiées, donnent lieu à la création de CEE. Des CEE peuvent aussi être achetés sur le marché ou générés par l’investissement dans des programmes éligibles. Si l’objectif n’est pas atteint, le fournisseur doit s’acquitter d’un paiement libératoire dont le montant est fixé par décret.

Ce dispositif a permis la réalisation de travaux. Ainsi, « selon les chiffres de la Direction générale de lénergie et du climat, les CEE auraient permis déconomiser 612 TWh entre 2006 et 2014, et auraient contribué à financer des travaux déconomies dénergie à hauteur de 24 milliards deuros, entraînant 2 milliards deuros déconomies annuelles pour les consommateurs. » ([11])

Lors des auditions, deux principales critiques ont été portées au dispositif. En premier lieu, celui-ci est lourd à gérer pour ses bénéficiaires. Le montant des aides dont il est possible de bénéficier dépend en outre beaucoup de l’entreprise choisie pour les travaux. En fin de compte, manque de lisibilité et complexité en font un dispositif dont l’attractivité est très vraisemblablement bien inférieure à ce qui serait souhaitable. La rapporteure pour avis plaide pour une simplification de la constitution des dossiers et pour une meilleure information des bénéficiaires potentiels à la fois sur le dispositif et sur les niveaux daides dont il est possible de bénéficier.

En second lieu, les énergéticiens estiment que l’objectif d’économie d’énergie total de 1 600 TWh cumac ([12]) fixé pour la quatrième période (2018-2020) est trop élevé, malgré l’éligibilité des actions des grandes unités de production soumis aux ETS votée dans le projet de loi PACTE. Cela risque de les inciter à acheter des titres plutôt qu’à en générer par des actions en direction des consommateurs. L’augmentation des prix qui en résultera pourrait se répercuter selon eux sur la facture des consommateurs.

3.   Pour une amélioration de la présentation des documents budgétaires autour des objectifs stratégiques de la politique gouvernementale

Le caractère transversal de la transition écologique et les enjeux cruciaux attenants ont conduit la France à prendre des engagements internationaux, qui ont été déclinés dans des documents stratégiques à l’échelle nationale. Ce cadre fixe le cap des ambitions de notre pays en matière environnementale et s’appuie sur des objectifs chiffrés précis, déterminés en concertation avec tous les acteurs impliqués dans la mise en œuvre de la transition écologique.

Ainsi, 17 objectifs ont été définis dans le Programme de développement durable à l’horizon 2030, dit « Agenda 2030 », adopté en 2015 par les Nations unies. L’objectif n° 7 vise notamment à développer partout des services énergétiques permettant la production d’une « énergie propre et d’un coût abordable ». Des objectifs ont également été fixés dans le cadre de l’Accord de Paris, conclu en décembre 2015, en vue de contenir la hausse des températures.

En 2015 également, conformément à ces engagements, la France a défini dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte (LTECV) plusieurs objectifs chiffrés, déclinés dans la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la stratégie nationale bas carbone (SNBC) en cours de révision.

La rapporteure pour avis estime que ces objectifs doivent servir de base à lévaluation des politiques mises en œuvre pour les atteindre et donc être déclinés dans les documents budgétaires de manière précise. Or :

– les indicateurs de performance ne sont pas adossés de manière systématique et exhaustive sur ces objectifs, ce qui amenuise l’intérêt de l’éclairage, néanmoins très précieux, qu’ils apportent ;

– la présentation des crédits budgétaires ne permet pas de déterminer la contribution des montants alloués, qu’il s’agisse de crédits budgétaires ou de dépenses fiscales, ni à l’atteinte des indicateurs de performance, ni a fortiori aux objectifs des stratégies précitées, y compris dans le cadre du document de politique transversale « Lutte contre le changement climatique ».

Cette situation rend le budget difficilement lisible, ce qui nuit à la qualité du débat. Aussi, dans un état d’esprit qui était déjà en 2001 celui de la loi organique relative aux lois de finances, la rapporteure pour avis appelle de ses vœux une modification profonde de la présentation des documents budgétaires pour en faciliter lappropriation par les parlementaires et ainsi accroître leurs capacités de contrôle et de décision. Par ailleurs, une nouvelle structure du budget qui prendrait en compte les ODD (sur le modèle par exemple du budget de la Finlande) permettrait de travailler l’acceptabilité des mesures fiscales contraignantes dérivant de l’application de la trajectoire carbone.

 

 


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   Deuxième partie :
Recherche, innovation et numérique au service
DE LA TRANSITION ÉCOLOGIQUE

L’urgence à infléchir les courbes de consommation d’énergie et d’émission de gaz à effet de serre n’est plus à démontrer, ainsi que l’a rappelé le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur le climat (GIEC) ([13]). Cette urgence implique d’activer tous les leviers possibles pour atteindre les objectifs que la France s’est assignés en ratifiant l’Accord de Paris et l’Agenda 2030 ([14]), et notamment l’objectif de développement durable n° 7 « Garantir laccès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable ».

Objectif 7. Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables,
durables et modernes, à un coût abordable

7.1 D’ici à 2030, garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables et modernes, à un coût abordable.

7.2 D’ici à 2030, accroître nettement la part de l’énergie renouvelable dans le bouquet énergétique mondial.

7.3 D’ici à 2030, multiplier par deux le taux mondial d’amélioration de l’efficacité énergétique.

7.a D’ici à 2030, renforcer la coopération internationale en vue de faciliter l’accès aux sciences et technologies de l’énergie propre, notamment les énergies renouvelables, l’efficacité énergétique et les nouvelles technologies de combustion propre des combustibles fossiles, et encourager l’investissement dans l’infrastructure énergétique et les technologies propres dans le domaine de l’énergie.

7.b D’ici à 2030, développer l’infrastructure et améliorer la technologie afin de fournir des services énergétiques modernes et durables à tous les habitants des pays en développement, en particulier des pays les moins avancés, des petits États insulaires en développement et des pays en développement sans littoral, dans le respect des programmes d’aide qui les concernent.

Recherche scientifique et innovation technologique sont inévitablement au cœur de cette démarche de transition énergétique en permettant le développement de technologies de rupture nouvelles et l’amélioration des technologies existantes. Mais l’appropriation des nouvelles technologies par les acteurs économiques et par l’ensemble des citoyens n’est pas évidente, rendant indispensable d’aborder les enjeux de recherche et d’innovation au sens large, en incluant leurs aspects économiques, sociaux, sociétaux, juridiques ou encore financiers.

Cela est dautant plus vrai dans un contexte daccélération sans précédent des progrès dans le domaine du numérique. Le développement des technologies de l’information et de la communication et de l’intelligence artificielle ouvre autant de nouveaux horizons qu’il pose de questions, notamment quant à la gouvernance économique et politique de la mise en œuvre des stratégies décidées dans le domaine de l’énergie et à l’acceptabilité des technologies nouvelles et des voies choisies pour leur financement.

Si la digitalisation du monde de l’énergie paraît inéluctable, comme le relevait déjà M. Philippe Bolo dans l’avis budgétaire qu’il a présenté à l’automne dernier ([15]), il apparaît essentiel de se demander comment le numérique peut contribuer davantage à une transition énergétique et écologique réussie et ce que la puissance publique peut entreprendre comme actions pour amplifier le mouvement.

La réponse, complexe et multidimensionnelle, appelle assurément un travail de long terme, un nombre important dauditions et une solide expertise technique. Ce rapport, dans le délai imparti à sa préparation, apporte une première et modeste contribution à la réflexion en présentant dans leurs grandes masses les moyens dédiés à la recherche et l’innovation, et en exposant ceux des enjeux afférant au développement du numérique dans le domaine de l’énergie qui ont été mis en exergue lors des auditions.

Couvrant un spectre large du fait de la transversalité des enjeux qu’il aborde, ce rapport se veut donc très clairement une invitation à un approfondissement dans le cadre dune mission dinformation, qui pourrait avec pertinence être appuyée sur une étude de lOffice parlementaire dévaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST), qui s’est déjà saisi plus ou moins directement de certaines dimensions du sujet ([16]). Il est indispensable d’aller plus avant dans la caractérisation des constats du rapport et surtout de trouver des solutions aux difficultés qu’il expose.

Aussi, ce rapport se veut aussi une interpellation : plusieurs pays consacrent des ressources importantes à la transition digitale de leur système énergétique et sont en passe de jouer un rôle de leader dans le domaine : cest donc maintenant que la France doit jouer ses atouts et mettre à profit le plus efficacement possible lexcellence de sa recherche. Pour avoir « un coup d’avance », il est urgent de mieux calibrer les dispositifs de soutien à l’innovation et surtout de se doter d’une gouvernance à la hauteur des enjeux, capable de jouer un rôle d’impulsion à la hauteur des enjeux.

I.   Un soutien appuyé à la recherche et à l’innovation technologique pour tirer au mieux parti de la révolution numérique dans le domaine de l’énergie

Transition écologique et numérique pourraient de prime abord paraître antagonistes, tant la nature est souvent conçue en opposition avec la technique. Néanmoins, la digitalisation de l’énergie et les progrès de l’intelligence artificielle peuvent contribuer à améliorer l’efficience tant du système productif que de la consommation d’énergie. La stratégie nationale de recherche énergétique prend en compte ces enjeux, en vue de faire du numérique un atout pour l’atteinte de l’objectif de développement durable n° 7 de rendre accessibles « des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable ».

A.   La révolution numérique au service de la transition énergétique

Le développement du numérique peut permettre un accroissement de l’efficience de la production et de la distribution d’énergie, et ce d’autant plus qu’il favorise une meilleure intégration des EnR dans les réseaux, ce qui est de nature à favoriser leur développement, mais peut aussi contribuer à une consommation énergétique plus sobre.

1.   Un accroissement possible de l’efficience de la production et de la distribution d’énergie

L’effet du numérique sur le système de production des énergies est potentiellement très important à plusieurs titres. Il permet :

– une élévation des rendements des technologies énergétiques en améliorant leur pilotage ;

– un repérage et une réparation plus aisée des dysfonctionnements affectant les réseaux grâce à la pose de capteurs connectés aux points stratégiques, et les installations de production grâce à leur modélisation en trois dimensions ;

– une détermination plus fine du niveau dénergie à produire grâce à une connaissance de la consommation reposant sur des données effectives de consommation au lieu de données prédictives et à une amélioration de la capacité prédictive des données climatiques, ce qui permet à la fois de mieux gérer les périodes de pointe, de mieux combiner l’emploi des installations productives et de mieux dimensionner les réseaux.

La capacité à décloisonner les systèmes énergétiques fait du numérique un outil de flexibilité facilitant la gestion d’un système productif de plus en plus décentralisé et soumis à une plus grande intermittence. Cela en fait un instrument facilitateur de lintégration des EnR au mix énergétique, en lien avec l’amélioration des technologies de stockage d’électricité (parmi lesquelles compteront, à terme, les véhicules électriques). Ce caractère intégrateur peut se trouver renforcé par le développement de la blockchain ([17]), qui facilite le contrôle de l’information communiquée par les fournisseurs pour justifier leurs offres « vertes ».

À titre d’exemple, dans l’Union européenne, l’augmentation des capacités de stockage et une gestion intelligente de la demande permettraient de valoriser la surproduction de l’énergie solaire photovoltaïque et de l’énergie éolienne en réduisant les pertes de 7 % à 1,6 % en 2040, évitant ainsi 30 millions de tonnes d’émissions de dioxyde de carbone.

La digitalisation facilite enfin la synergie entre les productions de gaz et délectricité par micro-cogénération, effacement électrique au moyen de pompes à chaleur hybrides ou encore grâce au développement du power to gas, comme par exemple dans le cadre du projet de démonstrateur Jupiter 1000 à Fos‑sur‑Mer. Elle pourrait également faciliter la récupération de la chaleur des centres de données (data centers), grands consommateurs d’énergie dont le refroidissement par des sources d’énergies renouvelables pourrait également être envisagé.

L’importance de la digitalisation dans la transition énergétique est fondamentale, car elle peut contribuer à une réduction des coûts de production et de distribution, à une optimisation des offres commerciales par les fournisseurs et à une plus grande durabilité et fiabilité de la production.

2.   Un outil au service d’une plus grande sobriété de la consommation d’énergie

La digitalisation de l’énergie permet également une plus grande sobriété de la consommation de l’énergie.

Dans l’industrie, même si la situation varie significativement en fonction des secteurs concernés, les technologies numériques sont déjà largement implantées et contribuent à améliorer la sécurité et à augmenter la productivité. Les robots industriels et l’impression 3D, désormais courants dans certaines applications industrielles, contribuent à augmenter la précision et réduire les rebuts industriels. Le renforcement de la digitalisation, notamment par intégration de capteurs intelligents rendant possible la mise en place de process de contrôles automatisés, rendrait toutefois la consommation d’énergie plus efficiente.

Dans le secteur du bâtiment, qui représente plus de 45 % de la consommation d’énergie finale et 35 % des émissions de GES, elle permet, du point de vue tant de la domotique qu’à l’échelle d’un îlot ou d’une commune :

– un fonctionnement moins énergivore des équipements, dont il peut être déterminé automatiquement le moment optimal de renouvellement ou d’entretien, et de manière plus générale, la possibilité d’identifier les travaux les plus appropriés pour un bâtiment grâce à l’intelligence artificielle ([18]) ;

– une gestion plus active de l’énergie à la fois grâce à un paramétrage autorisant un meilleur arbitrage entre économie et confort et par une information détaillée en temps réel sur l’intensité et les facteurs à l’origine de la consommation pouvant susciter des comportements plus vertueux ;

– l’entrée dans une dynamique de « consomm’acteur », où le consommateur d’énergie peut aussi être producteur d’énergie et contribuer à l’effacement de sa consommation individuelle, de celle d’un bâtiment ou d’un groupe de bâtiments à l’échelle d’un micro-réseau optimisant sources de production et moments de consommation.

Dans le secteur du bâtiment, le rapport Digitalization and Energy ([19]) publié par l’Agence internationale de l’énergie en novembre 2017 montre que l’utilisation des nouveaux outils numériques pourrait ainsi réduire jusqu’à 10 % la consommation d’énergie en améliorant l’efficacité opérationnelle par l’utilisation de données en temps réel.

L’opposition entre production et consommation tend à cet égard à se brouiller : maîtrise de la demande en énergie (MDE), maîtrise de la pointe (MDP) et maîtrise de la consommation (MDC), du fait de l’articulation plus fine d’une variété croissante d’énergies mobilisées et d’usages, lient de plus en plus producteurs et consommateurs.

Par exemple, les thermostats intelligents permettent d’anticiper le comportement des occupants, d’utiliser les prévisions météorologiques pour prédire les besoins effectifs en chauffage et en climatisation, ce qui à la fois permet une meilleure gestion de la consommation et facilite la planification de la production énergétique.

De même, la mise en place de technologies de recharge intelligentes pour les véhicules électriques pourrait permettre d’optimiser les créneaux horaires en fonction de l’état de l’offre et de la demande d’électricité. Cela permettrait une flexibilité accrue du réseau. Selon l’AIE, cela pourrait représenter entre 100 et 280 milliards de dollars d’investissements évités dans de nouvelles infrastructures électriques entre 2016 et 2040.

3.   Des gains à mettre en regard de coûts économiques et environnementaux non négligeables

Ainsi que le constatait l’OPECST dans une récente note ([20]), la surveillance précise de l’état du réseau et des équipements pour optimiser la consommation à tous les bouts de la chaîne s’appuie sur de nombreux objets connectés qui suscitent une consommation électrique croissante du fait de leur utilisation et des centres de données (data centers) nécessaires à leur fonctionnement. Cette consommation est susceptible d’être d’autant plus forte que la blockchain est utilisée : la consommation énergétique liée à la « preuve de travail », « méthode de consensus » utilisée le plus fréquemment, apparaît selon l’OPECST « totalement excessive » ([21]).

Les centres de données ont ainsi consommé environ 194 térawattheures (TWh) d’électricité dans le monde en 2014, soit environ 1 % de la demande totale. D’ici à 2020, la demande en énergie nécessaire à leur alimentation devrait augmenter de 3 %. Les réseaux de données ont quant à eux consommé environ 185 TWh dans le monde en 2015, pour les deux tiers liés aux besoins des réseaux mobiles, ce qui représente 1 % de la demande totale. D’ici à 2020, la demande en énergie nécessaire à leur alimentation pourrait, selon l’AIE, diminuer de 15% ou augmenter de 70 % selon les scenarios retenus.

Ces objets sont en outre une source de déchets électroniques susceptible de devenir massive : l’OPECST constate ainsi que « de manière analogue au marché des terminaux de poche (smartphones), se pose la question de la durée de vie et de lobsolescence programmée des objets connectés : certains objets connectés sont perçus comme des gadgets et ont une faible durée dutilisation, dautres sont conçus sans système de mise à jour logicielle. »

De plus, les réseaux intelligents engendrent des coûts importants, notamment d’instrumentation, d’équipement ou pour le développement et la maintenance des systèmes d’information. Citant une étude sur la valorisation socio-économique des réseaux électriques intelligents ([22]), M. Philippe Bolo constatait toutefois l’an dernier dans son avis ([23]) que « les avantages lemportent largement sur les coûts : à lhorizon 2030, les réseaux électriques intelligents apporteront, en France, des bénéfices nets de lordre de 400 M€/an. »

B.   Une prise en compte du numérique dans la stratégie nationale de recherche énergétique à amplifier

La stratégie nationale de recherche énergétique prend en compte ces enjeux, à la fois dans les axes de recherche qu’elle détermine et dans l’importance accordée à l’innovation dans le cadre d’une approche intégrant les acteurs de l’énergie et de la recherche.

1.   Des axes de recherche transversaux intégrant les enjeux de la digitalisation

Prévue à l’article 183 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), la stratégie nationale de recherche énergétique (SNRE), arrêtée par les ministres de l’énergie et de la recherche en décembre 2016 ([24]), vise à identifier les enjeux de R&D et les verrous scientifiques à lever à différents horizons temporels et tout au long de la chaîne d’innovation dans le domaine de l’énergie pour permettre la bonne réalisation des objectifs de la loi, tout en s’inscrivant dans une perspective internationale plus large.

Cette stratégie est construite autour des objectifs définis dans les stratégies élaborées dans le domaine de lénergie, et non spécifiquement autour des enjeux du numérique :

– à titre principal, la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) ;

– pour des besoins plus sectoriels, la stratégie nationale bioéconomie (SNBE), la stratégie de développement de la mobilité propre, annexée à la PPE ; la stratégie nationale de mobilisation de la Biomasse ;

– pour des raisons de cohérence, la stratégie nationale de l’enseignement supérieur, la stratégie de Transition écologique vers un développement durable 2015-2020 (SNTEDD) et la stratégie nationale des infrastructures de recherche (SNIR).

Elle précise le volet « énergie » de la stratégie nationale de recherche. Trois des dix grands défis sociétaux autours desquels est articulée cette dernière sont dédiés à la transition énergétique : « Gestion sobre des ressources et adaptation au changement climatique », « Une énergie propre, sûre et efficace » et « Transports et systèmes urbains durables ».

Elle s’articule autour de quatre orientations, dont la première vise à « cibler les thématiques et dynamiques transformantes clés pour la transition énergétique » suivant deux axes :

1° Priorité aux économies dénergie et de ressources stratégiques : il s’agit de renforcer l’efficacité énergétique en développant et diffusant des produits et procédés innovants et des services et solutions compétitifs et économes en énergie, mais aussi en disposant d’outils de mesure et de modélisation pour la conception de systèmes économes.

Cet axe touche notamment à la recherche dans le secteur du BTP, en œuvrant tant sur les matériaux que sur la gestion des flux internes aux bâtiments ou à l’échelle d’îlots. Il touche également à létude du comportement et des attentes des consommateurs en matière de consommation d’énergie et d’investissement dans la rénovation énergétique, incluant un volet lié à l’essor du numérique et des objets connectés. Il touche enfin à l’analyse de la connaissance des gisements et caractéristiques des matières renouvelables, ce qui est déterminant pour une planification territoriale plus fine des politiques énergétiques ;

2° Évolution des systèmes pour diversifier le mix énergétique : il s’agit de permettre la transformation du modèle énergétique par une diversification des filières, ce qui implique de :

– gérer cette diversification avec un approche systémique en travaillant sur l’intégration aux réseaux des EnR variables, le stockage de l’électricité et de la chaleur, sur la flexibilité des systèmes et l’intégration des vecteurs (électricité, hydrogène, chaleur, gaz etc.), sur le nucléaire et sur les nouveaux modes d’organisation et modèles économiques et de gouvernance multi-échelles ;

– promouvoir de nouvelles productions nationales à un coût économique et impact environnemental acceptable en menant des recherches sur l’ensemble des ressources disponibles (solaire, éolien, hydraulique, géothermie, énergie marine, biomasse etc.) ainsi que sur l’impact environnemental, l’évaluation et la gestion des risques des systèmes énergétiques.

Toutefois, considéré comme jouant un rôle clé à toutes les étapes de la chaîne, de la production à la consommation, le numérique fait partie intégrante de la stratégie nationale de recherche énergétique.

Au titre de cette première orientation, il est ainsi prévu la mise en place d’« actions structurantes » en vue de veiller à intégrer une gestion dynamique des systèmes énergétiques et à se placer dans une vision large de ces systèmes. L’une de ces actions consiste à « conjuguer les transitions énergétique et numérique ». Quatre axes sont identifiés :

1° Capacité de transmission et de traitement de données massives, à court terme (diagnostics et gestion en temps réel des réseaux ou équipements) comme à moyen et long termes (simulation, analyse et optimisation des systèmes) ;

2° Interopérabilité et sécurité des systèmes (prévention des cyber attaques sur des infrastructures essentielles de plus en plus connectées et protection des données) ainsi que protection de la vie privée ;

3° Émergence de nouveaux modèles de services intégrant le numérique et les enjeux de la transition énergétique (domotique, mobilité…) ;

4° Réduction des coûts et maîtrise de la consommation, de la flexibilité et de la non-intrusivité des capteurs communicants.

Afin d’accroître le caractère interdisciplinaire de la R&D, la stratégie envisage de susciter des travaux conjoints des alliances de recherche et des entreprises de chaque domaine. À ce titre, à la suite des travaux du STIC Énergie de lAlliance des sciences et technologies du numérique (Allistène), a été initiée une réflexion avec lAlliance nationale de coordination de la recherche pour lénergie (ANCRE) autour du lien entre numérique et énergie ([25]).

2.   Une spécificité du secteur de l’énergie impliquant de soutenir les innovations « du laboratoire à la mise sur le marché »

La stratégie prend en compte la spécificité du secteur de lénergie en affirmant à la fois la place importante des acteurs privés et la nécessité, dans un contexte où les acteurs sont nombreux, dorganiser une action collaborative. Elle dépasse ainsi le cadre de la recherche fondamentale pour penser l’innovation dans un système plus global, du laboratoire jusqu’à la mise sur le marché.

Le système d’innovation

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Source : Stratégie nationale de recherche énergétique, figure 6, p. 20

Aussi, les trois autres orientations stratégiques développées dans la stratégie affirment la nécessité de :

1° développer la Recherche & Développement et linnovation en lien avec les territoires et le tissu industriel (orientation 2), en particulier les petites et moyennes entreprises ainsi que celles de taille intermédiaire, en vue d’accélérer le transfert de technologies depuis les centres de R&D vers le marché. Il est proposé le développement d’une approche collaborative entre les secteurs public et privé et une démarche d’expérimentation autour de deux axes :

– l’amplification de la démarche de soutien à la démonstration des nouvelles technologies et solutions en lien avec les collectivités ;

– le soutien du développement des PME/ETI, non seulement par un accompagnement financier, mais aussi par un accompagnement au positionnement sur les marchés (mise en relation avec les industriels) ;

2° développer les compétences et connaissances pour et par la R&D et l’innovation (orientation 3) par la consolidation d’une communauté de recherche sur l’énergie et par la formation et l’information des publics intéressés ;

3° créer une gouvernance légère et performante permettant dassurer le pilotage opérationnel dynamique de la stratégie (orientation 4) afin d’assurer la bonne coordination de la mise en œuvre de la SNRE avec les initiatives existantes à toutes les échelles, y compris européenne.

II.   Innovation juridique, budgétaire et sociale à amplifier

Les orientations de la stratégie nationale de recherche énergétique se reflètent dans la diversité des instruments financiers mobilisés. Mais si le montant des crédits alloués à ses priorités est important, il a été rapporté lors des auditions une importante limite : le soutien est insuffisant à la sortie du laboratoire, moment décisif pour le développement des filières innovantes. Les auditions ont en outre mis en évidence la nécessité de dépasser les enjeux technologiques : en matière de soutien aux filières, de gouvernance et d’acceptabilité, il est ainsi indispensable de faire preuve d’innovation également dans les domaines juridique, financier et humain pour rendre possible la transition numérique de l’énergie.

A.   Des financements d’un montant élevé, mais qui demeurent insuffisants à des moments clés de la vie des projets

Les auditions ont pour la plupart mis laccent sur lexcellence et la vitalité de la recherche dans le domaine énergétique, mais aussi sur les entraves à l’émergence de filières solides susceptibles de se construire ou de se renforcer sur la base de celle-ci. Pour que la France puisse garder un « coup d’avance » et mieux valoriser les fruits de sa recherche dans un contexte de concurrence mondiale exacerbée, deux moments importants de la vie des projets où les soutiens pourraient être renforcés ou mieux calibrés ont été identifiés :

– celui de la sortie du laboratoire, lorsqu’il s’agit de tester la viabilité des solutions techniques élaborées en laboratoire, avant même qu’il ne s’agisse d’étudier la solidité économique de leur mise sur le marché dans le cadre d’un démonstrateur ;

– celui de la construction ou du renforcement de la filière, une fois la démonstration réalisée, lorsque l’innovation peut être mise sur le marché et que l’enjeu devient celui de la diminution des coûts de production.

1.   Recherche : des financements à renforcer sur la maturation industrielle

D’après une réponse au questionnaire budgétaire, le montant des dépenses de R&D en énergie financées en 2016 par lÉtat sous forme de subventions sélevait à 944 millions deuros :

– 408 millions deuros étaient dédiés aux nouvelles technologies de lénergie (43 %), portant sur les domaines suivants : efficacité énergétique (industrielle, tertiaire, résidentielle et dans les transports) ; énergies renouvelables (solaire, éolienne, marine, bio-énergies, géothermie et hydroélectricité) ; capture, stockage et valorisation du CO2 ; stockage d’énergie ; réseaux électriques ; hydrogène et piles à combustible ;

– 407 millions d’euros étaient dédiés à l’énergie nucléaire (43 %) ;

– 65 millions d’euros étaient dédiés aux énergies fossiles (7 %) ;

– 63 millions d’euros étaient dédiés à des domaines de recherche transversaux (7 %).

Évolution des financements publics de la recherche et développement
sur l’énergie en France de 2006 à 2016

Source : MTES/CGDD (questionnaire AIE)

Dans son avis sur le projet de loi de finances pour 2018 ([26]), M. Gérard Menuel constatait que « les grands opérateurs publics français sont à la pointe des travaux et nouveaux développements réalisés dans les différents domaines énergétiques » et que « la recherche scientifique et technologique en matière dénergie est lun des secteurs les mieux dotés en France – indépendamment des problématiques de défense ». Il soulignait à cet égard le rôle majeur joué par le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) et par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

Toutefois, il regrettait un recul de la recherche privée depuis 2016, malgré un soutien du crédit impôt-recherche (CIR) dont leffet multiplicateur sur la recherche serait désormais nul, et surtout le fait que :

– « les organismes publics doivent très souvent compter sur leurs seules ressources pour mener à bien un projet non immédiatement commercialisable. Même quand des travaux sont à un stade technologiquement avancé, les étapes de modélisation, dhybridation pour adapter les projets aux différents usages et de monitoring pour les tester en conditions réelles dutilisation mobilisent difficilement les partenaires industriels » ;

– « si les dépenses publiques de recherche dans les nouvelles technologies de lénergie ont crû depuis 10 ans, la part des subventions de lÉtat a plutôt suivi une tendance inverse alors même quune « énergie propre, sûre et efficace » constitue le défi n° 2 de la Stratégie nationale de recherche et de lANR (qui a encore sélectionné en 2016 200 nouveaux projets sur ces thématiques pour un total denviron 90 M€, dont un quart sur les EnR). Ces financements étatiques ne couvrent plus aujourdhui que 25 à 30 % des coûts des projets de recherche-innovation, soit moins que les charges en personnels « sous autorisation de plafonds » investis sur ces chantiers. Elles ne permettent donc généralement pas de financer la maturation industrielle, ni a fortiori son lancement ».

Cette situation interpelle d’autant plus la rapporteure pour avis qu’il lui a été indiqué que, dans le cadre des guichets de soutien à linnovation présentés ci-après, les projets dont il n’a pas été démontré la viabilité potentielle du modèle économique ne peuvent être soutenus. Aussi, les conséquences de ce manque de financement apparaissent majeures, car il s’agit d’un moment clé de la vie du projet. La rapporteure pour avis souhaite donc que ce point puisse être approfondi dans le cadre d’une mission d’information.

2.   Innovation : des objectifs ambitieux, mais une consommation insuffisante des crédits

Parallèlement au financement des organismes publics de recherche, l’État mobilise le programme d’investissements d’avenir (PIA) et le Grand plan d’investissements en vue de soutenir des actions de R&D dans le domaine de l’énergie opérées par l’ADEME, BPI France et la Caisse des dépôts et consignations (CDC).

Au total, les différents outils de financement mis en œuvre, appels à projets pour démonstrateurs, initiative PME et interventions en fonds propres, ont dores-et-déjà permis, au travers de 85 appels à projets, de contribuer pour un montant de 2,5 milliards deuros au financement de 745 projets dont le budget global s’élevait à 7,22 milliards d’euros. Le troisième volet du PIA est doté d’un financement d’un milliard d’euros.

a.   Un financement des démonstrateurs par l’ADEME dans le cadre du programme d’investissement d’avenir à revisiter

Opérateur de l’État dans le cadre du PIA, lADEME a financé des actions soutenant la transition énergétique dans le cadre des deux premiers volets du programme entre 2010 et 2017 et continue d’en financer dans le cadre de son troisième volet démarré en 2017.

La totalité des financements des actions dont elle est l’opérateur n’y sont toutefois pas dédiés. Dans le cadre des deux premiers volets du PIA, ses financements ont ainsi été orientés vers quatre grands volets : production d’énergies renouvelables ; stockage de l’énergie et réseaux électriques intelligents ; efficacité énergétique dans le bâtiment, l’industrie et l’agriculture ; économie circulaire et déchets ; transports et mobilité.

Les actions menées dans le cadre du troisième volet du PIA concernent en outre inégalement la transition énergétique :

– l’action « Démonstrateurs territoriaux et dinnovation de grande ambition », dont la CDC contribuera au financement du volet territorial, concerne très directement la transition énergétique en ce qu’elle s’inscrit dans le prolongement des actions de soutien aux « démonstrateurs de la transition écologique et énergétique » financées au titre des deux premiers volets du programme. Des projets collaboratifs de démonstration de solutions et technologies innovantes ont vocation à être financés dans les domaines suivants : énergies renouvelables, réseaux intelligents et stockage de l’énergie, efficacité énergétique (bâtiment, industrie, agriculture), économie circulaire, écosystèmes et biodiversité ;

– l’action « Concours dinnovation », dont BPI France contribuera au financement du volet territorial, concerne moins directement la transition énergétique, le volet « Énergies renouvelables, stockage et systèmes énergétiques » ne constituant que l’un des quatre axes de financement des projets innovants portés par des start-up et PME que l’action finance en vue de contribuer à accélérer le développement et la mise sur le marché de solutions et technologies innovantes.

Au titre des quatre thématiques retenues pour la première vague lancée au premier semestre 2018, 11,6 millions d’euros ont été engagés dans ce cadre, pour financer 37 projets. La deuxième vague du concours, portant sur 4 autres thématiques, a été close au début du mois d’octobre 2018 ;

– l’action « Accélération du développement des écosystèmes dinnovation performances » dans le domaine de la mobilité durable concerne indirectement la transition énergétique, étant plus spécifiquement adressée aux thématiques relevant des transports, de la logistique et de la mobilité durables. Elle vise au financement de projets de recherche, de développement et d’innovation portés par des entreprises exploitant les travaux et les résultats issus des laboratoires de recherche publique.

Engagement des crédits des PIA opérés par l’ADEME

(en millions d’euros et pourcentages)

 

Enveloppes au 2nd trimestre 2018

Montants engagés

Montants contractualisés

% (*)

Montants décaissés

% (*)

Démonstrateurs énergies renouvelables et décarbonées (PIA 1)

1752,2

1524,2

1039,6

59,3 %

524,0

29,9 %

Démonstrateurs de la transition écologique et énergétique (PIA 2)

Économie circulaire (PIA 1)

Systèmes électriques intelligents (PIA 1)

Fonds écotechnologie (crédits délégués par l’ADEME et déduits d’enveloppes PIA 1)

150,0

150,0

111,1

74,1 %

108,9

72,6 %

Véhicule du futur PIA 1 et 2

934,4

871,0

793,5

84,9 %

415,5

44,5 %

Démonstrateurs et territoires de grande ambition (PIA 3)

300,0

15,5

15,5

5,2 %

0,0

0,0 %

Concours d’innovation (PIA 3)

150,0

14,0

2,4

1,6 %

0,0

0,0 %

Accélérer le développement des écosystèmes d’innovation performants (PIA 3)

150,0

2,4

2,4

1,6 %

0,0

0,0 %

TOTAL

3436,6

2577,1

1964,5

57,2 %

1048,4

30,5 %

(*) Pourcentages des enveloppes au second trimestre 2018

Source : ADEME

En ce qui concerne l’engagement des crédits du PIA par l’ADEME au titre des actions touchant plus particulièrement la transition énergétique, les montants engagés pour le financement des démonstrateurs, qui sont une priorité de premier ordre de la Stratégie nationale de recherche énergétique, sont de près de 230 millions d’euros inférieurs aux enveloppes disponibles pour les deux premiers volets du PIA. Le montant de l’enveloppe dédiée dans le cadre du troisième volet du PIA, de 300 millions d’euros, n’est ainsi que faiblement supérieur au reliquat des deux premiers volets. Enfin, les montants décaissés sont, pour leur part, particulièrement faibles, puisquils natteignent que 29,9 % au titre des deux premiers volets du PIA, ce qui dénote un faible degré d’avancement des projets. Aucun décaissement n’a été effectué au titre du troisième volet du PIA.

Cette situation apparaît extrêmement préoccupante à la rapporteure pour avis, car la sous-consommation des crédits correspond à lun des moments clés identifiés lors des auditions où le soutien est insuffisant pour permettre le développement des écosystèmes d’innovation. Les auditions ont mis en exergue deux facteurs d’explication qui mériteraient un approfondissement :

– l’attribution des financements nécessite de justifier un caractère innovant, qui empêche le financement d’actions menées à certains stades des projets ;

– la gestion du PIA est trop complexe et manque d’agilité pour répondre aux spécificités inhérentes aux projets.

Enfin, le PIA peut également être mobilisé, par voie d’appels à manifestation d’intérêt, pour soutenir financièrement les parties prenantes françaises aux projets collaboratifs élaborés avec des partenaires européens dans le cadre du plan d’action français établi pour la mise en œuvre du plan stratégique pour les technologies énergétiques (SET-Plan) lancé en 2008 par la Commission européenne pour accélérer le développement et le déploiement des technologies bas-carbone (défi sociétal n° 3 « Énergies sûres, propres et efficaces »([27]).

b.   Un financement par le Grand plan d’investissement qui pourrait être davantage mobilisé

Le Grand plan dinvestissement lancé en 2009 contribue au financement de la transition énergétique de manière directe ou indirecte : sur 57 milliards d’euros, 20,8 milliards d’euros doivent notamment être consacrés à l’accélération de la transition écologique, dont 63 % ont été engagés et 25 % payés au premier trimestre 2018, et 12,5 milliards d’euros doivent ancrer la compétitivité et l’innovation dont 80 % ont été engagés et 11 % payés.

Parmi les actions confiées à la direction générale de l’énergie et du climat, au titre du volet énergie-environnement :

– action 6.1  augmentation de la production délectricité renouvelable et de biogaz : l’enveloppe de 4,9 milliards d’euros doit permettre d’augmenter la production annuelle d’électricité renouvelable de 70 % par rapport au niveau de 2016, pour atteindre une production de l’ordre de 30 % de la consommation totale. Au 30 juin 2018, huit appels d’offres ont été lancés sur les différentes filières de production d’énergie renouvelable. 856 projets ont été désignés lauréats. Le coût annuel moyen de soutien public pour l’ensemble de ces projets est de 90 millions d’euros par an pendant 20 ans, soit un total de 1,8 milliard d’euros environ ;

– action 6.2 développement de la chaleur renouvelable : l’enveloppe de 730 millions d’euros mobilisable, dont 164 millions d’euros engagés en 2018, vise à soutenir le développement d’installations de production de chaleur renouvelable, le moyen le plus efficace et le plus efficient de substitution à des combustibles fossiles, pour en augmenter la capacité de production de plus de 50 % d’ici 2023. Au 30 juin 2018, 127 projets ont été engagés pour un montant de 90,1 millions d’euros, permettant un investissement total de 385 millions d’euros (l’effet de levier est donc de 4,3).

Le Grand plan dinvestissement est un instrument de financement plus agile que le PIA. Sa mise à contribution pour financer les démonstrateurs pourrait être à ce titre étudiée dans le cadre de l’analyse des raisons de l’insuffisante consommation des crédits qui sont affectés à leur financement par l’ADEME. Toutefois, il vise principalement à favoriser le développement d’innovations de rupture, alors que l’une des problématiques liées au développement de filières énergétiques solides est, précisément, qu’un soutien est nécessaire à des moments de la vie des projets où les technologies ne sont plus innovantes, mais nécessitent un déploiement sur le marché. Un tel financement nécessiterait en conséquence une articulation fine avec les dispositifs de droit commun de soutien aux entreprises.

3.   Un soutien organisationnel et financier aux filières à renforcer

Lanalyse du soutien financier aux écosystèmes dinnovation dans le domaine de lénergie met en exergue limportance des dispositifs financiers de droit commun pour soutenir les filières. Un tel soutien, très encadré par le droit européen relatif aux aides d’État, ne peut faire l’objet de développements spécifiques dans ce rapport au regard de son ampleur.

Il s’agit toutefois d’un enjeu majeur souligné lors des auditions, qui ont insisté sur linsuffisance du soutien aux filières émergentes dans leur développement, alors que cest une condition essentielle pour massifier la production et viabiliser lactivité. Aucune innovation ne peut espérer prospérer sans un débouché de marché pertinent. Sans soutien aux filières françaises, les résultats de la recherche française bénéficieront aux acteurs économiques des pays ayant davantage soutenu les leurs, acteurs qui vendront ensuite leurs produits, services et solutions en France.

Outre la question du crédit impôt recherche précédemment évoquée, et celle du statut de la jeune entreprise innovante, dont l’intérêt a été souligné, les auditions ont mis en évidence l’importance d’activer des dispositifs fiscaux pour cibler le secteur, tout en modernisant la fiscalité environnementale, dont certaines incohérences de taux et d’assiette ont été signalées à la rapporteure pour avis.

Des dispositifs plus spécifiques au secteur de l’énergie et à l’innovation nécessitent toutefois une présentation dans ce rapport, en ce qu’ils s’inscrivent pleinement dans les orientations de la stratégie nationale de recherche énergétique. Les entreprises, notamment petites et moyennes, sont en effet aidées par des initiatives publiques dans lactivation des financements publics et la structuration de réseaux coopératifs.

Ainsi, le PIA contribue, pour un montant allant jusqu’à 50 % de leurs activités, au financement d’une dizaine d’Instituts pour la transition énergétique (ITE) labellisés en 2011 et 2012 par l’Agence nationale de la recherche. Ces ITE sont des plateformes publiques-privées dont lobjectif est de constituer des campus dexcellence mettant en relation recherche académique, grands groupes et tissus de PME en vue de favoriser linnovation et de faire converger les efforts publics de R&D et les stratégies industrielles.

La démarche des ITE envisage le développement industriel dune filière complète, depuis linnovation technologique jusquau démonstrateur et au prototype industriel, dans les domaines suivants : chimie verte et matériaux agrosourcés ; énergies marines renouvelables ; énergies solaires ; géothermie ; réseaux électriques intelligents ; efficacité énergétique ; bâtiment durable ; véhicule décarboné et mobilité.

Ensuite, des pôles de compétitivité ont été spécifiquement organisés pour rassembler sur des territoires bien identifiés des entreprises, petites et grandes, des laboratoires de recherche et des établissements de formation en vue de soutenir linnovation dans les domaines du numérique, de l’énergie et du numérique dans le secteur de l’énergie.

Sur les 67 pôles de compétitivité actuellement existants, 37 portent la transition écologique et énergétique, directement (pôles dédiés à l’eau, l’énergie, la mobilité, la logistique, l’économie circulaire, la mer, la ville durable, les bioressources…) ou indirectement, en offrant des « briques technologiques » (matériaux innovants, numérique) transversales et de plus en plus indispensables aux actions des porteurs de cette transition. Ceux de ces pôles qui visent à améliorer la compétitivité de lénergie et du numérique se sont regroupés dans le Smart Energy French Clusters, qui apporte une importante aide d’ingénierie à ses membres.

L’audition des représentants de cet « interpôles » a permis de mesurer la vitalité des collaborations et la richesse des projets mis en œuvre dans les territoires. Il a été indiqué que l’orientation de la troisième phase du dispositif ([28]) permet de renforcer l’aspect collaboratif, tandis que la quatrième phase permettra de mieux mobiliser les fonds européens. La mise en place par le Conseil national de l’industrie (CNI) d’un comité de filière permettra en outre de la consolider.

Il a toutefois été regretté la diminution des crédits du Fonds unique interministériel (FUI), dont le montant s’élevait à 150 millions d’euros en 2011 et qui ne s’élève désormais plus qu’à 50 millions d’euros ([29]). Il a également été souligné le manque de flexibilité du dispositif dans la gestion des crédits européens, qui oblige à une multiplication des démarches des entreprises alors que le pôle pourrait les mutualiser.

La rapporteure pour avis sassocie au regret dune diminution du FUI, car leffet de levier des financements accordés dans ce cadre est important (1 pour 4) et car leur rôle est décisif pour maintenir la vitalité des pôles. Elle soutient la demande de linterpôles de voir la gestion de certains fonds européens simplifiés.

Le Smart Energy French Clusters

Le Smart Energy French Clusters est une alliance de pôles de compétitivité dédiés aux filières Énergies renouvelables, Efficacité énergétique et Numérique, et donc renforçant la capacité d’innovation française dans les filières telles que les réseaux intelligents multi-énergies, les microgrids ([30]), le stockage d’énergie mobile et stationnaire, l’autoconsommation, le gaz renouvelable issu de la biomasse (méthanisation, méthanation …), l’hydrogène vert, etc.

Leur objectif est d’accélérer la mise en œuvre de la transition énergétique et de répondre aux enjeux clés du développement des énergies renouvelables (intégration dans des réseaux intelligents multi-énergies, efficacité énergétique dans une vision intégrée du système énergétique durable), tout en développant l’emploi et en améliorant l’attractivité des territoires.

L’alliance est composée des neuf pôles suivants : Capenergies (PACA, Corse, Guadeloupe) ; DERBI (Occitanie - Pyrénées Méditerranée) ; Fibres-Energivie (Grand Est) ; Images & Réseaux (Bretagne, Pays de la Loire) ; MEDEE (Hauts de France) ; Minalogic (Auvergne‑Rhône‑Alpes) ; S2E2 (Centre-Val de Loire, Pays de la Loire et Nouvelle-Aquitaine) ; Systematic (Île‑de‑France) ; Tenerrdis (Auvergne‑Rhône‑Alpes).

Enfin, en vue d’assurer une meilleure articulation entre la recherche et les entreprises, des start-ups ont été créées par les organismes publics de recherche. De plus, dans le cadre de linitiative GreenTech verte, le ministère soutient le développement des activités de plusieurs start-ups visant à prédire la rentabilité des installations de production des énergies (In Sun We Trust, Météoswift), à fluidifier les échanges d’énergie (enregistrement des transactions par la blockchain de Sunchain), à effacer des pointes de consommation (Enerdigit, ENTECH SE, Beebryte, Deeppki, Check-In, Elum, Demand Side Instruments), à développer des matériels autonomes et communicants (chargeur de batteries de véhicules automobiles connectés de Electric55charging, lampadaires autonomes et connectés de Lumi’in), à sécuriser le fonctionnement des réseaux électriques (Sensewave), ou encore à orienter l’utilisateur et à lui apporter des conseils en matière de consommation d’énergie (HelloWatt, Luko, Vivioka). La société BeeBryte vient de lever 2,5 millions d’euros pour accélérer la diffusion de ses technologies.

B.   encadrer et Impulser : deux défis à relever pour une transition digitale de l’énergie réussie

Soulignant la nécessité de poursuivre l’effort de recherche et de soutenir les innovations à la fois technologiques, qu’elles soient de rupture ou non, et dans les domaines administratif et financier pour trouver les voies d’un meilleur déploiement des solutions existantes sur le marché, les auditions ont également souligné la nécessité de faire preuve dinnovation en matière réglementaire, sociale et de gouvernance. Elles ont souligné la nécessité de penser les solutions techniques en lien avec leur acceptabilité et d’améliorer le pilotage de la transition numérique de l’énergie.

1.   Placer l’innovation au service de l’appropriation de la digitalisation de l’énergie

Les auditions ont mis laccent sur limportance de démontrer aux consommateurs, et aux citoyens de manière plus générale, les bénéfices que la digitalisation peut leur apporter. Prouver l’existence d’économies aux usagers est une condition indispensable pour assurer la crédibilité de la démarche. Les craintes entourant le déploiement des compteurs Linky mettent à cet égard le doigt sur l’insuffisance des services proposés aux usagers et sur des risques qu’il convient d’encadrer plus fortement – les risques touchant à la santé, évoqués lors des auditions, ne pouvant faire l’objet d’un traitement dans le présent rapport.

Un enjeu important réside à cet égard dans linformation apportée par les fournisseurs concernant la consommation dénergie. Tandis que les données collectées sont de plus en plus nombreuses, le déploiement des compteurs communicants ne sest pas accompagné de la généralisation dinterfaces conviviales permettant aux usagers de mieux connaître et comprendre leur consommation dénergie, ni d’en mesurer le coût et d’en suivre l’évolution. Cela peut contribuer à alimenter l’idée que le déploiement de ces compteurs n’a été encouragé que pour améliorer l’information des fournisseurs mais pour ajuster la production et les offres commerciales. Aussi, le déploiement par les acteurs économiques de tels services, segmentés finement en fonction des usages, apparaît nécessaire.

Or, la fourniture de ces services implique des coûts : coût des compteurs communicants dont l’UFC Que choisir ? a rappelé à la rapporteure pour avis qu’il n’était pas souhaitable qu’il soit payé par les usagers ; coût des objets connectés, qui demeure actuellement relativement élevé. Ces coûts ne pourront diminuer qu’avec la massification de la production. La question de leur imputation nécessite une réflexion approfondie et ne peut être éludée, car cela accroîtrait le risque de ne les voir supportés que par les usagers.

Dans ce contexte, la mise à disposition de plateformes numériques et objets connectés par les fournisseurs à leurs clients pour rendre possible le bénéfice de tels services interroge les conditions dinteropérabilité de ces plateformes et objets. En effet, en cas de changement d’opérateur, le client doit pouvoir conserver l’usage des fonctionnalités de suivi de sa consommation sans avoir à modifier la totalité de son installation, faute de quoi il tendrait à être captif de son fournisseur. En outre, l’interopérabilité est nécessaire pour pouvoir ajouter ou retirer des briques technologiques librement dans une perspective inscrite dans le temps long. Cela implique un encadrement juridique innovant de la production des objets connectés et des règles de concurrence entre opérateurs de lénergie, afin d’éviter l’alternative entre une ubérisation du secteur de l’énergie ([31]) et la captivité des marchés.

En outre, compteurs communicants et objets connectés produisent, stockent et diffusent de nombreuses données relatives à leurs usagers, ce qui soulève plusieurs enjeux :

– une protection différenciée des données personnelles : les informations collectées par les objets et applications requises pour leur fonctionnement sont de nature différente, impliquant des régimes de protection différents en fonction de leur nature et de l’intérêt général ou particulier qui intéresse leur transmission, en prévoyant des régimes de protection supérieurs pour les données les plus confidentielles et en encadrant les possibilités de recoupement de fichiers afin d’éviter les risques de fichage, de profilage commercial ou d’appropriation commerciale des données par des tiers ;

– une protection renforcée des données contre les cyber-attaques : le recours aux technologies numériques expose davantage les systèmes énergétiques aux cyber-attaques, leur vulnérabilité pouvant s’accroître à mesure que la quantité de données afférente sera amenée à augmenter. Il convient de prévoir des dispositifs de protection adaptés pour sécuriser les données et améliorer l’information des consommateurs sur les risques liés à la digitalisation. L’enjeu est d’autant plus lourd que les acteurs sont nombreux et les technologies engagées variées ;

– une production de données fiables dans un format partagé : la production de données pertinentes doit être effectuée autour de standards communs afin de favoriser leur exploitation pour la production de services pertinents par une diversité d’acteurs économiques. Le partage de ces données dans des conditions sécurisées peut impliquer la mise en place de data lakes ([32]) ;

– une réflexion autour de la blockchain : la sensibilité des enjeux de données tant pour les protecteurs que pour les consommateurs implique le recours à un tiers de confiance, qui peut être l’État. Toutefois, le recours à la blockchain tend à se développer pour certains usages et a notamment été présenté comme une solution pour faciliter la certification, par exemple, des informations de production dans le cadre des offres vertes. Selon l’OPECST ([33]), un enjeu important de souveraineté réside dans le choix des entreprises choisies pour la mise en œuvre de ces blockchains, le choix d’entreprises étrangères pouvant être à l’origine de difficultés à contrôler la circulation des données.

Information des usagers : l’exemple de Smart Electric Lyon

Entre 2012 et mi-2017, le plus important programme d’expérimentation européen sur les usages de l’énergie électrique a été testé à grande échelle sur le territoire du Grand Lyon.

25 000 consommateurs (particuliers, entreprises, collectivités) et 40 sites tertiaires étaient impliqués. Ils ont testé des innovations permettant de mieux connaître et comprendre leur dépense d’énergie en vue de réduire leur consommation : actions de sensibilisation, solutions techniques (gestionnaire d’énergie, affichage digital, dispositifs de pilotage), nouvelles offres tarifaires.

Liées au déploiement du compteur communicant Linky, ces expérimentations ont été le fruit d’un vaste programme de recherche multidisciplinaire associant chercheurs et industriels au service du développement des technologies de l’énergie de demain. Initié par EDF avec 20 partenaires, ce projet a été soutenu par le PIA ADEME pour un montant de 9,7 millions d’euros.

2.   Gouvernance : un rôle d’impulsion indispensable et à renforcer

L’extrême décentralisation de la consommation, la diversification des sources de production, la multiplicité des acteurs publics et privés intervenant tant dans le champ de la recherche que de l’activité économique et la diversité des instruments financiers et dispositifs de soutien public impliquent un important degré de coordination pour permettre les impulsions nécessaires à tous les échelons.

La coordination des actions de recherche par les alliances, la coordination du monde de la recherche et de celui des entreprises dans les instituts de la transition énergétique et les pôles de compétitivité sont autant de solutions proposées au défi de la gouvernance du système énergétique et du pilotage des dispositifs d’innovation et de recherche.

La territorialisation de la politique énergétique peut toutefois encore faire l’objet d’innovations : à titre d’exemple, il a été mentionné lors des auditions la possibilité de créer des dispositifs visant à organiser le financement partagé d’études pour faciliter la cartographie des gisements de ressources renouvelables locales, en vue ensuite de mieux coordonner leur mise en valeur dans le cadre de systèmes énergétiques locaux, à l’échelle desquels l’intégration des énergies renouvelables peut être facilitée. L’apport du numérique à une telle démarche serait indéniable, notamment grâce aux apports de la géomatique et des systèmes d’information géographique.

La rapporteure pour avis a également été alertée sur linsuffisante coordination de la mise en œuvre des politiques de lénergie et des progrès en matière dintelligence artificielle, dinnovation et de recherche dans le domaine de lénergie. Il a notamment été souligné l’insuffisante prise en compte des enjeux énergétiques dans le développement de l’intelligence artificielle, et l’insuffisante prise en compte des enjeux liés au numérique dans le domaine de l’environnement et de l’énergie. Aussi, la rapporteure pour avis souhaiterait sensibiliser le Gouvernement à lopportunité daccentuer le rôle dimpulsion du ministère de la transition écologie et solidaire dans ce domaine, par lidentification dun référent.

 


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   examen en commission

Après laudition de M. François de Rugy, ministre dÉtat, ministre de la transition écologique solidaire, au cours de sa réunion du mardi 16 octobre 2018 ([34]), la commission du développement durable et de laménagement du territoire a examiné le mardi 30 octobre 2018, pour avis, sur le rapport de Mme Jennifer De Temmerman, les crédits « Transition écologique » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

M. Alain Perea, président. Chers collègues, je vous prie de bien vouloir excuser notre présidente Mme Barbara Pompili, qui est retenue par d’autres obligations.

Nous allons poursuivre aujourd’hui l’examen des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » du projet de loi de finances pour 2019 sur lesquels nous voterons demain matin.

Je donnerai tout d’abord la parole à Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis pour les crédits du programme « Prévention des risques », puis à Mme Jennifer De Temmerman, rapporteure pour avis pour les crédits du programme « Énergie, climat et après‑mines » et pour le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique »

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Monsieur le Président, mes chères collègues, mes chers collègues. Programme ambitieux, le programme 181 « Prévention des risques » est doté, pour l’année 2019, de 841 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 835 millions d’euros en crédits de paiement (CP).

Ces crédits, répartis en 5 actions, la prévention des risques technologiques et des pollutions (action n° 1), la sûreté nucléaire et la radioprotection (action n° 9), la prévention des risques naturels et hydrauliques (action n° 10), la prévention des risques liés aux anciens sites miniers (action n° 11), répondent, à l’exception de la dernière action, l’action n° 12, financement de l’ADEME (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie) dont la finalité est plurielle, au même impératif : prévenir les risques, à savoir empêcher une catastrophe d’advenir.

Les deux actions les plus dotées du programme sont l’action n° 1 « Prévention des risques technologiques et des pollutions » et l’action n° 12 « Financement de l’ADEME ».

L’analyse des crédits de ce programme fait apparaître une sanctuarisation des crédits dont il faut se féliciter, dans un contexte de contrainte des finances publiques.

En effet, par rapport aux crédits votés en 2018, les prévisions pour 2019 accusent simplement une légère baisse, inférieure à 1 % des crédits votés en loi de finances pour 2018, légère baisse qui correspond à une réduction générale des crédits dans un contexte de maîtrise des finances publiques, baisse dont il importe de s’assurer qu’elle restera modérée et ne sera pas accentuée, en fin d’exercice budgétaire, une fois les crédits votés, par un gel, voire un surgel, des crédits.

C’est parce que c’est la majorité actuelle qui a mis fin à cinq années de baisse continue des crédits du programme 181 et que la prévention des risques ainsi que la transition écologique portées par les crédits de l’ADEME restent, depuis 2017, des priorités de l’action gouvernementale.

Parce que le Gouvernement a choisi d’en faire une action prioritaire de sa politique en sanctuarisant ces crédits, votre rapporteure pour avis soutient sans réserve les crédits du programme 181.

À ce titre, ce programme apparaît, clairement, eu égard aux objectifs affichés, comme une réussite au vu du peu d’accidents industriels recensés, car paradoxalement, c’est bien parce que la prévention des risques est bien assurée, que le risque disparaît et devient invisible.

Pour autant, l’absence d’accidents spectaculaires souvent meurtriers d’origine industrielle, ne doit pas conduire à baisser la garde, et ce, à un double titre.

L’absence de véritable culture du risque en France conduit à ne tirer les leçons que des catastrophes passées – l’usine AZF voire la catastrophe nucléaire de Fukushima – leçons qui ont par ailleurs conduit à une approche davantage prudentielle en termes de prévention des risques, dont l’élaboration des plans de prévention des risques technologiques (PPRT) est la conséquence en passe d’être définitivement concrétisée.

Or, d’une part, cette apparente réussite repose sur un suivi renforcé des mesures prises et tirées des expériences passées, suivi qui nécessite des moyens afférents et des crédits constants.

Et, d’autre part, le développement de la technologie et du réchauffement climatique nécessite également de davantage anticiper les conséquences de ce qu’il est convenu d’appeler les risques émergents, dans un domaine de recherche nouveau qui implique de faire une liaison entre la santé et l’environnement, et conduit à la mesure des effets dits « cocktail », à l’analyse de la lutte contre l’apparition d’espèces envahissantes exotiques telles que la pyrale du buis, ou encore à l’analyse des mesures des effets de la 5G, des nano particules et des perturbateurs endocriniens notamment.

La prévention des risques appelle donc de la part des pouvoirs publics une vigilance constante et renforcée, d’autant que l’absence de culture du risque, au sens anglo-saxon du terme, implique une sensibilité accrue au risque qui se manifeste par une tolérance zéro à son endroit et a pour corollaire une défiance envers les pouvoirs publics.

Dans le cadre d’un premier déplacement, à Marseille, le 4 octobre dernier, sur le site du Parc national des Calanques, à Gardanne ainsi qu’à La Mède, votre rapporteure pour avis a pu observer les actions relatives à la prévention des risques industriels ainsi que celles relatives à la dépollution des sites industriels dits « orphelins » en partenariat avec l’ADEME, sites situés dans le Parc national des Calanques, ainsi que les actions de prévention et de sanction des pollutions industrielles du fait de la présence de « poussières rouges », la question du rejet des « boues rouges » ayant été préalablement traitée par l’usine Alteo, à l’origine de cette pollution industrielle, du fait d’une action ferme des services de la DREAL PACA.

Lors d’un second déplacement, le 19 octobre dernier, à Lons-le-Saunier, votre rapporteure pour avis a également pu observer la prévention de la santé au travail dans le cadre d’une usine de l’entreprise GCPAT, à Larnaud, dans le Jura, et notamment la difficulté à anticiper la question des risques émergents qui ne sont pas encore entièrement pris en compte par la législation, tels que les effets des nanoparticules ou des perturbateurs endocriniens sur les salariés qui manipulent ses substances.

C’est pourquoi si votre rapporteure pour avis soutient sans réserve les crédits affectés au programme 181 un renforcement des crédits s’avère nécessaire pour répondre à un impératif de transparence et d’efficacité pour trois actions prioritaires : la politique de prévention des risques sur le terrain, le financement de la recherche des risques émergents et l’accompagnement de la transition énergétique portée par l’ADEME, préalable à la préservation de l’environnement du fait d’une croissance propre.

Tout d’abord, la prévention des risques demeure une action prioritaire à consolider.

En effet, le rythme d’inspection des installations classées a fortement décru en 10 ans puisque l’on est passé d’une moyenne annuelle d’environ 25 000 contrôles par an à environ 18 500 par an.

Si le nombre de contrôles réalisés reste élevé en 2017 – près de 18 500 visites d’inspection ont été réalisées, dont 10 000 visites d’inspection approfondie – il n’est pas suffisant eu égard à l’importance de ces inspections pour préserver l’environnement, mais également éviter la survenue d’accidents industriels.

En effet, un inspecteur a en charge l’inspection de 440 usines ou barrages, chiffre éloquent qui montre l’ampleur de la tâche à accomplir et la nécessité de renforcer les effectifs sur le terrain pour que le nombre d’accidents recensés en France reste peu élevé.

Le nombre minime d’accident ne doit pas faire oublier que les causes profondes des accidents industriels sont dues soit à une mauvaise organisation sur le site industriel, soit à un non-respect de la législation, ce qui renforce la nécessité, pour maintenir ce taux bas, d’un contrôle régulier et continu des installations classées.

C’est la raison pour laquelle votre rapporteure pour avis a déposé un amendement de crédits visant à augmenter les crédits du programme 217 portant les personnels du programme 181 à hauteur de 10 millions d’euros de manière ce qui correspond à une augmentation d’environ 200 ETPT qu’il faudrait affecter au contrôle des installations classées.

Renforcer les crédits de la recherche sur les risques émergents demeure également fondamental, notamment dans un contexte d’aversion au risque.

Jean-Pierre Dupuy, dans son ouvrage Pour un catastrophisme éclairé, quand l’impossible est certain, rappelle que la certitude de l’inacceptable doit pousser à agir, et à agir en toute transparence pour rendre justement le risque acceptable, le risque zéro n’existant pas.

Par définition, les risques émergents sont des risques mal définis dont on ne mesure pas encore tous les effets sur la santé humaine, animale et végétale pour pouvoir les classer comme étant des risques à part entière. Cette nouvelle catégorie de risques est particulièrement large car elle englobe tant la 5G, que la prise en compte des effets cocktail, l’exposition aux nanoparticules voire aux perturbateurs endocriniens, ou les nuisances induites par des espèces envahissantes telles que la pyrale du buis pour n’en citer que quelques-uns.

La mesure de ces risques émergents nécessite donc d’engager d’importants crédits. Les appels à projets étant pluriannuels il importe pour l’ANSES, sur des projets de cette envergure, d’avoir une certitude pluriannuelle quant aux engagements de l’État dans ce domaine. L’augmentation des crédits de recherche demandée par l’amendement de votre rapporteure répond donc partiellement à cette demande.

Conforter les crédits de l’ADEME pour assurer la transition énergétique et solidaire, notamment le financement du Fonds chaleur reste une priorité.

La transition énergétique et le financement de la croissance verte se trouvent, en effet, au cœur de la mission de l’ADEME et se décline essentiellement autour de deux programmes, le programme « Chaleur renouvelable » plus connu sous le nom de Fonds chaleur et le programme « Économie circulaire et déchets », plus communément intitulé Fonds déchets.

Le programme « Chaleur renouvelable » contribue à l’objectif, fixé dans la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte du 17 août 2015, de porter d’ici 2020 la part des énergies renouvelables à 23 % de la consommation énergétique nationale et à 32 % en 2030. Il finance essentiellement les investissements de production et de distribution de chaleur renouvelable.

La dotation budgétaire dont bénéficie l’ADEME, pour charges de service public, à hauteur de 591 millions d’euros en loi de finances initiale en 2019, est en baisse de 6 millions d’euros par rapport à 2018. Si en valeur nominale cette baisse peut sembler conséquente, en valeur relative elle se trouve inférieure à 1 %, soit 0,98 % exactement.

Si l’ADEME n’est pas sous dotée dans les prévisions budgétaires en loi de finances pour 2019, eu égard aux enjeux en termes de transition énergétique, et de fonctionnement de l’agence, la stabilité du budget était au minimum un préalable, et qu’eu égard à l’élargissement du champ d’intervention de l’agence, l’augmentation du budget devrait être envisagée.

En effet, la budgétisation de l’agence votée en loi de finances initiale pour 2018, si elle a des vertus – visibilité annuelle, budget pérenne non soumis à la variabilité d’une taxe – emporte un inconvénient majeur : celui relatif à la régulation budgétaire, gel et surgel des crédits décidé par Bercy, notamment en fin d’exercice budgétaire.

Pour votre rapporteure pour avis l’agence devrait avoir la garantie du Gouvernement qu’elle ne sera pas impactée par les questions de régulation budgétaire, eu égard à l’importance de ses missions.

Concernant l’augmentation du Fonds chaleur, la parole présidentielle ayant été engagée, le ministre de la transition écologique et solidaire, M. François de Rugy, a rappelé devant le Sénat, le 2 octobre dernier, l’engagement du Gouvernement à augmenter le Fonds chaleur dès 2019, à hauteur de 300 millions d’euros, proposition à laquelle votre rapporteure pour avis souscrit, le Fonds chaleur étant un acteur essentiel de la transition énergétique.

Mme Jennifer De Temmerman, rapporteure pour avis. Monsieur le président, madame la rapporteure pour avis, chers collègues, nous en arrivons à l’examen des crédits du programme 174 « Énergie, climat et après-mines » et du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », qui représentent une partie significative des crédits dédiés à l’impulsion et à l’accompagnement de la transition énergétique et écologique de notre pays.

Les crédits du programme 174 représentent un peu plus de 400 millions d’euros, dont près de 90 % sont dédiés au financement de l’accompagnement social de la fin de l’activité minière. La plupart sont gérés par l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) qui s’occupe notamment de verser des prestations de logement et de chauffage aux anciens mineurs. Une autre partie finance la remise en état de certains sites, notamment du site de stockage de déchets Stocamine qui a fait l’objet de la mission d’information présidée par notre collègue M. Vincent Thiébaut.

Les 22,8 millions d’euros prévus pour 2019 ont été calculés sur la base d’un scénario de poursuite du confinement des déchets. Le rapport de la mission d’information étudie toutefois l’hypothèse d’un déstockage des déchets. Le montant des crédits exécutés est donc susceptible de varier fortement selon le scénario retenu. Un arbitrage pourrait être rendu au printemps prochain.

Globalement, les crédits de l’action 04 connaissent une baisse de près de 31 millions d’euros, baisse mécanique qui résulte essentiellement de la diminution du nombre de bénéficiaires des dispositifs d’accompagnement social de l’après-mines. Les droits des anciens mineurs ne sont bien entendu nullement affectés. J’ai au contraire pu constater la très grande qualité de l’action de l’ANGDM, dont le plan « Bien vieillir » porte une attention particulière aux aidants, qui est à saluer.

Cette baisse des crédits de l’action 04 explique la diminution de 26 millions d’euros des crédits du programme 174. Les crédits des trois autres actions connaissent, quant à eux, une augmentation de près de 5 millions d’euros qui traduit le volontarisme du Gouvernement dans la mise en œuvre d’une transition écologique réussie, notamment en matière de lutte contre le changement climatique.

Les crédits de l’action 05 augmentent de trois millions d’euros pour atteindre près de 34 millions d’euros. C’est un montant significatif qui permettra de financer des études et des démarches liées à la mise en œuvre des plans et dispositifs de lutte contre la pollution.

L’action 05 comporte aussi les crédits de l’enveloppe spéciale de transition énergétique (ESTE), au titre de laquelle 700 millions d’euros ont été engagés et 475 millions d’euros ont déjà été payés.

Le projet de loi de finances ne prévoit pas cette année de crédits de paiement au titre des 255 millions d’euros de restes à payer jusqu’en 2021. Un état de l’avancement des actions serait en conséquence nécessaire pour mieux estimer le montant des crédits de paiement qui devront être ouverts et le calendrier de leur décaissement.

Les crédits de l’action 01 relative à la mise en œuvre de la politique de l’énergie augmentent de près d’un million d’euros pour atteindre 5,2 millions d’euros.

Ces crédits serviront à poursuivre le financement d’actions peu onéreuses mais néanmoins essentielles, qu’il s’agisse de la participation du ministère au Conseil supérieur de l’énergie (CSE) ou encore du soutien des revendications françaises en matière de délimitation du plateau continental, dit programme EXTRAPLAC.

Je tiens d’emblée à préciser que je m’opposerai aux amendements qui visent à réduire les crédits de l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (ANDRA) au motif d’une opposition au projet de centre industriel de stockage géologique (CIGÉO). La subvention de 2,8 millions d’euros qui lui est accordée ne sert pas à financer ce projet mais à réaliser un inventaire national des déchets radioactifs et à traiter des déchets orphelins lorsque le principe « pollueur-payeur » ne peut pas être appliqué. Ces deux missions me semblent indiscutablement être d’intérêt général et justifier un financement de l’État. Prétendre régler la question du nucléaire en écartant la question des déchets et en niant leur existence m’apparaît dangereux.

Le second volet des crédits examinés dans le rapport est le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », dont l’objet est de financer les dispositifs de soutien aux producteurs d’énergie renouvelable.

Ce soutien s’élèvera à plus de 5 milliards d’euros pour 2019, le montant total du compte atteignant plus de 7 milliards d’euros pour tenir compte du remboursement du principal de la dette due à EDF par l’État au titre d’anciennes obligations dans le cadre de sa contribution au service public de l’électricité (CSPE).

Ce montant est considérable. Je constate toutefois que le soutien apporté aux producteurs est presque exclusivement tourné vers l’électricité, alors que la consommation de chaleur représente 50 % de la consommation finale et que d’autres filières que l’électricité contribuent fortement à sa production.

Je salue l’augmentation de 30 % des aides au gaz renouvelable et considère que l’effort doit être encore amplifié.

De ce point de vue, l’augmentation des crédits du Fonds chaleur de l’ADEME est essentielle pour le volet consacré à l’investissement des dispositifs de soutien. Le conseil d’administration de l’agence a voté une augmentation de 14 % du budget du fonds pour 2018 et le ministre a annoncé son augmentation de 100 millions d’euros pour 2019.

Ces deux décisions vont dans la bonne direction et elles nécessitent d’être appuyées. J’ai donc déposé deux amendements alternatifs pour consolider la démarche.

Le premier vise à doubler le fonds en augmentant de 200 millions d’euros le budget de l’ADEME. Ce n’est que par ce doublement que la France se placera à la hauteur des enjeux et des objectifs qu’elle a inscrits dans la loi et sur lesquels elle s’est engagée vis-à-vis de ses partenaires dans le cadre de l’Accord de Paris et de l’Agenda 2030.

Le second, qui est un amendement de repli, prévoit de consolider le budget de l’agence de 100 millions d’euros afin que l’augmentation annoncée ne se fasse pas a minima, au détriment des autres missions de l’agence. Je pense à la mise en œuvre du plan hydrogène, à la feuille de route sur l’économie circulaire ou encore au financement de la recherche.

Lors des auditions, mon attention a également été attirée sur d’autres sujets essentiels à la mise en œuvre d’une transition énergétique et écologique solidaire.

Il s’agit en premier lieu du crédit d’impôt pour la transition écologique (CITE) : le Gouvernement a pris l’an dernier les dispositions nécessaires pour concentrer l’effort sur des gestes plus performants du point de vue énergétique. Dans cette perspective, il faudrait renforcer la démarche de diagnostic afin de rendre le dispositif encore plus efficient.

Le Gouvernement a également décidé de faciliter les démarches pour que les ménages les plus précaires n’aient plus besoin d’avancer les sommes nécessaires en lien avec l’Agence nationale de l’habitat (ANAH). C’est une initiative essentielle qui mériterait à mon avis d’être prolongée, dès que cela sera techniquement possible, par la conversion du crédit d’impôts en prime pour tous.

Il s’agit, en deuxième lieu, du chèque énergie. L’augmentation de son montant a été unanimement saluée mais il a également été indiqué que l’augmentation du prix du gaz pourrait gommer l’effet de cette augmentation pour certains publics, pour lesquels le montant du chèque demeure par ailleurs insuffisant.

Il s’agit, en troisième lieu, du changement d’approvisionnement de gaz dans les Hauts-de-France en raison du tarissement des gisements de gaz aux Pays‑Bas. Les chaudières de plus de quinze ans n’étant pas compatibles avec le nouveau type de gaz, il faudra trouver un véhicule législatif adapté dans les prochains jours pour résoudre ce problème urgent et éviter une rupture d’approvisionnement dès le premier trimestre de l’année 2019. Le gouvernement précédent avait pris en compte ce problème dans une loi, mais les décrets d’application n’ont jamais été publiés. J’ai déposé un amendement qui propose une solution rapide à mettre en œuvre, qui bénéficiera notamment aux personnes âgées exposées à la précarité énergétique qui n’ont pas les moyens de rénover leurs appareils.

Avant de conclure, je voudrais vous inviter à lire la seconde partie de mon rapport qui interroge la contribution de la recherche, de l’innovation et du numérique à l’atteinte des objectifs de développement durable (ODD), notamment l’ODD n° 7 « Garantir l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes, à un coût abordable ».

Le choix d’un angle large pour traiter le sujet a permis de mettre en évidence certaines difficultés qu’il serait très intéressant d’approfondir dans le cadre de la mission d’information en cours sur les freins à la transition énergétique ou d’une mission dédiée.

Je voudrais toutefois d’ores et déjà partager avec vous trois conclusions importantes de mon rapport.

Premièrement, la recherche française dans le domaine de l’énergie est excellente mais les choses se compliquent à la sortie du laboratoire. Les innovations dont le modèle économique n’a pas encore prouvé sa viabilité immédiate mais qu’il est néanmoins nécessaire de tester, ne bénéficient pas d’un soutien suffisant comme l’avait déjà pointé l’an dernier notre collègue M. Gérard Menuel dans son avis sur la recherche. La faiblesse des taux de consommation des crédits du programme d’investissement d’avenir (PIA) gérés par l’ADEME qui visent à soutenir les « démonstrateurs » montre que, même lorsque la viabilité du modèle économique est testée, le soutien financier n’est pas forcément à la hauteur des enjeux. Enfin, une fois les innovations éprouvées, demeure l’enjeu de la consolidation des filières et de la baisse des coûts de production. C’est tout le droit commun de l’aide aux entreprises qui est interrogé, notamment la cohérence et le ciblage des dispositifs fiscaux, eu égard à l’encadrement européen très strict des aides directes.

Cela m’amène à mon deuxième point : si le financement des innovations techniques est indispensable, il faut aussi faire preuve d’audace dans l’innovation juridique, budgétaire et sociale afin de faciliter la mise sur le marché des innovations technologiques. Il y a aussi derrière cela un enjeu humain décisif, car sans pédagogie et surtout sans protection des citoyens, le progrès technique ne sera pas accepté, comme l’illustrent les difficultés rencontrées avec les compteurs Linky.

Dernier point : la multiplicité des acteurs, des financements et des centres de décision rend nécessaire un renforcement de la gouvernance afin que les enjeux environnementaux soient pris en compte à la hauteur de leur importance en matière de recherche et d’innovation dans les domaines de l’intelligence artificielle et du numérique. Je suis convaincue qu’avec un recentrage de certains dispositifs sous l’impulsion du ministère de la transition écologique et solidaire, nous pourrions faire du numérique un puissant levier de transformation au service de la transition écologique que nous appelons tous de nos vœux.

Enfin, j’invite chacun d’entre nous à s’interroger sur la lisibilité des indicateurs budgétaires actuels. Je soutiens l’idée que ceux-ci devraient être revus pour être alignés, par exemple, sur les excellents indicateurs de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) qui reprennent les objectifs de développement durable.

Pour conclure, je donne un avis favorable à l’adoption des crédits du programme 174 et du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ».

M. Alain Perea, président. Je vous remercie, mesdames les rapporteures pour avis. Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

M. Jean-Marc Zulesi. Je tiens tout d’abord à féliciter Mme Brulebois et Mme De Temmerman pour leur engagement et leur travail de terrain auprès des services et des agences de l’État.

Les défis de la transition écologique ne sont plus à rappeler. Le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a de nouveau mis en exergue les conséquences humaines, écologiques et environnementales désastreuses de l’augmentation des températures. Malheureusement, ce sont les catastrophes naturelles, comme les inondations récentes dans l’Aude, ou bien industrielles qui nous rappellent l’urgence à agir. Notre philosophie est claire : le temps n’est plus au constat ou encore à la culpabilisation mais à l’action. C’est le sens de ce budget pour 2019 qui sanctuarise les crédits dédiés à la transition écologique et à la prévention des risques.

Ce projet de loi de finances prévoit ainsi une augmentation de 3,1 milliards du budget du ministère de la transition écologique et solidaire, dont 1 milliard d’euros d’autorisations d’engagement.

Le volet « Énergie, climat et après-mines » incarne cette philosophie. La prorogation du CITE ou l’augmentation de la dotation du Fonds chaleur donnent à nos concitoyens et aux entreprises des outils pour être acteurs de leur transition énergétique.

Comme le souligne votre rapport, madame De Temmerman, recherche scientifique et innovation technologique sont au cœur de cette transition. L’innovation doit être le carburant de la transformation de notre modèle énergétique. Pourtant il existe un double paradoxe que vous pointez du doigt : d’une part, un niveau de financement élevé pour la transition énergétique, mais insuffisant à des moments-clef de la vie des projets ; d’autre part, une consommation insuffisante des crédits d’innovation mis à disposition dans les programmes de subvention existants, en particulier le PIA.

Dès lors, Madame la rapporteure pour avis, quelles sont vos recommandations pour améliorer l’affectation des crédits d’investissement tout au long du cycle d’innovation énergétique ?

Le budget de l’État doit répondre aux défis présents. Il doit également prévenir les risques futurs. L’impact des activités humaines se fait toujours plus visible sur nos écosystèmes et nous en connaissons les conséquences. Dans les Bouches-du-Rhône, je ne citerai qu’un seul exemple, notre cher étang de Berre.

Madame Brulebois, votre rapport met en avant la volonté du Gouvernement de faire de la prévention des risques une priorité après une baisse continue des crédits du programme 181 sous la précédente majorité. Notre rôle de parlementaires est de garantir aux opérateurs tels que l’ANSES et l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) les ressources nécessaires à la réalisation de leurs missions qui sont cruciales pour la sécurité de nos concitoyens. Ces deux établissements ont un rôle central à jouer dans la prévention des risques dits émergents, sur lesquels vous mettez l’accent dans votre rapport. Je pense notamment à l’impact du développement de la 5G, à la mesure des effets cocktail ou encore à l’exposition aux perturbateurs endocriniens. Selon vous, comment pourrait-on accroître les synergies entre les secteurs privés et publics afin de renforcer la prévention de ces nouveaux risques souvent mal définis et mal connus ?

M. Fabrice Brun. Le projet de loi de finances pour 2018 avait abondé de 616 millions d’euros les crédits de paiement du programme 181, bond financier qui s’expliquait par le rattachement budgétaire de l’ADEME. En tant que rapporteur pour avis, j’avais souligné que si ce rattachement était positif, la vigilance s’imposait. Je suis au regret de constater aujourd’hui que mes craintes étaient fondées : Mme Brulebois souligne dans son rapport que le programme 181 ne doit pas devenir la variable d’ajustement indirect d’une baisse des crédits du programme support.

Les crédits du programme font l’objet, dès la loi de finances initiale, d’une baisse, baisse que vous qualifiez de modérée mais qui pourrait être importante si, en fin d’exercice budgétaire, Bercy imposait des gels voire des surgels. Vous exprimez l’idée que l’ADEME devrait obtenir du Gouvernement la garantie qu’elle ne sera pas concernée par la régulation budgétaire, compte tenu de l’importance de ses missions d’accompagnement de la transition énergétique. Sachez que sur ce point, nous partageons votre position.

Je regrette en revanche que vous abordiez la question de la sécurité et de la sûreté nucléaires de manière aussi rapide. Je souhaiterais d’ailleurs, à cette occasion, revenir sur la commission d’enquête qui nous a mobilisés au début de cette année 2018 : nous regrettons en effet que son rapport n’ait pas évité l’écueil de l’opposition entre pronucléaires et antinucléaires, dans un contexte politique où un large consensus serait nécessaire pour décarboner l’économie. Peut-on sortir en même temps du charbon, du pétrole et du nucléaire ? Au moment où les usages électriques se développent dans le transport ou l’économie numérique, la question reste entière et les objectifs de la loi de transition énergétique toujours aussi irréalistes.

S’agissant du programme 181, j’avais insisté l’an dernier sur la nécessité de contrôler de manière continue les agents travaillant pour les acteurs du nucléaire et leurs sous-traitants, et pas seulement au moment de leur embauche. J’avais également souligné qu’il convenait de remédier à la baisse régulière des moyens de recherche de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), dont l’expertise doit demeurer mondialement reconnue. Je tiens donc, une nouvelle fois, à affirmer la nécessité de conforter ces crédits de recherche, qui semblent quelque peu oubliés.

Je tiens enfin à revenir sur la notion de risques émergents, ces risques que vous décrivez comme des risques à part entière mais encore mal identifiés et qui sont donc peu ou mal pris en compte par la législation. Je pense en particulier au risque que représentent les espèces invasives, qu’il s’agisse de la pyrale du buis, du frelon asiatique, de la bactérie Xylella fastidiosa ou du moucheron Drosophila suzukii, à cause duquel nous ne pourrons peut-être bientôt plus manger de fruits frais, pour ne citer que quelques espèces dévastatrices, toutes importées d’Asie. J’avais déjà évoqué ce sujet l’an dernier, mais force est de constater que, depuis, rien n’a changé et que l’action de l’État reste insuffisante. Ma collègue Mme Véronique Louwagie vient d’interpeller le Premier ministre sur le frelon asiatique et je viens d’en faire de même pour la pyrale du buis, dont je recommande le classement en deuxième catégorie du code rural : qu’en pensez-vous ?

Nous resterons donc vigilants sur ces crédits, et j’appelle nos collègues de la majorité à faire de même, pour que la question de ces risques émergents soit enfin traitée, et pour que la fin de l’exercice budgétaire ne se traduise pas par des régularisations trop violentes, qui signifieraient le renoncement à nos ambitions.

M. Bruno Duvergé. Le groupe MoDem et apparentés se félicite que, dans le cadre d’un budget contraint, une politique ambitieuse en faveur de la transition énergétique et de la lutte contre le changement climatique continue d’être l’une des priorités fondamentales du Gouvernement et se traduise par une hausse des crédits du ministère de la transition écologique et solidaire et de ses opérateurs.

Nous saluons tout particulièrement l’engagement de 2 milliards d’euros de crédits destinés aux actions dans le domaine de l’eau et de la biodiversité, engagement qui s’inscrit, d’une part, dans la trajectoire dessinée par la Stratégie nationale pour la biodiversité 2011‑2020, et, d’autre part, à la fois dans la mise en œuvre de la loi de 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages, et dans la continuité des actions déjà initiées dans le cadre du plan Biodiversité, présenté le 4 juillet dernier par le Premier ministre.

La préservation de la biodiversité mériterait néanmoins un financement plus soutenu, plus pérenne et plus diversifié. Il a par exemple été décidé de financer l’enveloppe dévolue à ces actions par un prélèvement supplémentaire sur le budget des agences de l’eau, ce qui fait craindre aux acteurs du secteur que ces budgets deviennent une variable d’ajustement : quel est le point de vue de nos rapporteures pour avis à ce sujet ?

Pour rester dans le domaine des agences, l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS), voué à fusionner avec l’Agence française de la biodiversité (AFB), doit faire face à une baisse des redevances cynégétiques, soit un manque à gagner de quelque 21 millions d’euros : comment est-il prévu qu’en dépit de ce manque à gagner, l’office puisse continuer de remplir au mieux ses missions ?

Le fonds Chaleur enfin, qui a pour objet de financer des projets de production de chaleur à partir de la biomasse, de la géothermie ou du solaire, tout en garantissant des prix inférieurs à celui de la chaleur produite à partir d’énergies conventionnelles, a été augmenté, de 50 %, pour un montant prélevé sur le budget de l’ADEME : nous nous inquiétons donc de la baisse des crédits que l’agence pourra par ailleurs consacrer à ses principales missions.

En ce qui concerne la politique de l’énergie, les crédits de paiement dédiés à la protection des consommateurs en situation de précarité énergétique ont fortement augmenté, ce qui correspond à la montée en puissance du dispositif du chèque énergie et à la hausse du nombre de bénéficiaires. Nous nous réjouissons de ce geste en faveur des foyers modestes.

La politique de l’énergie, c’est aussi une politique en faveur de la transition énergétique, ce qui implique de faire preuve de pédagogie et d’offrir à nos concitoyens une véritable vision prospective de ce que sera notre consommation énergétique dans les cinquante prochaines années. À ce titre, la future programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) devra présenter la nouvelle stratégie française pour l’énergie. Nous devrons être particulièrement vigilants sur le développement de nouvelles énergies – je pense notamment à l’hydrogène, qui peut être l’une des solutions d’avenir pour nos transports. Il faut offrir à tous une modélisation compréhensible de ce que sera demain notre mix énergétique – à la fois en production et en consommation –, afin de susciter l’adhésion de nos concitoyens.

En ma qualité de rapporteur de la mission d’information relative aux freins à la transition énergétique, je serais heureux que le PLF soit désormais un outil permettant de mieux comprendre et d’anticiper la transition énergétique, en offrant au législateur l’ensemble des outils mis en place pour favoriser cette transition – indicateurs, dispositifs fiscaux, législatifs et réglementaires – regroupés dans un même document.

Je souhaiterais enfin la position de la rapporteure pour avis, Mme Jennifer De Temmerman, sur l’action 05 du programme 174, qui témoigne d’un ralentissement de la dotation du plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques (PREPA), sans pour autant que cet effort important, initié en 2018, soit remis en cause.

Mme Sophie Auconie. M. le ministre François de Rugy a annoncé que le Fonds chaleur de l’ADEME, qui finance des projets de production de chaleur à partir d’énergies renouvelables, serait augmenté de 40 % en 2019, pour atteindre un montant de 300 millions d’euros, contre 215 millions en 2018. Or cette augmentation n’apparaît pas dans le PLF pour 2019.

L’engagement du Président de la République était de doubler le Fonds chaleur pendant le quinquennat. Or, l’action 12 du programme 181, qui recouvre le financement de l’ADEME, fait apparaître que la subvention versée à l’ADEME pour 2019 s’élèvera à 603,2 millions d’euros contre 609,2 millions en 2018 : elle est donc en baisse malgré la communication du Gouvernement, qui soulignait l’augmentation des moyens de l’agence. Il est d’autant plus difficile de savoir de quoi il retourne précisément. Je n’ai pas compris si l’augmentation de 40 % du Fonds chaleur était incluse dans la subvention versée à l’ADEME : pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

Ensuite, en ce qui concerne le compte d’affectation spéciale « Transition énergétique », entre la hausse de la trajectoire carbone, qui reflète la fiscalité sur les carburants, et la suppression du taux réduit pour certains usages non routiers du gazole, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) devrait, selon le rapporteur général M. Joël Giraud, rapporter 3,7 milliards d’euros de recettes nouvelles au budget de l’État. Or le compte d’affectation spéciale, qui finance les actions liées à la transition énergétique, n’augmente que de 80 millions d’euros. La mise en regard de ces deux chiffres pose un certain nombre de questions, d’autant que l’alourdissement de la fiscalité écologique n’a de sens, selon moi, que si le supplément de recettes qu’elle génère sert à financer des actions incitatives en faveur de la transition écologique. En l’occurrence, il ne semble pas que cela soit le cas – mais je ne demande qu’à être contredite – et nous avons plutôt affaire à une fiscalité punitive, qui pèse sans contrepartie sur ceux qui la subissent.

Comment expliquez-vous donc le différentiel entre l’abondement du compte d’affectation spéciale et les recettes tirées de la fiscalité écologique ? Ne serait-il pas plus juste et plus acceptable d’affecter massivement ces recettes au compte d’affectation spéciale « Transition énergétique » ?

M. Christophe Bouillon. Je voudrais en préambule mettre en garde nos collègues de la majorité contre la tentation qu’ils pourraient éprouver de penser que rien n’a été fait avant qu’ils arrivent au pouvoir. On ne peut en effet faire comme s’il n’y avait pas eu le vote de la loi « Grenelle 2 », celui de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte ni celui de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages. Si nous parlons aujourd’hui du Fonds chaleur, de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) ou d’autres instruments, c’est que ces lois ont permis leur mise en œuvre.

Vous avez évoqué les plans de prévention des risques technologiques (PPRT) : n’oublions pas que c’est à la fin des années 1990 et dans les années 2000 que les pouvoirs publics se sont emparés de cette notion de risque à la suite d’accidents majeurs qu’a connus notre pays. Certes, il a fallu du temps pour mettre en œuvre ces PPRT, mais il s’agit d’exercices complexes, qui se heurtent chaque fois, sur le terrain, à des difficultés concrètes et obligent les collectivités et les acteurs concernés à définir avec précision des principes d’action pertinents.

Je tiens ensuite à féliciter nos deux rapporteures pour avis. Le travail qu’elles ont accompli n’est jamais évident, a fortiori quand, comme ce fut le cas cette année, le Gouvernement multiplie les plans d’actions : plan méthanisation, plan solaire, plan de lutte contre l’artificialisation des sols, autant d’objectifs et autant d’ambitions pour lesquels il fallait vérifier s’ils étaient soutenus par un engagement budgétaire approprié. On sait en effet que, pour la plupart des budgets qui composent le PLF, le risque est toujours de se faire rattraper par la « patrouille » de Bercy, qui voudra procéder à des gels ou à des « surgels » de crédits.

L’exercice remarquable auquel vous vous êtes donc livrées, mesdames, a consisté à tracer les engagements gouvernementaux et à faire en sorte que l’on puisse vérifier qu’ils soient bien traduits en engagements budgétaires dans ce PLF, et que Bercy ne les efface pas, comme c’est malheureusement souvent le cas – vous l’avez souligné.

J’aurais une question concernant la dépollution des sites, d’autant plus cruciale que le foncier est aujourd’hui une denrée rare. Or les outils à la disposition de ceux qui sont en charge de la dépollution ne sont pas toujours à la hauteur de l’enjeu – je pense notamment au fonds de minoration foncière et à l’exemple de la dépollution du site de l’ancienne raffinerie Petroplus en Seine-Maritime, pour lesquels nous manquons d’outils d’évaluation. Qu’en pensez-vous ?

Vous avez par ailleurs évoqué la nécessaire éducation à la prévention des risques. Ne serait-il pas utile que le projet de service national universel intègre cette dimension de prévention des risques industriels ?

Mme Mathilde Panot. Madame Brulebois, j’aimerais partager votre optimisme quant à la priorité qu’accorde le Gouvernement à la prévention des risques et au fait que « c’est bien parce que la prévention des risques est bien assurée, que le risque disparaît et devient invisible ». Malheureusement, je crains qu’une fois encore ce budget ne soit pas à la hauteur, au moment où l’on voit se multiplier les événements climatiques extrêmes. Vous le dites d’ailleurs vous-même, les crédits sont en baisse et le nombre des contrôles de sites classés a diminué.

Que vous ont dit les différents acteurs que vous avez auditionnés des problèmes d’effectifs ? Depuis 2013, ce sont en effet 13 250 postes qui ont été supprimés au sein du ministère et dans les agences, ce qui met en péril les capacités d’expertise du Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), comme la production par Météo France de prévisions permettant d’anticiper les épisodes de dérèglement climatique. Comment dans ces conditions peut-on avoir une gestion des risques à la hauteur de ce qui est exigé ?

Dans le domaine de la gestion des risques nucléaires, la commission d’enquête sur la sûreté et la sécurité nucléaire a en outre établi que nous faisions désormais face à des risques accrus, du fait notamment du vieillissement des centrales et de l’apparition de problèmes – répertoriés ou non – dans les cuves, mais également pour des raisons liées à la sous-traitance de 80 % des travaux de maintenance et aux cadences imposées aux personnels, qui sont telles que les risques d’erreur humaine se multiplient.

Sans parler du fait que nombre de centrales ont été conçues pour une durée de vie au‑delà de laquelle on envisage aujourd’hui de les maintenir en fonctionnement, ce qui, là encore, nous expose à de vrais problèmes, comme l’a notamment démontré Greenpeace. Que l’on soit pour ou contre le nucléaire, il faut assurer la sûreté et la sécurité des Français, ce dont nous sommes loin aujourd’hui.

En ce qui concerne ensuite la transition énergétique, on sait que le nucléaire empêche le développement des énergies renouvelables. J’aimerais savoir ce que vous a dit à cet égard le Syndicat des énergies renouvelables : je sais qu’il s’inquiète de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE), dont la révision doit avoir lieu très prochainement mais sur laquelle le Parlement n’a aucune prise.

Qui dit enfin transition énergétique, dit sobriété et efficacité énergétiques. Or nous sommes encore loin du but, par exemple en matière de rénovation thermique : le CLER Réseau pour la transition énergétique, anciennement Comité de liaison pour les énergies renouvelables, évalue à 700 000 le nombre de logements qu’il faudrait rénover chaque année, chiffre dont nous atteignons à peine 10 % ; en matière d’accompagnement des ménages, le Gouvernement va augmenter le chèque énergie de 150 à 200 euros, là où le CLER estime qu’il faudrait monter jusqu’à 600 euros.

Si nous voulons respecter l’Accord de Paris, il va falloir y aller beaucoup plus fort et mettre en place un accompagnement social digne de ce nom.

M. Hubert Wulfranc. En matière de gestion des risques, les problématiques liées à la dépollution sont de plus en plus importantes, du fait de la reconversion industrielle ou de la reconstruction de la ville sur la ville. Les enjeux sanitaires liés à la dépollution des sols exigeraient de revisiter l’action publique en la matière et les moyens afférents.

Sans même parler des projets à venir, un certain nombre d’installations publiques posent aujourd’hui problème. Le ministère de l’écologie avait lancé en 2012 une campagne de diagnostic des établissements scolaires. Cette campagne d’évaluation n’est toujours pas achevée, mais certaines écoles, situées sur d’anciens sites industriels, ont d’ores et déjà été classées en catégorie C, avec les risques que cela comporte pour la sécurité des élèves. J’aimerais donc vous entendre sur cette question.

Vous avez insisté par ailleurs sur la nécessité de renforcer les effectifs chargés de l’inspection des installations classées. Je ferai néanmoins remarquer que vous avez supprimé les comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), qui possédaient une vraie culture du risque et savaient la diffuser auprès des salariés.

Je vous remercie également d’avoir émis le vœu que la révision de la PPE que le Gouvernement s’apprête à présenter fasse l’objet d’un débat approfondi à l’Assemblée nationale. Ce qu’il faut garder à l’esprit dans cette perspective, c’est que les Français souhaitent une transition écologique équitable et juste.

Cela m’amène pour conclure à la question de l’habitat et du bâti en général qui, malgré le Fonds chaleur, le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) ou le chèque énergie, demeurent les parents pauvres de la transition énergétique. Nous avons reçu avec intérêt le rapport de Mme De Temmerman et ses propositions d’amendement, mais nous sommes dans un domaine où des recettes substantielles sont nécessaires, ainsi qu’un plan d’investissements publics massifs.

M. François-Michel Lambert. Je félicite les rapporteures pour avis pour le travail qu’elles ont effectué sur des sujets techniques mais qui sont essentiels pour le quotidien de nos concitoyens. Je retire notamment du rapport de Mme Danielle Brulebois le sentiment que, si la prévention des risques est un sujet de plus en plus essentiel, les moyens ne suivent pas.

Plus précisément, j’aimerais d’abord savoir ce qui empêche le classement de la pyrale du buis en danger sanitaire de catégorie 1 et non plus de catégorie 3.

Je voudrais ensuite revenir sur la mission que vous avez conduite à Marseille et à Gardanne – où je précise qu’il n’y a jamais eu de bauxite. La DREAL a en effet été ferme dans son traitement de la question des boues rouges, mais elle n’a pas agi seule et ne peut se prévaloir de tout le mérite d’avoir mis un terme au rejet de ces boues rouges dans la mer. Engagé depuis plus de six ans sur cette question des boues rouges, je considère que la DREAL a certes un rôle de contrôle mais qu’il faudrait qu’elle assume par ailleurs un rôle d’accompagnement des entreprises à risque, si l’on veut aider celles-ci à évoluer vers des modèles de production non polluants, ce qui est un enjeu majeur pour les Bouches-du-Rhône, compte tenu du poids de l’alumine dans leur industrie. Alors que l’on recense dans le département des dizaines de sites orphelins, Alteo demeure un interlocuteur avec lequel les services de l’État doivent coopérer pour trouver des solutions. Les DREAL doivent ainsi comprendre qu’au lieu de mettre des bâtons dans les roues des industriels, il est de l’intérêt de tous qu’elles travaillent avec eux.

Que pensez-vous par ailleurs du choix budgétaire retenu pour la dépollution des sites du parc national des Calanques ? Est-il pertinent d’investir 5 millions d’euros pour contenir la pollution plutôt que 10 millions d’euros, qui auraient permis de régler définitivement le problème, sans le reporter à plus tard ?

Je voudrais enfin demander à Mme Jennifer De Temmerman comment elle évalue la fragilité de la trésorerie de l’Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM) et savoir si la fermeture des centrales à charbon sera prise en compte dans l’action 04 du programme 174.

Pour ce qui concerne la politique énergétique, j’aurais souhaité que les financements soient davantage fléchés vers l’énergie fatale, qui représente dans l’industrie un potentiel de 50 térawattheures, soit l’équivalent de la consommation électrique de l’Île-de-France.

Nous soutiendrons plusieurs de vos amendements, tout en soulignant que, compte tenu des opinions divergentes des uns et des autres sur l’évolution des crédits de la mission, il serait sans doute souhaitable qu’un compte global retrace l’ensemble des flux financiers liés à la transition énergétique, afin de mesurer avec exactitude la réalité de nos engagements.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Monsieur Zulesi, je pense comme vous qu’il faut donner des moyens à l’ANSES et à l’INERIS, afin de soutenir la recherche face aux risques émergents, devenus de plus en plus complexes en raison du progrès technologique. C’est dans cette perspective que nous déposerons en séance un amendement demandant des équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, notamment dans le domaine de l’expertise.

Vous avez également émis le souhait de faire travailler ensemble le secteur privé et le secteur public. On peut considérer que c’est déjà le cas, puisque les DREAL travaillent en étroite coopération avec les entreprises privées, non seulement dans le cadre de leurs missions d’inspection mais également pour la recherche de solutions. Pourquoi en effet ne pas envisager des partenariats plus poussés ?

Monsieur Brun, j’ai fait le choix de ne pas orienter mon rapport sur la sûreté et la sécurité nucléaires car les conclusions de la commission d’enquête, dont la présidente de notre commission était rapporteure, déboucheront, je n’en doute pas, sur des mesures. Mais, vous avez raison, il importe de contrôler les agences. Par ailleurs, ayant lu votre excellent rapport sur la pyrale du buis, dans lequel vous demandez que cet insecte soit inscrit sur la liste des dangers sanitaires de seconde catégorie, j’ai adressé une question écrite au ministre de l’agriculture, compétent en la matière. Si les choses n’ont pas avancé plus vite, monsieur Lambert, c’est parce qu’on avait fondé beaucoup d’espoirs sur les bio-solutions, en particulier le bacillus thuringiensis, lequel s’est avéré moins performant qu’on ne le pensait. Ses effets collatéraux ont ainsi conduit l’ANSES à décider qu’en 2019 les recherches devaient être poursuivies dans d’autres directions. En tout état de cause, la pyrale du buis pose, à l’instar du frelon asiatique et des autres espèces invasives importées d’Asie, un problème important.

Monsieur Duvergé, madame Auconie, la légère baisse des crédits de l’ADEME, qui s’élèvent à 603 millions d’euros, s’explique par le fait que certains appels à projet n’ayant pas abouti, la trésorerie actuelle de l’agence est suffisante pour lui permettre de remplir l’ensemble de ses missions. Quant à l’engagement de notre ministre d’État, M. François de Rugy, d’augmenter de 40 %, en 2019, les crédits du Fonds chaleur, les portant ainsi à 300 millions d’euros, il n’est pas inscrit dans le PLF pour 2019, car il doit trouver sa traduction dans la PPE, pour laquelle les arbitrages n’ont pas encore été rendus.

Monsieur Bouillon, si vous avez compris que j’estimais que rien n’avait été fait, je m’en excuse, car telle n’est pas mon opinion. Au contraire, j’ai évoqué les PPRT, qui ont été créés en 2000. Par ailleurs, 2 500 communes sont couvertes par un plan de prévention des risques d’inondation (PPRI) approuvé et 303 par un PPRI prescrit. Mais vous avez raison, l’effort doit être poursuivi.

Quant à la dépollution des sites, c’est un vaste problème. À ce propos, monsieur Lambert, j’ai pu constater, en visitant le parc national des Calanques, qu’il existait de nombreux sites orphelins. La difficulté tient au fait que les entreprises qui ont produit les déchets ont disparu depuis longtemps, de sorte que leur traitement incombe aux collectivités et au parc, en liaison avec la DREAL et les associations environnementales, qui font un travail important. Néanmoins, j’ai pu observer que de tout petits sites orphelins, que l’on remarque à peine, avaient été identifiés et que l’on s’en occupait. Il existe une véritable volonté de traiter ce problème. S’il a été décidé de contenir la pollution plutôt que de l’éliminer, c’est parce que les collectivités disposent de moyens limités. L’arbitrage a été rendu en tenant compte de la dangerosité.

Par ailleurs, l’éducation à la prévention est actuellement insuffisante. Elle doit être assurée dès l’école. Le service national pourrait être un vecteur important à cet égard. De fait, un risque est d’autant mieux accepté qu’il a été expliqué et compris. Je le constate avec le barrage de Vouglans, dans le Jura, qui inquiète bien davantage les nouveaux habitants que ceux qui ont assisté à sa construction, même après la diffusion du reportage d’Envoyé spécial. L’éducation aux risques et la culture du risque doivent être développées. Encore une fois, il me semble que le service national serait un très bon vecteur.

Madame Panot, j’ai, moi aussi, souligné combien il est nécessaire que l’inspection et la recherche conservent des effectifs suffisants. La sécurité et la sûreté nucléaires ont fait l’objet, je l’ai indiqué, d’une commission d’enquête. J’ai néanmoins auditionné les représentants de l’IRSN, qui se sont montrés rassurants. Ils estiment en effet que l’expertise nucléaire française demeure de très haute qualité et que la vigilance est importante, en dépit des problèmes de sous-traitance et de qualité des matériaux que vous avez mentionnés.

Monsieur Wulfranc, j’ai en partie répondu à votre question sur la dépollution industrielle des sites orphelins. Vous avez évoqué les écoles. C’est un sujet sur lequel il faut rester vigilant.

Monsieur Lambert, vous estimez, à propos de Gardanne, que le rôle d’accompagnement de la DREAL n’est pas suffisant. J’ai toutefois pu remarquer, lors de ma visite, que celle-ci assumait auprès d’Alteo une mission de conseil et d’accompagnement. Il m’a semblé que l’une et l’autre entretenaient des relations de confiance et que le directeur d’Alteo était à l’écoute de la DREAL. Je signale tout de même que c’est grâce à la mise en demeure de cette dernière que les rejets en mer ont cessé. J’ajoute qu’aucune étude ne montre, s’agissant des poussières rouges, que l’enjeu sanitaire est avéré. Quant aux alumines de spécialité d’Alteo, elles sont utilisées partout, que ce soit dans nos smartphones, nos télévisions ou nos voitures. D’un côté, nous consommons des produits, de l’autre, nous avons du mal à assumer les conséquences de leur fabrication. Telles sont les contradictions de notre société de consommation.

Mme Jennifer De Temmerman, rapporteure pour avis. Monsieur Zulesi, il existe en effet une contradiction, soulignée dans mon rapport : les investissements sont élevés, mais ils ne portent pas suffisamment sur les étapes clés, identifiées comme telles lors des auditions, à savoir la sortie du laboratoire – lorsque la recherche s’incarne dans une technologie –, et la construction et le renforcement de la filière. Les problèmes diffèrent selon le dispositif de financement. S’agissant du programme d’investissements d’avenir (PIA), les montants décaissés représentent seulement 29 % des montants autorisés au titre des deux premiers volets et ils sont nuls au titre du troisième volet. En fait, l’obligation de démontrer le caractère innovant de la technologie empêche le financement d’actions menées à certains stades des projets. En outre, la gestion du PIA est complexe et manque d’agilité. Le Grand Plan d’investissement (GPI) est, quant à lui, plus agile, mais on se heurte de nouveau à la question de l’innovation, car ce plan est destiné à ne financer que des innovations de rupture. Nous sommes ainsi confrontés à un paradoxe : nous finançons l’innovation sans favoriser sa transformation en une filière stable et durable. Un rapport pour avis est un cadre trop restreint pour proposer des solutions, mais la mission d’information relative aux freins à la transition énergétique pourrait se pencher sur cette question.

Monsieur Duvergé, les crédits de l’action 05 augmentent de 3 millions d’euros, soit une hausse de 27,4 %. Le PREPA a été adopté en mai 2017 pour une période de cinq ans. Les ambitions ne sont pas réduites, mais il faut laisser au dispositif le temps de monter en puissance. Ainsi, plusieurs mesures sont progressivement mises en œuvre. Je pense notamment à la prime à la conversion des véhicules, à laquelle un site internet est dédié depuis le 1er janvier dernier, ou à la création du fonds « Air-mobilité » par l’ADEME.

M. Wulfranc et Mme Panot m’ont interrogée sur la rénovation énergétique des bâtiments, à laquelle j’ai consacré un développement particulier dans mon rapport de l’an dernier. Un grand plan de rénovation énergétique des bâtiments a été présenté en avril 2018. On ne manque donc pas d’ambition dans ce domaine. Il est vrai – je réponds là à Mme Auconie – que les financements de la transition énergétique ne sont pas forcément visibles. Mais l’application du taux de TVA de 5,5 % à la rénovation énergétique représente, à elle seule, plus d’1 milliard d’euros. Quant au montant du CITE, il s’élève à 800 millions. Les crédits existent donc : des milliards sont dépensés pour la transition énergétique mais, vous avez raison, ils ne sont pas visibles. De manière générale – je suis désolée de le dire –, le budget manque cruellement de lisibilité. Moi qui, en tant que gestionnaire d’un collège, avais à cœur de présenter chaque année un budget lisible par quiconque, je reste perplexe face à la maquette budgétaire, qui me semble très éloignée de l’esprit de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF). À nous d’améliorer tous ensemble, puisque cette préoccupation est transpartisane, la lisibilité du budget en repensant sa maquette et les indicateurs.

M. Emmanuel Maquet. Madame Brulebois, dans votre rapport, vous mettez l’accent sur les risques technologiques et industriels ; les risques naturels ne sont évoqués qu’en quelques phrases. Pourtant, les inondations qui ont frappé le sud-ouest de la France le mois dernier nous rappellent la gravité de la menace. Élu d’une circonscription littorale qui a subi des inondations et dont plusieurs communes sont exposées au recul du trait de côte, je suis particulièrement sensible à ce qui s’est passé dans l’Aude. Même si l’État participe, notamment grâce au « fonds Barnier », au financement des ouvrages de lutte contre les inondations, la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) attribue la majeure partie de la responsabilité de ce financement aux territoires concernés, qui doivent se débrouiller eux-mêmes en recourant à la taxe de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI). Puisque vous indiquez, dans votre rapport, à propos de la situation du Jura, que le risque technologique y est élevé mais que les moyens ne suivent pas, je souhaiterais que vous nous indiquiez si vous jugez équitable qu’on laisse les territoires vulnérables assumer seuls les risques naturels auxquels ils sont exposés. Quelles propositions pouvez-vous formuler pour y remédier ?

M. Guy Bricout. L’objectif, martelé par le Gouvernement, de rénover 500 000 passoires thermiques par an est, selon moi, quasiment impossible à atteindre. Les mesures du PLF pour 2019 concernant le CITE n’en sont que plus inacceptables. D’une part, contrairement à ce que prévoit le PLF pour 2018, ce crédit d’impôt n’est toujours pas transformé en prime. Ce retard, que ne cessent de dénoncer la Confédération de l’artisanat et des petites entreprises du bâtiment (CAPEB) ainsi que les artisans du bâtiment, découragera immanquablement un grand nombre de particuliers d’entreprendre des travaux nécessaires. D’autre part, il est tout aussi incompréhensible, comme je l’ai dénoncé à plusieurs reprises lors de l’examen du précédent projet de loi de finances, que l’on persiste à exclure les menuiseries du champ du CITE. En effet, un récent rapport du Centre scientifique et technique du bâtiment (CSTB) et de l’ADEME a très clairement démontré que le remplacement d’un simple vitrage par des fenêtres performantes avait un impact significatif sur la consommation énergétique.

M. Yannick Haury. Mesdames les rapporteures pour avis, je vous remercie vivement pour la qualité de votre travail. Vous proposez d’améliorer la présentation des documents budgétaires en tenant compte des objectifs stratégiques de la politique gouvernementale, afin que les parlementaires puissent mieux se les approprier pour décider et évaluer. Un autre outil d’aide à la décision me semble pertinent pour mieux prévoir et anticiper : un projet de loi de programmation environnementale. En effet, il faut du temps pour planifier le développement d’énergies alternatives, des mesures de protection de l’environnement ou des adaptations au changement climatique. Comme en matière de finances publiques ou militaire, ce cadre pourrait être pluriannuel. C’est, du reste, une recommandation du Conseil économique, social et environnemental (CESE) et c’est la qualification retenue par le Conseil constitutionnel s’agissant de la loi de transition énergétique – j’avais moi-même déposé un amendement en ce sens dans le cadre de la réforme constitutionnelle.

Même si ce projet de loi de programmation dépasse le cadre des programmes examinés ce jour, puisqu’il concernerait, outre la transition écologique, la préservation de la biodiversité, la protection de l’environnement et la lutte contre le changement climatique, pensez-vous que ce serait un bon outil pour affecter les moyens nécessaires à ces politiques ?

M. Martial Saddier. Le coût de la réparation des dégâts survenus dans l’Aude est estimé, pour l’instant, entre 100 et 120 millions d’euros. Le Président de la République, qui s’est rendu sur place, s’est tourné vers l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée, qui a pris ses responsabilités en votant dans l’urgence, lundi matin, une première enveloppe de 20 millions d’euros – 20 millions ! –, prélevée sur le onzième programme, lequel a été adopté il y a deux mois pour six ans. Nous subissons déjà les conséquences du changement climatique. Depuis le vote de lundi, l’alerte rouge a été déclenchée en Corse et un « épisode cévenol » est annoncé dans le Var... Mes chers collègues, il est impératif que la République se penche sur la création d’un véritable dispositif de financement pour faire face aux conséquences des épisodes climatiques exceptionnels, car ceux-ci vont devenir récurrents. J’appelle la création d’un tel dispositif de mes vœux, et j’espère que nous pourrons tous nous accorder sur ce point, car nos territoires sont d’ores et déjà touchés.

M. Stéphane Demilly. Madame De Temmerman, la fiscalité sur le carburant atteint, on l’a dit, un niveau insoutenable pour nombre de nos concitoyens, sans que soit garanti par ailleurs l’accès de tous à des services énergétiques fiables, durables et modernes à un coût abordable, qui correspond à l’objectif de développement durable (ODD) n° 7 de l’Agenda 2030. Les habitants des territoires ruraux, qui effectuent en moyenne 60 kilomètres aller-retour chaque jour pour aller travailler, en sont les premières victimes et n’ont aucune alternative à la voiture. Or, les véhicules dits propres se vendent encore à des prix prohibitifs pour les foyers aux revenus modestes. Selon votre rapport, des moyens importants sont consacrés par le Gouvernement à l’habitat. Deux tiers des dépenses fiscales rattachés au programme 174 vont ainsi à la rénovation énergétique des bâtiments. Qu’en est-il des déplacements ?

M. Jean-Marie Sermier. Je crains fortement que la transition énergétique ne se fasse sur le dos de nos concitoyens. J’en veux pour preuve l’évolution de la contribution au service public de l’électricité (CSPE) qui, de 4,50 euros par mégawatt il y a quelques années, est passée à 22,50 euros le mégawatt – un mégawatt, je le rappelle, c’est ce que consomme une ampoule allumée pendant une année. Pour nos concitoyens, le coût de l’électricité sera donc très élevé. J’en veux pour preuve le fait qu’en 2019, le produit de la CSPE s’élèvera à 7,8 milliards d’euros ! En même temps – l’expression est à la mode –, nous avons, en France, quatre centrales à charbon qui rejettent du CO2. Quand ces centrales seront-elles fermées ?

Mme Aude Luquet. Madame De Temmerman, dans votre rapport, vous souhaitez que nous élaborions, en nous inspirant du modèle finlandais, une nouvelle structure budgétaire qui prendrait en compte les ODD pour améliorer l’acceptabilité des mesures fiscales contraignantes prises en application de la trajectoire carbone. Comment envisagez-vous l’intégration des ODD dans les futures lois de finances ?

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Monsieur Maquet, monsieur Saddier, si je n’ai pas abordé la question des risques climatiques dans mon rapport, c’est parce que nous avions déjà choisi son orientation lorsque les inondations sont survenues dans l’Aude. Le Président de la République a annoncé la création d’un fonds de 80 millions d’euros pour venir en aide aux territoires sinistrés. Par ailleurs, il est nécessaire d’augmenter le « fonds Barnier ». Mais nous ne connaissons pas encore la déclinaison précise des annonces qui ont été faites. Quant à la loi du 30 décembre 2017 relative à l’exercice des compétences des collectivités territoriales dans le domaine de la gestion des milieux aquatiques et de la prévention des inondations, dite « loi GEMAPI », l’assouplissement apporté a appelé l’attention sur le rôle de l’État dans l’entretien des digues, dans le cadre de la continuité écologique d’un fleuve. Il s’agit de faire en sorte que les responsabilités soient partagées, notamment au plan financier, car cela représente une lourde charge pour les collectivités. Des mesures sont prises également pour que les aménagements hydrauliques et fonciers permettent de prévenir les inondations. En tout état de cause, nous partageons votre point de vue sur la nécessité de réviser à nouveau la loi « GEMAPI ». C’est regrettable, mais c’est ainsi : ce sont les catastrophes qui font progresser la loi.

Mme Jennifer De Temmerman, rapporteure pour avis. Monsieur Bricout, je me suis moi-même étonnée que le CITE n’ait pas été transformé en prime dès cette année. J’ai donc interrogé la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), qui m’a répondu que ce retard s’expliquait par des difficultés techniques. Mais l’idée n’est pas pour autant abandonnée, et un dispositif transitoire a été mis en place pour les ménages les plus précaires, via l’ANAH. Sur la question des portes et fenêtres, en revanche, je ne vous rejoins pas, car lors des auditions réalisées l’an dernier, de nombreuses personnes ont souligné l’existence d’un effet d’aubaine dans ce secteur. Il n’y a donc plus lieu d’inclure les portes et fenêtres dans le CITE.

Monsieur Demilly, je veux tout d’abord vous rappeler que 80 % de la hausse du prix du carburant est due à des facteurs géopolitiques et que le prix actuel est à peu près le même qu’en 2012. Quant à l’augmentation des taxes, elle s’explique par le fait que nous devons respecter la trajectoire carbone, voire l’accélérer, pour atteindre les objectifs de développement durable. Cela passe évidemment par la convergence des prix du gasoil et de l’essence. En ce qui concerne l’accompagnement des personnes les plus fragiles, nous attendons tous avec impatience le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM), que nous devrions examiner au cours du premier semestre 2019 et qui comportera, nous n’en doutons pas, des mesures de nature à accompagner ces personnes.

Monsieur Sermier, j’ai conscience des difficultés liées à la hausse des factures d’énergie dues à la CSPE. Des mesures transitoires ont été prises en faveur des ménages les plus précaires – je pense au chèque énergie. Mais ce ne sont que des mesures transitoires. Le véritable enjeu réside dans l’accélération de la rénovation énergétique des bâtiments – la meilleure énergie est celle qu’on ne consomme pas. Lorsque les bâtiments consommeront moins, les choses iront mieux.

Madame Luquet, je me réjouis que vous m’interrogiez sur les ODD. Je vous invite à rejoindre le groupe de travail que nous allons créer afin d’accompagner l’élaboration de la feuille de route. En Finlande, par exemple, le budget est aligné sur les objectifs de développement durable, qui sont d’ores et déjà inclus dans la maquette budgétaire. Il serait intéressant d’entamer notre réflexion par la lecture du rapport devant être remis par le Gouvernement en application de la loi du 13 avril 2015 visant à la prise en compte des nouveaux indicateurs de richesse dans la définition des politiques publiques, mais nous ne l’avons pas encore obtenu.

La commission en vient à l’examen des amendements.

Article 39 et état B : crédits du budget général de l’État

La commission examine, en discussion commune, les amendements II-CD73 de M. Vincent Descoeur, II-CD81 et II-CD82 de Mme Jennifer De Temmerman, rapporteure pour avis, II-CD72 de M. Vincent Descoeur et II-CD61 de M. Matthieu Orphelin.

M. Vincent Descoeur. L’amendement II-CD73 vise à traduire dans le PLF l’engagement du Président de la République de doubler l’enveloppe du Fonds chaleur, afin d’apporter le soutien nécessaire au développement de la chaleur renouvelable et de récupération, qui ne se développe pas à un rythme satisfaisant. Je rejoins ainsi la préoccupation de Mme Auconie qui remarquait que, le budget de l’ADEME n’augmentant pas, on pouvait s’interroger sur l’évolution des moyens consacrés à ce fonds.

Mme Jennifer De Temmerman, rapporteure pour avis. Le fait que plusieurs d’entre nous – appartenant, qui plus est, à des groupes différents – aient déposé des amendements sur le sujet montre que nous partageons la volonté de voir la France respecter la trajectoire qu’elle s’est fixée et réussir sa transition écologique.

Je suis inquiète, car l’ADEME s’est vu confier de nombreuses nouvelles missions, qu’il s’agisse du plan « Hydrogène » ou de la feuille de route sur l’économie circulaire. Il serait dommage qu’elle doive réduire la voilure dans ces domaines pour pouvoir abonder le Fonds chaleur. Je suis, pour ma part, favorable à un doublement direct de ce fonds. C’est pourquoi je propose, par l’amendement II-CD81, d’augmenter de 200 millions les crédits du programme « Prévention des risques » par une ponction sur le programme « Conduite et pilotage des politiques de l’écologie, du développement et de la mobilité durables ». Quant à l’amendement II-CD82, il constitue une solution de repli puisqu’il tend à n’augmenter ces crédits que de 100 millions.

M. Vincent Descoeur. L’amendement II-CD72 est de repli. Il tend à traduire dans le PLF l’engagement pris, cette fois-ci, par le ministre de la transition écologique et solidaire, qui a annoncé au Sénat que le montant des crédits du Fonds chaleur serait porté à 300 millions d’euros en 2019. Comme vous pouvez le constater, je multiplie les efforts pour rendre service à la majorité…

Mme Véronique Riotton. Manifestement, nous nous rejoignons tous. L’amendement de Mme De Temmerman est très ambitieux. Le nôtre, le II-CD61, vise, quant à lui, à abonder de 85 millions le programme 181 afin de porter les crédits du Fonds chaleur à 300 millions d’euros, conformément à l’annonce du ministre de la transition écologique et solidaire.

M. Jean-Charles Colas-Roy. Je comprends l’objet de ces amendements, mais Mme Brulebois a indiqué, tout à l’heure, que le ministre préciserait à la fin du mois, lors de la présentation de la PPE, les modalités selon lesquelles il souhaitait respecter l’engagement pris devant le Sénat. Dès lors, peut-être est-il souhaitable d’attendre ses annonces.

M. Matthieu Orphelin. Nous reparlerons de ce sujet en séance, mais je retiens pour l’heure la convergence de vues des rapporteures pour avis et des groupes sur la nécessité de progresser s’agissant du Fonds chaleur et des énergies renouvelables. Envoyons donc dès maintenant un signal clair à l’ensemble des acteurs – ce qui ne sera jamais que la traduction d’un engagement fort pris par le Gouvernement.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Mes chers collègues, le fait que vous soyez si nombreux à demander que l’on abonde les crédits de l’ADEME montre notre volonté et notre intérêt commun pour une transition énergétique réussie, qui se trouve au cœur des missions de cette agence.

Le Gouvernement s’est engagé devant la représentation nationale, au Sénat, le 2 octobre dernier, à porter les crédits du Fonds chaleur à 300 millions d’euros d’ici à 2019, dans le cadre de la PPE. Je pense que nous pouvons accorder notre crédit à la parole gouvernementale, qui est la traduction de la parole portée pendant la campagne présidentielle.

Il paraît toutefois difficile d’accepter des amendements visant à augmenter les crédits de l’ADEME en déplaçant des crédits d’autres programmes, car ils conduisent à privilégier une seule action, la transition énergétique, au détriment des autres actions de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », actions qui sont également essentielles, comme on vient de le voir – je pense notamment à la prévention des risques. Cela reviendrait, permettez-moi cette expression, à déshabiller Pierre pour habiller Paul. Et cela n’empêcherait sans doute pas Bercy de ponctionner le fonds de roulement de l’ADEME, comme cela a déjà été le cas par le passé…

Par ailleurs, l’argument consistant à dire, comme je l’ai lu dans un exposé sommaire, qu’une augmentation du budget permettrait de compenser le gel probable, du fait des élections, des investissements des collectivités locales en 2020, ne me semble pas recevable.

Enfin, certains amendements feraient tomber, du fait de leurs gages, d’autres amendements ultérieurs, tel celui relatif au chèque énergie.

C’est pourquoi je vous invite à retirer vos amendements pour les redéposer en séance publique, où vous pourrez redéployer votre argumentaire afin que le ministre puisse vous donner lui-même l’assurance de son engagement et vous en préciser les moyens.

Mme Jennifer De Temmerman, rapporteure pour avis. Mon discours sera différent.

Comme vous le soulignez, Madame Brulebois, la manière dont les mesures proposées sont gagées pose problème. Pour ma part, j’ai veillé à ne pas toucher aux dépenses de personnel, ce qui explique la complexité de mon dispositif, mais ce qui peut aussi en faire la force par rapport aux autres propositions.

L’enjeu est le suivant : comment la France va-t-elle atteindre les objectifs qu’elle s’est fixés dans la loi, si les moyens nécessaires ne sont pas votés ? Le ministre l’a dit lors de son audition : les dépenses sont contraintes et il faut faire preuve de sérieux, en mettant derrière chaque dépense une recette. Mais le cadre de la mission « Écologie » n’est pas forcément le bon ; les ressources nécessaires doivent être trouvées, certes, mais sur l’ensemble du budget. De ce point de vue, d’ailleurs, tous ceux qui ont déposé des amendements allant dans le même sens que moi auraient peut-être pu faire des propositions plus rigoureuses si l’architecture du budget avait été plus claire.

Cependant, tel n’est pas le fond du sujet. Il s’agit en réalité que le doublement soit opéré maintenant, et non l’année prochaine ou l’année suivante. Si l’effort ne porte pas sur le budget 2019, il sera trop tard. Quant à moi, j’estime recevable l’argument selon lequel les investissements des collectivités locales seront gelés en 2020. Le processus d’investissement s’inscrit dans un temps long : retarder son démarrage, c’est courir le risque d’arriver après la bataille.

Je pense donc qu’il faut débloquer dès maintenant 200 millions d’euros pour l’ADEME. Cela impliquera nécessairement des arbitrages compliqués, mais la transition écologique doit rester un cap prioritaire. Je vous invite donc, chers collègues, à adopter mon amendement. Ainsi, le ministre d’État aura le temps de préparer sa réponse d’ici à la séance.

La commission adopte l’amendement II-CD73.

En conséquence, les autres amendements en discussion commune tombent.

La commission examine ensuite l’amendement II-CD64 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement vise à ajouter 30 millions d’euros au plan de déploiement de l’hydrogène pour la transition énergétique. Ce plan a été annoncé en juillet dernier par le Gouvernement, qui a égrené une kyrielle d’actions structurantes et ambitieuses, en visant un soutien public de 100 millions d’euros par an dès 2019. Ce soutien annuel serait poursuivi les années suivantes, en fonction de la réussite des premières années.

En examinant les différents documents budgétaires, je ne retrouve pas, pour l’instant, ces 100 millions d’euros. Si l’on additionne le programme très ambitieux que vient de lancer l’ADEME, mais doté pour l’heure d’environ 20 millions d’euros seulement – un appel à projets a été lancé la semaine dernière – et les 50 millions d’euros d’avances remboursables prévues dans le Grand Plan d’investissement (GPI), on constate qu’il manque au moins 30 millions d’euros pour parvenir aux 100 millions annoncés.

Cet amendement vise donc à engager la discussion avec le Gouvernement sur la concrétisation de son engagement à trouver 100 millions d’euros par an. Un tel effort paraît indispensable, étant donné l’ensemble des actions envisagées dans le plan de déploiement de l’hydrogène, plan sur lequel nous devons exercer notre rôle de contrôle de l’action du Gouvernement.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Le financement du plan « Hydrogène » est effectivement essentiel dans le cadre du développement des mobilités propres. Sur le fond, on ne peut donc que souscrire à cette idée.

Cependant, j’émettrai un avis réservé. D’abord, en raison de la ponction sur l’action 03 à laquelle conduirait l’adoption de cet amendement.

En outre, le financement actuel du fonds « Hydrogène » est suffisant, ce fonds étant doté de 50 millions d’euros sur cinq ans, auxquels s’ajoutent 50 millions d’euros au titre du PIA.

Je vous invite donc à retirer votre amendement.

M. Matthieu Orphelin. Nous connaissons tous la mécanique du gage, et je ne voudrais pas qu’il y ait d’ambiguïté sur le fait que personne ne gage son amendement par plaisir : c’est tout bonnement la seule solution à notre disposition.

Le Gouvernement avait pris l’engagement, dans un document de juillet dernier, de financer à hauteur de 100 millions d’euros le plan « Hydrogène » sous la forme de soutiens publics. Je rappelle que d’autres pays européens, ainsi que le Japon, ont investi des montants plus importants. Je vais retirer mon amendement, mais pour en rediscuter en séance avec le Gouvernement, car il est important que les engagements pris soient tenus.

Sans rechercher la polémique, je redis que, si l’on suit l’allocation des moyens publics de recherche en France sur les dix dernières années, on constate que l’énergie nucléaire reçoit autant d’argent que toutes les énergies renouvelables confondues.

L’amendement est retiré.

La commission examine l’amendement II-CD62 de M. Matthieu Orphelin.

M. Matthieu Orphelin. Cet amendement vise à ouvrir, au profit des ménages ruraux, la possibilité d’une bonification du chèque énergie les années où le prix du pétrole est élevé.

Lorsque le prix du baril est élevé, il faut en effet plus de mesures redistributives. Le Gouvernement a déjà annoncé la semaine dernière une prime à la conversion automobile, et je m’en félicite. De même, le soutien au changement des chaudières au fioul va dans le bon sens.

Je pense qu’il faut aller plus loin et ajouter une mesure supplémentaire, à savoir cette bonification ponctuelle du chèque énergie, au profit des ménages en situation précaire vivant en zone rurale. Cela représente un redéploiement de 50 millions d’euros.

Mme Jennifer De Temmerman, rapporteure pour avis. Je suis un peu mal à l’aise pour vous répondre, car j’ai cosigné l’amendement pour me rendre compte, après coup, qu’il ne s’applique pas au bon programme budgétaire, mais au  programme 345.

Nous sommes donc devant une alternative : soit nous l’adoptons avec cette imperfection, pour envoyer un signal fort, car la hausse du prix du gaz va neutraliser l’augmentation du chèque énergie, soit vous le retirez et nous le retravaillerons pour le faire porter sur le bon programme budgétaire – l’action 02 du programme 345, pour être précise.

L’amendement est retiré.

La commission examine ensuite, en discussion commune, les amendements II-CD74 de Mme Mathilde Panot et II-CD75 de M. Loïc Prud’homme.

Mme Mathilde Panot. Je réponds d’abord au propos préliminaire tenu tout à l’heure par Mme la rapporteure pour avis : non, à nos yeux, il ne s’agit pas du tout d’abandonner la gestion des déchets nucléaires. L’ANDRA perçoit déjà des taxes affectées auxquelles on ne peut pas toucher, dont une taxe « Recherche » plafonnée à 65 millions d’euros dans le PLF et une taxe « Conception » dont le produit est estimé à 149 millions d’euros en 2019. Or, si l’on regarde le projet et les financements de l’ANDRA, on constate que ses personnels sont payés par les exploitants des installations nucléaires.

L’amendement II-CD74 porte sur le renforcement de la prévention des risques. J’ai déjà évoqué les réductions d’emplois à Météo France, mais on doit aussi s’alarmer du manque de moyens dont souffrent actuellement les communes pour entretenir leurs ouvrages d’art – en un mot, de la perte d’expertise publique. Il nous semble donc important de donner plus de moyens à Météo France.

L’amendement II-CD75 vise à faire respecter les dispositions de la loi de 2015 relatives à la transition énergétique qui ont trait à la rénovation des passoires énergétiques et aux 4,5 millions de ménages en situation de précarité énergétique. Il faut, là aussi, mettre des moyens supplémentaires.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Je ne suis pas favorable à ces amendements qui visent à supprimer des moyens alloués à l’ANDRA, car cette agence joue un rôle important dans la gestion des déchets radioactifs, pour laquelle la commission d’enquête animée par Mme Barbara Pompili a dessiné quelques pistes.

Je partage, cela dit, votre souhait d’augmenter les moyens humains dans le domaine de la prévention des risques. Aussi ai-je déposé un amendement en ce sens, en particulier pour abonder le programme 217.

La commission rejette successivement les amendements.

Elle examine ensuite l’amendement CD80 de Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à augmenter de 5 millions d’euros les crédits de l’ANSES destinés à financer les appels à projets.

L’ANSES nous alerte sur le fait que les risques émergents demandent une recherche de plus en plus experte. Elle a notamment identifié des risques sanitaires liés à l’économie circulaire, s’agissant par exemple du retraitement des pneus – vous avez tous entendu parler, je pense, des stades et des pistes synthétiques faits à base de pneus usagés. Dans un autre domaine, celui de la lutte contre les espèces invasives, la recherche est une entreprise toujours recommencée, car on croit souvent trouver des solutions qui finalement n’en sont pas…

Je propose que ces crédits nouveaux soient compensés par un prélèvement du même montant sur l’action 52 « Transport aérien » du programme 203 « Infrastructures et services de transport ».

M. Jean-Charles Colas-Roy. Avez-vous mesuré l’impact d’un tel prélèvement sur les dépenses financées par ce programme ?

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Il s’agit seulement du gage. Cet amendement est un amendement d’appel, mais il vise aussi à sensibiliser l’opinion à la question des moyens à investir dans la recherche en matière de prévention des risques. Nous avons besoin d’experts, de techniciens et d’ingénieurs ayant une compétence aiguë de ces risques émergents, liés entre autres aux effets « cocktail » provoqués par les mélanges de substances. Il faut vraiment insister sur la recherche dans ce domaine.

La commission rejette l’amendement.

Elle examine ensuite l’amendement II-CD79 de Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis.

Mme Danielle Brulebois, rapporteure pour avis. Cet amendement a trait, lui aussi, à la prévention des risques. Les inspecteurs des installations classées doivent davantage pouvoir se déplacer sur le terrain s’ils veulent remplir leur mission convenablement, et ont en outre un important rôle d’accompagnement. Ils m’ont notamment signalé l’insuffisance des moyens consacrés à leur formation, dispensée à Paris alors qu’ils sont affectés dans toute la France. Il est pourtant essentiel qu’ils puissent mettre à jour leurs connaissances.

Je vous propose donc d’augmenter de 10 millions d’euros les crédits de paiement du programme 217 consacrés aux personnels œuvrant aux politiques du programme de prévention des risques.

La commission rejette l’amendement.

M. Alain Perea, président. Le vote sur les crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » n’aura lieu que demain, lorsque nous aurons achevé d’entendre l’ensemble de nos rapporteurs pour avis.

Article 41 : Crédits du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique »

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits du compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ».

 

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*     *

Lors de sa réunion du mercredi 31 octobre 2018, suivant lavis favorable des rapporteurs pour avis M. Yannick Haury, M. Damien Pichereau, Mme Zivka Park, Mme Danielle Brulebois, Mme Jennifer De Temmerman et M. Jimmy Pahun, la commission du développement durable et de laménagement du territoire a émis un avis favorable à ladoption des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », Mme Mathilde Panot, rapporteure pour avis, exprimant un avis défavorable.

 

 

 


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   liste des personnes auditionnées

(par ordre chronologique)

Amorce

– M. Nicolas Garnier, délégué général

CLER

– M. Lebrun Jean-Baptiste, directeur

Négawatt

– M. Yves Marignac, porte-parole de l’association

Fédération des services énergie environnement (FEDENE)

– M. Dominique Kieffer, membre du comité exécutif

– M. Ghislain Eschasseriaux, délégué général

– M. Frédéric Gharbi-Mazieux, responsable des affaires institutionnelles, juridiques et territoriales

– M. Nicolas Trouvé, consultant

Smart Energy French Clusters

– M. Gérard Le Bihan, directeur général du pôle Images et Réseaux

– Mme Anne-Marie Perez, directrice générale du pôle Capenergies

– M. Jean-Marc Molina, secrétaire général

Direction générale de lénergie et du climat (DGEC)

– M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat

Coénove

– M. Bernard Aulagne, président

– Mme Florence Lievyn, déléguée générale

– M. Simon Lalanne, consultant Boury Tallon & Associés

Agence nationale de lenvironnement et de la maîtrise de lénergie (ADEME)

– M. Arnaud Leroy, président

– M. Fabrice Boissier, directeur général délégué

Syndicat des énergies renouvelables (SER)

– M. Jean-Louis Bal, président

– M. Alexandre Roesch, délégué général

– Mme Delphine Lequatre, responsable du service juridique

– M. Alexandre de Montesquiou, consultant

UFC - Que Choisir ?

– M. Nicolas Mouchnino, chargé de mission énergie

– M. Guilhem Fenieys, chargé de mission relations institutionnelles

EDF

– M. Bernard Salha, directeur technique groupe et directeur de la R&D

– M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques

ENGIE

– M Jean-Baptiste Séjourné, directeur Régulation

– M. Etienne Giron, délégué aux affaires réglementaires

– Mme Mercedes Fauvel Bantos, déléguée aux relations avec le Parlement

Association française pour lhydrogène et les piles à combustible (AFHYPAC)

– M. Philippe Boucly, président

– M. François Le Naour, vice-président

– Mme Christelle Werquin, déléguée générale

GRDF

– M. Bertrand de Singly, délégué stratégie

– Mme Muriel Oheix, chargée des relations institutionnelles et parlementaires

Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (CEREMA)

– M. Pascal Berteaud, directeur général

– M. David Chupin, directeur scientifique et technique et des relations européennes et internationales

Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs (ANGDM)

– M. Michel Pascal, directeur général

– M. François Baudet, directeur général adjoint

Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST)

– M. Cédric Villani, Premier Vice-Président.

 


([1]) IPCC, Special report on the impacts of global warming of 1.5°C above pre-industrial levels and related global greenhouse gas emission pathways, in the context of strengthening the global response to the threat of climate change, sustainable development, and efforts to eradicate poverty, Summary for policymakers, 6th october 2018.

([2]) Programme de développement durable à l’horizon 2030, résolution adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations-Unies le 25 septembre 2015.

([3]) Rapport de Bruno Fuchs et Raphaël Schellenberger n° 1239 sur le site de stockage souterrain de déchets Stocamine, notamment pages 39, 60, 70 et 71.

([4]) Rapport de Bruno Fuchs et Raphaël Schellenberger n° 1239 sur le site de stockage souterrain de déchets Stocamine, notamment pages 39, 60, 70 et 71.

([5]) Décret n° 2016-1442 du 27 octobre 2016 relatif à la programmation pluriannuelle de l’énergie.

([6]) Plan prévu à l’article 64 de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, établi pour une durée de 5 ans dans le but de réduire les émissions de polluants atmosphériques pour améliorer la qualité de l’air et ainsi réduire l’exposition des populations aux pollutions atmosphériques. En conformité avec la directive 2016/2284 du 14 décembre 2016, le décret n° 2017-949 du 10 mai 2017 fixe les objectifs nationaux de réduction des émissions de certains polluants atmosphériques pour les années 2020, 2025 et 2030.

([7]) Les intérêts de la dette sont remboursés par l’intermédiaire du programme 345 « Service public de l’énergie ».

([8]) Contrats d’achat de l’électricité produite à partir d’EnR avec les producteurs éligibles et contrats de complément de rémunération avec les entreprises bénéficiaires.

([9]) Réductions n° 800210, n° 800207, 800212, 800208, 800216, 800114, 800211, 800115 et 800103.

([10]) Directives 2003/96/CE du Conseil du 27 octobre 2003 restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité et 2008/118/CE du Conseil du 16 décembre 2008 relative au régime général d’accise et abrogeant la directive 92/12/CEE

([11]) Rapport n° 1055 de M. Julien Aubert sur l’annexe n° 18 du projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017.

([12]) Les économies d’énergie réalisées dans le cadre des CEE sont exprimées en TWh cumac, unité qui correspond à 109 kWh (le terme « cumac » correspond à la contraction de « cumulés » et « actualisés »). Les 1 600 TWh cumac se décomposent comme suit : 1 200 TWh cumac pour le dispositif classique et 400 TWh cumac de CEE précarité.

([13]) IPCC, Special report on the impacts of global warming of 1.5°C above pre-industrial levels and related global greenhouse gas emission pathways, in the context of strengthening the global response to the threat of climate change, sustainable development, and efforts to eradicate poverty, Summary for policymakers, 6th october 2018.

([14]) Programme de développement durable à l’horizon 2030, résolution adoptée par l’Assemblée générale de l’Organisation des Nations unies le 25 septembre 2015.

([15]) Philippe Bolo, Avis n° 264 rectifié, sur le projet de loi de finances pour 2018, tome VII « Écologie, développement et mobilités durables », « Énergie » ; Seconde partie : La digitalisation du monde de lénergie.

([16]) Notamment : note n° 1 Les objets connectés, mars 2018 ; note n° 6 La rénovation énergétique des bâtiments, juillet 2018 ; rapport n° 1092 de Valéria Faure-Muntian, Claude de Ganay et Ronan Le Gleut Comprendre les blockchains : fonctionnement et enjeux de ces nouvelles technologies ; rapport n° 672 de Cédric Villani, Gérard Longue et Célia de Lavergne sur les enjeux des compteurs communicants etc.

([17]) Les blockchains, ou « chaînes de blocs », sont « des technologies de stockage et de transmission d’informations, permettant la constitution de registres répliqués et distribués, sans organe central de contrôle, sécurisés grâce à la cryptographie, et structurés par des blocs liés les uns aux autres, à intervalles de temps réguliers » selon le rapport n° 1092 de l’OPECST précité.

([18]) OPECST, note n° 6 La rénovation énergétique des bâtiments, juillet 2018 précitée.

([19]) International Energy Agency, Digitalization & Energy, 2017 : https://www.iea.org/publications/freepublications/publication/DigitalizationandEnergy3.pdf

([20]) OPECST, note n° 1 Les objets connectés, mars 2018 précitée.

([21]) Rapport n° 1092 de Valéria Faure-Muntian, Claude de Ganay et Ronan Le Gleut Comprendre les blockchains : fonctionnement et enjeux de ces nouvelles technologies.

([22]) « Valorisation socio-économique des réseaux électriques intelligents », sous la conduite de RTE : https://www.rte-france.com/sites/default/files/rei_bd_1.pdf.

([23]) op. cit.

([24]) Arrêté du 21 décembre 2016 portant publication de la stratégie nationale de recherche énergétique. La stratégie est consultable sur le site du ministère de la transition écologique et solidaire : https://www.ecologique-solidaire.gouv.fr/sites/default/files/SNRE%20vf%20d%C3%A9c%202016.pdf

([25]) Dix-neuf organismes de recherche et innovation et conférences d’établissement d’enseignement supérieur coopèrent dans le cadre de l’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (ANCRE). Six partenaires coopèrent dans le cadre de l’Alliance des sciences et technologies du numérique (Allistène).

([26]) M. Gérard Menuel, Avis sur le projet de loi de finances pour 2018 (n° 266 rectifié), tome X « Recherche et enseignement supérieur », « Recherche dans les domaines du développement durable, de la gestion des milieux et des ressources » ; II.A. : Construire un mix énergétique plus durable.

([27]) Communication de la Commission au Parlement européen, au Conseil, au Comité économique et social européen et au Comité des régions, Technologies et innovations énergétiques, COM(2013) 253 final, du 2 mai 2013.

([28]) Institué en 2004, le dispositif entre actuellement dans une troisième phase ayant pour priorité de faire des pôles de véritables « usines à projets », afin de faire davantage aboutir les travaux collaboratifs de R&D à la mise sur le marché de produits, procédés et services innovants.

([29]) Entre 2006 et 2018, les appels à projets du FUI ont contribué au soutien de plus de 1 800 projets, pour un montant de dépenses de R&D de 7,5 milliards d’euros et un financement public de 3 milliards d’euros, dont 1,7 milliard d’euros de l’État. Une part importante, 25 à 30 % des crédits État du FUI, est régulièrement affectés à des projets portant sur des thématiques de transition écologique et énergétique.

([30])  Un microgrid est un micro-réseau « composé d’un ou plusieurs générateurs (installations de production d’électricité de sources renouvelables variables, mais également installations de production conventionnelles), d’installations de stockage d’énergie, de charges, de moyens de réglage, de système de compensation et de systèmes d’informations » selon la page Internet « Smart grids » du site internet de la Commission de régulation de l’énergie : http://www.smartgrids-cre.fr/index.php?p=microgrids-fondamentaux-technico-economiques

([31]) La notion est présentée dans l’avis de M. Bolo, op. cit.

([32])  Espace de stockage dans lequel on déverse les données provenant de systèmes internes et externes pour en tirer de la connaissance, des prévisions et des actions, selon O. Boussaid : http://eric.univ-lyon2.fr/~boussaid/wp-content/uploads/2017/03/1-Cours-Data-Lakes-2017.pdf

([33]) Rapport n° 1092 de Valéria Faure-Muntian, Claude de Ganay et Ronan Le Gleut Comprendre les blockchains : fonctionnement et enjeux de ces nouvelles technologies, op. cit.

([34]) http://assnat.fr/JsoftM