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N° 1288

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 3 octobre 2018.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES

SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2019 (n° 1255)

TOME XIV

RECHERCHE ET
ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

GRANDS ORGANISMES DE RECHERCHE

PAR M. Richard LIOGER

Député

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 Voir les numéros : 1255 et 1302 (tome III, annexe 33).

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

première partie : l’affectation prioritaire des crédits du programme 150 sur les activités d’enseignement des établissements

I. La poursuite en 2019 du renforcement des moyens des établissements engagé en 2018 pour la réussite des étudiants

II. La nécessité d’un recours plus massif des établissements aux financements sur appels à projets pour leurs activités de recherche

deuxième partie : à l’exception de l’Agence nationale de la recherche, une progression mesurée des crédits pour les organismes financés sur le programme 172

I. Le renforcement des capacités d’intervention de l’ANR : vers une réforme de son règlement financier

II. Le budget du CEA : incertitudes persistantes s’agissant de l’apurement de la dette vis-à-vis du groupe ORANO

III. Le CNRS, l’INSERM et INRIA : l’enjeu de la diversification des financements pour les grands projets de recherche

1. Le budget du CNRS : un recours au fonds de roulement pour financer des mesures nouvelles

2. L’INSERM : un accès possible aux financements des établissements de santé

3. INRIA : le soutien financier limité d’un organisme tourné vers le numérique

IV. L’INRA : la préparation de son rapprochement avec l’IRSTEA d’ici 2020

troisième partie : les situations contrastées du CNES (programme 193) et de L’IFP-EN (programme 190)

I. Le budget dIFP-Énergies nouvelles : un acteur de la transition énergétique qui mériterait d’être plus soutenu

II. Le budget du Centre national d’études spatiales (CNES) : la recherche spatiale de nouveau à l’honneur

Quatrième partie : un dispositif de valorisation aux multiples facettes nécessitant à la fois mise en cohérence et consolidation

I. Les structures de valorisation de la recherche issues du programme des investissements d’avenir : une montée en puissance à confirmer

1. L’émergence de nouvelles structures de recherche via le PIA

2. Un dispositif complexe qui doit être renforcé avant d’être simplifié

II. Un dispositif partenarial à promouvoir : les Conventions Industrielles de Formation par la REcherche (CIFRE)

1. Les CIFRE : un dispositif de partenariat public-privé aux effets de levier intéressants

2. Les voies d’amélioration du dispositif

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES


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   INTRODUCTION

La France n’a pas à rougir de ses résultats en matière d’innovation. Régulièrement, l’actualité se fait l’écho de réussites individuelles qui témoignent du rayonnement international de notre pays. Au début du mois d’octobre 2018, le Français Gérard Mourou, ancien directeur d’un laboratoire mixte associant l’École Polytechnique, le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et l’ENSTA Paris Tech, et sa collègue canadienne Mme Donna Strickland reçoivent le Prix Nobel de physique pour leurs travaux en matière de génération d’impulsions optiques. Presque au même moment, le robot Mascot issu de la collaboration entre le Centre national d’études spatiales (CNES) et le Centre spatial allemand, s’est posé sur l’astéroïde Ryugu pour en examiner les propriétés et la structure.

Ces succès médiatiques ne sont que la face émergée des efforts menés par l’ensemble des acteurs de notre pays, publics comme privés, pour être à la pointe du progrès technologique et, ainsi, permettre à notre économie de conserver son rang dans la compétition mondiale. Deuxième dépositaire européen à l’Office européen des brevets (10 559) derrière l’Allemagne (25 490) en 2017, la France occupe le seizième rang international pour la qualité de son innovation selon les données de l’indice mondial de l’innovation publiées en 2018 ([1]) et, avec trois universités classées parmi les 100 premières mondiales, la sixième place du classement de Shanghai publié en août 2018.

Le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) a été classé cette année parmi les 100 premiers « innovateurs » de niveau mondial toutes catégories confondues par la société américaine Clarivate Analytics. L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), spécialiste des grandes questions de santé qui agitent notre société (nouvelles épidémies, médecine génomique, etc.), est aussi reconnu comme le premier déposant européen de brevets dans le secteur pharmaceutique. L’Institut national de la recherche agronomique (INRA), deuxième institut de recherche agronomique dans le monde en nombre de publications en sciences agricoles, dirige les recherches visant, à la demande du Gouvernement, à identifier les alternatives possibles au glyphosate dans l’agriculture française.

Les succès des organismes français sont d’autant plus remarquables qu’ils ne peuvent bénéficier des mêmes moyens financiers que leurs homologues américains ou chinois. À titre d’illustration, le budget du NIH (National Institutes of Health), agence de recherche des États-Unis spécialisée dans les domaines de la santé publique et de la biomédecine s’élevait à 32,31 milliards de dollars en 2016. Au même moment, son équivalent français (INSERM) affichait un niveau de dépenses de 856,37 millions d’euros.

Il serait illusoire que les organismes français essaient de rivaliser avec de telles masses financières. Toutefois, votre rapporteur estime qu’il est indispensable que l’effort financier de l’État soit placé à un niveau suffisant compte tenu des « effets de levier » que les fonds publics génèrent au profit du secteur privé.

Les dépenses intérieures de recherche et de développement (DIRD) de la France, qui mesurent l’effort de recherche de l’ensemble des acteurs, restent, pour le moment à un niveau élevé : elles représentaient 2,22 % du produit intérieur brut en 2016, ce qui classait notre pays au huitième rang mondial ([2]). Paradoxalement, le retour de la croissance économique en 2017 impose à l’État de prolonger son effort financier à destination des organismes de recherche afin d’éviter tout « décrochage ».

À cet égard, les crédits proposés dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2019 pour les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », 172 « Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires » et 193 « Recherche spatiale » s’élèvent globalement à 22,19 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 22,36 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), en hausse respective de 409,51 millions d’euros (+ 1,88 %) et de 542,25 millions d’euros (+ 2,49 %) par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2018.

Après la forte réévaluation des crédits opérée par la LFI pour 2018 ([3]), l’effort de consolidation se poursuit en 2019. Bien que la progression des crédits soit moindre que l’an dernier, elle reste toutefois significative, comme en témoigne le graphique ci-après :

Source : Analyse du PLF 2019.

Les dotations sont en hausse quelle que soit la nature des crédits (AE et CP) et quel que soit le programme (150, 172 et 193). S’il faut se féliciter de cette hausse dans un contexte de maîtrise globale des dépenses publiques, cette hausse recouvre une réalité complexe selon l’établissement ou l’organisme considéré.

Ainsi, le PLF 2019 accorde de nouveaux moyens aux universités via le programme 150, mais ceux-ci sont plus orientés vers leurs activités d’enseignement en application de la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE) que vers leurs activités de recherche (cf. partie I infra).

S’agissant des grands organismes de recherche, si certains d’entre eux (CNES et CEA) voient le niveau des crédits alloués s’accroître dans des proportions satisfaisantes, les autres (notamment le CNRS, l’INSERM et INRIA) doivent poursuivre leurs efforts de maîtrise de leur masse salariale avec des moyens parfois contraints. L’INRA, pour sa part, doit faire face aux enjeux de son rapprochement avec l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) au 1er janvier 2020. Sous réserve d’un recours mesuré du ministère au mécanisme de mise en réserve, tous les organismes devraient, toutefois, pouvoir faire face à leurs échéances (cf. partie II infra).

Un seul organisme (IFP-EN) affiche une dotation de l’État en baisse. Bien que cet établissement bénéficie de financements importants sur ressources propres, votre rapporteur estime regrettable que le PLF ait pénalisé un organisme qui joue un rôle central dans la transition énergétique et l’émergence d’une « croissance verte » (cf. partie III infra).

En revanche, on ne peut que se féliciter de la poursuite du mouvement de consolidation des moyens alloués à l’Agence nationale de la recherche (ANR), qui, avec 859,51 millions d’euros en crédits de paiement, affiche de loin la plus forte progression des crédits du programme 172. Désormais dotée de réelles capacités d’intervention, l’ANR pourra apporter aux établissements le soutien financier à leurs activités de recherche qu’ils ne peuvent parfois pas obtenir directement par les crédits du PLF.

Cela suppose, toutefois, que l’Agence réforme au préalable son règlement financier de façon à aligner sur les standards européens la part de ses aides qui revient aux établissements hébergeurs des projets validés, dénommée « préciput » (cf. partie II infra).

Bien évidemment, les organismes publics ne sauraient être les seuls acteurs de la recherche française. Les entreprises sont invitées, à leur tour, à profiter de l’excellence du vivier intellectuel qui les entoure pour mener leurs propres projets de recherche, soit en partenariat avec les établissements publics, soit en intégrant des chercheurs issus de la sphère publique dans leurs équipes.

Pour cette raison, le présent rapport évoque, comme l’an dernier, les mécanismes mis en place à la faveur du programme d’investissements d’avenir (PIA) pour favoriser le transfert de technologies du secteur public vers le secteur privé et, surtout, promouvoir de nouvelle formes de recherche partenariales (notamment les instituts de recherche technologique).

Le projet de loi portant croissance et transformation des entreprises (PACTE), adopté par l’Assemblée le 9 octobre 2018, comporte des dispositions visant à faciliter la mobilité des chercheurs en direction des entreprises. Dans cette même optique, votre rapporteur a souhaité s’intéresser à un dispositif ancien, mais à la vocation similaire : les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFREcf. partie IV infra).

*

*     *

Comme l’an dernier, le projet de budget pour la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) apparaît réaliste et équilibré au vu des efforts demandés à l’ensemble des ministères et des personnes publiques.

AUTORISATIONS D’ENGAGEMENT ET CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION « RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR »

(En milliers d’euros)

 

LFI 2018

PLF 2019

Évolution

(%)

Autorisations d’engagement

27 607 701

27 978 771

+ 1,34 %

Crédits de paiement

27 668 965

28 171 307

+ 1,82 %

Source : PLF 2019.

Aussi, votre rapporteur vous propose de donner un avis favorable à ladoption des crédits pour 2019 des grands organismes de recherche sur les programmes 150, 172 et 193 et, plus généralement, des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

 


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   première partie : l’affectation prioritaire des crédits du programme 150 sur les activités d’enseignement des établissements

(En milliers d’euros)

 

Réalisé 2017

LFI 2018

PLF 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Prog. 150

(total général)

13 147 536

13 133 579

13 437 799

13 435 179

13 524 917

13 601 047

Dont dotations aux opérateurs

12 473 873

12 463 189

12 742 336

12 728 826

12 831 358

12 899 559

% dans le programme

94,88 %

94,90 %

94,82 %

94,74 %

94,87%

94,84 %

Dont dotations aux universités

10 871 254

10 859 199

11 125 420

11 115 730

11 229 692

11 293 143

% dans le programme

82,69 %

82,68 %

82,79 %

82,74 %

83,03 %

83,03 %

Source : PLF 2019 et rapport annuel de performance 2017.

I.   La poursuite en 2019 du renforcement des moyens des établissements engagé en 2018 pour la réussite des étudiants

Sur l’ensemble du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », le projet de loi finances pour 2019 prévoit au total 13,52 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 13,60 milliards d’euros en crédits de paiement (respectivement + 0,65 % et + 1,23 % par rapport à la LFI pour 2018). Comme chaque année, ces crédits sont, pour une large part (près de 95 % en 2019, comme en 2018 et en 2017) consacrés au financement des opérateurs bénéficiant du programme, principalement au travers d’une subvention pour charges de service public (SCSP).

Précisions sur la notion de subvention pour charges de service public (SCSP) :

La SCSP versée par l’État est une subvention de fonctionnement annuelle destinée à couvrir indistinctement les dépenses de personnel et de fonctionnement d’un opérateur donné. Elle est destinée au financement exclusif des bénéficiaires et n’a pas vocation à couvrir leurs dépenses d’investissements.

Les principaux opérateurs chargés de mettre en œuvre ce programme sont, au premier plan, 70 universités (83 % des crédits du programme en 2019). Sont également concernés 34 écoles d’ingénieurs publiques placées sous la tutelle du ministre chargé de l’enseignement supérieur, 22 établissements publics à caractère scientifique, culturel et professionnel (EPSCP) ([4]), 12 établissements publics administratifs (EPA) ([5]), 2 fondations reconnues d’utilité publique ([6]), les communautés d’universités et d’établissement (COMUE) ainsi que divers établissements (l’Établissement public du musée du Quai Branly, par exemple).

Les dotations allouées à ces opérateurs avaient progressé sensiblement en 2018 (+ 172,37 millions en CP pour un total de 12,73 milliards d’euros, soit + 1,37 %) afin d’aider les établissements à faire face aux dépenses supplémentaires liées à diverses mesures structurelles : hausse du point d’indice de la fonction publique, revalorisation des carrières et glissement vieillesse technicité (GVT). Elles augmentent à nouveau pour s’établir à 12,90 milliards d’euros en 2019 (+ 170,73 millions d’euros, soit + 1,34 %).

L’allocation de ces moyens supplémentaires permettra aux universités de financer, à hauteur de 122,76 millions d’euros, la première partie de la tranche de 500 millions d’euros annoncée le 30 octobre 2017 par le Gouvernement dans le cadre de son « plan étudiants », décliné ultérieurement dans la loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants (ORE) ([7]). Tous établissements confondus, les effectifs d’étudiants n’ont cessé de s’accroître depuis le début de la décennie. Selon les projections du ministère, ils devraient s’accroître en moyenne d’environ 28 000 étudiants par an pour s’établir à 2,93 millions d’inscrits en 2026 (contre 2,68 millions à la rentrée 2017-2018).

Source : Repères et références statistiques du MESRI.

Bien que les effets de la démographie étudiante sur les dépenses des établissements soient difficiles à quantifier ([8]), un impact significatif à la hausse doit être anticipé. Votre rapporteur se félicite des mesures prises au travers du « plan étudiants ».

Ces efforts doivent être poursuivis tout au long de la législature sans pour autant affecter la capacité des établissements à faire face à leurs coûts structurels traditionnels. Or, il ressort de l’analyse des crédits du programme 150 que l’augmentation proposée pour 2019 après prise en compte du « plan étudiants » (+ 47,97 millions d’euros) ne permettra de couvrir que partiellement les surcoûts estimés découlant des mesures salariales.

En effet, les effets du GVT et du protocole de revalorisation des carrières et des rémunérations dans la fonction publique (PPCR) ([9]) sont estimés, respectivement, par la conférence des présidents d’université, à 50 millions d’euros et à 30 millions d’euros pour 2019, auxquels il convient d’adjoindre le coût, estimé à 50 millions d’euros en 2019, issu de l’indemnité compensatrice de la contribution sociale généralisée (CSG) créée pour les agents de la fonction publique par le décret n° 2017-1889 du 30 décembre 2017. En l’état actuel des crédits du PLF 2019, seuls les surcoûts liés au PPCR sont financés.

Sur ce point, on peut rappeler qu’en 2018, le Gouvernement avait appliqué au programme 150 une réserve de précaution réduite (3 % sur les crédits hors titre 2, contre 8 % l’année précédente) tout en maintenant pour les opérateurs la même réserve forfaitaire qu’en 2017 (70 millions d’euros). Ce mécanisme avait permis aux opérateurs de bénéficier d’un abondement complémentaire en cours de gestion de 40 millions d’euros, utilisé intégralement pour financer le GVT.

Votre rapporteur plaide pour la reconduction en 2019 d’un mécanisme d’abondement complémentaire aux opérateurs de 30 millions d’euros afin de permettre au moins la couverture des coûts liés à l’indemnité compensatrice de CSG.

Il appelle également l’attention du Gouvernement sur le fait que ce type de mécanisme d’ajustement ne pourra pas être reconduit sur l’exercice suivant et qu’il conviendra de fixer la dotation du PLF 2020 à un niveau permettant réellement la prise en compte de l’ensemble des surcoûts précités.

II.   La nécessité d’un recours plus massif des établissements aux financements sur appels à projets pour leurs activités de recherche

L’action n° 17 « Recherche », d’un montant de 3,94 milliards deuros (AE/CP), est en très légère augmentation (+ 13,16 millions d’euros, soit + 0,34 %) en 2019 par rapport à la loi de finances initiale pour 2018 (3,92 milliards d’euros). La hausse des crédits du programme 150 est essentiellement portée par d’autres actions ([10]). Cette quasi-stabilité des dotations allouées aux activités de recherche reflète la concentration des efforts du Gouvernement sur les activités d’enseignement et l’amélioration de l’environnement de travail des étudiants. Elle doit inciter les établissements à recherche plus de financements extérieurs, notamment ceux obtenus sur appels à projets compétitifs.

À cet égard, l’analyse des précédents budgets montre que la part des recettes propres (droits d’inscription, contrats de recherche, valorisation, etc.) et des financements publics hors dotations d’État (subventions de l’Union européenne, soutiens accordés par l’Agence nationale de la recherche, etc.) dans les ressources des universités reste encore, à ce jour, marginale.

 

Budget 2016

Réalisé 2016

Budget 2017

Réalisé 2017

Total des ressources des universités

13,42 M€

12,39 M€

13,64 M€

12,98 M€

Recettes hors dotations d'État globalisées

2, 92 M€

2,33 M€

2,84 M€

2,47 M€

Part (%)

21,73 %

18,81 %

20,81 %

19,01 %

Sources : PLF 2017 et 2018, rapports annuels de performance 2016 et 2017

Dans la mesure où les dotations d’État vont être mobilisées prioritairement sur la mise en œuvre de la loi ORE au cours des prochaines années, il importe que la part des « autres ressources » s’accroisse sensiblement de façon à ce que les établissements puissent développer leurs activités de recherche. Sur ce point, les fonds alloués par l’Agence nationale de la recherche (ANR) ont vocation à jouer un rôle essentiel.

Votre rapporteur estime que les universités doivent pouvoir convaincre leurs chercheurs les plus performants de présenter des dossiers auprès de l’ANR et, surtout, avoir la garantie que les coûts indirects générés par les projets de recherche financés soient suffisamment pris en charge au travers d’un « préciput » rehaussé (cf. partie II infra).


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   deuxième partie : à l’exception de l’Agence nationale de la recherche, une progression mesurée des crédits pour les organismes financés sur le programme 172

Après l’important rebond opéré par la loi de finances pour 2018 (+ 206,77 millions d’euros en autorisations d’engagement pour un total de 6,72 milliards d’euros et + 342,69 millions d’euros en crédits de paiement pour un total de 6,77 milliards d’euros), les crédits alloués au programme 172 en 2019 affichent une nouvelle progression, cette fois un peu plus mesurée. Les autorisations d’engagement s’établissent dans le projet de loi de finances à 6,84 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 6,94 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), ce qui représente des hausses respectives de 117,48 millions d’euros (+ 1,75 %) et de 171,47 millions d’euros (+ 2,53 %).

(En milliers d’euros)

Programme 172

Réalisé 2017

LFI 2018

PLF 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Total du programme

6 537 213

6 596 290

6 720 684

6 766 604

6 838 168

6 938 078

Dont crédits aux opérateurs

6 010 224

6 074 192

6 223 217

6 269 376

6 316 256

6 412 759

Part (%)

91,94 %

92,08 %

92,60 %

92,65 %

92,37 %

92,43 %

Sources : PLF 2019 et rapport annuel de performance 2017.

Cette augmentation est, en partie, destinée à accroître les moyens d’intervention de l’administration centrale retracés dans l’action n° 1 « Pilotage et animation » : 205,41 millions d’euros en AE et 207,21 millions d’euros en CP en 2019, en hausse de 28,89 millions d’euros (+ 16,37 %) de 31,27 millions d’euros (+ 17,77 %) par rapport à 2018. Il s’agit, pour l’essentiel, de financer :

– le développement du système d’information « SI Labo », qui a vocation à équiper l’ensemble des laboratoires de recherche des organismes spécifiques et des établissements d’enseignement supérieur financés sur fonds publics (4,5 millions d’euros) ;

– la mise en œuvre du plan de développement de l’intelligence artificielle annoncé par le Président de la République au Collège de France le 29 mars dernier (17 millions d’euros).

Pour autant, le programme 172 a surtout été revalorisé pour conforter les dotations allouées aux opérateurs, qui représentent plus de 92 % du total. Les crédits correspondants sont fixés par le projet de loi de finances pour 2019 à 6,32 milliards d’euros en AE et à 6,41 milliards d’euros en CP, en hausse respective de 93,04 millions d’euros (+ 1,50 %) et de 143,38 millions d’euros (+ 2,29 %) par rapport à 2018.

Ils sont répartis entre les 16 ([11]) organismes de recherche ci-après :

(En milliers d’euros)

Détail par
opérateur

Réalisé 2017

LFI 2018

PLF 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Académie des technologies

1 298

1 298

1 374

1 374

1 375

1 375

Agence nationale de la recherche (ANR)

632 940

564 036

736 113

773 252

768 839

859 508

Bureau de recherches géologiques et minières (BRGM)

48 190

48 190

49 422

49 422

49 451

49 451

Commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA)

640 392

622 582

666 301

674 816

688 072

692 916

Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD)

129 492

129 492

130 234

130 234

130 312

130 312

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

2 625 903

2 768 695

2 668 818

2 669 323

2 694 105

2 695 095

Génopole

2 826

2 826

2 998

2 998

3 000

3 000

Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER)

149 090

148 980

170 503

170 503

171 350

171 350

Institut des Hautes études pour la science et la technologie (IHEST)

1 473

1 473

1 546

1 546

1 547

1 547

Institut national d'études démographiques (INED)

16 989

16 989

17 193

17 193

17 356

17 356

Institut national de la recherche agronomique (INRA)

682 995

682 995

693 112

693 112

699 880

699 880

Institut national de recherche en informatique et en automatique (INRIA)

170 614

170 614

173 252

173 252

173 946

173 946

Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

618 073

626 073

632 359

632 359

635 366

635 366

Institut polaire français Paul-Émile Victor

21 829

21 829

14 869

14 869

14 951

14 951

Institut de recherche pour le développement (IRD)

205 810

205 810

204 296

204 296

205 342

205 342

Institut national de recherche en sciences et technologies pour l'environnement et l'agriculture (IRSTEA)

60 036

60 036

60 827

60 827

61 364

61 364

Sources : Rapport annuel de performance 2017 et PLF 2019.

La progression en valeur absolue des crédits d’un exercice à l’autre diffère sensiblement selon les organismes de recherche considérés, l’essentiel de l’effort budgétaire portant sur l’ANR, le CNRS et le CEA (cf. graphique ci-après).

Sources : Analyse du PLF 2019.

I.   Le renforcement des capacités d’intervention de l’ANR : vers une réforme de son règlement financier

Dans les lois de finances, l’Agence nationale de la recherche (ANR) est financée à titre principal par le programme 172 et, à titre subsidiaire, par le programme 129 « Coordination du travail gouvernemental ». Elle est également opérateur des crédits du programme des investissements d’avenir (PIA) retracés sur les programmes 421 « Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche » et 422 « Valorisation de la recherche ».

Hors crédits du PIA, la situation budgétaire de l’Agence nationale de la recherche (ANR) sur la période 2017-2019 se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2017

Réalisé 2017

LFI 2018

PLF 2019

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation P172-129 ANR

703 410

639 385

634 490

564 486

736 113

773 252

768 839

859 508

 dont dotation P172 avant mise en réserve

703 410

639 385

 

 

736 113

773 252

768 839

859 508

 Dotation après mise en réserve

 

 

 

564 036

 

 

 

 

Résultat budgétaire

 

 1 815

 

 19 615

 

+ 4 356

 

 

 Dépenses

678 933

612 366

659 110

608 780

 

753 290

 

 

 Recettes

 

610 551

 

589 164

 

757 645

 

 

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2017, PLF 2019 et ANR.

L’Agence avait, en 2013 et en 2014, subi d’importantes réductions de ses crédits (686,65 millions d’euros en 2013 puis 605,15 millions d’euros en 2014) puis avait souffert, en 2017, d’un décalage entre les AE et les CP alloués, dégradant ainsi sa situation financière.

Ces difficultés avaient entamé les capacités d’intervention de l’Agence. Après avoir soutenu, pendant les premières années de son fonctionnement, 1 300 projets de recherche par an en moyenne, l’ANR avait vu le nombre des projets financés diminuer sensiblement à partir de 2013 (1 068 en 2013 ; 1 043 en 2015).

Soucieux de donner à l’Agence une impulsion nouvelle, la loi de finances pour 2018 a effectué un premier rétablissement des moyens financiers de l’ANR ([12]). Le mouvement de rattrapage se poursuit en 2019. Les dotations s’établissent à 768,84 millions d’euros en AE (+ 32,73 millions d’euros) et à 859,51 millions d’euros en CP (+ 86,26 millions d’euros). L’écart entre AE et CP est désormais suffisant pour permettre à l’Agence de faire face à ses engagements dans le cadre d’appels à projets antérieurs. Une reprise de l’activité s’était amorcée en 2016 (1 257 projets financés) et en 2017 (1 380). Elle devrait s’amplifier en 2018.

En dépit de ce rééquilibrage, l’ANR ne parvient pas encore à se positionner comme un acteur central et incontournable du financement sur appels à projets compétitifs en France. Elle souffre encore d’une faible attractivité de ses appels à projets, le nombre de soumissions enregistré en 2017 (environ 9 300) restant encore inférieur à ce qu’il était en 2014 (10 532).

Cette relative désaffectation tient, en tout premier lieu, à la forte sélectivité des appels à projets de l’ANR, le taux de sélection constaté en 2017 (14,9 %) restant encore largement inférieur au taux affiché au cours des premières années d’existence de l’Agence (environ 20 %). Elle tient surtout aux surcoûts que doivent supporter les établissements porteurs des projets de recherche validés, l’Agence prenant insuffisamment en compte les « coûts indirects » y afférents.

Selon les dispositions de l'article L. 329-5 du code de la recherche, « une partie du montant des aides allouées par l'Agence nationale de la recherche dans le cadre des procédures d'appel d'offres revient à l'établissement public ou à la fondation reconnue d'utilité publique dans lequel le porteur du projet exerce ses fonctions ».

À cet effet, le règlement financier de l’ANR prévoit deux mécanismes relatifs aux bénéficiaires de financements « à coût marginal ([13]) » :

– la possibilité pour les établissements gestionnaires des contrats de prélever 8 % des aides attribuées au titre des frais généraux de gestion sans justificatifs (point 1.1.1, paragraphe e) ;

– le versement à l’établissement hébergeur, à hauteur de 11 % des financements alloués, d’une aide complémentaire et forfaitaire dénommée « préciput » dont les conditions d’utilisation sont encadrées (point 3.1.5).

Selon les estimations effectuées par la Conférence des présidents d’université (CPU), les coûts non liés directement à la réalisation d’un projet de recherche (rémunération du personnel administratif et technique, aménagements immobiliers, informatique, documentation, etc.) sont souvent significatifs et peuvent parfois représenter entre 30 % et 60 % du coût total des projets validés.

Ainsi, même en incluant le prélèvement de 8 % pour frais de gestion ([14]), la part des aides de l’ANR reversée aux établissements gestionnaires et hébergeurs s’élève à moins de 20 % ([15]), ce qui est largement insuffisant pour couvrir l’intégralité de ces coûts. Par comparaison, les mécanismes financiers du programme-cadre européen H2020 apparaissent bien plus rémunérateurs :

 

ANR

H2020

Taux de financement

100 % des coûts marginaux éligibles

75 % des coûts directs éligibles

Assiette des coûts pris en charge

Dépenses de personnel (à l’exception de la rémunération des personnels permanents)

Coûts d’acquisition ou de location des matériels et consommables

Coûts d’aménagement de locaux ou de terrains préexistants

Location de terrains ou de locaux nouveaux

Achats de licences et droits assimilés

Prestations de service nécessaires à la réalisation du projet

Autres frais de gestion : forfait de 8 % des autres coûts admissibles (versé au gestionnaire).

Dépenses directes de personnel (y compris la rémunération des personnels permanents)

Coûts directs de sous-traitance

Coûts directs de soutien financier à des tiers

Autres coûts directs :

‑ frais de mission,

‑ location de biens et d’infrastructures,

‑ coûts d’amortissement des actifs immobilisés,

‑ fournitures et consommables,

‑ traductions et publications.

Prise en compte des coûts indirects

Préciput forfaitaire de 11 % des coûts pris en charge (y compris frais de gestion) versé à l’hébergeur

Forfait de 25 % des coûts directs hors sous-traitance et aide financière accordées à des tiers

Tant que la situation financière de l’ANR était délicate, il était difficile d’envisager une réforme profonde des règles applicables à ses financements. Le rétablissement de ses capacités d’intervention en 2018 et en 2019 doit logiquement s’accompagner d’une modification du dispositif.

La priorité doit, selon toute évidence, être donnée à la réévaluation du taux du préciput. Compte tenu de l’aide forfaitaire de 8 % pour frais généraux, une mise à niveau minimale du dispositif français impliquerait de porter ce taux à 17 %. Selon les indications fournies par l’Agence en 2017, une telle réévaluation du taux à assiette constante occasionnerait une charge supplémentaire estimée à environ 30 millions d’euros par an. Ce surcoût sera largement couvert si l’effort de consolidation des moyens financiers alloués à l’Agence est maintenu tout au long de la législature.

Une réflexion paraît, par ailleurs, devoir être engagée sur un éventuel élargissement de l’assiette des coûts marginaux admissibles à d’autres dépenses parmi celles qui sont prises en compte au niveau européen (rémunérations des personnels permanents, coûts d’infrastructures, etc.).

Votre rapporteur se félicite du rééquilibrage budgétaire opéré au bénéfice de l’ANR et invite le Gouvernement à poursuivre le mouvement sur les exercices suivants.

Par ailleurs, il appelle l’Agence à engager, sous l’égide du ministère, une réforme de son règlement financier de façon à :

– porter le taux du préciput à 17 % en 2019, voire à un niveau supérieur à compter de 2020 en fonction des marges de manœuvre disponibles à cette date ;

– harmoniser autant que possible l’assiette des coûts admissibles à la prise en charge par l’ANR avec celle des financements européens.

II.   Le budget du CEA : incertitudes persistantes s’agissant de l’apurement de la dette vis-à-vis du groupe ORANO

Créé en 1945, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) est un établissement de recherche à caractère scientifique, technique et industriel relevant de la catégorie des établissements publics industriels et commerciaux (EPIC). Il est placé sous la quintuple tutelle des ministères chargés de la recherche, de l’énergie, de la défense, de l’industrie et des finances. Il intervient dans quatre grands domaines : les énergies « bas carbone » (énergies nucléaire et renouvelables), les technologies pour l’information, les technologies pour la santé, la défense et la sécurité globale.

Dans les lois de finances, l’établissement est financé à titre principal par les programmes 172 et 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » ainsi qu’à titre subsidiaire par le programmes 191 « Recherche duale » et 212 « Soutien de la politique de défense ».

La situation budgétaire du secteur civil CEA sur la période 2017-2019 se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2017

Réalisé 2017

LFI 2018

PLF 2019

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation P172-190-191-212

2 645 355

2 644 299

2 628 249

2 769 613

2 668 931

2 669 436

2 695 232

2 696 222

 dont dotation démantèlement

740 000

740 000

740 000

740 000

740 000

740 000

740 000

740 000

dont dotation ITER

57 000

57 000

105 100

105 100

122 200

122 200

152 824

152 824

dont dotation P172-190-191 hors démantèlement, hors ITER et avant mise en réserve

1 066 789

1 048 979

 

 

1 047 448

1 055 963

1 048 435

1 053 279

Dotation P172-191-191 hors démantèlement, hors ITER et après mise en réserve

 

 

 

987 220

 

1 032 000

 

1 036 000

Résultat budgétaire

 

 51 142

 

+ 125 694

 

 122 400

 

 

 Dépenses

 

2 741 742

 

2 952 806

 

2 851 600

 

 

 Recettes

 

2 690 600

 

3 078 500

 

2 729 200

 

 

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2017, PLF 2019 et CEA.

La dotation de l’État au CEA comporte deux « fonds dédiés » :

– l’un au financement des opérations d’assainissement et de démantèlement des installations nucléaires (crédits stabilisés à 740 millions d’euros par an depuis 2016) ;

– l’autre à la participation de la France au projet de réacteur de recherche civil à fusion nucléaire ITER (2017 : 105,1 millions d’euros ; 2018 : 122,2 millions d’euros ; 2019 : 152,8 millions d’euros).

Si l’on exclut ces deux fonds dédiés, les crédits de paiement alloués pour les activités civiles du CEA s’établissent à 1 053 millions d’euros avant mise en réserve dans le projet de loi de finances pour 2019 (‑ 2,68 millions d’euros par rapport à la loi de finances pour 2018, soit ‑ 0,25 %).

Cette baisse n’est qu’apparente : selon les informations communiquées par le CEA, la dotation après mise en réserve s’élèverait à 1 036 millions d’euros, en hausse de 4 millions d’euros par rapport à celle de 2018 (1 032 millions d’euros, soit + 0,39 %).

Le PLF 2019 confirme donc le rebond de la dotation hors fonds dédiés effectué en 2018 au profit du CEA après plusieurs années de baisse (2015 : 1 005,3 millions d’euros ; 2016 : 998,6 millions d’euros ; 2017 : 987,2 millions d’euros).

Cette augmentation doit permettre à l’établissement de faire face à la hausse des charges de personnel (réalisé 2016 : 1 134 millions d’euros ; réalisé 2017 : 1 141,6 millions d’euros ; budget 2018 : 1 153,7 millions d’euros) liée, en partie, aux départs en retraite ([16]) et à la reprise des recrutements en 2018 (11 366 ETPT ([17]) prévus, contre 11 265 en 2017) après deux années de baisse des effectifs (‑ 78 ETPT entre 2015 et 2017).

Les dépenses d’investissement devraient également progresser entre 2017 (réalisé) et le budget 2018 (+ 53,1 millions d’euros pour un montant total de 442,1 millions d’euros), le tout étant couvert par une hausse similaire des recettes externes (+ 54,6 millions d’euros pour un montant total de 910,9 millions d’euros).

Au cours de son audition, le CEA a, toutefois, mis en avant deux préoccupations susceptibles de peser de manière significative sur sa situation financière au cours des prochaines années :

– la construction du réacteur de recherche expérimentale Jules Horowitz à Cadarache, qui est financée essentiellement via le programme d’investissements d’avenir à hauteur de 550 millions d’euros environ (PIA 1 et PIA 3) mais dont les coûts pourraient être sensiblement plus élevés ;

– la dette du CEA vis-à-vis du groupe ORANO (ex‑AREVA) issue d’un accord de 2004 attribuant à une filiale du groupe AREVA la responsabilité d’opérations de reprise des déchets du CEA à La Hague et de certaines opérations de démantèlement à Cadarache.

Selon les données communiquées par le CEA, le montant cumulé de cette dette atteignait les 670 millions d’euros fin 2017 et, sauf apurement anticipé, aura dépassé les 800 millions d’euros en 2024 lors du dernier remboursement ([18]). À la fin de l’année 2017, le Gouvernement a décidé de participer, à hauteur de 200 millions d’euros, à la résorption de la dette via le compte d’affectation spéciale des participations financières de l’État et a demandé au CEA de couvrir le solde par des cessions d’actifs financiers avant la fin de l’année 2019. L’organisme est actuellement en discussion avec ORANO sur le montant des pénalités qui lui seront dues au titre du remboursement anticipé.

Votre rapporteur souligne l’importance qui s’attache à ce que l’organisme puisse résorber rapidement cette dette en raison des intérêts élevés qu’il doit supporter (2,85 %) et soit, autant que possible, dégagé du paiement de pénalités pour remboursement anticipé.

III.   Le CNRS, l’INSERM et INRIA : l’enjeu de la diversification des financements pour les grands projets de recherche

1.   Le budget du CNRS : un recours au fonds de roulement pour financer des mesures nouvelles

Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) est un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) fondé en 1939. Avec près de 32 000 employés répartis sur l'ensemble du territoire national, le CNRS exerce son activité dans tous les champs de la connaissance et s’appuie, à cette fin, sur plus de 1 100 unités de recherche et de service. Dans les lois de finances, l’établissement est financé à titre principal par le programme 172 et, à titre subsidiaire, par les programmes 113 « Paysages, eau et biodiversité », 150 (cf. supra), 181 « Prévention des risques » et 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation ».

La situation budgétaire du CNRS sur la période 2017-2019 se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2017

Réalisé 2017

LFI 2018

PLF 2019

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation P172-113-150-181-206

2 645 355

2 644 299

2 628 249

2 769 613

2 668 931

2 669 436

2 695 232

2 696 222

 dont dotation P172 avant mise en réserve

2 645 232

2 644 176

 

 

2 668 818

2 669 323

2 694 105

2 695 095

 dont SCSP P172-150 avant mise en réserve

2 604 136

2 604 136

 

 

2 622 113

2 622 113

2 643 778

2 643 778

 SCSP P172-150 après mise en réserve

 

 

 

2 722 008

 

2 580 877

 

 

Résultat budgétaire

 

 6 492

 

+ 194 203

 

 15 375

 

 

 Dépenses

3 309 455

3 324 871

3 366 667

3 314 846

 

3 333 918

 

 

 Recettes

 

3 318 379

 

3 509 049

 

3 318 544

 

 

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2017, PLF 2019 et CNRS.

Les subventions pour charges de service public versées au titre des programmes 172 et 150 avaient été portées à 2,62 milliards d’euros dans la loi de finances initiale pour 2018 avant mise en réserve (+ 17,98 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2017, soit + 0,69 %). Dans le projet de loi de finances pour 2019, elles s’établissent à 2,64 milliards d’euros, ce qui représente une hausse de 21,67 millions d’euros (+ 0,83 %). Pour important qu’il soit en valeur absolue, cet effort budgétaire ne devrait pas couvrir l’intégralité des effets attendus sur les charges de personnel de la mise en œuvre de diverses mesures de revalorisation des carrières et des rémunérations (protocole PPCR, réforme du régime indemnitaire ([19]), compensation de la hausse de la CSG, etc.), ainsi que du glissement vieillesse technicité (GVT).

À cet égard, on peut rappeler que les dépenses de personnel du CNRS se sont accrues de 47,92 millions d’euros entre 2016 et 2017 en dépit d’une légère baisse des effectifs en équivalents temps plein travaillé (ETPT) ([20]) et qu’en 2018, il a fallu procéder à un déblocage de la réserve de précaution à hauteur de 26,7 millions d’euros pour financer les mesures salariales au-delà de la subvention initialement versée (2,58 milliards d’euros).

S’agissant du GVT (estimé à 24,8 millions d’euros en 2018 et à 25,3 millions d’euros en 2019), il n’a pas été financé sur subvention en 2018 et ne devrait pas l’être en 2019.

Pour couvrir ses dépenses (toutes catégories confondues), le CNRS peut, outre la SCSP, compter sur diverses ressources propres (recettes contractuelles, appels à projets de l’Agence nationale de la recherche, programmes européens, etc.). D’un montant de 787,04 millions d’euros en 2017, elles ne sont, pour l’instant, pas suffisantes pour permettre à l’organisme de faire face à toutes ses échéances et sont même budgétées en baisse en 2018 (737,67 millions d’euros).

Pour ces raisons, la direction du CNRS, qui souhaite s’engager dès l’an prochain dans un vaste plan de recrutement de 300 emplois non permanents sur deux ans et d’investissement dans les laboratoires, a décidé de recourir à un prélèvement sur son fonds de roulement pour financer le coût total de ces deux opérations (estimé à 48 millions d’euros).

À terme, sauf à ce que d’autres sources de financement pérennes puissent être trouvées, la question de l’adéquation entre la trajectoire d’évolution des dépenses de personnel du CNRS et de celle de la subvention de l’État devra être posée.

2.   L’INSERM : un accès possible aux financements des établissements de santé

Créé en 1964, l’INSERM est un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la double tutelle du ministère chargé de la recherche et du ministère de la santé. Il assure la coordination stratégique et scientifique de la recherche biomédicale en France. En 2017, plus de 13 000 personnes travaillaient au sein de structures dépendantes ou associées à l'INSERM, dont 5 124 personnels, 2 682 contractuels et 5 065 hospitalo-universitaires associés.

Dans les lois de finances, l’établissement est financé à titre principal par le programme 172 et, à titre subsidiaire, par les programmes 129 « Coordination du travail gouvernemental ».

La situation budgétaire de l’INSERM sur la période 2017-2019 se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2017

Réalisé 2017

LFI 2018

PLF 2019

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation P172 129

625 867

625 867

618 833

626 560

632 359

632 359

635 366

635 366

 dont SCSP P172 avant mise en réserve

625 867

625 867

 

 

632 359

632 359

635 366

635 366

 SCSP P172 après mise en réserve

 

 

 

626 073

 

631 700*

 

 

Résultat budgétaire

 

 30 364

 

88 021

 

 4 000*

 

 

 Dépenses

926 707

926 486

894 165

868 102

 

980 800*

 

 

 Recettes

 

896 122

 

956 123

 

976 800*

 

 

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2017, PLF 2019 et INSERM.

* Budget 2018 rectifié.

La subvention pour charges de service public versée au titre du programme 172 (avant mise en réserve) s’était accrue de 6,49 millions d’euros (+ 1,04 %) dans la loi de finances pour 2018 pour s’établir à 632,36 millions d’euros. Elle s’accroît plus faiblement dans le projet de loi de finances pour 2019 (+ 3 millions d’euros pour un montant total de 635,37 millions d’euros, soit + 0,48 %).

À l’instar des autres EPST, l’INSERM est confronté, en dépit de ses efforts de maîtrise de la masse salariale, à une progression continue de ses charges de personnel liée aux mesures de revalorisation des carrières (PPCR) et de rémunération (compensation de la hausse de la CSG, mise en œuvre de nouvelles règles d’indemnisation du compte épargne temps, etc.). Les dépenses de personnel se sont élevées à 539,63 millions d’euros en 2017 (+ 13,88 millions d’euros par rapport à 2016), le nombre d’ETPT diminuant, pour sa part, légèrement à 5 743,6 (‑ 0,19 % par rapport à 2016). Elles devraient, de nouveau, progresser de manière significative en 2018 (+ 13,57 millions d’euros pour un montant total de 553,2 millions d’euros).

L’établissement doit, surtout, faire face à la multiplication des grands projets de santé pour lesquels le Gouvernement a sollicité son expertise : lutte contre les nouvelles menaces virales (Ebola), mise en place et animation d’un  consortium pluridisciplinaire de préparation à la lutte contre les crises liées aux maladies infectieuses émergentes ([21]), mise en œuvre du plan France médecine génomique 2025 et du plan de lutte contre les maladies neurodégénératives, contribution au plan de résistance aux antimicrobiens mené dans le cadre de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

Ces diverses contraintes ont justifié la réévaluation à la hausse, au cours de l’exercice 2018, de la subvention budgétée pour l’INSERM, qui est passée de 619,4 millions d’euros (après mise en réserve en début d’année) à 631,7 millions d’euros en cours de gestion (+ 12,3 millions d’euros, dont + 6,1 millions d’euros au titre des seuls « grands projets » précités).

La même problématique risque de se reproduire en 2019 dans la mesure où l’organisme sera probablement confronté à une nouvelle hausse des dépenses de personnel (estimée à  + 11,5 millions d’euros) liée aux effets des mesures salariales et devra, par ailleurs, poursuivre la mise en œuvre des « grands projets » de santé (7,2 millions d’euros, dont 4 millions d’euros pour Ebola). Or, même si elle ne faisait l’objet d’aucune mise en réserve, la subvention n’augmenterait que de 3,67 millions d’euros en 2019.

L’INSERM s’efforce de compenser la relative faiblesse de sa subvention par un recours accru à des ressources propres. Il dispose ainsi d’un « stock » de 1,2 milliard d’euros de contrats de recherche auprès de différents organismes (ANR, Union européenne, OMS, etc.) générant environ 300 millions d’euros d’encaissements annuels. Le montant des ressources propres devrait ainsi progresser de 15,05 millions d’euros entre 2017 (330,05 millions d’euros) et 2018 (345,10 millions d’euros).

Par ailleurs, l’établissement a engagé une discussion avec ses ministères de tutelle en vue d’obtenir un accès aux crédits alloués aux établissements de santé au titre de la recherche clinique, c’est-à-dire intégrés dans l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (ONDAM) ([22]). Ces crédits pourraient être utilement mobilisés autour des « grands projets » de santé que l’INSERM éprouve des difficultés à faire financer par sa seule subvention. Au-delà des similitudes évidentes entre les activités de l’organisme de recherche et celles des acteurs du système de soins, la démarche paraît d’autant plus pertinente que les centres hospitaliers travaillent depuis longtemps en étroite collaboration avec les unités de l’INSERM.

Votre rapporteur soutient cette initiative et invite le Gouvernement à étudier en 2019, et en tout état de cause avant la présentation du projet de loi de finances et de loi de financement de la sécurité sociale pour 2020, les possibilités d’une plus grande imbrication des deux dispositifs au profit de l’INSERM.

3.   INRIA : le soutien financier limité d’un organisme tourné vers le numérique

Créé en 1967, l’Institut de recherche en informatique et en automatique (INRIA) est un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la double tutelle des ministères chargés de la recherche et de l’industrie. Il a pour missions de produire une recherche d’excellence dans les champs informatiques et mathématiques des sciences du numérique et de garantir l’impact, notamment économique et sociétal, de cette recherche. INRIA s’appuie sur plus de 180 équipes-projets déployées au sein de huit centres de recherche répartis dans toute la France et représentant environ 2 400 personnes.

Dans les lois de finances, l’établissement est financé exclusivement par une dotation du programme 172.

La situation budgétaire d’INRIA sur la période 2017-2019 se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2017

Réalisé 2017

LFI 2018

PLF 2019

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

SCSP P172 avant mise en réserve

172 707

172 707

170 614

170 614

173 252

173 252

173 946

173 946

 SCSP après mise en réserve

 

 

 

170 614

 

170 771

 

 

Résultat budgétaire

 

 5 140

 

+ 11 567

 

 6 699

 

 

 Dépenses

231 055

236 377

225 477

222 994

 

236 508

 

 

 Recettes

 

231 237

 

234 561

 

229 809

 

 

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2017, PLF 2019 et INRIA.

La subvention pour charges de service public versée à INRIA au titre du programme 172 (avant mise en réserve) évolue peu entre 2017 et 2019 : elle s’est accrue de 0,55 million d’euros dans la loi de finances pour 2018 (+ 0,32 %), puis de 0,69 millions (+ 0,40 %) pour s’établir à 173,95 millions d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019.

Comme le CNRS et l’INSERM, INRIA doit intégrer dans ses prévisions de dépenses les effets du GVT et des mesures de revalorisation des carrières (PPCR). Entre 2016 et 2017, ces effets à la hausse, estimés, respectivement, à 1,42 million d’euros et 1 million d’euros, n’ont pu être contenus qu’au prix d’un effort significatif sur les effectifs permanents de l’institut, qui ont été ramenés à 1 228 ([23]) en décembre 2017, contre 1 245 l’année précédente (‑ 17) ([24]). Les charges de personnel ont ainsi pu être réduites de 1,07 % à 162,55 millions d’euros en 2017 (contre 164,31 millions d’euros en 2016).

Un tel effort ne saurait être renouvelé sans porter atteinte aux activités de l’institut. Compte tenu, notamment, d’un GVT estimé à 1,2 million d’euros, les dépenses de personnel devraient de nouveau s’accroître en 2018 (+ 4,44 % pour un montant total de 169,78 millions d’euros) et en 2019.

Faute de réévaluation de sa subvention, INRIA s’est efforcé avec succès d’augmenter ses ressources propres, notamment au travers des appels à projets de l’Union européenne (Programme-cadre pour la recherche et l’innovation – Horizon 2020) et de l’Agence nationale de la recherche ([25]) (ANR). Ces recettes ont bondi de 17,90 % en 2017 pour s’établir à 63,95 millions d’euros, dont près du tiers  (32 %) pour les seuls financements européens (20,41 millions d’euros, contre 15,86 millions d’euros en 2016).

L’organisme se montre également très intéressé par les perspectives offertes par le futur programme « Digital Europe » présenté par la Commission européenne le 6 juin dernier, et doté a priori de 9,2 milliards d’euros.

Votre rapporteur a constaté que le ministère envisageait d’appliquer aux EPST en 2019 le même dispositif de mise en réserve qu’en 2018, à savoir un taux de 0,35 % pour la masse salariale et 4,85 % en fonctionnement, alors que les crédits du programme 172 bénéficient, depuis 2018, de taux de mise en réserve réduits (3 % pour les crédits hors titre 2). Pour les trois EPST précités (CNRS, INSERM, INRIA), la couverture des frais incompressibles liés aux mesures de revalorisation des rémunérations et des carrières des personnels implique le déblocage de moyens supplémentaires en cours de gestion de façon à ce que le montant de la SCSP effectivement versée en 2019 soit le plus proche possible de celui figurant dans la loi de finances initiale.

Cela pourrait passer, notamment, par un alignement des taux de mise en réserve des EPST sur ceux appliqués à l’ensemble du programme.


—  1  —

IV.   L’INRA : la préparation de son rapprochement avec l’IRSTEA d’ici 2020

Fondé en 1946, l’Institut national de la recherche agronomique (INRA) est depuis 1984 un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST), placé sous la double tutelle des ministères chargés de la recherche et de l’agriculture. L’INRA couvre des champs disciplinaires très différents, qu’il s’agisse des sciences de la vie, des sciences économiques et sociales, des sciences de l’environnement ou des sciences de l’aliment. L’institut employait à fin 2017 10 225 personnes, dont 7 656 agents titulaires (1 819 chercheurs, 2 539 ingénieurs et 3 298 techniciens) et 2 569 agents contractuels.

Dans les lois de finances, l’établissement est financé à titre principal par le programme 172 et, à titre subsidiaire, par les programmes 113 « Paysages, eau et biodiversité », 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » et 776 « Recherche appliquée et innovation en agriculture ».

La situation budgétaire de l’INRA sur la période 2017-2019 se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2017

Réalisé 2017

LFI 2018

PLF 2019

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation P172-113-142-206-776

689 292

689 292

686 210

685 640

696 642

696 642

703 933*

703 933*

 Dont SCSP tous programmes avant mise en réserve

689 292

689 292

 

 

696 642

696 642

703 333*

703 333*

 SCSP P 172 avant mise en réserve

687 792

687 792

 

 

693 112

693 112

699 880

699 880

 SCSP après mise en réserve

 

 

 

684 464

 

 

 

 

Résultat budgétaire

 

0

 

+ 16 935

 

 5 692

 

 

 Dépenses

885 144

865 916

862 380

833 950

 

884 022

 

 

 Recettes

 

865 916

 

850 885

 

878 330

 

 

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2017, PLF 2019 et INRA.

* Chiffres rectifiés par rapport au PLF 2019 publié (erreur signalée par l’INRA au niveau du programme 206).

La subvention pour charges de service public de l’INRA (avant mise en réserve) s’était accrue de 7,35 millions d’euros (+ 1,07 %) dans la loi de finances pour 2018 pour s’établir à 696,64 millions d’euros. Elle s’accroît à un rythme similaire (+ 0,97 %) dans le projet de loi de finances pour 2019 (703,33 millions d’euros, en hausse de 6,69 millions d’euros). Cet effort est complété, depuis 2017, par des ajustements de SCSP en cours de gestion au travers du déblocage d’une partie des crédits mis en réserve (3,4 millions d’euros en 2017 ; 5,7 millions d’euros en 2018) afin d’aider l’institut à couvrir les surcoûts liés aux mesures de revalorisation des salaires et des carrières (PPCR, application du RIFSEEP ([26]) au 1er septembre 2017, compensation de la hausse de la CSG en 2018).

Le GVT (environ 8 millions d’euros par an) reste, comme pour les autres EPST, non financé.

En 2017, l’INRA avait réussi à contenir la progression de ses charges de personnel (+ 4,95 millions d’euros, soit un montant total de 632,56 millions d’euros) par une réduction significative (‑ 1,73 %) de ses effectifs de personnels titulaires (ramenés à 7 690,2 ETPT). La situation devrait être différente en 2018 car, en dépit d’une nouvelle réduction des effectifs de titulaires (‑ 0,81 %, soit 7 627,8 ETPT), l’organisme envisage d’accroître fortement ses effectifs en CDD (+ 44,77 %, ce qui correspond à un effectif de 1 647,3 ETPT) : les dépenses de personnel s’établiraient ainsi à 645,41 millions d’euros (+ 12,85 millions d’euros par rapport au réalisé 2017).

Globalement, la situation budgétaire de l’établissement restera maîtrisée en 2018 grâce :

– au versement d’un niveau réel de subvention (692,96 millions d’euros) proche de celui inscrit en loi de finances initiale (696,64 millions d’euros) ;

– au montant des ressources propres que l’INRA devrait percevoir cette année-là (+ 24,65 millions d’euros à 191,07 millions d’euros) grâce à divers succès remportés sur des appels à projets européens et nationaux (ANR).

Elle ne pourra l’être en 2019 qu’à la condition que l’INRA bénéficie, de nouveau, d’un déblocage d’une part importante de la mise en réserve qui sera effectuée sur la subvention de l’État. L’application en 2019 du ratio global de mise en réserve constaté en 2018 (0,53 %) aboutirait à verser à l’établissement une SCSP de 700,21 millions d’euros (+ 7,25 millions d’euros par rapport à 2018). Les ressources propres seront, par ailleurs, sollicitées en 2019 pour couvrir les dépenses d’investissement liées aux programmes immobiliers engagés et non achevés en 2018 (4,34 millions d’euros pour trois projets à Montpellier, à Bordeaux et aux Antilles).

L’exercice 2019 sera surtout marqué par l’engagement concret des travaux préparatoires à la fusion de l’INRA avec l’Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA).

Depuis 1982, l’IRSTEA est, comme l’INRA, un établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la double tutelle des ministères chargés de la recherche et de l’agriculture. Ses domaines d’intervention sont la maîtrise des risques naturels, sanitaires et environnementaux, la bio-économie, la gestion adaptative des ressources sous la contrainte du changement climatique et la biodiversité.

L’organisme s’appuie des effectifs de 1 202 collaborateurs en 2017 répartis sur 9 centres régionaux. Son budget annuel s’élève à environ 110 millions d’euros. Il est financé à hauteur d’environ 75 % par une subvention pour charges de service publique (SCSP) inscrite sur les programmes 172, 142 et, à titre subsidiaire, 181 « Prévention des risques » (85,70 millions d’euros dans le PLF 2019).

Compte tenu de la proximité de ses missions avec celles de l’INRA, le Gouvernement a engagé le 6 février 2018 les deux établissements à procéder à leur fusion le 1er janvier 2020 au plus tard.

Le rapport remis par les deux organismes aux ministres chargés de la recherche et de l’agriculture le 17 octobre dernier confirme l’échéance de 2020 ainsi que la pertinence du rapprochement au regard des enjeux de la recherche scientifique. Le processus de rapprochement sera progressif et comportera une phase de « mise en convergence », qui s’étalera jusqu’en 2023. Il engendrera pour l’INRA des coûts supplémentaires liés, notamment, à :

– à l’adaptation des systèmes informatiques de gestion des deux organismes (3,2 millions d’euros sur la période 2018-2020) ;

– à la réalisation de premières actions scientifiques communes et au renforcement de l’implantation territoriale (1 million d’euros dès 2019) ;

– à l’alignement des dotations de fonctionnement des unités scientifiques (2,4 millions d’euros en 2020) ;

– à la mise en œuvre d’un programme scientifique intégré (1,5 million d’euros entre 2020 et 2023) ;

– au rapprochement des régimes indemnitaires (coût récurrents de 2,4 millions d’euros par an) ;

Sur le coût total hors dépenses récurrentes de rémunérations (8,1 millions d’euros), l’INRA estime à 4 millions d’euros son besoin de financement dès 2018, le solde (1,7 million d’euros et 2,4 millions d’euros) étant reporté, respectivement, sur les exercices 2019 et 2020.

Au cours de leur audition à l’Assemblée nationale, les deux instituts ont affirmé être soucieux de ne pas utiliser cette fusion comme un prétexte à de quelconques économiques budgétaires : la « boussole » de l’opération reste l’émergence d’une culture scientifique commune et, au-delà, le renforcement des capacités d’expertise des unités de recherche et le rayonnement de leurs travaux au niveau international.

Votre rapporteur se félicite de l’état d’esprit dans lequel s’opère ce rapprochement. Il invite, toutefois, le Gouvernement à donner à l’INRA les moyens financiers nécessaires à l’opération en 2018 et en 2019, quitte à ne pas appliquer du tout de mise en réserve sur ces deux exercices.

Pour l’exercice 2020, il conviendra de rehausser en conséquence la subvention inscrite au projet de loi de finances pour le nouvel organisme.


—  1  —

   troisième partie : les situations contrastées du CNES (programme 193) et de L’IFP-EN (programme 190)

Tandis que les crédits affectés au programme 193 « Recherche spatiale » ne cessent de progresser, passant de 1,45 milliard d’euros en 2017 (réalisé) à 1,82 milliard d’euros dans le projet de loi de finances pour 2019, les crédits du programme 190 « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables » restent globalement stables autour de 1,75 milliard d’euros ([27]).

(En milliers d’euros)

 

Réalisé 2017

LFI 2018

PLF 2019

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Total du programme 190

1 570 729

1 902 516

1 761 452

1 734 155

1 767 292

1 726 956

Dont crédits aux opérateurs

1 557 188

1 557 156

1 611 353

1 611 353

1 617 247

1 617 247

Part (%)

99,14 %

81,85 %

91,48 %

92,92 %

91,51 %

93,65 %

Total du programme 193

1 453 438

1 453 438

1 618 104

1 618 104

1 823 013

1 823 013

Dont crédits aux opérateurs

1 453 438

1 453 438

1 618 104

1 618 104

1 823 013

1 823 013

Part (%)

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

100 %

Sources : RAP 2017 et PLF 2019.

Les crédits du programme 193 sont intégralement constitués des dotations de l’État à deux opérateurs : le Centre national d’études spatiales (CNES) et Météo-France (contribution française à l’Organisation européenne de satellites météorologiques EUMETSAT). Ceux du programme 190 comprennent :

– des dépenses de soutien aux entreprises (pour environ 10 % des crédits), regroupées, pour l’essentiel, sur l’action n° 14 « Recherche et développement dans le domaine de l’aéronautique civile ([28]) » ;

– des dotations à six opérateurs (pour environ 90 % des crédits), notamment l’Institut français du pétrole – Énergies nouvelles (IFP-EN), le CEA et l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN).

Parmi les opérateurs du programme 190, l’IFP-EN est le seul organisme à voir ses dotations diminuer entre 2018 et 2019.

I.   Le budget d’IFP-Énergies nouvelles : un acteur de la transition énergétique qui mériterait d’être plus soutenu

IFP-Énergies nouvelles (IFP-EN), né initialement en 1919 sous le nom « d’Institut français du pétrole », est un établissement public industriel et commercial placé sous la double tutelle du ministre de l’écologie, du développement durable et de l’énergie, et du ministère de l’économie et des finances. Il est chargé de « développer les technologies et les matériaux du futur dans les domaines de l’énergie, du transport et de l’environnement » et de favoriser leur transfert vers les filières industrielles associées. Ses trois priorités en matière de recherche portent sur les domaines de la « mobilité durable », des « énergies nouvelles » et des « hydrocarbures responsables ».

L’IFP-EN dépose près de 200 nouveaux brevets chaque année (187 en 2017). L’organisme dispose, par ailleurs, d’un important portefeuille de participations industrielles (AXENS : procédés de raffinage, pétrochimie et catalyseurs, BeicipFranlab : conseil et logiciels en géoscience, start-ups de transition énergétique, etc.). L’Institut disposait d’un effectif de 1 849 personnes en 2017, dont 1 638 permanents.

S’agissant de la part publique de ses ressources, l’organisme est financé intégralement par une subvention pour charges de service public du programme 190.

La situation budgétaire de l’IFP-EN sur la période 2017-2019 se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2017

Réalisé 2017

LFI 2018

PLF 2019

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation P190

134 418

134 418

125 064

125 064

130 111

130 111

125 940

125 940

 dont SCSP avant mise en réserve

134 418

134 418

 

 

130 111

130 111

125 940

125 940

 SCSP après mise en réserve

 

 

 

125 064

 

 

 

 

Résultat budgétaire

 

 5 010

 

+ 2 014

 

 32 700

 

 

 Dépenses

 

282 922

 

279 330

 

318 400

 

 

 Recettes

 

277 912

 

281 344

 

285 700

 

 

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2017, PLF 2019 et IFP-EN.

La subvention pour charges de service public allouée à l’IFP-EN avant mise en réserve avait été ramenée à 130,11 millions d’euros en 2018, contre 134,42 millions d’euros en 2017 (‑ 3,20 %). Une mise en réserve de 1,6 million d’euros a été appliquée, ramenant la subvention prévisionnelle à 128,5 millions d’euros. En 2019, elle est, de nouveau, sensiblement réduite (‑ 3,21 %) et s’établit à 125,94 millions d’euros avant mise en réserve.

Si une mise en réserve est appliquée en 2019, la subvention versée sur cet exercice sera inférieure à celle de 2017 (125,06 millions d’euros).

Le traitement spécifique appliqué à l’organisme se justifie, en apparence, par l’importance de ses ressources propres (produits des brevets et dividendes des filiales), celles-ci s’élevant chaque année à environ 150 millions d’euros (146,07 millions d’euros ([29]) en 2017), soit la moitié du total des ressources (51,92 % en 2017). Ces ressources permettent à l’organisme d’autofinancer ses activités de recherche dans le domaine des « hydrocarbures responsables », mais non celles liées à la transition énergétique (« mobilité durable » et « énergies nouvelles ») pour lesquelles la subvention pour charges de service public est indispensable. Elles sont, par nature, trop instables pour donner à l’organisme une visibilité de long terme pour ses projets de recherche.

Le réalisé budgétaire positif (+ 2,01 millions d’euros) constaté en 2017 tient essentiellement aux efforts d’économies réalisés depuis plusieurs années par l’établissement :

1°) Stabilisation de la masse salariale autour de 150 millions d’euros au prix d’une réduction progressive de ses effectifs depuis 2011 (2011 : 1920 ; 2017 : 1849, soit - 3,70 %) ;

2°) Compression des dépenses d’investissement (2016 : 37,23 millions d’euros ; 2017 : 24,50 millions d’euros, soit ‑ 34,18 %).

Comme l’an dernier, votre rapporteur tient à saluer les efforts de bonne gestion de l’IFP-EN. Il s’inquiète toutefois de la baisse continue de la dotation budgétaire de l’organisme, étant donné que celle-ci finance exclusivement son programme de recherche dans le domaine du développement durable.

À cet égard, contrairement à l’image d’un institut tourné vers les industries pétrolières, il convient de mettre en avant :

– le poids important pris par la recherche fondamentale dans ses activités : travaux en cours sur le développement d’un caoutchouc « bio », le recyclage chimique des plastiques, etc. ;

– son rôle central, avec le CEA, dans la transition énergétique : mise au point d’un système de flotteurs pour les éoliennes marines en Méditerranée, mise en œuvre d’un projet européen (Site Char) de stockage du dioxyde de carbone, etc.

Ainsi, votre rapporteur invite le Gouvernement à limiter le recours au mécanisme de mise en réserve en 2019, de façon à maintenir la subvention à son niveau de 2017 (125,06 millions d’euros), et à s’engager auprès de l’organisme sur une stabilisation de ses dotations jusqu’à la fin de la législature.

II.   Le budget du Centre national d’études spatiales (CNES) : la recherche spatiale de nouveau à l’honneur

Institué en 1961, le Centre national d’études spatiales (CNES) est un établissement public industriel et commercial placé sous la double tutelle du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et du ministère de la défense. Chargé de proposer au Gouvernement et de mettre en œuvre la politique spatiale de la France en Europe, le CNES est à la fois une agence de programmes et un centre technique dont l’activité s’inscrit dans un cadre multinational, notamment en partenariat privilégié avec l’Agence spatiale européenne (ASE/ESA), où il représente la France.

Les effectifs du CNES sont d’environ 2 400 collaborateurs (2 386 en août 2018, dont la quasi-totalité en CDI).

Dans les lois de finances, l’établissement est financé à titre principal par le programme 193 et,  à titre subsidiaire, par le programme 190 « Recherche duale (civile et militaire) ».

La situation budgétaire du CNES sur la période 2017-2019 se présente comme suit :

(En milliers d’euros)

 

LFI 2017

Réalisé 2017

LFI 2018

PLF 2019

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Dotation P191-193

1 561 193

1 561 193

1 513 672

1 513 672

1 687 532

1 687 532

1 891 756

1 891 756

 dont transfert ASE/ESA

833 428

833 428

833 428

833 428

965 000

965 000

1 175 000

1 175 000

 Dont dotation d’investissement P 191

106 930

106 930

98 375

98 375

106 930

106 930

106 374

106 374

 Dont SCSP avant mise en réserve

620 835

620 835

 

 

615 602

615 602

610 382

610 382

 SCSP après mise en réserve

594 220

594 220

 

586 289

594 988

594 988

 

 

Résultat budgétaire*

 

- 98 840

 

- 33 206

 

- 157 926

 

 

 Dépenses

 1 492 207

1 527 890

1 378 249

1 392 040

 

1 438 869

 

 

 Recettes

 

1 429 050

 

1 358 834

 

1 280 943

 

 

(*) Hors transferts à l’Agence spatiale européenne (ASE/ESA)

Sources : Analyse du rapport annuel de performance 2017, PLF 2019 et CNES.

Comme en 2018, le projet de loi de finances pour 2019 est marqué par la volonté de la France de maintenir un haut degré d’investissement dans la recherche spatiale. Après une hausse de 8,09 % à 1,69 milliard d’euros en 2018, les crédits alloués au CNES (AE/CP) progressent de 204,22 millions d’euros en 2019 pour s’établir à 1,89 milliard d’euros (+ 12,10 %). Cette évolution traduit de nouveau la mise en application des décisions prises lors du conseil ministériel de l’ASE/ESA à Lucerne en décembre 2016, en particulier la prolongation de la participation européenne à l’exploitation de la station spatiale internationale et le financement des coûts de la mission d’étude de l’atmosphère de Mars (ExoMars).

Cette participation, qui s’élève à 1,18 milliard d’euros en 2019, contre 965 millions d’euros en 2018 (+ 210 millions d’euros, soit + 21,76 %), permettra tout d’abord à la France de couvrir une partie de ses engagements vis-à-vis de l’Agence. Le différentiel entre les besoins en contribution de la France vis-à-vis l’ASE/ESA et les fonds réellement versés, qui atteindra 412 millions d’euros à la fin de l’année, devrait diminuer pour la première fois en 2019 (279 millions d’euros) et être entièrement résorbé dans deux ans.

Par ailleurs, cet effort considérable permet à la France de rester le premier pays européen contributeur à l’ASE/ESA devant l’Allemagne, place qu’elle avait perdue en 2016 et qu’elle a récupérée en 2017. Notre pays conserve ainsi un rôle prééminent dans la mise en œuvre des grands projets de coopération européenne, en particulier dans le domaine des lanceurs (Ariane 6 et Vega). Le premier essai à feu du nouveau propulseur solide P120C commun aux deux lanceurs s’est déroulé avec succès en juillet 2018 au centre spatial guyanais et l’échéance du premier vol reste fixée à l’été 2020.

Hors contribution à l’ASE/ESA, la dotation de l’État au CNES est légèrement réduite (LFI 2018 : 722,53 millions d’euros ; PLF 2019 : 716,76 millions d’euros, soit ‑ 0,80 %). Cette dotation reste néanmoins largement supérieure à celle effectivement versée en 2017 (684,66 millions d’euros).

Les crédits alloués permettent, en partie, au CNES de mener à bien certains des projets conclus avec des agences non européennes, en particulier la mission SWOT ([30]) d’observation des océans avec la NASA ou le satellite d’observation franco-chinoise CFOSAT ([31]), qui devrait être lancé à la fin du mois d’octobre 2018.

Les projets pour lesquels le CNES assure la maîtrise d’ouvrage bénéficient, pour leur part, de financements dédiés. Ainsi, le projet de satellites franco-allemands CSO, dont le lancement est prévu en décembre 2018, a fait l’objet d’un financement via la direction générale de l’armement (DGA) de 173,2 millions d’euros en 2017 (12,75 % du total des ressources du CNES).

Les financements alloués via le programme des investissements d’avenir (PIA) permettent également au CNES d’être réactif sur des projets thématiques d’excellence à haut contenu technologique. Ainsi les projets SWOT (précité) et MicroCarb ([32]) ont-ils pu être initiés rapidement grâce à la mobilisation immédiate de fonds sur PIA, respectivement en 2010 et en 2016.

Comme l’an dernier, votre rapporteur se félicite de l’effort ainsi confirmé pour la recherche spatiale française et européenne. Avec un chiffre d’affaires de 7,88 milliards d’euros en 2017 et plus de 15 000 emplois générés en France ([33]), la filière spatiale est l’un des plus importants moteurs de notre compétitivité et de notre économie.

Dans le contexte général de maîtrise de la dépense publique, votre rapporteur estime que l’effort réalisé en faveur du CNES en 2019 est satisfaisant. Il insiste, toutefois, pour que :

– la dotation (hors contribution à l’ASE/ESA) soit stabilisée en valeur en 2020 ;

– le CNES conserve un accès privilégié aux financements du PIA pour ses projets spécifiques à forte valeur ajoutée.

 


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   Quatrième partie : un dispositif de valorisation aux multiples facettes nécessitant à la fois mise en cohérence et consolidation

Le terme de « valorisation » de la recherche publique regroupe les procédés ou les structures permettant aux connaissances produites par les acteurs publics de la recherche (universités, grands organismes, etc.) d’être utilisées par les entreprises (ou les chercheurs eux-mêmes) afin de produire une valeur économique et sociale.

La valorisation peut s’appuyer sur des transferts de technologies, des travaux de recherche partenariale associant les laboratoires publics et les entreprises ou la mise à disposition de chercheurs auprès d’entreprises.

I.   Les structures de valorisation de la recherche issues du programme des investissements d’avenir : une montée en puissance à confirmer

1.   L’émergence de nouvelles structures de recherche via le PIA

Pour pallier les retards persistants de la France en matière de valorisation de la recherche, les pouvoirs publics ont choisi de créer des structures ex nihilo positionnées dans les domaines où les entreprises ne bénéficiaient pas toujours d’acteurs clairement identifiés. Ces structures bénéficient d’un financement public issu du programme des investissements d’avenir (PIA) créé par la loi n° 2010-237 du 9 mars 2010 de finances rectificative pour 2010. Ces financements transitent par l’Agence nationale de la recherche (ANR), opérateur du programme.

Les principales structures financées par le PIA sont les suivantes :

1. Les sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) sont des sociétés par actions simplifiées créées par un ou plusieurs établissements de recherche publique et chargées d’assurer l’interface entre les laboratoires publics et les entreprises sur un territoire donné. Selon la convention conclue le 29 juillet 2010 entre l’État et l’ANR,  les SATT « ont vocation à regrouper l’ensemble des équipes de valorisation de sites universitaires et à mettre fin au morcellement des structures pour améliorer significativement l’efficacité du transfert de technologies et la valeur économique créée. » Les 14 SATT actuellement en fonction ont été dotées d’un financement du premier volet du PIA de 857 millions d’euros sur dix ans ([34]). Le troisième volet du PIA (2017) leur alloue de nouveaux moyens (dotations et subventions) sur une nouvelle période de dix ans à hauteur de 235 millions d’euros.

2. Les instituts de recherche technologique (IRT) sont des instituts thématiques qui, sous la forme juridique des « fondations de coopération scientifique » issues de la loi de programme n° 2006-450 du 18 avril 2006 pour la recherche, rassemblent les compétences de recherche et de développement de l’industrie et de la recherche publique. Ce sont avant tout des structures de partenariat entre les secteurs privé et public, étant précisé que la participation de l’État ne doit pas dépasser 50 % du total des apports. Les huit IRT actuellement constitués ont été dotés d’un financement décennal par le PIA 1 d’un montant total de 920 millions d’euros (DC + intérêts de DNC ([35])).

3. Les instituts pour la transition énergétique (ITE) sont, à l’instar des IRT, des structures de partenariat entre des acteurs publics de recherche et des industriels. Leur domaine d’activité est limité aux « filières énergétiques porteuses d’avenir ayant un impact positif sur les émissions de gaz carbonique ».

Les ITE, actuellement au nombre de douze, bénéficient actuellement d’un financement décennal de 341 millions d’euros (DC + intérêts de DNC) dans le cadre du PIA 1.

4. Le « label Carnot », qui existait avant le PIA, a été créé en 2006 afin de doter de moyens supplémentaires les structures de recherche publique qui réalisent une part importante de leurs activités en relation avec des entreprises. Il existe actuellement 38 laboratoires (ou structures équivalentes) labellisés « Carnot » : des organismes de recherche (INRIA, IRSTEA et IFP-EN) en font partie.

Les instituts Carnot ont été dotés d’un financement décennal de 136 millions d’euros (DC + intérêts de DNC) dans le cadre du PIA 1.

2.   Un dispositif complexe qui doit être renforcé avant d’être simplifié

Dans un rapport d’évaluation des outils de valorisation de la recherche publique publié en mars 2018, la Cour des comptes estime que les nouvelles structures mises en place dans le cadre du PIA ont été à l’origine « d’effets de redondance et de concurrence avec certaines structures existantes, notamment [celles] des organismes de recherche. ». À première vue, l’architecture du dispositif apparaît effectivement comme extrêmement complexe, comme l’illustre le tableau ci-après.

Caractéristiques des principales structures de valorisation
de la recherche publique

Structure

Personnalité juridique

Domaines de compétences

Positionnement dans la chaîne de valorisation

Relations avec le secteur privé

Détection de l’innovation

(TRL([36]) 1-2)

Développement et mise sur le marché

(TRL 3-8)

SATT

Oui

Tous

Oui

(au sein des acteurs publics fondateurs)

Oui

Concession de licences aux entreprises intéressées

Soutien à la création de start-ups

IRT

Oui

Tous

(sauf transition énergétique)

Non

Oui

Partenariat industriel multilatéral

ITE

Oui

Transition énergétique

Non

Oui

Partenariat industriel multilatéral

Carnot

Non

Limités au champ de compétences de l’organisme de rattachement

Oui

(au sein de l’organisme de rattachement)

Oui

Partenariat industriel bilatéral ou multilatéral

Structures crées par les organismes de recherche nationaux (INRA, CEA, etc.)

Oui

(le plus souvent constituées en filiales)

Limités au champ de compétences de l’organisme de tutelle

Oui

(le plus souvent en interne à l’organisme de tutelle)

Oui

Dépend de la politique de l’organisme de tutelle

Pour autant, les résultats de ces différentes structures sont loin d’être négligeables, qu’il s’agisse des SATT ou des IRT. Selon les données fournies par l’ANR à fin 2017 ([37]), chaque IRT est engagé en moyenne sur une cinquantaine de projets et a déposé 28 brevets depuis sa création. Chaque SATT a, en moyenne, engagé 123 projets, déposé 159 brevets et concédé 45 licences (données cumulées).

Les performances de ces structures semblent s’accélérer depuis deux ans. À la fin de l’année 2017, 634 licences (total cumulé) ont été concédées par les SATT, ce qui est 2,5 fois plus important qu’au cours des trois premières années de leur existence ([38]) (237).

Le nombre de publications des IRT en 2017 (400) est 1,5 fois plus élevé que la moyenne des publications effectuées depuis 2012 (280).

La recomposition du paysage français de valorisation menée sous l’impulsion du PIA est loin d’être encore achevée. Il importe de ne pas remettre en cause le principe même d’un dispositif avant même qu’il ait eu le temps de donner tous ses effets. Tout au plus pourrait-on, à partir d’une évaluation globale :

– rapprocher les structures dont les modalités de fonctionnement sont les plus proches (IRT et ITE, par exemple) ;

– éteindre celles qui, après une période de maturation suffisante, présentent le plus de difficultés dans leur fonctionnement.

Parmi les difficultés souvent mentionnées par les instances d’évaluation (notamment par la Cour des comptes) figurent celles de la structure à assurer son équilibre financier sans financement public ([39]).

Si ces structures doivent, de toute évidence, générer un « effet levier » de nature à réduire leur dépendance financière vis-à-vis des fonds publics, il ne serait pas pour autant raisonnable de leur permettre de « capter » de manière excessive le produit de l’innovation, celui-ci devant revenir prioritairement aux financeurs ayant fourni les équipes de recherche et aux entreprises chargées de sa mise en œuvre.

Pour cette raison, votre rapporteur soutient la position annoncée par le Premier ministre à l’institut de recherche technologique M2P (Metz) le 21 juin 2018 visant à :

– engager en 2019 une évaluation globale des SATT et des IRT sous l’égide du Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (HCERES) ;

– n’effectuer que des ajustements à la marge selon les résultats de l’évaluation, l’objectif de la pérennisation des structures étant désormais clairement fixée à 2025 ;

– assouplir certaines contraintes pesant sur le fonctionnement de ces structures, en particulier l’obligation d’autofinancement à moyen terme des SATT.

II.   Un dispositif partenarial à promouvoir : les Conventions Industrielles de Formation par la REcherche (CIFRE)

1.   Les CIFRE : un dispositif de partenariat public-privé aux effets de levier intéressants

Les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE) ont été mises en place en 1981 afin de favoriser les échanges entre les laboratoires de recherche publique et les milieux socio-économiques et de contribuer à l’emploi des docteurs dans les entreprises. Les CIFRE associent trois partenaires :

– un doctorant, titulaire d’un diplôme conférant le grade de master ;

– une structure bénéficiaire, entreprise, association ou collectivité territoriale ([40]), qui confie à un doctorant un travail de recherche objet de sa thèse ;

– un laboratoire, extérieur à la structure bénéficiaire, qui assure l’encadrement scientifique du doctorant.

L’entreprise recrute le doctorant en contrat de travail à durée indéterminée ou déterminée de 36 mois (articles D. 1242-3 et D. 1242-6 du code de travail) à un salaire ne pouvant être inférieur à 23 484 euros annuel brut. Elle reçoit de l’Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT), qui gère ce dispositif pour le compte du ministère de l'enseignement supérieur, de la recherche et de l'innovation, pendant trois ans une subvention forfaitaire d’un montant de 14 000 € par an. Un contrat de collaboration est, par ailleurs, établi entre l’entreprise et le laboratoire de recherche indiquant les conditions de déroulement des recherches et les clauses de propriété des résultats obtenus par le doctorant.

L’instruction des demandes de CIFRE est effectuée par l’ANRT, qui transmet le dossier à un comité d’évaluation présidé par le délégué général de l’association, qui statue sur la base de deux expertises, réalisées successivement par un expert scientifique indépendant et la délégation régionale à la recherche et à la technologie (DDRT) de la région de l’entreprise.

D’un point de vue général, le dispositif s’était fortement développé dans les années 2000, le nombre de CIFRE allouées chaque année étant passé de moins de 800 en 2001 à plus de 1 200 en 2008. Après une stabilisation autour des 1 300 CIFRE par an au début des années 2010, une tendance à la hausse est observée depuis l’an dernier : 1 433 conventions ont été conclues en 2017, ce qui représente une hausse de 4 % par rapport à 2016. Le nombre de demandes est, pour sa part, en progression de 9 % (2016 : 1 661 dossier reçus ; 2017 : 1 813).

Sources : DGRI.

Tous les EPST auditionnés ont émis un avis très positif sur l’intérêt du dispositif dans la mesure où il contribue au renforcement des liens entre les entreprises et le monde académique. Une étude menée par l’ANRT en 2016 auprès des bénéficiaires a montré un taux de satisfaction de 89 % auprès des tuteurs scientifiques des entreprises concernées, de 96 % auprès des directeurs de thèse ([41]) et de 96 % chez les doctorants eux-mêmes.

Le dispositif contribue fortement à l’insertion professionnelle des docteurs : 87 % d’entre eux ont un emploi au cours de la première année qui suit la fin de la convention et 64 % des anciens doctorants CIFRE sortis en 2015 conservaient en 2016 une mission de recherche et de développement au sein de l’entreprise.

Les incitations fiscales associées au CIFRE jouent assurément un rôle dans l’efficacité du dispositif : en application des dispositions de l’article 244 quater B du code général des impôts, celles-ci bénéficient du crédit impôt recherche (CIR) dès le recrutement du doctorant ([42]) et, si le recrutement se prolonge après la thèse, le crédit alloué peut dépasser le coût salarial total ([43]).

2.   Les voies d’amélioration du dispositif

Pour intéressant qu’il soit, la diffusion du dispositif auprès des acteurs concernés paraît toutefois légèrement en retrait de ce qu’on pourrait attendre au premier abord.

En termes de masses budgétaires, les subventions CIFRE, qui sont retracées au niveau de l’action n° 1 « Pilotage et animation » du programme 172, représentent 60,85 millions d’euros en CP dans le projet de loi de finances pour 2019, en hausse de 15 % par rapport à 2018 (52,83 millions d’euros). En proportion, ces crédits représentent moins de 30 % du total de l’action (207,21 millions d’euros) et moins de 1 % du programme.

Par ailleurs, il ressort des résultats de l’enquête menée en 2016 auprès des bénéficiaires de CIFRE que le dispositif fonctionne avant tout au sein d’un « vivier » de connaisseurs : il n’est que rarement (22 % en 2016) la première forme de collaboration d’une entreprise avec le secteur public et 92 % des laboratoires concernés avaient déjà eu recours à une convention CIFRE auparavant.

Les CIFRE sont de facto un outil utilisé par les grandes entreprises : les entreprises de (ou appartenant à un groupe de) plus de 5 000 salariés représentaient 41 % des conventions signées en 2016, contre seulement 42 % pour les petites et moyennes entreprises ([44]). Très logiquement, les entreprises recruteuses sont très majoritairement (48,6 %) situées en Île-de-France. Certaines régions sont peu représentées, même parmi celles disposant d’un important tissu d’entreprises (Provence-Alpes-Côte d’azur : 5,5 % ; Hauts-de-France : 2,9 % ; Pays de la Loire : 3,2 % ; Occitanie : 7,5 % ([45])).

Le dispositif est, tout aussi logiquement, familier des laboratoires des unités mixtes de recherche (UMR), qui représentaient plus des deux tiers des CIFRE conclues en 2016.

La participation des grands organismes de recherche paraît beaucoup plus mesurée : parmi les cinq EPST auditionnés (CNRS, INRA, INRIA, IRSTEA, INSERM), seuls les deux premiers ont affirmé suivre plus d’une centaine de conventions (CNRS : environ 340 ; INRA : environ 150). Parmi les trois EPIC auditionnés (CEA, IFP-EN et CNES), le CEA suit une soixantaine de conventions et l’IFP-EN entre 1 et 3 selon les années. Le CNES, pour sa part, pensait initialement qu’il n’était pas éligible aux CIFRE, ce qui témoigne de la faible visibilité du dispositif au sein de certains établissements de recherche.

Sur le plan sectoriel, les CIFRE, qui étaient initialement conçues pour les sciences pour l’ingénieur, la physique et la chimie, couvrent aujourd’hui la plupart des disciplines, y compris les sciences humaines et sociales (26 %) et les sciences et technologies de l’information (23 %). On peut, toutefois, regretter la part encore réduite de l’agronomie (6 %) et de la santé (7 %) au regard du poids de ces secteurs dans l’économie nationale.

Les difficultés d’implantation des CIFRE dans certains secteurs ne tiennent pas a priori aux modalités d’accès au dispositif : la procédure d’instruction des demandes est dématérialisée depuis 2011 et certaines entreprises bénéficient depuis 2017 d’un mécanisme d’exemption d’expertise scientifique. D’un point de vue général, les taux d’acceptation des demandes sont très élevés (autour des 80 %).

Le dispositif est également très intéressant pour le laboratoire qui parraine le doctorant pour peu que l’entreprise accepte de coopérer activement. Les conventions de collaboration prévoient souvent le versement au laboratoire d’une participation destinée à couvrir les coûts directs de fonctionnement liés à la réalisation de la thèse ainsi que certains coûts indirects (structure et environnement). Cette dépense est alors comptée double dans le calcul du CIR en application du dernier alinéa du d du II de l’article 244 quater B précité. Le laboratoire est, ainsi, rémunéré indirectement pour le suivi du doctorant.

Au cours des auditions, il est apparu qu’un tel dispositif d’incitation fiscale était adapté aux entreprises de grande taille (ou de taille intermédiaire), mais que les petites entreprises et les start-ups pouvaient éprouver des réticences à s’engager dans un processus de long terme avec un doctorant, les gains fiscaux et économiques des travaux de recherche étant optimisés surtout à la fin de la thèse (soit au bout des trois ans). Sans doute la mise en place d’un mécanisme de « garantie » financière destiné exclusivement aux petites structures permettrait-il d’élargir le dispositif à des acteurs économiques plus fragiles et en même temps plus susceptibles de porter des innovations de rupture.

Votre rapporteur estime qu’il est temps de donner à ce dispositif simple et efficace de diffusion de la recherche publique dans les entreprises toute la dimension qu’il mérite.

Outre une réflexion sur un dispositif d’accompagnement financier des PME et des start‑ups, une action de promotion du dispositif pourrait être menée au niveau local par les services de l’État les plus en contact avec les entreprises (DIRECCTE ([46])) en liaison avec les DRRT ([47]) et l’ANRT.


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  EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 31 octobre 2018, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Richard Lioger, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Mickaël Nogal, président. Mes chers collègues, la commission des affaires économiques, se réjouit de pouvoir examiner les crédits des Grands organismes de recherche, qui dépendent des programmes 150, 172 et 193 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » du projet de loi de finances, dont le rapporteur pour avis est M. Richard Lioger.

L'exercice 2018 avait été marqué par une hausse importante du budget de cette mission, les crédits de paiement ayant été augmentés de 700 millions d'euros par rapport à 2017. L'effort de consolidation se poursuit cette année : en effet, les crédits de paiement s'établissent à 28,17 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2019, ce qui représente une progression de plus de 500 millions d'euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2018.

Je note que, dans cet ensemble, les trois programmes précités, consacrés, respectivement, à l'enseignement supérieur, aux activités de recherche des principaux organismes et à la recherche spatiale, affichent tous une hausse de leurs crédits de paiement. Il est ainsi rassurant de constater que, comme l'an dernier, la recherche française n'aura pas à souffrir des impératifs de maîtrise des dépenses publiques.

La France conforte sa première place parmi les contributeurs à l’Agence spatiale européenne (ASE) et continuera à jouer un rôle central dans la définition et la mise en œuvre des programmes spatiaux.

Au niveau national, elle donne aux universités les moyens de mise en œuvre du plan « Étudiants », formalisé par la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et la réussite des étudiants, et redonne une nouvelle impulsion au financement de la recherche sur appels à projets par le renforcement des moyens alloués à l’Agence nationale de la recherche.

Au-delà des seules finances publiques, il s’agit également de faire en sorte que l'effort de l'État contribue au renforcement de l'effort de recherche des entreprises au travers d'un effet de levier propice à la diffusion de l'innovation dans tous les secteurs de notre économie. Je suis certain que notre rapporteur pour avis ne manquera pas d'évoquer les enjeux liés à la recherche partenariale.

Monsieur le rapporteur, je souhaiterais terminer mon intervention en vous posant deux questions, la première sur la valorisation de la recherche et la seconde sur la recherche spatiale :

En juin dernier, la Cour des comptes a présenté devant la commission des affaires économiques une évaluation des outils de valorisation de la recherche publique et a mis en avant l'architecture particulièrement complexe du dispositif issu du programme d'investissements d'avenir (PIA). Pensez-vous qu'il faille s'engager, dès à présent, dans la simplification de ce dispositif et, si oui, à quelle hauteur ?

En 2017, la société américaine SpaceX est devenue le premier lanceur spatial mondial en volume devant Arianespace. L'Europe est-elle, selon vous, bien organisée pour faire face aux acteurs de la « nouvelle économie de l'espace » ?

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez la parole.

M. Richard Lioger, rapporteur pour avis. Monsieur le président, en tant qu’ancien universitaire et ancien président d’université, j’ai éprouvé beaucoup de plaisir cette année encore, pour faire ce rapport, à entendre l’ensemble des directeurs de recherche – dont près de 90 % viennent de changer. Ceux-ci ont d’ailleurs manifesté leur satisfaction de voir les budgets augmenter.

Pour faire la transition avec la mission « Écologie », dont nous venons d’examiner les crédits, je dirai que c’est aussi dans les organismes de recherche que se préparent les avancées sur l’environnement de demain. Et je commencerai mon intervention en rendant hommage aux performances réalisées par la recherche française. Oui, la France peut être fière de ses chercheurs !

L'actualité se fait régulièrement l'écho des réussites de nos universités et de nos organismes de recherche. Je ne pourrai pas, bien sûr, tout évoquer mais rien qu'au début du mois d'octobre, nous avons appris successivement qu'un Français, le professeur Gérard Mourou, spécialiste du laser, avait obtenu le prix Nobel de physique, et qu'une unité de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM) et de l'Institut Curie avait découvert une protéine du système immunitaire susceptible d'apporter un avantage décisif dans la lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH). Tous ces succès sont remarquables. Ils le sont d'autant plus que nos chercheurs ne peuvent objectivement bénéficier des mêmes facilités financières que leurs homologues américains ou chinois. Savez-vous, par exemple, que les National Institutes of Health (NIH), organismes de recherche américains spécialisés en santé et en biomédecine, ont reçu en 2016 un budget de 32,31 milliards de dollars ? L'INSERM, leur équivalent français, affichait au même moment un niveau de dépenses trente-huit fois moins élevé, avec 856 millions d'euros. Et cela ne l'a pas empêché de figurer dans les classements internationaux à la neuvième place !

Si l'on regarde, justement, les grandes masses financières, on peut se féliciter de l'importance des efforts de la recherche française. En 2017, les dépenses intérieures de recherche et développement en France, tous secteurs confondus, se sont maintenues à environ 2,20 % du produit intérieur brut (PIB).

Ne nous le cachons pas : cela place la France au cinquième rang européen, devant le Royaume-Uni (1,69 %), mais encore loin de nos partenaires allemands, qui consacrent à la recherche près de 3 % de leur richesse nationale. C'est la raison pour laquelle il est important que la puissance publique continue à insuffler une nouvelle dynamique à un secteur dont le poids est consubstantiel à la compétitivité de la France et à son rayonnement international.

Un premier pas a été franchi avec le budget 2018 : les crédits de paiement de la mission « Recherche et enseignement supérieur » avaient ainsi progressé de plus de 700 millions d'euros par rapport à 2017, pour s'établir à 27,67 milliards d'euros. Ils sont portés à 28,17 milliards d'euros dans le projet de loi de finances pour 2019, ce qui représente une hausse de 500 millions d'euros.

J'observe que, comme l'an dernier, la progression des crédits en pourcentage (1,82 %) est supérieure aux projections de croissance du PIB (1,7 %). Je tiens donc à saluer l'effort fait par le Gouvernement pour que la part du budget de l'État affectée à la recherche n'ait pas à souffrir des impératifs de maîtrise des dépenses publiques.

La recherche spatiale est, tout naturellement, le premier secteur bénéficiaire de cette dynamique. Au travers des crédits alloués au Centre national d’études spatiales (CNES), principal opérateur du programme 193, la France accroît sa contribution à l'Agence spatiale européenne de plus de 200 millions d'euros, ce qui lui permettra de rester le premier contributeur européen devant l'Allemagne.

Pour répondre à la question que vous avez posée, Monsieur le président, sur la « nouvelle économie de l'espace », la réduction des coûts de production liés, notamment, à la numérisation des composants, a effectivement permis l'émergence de concurrents low-cost, tels que SpaceX et Blue Origin, mais aussi de start-ups spécialisées dans les microsatellites, comme les sociétés californiennes Spire et Planet. Il faut dire que ces satellites, de plus en plus réduits et légers, sont plus faciles à lancer.

Face à ces nouveaux acteurs, l'Europe spatiale garde, à mes yeux, de grands atouts : elle bénéficie d'une industrie performante, de plus en plus intégrée avec la création de la société Arianegroup, et d'un secteur scientifique de premier plan. Sa position sur le marché dépendra du succès des projets en développement avec le futur moteur réutilisable Prometheus et, bien sûr, la fusée Ariane 6. Sur ce dernier point, il ressort des auditions que j'ai menées avec le CNES que le programme de développement avance bien et que, pour le moment, le calendrier reste maîtrisé avec un premier vol prévu à l'été 2020. Je reste donc confiant sur la capacité de l'Europe à garder sur le long terme sa position éminente sur le marché.

Regardons maintenant le programme 172, qui regroupe la plupart des dotations de l'État aux organismes de recherche. L'effort budgétaire consenti est ici presque aussi important que pour le secteur spatial : ses crédits de paiement augmentent de 171 millions d'euros par rapport à 2018, pour s'établir à 6,94 milliards d'euros.

S'agissant de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), dont la fusion avec l'Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l’agriculture (IRSTEA) est prévue pour 2020, j'ai observé avec satisfaction que le projet était animé avant tout par une logique d'excellence scientifique et non d'économies budgétaires. Si l'on peut, naturellement, attendre des synergies d'un tel rapprochement, le rapport d'étape qui a été présenté aux deux ministres de tutelle il y a quelques semaines évoque le coût immédiat de la convergence : celui-ci est estimé à 8,1 millions d'euros sur la période 2018-2020, hors dépenses de rémunérations. J'ai donc insisté, dans mon rapport, pour que le Gouvernement donne à ces deux établissements les moyens financiers nécessaires à la constitution du nouvel ensemble.

Si vous me le permettez, Monsieur le président, je voudrais maintenant m'attarder un peu sur la situation de l'Agence nationale de la recherche (ANR).

Cet établissement, qui est le principal opérateur du financement sur appels à projets en France, avait souffert d'une réduction drastique de ses dotations entre 2013 et 2017. L'an dernier, le Gouvernement avait décidé d'aider l'Agence à couvrir ses engagements par un relèvement spectaculaire de ses crédits de paiements de l'ordre de 134 millions d'euros. Le projet de loi de finances pour 2019 confirme ce rattrapage, avec un effort supplémentaire de 86 millions d'euros. Je me félicite donc de voir l'ANR disposer enfin des moyens nécessaires au déploiement de ses capacités d'intervention.

Mais ces moyens ne sont pas en eux-mêmes suffisants : il faut maintenant que les universités et les grands organismes se saisissent de cet outil pour accroître leurs activités de recherche au-delà de ce que leur permettent leurs dotations budgétaires. Or, l'ANR souffre encore, aux yeux de ses utilisateurs, d'un défaut d'attractivité qui est lié selon moi aux conditions encore trop restrictives de ses financements. Je fais ici allusion au « préciput », terme technique désignant le taux par lequel l'ANR prend en charge les coûts indirects supportés par les établissements hébergeurs des projets de recherche.

Si l'on prend en compte à la fois le préciput proprement dit, fixé à 11 %, et le prélèvement forfaitaire préalable de 8 % pour frais de gestion, ces coûts indirects ne sont financés qu'à hauteur d'environ 20 %. Ce taux est faible quand on sait que l'environnement d'un projet représente souvent le tiers, voire la moitié des dépenses correspondantes : il faut parfois aménager de nouveaux locaux, accéder à des ressources documentaires généralistes, recourir aux services du personnel permanent, etc. Les programmes européens ont, de toute évidence, mieux pris en compte cette contrainte en proposant un taux de couverture des coûts indirects de 25 %.

Je souhaite donc que l'année 2019 soit mise à profit pour engager avec l'ANR une réforme de son règlement financier de façon à porter le taux du préciput stricto sensu à 17 %. Un tel relèvement serait le signal fort qu'attendent les équipes de chercheurs pour porter leurs projets auprès de l'ANR.

J'achèverai mon intervention en indiquant que, tout naturellement, l'effort de recherche français ne saurait être porté par les seuls organismes publics. Les entreprises doivent également prendre toute leur part et il appartient à l’État de leur offrir l'accès le plus large possible à la « matière grise » issue des universités et des grands organismes.

Comme l'an dernier, mon rapport s'est intéressé aux mécanismes de valorisation et de recherche partenariale mis en place dans le cadre du programme d'investissements d'avenir (PIA). Ce dispositif, qui s'articule notamment autour des sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT) et des instituts de recherche technologique (IRT), a souvent été critiqué, notamment par la Cour des comptes dans un rapport publié en mars dernier. Comme vous l'avez rappelé, Monsieur le président, la Cour a pointé du doigt son apparente complexité dans la présentation qu'elle a faite aux membres de notre commission en juin dernier.

Certes, l'enchevêtrement des structures peut, de prime abord, rebuter un non-initié, et des adaptations ou des simplifications seront probablement nécessaires à plus ou moins brève échéance dans certains cas. J'estime toutefois qu'il est encore trop tôt pour tirer un trait sur un dispositif qui est en train de monter en puissance et qui favorise la mobilisation des compétences au service de la compétitivité de notre pays. Les IRT s'appuient en effet sur un modèle de protection de la propriété intellectuelle issue des travaux de recherche‑développement, qui fait de ces structures un véritable outil de souveraineté technologique. Quant aux SATT, ce sont pour l'instant les structures les mieux positionnées dans les écosystèmes locaux pour mettre en relation les universités et les acteurs privés. C’est en tout cas ce qui est ressorti de nos auditions. En ce sens, je partage pleinement l'avis du Premier ministre qui, lors de la conférence qu'il a donnée le 21 juin dernier à l'IRT M2P de Metz, a insisté sur la nécessité de ne pas bouleverser le dispositif et de le faire évoluer par « petites touches » en fonction des retours d’expérience.

Dans l'espoir que les propositions formulées sur ces différents sujets seront reprises, je vous remercie, mes chers collègues, pour votre attention et émets un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

M. Mickaël Nogal, président. Nous en venons aux interventions des représentants des groupes.

Mme Graziella Melchior. La recherche fondamentale ou appliquée est indispensable à tous les secteurs d’activité, comme l’agriculture, l’alimentation, l’industrie, la santé ou la transition énergétique dont on parle beaucoup dans cette commission. Il faut donc la soutenir avec un budget qui soit à la hauteur.

Celui de 2019 progresse de 2,5 %, ce qui représente un signal très positif. Je salue particulièrement la hausse sensible des crédits alloués à la recherche spatiale, car elle traduit la consolidation d’une coopération européenne essentielle au progrès de la science.

Ce budget renforce nos grands organismes de recherche. Les laboratoires obtiennent 25 millions d’euros pour établir leur politique scientifique, l’ANR bénéficie d’une augmentation de 33 millions d’euros d’autorisations d’engagement, et les organismes de recherche voient leurs crédits augmenter de 3,5 %.

Les entreprises innovantes bénéficient, elles aussi, d’un plan de soutien dont le pilotage sera assuré par le Conseil de l’innovation. Pour rappel, au volet « innovation » du Grand Plan d’investissement (GPI), d’un montant de 13 milliards d’euros, s’ajoutera le Fonds pour l’innovation dans l’industrie, institué par le projet de loi relatif à la croissance et la transformation des entreprises (PACTE) et doté de 10 milliards d’euros d’actifs.

Enfin, le Gouvernement veut contribuer au développement de la coopération européenne et internationale et au rayonnement de la recherche française à l’étranger. Septième puissance scientifique mondiale, la France s’inscrit déjà au cœur des réseaux européens et internationaux. On observe cependant que la part des publications françaises connaît une baisse relative face à la montée en puissance de pays comme la Chine et le Brésil. Pour accroître la visibilité de la recherche française, ne faudrait-il pas soutenir davantage la participation des acteurs à l’international ?

Mon autre question concerne les conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), qui rapprochent les entreprises et la recherche publique. Efficaces, elles connaissent un succès grandissant. Mais aura-t-on les moyens de continuer à accompagner leur développement, en particulier dans les secteurs de l’agronomie et de la santé ?

En conclusion, ce budget illustre une volonté forte d’encourager et de soutenir durablement notre recherche pluridisciplinaire ainsi que son rayonnement international. C’est pourquoi le groupe La République en Marche votera en faveur des crédits de cette mission.

M. Fabien Di Filippo. Cette mission budgétaire n’est pas anodine puisque, dans une économie en mutation, la recherche est ce qui nous donnera les moyens d’être bien positionnés demain dans l’économie du XXIe siècle. Aujourd’hui, comme la rapporteure spéciale de cette mission, Mme de Montchalin, le soulignait, il y a un écart entre les objectifs européens qui sont d’avoir un budget de la recherche à 3 % du PIB, et les 2,3 % que l’on atteint : le manque est d’environ 40 milliards d’euros. Comment tracez-vous, Monsieur le rapporteur, cette trajectoire, et comment analysez-vous ces insuffisances soulignées par votre collègue ?

Vous avez indiqué que la recherche fondamentale se portait très bien en France. Elle est en effet remarquable, avec des résultats à l’international qui sont souvent salués, et de nombreux prix attribués à des scientifiques français. Mais sa valorisation pose problème, notamment la transition vers des applications entrepreneuriales et des débouchés économiques. Comptez-vous, à l’avenir, favoriser davantage cette transition, et comment ?

Ce budget est également lié au budget des PIA, que nous avons analysés la semaine dernière. Or on se rend compte que, parmi les crédits des PIA, certains sont spécifiquement fléchés sur des projets de recherche à l’étranger. Ne considérez-vous pas que l’État devrait plutôt attribuer des moyens à nos laboratoires de recherche nationaux, toutes disciplines confondues ?

Enfin, on a parlé de sanctuariser le crédit d’impôt recherche (CIR). Comment comptez-vous vous y prendre pour protéger et rassurer les entreprises qui y ont recours et qui, souvent, plusieurs années après, peuvent subir un redressement ou se retrouver dans des situations compliquées ? Je crois que là est le principal enjeu du CIR.

M. Philippe Bolo. Notre époque est celle d’une compétition accrue entre les acteurs économiques, à l’heure de la révolution numérique. Nous sommes ainsi face à une responsabilité collective, cruciale pour notre avenir économique : celle d’accroître la capacité d’innovation de nos grands organismes de recherche.

Nous parlons souvent d’innovation sans avoir véritablement conscience de son importance. Pourtant, c’est l’un des principaux vecteurs de notre développement économique pour les décennies à venir. Mais soutenir les grands organismes de recherche en France ne se résume pas exclusivement à cet enjeu d’innovation, et la recherche nécessite des moyens financiers que nous devons à nos chercheurs, notamment pour prolonger les héritages d’une recherche française reconnue dans le monde.

Les orientations budgétaires qui appellent aujourd’hui notre attention vont dans le bon sens.

Dans le domaine spatial, les dotations du contrat pluriannuel 2016-2020 sont en hausse, ce qui permettra de mettre en place un grand nombre de missions scientifiques pertinentes, d’assurer l’essor des technologies et de soutenir notre industrie à l’export.

Dans un autre domaine, la hausse du financement du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), premier déposant public de brevets en France avec 732 dépôts de brevets prioritaires en 2017, favorisera une politique de création d’entreprises et de technologies innovantes, notamment par le biais de partenariats de recherche et de développement avec des industriels.

La France dispose donc d’atouts considérables dans le domaine de la recherche, avec un système d’enseignement supérieur, certes perfectible, mais qui ouvre l’accès à un statut de chercheur internationalement reconnu, et des chercheurs de grande qualité, qui s’inscrivent dans une véritable tradition française. Ces atouts doivent être le terreau fertile de futures innovations françaises.

En conclusion, le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés se satisfait des orientations budgétaires retenues, dont je viens ici de vous citer quelques exemples.

M. André Villiers. Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, l’agriculture est à la croisée des chemins : évolutions des pratiques agricoles, diminution des intrants et des produits phytosanitaires, gestion de l’eau et des paysages. L’enjeu est de produire pour nourrir plus d’individus tout en protégeant la planète.

C’est ainsi que le rapport des présidents Philippe Mauguin et Marc Michel ambitionne l’avènement d’un établissement de recherche à dimension mondiale. Le premier dirige l’INRA, dont je rappelle qu’il a été créé en 1946, et qu’il emploie aujourd’hui un peu plus de 8 400 personnes. Le second dirige l’IRSTEA, qui occupe à peu près 1 500 collaborateurs. Tout devrait être en place au 1er janvier 2020.

L’IRSTEA est dans une situation budgétaire difficile, du fait des politiques budgétaires qui ont contribué à amaigrir ses ressources, lesquelles sont consacrées à 90 %, je le rappelle, aux ressources humaines.

La question est de savoir si la fusion de ces deux instituts aura des conséquences sur leur plafond d’emplois, et si les synergies économiques seront possibles, même si, Monsieur le rapporteur, vous avez commencé à apporter un certain nombre de réponses.

Par ailleurs, dans votre rapport de l’an dernier, vous avez noté que l’INSERM estimait ne plus être assuré de financer l’ensemble des grands projets qui lui sont assignés par le Gouvernement au cours des années précédentes, parmi lesquels la lutte contre les nouvelles menaces virales ou le plan « France Médecine Génomique 2025 ». Ma question est simple et existentielle : ces incertitudes sont-elles levées dans le projet de loi de finances ?

Mme Christine Hennion. Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué les SATT, dont la mission est d’accélérer les transferts des résultats de la recherche vers leurs applications. Le rapport de M. Jacques Lewiner sur les aides à l’innovation pointe les difficultés qu’elles rencontrent pour atteindre l’objectif d’équilibre économique à dix ans qui leur a été assigné lors de leur création. La maturation des innovations issues de laboratoires de recherche publique est en effet une activité risquée par nature. Il est donc préconisé d’évaluer les SATT sur la base d’indicateurs alternatifs, afin d’obtenir une vision plus précise de leurs bénéfices pour les tissus productifs locaux. Comment cette recommandation se traduit-elle sur le plan budgétaire ?

M. Richard Lioger, rapporteur pour avis. Merci, mes chers collègues, pour vos questions et pour l’intérêt que vous portez à ce domaine essentiel pour l’avenir de la France.

Monsieur Di Filippo, vous avez constaté l’année dernière que le budget de la recherche avait augmenté. Il en sera de même cette année. Je peux vous assurer que nous allons rattraper peu à peu notre retard, notamment par rapport à l’Allemagne, et atteindre l’objectif qui est de consacrer 3 % de notre PIB à la recherche. Mais chaque chose en son temps. Nous devons être patients. Nous partons d’une situation assez difficile. Par ailleurs, il convient d’y aller progressivement eu égard aux contraintes qui pèsent sur le budget de la France, même si, tout comme vous, nous souhaitons que les chercheurs aient davantage de moyens financiers.

Vous avez parlé de l’application de la recherche fondamentale et de ses outils, donc des SATT et des IRT. D’une certaine façon, j’ai déjà évoqué cette question. Mais j’ajoute que j’ai pu constater, en tant qu’universitaire, puisque j’étais président d’université dans les années 2003-2004, que le travail entre les universités, les entreprises et les organismes de recherche était un peu compliqué sur le terrain : vulgairement, on « se tirait la bourre » ! Aujourd’hui, tout le monde a compris qu’il fallait vraiment travailler ensemble et mettre en place des unités mixtes de recherche – d’où l’importante question du financement de l’environnement des projets posée par les préciputs. Il me semble que l’on est en train de rapprocher progressivement recherche fondamentale et recherche appliquée, tout en sachant que l’une ne va pas sans l’autre.

Vous vous êtes par ailleurs interrogé sur les PIA et sur notre rapport à l’étranger. Nous le savons tous, la science est par nature un processus collaboratif au niveau international. Les chercheurs travaillent dans certains domaines, dans des laboratoires, mais la plupart de leurs collaborations se font avec les États-Unis, quelquefois avec la Chine, la Russie, ou avec des laboratoires qui travaillent dans le même domaine.

Faut-il développer cette collaboration ? Aujourd’hui, le CNRS n’a qu’une unité mixte de recherche internationale (UMR) en France – que je connais bien, puisqu’elle est située à Metz. De fait, il est difficile de développer les UMR, grâce auxquelles la recherche avec les laboratoires étrangers peut se faire de manière beaucoup plus efficace, notamment en termes de transfert de technologies vers la recherche appliquée. Cette UMR, qui est liée au Georgia Institute of Technology, également appelé Georgia Tech, travaille sur les lasers et l’optoélectronique, et fournit ainsi des applications concrètes en Lorraine et en Franche‑Comté – puisqu’elle est mixte avec la Franche-Comté – pour l’industrie.

Il va donc falloir développer ce modèle, malgré les difficultés. Cela m’amène à répondre à la question sur la valorisation de cette recherche. Les SATT présentent un grand intérêt dans la mesure où, comme les IRT, mais plus encore, elles sont très localisées. Si l’on arrive à ce « mix » idéal entre une UMR dans une université, des organismes de recherche et une SATT qui travaillera avec un environnement industriel, on aura toutes les garanties pour réussir. J’ajoute que les SATT nous ont dit, et je crois qu’il faut aller dans leur sens, qu’elles jugent nécessaire de garder la propriété intellectuelle des brevets qui sont déposés par les organismes de recherche, ou en tout cas au sein de cet environnement tout à fait fondamental et fructueux.

Ce système, avec plusieurs étages, est un peu complexe. Mais je vous rappelle qu’il faut rapprocher deux mondes qui s’ignoraient largement il y a vingt ou trente ans : le monde de l’industrie, qui faisait sa propre recherche dans son coin, et le monde universitaire, qui ne voulait faire que de la recherche fondamentale. Les choses ont peut-être du mal à se mettre en place, mais tous les ingrédients sont là pour nous permettre d’y travailler.

M. Bolo n’a pas proprement posé de question, mais il a eu raison de souligner que le CEA était un puissant vecteur de dépôt de brevets ; j’ajoute que son département « CEA Tech » a également un rôle essentiel. Je l’ai dit tout à l’heure, c’est un outil de rapprochement, dans un contexte local, avec les universités.

La question de notre collègue André Villiers portait sur la fusion de l’INRA et de l’IRSTEA, que j’avais par ailleurs évoquée, et qui devrait coûter 8 millions d’euros.

Disons déjà que la fusion a été très bien préparée, que les deux directeurs ont associé les deux équipes de recherche, en les invitant à se regrouper en fonction des territoires et des domaines de recherche. Ainsi, il n’y a eu aucune disparition de laboratoires de recherche qui ait été imposée, ni d’un côté, ni de l’autre – notamment du côté de l’IRSTEA qui est de plus petit taille que l’INRA.

L’IRSTEA, qui travaille beaucoup sur les problématiques liées à l’eau, pourrait notamment se rapprocher des collectivités territoriales pour faire de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage, par exemple en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations (GEMAPI) ou dans d’autres domaines essentiels pour les collectivités, afin de trouver des financements qui lui permettraient de développer ses laboratoires.

On a tendance à demander à l’INSERM de travailler sur de nombreux sujets, comme Ébola – le précédent Président de la République avait fait des annonces très fortes sur ce plan. Ces demandes, très importantes pour l’avenir de la santé au plan mondial, sont adressées au directeur de l’INSERM, mais celui-ci a un peu de mal à voir où sont les crédits correspondants : il reste à trouver de l’argent et il y aura donc un étalement dans le temps. L’INSERM cherche notamment à obtenir des financements dans le cadre de l’Objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM).

Je crois que l’on est revenu de l’idée très ambitieuse selon laquelle les SATT pourraient arriver à un autofinancement au bout de quatre ou cinq ans. J’ai pu constater dans le cadre de mes auditions que ce n’est sans doute pas possible. On est en train de chercher d’autres solutions de financement, y compris par des crédits publics. Les SATT jouent en effet un rôle très important, notamment pour la conservation des brevets.

La question des CIFRE posée par Mme Melchior est centrale. Ces bourses, qui lient très fortement l’industrie et les laboratoires de recherche, connaissent un plafonnement un peu problématique. J’ai interrogé les organismes de recherche et la Conférence des présidents d’université (CPU) : le premier facteur de blocage est la faible visibilité du dispositif dans les territoires. Il me semble qu’il faudrait vraiment faire un effort en la matière. Les entreprises qui utilisent les CIFRE se trouvent très majoritairement en Île-de-France, ce qui traduit un vrai problème. En outre, ce sont très souvent des entreprises de grande taille, qui sont habituées au dispositif : on devrait peut-être le faire « percoler » davantage en faisant plus de publicité, en étant plus proactif. C’est sans doute au ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation qu’il appartiendrait de lancer un plan de communication. On doit faire en sorte que les petites et moyennes entreprises (PME) puissent utiliser, de manière effective, ce dispositif qui est essentiel dans le domaine de la recherche appliquée, elle-même indispensable pour le développement des PME.

En ce qui concerne la place de la recherche française au plan international, on constate – et cela ne vous étonnera pas – une montée en puissance extraordinaire de la Chine. Elle a mobilisé des fonds souverains pour développer des capacités dans ses laboratoires, et elle suit des stratégies très fortes, notamment dans le domaine du numérique. La Chine réalise des efforts colossaux, comme les États-Unis continuent à le faire aussi. Il y a une forte augmentation du nombre de publications en Chine, en Inde, en Corée du Sud et en Iran.

Cela doit nous conforter dans l’idée que la France ne peut pas rester complètement isolée : il faut miser sur la recherche européenne et internationale afin de concurrencer la montée en puissance des pays dits « émergents » – ils ont largement émergé, en fait, et ils continuent à investir massivement. L’accroissement des efforts de recherche reste le meilleur moyen de résister à cette tendance de fond. J’ai rappelé tout à l’heure, en réponse à M. Di Filippo, que l’Allemagne consacre 3 % de son PIB à la recherche : il faut que la France arrive à faire beaucoup plus qu’aujourd’hui. J’espère que nous arriverons à avoir un budget croissant d’année en année.

Par ailleurs, tout se tient : les efforts de regroupement des universités comptent également. Celles de Strasbourg et de Lorraine remontent ainsi très fortement dans les classements internationaux depuis leur rapprochement, notamment dans celui de Shanghai : elles ont une visibilité bien supérieure. De plus, il faudrait peut-être faire en sorte que les chercheurs ne signent pas leurs papiers au nom du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) ou de l’INRA, par exemple, mais au nom de l’université qui les héberge : il y a, là aussi, un travail à effectuer sur le plan de la visibilité, étant entendu que le travail de fond est en train de se faire grâce à la concentration des moyens des universités et des organismes de recherche – c’est une source d’efficacité, comme j’ai déjà eu l’occasion de l’indiquer.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Agence nationale de la recherche (ANR)

M. Thierry Damerval, président

Association nationale de la recherche et de la technologie (ANRT)

Mme Clarisse Angelier, déléguée générale

M. Pascal Giat, chef du service CIFRE

Centre national d’études spatiales (CNES) *

M. Jean-Yves Le Gall, président

M. Antoine Seilland, directeur financier

M. Pierre Tréfouret, directeur de cabinet du président

Centre national de la recherche scientifique (CNRS)

M. Antoine Petit, président-directeur général

M. Alain Schuhl, directeur général délégué à la science

M. Christophe Coudroy, directeur général délégué aux ressources

Conférence des présidents d’université (CPU) *

M. Gilles Roussel, président

M. Michel Dellacasagrande, consultant pour les moyens et personnels

M. Paul Indelicato, conseiller recherche

Mme Florence Egloff, chargée de mission recherche et innovation

M. Kévin Neuville, conseiller parlementaire

M. Bernard Saint Girons, délégué général

Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) *

Mme Marie-Astrid Ravon-Bérenguer, directrice financière

M. Jean-Pierre Vigouroux, directeur des affaires publiques

Direction général de la recherche et de l’innovation (DGRI)

M. Bernard Larrouturou, directeur général

M. Maurice Caraboni, chef du département Gestion et pilotage budgétaire des programmes

M. Damien Rousset, adjoint au chef du service Performance, financement et contractualisation avec les organismes de recherche

French institutes of technology (FIT)

M. Vincent Marcatté, président

M. Gilbert Casamatta, vice-président

IFP-Énergies nouvelles (IFP-EN) *

M. Didier Houssin, président

M. Eric Lafargue, directeur général adjoint

Institut national de recherche agronomique (INRA)

M. Philippe Mauguin, président-directeur général

M. Fabrice Marty, directeur général délégué chargé de l’appui à la recherche

Mme Claire Brennetot, conseillère du PDG pour les relations parlementaires et institutionnelles

Institut national de la recherche en informatique et en automatique (INRIA)

M. Bruno Sportisse, président-directeur général

Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM)

M. Yves Lévy, président-directeur général par intérim

Mme Laurianne Cruzol, directrice des affaires financières

Institut national de recherche en sciences et technologies pour l’environnement et l'agriculture (IRSTEA)

M. Marc Michel, président

M. Pierre-Yves Saint, conseiller auprès du président

M. Patrick Flammarion, directeur général délégué à la recherche et à l'innovation

Association Réseau SATT (Sociétés d’accélération du transfert de technologies)

M. Philippe Nérin, président de l’association

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale


([1]) Établi par l’OMPI, l’université Cornell et l’Institut européen d’administration des affaires (INSEAD), l’indice mondial de l’innovation prend en compte 81 paramètres (environnement politique, éducation, infrastructure, perfectionnement des entreprises…).

([2]) Corée du Sud (4,23 %), Suède (3,25 %), Japon (3,14 %), Autriche (3,09 %), Allemagne (2,93 %), Finlande (2,75 %) et États-Unis (2,74 %).

([3]) + 516,67 millions d’euros à 21,78 milliards d’euros (AE) et + 672,54 millions d’euros à 21,82 milliards d’euros (CP).

([4]) Exemple : l’Institut national des langues et civilisations orientales (INALCO)

([5]) Instituts d’études politiques, l’École nationale Louis Lumière, etc

([6]) La Fondation Maison des sciences de l’homme et la Fondation nationale des sciences politiques

([7]) Augmentation des capacités des filières en tension (postes d’enseignants, équipements, services, etc.)

([8]) La direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance du Ministère de l’Éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche l’estimait à 13 873 euros par an en 2016.

([9]) Accord conclu au niveau national en septembre 2015 entre le ministre de la fonction publique et six organisations syndicales représentatives sur la revalorisation des grilles indiciaires et des carrières.

([10]) Actions n° 1 (« Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence » : + 95,73 millions d’euros à 3,29 milliards d’euros en CP) et n° 14 (« Immobilier » : + 34,53 millions d’euros à 1,25 milliard d’euros en CP).

([11]) Un 17e établissement était financé en 2017 sur le programme 172 (l’établissement public du Palais de la Porte Dorée). Cet établissement est désormais rattaché au programme 175 « Patrimoines ».

([12]) + 32,70 millions d’euros en AE pour un montant total de 736,11 millions d’euros et, surtout, + 133,87 millions d’euros en CP pour un montant total de 773,25 millions d’euros.

([13]) Les organismes publics (sauf les établissements public industriels et commerciaux dans le cadre de projets menés en collaboration avec une société commerciale) sont financés à hauteur des seuls coûts marginaux générés par le projet de recherche (point 2.4.1 du règlement financier). 

([14]) Sachant que le forfait de gestion est susceptible de couvrir des coûts directs non admissibles.

([15]) Le taux cumulé est précisément de 19,88 % des coûts admissibles (A) : (A x1,08) x 1,11 = A x 1,1988.

([16]) Notamment les charges liées aux indemnités de départ et au régime de cessation progressive d’activité.

([17]) Emploi en équivalent temps plein travaillé.

([18]) Conformément à un avenant conclu en 2015.

([19]) Mise en place progressive du  régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) par le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014.

([20]) 2016 : 32 457 ETPT. 2017 : 32 320 ETPT.

([21]) Research and Action targeting emerging infectious diseases (REACTing).

([22]) L’ONDAM est fixé par la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS).

([23]) Comptabilisation en personnes physiques.

([24]) Les effectifs de non-permanents se sont, au cours de la même période, accrus de 17 personnes pour être portés à 1 164. Les CDD représentent désormais près de la moitié des effectifs d’INRIA.

([25]) INRIA affiche un taux de succès à l’ANR très satisfaisant (28,5 % en 2017).

([26]) Régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l’expertise et de l’engagement professionnel (RIFSEEP) : cf. décret n° 2014-513 du 20 mai 2014.

([27]) À l’exception de l’exercice 2017, marqué par un abondement exceptionnel de 270 millions d’euros de crédits par fonds de concours.

([28]) C’est, d’ailleurs, ce poste qui explique la baisse des crédits de paiement sur le programme 190 entre 2018 et 2019.

([29]) Hors produits exceptionnels.

([30]) Surface Water and Ocean Topography

([31]) China France Oceanography Satellite.

([32]) MicroCarb doit permettre de cartographier les sources et puits de CO2 à l’échelle planétaire.

([33]) Rapport 2017 du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS).

([34]) Sous la forme de dotations consommables (DC) et d’intérêts de dotations non consommables (DNC).

([35]) Les dotations non-consommables (DNC) sont des dotations productrices d’intérêts annuels spécifiques au PIA. Seuls les intérêts des DNC peuvent être versés aux bénéficiaires. Les dotations consommables (DC) sont, pour leur part, assimilables des dotations classiques.

([36]) L’indice TRL (Technological Readiness Level) est utilisé dans l’industrie pour mesurer le degré de maturité technologique d’une innovation (depuis 1 = principes généraux jusqu’à 9 = utilisation sur le marché).

([37]) Via la Direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) ou l’Association French Institutes of Technology.

([38]) Entre 2012 et 2016 selon la SATT.

([39]) Objectif explicite des SATT (articles 3.6 et 5.1 de la convention État-ANR du 29 juillet 2010 précitée. Pour les IRT, la convention du 27 juillet 2010 évoque simplement un objectif de « rentabilité socio-économique » (article 3.7).

([40]) Depuis 2006, une association, une collectivité territoriale ou une chambre consulaire agissant dans le cadre d’une action publique et sociétale est éligible au dispositif.

([41]) 89 % des tuteurs et 95 % des directeurs de thèse ont déclaré que les travaux réalisés avaient parfaitement ou globalement répondu à leurs attentes.

([42]) À hauteur de 30 % du salaire brut chargé, augmenté d’un coût forfaitaire d’environnement de 50 % et diminué de la subvention de 14 000 €.

([43]) Le forfait d’environnement est porté à 200 % du salaire chargé.

([44]) Selon l’INSEE, les PME représentaient 99,8 % des entreprises établies en France en 2015.

([45]) Source : ANRT.

([46]) Directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi.

([47]) Délégations régionales à la recherche et à la technologie.