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N° 1303

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2018.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2019,

 

 

TOME IV

 

 

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

RECHERCHE

 

 

Par MPierre HENRIET,

 

Député.

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1255, 1303 (annexe n° 33).


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur

A. La poursuite du redressement du financement de la recherche, engagé en 2018

1. Une hausse de plus de 2 % des moyens

2. La nécessité de maintenir cet effort dans la durée, au regard de l’effritement de la part des dépenses de recherche dans le PIB

B. L’accent porté sur le financement des organismes de recherche et de l’ANR, la nécessité d’améliorer notre écosystème de valorisation

1. Une forte revalorisation des crédits dévolus aux programmes 172 et 193

2. La poursuite de la hausse des moyens de l’ANR, afin de rehausser son taux de sélection

3. Les enjeux de la valorisation de la recherche

a. Le diagnostic mitigé porté par la Cour des comptes sur les outils issus du PIA

b. Plusieurs initiatives prises pour améliorer l’écosystème de la valorisation

II. le crédit d’impôt pour la recherche

A. un avantage fiscal occupant une place centrale dans le financement de la recherche et développement des entreprises

1. Un dispositif bien ancré dans le paysage fiscal français, qui se caractérise par sa stabilité

2. Des financements de l’ordre de 6 milliards d’euros, soit environ les deux tiers du soutien à la R&D des entreprises

3. Un crédit d’impôt bénéficiant à hauteur d’un tiers aux PME et pour 60 % aux entreprises du secteur manufacturier

a. La répartition de l’avantage fiscal en fonction de la taille de l’entreprise

b. La part prépondérante des entreprises industrielles, la concentration des bénéficiaires dans la région Ile-de-France

B. L’évaluation de l’efficacité du CIR

1. La difficulté à évaluer les effets du CIR sur les dépenses de R&D des entreprises, des travaux concluant généralement à un effet d’additionnalité du CIR

2. Les enjeux de l’emploi des chercheurs et des jeunes docteurs

C. l’appropriation de l’outil fiscal par les entreprises, qui peut s’avérer plus complexe pour les PME

1. Des outils de sécurisation, tels que les rescrits, peu utilisés par les entreprises

2. Les enjeux du contrôle fiscal

TRAVAUX DE LA COMMISSION

I. Audition de la ministre

II. Examen des crédits

Annexe : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur pour avis


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   introduction

La préparation de l’avenir constitue l’une des priorités affichées dans le présent projet de loi de finances, par le soutien apporté à la recherche et à l’innovation, et plus particulièrement aux innovations de rupture, dans le but d’assurer le dynamisme et la compétitivité de notre économie dans les prochaines années. Cette priorité trouve une traduction concrète dans les crédits budgétaires alloués à la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES), lesquels enregistrent, de même qu’en loi de finances pour 2018, une hausse significative : les moyens dévolus à la recherche sont en hausse de 2,24 %, en étant portés de 14,83 à 15,16 milliards d’euros, tandis que les crédits de la mission dans son ensemble augmentent de 1,8 %, pour atteindre 28,17 milliards d’euros.

Le rapporteur pour avis tient à saluer la poursuite de cet engagement résolu en faveur de la recherche, qui intervient dans un contexte budgétaire contraint. Cette évolution se traduit par une hausse de la part des crédits de la recherche au sein du budget général et permet notamment d’accroître les moyens attribués à l’Agence nationale de la recherche, de financer des priorités telles que le plan Intelligence artificielle et de contribuer au financement des projets spatiaux européens à la hauteur des besoins.

Au-delà de l’examen des crédits alloués à la MIRES, le rapporteur pour avis a souhaité apporter un éclairage sur la principale dépense fiscale qui lui est rattachée, le crédit d’impôt pour la recherche, qui constitue un outil essentiel et emblématique de soutien à la recherche et développement (R&D) des entreprises. À lui seul, il représente environ les deux tiers du soutien public aux dépenses de R&D privées, soit environ 6 milliards d’euros annuels, et il offre un environnement fiscal particulièrement compétitif en matière de recherche et d’innovation sur notre territoire. Le rapporteur pour avis s’est attaché à dresser un bilan de son évolution, en examinant la répartition des entreprises bénéficiaires en fonction de leur taille, de leur secteur d’activité et de leur implantation géographique, et en analysant les données disponibles sur l’évaluation de son impact et de son efficacité, notamment en termes d’emploi des chercheurs. Il a également souhaité s’intéresser à son appropriation par les entreprises, notamment les PME, et aux difficultés dans sa mise en œuvre, constatant notamment que les outils de sécurisation proposés aux entreprises, notamment les rescrits, ne sont que très peu utilisés.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 74,8 % des réponses étaient parvenues.

 


—  1  —

I.   les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur

A.   La poursuite du redressement du financement de la recherche, engagé en 2018

1.   Une hausse de plus de 2 % des moyens

● Le renforcement des crédits inscrits pour la recherche, engagé par la loi de finances pour 2018, est poursuivi dans le présent projet de loi ; il se concrétise par une hausse des crédits de la MIRES de 502 millions d’euros en crédits de paiement (CP) (+ 1,8 %) et de 371 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) (+ 1,3 %), pour atteindre respectivement 28,17 et 27,98 milliards d’euros.

Plus spécifiquement, sur le seul périmètre de la recherche (hors enseignement supérieur) tel que défini par le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) ([1]), les moyens connaissent une hausse plus marquée, de 2,24 % (+ 332 millions d’euros) en CP, pour être portés à 15,16 milliards d’euros, et de 1,9 % en AE (+ 273 millions d’euros), pour atteindre 15,05 milliards d’euros.

La poursuite de cet effort budgétaire répond à la volonté de maintenir le rang de la France en matière de recherche au plus haut niveau, dans un contexte de concurrence mondiale sans précédent, et d’assurer la compétitivité de notre économie, en favorisant l’innovation et l’émergence de technologies de rupture.

Évolution des crédits de paiement de la mission recherche depuis la LFI2016

(en milliards d’euros)

Source : projets annuels de performance.

● La nette revalorisation des crédits alloués à la recherche sur les deux dernières années se traduit par une remontée de la part de la recherche au sein du budget général, qui atteint 4,6 % dans le présent budget.

Évolution de la part « recherche » de la MIRES au sein du budget de l’État en structure courante

(Périmètre recherche - CP en millions d’euros)

 

LFI2011

LFI2012

LFI2013

LFI2014

LFI2015

LFI2016

LFI2017

LFI2018

PLF2019

Dépenses du budget général de l’État

286,4

290,7

299,3

309,2

296,1

301,7

318,5

326,3

328,8

Périmètre « recherche » de la MIRES

14,09

13,89

14,05

13,95

13,80

14,04

14,30

14,83

15,16

Part du périmètre recherche de la MIRES dans le budget général de l’État

4,92 %

4,78 %

4,70 %

4,51 %

4,66 %

4,65 %

4,49 %

4,54 %

4,61 %

La référence au budget général correspond au montant des dépenses figurant à l’article d’équilibre. Le périmètre « recherche » n’inclut

pas les crédits de la mission « Investissements d’avenir ».

Source : documents budgétaires.

Cette évolution vient infléchir le mouvement constaté sous la précédente législature, caractérisée par une diminution des crédits alloués et des effectifs des opérateurs de recherche, ainsi que par une sous-budgétisation récurrente des dépenses de titre 2. Les augmentations de crédits intervenues en 2016 et 2017 n’avaient permis que d’absorber l’évolution de la masse salariale et de compenser les baisses enregistrées les années précédentes.

Par ailleurs, l’effort en faveur de la recherche ne doit pas s’apprécier à la seule aune des crédits de la MIRES, puisqu’une large part des crédits inscrits sur la mission « Investissements d’avenir », sous la responsabilité du Secrétariat général pour l’investissement, vient également soutenir l’effort de recherche (1,05 milliard d’euros étant demandé pour 2019), notamment pour le financement de sa valorisation.

2.   La nécessité de maintenir cet effort dans la durée, au regard de l’effritement de la part des dépenses de recherche dans le PIB

● Il importe que l’effort engagé depuis 2018 soit poursuivi au cours des prochaines années, alors même que la France ne parvient pas à se rapprocher suffisamment de l’objectif, défini en 2000 dans le cadre de la stratégie de Lisbonne, puis réaffirmé en 2013 dans la plan stratégique Europe 2020, de consacrer 3 % de son PIB aux dépenses de recherche, publiques comme privées : la part des dépenses de recherche dans le PIB reste inférieure à 2,3 % et connaît un repli, certes modéré, depuis 2014.

● Selon les données disponibles ([2]), la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) s’est établie à 49,5 milliards d’euros en 2016 et devrait atteindre 50,2 milliards d’euros en 2017, dont un tiers pour la DIRD publique, ou DIRDA (17,6 milliards d’euros), et deux tiers pour la DIRD des entreprises, ou DIRDE (32,6 milliards d’euros).

La hausse de la DIRD en 2017, limitée à 0,6 % en volume, serait inférieure à celle du PIB, ce qui se traduirait par un repli de la part des dépenses de R&D dans le PIB : elle s’élèverait à 2,19 % en 2017, contre 2,23 % en 2015, soit assez loin de l’objectif affiché de 3 % – sous l’effet d’un tassement conjoint de la DIRDE et de la DIRDA.

Évolution de la part de la DIRDE et de la DIRDA dans le PIB

(en %)

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

● Pour l’heure, peu de pays européens parviennent à atteindre ce ratio de 3 %, à l’exception de la Suède (3,25 %) et de l’Autriche (3,09 %), tandis que l’Allemagne en est proche (2,94 %). La France se situe plutôt favorablement dans le classement des pays de l’Union, avec un taux de 2,23 % (en 2015).

ParT des dépenses de R&D dans le PIB dans les États membres de l'UE en 2016

(en %)

* Données 2015 au lieu de 2016.

Source : Premières estimations des dépenses de recherche et développement, Eurostat, décembre 2017.

Pour autant, parmi les six pays les mieux classés de l’OCDE en matière de recherche, la France n’occupe que la cinquième place au regard du rapport entre la DIRD et le PIB, derrière la Corée du Sud, le Japon, les États-Unis et l’Allemagne. Elle devance toutefois le Royaume-Uni, l’Italie, l’Espagne et la Chine (dont les dépenses de R&D ont fortement progressé au cours des dernières années).

Évolution de la part de la DIRD dans le PIB selon les pays

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

B.   L’accent porté sur le financement des organismes de recherche et de l’ANR, la nécessité d’améliorer notre écosystème de valorisation

1.   Une forte revalorisation des crédits dévolus aux programmes 172 et 193

● La MIRES comprend au total neuf programmes, de taille très variable, dont sept pour la recherche, lesquels se différencient par les thématiques qu’ils financent et par leur ministère de rattachement.

 

Programmes de la mission

Ministère responsable

Crédits de paiements

(en millions d’euros)

Part dans la mission

Programme 150 – Formations supérieures et recherche universitaire

Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

13 601

48,3 %

Programme 231 – Vie étudiante

Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

2 705

9,6 %

Programme 172 – Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

6 938

24,6 %

Programme 193 – Recherche spatiale

Ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation

1 823

6,5 %

Programme 190 – Recherche dans les domaines de l'énergie, du développement et de la mobilité durables

Ministère de la transition écologique et solidaire

1 727

6,1 %

Programme 192 – Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

Ministère de l’économie et des finances

733,8

2,6 %

Programme 191 – Recherche duale

 

Ministère de la défense

179,5

0,6 %

Programme 186 – Recherche culturelle et culture scientifique

Ministère de la culture

110

0,4 %

Programme 145 – Enseignement supérieur et recherche agricoles

Ministère de l’agriculture et de l’alimentation

352,9

1,2 %

Source : commission des affaires culturelles et de l’éducation.

● Le programme 172, qui porte les moyens dévolus à un grand nombre d’organismes de recherche (CNRS, Inserm, INRA, INRIA…) ainsi qu’à l’Agence nationale de la recherche (ANR), enregistre une hausse de ses moyens de 171,5 millions d’euros (+ 2,53 %), pour atteindre 6,938 milliards d’euros en CP.

Cette augmentation bénéficie pour moitié à l’ANR (+86,2 millions d’euros en CP), comme présenté infra ; elle permet également de financer des mesures salariales pour les personnels des opérateurs (mesures au titre du plan parcours professionnels, carrières et rémunérations – PPCR – et de la compensation financière de la hausse de la CSG, notamment), à hauteur de 32 millions d’euros, ainsi que la hausse des contributions aux organisations ou projets internationaux ([3])  (16,2 millions d’euros en CP) et le plan Intelligence artificielle, à hauteur de 17 millions d’euros.

● Le programme 193 assure le financement du Centre national d’études spatiales (CNES), par lequel transitent également les fonds destinés à l’Agence spatiale européenne (ESA), agence intergouvernementale chargée de coordonner les projets menés en commun dans le domaine spatial par vingt-deux pays européens. Ses crédits sont ceux qui connaissent la plus forte augmentation (+ 12,7 %), du fait de la hausse de la contribution versée à l’ESA de 210 millions d’euros ; celle-ci est ainsi portée à 1,175 milliard d’euros en 2019, dans le cadre du développement du nouveau lanceur spatial Ariane 6. Dans le prolongement de la hausse de 131 millions d’euros réalisée en 2018, cette évolution manifeste la volonté de faire montre de sincérité budgétaire en mettant un terme à la sous‑budgétisation, et de rompre avec la logique de l’endettement vis-à-vis de l’ESA qui prévalait jusqu’en 2017.

● Les moyens dévolus au programme 190, qui permettent notamment de financer le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives – CEA (à hauteur de 1,223 milliard d’euros, soit 71 % des crédits du programme) ainsi que plusieurs autres opérateurs ([4]), sont en revanche quasi stables (‑ 0,4 %).

● Le programme 192 enregistre en revanche une nette diminution de ses moyens (– 5,8 % en CP et – 8,1 % en AE), pour s’établir à 733,8 millions d’euros en CP et 678,5 millions d’euros en AE.

Les moyens dévolus aux organismes de formation supérieure et de recherche, comportant notamment le groupe Mines-Télécom ainsi que le groupe des écoles nationales d’économie et statistique (ENSAE et ENSAI), sont en hausse (+ 1,7 %) ; c’est sur les deux autres actions que pèse la baisse des crédits. Le soutien et la diffusion de l’innovation technologique voient leurs crédits réduits de 1,3 %, ce qui recouvre la diminution de 20 millions d’euros de la dotation « innovation » pour BPI France, mais une majoration de 18 millions d’euros de la compensation du coût des exonérations sociales des jeunes entreprises innovantes (JEI), qui passe de 178 à 196 millions d’euros, compte tenu du dynamisme de cette dépense sociale ([5]).

C’est sur le soutien de la recherche industrielle stratégique que la diminution est la plus forte (– 40 % en CP et – 82 % en AE). Cet état de fait s’explique par le recentrage du fonds de compétitivité des entreprises (FCE) sur le soutien à la filière nanoélectronique (13,5 millions d’euros prévus en AE et 10,5 millions en CP), tandis que les autres dispositifs sont mis en extinction (notamment le projet des clusters du programme Eureka hors programme national Nano et le fonds d’aide au jeu vidéo) ; 15,1 millions d’euros sont ouverts en CP pour couvrir les engagements pris antérieurement.

Par ailleurs, le fonds unique interministériel (FUI), qui regroupait jusqu’alors les financements aux projets collaboratifs innovants au sein des pôles de compétitivité, verra également ses moyens réduits au financement des engagements antérieurs, à hauteur de 43,3 millions d’euros ; selon le projet annuel de performance, « à compter de 2019 et dans le cadre de la phase IV des pôles, un objectif de simplification et de meilleure lisibilité des aides à l’innovation a conduit à regrouper l’ensemble des financements relevant du FUI et des fonds de projets structurants pour la compétitivité dans une enveloppe unique au sein du PIA. »

Évolution des crédits de paiement des programmes 172, 193, 190 et 192
depuis 2016

(en millions d’euros)

 

Source : projets annuels de performance.

● Si le programme 191 sur la recherche duale dispose de moyens stables, ceux alloués au programme 186 sur la recherche culturelle et la culture scientifique sont en légère diminution (‑ 1,7 %, soit ‑ 1,9 million en CP). Cette évolution recouvre une légère hausse sur la recherche culturelle, destinée à financer des travaux, et une diminution de 2 millions d’euros sur la culture scientifique, portant les moyens dévolus à Universcience à 99,7 millions d’euros, au titre d’un réajustement de sa dotation en fonds propres à ses besoins d’investissement courant.

L’un des sites d’Universcience, le Palais de la découverte, va faire l’objet de travaux importants dans le cadre de la rénovation du Grand Palais, incluant le Palais d’Antin, la nef et les galeries nationales du Grand Palais, soit pas moins de 70 000 mètres carrés de surface au total. Doivent être réalisés d’importants travaux sur le clos et le couvert pour assurer la sécurité du bâtiment, notamment contre les risques d’inondations ; de nouveaux aménagements sont également prévus, tels une rue intérieure permettant un accès direct entre les galeries d’exposition, la nef et le Palais de la découverte, ainsi qu’une augmentation des capacités d’accueil.

La fermeture complète du site interviendra en décembre 2020 et les travaux seront conduits jusqu’en décembre 2022, le coût total étant estimé à 44 millions d’euros pour le Palais de la découverte ([6]). La réouverture du Palais de la découverte est prévue en juin 2024 ; pendant les quatre années de fermeture, son activité va se développer « hors les murs », à Paris ([7]), mais aussi par une offre d’expositions itinérantes qui seront installées en région, en s’appuyant sur le réseau des centres de culture scientifique, technique et industrielle, avec le concours des organismes de recherche.

Enfin, pour le programme 142 sur l’enseignement supérieur et la recherche agricoles, les moyens augmentent de 2,24 % en CP (+ 7 millions), tant pour la partie enseignement (+ 5,5 millions) que pour la partie recherche (+ 1,5 million).

Évolution des crédits de paiement des programmes 191, 186 et 142 depuis 2016

(en millions d’euros)

Source : projets annuels de performance.

2.   La poursuite de la hausse des moyens de l’ANR, afin de rehausser son taux de sélection

● Le présent projet de loi rehausse nettement les crédits d’intervention de l’ANR, dans le prolongement de l’augmentation déjà enregistrée l’an dernier, afin de donner davantage de moyens aux projets de recherche scientifique et d’innovation sélectionnés dans le cadre d’appels à projet, par une évaluation par les pairs.

En effet, après avoir bénéficié d’un pic de son budget d’intervention en 2008, porté à 834 millions d’euros, l’ANR a vu ses moyens fondre de façon continue, pour atteindre un point bas en 2015, à hauteur de 527,4 millions d’euros. Cette baisse de près de 40 %, conjuguée à une hausse du nombre de projets déposés, a eu pour conséquence directe un effondrement du taux de sélection des projets, passé de 25 % en 2007 à environ 11 % en 2014-2015 ([8]).

Évolution du budget d’intervention de l’ANR depuis sa création

(en millions d’euros)

Source : Agence nationale de la recherche.

 

 


Évolution du taux de sélection des projets par l’ANR depuis sa création

(en %)

Source : Agence nationale de la recherche.

Un taux de sélection aussi bas, de l’ordre de 11 %, décourageait les chercheurs de déposer des dossiers auprès de l’ANR – d’autant qu’il s’agit d’une tâche très chronophage – et conduisait nécessairement à écarter d’excellents projets de recherche, avec un réel risque d’arbitraire.

● Pour remédier à cette situation, le redressement des moyens de l’agence a été engagé dès 2016, ce qui a permis de rehausser le taux de sélection à près de 15 %. Cet effort a été nettement amplifié par la loi de finances pour 2018, avec une hausse des moyens de l’ANR de 133 millions d’euros en CP et de 32,7 millions d’euros en AE, pour les amener respectivement à 773 et 736,1 millions d’euros. Le présent projet de loi poursuit cette trajectoire, avec une augmentation des crédits de 86 millions d’euros en CP et de 32,7 millions d’euros en AE.

Cette remontée du budget d’intervention de l’ANR doit permettre de retrouver un taux de sélection plus en accord avec les pratiques usuelles dans la recherche – sachant que la communauté scientifique s’accorde à juger qu’un taux de sélection de l’ordre de 20 %, voire 25 %, garantit la qualité des projets financés.

● En 2017, sur les 9 258 pré-projets soumis à l’ANR, 1 380 projets ont été retenus, soit un taux de 14,9 %. 78 % d’entre eux relèvent d’un des « défis de société » définis par la stratégie nationale de recherche : 29 % des projets financés relèvent du défi « Vie, santé, bien-être », 12 % du défi « Stimuler le renouveau industriel » et 11 % du défi « Société de l’information et de la communication ». 339 projets ont été cofinancés avec des agences étrangères, dans le cadre des appels spécifiques pour des projets en coopération internationale.

Les financements sur projets ont été majoritairement attribués aux principaux organismes de recherche (53,7 %), puis aux universités (24 %) et aux autres établissements d’enseignement supérieur et de recherche (10,8 %).

● Si la procédure d’appels à projets doit permettre de dynamiser la recherche, de mettre en concurrence les chercheurs pour faire émerger des projets ambitieux qui ne soient pas nécessairement portés par les opérateurs historiques, il faut prendre garde à ce que son développement ne conduise pas à accroître de façon excessive les charges administratives des chercheurs. Déposer, gérer et suivre des dossiers requiert du temps : le risque est que certains chercheurs ne « puissent plus chercher » faute de temps, absorbés par le montage des dossiers et les réunions afférentes, au détriment de leur compétence première.

3.   Les enjeux de la valorisation de la recherche

a.   Le diagnostic mitigé porté par la Cour des comptes sur les outils issus du PIA

● La valorisation de la recherche publique, qui peut prendre différentes formes (partenariats entre laboratoires publics et entreprises, valorisation de la propriété intellectuelle, mobilité des chercheurs entre secteurs public et privé…), est souvent jugée peu performante en France, par comparaison avec ses principaux partenaires, alors même qu’elle constitue l’une des clés de la compétitivité des économies modernes.

L’un des enjeux principaux du PIA était d’améliorer notre positionnement en la matière, par une rationalisation et une professionnalisation des structures de valorisation, engagée en 2010. Dans un rapport publié en mars 2018 ([9]), la Cour des comptes a réalisé un premier bilan des différents outils mis en place dans ce cadre, et le constat qu’elle dresse apparaît pour le moins mitigé.

Comme la Cour le souligne, le PIA a été conçu comme un outil de rupture, par la création ex nihilo de structures nouvelles et largement dotées ([10]) – au lieu de s’appuyer sur les organismes existants –, avec pour objectif de mettre en place un système de valorisation autonome, qui mutualiserait les moyens des différents opérateurs et dépasserait les lignes de cloisonnement traditionnelles. Ont ainsi été mis en place :

– 14 sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), réparties sur l’ensemble du territoire et destinées à aider les chercheurs à transférer leurs découvertes technologiques vers les entreprises : ces sociétés sont responsables de la valorisation des travaux issus de plus de 2 300 laboratoires. Elles ont pour missions de sélectionner les avancées scientifiques pouvant déboucher sur une activité économique, de s’assurer de leur protection juridique et de financer les premières étapes qui mènent de la recherche fondamentale à un produit ou à une idée exploitable économiquement, par la concession d’une licence à une entreprise ou la création d’une start-up par les chercheurs ;

– 8 instituts de recherche technologique (IRT), chargés de soutenir la recherche multipartenariale public-privé, en instaurant des partenariats de long terme entre entreprises et établissements d’enseignement supérieur et de recherche ;

– 9 instituts pour la transition énergétique (ITE), proches des IRT dans leurs objectifs mais consacrés aux enjeux spécifiques du développement durable ;

– 6 consortiums de valorisation thématique (CVT), chargés de coordonner les actions de valorisation sur des champs disciplinaires spécifiques (les CVT étant adossés aux alliances thématiques de recherche), en proposant des services, tels que des études de marché et des formations, aux structures de valorisation.

● Même si le fonctionnement et les résultats de telles structures doivent nécessairement s’apprécier sur une durée longue, les conclusions de la Cour laissent penser que le pari lancé en 2010 a été confronté à plusieurs écueils et n’a pas tenu toutes ses promesses.

La création de nouvelles structures, sans rationalisation de l’existant, a conduit à une forme de sédimentation des dispositifs, à des redondances et des frictions, ainsi qu’à une mise en concurrence des organismes, en l’occurrence avec les structures de valorisation qui étaient déjà en place dans les universités et établissements de recherche. En résultent également des difficultés dans la gouvernance et le pilotage de cet « écosystème de la valorisation » devenu très complexe, avec des flux de décision et de contrôles trop nombreux, et peu d’interactions entre les structures. Par ailleurs, les ambitions d’excellence se sont heurtées à des logiques de maillage territorial, conduisant à créer un nombre de structures plus élevé qu’initialement prévu, notamment pour les SATT, afin de couvrir l’ensemble du territoire.

Les structures mises en place ont enregistré des résultats hétérogènes et généralement décevants, en termes de déclarations d’inventions, de brevets prioritaires, de licences signées et de revenus issus du transfert, comme le retrace le tableau ci-après :

 


Comparaison entre les plans d’affaires initiaux des 14 SATT et les réalisations sur les trois premiers exercices

 

Déclarations d’inventions

Brevets

Licences signées

Revenus issus du transfert
(en millions d’euros)

Prévisions

3 593

2 260

487

17,5

Réalisations

3 066

1 082

237

4,7

Écart

– 14 %

– 52 %

– 51 %

– 73 %

Source : Cour des comptes.

Ces résultats ne portent toutefois que sur les trois premiers exercices, entre 2012 et 2015, et peuvent être actualisés. Selon les données consolidées transmises au rapporteur pour avis, les résultats des SATT apparaissent en progrès : au 31 décembre 2017, les SATT avaient déposé 2 026 demandes de brevets, engagé 1 725 projets de maturation pour un montant de 282 millions d’euros, concédé 595 contrats de licence et permis la création de 166 entreprises ; leurs recettes consolidées s’élevaient à 29 millions d’euros pour 2017.

Plus largement, la soutenabilité du modèle économique initial des nouvelles structures, qui prévoyait leur financement autonome à l’horizon 2020 grâce aux revenus retirés de la propriété intellectuelle issue des projets maturés ou développés en leur sein, apparaît pour le moins incertaine, voire dans certains cas illusoire.

● La Cour a ainsi estimé que le démarrage très lent des CVT faisait peser des doutes sérieux sur leur viabilité et a préconisé leur suppression. Elle a également recommandé de resserrer le champ des SATT et des IRT, en ne conservant que celles qui ont fait la preuve de leur efficacité ou qui réunissent les conditions minimales de succès et de viabilité, et plus généralement, de créer des outils d’évaluation de ces structures, fondés sur des indicateurs d’impact socio‑économique robustes.

Elle a enfin formulé plusieurs propositions destinées à lever des freins à la valorisation de la recherche, notamment l’amélioration du dispositif du « mandataire unique », pour faciliter les relations entre entreprises et établissements publics de recherche ([11]), le développement des incitations à la mobilité des chercheurs et le renforcement des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE), outil de valorisation jugé efficace et peu coûteux pour les finances publiques.

b.   Plusieurs initiatives prises pour améliorer l’écosystème de la valorisation

Plusieurs des recommandations de la Cour ont trouvé une concrétisation rapide, et nombre d’initiatives ont été prises depuis le début de l’année pour favoriser la valorisation de la recherche et la diffusion de l’innovation, ce qui témoigne de la grande attention qui est portée à ces enjeux par le Gouvernement.

● En premier lieu, comme proposé par la Cour, la procédure d’extinction de la SATT Grand Centre – qui cumulait les facteurs de complexité – a été engagée, en faveur d’une réorientation du dispositif vers des outils locaux plus opérationnels. La suspension des financements des CVT Aviesan ([12]) et Athena ([13]), ainsi que l’arrêt du financement du CVT ANCRE ([14]), ont été décidés en juillet par le comité de pilotage du Fonds national de valorisation (FNV) ; seul celui du CVT ALLENVI ([15]) a été maintenu ([16]).

Des évaluations triennales de neuf SATT ont débuté en juin dernier, après de premières évaluations en 2017 (SATT Linksium, Saclay, Grand Est et Pulsalys) et l’État devrait s’appuyer sur leurs conclusions pour adapter, le cas échéant, les modèles de chaque structure. Un cabinet d’experts sera recruté, d’ici la fin de 2018, pour définir des critères d’évaluation de l’impact socio-économique des SATT.

Tous les IRT font également l’objet d’évaluations en 2018 par l’ANR et le HCERES (Haut conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur), les travaux devant être achevés d’ici juin 2019 ; c’est au regard de leurs conclusions que l’État décidera de la poursuite de son soutien financier aux différents IRT au-delà de 2020.

● Le projet de loi dit PACTE relatif à la croissance et à la transformation des entreprises, qui vient d’être examiné par l’Assemblée et devrait être débattu au Sénat prochainement, comporte plusieurs dispositions pour favoriser les passerelles entre recherche et entreprenariat, en permettant notamment au chercheur de partager son temps entre le laboratoire et l’entreprise qu’il crée, ainsi qu’en réformant le dispositif du mandataire unique.

● Le présent projet de loi de finances vient par ailleurs renforcer les moyens dévolus aux CIFRE, dispositif dont l’intérêt est largement reconnu. Les CIFRE visent à renforcer les échanges entre laboratoires de recherche publique et milieux socio-économiques, à favoriser l’emploi des docteurs dans les entreprises et à contribuer au processus d’innovation de celles-ci : ces contrats de trois ans, fondés sur des projets de R&D confiés à des doctorants qui travaillent avec une équipe de recherche extérieure, donnent lieu à des subventions annuelles de 14 000 euros versées à l’entreprise employeuse. Selon les données transmises au rapporteur pour avis, les PME représentent près des deux tiers des structures d’accueil, contre 14 % pour les grandes entreprises. En 2017, 63,5 % des CIFRE étaient réalisées par des nouvelles structures ou des structures n’ayant pas demandé de CIFRE depuis au moins cinq ans. Le dispositif concerne tous les domaines scientifiques, dont 23 % pour les sciences et technologies de l’information et de la communication, 19 % pour les sciences de l’ingénieur et 26 % pour les sciences humaines et sociales.

Les crédits finançant les CIFRE, figurant sur le programme 172, sont augmentés de plus de 15 % en CP, en étant portés à 60,8 millions d’euros, et de plus de 11 % en AE, pour atteindre 58,8 millions d’euros. Ces financements devraient permettre de financer 1 450 nouvelles conventions CIFRE en 2019.

● Enfin, plus largement, le Gouvernement a engagé une politique ambitieuse en faveur de l’innovation, avec la mise en place en janvier dernier du Fonds pour l’innovation et l’industrie. Ce fonds est destiné à encourager l’émergence des start-ups, positionnées sur des innovations de rupture, de façon articulée avec le plan « deep tech » confié à BPI France ([17]), et à favoriser l’émergence de secteurs d’avenir dans le cadre de l’action « grands défis » pour orienter les filières vers des secteurs à forts enjeux technologiques (tels que l’intelligence artificielle).

Un conseil de l’innovation, co-présidé par le ministre de l’économie et des finances et par la ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, a été mis en place en juillet dernier. Mettant en avant la dimension interministérielle de l’innovation ([18]), ce conseil se réunira tous les trois mois, avec pour priorités le soutien de l’innovation de rupture – bénéficiant du fonds précité, l’accélération de la croissance des entreprises par l’innovation et la simplification du paysage des aides à l’innovation.


—  1  —

II.   le crédit d’impôt pour la recherche

A.   un avantage fiscal occupant une place centrale dans le financement de la recherche et développement des entreprises

Parmi les différentes dépenses fiscales rattachées à la mission « Recherche et enseignement supérieur », le crédit d’impôt pour la recherche (CIR) est le plus emblématique, tout d’abord par son coût, bien évidemment – 6,1 milliards d’euros en 2017 ([19]) –, mais aussi par sa stabilité dans le temps – caractéristique relativement rare dans le domaine fiscal –, et par la place qu’il occupe dans le soutien aux investissements de recherche et développement des entreprises.

Principales dépenses fiscales rattachées aux programmes relevant de la recherche au sein de la mission

 

Dispositif fiscal

Dépense fiscale afférente en 2017

Programme 172

Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires

Crédit d’impôt en faveur de la recherche

6,1 milliards d’euros

Exonération des établissements publics de recherche et des établissements publics d’enseignement supérieur pour leurs revenus tirés d’activités relevant d’une mission de service public

5 millions d’euros

Programme 192

Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle

Crédit d’impôt en faveur de l’innovation

157 millions d’euros

Réduction d’impôt au titre de la souscription de parts de fonds communs de placement dans l’innovation (FCPI)

32 millions d’euros

Exonération des bénéfices des jeunes entreprises innovantes

11 millions d’euros

Exonération totale ou partielle des bénéfices réalisés par les entreprises participant à un projet de R&D et implantées dans une zone de R&D

11 millions d’euros

Taxation au taux réduit des plus-values à long terme provenant des produits de cessions et de concessions de brevets

663 millions d’euros

Source : projet annuel de performance

1.   Un dispositif bien ancré dans le paysage fiscal français, qui se caractérise par sa stabilité

● Introduit dès 1982 ([20]), le CIR est un dispositif désormais ancien, bien connu et identifié par les entreprises. Deux volets supplémentaires s’y sont greffés par la suite, le crédit d’impôt collection (CIC), puis le crédit d’impôt innovation (CII), mais leur ampleur et leur impact sont bien moindres.

Aux termes de l’article 244 quater B du code général des impôts, le CIR permet aux entreprises de bénéficier d’un avantage fiscal égal à 30 % des dépenses de recherche qu’elles engagent. Les dépenses éligibles ne sont pas plafonnées mais le taux de 30 % est ramené à 5 % pour la fraction des dépenses qui excède un plafond fixé à 100 millions d’euros.

Peuvent ouvrir droit au CIR les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens affectés aux opérations de recherche, les dotations aux amortissements des équipements affectés à la réalisation de ces opérations, les dépenses de fonctionnement, calculées sur une base forfaitaire ([21]), les dépenses de travaux de recherche confiés à des organismes de recherche, publics ou privés, les frais afférents aux brevets… La définition des opérations de recherche éligibles au CIR s’appuie sur le manuel de Frascati, référence internationale élaborée par l’OCDE ([22]).

Certaines dépenses font l’objet d’une majoration lors de leur prise en compte dans l’assiette du CIR : les dépenses de personnel se rapportant aux jeunes docteurs sont prises en compte pour le double de leur montant, pendant les 24 premiers mois suivant leur recrutement. Les dépenses se rapportant à des opérations de recherche confiées à des organismes extérieurs sont également majorées ([23]).

Le CIR s’impute sur l’impôt dû au titre de l’année en cours ; le solde non imputé constitue une créance sur l’État, qui peut être utilisée pour le paiement de l’impôt au cours des trois années suivantes, à l’issue desquelles le solde éventuel est restitué à l’entreprise. En revanche, les jeunes entreprises innovantes, les PME ainsi que certaines entreprises nouvelles bénéficient d’une restitution immédiate du crédit d’impôt.

● A été instauré en 1992 ([24]) le crédit d’impôt collection (CIC), au taux de 30 % également, réservé aux entreprises industrielles du secteur textile‑habillement-cuir, pour leurs dépenses d’élaboration de nouvelles collections, qui s’avère très spécifique et ciblé.

Enfin, la loi de finances pour 2013 ([25]) a créé un dernier volet au sein du CIR, le crédit d’impôt en faveur de l’innovation (CII), qui est réservé aux PME au sens européen ([26]). Les dépenses éligibles sont celles réalisées au titre de la conception ou de la réalisation de prototypes de produits nouveaux ou d’installations pilotes, y compris lorsque ces opérations sont sous-traitées à des entreprises ou bureaux d’études agréés ; leur définition se fait par référence au manuel d’Oslo, équivalent en matière d’innovation du manuel de Frascati.

Si le taux du CIC est fixé à 30 %, comme pour le CIR, le taux du CII est en revanche de 20 % et les dépenses éligibles sont plafonnées à 400 000 euros par an.

Le CIR est rattaché au programme 172, lui-même placé sous la responsabilité de la direction générale de la recherche et de l’innovation (DGRI) au sein du MESRI, tandis que le CII est rattaché au programme 192, relevant de la direction générale des entreprises (DGE) au sein du ministère de l’économie et des finances. Même si l’innovation fait désormais partie des attributions du MESRI, le CII reste suivi par les services de Bercy.

● Le CIR se caractérise par une relative stabilité au cours du temps. Sans prendre en compte la création du CII en 2012, c’est en 2008 qu’a eu lieu la dernière réforme de grande ampleur du CIR ([27]) : le mécanisme du crédit d’impôt a été profondément modifié et son ampleur accrue, en prévoyant un taux plus élevé et applicable à toutes les dépenses de recherche éligibles, sans prise en compte de l’évolution des dépenses d’une année sur l’autre, comme c’était le cas auparavant – avec une distinction entre la part « en volume » et la part « en accroissement ».

Cette réforme s’est traduite par une très forte augmentation de la dépense fiscale afférente à partir de 2009, qui avait d’ailleurs été sous-estimée.

 Se pose la question de la compatibilité du régime du CIR avec le projet de directive dite ACCIS, concernant une assiette commune consolidée pour l’impôt pour les sociétés, relancé en 2016 par la Commission européenne. En effet, le projet initial ACCIS comprend une « super-déduction » en faveur de la R&D, portant sur l’assiette imposable (à hauteur de 50 % ou de 25 % des coûts, selon le montant des dépenses de R&D), ce qui a suscité des débats sur la possibilité d’un maintien parallèle du CIR – sachant que le CIR est systématiquement plus avantageux pour les entreprises que ne le serait la superdéduction. Néanmoins, en mars dernier, le Parlement européen a proposé de substituer à la super-déduction un crédit d’impôt à hauteur de 10 % des dépenses de recherche.

Par ailleurs, la France et l’Allemagne ont publié en juin dernier une position commune sur la directive, proposant de supprimer la super-déduction en faveur de la R&D, ce qui mettrait un terme au débat de sa compatibilité avec le CIR. La question n’est toutefois pas tranchée à ce stade, et les débats sur ce texte ont vocation à se poursuivre dans les prochains mois. 

2.   Des financements de l’ordre de 6 milliards d’euros, soit environ les deux tiers du soutien à la R&D des entreprises

● Après la brusque hausse liée à la réforme de 2008, la créance fiscale afférente au CIR a connu une augmentation continue : elle a été multipliée par trois entre 2007 et 2015, passant de 1,8 à 6,1 milliards.

La dépense fiscale a enregistré une évolution plus contrastée, puisqu’elle dépend de la croissance de la créance, mais aussi des règles d’imputation de celle‑ci sur l’impôt dû, qui ont évolué dans le temps. Si, en principe, l’imputation de la créance s’effectue sur trois années, une mesure prise lors de la crise financière en 2008 a consisté à restituer l’intégralité de la créance de CIR de 2008 et de 2009 l’année suivante. Cette disposition, qui visait à soutenir l’activité économique des entreprises, s’est traduite par une forte hausse de la dépense fiscale en 2009 et 2010, puis corrélativement, par un reflux les années suivantes, jusqu’à un retour à la normale en 2014. Par ailleurs, l’exigibilité immédiate de la créance a été pérennisée pour les PME par la loi de finances pour 2011 ([28]).

Évolution de la créance et de la dépense fiscale de CIR depuis 2007

(en millions d’euros)

Source : ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche et projets annuels de performance.

La dépense fiscale s’est établie à 6,1 milliards d’euros en 2017, contre 5,55 milliards en 2016 ; elle devrait atteindre 6 milliards en 2018 et 6,2 milliards en 2019.

● Le nombre de bénéficiaires du CIR (y compris CII) a lui aussi été multiplié par quasiment trois entre 2007 et 2015, passant d’environ 7 000 à près de 19 000 ([29]), tandis que la créance moyenne a elle aussi progressé sur la période.

Évolution du nombre de bénéficiaires et de la créance moyenne de CIR (CIR recherche, CII et CIC)

Source : ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

● Si le CIR a bénéficié en 2015 à plus de 14 000 entreprises, ce sont près de 5 400 entreprises qui ont bénéficié du CII cette même année, dont la moitié ne déclarait que des dépenses d’innovation (et non du CIR ou du CIC).

entreprises déclarantes et bénéficiaires du cir,
dépenses et créances afférentes selon le type de dépenses déclarées en 2015

Type de dépenses déclarées

Nombre de déclarants (a)

Nombre de bénéficiaires (a)

Dépenses déclarées (en M€)

% des dépenses

Créance (en M€)

% de créance

Recherche

dont recherche uniquement (b)

18 922

15 722

14 089

11 363

21 596

20 510

95,7

90,8

6 096

5 774

96,8

91,7

Innovation

dont innovation uniquement (b)

6 088

3 027

5 358

2 721

770

387

3,4

1,7

155

78

2,5

1,2

Collection

dont collection uniquement (b)

1 156

979

989

870

211

181

0,9

0,8

45

39

0,7

0,6

Ensemble

 

25 597

(c)

20 179

(c)

22 576

 

100

 

6 296

 

100

 

Source : base GECIR juillet 2018 chiffres provisoires, MESRI-DGRI-Sittar.

(a)     Bénéficiaire : Entreprise bénéficiant effectivement du CIR. Il s’agit de l’entreprise déclarante lorsque l’entreprise est indépendante, et de la mère du groupe lorsque le groupe est fiscalement intégré. Dans ce dernier cas, les filiales du groupe déclarent le CIR chacune de leur côté et la mère bénéficie du CIR consolidé de l’ensemble du groupe

(b)     « dont recherche/innovation/collection uniquement » : Entreprises ne déclarant que les dépenses de recherche/d’innovation/de collection dans leurs déclarations.

(c)     Hors doubles comptes pour le nombre de déclarants et de bénéficiaires.

La dépense fiscale afférente au CII a elle aussi connu une nette progression depuis sa création en 2013, passant de 68 millions d’euros en 2014 à 157 millions d’euros en 2017. Pour autant, elle ne représente qu’environ 2,5 % de la dépense fiscale associée au CIR.

Le CIC représente quant à lui une dépense fiscale de l’ordre de 45 millions d’euros, en bénéficiant à environ 1 150 entreprises.

● Si historiquement, le soutien à la recherche et développement (R&D) des entreprises a été largement assuré en France par des financements directs, la montée en puissance du CIR à compter de 2004, puis son amplification en 2008 se sont accompagnées d’un recul de ce soutien direct : l’intensité de l’aide assurée par le CIR a dépassé celle des aides directes en 2008, pour se stabiliser à hauteur de 19 % de la DIRDE – tandis que les aides directes représentent moins de 10 % de la DIRDE depuis 2009, contre 15 % en 1993.

 

Évolution de la part du CIR et des financements publics directs, en pourcentage de la DIRDE

Sources : GECIR juillet 2018, MESRI-DGRI-SITTAR et Enquêtes RD, MESRI-DGRI/DGESIP-SIES.

Le cumul des aides directes et indirectes porte le taux de financement public de la DIRDE à 28 % en 2015. Avec 0,4 % de son PIB consacré au soutien public à la R&D des entreprises, la France se trouve dans le peloton de tête des pays de l’OCDE en la matière ; le CIR représente à lui seul environ les deux tiers du montant total de ce soutien.

Le développement des aides fiscales en faveur des dépenses de R&D des entreprises constitue d’ailleurs une tendance générale au sein des pays de l’OCDE depuis une vingtaine d’années, qu’il s’agisse de crédits d’impôt ou de déductions. Parmi les pays leaders mondiaux en matière de R&D et d’innovation, seuls Israël, l’Allemagne et la Suède n’en possèdent pas. Pour autant, la répartition des financements entre soutien direct et indirect varie notablement selon les pays, sans que l’on puisse statuer, au regard des connaissances disponibles, sur l’efficacité respective de ces deux modes de soutien.

L’on peut d’ailleurs observer que l’Allemagne, qui ne dispose pas d’outil fiscal en faveur de la R&D des entreprises, affiche un volume de DIRDE enviable, à hauteur de 2 % de son PIB (contre 1,4 % pour la France).

Soutien public direct et indirect à la R&D des entreprises
dans les pays de l’OCDE (en % PIB)

Source : OCDE.

3.   Un crédit d’impôt bénéficiant à hauteur d’un tiers aux PME et pour 60 % aux entreprises du secteur manufacturier

a.   La répartition de l’avantage fiscal en fonction de la taille de l’entreprise

● Si 95 % des entreprises bénéficiaires du CIR sont des TPE et des PME (plus de 13 360 entreprises), elles ne représentent que 34 % du total de la créance, tandis que les entreprises entre 250 et 5000 salariés absorbent 35 % de la créance et celles de plus de 5 000 salariés, au nombre de 46, en obtiennent 31 %.

Distribution par taille des bénéficiaires du CIR au titre de dépenses de recherche en 2015

Effectif salarié de l’entreprise bénéficiaire

Nombre d’entreprises bénéficiaires CIR‑recherche

% d’entreprises

Dépenses déclarées (en M€) CIR‑

recherche

% des dépenses

Créance (en M€) CIR‑

recherche

% de créance

Créance moyenne (en K€)

Taux moyen CIR

0 à 9 salariés

6 543

46 %

1 214

6 %

394

6 %

60

32 %

10 à 49 sal.

4 751

34 %

2 351

11 %

725

12 %

153

31 %

50 à 99 sal.

1 203

9 %

1 343

6 %

413

7 %

343

31 %

100 à 249 sal.

867

6 %

1 772

8 %

542

9 %

625

31 %

0 à 249 sal.

13 364

95 %

6 680

31 %

2 074

34 %

155

31 %

250 à 499 sal.

332

2 %

1 87

6 %

391

6 %

1 178

30 %

500 à 1 999 sal.

301

2 %

3 418

16 %

1 014

17 %

3 369

30 %

2 000 à 4 999 sal.

46

0 %

2 479

11 %

749

12 %

16 285

30 %

250 à 4 999 sal.

679

5 %

7 184

33 %

2 154

35 %

3 173

30 %

Plus de 5 000 sal.

46

0 %

7 731

36 %

1 868

31 %

40 610

24 %

Total général

14 089

100 %

21 596

100 %

6 096

100 %

433

28 %

Source : base GECIR juillet 2018 chiffres provisoires, MESRI-DGRI-Sittar.

Cette proportion évolue assez peu dans le temps depuis 2009 ; en revanche, la réforme de 2008, en basculant le calcul du CIR sur le volume de dépenses, a revalorisé la part des grandes entreprises, qui sont passées de 10 % à 32 % : le mode de calcul antérieur du CIR, fondé sur l’accroissement des dépenses de R&D, surreprésentait les entreprises en croissance par rapport aux grandes entreprises ayant atteint leur régime de croisière.

 

Évolution de la répartition de la créance de CIR (y compris CII et CIC) par taille d’entreprise

Source : ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

La part des entreprises de moins de 10 salariés, en nombre, augmente régulièrement : plus de 6 500 entreprises de moins de 10 salariés ont bénéficié du CIR en 2015, soit 46 % du total, contre 4 211 entreprises en 2010, soit moins de 33 %. Leur créance en valeur absolue et en pourcentage a également augmenté, passant de 263 à 394 millions d’euros, et de 5,2 % à 6,4 % de la créance totale, sur la même période, entre 2010 et 2015.

● La créance moyenne de CIR s’établit à 433 000 euros pour l’ensemble des entreprises, mais elle s’avère très disparate en fonction de la taille des entreprises : elle varie entre 155 000 euros pour les PME (60 000 pour les TPE de moins de 10 salariés) et 40,6 millions d’euros pour les entreprises de plus de 5 000 salariés.

Le taux moyen de CIR pour ces entreprises de plus de 5 000 salariés est ramené à 24 %, du fait du taux réduit de 5 % s’appliquant à la fraction des dépenses de R&D supérieure à 100 millions d’euros. Le taux s’avère donc dégressif au-delà d’une certaine taille de l’entreprise, même si cette dégressivité est limitée compte tenu du faible nombre d’entreprises concernées par le taux réduit de 5 % ([30]).

● En ce qui concerne le CII, la moitié des entreprises bénéficiaires a moins de 10 salariés. Ces TPE bénéficient de 32 % de la créance totale, tandis que la moitié de la créance revient aux entreprises entre 10 et 49 salariés ; la créance moyenne s’établit à 29 000 euros.

L’on peut noter que les plus grosses PME (entre 100 et 250 salariés) déclarent en moyenne des dépenses éligibles au CII de 336 000 euros, soit un montant inférieur au plafond, fixé à 400 000 euros. Selon les informations transmises au rapporteur pour avis, seulement 4 % des entreprises bénéficiaires (soit 227) atteignaient ce plafond de 400 000 euros.

Distribution par taille des bénéficiaires du cii au titre des dépenses d’innovation en 2015

Effectif salarié de l’entreprise bénéficiaire

Nombre d’entreprises bénéficiaires du CII

% d’entreprises

Dépenses déclarées (en M€) CII

% des dépenses

Créance (en M€) CII

% de créance

Créance moyenne (K€)

Taux moyen CIR

1 à 9 salariés

2 715

51 %

249

32 %

50

32 %

18

20 %

10 à 49 sal.

2 112

39 %

370

48 %

74

48 %

35

20 %

50 à 99 sal.

386

7 %

102

13 %

20

13 %

53

20 %

100 à 249 sal.

145

3 %

49

6 %

10

6 %

67

20 %

Total général

5 358

100 %

770

100 %

155

100 %

29

20 %

Source : base GECIR juillet 2018 chiffres provisoires, MESRI-DGRI-Sittar

b.   La part prépondérante des entreprises industrielles, la concentration des bénéficiaires dans la région Ile-de-France

● L’industrie manufacturière représentait plus de 58 % du bénéfice du CIR en 2015 (en part de créance), tandis que le secteur des services n’en représentait que 39,4 %. C’est l’industrie électrique et électronique qui est le premier bénéficiaire (15,1 %), devant le conseil et l’assistance en informatique (12,9 %), la pharmacie et la parfumerie (10,3 %), puis l’industrie automobile (6,7 %).

La tendance est d’ailleurs à la diminution de la part des industries manufacturières au cours des dernières années – laquelle s’élevait à près de 68 % du CIR en 2007 –, sous l’effet de l’évolution de la structure de notre économie.

À l’inverse, pour le CII, les services représentent près de 70 % de son bénéfice, et l’industrie manufacturière 29 %. Le CII est beaucoup plus concentré, puisque le secteur du conseil informatique représente près de 39 % de la créance, suivi des services d’architecture et d’ingénierie (8,9 %), de l’industrie électrique et électronique (8,1 %) et du commerce (7,4 %).

● La répartition géographique du CIR, assez stable au fil du temps, se caractérise par une grande concentration des entreprises bénéficiaires en Ilede-France, à hauteur de 65 % (en termes de dépenses déclarées), ainsi que, dans une moindre mesure, en région Auvergne-Rhône-Alpes (9,8 %), en Occitanie (5,4 %) et en Provence-Alpes-Côte d’Azur (5,1 %). La prédominance de la région île-de-France résulte de la concentration des activités de R&D des entreprises, mais aussi de la localisation des sièges sociaux des entreprises ([31]).

Répartition géographique des bénéficiaires du CIR en 2015

Régions

Nombre de bénéficiaires

Part des bénéficiaires en %

Part des dépenses déclarées en %

Part de la créance en %

île-de-France

859

34,5

58,8

65,2

Auvergne-Rhône-Alpes

163

15,4

11,3

9,8

Occitanie

199

8,5

6,8

5,4

Provence-Alpes-Côte d’Azur

079

7,7

5,3

5,1

Nouvelle-Aquitaine

867

6,2

2,9

2,2

Grand-Est

746

5,3

3,5

2,5

Pays-de-la-Loire

709

5,0

2,4

1,9

Hauts-de-France

634

4,5

2,4

2,2

Bretagne

617

4,4

2,1

2,6

Bourgogne-France-Comté

496

3,5

1,5

1,2

Normandie

313

2,2

1,5

0,9

Centre-Val de Loire

278

2,0

1,4

0,7

La Réunion

84

0,6

0,1

0,2

Corse

24

0,2

0,0

0,0

Antilles-Guyane

21

0,1

0,0

0,0

Total général

1089

100

100

100

Source : base GECIR juillet 2018, MESRIDGRISittar.

Cette distribution régionale des bénéficiaires du CIR évolue peu dans le temps – même si le poids de la région île-de-France a tendance à décliner depuis 2009 (67,1 % en 2009, contre 65,2 % en 2015).

Pour le CII, la dépense est beaucoup moins concentrée ; l’île-de-France ne représente que 36 %, l’Auvergne-Rhône-Alpes atteignant 16,7 %.


Répartition géographique des bénéficiaires du CII en 2015

Régions

Nombre de bénéficiaires

Part des bénéficiaires en %

Part des dépenses déclarées en %

Part de la créance en %

île-de-France

1 684

31,4

35,8

35,6

Auvergne-Rhône-Alpes

933

17,4

16,8

16,7

Occitanie

475

8,9

8,0

7,9

Provence-Alpes-Côte d’Azur

464

8,7

8,9

8,8

Nouvelle-Aquitaine

342

6,4

5,3

5,3

Pays-de-la-Loire

325

6,1

5,6

5,6

Grand-Est

254

4,7

4,6

4,6

Hauts-de-France

248

4,6

4,4

4,4

Bretagne

221

4,1

3,7

3,7

Centre-Val de Loire

138

2,6

2,2

2,2

Bourgogne-France-Comté

133

2,5

2,3

2,3

Normandie

107

2,0

2,1

2,1

Outre-Mer

34

0,6

0,4

0,8

Total général

5 358

100

100

100

Source : base GECIR juillet 2018, MESRIDGRISitta.

B.   L’évaluation de l’efficacité du CIR

1.   La difficulté à évaluer les effets du CIR sur les dépenses de R&D des entreprises, des travaux concluant généralement à un effet d’additionnalité du CIR

● La justification de l’intervention publique pour encourager les entreprises à investir dans la R&D n’est guère discutée : elle réside dans le fait que ces investissements dégagent des externalités positives, en ce qu’ils ne profitent pas seulement aux entreprises qui les réalisent, mais aussi à d’autres entreprises ‑ les brevets ne constituant pas une protection suffisante pour empêcher les concurrents d’en bénéficier – et à l’ensemble de la société.

Cet état de fait ne dispense évidemment pas d’évaluer l’efficacité des outils de financement utilisés, notamment pour un dispositif aussi coûteux que le CIR.

Premier constat, il convient de s’interroger sur les différentes facettes du CIR : celui-ci s’analyse en premier lieu comme un moyen de corriger les défaillances de marché, en incitant les entreprises à réaliser des dépenses en R&D même si elles ne peuvent s’en approprier tous les bénéfices. Mais, comme l’ont souligné plusieurs des personnes auditionnées, le CIR peut être aussi considéré comme un facteur d’allègement de la fiscalité des entreprises, dans un contexte de concurrence fiscale mondiale exacerbée, et comme un élément d’attractivité pour l’implantation d’activités de R&D en France par des filiales d’entreprises étrangères, deux autres aspects à l’aune desquels l’efficacité du CIR peut être appréciée.

Deuxième constat, l’environnement fiscal français pour les activités de recherche et d’innovation est unanimement jugé comme très compétitif, essentiellement grâce au CIR, mais aussi du fait d’autres dispositifs, qu’il s’agisse des jeunes entreprises innovantes ou encore du régime de taxation des revenus retirés de la cession ou concession de brevets, tel que prévu par l’article 39 terdecies du code général des impôts. Si le CIR offre un cadre incitatif au développement en France des activités de R&D, en amont, le régime prévu par l’article 39 terdecies en constitue le pendant pour l’exploitation des résultats de la R&D sur notre territoire, en aval.

De façon incidente, l’on peut signaler que l’article 14 du présent projet de loi de finances réforme ce dispositif pour le mettre en cohérence avec l’approche « nexus » ([32]) développée par l’OCDE dans le cadre de ses travaux dits « BEPS » (base erosion and profit shifting) de lutte contre l’optimisation fiscale des entreprises. À cet égard, le rapporteur pour avis salue les modifications apportées au texte au cours des débats à l’Assemblée, et notamment le maintien dans le champ de ce régime de faveur des inventions brevetables qui ne seraient pas brevetées, par l’intermédiaire d’une nouvelle procédure de certification.

Troisième constat, l’un des points forts du CIR réside dans sa neutralité à l’égard des projets de recherche développés par les entreprises, à la différence des dispositifs de subventions directes.

● Au-delà de ces remarques, l’évaluation des effets du CIR sur les dépenses de R&D des entreprises s’avère par construction complexe d’un point de vue méthodologique – elle suppose notamment d’identifier ex post les dépenses qui n’auraient pas été réalisées sans CIR, pour établir un scénario contrefactuel.

Un grand nombre de rapports et de travaux ont été consacrés au CIR ([33]) ; ils concluent généralement à la difficulté de disposer d’une évaluation précise de l’impact et de l’efficacité du CIR, et le cas échéant de ses effets d’aubaine ‑ d’autant que cette évaluation ne peut s’effectuer qu’avec un décalage certain dans le temps, du fait des délais nécessaires pour disposer des données sur les créances des entreprises. Néanmoins, un consensus apparaît sur un effet d’additionnalité du CIR, c’est-à-dire que pour chaque euro de CIR versé aux entreprises, l’on observe une augmentation de leur effort de R&D d’un euro en moyenne.

Cette analyse est confortée au niveau macroéconomique par le fait qu’entre 2007 et 2015, la DIRDE a crû du montant du surcroît de CIR, comme l’illustre le graphique ci-après :

évolution de la DIRDE et du CIR entre 2007 et 2015

(en % du PIB)

Source : ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

L’on peut également observer que la DIRDE n’a pas cessé d’augmenter pendant la crise de 2008-2009, à la différence de l’Espagne ou encore de l’Allemagne ; le CIR a probablement permis de compenser en partie les réductions de dépenses de R&D qui auraient eu lieu pendant la crise en l’absence de réforme.

Le rapport publié en juin 2014 par le MENESR aboutit à un constat similaire, en observant que depuis le début de la décennie, les entreprises qui mènent des activités de R&D en France ont eu tendance à accroître leur intensité en R&D (soit la R&D rapportée à la valeur ajoutée), alors que l’évolution de la structure sectorielle de la France, caractérisée par une désindustrialisation, et la conjoncture dégradée en 2008-2009 pesaient négativement sur l’intensité en R&D à l’échelle nationale.

Pour autant, le CIR ne semble pas avoir d’effet multiplicateur ou d’effet de levier sur les dépenses de R&D des entreprises, ce qui correspondrait, pour un euro de CIR, à des dépenses supérieures à un euro.

● Certains mettent en avant que les études réalisées sous-évaluent l’impact du CIR, en relevant qu’au niveau microéconomique, les études tentent de tenir compte de l’impact de la crise et d’isoler l’effet propre du CIR, mais qu’elles n’évaluent pas l’impact que le CIR a eu sur les entreprises qui ne réalisaient pas de R&D et se sont lancées grâce à lui. Par ailleurs, ces études ne mesurent pas non plus les « externalités » de la R&D, c’est-à-dire les bénéfices que génèrent les activités de R&D pour l’économie dans son ensemble : difficiles à isoler, elles constituent néanmoins la principale justification de la mise en place du CIR.

À l’inverse, ainsi que l’indique le rapport de l’OFCE, une étude réalisée en 2013 par MM. Mulkay et Mairesse, s’appuyant sur la période antérieure à la réforme de 2008, a simulé un multiplicateur du CIR, qui serait légèrement supérieur à 1 en 2012 mais qui se stabiliserait à 0,7 en 2019 (un euro de CIR versé augmenterait les dépenses de R&D de 70 centimes d’euros).

L’impact du CIR apparaît pour l’heure difficile à mesurer de façon incontestable, même si l’effet d’additionnalité semble relativement bien étayé, et il importe d’améliorer son évaluation, au regard de l’ampleur de la dépense fiscale afférente.

Plusieurs rapports doivent être publiés sous peu sur le thème du CIR. Le MESRI a ainsi sollicité les chercheurs MM. Mulkay et Mairesse, pour une actualisation de leur étude sur l’impact du CIR sur les dépenses de R&D des entreprises. Ces travaux s’effectuent sur la base d’une période d’analyse plus longue, notamment sur des données postérieures à la réforme de 2008 (2008-2013) et doivent être finalisés à l’automne 2018. Par ailleurs à l’initiative de la Commission nationale d’évaluation des politiques d’innovation (CNEPI), plusieurs travaux ont été engagés par France Stratégie sur les effets du CIR ; la CNEPI devrait publier un avis sur ce sujet à brève échéance.

2.   Les enjeux de l’emploi des chercheurs et des jeunes docteurs

● Les données statistiques disponibles ne permettent pas de chiffrer le nombre de chercheurs concernés par le CIR : il a en effet été indiqué au rapporteur pour avis que les chiffres déclarés dans les formulaires 2069 pour le CIR n’étaient pas fiables et conduisaient à une surestimation manifeste du nombre de chercheurs.

Néanmoins, environ la moitié des dépenses déclarées au titre du CIR (49,4 % en 2015) sont des dépenses de personnels (chercheurs et techniciens), sur la base desquelles sont également calculées des dépenses de fonctionnement éligibles au CIR ([34]). Le CIR permet de minorer fortement le « coût » du chercheur en France : selon l’enquête réalisée chaque année par l’Agence nationale de la recherche technologique sur le coût des chercheurs en comparaison internationale, le coût du chercheur français est parmi les plus bas des pays développés, alors qu’avant prise en compte du CIR, il serait l’un des plus élevés, juste après le chercheur américain :

 


Coût moyen du chercheur en comparaison internationale après incitations en 2017, l’indice 100 représentant le coût du chercheur en France avant CIR et subventions

Source : Agence nationale de la recherche technologique.

L’étude publiée en octobre 2015 sur le dispositif dit « jeunes docteurs », citée supra, met d’ailleurs en évidence l’impact positif du renforcement du CIR réalisé en 2004 puis en 2008 sur l’embauche en CDI sur des postes de R&D des diplômés du supérieur, dont les ingénieurs et les docteurs.

Le nombre de chercheurs en entreprise a notablement crû depuis 2007, pour passer de 137 000 en 2007 à 197 000 en 2011, et atteindre 226 000 en 2015 ([35]) ; ces 226 000 personnes correspondent à 166 000 chercheurs à temps plein dans leur activité de recherche, soit 73 % de leur temps de travail pour la R&D. 56 % des chercheurs employés en entreprise sont diplômés d’une école d’ingénieur, tandis que 12 % sont titulaires d’un doctorat.

Évolution du nombre de chercheurs en entreprise depuis 2007

Source : ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation.

● Les entreprises qui recrutent des jeunes docteurs pour des activités de recherche bénéficient d’un avantage spécifique : lorsque ces jeunes docteurs sont embauchés pour la première fois en contrat à durée indéterminée, leur salaire pris en compte pour le calcul du CIR est doublé pendant les deux premières années de son contrat et les frais de fonctionnement sont calculés forfaitairement sur la base de 100 % de ce salaire doublé, ce qui se traduit par une prise en charge, via le CIR, de 120 % du coût du salaire du jeune docteur ([36]), soit un dispositif très attractif.

Renforcé en 2006 puis en 2008, ce dispositif rencontre un succès croissant : depuis 2008, le nombre d’entreprises déclarant des jeunes docteurs a été multiplié par 2,5, pour atteindre près de 1 900 entreprises en 2015, tandis que la dépense fiscale est passée de 44 à 116 millions d’euros sur la même période. Le nombre exact de jeunes doctorants embauchés dans le cadre de ce dispositif n’est toutefois pas disponible ; il est simplement indiqué qu’il est supérieur au nombre d’entreprises qui les déclarent, certaines d’entre elles embauchant plusieurs docteurs.


Évolution du nombre d’entreprises ayant recours au dispositif
« jeunes docteurs » du CIR

Sources : Bases GECIR, MESRI-DGRI.

Champs : entreprises ayant déclaré des dépenses de jeunes docteurs (ligne 5 du cerfa 2069D).

L’étude précitée d’octobre 2015 sur ce dispositif « jeunes docteurs » relève que, au-delà de la dynamique d’ensemble observée sur l’ensemble des chercheurs résultant du renforcement du CIR, le dispositif « jeunes docteurs » issu de la réforme de 2008 a spécifiquement favorisé l’embauche de jeunes docteurs ‑ ingénieurs et docteurs, par rapport aux ingénieurs.

● Il serait utile de disposer de davantage d’informations sur la politique d’embauche des entreprises demandant à bénéficier du CIR à l’égard des chercheurs, et plus spécifiquement à l’égard des jeunes docteurs. Un amendement de Mme Amélie de Montchalin a été adopté en ce sens lors de l’examen de la loi de finances pour 2018, pour compléter les informations déclarées par les entreprises engageant plus de 100 millions d’euros de dépenses de recherche : ces entreprises doivent désormais indiquer « la part de titulaires d'un doctorat financés par ces dépenses ou recrutés sur leur base, le nombre d'équivalents temps plein correspondants et leur rémunération moyenne, ainsi que la localisation de ces moyens ». Sur la base de ces informations, le ministre chargé de la recherche doit publier un rapport annuel synthétique. Le rapporteur pour avis se félicite de cette avancée et estime qu’il serait intéressant d’étendre le champ du dispositif au-delà des seules entreprises déclarant plus de 100 millions d’euros de dépenses de recherche, qui sont une quinzaine seulement.

C.   l’appropriation de l’outil fiscal par les entreprises, qui peut s’avérer plus complexe pour les PME

1.   Des outils de sécurisation, tels que les rescrits, peu utilisés par les entreprises

 Le CIR constitue un dispositif fiscal relativement simple et accessible, puisque toute entreprise, quels que soient sa taille et son secteur d’activité, peut en bénéficier sur simple déclaration fiscale en joignant un formulaire 2069 de six pages, à sa liasse fiscale –, à la condition que les dépenses déclarées soient éligibles.

Les personnes auditionnées par le rapporteur ont souligné que les PME s’étaient « décomplexées » en matière de CIR et de CII et qu’elles manifestaient une réelle appétence pour ces outils fiscaux. En témoigne d’ailleurs la hausse du nombre de TPE qui bénéficient du CIR, évoquée supra.

Néanmoins, la définition des dépenses de recherche éligibles peut leur poser des difficultés, notamment lorsqu’elles déposent un dossier pour la première fois. Les instructions fiscales portant sur le CIR, comme sur les autres sujets d’ailleurs, sont réservées à un public averti et formé aux questions juridiques. Les petites entreprises ne disposent pas nécessairement de l’expertise nécessaire en interne, à la différence des grandes entreprises, pour apprécier si leurs opérations de recherche présentent bien les caractéristiques requises et sont bien éligibles, ce qui leur impose de recourir à des cabinets de conseil. De ce fait, le recours au CIR s’avère plus coûteux pour les petites que pour les grandes entreprises.

De surcroît, la frontière entre dépenses de recherche et dépenses d’innovation n’est pas nécessairement claire. Il peut exister une certaine porosité entre des dépenses potentiellement éligibles au CIR et au CII, source d’incertitude et de confusion pour les entreprises.

Il a ainsi été indiqué au fil des auditions que certaines PME pouvaient manifester des réticences à demander le bénéfice du CIR, de peur de connaître un contrôle fiscal et de se trouver tenues de rembourser l’avantage fiscal si la qualification d’opérations de recherche n’était pas retenue, éventuellement plusieurs années après l’avoir perçu ([37]). Pour certaines entreprises, le CIR constitue une composante importante de leur plan de financement, et sa reprise peut remettre en question leur existence même ; la possibilité d’une telle reprise peut être vécue comme une « épée de Damoclès ».

Les petites entreprises manifestent aussi davantage de difficultés à conserver la documentation nécessaire pour justifier leur demande de CIR, si elles font ensuite l’objet d’un contrôle fiscal, du fait d’effectifs réduits et donc de moindres moyens dévolus aux tâches administratives.

Il est pourtant essentiel que les PME puissent s’approprier le CIR et le CII, alors même que ce sont ces catégories d’entreprises qui sont le plus à même de développer et de faire vivre des innovations de rupture, essentielles pour positionner notre économie sur des secteurs de haute technologie à fort potentiel de développement.

L’administration s’efforce de faciliter cette appropriation des outils fiscaux par les PME et TPE, notamment en établissant chaque année un guide actualisé et mis en ligne sur le site du MESRI ; il serait toutefois utile de rendre cet outil plus facilement utilisable et plus intuitif pour les entreprises, par exemple avec une présentation sous forme de « foire aux questions ».

Les administrations travaillent par ailleurs à la mise en œuvre d’un nouveau modèle de dossier justificatif dématérialisé, qui devrait aboutir fin 2018, ainsi qu’à la dématérialisation de l’ensemble des procédures de déclaration.

● Par ailleurs, pour sécuriser leur demande de CIR, les entreprises peuvent demander un avis à l’administration fiscale sur l’éligibilité de leur projet de R&D : c’est ce que l’on appelle un rescrit, prévu pour le CIR par le 3° de l’article L. 80 B du livre des procédures fiscales.

La demande doit être déposée au plus tard six mois avant la date limite de dépôt de la déclaration de CIR et peut être adressée soit à l’administration fiscale, soit aux services centraux et déconcentrés de la DGRI, les services déconcentrés correspondant aux délégués régionaux à la recherche et technologie (DRRT) ([38]). La réponse de l’administration doit intervenir dans un délai de trois mois ; à défaut, l’avis est réputé favorable. Les rôles respectifs de l’administration fiscale et des agents du MESRI sont clairement partagés et n’appellent pas de critiques des parties prenantes ; le MESRI se prononce sur la nature scientifique et technique des travaux qui pourraient être inclus dans l’assiette du CIR, en mandatant un expert scientifique ; cet avis, notifié au contribuable et à l’administration fiscale, est opposable à cette dernière.

Par ailleurs, ce dispositif a été complété en 2015 par la mise en place du « rescrit élargi » portant à la fois sur les aspects de R&D et sur la validation d’un montant plancher de dépenses éligibles, réservé aux petites entreprises, ainsi que par un « rescrit roulant », en octobre 2016, qui permet aux entreprises ayant déjà obtenu une prise de position de l’administration confirmant l’éligibilité de leur projet pluriannuel au CIR, de solliciter une nouvelle décision en cas de modification de leur projet.

● Néanmoins, ces différents outils mis à la disposition des entreprises ne remportent pas un grand succès. Le nombre de rescrits s’avère très limité, en restant inférieur à 300, ce qui, rapporté au nombre d’entreprises déclarant des dépenses éligibles au CIR, est très faible. À titre de comparaison, pas moins de 8 895 rescrits généraux ont été traités en 2016 par l’administration fiscale, auxquels s’ajoutent 5 750 rescrits « mécénat » et 1 187 rescrits « entreprises nouvelles ».

La faible mobilisation des rescrits au titre du CIR se retrouve pour le CII, avec seulement 103 rescrits traités en 2016, puis 106 en 2017.

Évolution du nombre de rescrits reçus par la DGFiP depuis 2015

N.B. : Les chiffres figurant pour l’année 2018 correspondent aux neuf premiers mois de l’année.

Source : direction générale des finances publiques.

L’on ne peut que regretter la très faible utilisation de ces rescrits, qui constituent un réel levier de sécurisation pour les PME réalisant une demande de CIR ou de CII pour la première fois.

Cet état de fait s’avère difficile à expliquer. Il est possible que les entreprises hésitent à y recourir par peur des délais de traitement de leur demande – malgré la règle des trois mois – notamment si leur projet de recherche évolue dans le temps, ou parce qu’elles ont le sentiment que demander un rescrit pourrait attirer l’attention sur leur situation et enclencher un contrôle fiscal par la suite, ou bien encore parce qu’elles préfèrent « tenter leur chance », en faisant le pari qu’elles ne feront pas l’objet d’un contrôle.

● Il est en tout cas probable que les entreprises ne soient pas incitées à demander un rescrit par les cabinets de conseil, lesquels n’ont pas intérêt à voir leur marché s’assécher en cas de réponse négative de l’administration sur l’éligibilité d’un projet – sachant que nombre de cabinets se rémunèrent en prélevant un pourcentage du CIR obtenu par l’entreprise.

Sur ce point, il a été indiqué à plusieurs reprises que certains cabinets de conseil pouvaient se montrer « pousse-au-crime », en incitant les entreprises, notamment les PME, à demander le bénéfice du CIR alors même que les dépenses concernées n’étaient pas éligibles, et ce en toute connaissance de cause.

Sur la base des déclarations réalisées en 2015, au moins 17 % des entreprises déclarant du CIR et 22 % des entreprises déclarant du CII font appel à des cabinets de conseil ; ces chiffres constituent des estimations minorées, car en dessous d’un certain seuil, les entreprises ne sont pas tenues de déclarer ces dépenses ([39]). À la demande des acteurs du conseil en CIR et CII, un dispositif de référencement a été instauré en 2016 sous l’égide du Médiateur des entreprises. Les cabinets de conseil doivent s’engager à respecter les exigences d’un référentiel, définies par les parties prenantes – soit les représentants des cabinets de conseil, des entreprises clientes et de l’administration – et sont évalués par le médiateur ; à ce jour, 42 cabinets de conseil sont référencés.

Il serait utile que les entreprises entraînées par un cabinet peu scrupuleux à déclarer des dépenses de CIR alors qu’elles n’y étaient pas éligibles et ayant subi une rectification fiscale de ce fait, signalent le cabinet concerné auprès du Médiateur des entreprises, afin que le cabinet soit, le cas échéant, retiré de la liste des acteurs référencés. Une mission de signalement des cabinets de conseil défaillants auprès du Médiateur des entreprises pourrait également être confiée aux DRRT, lesquelles sont également amenées à voir un grand nombre de dossiers, dans le cadre des contrôles fiscaux, et à identifier des difficultés.

2.   Les enjeux du contrôle fiscal

● Seule l’administration fiscale peut initier et procéder à un contrôle du CIR, que ce soit sur place ou sur pièces. Toutefois, comme pour le rescrit, ses agents peuvent solliciter l’aide des agents du MESRI, en administration centrale ou en DRRT, pour apprécier le caractère de R&D des opérations en cause, et donc leur éligibilité au CIR ([40]).

Pour ce faire, le MESRI s’appuie sur un réseau d’environ 500 à 600 experts scientifiques, figurant dans une base nationale et reconnus dans leurs domaines d’activité ; ces experts sont généralement choisis parmi les personnes exerçant leur activité professionnelle dans des organismes de recherche ou des établissements d’enseignement supérieur.

Depuis 2014, un protocole signé entre la DGFIP, la DGE et la DGRI contingente le nombre de contrôles pour lesquels l’administration fiscale peut recourir au MESRI chaque année, pour permettre à ce dernier de développer ses expertises dans de meilleures conditions – alors que ses services étaient très sollicités au regard de leurs moyens. Depuis cette date, il s’avère que ce « droit de tirage », de l’ordre de 900 dossiers par an, dont dispose l’administration fiscale auprès du MESRI n’est pas utilisé à plein.

Les moyens dont disposent les DRRT pour répondre aux demandes de l’administration fiscale apparaissent relativement limités, avec une quinzaine d’ETP au total, au sein des différentes DRRT, pour suivre les dossiers et faire appel à des experts.

Selon les informations transmises au rapporteur pour avis, l’intervention des agents et experts du MESRI se limite normalement à un contrôle sur pièces. Le rapport de l’expert peut donc être établi sans débat oral avec le contribuable ; dans la pratique, une rencontre est organisée entre l’expert et l’entreprise lorsque le dossier le nécessite. Certains représentants des entreprises rencontrés par le rapporteur pour avis ont toutefois relevé la difficulté à échanger avec les experts du MESRI, qui manqueraient parfois de temps, notamment pour venir dans l’entreprise.

À partir des statistiques nationales, il ressort que les services du MESRI émettent un avis favorable sur l’éligibilité des dépenses au CIR dans le cadre d’un contrôle fiscal pour un quart des dossiers, un avis défavorable pour 15 % des dossiers, et un avis « mixte », c’est-à-dire un avis d’éligibilité partielle du projet, pour 60 % des dossiers.

Au regard du volume relativement restreint des effectifs déployés dans les DRRT, de l’ordre d’une centaine, le rapporteur pour avis estime qu’il serait utile de leur donner davantage de moyens, pour suivre les dossiers de CIR, mais aussi plus largement pour exercer leurs missions d’animation, de coordination et d’accompagnement sur le terrain, auprès des différents acteurs de la recherche en région.

● Le nombre de contrôles fiscaux annuels comportant une rectification au titre du CIR a connu une nette hausse jusqu’en 2013, pour dépasser 1 500 ; il a reflué depuis cette date et s’est établi à 951 en 2017.

Il convient de préciser que les statistiques disponibles ne permettent que de mesurer les contrôles qui ont abouti à des rectifications sur le montant du CIR, sans pouvoir distinguer si la rectification remet en cause une partie ou la totalité du crédit d’impôt. Elles ne permettent pas non plus de déterminer le nombre de contrôles au cours desquels le CIR a été examiné sans être remis en cause. Elle ne donne donc qu’une indication partielle sur l’activité de contrôle fiscal en lien avec le CIR.


Évolution du nombre de contrôles fiscaux annuels comportant
une rectification au titre du CIR

Source : direction générale des finances publiques.

Le montant des rectifications annuelles au titre du CIR paraît quant à lui se stabiliser à un étiage de l’ordre de 200 millions d’euros depuis 2014, soit un montant relativement limité au regard de la dépense fiscale totale – entre 5 et 6 milliards d’euros sur la période – sachant que les contrôles fiscaux portent nécessairement sur des années antérieures.

Évolution du montant des rectifications annuelles au titre du CIR

(en milliards d’euros)

Source : direction générale des finances publiques.

● Il est difficile de disposer d’une vue d’ensemble sur les contrôles fiscaux réalisés en matière de CIR, puisque les motifs de redressement ne sont pas recensés dans les bases de données des services de la DGFIP. Le rapporteur pour avis a néanmoins recueilli quelques éléments au cours de ses auditions. En premier lieu, l’on peut trouver des cas de fraude assez élémentaires, faciles à déceler, tels que des restaurants de sushis déclarant du CIR. Les services de contrôle ont également identifié des officines qui vendent de faux dossiers de CIR « clés en main », au sein de réseaux frauduleux. D’autres cas se trouvent en revanche aux limites de l’optimisation fiscale et relèvent davantage de l’abus de droit – qui peut être difficile à caractériser pour l’administration fiscale –, avec l’utilisation des mécanismes de la sous-traitance pour cumuler le bénéfice des avantages fiscaux, ou encore des dispositifs de contournement du plafond de dépenses de 100 millions d’euros déclenchant le taux réduit de 5 %, via la structuration par l’entreprise de ses filiales.

Il peut arriver que des dépenses déclarées au titre du CIR ne soient pas des dépenses de recherche, mais constituent des dépenses d’innovation, éligibles au CII. Dans ce cas, l’administration fiscale peut procéder à une requalification ‑ sachant que le taux du CII est plus bas que celui du CIR (20 % au lieu de 30 %) et que les dépenses éligibles sont plafonnées à 400 000 euros.

● Un comité consultatif du CIR a été institué en 2015 ([41]), afin d’améliorer les relations entre contribuables et administration fiscale au cours d’une procédure de contrôle portant sur le CIR. Le comité rend son avis dans un délai de quatre mois à l’administration fiscale, qui en informe alors l’entreprise ; cet avis n’est que consultatif et l’administration fiscale n’est pas tenue de le suivre.

Cette voie de recours supplémentaire ouverte aux entreprises n’est réellement effective que depuis 2017, année au cours de laquelle 55 dossiers ont été traités. Ce sont plutôt de petites entreprises qui saisissent le comité ; près de la moitié des dossiers relèvent du secteur informatique. Les personnes auditionnées ont relevé que l’examen de la qualification de R&D lors des séances du comité n’était pas aisé, compte tenu du temps disponible et des conditions d’examen – le comité était en revanche bien adapté pour examiner les recours concernant l’assiette du CIR –, et que l’on observait un début d’engorgement du comité, avec des saisines dilatoires de certaines entreprises, puisque cette saisine suspend la mise en recouvrement. Une réflexion a été engagée en juin dernier au sein de l’administration pour faire évoluer le mode de fonctionnement de cette instance.

 


—  1  —

   TRAVAUX DE LA COMMISSION

I.   Audition de la ministre

La commission des Affaires culturelles et de l’Éducation procède, le mercredi 7 novembre 2018, à l’audition de Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, sur les crédits pour 2019 de la mission « Recherche et enseignement supérieur » ([42]).

M. le président Bruno Studer. Nous allons examiner pour avis, les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour laquelle j’ai le plaisir d’accueillir la ministre, Mme Frédérique Vidal.

Je salue la présence de nos collègues Amélie de Montchalin et Fabrice Le Vigoureux, rapporteurs spéciaux de la commission des finances, à qui je donnerai la parole après Mme la ministre et nos deux rapporteurs pour avis, Philippe Berta, pour l’enseignement supérieur et la vie étudiante, et Pierre Henriet, pour la recherche.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. La France est une grande nation en matière de recherche comme en matière d’enseignement supérieur. Tenir notre rang dans la compétition internationale, jouer un rôle déterminant dans l’élucidation des grandes questions scientifiques, favoriser l’innovation, mieux former et mieux diplômer nos étudiants sont les éléments fondamentaux de mon engagement en tant que ministre.

Le budget 2019 de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES) est la traduction immédiate de cette ambition.

Hors remboursement des intérêts de la dette, la MIRES est l’un des trois postes de dépenses et d’investissements les plus importants du budget général avec les missions « Défense » et « Enseignement scolaire ». Composée de neuf programmes, la MIRES s’inscrit, par sa structure même, dans un périmètre interministériel dont le ministère de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, que je représente, est le principal maître d’œuvre.

La MIRES finance ainsi plus de la moitié des opérateurs de l’État. Ces opérateurs, ce sont bien évidemment les 73 universités et les centaines d’écoles qui structurent et animent notre territoire national dans l’Hexagone comme dans les territoires ultra-marins. Il y a également nos organismes de recherche qui comptent parmi les plus importants du continent européen et sont des acteurs incontournables de la recherche à l’échelle mondiale. Je songe bien évidemment au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA), à l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (IFREMER), ou encore à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM).

La MIRES est une mission fondamentalement tournée vers la préparation de notre avenir commun. C’est le cas aussi bien au travers du financement de l’enseignement supérieur que de la recherche et de l’innovation. Il s’agit d’une priorité stratégique du Gouvernement. C’est pourquoi le budget que j’ai l’honneur de vous présenter a vu ses crédits augmenter de 5,3 % en deux ans, soit 1,3 milliard d’euros, dans un contexte financier que chacun connaît.

En 2019, le budget du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation (MESRI) atteindra, si le Parlement l’y autorise, près de 25,1 milliards d’euros, soit une progression de 549 millions d’euros par rapport au budget 2018, qui avait reçu les suffrages du Sénat le 7 décembre dernier. Sur le périmètre de l’ensemble de la mission, la hausse est également significative et s’établit à 500 millions d’euros au total.

Chaque programme piloté directement par mon ministère bénéficiera ainsi en 2019 de l’effort collectif consenti par la Nation en vue de la préparation de notre avenir. Le programme 150, dédié à l’enseignement supérieur, sera crédité de 13,6 milliards d’euros, soit une hausse de 166 millions d’euros. Le programme 231, consacré à la vie étudiante, notamment au paiement des aides directes ou indirectes à destination des étudiants qui en ont le plus besoin, disposera de 2,7 milliards d’euros, soit un montant en hausse de 7 millions d’euros. Il faut aussi mentionner l’effet positif de la suppression de la cotisation de 217 euros au régime de sécurité sociale des étudiants et le financement de la vie étudiante via la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC).

La recherche est tout aussi prioritaire. Le programme 172 disposera d’une hausse de 171 millions d’euros pour s’établir à 6,9 milliards d’euros. De même, en matière spatiale, le programme 193 sera doté de 1,8 milliard d’euros, disposant ainsi de 205 millions d’euros supplémentaires.

L’objectif affiché dans la loi de programmation des finances publiques d’une MIRES dépassant les 28 milliards d’euros à l’horizon 2020 est pour l’heure respecté. À côté de cela, il convient de prendre en considération le financement du programme d’investissements d’avenir (PIA), mais également les investissements conséquents des collectivités territoriales et des entreprises en faveur de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. On n’a jamais autant investi pour notre avenir qu’en ce moment. C’est une vérité qu’il est nécessaire de rappeler.

Derrière les chiffres et ces masses financières considérables, il y a des enjeux et des chantiers qui occuperont mon ministère dans les prochains mois.

En matière d’enseignement supérieur, l’année 2019 sera celle de la montée en puissance du plan « Étudiants ». Un peu plus de 123 millions d’euros seront consacrés, au sein du programme 150, au financement des parcours personnalisés de réussite et aux mesures indemnitaires permettant de soutenir et de valoriser l’engagement de tous les personnels dans la mise en œuvre de la nouvelle procédure nationale de préinscription comme dans l’innovation pédagogique.

À cet égard, le PIA continuera à soutenir la rénovation des cursus universitaires par le déploiement du nouvel appel à projets dédié aux nouveaux cursus à l’université (NCU). Ce dispositif, conjugué aux dispositions de la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, sera amplifié par la mise en œuvre du nouvel arrêté de licence publié en juillet dernier. Il s’agit de rénover tant le format que le contenu des enseignements de premier cycle afin de permettre à chaque étudiant de construire son parcours avec des passerelles et des spécialisations progressives.

La réforme des études de santé, à travers la suppression du numerus clausus dès 2020, s’inscrira bien évidemment dans cette démarche. Il s’agira, à travers la disparition de la première année commune aux études de santé (PACES) dans son format actuel, d’ouvrir la voie des études médicales et paramédicales à des profils d’étudiants plus diversifiés, tout en garantissant l’exigence des formations. Une concertation est en cours. Nous travaillons à ce chantier avec Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, en vue de proposer au Parlement un train de mesures législatives à l’horizon du premier semestre 2019.

L’année 2019 permettra également d’aller plus loin dans l’autonomie des universités. Avant la fin de cette année, nous publierons l’ordonnance relative aux regroupements expérimentaux, en application de la loi du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance afin de replacer nos universités au cœur de politiques de sites fortes, articulées autour des spécificités territoriales, et de leur donner la visibilité internationale qu’elles méritent. Avec cette ordonnance, chaque université qui le souhaitera pourra développer son projet et sa signature personnelle, au-delà de sa mission de service public réaffirmée.

J’expérimente aussi depuis la rentrée un dialogue stratégique de gestion avec neuf universités, afin de d’échanger directement avec elles sur leurs projets, leurs besoins et leurs visions. Ce dialogue a vocation à être élargi à l’ensemble des universités dans les meilleurs délais. Je crois fondamentalement que c’est dans l’échange direct entre le ministre et les chefs d’établissement que nous élaborerons des projets universitaires répondant aux enjeux propres à la vie de chaque établissement. L’enjeu de leur signature, c’est de leur permettre de rayonner dans leur environnement local mais aussi international.

L’enjeu territorial que représente l’offre de formation est également essentiel. C’est pourquoi nous avons aussi travaillé, pour l’année 2019, à l’expérimentation de déploiements d’offres de formation de proximité avec quatre régions : Île-de-France, Occitanie, Bretagne et Grand-Est.

Le patrimoine immobilier est également un outil incontournable pour ancrer les universités dans leur territoire. Nous avons élargi l’an dernier le principe de spécialité à l’occasion de la loi de finances pour 2018. Nous irons plus loin cette année avec une deuxième vague de dévolutions, en cours de finalisation pour les universités de Bordeaux, Marseille, Caen et Tours, et, en 2019, avec une vague continue de dévolutions afin de permettre à chaque établissement de saisir les opportunités liées à la valorisation de son patrimoine d’ici à la fin de l’année 2022.

L’année 2019 sera également déterminante en matière de vie étudiante.

Pour la première fois, nous avons réduit, de façon significative, le coût de la rentrée universitaire par la suppression de la cotisation de 217 euros au régime de la sécurité sociale des étudiants et par la mise en place du paiement à date des bourses.

Pour la première fois cette année, les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) ont collecté la contribution de vie étudiante et de campus (CVEC), qui permettra aux établissements d’enseignement supérieur de proposer aux étudiants de nouvelles prestations autour de la santé, du bien-être, mais aussi des prestations sportives et culturelles, tout en leur assurant un meilleur accueil. À cette date, le produit consolidé de la collecte 2018-2019 n’est pas connu mais je tiens à vous rassurer – cela a d’ailleurs été dit à plusieurs reprises : ce qui a été versé pour la vie étudiante financera la vie étudiante. Le plafond prévisionnel pour la rentrée 2019-2020 a été fixé, en loi de finances, à 95 millions d’euros, sur le fondement des prévisions réalisées au printemps dernier. Le produit de la CVEC ira bien à la vie étudiante. C’est pourquoi ce plafond sera révisé l’année prochaine selon le montant qui sera effectivement perçu par les écoles et les universités.

Financer la recherche et donner à nos chercheurs les moyens de leurs ambitions scientifiques est un axe prioritaire de ce budget 2019.

Le budget de la recherche augmentera de 2,5 % cette année, soit une hausse de près de 8 % en deux ans. Cet effort souligne le caractère stratégique de la recherche pour notre pays, qui demeure aujourd’hui encore une grande nation scientifique. La récente attribution du prix Nobel de physique à Gérard Mourou nous le rappelle, tout comme la réussite du centième lancement du programme Ariane 5.

Toutefois, nous faisons face à une concurrence intense liée aussi bien aux performances des États-Unis, du Royaume-Uni ou de l’Allemagne qu’à l’arrivée de nouveaux acteurs internationaux de la recherche – je songe bien évidemment à l’Inde et à la Chine.

Afin de faire face à ces défis internationaux, mes priorités en matière de recherche sont simples : continuer à soutenir la recherche fondamentale ; mobiliser les forces scientifiques pour répondre aux grands défis sociétaux et renforcer les partenariats entre universités et organismes de recherche.

Pour mettre en œuvre ces principes, nous renforcerons les écosystèmes territoriaux organisés autour des universités développant leur signature en matière de recherche et d’innovation, en impliquant les organismes par le biais des unités mixtes de recherche.

Il est aussi indispensable de renforcer les missions nationales des organismes de recherche en leur confiant des programmes prioritaires de recherche, à l’instar du programme pour l’intelligence artificielle, piloté par l’Institut national de recherche en informatique et automatique (Inria), et de celui pour le climat, piloté par le CNRS. Cela se fera en encourageant l’excellence scientifique de demain. C’est pourquoi 300 nouveaux doctorants seront recrutés par le CNRS d’ici à 2020, afin de renforcer les laboratoires de recherche conjoints entre le CNRS et les universités.

Dans cette compétition mondiale qui tend plus que jamais à faire de la recherche un enjeu de souveraineté, j’ai la conviction qu’il ne faut pas opposer le financement sur projet au financement dit « de base ». Il faut faire les deux, et il faut le faire au bon niveau.

C’est pourquoi, afin de faciliter le travail des chercheurs au quotidien, j’ai décidé de reconduire en 2019 le financement direct « de base » aux laboratoires à hauteur de 25 millions d’euros. La rémunération des personnels des organismes bénéficiera également d’une revalorisation de 28 millions d’euros dans le cadre du protocole « parcours professionnels, carrières et rémunérations » (PPCR).

S’agissant du financement sur projet, le budget de l’Agence nationale de la recherche (ANR) est augmenté de 33 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit 65 millions d’euros en deux ans. Cela correspond à un engagement ferme en termes de crédits de paiement : 86 millions d’euros en 2019, soit 220 millions d’euros supplémentaires en deux ans. C’est bien la preuve que cette dynamique se poursuit dans la durée.

Au-delà de l’ANR, le ministère soutient les initiatives vertueuses permettant d’associer le meilleur de l’initiative privée et de la recherche publique. C’est pourquoi nous poursuivrons aussi, en 2019, l’effort de 5 millions d’euros au profit des instituts Carnot, qui sont plus que jamais les leviers du rapprochement entre la recherche et l’industrie.

Après avoir régularisé la situation de la France auprès des organisations scientifiques internationales à hauteur de 300 millions d’euros en 2018, dont plus de 170 millions d’euros hors secteur spatial, mon ministère restera en 2019 pleinement engagé dans le financement des organisations scientifiques internationales comme des très grandes infrastructures de recherche (TGIR). Les crédits dédiés seront en 2019 en hausse de 23 millions d’euros. Ce sont des choix lourds, exigeants mais fondamentaux pour repousser la frontière de la connaissance.

Afin de relever le défi des grandes questions scientifiques et technologiques particulièrement structurantes pour notre avenir, telle que l’intelligence artificielle, près de 29 millions d’euros, issus de la MIRES et du PIA, financeront le volet « recherche » sur l’intelligence artificielle en 2019. Ces financements monteront en puissance année après année.

Vous le savez, notre pays et l’Europe ont construit au fil des années un secteur spatial parmi les plus avancés au monde. À la clé, des enjeux technologiques, industriels, scientifiques et de souveraineté qui profitent aujourd’hui de l’émulation issue de l’arrivée de nouveaux acteurs dans ce domaine, comme l’américain Space X. Afin de répondre à cette nouvelle donne, de finaliser le programme Ariane 6 tout en préparant l’avenir, un effort significatif sera consenti en 2019 en faveur du programme 193 dont le budget progressera de 13 % pour atteindre 1,8 milliard d’euros.

Enfin, notre recherche est indéfectiblement liée aux enjeux de santé. Afin de répondre aux enjeux sanitaires, cliniques et épidémiologiques des pathologies qui frappent nos concitoyens, le ministère déploiera en gestion 17 millions d’euros pour consolider le financement des plans santé qui sont principalement pilotés par l’INSERM.

Parce que la recherche n’est plus simplement la solution d’une équation financière mais avant toute chose une entreprise fondamentalement humaine, nous avons travaillé, depuis le printemps dernier, à consolider le statut des chercheurs afin de mieux valoriser leurs compétences sur le marché du travail et de resserrer leurs liens avec les entreprises et l’innovation. Dans cet esprit, nous avons obtenu, en mars dernier, l’inscription du doctorat au répertoire national des certifications professionnelles. Également dans cette logique, nous avons souhaité, avec Bruno Le Maire, ministre de l’économie et des finances, rénover le statut du chercheur-entrepreneur issu de la loi du 12 juillet 1999 sur l’innovation et la recherche, dite « loi Allègre », dans le cadre de l’article 41 du projet de loi relatif à la croissance et à la transformation des entreprises (PACTE).

Un dernier mot s’agissant du rayonnement international de la politique conduite par mon ministère. Sur ce sujet, vous le savez, l’Europe joue un rôle fondamental. C’est à la fois le lieu géographique naturel de la coopération scientifique et universitaire et celui dans lequel se dessinent l’université et la recherche de demain.

Imaginer l’université de demain à l’échelle de l’Europe, c’est répondre à la fois à des objectifs d’attractivité de nos universités dans la compétition mondiale et d’excellence scientifique. Pour y parvenir, nous devons projeter nos politiques et nos pratiques à l’échelle européenne, dans le cadre de la préparation du programme « Horizon Europe ». Premier programme mondial en matière de recherche, il revêt une importance particulière dans le contexte européen que nous connaissons tous. À l’heure actuelle, les acteurs français ne s’investissent pas suffisamment dans les programmes européens. J’ai engagé un chantier à ce sujet pour y remédier dans les prochains mois.

Imaginer l’université de demain à l’échelle de l’Europe, c’est aussi renforcer l’identité européenne de la jeunesse par une université inclusive en donnant à chaque jeune l’opportunité de construire son avenir, non seulement à l’échelle de son propre pays mais aussi à l’échelle du continent. À ce propos, je me félicite du lancement par la Commission européenne de l’appel à projets « Universités européennes ». C’était une volonté du Président de la République dans son discours de la Sorbonne du 26 septembre 2017, c’est également un jalon indispensable pour affirmer clairement que notre avenir commun n’est pas concevable en dehors de l’Europe. Cet appel à propositions de 30 millions d’euros pour six projets pilotes permettra de regrouper des établissements français et européens d’au moins trois pays, afin de bâtir les premiers projets pilotes d’universités européennes sous forme de réseaux fondés sur un très fort niveau d’intégration en matière de cursus, de diplômes, de recherche, d’innovation, mais aussi d’échanges humains. Tous les établissements français sont invités à faire acte de candidature. Nous verrons les premières universités européennes émerger à la rentrée 2019. La France apportera son soutien à la constitution de ces projets à hauteur d’au moins 100 millions d’euros sur dix ans.

Un dernier mot s’agissant de la fin de gestion de l’exécution du budget 2018.

Le projet de loi de finances rectificative (PLFR) présenté ce matin en conseil des ministres procède, comme chaque année, à des ajustements, dans une logique de bonne gestion publique et de maîtrise du déficit. Cette année, nous avons décidé de ne pas procéder par décrets d’avance. Dans ce cadre, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation voit ses crédits disponibles augmenter de 110,8 millions d’euros, au profit de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la vie étudiante. Ce schéma permettra au ministère de financer l’ensemble des dépenses prévues pour la fin 2018. Le reste des crédits mis en réserve, qui représentent un total d’un peu plus de 200 millions d’euros, sera annulé en toute fin d’année.

Tels sont, en quelques mots, les axes prioritaires qui seront poursuivis avec ce budget pour 2019 aujourd’hui soumis à votre examen. Je me tiens bien entendu à votre disposition pour répondre à l’ensemble de vos questions.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis des crédits de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante. Le budget de l’enseignement supérieur s’inscrit cette année dans la trajectoire dessinée par la loi de finances pour 2018. Les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante » connaissent une hausse de 0,6 % en autorisations d’engagement et de 1,07 % en crédits de paiement, soit environ 100 et 170 millions d’euros respectivement, dans un contexte budgétaire contraint. Cette hausse vise notamment à financer le plan licence, plan fondamental pour améliorer l’orientation et la réussite des étudiants en premier cycle, à créer une nouvelle bourse devant faciliter la mobilité des étudiants en première année d’études supérieures et à revaloriser les carrières des agents.

Au-delà de l’examen des crédits consacrés à l’enseignement supérieur dans ce projet de loi de finances, j’ai souhaité m’intéresser cette année aux carrières des enseignants-chercheurs, en recherchant les moyens de mieux valoriser leur accomplissement sur tout le spectre de leurs missions et de leur assurer un accompagnement professionnel plus personnalisé.

Les corps d’enseignants-chercheurs assument en effet des missions extrêmement vastes. Outre les tâches relatives à la pédagogie, à l’accompagnement des étudiants et à la recherche, il leur incombe d’assumer des responsabilités administratives et collectives au sein de leurs établissements, de développer la dimension internationale de ces derniers, de contribuer à la diffusion des savoirs auprès du grand public et de valoriser les résultats de la recherche. La loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants a élargi ces missions en prévoyant une aide à l’orientation des futurs étudiants et la mise en place de dispositifs d’accompagnement pédagogique.

C’est pourtant la qualité de la recherche qui est prise en compte, de manière presque exclusive, pour déterminer la progression des carrières. Elle demeure, en effet, le premier critère d’évaluation et de sélection des enseignants-chercheurs lors de leur recrutement et de leur promotion, ou lors de l’attribution de la prime d’encadrement doctoral et de recherche. Ce constat s’applique aux promotions dites nationales, sur proposition du Conseil national des universités (CNU), comme aux promotions locales, sur proposition des établissements. Ses effets sont aggravés par la course à la publication qui affecte les milieux de la recherche et par la concurrence internationale entre les établissements, qui sont bien souvent évalués sur ce critère.

Cette survalorisation de la recherche se double d’un accompagnement professionnel insuffisant. Il n’existe pas, aujourd’hui, de processus satisfaisant de reconnaissance et d’accompagnement de l’enseignant-chercheur dans sa réalisation professionnelle. Les enseignants-chercheurs ne sont évalués que sur leurs activités de recherche, et ce sur une base uniquement volontaire ; l’évaluation n’intervient qu’à l’occasion d’une demande de promotion, d’avancement, de mutation, de prime ou de congé de conversion. Il en résulte des évaluations conduites dans une logique de contrôle, ce qui est contradictoire avec le principe de l’indépendance des enseignants-chercheurs.

Les activités autres que la recherche ne font l’objet que de peu, voire d’aucun suivi. En l’absence de démarche volontaire, aucun rendez-vous régulier ne rythme la carrière de l’enseignant-chercheur pour ouvrir une réflexion commune sur ses missions et proposer une offre de formation pertinente.

Cette carence de l’accompagnement génère des difficultés pour la mobilité des enseignants-chercheurs et des inégalités dans le déroulement des carrières. Je rappellerai que la mobilité des enseignants-chercheurs est très faible, qu’il s’agisse de mobilité hiérarchique, géographique ou fonctionnelle. Passé 35 ans, les mutations d’enseignants-chercheurs concernent moins de 1 % d’entre eux, alors qu’un tiers seulement des demandes sont satisfaites, et à peine 3 % sont placés en position de détachement ou en délégation. En matière de mobilité hiérarchique, on constate une forte autocensure des enseignants-chercheurs, qui se montrent timorés lorsqu’il s’agit de progresser dans leur carrière.

Par ailleurs, des inégalités dans le déroulement de carrière existent entre les enseignants-chercheurs titulaires dans de petits établissements, dont l’activité en recherche est souvent plus modeste, et ceux affectés dans de grands établissements, dans un environnement scientifique prestigieux. Cette inégalité dans la possibilité de mener des activités de recherche est renforcée par les procédures de promotion, puisque les enseignants-chercheurs des plus petits établissements ne peuvent être promus que par la voie nationale, la voie locale leur étant fermée. La faiblesse de l’accompagnement professionnel est ainsi facteur d’immobilisme, mais aussi d’injustices.

Certes, un suivi de carrière a été mis en place en 2014 pour remédier à certaines de ces difficultés. Ce dispositif, destiné à améliorer l’accompagnement professionnel des enseignants-chercheurs, prévoit que chacun d’entre eux établit, au moins une fois tous les cinq ans, un rapport mentionnant ses activités. Ce rapport est remis au président de l’établissement, qui le transmet au CNU, en même temps qu’un avis sur les activités pédagogiques et les tâches d’intérêt général accomplies par l’enseignant.

Ce suivi de carrière a d’abord été refusé par la plupart des sections du CNU. Seules 6 sections sur les 57 que compte le CNU ont effectivement examiné les dossiers déposés en 2015. Mais l’acceptation progresse : en 2016, 9 sections y avaient pris part, puis 33 en 2017, soit la majorité. Sur les 2 000 dossiers déposés en 2017, 22 % ont suscité de la part du CNU des suggestions d’actions à mettre en œuvre par l’établissement. Ces suggestions ont pour beaucoup porté sur un allègement des tâches d’enseignement pour certains enseignants-chercheurs ou sur une modification des conditions de l’activité de recherche.

De mieux en mieux accepté, le suivi de carrière permet d’introduire un regard extérieur régulier sur les carrières. Mais il ne répond que très imparfaitement à la nécessité de mieux accompagner l’épanouissement professionnel des enseignants-chercheurs et de mettre en place des mécanismes de promotion correspondant à la réalité du métier.

L’évaluation doit répondre à des critères de transparence, de justesse et d’équité, être porteuse de sens et s’inscrire dans un environnement plus large d’épanouissement professionnel pour emporter l’adhésion. Elle doit permettre la reconnaissance et l’accompagnement des professionnels dans l’ensemble de leurs missions. Dans le cas des enseignants-chercheurs, une attention particulière doit être portée à la spécificité de leur identité professionnelle. Seule une évaluation formative, respectueuse de leurs qualifications et de leur autonomie peut être pertinente. Elle doit également respecter leur indépendance, reconnue par le Conseil constitutionnel comme découlant de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen. L’auto-évaluation doit donc être privilégiée.

Madame la ministre, vous avez annoncé, le 29 mars dernier, une concertation sur la reconnaissance de l’investissement pédagogique des enseignants-chercheurs. Je souhaite que les propositions que je vais formuler, inspirées de pratiques davantage utilisées chez nos voisins européens, puissent contribuer à la dynamique que vous avez lancée.

Pour mieux valoriser les agents investis dans le domaine pédagogique, une pratique vertueuse consiste en la rédaction de dossiers d’enseignement, récapitulant les enseignements créés et dispensés au cours d’une période donnée, et détaillant leur public, les méthodes d’enseignement et les modes d’évaluation employés. Ces dossiers permettent à l’enseignant de mettre en valeur les compétences pédagogiques qu’il a développées et de porter un regard réflexif sur ses pratiques. Pour que cette pratique se diffuse, il serait utile que le ministère fournisse un canevas de dossier d’enseignement aux établissements, à titre indicatif, afin d’ouvrir la réflexion sur les pratiques pédagogiques.

L’évaluation des enseignements par les étudiants constitue un deuxième levier, à condition qu’elle soit utilisée de manière volontaire par les enseignantschercheurs et que ses résultats demeurent réservés à l’enseignant concerné. Ici encore, le ministère pourrait élaborer une plateforme type que les établissements et les enseignants pourraient ensuite adapter à leurs besoins. Le développement de mécanismes d’auto-évaluation, pour revêtir une réelle efficacité, devrait s’accompagner d’un renforcement de l’accompagnement des enseignantschercheurs au sein de leur établissement et de la mise en place d’outils dédiés à leur développement professionnel. Il convient, en effet, que les autoévaluations conduites débouchent sur des actions d’amélioration lorsque le besoin s’en fait ressentir.

Ainsi, des points d’étape périodiques et confidentiels avec les services des ressources humaines des établissements pourraient être mis en place tous les deux ans et demi, exception faite des années où le suivi de carrière a lieu. Ces moments d’échange permettraient la formulation de conseils personnalisés et la proposition d’outils et de formations appropriés aux besoins de l’enseignant-chercheur.

Concernant l’accompagnement en matière pédagogique, je tiens à saluer la mise en place de formations obligatoires pour les maîtres de conférences en année de stage. Je suggère que leur volume soit augmenté et qu’y soient incluses de nouvelles dimensions dans les champs de la connaissance du monde économique, de la psychologie, de l’éthique, du numérique et de la protection des données. Il faudrait également renforcer les services pédagogiques existant au sein de nos établissements, auxquels tous les enseignants-chercheurs devraient avoir accès. Pour les établissements qui n’en sont pas encore dotés, des centres de pédagogie communs à deux ou plusieurs universités pourraient être mis en place. Enfin, il serait utile de développer les pratiques d’observation par les pairs, qui permettent non seulement de recevoir un retour sur son enseignement, mais aussi de prendre conscience de la diversité des approches d’enseignement, ainsi que celle de tiers‑temps pendant lesquels les enseignants-chercheurs pourraient échanger sur leurs choix et leurs difficultés d’enseignement.

Outre l’accompagnement professionnel dont il permettrait de faire bénéficier les enseignants-chercheurs, un suivi de carrière plus régulier et plus complet devrait aboutir à un système plus juste d’attribution des promotions, des congés et des primes.

Les entretiens de suivi avec les services des ressources humaines, ainsi que la documentation par les enseignants-chercheurs de leurs activités sur tout le spectre de leurs missions, permettraient de lever l’autocensure de nombreux agents qui hésitent à solliciter une promotion. Ils permettraient également de mieux reconnaître les enseignants-chercheurs exerçant dans des établissements où l’activité de recherche est moindre, et d’octroyer des modulations de services correspondant mieux à la situation professionnelle réelle des intéressés.

Sur ce sujet, je me félicite de l’annonce que vous avez faite, madame la ministre, concernant l’élargissement des congés pour recherche et conversion thématique. J’estime que leur durée, aujourd’hui fixée à six ou douze mois, devrait être modulée de manière plus précise en fonction de leurs objectifs. Les congés consacrés à la valorisation de la recherche constituent, à mon sens, une priorité.

Je souhaite également rappeler que les établissements constituent l’échelon le plus pertinent pour appréhender toutes les dimensions de l’activité des enseignants-chercheurs qui ne relèvent pas de la recherche. Une plus grande confiance devrait donc leur être témoignée sur ce sujet.

Enfin, pour remédier aux inégalités de carrière, il serait souhaitable d’attribuer au CNU un quota de promotions réservé aux promotions dans les petits établissements.

J’en viens à présent à mes questions. La première porte sur les établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG), qui bénéficient de subventions à hauteur de 72 millions d’euros dans le programme 150. Madame la ministre, pourriez-vous nous indiquer les critères qui président à la reconnaissance de la qualité d’EESPIG et les objectifs de ces subventions ?

Par ailleurs, je m’interroge sur la réduction de l’aide au mérite destinée aux étudiants bénéficiant d’une bourse sur critères sociaux et ayant obtenu une mention « très bien » au baccalauréat. Cette baisse s’explique en partie par la réduction de moitié de cette aide décidée par un arrêté du 11 mai 2015 mais, comme l’indique le projet annuel de performance, elle résulte aussi d’une diminution du nombre de bourses octroyées. Au vu de l’importance sociale et symbolique de ce dispositif, pourquoi réduire le nombre de ces bourses ?

Ma dernière question porte sur la concertation au sujet de la reconnaissance de l’investissement pédagogique des enseignants-chercheurs, que vous avez annoncée le 29 mars dernier. Pourriez-vous nous indiquer l’état d’avancement et le calendrier de cette concertation ?

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis des crédits de la recherche. La préparation de l’avenir constitue l’une des priorités affichées dans le présent projet de loi de finances, notamment par le soutien apporté à la recherche et à l’innovation, et plus particulièrement aux innovations de rupture. Cette priorité trouve une traduction concrète dans les crédits budgétaires alloués à la recherche au sein de la mission que nous examinons aujourd’hui. Dans le prolongement de l’évolution engagée dans la loi de finances pour 2018, ces crédits augmentent de 2,2 %, en étant portés de 14,83 à 15,16 milliards d’euros, soit une hausse de plus de 330 millions d’euros. Dans le contexte budgétaire actuel, il s’agit d’un véritable effort, que je tiens à souligner.

Les moyens dévolus à l’Agence nationale de la recherche (ANR) sont nettement revalorisés, dans la lignée de l’augmentation déjà réalisée en 2018, ce qui permettra de poursuivre le redressement du taux de sélection des projets de recherche. Autre point important, la contribution à l’Agence spatiale européenne (ESA) est augmentée de 210 millions d’euros pour poursuivre l’apurement de la dette de la France à son égard.

Je voudrais souligner la nécessité de maintenir cet effort budgétaire en faveur de la recherche dans la durée, car nous sommes encore nettement en deçà de l’objectif que l’Europe s’était fixé en 2000 et a réaffirmé en 2013, c’est-à-dire consacrer 3 % du produit intérieur brut (PIB) aux dépenses de recherche, publiques et privées. En France, ces dépenses représentaient de l’ordre de 2,2 % du PIB en 2017. Leur part a connu un léger tassement depuis 2014.

J’évoquerai brièvement la valorisation de la recherche, qui constitue l’une des clés de la compétitivité des économies modernes. Dans un rapport de mars dernier, la Cour des comptes a dressé un bilan assez mitigé des nouveaux outils de valorisation mis en place à partir de 2010 dans le cadre du PIA, qu’il s’agisse des sociétés d’accélération du transfert de technologies (SATT), des instituts de recherche technologique (IRT), des instituts pour la transition énergétique (ITE) ou encore des consortiums de valorisation thématique (CVT). La Cour souligne notamment que la création de nouvelles structures, sans rationalisation de l’existant, a conduit à une forme de sédimentation des dispositifs et à des difficultés de gouvernance de l’« écosystème de la valorisation », qui est devenu très complexe. La Cour relève également que les premiers résultats de ces structures se sont révélés généralement en deçà des attentes. Elle a formulé plusieurs préconisations, notamment la mise en extinction des CVT et le resserrement des SATT et IRT, ainsi que le développement des conventions industrielles de formation par la recherche (CIFRE).

Le Gouvernement a pris plusieurs mesures en la matière depuis la publication de ce rapport, ce qui montre la grande attention qu’il porte à la valorisation de la recherche et à la diffusion de l’innovation. Certaines structures ont été mises en extinction, notamment plusieurs CVT et la SATT Grand Centre, avec parallèlement la conduite d’évaluations des différentes structures. Le projet de loi PACTE comporte aussi plusieurs dispositions pour favoriser le passage entre recherche et entreprenariat, et propose également une réforme du dispositif de mandataire unique. Le présent projet de loi de finances prévoit une hausse de l’ordre de 15 % des crédits alloués au dispositif CIFRE. 

Plus largement, le Gouvernement a engagé une politique ambitieuse en faveur de l’innovation, et plus particulièrement des innovations de rupture, avec la création du fonds pour l’innovation et la mise en place du plan « Deep Tech » confié à Bpifrance, en sus de l’installation d’un conseil interministériel de l’innovation.

J’en viens à la partie thématique de mon avis. J’ai choisi de m’intéresser au crédit d’impôt recherche (CIR), rattaché au programme 172, qui constitue la première dépense fiscale de notre budget – si l’on ne prend pas en compte le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE), lequel va s’éteindre, remplacé par un allègement de charges sociales.

Le CIR constitue un dispositif fiscal emblématique, par son coût, de l’ordre de 6 milliards d’euros, par sa relative stabilité dans le temps, caractéristique relativement rare en matière fiscale, et par la place qu’il occupe dans le soutien public aux dépenses de recherche-développement des entreprises. Il représente à lui seul les deux tiers de ce soutien, qui atteint au total 0,4 % du PIB. Au fil de sa montée en charge, notamment après sa réforme de 2008, il a remplacé pour partie les aides directes à la recherche des entreprises.

Le CIR constitue un élément clé de la compétitivité de l’environnement fiscal français pour les activités de recherche et d’innovation, comme l’ont souligné tous mes interlocuteurs. L’un des points forts du CIR est sa neutralité à l’égard des projets de recherche développés par les entreprises, à la différence des dispositifs de subvention directe. Le crédit d’impôt est égal à 30 % des dépenses de recherche engagées.

Par ailleurs, le CIR comporte un volet « innovation », intitulé crédit d’impôt innovation (CII), réservé aux PME, et dont le taux est ramené à 20 %.

Je me suis efforcé dans mon rapport d’apporter des données chiffrées sur les entreprises bénéficiaires du CIR et du CII, sur leur taille et leur secteur d’activité. Je me bornerai à indiquer ici que les PME bénéficient d’un tiers de la créance fiscale, un autre tiers étant absorbé par les entreprises entre 250 et 5 000 salariés. Les très grandes entreprises, au‑delà de 5 000 salariés, représentent le dernier tiers.

L’un des enjeux centraux du CIR est bien sûr l’évaluation de son impact. Un grand nombre de travaux et de rapports ont été conduits, mais ils concluent généralement à la difficulté à évaluer précisément l’efficacité du CIR, notamment pour des raisons méthodologiques, avec la nécessité d’identifier ex post des dépenses de recherche qui n’auraient pas été réalisées sans le CIR et d’établir un scénario contrefactuel.  Un consensus se fait jour néanmoins sur un effet d’additionnalité du CIR. Pour chaque euro de CIR versé aux entreprises, on observe une augmentation de leur effort de recherche-développement d’un euro en moyenne. En revanche, l’on n’observe pas d’effet de levier ou d’effet multiplicateur sur les dépenses de recherche-développement privées. Plusieurs études sont en cours de finalisation sur le CIR et la mesure de son impact, notamment au sein de France Stratégie. Nous devrons être attentifs à leurs conclusions.

Le deuxième enjeu est la mesure des effets du CIR sur l’emploi des chercheurs et des jeunes docteurs. Là encore, il n’existe pas d’éléments statistiques précis sur le nombre d’emplois de chercheurs soutenus par le CIR. L’on observe simplement que le nombre de chercheurs en entreprise a crû de façon continue depuis 2008, pour atteindre 226 000 en 2015. Un nombre croissant d’entreprises recourt également au dispositif « jeunes docteurs », qui consiste à doubler le salaire pris en compte pour le calcul du CIR lors de l’embauche d’un jeune docteur, pendant les deux premières années. Je rejoins donc la préoccupation de ma collègue Amélie de Montchalin de mieux mesurer l’effet du CIR sur l’emploi des chercheurs, en demandant aux entreprises qui bénéficient du CIR, au-delà d’un certain montant, de donner des indications sur leur politique d’embauche à l’égard des chercheurs et docteurs. Un amendement a été déposé à cet effet en seconde partie du projet de loi de finances, sur les articles non rattachés.

Enfin, j’ai souhaité m’intéresser à l’appropriation de l’outil du CIR par les entreprises, notamment les PME. Plusieurs des personnes que j’ai auditionnées ont souligné que les PME s’étaient « décomplexées » en matière de CIR et de CII et qu’elles manifestaient une réelle appétence pour ces outils fiscaux. Néanmoins, il m’a également été indiqué que les petites entreprises pouvaient rencontrer des difficultés pour apprécier l’éligibilité de leurs dépenses au CIR, car elles ne disposent pas forcément de l’expertise juridique nécessaire, à la différence des grandes entreprises, notamment pour faire la distinction entre dépenses de recherche et dépenses d’innovation. Cela peut conduire à des réticences de la part des PME, de peur de connaître un contrôle fiscal et de devoir rembourser le crédit d’impôt, éventuellement plusieurs années après l’avoir perçu. À noter que le montant des redressements au titre du CIR est relativement limité au regard de la dépense fiscale, oscillant entre 200 et 270 millions d’euros par an au cours des dernières années.

Il est pourtant essentiel que les PME s’approprient le CIR et le CII, alors même que ces entreprises sont les plus à même de développer et de faire vivre des innovations de rupture, essentielles pour positionner notre économie sur des secteurs de haute technologie.

J’ai d’ailleurs constaté que, paradoxalement, les outils mis à la disposition des entreprises, notamment des PME, pour vérifier l’éligibilité de leur demande de CIR, sont très peu utilisés. Le nombre de rescrits demandé au titre du CIR est inférieur à 300 par an, ce qui est très peu, rapporté au nombre d’entreprises qui bénéficient du CIR et au nombre de rescrits demandés dans d’autres domaines.

À cet égard, on peut penser que les entreprises ne sont pas incitées à demander un rescrit par les cabinets de conseil, qui n’ont pas intérêt à voir leur marché s’assécher en cas de réponse négative de l’administration sur l’éligibilité d’un projet. Sur ce point, il a été indiqué à plusieurs reprises que certains cabinets de conseil pouvaient se montrer « pousse-au-crime » en incitant les entreprises, notamment les PME, à demander le bénéfice du CIR, alors même que les dépenses concernées n’y étaient pas éligibles. Un dispositif de référencement des cabinets de conseil a été mis en place en 2016, sous l’égide du Médiateur des entreprises, à Bercy. Il serait utile que les délégations régionales à la recherche et à la technologie (DRRT) se voient confier une mission de signalement des cabinets de conseil défaillants auprès du Médiateur, pour qu’ils soient déréférencés le cas échéant.

Sur ce point, les moyens dévolus aux DRTT sont relativement restreints. Celles-ci jouent un rôle d’expertise en matière de CIR, avec l’élaboration de rescrits et l’appui apporté à l’administration fiscale dans le cadre de ses contrôles. Les DRRT coordonnent et animent également les politiques de recherche et d’innovation au plus près des territoires et des entreprises. Lors de l’examen des crédits, je vous proposerai un amendement visant à accroître leurs effectifs, aujourd’hui limités à une centaine d’emplois dans les dix-sept DRRT.

Mme Amélie de Montchalin, rapporteure spéciale de la commission des finances pour la recherche. Merci, madame la ministre, messieurs les rapporteurs pour avis, pour tous ces éléments descriptifs. Ayant peu à y ajouter, je formulerai une remarque et poserai cinq questions.

Je trouve extrêmement positif, madame la ministre, que vous ayez pu, en gestion, libérer 17 millions d’euros pour financer les plans santé de l’INSERM. C’est une demande récurrente que je soutenais dans mon rapport dès l’année dernière. Je me réjouis que les annonces sur les sujets transverses puissent être bien financées.

Ma première question concerne les dépenses fiscales. Notre collègue Pierre Henriet a évoqué longuement et très justement le CIR. Madame la ministre, comment considérez-vous les cinq autres dépenses fiscales rattachées à votre programme, dont le rendement est inférieur à 2 millions d’euros et dont le chiffrage comme le coût ne sont pas connus ? J’y vois un besoin de rationalisation et une possibilité d’action sur les articles non rattachés, en deuxième partie.

Ma deuxième question concerne l’ANR, qui voit ses crédits mis en réserve à hauteur de 8 %. C’est plus que la norme générale de 3 %, ce qui représente une différence de 50 millions d’euros, soit deux points de taux de sélection en plus, pour atteindre 16 %. Je déposerai mardi soir, en séance, un amendement en vue de comprendre cette pratique de mise en réserve passablement élevée s’agissant de crédits d’intervention qui ont vocation, quand ils sont votés par le Parlement, à être exécutés à 100 %, ce qui n’est donc pas le cas aujourd’hui.

Concernant les doctorants, je saluerai les 50 thèses supplémentaires financées par le dispositif CIFRE, portant à 1 450 le nombre de conventions signées dans l’année. Disposezvous des premiers éléments d’évaluation du devenir de ces doctorants ? À quelles suites a donné lieu l’amendement voté dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018, que j’espère élargi dans le cadre des prochains débats, relatif aux entreprises déclarant plus de 100 millions d’euros au titre du crédit impôt recherche, tenues, depuis l’année dernière, de fournir au ministère des précisions quant à leur politique de recrutement de chercheurs et docteurs ?

Mon quatrième point concerne le projet de système d’information SI Labo. Dans le cadre de la mission d’évaluation et de contrôle (MEC), Patrick Hetzel, Danièle Hérin et moi‑même avons souligné l’importance d’avancer fermement sur ce sujet, non parce que nous aimons particulièrement les grands projets, mais parce que nous savons qu’il est essentiel, notamment pour vos dialogues de gestion, d’avoir une vision consolidée, site par site, de l’intégralité des crédits qui financent l’activité. Je citerai Paris-Saclay et les universités, les écoles, l’École normale supérieure (ENS) et les autres participants.

Le cinquième point concerne le CEA et le programme 190. Madame la ministre, j’ai été très surprise dans mes auditions de constater le fonctionnement « en silo » de la politique de la recherche. Comment votre ministère supervise-t-il le programme 190, en lien avec le ministère de la transition écologique et solidaire ? Les impasses budgétaires pour le CEA s’élèveront, à moyen terme, à plus d’un milliard d’euros, compte tenu des évolutions prévues pour le réacteur Jules-Horowitz, le programme Advanced Sodium Technological Reactor for Industrial Demonstration (ASTRID), les programmes d’assainissement et de renouvellement-démantèlement des installations nucléaires existantes et le plan « Nanotechnologies ». Dans ces conditions, ce programme doit faire l’objet d’un suivi beaucoup plus serré.

Enfin, nous avons voté en commission des finances un amendement tendant à renforcer les moyens de l’Institut français du pétrole et des énergies nouvelles (IFPEN), dont le chiffre d’affaires s’élève à 1 milliard d’euros environ, après qu’il a réussi à passer de la recherche à la création d’entreprises. Cet institut réalise sur les énergies renouvelables un travail formidable et reconnu au niveau international. Il semble difficile de réduire ses crédits de 30 % en cinq ans et d’accepter leur baisse de 3,5 millions d’euros à nouveau proposée dans le projet de loi de finances pour 2019.

 

M. Bruno Le Vigoureux, rapporteur spécial de la commission des finances pour l’enseignement supérieur. Merci, monsieur le président, pour votre invitation, ainsi qu’aux deux rapporteurs pour avis pour leurs descriptions précises des programmes concernés par ce budget.

Celui-ci consacre l’application en année pleine d’une loi sur laquelle, mes chers collègues, vous avez beaucoup travaillé, la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, avec une augmentation des crédits de 173 millions d’euros pour les programmes 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » et 231 « Vie étudiante ». S’y ajoutent les crédits du Grand Plan d’investissement (GPI), qui prévoit sur le quinquennat 1,55 milliard d’euros de ressources, dont 20 % consacrés au programme 421 « Soutien des progrès de l’enseignement supérieur et de la recherche ». Parmi les actions emblématiques, on citera l’action « Nouveaux cursus à l’université » visant à favoriser une meilleure prise en compte de la diversité géographique, académique et sociale des étudiants qui arrivent en premier cycle de l’enseignement supérieur.

Contrairement aux étudiants, je ne vais pas formuler plusieurs vœux, mais vous poser plusieurs questions sur l’exercice budgétaire 2019 – quatre sur le programme 150 et deux sur le programme 231.

Concernant le programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », pourriez-vous nous rappeler, comme le demande notre collègue Philippe Berta, les mesures budgétaires inscrites dans le projet de loi de finances pour 2019 en vue de prendre en compte l’investissement particulier des enseignants et enseignants-chercheurs dans la conception, la mise en œuvre et le pilotage des parcours spécifiques, les fameux parcours « oui si », conditionnant l’accès à une filière, ou dans l’instruction et le traitement des dossiers de candidatures ?

Compte tenu des premiers enseignements des demandes formulées cette année, quel est votre point de vue sur la place des formations courtes professionnalisantes ? Les places en section de technicien supérieur (STS) continueront-elles à augmenter à un rythme supérieur au rythme de la démographie étudiante, en particulier en 2019 ? Comment voyez-vous l’avenir des instituts universitaires de technologie (IUT) ? Faut-il les encourager à proposer des diplômes en trois ans ? Quid, dans cette hypothèse, des licences professionnelles ?

Quels sont les impacts attendus de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, sur le développement de l’apprentissage dans l’enseignement supérieur et sur la place des universités dans l’offre nationale de formation continue ? Et quel est, par voie de conséquence, son impact sur les ressources propres des établissements, qui stagnent de manière préoccupante depuis cinq ans ?

Dans les auditions réalisées pour l’élaboration de mon rapport spécial, il a été question à de nombreuses reprises de la « jungle » des formations « bac + 3 », où cohabitent sous l’appellation « bachelor » des formations de haute qualité évaluées par le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (HCERES) et animées par des équipes professorales solides et des acteurs de la recherche, et des sous-produits commerciaux qui permettent à des acteurs privés de réaliser de belles marges, jouant sur la grande perplexité des familles. N’est-il pas temps, comme cela est le cas concernant les masters, de proposer le grade de licence pour les formations « bac + 3 » de qualité, afin d’éclairer le choix des familles et de permettre une meilleure reconnaissance internationale de ces formations ?

Concernant le volet « Vie étudiante », merci d’avoir précisé que chaque euro collecté au titre de la CVEC ira bien à la santé, aux campus et à la vie étudiante. Je souhaiterais vous interroger sur les moyens financiers déployés par l’État en vue d’améliorer l’accessibilité des établissements aux étudiants et personnels en situation de handicap, ainsi que sur les moyens fléchés sur l’ouverture étendue des bibliothèques universitaires, notamment le dimanche. Je connais votre attachement à ce dossier.

M. le président Bruno Studer. Je donne maintenant la parole à ceux de nos collègues qui souhaitent intervenir, en commençant par les représentants des groupes.

Mme Danièle Hérin. Le projet de loi de finances pour 2019 s’inscrit, s’agissant de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » (MIRES), dans la lignée de l’engagement du Président de la République et dans la trajectoire que vous avez décrite dès la loi de finances pour 2018, et ce dans un contexte budgétaire très contraint.

Les crédits de paiement de la MIRES s’élèvent à 28,17 milliards d’euros, en augmentation de 502 millions d’euros, soit 1,8 %.

Pour la partie « Enseignement supérieur », les objectifs étaient d’améliorer la réussite des étudiants, en particulier dans le premier cycle, d’améliorer les conditions de la vie étudiante, de renforcer l’autonomie des universités et de structurer les établissements d’enseignement supérieur et de recherche (ESR) sur le territoire.

Dans la loi de finances pour 2018, les crédits de paiement de l’enseignement supérieur ont été augmentés de 200 millions d’euros, en hausse de 1,38 %. Dans le projet de loi de finances pour 2019, ces moyens progressent de 170 millions d’euros en crédits de paiement, soit une hausse de 1,07 %, dédiée notamment au financement du plan licence visant à améliorer l’orientation et la réussite des étudiants en premier cycle, au financement d’une nouvelle bourse pour faciliter la mobilité des étudiants en première année d’études supérieures et à la revalorisation de la carrière des agents.

Au titre de l’amélioration de la vie étudiante, rappelons la baisse des droits d’inscription, la stabilisation du prix du ticket de restaurant universitaire, la suppression de la cotisation de sécurité sociale, la création de 60 000 nouveaux logements étudiants à l’horizon 2022 et l’amélioration de l’accueil en bibliothèque.

Pour le renforcement de l’autonomie des établissements, vous proposez l’expérimentation de nouvelles formes de regroupements et l’action du PIA pour les sociétés universitaires de recherche.

Pour la structuration des établissements d’ESR sur le territoire, vous proposez à titre expérimental un dialogue stratégique et de gestion annuel avec des engagements de chacun des établissements du regroupement de site.

Enfin, vous incitez nos universités à travailler avec des universités européennes et vous proposez des expérimentations de sites universitaires territoriaux, très attendus dans nos territoires.

Au budget de la MIRES, il convient d’ajouter les crédits de paiement de la mission « Investissements d’avenir », soit 212,5 millions d’euros, contre 142,5 millions d’euros pour 2018, dédiés à la création de nouveaux cursus à l’université, aux grandes universités de recherche, aux écoles universitaires de recherche, à l’expérimentation de sociétés universitaires et scientifiques et à l’innovation pédagogique.

Pour ce qui est de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante, le cap de la trajectoire est tenu.

Concernant la partie « Recherche », en vue de maintenir l’excellence de la recherche française et d’assurer la compétitivité de notre économie grâce à l’innovation de rupture, les objectifs étaient de soulager les chercheurs de tâches administratives dans le montage des réponses aux appels d’offres et de renforcer la présence de la France dans les projets européens, en particulier dans les tâches de coordination, par la professionnalisation du dispositif national d’accompagnement.

Pour l’innovation de rupture, l’objectif était de lever les freins à la valorisation. Dans le projet de loi PACTE, la réforme du dispositif de mandataire unique offre la possibilité de partager le temps du chercheur entre l’entreprise et le laboratoire. Dans le projet de loi de finances, le budget consacré au dispositif CIFRE est augmenté de 15 %. Le Fonds pour l’innovation, destiné aux innovations de rupture et à la création de start-up, a été lancé en janvier. Le Conseil de l’innovation a été créé en juillet 2018 pour encourager le développement d’innovations de rupture et piloter la simplification d’un système d’aides devenu trop complexe.

Les crédits pour la recherche s’élèvent à 15,16 milliards d’euros, soit une augmentation de 332 millions d’euros. Cette augmentation est affectée à l’ANR pour rehausser le taux de sélection, à des mesures salariales, au plan « Intelligence artificielle » et aux projets internationaux.

Dès lors, le groupe La République en Marche votera ce projet de budget 2019 de l’enseignement supérieur et la recherche.

M. Maxime Minot. Madame la ministre, vous avez annoncé que le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » représentait l’un des plus importants budgets de l’État, avec une augmentation de 549 millions d’euros, pour atteindre 25,1 milliards d’euros, soit une progression d’environ 2 % par rapport à l’année précédente. Il convient de nuancer cet enthousiasme. Contrairement à ce qu’affirme le Gouvernement, le budget de la mission n’augmente pas de 502 millions d’euros mais de 371 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 131 millions d’euros en crédits de paiement, intégrant le paiement d’engagements antérieurs.

Concernant l’enseignement supérieur, l’examen détaillé du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire » révèle que la différence entre les autorisations d’engagement et les crédits de paiement, de l’ordre de 78 millions d’euros, s’explique notamment par des mouvements au sein de l’action 14 « immobilier », en baisse de 44 millions d’euros pour les autorisations d’engagement et en hausse de 34 millions d’euros pour les crédits de paiement. La hausse annoncée de 173 millions d’euros est donc basée sur les crédits de paiement et gonflée artificiellement par des dépenses en immobilier décidées auparavant, sur lesquelles il serait intéressant que vous nous donniez des précisions.

Pour faire simple, la hausse du budget consacrée à l’enseignement supérieur n’est pas de 173 millions d’euros mais de 135 millions d’euros. Cette somme semble bien faible au regard des besoins. En effet, la Conférence des présidents d’université (CPU) a chiffré à 670 millions d’euros les moyens à accorder aux universités pour soutenir leurs efforts. Il manquerait donc 534 millions d’euros. Nous sommes bien loin du compte.

Enfin, à défaut d’une réelle réflexion sur le fonctionnement de l’université française, les budgets ne pourront être qu’insuffisants, compte tenu du manque d’adéquation entre l’offre et la demande de formation et de l’« évaporation » des étudiants entre septembre et janvier. Peut-être faudrait-il d’ailleurs calculer les dotations en janvier plutôt qu’en septembre pour avoir un état réaliste du nombre d’étudiants.

Même si l’on ne peut que louer la volonté du Gouvernement de mettre fin à l’absurde tirage au sort mis en place par son prédécesseur, force est de reconnaître que le bilan de Parcoursup reste pour le moins mitigé. On ne connaît pas encore le nombre d’étudiants qui ont vraiment obtenu une place conforme à leur choix.

Le programme « Vie étudiante » comporte différentes actions relatives aux conditions de vie des étudiants : aides directes, aides indirectes et aides diverses, en augmentation totale de 100 millions d’euros. Cependant, on ne peut que s’étonner que le budget relatif aux actions pour la santé, la culture et le sport soit identique à celui de l’an dernier.

Cela m’amène à poser trois questions.

Premièrement, il était prévu de placer la CVEC sous plafond lors de l’examen du projet de loi de finances. À la suite de l’intervention de mon groupe, le Gouvernement a procédé à un rétropédalage de dernière minute en annonçant que l’ensemble des recettes seraient bien reversées aux établissements « pour l’année 2018 ». Mais qu’en sera-t-il les années suivantes ?

Deuxièmement, le montant de la CVEC est pour l’instant estimé à 95 millions d’euros. Comment ce budget sera-t-il réparti dans les établissements et sur quels types de projets ?

Troisièmement, la prévention est affichée par le Gouvernement, notamment par le ministère de la santé, comme une priorité, objectif que l’on ne peut que louer. Or, ce budget ne semble pas mettre l’accent sur cette priorité. Qu’en est-il ?

En résumé, ce budget qui revêt une importance particulière pour l’avenir de notre pays présente, en dépit de quelques avancées, de nombreuses lacunes. Vous en avez sans doute conscience, madame la ministre. J’espère que ce débat permettra d’améliorer ce budget pour 2019 avant sa conclusion.

Mme Maud Petit. Le groupe du Mouvement Démocrate et apparentés salue la hausse du budget de la MIRES, qui gagne plus de 500 millions d’euros. Après la hausse déjà enregistrée l’année dernière, le budget pour 2019 conforte le ministère et acte la priorité donnée par le Gouvernement à l’enseignement supérieur. Nous saluons à ce titre la nouvelle plateforme Parcoursup qui, pour une première année de mise en œuvre, a donné satisfaction.

Pour les crédits de l’enseignement supérieur, l’année a été notamment marquée par la mise en œuvre de la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, votée l’an dernier par cette majorité.

S’agissant du programme 150 « Formations supérieures et recherche universitaire », plusieurs points méritent d’être soulignés. Les crédits de paiement sont en augmentation de 1,23 % par rapport à 2018. L’action 1 « Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence », connaît une hausse significative, de 3 %, pour soutenir les réformes apportées par la loi du 8 mars 2018, notamment l’accompagnement des étudiants « oui si » sur Parcoursup.

Par ailleurs, cette hausse tient compte de l’évolution de la démographie étudiante. Comme vous vous y étiez engagée, madame la ministre, 25 000 places ont été créées à la rentrée 2018 et au moins 7 000 le seront pour la rentrée 2019. Cette action, conjointement avec les dispositifs d’orientation, devrait permettre d’absorber sans difficulté la hausse de la population étudiante.

La rentrée 2018 voit aussi la mise en place de la licence « sur mesure » qui doit permettre une plus grande souplesse dans le parcours étudiant.

Nous saluons par ailleurs les hausses de crédits pour les niveaux master et doctorat.

Concernant le programme 231 « Vie étudiante », la mise en œuvre du plan « Étudiants » a des effets directs et incontestables qui vont dans le sens d’une amélioration des conditions de vie des étudiants. Le rattachement au régime général de la sécurité sociale permet une simplification des démarches pour les étudiants et entraîne, de fait, la suppression de la cotisation de sécurité sociale étudiante, d’un montant de 217 euros, ce qui n’est pas négligeable dans le budget d’un étudiant.

Nous regrettons cependant la diminution des bourses au mérite – 38 000 contre 42 000 en 2018 – alors même que le Président de la République insiste sur l’importance de la notion de mérite et de récompense du travail fourni. Il s’agit d’un symbole important, à ne pas négliger.

Une contribution dite « de vie étudiante et de campus », la CVEC, de 90 euros par an, est mise en place pour améliorer les infrastructures sportives et culturelles à destination des étudiants.

Le dispositif de cautionnement locatif gratuit VISALE est étendu aux étudiants âgés de 18 à 30 ans, pour un montant de 600 euros hors Île-de-France et de 800 euros en Île‑de‑France.

Gain de pouvoir d’achat, amélioration de la vie étudiante, meilleure prise en charge des dépenses de santé et des garanties locatives : les promesses sont tenues.

Dans l’enseignement supérieur, des mesures concrètes vont dans le sens d’une redéfinition du parcours étudiant.

La dimension internationale est mieux prise en compte.

S’agissant de la partie « Recherche », les différents programmes bénéficient de crédits confortés et en hausse. Le budget consacré à la recherche reste le cinquième des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), devant ceux du Royaume-Uni, de l’Espagne et de l’Italie. Toutefois, des efforts doivent encore être entrepris, alors que notre recherche et nos chercheurs sont reconnus dans le monde entier.

Le MODEM se félicite que de nombreux programmes puissent se construire au niveau européen, par exemple en matière de recherche spatiale – vous l’avez souligné tout à l’heure, madame la ministre – et souhaite que cette orientation s’amplifie.

Il est important par ailleurs que les résultats de notre recherche puissent être connus de tous, à commencer par nos concitoyens. Il faut pour cela soutenir fortement les actions de promotion de la culture scientifique et technique.

En conclusion, le MODEM salue et soutient ce budget ambitieux qui prolonge les efforts commencés en 2018.

Mme George Pau-Langevin. Ce budget s’établit à un niveau cohérent avec la trajectoire dessinée les années précédentes et apparaît donc en phase avec celui exigible pour un pays comme le nôtre, qui ambitionne de demeurer à un haut niveau de formation, de science et de culture.

Ce budget porte sur des masses très importantes. Cela se conçoit au regard du nombre élevé d’opérateurs de haute qualité qui en dépendent mais, à y regarder de plus près, compte tenu de l’inflation et du glissement vieillesse-technicité (GVT) applicable aux salaires, le budget stagne plutôt en termes réels.

S’agissant de la réforme de l’accès à l’université mise en place l’an dernier avec Parcoursup, nous demeurons dubitatifs, car nombre de candidats disent avoir été découragés. Pour certains, l’affectation a été très lente. Surtout, ils ont eu l’impression que le dispositif faisait la part belle à ceux considérés comme l’élite scolaire et sociale dominante, aux dépens de ceux moins bien lotis. En outre, nombre de professeurs disent s’être investis dans le tri des dossiers et avoir vu leur travail balayé.

Nous aimerions avoir une meilleure visibilité sur les nouveaux dispositifs d’accompagnement mis en place pour épauler les élèves les plus fragiles. Y a‑t‑il eu beaucoup plus d’initiatives que les années précédentes ? Les critères d’appréciation des professeurs et des chargés de travaux dirigés ont-ils été modifiés pour mieux récompenser ceux qui s’investissent dans l’accompagnement des étudiants ?

L’idée d’accorder plus d’importance à l’encadrement des étudiants nous convient, mais nous entendons relayer les inquiétudes des syndicats pour qui la précarité étudiante demeure, alors que le montant des bourses allouées reste trop faible. Ils demandent la généralisation de demi-tarifs étudiants dans les transports. Certains comprennent mal la hausse de la contribution pour la vie sportive et culturelle, qui ne correspond pas toujours aux services proposés.

S’agissant de la situation des étudiants, nous comprenons mal l’abandon de l’allocation d’aide à la recherche d’un premier emploi (ARPE), qui avait fait consensus en 2016. Nous estimons dommageable que des étudiants ayant réussi leurs études affrontent une période de carence et peinent ensuite à trouver un emploi. On dit qu’ils sont renvoyés vers la Garantie jeunes, mais celle-ci, prévue pour des jeunes en situation de précarité, n’a pas les prérequis nécessaires pour aider des étudiants. Pour en bénéficier, il faut être âgé de moins de 25 ans et être inscrit à la mission locale, autant d’éléments qui ne correspondent pas à la situation des étudiants.

Concernant la recherche, nous estimons que ce budget est important pour notre pays et que ses actions sont menées en bonne intelligence avec les instances européennes. Nous sommes conscients de l’importance du développement des technologies spatiales innovantes en vue de développer des applications au service de la science et de l’environnement. La qualité des lanceurs Ariane n’est plus à démontrer, non plus que celles des programmes développés par le Centre national d’études spatiales (CNES) et Arianespace à partir de la Guyane. Nous souhaiterions toutefois que les retombées pour la population locale, notamment avec le programme Ariane 6, soient beaucoup plus importantes en termes d’accès à l’emploi et de confort de vie. On ne peut pas avoir des enfants privés de collation à l’école à côté de fusées.

Enfin, comment entendez-vous mieux vulgariser les recherches scientifiques menées dans des domaines essentiels comme la sûreté nucléaire et l’impact nucléaire environnemental ?

Mme Béatrice Descamps. À la suite de l’augmentation significative des crédits affectés à l’enseignement supérieur dans la loi de finances pour 2018, il convient de relever l’engagement réaffirmé pour la mission cette année, dans un contexte budgétaire qui reste contraint. Le groupe UDI, Agir et Indépendants salue donc la hausse des crédits de la mission, portés à 25,1 milliards d’euros en 2019.

Toutefois, si les représentants du monde universitaire accueillent cette hausse globale de crédits avec soulagement, nous nous devons de relayer leurs inquiétudes face à l’explosion démographique. Dans le contexte de la mise en place de la réforme de l’entrée à l’université, ce budget pourrait se révéler toujours insuffisant. Cette réforme est par ailleurs accueillie favorablement, et les changements culturels sont en cours dans l’enseignement supérieur. La question est désormais celle des moyens financiers. Quelle réponse pouvez-vous apporter aux représentants du monde universitaire qui, je le rappelle, ont dû accueillir plus de 225 000 étudiants supplémentaires depuis 2012 ?

Je souhaiterais notamment vous interroger sur le programme 150 consacré à l’enseignement supérieur, qui met en œuvre la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, que nous avons examinée cette année. Cette réforme s’est traduite par une refonte du premier cycle universitaire et l’introduction d’attendus sur Parcoursup, par une procédure de validation comportant des réponses « oui si » et la création de parcours renforcés pour éviter l’échec des étudiants en premier cycle. Quels sont les retours provisoires de la mise en place de ces parcours aménagés ? Comment ce dispositif est-il appréhendé par les étudiants ?

Concernant le programme 231 « Vie étudiante », vous m’avez répondu par avance, madame la ministre, dans votre propos liminaire, et je vous en remercie. J’en viens donc au budget alloué à l’action « Santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives », qui reste identique à celui de 2018 et comprend notamment des mesures d’accompagnement des élèves en situation de handicap et de mise en accessibilité des établissements. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur la répartition des crédits de cette action ? Une évaluation de son application a-t-elle été réalisée ou envisagée ?

S’agissant la partie « Recherche » de cette mission, qui concerne sept programmes, les crédits dédiés augmentent de 2,24 % en crédits de paiement, pour être portés à 15,16 milliards d’euros. Il s’agit d’un effort budgétaire réel en faveur de la recherche et de l’innovation.

Il faudrait, cela dit, faire davantage pour accroître l’attractivité de nos centres de recherche, dans un contexte où les conditions d’accueil, notamment salariales, des chercheurs sont déterminantes. Le rapport de notre collègue Cédric Villani préconisait d’ailleurs de doubler les salaires des chercheurs en début de carrière. Pourriez-vous nous indiquer les mesures que vous comptez prendre pour mieux valoriser les carrières dans la recherche ?

Ensuite, l’article 78 du projet de loi de finances pour 2019 prévoit la transformation de l’aide à la recherche du premier emploi (ARPE) en bourse « mobilité ». Celle-ci concernera les élèves qui, n’ayant pas obtenu de place dans l’enseignement supérieur avec Parcoursup et ayant fait appel auprès de leur rectorat, accepteront la proposition d’étudier loin de leur domicile familial. Cette mesure est riche de sens et encourageante pour les élèves issus des territoires ruraux. Pouvez-vous nous apporter des prévisions sur ses conditions d’attribution ?

En conclusion, Madame la ministre, je vous remercie du travail que vous avez entrepris pour nos universités, nos étudiants et nos territoires.

Mme Muriel Ressiguier. Le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » augmente de 30 millions d’euros, soit 0,2 %, en tenant compte de l’inflation et de l’évolution démographique. Il convient de bien l’utiliser, car la recherche et l’université contribuent à conférer à la France son excellence et son rayonnement international.

Hélas, Parcoursup vient de remettre en cause la démocratisation de l’enseignement supérieur en aggravant les inégalités d’orientation. C’est bel et bien la fin de l’université émancipatrice et accessible à tous. Les enseignements sont professionnalisés, les universités perdent leur autonomie, la qualité des enseignements se dégrade et le parc universitaire se délabre. Le programme « Formations supérieures et recherche universitaire », dont le budget diminue de 63 millions d’euros, est un exemple symptomatique. Les indicateurs de performance du Gouvernement ne sont pas sensibles aux évolutions démographiques. De ce fait, ce programme voit son budget diminuer malgré une forte augmentation du nombre d’étudiants, ce qui va finalement impacter de 10 % le budget par étudiant. Un indicateur qualitatif montrant la dépense par étudiant serait judicieux car il permettrait de mesurer l’impact de la diminution des dépenses sur leur réussite effective.

Pour la recherche fondamentale, la philosophie est la même : privatisation, développement de l’entreprenariat et création de start-ups. Le Gouvernement déverrouille les portes entre la recherche et le privé, et orchestre la fuite des investissements publics vers les entreprises.

Le budget du programme « Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables », diminue de 36 millions d’euros. Cela semble contradictoire à l’heure de la transition écologique car c’est un appui scientifique propre à éclairer les décisions des pouvoirs publics dans des domaines caractérisés par des connaissances et des techniques sans cesse redéfinies. Les recherches menées grâce à ce programme sont à l’origine d’innovations majeures, qui sont de nature à apporter des solutions concrètes et essentielles aux questions environnementales.

Nous pensons qu’il faut cesser cette course à l’employabilité et comprimer l’hémorragie qui permet aux entreprises de bénéficier tous les ans de 6 millions d’euros d’argent public via le crédit d’impôt recherche, qui est bien souvent détourné.

Nous pensons qu’il faut envisager une refonte complète du système universitaire et de la recherche, en assurant la séparation privé-public, indispensable à la pérennité de la recherche française. Contrairement à vous, nous estimons que la recherche fondamentale, dont le but n’est pas la rentabilité à court terme, doit être confortée. Nous avons déposé une série d’amendements en ce sens car nous refusons votre logique du tout-privé et de la marchandisation du savoir.

Mme Marie-George Buffet. Madame la ministre, vous présentez un budget préservé, mais ce n’est pas de préservation que l’enseignement supérieur et la recherche ont besoin : c’est d’un véritable bond en avant, face au besoin d’accès du plus grand nombre aux connaissances, d’innovations, d’avancées scientifiques pour répondre aux défis humains et environnementaux de la planète, le budget consacré par étudiant ayant connu une baisse constante depuis dix ans.

Le maintien d’étudiants en situation de grande précarité se poursuit. Le nombre de places supplémentaires ouvertes chaque année à l’université est largement insuffisant, justifiant la mise en place de différents systèmes de sélection particulièrement injustes. Je serais d’ailleurs intéressée de connaître votre analyse sur la mise en œuvre des parcours aménagés qui avaient justifié la mise en place de ces systèmes de sélection. Je rappelle que la communauté de l’enseignement supérieur et de la recherche a évalué le besoin à près d’un milliard d’euros chaque année pour faire face à la démographie étudiante et aux besoins de la recherche.

Madame la ministre, le plafonnement à 95 millions d’euros de la contribution à la vie étudiante et de campus (CVEC) n’est pas justifiable. Les 90 euros payés par tous les étudiants doivent être mis à leur service et non détournés au profit de la réduction de la dette de l’État. Vous dites que chaque euro sera consacré à la vie des étudiants. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

L’université, ce sont aussi ces doctorantes et doctorants précaires. Comment améliorer la place consacrée à ces étudiants dans notre système universitaire et les conditions dans lesquelles ils exercent ? Nous avons proposé à maintes reprises la mise en place d’une allocation d’autonomie pour assurer à chaque étudiante et à chaque étudiant son parcours d’étude ou de recherche. Il faut avancer sur cette question car le système de bourses n’est pas efficace.

Concernant la recherche, je me réjouis que le débat sur la pertinence du crédit d’impôt recherche progresse, en commission des finances et ici. Ce crédit d’impôt coûte chaque année de plus en plus cher – 6,2 milliards d’euros en 2017 – sans que son effet, aussi bien de levier que sur les emplois de chercheurs et de chercheuses, soit clairement identifié. Nous avons besoin d’une véritable étude de l’efficacité du CIR, qui pèse sur le budget de l’État dont la recherche publique a besoin. On ne peut accepter que le CNRS soit amené cette année à baisser ses recrutements annuels de 300 à 250 chercheurs et chercheuses.

De plus, n’est-il pas nécessaire pour la qualité de la recherche de revoir profondément le fonctionnement de l’ANR ? Cette année encore, ses crédits augmentent de 33 millions d’euros. Le système d’appel à projets, avec un taux d’acceptation ne dépassant pas les 14 %, montre ses limites et ne doit pas être opposé à la recherche fondamentale. Les appels à projets systématiques empêchent la recherche libre et contraignent les chercheurs et chercheuses à toujours plus de tâches administratives, dans une course aux crédits.

M. Michel Castellani. Il est heureux que, dans les difficiles choix budgétaires actuels, le ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation ait été parmi les mieux préservés des coupes et des restrictions. On pourra certes discuter de la ventilation et de l’ampleur relative des lignes budgétaires, mais on retiendra aussi que ce budget augmente de 549 millions d’euros.

Ce budget couvre deux grands domaines, l’enseignement supérieur et l’innovation-recherche. Dans le premier domaine, les objectifs prioritaires doivent être l’augmentation, indispensable, du niveau de qualification, le développement de l’alternance et l’amplification de la formation tout au long de la vie. Il y a là une chance majeure d’amélioration du fonctionnement de l’ascenseur social. C’est également vrai de la mise en ligne des cours, mais celle-ci doit être encadrée et contrôlée et demande au personnel enseignant un travail considérable en amont.

La volonté d’amélioration du niveau est complétée par l’incitation à l’ouverture internationale. La dynamique lancée par le processus de Bologne et les conférences qui ont suivi a posé les bases de l’espace européen de l’enseignement supérieur et harmonisé les systèmes nationaux. Le système européen de crédits transférables et la mise en place d’une politique d’assurance qualité des établissements et des formations favorisent la dimension internationale des formations supérieures, ce qui est positif.

En matière d’organisation universitaire, une double dynamique complémentaire doit être poursuivie : d’une part, l’affirmation de l’autonomie des établissements, qui garantit une adaptation de l’offre de formation aux conditions locales ; d’autre part, l’incitation au regroupement, les pôles de compétitivité, les contrats de site ou les projets de recherche collaborative. C’est une démarche indispensable face aux nécessités du temps et à la compétition imposée par les grands organismes mondiaux – regroupement dans le cadre français et recherche intégrée dans le cadre européen. On sait ce que coûte l’échec de la France et de l’Europe en matière digitale, comme on sait le rayonnement, l’indépendance et l’emploi que procure le succès d’Ariane, et l’on ne peut que se féliciter de l’inscription dans le présent budget des 205 millions d’euros destinés à sécuriser le développement du lanceur Ariane 6.

Le programme 172, « instrument du pilotage de la recherche », est articulé autour de dix axes, tous importants. Il est essentiel que soient articulées recherche fondamentale et recherche appliquée, domaine dans lequel l’interaction avec les entreprises devient essentielle. On doit pouvoir jouer « gagnant-gagnant » entre entreprises, finances publiques et, surtout, société tout entière. On comprend, par exemple, que tout ce qui converge vers la transition écologique et énergétique représente une incontournable voie d’avenir, mais constitue également un ensemble considérable d’initiatives et d’emplois, tout comme la technologie agricole et la recherche en matière de santé.

Nous n’ignorons pas les critiques qu’a suscitées ce budget de la part de la conférence des présidents d’université, des syndicats d’enseignants ou des syndicats d’étudiants, notamment le fait qu’il représente 2,27 % du PIB quand l’objectif en Europe est de 3 %. Mais nous prenons acte aussi des efforts accomplis, tout en sachant que ces derniers devront être poursuivis et, si possible, amplifiés.

Mme Anne Brugnera. Madame la ministre, ma question concerne le programme 150, consacré aux formations supérieures et à la recherche universitaire. En 2019, le budget de l’enseignement supérieur et de la recherche est en hausse, tout comme l’année dernière. Cette augmentation montre l’engagement du Gouvernement pour l’enseignement supérieur, dans un contexte budgétaire contraint. Cette augmentation significative se retrouve en particulier dans le financement de la formation initiale et continue du baccalauréat à la licence qui progresse de 3 %, passant de 3 190 millions d’euros à 3 286 millions d’euros. Ces investissements permettront ainsi de poursuivre la mise en œuvre de la loi du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants, avec notamment la plateforme Parcoursup et l’accompagnement en première année de licence. Au cœur de cette loi se trouve l’ambition de faire réussir nos étudiants, dont nous avons longuement débattu lors de son examen. Pourriez-vous, en cette deuxième année, nous indiquer quels crédits, nouveaux ou réalloués, permettront la mise en œuvre des dispositifs d’accompagnement et de parcours personnalisés en premier cycle ?

Mme Emmanuelle Anthoine. Madame la ministre, le dispositif Parcoursup est de nature à nous intéresser dans ce débat budgétaire, puisqu’il est nécessaire de justifier des moyens qu’on lui attribue. Ce dispositif a soulevé de nombreuses questions. La suppression du classement des vœux dans Parcoursup est à l’origine de la lenteur et du blocage de la procédure d’affectation. Le manque de hiérarchisation met les filières en tension virtuellement, puisqu’elles reçoivent davantage de demandes. Dans ces conditions, il n’est également plus possible d’évaluer réellement la motivation des élèves. Ne pourrait-on pas revenir à un classement des vœux, lequel apparaît d’autant plus nécessaire que son abandon a créé une attente insoutenable chez les élèves ?

Mme Cathy Racon-Bouzon. Madame la ministre, un grand nombre de nos universités ont besoin d’être rénovées, particulièrement sur le plan énergétique. L’université d’Aix-Marseille et plusieurs autres établissements ont entrepris de moderniser leur patrimoine, de le rénover et de l’entretenir. Plusieurs chantiers ont été lancés, notamment grâce à des opérations Campus. L’université d’Aix-Marseille a par ailleurs mis en place, dès 2014, un schéma énergétique définissant les actions à mettre en œuvre à court, moyen et long termes, à partir d’un diagnostic exhaustif de la thématique énergétique de l’époque. Les objectifs sont nombreux : diminution des consommations et des dépenses énergétiques, amélioration du confort des usagers, responsabilité sociale et environnementale, production d’énergie renouvelable et réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2). Ces initiatives sont certes bénéfiques, mais ne suffiront pas à faire du patrimoine universitaire un environnement plus accueillant et mieux inséré dans la transition écologique. Il faut aller plus loin et soutenir les universités dans leurs démarches. Ainsi, serait-il envisageable de prévoir les crédits alloués à la rénovation énergétique du patrimoine universitaire dans le cadre d’un programme pluriannuel ?

M. Frédéric Reiss. Un certain nombre de collègues ont déjà évoqué Parcoursup dont le Gouvernement a longtemps vanté les avantages en comparaison d’Admission post-bac (APB). Les résultats ne semblent toutefois pas pleinement satisfaisants, puisque de nombreux changements sont annoncés pour la session 2019. Y aura-t-il anonymisation des candidatures ? Les notes obtenues à certaines épreuves du baccalauréat seront-elles prises en considération ? Qu’en sera-t-il des délais de réponse aux candidats ? Des changements d’académie ? La création d’un fonds d’aide à la mobilité d’une trentaine de millions d’euros est-elle confirmée ?

Mme Béatrice Piron. Si je me réjouis de la hausse des budgets depuis deux ans, qui traduit notre investissement dans la jeunesse et dans sa réussite, je m’interroge aujourd’hui sur l’attractivité et la reconnaissance de nos diplômes d’enseignement supérieur à l’international. Il y a quelques mois, le diplôme d’ingénieur a obtenu l’équivalence d’un master of science aux États-Unis, ce qui est une reconnaissance formidable et une promesse d’attractivité internationale pour ce diplôme français d’exigence. Mais le cursus du master en ingénierie suivi par les étudiants dans nos universités françaises n’a pas, aux yeux de certaines entreprises françaises, la même valeur que le diplôme d’ingénieur, et reste moins connu et peu attractif. Plus globalement, l’enjeu de l’attractivité et de la reconnaissance pèse sur beaucoup de formations qui n’ont parfois pas d’équivalent à l’international ou qui sont moins valorisées. Les doctorants français souffrent aussi de ce manque de reconnaissance. Les docteurs que j’ai rencontrés considèrent que leur parcours est peu reconnu en France et que les débouchés sont de plus en plus réduits. Vous avez parlé d’universités européennes. Comment voyez-vous l’évolution des diplômes ? Peut-on maintenir des titres spécifiquement français ou doit-on s’adapter à l’international ?

Mme Cécile Rilhac. Je reviendrai sur Parcoursup, afin de relayer les constats sur sa mise en œuvre qui a beaucoup inquiété bacheliers et parents, au printemps dernier et cet été. Dans le Val-d’Oise, aujourd’hui, les nouveaux étudiants sont, dans une large majorité, satisfaits de deux éléments. En premier lieu, le non-classement des vœux est désormais analysé comme positif car il a permis aux jeunes d’affiner leurs projets entre mars et juillet. En second lieu, ceux-ci ont le sentiment d’avoir été affectés dans une filière adaptée et choisie, augurant une future réussite dans leurs études supérieures. Mais une inquiétude demeure auprès des équipes, dynamiques et investies, de l’université de Cergy-Pontoise où le « oui si » a été mis en place avec beaucoup de succès, après avoir été très bien préparé. Ce dispositif doit pouvoir monter en puissance, selon ces équipes. Pouvez-vous, madame la ministre, nous indiquer s’il est pris en compte au niveau budgétaire et comment vous en envisagez le développement, indispensable à la réussite de tous ?

Mme Marie-Pierre Rixain. Madame la ministre, je souhaiterais vous interroger sur le programme MAGE – « marché du travail et genre ». Créé en 1995 par Margaret Maruani, directrice de recherches au CNRS, ce groupement réunit trente centres de recherche dans treize pays différents. Il a concentré ses travaux sur une lecture sexuée du marché du travail. Il a été le premier à établir le diagnostic de la nécessaire répartition des temps professionnels et personnels entre les femmes et les hommes, afin de permettre aux femmes d’évoluer au sein des entreprises. Les activités du réseau MAGE me semblent cruciales pour atteindre un des objectifs que nous nous sommes fixés au cœur de ce quinquennat, à savoir l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, notamment du point de vue économique. Ce réseau reconnu et extrêmement renommé au sein de la communauté internationale promeut la crédibilité universitaire de la France. Madame la ministre, pouvez-vous réaffirmer l’importance de ce réseau et nous indiquer comment pérenniser ses financements ? Pouvez-vous nous confirmer que la subvention pour 2017 sera bien versée d’ici la fin de l’année 2018 ?

Mme Fannette Charvier. Madame la ministre, lors de la réunion ministérielle de 2014 de l’Agence spatiale européenne, les États contributeurs ont décidé de renouveler la gamme de lanceurs européens VegaC, Ariane62 et Ariane64, décision cruciale pour rester compétitifs face à l’arrivée de nouveaux acteurs. Le Centre spatial guyanais, Arianespace, Airbus, Thales sont autant de fleurons français ou à participation française qui ont conduit la France à s’engager financièrement dans les lanceurs. De fait, notre pays a moins investi que ses voisins anglais ou allemands dans la filière aval des satellites, de leurs applications et des services associés, une filière aval plus lucrative qui permet à ces pays un bien meilleur retour géographique. On voit d’ailleurs que le taux de retour français s’est effondré, passant de 23,4 % en 2016 à une prévision de 16 % pour 2019. Pourriez-vous nous indiquer les causes de cette diminution et si une évolution de cette règle du retour géographique est envisagée ou, du moins, envisageable ?

Mme Sylvie Charrière. Madame la ministre, permettez-moi d’évoquer l’exemple concret d’un jeune homme de ma circonscription. Comme bon nombre de jeunes issus du baccalauréat professionnel, Jean n’a fait que des vœux de brevet de technicien supérieur (BTS) sur Parcoursup. Mais aucun établissement n’a retenu son dossier. Fort heureusement, grâce à la loi relative à l’orientation et à la réussite des étudiants et à la mise en place des commissions rectorales, une place en faculté dans sa spécialité lui a été proposée. Nous ne pouvons que nous réjouir de cette nouvelle disposition. Cependant, n’étant pas issu de la procédure classique et n’ayant pas suivi la procédure du « oui si », il ne bénéficie d’aucun accompagnement particulier, malgré ses fragilités. Madame la ministre, comptez‑vous étendre cet accompagnement et vous assurer que ces jeunes bénéficient effectivement d’un accompagnement particulier ? Plus largement, allez-vous faire un bilan qualitatif et quantitatif du « oui si » et de l’accompagnement proposé par les établissements d’enseignement supérieur afin, le cas échéant, d’envisager l’augmentation du budget qui lui est alloué ? Envisagez-vous, pour vous assurer de l’effectivité et de la qualité de ce dispositif, de mettre en place des conventions d’objectifs et de moyens avec les universités ?

Mme Céline Calvez. Madame la ministre, dans le bleu budgétaire « Recherche et enseignement supérieur », nous trouvons le programme 186 qui comporte un volet important, la diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle. À l’heure des transformations technologiques de plus en plus rapides et brutales, à l’heure de la diffusion massive de fausses informations, voire de fausses sciences, il est crucial de faciliter la réalisation de cet objectif. Quelle coordination a-t-elle été mise en place pour cet objectif, dont le budget est sous la tutelle du ministère de la culture mais qui touche aux enjeux des sciences dans notre société ? Quels autres programmes de la mission y concourent-ils ? Quelle est, dans cette coordination, l’attention portée par votre ministère à la première des cinq thématiques transversales retenues comme prioritaires dans la stratégie nationale de la culture scientifique, technique et industrielle, à savoir l’égalité entre les femmes et les hommes ?

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Je regrouperai vos questions par thèmes, afin de fournir des réponses globales que j’espère plus cohérentes. Si vous le souhaitez, je viendrai volontiers, d’ici à la fin de l’année, comme je l’ai fait au Sénat, vous présenter le bilan réel et chiffré de Parcoursup et les dispositifs prévus pour améliorer le fonctionnement de la plateforme l’année prochaine, puisqu’elle a vocation à évoluer.

M. le président Bruno Studer. Nous vous recevrons volontiers.

Mme Frédérique Vidal, ministre de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation. Il convient d’améliorer l’accès aux dispositifs « oui si » au travers des commissions rectorales et d’accompagner les jeunes qui y ont eu recours. La sensation de durée pendant le mois d’août a été prise en compte. Nous proposerons un calendrier différent. Je me ferai un plaisir de vous en faire une présentation sur ce sujet lors d’une réunion. Néanmoins, le ressenti des étudiants accueillis dans les dispositifs « oui si » est à ce point excellent que les filières qui n’en ont pas encore mis en place sont soumises à une forte pression des étudiants pour ce faire, montrant qu’ils correspondent à une réelle attente et à un réel besoin. Une enveloppe de 123 millions d’euros est prévue dans le budget 2019 pour la poursuite de l’accompagnement de ces dispositifs et la reconnaissance d’un enseignement pédagogique. J’ai noté vos propositions. Lors d’une réunion organisée le 23 octobre, j’ai annoncé un doublement des congés pour recherche ou conversion thématique (CRCT), la création d’une prime de reconnaissance de l’engagement pédagogique au même titre que la prime de reconnaissance d’encadrement doctoral et de recherche et des financements destinés à faire en sorte que les personnels administratifs et techniques voient aussi leur investissement reconnu. Ces trois actions seront effectives dès 2019. Mais nous devons aller plus loin et chercher à améliorer les affectations de CRCT. J’ai reçu des propositions de la part des organisations syndicales. J’ai noté celles que vous avez mentionnées. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

Je tiens à vous rassurer : aucun plafonnement de crédits n’est prévu pour les bourses au mérite attribuées aux bacheliers titulaires d’une mention très bien. La diminution constatée correspond à la fin de la cohorte des bacheliers bénéficiaires de bourses au mérite « ancien tarif », le tarif ayant été modifié par le précédent gouvernement. Nous avons plus ou moins de boursiers et nous ajustons le crédit en fonction des besoins, mais tous les bacheliers titulaires d’une mention « très bien » bénéficient de la bourse au mérite, dès lors qu’ils remplissent les conditions requises.

Je rappelle que l’ARPE consiste en la continuation pendant quatre mois après l’obtention du diplôme du versement du montant de la bourse, mais que rien n’est prévu en matière d’aide à la recherche d’emploi. Le Sénat a élaboré un rapport sur l’efficacité de l’ARPE, dont nous avons partagé les conclusions avec les associations d’étudiants. Elles ont reconnu qu’une version adaptée aux étudiants de la Garantie jeunes serait bien plus efficace puisqu’elle aiderait vraiment à la recherche d’un emploi tout en offrant un financement pendant un an, ce qui est mieux qu’un financement pendant quatre mois sans aucune aide.

Cela nous permet d’envisager une aide à la mobilité un peu différente en 2019. Compte tenu de la pression exercée sur certaines filières à certains endroits alors qu’il reste des places disponibles à d’autres, nous souhaitons proposer des mobilités avec accompagnement financier dès l’ouverture de la plateforme d’orientation. De même que nous proposons des formations avec internat ou sans internat, nous pourrions proposer des formations assorties d’une aide à la mobilité. Ainsi, des jeunes désireux de suivre une formation existant dans très peu d’endroits en France ne seraient pas empêchés de le faire pour des raisons financières, mais pourraient être accompagnés. C’est tout le sens de cette aide à la mobilité dont nous sommes en train de définir les contours techniques afin de l’inclure dans la plateforme le plus tôt possible, car il faut souvent se préparer psychologiquement à bouger. Cette année, les financements pour l’aide à la mobilité ont été débloqués trop tard et beaucoup de jeunes l’ont refusée, parce qu’ils ne se sentaient pas à même de bouger en un mois.

Concernant les formations professionnalisantes et la place des BTS et des IUT dans l’offre de formation, quand 67 % des vœux exprimés concernent des filières professionnalisantes courtes, je pense qu’il faut en créer. Nous l’avons fait cette année et nous continuerons à le faire l’année prochaine. C’est une expérimentation que nous entendons développer, notamment dans la région Île-de-France où il y a énormément de demandes de formations courtes professionnalisantes. Pour ce faire, nous travaillons directement avec les IUT.

Puisque les formations d’IUT sont dispensées au sein de l’université, il est logique qu’elles soient dans les formats « licence, master, doctorat » (LMD) des formations internationales et européennes. Sachant que les diplômes d’ingénieur sont presque exclusivement des diplômes français et n’existent pas ailleurs dans le monde, il importe de faire savoir aux entreprises françaises, de fait plus habituées à ces diplômes, quelles sont les connaissances et les compétences des étudiants titulaires d’un master. Néanmoins, la création de doubles diplômes ingénieur-master et le fait que les écoles coopèrent de plus en plus avec les universités pour mettre en place des offres de formation professionnalisantes au niveau « bac +5 » – ce qui permet à des ingénieurs de continuer en doctorat ou à des masters de s’insérer dans le monde professionnel sans poursuivre en doctorat – font que la qualité de la formation importera de plus en plus, qu’elle débouche sur un diplôme d’ingénieur ou un diplôme de master.

Les listes de compétences aboutiront de plus en plus à la reconnaissance du diplôme par le monde professionnel. C’est la raison pour laquelle nous avons insisté pour inscrire le doctorat au répertoire national des certifications professionnelles. Imaginez que le plus haut diplôme délivré par l’État français n’était associé à aucune compétence professionnelle dans le répertoire national ! Je suis ravie que nous ayons pu le faire inscrire, au mois de mars dernier.

Nous avons ouvert 30 000 places supplémentaires cette année dans l’enseignement supérieur – BTS, IUT, université – pour 27 000 inscrits supplémentaires. Nous avons répondu « présent » en termes de volume comme de nombre de places. Je me ferai un plaisir de vous fournir l’ensemble des chiffres à ce sujet.

J’ai entendu dire que le Gouvernement avait « rétropédalé » sur la contribution de vie étudiante et de campus. Je souhaite réaffirmer que les inquiétudes exprimées étaient totalement infondées. Il convient de rappeler ce dont il est question. La CVEC en cours de perception correspond au budget 2018 et ne figure donc pas dans le projet de loi de finances pour 2019. En tant que telle, elle sera entièrement versée aux établissements. Lorsque l’on crée une taxe en ressources affectées, on ne peut la plafonner la première année, puisqu’on n’a aucune idée du plafond. En préparant le PLF pour 2019, nous l’avons estimée à 95 millions d’euros car nous savions quels étudiants la paieraient, à savoir tous ceux inscrits dans le système public et dans le système sous contrat avec l’État, mais nous n’avions aucune idée du comportement des étudiants dans les systèmes totalement privés.

Or les étudiants eux-mêmes plébiscitent le fait qu’ils vont pouvoir accéder, au travers de plateformes, à des actions culturelles, sportives, de prévention, finançables grâce à la CVEC, notamment via la part de la CVEC qui reste aux CROUS, et ce où qu’ils soient inscrits. Nous avons eu la bonne surprise de constater que les étudiants avaient totalement adhéré au versement de cette cotisation et au fait de pouvoir s’exprimer sur les actions qu’ils souhaitaient voir apparaître en matière de vie étudiante et de vie de campus, quel que soit l’établissement dans lequel ils sont inscrits. De ce fait, nous avons recueilli plus que les 95 millions d’euros prévus, mais cela n’a aucune importance, puisque cela concerne 2018.

Monsieur le député, les calculs seront publiés le 15 janvier. Nous aurons alors une idée précise du nombre d’étudiants effectivement inscrits, incluant ceux qui n’auront pas demandé à être désinscrits. Nous n’aurons pas eu besoin de rembourser. Nous fixerons pour 2019 un plafond qui correspondra à ce qui a été effectivement perçu en 2018. Comme Gérald Darmanin l’a rappelé, nous opérerons de nouveau une modification si, en 2019, il y a encore plus d’argent perçu.

Par conséquent, le sujet de la CVEC n’a jamais eu lieu d’être. Certains ont essayé de s’en emparer dans l’espoir d’agiter les étudiants, mais comme ceux-ci ont été extrêmement bien informés de l’usage qui allait être fait de la CVEC et que nous travaillons en confiance avec eux, il a suffi que je leur explique ce que je viens de vous dire pour que les choses se calment immédiatement. Le décret détaillant la répartition de cette contribution entre les divers établissements étant déjà publié, je vous engage à vous y référer.

Concernant l’affectation des moyens en fonction des différentes actions, au-delà des 123 millions d’euros destinés à la nouvelle organisation du premier cycle dans le cadre de l’arrêté licence, n’oublions pas les 325 millions d’euros du PIA. Ils ont d’ores et déjà été affectés aux établissements ayant proposé les mesures jugées les plus efficaces, de façon à ce qu’ils puissent, sereinement et avec une visibilité dans le temps, être assurés d’avoir les moyens de déployer ces nouvelles façons de concevoir les premiers cycles universitaires. Il y aura un troisième appel à projets, puisque le montant total dévolu à la transformation du premier cycle universitaire dans le PIA est de 450 millions d’euros et qu’à ce jour 325 millions d’euros ont été attribués.

C’est la meilleure façon que nous ayons de faire l’équivalent des contrats d’objectifs et de moyens (COM). Les budgets étant annuels, il est compliqué de faire de véritables COM pluriannuels. Bien entendu, les universités les plus vertueuses, celles qui ont proposé les actions les plus efficaces et les plus solides, ont été financées en priorité. La répartition des 123 millions d’euros ne sera pas opérée par une simple règle de trois, mais entre les établissements qui ont mis en place des actions particulières.

Pour conclure sur l’enseignement supérieur et la vie étudiante, deux bibliothèques ont déjà été ouvertes en 2018 sur certains créneaux le dimanche. Il est prévu d’ouvrir trois à cinq bibliothèques universitaires parisiennes, dès 2019, au minimum dix dimanches par an, notamment pendant les phases de révision. Un financement de 1,6 million d’euros sera consacré à ce projet. C’est la poursuite d’initiatives excellentes, comme NoctamBU ou BU Plus, qui permettent de mobiliser au maximum les locaux des bibliothèques universitaires et aux étudiants de venir réviser, travailler et préparer leurs examens.

C’est aussi une façon de repenser la relation des étudiants avec leurs établissements, notamment au moyen de contrats étudiants. En dehors des services de prêt qui nécessitent des qualifications, les étudiants eux-mêmes peuvent assurer l’ouverture et la bonne tenue des espaces de bibliothèque sur des plages horaires beaucoup plus larges, en y travaillant. Je préfère qu’un étudiant soit payé pour travailler en vue de réussir ses études dans une bibliothèque universitaire plutôt qu’à l’extérieur. Cela fait partie des dispositifs mis en place pour soutenir l’emploi étudiant au sein des établissements universitaires.

Le parc universitaire représente 18,6 millions de mètres carrés, soit la moitié de l’emprise immobilière de l’État. Dans le plan de rénovation des bâtiments, notamment dans le plan de rénovation thermique et énergétique porté le ministère de la transition écologique et solidaire, la part réservée à la rénovation des bâtiments de l’État ira aussi aux bâtiments universitaires.

Je rappelle que les opérations Campus menées ces dernières années permettent à de nombreux établissements, comme l’université de Bordeaux ou celle d’Aix-Marseille, de bénéficier de plusieurs centaines de millions d’euros pour la remise à niveau de leurs bâtiments. À partir de cette année, je le répète, la dévolution patrimoniale leur permettra d’être encore plus actifs et de mieux prendre en compte cette donnée majeure qu’est le patrimoine.

Nous travaillons aussi avec la Caisse des dépôts et consignations (CDC) en vue de déterminer si le processus dit d’intracting peut être utilisé. Quand un bâtiment est une passoire thermique et coûte des centaines de milliers d’euros à chauffer par an, la CDC peut proposer, pour sa rénovation, une sorte de prêt remboursable sur les économies d’énergie engendrées. Un tel moyen n’augmente pas la dette maastrichtienne et est budgétairement correct. La CPU a engagé une réflexion en vue de proposer des modèles innovants en la matière.

Concernant la question posée par Amélie de Montchalin au sujet du suivi de son amendement, adopté l’année dernière, relatif au crédit d’impôt recherche, les démarches ont été enclenchées et le rapport est attendu pour le 15 novembre. Puisque le recrutement des doctorants a eu lieu à la rentrée universitaire, nous aurons les premiers retours concernant ces embauches.

Par ailleurs, le Président de la République a annoncé le plan Phèdre II, qui représente 10 millions d’euros supplémentaires de contribution du CNES à la vie de la Guyane et de l’environnement du Centre spatial guyanais, destinés notamment à des actions de formation pour les jeunes. Cette part sera portée à 50 millions d’euros à l’horizon 2020. Il s’agit de mieux faire bénéficier l’ensemble de la population guyanaise de la présence du Centre spatial, ce qui nous paraît tout à fait normal. Nous avons ouvert de nouvelles formations de type IUT qui permettront aux jeunes de Guyane de se former et d’acquérir des compétences professionnelles et techniques, et ainsi de mieux bénéficier de la présence du pas de tir.

S’agissant du réseau MAGE (Marché du travail et genre), le versement de l’aide est prévu, ainsi que nous nous y étions engagés, l’année dernière, en séance. Toutefois, le ministère n’a pas vocation à se substituer à un organisme de recherche et nous souhaitons trouver une solution à plus long terme. Nous recevrons prochainement ses responsables afin de sortir de cette situation. Pour 8 000 euros, nous n’allions pas ajouter une ligne au budget. Nous avons attribué 8 000 euros, mais nous ne le ferons pas tous les ans. Cela représente un intérêt moyen et beaucoup d’énergie pour quelque chose qui doit pouvoir se régler beaucoup plus simplement.

Quant à la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI), le programme 186 est opéré par le ministère de la Culture. Il concerne très majoritairement Universcience, qui consomme 90 % des crédits de ce programme, mais la culture scientifique, technique est industrielle est beaucoup plus transversale. Dans le programme 172, chaque organisme de recherche consacre entre 1 et 2 millions d’euros à la culture scientifique et technologique. Dans le programme 150, l’action 13 soutient la culture scientifique, technique et industrielle à hauteur de 125 millions d’euros, par la mesure « diffusion des savoirs et musées ». Plus de 2 millions d’euros proviennent du ministère, pour financer notamment la Fête de la science. Mais surtout, depuis la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe), la culture scientifique, technique et industrielle est une compétence partagée avec les régions. Nous ne voyons donc ici qu’une partie des financements, puisque les régions financent un grand nombre d’actions, notamment dans le cadre de la fête de la science, mais pas uniquement.

La première action, visant à renforcer l’intérêt des jeunes femmes à la culture scientifique et surtout technologique, a été prise très au sérieux par les écoles d’ingénieurs. Elles ont envoyé des jeunes femmes en cours de formation dans les collèges et les lycées. Je reste naturellement extrêmement attentive à cette action.

Il faut déconstruire les fantasmes liés à certains métiers et réaffirmer que l’on a parfaitement, quel que soit son genre, la capacité d’exercer n’importe quelle profession. Plus l’on montrera de jeunes femmes exerçant des métiers dont on ne sait même pas le nom au féminin, sauf à ajouter un tiret et un « e », mieux les choses se passeront. Jusqu’au baccalauréat, il y a autant, voire légèrement plus de jeunes filles en filière scientifique, parce qu’elles ne l’ont pas choisie. Lorsqu’elles sont douées, elles sont inscrites presque d’office dans cette filière dont on leur dit qu’elle est la voie royale. Mais une fois qu’elles ont leur baccalauréat et peuvent choisir leur orientation dans l’enseignement supérieur, elles n’y restent pas, ce qui en dit peut-être long sur l’état de notre société. Il y a bien un problème de représentation des métiers scientifiques aujourd’hui. Nous avons toutes et tous un rôle à jouer pour faire comprendre que tout le monde a sa place dans toutes les filières de l’enseignement supérieur !

M. le président Bruno Studer. Merci beaucoup, madame la ministre. Nous programmerons, dans les semaines qui viennent, une audition sur l’évolution de Parcoursup que vous avez évoquée ce soir.


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II.   Examen des crédits

M. le président Bruno Studer. Nous passons maintenant à l’examen, pour avis, des crédits pour 2019 de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Nous sommes saisis de plusieurs amendements.

Article 39 et état B

La commission est saisie de l’amendement AC45 de M. Éric Coquerel.

Mme Muriel Ressiguier. Cet amendement vise à transférer les crédits de l’Agence nationale de la recherche (ANR) au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), car il est plus que nécessaire de privilégier l’efficience de la recherche française en soutenant financièrement les opérateurs dont la seule vocation est la production scientifique. Cet établissement public, dont les membres étaient élus de façon à respecter la pluralité des opinions de la communauté scientifique, a subi un long détricotage de ses prérogatives, dont certaines ont été confiées à l’ANR. Nous pouvons constater que le CNRS a réalisé ses plus grandes découvertes avant ce changement et que cet échelon administratif supplémentaire n’a pas de réelle utilité.

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis. L’ANR a été créée en 2005 pour développer le financement des projets de recherche dans le cadre d’appels à projets, via une évaluation par les pairs afin de professionnaliser cette procédure. La majorité des financements de la recherche se fait en France par le biais des organismes de recherche et il ne me semble pas pertinent d’opposer l’ANR et le CNRS. Leurs objectifs sont les mêmes : mener à bien des projets de recherche innovants, sélectionnés de façon rigoureuse.

Par ailleurs, vous proposez de supprimer l’intégralité des crédits de l’ANR. Or l’Agence a des missions diversifiées, notamment celle d’opérateur pour le programme investissements d’avenir (PIA), pour la sélection, le financement, le suivi et l’évaluation de ces investissements.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC46 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Il est proposé de créer au sein de cette mission un nouveau programme intitulé « Recherches pour la transition écologique ». En effet, la création d’une nouvelle ligne « Recherches dans le domaine de l’énergie nucléaire » nous alarme. S’il est évident qu’il faut lutter pour la transition énergétique et qu’une partie de la recherche doit être consacrée à la transformation d’un parc énergétique durable, propre et sans danger, il semble que ce n’est pas clairement la voie choisie par le Gouvernement. Nous souhaitons insister sur l’urgence climatique qui doit présider à tout projet de recherche.

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis. Votre amendement tend à créer un nouveau programme visant à financer la recherche pour la transition écologique, en le dotant de 435 millions d’euros, issus pour l’essentiel de l’action 16.

D’ores et déjà, l’action 17, au sein du même programme 190, prévoit des moyens importants pour la recherche dans le domaine des nouvelles technologies de l’énergie. Sans préjuger de l’évolution de notre mix énergétique, la poursuite de la recherche dans le domaine nucléaire est une nécessité pour assurer la sûreté et la disponibilité de notre parc de réacteurs, ainsi que pour travailler sur le conditionnement et le retraitement des déchets.

C’est pourquoi j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC73 de Mme George Pau-Langevin.

Mme Josette Manin. Dans le prolongement d’un sujet examiné récemment, il s’agit d’abonder les crédits budgétaires pour l’innovation de rupture par le produit des dividendes perçus par l’État au titre de ses participations dans le capital des entreprises dont il est actionnaire. Nous constatons que la vente du capital détenu par l’État dans Aéroports de Paris et la Française des jeux produit beaucoup d’argent, qui serait utilement employé pour répondre aux besoins évidents du Fonds pour l’innovation de rupture.

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis. Nous avons effectivement voté dans le projet de loi PACTE les dispositions nécessaires pour que l’État cède une partie de ses actifs au sein d’Aéroports de Paris, de la Française des jeux et d’Engie. Ces cessions d’actifs doivent se faire de façon encadrée, avec des cahiers des charges contraignants.

Votre amendement tend à minorer les crédits du programme 190 et en particulier de son action 14, qui permettent de faire face aux charges de long terme des installations nucléaires. Cela ne semble pas pertinent, et j’émets donc un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC51 de M. Michel Larive.

Mme Muriel Ressiguier. La recherche spatiale a fait de grands pas, notamment grâce aux avancées réalisées par Space X en matière de lanceurs réutilisables. Cette technologie étant plus écologique et beaucoup moins onéreuse, nous ne comprenons pas que le Gouvernement investisse 210 millions d’euros supplémentaires dans la technologie d’Ariane 6, qui semble déjà dépassée dans ce domaine très précis. Nous soutenons, bien sûr, l’action d’Ariane 6 dans l’ensemble des domaines qui la composent, et ce transfert vers le programme de recherche Prometheus, qui a pour but de promouvoir la conception de lanceurs réutilisables, est symbolique.

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis. Votre amendement vise à créer un nouveau programme, consacré à la recherche sur un lanceur spatial réutilisable et doté de 210 millions d’euros. Des progrès importants ont été réalisés en la matière, notamment depuis 2011 par l’entreprise Space X qui a réalisé de premiers vols opérationnels du Falcon 9, partiellement réutilisable. D’ores et déjà, le CNES développe en coopération avec les agences spatiales allemande et japonaise, un démonstrateur de lanceur réutilisable, intitulé Callisto, et un nouveau projet, Themis, est envisagé. Le démonstrateur Themis serait équipé du futur moteur européen Prometheus, que vous évoquez, qui a été lancé par l’Agence spatiale européenne en décembre 2016 à l’initiative du CNES et d’ArianeGroup, et qui est financé par l’action 4 que vous proposez de réduire par votre amendement.

Il existe d’ores et déjà des programmes conduits par le CNES et l’Agence spatiale européenne dans le domaine des technologies de lanceurs réutilisables, aux côtés de Space X mais aussi de l’américain United Launch Alliance.

Pour ces raisons, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC48 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Nous souhaitons réaffirmer notre volonté de rendre l’enseignement supérieur entièrement gratuit, afin non seulement d’assurer une formation accessible à tous, mais aussi de favoriser la formation continue et de faciliter la reprise des études. Ce principe constitue pour nous l’unique solution pour s’assurer que des étudiants ne renoncent pas à aborder un parcours universitaire en raison du coût des études et de la vie étudiante. Par conséquent, nous proposons d’abonder un nouveau programme intitulé « Transition vers la gratuité des études supérieures ».

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Il faut savoir de quoi l’on parle. Les frais d’inscription dans l’enseignement supérieur, à l’université, sont d’environ 170 euros pour les années de licence et 240 euros pour le niveau master. Mais dans mon université, par exemple, 56 % des étudiants ne paient rien. Je suis donc surpris que le groupe La France insoumise veuille absolument aider les classes les plus favorisées, et j’émets un avis défavorable.

Mme Muriel Ressiguier. Nous ne devons pas côtoyer les mêmes étudiants !

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC52 de Mme Muriel Ressiguier.

Mme Muriel Ressiguier. Le Gouvernement a décidé de limiter l’accès à l’enseignement supérieur et de sélectionner les étudiants plutôt que d’investir pour pouvoir accueillir le nombre d’étudiants qui, du fait de l’évolution démographique et de l’augmentation de nos conditions de vie, augmente. Même du point de vue budgétaire, les réorientations induites par ce système auront un coût. Il nous semble nécessaire d’avoir une vision globale et non pas seulement court‑termiste. Par conséquent, nous proposons de transférer l’entièreté des crédits de l’action « Établissements d’enseignement privé » vers un nouveau programme intitulé « Accès libre à l’université ».

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Certains imaginent que Parcoursup n’a pas fonctionné, mais ce n’est pas le cas : il n’y a pas eu de tri d’étudiants, mais des orientations et des aides à l’orientation. Je le dis pour le vivre dans mon université toutes les semaines, et à la suite d’éléments fournis par la conférence des présidents d’université. Nous constatons cette année une augmentation considérable du nombre d’étudiants dans les universités, avec une très belle réorientation vers les STS, les IUT et les BTS. Mon avis est défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC60 de M. Bastien Lachaud.

Mme Muriel Ressiguier. Depuis Spoutnik, en 1957, plus de 5 500 lancements de satellites artificiels ont été effectués, sans la moindre préoccupation concernant ce que deviendraient les objets laissés dans l’espace. En 2013, l’Agence spatiale européenne a calculé qu’il y aurait en orbite basse environ 5 000 objets mesurant plus d’un mètre, 20 000 objets de plus de dix centimètres et 75 000 « balles volantes » d’environ un centimètre. Cela commence à poser des problèmes pour le lancement et le suivi des satellites, étant donné les risques de collisions.

Notre amendement vise à faire de la France une nation pionnière dans cette grande tâche d’intérêt humain qu’est la dépollution de l’orbite basse.

M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis. Vous avez raison, la question de la pollution de l’espace est essentielle et comporte de réels enjeux de sécurité pour les lancements comme pour les satellites déjà en orbite. L’Agence spatiale européenne a lancé la Clean Space Initiative, dans le cadre de laquelle est développé le programme e.Deorbit, qui a pour objet de récupérer des débris dans l’espace, grâce à l’étude d’un système de filet ou encore d’un bras robotique. La mission e.Deorbit est encore au stade de projet et il serait utile que des financements soient dégagés en sa faveur, mais cela relève d’une décision de l’Agence, non d’une ouverture de crédits au niveau national. Je vous invite donc à retirer votre amendement, à défaut de quoi j’émettrais un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis défavorable de M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis, elle rejette successivement les amendements AC61 et AC62 de M. Bastien Lachaud.

Elle est ensuite saisie de l’amendement AC49 de M. Philippe Berta, rapporteur pour avis.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. J’ai fait une proposition comparable l’an dernier. Il s’agit d’augmenter de 5 millions d’euros les crédits affectés à la culture scientifique, technique et industrielle, sur laquelle la ministre vient de s’exprimer. La France souffre d’une exceptionnelle inculture scientifique qui fait sourire à l’étranger, notamment dans les pays anglo-saxons. Cela s’accompagne de nombreux effets annexes, tels que des infox – selon un récent sondage, 15 % d’entre nous sont persuadés que la Terre est plate – et d’un désintérêt pour les métiers scientifiques et technologiques. On ne consacrera jamais assez de moyens à ce domaine, au moment où triomphe l’obscurantisme et où les croyances sont en train de suppléer les connaissances.

La commission adopte l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC87 de M. Philippe Berta, rapporteur pour avis.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. La ministre ayant parfaitement répondu aux interrogations exprimées dans cet amendement, je le retire.

L’amendement est retiré.

La commission est saisie de l’amendement AC40 de Mme George PauLangevin.

Mme George Pau-Langevin. Je serai brève, puisque Mme la ministre a abordé la question des bibliothèques. Notre groupe propose d’accélérer le développement de l’ouverture dominicale des bibliothèques universitaires, en abondant les crédits du programme 190 de 2 millions d’euros et en diminuant d’autant les crédits du programme 193 « Recherche spatiale ».

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Dans le prolongement du rapport Orsenna examiné par notre commission, cet amendement pointe la nécessité d’élargir les horaires d’ouverture des bibliothèques. Je considère que la ministre a répondu à cette préoccupation, et que la réponse apportée l’est dans un contexte budgétaire contraint. À titre personnel, je le vis dans mon établissement où les étudiants sont payés pour prendre le relais, et où nous voyons les plages horaires commencer à s’élargir. Poursuivons cette action à ce rythme. J’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle est saisie de l’amendement AC74 de Mme George Pau-Langevin.

Mme George Pau-Langevin. Notre groupe regrette que le budget alloué à la culture scientifique et technique soit en diminution de 2 millions d’euros. Le Gouvernement justifie cette baisse en indiquant que les besoins réels et la capacité de financement d’Universcience ne nécessiteraient que 1,15 million d’euros pour ses dépenses d’opérations financières. Nous pensons plutôt que cette baisse fait partie de toutes les « petites » baisses de crédits opérées dans le cadre des économies recherchées par le Gouvernement.

C’est pourquoi nous proposons d’abonder de 2 millions d’euros les crédits de l’action n° 3 « Culture scientifique et technique » du programme 186 en réduisant d’autant les crédits de l’action n° 3 « Recherche duale dans le domaine aérospatial » du programme 191. Je suis certaine que, s’agissant d’un sujet tel que celui-ci, le Gouvernement voudra bien lever le gage…

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Vous êtes moins gourmande que moi, puisque nous venons de voter un amendement à 5 millions d’euros ! Je propose donc que vous retiriez le vôtre.

L’amendement est retiré.

L’amendement AC88 de M. Pierre Henriet, rapporteur pour avis, est également retiré.

Article 78

La commission est saisie des amendements de suppression AC47 de M. Michel Larive et AC75 de Mme George Pau-Langevin.

Mme Muriel Ressiguier. Cet article prévoit la suppression de l’aide à la recherche d’un premier emploi (ARPE), que le Gouvernement estime redondante avec la Garantie jeunes. Nous considérons au contraire que ces deux aides sont complémentaires car elles ne touchent pas le même public et n’ont pas les mêmes finalités. Le Gouvernement dit vouloir créer par ailleurs un dispositif d’aide à la mobilité destiné aux personnes qui, dans le cadre de Parcoursup, souhaitent s’inscrire à une formation de l’enseignement supérieur. Dans l’attente du détail de ce plan, nous souhaitons nous assurer de la pérennité de l’aide à la recherche d’un premier emploi.

Mme George Pau-Langevin. De même, nous déplorons que l’ARPE soit supprimée avant qu’ait été mis au point le dispositif censé le remplacer. La Garantie jeunes, par ailleurs, n’est pas adaptée aux besoins des étudiants.

M. Philippe Berta, rapporteur pour avis. Mme la ministre nous a répondu sur ce sujet, en indiquant que l’évolution du système ARPE était engagée. Avis défavorable, donc.

La commission rejette les amendements.

La commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

 


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   Annexe : Liste des personnes auditionnées
par le rapporteur
pour avis

(par ordre chronologique)

 

            Mouvement des entreprises de France (MEDEF) (*) – M. Michel Guilbaud, directeur général, M. Patrick Schmitt, directeur recherche et innovation, et Mme Clarisse Paris, chargée de mission à la direction des affaires publiques

            Association française des entreprises privées (AFEP) (*) – M. François Soulmagnon, directeur général, et Mme Laetitia de La Rocque, directrice des affaires fiscales

            Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) (*) M. Gérard Orsini, chef de file de la commission fiscale, Mme Jennifer Bastard, juriste, et Mme Sabrina Benmouhoub, chargée de mission

            Ministère de l’Économie et des Finances – Direction générale du Trésor  Service des politiques publiques  Sous-direction des politiques sectorielles – M. Thibault Guyon, sous-directeur des politiques sectorielles, M. Adrien Perret, chef du bureau politique industrielle, recherche et innovation, et M. Paul Cusson, adjoint au chef de bureau politique industrielle, recherche et innovation

            Ministère de l’Économie et des Finances – Direction générale des entreprises (DGE) – M. Alain Schmitt, chef du service de la compétitivité, de l'innovation et du développement des entreprises et adjoint au directeur général, Mme Véronique Barry, sous-directrice de l'innovation et de l'entrepreneuriat, M. Rémi Bochard, chef du bureau des affaires budgétaires et financières

            Ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation – M. Bernard Larrouturou, directeur général de la recherche et l'innovation, M. Maurice Caraboni, chef du département gestion et pilotage budgétaire des programmes, M. Damien Rousset, adjoint au chef au service de performance, financement et contractualisation avec les organismes de recherche, et Mme Christine Costes, chef du département politique d’incitation à la R&D des entreprises

            Ministère de l'Action et des Comptes publics – Direction générale des finances publiques – Direction de la législation fiscale – M. Gregory Abate, sous-directeur de la fiscalité directe des entreprises, et Mme Alexandra Barreau-Jouffroy, chef du bureau B2 sur le champ, les taux et exonérations de la fiscalité directe des entreprises

            Cour des comptes – M. Philippe Rousselot, président de section, Mme Catherine Julien-Hiebel, conseiller référendaire, Mme MarieChristine Delpech-Colonna, rapporteure, et M. Olivier Renucci, rapporteur

            Observatoire français des conjonctures économiques – Département de recherche sur l'innovation et la concurrence (Sophia Antipolis) – M. Evens Salies, économiste chercheur, et Mme Sarah Guillou, directrice adjointe du département

            Ministère de la Culture – Secrétariat général – M. Arnaud Roffignon, secrétaire général adjoint, Mme Maryline Laplace, cheffe du service de la coordination des politiques culturelles et de l'innovation, et M. Benoît Prouvost, chef du département de la programmation et des moyens

            Ministère de l'Action et des Comptes publics – Direction générale des finances publiques – – M. Bastien Llorca, sous-directeur du service du contrôle fiscal, et Mme Florence Lerat, sous-directrice du contentieux des impôts des professionnels

            Audition commune

 

 

 

 

 

(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Ce périmètre comprend les programmes 172, 193, 190, 191, 186, ainsi que les programmes 192 (hors action 1 sur les organismes de formation supérieure et de recherche), et 142 (hors action 1 sur l’enseignement supérieur agricole), en incluant l’action 17 (recherche) du programme 150 – le programme 231 (vie étudiante) étant exclu.

([2]) Les dépenses intérieures de R&D en 2016, Note flash du SIES (service statistique du ministère de l’enseignement supérieur), n° 15, octobre 2018.

([3]) Notamment une hausse de 20 millions d’euros pour le projet ITER de réacteur thermonucléaire expérimental international situé à Cadarache.

([4]) Parmi lesquels l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, ou IRSN (171,6 millions d’euros), l’Institut français du pétrole et des énergies renouvelables, ou IFPEN (126 millions d’euros) et l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l’aménagement et des réseaux ou IFSTTAR  (87,9 millions d’euros). 

([5]) Le coût de l’exonération des cotisations patronales de sécurité sociale dont bénéficient les JEI connaît une nette augmentation, en atteignant 195 millions d’euros en 2017, contre 174 millions en 2016 et 140 millions en 2014.

([6]) Sur un montant total de 466 millions d’euros pour le financement de l’ensemble du schéma directeur de restauration et d’aménagement du Grand Palais (SDRA).

([7]) Plusieurs lieux d’implantation sont en discussion avec la mairie de Paris afin de maintenir une programmation hors site.  

([8]) La mise en place d’un nouveau processus de sélection des projets, en deux phases –  avec une première phase assez générale de présentation du projet – a quelque peu accentué la baisse du taux de sélection, en accroissant le nombre de projets déposés. En effet, jusqu’en 2014, la sélection des projets s’opérait en une seule phase, impliquant la soumission d’un dossier d’emblée très complet par les chercheurs, soit une procédure dénoncée comme trop lourde.

([9])  Les outils du PIA consacrés à la valorisation de la recherche publique, une forte ambition stratégique, des réalisations en retrait, rapport public thématique de la Cour des comptes, mars 2018.

([10]) Ces nouveaux dispositifs ont été dotés, sur dix ans, d’une enveloppe de dotations consommables et non consommables de 5,4 milliards d’euros.

([11]) Ce dispositif vise à répondre aux difficultés rencontrées par les entreprises dans leurs relations avec les établissements publics de recherche, notamment pour identifier le bon interlocuteur, dans le cas de laboratoires mixtes soumis à plusieurs tutelles, l’objectif étant d’accélérer la signature de contrats sur la propriété intellectuelle.

([12]) Alliance pour les sciences de la vie et de la santé.

([13]) Alliance des sciences humaines et sociales.  

([14]) Alliance nationale de coordination pour la recherche sur l’énergie.  

([15])  Alliance nationale de recherche pour l’environnement.

([16]) S’agissant du CVT Valo Sud, qui avait un positionnement spécifique en n’étant pas adossé aux alliances, l’état a acté la fin du financement au titre du CVT, les acteurs concernés ayant exprimé le souhait de changer de modèle.  

([17]) Le plan  deep tech  prévoit notamment la création d’un nouveau véhicule d’investissement, le fonds French Tech Seed, doté de 400 millions d’euros provenant du PIA3, pour soutenir les levées de fonds des start-ups technologiques issues des laboratoires, des incubateurs ou des SATT.

([18]) Sont également membres de ce conseil le ministre de la transition écologique et solidaire, la ministre des armées, le secrétaire d’État chargé du numérique et le ministre de l’action et des comptes publics ; BPI France et l’ANR, en tant qu’opérateurs du soutien à l’innovation, assistent aussi aux réunions de ce conseil.

([19]) Il s’agit de la deuxième dépense fiscale la plus importante du budget, après le crédit d’impôt en faveur de la compétitivité et de l’emploi ou CICE (15,7 milliards d’euros en 2017). Toutefois, le CICE va s’éteindre d’ici 2022, du fait de son remplacement par un allègement de charges sociales pour les entreprises prévu par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2018.

([20]) Article 67 de la loi n° 82-1126 du 29 décembre 1982 de finances pour 1983.  

([21]) Ces dépenses sont fixées forfaitairement à la somme de 75 % des dotations aux amortissements et de 50 % des dépenses de personnel.  

([22])  Sur la base des critères du manuel de Frascati, une activité est éligible au CIR si elle satisfait les cinq conditions suivantes : la nouveauté, la créativité, le fait de comporter un élément d’incertitude, le caractère systématique et le caractère transférable et/ou reproductible.

([23]) Les dépenses liées aux opérations confiées aux organismes mentionnés au d du II (sous-traitance publique) sont prises en compte pour le double de leurs montants, sous réserve que le donneur d’ordre et le sous‑traitant ne soient pas liés. Les dépenses liées aux opérations confiées aux organismes et experts agréés en application du d bis du II sont prises en compte dans la limite de trois fois le montant total des autres dépenses éligibles au CIR. Dans ces deux cas, les dépenses sont néanmoins plafonnées à 10 millions d’euros (plafond ramené à 2 millions d’euros en cas de lien de dépendance).

([24]) Article 58 de la loi n° 91-1323 du 30 décembre 1991 de finances rectificative pour 1991, qui a introduit les h et i au sein du II de l’article 244 quater B.

([25]) Article 71 de la loi n° 2012-1509 du 29 décembre 2012 de finances pour 2013, qui a introduit le k au sein du II de l’article 244 quater B.

([26]) Soit les entreprises de moins de 250 salariés réalisant un chiffre d’affaires annuel n’excédant pas 50 millions d’euros, ou dont le total du bilan annuel est inférieur à 43 millions d’euros.  

([27]) Article 69 de la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007 de finances pour 2008.

([28]) Article 41 de la loi n° 2010-1657 du 29 décembre 2010 de finances pour 2011.  

([29]) Il convient de noter que le nombre de bénéficiaires est inférieur au nombre d’entreprises qui déposent une demande de CIR, du fait du principe d’intégration fiscale, en vertu duquel seul le groupe est considéré comme bénéficiaire des déclarations des filiales.

([30]) En 2015, 16 entreprises déclaraient plus de 100 millions d’euros de dépenses éligibles au CIR, soit un chiffre relativement constant au cours des dernières années (18 en 2010 et en 2012, 16 en 2013).

([31]) L’ensemble de la R&D d’une entreprise est attribuée à la région de domiciliation de son siège social, sans tenir compte de la répartition des activités de recherche sur le territoire ; le tableau ne constitue donc pas un indicateur précis de la ventilation des activités de recherche privée par région.  

([32]) Cette approche lie le bénéfice d’un avantage fiscal associé à un actif incorporel aux dépenses effectivement engagées pour le développement de l’actif par l’entreprise qui le perçoit.  

([33]) Parmi lesquels, pour les plus récents, un rapport de la Cour des comptes sur L’évaluation et les conditions de maîtrise du crédit d’impôt en faveur de la recherche, publié en octobre 2013, un rapport de synthèse du ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche (MENESR) publié en juin 2014 intitulé « Développement et impact du CIR – 1983-2011 », une étude d’impact sur le dispositif « jeunes docteurs » en octobre 2015 réalisé par MM. David Margolis et Luis Miotti et un rapport de l’OFCE publié en avril 2017 dressant un bilan des travaux et évaluations du CIR, intitulé « Études d’impact du crédit d’impôt recherche (CIR) – Une revue de la littérature », coordonné par M. Even Salies.

([34]) Les frais de fonctionnement représentent 29,1 % des dépenses éligibles au CIR, tandis que la recherche externalisée en représente 12,2 %, dont 7,6 % auprès d’entités privées et 4,6 % auprès d’entités publiques ; les amortissements représentent 5,3 % des dépenses éligibles, et les brevets 3,1 %.

([35]) Les caractéristiques socioprofessionnelles des chercheurs en entreprise en 2015, Note flash du SIES, octobre 2017.

([36]) Du fait d’une assiette de dépenses éligibles de 400 %, à laquelle s’applique un taux de CIR de 30 %.  

([37]) Le droit de reprise de l’administration fiscale au regard de l’impôt sur les sociétés et de l’impôt sur le revenu est de trois années.

([38]) S’agissant du CII, ce sont les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (Dirrecte) qui sont compétentes. Par ailleurs, BPI France et l’ANR pouvaient également être saisies par les entreprises d’une demande de rescrit ; BPI France est sortie de la procédure en 2015 suite à la recommandation de la Cour des comptes, et l’ANR devrait faire de même très prochainement, n’étant plus saisie par les entreprises.

([39]) Les dépenses associées aux prestations de conseil sont éligibles au CIR, en ce qu’elles peuvent relever des dépenses de fonctionnement, qui sont calculées de façon forfaitaire. Néanmoins, depuis la loi de finances pour 2011, l’intervention des intermédiaires en matière de CIR fait l’objet d’un encadrement, puisqu’il est prévu que les dépenses exposées par les entreprises auprès de prestataires de conseil pour l’octroi du CIR sont déduites des dépenses éligibles à concurrence du montant des sommes rémunérant ces prestations fixé en proportion du montant du crédit d'impôt pouvant bénéficier à l'entreprise, ou bien du montant des dépenses exposées qui excède soit la somme de 15 000 euros soit 5 % du total des dépenses éligibles. 

([40]) Il en va de même pour le CII, pour lequel l’administration fiscale peut s’appuyer sur les Dirrecte.  

([41]) Article 1653 F du code général des impôts, introduit par l’article 46 de la loi n° 2015-1786 du 29 décembre 2015 de finances rectificative pour 2015.  

([42])  http://www.assemblee-nationale.tv/video.6901744_5be30cfc7fdf6.commission-des-affaires-culturelles--plf-2019--mme-frederique-vidal-ministre-de-l-enseignement-su-7-novembre-2018