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N° 1288

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 octobre 2018.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255)

TOME VIII

ÉCONOMIE

COMMERCE EXTÉRIEUR

PAR M. Antoine HERTH

Député

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 Voir les numéros : 1255 et 1302 (Tome III, annexe 21).

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

PREMIÈRE PARTIE : analyse des crédits

I. les crÉdits de laction n° 7 du programme 134, destinÉs À lopÉrateur Business France

II. les crÉdits de laction n° 7 du programme 134, destinés À la rÉmunÉration de Bpifrance assurance export au titre de ses prestations rÉalisÉes pour le compte de lÉtat

III. les crÉdits de laction n° 7 du programme 134 relatifs aux ÉvÉnements contribuant au dÉveloppement de lÉconomie française À linternational, notamment dans le cadre de la prÉsidence française du g7 de 2019

deuxiÈme partie : analyse thÉmatique

I. la rÉforme de laccompagnement À lexport : un essai À transformer

A. la team France export : une simplification bienvenue pour fluidifier le parcours À lexport

B. le rôle nouveau confiÉ aux rÉgions : des compÉtences À conforter

C. la plateforme des solutions : un outil À mettre au service des exportateurs

II. lagriculture et lagroalimentaire : un potentiel À exploiter

A. Lagriculture et lagroalimentaire : un poids immense dans le commerce extérieur français, aujourdhui potentiellement remis en cause

1. Le troisième excédent commercial de la France mais de grandes variations selon les filières

a. Un poids important et des débouchés qui se diversifient

b. Des situations contrastées selon les filières

2. Le constat : des pertes de parts de marchés et une concurrence de plus en plus rude de nouveaux États

a. Des pertes de marché généralisées depuis le début des années 2000

b. Des faiblesses structurelles

B. des premières mesures À accentuer

1. Renforcer laccompagnement institutionnel et privé

a. Le rôle de Business France : des prestations à adapter aux besoins des exportateurs agricoles et agroalimentaires

b. Le rôle des régions : accompagner les entreprises au plus près de leurs besoins

c. Le rôle des interprofessions : porter une stratégie commune

i. Développer une véritable stratégie dinternationalisation par ladaptation des produits à la demande internationale

ii. Structurer loffre pour davantage de visibilité

2. Dans le prolongement des États généraux de lalimentation : mettre en avant la qualité du modèle français

a. Mettre en avant la qualité de la production française

b. Mener rapidement une réflexion sur la « marque France »

3. Mettre en œuvre des réformes structurelles et politiques

a. Investir dans la logistique

b. Améliorer la compétitivité prix

c. Promouvoir les intérêts français dans les négociations commerciales

d. Lever les barrières non tarifaires

Conclusion

EXAMEN EN commission

Liste des personnes auditionnées

liste des contributions écrites reçues


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   introduction

Le commerce extérieur est un enjeu essentiel pour la croissance de l’économie française. La France est aujourd’hui le sixième exportateur mondial de biens et services, et les exportations s’élèvent à près de 30 % de son produit intérieur brut (PIB). Si l’Union européenne représente encore 60 % des échanges, le poids des pays hors Union européenne croît. La part de la France dans les exportations mondiales de biens se situe autour de 3 %.

Si la mesure de cet enjeu semble avoir été prise, l’année 2017 témoigne pourtant d’une dégradation des résultats du commerce extérieur.

Ainsi, selon les données publiées par la Banque de France et les douanes, ce déficit des biens et services pour l’année 2017 s’établit à 38,3 milliards d’euros (Md€) soit 1,7 % du PIB, contre 26,8 Md€ en 2016 ([1]).

Le déficit des seuls échanges de biens au sens des douanes connaît la hausse la plus importante depuis 2011. Il atteint 62,3 Md€ en 2017 (65,6 Md€ après corrections et ajustements de la Banque de France) après 48,3 Md€ en 2016. Cette détérioration résulte essentiellement d’une augmentation des importations, plus rapide que celle des exportations. Certes, les exportations ont augmenté de 20,3 Md€ par rapport à 2016 et atteignent la somme de 473,2 Md€ (+ 4 %). La hausse concerne en particulier les produits chimiques et cosmétiques, les véhicules automobiles, la métallurgie, les biens d’équipement et les produits de l’industrie agroalimentaire. Toutefois, en parallèle, les importations continuent de croître, à un rythme bien plus élevé que l’an passé (+ 6,8 %), en raison de la hausse des achats énergétiques mais également des importations automobiles, de produits métallurgiques, de biens d’équipement et de produits agroalimentaires.

Le négoce international et les services affichent quant à eux des excédents respectifs de 21,9 Mds€ (contre 22,2 Md€ en 2016) et de 5,4 Md€ (contre 0 en 2016) ([2]).

Pour l’année 2018, le déficit des biens et services pourrait continuer d’augmenter. Les données disponibles à la date de publication de ce rapport estiment le déficit des biens et services à 13,6 Md€ au premier semestre 2018, contre 8,9 Md€ au second semestre 2017 ([3]).

 

Échanges de biens et services (en Md€)

Source : Douanes

C’est pourquoi, il est aujourd’hui plus que nécessaire d’agir pour relancer nos exportations.

À cet égard, plusieurs éléments apparaissent prometteurs, sur lesquels votre rapporteur a souhaité se pencher :

– un élément transversal, d’abord, celui de l’accompagnement à l’export. En effet, les professionnels se sont, à de nombreuses reprises ces dernières années, montrés insatisfaits d’un écosystème de soutien foisonnant mais trop complexe et difficile d’accès pour être pleinement efficace. Une réforme d’envergure du dispositif est en cours, dont il s’agit d’analyser dans quelle mesure elle répond aux attentes des exportateurs ou exportateurs potentiels ;

– un élément sectoriel ensuite. En effet, un segment apparaît prometteur, quoique trop souvent délaissé : celui des filières agricole et agroalimentaire. En 2017, l’agriculture et les industries agroalimentaires constituent le 3ème excédent commercial de la France, qui est aujourd’hui le 6ème exportateur agroalimentaire mondial de ces produits. Pourtant, ces filières sont en difficulté et leurs parts de marché s’érodent d’année en année, alors même que la France a des avantages comparatifs majeurs à faire valoir. C’est pourquoi, il est indispensable de réfléchir à leur valorisation.

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*     *

Au terme de son analyse, votre rapporteur émet un avis de sagesse à ladoption des crédits de la mission « Économie » pour ce qui concerne le commerce extérieur.


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   PREMIÈRE PARTIE : analyse des crédits

Comme les années précédentes, les crédits destinés au financement et au soutien du commerce extérieur de la France sont essentiellement rassemblés au sein du programme 134 « Développement des entreprises et régulations » de la mission « Économie », et en particulier de son action n° 7, « Développement international des entreprises et attractivité du territoire ».

Les politiques publiques inscrites sur le programme 134 visent à développer la compétitivité des entreprises et à favoriser un environnement économique propice à la croissance et à l’emploi. Elles s’articulent désormais autour de trois objectifs stratégiques larges, mais étroitement liés à la question du commerce extérieur : améliorer la compétitivité des entreprises françaises ; améliorer le soutien des entreprises à l’exportation ; réguler et sécuriser les marchés.

Au sein du programme 134, l’action n° 7 « Développement international des entreprises et attractivité du territoire » concentre les moyens consacrés au commerce extérieur. Cette action finance l’activité de Business France, ainsi que la rémunération de Bpifrance Assurance Export au titre de la gestion des garanties publiques à l’export pour le compte de l’État. Une évolution est toutefois notable en 2019, dans la mesure où cette action aura désormais également la charge de financer les événements contribuant au développement de l’économie française à l’international et à l’attractivité de la France, ainsi que les réunions spécifiques à la filière « Finances » dans le cadre de la présidence française du G7.

En 2019, les crédits alloués à l’action n° 7 du programme 134 s’élèvent à 150,9 millions d’euros (M€) en autorisations d’engagement et à 150,9 M€ en crédits de paiement. Ces crédits sont en baisse par rapport à l’année 2018, où ils s’élevaient à 154 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement (soit une diminution de près de 2 % en un an, après une diminution de près de 10 % entre 2017 et 2018), et ce alors même que le périmètre de l’action augmente. Votre rapporteur regrette cette nouvelle diminution des crédits, lorsque le soutien au commerce extérieur demeure essentiel pour relancer léconomie française.

I.   les crÉdits de l’action n° 7 du programme 134, destinÉs À l’opÉrateur Business France

Pour la quatrième année consécutive, la majorité des crédits de l’action n° 7 du programme 134 est consacrée à l’opérateur Business France.

Ainsi, en 2019, 92,76 M€ d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement seront versés à l’opérateur, sous forme d’une subvention pour charges de service public, destinée à couvrir les frais relatifs à la conduite de la mission de service public qui lui est confiée par l’État. Cette mission consiste à déployer une stratégie destinée à promouvoir l’internationalisation de l’économie française et recherchant :

– le développement international des entreprises, en particulier les petites et moyennes entreprises (PME) et les établissements de taille intermédiaire (ETI), et de leurs exportations sur les marchés internationaux ;

– la gestion, la promotion et le développement du volontariat international en entreprises (VIE) ;

– le développement de projets d’investissements étrangers en France par la détection de projets et la prospection d’investisseurs étrangers ;

– la promotion de l’image économique de la France et de ses territoires à l’international.

Les crédits alloués à l’opérateur sont en baisse de 2,5 M€, soit un peu moins de 2,7 % par rapport à 2019, passant de 95,3 M€ à 92,76 M€. Cette diminution fait suite à une précédente réduction de 2,8 % entre 2016 et 2017, mais également à un mouvement de baisse constant engagé depuis 2015 : la subvention était de 105,4 M€ en 2015, 101,3 M€ en 2016, 98,1 M€ en 2017 et 95,3 M€ en 2018, soit une diminution de plus de 10 % en 4 ans. De plus, le plafond d’emplois de Business France diminue également, de 20 équivalents temps plein travaillés (ETPT) par rapport à 2017, pour être porté à 1 493 ETPT. Votre rapporteur déplore cette réduction des moyens humains et financiers, qui, même si elle semble ralentir en 2019, ne sinverse pas pour autant.

Cette réduction de la subvention est d’autant plus préoccupante qu’elle entraîne un recours croissant de Business France à la facturation de ses prestations, à titre de « compensation ». Ainsi, la part représentée par les ressources propres dans le budget de l’opérateur est passée de 41 % en 2015 à 49 % en 2017. L’accent mis sur la recherche de ressources propres, en raison de la réduction des moyens alloués par l’État à l’opérateur, pourrait entraver l’efficacité de l’accompagnement à l’export des plus petites entreprises françaises – pourtant les plus nombreuses parmi les exportateurs, et celles qui ont le besoin le plus grand de cet accompagnement. Vis-à-vis de ces entreprises, Business France devrait au contraire mettre l’accent sur une approche « service public » et appliquer une tarification différenciée pour les plus fragiles d’entre elles.

En outre, en 2019, Business France sera au cœur d’un projet de réforme de l’accompagnement à l’export, vers davantage de simplicité et de fluidité, qui, selon votre rapporteur, ne peut être opéré convenablement si les moyens se réduisent.

Le nouveau contrat d’objectifs 2018-2022 de Business France

Un nouveau contrat d’objectifs est en cours d’élaboration pour la période 2018-2022, qui devrait accompagner l’opérateur Business France dans la mise en œuvre de la réforme stratégique de l’ensemble de l’écosystème d’accompagnement à l’internationalisation des entreprises.

L’État s’engagera sur une trajectoire d’évolution de la subvention sur cette période. Cette trajectoire devrait prévoir une réduction maximale de 2,5 M€ par an de la subvention prévue au programme 134 ainsi qu’une réduction globale de 91 équivalents temps plein entre 2018 et 2022. En parallèle, Business France s’engagera sur la poursuite d’efforts et sur les résultats de politique publique.

Votre rapporteur regrette cette réduction annoncée des moyens de Business France pour la période courant jusqu’en 2022, alors que les déficits commerciaux s’accentuent et qu’une action forte est désormais indispensable.

Business France reçoit, par ailleurs, une subvention pour charges de service public provenant du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » de la mission « Cohésion des territoires » piloté par le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET), d’un montant de 5,77 M€. Ce montant est stable par rapport à l’année 2018. Il est toutefois en baisse de 4,1 % par rapport à l’année 2016, où il s’élevait à 6,02 M€.

L’organisme reçoit, enfin, une subvention du ministère de l’agriculture et de l’alimentation au titre de la reprise des activités de Sopexa, versée à partir du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture » de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Cette subvention s’élève à 3,2 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

II.   les crÉdits de l’action n° 7 du programme 134, destinés À la rÉmunÉration de Bpifrance assurance export au titre de ses prestations rÉalisÉes pour le compte de l’État

En 2019, le périmètre de l’action n° 7 du programme 134 conserve, en son sein, la rémunération de Bpifrance Assurance Export, la filiale de Bpifrance qui assure la gestion des garanties publiques au commerce extérieur pour le compte de l’État ([4]). Ces garanties étaient gérées, jusqu’en 2016, par la Compagnie française d’assurances pour le commerce extérieur (Coface). Le transfert, prévu par la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015, est effectif depuis le 31 décembre 2016.

Bpifrance Assurance Export octroie, pour le compte de l’État, différents types d’assurances et de garanties à l’international dont les principales sont l’assurance-crédit, l’assurance investissement, l’assurance prospection, la garantie du risque exportateur et la garantie de change. En 2019, dans le cadre d’une réforme des garanties à l’export, Bpifrance Assurance Export distribuera également une nouvelle garantie destinée au financement de projets considérés comme stratégiques pour l’économie nationale, lorsque le bouclage financier de ces projets ne pourrait se faire en son absence.

Le montant versé à Bpifrance Assurance Export au titre de la gestion de garanties réalisées pour le compte de l’État s’élève, en 2019, à 52,04 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Il enregistre une baisse importante par rapport à l’année 2018, où il s’élevait à 58,6 M€ en autorisations d’engagement et à 59 M€ en crédits de paiement, alors même que le périmètre des garanties proposées s’accroît. Cette réduction est toutefois justifiée par la remise d’un rescrit de la direction de la législation fiscale, confirmant que Bpifrance Assurance Export, en tant qu’intermédiaire d’assurance, est exonérée d’une taxation sur la valeur ajoutée (que l’État s’était engagé à compenser si l’organisme en avait été redevable).

III.   les crÉdits de l’action n° 7 du programme 134 relatifs aux ÉvÉnements contribuant au dÉveloppement de l’Économie française À l’international, notamment dans le cadre de la prÉsidence française du g7 de 2019

En 2019, l’action n° 7 s’élargit d’une nouvelle catégorie de dépenses, absente les années précédentes, correspondant à l’organisation d’événements en faveur du développement à l’international des entreprises françaises et de l’attractivité du territoire. Elles s’élèvent à 6,1 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement.

Elles financeront, notamment, la préparation de l’Exposition universelle de 2020. Cette exposition aura lieu à Dubaï du 20 octobre 2020 au 10 avril 2021 sur le thème « Connecter les esprits, construire le futur ». La France y disposera d’un espace d’environ 4 700 m². L’État a, dans ce cadre, confié à la compagnie française des expositions (COFREX), le mandat d’assurer l’exécution du pavillon. La participation du ministère de l’économie et des finances à ce projet, s’élèvera à 6 M€ pour la période 2018-2021, dont 2,4 M€ pour 2019 qui permettront notamment de financer les premiers contrats conclus par la COFREX ainsi que les dépenses de fonctionnement de la structure.

Un montant de 3,4 M€ sera alloué à l’organisation des événements dans le cadre de la filière « Finances » de la présidence française du G7 de 2019. Ces crédits financeront l’organisation des réunions au niveau des ministres ainsi que des événements, séminaires et ateliers spécifiques à la filière « Finances » et relevant du ministère de l’économie et des finances.

Enfin, une somme de 0,3 M€ couvrira la participation du ministère de l’économie et des finances à différents événements concourant au développement à l’international des entreprises françaises et de l’attractivité du territoire.


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   deuxiÈme partie : analyse thÉmatique

Face à la dégradation des résultats du commerce extérieur français, des mesures doivent être prises rapidement.

La première, transversale, consiste à améliorer le dispositif d’accompagnement des entreprises à l’export. Une réforme d’ampleur est en cours, qui associe les différentes structures publiques, et qu’il convient d’analyser. En effet, nombreuses sont, aujourd’hui encore, les entreprises qui regrettent un dispositif d’accompagnement foisonnant, mais trop complexe et diffus pour être efficace et atteindre ses objectifs. Ainsi, selon un sondage réalisé en juin 2016 ([5]) par OpinionWay pour CCI International, qui, certes, date un peu mais dont les résultats sont parlants, 64 % des entreprises interrogées n’étaient en mesure de citer aucun organisme accompagnant les entreprises dans leur développement à l’international et Business France n’était mentionné que par 8 % des entreprises interrogées. Les efforts de clarification et de diffusion de l’information sur les responsabilités de chaque organisme de soutien doivent donc être poursuivis, car une trop faible connaissance des dispositifs peut conduire à un fort taux de non‑recours. Cette clarification, notamment au niveau local, constitue l’un des principaux enjeux identifiés par le ministère des affaires étrangères et Business France pour les mois à venir.

La seconde mesure, sectorielle, consiste à développer le potentiel à l’export de filières, celles de l’agriculture et de l’agroalimentaire, à la fois particulièrement prometteuses et pourtant en difficulté. En effet, l’agriculture et l’agroalimentaire sont des enjeux essentiels au développement du commerce extérieur français, par le poids que ces secteurs représentent dans les échanges mondiaux, par l’importance stratégique qu’ils revêtent, ou encore par le potentiel qu’ils portent, eu égard à l’accroissement de la population mondiale et aux considérations croissantes en matière de qualité et de traçabilité de l’alimentation. Pourtant, ces filières sont exposées à une concurrence croissante, venue de pays de l’Union européenne ou de pays tiers, dont la présence sur les marchés mondiaux est désormais incontournable. Ces pays, qui produisent à moindre coût, parviennent à gagner des parts de marché au détriment de la France, lorsque celle‑ci ne sait pas se différencier. C’est pourquoi, il est indispensable de faire de l’agriculture et de l’agroalimentaire, de manière concrète, une filière prioritaire à l’export, d’accompagner les exploitants, les interprofessions et les transformateurs dans leur parcours d’internationalisation, de développer une véritable image de la France agricole à l’étranger.

Le redressement de la balance commerciale française en dépend.

I.   la rÉforme de l’accompagnement À l’export : un essai À transformer

Le 23 février 2018, le Premier ministre a annoncé une réforme d’ampleur du dispositif de soutien à l’export, faisant suite au rapport de M. Christophe Lecourtier, directeur général de Business France. Cette réforme a pour objet principal de rationaliser l’écosystème de soutien à l’export, foisonnant, mais dont l’efficacité est, paradoxalement, réduite par l’abondance des propositions. Elle devra permettre d’offrir aux entreprises souhaitant exporter un point d’entrée unique et de proximité ainsi que des réponses claires et rapides aux questions qu’elles pourraient se poser.

La réforme proposée repose sur la constitution d’une équipe de France de l’export, dite « Team France Export », regroupant l’ensemble des opérateurs d’accompagnement à l’export des entreprises. Cette Team France Export permettra de mettre en place un guichet unique en région, de désigner un correspondant unique à l’étranger et de créer des outils numériques plus adaptés aux besoins des entreprises.

A.   la team France export : une simplification bienvenue pour fluidifier le parcours À l’export

La réforme de l’accompagnement à l’export repose d’abord sur la constitution d’une véritable équipe, en lieu et place d’opérateurs parallèles et parfois concurrents. Cette équipe permettra de garantir une meilleure définition et un meilleur partage des compétences et responsabilités de chaque acteur, pour profiter des synergies sans subir de redondances contre-productives.

Elle est mise en place à deux échelles :

 En France

Des guichets uniques Team France Export seront créés dans les régions. Ils réuniront les collaborateurs internationaux des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et ceux de Business France. Ceci permettra d’associer deux expertises différentes, mais complémentaires : la connaissance fine du tissu des entreprises d’un territoire d’une part, celle des filières et marchés étrangers d’autre part. Le secteur privé sera également associé, en amont comme en aval, aux interventions du service public, et pourra développer une offre de service complémentaire si cela se justifie.

Pour susciter plus d’exportations à partir des territoires, un dispositif de coaching de proximité associera des équipes des CCI, de Business France, de Bpifrance et des acteurs publics et privés. Il s’adressera de manière différenciée aux exportateurs modestes, aux startups, aux PME à potentiel et aux ETI.

À la date de publication de ce rapport, des avancées ont déjà été réalisées, et vont dans le bon sens :

– la présence de cinquante agents de Business France en région dès septembre 2018. Deux nouveaux groupes de collaborateurs seront installés début et fin 2019. Par ailleurs, 45 chargés d’affaires internationaux de Business France sont en poste dans les implantations régionales de Bpifrance ;

– la mise en place et l’animation de portefeuilles de prospection co‑construits, région par région, incorporant des clients des deux opérateurs Business France et CCI France, et des prospects à potentiel ;

– la signature de cinq conventions entre les conseils régionaux, les CCI de région et Business France en Normandie, dans les Hauts-de-France, en Occitanie, dans les Pays de la Loire et en Bourgogne-Franche-Comté. Les autres conventions devraient être signées d’ici fin 2018 ;

– l’engagement de l’ensemble des opérateurs sur des objectifs chiffrés.

Les premiers résultats devraient être perceptibles d’ici un an. Selon CCI France, l’effort d’adaptation à fournir est immense mais nécessaire pour relever le défi de l’export : la bataille de l’export se joue d’abord en France.

Votre rapporteur appelle toutefois à la vigilance s’agissant de la réduction de 100 M€ du plafond de la taxe affectée aux CCI, car la seule logique comptable pourrait compromettre la bonne réalisation de cette réforme. En effet, elle aura un impact négatif sur les ressources humaines qualifiées en mesure d’accompagner les entreprises. S’il est possible de penser que le nouveau dispositif d’aide à l’export puisse s’adresser à tous les profils, sa montée en puissance dépendra aussi de la capacité des PME-TPE à procéder à une véritable mutation de leur stratégie de production. Décider de s’attaquer à un marché export équivaut souvent à redéfinir le produit, à adapter sa fabrication, son packaging et son mode de distribution. C’est une véritable révolution à l’échelle d’une PME-TPE. Or seules les CCI sont en mesure d’apporter un conseil stratégique au plus près du terrain. Le contraste est frappant avec nos voisins allemands. Outre-Rhin, 80 % des entreprises vont à l’export, avec le succès que l’on sait, et les mesures d’accompagnement sont justement pilotées par les Handelskammern, équivalent des CCI françaises, qui perçoivent une cotisation 15 à 20 fois supérieure à celle des CCI, prélevée sur le chiffre d’affaires des entreprises. On peut donc s’interroger sur la pertinence du choix malthusien de réduire la force de frappe des instances consulaires au lieu de réorienter leur mission de manière volontariste au profit de la promotion d’une stratégie export des PME-TPE. À défaut de modification de cet arbitrage gouvernemental, votre rapporteur demande que la baisse des fonds alloués aux CCI soit plus progressive, et que son entrée en vigueur soit reportée jusqu’à ce que des objectifs et des orientations claires aient été donnés quant aux missions prioritaires de ces organes consulaires.

 À létranger

À l’étranger, des correspondants uniques de la Team France Export seront mis en place. Ces correspondants pourront être issus de Business France mais également d’un acteur privé, sélectionné à l’issue d’une procédure transparente de concession de service public. Plusieurs cas de figure sont envisagés :

– dans certains États, cette concession porterait sur l’ensemble de l’offre de service export de Business France, à l’exception des missions relatives aux VIE et aux salons. L’opérateur désigné serait, dans ce cas, le correspondant unique à l’export. À ce stade, six pays sont concernés par ce schéma : Belgique, Norvège, Philippines, Singapour, Maroc et Hongrie.

– dans d’autres pays (Russie, Espagne, Japon), le choix pourrait être fait d’un contrat de prestation de services avec un opérateur privé sélectionné dans le cadre d’un marché public. L’entité choisie réaliserait alors, pour le compte de Business France, une partie seulement de l’offre du service de l’export.

– enfin, dans les pays d’où Business France se retirerait, il est envisagé d’organiser un simple référencement non exclusif par Business France d’opérateurs pouvant offrir des prestations d’accompagnement des entreprises dans le pays concerné. Aucun correspondant unique ne serait désigné.

L’ensemble de ces outils permettront une plus grande simplicité du parcours à l’export, et une meilleure visibilité pour les entreprises.

B.   le rôle nouveau confiÉ aux rÉgions : des compÉtences À conforter

La réforme de l’accompagnement à l’export reposera, en grande partie, sur les régions. En effet, l’un des piliers en est la création de guichets uniques de l’export, au sein de chaque région, associant les CCI et Business France. Les régions seraient ainsi à la manœuvre sur ce sujet, en cohérence avec les nouvelles missions que leur a confié la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, renforçant leurs compétences en matière de développement international des entreprises. De manière plus large, la Team France Export se construira dans les territoires en lien avec les politiques définies dans le cadre des schémas régionaux de développement économique, d’innovation et d’internationalisation (SRDEII). Les régions auraient aussi la responsabilité très lourde de déterminer les sujets ou les secteurs prioritaires à l’export, dans le cadre de ces SRDEII. Trois types de services seraient, enfin, proposés par les régions :

– la mise en œuvre de programmes destinés à des filières prioritaires ou des marchés cibles en lien avec les spécificités de la région ;

– des campagnes de terrain, notamment avec le MEDEF et la CPME, pour « donner l’envie de l’international » aux PME ;

– le traitement de façon efficace, en lien avec l’ensemble de l’écosystème, des attentes de chaque entreprise.

Les régions se félicitent de cette évolution, qui reconnaît leur place dans l’internationalisation des entreprises. Leur rôle exact reste toutefois à préciser, de même que leur capacité à prendre en main l’ensemble de ces enjeux : devront-elles être une plateforme de mise en relation, point d’entrée unique redirigeant vers les autres opérateurs ? Ou devront-elles elles-mêmes concaténer l’ensemble des propositions, les transmettre à l’entreprise intéressée et les mettre en œuvre ?

Votre rapporteur recommande plutôt que la première hypothèse soit retenue, et souhaite qu’une évaluation de l’appropriation de cette mission par les régions soit réalisée un an après l’entrée en vigueur de la réforme.

C.   la plateforme des solutions : un outil À mettre au service des exportateurs

Enfin, une « plateforme des solutions » sera créée, pour être le pendant numérique de la relation entre la Team France Export et les entreprises souhaitant exporter ou se renforcer sur les marchés internationaux. Cette plateforme permettra, également, de simplifier le parcours à l’export en réunissant en un seul lieu, dématérialisé, l’ensemble des réponses aux questions que peuvent se poser de potentiels exportateurs. Un socle national commun sera décliné, personnalisé et enrichi pour chaque région. Les contenus proposés seront de trois types :

– des propositions de solutions, regroupées sur une « place de marché des solutions » selon les différents besoins des entreprises. À partir d’un questionnaire simple, la plateforme pourra guider les PME vers un référent unique au niveau des régions. Selon les besoins, les solutions seront des services rendus par les membres de la Team France Export ou par des opérateurs publics ou privés ;

– une base d’information comportant des contenus pédagogiques sous différentes formes, des fiches sectorielles, des statistiques douanières, etc. ;

– des opportunités d’affaires à l’international : la plateforme recensera des appels d’offres internationaux, détectés par les bureaux de la Team France Export à l’étranger ou d’autres opportunités. Les entreprises pourront y répondre en ligne.

Ce projet s’étalera sur trois ans. L’année 2018 marquera la phase de cadrage technique, et sera suivie d’une phase de développement qui donnera lieu à la présentation d’une première version au premier semestre 2019. Le budget total de conception et de développement de cette plateforme est estimé à 1,6 M€. Ce financement sera en grande partie assuré par la mobilisation de fonds propres de Business France, et fera l’objet d’une candidature au fonds pour la transformation de l’action publique (le projet a été déposé en septembre 2018).

Votre rapporteur salue cette avancée et souhaite également qu’une évaluation soit faite un an après l’entrée en vigueur de la plateforme, pour s’assurer qu’elle répond bien aux demandes des entreprises et, le cas échéant, ajuster ses propositions.

II.   l’agriculture et l’agroalimentaire : un potentiel À exploiter

L’agriculture et l’agroalimentaire sont des filières fondamentales pour l’équilibre et la croissance de la balance commerciale française. Ainsi, en 2017, l’agriculture et les industries agroalimentaires assurent le 3ème excédent commercial de la France, à 5,5 Md€, derrière le secteur aéronautique et spatial (17,4 Md€) et celui de la chimie, des parfums et des cosmétiques (12,5 Md€).

Au-delà, c’est aussi un secteur essentiel pour l’ensemble de l’économie française, qui représente 3,5 % du PIB et 5,5 % des emplois. Les industries agroalimentaires emploient ainsi près de 420 000 salariés, ce qui fait d’elles le premier employeur industriel français. En parallèle, plus d’un million de Français sont des travailleurs agricoles. La France compte également 375 000 exploitations agricoles et 18 000 entreprises agroalimentaires. L’export agricole et agroalimentaire est donc un levier essentiel pour l’emploi et la croissance.

Pourtant, les résultats commerciaux de la France dans ce secteur se sont progressivement dégradés ces dernières années. Si les mauvais chiffres de 2017 (‑ 8 % du solde par rapport à 2016) s’expliquent en partie par de mauvaises conditions climatiques, les raisons du décrochage ne sont pas uniquement conjoncturelles mais, de manière plus inquiétante, également structurelles. Les pertes de parts de marchés sont ainsi liées à des déficits de compétitivité-prix, mais aussi à une insuffisante valorisation de la compétitivité hors prix. C’est pourquoi, il est désormais plus qu’urgent d’agir.

A.   L’agriculture et l’agroalimentaire : un poids immense dans le commerce extérieur français, aujourd’hui potentiellement remis en cause

1.   Le troisième excédent commercial de la France mais de grandes variations selon les filières

a.   Un poids important et des débouchés qui se diversifient

Les filières agricoles et agroalimentaires représentent un enjeu essentiel pour la balance commerciale française. Avec 5 % des parts de marché dans le monde, la France est le 6ème exportateur agroalimentaire mondial derrière les États-Unis, les Pays-Bas, l’Allemagne, la Chine et le Brésil. Au total, les produits agricoles et agroalimentaires représentent 61,3 Md€ d’exportations en 2017 (dont 47,3 Md€ pour l’industrie agroalimentaire et 13,6 Md€ pour les produits agricoles), soit 13,2 % de l’ensemble des exportations, contre 55,6 Md€ d’importations (10,2 % des importations). L’agroalimentaire représente un solde positif de 3,3 Md€ sur le seul premier semestre 2018.

Les exportations, quoiquencore essentiellement dirigées vers lEurope, sont désormais également tirées par les pays tiers. L’Europe demeure le premier débouché pour les produits agricoles et agroalimentaires : près de deux tiers des exportations françaises lui dont destinées en 2017, mais cette proportion est en baisse. D’autres zones sont progressivement devenues des débouchés significatifs. Ainsi, l’Asie du Nord, notamment la Chine et le Japon, reçoit 8,5 % des exportations françaises. Cette zone dépasse, en 2017, l’Amérique du Nord (qui reçoit 8,2 % des exportations françaises). L’Algérie et le Maroc constituent aussi des débouchés importants (respectivement 6,2 % et 1,9 % des exportations), en particulier pour les céréales.

Au total, les exportations françaises vers l’Europe ont baissé au cours des dernières années (‑ 5,4 % entre 2013 et 2016), alors qu’elles augmentent vers les zones extra-européennes (+ 3,5 %). De plus, de manière générale, la balance commerciale avec l’Union européenne est presque à l’équilibre : le solde se fait surtout avec les pays tiers (États-Unis et Chine) et en particulier sur les boissons. En outre, les exportations devraient continuer à progresser vers la zone Asie et la zone Afrique, au sein desquelles la demande alimentaire va croître ([6]).

L’agriculture : un secteur amené à croître

La demande pour les produits agricoles et agroalimentaires devrait croître du fait de l’augmentation de la population mondiale, alors même que la surface agricole devrait rester stable. Les échanges mondiaux de produits agricoles et agroalimentaires croissent déjà de 8 % par an depuis 2000, soit un triplement en 15 ans : cette tendance devrait se poursuivre voire s’accélérer. Selon le Centre d’études prospectives et d’informations internationales (CEPII), les importations mondiales devraient progresser de 34 % en volume sur la décennie 2012-2022, permettant au secteur de rester l’un des principaux postes du commerce mondial. La demande mondiale devrait notamment concerner les produits transformés, les produits laitiers, l’épicerie fine et les vins et spiritueux, secteurs dans lesquels la France possède des entreprises performantes.

En outre, avec l’accélération des changements climatiques et la persistance de foyers de conflits, l’agriculture restera une activité stratégique au XXIe siècle.

Certes, les filières locales d’approvisionnement devraient également croître, de même que la productivité des cultures de proximité. Toutefois, la France, qui dispose d’atouts, peut contribuer aux équilibres alimentaires mondiaux et jouer la carte qui est la sienne.

b.   Des situations contrastées selon les filières

Malgré un excédent commercial sur l’ensemble des filières agricoles et agroalimentaires, les résultats sont en réalité très contrastés. Ainsi, en 2017, trois secteurs contribuent à la majorité du solde positif :

– les boissons, qui assurent un excédent de 12,3 Md€. La France en est le 1er exportateur mondial, avec une part de marché de 15,8 % en 2017 ;

– les céréales, qui constituent, à elles seules, le 4ème excédent sectoriel français, à 4,0 Md€ en 2017.

– les produits laitiers (et glaces) : l’excédent est de 2,7 Md€, en léger recul (‑ 0,3 Md€) dans un contexte de hausse des importations (+ 22,8 %).

Par ailleurs, en 2017, la France est le 1er exportateur mondial d’animaux bovins vivants (20 % des ventes mondiales). L’excédent atteint 1,4 Md€ en 2017. De même, en 2017, la France est le 3ème exportateur mondial de volailles vivantes (8,1 % des ventes mondiales), avec un excédent de 183 M€.

À l’inverse, les principaux déficits concernent :

– les produits transformés hors boissons : ce déficit est de 6,1 Md€, en constante dégradation depuis 2011 (‑ 3,7 Md€ en 2013) ;

– les fruits et légumes : le déficit atteint 4,5 Md€, dont 3,4 Md€ pour les fruits. La France présente un déficit avec les pays hors Union européenne, du fait de l’achat de produits exotiques, mais également avec les pays de l’Union.

2.   Le constat : des pertes de parts de marchés et une concurrence de plus en plus rude de nouveaux États

a.   Des pertes de marché généralisées depuis le début des années 2000

Les filières agricoles et agroalimentaires sont, pourtant, en grande difficulté. Les bons résultats sur certaines filières peinent à compenser la dégradation des parts de marché sur la quasi-totalité des secteurs depuis le début des années 2000, du fait notamment de la montée de nouvelles puissances commerciales. En effet, même si les exportations françaises ont cru à un rythme important (+ 4,5 % par an entre 2000 et 2015, ceci étant davantage lié à une augmentation des prix qu’à une augmentation du volume), leur croissance a été inférieure à celle de la demande internationale (+ 7,4 % par an) ([7]).

Ainsi, depuis le début des années 2010, l’excédent agricole et agroalimentaire s’est réduit, pour atteindre son niveau le plus bas depuis le début des années 2000 (9,3 Md€ en 2002, 11,4 Md€ en 2011 et 5,5 Md€ en 2017). Les parts de marché françaises au niveau mondial sont passées de 7,7 % en 2000 à 4,5 % en 2016. Cette réduction est particulièrement visible au sein de l’Union européenne où, sur la même période, elles sont passées de 12,5 % à 7,5 %, au profit notamment des États d’Europe de l’Est. Les principaux déficits bilatéraux se sont amplifiés depuis 2012, notamment avec les Pays-Bas (‑ 3,2 Md€ en 2017 contre – 2 Md€ en 2012) et l’Espagne (‑ 2,2 Md€ en 2017 contre – 1,1 Md€ en 2012). Dans le même temps, les excédents bilatéraux se réduisent progressivement, notamment au Royaume-Uni (2,6 Md€ en 2017 contre 3,3 Md€ en 2012) et en Allemagne (0,8 Md€ en 2017 contre 1,4 Md€ en 2012) ([8]).

En Asie cependant, notamment en Asie du nord-est, la France gagne des parts de marché, de manière modeste toutefois (+ 0,3 point). La Chine constitue aujourd’hui la première contribution à la croissance des exportations françaises agricoles et agroalimentaires.

Les secteurs historiquement forts ne sont pas épargnés : céréales, bovins, volaille

La filière des céréales, l’une des plus excédentaires, subit également ces pertes de parts de marché, de manière extrêmement significative. Ainsi, la France est passée de 2ème exportateur mondial en 2015 (derrière les États-Unis), avec une part de marché de 7,7 %, à la 8ème place avec une part de marché de 5,4 % en 2017. À 5,0 Md€ en 2017, les exportations de céréales sont au plus bas depuis 2009. En parallèle, les importations sont restées stables. L’excédent a donc diminué de 14,6 % pour s’établir à 4,0 Md€, après 4,7 Md€ en 2016. La France a, désormais, des concurrents structurels sérieux. Ainsi, les pays de la mer Noire (Russie, Ukraine, Roumanie, Bulgarie) voient leurs exportations augmenter constamment. En 2017, ces pays ont su combler le manque de blé français, en particulier la Russie, qui a renforcé sa place sur des marchés jusque-là occupés par la France. L’Europe du Nord (Allemagne, Pologne et pourtour de la mer Baltique), l’Argentine et l’Amérique du Nord gagnent également des parts de marché au détriment de la France. L’association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB), auditionnée par votre rapporteur, donnait un exemple significatif : alors que l’Algérie importe traditionnellement presque tout son blé de France (75 %), le pays a décidé, pour la première fois en 2018, de tester la cargaison d’un navire russe. Si l’essai est concluant, elle pourrait désormais se tourner vers la Russie, au détriment de la France. Le blé russe a déjà, de la même manière, conquis le marché égyptien.

S’agissant de la viande bovine fraîche, la France perd des parts de marché au niveau mondial depuis 2011, celles-ci passant de 7,0 % en 2011 à 4,3 % en 2017. Le solde commercial s’améliore mais reste déficitaire à ‑ 60 M€ après ‑ 90 M€ en 2016. La France exporte également pour 61 M€ de viande bovine surgelée et en importe pour 257 M€ en 2017. Sur ce segment, le déficit se creuse également à ‑ 196 M€ après
– 174 M€ en 2016.

De même, s’agissant de la viande de volaille fraîche, les parts de marché à l’export ont diminué de moitié depuis 2008, passant de 6,7 % à 3,7 % en 10 ans. Les importations continuent d’augmenter graduellement, atteignant 1,1 Md€ en 2017 après 1,0 Md€ en 2016 (elles étaient de 325 M€ en 2001). La volaille importée représente désormais 40 % de la volaille consommée en France. Selon la confédération française de l’aviculture (CFA), 25 % des filets de volaille consommés en France viendraient du Brésil ou de Thaïlande, ceci étant désormais facilité par les accords commerciaux internationaux. Le déficit se creuse en 2017 à 219 M€ (après 197 M€ en 2016).

b.   Des faiblesses structurelles

Les pertes de parts de marchés françaises s’expliquent par des raisons conjoncturelles (conditions climatiques, mauvaises récoltes ponctuelles, etc.), mais également par des éléments structurels, sur lesquels il est nécessaire d’agir :

– le nombre d’entreprises de l’agriculture ou de l’agroalimentaire qui exportent depuis la France est particulièrement faible. Ainsi, 25 % de ces entreprises exportent aujourd’hui, lorsque le ratio atteint 80 % en Allemagne. En outre, ces entreprises sont essentiellement des petites et moyennes entreprises, souvent peu armées face à la concurrence internationale ;

– les performances à l’export s’appuient sur un nombre réduit de secteurs : les vins et spiritueux, les céréales et les produits laitiers. Dans son ensemble, la filière est fragilisée par sa très grande hétérogénéité. Hors boissons, le solde des échanges des produits agroalimentaires transformés est négatif ;

– les filières agricoles et agroalimentaires françaises souffrent également d’un manque de culture de l’export. En effet, l’exportation n’est pas toujours perçue comme un objectif en soi nécessitant, une stratégie à mettre en œuvre sur la durée et la volonté de proposer des produits adaptés aux demandes des marchés cibles. Il est encore trop souvent conçu uniquement comme une alternative de dégagement en cas de tensions sur le marché français ;

– il existe un déséquilibre, au sein des exportations françaises, entre une forte présence sur des marchés géographiques dont le poids a décliné dans la demande internationale de produits agricoles et agroalimentaires (notamment les pays d’Europe occidentale) et un positionnement moindre sur des marchés dynamiques, dont le poids relatif s’est renforcé (pays émergents) ;

– par ailleurs, les réglementations, en particulier dans les domaines sanitaires et phytosanitaires ou en matière d’environnement, sont souvent plus strictes que dans d’autres États ;

– la France accuse également un déficit de compétitivité-coût, en raison, en particulier, du coût du travail, qui en constitue un élément essentiel. Ainsi, pour la filière des viandes de boucherie, le coût moyen annuel du personnel a fortement progressé en France (+ 14,2 %) entre 2008 et 2014, alors que la hausse était plus modérée dans les autres pays européens (6,5 % en Italie, + 5 % en Belgique, + 2,1 % en Allemagne) ([9]). Pour la filière des viandes de volaille, le coût moyen du personnel a augmenté de 14,6 % en France, contre moins de 10 % en Belgique, en Espagne et en Allemagne. En ce qui concerne les céréales, FranceAgriMer estime que le coût de main-d’œuvre est élevé par rapport aux principaux concurrents (États-Unis, Russie, Ukraine) dans la filière « blé tendre », qui représente plus de 50 % du solde commercial de céréales en France ([10]). De même, le coût du travail est plus élevé dans l’industrie agroalimentaire et a augmenté plus vite que chez les principaux concurrents européens depuis 2000. Ce déficit de compétitivité-coût expliquerait plus de 70 % de la réduction du solde. Toutefois, les récentes mesures de réduction du coût du travail ([11]) devraient permettre de ralentir cette dynamique, quand bien même la suppression du dispositif « Travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi » (TODE) inquiète les secteurs dépendant de la main‑d’œuvre saisonnière ;

– un déficit de compétitivité-prix est également noté, en raison d’une fiscalité dans le secteur agroalimentaire plus élevée en France que dans d’autres États européens. En effet, depuis 2010, la fiscalité sur le secteur agroalimentaire a progressé sous l’effet de la mise en œuvre de taxes comportementales (boissons sucrées, bières, etc.). Le rapport de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur la taxation des produits agroalimentaires de juin 2016, dont M. Razzy Hammadi était rapporteur, en recense 21, auxquelles s’ajouteraient une douzaine de redevances. Depuis 2011, l’effort fiscal des industries agroalimentaires se serait alourdi de plus de 1,2 Md€ ;

– enfin, un déficit de compétitivité hors-prix peut également être noté dans certains secteurs, même si, de manière générale, la qualité des productions françaises est reconnue. Ainsi, le taux de protéines du blé, inférieur à celui de concurrents étrangers (notamment les pays de la mer Noire), a été un facteur de réduction de la demande adressée à la France.

B.   des premières mesures À accentuer

1.   Renforcer l’accompagnement institutionnel et privé

Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation semble avoir pris la pleine mesure de l’enjeu de l’export. Le plan Export 2018-2022 traduit les ambitions, réalistes, de la France. Toutefois, c’est également l’accompagnement de Business France, mais aussi des interprofessions, qu’il serait nécessaire de repenser, pour l’affiner et l’adapter aux besoins très spécifiques des exportateurs.

Le plan 2018-2022 de l’export du ministère de l’agriculture

Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation a établi une stratégie pour le développement des exportations et l’internationalisation des filières agricoles, agroalimentaires, forêt-bois et des produits bio-sourcés, couvrant la période 2018-2022.

Cette stratégie poursuit plusieurs objectifs : gagner des parts de marché en Europe et à l’international ; développer la présence de tous les secteurs et améliorer la balance commerciale de l’ensemble des filières ; augmenter le nombre d’entreprises positionnées à l’export ; favoriser l’investissement responsable des entreprises à l’international et le développement des partenariats commerciaux des entreprises françaises en Europe et à l’international ; permettre l’accès des entreprises aux dispositifs d’accompagnement existants au niveau national et communautaire.

Sur le plan méthodologique, plusieurs axes sont privilégiés : donner plus de visibilité et d’efficacité à l’accompagnement des entreprises agricoles et agroalimentaires tout au long de leur parcours ; développer cette stratégie en synergie avec l’ensemble des acteurs publics et privés agissant aux échelons régionaux, nationaux et internationaux ;  favoriser les démarches collectives et mieux former et informer les entreprises.

a.   Le rôle de Business France : des prestations à adapter aux besoins des exportateurs agricoles et agroalimentaires

Business France agit déjà, en grande partie, pour le secteur agricole et agroalimentaire. Ainsi, la filière dite « AgroTech » représente 35 % des entreprises accompagnées (plus de 3 600 entreprises dont 500 entreprises dans l’agro-équipement, 1 500 dans les biens de consommation et 1 500 dans les produits gourmets). Chaque bureau de Business France à l’étranger emploie au moins une personne spécialisée sur ce secteur. Business France intervient sur les salons, pour lesquels elle accompagne les entreprises, leur fournit des stands « clés en main », et les met en relation avec des clients potentiels. L’opérateur organise aussi des dégustations (Tastin’France), ainsi que des opérations avec certaines chaînes de distribution. Enfin, Business France a contribué à la désignation de l’agriculture et de l’agroalimentaire comme « famille prioritaire à l’export », en raison du bon positionnement de la France et des perspectives de croissance du secteur sur la prochaine décennie.

Pourtant, plusieurs lacunes ou pistes d’amélioration peuvent être notées :

– malgré son implication dans les salons, Business France ne parvient pas à inverser la tendance selon laquelle les plus grands salons, notamment dans le secteur alimentaire, ont lieu en Allemagne. La France accueille deux grands salons – le SIAL (à Paris) et le SIRHA (à Lyon) – mais subit des difficultés logistiques (trop d’engorgement), et l’insuffisance d’engagement politique sur ce sujet. Il convient de travailler à cette question pour accroître les courants d’affaires créés. Toutefois, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation prévoit plusieurs actions en ce sens, que votre rapporteur salue, notamment l’appui institutionnel aux salons agricoles et agroalimentaires internationaux organisés en France ;

– par ailleurs, il est reproché à Business France de facturer certaines de ses prestations excessivement cher. Quand bien même elle ne facture aux entreprises que 40 % du coût complet du service fourni (pour les prestations individuelles), ce coût est souvent trop élevé pour des PME ;

– en outre, il lui est également reproché de proposer des prestations « sur étagère », qui ne correspondent pas nécessairement aux besoins spécifiques d’une filière particulière ou d’une autre. Business France ne serait pas suffisamment à l’écoute des filières et certaines d’entre elles, qui estiment l’accompagnement humain insuffisant, préféreraient se passer de son soutien ;

– d’autres regrettent de n’être que rarement invitées à participer aux délégations qui accompagnent les déplacements ministériels ou présidentiels à des fins de relations commerciales, qui associent le plus souvent des représentants de l’industrie ou des nouvelles technologies, alors même que l’agriculture et l’alimentation sont tout autant stratégiques ;

– par ailleurs, si une famille prioritaire à l’export a été constituée, celle-ci, contrairement aux autres, n’a pas de fédérateur. Un fédérateur avait bien été désigné, avec pour mission d’œuvrer au développement de démarches collectives à l’export et de proposer des solutions aux difficultés des entreprises, mais il a démissionné et n’a pas été remplacé à la date de publication de ce rapport. L’image envoyée, à quelques jours de l’ouverture du SIAL, est plutôt négative ;

– enfin, cette Team France Export devra s’appuyer, en région, sur le réseau des associations régionales des industries alimentaires (ARIA), pour identifier au mieux les entreprises et secteurs à potentiel. Il conviendra également de garantir qu’il y ait un spécialiste agroalimentaire dans les équipes de Business France qui seront déployées en région.

Toutefois, il est à noter que la réforme de l’accompagnement à l’export est bienvenue et la Team France Export attendue : l’organisation de l’accompagnement pour la filière agricole et agroalimentaire était, jusqu’alors, particulièrement complexe, faisant en effet intervenir les CCI, les régions, les interprofessions, les ARIA, les chambres d’agriculture, etc. Les petits exportateurs gagneront à la simplification qui devrait résulter de ces réformes.

b.   Le rôle des régions : accompagner les entreprises au plus près de leurs besoins

À côté du rôle propre à l’opérateur national Business France, c’est également aux régions de se mobiliser en faveur de l’export de leurs entreprises locales. Comme l’indique le plan stratégique 2018-2022 du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, il faut renforcer la mobilisation des acteurs régionaux, au travers des directions régionales de l’agriculture, de l’alimentation et de la forêt (DRAAF) notamment, pour accompagner les entreprises dans leur internationalisation. L’échelon régional est en effet un échelon pertinent pour l’export. Il permet d’assurer un accompagnement au plus près des entreprises et de travailler collectivement avec les acteurs publics concernés. Il reviendra aux régions de constituer l’interlocuteur de référence des entreprises en région pour les orienter et les accompagner au mieux dans leurs démarches.

En Occitanie, une expérimentation a débuté avec la création, au sein de la DRAAF, d’un poste consacré aux exportations au service des entreprises locales. Son retour d’expérience permettra d’orienter le travail des référents des autres DRAAF.

Votre rapporteur insiste toutefois sur la nécessité de garantir la cohérence entre les politiques qui pourront être mises en œuvre dans chaque région, celles-ci ayant pour l’instant, chacune, leur propre feuille de route. Il s’agit, une nouvelle fois, d’éviter des redondances, des chevauchements ou des concurrences.

c.   Le rôle des interprofessions : porter une stratégie commune

Un rôle est également à jouer par les interprofessions, sous deux aspects.

i.   Développer une véritable stratégie d’internationalisation par l’adaptation des produits à la demande internationale

Les États généraux de l’alimentation (EGA) ont mis en lumière l’importance d’une stratégie à l’international des filières agricoles et agroalimentaires pour renforcer leur positionnement sur les marchés internationaux, qui sont indispensables l’équilibre économique de ces filières.

C’est aux interprofessions qu’il revient de définir et de mettre en œuvre cette stratégie, notamment en adaptant leur production à une demande internationale.

En effet, il ne suffit pas d’écouler un excédent de production sur le marché à l’export : il faut produire pour répondre aux besoins d’une clientèle étrangère, selon ses critères, et avoir l’export comme objectif principal dès l’origine. Comme l’indique le ministère de l’agriculture, l’excellence de l’image de l’origine française ne suffit plus à pénétrer de nouveaux marchés et à renforcer la présence des entreprises françaises à l’étranger, dans un contexte de forte concurrence européenne et internationale : « il ne s’agit pas de se projeter à l’international avec le seul objectif de dégager des excédents du marché français mais bien de s’inscrire en réponse à la demande et aux besoins croissants des clients internationaux, y compris en matière sociétale, environnementale et sanitaire, s’inscrivant dans une vision politique » ([12]).

Cette réponse requiert de sensibiliser les entreprises aux produits alimentaires en forte expansion (aliments bio, diététiques, halal) pour renforcer l’offre française sur les marchés porteurs et de favoriser l’adaptation de l’offre française aux attentes des marchés cibles (problématiques du taux de protéines pour la filière blé, de sécurité alimentaire pour la filière semencière, etc.).

C’est donc aux interprofessions qu’incombe la responsabilité d’engager une véritable transformation de la perspective, pour passer d’une stratégie défensive de reconquête des parts de marché au niveau national à une stratégie offensive de conquête de nouveaux marchés à l’international. Il leur revient d’avoir un discours commun sur l’export qui ne soit pas uniquement protectionniste, et de ne plus voir l’export comme une filière de dégagement pour une production nationale en excès, mais de le considérer, dès le départ, comme un débouché recherché.

ii.   Structurer l’offre pour davantage de visibilité

Comme l’indique le plan export 2018-2022, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation et ses établissements sous tutelle se mobiliseront afin d’accompagner les volets export et internationalisation mis en œuvre par les interprofessions. Cela visera notamment à :

– animer une réflexion nationale en vue d’identifier les meilleurs outils à mobiliser pour soutenir le développement des actions collectives d’entreprises à l’international et en particulier l’exportation collaborative. Des exemples de réussite sont notables, à l’image de la collaboration entre Interbev et Inaporc, qui mutualisent leurs équipes et leurs réseaux sur le marché chinois. De la même manière, plusieurs biscuiteries normandes se sont associées pour constituer un outil commun de production d’un produit spécifiquement destiné à l’export. Enfin, certains distributeurs entraînent avec eux, dans leur dynamique à l’export, les petits producteurs qui leur fournissent des produits sous marque de distributeur ;

– favoriser l’émergence d’initiatives visant à proposer une offre française regroupée (horizontalement ou verticalement), à l’instar des exemples de la plate-forme France Viande Export, du travail engagé par l’association pour le développement des échanges internationaux de produits techniques agroalimentaires (Adepta) sur les équipements agricoles et agroalimentaires ou de la charte « Ensemble à l’international » signée entre le secrétariat d’État chargé du commerce extérieur et l’association nationale des industries alimentaires (ANIA).

2.   Dans le prolongement des États généraux de l’alimentation : mettre en avant la qualité du modèle français

a.   Mettre en avant la qualité de la production française

La France est déjà reconnue, partout dans le monde, pour la qualité et l’excellence de ses produits. Elle bénéficie également de l’image de la gastronomie française inscrite par l’Unesco au patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Les produits français véhiculent ainsi une image de qualité, de savoir‑faire, de respect de standards sanitaires et environnementaux élevés, de traçabilité, ainsi que le modèle d’une agriculture familiale associée à une industrie performante. Les signes de qualité, tout comme le caractère innovant des produits français et leur goût, sont également des gages à l’international.

Il est aujourd’hui essentiel, pour la France, de s’appuyer sur cette assise solide et de chercher à se différencier par sa compétitivité hors-prix en mettant en avant la qualité de ses productions, alors que la compétitivité-prix est un facteur bloquant de leur exportation. La différenciation des produits par d’autres critères que le prix est, en effet, plus que jamais nécessaire. Elle passe par la valorisation d’une image de marque, d’un mode de production ou d’un territoire (identifiés ou non par un label de qualité), d’une qualité intrinsèque des produits (notamment nutritionnelle), ou de garanties sanitaires quant au circuit de production.

Cette « qualité » au sens large peut être promue à deux niveaux :

 Le « cœur de marché »

Le « cœur de marché », ou milieu de gamme, est le segment de marché où se vendent l’essentiel des volumes et sur lequel la demande croît le plus vite, en raison de l’augmentation de la consommation des pays émergents. Il ne s’agit donc pas de délaisser cette production pour se concentrer sur le haut de gamme mais, bien au contraire, de proposer pour ce milieu de gamme, une offre de meilleure qualité à coût équivalent. En effet cette qualité est, désormais, un facteur de plus en plus recherché, sur lequel la France peut se positionner, comme elle a déjà commencé à le faire. Comme l’indique le ministère de l’Europe et des affaires étrangères les critères de qualité et de traçabilité sont de plus en plus recherchés en Europe (notamment dans les pays nordiques), qui représente encore 64 % des exportations agricoles et agroalimentaires françaises, et sur certains marchés à fort pouvoir d’achat, comme le Japon, où les entreprises françaises sont très présentes. La traçabilité sanitaire est aussi recherchée dans certains pays émergents confrontés par le passé à des scandales sanitaires (Chine, Brésil). C’est donc un facteur de différenciation très porteur, et non une stratégie de niche.

Ainsi, s’agissant des céréales, les producteurs français ont fourni un gros effort pour accroître le taux de protéines de leurs productions. En 2018, 90 % des récoltes auront un taux répondant aux exigences de la demande internationale, sans que les coûts n’aient été augmentés. Cette amélioration de la qualité permet de gagner des parts de marché grâce à la satisfaction des clients. Il reste toutefois un travail à mener, notamment sur la réduction de la poussière, pour maintenir les marchés conquis.

En ce qui concerne les œufs, un objectif de 50 % de poules élevées de manière alternative aux cages a été fixé pour 2022 (contre 35 % aujourd’hui). Les éleveurs ont pris conscience de l’enjeu que cela représente, alors même qu’ils ont beaucoup investi dans des cages de meilleure facture – et que cet investissement n’est pas encore amorti – depuis l’entrée en vigueur au 1er janvier 2012 de la directive 1999/74/CE du Conseil du 19 juillet 1999 établissant les normes minimales relatives à la protection des poules pondeuses.

Ainsi, le modèle d’agro-écologie tel que prôné par les conclusions des États généraux de l’alimentation a un véritable avenir à l’export. La France doit savoir faire la différence par la qualité, y compris sur le milieu de gamme, pour lequel le potentiel de croissance est le plus grand. Ceci permettra de créer de la valeur pour l’ensemble de la filière et de regagner des parts de marché perdues, en faisant valoir un avantage comparatif par rapport à la concurrence internationale.

 La production premium

Dans un second temps, la France pourra se positionner pour une montée en gamme vers une production dite « premium », en particulier celle issue de l’agriculture biologique.

Certes, la demande sur ce segment de marché ne sera sans doute pas massive dans les premiers temps, mais elle sera indubitablement croissante. Comme l’indique la confédération française de l’aviculture (CFA), investir dans le bien-être animal ou la traçabilité ne se fera pas à perte, même si la rentabilité ne sera pas immédiate. De même, l’association générale des producteurs de blé et autres céréales (AGPB) estime que la recherche de cultures à haute valeur environnementale, ou qui respectent la responsabilité sociale des entreprises et le bien-être animal n’aura probablement pas d’effet immédiat de hausse des exportations, mais rappelle qu’il est bon d’avoir une longueur d’avance sur ce sujet.

La labellisation et la production sous signes de qualité pourraient ainsi être accrues. Dans le secteur de la volaille, 15 à 20 % du volume est déjà produit sous signes de qualité ou bio, et le label rouge existe depuis 60 ans. Comme l’indique l’AGPB : « la labellisation est un élément clé pour l’avenir des filières céréalières en France. Le plan de filière […] intègre cette dynamique, avec la volonté de monter en gamme progressivement la qualité des produits céréaliers ». Cette labellisation est en effet essentielle à une stratégie de montée en gamme, car elle peut efficacement orienter un achat. Ces labels, qui lient un produit à un territoire et à un mode de production, ou sont gages de qualité et de sécurité, sont le cœur du modèle agricole français.

De même, l’agriculture biologique pourrait prendre une part de plus en plus grande. Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation indique que la demande pour ce type de produits est croissante. Pourtant, la France importe davantage de produits dits « bio » qu’elle n’en produit elle-même. Entre 2000 et 2016 la superficie exploitée en agriculture biologique en France a augmenté moins rapidement que les ventes de produits sous label « agriculture biologique ». La vigilance demeure toutefois de mise, car d’autres États prévoient de se positionner sur le même segment. Ainsi, la Russie et l’Ukraine pourraient commencer à produire du blé biologique, selon des normes probablement moins exigeantes qu’en Union européenne. Ces États le vendraient autour de 250 € par tonne, quand la France le produit autour de 400 € par tonne.

Des efforts d’investissement dans la recherche et développement sont à consentir dans ce domaine, en lien avec les réflexions du comité stratégique de filière pour l’agroalimentaire, qui développe des projets de recherche structurants (protéines du futur, fermentation, emballage du futur, etc.).

b.   Mener rapidement une réflexion sur la « marque France »

Les filières agricoles et agroalimentaires gagneraient aussi à une meilleure visibilité de leur offre, actuellement proposée sous trop de bannières distinctes. À cet égard, il apparaît pertinent de mener une réflexion sur l’élaboration d’une véritable « marque France », commune à l’ensemble des filières – éventuellement déclinée selon les produits – qui structurerait leur image à l’international.

Une première opération a certes été menée, pour déployer un slogan commun à tous : « Made in France, made with love ». Toutefois, cette bannière semble avoir été imposée de manière trop unilatérale, sans véritable étude de l’efficacité et de la réception du message à l’étranger. Certaines filières, qui ne s’y sont pas reconnues, n’ont pas voulu l’adopter.

Cette réflexion sur une marque France doit donc se faire en lien avec les filières, qui, toutes, doivent réfléchir aux valeurs qu’elles souhaitent associer à la France agricole et alimentaire. Les interprofessions et l’ANIA ont engagé cette réflexion ([13]). En tout état de cause, toutes souhaitent que la proposition vienne d’abord des professionnels de l’agriculture et de l’alimentation, en lien avec leur ministère de tutelle, davantage que de Business France, pour garantir que cette définition ne soit aucunement « hors-sol ». À cet égard, le ministère de l’agriculture et de l’alimentation indique qu’il veillera à ce que les spécificités du secteur agricole et agroalimentaire soient prises en compte dans le cadre des réflexions sur la création de cette marque France. La réflexion doit aussi associer les membres de l’Association des produits agricoles de France, qui a déjà réussi à rassembler treize filières sous un logo et une identité visuelle communs, déclinés selon les secteurs. Il reviendra ensuite aux régions de décliner leur identité sous cette bannière fédératrice et porteuse de valeurs communes au niveau national.

Ceci est nécessaire pour offrir aux productions françaises une meilleure visibilité, une plus forte identité, à l’image de ce que l’Allemagne, les Pays-Bas ou l’Irlande, avec le label « Origin Green », sont en mesure de faire. Il s’agit de rendre à la France la place de leadership dans l’alimentation qu’elle est en train de perdre. Alors que ce chantier devait aboutir pour le SIAL, il est désormais acté que cela ne pourra pas être le cas. Votre rapporteur le regrette, et recommande une accélération en ce domaine.

3.   Mettre en œuvre des réformes structurelles et politiques

Enfin, des réformes de plus grande envergure, à la fois structurelles et politiques, doivent être engagées, sous l’égide des ministères chargés de l’agriculture et du commerce extérieur.

a.   Investir dans la logistique

En premier lieu, il apparaît de plus en plus nécessaire d’investir dans la logistique, qui joue un rôle essentiel mais trop souvent sous-estimé en matière de commerce extérieur. La logistique est en effet, aujourd’hui, véritablement, un facteur de compétitivité et de différenciation important vis-à-vis de la concurrence.

La France dispose, traditionnellement, d’atouts liés à son positionnement géographique en Europe. Sa fiabilité logistique est reconnue. Pourtant, elle est aujourd’hui exposée à un réseau vieillissant ou dégradé, qui menace cette fiabilité. Ainsi, l’entretien du réseau ferroviaire dit « capillaire » fait défaut. De même, l’entretien du réseau fluvial et l’investissement dans le canal Seine-Nord sont insuffisants : la compétitivité de ce moyen de transport vertueux et durable est donc plus faible. Par ailleurs, la disponibilité des bateaux et péniches se réduit, en raison du manque de bateliers. Enfin, la disponibilité des camions sur route se restreint du fait d’un manque chronique de chauffeurs et, localement, du fait de la concurrence avec les travaux publics du Grand Paris.

Votre rapporteur insiste sur la nécessité d’orienter les fonds du plan « France logistique 2025 » sur les infrastructures nécessaires à l’export ; pour la modernisation des réseaux de fret ferroviaire, fluvial et portuaire et l’optimisation des plateformes logistiques. Ceci est d’autant plus nécessaire que des pays comme l’Ukraine ou la Russie progressent eux aussi sur la logistique et pourront proposer bientôt une offre aussi fiable que celle des États membres de l’Union européenne.

b.   Améliorer la compétitivité prix

Enfin, il apparaît aujourd’hui nécessaire d’améliorer la compétitivité-prix de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Si des efforts sont faits depuis plusieurs années pour enrayer la hausse des coûts du travail, il apparaît indispensable de mener une réflexion approfondie sur la question de la fiscalité des produits alimentaires. Ces taxations, nombreuses, souvent injustifiées, constituent un véritable handicap pour les producteurs et exportateurs français. Ceci est d’autant plus nécessaire que le rendement de ces taxes est parfois faible, et l’objectif politique poursuivi incertain.

À cet égard, votre rapporteur salue la suppression de deux taxes à faible rendement mais aux conséquences lourdes pour l’export, par l’article 9 du projet de loi de finances pour 2019 : la taxe affectée à l’Établissement national des produits de l’agriculture et de la mer due par les exploitants agricoles producteurs de céréales et la taxe portant sur les farines, semoules et gruaux de blé tendre livrés ou mis en œuvre en vue de la consommation humaine.

Toutefois, ce mouvement doit être poursuivi pas la suppression d’autres taxes, pointées notamment dans le rapport présenté en juin 2016 par M. Razzy Hammadi, député, sur la taxation des produits agroalimentaires ([14]). Peuvent ainsi être cités :

– la taxe spéciale sur les huiles végétales destinées à l’alimentation humaine. Cette taxe constitue une spécificité française. Ses modalités de calcul et de recouvrement, ainsi que les différents taux appliqués, apparaissent dépourvus de logique économique ;

– le droit sur les produits bénéficiant d’une appellation d’origine ou d’une indication géographique protégée : huit taux sont appliqués, selon la nature des produits. Les bénéfices sont reversés à l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO). Ceci apparaît en incohérence avec la volonté de promouvoir à l’export ces produits, dont la qualité est reconnue et appréciée à l’étranger.

c.   Promouvoir les intérêts français dans les négociations commerciales

Il est également nécessaire de soutenir la position française dans les négociations commerciales internationales. Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation estime que la France devra poursuivre son travail dans toutes les instances appropriées, en vue de défendre au mieux les intérêts de ses filières et de ses entreprises dans les négociations en cours.

En particulier, il apparaît nécessaire d’affirmer auprès de la Commission européenne les attentes de la France :

– garantir les intérêts stratégiques offensifs et défensifs de l’agriculture française (filières sensibles, indications géographiques, etc.) ;

– assurer la transparence dans la conduite des négociations des accords et contrôler étroitement leur bonne mise en œuvre ;

– assurer la cohérence avec les politiques agricoles, sociales et environnementales portées par l’Union européenne.

– prôner la plus grande précision possible des accords. En effet, certains accords, trop peu précis, entraînent des conséquences non maîtrisées : ainsi, la volaille saumurée peut, depuis 1998, être importée sous un code douanier garantissant des droits de douane réduits par rapport à la viande de volaille fraîche. En réalité, la volaille saumurée n’a pas été suffisamment précisément définie, et le Brésil a saisi cette opportunité pour importer de la volaille à laquelle 1 % de sel était ajouté, à moindre coût. La Thaïlande, plus récemment, a fait de même.

Toutefois, ces accords peuvent aussi constituer des opportunités pour les producteurs français : votre rapporteur recommande qu’une meilleure information leur soit destinée, pour les prévenir de l’ouverture d’un marché ou de plus grandes opportunités commerciales et les aider à s’en saisir.

Les incertitudes liées au Brexit

Le Royaume-Uni représente le deuxième excédent commercial de la France (2,6 Md€ en 2017). L’enjeu du Brexit sera donc particulièrement important. La probabilité qu’il n’y ait pas d’accord est aujourd’hui forte et plusieurs risques sont déjà identifiés :

‑ celui que le Royaume-Uni réoriente ses importations – massives – pour favoriser désormais les pays tiers à l’Union européenne, dont les coûts de production sont moins élevés ;

‑ celui que les exportations de l’Irlande, majoritairement destinées au Royaume-Uni, soient réorientées vers l’Union européenne : les conséquences pourraient être lourdes, notamment pour le secteur bovin (l’Irlande en exportant 200 000 tonnes par an) ;

‑ celui que les accords commerciaux internationaux négociés par l’Union européenne à 28 soient désormais déséquilibrés. Ces accords devraient être renégociés, pour ne pas que l’Union européenne à 27 États ait à absorber des quotas prévus pour 28 États ;

‑ celui de la complexité des nouveaux contrôles sanitaires et douaniers : ces contrôles devront être bien calibrés pour éviter tout engorgement aux frontières.

Le ministère de l’économie et des finances devrait publier des guides explicatifs, pour permettre aux entreprises d’appréhender chaque situation (qu’elles fassent appel à un fournisseur britannique, utilisent un réseau de distribution britannique, aient installé des VIE au Royaume-Uni, etc.). De tels guides sont indispensables pour les entreprises françaises, qui manifestent beaucoup d’inquiétudes.

d.   Lever les barrières non tarifaires

En outre, il convient de travailler à la levée des barrières non tarifaires, essentiellement liées aux questions sanitaires et phytosanitaires, encore très présentes. À titre d’illustration, la Corée du Sud maintient, aujourd’hui encore, son embargo sur la viande bovine, en raison de cas anciens d’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB).

En Chine, le développement des exportations françaises est aujourd’hui encore entravé par la politique d’ouverture maîtrisée de l’économie chinoise où de nombreuses barrières non tarifaires persistent. Certaines avancées ont pu être obtenues au cours des derniers mois : ainsi, un agrément accordé à deux abattoirs français a été notifié au Gouvernement en juillet 2018, mettant fin à 17 ans d’embargo chinois sur la viande bovine française. Cinq nouvelles entreprises pourraient être agréées et commencer à exporter avant la fin de l’année 2018. La France doit se saisir de cette opportunité nouvelle pour exporter de la viande de qualité, qui réponde aux attentes du marché chinois. Votre rapporteur salue la célérité de l’administration, tant française que chinoise, pour concrétiser cette fin de l’embargo.

Le ministère de l’agriculture et de l’alimentation indique que la France poursuivra ses efforts techniques et diplomatiques dans les enceintes bilatérales et multilatérales pour faciliter l’accès à de nouveaux marchés, tout comme le maintien des marchés existants, « dans un contexte marqué à la fois par la multiplication des risques de fermeture liés à l’apparition de crises sanitaires en France et par la montée du protectionnisme dans certaines régions du monde ».

À cet égard, votre rapporteur salue la création, le 13 juillet 2018, de la commission internationale agricole et agroalimentaire, sous la présidence de M. Stéphane Travert, alors ministre de l’agriculture et de l’alimentation et de M. Jean-Baptiste Lemoyne, secrétaire d’État auprès du Ministre de l’Europe et des affaires étrangères, et dont l’animation est confiée à FranceAgriMer. Cette commission aura notamment pour mission de réfléchir, en associant l’ensemble des acteurs concernés, aux questions sanitaires et phytosanitaires, de façon à gagner en efficacité en matière d’ouverture de marchés en pays tiers. Les professionnels de l’agriculture voient cette initiative de manière très positive.

De manière plus large, et comme indiqué par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation, une stratégie efficace passe par :

– la priorisation des marchés pour faciliter les efforts de négociation sanitaire et phytosanitaire et avancer sur les dossiers les plus porteurs ;

– une coordination optimale au niveau interministériel pour assurer la cohérence des actions entreprises aux niveaux diplomatique et politique ;

– une coordination et des échanges renforcés avec la Commission européenne en matière de négociation sanitaire et phytosanitaire avec les pays tiers, et la défense du principe de réciprocité entre import et export.

Là encore, la concrétisation des avancées obtenues devra conduire à s’assurer que l’information sur l’ouverture de nouveaux marchés est bien diffusée et permet de rendre effectives de nouvelles exportations par les entreprises.


   Conclusion

En conclusion, il apparaît aujourd’hui qu’au-delà des seuls moyens budgétaires, c’est à l’ensemble de la politique de l’export qu’il est nécessaire de réfléchir.

Plus que de fonds supplémentaires, il faut aujourd’hui s’interroger sur la meilleure manière d’utiliser les moyens dont nous disposons, qui sont importants. À cet égard, la rationalisation de l’accompagnement à l’export, autour d’une « Team France export » resserrée et de guichets uniques en France comme à l’étranger apparaît une solution pertinente. Elle devrait permettre une meilleure utilisation par les entreprises, en particulier les PME, des outils et solutions mis à leur disposition.

Au plan sectoriel, et s’agissant de l’agriculture, c’est toute une stratégie qu’il convient de refonder. Celle-ci doit concevoir l’export comme une opportunité, et non simplement comme une filière de dégagement, et, pour cela accepter l’adaptation des produits à la demande et aux besoins des clientèles étrangères. Il s’agit aussi de promouvoir une véritable identité de la France agricole et alimentaire, sous une marque « France » unique, qui rassemblerait les filières et leur donnerait de la visibilité et de la cohérence à l’international, cette marque devant être associée à des valeurs de qualité, de goût, de savoir-faire ou encore de traçabilité. Enfin, un véritable travail est à accomplir sur les démarches collectives à l’export, au sein d’une même filière ou entre filières complémentaires, ainsi que sur la logistique, garantie indispensable de la fiabilité de nos exportations.

 


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EXAMEN EN commission

Au cours de sa réunion du mercredi 24 octobre 2018, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur les rapports de Mme Christine Hennion (Communications électroniques et économie numérique), de M. Vincent Rolland (Entreprises), de M. Antoine Herth (Commerce extérieur), ainsi qu’au cours de sa réunion du mercredi 31 octobre 2018, sur le rapport de Mme Bénédicte Taurine (Industrie), les crédits de la mission « Économie ».

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, présidente. Mes chers collègues, nous continuons l’examen pour avis de la seconde partie du projet de loi de finances pour l’année 2019. Cet après-midi, nous examinons la mission « Économie ».

Mme la secrétaire d’État Agnès Pannier-Runacher disposera de quinze minutes pour son propos introductif, puis chacun de nos trois rapporteurs pour avis aura dix minutes pour son exposé. Les orateurs des groupes auront quatre minutes. Ensuite, ceux qui souhaiteront poser des questions disposeront chacun d’une minute. Je serai intransigeante sur le respect de ce temps de parole.

Madame la secrétaire d’État, permettez-moi de vous souhaiter la bienvenue.

Pour ce deuxième projet de loi de finances de la législature, la commission des affaires économiques s’est saisie pour avis de quatre budgets relevant de la mission « Économie » : Communications électroniques et économie numérique ; Commerce extérieur ; Entreprises et Industrie. Toutefois, le budget de l’industrie dont Mme Bénédicte Taurine est rapporteure pour avis sera étudié la semaine prochaine. De même, le budget du tourisme, dont une partie des crédits figure dans la présente mission, sera présenté le 31 octobre dans le cadre de la mission « Action extérieure de l’État ».

Le budget de la mission « Économie » affiche une baisse de 17,35 % des autorisations d’engagement et une augmentation, de 4,17 %, des crédits de paiement. Ces évolutions traduisent d’abord la poursuite de la trajectoire de financement prévue dans le cadre du plan France très haut débit. Elles sont ensuite le reflet d’un important effort de maîtrise de la dépense publique et d’une recherche croissante d’efficacité de la dépense publique. Ainsi, les dispositifs d’aide aux entreprises font l’objet d’une rationalisation substantielle, avec la suppression de plusieurs dépenses considérées comme inefficientes. Les trois rapporteurs pour avis de notre commission, MM. Vincent Rolland et Antoine Herth et Mme Christine Hennion, feront chacun une présentation en deux parties : l’une présentant les crédits, l’autre revenant plus précisément sur un ou plusieurs thèmes. Les avis présentés comprennent ainsi une analyse du déploiement des réseaux de télécommunications, fixe et mobile, 4G et 5G, ainsi qu’un bilan de la transformation de l’action publique grâce au numérique pour Mme Hennion, une analyse de la réforme de l’accompagnement à l’export et une réflexion sur la performance à l’export des filières agricole et agroalimentaire pour M. Herth, un diagnostic sur l’accès des très petites entreprises (TPE) au financement et des propositions pour améliorer encore ce dernier pour M. Rolland. Je suis certaine que ces analyses permettront de nourrir nos débats.

Madame la secrétaire d’État, avant de vous donner la parole, je souhaite vous poser une question : comment envisagez-vous la fin du plan France très haut débit, dans la mesure où il existera certainement un besoin de financement de l’ordre de 800 millions d’euros de la part de l’État alors qu’aucune nouvelle autorisation d’engagement n’est ouverte dans le projet de loi de finances pour l’année 2019 ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Mesdames et Messieurs les députés, vous le savez, nous avons, pour ce projet de loi de finances et pour les quatre années restantes de cette législature, un cap fixé par le président de la République et le Premier ministre qui tient en deux idées simples.

D’une part, il s’agit de rétablir durablement la situation de nos finances publiques. Je ne cite que ces trois chiffres : cinq points de produit intérieur brut (PIB) de baisse de la dette publique ; trois points de baisse de la dépense publique ; un point de baisse des prélèvements obligatoires à l’horizon 2022. Je les cite car ils illustrent un certain nombre de choix faits dans le cadre de la mission « Économie » de ce budget.

D’autre part, il s’agit de retrouver l’esprit de conquête dans le domaine économique. Malgré les bons résultats de 2017 et la croissance solide de 2018, l’économie française croît moins vite que la moyenne de la zone euro ; c’est très clairement l’un des enjeux que, en tant que secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances, je dois embrasser, en particulier en ce qui concerne l’industrie manufacturière.

Le projet de loi de finances pour 2019 vient mettre en œuvre et confirmer ce cap que nous tiendrons tout au long du quinquennat pour rétablir les finances publiques.

J’aimerais revenir sur l’ambition économique de ce projet de loi de finances 2019 avant de passer à l’examen détaillé des crédits.

L’ambition est double. Il s’agit, d’une part, de faire croître et de transformer nos entreprises et, d’autre part, de poursuivre la transformation de l’action publique.

Première ambition : faire croître et transformer nos entreprises. Nous sommes en train de construire un nouveau modèle de croissance reposant sur les entreprises, la compétitivité, la libération de l’économie et l’innovation. C’est tout le sens de la politique économique que le Président de la République et l’ensemble du Gouvernement déploient depuis quinze mois et dont ce budget constitue une étape importante.

Les résultats économiques sont là. Les investisseurs sont confiants. Les chiffres de l’attractivité française sont les meilleurs depuis dix ans. Les investissements sont dynamiques, particulièrement dans l’industrie. Et le chômage a baissé de plus d’un demi-point : c’est plus de 200 000 emplois qui ont été créés en un an.

Ces résultats restent cependant insuffisants par rapport à nos voisins européens. Il nous faut donc accélérer. Aussi le projet de loi de finances pour 2019 décline-t-il en matière fiscale les mesures du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises, dit projet de loi « PACTE ».

Pour faciliter la transmission, trois dispositifs fiscaux seront assouplis et simplifiés : le « pacte Dutreil », le crédit-vendeur et le crédit d’impôt pour le rachat des entreprises par leurs salariés. Pour permettre aux entreprises de choisir le régime fiscal le plus adapté à leur modèle, le choix du passage à l’impôt sur les sociétés sera désormais révocable, comme c’est le cas pour l’impôt sur le revenu. Ce projet de loi de finances traduit également la profonde transformation des chambres de commerce et d’industrie (CCI) que M. Bruno Le Maire a présentée à chacun des présidents de CCI au cours de l’été, avec une première baisse de 100 millions d’euros de la taxe affectée aux chambres et une trajectoire de baisse de 400 millions d’euros d’ici à 2022. Cette baisse se traduira par une baisse équivalente des impôts pesant sur les entreprises – c’est donc bien « donnant‑donnant ».

Le Gouvernement a également souhaité répondre aux attentes générales des entreprises en matière d’allégement de la pression fiscale qui affecte leur compétitivité – encore une fois, nous nous comparons à la moyenne européenne pour construire les trajectoires et situer notre niveau de compétitivité. Il est attentif à ce que les ressources publiques qui financent différents organismes, dont les centres techniques industriels et les comités professionnels de développement économique, soient dimensionnées au plus juste pour répondre aux besoins.

Dans cette même logique, et conformément aux engagements du Président de la République, la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allégement de charges pérenne permettra d’abaisser durablement le coût du travail, et d’améliorer ainsi la compétitivité de nos entreprises tout en favorisant l’emploi.

Enfin, nous faisons le pari de l’innovation. Nos entreprises, pour être plus compétitives, doivent monter en gamme, avoir des produits toujours plus innovants et de meilleure qualité.

Dans tous les domaines, ce budget soutient l’innovation de rupture, notamment au travers du fonds pour l’innovation et l’industrie, doté de 10 milliards d’euros et alimenté par des cessions de participations publiques. Il financera les technologies qui feront la croissance de demain comme l’intelligence artificielle ou le stockage des énergies renouvelables.

L’innovation, c’est également la numérisation et la robotisation de nos entreprises. Les investissements dans le numérique sont au cœur du projet de loi finances pour 2019. Pour la première fois, la mission « Économie » porte des crédits de paiement à hauteur de 175 millions d’euros pour le plan France très haut débit.

Notre seconde ambition, c’est de transformer l’action publique. Il n’est pas illégitime de considérer que le ministère de l’économie et des finances doit être exemplaire sur ce point s’il recommande aux autres de l’être – sinon, ce serait une injonction paradoxale.

Les crédits d’intervention ont ainsi fait l’objet d’une revue détaillée qui a conduit à préserver les budgets consacrés à l’innovation en cohérence avec notre politique générale, notamment le crédit d’impôt recherche et le dispositif jeunes entreprises innovantes. Il conduit néanmoins à placer en gestion extinctive, à transférer à d’autres acteurs ou à fusionner les dispositifs qui ne relevaient plus de l’État et qui peuvent être portés par d’autres acteurs ou paraissent redondants. Nous prenons nos responsabilités.

Le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) est placé en gestion extinctive. Cette décision respecte la compétence exclusive des régions en matière de développement économique depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République, dite loi « NOTRe ». Cela ne veut pas dire que les projets lancés prennent fin : nous tiendrons nos engagements. Cette décision tient compte également des compétences de la future Agence nationale de la cohésion des territoires, appelée à accompagner les zones les plus fragiles.

La direction générale des entreprises (DGE) ne portera plus d’actions collectives de politique industrielle, ces actions n’ayant pas créé un effet de levier suffisant.

L’Agence France Entrepreneurs rejoindra BPIfrance en 2019.

Enfin, des synergies seront recherchées entre les différentes structures de soutien aux métiers d’art ou de protection des consommateurs.

Au sein des ministères, les efforts de productivité s’accéléreront avec une réduction des effectifs de l’État pour la mission « Économie » de 264 équivalents temps plein (ETP). Dans une logique de suppression des doublons entre l’État et les collectivités territoriales, la direction générale des entreprises verra ses missions recentrées sur un nombre restreint de priorités stratégiques, complémentaires de celles des régions : l’accompagnement des entreprises en difficulté, recentré sur les petites et moyennes entreprises (PME) industrielles, qui est une priorité ; le développement des filières stratégiques avec notamment la connaissance des entreprises régionales concernées, et la capacité de les visiter ; l’innovation, notamment avec la participation aux instances de gouvernance des écosystèmes d’innovation – pôles de compétitivité, sociétés d’accélération du transfert de technologie (SATT), instituts de recherche technologique (IRT), French Tech, etc. – ou la mise en œuvre de la politique nationale de transformation numérique des petites et moyennes entreprises.

Cette réforme, qui sera conduite sur trois ans, se traduira à terme par 27 millions d’euros d’économies et une réduction d’effectifs équivalente à 330 ETP au sein du réseau déconcentré de la direction générale des entreprises.

Il a été tenu compte dans ce projet de loi de finances du niveau des ressources propres de BPIfrance, qui doivent lui permettre de financer son activité de garantie sans nouvelle dotation budgétaire, et également d’absorber un certain nombre d’activités sur lesquelles nous reviendrons sans doute.

Enfin, le projet de loi de finances reflète les dernières négociations avec les opérateurs sur la contractualisation de leurs objectifs de performance.

Les crédits budgétaires du ministère, décrits dans les programmes de la mission « Économie » et dans le programme 192 participent donc de cette priorité du Gouvernement au redressement durable de nos finances publiques et à la rénovation en profondeur de l’action publique pour la rendre plus efficace et plus efficiente.

Les crédits budgétaires restent ainsi quasiment stables en crédits de paiement malgré l’apport en 2019 de 175 millions d’euros au titre du plan national très haut débit. Ils traduisent un meilleur ciblage des aides directes apportées par l’État et une rationalisation des dispositifs, tout en pérennisant les mécanismes qui ont fait leurs preuves.

C’est ce dont nous allons parler plus précisément en répondant aux questions que vous m’avez adresserez.

M. Vincent Rolland, rapporteur pour avis du budget Entreprises. Madame la secrétaire d’État, chers collègues, le soutien aux entreprises est un élément particulièrement stratégique du budget. De la vigueur des entreprises françaises dépendent non seulement la résorption du déficit de compétitivité et le dynamisme de la croissance et de l’emploi, mais également le développement harmonieux de l’ensemble des territoires. Au côté de l’instrument fiscal, le budget permet de financer des dispositifs d’intervention pour les très petites entreprises (TPE) et PME. Si le cadre fiscal et normatif français en faveur des entreprises s’est amélioré, les marges de progression restent considérables, dans la mesure où la France n’arrive qu’à la vingt et unième place du classement Doing Business réalisé par la Banque mondiale dans l’ensemble des pays membres de l’Organisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE).

Dans ce contexte, l’importante baisse des moyens dévolus aux politiques de soutien aux entreprises françaises me semble particulièrement préoccupante. Le programme 134 enregistre en effet une baisse considérable de ces crédits : de 13,1 % en autorisations d’engagement et de 7,8 % en crédits de paiement. L’État consacre pour la première fois en 2018 moins de 1 milliard d’euros aux actions de développement des entreprises et de régulation. Les crédits s’élèvent en effet à 891 millions d’euros en autorisations d’engagement et à 905 millions d’euros en crédits de paiement. Si la maîtrise de la dépense publique est une préoccupation que nous partageons tous, la suppression de certaines aides aux entreprises pourtant considérées comme efficientes par l’ensemble des acteurs risque de freiner le développement du tissu productif français.

Je souhaite faire une remarque préliminaire relative aux évolutions de la maquette budgétaire. Ses modifications substantielles nuisent considérablement à la lisibilité du budget. Par exemple, la suppression de l’action « Tourisme » et son intégration au sein de l’action « Industrie et services » rend moins claire la politique gouvernementale en la matière.

J’attire votre attention sur certaines suppressions et diminutions de crédits inquiétantes. C’est d’abord le cas de la suppression des dotations allouées par l’État à BPIfrance pour soutenir son activité de garantie. J’ai pu mesurer combien cette activité répondait efficacement aux problématiques de financement de nombreuses entreprises. Ce dispositif permet de pallier la frilosité des banques face à des projets considérés comme trop risqués et présente un effet de levier considérable : avec 272 millions d’euros de budget, ce sont 8 milliards d’euros de crédits qui peuvent être octroyés.

Je m’interroge ensuite sur le message que le Gouvernement adresse aux territoires en difficulté. J’avais déjà eu l’occasion de regretter les baisses récurrentes du fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC), l’an dernier et lors du « Printemps de l’évaluation ». C’est aujourd’hui sa suppression pure et simple qui est proposée. Son maintien est essentiel pour garantir l’efficacité de cette politique publique, notamment dans le cadre du plan « Action Cœur de ville » lancé par le Gouvernement. Les projets financés dans le cadre de ce plan ne sauraient remplacer l’action du FISAC, car les périmètres d’intervention diffèrent.

Je m’interroge également sur l’opportunité de la suppression prévue par le PLF pour 2019 de l’Agence France Entrepreneur, chargée de promouvoir l’entreprenariat dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Le Gouvernement a annoncé que cette mission serait désormais assurée par BPIfrance à compter du 1er janvier 2019, mais avec quels moyens ?

Enfin, ces évolutions défavorables à l’économie de proximité risquent d’être amplifiées par la réduction drastique des financements publics alloués aux chambres de commerce et d’industrie. Le maintien des CCI départementales et territoriales est particulièrement crucial.

J’ai souhaité dans la deuxième partie de mon rapport approfondir la question du financement des TPE. Ces dernières représentent 96 % du tissu productif national. Les répercussions de la crise économique de 2008 ont pendant un temps rendu extrêmement difficile l’accès des TPE au financement. Aujourd’hui, je tiens à partager avec vous ma satisfaction de savoir ces difficultés dans l’ensemble résorbées. L’amélioration de la conjoncture économique et la baisse des taux d’intérêt expliquent ce rétablissement des conditions de financement des TPE.

Toutefois, ce constat globalement positif masque la persistance d’un certain nombre d’obstacles structurels. L’accès au crédit reste moins favorable aux TPE qu’aux autres entreprises françaises. Ces difficultés se manifestent particulièrement pour le financement des investissements matériels ou encore en matière d’accès au crédit de trésorerie. En la matière, seules 73 % des TPE obtiennent en moyenne une réponse favorable, alors que c’est le cas de 87 % des PME.

Les facteurs d’explication sont bien identifiés : les TPE sont considérées par les banques comme présentant des activités par nature plus risquées. En conséquence, elles bénéficient de conditions moins avantageuses. Le manque de compétence financière des TPE françaises peut également freiner leur accès au financement, dans un contexte où les dossiers de financement sont d’une technicité croissante. Ces difficultés peuvent être aggravées dans certains cas de figure : ainsi, une TPE en phase de développement, déployant une activité tertiaire en milieu rural et dirigée par une femme de moins de quarante ans, cumulerait autant de handicaps susceptibles d’entraver son accès au financement. La persistance de ces obstacles précis nourrit une certaine défiance des TPE envers leurs banques et peut déclencher des mécanismes d’autocensure.

C’est à l’aune de l’ensemble de ces constats que je propose dans mon rapport plusieurs pistes d’évolutions pour améliorer l’accès au financement des TPE françaises.

En premier lieu, le maillage bancaire territorial et la relation de proximité entre les dirigeants de TPE et leur conseiller sont essentiels et doivent encore être consolidés. En deuxième lieu, face aux défaillances de marché évoquées, je tiens à redire ici l’importance de préserver la dotation de l’État consacrée au financement d’une partie de l’activité de garantie de BPIfrance.

De manière plus générale, au côté des dispositifs d’aides financières qu’il faut préserver, l’accès au financement des TPE nécessite un travail fondamental d’accompagnement de leur projet. Les réseaux d’entreprises, comme Initiative France ou Réseau Entreprendre, jouent à ce titre un rôle majeur. Le taux de pérennité des entreprises accompagnées par un réseau est près de deux fois supérieur à la moyenne nationale. Or, moins de 15 % des TPE bénéficient d’un tel accompagnement. Il s’agit là d’un potentiel très important pour favoriser les créations et le développement des TPE sur l’ensemble des territoires. Un soutien supplémentaire à ces réseaux pourrait prendre la forme d’un niveau de garantie publique plus élevé pour les entreprises accompagnées dans ce cadre.

Il s’agit également, face à la diversité des offres publiques et privées existantes, d’aiguiller les TPE dans leur recherche de financement et d’accompagnement. C’est le rôle des réseaux consulaires mais également des nouveaux « correspondants TPE » mis en place depuis 2016 par la Banque de France.

D’autres pistes peuvent également être envisagées, dans le sens de la diversification des modes de financement des TPE, via les Business Angels et le financement participatif notamment. D’une part, l’ouverture du capital des TPE françaises, notamment aux Business Angels, peut constituer une solution intéressante dans le cas particulier des start-ups. Pour encourager le développement de ces outils de financement, le levier fiscal pourrait utilement être actionné, en prévoyant, par exemple, un taux de réduction d’impôt sur le revenu plus élevé pour les investissements réalisés dans des TPE ou PME créées depuis moins de trois ans.

D’autre part, le financement participatif peut trouver sa place au sein de la palette de financements des TPE traditionnelles. Il offre une réelle complémentarité au côté du financement bancaire pour les TPE à la recherche de souplesse et de rapidité dans l’accès au financement.

En guise de conclusion, j’aurai quelques questions à vous poser, Madame la secrétaire d’État. Quels dispositifs envisagez-vous pour soutenir le commerce de proximité et l’artisanat ?

L’année précédente, votre prédécesseur s’était engagé en séance publique à ce que les crédits supplémentaires alloués au FISAC bénéficient en priorité aux stations-services de maillage, confrontées à des difficultés de financement particulières. Or les critères d’éligibilité au FISAC ont, dans les faits, considérablement limités l’accès à ce fonds pour les stations‑services concernées. Quelles mesures envisagez-vous pour remédier à ces difficultés ?

Enfin, le PLF pour 2019 prévoit la suppression du financement par l’État d’une partie de l’activité de garantie de BPIfrance. Quels dispositifs alternatifs pourraient être mis en place pour répondre aux difficultés structurelles de financement des TPE ?

Mme Christine Hennion, rapporteure pour avis du budget Communications électroniques et économie numérique. Bienvenue, Madame la secrétaire d’État. Nous aurons à travailler ensemble sur des sujets passionnants.

Je vais vous faire une présentation la plus synthétique possible des crédits de la mission « Économie » qui concernent les communications électroniques et l’économie numérique.

Je commencerai par le budget des deux principaux opérateurs du secteur : l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et l’Agence nationale des fréquences (ANFR).

Les crédits de l’ARCEP sont stables, après un rattrapage budgétaire ces dernières années. Si l’Autorité s’est vu confier quelques missions supplémentaires, notamment la surveillance de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI), qui est désormais habilitée, à des fins de protection des systèmes d’information, à contrôler les réseaux des opérateurs, elle nous a confirmé être en mesure de les assurer à moyens constants.

Les moyens de l’ANFR poursuivent leur décroissance année après année – trois ETP de moins cette année, quatorze ETP de moins entre 2018 et 2020 –, alors même que les missions se développent. L’ANFR se voit ainsi transférer la gestion de l’émetteur d’Allouis et les crédits correspondant à la prestation contractuelle, mais sans effectifs dédiés. Il me semble que nous atteindrons bientôt le seuil en deçà duquel les moyens ne pourront plus être diminués.

J’en viens maintenant au développement des réseaux de télécommunication, qui constituent l’essentiel des crédits dont j’ai la charge.

Premièrement, s’agissant du réseau mobile. Son financement est le fait des opérateurs privés, sous la surveillance de l’ARCEP, qui veille notamment à la bonne concurrence dans le secteur. L’année 2018 a été marquée par un événement majeur, qui va permettre de réorienter de nombreuses politiques publiques : le « New Deal mobile », conclu au mois de janvier par l’État, l’ARCEP et les opérateurs. Cet accord est novateur car il se substitue au mécanisme antérieur des attributions de licences aux enchères. En contrepartie de l’absence de rentrées budgétaires, l’État a obtenu de nombreux engagements des opérateurs, qui permettront d’assurer l’égalité de nos concitoyens sur le territoire et la qualité du service.

J’en cite les principaux.

Chaque opérateur va devoir équiper 5 000 sites nouveaux en installation 4G. Compte tenu des possibilités de mutualisation entre opérateurs, ce sont entre 5 000 et 10 000 sites qui devraient être équipés d’ici à 2022. Ces sites seront choisis par les collectivités territoriales, en fonction des besoins locaux.

Tous les pylônes 2G et 3G vont être convertis en pylônes 4G d’ici à la fin de l’année 2020, afin d’accroître la qualité de service.

Enfin, d’ici à la fin de l’année 2020, les 55 000 kilomètres de réseau routier national prioritaire seront couverts en voix et données, de même que le réseau ferroviaire, à l’échéance 2025.

C’est donc un changement d’échelle dans la couverture des zones rurales. Ces engagements, je le précise, ne sont pas des engagements de papier car leur mise en œuvre est soumise au contrôle de l’ARCEP et peut donner lieu à sanction en cas de non-respect.

J’en profite pour dire un mot de la 5G. Tous les usages de cette nouvelle technologie n’ont pas encore été identifiés. Elle devrait en tout cas permettre de fiabiliser les connexions au réseau mobile, ce qui pourrait être utile pour la voiture autonome.

Les fréquences de la 5G vont être choisies, en 2019, au niveau international. En France, des premières expérimentations in situ ont déjà été lancées, avec des mesures des champs électromagnétiques induits. Enfin, le processus d’attribution des licences devrait aboutir en 2019, sous la direction de l’ARCEP.

Il est incontestable que le déploiement de la 5G nécessitera des investissements considérables de la part des opérateurs. Il faut donc être attentif à ce que les conditions financières d’attribution des fréquences soient compatibles avec ces investissements. Par exemple, en Italie, les enchères ont atteint 6 milliards d’euros, contre 2,5 milliards d’euros initialement attendus, ce qui compromet la capacité ultérieure à déployer le réseau.

J’aurai à ce titre deux questions, Madame la secrétaire d’État.

Comment voyez-vous le processus d’attribution des fréquences 5G ? Faut‑il procéder à des enchères ou privilégier une méthode concertée avec les opérateurs, comme pour le « New Deal mobile » ?

Certains acteurs, dans une logique verticale, pourraient vouloir obtenir des fréquences 5G, par exemple pour équiper des sites industriels. Dès lors, les opérateurs de télécommunications ne seraient plus les seuls à gérer des fréquences. Le Gouvernement est-il favorable à ce type d’attributions ?

J’en viens au réseau fixe. Le principal investissement de l’État porte sur le développement de la fibre, avec un objectif de couverture de l’intégralité du territoire en 2022. C’est une action de long terme puisque le plan France très haut débit a été engagé en 2013. L’État y a investi 3,3 milliards d’euros, pour un investissement total supérieur à 20 milliards d’euros, dont l’essentiel est supporté par les opérateurs. C’est donc une bonne opération pour les pouvoirs publics et pour la France, qui sera l’un des premiers pays entièrement fibrés.

Comme vous le savez, notre territoire est réparti en trois types de zones : les zones très denses, dans lesquelles plusieurs opérateurs peuvent déployer un réseau tout en étant rentables ; les zones d’initiative privée ou zones d’appel à manifestation d’intention d’investissement (AMII), pour lesquelles le déploiement du réseau est attribué à un opérateur ; enfin, les zones d’initiative publique ou zones de réseau d’initiative publique (RIP), où le déploiement du réseau est placé sous la responsabilité des collectivités territoriales. Dans ces dernières zones, les collectivités confient à un prestataire la construction de leur réseau, avec un soutien financier de l’État. Ce sont 3,3 milliards d’euros qui avaient été prévus à cette fin. Or, aujourd’hui, toutes les autorisations d’engagement ont été épuisées. L’ensemble des acteurs s’accorde à dire que manqueront environ 700 millions d’euros d’argent public pour permettre aux collectivités d’achever leur partie du réseau. Se posera donc, au cours des prochaines années, une question de financement. Je propose de réamorcer la pompe dès cette année, en rouvrant un guichet pour les collectivités territoriales, doté de 200 millions d’euros, afin de remobiliser les investissements locaux et ceux des opérateurs. Je souhaiterais, Madame la secrétaire d’État, que vous puissiez nous donner votre sentiment sur cette question.

Avant de conclure, j’en viens au bilan thématique que je dresse dans mon rapport de la modernisation de l’action publique grâce au numérique. Les crédits afférents relèvent d’autres missions budgétaires mais je tenais à souligner les progrès accomplis, afin de restituer une vision d’ensemble des politiques publiques en matière de numérique.

Plusieurs programmes existent pour moderniser les services publics. Je citerai le programme des start-ups d’État, qui n’a cessé de se développer et qui a permis d’ouvrir de nouveaux services pour nos concitoyens, tels que le simulateur d’aides sociales mes‑aides.gouv.fr qui permet de simuler le bénéfice de plusieurs dizaines d’aides sociales.

On arrive d’ailleurs maintenant à quantifier les effets économiques de cette dématérialisation. J’en donnerai deux exemples. En matière d’aide au retour à l’emploi, on a mesuré une accélération de 12 % du taux de retour à l’emploi à six mois de plus d’un million de demandeurs d’emploi, soit 24 000 mois de chômage évités et des dizaines de millions d’euros d’allocation économisés via le site La Bonne Boîte, qui permet de cibler les entreprises à démarcher pour adresser une candidature spontanée. Autre exemple, plus de 80 000 dossiers administratifs ont été déposés en ligne grâce au site démarches-simplifiées.fr, ce qui permet un traitement deux fois plus rapide, et donc des économies de frais de gestion.

Pour mener à bien ces projets de modernisation, notamment quand ils sont de grande ampleur, un fonds spécifique a été créé, le fonds de transformation de l’action publique (FTAP). Il est doté de 700 millions d’euros, dont 200 millions pour financer des projets en 2018.

La politique d’inclusion numérique est une autre orientation, également essentielle, des politiques publiques en matière de numérique. En effet, la dématérialisation des services publics n’a de sens que si elle simplifie les démarches des administrés et non pas si elle les rend plus complexes. Or 13 millions de personnes sont aujourd’hui en difficulté avec le numérique, soit 28 % de la population française de plus de 18 ans.

Le Gouvernement a lancé un plan pour un numérique inclusif, qui comprend notamment la création du « Pass numérique », afin de financer des formations et un accompagnement au numérique. Il faudra certainement intensifier encore cette démarche, à l’exemple de ce qu’ont fait certains de nos voisins européens. Les conditions en sont remplies puisque deux structures pilotes ont été récemment créées : la mission Société numérique, au sein de l’Agence du numérique, et la MedNum, société coopérative qui rassemble tous les acteurs impliqués, dont l’État. Cette dernière, créée à la fin de l’année 2017, propose d’ores et déjà une offre de services aux collectivités et aux médiateurs numériques.

Je mentionnerai, pour finir, l’approfondissement de la logique d’open data. Il ne faut pas nier qu’il existe un coût d’adaptation pour les administrations publiques qui doivent désormais publier gratuitement leurs données mais c’est la condition pour mettre les données publiques au service de tous, notamment au service de la croissance économique.

Le numérique constitue bien un secteur d’excellence pour l’économie française, quels qu’en soient les aspects concernés. Il faut que les pouvoirs publics continuent de l’accompagner car c’est aussi un secteur d’avenir.

C’est pourquoi j’émets un avis favorable à l’adoption des crédits que j’ai l’honneur de rapporter pour la commission.

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis du budget Commerce extérieur. Madame la secrétaire d’État, chers collègues, le commerce extérieur est un secteur stratégique pour l’économie française, en termes de recettes, d’emplois et d’activité économique. Pourtant, les chiffres du commerce extérieur pour l’année 2017 ne sont pas bons. Le solde des échanges de biens et services, après une baisse de 30 % en quatre ans, se dégrade une nouvelle fois, de 12 milliards d’euros. Le déficit atteint son niveau le plus élevé depuis 2012 : près de 40 milliards d’euros.

Dans ce contexte, je dois souligner la diminution des crédits alloués au commerce extérieur. Les crédits de l’opérateur Business France, bras armé de l’État en matière de commerce extérieur, sont en baisse de 2,7 % par rapport à 2018, passant de 95,3 millions d’euros à 92,8 millions d’euros. Cette diminution poursuit un mouvement engagé depuis 2015, qui a conduit à une perte de plus de 10 % des ressources en quatre ans.

Pour compenser cette réduction de la subvention, Business France a recours de façon croissante à la facturation de ses prestations. Cette politique de services payants permet aux entreprises d’exiger un service de qualité tout en poussant le prestataire à améliorer constamment son offre. Mais, appliquée sans discernement, elle peut aussi entraver l’efficacité de l’accompagnement à l’export des plus petites entreprises.

Toutefois, à mon sens, et comme j’ai pu le voir au cours de mes auditions, la question principale n’est pas tant celle du budget que celle de la manière dont il est utilisé, il serait en effet erroné d’établir un lien de causalité entre le niveau de budget et l’équilibre de la balance commerciale, celui-ci résultant d’une multitude de facteurs.

Aussi ai-je souhaité m’interroger sur la réforme de l’accompagnement à l’export, annoncée en juillet. Cette réforme est d’autant plus nécessaire que, pour beaucoup d’entreprises, il est encore difficile de savoir à qui s’adresser pour obtenir les bonnes réponses ou bénéficier d’un accompagnement spécifique.

Le Gouvernement entend donc redonner de la visibilité au dispositif, grâce à la constitution d’une équipe de France de l’export dite Team France Export, qui regrouperait l’ensemble des opérateurs d’accompagnement à l’export des entreprises. Cette Team France Export mettra en place un guichet unique en région. Des équipes communes réuniront les collaborateurs des chambres de commerce et d’industrie (CCI) et ceux de Business France ; le secteur privé y sera également associé. C’est aux régions qu’est confiée la mission de définir les priorités de la stratégie à l’export et de veiller à la mise en œuvre de ce guichet unique. Dans un second temps, il me semble qu’il sera intéressant de faire un point d’étape pour observer la manière dont les priorités auront été déclinées dans chaque territoire.

Pour ce qui est de la phase opérationnelle, je persiste à regretter la baisse massive des moyens des CCI et la diminution de la taxe affectée, à l’heure où il faudrait, au contraire, renforcer leur présence aux côtés des PME et TPE pour les aider à développer leurs exportations.

La Team France Export désignera un correspondant unique à l’étranger, qui pourra être issu de Business France ou, dans certains cas, d’un opérateur privé, sous la forme d’une concession de service public. Enfin, une plateforme de solutions sera mise en œuvre. Elle constituera l’équivalent dématérialisé du guichet unique et proposera l’ensemble des réponses aux questions que se posent les entreprises ; une première version devrait en être proposée mi-2019.

L’ensemble de ces mesures me paraissent aller dans la bonne direction et répondre aux demandes et aux besoins des entreprises. Je souhaite toutefois qu’une évaluation en soit réalisée dans un an, pour s’assurer que la réalité correspond bien à l’intention de départ.

Au-delà des moyens budgétaires, au-delà de la pertinence du dispositif de soutien, ce qui doit faire la force de la France à l’export, c’est l’existence d’une stratégie de filières, qui assoie l’internationalisation sur une étude des marchés et des consommateurs à cibler. C’est pourquoi, dans le prolongement des États généraux de l’alimentation, j’ai choisi de me pencher sur une filière spécifique, celle des produits agricoles et agroalimentaires.

Ces produits représentent un poids considérable dans la balance commerciale et constituent le troisième excédent commercial de la France, sixième exportateur mondial du secteur. Les enjeux sont considérables compte tenu de l’augmentation de la population mondiale et des attentes des consommateurs en matière de qualité et de traçabilité. Cependant, la concurrence y est forte, et des pays produisant à moindre coût gagnent progressivement des parts de marché sur la France.

C’est ainsi que notre excédent agricole est tombé en 2017 à un niveau historiquement bas. Cela s’explique à la fois par des raisons conjoncturelles et structurelles. Nous avons en effet un nombre d’entreprises exportatrices beaucoup plus faible que dans d’autres États – 25 % en France contre 80 % en Allemagne. De plus, la filière est fragilisée par une très grande hétérogénéité et, si quelques secteurs réussissent, la plupart sont déficitaires. Nous souffrons enfin d’un déficit de compétitivité-prix, qui s’explique par des normes plus strictes en matière sanitaire notamment, mais surtout par un coût du travail et une fiscalité sur les produits agro-alimentaires plus élevés qu’ailleurs.

C’est pour cela qu’il est primordial pour nos exportations de refonder une véritable stratégie par filière, chacune disposant d’atouts indéniables dans la concurrence internationale. C’est à mon sens aux interprofessions qu’il incombe de porter ce changement de stratégie, autour d’un discours commun sur l’export qui ne soit pas uniquement protectionniste mais qui cherche à saisir l’un des rares relais de croissance.

Pour cela, elles doivent accepter d’adapter leurs produits à la demande internationale et produire spécifiquement pour la clientèle étrangère. Il leur faut aussi déployer plus de démarches collectives à l’export entre filières ou au sein d’une même filière. À cet égard, la collaboration entre l’Association nationale interprofessionnelle du bétail et des viandes (Interbev) et l’Interprofession nationale porcine (Inaporc), qui mutualisent leurs équipes et leurs réseaux sur le marché chinois, ou l’association entre les biscuiteries normandes, qui ont constitué un outil commun de production spécifiquement affecté à l’export, sont des exemples qui méritent d’être soulignés.

À mon sens, la clé de l’export, c’est la mise en commun de l’intelligence. Plus largement, il faut renforcer la visibilité de l’offre française, notamment dans les salons. L’amélioration de cette visibilité passe par la création d’une marque France commune à l’ensemble des filières. Notre slogan actuel, Made in France, made with love, est daté, et beaucoup d’interprofessions n’ont pas voulu l’adopter.

La réflexion sur la nouvelle marque France doit donc se poursuivre autour des valeurs communes de la France agricole et agroalimentaire. Il est urgent de nous remettre au niveau de nos concurrents, comme l’a fait l’Irlande avec son label Origin Green. Nous devons véhiculer un message de qualité et de traçabilité, qui sont les fondements de notre compétitivité hors prix. Il ne s’agit pas uniquement de produire haut de gamme mais aussi de renforcer l’image de notre milieu de gamme, ce cœur du marché où la demande et les volumes sont les plus importants. Cela n’exclut pas évidemment pas que les produits français continuent d’exceller sur les marchés de niche, dits « premium », dont la réputation sera encore renforcée par le recours à l’agriculture biologique.

Enfin, au niveau de l’État, d’autres réformes sont à poursuivre. On a négligé le rôle de la logistique dans l’expansion du commerce extérieur, et nos infrastructures sont aujourd’hui vieillissantes, alors que celles de nos concurrents sont, au contraire, plus performantes. J’insiste donc sur la nécessité d’orienter les fonds du plan France logistique 2025 vers la modernisation de ces infrastructures nécessaires à l’export et vers l’optimisation des plateformes logistiques.

Il s’agit enfin de continuer la politique de réduction des taxes. Je prends note de la suppression de la taxe sur les céréales et de la taxe sur les farines inscrite à l’article 9 du projet de loi de finances. Je souhaite que ce mouvement se prolonge, avec la suppression, par exemple, de taxes à faible rendement, comme la taxe sur les huiles végétales ou celle sur les produits sous appellation d’origine protégée ou sous indication géographique protégée.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. L’activité de garantie est une des principales missions qu’assure BPIfrance auprès des banques commerciales pour certains prêts qu’elles accordent aux PME et aux TPE, notamment pour financer les projets les plus difficiles, comme la constitution d’actifs immatériels ou les phases de création et de transmission des entreprises.

En moyenne, sur les dernières années, BPIfrance a fourni environ 5 milliards d’euros de garantie par an sur les fonds nationaux ; grâce aux régions et aux plans d’investissements d’avenir, ce chiffre a été porté à 5,5 milliards d’euros.

Soyons précis : il n’est pas question de supprimer ce dispositif. En revanche, il convient de ne pas perdre de vue les circonstances dans lesquelles ce dispositif avait été mis en place, à savoir dans une phase du cycle économique où le crédit s’était contracté, justifiant le recours à un tel outil. À présent que le marché est plus favorable, il est assez logique que ce dispositif soit moins utilisé.

Mais l’absence de dotation budgétaire ne s’explique pas seulement par l’amélioration de l’accès au crédit, elle est également liée à la mobilisation exceptionnelle de ses ressources propres et de ses dividendes par l’établissement, qui permettra à BPIfrance de financer très largement son dispositif de garantie l’année prochaine. Le dispositif n’est donc pas du tout remis en cause, mais nous tirons les conséquences de l’évolution du cycle économique. Par ailleurs, j’ai la conviction que, plutôt que d’empiler les dispositifs les uns sur les autres, il faut savoir, chaque fois, revisiter les moyens dont on dispose et les recentrer autour des besoins les plus importants.

En ce qui concerne le fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC), la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe) a conféré aux régions une compétence exclusive en matière de développement économique, ce qui conduit l’État à réexaminer ses interventions dans un souci de cohérence juridique, de subsidiarité mais également de bonnes allocations des moyens publics. Comme vous l’avez dit, Monsieur le rapporteur, le principal n’est pas le budget, mais l’usage que l’on en fait.

Les régions jouent donc aujourd’hui pleinement leur rôle de financeurs de premier niveau des entreprises, ce qui se justifie dans la mesure où, proches des territoires, les régions les connaissent, savent repérer leurs besoins et, au bout du compte, peuvent leur proposer la meilleure réponse économique. En conséquence, le projet de loi de finances pour 2019 ne prévoit pas de nouvelles capacités d’engagement pour le FISAC et place ce dispositif en gestion extinctive. Il existe des FISAC régionaux en Île-de-France, en Corse ou en Nouvelle-Aquitaine, pour ne citer qu’eux, et faire doublon ne semble pas très raisonnable du point de vue des finances publiques.

La question du guichet unique est une problématique récurrente, qu’il s’agisse de l’accompagnement des TPE ou de l’aide à l’exportation, et simplifier les dispositifs est aussi une manière de simplifier la vie des entreprises en leur permettant de s’orienter directement vers le bon endroit pour être accompagnées.

Je vous l’ai dit, l’État honorera tous ses engagements, en particulier s’agissant du financement en 2019 de l’appel à projets diffusé le 30 mai dernier et consacré prioritairement à l’attractivité commerciale des villes dans le cadre du plan gouvernemental « Action Cœur de ville ».

Des crédits, initialement affectés à d’anciennes opérations dont le financement s’est finalement avéré moins élevé que prévu seront mobilisés, et cet effort permettra de financer, par exemple, l’ingénierie nécessaire à la réussite des projets de redynamisation commerciale porté par les villes concernées par le plan gouvernemental.

Seront également soutenues les initiatives numériques des commerçants et artisans, ou encore la modernisation et la diversification des entreprises de proximité.

Enfin, la future Agence nationale de la cohésion des territoires aura vocation à accompagner les territoires les plus fragiles. Sa mission générale sera de favoriser le développement de l’action territoriale de l’État et de ses opérateurs, en conduisant notamment des programmes nationaux territorialisés et en soutenant les projets portés par les collectivités territoriales à des fins d’aménagement et de cohésion des territoires. Dans cette perspective, la mise en œuvre du plan gouvernemental « Action Cœur de ville » en faveur des villes moyennes constitue une priorité de la future agence.

S’agissant des TPE, l’évolution globale du cadre fiscal bénéficie à toutes les entreprises, donc aux TPE. La transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) en allégements de charges devrait notamment leur permettre d’améliorer leur autofinancement, sachant qu’elles conservent par ailleurs leur régime fiscal favorable. Pour l’ensemble des TPE et PME, le gain en autofinancement permis par la refonte du cadre fiscal est évalué autour de 1,5 milliard d’euros.

Vous avez également mentionné, Monsieur le rapporteur, un certain nombre de dispositifs que l’on pourrait qualifier d’innovants et qu’il conviendrait d’appuyer. C’est une idée qui s’inscrit parfaitement dans la logique du projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) et de ses mesures de simplification du financement participatif. Nous sommes donc ouverts à l’examen de ces dispositifs, dès lors qu’ils contribuent à libérer l’économie, à simplifier la vie des entreprises, dans le respect de la trajectoire des finances publiques. Il faut en effet éviter les injonctions paradoxales qui ont probablement pesé sur les finances publiques du pays sous d’autres quinquennats.

Les CCI ont fait l’objet de plusieurs rapports, dont les conclusions convergent vers l’idée qu’il est logique de recentrer les CCI sur leur cœur de mission et qu’il faut en tirer les conséquences quant au soutien qui leur est apporté, sachant que réduire les taxes affectées signifie aussi alléger la fiscalité des entreprises. Il me paraît donc sain que les CCI puissent développer des recettes propres. Cela s’inscrit parfaitement dans notre logique consistant à libérer l’économie, à responsabiliser les acteurs et à simplifier les procédures.

Par ailleurs, un certain nombre de dispositifs ont été mis en place pour accompagner cette transition que je qualifierais de structurante. Encore une fois, l’objectif du Gouvernement n’est pas de faire du saupoudrage de mesures mais de transformer les leviers de la croissance économique. Certains de ces choix sont douloureux – courageux, devrais-je plutôt dire – mais nous les assumons. Cela se traduit en effet pour les CCI par une réduction de 100 millions d’euros des taxes affectées l’an prochain, pour atteindre une baisse globale de 400 millions d’euros d’ici 2022.

En ce qui concerne le numérique, la résorption de la fracture numérique est une priorité du Gouvernement, Nous pensons en effet sans ambiguïté que cela participe de la libération nécessaire de l’économie en donnant à chacun, sur l’ensemble du territoire, accès à des services lui permettant de construire son avenir de manière autonome. Le Président de la République s’est ainsi engagé dès l’été 2017 à accélérer la mise en place du plan France très haut débit, afin d’atteindre deux objectifs : le haut débit pour tous en 2022, soit plus de huit millions de mégabits par seconde d’ici 2020, puis le très haut débit pour tous, soit plus de trente millions de mégabits par seconde.

En ce qui concerne le très haut débit, il y a, vous l’avez dit, des réseaux d’initiative privée et des réseaux d’initiative publique. Pour ceux-ci, une enveloppe de 3,3 milliards d’euros est déployée, afin d’accompagner les collectivités territoriales et les acteurs privés. Existe aussi la possibilité de lancer des appels à manifestation d’engagements locaux (AMEL), qui permettent, sur ces réseaux d’initiative publique, d’attraire des financements privés pour alléger les financements publics.

Nous souhaitons aller jusqu’au bout de ce plan. En revanche, la totalité du chiffrage n’est pas encore arrêtée, du fait notamment de ce dispositif AMEL, qui conduit à revoir les besoins en argent public. Quoi qu’il en soit, le Gouvernement est ouvert aux propositions que vous lui ferez. Je vous mets cependant en garde contre des propositions chiffrées qui ne correspondraient pas nécessairement aux besoins réels. Soit nous pouvons parvenir à une évaluation fiable, soit nous prendrons rendez-vous pour l’an prochain, sachant qu’il s’agit de projets s’étalant sur trois à sept ans et que, en l’occurrence, l’année 2019 est financée, voire l’année suivante. Quoi qu’il en soit, vos interrogations sont parfaitement légitimes.

Quant à la 5G, vous demandez si nous sommes prêts à envisager de donner des fréquences à des acteurs industriels pour créer en quelque sorte une intégration verticale, comme le demande l’entreprise Bosch en Allemagne. Au stade où nous en sommes, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) va très prochainement lancer une consultation publique sur la perspective des futures attributions, l’idée étant qu’il vaut mieux répondre à la question posée, plutôt que de répondre avant que la question soit posée. Nous souhaitons donc comprendre les besoins avec précision pour éclairer la décision du Gouvernement, comme du Parlement, quant aux modalités d’attribution de fréquences à ces nouveaux usagers du spectre.

En ce qui concerne les appels d’offres, le Gouvernement et l’ARCEP doivent les lancers dès 2019 s’ils veulent pouvoir attribuer les fréquences en vue de déploiements commerciaux en 2020. Sachant que la couverture en 5G des axes de transport doit être effective d’ici 2025, tout cela doit être initié dans un délai relativement rapide.

Restent les enjeux financiers liés à cette distribution. Le précédent italien peut laisser penser qu’ils pourraient être considérables, mais nous mettons l’accent sur le fait que cette 5G doit être compétitive, ce qui implique que les opérateurs s’engagent sur un déploiement accéléré et qu’ils fournissent des garanties en matière d’investissements et de services offerts. Compte tenu de ces exigences, il n’a pas encore été décidé si l’attribution se fera par le biais d’enchères classiques ou selon un format mixte, à partir d’un cahier des charges accompagné d’un prix plancher. Ce sont des décisions qui seront prises en concertation avec l’ARCEP.

M. Damien Adam. Je voudrais tout d’abord insister sur le travail sans précédent accompli cette année en faveur des petites et moyennes entreprises, travail dont nous avons toutes les raisons d’être fiers. Depuis quarante ans, nos petites entreprises étaient les grandes oubliées des politiques économiques au profit des grands groupes. Pour en finir avec cette logique, nous replaçons au centre des politiques publiques les PME et les TPE, qui composent l’essentiel du tissu économique de nos territoires. Avec la loi PACTE, avec ce budget, c’est l’ensemble de leur environnement économique qui a vocation à se transformer pour qu’elles puissent grandir, innover, exporter et créer des emplois. Il s’agit d’inclure le plus grand nombre de nos concitoyens dans notre économie en faisant enfin baisser ce chômage endémique et structurel que subit notre pays depuis les chocs pétroliers des années soixante‑dix.

Je voudrais mettre ces transformations en perspective, en insistant sur plusieurs points. En premier lieu, les mesures fiscales : ce sont 20 milliards d’euros que nous réinjectons dans l’économie avec la bascule du CICE en baisses de charges. Ensuite, nous poursuivons la baisse de l’impôt sur les sociétés, dont le taux diminuera de 33,33 % à 25 % d’ici la fin du quinquennat.

À ces mesures s’ajoutent, en second lieu, la refonte de l’accompagnement à l’international des entreprises de taille intermédiaire (ETI) et des PME. Notre balance commerciale constitue toujours le point noir de notre économie. Le déficit de la balance commerciale française atteint 39 milliards d’euros, alors que l’Allemagne affiche un excédent de 245 milliards d’euros et l’Italie un excédent de 47 milliards d’euros. Nos entreprises exportent moins que leurs voisines européennes : il n’y a ainsi que 125 000 entreprises françaises qui exportent, contre 300 000 en Allemagne. Cela s’explique par le fait que nos dispositifs de soutien à l’exportation sont éclatés, illisibles et peu efficaces.

La réforme du service public de l’export portée par Business France permet d’apporter une solution durable en regroupant l’ensemble des acteurs concernés, publics et privés, au sein de la Team France Export. L’objectif est de mettre davantage en phase l’accompagnement des entreprises avec leurs besoins.

Vous avez évoqué, Madame la rapporteure, la question du déploiement du très haut débit en France : c’est une attente très forte de nos concitoyens et de nos entreprises. Notre ambition est de couvrir l’ensemble de notre territoire, en particulier les zones rurales car, loin des clichés que peut véhiculer l’opposition, nous portons une attention particulière aux territoires isolés, et le numérique est une formidable chance qui leur est offerte de ne plus être les grands oubliés du développement économique. Vous avez fait remarquer que les crédits du programme ne semblaient pas suffisants pour achever le plan. Si tel est le cas, il est important que le Gouvernement puisse augmenter ces moyens afin de respecter l’engagement pris d’avoir couvert l’ensemble du territoire en fibre optique d’ici 2022.

En ce qui concerne enfin le FISAC, plutôt que de le défendre à tout prix, ne serait-il pas préférable de se concentrer sur les politiques qu’il sert ? C’est dans cette logique qu’a été voulue la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, conçue comme le fer de lance d’une stratégie globale dont les modalités opérationnelles seront déléguées aux régions, ainsi que cela a été acté par la loi NOTRe. Vous avez d’ailleurs rappelé, Madame la secrétaire d’État, que la plupart de ces régions s’étaient déjà emparées du sujet et avaient pour certaines mis en place des FISAC régionaux. Il faudra en tout cas s’efforcer d’être plus efficace que ne l’est actuellement le FISAC, qui mobilise dix équivalents temps plein (ETP) pour gérer un budget assez modeste.

Vous l’aurez compris, à travers les crédits de la mission « Économie », notre ambition est toujours de transformer en profondeur l’économie française, pour une croissance équilibrée et durable, et notre groupe votera évidemment ces crédits.

Cependant, la transformation de l’environnement économique de nos entreprises est loin d’être achevée. Si cette année a été consacrée à nos TPE et PME, je voudrais attirer l’attention de la secrétaire d’État sur le fait que la loi PACTE semble avoir relégué au second plan les mesures en faveur des ETI. Je souhaiterais donc qu’elle nous éclaire sur les actions spécifiques qui pourraient être mises en œuvre dès l’année prochaine pour soutenir ces entreprises.

M. Julien Dive. Avant d’aller plus loin dans mon propos, je voudrais rebondir sur les comparaisons qui ont été faites entre la France et l’Allemagne au sujet de la balance commerciale. En matière de fiscalité, on s’en tient souvent à la comparaison entre les taux de l’impôt sur les sociétés (IS), que le Gouvernement entend d’ailleurs faire évoluer vers la convergence, et l’on oublie qu’en France la production est lourdement taxée, ce qui pèse sur nos entreprises. Cela devrait pourtant retenir toute notre attention si l’on veut redresser notre balance commerciale.

Pour en revenir aux crédits de la mission « Économie », je constate avec inquiétude la baisse de 17 %, des crédits en autorisations d’engagement, ces derniers passant de 2,13 milliards d’euros en 2018 à 1,76 milliard d’euros pour 2019, soit une diminution de 367 millions d’euros. Le Gouvernement nous avait pourtant annoncé l’an dernier, lors de l’examen du PLF pour 2018 une augmentation progressive des crédits de la mission d’ici 2020. Nous ne pouvons dès lors que nous interroger sur la sincérité des annonces gouvernementales et des prises de position que vous pourriez être amenés à prendre cette année.

Pour mémoire, cette mission a pour objectif de favoriser la mise en place d’un contexte favorable à la croissance, à la compétitivité des entreprises et à la pérennité du tissu économique. Or force est de constater une nouvelle fois que les actes ne suivent pas les paroles. J’en veux pour preuve la disparition pour la première fois depuis trente ans de toute référence au fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC) dans ce projet de budget. Cette disparition est en totale contradiction avec vos effets d’annonce sur la revitalisation des centres-villes, et je dénonce, dans votre projet de loi, un tour de passe-passe budgétaire qui a consisté à se servir dans les caisses du FISAC pour financer le plan « Action Cœur de ville », une incohérence quand on sait que les crédits du FISAC permettaient de préserver une économie de proximité dans les petits bourgs et les territoires périphériques.

Le FISAC et « Action Cœur de ville » sont parfaitement complémentaires, mais vous déshabillez Pierre pour habiller Paul. En outre, rien ne nous confirme que les fonds seront fléchés à bon escient, a fortiori puisqu’ils sont transférés vers une autre mission. Le programme « Action cœur de ville » dépend en effet de la mission « Cohésion des territoires » et non de l’« Économie », ce qui signifie concrètement que le ministère de l’économie ne soutient plus les commerces, les artisans ou les services de proximité, qui sont autant de TPE et de PME à accompagner.

Enfin, le programme « Action Cœur de ville » repose sur des mécanismes incitatifs devant pousser les collectivités à mettre en œuvre des actions locales et non sur des aides de l’État : comme d’habitude, ce sont donc les collectivités qui supporteront les efforts nécessaires pour soutenir à bout de bras certains territoires, sans moyens supplémentaires. Chaque année, on assiste au même mouvement de désengagement de l’État, dont témoigne également la baisse du budget des CCI, lesquelles factureront désormais certains de leurs services aux TPE.

Nous ne contestons pas qu’il faille réformer le FISAC, et nous aurions pu œuvrer collectivement pour le moderniser et le rendre plus efficace. Nous aurions notamment pu réfléchir à la réaffectation d’une part de la fiscalité sur la grande distribution, comme c’était le cas avant 2014 avec la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM). Cela aurait permis de compenser la baisse des crédits du FISAC et aurait contribué à renforcer la solidarité entre la grande distribution et les petits commerces.

En l’état, le groupe Les Républicains ne peut qu’exprimer sa désapprobation à l’égard d’un PLF qui ne soutient plus les commerces et les artisans de proximité. Faire des économies, nous sommes pour, mais pas au détriment des services publics.

M. Nicolas Turquois. Le périmètre la mission « Économie » est très large et les sujets abordés nombreux : le numérique, les opérateurs publics d’accompagnement, les entreprises, le commerce extérieur.

L’une des priorités de ce quinquennat est de conduire la France au premier rang en termes d’attractivité, de croissance et d’emploi. La mission « Économie » est donc particulièrement importante, en ce qu’elle accorde une large place au développement des entreprises et à la numérisation du territoire.

Je ne reviendrai pas sur la volonté affirmée du Gouvernement d’être aux côtés des PME. Le projet de loi PACTE constitue une avancée majeure sur ce sujet, et je m’associe pleinement aux propos tenus par mon collègue Damien Adam. Je veux plutôt saluer, au nom du groupe du Mouvement Démocrate et apparentés (MoDem), la hausse de 6 % des crédits consacrés au numérique, qui s’explique principalement par l’ouverture des crédits alloués au plan France très haut débit. 2019 sera ainsi la première année où des crédits de paiement seront ouverts pour ce plan, l’objectif principal étant la couverture de la totalité du territoire en très haut débit d’ici à 2022. 2019 marquera en outre la préparation du déploiement de la 5G sur le territoire.

L’incapacité de certaines de nos TPE et PME à accéder à internet est un frein à leur croissance et, en ce sens, les choix budgétaires du Gouvernement doivent être soutenus. L’accès au numérique et est un bien premier, auquel chacun de nos concitoyens et chacune de nos entreprises doivent pouvoir accéder : pourriez-vous donc, Madame la secrétaire d’État, nous expliquer les initiatives mises en œuvre en faveur de l’inclusion numérique, afin de rapprocher les publics les plus éloignés des outils numériques et tenter de résorber la fracture territoriale ?

J’en viens à la question des entreprises. En la matière, l’examen de la mission « Économie » s’inscrit dans un contexte particulier dans la mesure où notre assemblée, je l’ai dit, vient d’adopter en première lecture le projet de loi PACTE. Cependant, le projet de loi de finances prévoit, pour 2019, une extinction presque totale du fonds d’intervention pour les services, l’artisanat et le commerce (FISAC). Je tiens à vous alerter, Madame la secrétaire d’État, sur cette mesure qui s’inscrit dans une réflexion plus globale sur le maintien des commerces dans les territoires ruraux, auquel je suis très sensible. En effet, la grande distribution continue de se développer et de grandes plateformes de e-commerce apparaissent, qui vont concurrencer à la fois les petits commerces et la grande distribution. Quelles mesures comptez-vous mettre en œuvre pour installer une concurrence saine entre ces différents acteurs et éviter ainsi un enclavement encore plus grand de nos petits commerces et de nos territoires ruraux ?

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis. Intervenant, cette fois, au nom du groupe UDI, Agir et Indépendants, je me contenterai, Madame la secrétaire d’État, d’ajouter quatre questions aux propos de mes collègues.

Premièrement, le Salon international de l’alimentation (SIAL), qui se tient cette semaine, produit un flux commercial important, mais il est l’un des seuls salons de ce type à se tenir en France, la plupart étant aujourd’hui localisés en Allemagne. Je souhaiterais donc savoir si le Gouvernement, en particulier votre ministère, envisage de promouvoir de nouveaux salons sur le territoire national.

Deuxièmement, pouvez-vous nous donner un éclairage sur l’impulsion qu’il semble nécessaire de donner pour que les travaux sur la marque « France » avancent un peu plus vite ? On avait promis que cette marque serait opérationnelle pour le SIAL. Or, tel n’est pas le cas ; le temps presse.

Troisièmement, les crédits de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) enregistrent une baisse de 6 millions d’euros, alors que la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agroalimentaire (EGALIM) et la loi PACTE vont lui confier des missions supplémentaires. La DGCCRF étant le gendarme d’un certain nombre de relations commerciales, il serait probablement malhabile de la fragiliser.

Enfin, j’ai entendu qu’en 2022 l’ensemble du territoire national serait couvert par la fibre. Les départements d’outre-mer sont-ils également concernés ?

M. Dominique Potier. Après avoir souhaité une pleine réussite à Mme la secrétaire d’État et salué nos rapporteurs pour la qualité de leurs rapports, je tiens à vous dire, Madame la présidente, que nous sommes tous très attachés à la bonne tenue de nos travaux, qui relève de notre responsabilité collective, et que tout dérapage est évidemment condamnable. Je sais, pour avoir un peu d’expérience au sein de cette commission, qu’elle s’est toujours caractérisée – je pense, à cet égard, au travail qu’a fait M. Roland Lescure – par le fait que ses membres entretiennent des relations amicales tout en faisant montre de rigueur dans leurs travaux. Nous n’avons pas le sentiment d’y avoir failli, mais je tiens à vous dire que nous voulons contribuer pleinement à cet état d’esprit. Nous savons que c’est votre première préoccupation, et je voulais vous assurer de notre confiance et de notre estime.

J’en viens au sujet qui nous occupe. Lors de l’examen du projet de loi PACTE, le groupe Socialistes et apparentés a été une force de proposition, en suggérant une révolution de l’esprit d’entreprise au XXIe siècle, mais il est aussi resté très soucieux, comme il l’est dans sa proposition de contre-budget, de ne pas s’écarter d’une certaine rigueur budgétaire. L’ensemble de nos propositions étaient ainsi tout à fait équilibrées et identifiaient même quelques moyens de financer le développement des TPE et des PME. À cet égard, je m’étonne, Monsieur Adam, que les crédits relatifs aux PME, à l’artisanat et au commerce suscitent votre enthousiasme puisque nos rapporteurs, y compris ceux qui appartiennent à votre famille politique, ont signalé des failles importantes dans le budget qui inquiètent les entreprises et les territoires.

Parmi nos propositions figurait celle d’imposer un « facteur 12 » afin qu’au sein d’une entreprise, le salaire le plus élevé n’excède pas douze fois le salaire le plus bas. Au-delà de cette limite, on ne décompterait plus dans les charges de l’entreprise cette part de salaires et de charges sociales, de sorte que l’on créerait un bénéfice fiscal qui pourrait être investi au service d’une économie plus équitable. Autre source de recettes budgétaires : la lutte contre l’optimisation et la fraude fiscale, que nous avons proposé de renforcer en prévoyant l’information des institutions représentatives du personnel. Cette mesure, compatible avec notre Constitution, aurait pu être adoptée.

Ces recettes supplémentaires pourraient alimenter des politiques publiques et contribuer, par exemple, à maintenir, voire à amplifier les moyens alloués à l’écosystème de l’export, qui est fragilisé par les choix du Gouvernement. Elles auraient également permis à la puissance publique d’accompagner de manière bienveillante les PME et les TPE de nos territoires, en étant attentive à leur enracinement. Tel est l’objet des propositions que nous avons faites, par exemple, sur la limitation des frais bancaires, sur un suramortissement de nature à favoriser la transmission des entreprises – qui est toujours un point de fragilité important –, sur le fléchage de l’accès à l’investissement vert et aux ruptures technologiques ou sur un dispositif qui permette d’éviter les faillites en cascade de PME. Nous avons également fait des propositions pour renforcer la lutte contre les entreprises éphémères, ces « entreprises voyous » qui pillent les ressources publiques.

Enfin, en matière de politique commerciale, l’abandon du FISAC est une mauvaise nouvelle. Nous aurions pu en effet investir dans un fonds imaginatif et moderne pour permettre à nos entreprises commerciales à taille humaine de lutter contre les monopoles de la grande distribution et le développement d’un numérique contre-productif sur le plan écologique et qui détruit une part de la maille de notre territoire.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Commençons par la question des ETI, qui m’est chère. Quelle est la politique de l’État en faveur de ces entreprises ? Dans ce domaine, il convient de faire en sorte, d’une part, que des PME deviennent des ETI et, d’autre part, que les ETI grandissent, notamment à l’international. Telles sont, selon moi, les deux grands enjeux en la matière. En effet, comparé à celui d’autres pays, notamment l’Allemagne, notre tissu entrepreneurial se caractérise, certes, par un grand dynamisme des PME mais aussi par une sous-représentation des ETI. C’est, du reste, une des raisons pour lesquelles avait été créé le Fonds stratégique d’investissement, qui a ensuite été rapproché d’Oséo pour constituer BPI Groupe.

Le Gouvernement agit donc en particulier sur les leviers du financement de la croissance de ces entreprises, en soutenant les marges qui déterminent leur capacité d’autofinancement par des diminutions de charges et d’impôts et un renforcement de la compétitivité hors coûts par la formation et l’innovation, notamment. C’est un point central. Ces mesures ne sont pas forcément tangibles parce qu’elles ne sont pas fléchées, mais je puis vous assurer qu’une baisse du taux de l’impôt sur les sociétés de 33,3 % à 25 % est un élément majeur de la compétitivité internationale d’une entreprise, dès lors que ses concurrents sont soumis à des taux de fiscalité moyens de l’ordre de 25 % – voire 20 % pour certains, grâce à des effets d’optimisation. Une mesure de ce type réduit véritablement cet écart, et je peux vous dire que les dirigeants d’entreprise le vivent très concrètement.

Deuxièmement, il convient de soutenir l’accès au crédit – dans un contexte où les conditions de financement sont globalement favorables, et même très favorables –, notamment au moyen d’interventions ciblées de BPIfrance sur les segments du marché qui sont plus difficiles : les fonds de roulement, l’immatériel et le digital.

On peut également soutenir les ETI en déployant des capitaux via BPIfrance, notamment sur les segments de marché du capital-développement qui le nécessitent. Les contrats de filières industrielles ont leur importance à cet égard, car il importe d’avoir une vue d’ensemble de la filière, de façon à accompagner chaque classe d’entreprises pour qu’elles poursuivent leur développement, qu’elles aient des connexions aisées avec leurs donneurs d’ordres, qu’elles puissent gagner des marchés et améliorer leur offre. Dans ce cadre, l’innovation et la gestion des compétences entreront en ligne de compte.

Enfin, le projet de loi PACTE vise à rendre les financements interentreprises plus vertueux, grâce au renforcement des sanctions en cas de dépassement des délais de paiement. Certaines entreprises sont parfois, vous le savez, un peu « taquines » – je ne sais pas si le terme est approprié. Ainsi, lorsqu’on a un objectif de cash à atteindre au 30 juin, par exemple, on trouvera un défaut à une facture pour ne pas l’accepter, et c’est sur la PME ou l’ETI que cela retombe. Des mesures de ce type sont donc très importantes, de même que la simplification du droit des sûretés, déterminante pour la confiance des investisseurs et des financeurs.

J’en viens à la question de l’inclusion numérique. On dénombre 13 à 14 millions de Français éloignés du numérique. Il est donc urgent que l’État, les collectivités locales, les opérateurs de service public, les entreprises et les acteurs locaux agissent collectivement. Après des travaux associant l’ensemble de l’écosystème, le Gouvernement a lancé, le 13 septembre dernier, le plan national pour un numérique inclusif. Les trois grands axes de ce plan visent, premièrement, à apporter des réponses structurantes et nouvelles aux professionnels de l’accompagnement social et numérique et aux collectivités territoriales pour qu’elles-mêmes accompagnent mieux les publics éloignés ; deuxièmement, à mobiliser aux côtés des pouvoirs publics les opérateurs de service public et les acteurs économiques autour d’objectifs et d’initiatives communs, y compris de financement ; et, troisièmement, à amorcer, consolider et passer à l’échelle des outils concrets pour donner des capacités supplémentaires à ceux qui œuvrent concrètement en faveur de l’inclusion numérique.

L’une des actions phares de ce plan est le déploiement national du « Pass numérique », qui présente un triple intérêt : il cible les publics éloignés et leur ouvre un droit à l’accompagnement et à la formation numérique – c’est donc très concret ; il facilite l’enrôlement des financeurs, notamment privés, au service de l’inclusion numérique, et il consolide les acteurs de proximité de la médiation numérique qui rentrent dans une démarche de référencement et de qualification de leurs services. La sécurisation d’un budget de 10 millions d’euros de l’État afin de cofinancer le déploiement du « Pass numérique » par les collectivités territoriales est en cours grâce au PLF pour 2019. Le Gouvernement déposera ainsi un amendement tendant à abonder le programme 134 « Développement des entreprises et régulations » à hauteur de 10 millions d’euros. Cet abondement en crédits de paiement est gagé par une diminution équivalente du programme 343 « Plan France très haut débit ».

L’accompagnement des usages et la montée en compétence des Français sont également un prérequis pour maximiser l’impact de l’investissement dans le plan France très haut débit. En effet, ce n’est pas tout d’avoir l’infrastructure, encore faut-il savoir s’en servir. C’est l’un des enjeux des prochaines années.

Sur le FISAC, je ne répéterai pas ce que j’ai déjà dit, mais je souhaite tout de même citer quelques chiffres. Évitons les effets de manche ! On s’émeut que le mot « FISAC » disparaisse du budget, mais un appel à projets d’opérations collectives a été lancé : 100 dossiers ont été étudiés le 16 octobre 2018, 60 d’entre eux ont été retenus, dont 31 concernent des territoires « Action Cœur de ville ». J’ajoute que le financement versé au titre du FISAC s’éteindra en 2024. Le dispositif ne disparaît donc pas du jour au lendemain. Par ailleurs, on l’a dit, les missions du fonds sont reprises par d’autres intervenants. Les régions ont créé leurs propres FISAC, ce qui est logique dès lors que la loi NOTRe confie exclusivement la compétence économique aux régions. Enfin, il ne me paraît pas particulièrement choquant que le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales soit compétent dans ce domaine.

M. Julien Dive. Ce qui est choquant, c’est que le ministère de l’économie ne le soit plus !

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Je vais vous dire une chose : le Gouvernement forme une équipe.

M. Julien Dive. Et alors ?

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, présidente. Seule Mme la secrétaire d’État a la parole.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie et des finances. Le ministère chargé de l’économie s’occupe, bien entendu, d’économie, et il sera évidemment impliqué dans la création de l’Agence nationale de la cohésion des territoires. La question de savoir si c’est Pierre ou Paul qui a le sujet en main ne me paraît pas à la hauteur des enjeux.

S’agissant du SIAL, vous avez parfaitement raison, Monsieur Herth. Le Salon international de l’alimentation – où M. Didier Guillaume s’est rendu récemment – est un salon professionnel biennal remarquable à plus d’un titre. Il est inscrit sur la liste des 35 salons professionnels prioritaires du contrat de la filière « Rencontres d’affaires et événementiel ». Ce contrat de filière, vous le savez, a été signé il y a deux ans. Il a pour objectif d’améliorer le positionnement de la France, qui reste en effet encore en retrait, sur l’accueil de manifestations ayant trait à l’industrie, à l’énergie, à l’environnement ou au numérique. Le poids économique des 1 150 foires et salons qui se tiennent chaque année en France est important, puisque le flux d’affaires, pour les entreprises exposantes, s’élève à 30 milliards d’euros.

Pour répondre à votre question, le SIAL n’est pas le seul salon de ce type à se tenir en France. D’autres salons internationaux sont organisés chaque année dans notre pays. Je pense, par exemple, à Maison et Objet, dont la fréquentation étrangère ne cesse de croître. En 2019, d’autres salons professionnels également emblématiques sont programmés : Salon de l’aéronautique, Vinexpo, Equip Auto, Batimat, Milipol… La filière connaît bien ses atouts, mais elle connaît également ses faiblesses. Elle en a, en tout cas, a pris conscience – c’était l’un des enjeux du contrat de filière. Par comparaison avec l’Allemagne, qui compte huit villes parmi les plus attractives du monde, sa principale faiblesse réside dans un maillage territorial déséquilibré, puisque les infrastructures d’accueil se concentrent en Île‑de-France.

Des critères ont été définis conjointement avec les professionnels pour identifier les salons prioritaires : seuil minimum de visiteurs – au moins 10 000 entrées –, part des exposants français et pourcentage significatif de visiteurs étrangers. L’enjeu est en effet d’obtenir un retour sur investissement, lequel peut atteindre, selon certaines études, pour une entreprise présente à un salon, huit euros pour un euro investi.

Les pouvoirs publics et les professionnels de la filière entendent également poursuivre l’activation des stratégies de captation de congrès internationaux, d’événements corporate et de grands événements internationaux. Nous nous appuyons, pour cela, sur l’intelligence économique des ambassades et d’autres réseaux à l’étranger, sur les autres départements ministériels concernés ainsi que sur les maires des villes d’accueil.

Enfin, d’autres aspects du plan porté par la filière visent à favoriser l’accueil et à accroître la performance des salons professionnels. Je pense à la délivrance des visas en 48 heures, de sorte que les acteurs étrangers puissent venir facilement et de manière impulsive, à la présence d’un ministre à l’inauguration d’un salon prioritaire, à la formation professionnelle aux métiers du tourisme et de l’événementiel et au dispositif d’accueil francilien à destination des organisateurs de salons, qui offre une palette de services d’information, d’orientation et de transport, bref tout ce qui facilite l’organisation d’un salon et rend la vie plus facile. Il s’agit, en définitive, de renforcer, là encore, l’attractivité de la France.

À ce propos, la promotion des marques nationales est un outil d’influence économique de premier plan. Depuis son élection, le Président de la République a placé l’image de la France et son rayonnement international au cœur de son action. Ces dernières années, cette image à l’international a été caractérisée par une multitude d’actions contribuant à l’attractivité du territoire national et à l’émergence de nouveaux acteurs économiques. Mais on peut considérer que l’ensemble manque de coordination et que les résultats ne sont pas à la hauteur de nos espérances. Il est donc important de définir une campagne de promotion pluriannuelle de l’image de notre pays à travers l’émergence d’une marque « France ». Toutefois, cette marque doit d’abord s’ancrer dans le temps avant de produire les effets escomptés et permettre de s’appuyer sur le déploiement d’une « marque ombrelle ». Les questions à se poser relèvent donc quasiment du marketing : quelle cible ? Quelle stratégie ? Quels critères d’évaluation ?

Si l’on veut faire correctement ce travail, il faut dresser l’inventaire des initiatives existantes. Nous connaissons tous, en effet, des industries, des technologies, des secteurs, des territoires, qui font leur promotion. Ils sont assez actifs et souvent talentueux, mais ces actions diverses brouillent l’image globale. La « marque ombrelle » doit s’articuler de manière pragmatique et opérationnelle avec ces initiatives. Les différents modes de financement qui permettront à la fois de pérenniser la campagne de la marque « France » et de la faire changer d’échelle par rapport à « Créative France », lancée en 2015, devront également être analysés de manière précise.

Selon moi, le fait que cette marque n’émerge pas immédiatement peut s’expliquer par la nécessité de mener préalablement un travail de compréhension et de rationalisation, afin de faire naître la « marque ombrelle » sans casser les actions existantes. Il convient d’assurer un bon niveau de concentration des crédits et des initiatives car la dispersion est parfois telle qu’à l’international, personne ne comprend rien et nos actions manquent d’impact.

En ce qui concerne le très haut débit, je précise tout d’abord – pour qu’il n’y ait pas d’ambiguïté sur l’engagement qui a été pris à l’horizon 2022 – que celui-ci ne se limite pas à la fibre : il peut être assuré par un mix de technologies. Cet engagement couvre bien l’outre-mer. Cependant, dans certains territoires – je pense à la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie –, les politiques publiques de télécom sont de la responsabilité des gouvernements locaux.

Quant à la DGCCRF, une revue de ses missions a été réalisée après que des rapports ont montré que la réforme de l’organisation territoriale de l’État avait pu engendrer des difficultés opérationnelles. Cette revue a conclu à la nécessité de se concentrer sur trois éléments. Premièrement, il convient de s’appuyer sur un réseau d’enquêteurs spécialisés et de fonctionner en réseau de contrôle sur les thématiques les plus pointues. La palette des sujets techniques relevant de la DGCCRF est en effet si étendue que les enquêteurs doivent se spécialiser : le secteur de la cosmétique et celui des banques et assurances, par exemple, sont évidemment très différents. Deuxièmement, il faut structurer l’organisation territoriale du réseau de la DGCCRF au plus près des bassins économiques et du marché, avec des équipes qui soient dotées d’une taille suffisante et d’une capacité de projection sur tout ou partie du territoire. Il s’agit, en définitive, de mieux capter les signalements des consommateurs et de répondre le plus vite possible à leurs interrogations. Troisièmement, il faut prévoir, pour les missions de protection économique du consommateur ou le contrôle de la qualité et de la sécurité des produits, un niveau d’exécution départemental ou interdépartemental afin de traiter les fraudes le plus en amont possible. Certains contrôles, qui nécessitent une couverture étendue, pourraient être délégués. Tel est le cas, par exemple, des contrôles d’hygiène dans les restaurants.

Il est donc envisagé de resserrer le réseau départemental en procédant à des regroupements de départements. À terme, la complexification des métiers et des fraudes pourrait nécessiter de renforcer les mutualisations au niveau régional, infrarégional ou national, pour assurer un service pointu à même de garantir la protection des différentes formes de consommation et de lutter contre les différentes formes de fraudes auxquelles les consommateurs peuvent être confrontés.

M. Xavier Roseren, rapporteur spécial de la commission des finances. Ma collègue Olivia Grégoire et moi avons la charge du programme 134, « Développement des entreprises et régulations », de la mission « Économie ». Comme vous avez pu le constater, ce programme est foisonnant, puisqu’il regroupe les crédits de trois directions générales – la direction générale des entreprises (DGE), la direction générale du Trésor (DGT) et la DGCCRF, ainsi que leurs services déconcentrés –, deux autorités administratives indépendantes – l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) et l’Autorité de la concurrence –, les subventions à BPIfrance ainsi qu’un certain nombre de dépenses spéciales, dont le CICE.

Pour aller à l’essentiel, je souhaite appeler votre attention sur deux points : d’une part, la suppression de l’action n° 20, qui correspondent au fonds de garantie de BPIfrance, et, d’autre part, le FISAC. En ce qui concerne l’action n° 20, plusieurs amendements visent à réinscrire dans le budget cette ligne à la même hauteur que les années précédentes, soit un peu moins de 41 millions d’euros. Mme Grégoire et moi souhaitons vous rassurer : nous avons bien pris en compte cette problématique. La baisse des crédits s’explique par le fait que la conjoncture économique ne justifie plus une intervention aussi importante de BPIfrance, laquelle est en mesure d’assurer, en 2019, ses missions par le biais de ses financements propres. Cependant, nous avons déposé un amendement visant à abonder cette ligne budgétaire à hauteur d’1 million d’euros seulement, afin de pouvoir, le cas échéant, pallier efficacement et rapidement un changement de conjoncture.

S’agissant du FISAC, le programme prévoit une gestion extinctive du dispositif. Il est important, selon nous, que soient menées des actions de soutien au commerce et à l’artisanat local. Cependant, le FISAC n’est pas l’outil adapté. Il a en effet deux inconvénients. Tout d’abord, les montants sont faibles. Ensuite, son coût de gestion est très important, puisqu’il nécessite quasiment plus de 10 équivalents temps plein. C’est pourquoi nous fondons beaucoup d’espoirs sur l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

M. Jean-Bernard Sempastous. Madame la secrétaire d’État, je tiens, avant toute chose, à vous remercier d’être présente parmi nous et à saluer la spécialiste du secteur des stations de ski que vous êtes – nous sommes nombreux à les défendre au sein de cette commission. Le programme que nous examinons aujourd’hui a pour principal objectif d’améliorer la compétitivité des entreprises françaises, notamment en renforçant l’investissement et l’innovation dans les filières industrielles. De fait, dans certaines régions, le secteur industriel est confronté à de grandes difficultés. Ainsi, dans ma circonscription, il a perdu 7 000 emplois en trente ans.

Néanmoins, je crois que nous avons des raisons de rester optimistes car de nombreux territoires français ont une culture industrielle et regorgent de forces prêtes à construire l’industrie de demain. Toutefois, certains blocages doivent encore être dépassés. Les PME et les ETI réclament ainsi fortement un accompagnement et un soutien de la part de l’État dans les démarches relatives à la propriété intellectuelle et dans l’accès aux aides à la recherche et développement.

Puisque M. Bruno Le Maire vous a confié une mission sur la reconquête industrielle et que le Premier ministre a lancé l’initiative « Territoires d’industrie » visant à soutenir 100 projets en France, pouvez-vous nous indiquer comment l’État compte accompagner concrètement les collectivités locales, en particulier dans les agglomérations de taille moyenne ?

M. Daniel Fasquelle. Le FISAC a été très utile : les sommes en jeu sont certes modestes, mais pour des commerces modestes situés dans des territoires modestes, il a rendu de fiers services, vous ne pouvez affirmer le contraire. Loi après loi, ce fonds a été vidé de son contenu, d’abord par les socialistes, et maintenant vous finissez le travail. Pour ma part, je déplore que l’on ait démoli cet instrument, d’ailleurs financé au départ par une partie du produit de la taxe sur les surfaces commerciales (TASCOM). L’idée était de taxer les grandes surfaces pour soutenir les petits commerces de centre-ville ou de milieu rural.

Quant au fonds pour l’innovation « de rupture », il relève de la plaisanterie ; 10 milliards d’euros rapporteront 250 millions d’euros par an, alors que vous vendez trois entreprises qui rapportent 500 millions d’euros de dividendes annuels. Ce n’est pas de cette manière que nous ferons entrer l’économie française dans le nouveau siècle…

Madame la présidente, ne me coupez pas la parole au bout de 59 secondes alors que l’orateur précédent vient de parler pendant une minute et demie ! C’est très désagréable !

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, présidente. Je ne faisais que vous signaler qu’il ne vous restait plus que 10 secondes. Les dérapages qui se sont produits hier ont été tels qu’aujourd’hui je ne suis guère bienveillante, je vous le confirme. Je vous laisse achever votre propos.

M. Daniel Fasquelle. Je termine la phrase que vous avez interrompue : ce fonds « de rupture » est très insuffisant.

Mme Laure de La Raudière. Ma question concerne l’avenir du très haut débit et le mix technologique. Dans tous les territoires, les gens ont le sentiment que le mix technologique est remis en cause au profit du déploiement de la fibre partout et pour tous, ambition que j’appelle de mes vœux depuis 2008. Je considère en effet qu’il faut déployer la fibre pour tous, quitte à reporter l’échéance de 2022 à 2024, et préparer l’accompagnement des territoires qui n’ont pas initialisé leur projet.

C’est dans les départements qui sont les plus en retard qu’il n’y a pas de réponse des opérateurs aux zones d’appel à manifestation d’engagements locaux (AMEL).

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’état auprès du ministre de l’économie et des finances. Les ressources dégagées par BPIfrance suffisent largement à financer deux ans de « BPI-garantie ». Par ailleurs, lorsque l’on est en situation de crise financière, il faut 48 heures seulement pour débloquer les fonds, notamment dans une structure comme BPIfrance qui dispose d’une capacité certaine à faire circuler l’argent entre les différents besoins. De fait, en pareil cas, les besoins ne sont pas les mêmes : il s’agit de capital-retournement ou de problèmes de liquidités ; en revanche, les opérations de capitalisation classiques sont en général, suspendues car les opérateurs sont plutôt attentistes. Je veux donc vous rassurer sur ce point.

C’est pourquoi le Gouvernement n’est guère favorable à un amendement qui proposerait des crédits supplémentaires pour cette ligne budgétaire, même s’il partage avec vous la volonté que ce fonds vienne en aide aux entreprises.

Je ne souhaite pas porter un jugement sur les actions conduites par le FISAC au cours des années précédentes, car je suis persuadée qu’elles ont soutenu des projets dignes d’intérêt. Toutefois, dans la mesure où la loi NOTRe a confié aux régions une compétence exclusive en matière de développement économique, il est légitime que l’État reconsidère le champ de ses interventions. S’il ne le faisait pas, vous l’accuseriez de ne pas tirer les conséquences de l’évolution de la gouvernance territoriale.

Les régions jouent bien ce rôle de financeur de premier niveau des entreprises. Elles connaissent bien le tissu local et sont les mieux placées pour répondre aux difficultés du commerce de proximité, avec lequel elles sont en contact direct. La problématique de l’artisanat, du commerce et du cœur de ville est bien prise en compte, outre les régions, par des dispositifs liés à l’Agence nationale de la cohésion des territoires que nous allons mettre en place. Le champ du commerce et de l’artisanat n’est donc pas abandonné, c’est la façon de le soutenir qui évolue, en tirant les conséquences des nouvelles mesures adoptées ; il faut donc faire confiance à la future agence pour prendre en charge la problématique que, de façon parfaitement légitime, vous évoquez.

Vous avez pu, Madame de La Raudière, observer ma prudence au sujet du « 100 % fibre » versus « 100 % très haut débit » ; ce déploiement prendra du temps, mais je pense que l’objectif de 2022 doit absolument être tenu et doit mobiliser nos énergies. Néanmoins il convient de s’en préoccuper dès à présent, car si nous attendions le dernier moment, les régions seraient fondées à nous reprocher des différences de traitement entre abonnés. Nous partageons votre analyse, et je vous propose d’engager la réflexion avec le Gouvernement et votre collègue Christine Hennion, qui est investie sur ces sujets. Pour ma part, je considère que cette question devra être traitée en 2019 plutôt que dans le présent projet de loi de finances, même si j’entends parfaitement votre questionnement.

De son côté, la politique de l’innovation, représente une large panoplie d’outils destinés à répondre à des problématiques diverses. Les 10 milliards d’euros attribués au fonds pour l’innovation constituent d’ailleurs une somme considérable. Quelques 250 millions d’euros sont consacrés au lancement de projets de rupture, c’est un montant très important. Car, lorsque vous lancez une innovation de rupture, le niveau de risque est très élevé, le retour sur investissement étant incertain ; en revanche, les montants de départ ne sont pas considérables. Une fois que le concept sur lequel se fonde l’innovation de rupture a fait ses preuves et passe au stade de l’application, un certain nombre de dispositifs sont susceptibles de prendre le relais. Toute la question est d’être capable d’investir à perte dans des innovations qui n’aboutiront peut-être pas ; c’est pourquoi le dispositif que nous proposons est adapté et permet de passer ce cap, car on hésite toujours à risquer de l’argent public sur des entreprises très risquées.

M. Sempastous m’a interrogée au sujet des entreprises qui souhaitent investir dans la recherche-développement dans les territoires. Comme vous le savez, BPIfrance et ses délégations régionales jouent un rôle majeur dans ces financements. Depuis sa création l’opérateur s’est fortement modernisé et tient un rôle central dans l’amorçage, le développement et la croissance des entreprises dans les territoires.

BPIfrance accompagne près de 4 000 entreprises par an. 14 000 entreprises ont été accompagnées au cours des cinq dernières années. La bourse French Tech constitue le premier exemple de dispositif d’aide pour ces innovations avec plus de 600 bourses accordées en 2017. Des efforts importants ont été réalisés par BPIfrance pour diminuer les délais d’instruction des dossiers et de mise à la disposition des entreprises des moyens financiers. Aujourd’hui, le délai de mise à disposition de ces moyens est de 28 jours en moyenne.

La forte présence régionale de BPIfrance crée une proximité avec les chefs d’entreprise, qui garantit une plus grande efficacité ainsi que la rapidité de la décision. Chaque intervention financière est complétée par un accompagnement sur les plans technique, financier et stratégique de la part des équipes de BPIfrance en région.

L’intérêt est d’entrer dans le réseau BPIfrance, d’y être repéré, moment à partir duquel BPIfrance actionne l’ensemble de ses outils, qu’il s’agisse d’un conseil portant sur la supply chain, d’un conseil des fournisseurs, d’un accompagnement à l’exportation ou de formations par le biais des programmes « BPIfrance Excellence ». Cela participe également de l’innovation. Les équipes savent également proposer aux entreprises une vaste palette de financements allant du projet individuel au projet collaboratif de grande ampleur.

Les actions de BPIfrance sont financées par des dotations budgétaires issues du programme 192 ou des programmes d’investissements d’avenir (PIA) et par des financements régionaux. Les agences régionales de développement économique offrent également de nombreux dispositifs de financement de la recherche-développement, parfois opérés par BPIfrance. Les pôles de compétitivité peuvent aider les entreprises à collaborer entre elles avec des acteurs de la recherche afin de les aider à construire des projets collaboratifs.

Enfin, le site internet aides-entreprise.fr recense l’intégralité des aides. Je concède que je mentionne beaucoup de dispositifs et que l’on peut s’y perdre, mais ce site, justement, facilite l’orientation ; il permet par ailleurs d’effectuer une recherche par localisation géographique, car certaines activités sont propres à certains territoires.

La loi PACTE, en cours d’examen au Parlement, crée une contribution conventionnelle obligatoire. Les organisations professionnelles d’employeurs intéressées par l’artisanat pourront ainsi collecter jusqu’à 10 millions d’euros pour la promotion de l’image et la communication en faveur de l’artisanat. Je souhaitais préciser ce point qui témoigne de notre intérêt et de notre investissement dans ces activités.

Mme Graziella Melchior. Le programme 134 de la mission « Économie » porte sur les politiques visant à développer la compétitivité des entreprises et à favoriser un environnement économique propice à la croissance et à l’emploi.

Je ne voudrais pas que l’on oublie les chefs d’entreprise qui échouent, souvent à cause d’erreurs commises de bonne foi. Une majorité des Français pense d’ailleurs que la société devrait donner plus facilement une seconde chance à ces entrepreneurs ayant connu un échec. Le projet de loi PACTE comporte des mesures allant dans le sens d’un droit à l’erreur entrepreneurial, comme la procédure de rétablissement professionnel ou la procédure de liquidation judiciaire simplifiée, mais qui ne résoudront pas tout.

L’accompagnement effectué par les opérateurs de l’État s’adaptera sans doute à cette cible plus fragile, mais cela nécessite des moyens. Ma question, Madame la ministre, est donc la suivante : quels moyens financiers l’État compte-t-il accorder à ses opérateurs afin d’améliorer l’accompagnement des entrepreneurs en difficulté et de faciliter le rebond ?

Mme Valéria Faure-Muntian. Madame la ministre, je souhaiterais obtenir des précisions relatives aux financements de la formation des Français à l’inclusion numérique par les crédits consacrés par le budget pour 2019 au « Pass numérique ». Ainsi qu’il a été dit, c’est l’équilibre entre les infrastructures et la formation qui rendra efficace le dispositif, dont France Stratégie a chiffré à 1,6 milliard d’euros par an sur dix ans les bénéfices potentiels, ce qui n’est pas négligeable.

Mme Barbara Bessot Ballot. Ma question concerne le plan France très haut débit ainsi que le rapport budgétaire relatif aux communications électroniques et à l’économie numérique, qui dresse un point d’étape du déploiement des réseaux fixes et mobiles.

Le matériel est performant, les abonnements sont au rendez-vous, et la majorité de nos concitoyens est tout à fait prête à s’adapter à la transformation numérique de notre pays. En revanche, de nombreux problèmes de connexion et de fluidité persistent, notamment en milieu rural, ce qui a un impact important sur les activités des professionnels, des entreprises, des étudiants, etc. Dans ce contexte, dont les enjeux sociaux et économiques sont majeurs, que prévoyez‑vous pour accélérer cette transformation numérique et parvenir à une politique d’inclusion numérique optimale ?

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’état auprès du ministre de l’économie et des finances. Je me retrouve complètement dans l’analyse de Mme Melchior sur l’accompagnement des entrepreneurs en difficulté. En France, la peur de l’échec constitue le premier frein au passage à l’acte pour devenir entrepreneur, cette peur est notamment alimentée par la perception présente chez 69 % des Français que la société française ne donne pas assez une seconde chance. Or, lorsque l’on considère les entrepreneurs dont on estime qu’ils ont très bien réussi, on constate que ce sont des serial entrepreneurs, qui souvent ont connu l’échec à partir de l’apprentissage duquel ils ont construit leur succès futur.

Le rapport à l’échec est en effet différent en France comparé à d’autres nations, dites de start-uppers, comme les États-Unis par exemple. Ma prédécesseure s’était particulièrement investie sur ce sujet, et nous avons adopté un certain nombre de mesures, notamment en faveur du droit à l’échec, comme la suppression de l’indicateur de la Banque de France signalant les dirigeants ayant connu un dépôt de bilan, ou l’accompagnement, par le biais du « portail de rebond », des entrepreneurs confrontés à des difficultés. Le projet de loi PACTE prévoit la simplification et l’allégement des démarches, propice au rebond des intéressés, ainsi que la clarification du droit des sûretés et la transposition de la directive européenne relative à l’insolvabilité.

Le financement des acteurs de l’accompagnement procède de l’Agence France Entrepreneur et de la Caisse des dépôts et consignations. Il sera assuré dès le 1er janvier prochain par BPIfrance : orienter les entrepreneurs vers le guichet de la grande banque publique des entreprises constitue une façon de ne pas les stigmatiser, de signifier que l’on pourra ensuite, éventuellement, enchaîner sur un programme d’innovation ou de capital‑développement.

Il incombe avant tout aux actionnaires et aux investisseurs financiers d’accompagner les entreprises et les entrepreneurs en difficulté, dans la mesure où un rebond sain de l’entreprise est dans leur intérêt. Il existe d’ailleurs des acteurs privés qui sont spécialisés dans ces typologies d’entreprises. Au cas par cas, l’État pourra être amené à intervenir pour stimuler cet écosystème ou, plus directement, pour accompagner et faire émerger des solutions de rebond lorsque celles-ci ne se présentent pas spontanément.

Il dispose pour cela d’instruments financiers directs, comme le Fonds de fonds de retournement (FFR), qui permet de disposer d’acteurs crédibles, professionnels et à l’écoute des entrepreneurs. Lancé au mois d’avril 2016, ce fonds est financé par le PIA et doté de 75 millions d’euros. Le FFR a vocation à contribuer à faire émerger de nouveaux fonds de capital-retournement et à consolider le développement des meilleures équipes existantes. Cette dimension a toujours été moins présente que le capital-développement classique ou le private accounting. Ce sont donc des équipes qu’il faut soigner et accompagner, et qui, pour certaines d’entre elles comme le Fonds de consolidation et de développement des entreprises (FCDE), sont issues de BPIfrance, qui a créé des track records à la fois très intéressants et rassurants pour les entrepreneurs.

L’État dispose par ailleurs d’un outil dédié pour accompagner sous certaines conditions les entreprises en difficulté via les prêts du fonds de développement économique et social (FDES). Ce dispositif concerne les entreprises en grande difficulté, les prêts étant accordés par le comité interministériel de restructuration industrielle (CIRI) ou par les comités départementaux d’examen des problèmes de financement des entreprises (CODEFI).

De façon générale, devant ces dossiers compliqués, le ministère chargé de l’économie est conscient de ses responsabilités vis-à-vis des salariés et des entrepreneurs, ce qui le conduit à engager toutes ses forces dans la bataille afin de trouver des solutions satisfaisantes, ou afin de savoir dire à un certain moment que les choses doivent s’arrêter, car si l’on brûle les vaisseaux de l’entreprise et que le cash disparaît, il ne reste plus rien pour accompagner les salariés.

Nous vivons un moment de transformation de l’économie française, qui connaît beaucoup de créations et de suppressions d’emplois, dans une sorte de dynamique schumpétérienne de destruction créatrice. Les emplois manufacturiers diminuent, mais d’autres sont créés ; les sites créés sont plus nombreux que les sites qui ferment. Il faut accepter ce mouvement de l’économie car c’est la meilleure façon de permettre le rebond lorsque des projets entrepreneuriaux sont manifestement arrivés à leur bout.

C’est une question de responsabilité, car ces décisions ne sont pas les plus faciles à prendre, mais ce rôle nous échoit.

Je précise que la demande du Gouvernement est de disposer de 50 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 75 millions d’euros en crédits de paiement. Le montant des crédits de l’an passé était de 103 millions d’euros, mais ce niveau très élevé était lié à des dossiers très particuliers, qui avaient pesé très lourdement sur la ligne budgétaire.

S’agissant du « Pass numérique », 10 millions d’euros ont été dégagés par un amendement du Gouvernement pour cofinancer son déploiement, gagé sur le plan France très haut débit dont les crédits ne seront pas entièrement consommés en 2019. Une appropriation du numérique par les citoyens constitue une condition essentielle de l’utilisation utile des infrastructures que nous déployons.

Mais ce seul déploiement n’est pas suffisant : il s’agit d’une politique qui doit être accompagnée, car d’autres acteurs participent à cette appropriation du numérique par les citoyens, appropriation plus naturelle chez les jeunes générations. Il faut donc prendre la mesure des besoins afin d’ajuster les dispositifs d’accompagnement ; le « Pass numérique » constitue un bon exercice pour savoir où se situent ces besoins et quels sont les meilleurs outils à utiliser.

Mme Agnès Pannier-Runacher, secrétaire d’état auprès du ministre de l’économie et des finances. Compte tenu de la montée en charge du plan France très haut débit et du cadencement des dépenses, aucune insuffisance de crédits n’est à redouter en fin d’exercice, car des redéploiements auront lieu au fur et à mesure de l’avancement des projets, qui s’étalent sur trois, quatre ou cinq ans. Le guichet ne disparaîtra pas du jour au lendemain. Les autorisations d’engagement sont assez largement consommées, c’est vrai, mais comme la montée en charge des projets et des AMEL ont dégagé des crédits, les collectivités ne doivent surtout pas imaginer qu’un couperet va tomber et que les projets en cours vont s’arrêter : nous n’avons aucune inquiétude pour l’année 2019. Le plus simple serait d’organiser une réunion de travail sur ce sujet, et ce d’autant plus que nous partageons l’objectif final de couverture du territoire.

Je voudrais enfin remercier les rapporteurs et les commissaires pour la richesse des débats et l’ensemble des questions qui ont pu être abordées. Les points d’inquiétude sont apparus clairement, et il nous appartient d’expliquer notre action sur des sujets tels que le commerce et l’artisanat ou sur le très haut débit, afin de rassurer chacun sur le fait que ce programme ne sera pas victime d’un stop and go, que les engagements pris pour 2022 seront tenus et que la suite doit être préparée par un groupe travail qui sera constitué en 2019.

Mes équipes sont mobilisées pour poursuivre l’action du Gouvernement : libérer l’économie en revoyant certains dispositifs qui ne sont plus adaptés aux besoins d’aujourd’hui et qu’il faut refondre. Je sais que l’exercice est difficile, mais je vous sais gré d’être à l’écoute de cette idée de simplification et de rationalisation.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, présidente. Merci, madame la ministre, pour la clarté de vos propos et pour n’avoir éludé aucune des questions qui vous ont été posées. Vous l’avez compris, il y a au sein de notre commission un nombre important de députés prêts à travailler avec vous sur tous les sujets ; j’observe d’ailleurs une certaine impatience de leur part.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, présidente. Je consulte les rapporteurs pour recueillir leur avis sur les crédits de la mission « Économie ».

M. Antoine Herth, rapporteur pour avis. Je salue une nouvelle fois l’effort du Gouvernement pour restructurer les outils d’appui au commerce extérieur. Je regrette cependant certains arbitrages, que je trouve prématurés, en particulier sur les CCI. Enfin, nous nous interrogeons sur l’implication imparfaite des régions. Nous aurons les moyens d’apprécier plus précisément les choses dans quelques mois. Pour l’instant, j’émets un avis de sagesse.

Mme Christine Hennion, rapporteure pour avis. Avis favorable, comme je l’avais dit plus tôt.

M. Vincent Rolland, rapporteur pour avis. Étant donné la teneur de mon rapport, vous pouvez imaginer que mon avis est défavorable. Les réponses aux questions sur le FISAC ne m’ont pas convaincu. De la même manière, le sujet des garanties de BPIfrance reste en suspens, alors même que les TPE en ont un grand besoin. Quant aux CCI, qu’Antoine Herth a évoquées, elles ont eu à faire beaucoup d’efforts ces dernières années et ont reconnu elles‑mêmes que leur gestion n’était peut-être pas optimale. Alors qu’elles sont certainement « à l’os », il leur sera difficile de faire des efforts supplémentaires.

Mme Sophie Beaudouin-Hubiere, présidente. Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont eu le courage de rester jusqu’à la fin de la réunion. Comme je l’avais annoncé précédemment, le vote de la commission sur les crédits de la mission « Économie » aura lieu le mercredi 31 octobre.

Après que la rapporteure pour avis sur le budget « Industrie », Mme Bénédicte Taurine, a donné un avis défavorable sur les crédits de la mission « Économie » en ce qui concerne l’industrie, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

 


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   Liste des personnes auditionnées

Business France

– M. Frédéric Ross, directeur général délégué export

– M. Christophe Monnier, chef de département Agrotech

Association générale des producteurs de blé et autres céréales *

– M. Philippe Pinta, président

– Mme Camille Tubiana, directrice de la communication et des relations publiques

Confédération française de laviculture

– M. Jean-Michel Schaeffer, président

– M. Yann Nedelec, directeur

Ministère des affaires étrangères

– Mme Caroline Malausséna, directrice des entreprises, de l’économie internationale et de la promotion du tourisme

– M. Ronan le Rouzic, chargé de mission auprès de la directrice

– Mme Cécile Vigneau, chargée des familles prioritaires à l’export

– M. Victor Tanzarella Hartmann, conseiller agriculture et agroalimentaire

Ministère de lagriculture

– M. Frédéric Lambert, chef du service Europe et international

– M. Jean-Baptiste Faure, adjoint au sous-directeur Europe

– M. Jean-Luc Angot, médiateur et coordonnateur au Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux

CCI France *

– Mme Sandrine Wehrli, directrice générale déléguée

– M. Pierre Dupuy, chargé des relations parlementaires

Association nationale des industries alimentaires *

– M. Alexis Degouy, directeur général adjoint

– M. Emmanuel Gauny, directeur International et innovation

Interbev *

– M. Dominique Langlois, président

– Mme Justine Gardien, chargée de mission affaires publiques

* Ces représentants dintérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire AGORA des représentants dintérêts de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), qui vise à fournir une information aux citoyens sur les relations entre les représentants dintérêts et les responsables publics lorsque sont prises des décisions publiques.

   liste des contributions écrites reçues

Association des régions de France


([1]) Données de la Direction générale du trésor au 6 février 2018 :

https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2018/02/08/commerce-exterieur-de-la-france-resultats-2017

En revanche, selon les réponses reçues au questionnaire budgétaire, le déficit des biens et services s’établit à 21,7 Md€, soit 1,5 % du PIB, contre 16,8 Md€ en 2016. Il s’agit du montant le plus élevé depuis 2012.

([2]) Données de la Direction générale du trésor au 6 février 2018 :

https://www.tresor.economie.gouv.fr/Articles/2018/02/08/commerce-exterieur-de-la-france-resultats-2017

([3]) Données issues des réponses reçues au questionnaire budgétaire.

([4]) Les flux financiers liés aux garanties octroyées sont, pour leur part, retracés sur le compte de commerce « Soutien financier au commerce extérieur ».

([5]) Baromètre sur les PME-ETI française et l’internationalisation – CCI International/OpinionWay. Sondage réalisé auprès de 1 003 entreprises de 20 salariés et plus.

([6]) Données issues des réponses au questionnaire budgétaire.  

([7]) Données issues des réponses au questionnaire budgétaire.

([8]) Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, Plan stratégique 2018-2022 pour le développement des exportations et l’internationalisation des filières agricoles, agroalimentaire, forêt-bois et des produits bio‑sourcés.

([9]) A. Besson et P. Dedinger, « Réalité des écarts de compétitivité dans les secteurs agricoles et agroalimentaires liés au coût du travail avec certains pays européens et analyse des dispositifs de protection sociale des salariés et nonsalariés », Rapport de l’IGAS et du CGAAER n° 14143

([10]) FranceAgriMer, « Veille concurrentielle Blé tendre 2015 », 2015.

([11]) À titre d’exemple : transformation du crédit d'impôt compétitivité emploi (CICE) en baisse de cotisations sociales en 2019, baisses des cotisations sociales grâce au pacte de responsabilité et de solidarité, suppression des cotisations sociales sur les heures supplémentaires, etc.

([12]) Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, Plan stratégique 2018-2022 pour le développement des exportations et l’internationalisation des filières agricoles, agroalimentaire, forêt-bois et des produits bio‑sourcés.

([13]) Certaines filières craignent toutefois que l’existence d’une marque « France » gomme les spécificités de labels pourtant anciens, qu’elles préfèrent garder pour favoriser la différentiation entre les produits.

([14]) Rapport d’information déposé en application en application de l’article 145 du Règlement par la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire, en conclusion des travaux d’une mission d’information sur la taxation des produits agroalimentaires et présenté par Mme Véronique Louwagie, Présidente de la mission et M. Razzy Hammadi, Rapporteur

http://www.assemblee-nationale.fr/14/rap-info/i3868.asp