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N° 1305

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2018.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2019,

 

 

TOME II

 

 

SOLIDARITÉ, INSERTION ET ÉGALITÉ DES CHANCES

 

 

 

 

 

PAR M. Brahim HAMMOUCHE,

 

Député.

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1255, 1302 (annexe n° 41).

 

 


 


––  1  ––

SOMMAIRE

___

Pages

introduction

I. les crédits de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances »

A. une hausse de 14 % des crédits du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes »

1. Présentation des crédits alloués au programme

2. Laction 11 « Prime d’activité et autres dispositifs » représente près de 90 % des crédits du programme

3. La mise en œuvre de la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté

B. une hausse de 5 % des crédits du Programme 157 « handicap et dépendance »

1. Présentation des crédits alloués au programme

2. La politique en faveur des personnes handicapées

3. La volonté de créer une société inclusive

C. L’absence d’évolution des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes »

1. Présentation des crédits alloués au programme

2. La promotion de l’égalité professionnelle et une meilleure conciliation des temps de vie

D. les crédits du programme 124 « conduite et soutien des politiques sanitaires, sociale, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » en légère diminution

II. lutte contre la maltraitance et promotion de la bientraitance : une indispensable prise de conscience

A. Un état des lieux préoccupant

1. Des notions complexes

a. La définition de la maltraitance s’est progressivement affinée

b. Les notions qui entourent le concept de bientraitance

2. Les crédits destinés à la lutte contre la maltraitance dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

a. Le programme 304 : l’enfance maltraitée

b. Le programme 157 : la lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des personnes handicapées

c. Le programme 137 : la lutte contre toutes les formes d’agissements et de violences sexistes et sexuelles

d. Les actions de communication du programme 124 destinées à lutter contre les maltraitances

B. les lacunes du système actuel

1. Une problématique difficile à établir

a. La faiblesse des indicateurs et des remontées

b. La faible lisibilité des crédits destinés à la lutte contre la maltraitance

c. Un fléau silencieux : la maltraitance financière

2. Prévenir la maltraitance plutôt que la guérir

3. Lutter davantage contre la maltraitance institutionnelle

C. vers la promotion de la bientraitance

1. La capacité d’alerte et d’interpellation au cœur de la lutte contre la maltraitance

a. Identifier les situations de maltraitance pour pouvoir y remédier

b. Le rôle particulier des lanceurs d’alerte

2. Mettre l’accent sur la formation et sur la coordination des acteurs

3. S’inspirer des bonnes pratiques

Conclusion

Travaux de la commission

I. Audition de la ministre

II. Examen des crédits

Annexe : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur


––  1  ––

   introduction

En 2019, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » s’élèveront à 21,11 milliards d’euros, en hausse de 7,5 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2018 et de 6,8 % par rapport à la LFI 2018 retraitée des mesures de transfert et de périmètre.

Ainsi que l’a rappelé la Cour des comptes ([1]) dans son examen de l’exécution budgétaire 2017, « la mission Solidarité a connu en 2017 des évolutions importantes de périmètre. L’effet dominant observé est cependant l’augmentation tendancielle extrêmement importante des dépenses de « guichet » (AAH et prime d’activité notamment), qui ont été très fortement sous-budgétisées en LFI et ont dû faire l’objet d’ouvertures de crédits massives en fin de gestion.

La mission Solidarité est marquée par le poids des dépenses  d’intervention, qui sont presque uniquement des dépenses de « guichet ». La forte dynamique de ces dépenses est de nature à mettre en péril la soutenabilité de la mission. » 

L’augmentation des crédits pour 2019 s’explique ainsi principalement par l’augmentation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), la création d’un second bonus pour les bénéficiaires de la prime d’activité et la mise en place de la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté.

Convaincu que la responsabilité de l’État, dans le domaine de la solidarité, de l’insertion et de l’égalité des chances, n’est pas seulement organisationnelle et budgétaire, mais qu’elle requiert de développer une véritable culture de l’attention aux autres, le rapporteur a choisi de s’intéresser, dans le cadre de la partie thématique de ce rapport, à un sujet transversal et primordial pour notre vivre ensemble : la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance.

La maltraitance n’est en effet pas seulement physique, elle est aussi psychique, sociale, économique et institutionnelle. Il s’agit d’un phénomène complexe – parfois même les auteurs de maltraitances n’en ont eux-mêmes pas conscience – qu’il est nécessaire de bien appréhender pour pouvoir le combattre.

Le rapporteur pourrait à cet égard faire siens les propose de Matthieu Ricard ([2]), qui évoque la nécessité de l’altruisme : « nous avons besoin d’un fil d’Ariane qui nous permette de retrouver notre chemin dans ce dédale de préoccupations graves et complexes. L’altruisme est ce fil qui peut nous permettre de relier naturellement les trois échelles de temps  ̶  court, moyen et long termes  ̶  en harmonisant leurs exigences.

L’altruisme est souvent présenté comme une valeur morale suprême, aussi bien dans les sociétés religieuses que laïques. Pourtant, il n’aurait guère de place dans un monde entièrement régi par la compétition et l’individualisme. Certains s’insurgent même contre le « diktat de l’altruisme » qu’ils perçoivent comme une exigence de sacrifice, et prônent les vertus de l’égoïsme.

Or, dans le monde contemporain, l’altruisme est plus que jamais une nécessité, voire une urgence. Il est aussi une manifestation naturelle de la bonté humaine, dont nous avons tous le potentiel, en dépit des motivations multiples, souvent égoïstes, qui traversent et parfois dominent nos esprits.

(…) Pour récapituler, l’altruisme semble être un facteur déterminant de la qualité de notre existence, présente et à venir, et ne doit pas être relégué au rang de noble pensée utopiste entretenue par quelques naïfs au grand cœur. Il faut avoir la perspicacité de le reconnaître et l’audace de le dire. »

Le rapporteur tient à saluer l’installation, en début d’année, de la Commission pour la promotion de la bientraitance et de la lutte contre la maltraitance, dont les travaux seront remis aux ministres concernés fin novembre 2018. La promotion de la bientraitance suppose un changement de regard culturel, massif et généralisé. Le rapporteur a pu pleinement en mesurer la pertinence durant ses travaux  ̶  toutefois limités par le cadre de l’avis budgétaire relatif à la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » dans lequel ils s’inscrivaient  ̶  et souhaiterait pouvoir poursuivre ceux-ci à l’occasion d’une mission parlementaire.

 

Le rapporteur tient à témoigner sa gratitude à l’ensemble des personnalités avec lesquelles il s’est entretenu dans le cadre de la préparation de cet avis budgétaire.

 


I.   les crédits de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances »

La mission est composée de quatre programmes rattachés à la ministre des solidarités et de la santé, à la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes, et à la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées.

Elle comprend le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », le programme 157 « Handicap et dépendance », le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes », dont le directeur général de la cohésion sociale (DGCS) est responsable, et enfin le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires et sociales » dont la directrice des finances, des achats et des services (DFAS) est responsable.

Comme l’a souligné la Cour des comptes ([3]) la mission est structurée par l’importance du programme 157 (10,98 milliards d’euros exécutés en 2017) et du programme 304 (6,55 milliards d’euros exécutés en 2017), qui représentent au total 92 % des crédits de la mission.

Ces dépenses d’intervention poursuivent une évolution dynamique. Deux dispositifs représentent la plus grande part de ces dépenses : l’AAH (9,39 milliards d’euros exécutés en 2017) et la prime d’activité (5,26 milliards d’euros exécutés en 2017). Trois autres dépenses dépassent 500 millions d’euros : l’aide au poste au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH), la protection juridique des majeurs et les aides exceptionnelles de fin d’année (« primes de Noël »). Le total des dépenses d’intervention est passé de 16,36 milliards d’euros en 2016 (périmètre 2017) à 17,53 milliards d’euros en 2017 et l’exécution 2017 dépasse la LFI de 7,4 %.

La Cour des comptes a également rappelé l’importance des dépenses fiscales rattachées à la mission, en coût et en poids relatif : les 29 dépenses fiscales représentaient 13,7 milliards d’euros en 2017, soit 72 % des crédits exécutés. Quatre d’entre elles avaient un coût supérieur à 1 milliard d’euros, pour un total en hausse de 1,3 %.


A.   une hausse de 14 % des crédits du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes »

1.   Présentation des crédits alloués au programme

Les crédits du programme 304

(en millions d’euros)

Programme 304 – Inclusion sociale et protection des personnes

LFI 2018

crédits de paiement

PLF 2019

crédits de paiement

Variation LFI 2018/PLF 2019 en valeur absolue

Variation LFI 2018/PLF 2019 en %

Action 11 – Prime d'activité et autres dispositifs

5 910,7

6 643,7

+ 733

+ 12,4 %

Action 13 – Ingénierie, outils de la gouvernance

et expérimentations

0,7

0,7

0

0

Action 14  – Aide alimentaire

51,9

51,6

- 0,3

– 0,6 %

Action 15 – Qualification en travail social

6,1

5,7

- 0,4

– 6,6 %

Action 16 – Protection juridique des majeurs

647,2

668,3

+ 21,1

+ 3,3 %

Action 17  – Protection et accompagnement des

enfants, des jeunes et des familles

vulnérables

143,0

156,1

+ 13,1

+ 9,2 %

Action 18 – Aide à la réinsertion familiale et

sociale des anciens migrants dans

leur pays d’origine (ARFS)

1,0

0,2

– 0,8

– 80 %

Action 19  – Stratégie interministérielle de

Prévention et de Lutte contre la

Pauvreté des Enfants et des Jeunes  – (nouveau)

-

171

+ 171

-

Total des crédits du Programme 304

6 760,6

7 697,2

+ 936,6

+ 13,9 %

Source : Projet annuel de performance de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » annexé au projet de loi de finances pour 2019.

Le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes » connaît une augmentation de près de 14 %. Il a pour objectif de soutenir diverses actions à fort enjeu : le financement de la prime d’activité, les dispositifs d’aide alimentaire qui s’inscrivent dans le cadre du fonds européen d’aide aux plus démunis, les actions relatives à la qualification et la professionnalisation en travail social, les dispositifs de protection juridique des majeurs ainsi que les actions de protection et d’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Par ailleurs, le programme porte en 2019 les moyens alloués à la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté.

Dans les années à venir, la politique de lutte contre la pauvreté et de prévention du risque d’exclusion devra répondre  ̶  en concertation avec l’ensemble des acteurs nationaux, de terrain et associatifs  ̶  aux défis que sont la prévention des risques d’exclusion, ainsi que la lutte contre la pauvreté des enfants et l’action en faveur de l’insertion professionnelle.

2.   L’action 11 « Prime d’activité et autres dispositifs » représente près de 90 % des crédits du programme

Créée dans le cadre du Plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, adopté lors du Comité interministériel de lutte contre les exclusions du 21 janvier 2013, la prime d’activité remplace la prime pour l’emploi (PPE) et le volet « activité » du revenu de solidarité active (RSA) depuis le 1er janvier 2016. Son objectif est de soutenir le pouvoir d’achat des travailleurs modestes et de les inciter à se maintenir dans l’emploi ou à reprendre une activité.

La prime d’activité est un complément de revenu mensuel versé, sous condition de ressources, aux actifs dès 18 ans qu’ils soient salariés ou travailleurs indépendants. Son barème est plus ciblé que celui de la PPE, la composition familiale et les ressources perçues par l’ensemble des membres du foyer étant prises en compte dans le calcul du montant de la prestation. Afin d’inciter à l’activité tous les membres du foyer, une composante individuelle a également été introduite. Elle prend la forme d’un bonus, servi à chaque membre du  foyer dont les revenus sont supérieurs à 0,5 Smic. Le bonus est croissant de 0,5 à 0,8 Smic, puis stable jusqu’à 1,2 Smic.

Le montant forfaitaire de la prime d’activité (actuellement de 531,51 euros) a fait l’objet d’une revalorisation exceptionnelle de 20 euros en 2018, pour être porté à 551,51 euros. Cette revalorisation sera poursuivie en 2019 par la création d’une seconde bonification dont le montant maximal sera fixé à 20 euros, versé aux bénéficiaires dont les revenus sont supérieurs à 0,5 Smic et atteignant son montant maximum à 1 Smic (8,3 millions d’euros). Celui-ci sera revalorisé de 20 euros en 2020 puis de 20 euros également en 2021. Ainsi, et conformément à l’engagement présidentiel, la revalorisation pour les bénéficiaires de la prime d’activité rémunérés au niveau du Smic s’élèvera à un surplus de 80 euros à la fin du quinquennat. Néanmoins, compte tenu de ces deux revalorisations exceptionnelles et de la trajectoire dynamique de la prestation, la revalorisation légale de la prime ne sera pas appliquée en 2019.

En 2019, 6 milliards d’euros seront consacrés à la prime d’activité. Cette dépense intègre les éléments suivants :

– l’évolution naturelle et spontanée des dépenses dite « tendancielles » (hypothèse d’un nombre d’allocataires s’élevant à 2,96 millions de foyers en moyenne annuelle pour un montant moyen mensuel de 159 euros, ainsi que les effets en année pleine de la revalorisation exceptionnelle du montant forfaitaire d’août 2018, soit 777 millions d’euros) ;

– les frais de gestion versés à la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole ;

– la création d’un second bonus individuel en 2019 ;

 la mesure transversale de revalorisation modérée des prestations sociales.

Par ailleurs, concernant la protection juridique des majeurs (laquelle fait également partie du programme 304), une réforme du barème de participation des personnes protégées intègre le maintien de l’exonération de la participation pour les personnes ayant un niveau de ressources inférieur ou égal à l’AAH, la suppression de la franchise en vigueur pour les personnes ayant un niveau de ressources supérieur à l’AAH qui paieront une participation sur la tranche de revenus comprise entre 0 euro et le plafond de l’AAH à taux plein, ainsi qu’une modification des taux actuels du barème.

3.   La mise en œuvre de la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté

L’année 2019 sera marquée par la première année de mise en œuvre de la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté, qui s’articule autour de cinq engagements :

 l’égalité des chances dès les premiers pas pour rompre la reproduction de la pauvreté ;

 garantir au quotidien les droits fondamentaux de tous les enfants ;

 un parcours de formation garanti pour tous les jeunes ;

 assurer l’émancipation sociale par l’activité ;

 rendre les minima sociaux plus simples, plus lisibles et plus incitatifs à l’activité.

À cette fin, 135 millions d’euros de crédits nouveaux seront fléchés majoritairement vers une contractualisation avec les collectivités territoriales cheffes de fil.

Par ailleurs, la démarche AGILLE « Améliorer la gouvernance et développer l’initiative locale pour mieux lutter contre l’exclusion » se poursuit dans le cadre d’une nouvelle impulsion visant en priorité à améliorer la fluidité des parcours. Elle s’inscrit pleinement dans le cadre contractuel posé par la stratégie de lutte contre la pauvreté.


B.   une hausse de 5 % des crédits du Programme 157 « handicap et dépendance »

1.   Présentation des crédits alloués au programme

Les crédits du programme 157

(en millions d’euros)

Programme 157 Handicap et dépendance

LFI 2018

crédits de paiement

PLF 2019

crédits de paiement

Variation LFI 2018/PLF 2019 en valeur absolue

Variation LFI 2018/PLF 2019 en %

Action 12 – Allocations et aides en faveur des

personnes handicapées

11 317,5

11 897,5

+ 580,0

+ 5,1 %

Action 13 – Pilotage du programme et animation

des politiques inclusives

23,8

25,8

+ 2,0

+ 8,4 %

Total des crédits du Programme 157

11 341,2

11 923,3

+ 582,1

+ 5,1 %

Source : Projet annuel de performance de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » annexé au projet de loi de finances pour 2019.

Le programme 157 « Handicap et dépendance » vise à permettre aux personnes handicapées et aux personnes âgées en perte d’autonomie de choisir librement leur mode de vie en leur facilitant l’accès au droit commun et en leur offrant des dispositifs adaptés à leurs besoins évalués de façon individualisée. Le programme finance essentiellement les ressources d’existence (allocation aux adultes handicapés et allocation supplémentaire d’invalidité) ainsi que les mécanismes d’accompagnement vers l'activité professionnelle (aide au poste versée aux établissements et services d’aide par le travail, emploi accompagné) et les actions mises en œuvre pour renforcer les dispositifs de lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des personnes handicapées.

2.   La politique en faveur des personnes handicapées

Les crédits du programme 157 contribuent très majoritairement  au soutien du revenu des personnes handicapées par le financement de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), qui représentent 85 % des dépenses du programme (soit 10 284,72 millions d’euros).

Une revalorisation exceptionnelle de l’AAH viendra compléter la revalorisation légale d’avril 2018, indexée sur l'inflation constatée, et portera le montant mensuel versé pour une allocation à taux plein à 860 euros en novembre 2018, soit un gain de 41 euros mensuel pour les allocataires. Une deuxième revalorisation exceptionnelle sera mise en œuvre pour porter le montant mensuel de l’AAH à taux plein à 900 euros en novembre 2019. Il s’agit d’une hausse sans précédent, qui représente un effort de plus de 500 millions d’euros en 2019 et de plus de 2 milliards d’euros sur l’ensemble du quinquennat.

Le programme finance également l’« aide au poste » versée par l’État aux établissements et services d’aide par le travail (ESAT), au titre de la garantie de rémunération des travailleurs handicapés (GRTH). Cette aide bénéficie à quelque 120 000 personnes employées en ESAT. Le programme 157 retrace en outre les dépenses liées à l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI), qui vise à garantir un minimum de ressources aux bénéficiaires d’une pension d’invalidité ou d’un avantage vieillesse s’ils sont atteints d’une invalidité générale réduisant leur capacité de travail ou de gain d’au moins deux tiers.

Enfin, les crédits dédiés à l’emploi accompagné seront augmentés de 40 % (+ 2 millions d’euros) afin de mettre en œuvre les mesures s’inscrivant dans le cadre de la stratégie nationale pour l’autisme, notamment son axe 4 « Promouvoir l’inclusion sociale des adultes » qui prescrit l’amélioration de l’insertion et du maintien en emploi en milieu ordinaire des personnes handicapées souffrant de troubles autistique et ce quel que soit leur lieu de résidence. En effet, une « Stratégie nationale pour l’autisme, au sein des troubles du neuro-développement 2018-2022 », prenant la suite du 3ème plan autisme, a été présentée le 6 avril 2018 par le Premier ministre. Dotée d’un budget global de 344 millions d’euros, elle s’inscrit dans le cadre de la stratégie de transformation de l’offre médico-sociale avec l’objectif de développer davantage de services médico-sociaux et de solutions innovantes s’articulant avec la scolarisation, l’habitat ou l’emploi en milieu ordinaire.

3.   La volonté de créer une société inclusive

Le Gouvernement a fait du handicap une priorité du quinquennat comme cela a été rappelé lors du comité interministériel du 20 septembre 2017. Ses orientations en faveur des personnes en situation de handicap, qui sont notamment portées par 17 hauts fonctionnaires au sein de chaque ministère, visent à changer le regard de la société, à faciliter la vie au quotidien par une société plus accessible et à apporter des réponses effectives aux besoins des personnes quel que soit leur handicap et leur l’âge dans tous les secteurs :

– à l’école, tous les enfants qui en ont besoin devront avoir accès à un accompagnement adapté leur permettant une scolarité et un accès aux activités périscolaires ou extrascolaires ;

– en matière d’emploi, plusieurs mesures sont prévues pour favoriser leur accès à la formation professionnelle,  l’accompagnement dans leur évolution professionnelle et la diversification de l’offre de métiers vers lesquels s’orientent les personnes handicapées. Un effort particulier est réalisé en faveur de l’apprentissage et de la formation des demandeurs d'emploi ainsi que des incitations à l’embauche notamment par le déploiement des services d'emploi accompagné ;

– dans les transports, 100 % des trajets accessibles seront identifiés et cartographiés pour renforcer la mobilité ;

– afin d’améliorer l’accès au logement, les logements adaptés seront systématiquement identifiés pour faciliter les recherches, les habitats inclusifs seront favorisés en levant les obstacles administratifs ;

– l’accessibilité des services publics numériques sera développée et l’innovation technologique pour les personnes en situation de handicap soutenue ;

– une attention particulière sera apportée à la qualité de vie des aidants familiaux, notamment s’agissant de leurs conditions de travail.

Un nouveau comité interministériel sera organisé à l’automne 2018. Il permettra de dresser un bilan des réalisations et de mobiliser l’ensemble des ministères sur la mise en œuvre de mesures de simplification en faveur des droits des personnes afin  de lutter contre les ruptures de parcours. Une nouvelle conférence nationale du handicap sera lancée à l’issue de ce comité interministériel. Il s’agira de partager avec l’ensemble de la société, notamment à l’échelle de chaque territoire, les enjeux liés aux questions de l’inclusion et de l’accessibilité.

C.   L’absence d’évolution des crédits du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes »

1.   Présentation des crédits alloués au programme

Les crédits du programme 137

(en millions d’euros)

Programme 137 – Égalité entre les femmes et les hommes

LFI 2018

crédits de paiement

PLF 2019

crédits de paiement

Variation LFI 2018/PLF 2019 en valeur absolue et %

Action 11 – Actions et expérimentations pour la culture de l'égalité et en faveur de

l'égalité professionnelle, politique et

sociale (ancien)

4,9

 

-

Action 12 – Promotion des droits, prévention et lutte contre les violences sexistes (ancien)

18,4

 

-

Action 13  – Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes (ancien)

1,6

 

-

Action 15 – Prévention et lutte contre la

prostitution et la traite des êtres humains (ancien)

5,0

 

-

Action 21 – Politiques publiques - Accès au droit  (nouveau)

 

22,4

-

Action 22  – Partenariats et innovations (nouveau)

 

5,9

-

Action 23 – Soutien du programme égalité entre les femmes et les hommes (nouveau)

 

1,6

-

Total des crédits du Programme 137

29,9

29,9

0,0

Source : Projet annuel de performance de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » annexé au projet de loi de finances pour 2019.

 

 

Le programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » vise à impulser et coordonner les actions relatives à l’égalité entre les femmes et les hommes dans la vie professionnelle, économique, politique et sociale, à la promotion des droits et à la prévention et la lutte contre les violences faites aux femmes. La politique de l’égalité entre les femmes et les hommes s’inscrit ainsi dans une démarche interministérielle et partenariale qui permet par effet de levier budgétaire, sur les champs d’intervention du programme, de mobiliser des partenaires (européens, nationaux, territoriaux, mais aussi des entreprises et des branches professionnelles), ainsi que leurs financements.

L’égalité entre les femmes et les hommes a été érigée au rang de grande cause nationale du quinquennat, dont les trois champs d’intervention prioritaires suivants :

 promouvoir l’égalité professionnelle et permettre une meilleure conciliation des temps de vie ;

– lutter contre toutes les formes d’agissements et de violences sexistes et sexuelles ;

– un État exemplaire grâce à l’efficacité de politiques ministérielles et interministérielles en faveur de l’égalité.

La nouvelle architecture du programme 137 traduit cette triple ambition de pilotage, notamment via :

– des  dispositifs spécifiques (action 21 « Politiques publiques – accès aux droits ») exerçant un effet de levier, de soutien et de promotion de partenariats et répondant aussi à des situations territoriales diversifiées ;

– des actions innovantes permettant l’émergence de nouvelles pratiques (action 22 « Partenariats et innovation ») ;

– le développement des initiatives d’information et de sensibilisation pour l’égalité (action 23 « Soutien du programme Égalité entre les femmes et les hommes »).

Les financements inscrits au titre de l’action 21 portent sur des actions d’information et d’orientation des femmes, sur la prévention, l’accompagnement et la prise en charge des femmes victimes de violences physiques et sexuelles (au sein du couple, mariage forcé, mutilation sexuelle, viol, etc.). Ils soutiennent également des actions en matière d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle, de conseil conjugal et familial ainsi que de santé génésique et d’interruption volontaire de grossesse. Ils contribuent, enfin, à la prévention et à la lutte contre la prostitution et la traite des êtres humains, principalement à des fins d’exploitation sexuelle, notamment à travers le déploiement de l’accompagnement des personnes prostituées s'engageant dans le parcours de sortie de la prostitution créé par la loi n° 2016-444 du 13 avril 2016 renforçant la lutte contre le système prostitutionnel et l'accompagnement des personnes prostituées.

L’action 22 contribue à soutenir les associations, structures et projets favorisant l’innovation, le renouvellement des pratiques et l’émergence des initiatives pour l’égalité entre les femmes et les hommes. Sont notamment visées les initiatives contribuant à développer la culture de l’égalité et l’égal accès des femmes à la vie sociale sous toutes ses formes. Des actions d’amélioration des trajectoires professionnelles des femmes sont également soutenues. Dans le champ de l’emploi et de l’insertion sociale et professionnelle des femmes, la recherche de partenariats et l’inscription de ces actions dans des programmations stratégiques à l’échelle régionale ont été systématisées pour amplifier l’effet de levier des crédits du programme 137.

0,1 million d’euros des crédits de l’action 23 sont destinés au fonctionnement, tandis que 1,4 million d’euros visent à soutenir le développement des initiatives d’information et sensibilisation portées par l’État ou associations partenaires. Cette action finance les dépenses de communication et de sensibilisation, les dépenses de fonctionnement courant des délégations régionales aux droits des femmes ainsi que les indemnités de service civique. 

2.   La promotion de l’égalité professionnelle et une meilleure conciliation des temps de vie

À l’issue d’une concertation avec les partenaires sociaux initiée le 7 mars 2018, la ministre du travail et la secrétaire d’État à l’égalité entre les femmes et les hommes ont présenté dix actions pour en finir avec les écarts de salaires injustifiés et cinq actions pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles :

– dix actions pour en finir avec les écarts de salaires injustifiés (9 % au niveau national) et faire progresser l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes. Sur le fondement du principe « à travail égal, salaire égal » inscrit dans la loi depuis 45 ans, une méthodologie commune sera déployée dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés : dès le 1er janvier 2019 pour les entreprises de plus de 250 salariés, et au 1er janvier 2020 pour les entreprises entre 50 et 250 salariés. En cas de non-conformité persistante en 2022, la sanction décidée par l’inspection du travail ne sera plus seulement sur l’obligation de moyens comme aujourd’hui, mais aussi sur l’obligation de résultat. Chaque branche devra rendre compte de son action en matière d’égalité professionnelle dans le cadre de son bilan annuel, notamment sur les classifications, la promotion de la mixité et les certificats de qualification professionnelle pour qu’ils soient au service des parcours professionnels des femmes. Les contrôles et interventions de l’inspection du travail seront multipliés par 4, passant de 1 730 à 7 000 contrôles par an sur le seul sujet de l’égalité professionnelle et salariale (qui est l’une des 4 priorités de l’inspection) ;

– cinq  actions pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles. Il s’agira de mobiliser les acteurs du dialogue social et de former les inspecteurs du travail, les professionnels de la médecine du travail, les délégués syndicaux et les élus du personnel ainsi que les conseillers prud’homaux. L’accompagnement des victimes est prévu avec la mise en place des référents formés et identifiables pour tous les salariés. Enfin, les sanctions seront proportionnées aux violences, le cas échéant par une mutation voire un licenciement, et un guide pratique sera élaboré avec les partenaires sociaux pour clarifier les sanctions adaptées à chaque situation.

Le 17 mai 2018, un appel à projets d’un million d’euros a été lancé, afin de permettre de contribuer à la mobilisation des acteurs régionaux et nationaux dans la mise en œuvre d’actions concrètes et innovantes contre les violences sexistes et sexuelles au travail.

D.   les crédits du programme 124 « conduite et soutien des politiques sanitaires, sociale, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » en légère diminution

Les crédits du programme 124

(en millions d’euros)

Programme 124 Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative

LFI 2018

crédits de paiement

PLF 2019

crédits de paiement

Variation LFI 2018/
PLF 2019 en valeur absolue

Variation LFI 2018/
PLF 2019 en %

Action 10 – Fonctionnement des services

15,9

17,4

+ 1,5

+ 9,4 %

Action 11 – Systèmes d'information

46,0

47,3

+ 1,3

+ 2,8 %

Action 12  – Affaires immobilières

88,4

63,3

– 25,1

– 28,4 %

Action 14 – Communication

4,7

5,6

+ 0,9

+ 19,1 %

Action 15 – Affaires européennes et internationales

5,5

5,2

– 0,3

– 5,5 %

Action 16  – Statistiques, études et recherche

9,1

9,4

+ 0,3

+ 3,3%

Action 17 – Financement des agences régionales de santé

594,8

591,0

– 3,8

– 0,6 %

Action 18  – Personnels mettant en œuvre les politiques sociales et de la santé

248,8

227,1

– 21,7

– 7,6 %

Action 19  – Personnels mettant en œuvre les politiques du sport, de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative

284,1

294,1

+ 10,0

+ 3,5 %

Action 20  – Personnels mettant en œuvre  les  politiques pour les droits des femmes

15,6

14,2

– 1,4

– 9,0 %

Action 21  – Personnels mettant en œuvre les politiques de la ville, du logement et de l'hébergement

50,6

48,6

– 2,0

– 4,0 %

Action 22  – Personnels transversaux et de soutien

132,4

135,0

+ 2,6

+ 2,0 %

Action 23 – Politique des ressources humaines

23,0

23,0

0,0

0 %

Total des crédits du Programme 124

1 519,0

1 481,2

- 37,8

– 2,5 %

Source : Projet annuel de performance de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » annexé au projet de loi de finances pour 2019.

Le programme 124 « Conduite et soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative » est un programme d’appui et de soutien aux politiques publiques des administrations et cabinets du secteur des affaires sociales, de la santé, du sport, de la jeunesse et de la vie associative. À ce titre, il porte l’ensemble des emplois exerçant en cabinet, en administration centrale et dans les services déconcentrés des ministères sociaux, ainsi que la masse salariale correspondante (y compris l’action sociale). Il porte également la subvention pour charge de service public versée aux Agences régionales de santé et les crédits de fonctionnement des cabinets et de l’administration centrale ainsi que des services déconcentrés d’outre-mer.

Les moyens de fonctionnement financeront prioritairement les dépenses récurrentes et les actions lancées dans le cadre de la démarche « Action publique 2022 ». Ils accompagneront également les processus de transformation qui seront mis en œuvre en application des circulaires du Premier ministre du 24 juillet 2018 relatives à l’organisation territoriale des services publics ainsi qu’à la déconcentration et l’organisation des administrations centrales.

Ils cofinanceront par ailleurs, en complément des crédits mobilisés par les autres responsables de programmes, les projets des ministères sociaux retenus par le Fonds de transformation de l’action publique. Enfin, dans un contexte renforcé de maîtrise de la dépense publique et des effectifs publics, l’optimisation des moyens sera particulièrement poursuivie en matière de systèmes d’information et de dépenses immobilières.

 


––  1  ––

II.   lutte contre la maltraitance et promotion de la bientraitance : une indispensable prise de conscience

A.   Un état des lieux préoccupant

La diversité des situations et des actes de maltraitance est immense. Afin de les combattre et de promouvoir la bientraitance, il est nécessaire de s’intéresser en premier lieu à la définition de la maltraitance comme de la bientraitance dans leur ensemble.

1.   Des notions complexes

a.   La définition de la maltraitance s’est progressivement affinée

Selon un rapport gouvernemental récent ([4]), si historiquement, la notion de maltraitance a été introduite en France à la fin des années 1980, dans la loi relative à la prévention des mauvais traitements à l’égard des mineurs (organisant notamment l’obligation de signalement des situations au procureur), les acteurs intervenant dans la prise en soin de personnes handicapées s’en sont également emparés et ont largement contribué à sa vulgarisation. Actuellement ce concept prévaut également dans les secteurs sanitaire et médico-social, notamment s’agissant des pratiques professionnelles en gériatrie et gérontologie.

La France s’appuie en premier lieu sur les définitions du Conseil de l’Europe et de l’Organisation mondiale de la santé (OMS).

En 1987, le Conseil de l’Europe a défini la maltraitance comme étant « tout acte ou omission commis par une personne, s'il porte atteinte à la vie, à l'intégrité corporelle ou psychique ou à la liberté d'une autre personne ou compromet gravement le développement de sa personnalité et/ou nuit à sa sécurité financière » ([5]).

Par ailleurs, en 2002, le Conseil de l’Europe a publié un rapport ([6]) qui  apporte un nouvel éclairage à cette définition, à savoir « tout acte ou omission commis par une personne ou un groupe, qui a pour effet de porter gravement atteinte, que ce soit de manière volontaire ou involontaire, aux droits fondamentaux, aux libertés civiles, à l’intégrité corporelle, à la dignité ou au bien-être général d’une personne vulnérable, y compris les relations sexuelles ou les opérations financières auxquelles elle ne consent ou ne peut consentir valablement, ou qui visent délibérément à l’exploiter ». La classification décrite est la suivante :

– la violence physique, qui comprend les châtiments corporels, l'incarcération, y compris l'enfermement chez soi sans possibilité de sortir, la surmédication ou l'usage de médicaments à mauvais escient et l'expérimentation médicale sans consentement ;

– les abus et exploitations sexuels, y compris le viol, les agressions sexuelles, les outrages aux mœurs, les attentats à la pudeur, l'embrigadement dans la pornographie et la prostitution ;

– les menaces et les préjudices psychologiques, généralement les insultes, l'intimidation, le harcèlement, les humiliations, les menaces de sanctions ou d'abandon, le chantage affectif ou le recours à l'arbitraire, le déni du statut d'adulte et l'infantilisation des personnes handicapées ;

– les interventions portant atteinte à l'intégrité de la personne, y compris certains programmes à caractère éducatif, thérapeutique ou comportemental ;

– les abus financiers, les fraudes et les vols d'effets personnels, d'argent ou de biens divers ;

– les négligences, les abandons et les privations, d'ordre matériel ou affectif, et notamment le manque répété de soins de santé, les prises de risques inconsidérées, la privation de nourriture, de boissons ou d'autres produits d'usage journalier, y compris dans le cadre de certains programmes éducatifs ou de thérapie comportementale. En 2002, l’OMS a également défini la maltraitance à l’égard des personnes âgées comme étant « un acte isolé ou répété, ou l’absence d’intervention appropriée, qui se produit dans toute relation de confiance et cause un préjudice ou une détresse chez la personne âgée » ([7]).

Comme le souligne le Professeur Mony Elkaïm, c’est l’abus de pouvoir qui signe la présence d’une maltraitance. En effet, à la différence de la violence, une maltraitance suppose que soient réunis trois éléments :

– « une dissymétrie dans la relation » ([8]),

– une dépendance (entendue comme un lien entre l’auteur et la victime) et

– l’existence d’un abus de pouvoir, dans le sens d’user de sa capacité de faire ou de ne pas faire en vue d’obtenir quelque chose ou le comportement attendu de la personne abusée. L’acte de violence peut exister sans dissymétrie et sans dépendance dans la relation.

Le lien ou la relation entre la victime d’une maltraitance et son auteur est au centre de cette définition. Cette relation a différents visages : lien de parenté, relation entre un client et un professionnel (par exemple une relation commerciale), relation de voisinage, relation entre aidant et aidé, relation entre une personne vulnérable et un professionnel de santé ou du soin (par exemple une relation médicale ou paramédicale).

Le président du conseil départemental de la Moselle met quant à lui en exergue une maltraitance sociale et économique, que l’on a trop tendance à négliger : la maltraitance, ce n’est pas que la brutalité physique. Les représentantes de la Haute autorité de santé (HAS) soulignent pour leur part que la bientraitance passe par une plus grande place laissée aux usagers : plus on reconnaît les personnes comme acteurs, avec un droit à l’autodétermination, plus la maltraitance diminue. La HAS dispose de deux grands outils visant à lutter contre la maltraitance et à renforcer la bientraitance :

– l’évaluation de la qualité, qui est une compétence nouvelle ;

– le volet « recommandation de bonnes pratiques » pour les professionnels.

Les normes et recommandations produites par HAS reposent sur les trois piliers suivants :

– le savoir scientifique ;

– le savoir des professionnels ;

– le savoir des patients.

Le rapporteur tient toutefois à souligner qu’il faut veiller à ne pas plaquer un référentiel aveugle sur les notions de bientraitance et de maltraitance. Dans un tel cas de figure en effet, les recommandations normatives de la HAS seraient susceptibles de générer de la maltraitance institutionnelle…

b.   Les notions qui entourent le concept de bientraitance

Selon l’Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux (ANESM) ([9]), le concept naît dans un champ professionnel marqué par plusieurs autres concepts importants, à la fois préparatoires et complémentaires de la notion de bientraitance.

La notion de bienveillance, plus récente dans sa déclinaison professionnelle, se situe au niveau de l’intention. Elle consiste à aborder l’autre, le plus fragile, avec une attitude positive et avec le souci de lui faire du bien : c’est l’importance de l’intention envers l’autre qui prime.

Le concept de bientraitance s’appuie également sur une notion tirée de la psychanalyse : il s’agit de la notion de mère « suffisamment bonne » développée par le pédopsychiatre  Donald Winnicott ([10]), qui traduit une capacité d’adaptation et de « prendre soin » de la mère qui ne se définisse pas de manière générale mais relève d’un ajustement à un enfant particulier, à un moment donné du temps. Cela ne signifie pas que la posture professionnelle de bientraitance ̶  posture d’ajustement à un usager singulier à un moment donné  ̶ s’apparente à une posture maternante : cette notion différencie la compétence maternelle d’une quelconque forme de perfection, ou encore d’une compétence abstraite et générale.

De la psychologie, la bientraitance peut également retenir l’héritage de   Carl Rogers et ses enseignements en matière de communication ([11]). Quatre dimensions de la communication, qui incarnent les modalités par lesquelles un individu peut éviter de mettre l’autre en accusation à travers sa communication, peuvent en particulier participer à une démarche bientraitante :

– la première dimension consiste à observer les faits en évitant les jugements de valeur ;

– la seconde, à reconnaître ses propres sentiments, ce qui permet à l’interlocuteur de trouver plus facilement un espace pour exprimer également les siens ;

– la troisième, d’avoir conscience d’exprimer ses besoins propres, ce qui facilite également la compréhension des besoins de l’autre ;

– la quatrième enfin, de savoir formuler sa demande et indiquer à l’autre quelles actions concrètes peuvent contribuer à « mon bien-être ». Ces quatre dimensions mettent en exergue la faculté d’empathie et la posture de négociation.

La notion de sollicitude, développée principalement par le philosophe Paul Ricœur ([12]), consiste à adopter envers l’autre, au sein d’une relation dissymétrique, une attitude permettant de rétablir un équilibre plutôt que d’accentuer le déséquilibre. Incarnée dans un geste individuel, la sollicitude répond à une fragilité momentanée ou durable par une réponse singulière, soucieuse de l’unicité de l’autre et de sa vulnérabilité. Là où il ne peut toujours parvenir à réparer la différence de situations et l’écart de possibilités, le geste de sollicitude vise en tout cas à instaurer une relation équilibrée et respectueuse de l’autre.

La notion de « care », quant à elle, a été développée au sein d’écrits anglo‑saxons d’abord, puis francophones, afin de différencier l’attitude du « prendre soin » de celle d’un « guérir » plus technicien. Cette notion se réfère à un accompagnement de proximité dans lequel une place importante est donnée à l’expérience des professionnels qui travaillent au plus près des personnes dépendantes ([13]). L’enseignement du care décrit des attitudes et comportements qui sont, non pas déterminés par la règle ou le droit, mais par l’adaptation des réponses à une situation donnée, toujours singulière : « la pratique du care implique de sortir de son propre cadre de référence pour entrer dans celui de l’autre » ([14]). L’éthique du care est donc une réponse contextualisée et personnalisée.

La notion de reconnaissance apporte également un éclairage pertinent : elle met l’accent sur l’importance pour toute personne d’être regardée positivement et favorablement par ceux qui l’entourent, afin de développer une bonne image d’elle-même.

Enfin le concept de bien-traitance a vu le jour dans les années quatre-vingt-dix au sein du comité de pilotage ministériel de « l’opération pouponnières », opération qui visait l’humanisation de l’accueil de très jeunes enfants. Ce terme renvoie au cheminement de professionnels qui souhaitaient « rechercher activement des moyens permettant de ne pas se laisser envahir par le découragement provoqué par la complexité des situations de maltraitance » ([15]).   Il désignait une démarche « impliquant avant tout, malgré les séparations et les ruptures, de respecter la continuité du développement de l’enfant dans son histoire, non plus à court terme, mais envisagée dans un projet d’avenir, et de l’aider à construire son identité dans la sécurité affective et l’épanouissement de toutes ses possibilités ([16]) ». Le trait d’union du terme de « bien-traitance » symbolisait, pour ses créateurs, le lien entre tous ceux qui prenaient part à la démarche. L’enjeu de ce concept était ainsi résumé : « (…) la « bien-traitance » des plus vulnérables d’entre les siens est l’enjeu d’une société tout entière, un enjeu d’humanité » ([17]).

2.   Les crédits destinés à la lutte contre la maltraitance dans la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances »

Si un certain nombre des crédits destinés à lutte contre la maltraitance figurent dans les programmes de la mission, d’autres se trouvent par ailleurs dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale ainsi qu’à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie. En tout état de cause, les différents établissements sociaux et médico-sociaux doivent souscrire des règles minimales de fonctionnement pour être accrédités. Cette autorisation est assortie d’une évaluation interne et externe de la HAS, en charge de piloter la qualité. Les usagers disposent également de la possibilité de s’exprimer sur leur bien-être, en s’adressant à l’Agence régionale de santé (ARS) dont ils relèvent ou à leur conseil départemental (CD) , en saisissant une personne qualifiée désignée par le CD ou encore en utilisant l’un des numéros téléphoniques dédiés.

a.   Le programme 304 : l’enfance maltraitée

Dans le projet annuel de performance pour 2019, au sein du programme 304, les crédits destinés à la lutte contre les violences faites aux enfants s’élèvent à 2,4 millions d’euros. Il s’agit du financement du groupement d’intérêt public pour l’enfance en danger (GIPED) composé du service national d’accueil téléphonique pour l’enfance en danger (SNATED) et de l’observatoire pour la protection de l’enfance (ONPE).

L’objectif de performance n° 2 du programme 304 « améliorer le repérage des enfants en danger ou en risque de danger » évalue les taux d’appels traités par le SNATED. En 2019, il a été décidé de recentrer les quatre sous-indicateurs sur les deux taux centraux « taux d’appels traités par un écoutant du SNATED » et « taux d’appels transmis aux conseil départementaux ».

Par ailleurs, plusieurs associations œuvrant dans le domaine de la protection de l’enfance sont financées sur l’action 17, pour un montant total de 171 000 euros en 2018, comme par exemple la fédération nationale des associations départementales des personnes accueillies en protection de l’enfance (FNADEPAPE).

b.   Le programme 157 : la lutte contre la maltraitance des personnes âgées et des personnes handicapées

 Dans le projet annuel de performance pour 2019, au sein du programme 157, les crédits destinés à la lutte contre la maltraitance s’élèvent à 1,8 millions d’euros, maintenus au niveau de 2018. La politique mise en place par l’État pour lutter contre ce phénomène vise à protéger les personnes vulnérables en raison de leur âge ou de leur handicap, en facilitant le signalement des faits de maltraitance et en renforçant les contrôles opérés au sein des établissements sociaux ou médico-sociaux. Elle cherche également à prévenir et à repérer les risques de maltraitance en accompagnant les institutions et les professionnels dans la mise en œuvre d’une politique active de bientraitance.

 Afin d’offrir un dispositif d’écoute téléphonique adapté aux victimes et aux témoins de faits de maltraitance, le programme finance un numéro national unique d’accueil téléphonique et de traitement des appels : le 3977, mis en place en 2008. Cette plate-forme nationale (premier accueil téléphonique) est relayée par un réseau de proximité constitué d’antennes chargées de l’analyse des signalements et du suivi des situations en relation, le cas échéant, avec les autorités administratives locales (services de l’État et du conseil départemental), voire judiciaires. Un système d’information spécifique permet d’assurer un suivi du traitement de la situation entre les écoutants de la plate-forme nationale et les équipes des centres de proximité. Il permet également d’établir une analyse statistique quantitative et qualitative annuelle des situations ainsi révélées.

 La gouvernance de ce dispositif a été progressivement renforcée avec la création de la « Fédération 3977 contre la maltraitance » en février 2014. La Fédération assure la gestion de la plateforme d’écoute sur l’ensemble du territoire Français. Elle réceptionne les premiers contacts des personnes sollicitant son aide, la coordination et l’animation du réseau national, la formation de partenaires institutionnels, associatifs, la mise en œuvre d’un observatoire national de la maltraitance, la communication à l’échelon local et national, ainsi que la participation aux différentes instances consultatives.

Pour toutes ces missions, la Fédération 3977 dispose d’un budget annuel de 1 000 000 euros ; les différents centres locaux et partenaires assurant la deuxième écoute, le traitement voire la résolution des actes de maltraitance perçoivent 800 000 euros par an pour mener à bien leurs missions géographiquement délimitées. 4 équivalents temps-plein procèdent à la première écoute et renseignent un nouveau dossier pour chaque situation rapportée. Ce dossier reprend l’ensemble des informations données par l’appelant sur la situation et les différents acteurs de celle-ci (personne en situation de handicap ou personne âgée victime présumée et mis en cause). Alors que le numéro 3977 ne constitue pas un numéro d’urgence, l’ouverture de la ligne est garantie sur une large amplitude horaire, du lundi au vendredi de 9 heures à 19 heures.

Les dossiers dits de « situation préoccupante » (suspicion de maltraitance), représentaient 79 % des dossiers en 2017. Les témoignages relevant la plupart du temps d’une situation de maltraitance, sans pour autant que l’appelant souhaite une action du dispositif, s’élevaient à 9 %. Enfin, 12 % étaient des accompagnements de situation ne relevant pas de la maltraitance au sens strict, mais dont la complexité était susceptible de déboucher sur une maltraitance (situations de vulnérabilité, de difficultés particulières pouvant être sociales, psychiques, physiques… et nécessitant une prise en charge). En 2018, le dispositif national du numéro 3977 a créé 5 024 dossiers relatifs à des situations de maltraitance présumée, dont 724 concernant des personnes en situation de handicap (55 % de femmes). Les situations rapportées concernent principalement le domicile (78 %), pour des maltraitances psychologiques (39 %), physiques (22 %), financières (13 %) ou encore des négligences (14 %). Contrairement aux personnes âgées, l’appelant est le plus souvent la victime elle-même (43 %), la personne mise en cause étant dans 50 % des situations un membre de la famille.

Il importe désormais de poursuivre l’accompagnement de la Fédération en vue d’optimiser la cohérence et l’efficacité du dispositif, d’améliorer l’articulation entre le niveau national (plate-forme et équipe nationales) et le niveau local (réseau de proximité), d’harmoniser les pratiques locales et de renforcer les relations des antennes avec les autorités administratives et les acteurs locaux. Par ailleurs, une nouvelle organisation a été mise en place depuis le second semestre 2017 afin de couvrir l’ensemble des départements et d’assurer une offre d’écoute et d’accompagnement à tous les appelants, y compris à ceux relevant de départements sans centre local ou dont le centre local peut s’avérer en difficulté passagère.

Afin d’aller au-delà du dispositif de signalement, la ministre des solidarités et de la santé et la secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargée des personnes handicapées, ont installé le 19 février dernier la Commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance, conjointe entre le Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) et le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH). Cette commission, présidée par Monsieur Denis Piveteau, conseiller d’État, est composée, outre des membres désignés par le HCFEA et le CNCPH, de personnes qualifiées (experts) et de représentants de tous les secteurs concernés notamment des ministères des solidarité et de la santé, de la justice, de l’intérieur et des personnes handicapées, des agences régionales de santé, des conseils départementaux. Elle conduit ses travaux à raison d’une réunion presque tous les mois, qui se traduiront par la rédaction d’une « note d’orientation » en fin d’année 2018.

Prévue par la loi d’adaptation de la société au vieillissement ([18]), cette commission est chargée de faire des propositions sur le risque de maltraitance dans tous les lieux de vie, que ce soit à domicile ou en établissement. Elle doit permettre d’améliorer la connaissance du phénomène, de faciliter le repérage, le signalement et le traitement de situations de maltraitance, et de promouvoir la bientraitance et l’accompagnement des acteurs dans le quotidien. Elle proposera notamment une définition commune de la bientraitance, et les moyens et mesures pour l’inscrire dans une prise en compte de qualité des personnes vulnérables. Elle veillera pour ce faire à promouvoir la pleine représentation et l’expression des personnes concernées.

c.   Le programme 137 : la lutte contre toutes les formes d’agissements et de violences sexistes et sexuelles

Dans le projet annuel de performance pour 2019, au sein du programme 157, les crédits destinés à la prévention et à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles s’élèvent à 13,67 millions d’euros. Dans ce cadre, les financements mobilisés au niveau local sur les dispositifs de prise en charge des femmes victimes de violences sont les suivants :

– le dispositif d’accueil de jour pour 3,649 millions d’euros ;

 les lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation pour 1,048 millions d’euros ;

– les référents départementaux pour les femmes victimes de violences au sein du couple pour 1,288 millions d’euros ;

– les associations chargées d’accompagner les personnes en situation de prostitution, auxquelles un soutien de 2,124 millions d’euros est apporté.

Au niveau national, sont financées :

– la plateforme téléphonique 3919 « Violences femmes info », numéro national de référence d’accueil téléphonique et d’orientation des femmes victimes de violences, à hauteur de 1,549 millions d’euros ;

– les associations nationales – dont la majorité contribue à cette politique publique – pour 2,03 millions d’euros.

Selon la Fédération Nationale Solidarité Femmes (FNSF), qui doit se livrer à une multiplication chronophage des demandes de financement (9 financeurs différents en 2017), les crédits du programme 137 – le plus petit budget de l’État  ̶  mériteraient d’être doublés.

Ainsi, pour dénoncer les violences qui s’exercent à l’encontre des femmes et en particulier les violences conjugales, une coordination d’associations issues du mouvement féministe a vu le jour à la fin des années 1970 pour devenir la FNSF et créer des lieux d’accueil et d’hébergement.

La FNSF regroupe 65 associations réparties sur tout le territoire. Les associations Solidarité Femmes accompagnent chaque année plus de 30 000 femmes victimes, hébergent plus de 3 000 femmes et autant d’enfants, proposent aux femmes un accompagnement spécialisé et professionnel qui prend en compte toutes les conséquences des violences (sur leur santé physique et psychique, sur le plan social, économique et juridique) au plus près de leur lieu de résidence. Par ailleurs, les associations Solidarité Femmes initient et animent des actions de sensibilisation, de formation et de prévention et participent à l’organisation d’événements sur la question des violences faites aux femmes, en particulier des violences conjugales.

Accusant un déficit de plus de 2 millions d’euros l’an dernier, la FNSF est financée en partie seulement par le programme 137 et doit trouver chaque année environ 15 % de financements privés (tant pour la ligne d’écoute nationale 3919 que pour l’animation de la tête de réseau). Elle rappelle quelques chiffres édifiants concernant les violences faites aux femmes :

– 1 femme sur 10 est concernée par les violences conjugales. Avec les enfants, ce sont plusieurs millions de personnes qui sont touchées. Ces enfants sont les premières victimes collatérales des violences faites aux femmes. Selon le Haut Conseil à l’Égalité entre les femmes et les hommes, 223 000 femmes se déclarent chaque année victimes de violences conjugales. Selon le ministère de l’Intérieur, 109 femmes en sont mortes en 2016 ([19]) ;

– dans 95,5 % des situations de violences sexistes la victime est une femme ([20]) ;

– 84 000 femmes majeures déclarent avoir été victimes de viol ou de tentative de viol chaque année ([21]) ;

– dans 90 % des cas, les agressions commises contre des femmes sont perpétrées par une personne connue de la victime ([22]) ;

– selon l’Office central pour la répression de la traite des êtres humains, il y aurait en France 30 000 personnes victimes de la prostitution en 2014, 85 % d’entre elles étant des femmes, 90 % étant étrangères.

Selon le secrétariat d’État chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes, l’un des enjeux de la lutte contre toutes les formes d’agissements sexistes et sexuels consiste à réduire la tolérance de la société aux propos et comportements sexistes, dans tous les domaines : culture, sport, emploi, médias, espace public, etc. Dans le champ des médias, prenant appui sur l’extension de ses compétences, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) a lancé le 6 mars 2018, en lien avec l’union des annonceurs, les agences de publicité et l’autorité de régulation professionnelle de la publicité, une charte d’engagements pour la lutte contre les stéréotypes sexistes, sexuels et sexués dans la publicité. Parallèlement, des actions de terrain ont été mises en œuvre via des associations pour favoriser la place des femmes dans les médias, dénoncer et déconstruire les stéréotypes sexistes présents dans de nombreux supports de communication, sensibiliser les jeunes et les adultes à cette question en vue d’un respect mutuel entre filles et garçons, femmes et hommes.

S’agissant de l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle, qui participe notamment à la promotion du respect mutuel et à la prévention des violences sexistes et sexuelles, le dispositif des établissements d’information, de consultation ou de conseil conjugal (EICCF) a été réformé par le décret
n° 2018-169 du 7 mars 2018 sur les différents aspects suivants : gouvernance locale et nationale, mode de financement, actualisation des missions, dénomination d’usage. Son financement est assuré depuis 2018 par le programme 137 à la suite d’un transfert de crédits du programme 304.

La lutte contre les violences sexistes et sexuelles constitue le premier pilier de la grande cause quinquennale en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes. Au côté des mesures annoncées par le Président de la République lors de la journée internationale pour l’élimination des violences à l’égard des femmes de novembre 2017 et celles présentées lors du Comité interministériel à l'égalité entre les femmes et les hommes (CIEFH) de mars 2018, les dispositifs et dynamiques apportant une réponse aux femmes victimes de violences sur l’ensemble du territoire sont consolidés. À cet effet, sera notamment poursuivi le soutien au fonctionnement du 39.19, numéro de référence à destination des femmes victimes de toutes violences, aux accueils de jour pour ce public ainsi qu’aux lieux d’écoute, d’accueil et d’orientation intervenant en complémentarité et, enfin, les actions de prévention et d’accompagnement des personnes en situation de prostitution, dont celles s’engageant dans le parcours de sortie de la prostitution.

Enfin, la loi n° 2018-703 du 3 août 2018 renforçant la lutte contre les violences sexistes et sexuelles comprend des dispositions visant à créer de nouvelles infractions sur des situations où actuellement aucune sanction ne peut être prononcée, telles que le harcèlement dans l’espace public, les raids numériques ou la captation d’images impudiques dans les espaces publics.

d.   Les actions de communication du programme 124 destinées à lutter contre les maltraitances

Dans le projet annuel de performance pour 2019, au sein du programme 124, certaines actions de communication ont, non par leur nature mais par leur objet, pour effet de lutter contre les maltraitances. Ces campagnes de communication visent en particulier à :

– lutter contre la maltraitance à travers la diffusion de la stratégie nationale de santé 2018-2022. Le ministère des solidarités et de la santé aura en charge la diffusion de la stratégie nationale de santé avec des mesures permettant de lutter contre différent types de maltraitances (par exemple, accompagner le recours aux services de santé des personnes vulnérables) ;

– lutter contre la précarité et pour la protection des enfants et de la jeunesse vulnérable dans le cadre du plan pauvreté. Le ministère des solidarités et de la santé sera en charge de diffuser les avancées des mesures prises dans le cadre de la stratégie pauvreté, lesquelles ont pour objectifs de faire reculer la maltraitance (par exemple, développer l’offre d’hébergement et d’accompagnement des familles vers le logement, développer des maraudes de protection de l’enfance dans les métropoles pour lutter contre la situation des enfants à la rue et la mendicité, favoriser l’accès à une alimentation équilibrée pour tous, etc.).

S’agissant de l’exercice 2017 écoulé, au sein du programme 124, les actions de communication contribuant à la lutte contre les maltraitances ont été les suivantes :

– participation à la mise en œuvre de mesures du plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants. Le gouvernement a élaboré un plan interministériel de mobilisation et de lutte contre les violences faites aux enfants 2017-2019. Parmi les 21 mesures détaillées dans ce plan, le ministère des solidarités et de la santé a contribué à la mise en œuvre de :

▪ la mesure 8 «  sensibiliser l’opinion publique par des campagnes d'information sur les violences faites aux enfants », qui a donné lieu à une action de promotion du numéro vert 119 « Allô enfance en danger ». Le ministère a coopéré à l’achat d’espace, à des créations de vidéos et à la réalisation du dossier de presse, pour un budget de 109 289 euros ;

▪ la mesure 7 « prévenir l’exposition des mineurs à la pornographie » a donné lieu à l’organisation d’une session de créativité pour prévenir et limiter l'exposition des enfants à la pornographie sur Internet à destination des professionnels en mars 2017, pour un budget de 19 341 euros ;

– organisation de la journée nationale des professionnels de la petite enfance. Le ministère a contribué à l’organisation de la « Journée nationale des professionnels de la petite enfance », le 31 janvier 2017 à Saint Denis. Ce temps de rencontre et d’échange entre les professionnels s’est inscrit dans le plan d’action pour la petite enfance, lancé en novembre 2016. Au cours de cette journée, une table-ronde était dédiée à la prévention et à la lutte de la maltraitance des jeunes enfants pour mieux accompagner les professionnels dans la prévention et la détection des risques, soit un budget de 103 125 euros ;

– publication du guide des aides aux enfants handicapés. En collaboration avec la Documentation française, le ministère des solidarités et de la santé a édité la deuxième édition du guide destiné aux parents et aux associations d’enfants handicapés. Ce guide dresse un panorama des aides et dispositifs existants pour accompagner la vie quotidienne des familles d’enfants handicapés. Sans traiter de la maltraitance de manière directe, le guide informe le public des droits des enfants handicapés et présente les interlocuteurs et services qui sont à leur disposition pour les accompagner ;

– la publication du guide des aides aux personnes âgées, rédigé dans un langage simple et direct, compréhensible par tous. En collaboration avec la Documentation française, le ministère a édité la deuxième édition de ce guide, qui dresse un panorama des aides et dispositifs pour accompagner la vie quotidienne des personnes âgées et de leur entourage. Il les informe des interlocuteurs disponibles pour les accompagner au cours de cette étape de la vie (Ehpad, accueil de jour, les services de soins infirmiers à domicile, etc.). La lutte contre la maltraitance des personnes vulnérables passe en effet aussi par l’information que les personnes sont en droit de recevoir sur les droits et les dispositifs existants.

B.   les lacunes du système actuel

1.   Une problématique difficile à établir

a.   La faiblesse des indicateurs et des remontées

L’obtention de données relatives aux signalements de maltraitance n’est pas aisée, et, en tout état de cause, ne saurait prétendre à l’exhaustivité. L’ARS Île-de-France dispose ainsi de deux types de sources de données relatives aux 2 600 établissements et services médicaux-sociaux (ESMS) de son territoire, pour l’année 2017 :

– parmi les ESMS d’Île-de-France, 19 % (soit 1/5ème) ont déclaré 500 évènements indésirables graves liés aux soins (EIG), traduisant une augmentation significative sans que l’on puisse pour autant conclure à une hausse des EIG. En effet, cette hausse pourrait tout simplement s’expliquer par la fin, depuis quelques années, d’une période de sous-déclaration massive, dans la mesure où l’obligation de déclaration a été renforcée et étendue aux établissements médicaux sociaux (alors qu’elle concernait auparavant seulement les établissements sanitaires) ([23]). Toutefois, il n’existe actuellement aucun conditionnement de l’attribution des financements des EMS au renseignement de ces indicateurs. En outre, la définition d’un EIG s’avère être plus large que celle d’une maltraitance ;

– 888 plaintes et réclamations ont émané du champ des ESMS franciliens, soit une réclamation (plainte émanant des personnes elles-mêmes) enregistrée dans 30 % d’entre eux. 607 réclamations concernaient les personnes âgées et 279 relevaient des personnes handicapées, dont 12 % pouvaient être assimilées à une maltraitance envers les usagers. Certaines réclamations, dont la part est impossible à établir, ne sont par ailleurs jamais formulées, cette part étant sans doute plus importante que celles qui sont formulées à mauvais escient.

Les données relatives à la maltraitance ne semblent pouvoir rester qu’à la surface des choses, à la « partie émergée de l’iceberg », tant la maltraitance passive peut être vaste et fréquente mais… invisible.

Lorsque des indicateurs existent en matière de remontées, les données peuvent s’avérer difficiles à interpréter. Ainsi le taux de réponse du numéro national unique d’accueil téléphonique et de traitement des appels relatifs à la maltraitance des personnes âgées et des personnes handicapées, le 3977, a connu un fléchissement en 2017.

De même, l’indicateur de performance 4.1 au sein du programme 157 indique que le taux des appels téléphoniques traités par le dispositif d’accueil téléphonique, de suivi et de traitement des situations de maltraitance envers les personnes âgées et les personnes adultes handicapées, de 71 % en 2016 (réalisation), est resté au même niveau en 2017 (réalisation), alors que l’objectif pour 2018 et 2019 est de 78 %.

Plusieurs explications sont avancées, tant d’ordre conjoncturel que structurel. Le ministère des solidarités et de la santé estime qu’en retenant comme nouvel indicateur le taux de réponse aux appelants, et non plus le taux de réponse aux appels reçus, ce taux de non réponse serait ramené à 11,5 % – soit une diminution de plus de la moitié - et le taux de réponse aux appelants s’élèverait à 88,5 %.

b.   La faible lisibilité des crédits destinés à la lutte contre la maltraitance

Les crédits destinés à la lutte contre la maltraitance se retrouvent dans les programmes de plusieurs missions budgétaires (la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » étant la principale d’entre elles), dans le projet de loi de financement de la sécurité ou encore la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, et ils ne sont  pas forcément fléchés comme tels.

Ainsi, les places d’hébergement d’urgence et d’hébergement temporaire destinées aux femmes en situation d’errance et de vulnérabilité ne sont pas clairement identifiées puisqu’elles figurent dans le Programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » de la mission « Cohésion des territoires ».

Or, la FNSF, pour qui la question de l’hébergement d’urgence des victimes est cruciale dans le traitement des violences et la protection des victimes, revendique :

– la possibilité pour chaque femme qui le nécessite d’être accueillie, accompagnée, protégée au regard d’une situation de vulnérabilité, d’errance, de souffrance physique et psychique, de violences ;

– la création de places d’hébergement d’urgence et d’hébergement temporaire pour femmes seules et femmes accompagnées d’enfants en situation d’errance et de vulnérabilité et ce quels que soient leur âge, leur situation administrative, économique, professionnelle, leur situation de santé et leur territoire d’appartenance ;

– la création de manière urgente et prioritaire, sur tout le territoire en fonction du nombre d’habitants et des besoins réels, comme le recommande la Convention d’Istanbul ([24]) , des places d’hébergement spécifiques pour la mise en sécurité à court et moyen terme des femmes victimes de violences, ainsi que des places de refuges à long terme pour se reconstruire.

La FNSF constate que les places d’hébergement manquent cruellement et que des femmes sont obligées de rester ou de retourner au domicile faute de solution de protection adaptée et répondant à l’urgence de leur situation. Faute de places dédiées en suffisance, les victimes sont le plus souvent orientées vers des centres généralistes pour personnes sans abri, qui ne peuvent répondre à leurs besoins spécifiques, au regard de la pluralité des problématiques rencontrées. Dans les centres d’hébergement « généralistes », le personnel n’est pas toujours formé pour accueillir et accompagner (socialement, juridiquement, psychologiquement) les femmes victimes de violence et leurs enfants dans le processus long et complexe de sortie des violences et de reconstruction personnelle. De plus, confrontées à des problématiques sociales (personnes vivant dans la rue, addictions etc.) et souvent sans rapport avec leur propre vécu, ces hébergements peuvent constituer une nouvelle difficulté dans leur parcours. Elles peuvent également y subir le temps de leur hébergement ou mise à l’abri de nouvelles violences ou agressions sexuelles.

Il existe ainsi un point d’achoppement là où la problématique de la lutte contre les violences faites aux femmes croise celle de l’hébergement d’urgence et de la réinsertion. Les acteurs et institutions en charge de ces derniers, le 115, les Services Intégrés d'Accueil et d'Orientation (SIAO), ne peuvent orienter ces femmes au regard de places trop « généralistes » ou insuffisantes. Afin de répondre à cette problématique, il est souhaitable de pouvoir clairement identifier les places d’hébergement d’urgence dédiées aux femmes victimes de maltraitance et de déplacer les crédits dédiés du programme 177 vers le programme 137.

c.   Un fléau silencieux : la maltraitance financière

À ce jour, la maltraitance financière est définie comme « tout acte commis sciemment en vue de l’utilisation ou de l’appropriation de ressources financières d’une personne vulnérable à son détriment, sans son consentement ou en abusant de sa confiance ou de son état de faiblesse physique ou psychologique » ([25]).

Selon un rapport de mission actualisé il y a un an ([26]), la maltraitance financière consiste à priver la personne de tout ou partie de ses ressources ou de ses biens, afin d’en tirer un profit personnel. Elle se caractérise par le fait que l’utilisation ou l’appropriation des ressources peut être le seul but recherché ou le but premier de la maltraitance, sans qu’il y ait nécessairement et volontairement intention de causer d’autres nuisances à autrui.

Elle profite :

– de l’état de vulnérabilité de la victime ;

– de la relation de dépendance induisant un rapport dominant/dominé ;

– du lien de confiance entre la victime et l’auteur. Un acte de maltraitance financière envers une victime peut être répété ou ponctuel et s’observer au travers notamment de pratiques commerciales, d’abus matériels ou financiers par sujétion ou emprise psychologique.

La maltraitance financière n’est pas en tant que telle sanctionnée par la loi. Elle est sanctionnée au travers de diverses infractions pénales, et également au titre du code de la consommation (pratiques commerciales déloyales). Malgré les lacunes sur le sujet en France, la mission d’information présidée par monsieur Alain Koskas a retenu cinq faits marquants de l’analyse des différentes auditions :

– la maltraitance est un phénomène mondial ;

– les maltraitances financières touchent principalement des femmes âgées, isolées et à domicile ;

– le traitement des situations de maltraitance financière semble être différent selon le lieu de vie et le mode de prise en charge de la personne âgée ;

– les maltraitances financières les plus « visibles » et les plus nombreuses sont principalement des fraudes aux moyens de paiement et des faux et usage de faux ;

– les maltraitances financières les plus graves sont des escroqueries réalisées par téléphone et/ou par ruse.

Elle a également proposé six mesures phares :

– l’intégration des maltraitances financières au programme de travail du Haut conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA) ;

– le lancement d’enquêtes afin de permettre de dénombrer et de qualifier les cas de maltraitances financières envers les personnes âgées en France ;

– la diffusion large de l’information sur le numéro national 3977 ;

– la lutte contre l’isolement, notamment au travers de l’action locale de médiation des maires, de leurs commissions municipales et de leurs partenaires d’action sociale ;

– la création d’un statut sur les droits et devoirs des lanceurs d’alertes, assorti d’un protocole de suivi des alertes ;

– la création d’un corps de médiateurs qualifiés et habilités en gérontologie sociale, formés au traitement des emprises.

2.   Prévenir la maltraitance plutôt que la guérir

La maltraitance ne résulte pas forcément d’un acte délibéré, mais parfois simplement d’un défaut de connaissances (étant donné la rareté des études et statistiques en ce domaine) et de moyens alloués aux services compétents. Cette maltraitance non intentionnelle a pour corollaire une prévention insuffisante.

Le parcours de sortie de la prostitution illustre ce phénomène. Au niveau local, le programme 137 octroie pour 2019 un soutien de 2,1 millions d’euros aux associations chargées d’accompagner les personnes en situation de prostitution via des actions de rencontres (maraudes), d’accueil et de prise en charge et, plus particulièrement, celles ayant obtenu l’agrément pour la mise en œuvre du parcours de sortie de la prostitution. L’engagement dans le parcours de sortie de la prostitution, dont la durée totale ne peut excéder 24 mois, est autorisé par le représentant de l’État dans le département après avis de la commission départementale chargée de coordonner les actions en faveur des victimes de la prostitution, du proxénétisme et de la traite des êtres humains aux fins d’exploitation sexuelle. L’autorisation du préfet permet à la personne souhaitant sortir de la prostitution de bénéficier d’une prise en charge adaptée par une association agréée, fondée sur une évaluation de ses besoins sanitaires, professionnels et sociaux.

Au niveau national, 2 millions d’euros ([27]) seront consacrés en 2019 au financement de l’allocation financière d’insertion sociale et professionnelle (AFIS). Cette allocation est versée aux personnes s’engageant dans le parcours de sortie de la prostitution et ne pouvant prétendre au bénéfice des minima sociaux.

La Fédération des acteurs de la solidarité (FNARS) compte une vingtaine d’associations agréées et spécialisées dans la prise en charge des prostituées qui accompagnent la sortie de la prostitution grâce à des dispositifs de protection et de mise à l’abri des personnes victimes de la traite. Selon la FNARS, les délais d’obtention de l’AFIS sont trop longs et le budget dévolu (hors AFIS) n’est pas suffisant : la priorité consiste à augmenter les moyens des associations en charge de plusieurs millions d’euros. De plus, des crédits gagneraient à être dédiés au volet « connaissance » de ce dispositif, dans la mesure où les personnes susceptibles de bénéficier de ce parcours n’en ont souvent pas connaissance. Une autre difficulté est le faible nombre d’études, insuffisamment financées par les pouvoirs publics.

Par ailleurs, s’agissant des droits des enfants, le Défenseur des droits s’est prononcé en faveur du renforcement des fonds qui sont alloués aux services concourant à la prévention spécialisée et à la protection de l'enfance, afin qu'ils puissent exercer leurs missions dans les meilleures conditions possibles pour prévenir au maximum les violences.

La Fédération 3977 a quant à elle indiqué qu’il est crucial d’accroître la prévention et l’information permettant d’identifier les situations anormales qui, dans bien des cas, ne sont pas identifiées comme maltraitance par le commettant, le témoin ou même la victime. La sensibilisation devrait être particulièrement accentuée en direction des personnes les plus isolées (isolement géographique et/ou social), l’isolement étant un facteur favorisant la maltraitance. Il pourrait être envisageable de systématiser, sur une fréquence à définir (une fois par an au minimum), une évaluation sociale au domicile des personnes âgées et adultes en situation de handicap. Cette enquête sociale pourrait être pilotée par les services sociaux départementaux, les MAIA ([28]), CLIC ([29]) ou autres intervenants indépendants.

Enfin, la maltraitance peut résulter de charges de travail qui débordent les capacités des professionnels, en raison notamment de l’augmentation du nombre de personnes âgées dépendantes. Selon l’ARS Île-de-France, la promotion de la bientraitance passe par la systématisation de tous les dispositifs destinés à alléger la charge de travail physique des soignants (comme la généralisation des rails de transfert), dans la mesure où il y a davantage d’accidents du travail dans le secteur médico-social (pour 100 professionnels) que dans celui du bâtiment.

3.   Lutter davantage contre la maltraitance institutionnelle

Le Défenseur des droits a présenté des observations sur la question de la maltraitance institutionnelle des personnes vulnérables, en particulier, les enfants et les personnes dépendantes accueillies dans des établissements médico-sociaux. La violence institutionnelle peut être envisagée comme une violence qui n'est pas seulement la résultante d'un acte mais peut également trouver son origine dans la non-action, la non-réponse et donc la non-prise en considération des besoins de la personne concernée. La nature même de l'institution et la particulière vulnérabilité de l'enfant ou des personnes dépendantes sont des facteurs de risque. Ces dernières années, des dispositifs de lutte contre les violences institutionnelles ont été élaborés pour les établissements sociaux et médico-sociaux ainsi que dans le domaine de la protection de l'enfance (action recentrée sur les besoins de l'enfant) mais ils paraissent encore insuffisants et sont insuffisamment pris en compte par les acteurs concernés.

S’agissant des enfants en situation de handicap et/ou présentant des troubles du comportement, le Défenseur des droits considère que, malgré des efforts déployés, des dispositifs pensés et des moyens mis en œuvre afin d'aboutir à une école inclusive et au respect du droit aux loisirs pour tous, les équipes enseignantes, les professionnels en charge des activités péri et extra scolaires ont encore du mal à intégrer les enfants ayant des besoins spécifiques ou nécessitant des modalités d'apprentissages différents. De même, les enfants présentant des troubles du comportement, des troubles liés à la santé ou handicapés sont encore trop souvent refusés par les municipalités dans le cadre d'accueil périscolaires ou extrascolaires, y compris lorsqu'ils ont moins de six ans.

Enfin, le Défenseur des droits est régulièrement saisi de situations de manque de places depuis plusieurs années dans des établissements spécialisées pour des enfants qui ne bénéficient donc pas d'une structure adaptée à leurs besoins éducatifs. En outre, les saisines qui font état de manque d'accompagnants des élèves en situation de handicap et de longs délais d'affectation sont fréquentes. Ces exclusions, absence de places et mises à l'écart représentent, pour les enfants concernés, des violences institutionnelles tant elles sont pour certains récurrentes et conduisent à des situations individuelles dramatiques.

Le Défenseur des droits a également indiqué être saisi d’une grande diversité de situations relatives à la maltraitance   institutionnelle   à   l'égard   des   personnes dépendantes. La plupart des saisines sont liées au non-respect des droits : droits des malades, droits fondamentaux de l'être humain, comme le droit au respect et à la dignité ou le droit d'aller et venir. Le Défenseur des droits constate ainsi :

– une augmentation de la fréquence et de la gravité des saisines liées à des situations de maltraitance. Plus de 20 % des réclamations traitées par le pôle d'instruction en charge des droits des malades et de la dépendance concernent des cas de maltraitance ou de négligence envers des personnes vulnérables au sein des établissements hospitaliers ou d'établissements médico-sociaux (privé et public confondus, hôpital, clinique, EHPAD) ;

– sur cette base 80 % des dossiers concernent le secteur médico-social et plus particulièrement les EHPAD (public 45 %, privé à but non lucratif 25 %, privé à but lucratif 30 %) ;

– par ailleurs, les services du Défenseur des droits constatent des événements qui se produisent sans témoin laissant penser qu'il existe encore des espaces de « non-droit ». Ces comportements sont le plus souvent le fait de professionnels dont l'éthique et la déontologie sont défaillantes.

Le président du conseil départemental de la Moselle a de son côté indiqué que certains enfants en situation de handicap ne ont toujours pas scolarisés car ils ne disposent pas d’auxiliaire de vie scolaire (AVS) ([30]), faute de financement public, et que cette grande question se pose à chaque rentrée. Il préconise l’instauration d’une commission de régulation du flux des entrants et des sortants destinée à gérer et fluidifier le parcours de l’enfant, qui rassemblerait l’ensemble des partenaires. La « rupture » permanente (de la maternelle à la primaire, puis de la primaire à la sixième) est un obstacle que certaines familles considèrent comme une maltraitance publique.

Enfin, la FNARS insiste sur le problème d’invisibilité de ses publics (prostitution, jeunes sortant de l’ASE) : ces personnes, à la marge des dispositifs, n’ont pas de visibilité dans les statistiques et de ce fait sont absentes des politiques publiques, ce qui peut être considéré comme de la maltraitance institutionnelle.

C.   vers la promotion de la bientraitance

1.   La capacité d’alerte et d’interpellation au cœur de la lutte contre la maltraitance

a.   Identifier les situations de maltraitance pour pouvoir y remédier

Sans dévoiler les conclusions de la Commission pour la promotion de la bientraitance et de la lutte contre la maltraitance, dont les travaux seront remis aux ministres concernés fin novembre 2018, celle-ci relève l’immense diversité des situations et des actes de maltraitance, et considère comme fondamentale la responsabilité de l’État de garantir un système d’interpellation. Plus que jamais, il faut développer une culture générale de l’alerte et de la vigilance.

À cet égard, le Défenseur des droits préconise :

– d’améliorer la connaissance du phénomène de maltraitance et d’initier une campagne d'information grand public sur la lutte contre la maltraitance des personnes dépendantes en institution. Des études et recherches devraient être engagées pour quantifier le phénomène de maltraitance et bénéficier d'une meilleure connaissance des facteurs de risque. Une étude nationale sur la maltraitance des personnes dépendantes et une campagne nationale de communication destinées à promouvoir la bientraitance permettraient de favoriser la prise de conscience du grand public ;

– de promouvoir l'identification, le signalement et la compréhension des situations de maltraitance en accompagnant les professionnels dans la mise en œuvre d'une politique de bientraitance. Depuis le 1er janvier 2017, la loi oblige les établissements ainsi que les services sociaux et médico-sociaux à signaler tout événement susceptible de mettre en danger les personnes qu'ils prennent en charge. Cela représente une avancée dans la lutte contre la maltraitance institutionnelle. Néanmoins, le Défenseur des droits s'interroge sur la mise en œuvre de cette obligation. La loi ne prévoit en effet aucune sanction en cas de non-respect de la procédure ;

– d’organiser un retour d'expérience sur les suites directes d'une situation de maltraitance, qui découle d'un signalement, permettant d’en tirer des enseignements afin d'éviter la reproduction des situations à risque de maltraitance et d'engager des actions à moyen et long termes portant sur :

▪ le respect des droits des usagers et de leur entourage ;

▪ le développement des démarches d'amélioration continue de la qualité dans les EHPAD ;

▪ la sensibilisation et la formation des personnels à la bientraitance ;

▪ la diffusion de recommandations et guides de bonnes pratiques ;

– de renforcer la coordination des acteurs par la mise en place d'observatoires régionaux ;

– de mettre en place un dispositif effectif de médiation dans les établissements médico-sociaux et d’en informer le public ;

– d’améliorer le dispositif d'évaluation de la qualité dans le secteur médico-social et mettre à disposition du grand public des informations qualitatives sur les différents établissements.

La Fédération 3977 souligne de son côté que si le nombre d’appels au numéro 3977 est en constante augmentation, la méconnaissance du dispositif constitue un frein notable à son accessibilité au plus grand nombre. Il serait donc souhaitable de lancer une campagne de communication nationale qui n’a pour l’instant jamais eu lieu (télévision, affichage, radio, communication institutionnelle, réseaux sociaux, etc.) afin de sensibiliser, de prévenir et faciliter la prise en charge des situations de maltraitance.

Enfin, la FNSF souligne l’importance des réponses spécifiques (ligne d’écoute nationale, accueils et centres d’hébergement non mixtes pour les femmes victimes de violences) à apporter aux femmes concernées (et leurs enfants) compte tenu des stéréotypes sexistes, de la construction sociale des violences à l’encontre des femmes, des inégalités multiples et des problématiques rencontrées (danger et mise en sécurité, conséquences et parcours complexes).

b.   Le rôle particulier des lanceurs d’alerte

Selon la Fédération 3977, il semble nécessaire de renforcer notre dispositif juridique afin de protéger encore plus les « lanceurs d’alerte », souvent fragilisés après avoir notamment signalé des maltraitances institutionnelles. Dans cette même idée, la fédération s’interroge sur la pertinence de rendre obligatoire le signalement pour tout citoyen et de l’inscrire dans les codes en vigueur.

Un rapport de mission ([31]) a particulièrement mis en exergue le rôle de lanceur d’alerte sur une situation de maltraitance financière. Le 30 avril 2014, le Conseil de l’Europe a formulé une recommandation ([32]) qui définit le lanceur d’alerte comme « toute personne qui fait des signalements ou révèle des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général dans le contexte de sa relation de travail, qu’elle soit dans le secteur public ou dans le secteur privé ». Cette définition fait de chacun d’entre nous des « alerteurs potentiels ».

S’agissant des situations de maltraitance, notamment financière, les menaces ou le préjudice ne relèvent pas de l’intérêt général.  L’ensemble des témoins d’actes de maltraitance avérés ou suspectés (bénévoles, médecins, pharmaciens, banquiers, notaires, comptables, avocats, directeurs et personnels d’établissements ou services sociaux ou médico-sociaux, représentants des usagers de banque, assureurs, ...) ne se reconnaissent pas dans ce statut. Aussi serait-il nécessaire d’adapter ce statut de lanceur d’alerte aux situations individuelles.

La loi du 9 décembre 2016, dite « loi Sapin II » ([33]), a mis en place un statut protecteur du lanceur d'alerte et une procédure de signalement. Le lanceur d'alerte est une personne physique qui signale un crime ou un délit, des manquements graves à la loi ou au règlement, ou des faits présentant des risques ou des préjudices graves pour l'environnement, la santé ou la sécurité publique. Il doit, pour être protégé, agir de bonne foi et pour la défense de l'intérêt général de façon désintéressée. Les faits couverts par le secret de la défense nationale, le secret médical et le secret des relations entre un avocat et ses clients ne sont pas concernés. La personne à l'initiative du signalement ne peut être sanctionnée ou licenciée. Malgré cette loi, tous continuent à s’interroger et s’inquiètent des conditions de leur protection et de la levée du secret professionnel, ainsi que des atteintes possibles au respect de la vie privée, notamment lorsque les maltraitances financières s’accompagnent de sévices ou abus sexuels.

Ces ambiguïtés et ces craintes ont été pointées dans le rapport du Conseil d’État ([34]) adoptée le 25 février 2017 par son assemblée plénière, relative au devoir d’alerte : « l’état de notre droit n’est pas pour autant satisfaisant, car il s’est développé comme par empilement ou par à-coups, au détriment de sa clarté et de son accessibilité, comme de sa cohérence et de l’homogénéité de ses principes fondamentaux. Par ailleurs, des lacunes ou des zones d’ombre demeurent, en particulier s’agissant des procédures et des modalités pratiques de lancement et de traitement des alertes. L’alerte éthique risque par conséquent d’être réduite à ses formes les plus paroxystiques, souvent contraires à la finalité d’intérêt général qu’elle poursuit. Un double travail de mise en ordre et de mise à jour reste donc encore à accomplir. »

2.   Mettre l’accent sur la formation et sur la coordination des acteurs

La formation des professionnels apparaît essentielle au Défenseur des droits s’agissant des violences faites aux enfants. Il souhaite que la sensibilisation des professionnels aux violences institutionnelles devienne une priorité, afin qu'ils pensent différemment leurs interventions auprès des enfants, l'intérêt supérieur de ces derniers devant rester la considération primordiale.

Le Défenseur des droits préconise également le renforcement de la coordination entre les institutions et le rappel aux professionnels travaillant auprès des enfants de l'importance d'organiser leurs actions et de prendre leurs responsabilités pour accompagner au mieux les enfants en tenant compte de leurs besoins individuels.

S’agissant de la  maltraitance   institutionnelle   à   l'égard   des   personnes dépendantes, il propose de renforcer la coordination des acteurs par la mise en place d'observatoires régionaux permettant de mieux répondre et traiter les situations de maltraitance signalées sur un territoire. L'objectif serait pour les pouvoirs publics de disposer d'une seule organisation permettant d'assurer la cohérence des actions entre l'ensemble des acteurs (ARS, Conseil départemental, Haute autorité de santé, établissements, associations, etc.). Une attention particulière pourrait être portée sur le 3977, le numéro unique contre la maltraitance : ce service d'accueil nécessite d'être mieux coordonné au dispositif de traitement des signalements.

La FNARS insiste quant à elle sur la nécessaire formation des acteurs du secteur social, en particulier celle des personnes présentes dans les commissions départementales de lutte contre la prostitution, le proxénétisme et la traite des êtres humains aux fins d'exploitation sexuelle installées dans chaque département sous l'autorité du préfet. Si cet accompagnement global est en effet très positif, la formation des intervenants permettrait d’éviter beaucoup de lieux communs et préjugés.

3.   S’inspirer des bonnes pratiques

Enfin, rien de tel pour promouvoir la bientraitance que de s’inspirer des pratiques qui ont déjà fait leurs preuves : l’inclusion bancaire peut en être un exemple.

Depuis 2014, une offre bancaire spécifique ([35]) a été mise en place pour les personnes en situation de fragilité financière afin de limiter les frais en cas d’incident de paiement. L’établissement teneur du compte peut lui-même juger de la situation de fragilité financière d’un client en fonction des irrégularités sur son compte et des incidents de paiement survenus pendant trois mois consécutifs. Cette offre spécifique aux personnes en situation de fragilité financière coûte un maximum de 3 euros par mois.

L’Observatoire de l’inclusion bancaire a mis en place un comité de suivi de cette offre, à la fois quantitatif et qualitatif. Il en ressort que certains établissements comprennent de façon très restrictive les critères de recensement des personnes en situation financière fragile : 3,6 millions de clients bancaires en situation de fragilité financière étaient recensés fin 2017, pour 351 000 bénéficiant de l’offre, soit à peine 10 % des personnes éligibles.

Au vu de ces résultats, l’Observatoire a fait des préconisations pour une meilleure diffusion de cette offre auprès des établissements bancaires ainsi qu’auprès des services sociaux, afin de promouvoir cette offre auprès des publics fragiles. Le comité exécutif de la Fédération bancaire française (FBF) s'est engagé à mettre en place un plafond des frais d'incidents bancaires pour les clients financièrement fragiles et souscrivant à l'offre spécifique prévue par la loi. Le plafonnement des frais peut être considéré comme une bonne pratique, à condition toutefois que tous les frais d’incidents soient inclus (découvert, rejet de virement, de chèque, etc.). D’autre part, il ne devrait pas être limité qu’à l’offre spécifique, les frais  générant un montant estimé de 6,5 milliards d'euros de revenus pour les banques. Le CNLE avait (dans un avis non publié) de son côté proposé qu’un socle commun des méthodes d’identification des personnes fragiles par les banques et établissements financiers, soit élaboré : il faudrait définir objectivement cette notion de fragilité financière.


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   Conclusion

 

Le lien ou plutôt la relation entre la victime d’une maltraitance et son auteur est au centre de la définition même de la maltraitance et par conséquent au cœur de sa résolution. En effet, la promotion de la bientraitance ne s’appuie pas en premier lieu sur une dimension quantitative, budgétaire, mais passe avant tout par la prise de conscience par le plus grand nombre de ce qu’il convient d’appeler « la qualité de la relation ».

Il ne s’agit pas tant d’inventer une politique de la bientraitance ou de prétendre réapprendre aux soignants et aux aidants la bienveillance, alors qu’ils sont déjà épuisés aux plans psychique et physique, que de comprendre, d’un point de vue systémique, comment ces gouvernances produisent ce coût de la maltraitance. Il s’agit d’établir des balises de sauvetage de sens, en reposant à chaque instant la question humaine, de la conception à l’évaluation des politiques publiques, en impliquant à chaque étape professionnels, usagers et citoyens pour une véritable approche humaniste. C’est-à-dire pour mettre l’homme au centre de nos pratiques, en tout cas pour une approche centrée sur la personne.

De nombreuses études relevant du domaine de la psychologie clinique ont déjà convergé pour mettre en exergue cette primauté de la relation. « Des recherches élaborées et répétées sur le lien entre le processus et l’issue du traitement ont démontré que la qualité de la relation prédit de manière répétée l’issue du traitement, indépendamment du modèle de référence ou de la condition traitée. (…) Ainsi, c’est la relation, plutôt que les qualités de chacune des parties, qui semble importante dans la prédiction de l’issue du traitement([36]) »

La bientraitance ne saurait donc advenir sans cette « qualité de la relation » et celle-ci est la portée de chacun et chacune d’entre nous. Le premier pas en ce domaine passe par une prise de conscience généralisée. Le rapporteur a ainsi modestement tenté de poser une pierre sur le chemin de la bientraitance dans cet avis budgétaire, mais le cadre restreint de celui-ci ne lui a pas permis – loin de là – d’effectuer toutes les auditions nécessaires, de s’intéresser à un certain nombre de crédits pertinents mais ne relevant pas de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances », ni d’aborder la dimension essentielle de la santé mentale. Le rapporteur émet donc le vœu de pouvoir poursuivre ses travaux dans le cadre d’une mission d’information parlementaire.


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   Travaux de la commission

I.   Audition de la ministre

La commission des affaires sociales procède, le mercredi 31 octobre 2019, à l’audition de Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé, sur les crédits de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances ».

http://www.assemblee-nationale.tv/video.6867714_5bd9c4ae41bab.commission-des-affaires-sociales--audition-de-mme-agnes-buzyn-ministre-des-solidarites-et-de-la-sa-31-octobre-2018

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. Madame la présidente, madame la ministre, chers collègues, en 2019, les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » dépasseront 21 milliards d’euros, en hausse de 7,5 % par rapport aux crédits ouverts en loi de finances initiale (LFI) pour 2018 et de près de 7 % par rapport à la LFI 2018 retraitée des mesures de transfert et de périmètre.

Cette augmentation des crédits s’explique principalement par l’augmentation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), la création d’un second bonus pour les bénéficiaires de la prime d’activité et la mise en place de la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté. Je ne peux que m’en féliciter.

Convaincu que la responsabilité de l’État dans le domaine de la solidarité, de l’insertion et de l’égalité des chances n’est pas seulement organisationnelle et budgétaire, et qu’elle requiert de développer une véritable culture de l’attention aux autres, j’ai choisi de m’intéresser cette année, dans le cadre de la partie thématique de ce rapport, à un sujet transversal et primordial pour notre vivre-ensemble : la lutte contre la maltraitance et la promotion de la bientraitance.

La maltraitance n’est en effet pas seulement physique, elle est aussi psychique, sociale, économique et institutionnelle. Il s’agit d’un phénomène complexe, parfois même les auteurs de maltraitances n’en ont eux-mêmes pas conscience. C’est pourquoi il est nécessaire de bien l’appréhender pour pouvoir le combattre.

Je tiens à cet égard à saluer l’installation, au début de cette année, de la Commission pour la promotion de la bientraitance et de la lutte contre la maltraitance, dont les travaux seront remis aux ministres concernés à la fin du mois de novembre 2018. Madame la ministre, comment comptez-vous associer les parlementaires impliqués sur ces sujets à ces travaux ?

En 2002, le Conseil de l’Europe a publié un rapport qui apporte un nouvel éclairage à la définition de la maltraitance : il s’agit de « tout acte ou omission commis par une personne ou un groupe, qui a pour effet de porter gravement atteinte, que ce soit de manière volontaire ou involontaire, aux droits fondamentaux, aux libertés civiles, à l’intégrité corporelle, à la dignité ou au bien-être général d’une personne vulnérable, y compris les relations sexuelles ou les opérations financières auxquelles elle ne consent ou ne peut consentir valablement, ou qui visent délibérément à l’exploiter ».

J’ajouterai à cette définition qu’il ne faut pas oublier la dimension psychique de la maltraitance. C’est une dimension que je n’ai pas eu le loisir d’aborder autant que je l’aurais voulu, mais j’espère pouvoir le faire ultérieurement.

C’est bien l’abus de pouvoir qui signe la présence d’une maltraitance. À la différence de la violence, une maltraitance suppose que soient réunis trois éléments : une dissymétrie dans la relation, une dépendance – entendue comme un lien entre l’auteur et la victime – et l’existence d’un abus de pouvoir. Le lien ou la relation entre la victime d’une maltraitance et son auteur est au centre de cette définition. Cette relation a différents visages : lien de parenté, relation entre un client et un professionnel, relation de voisinage, relation entre aidant et aidé, relation entre une personne vulnérable et un professionnel de santé ou du soin, relation entre professionnels, que ce soit entre collègues ou avec la hiérarchie.

Or l’une des clefs d’entrée actuelles me semble assez limitée : la certification. Les différents établissements sociaux et médico-sociaux doivent souscrire des règles minimales de fonctionnement pour être accrédités. Cette autorisation est assortie d’une évaluation interne et externe de la Haute Autorité de santé (HAS), en charge du pilotage de la qualité. La HAS produit des normes et des recommandations qui reposent sur les trois piliers que sont le savoir scientifique, le savoir des professionnels et le savoir des patients. Elle dispose de deux grands outils visant à lutter contre la maltraitance et à renforcer la bientraitance : l’évaluation de la qualité, qui est une compétence nouvelle ; le volet « recommandation de bonnes pratiques » pour les professionnels.

Vous l’avez compris, Madame la ministre, je voudrais ici souligner les limites des normes et de la certification. Quelle est à cet égard votre position de ministre de la santé ? Selon moi, il faut veiller à ne pas plaquer un référentiel aveugle sur les notions de bientraitance et de maltraitance. Dans un tel cas de figure en effet, les recommandations normatives sans accompagnement humain renforcé seraient susceptibles de générer en elles-mêmes de la maltraitance dite institutionnelle…

J’insiste sur cet aspect de la maltraitance institutionnelle car il ne me semble pas suffisamment pris en compte, madame la ministre. D’ailleurs, le Défenseur des droits m’a déclaré être saisi d’une grande diversité de situations relatives à la maltraitance institutionnelle à l’égard des personnes dépendantes. La plupart des saisines sont liées au non-respect des droits : droits des malades, droits fondamentaux de l’être humain, comme le droit au respect et à la dignité ou le droit d’aller et venir, en établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) notamment. Quelles sont les perspectives gouvernementales en ce domaine ?

Enfin, rien de tel pour promouvoir la bientraitance que de s’inspirer des pratiques qui ont déjà fait leurs preuves. Je cite l’exemple de l’inclusion bancaire dans mon avis budgétaire, mais il en est bien d’autres que je souhaiterais pouvoir approfondir, notamment dans le domaine de la santé mentale.

La promotion de la bientraitance suppose un changement de regard culturel, massif et généralisé. J’ai pu pleinement en mesurer la pertinence durant mes travaux, quoiqu’ils fussent limités par le cadre de cet avis budgétaire.

Je n’ai, pour aborder cette thématique, pas disposé de toute la latitude possible puisque les crédits destinés à la lutte contre la maltraitance se retrouvent dans les programmes de plusieurs missions budgétaires – la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » étant la principale d’entre elles –, dans le projet de loi de financement de la sécurité ou encore la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), et ils ne sont pas forcément fléchés comme tels. Je souhaiterais donc pouvoir disposer d’un champ d’action plus large que celui qui m’a été donné.

Le lien ou plutôt la relation entre la victime d’une maltraitance et son auteur est au centre de la définition même de la maltraitance et, par conséquent, au cœur de sa résolution. En effet, la promotion de la bientraitance ne s’appuie pas en premier lieu sur une dimension quantitative, budgétaire, elle passe avant tout par la prise de conscience par le plus grand nombre de ce qu’il convient d’appeler « la qualité de la relation ».

Il ne s’agit pas tant d’inventer une politique de la bientraitance ou de prétendre réapprendre aux soignants et aux aidants la bienveillance, alors qu’ils sont déjà épuisés, voire enferrés, aux plans psychique et physique, que de comprendre, d’un point de vue systémique, comment ces gouvernances produisent ce coût de la maltraitance. Il s’agit d’établir des balises de sauvetage de sens, en reposant à chaque instant la question humaine, de la conception à l’évaluation des politiques publiques, en impliquant à chaque étape professionnels, usagers et citoyens pour une véritable approche humaniste. C’est-à-dire pour mettre l’homme, sa dignité et ses libertés fondamentales au centre de nos pratiques, en tout cas pour une approche centrée sur la personne.

De nombreuses études relevant du domaine de la psychologie clinique ont déjà convergé pour mettre en exergue cette primauté de la relation. La bientraitance ne saurait donc advenir sans cette « qualité de la relation » et celle-ci est à la portée de chacun et chacune d’entre nous. Le premier pas en ce domaine passe par une prise de conscience généralisée.

J’ai ainsi modestement tenté de poser une pierre sur le chemin de la bientraitance dans cet avis budgétaire, une pierre partiellement dégrossie, mais le cadre restreint de cet avis ne m’a pas permis – loin de là – d’effectuer toutes les auditions nécessaires et de m’intéresser à un certain nombre de crédits pertinents mais ne relevant pas de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ni d’aborder la dimension essentielle de la santé mentale. Je souhaiterais donc, vous l’avez compris, pouvoir poursuivre ces travaux dans le cadre d’une mission d’information parlementaire.

Pour conclure, je ne résiste pas au plaisir de vous citer ce qu’écrit Matthieu Ricard dans son ouvrage Plaidoyer pour l’altruisme, la force de la bienveillance : « Nous avons besoin d’un fil d’Ariane qui nous permette de retrouver notre chemin dans ce dédale de préoccupations graves et complexes. L’altruisme est ce fil qui peut nous permettre de relier naturellement les trois échelles de temps – court, moyen et long – termes en harmonisant leurs exigences. […] L’altruisme semble être un facteur déterminant de la qualité de notre existence, présente et à venir, et ne doit pas être relégué au rang de noble pensée utopiste entretenue par quelques naïfs au grand cœur. Il faut avoir la perspicacité de le reconnaître et l’audace de le dire. »

Madame la ministre, aurons-nous la perspicacité de le reconnaître l’urgence de la nécessité de lutter contre la maltraitance et l’audace de promouvoir la bientraitance dans tous les domaines et à tous les niveaux ? C’est une question complexe qui nécessite un changement de paradigme ; il nous faut redéfinir les lignes, les repères, faire tout un travail d’ouverture pour construire autre chose, ensemble. C’est un enjeu sociétal, c’est également un enjeu éthique, je dirai même que c’est un enjeu d’émancipation humaine.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Merci, Monsieur le rapporteur pour avis, pour avoir traité sous un angle original un thème particulier. Cette approche n’est pas strictement budgétaire ; il n’en demeure pas moins que notre commission devra se prononcer sur le vote des crédits. Je vais donc donner la parole à la ministre pour une courte présentation des crédits de la mission.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Madame la présidente, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames et messieurs les députés, j’ai l’honneur de vous présenter le budget de la deuxième mission dont j’ai la charge avec Sophie Cluzel et Marlène Schiappa : « Solidarité, insertion et égalité des chances ». Je veux souligner d’emblée la cohérence politique de ce budget avec le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ils portent les mêmes choix et les mêmes priorités. C’est la priorité donnée aux plus fragiles afin de répondre de façon spécifique à leurs attentes prioritaires et agir sur les facteurs du déterminisme social ; c’est la priorité donnée aux salariés modestes, pour que le travail paie davantage.

Cette priorité sociale du Gouvernement se lit d’abord dans l’évolution des crédits de la mission, qui augmentent de près de 7 %. C’est considérable, il s’agit là de l’une des évolutions les plus importantes de ce projet de loi de finances.

C’est 1,3 milliard d’euros supplémentaires qui sera consacré en 2019 aux politiques de solidarité.

Ce budget est d’abord celui d’une solidarité renforcée au bénéfice de nos concitoyens les plus fragiles.

Je veux évoquer en premier lieu la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté, présentée le 13 septembre dernier par le Président de la République. Il s’agit, vous le savez, d’une politique ambitieuse et globale qui vise à éviter que les enfants pauvres d’aujourd’hui ne deviennent les adultes pauvres de demain. J’ai bâti, avec l’ensemble des ministres concernés, une stratégie qui se déploiera dans tous les territoires et qui a pour objectif de renforcer l’accès aux services de la petite enfance, de conforter les droits fondamentaux des enfants, et, pour les jeunes et les adultes, de renforcer l’insertion par l’emploi. Des crédits supplémentaires ont été obtenus pour venir en aide aux plus modestes, éloignés de l’emploi, grâce au renforcement de l’insertion par l’activité économique.

Le programme 304 est le support budgétaire principal de la stratégie. Il porte les crédits dédiés à la contractualisation avec les territoires, à hauteur de 171 millions d’euros en 2019. Ce sont 135 millions d’euros qui seront consacrés à la contractualisation avec les départements, au service des quatre objectifs suivants : l’accompagnement des sortants de l’aide sociale à l’enfance ; le renforcement de l’accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) ; la formation des travailleurs sociaux ; l’accueil social de proximité.

L’effort de solidarité s’exprime également, en deuxième lieu, à travers l’évolution des crédits du programme 157 « Handicap et dépendance », qui sont portés à 11,9 milliards d’euros, soit 5,1 % d’augmentation entre 2018 et 2019. Cette augmentation très importante traduit la priorité que constitue, pendant le quinquennat, la construction d’une société plus inclusive. Elle permet de concrétiser l’engagement du Président de la République en faveur de la revalorisation de l’allocation aux adultes handicapés (AAH), afin de donner à tous leur juste place dans le projet national et de lutter contre la pauvreté subie des personnes auxquelles leur handicap interdit l’accès au travail ou le limite fortement.

La revalorisation de l’AAH permettra de porter le niveau de l’aide à taux plein à 860 euros dès le mois prochain ; cela représentera une progression de 41 euros par mois. L’allocation verra ensuite son montant porté à 900 euros par mois à la fin de l’année 2019. Il s’agit, globalement, d’un investissement de plus de 2,5 milliards d’euros sur la durée du quinquennat pour améliorer la situation des personnes en situation de handicap.

Parce que le travail conduit à l’émancipation sociale, le soutien à l’insertion professionnelle des travailleurs handicapés est également renforcé, notamment en milieu ordinaire. Un effort est prévu en faveur de l’emploi accompagné – le dispositif combine l’accompagnement médico-social et l’accompagnement professionnel pour les travailleurs handicapés. Les crédits dédiés à ces emplois augmenteront de 40 % par rapport à l’année dernière. Par ailleurs, le budget pour 2019 prévoit la mise en œuvre de l’engagement national « Cap vers l’entreprise inclusive 2018-2022 », qui va créer 40 000 emplois supplémentaires. Ainsi, les entreprises adaptées bénéficieront d’un soutien accru de 45 millions d’euros, permettant le recrutement de plus de 8 000 personnes, avec notamment de nouvelles formes d’entrée dans l’emploi.

L’effort de solidarité bénéficie également à nos compatriotes d’outre-mer, dans deux territoires confrontés à des difficultés sociales importantes – je veux parler de la Guyane et de Mayotte. Conformément à l’engagement pris par le Président de la République en octobre 2017, l’État reprend en effet à sa charge le financement du RSA dans les deux collectivités à compter du 1er janvier 2019, pour un montant de 170 millions d’euros. Il s’agit de soulager les collectivités du poids du financement et de l’attribution du RSA, sans pour autant remettre en cause leurs compétences en matière d’insertion des bénéficiaires.

Enfin, l’État assume pleinement ses responsabilités concernant les mineurs non accompagnés. À compter de 2019, l’appui aux conseils départementaux pour la mise à l’abri et l’évaluation des personnes se présentant comme mineures sera renforcé, à la fois par le déploiement d’un logiciel d’appui à l’évaluation de la minorité et par une compensation plus juste des dépenses engagées, sur la base d’un forfait pour chaque jeune évalué.

L’État n’en reste pas là s’agissant des mineurs non accompagnés : répondant aux demandes des départements, il soutient ces derniers en prenant également en charge une partie de leurs dépenses supplémentaires au titre de l’aide sociale à l’enfance, lorsque les personnes sont effectivement évaluées comme mineures et doivent être prises en charge dans le cadre du droit commun. Pour la deuxième année consécutive, un dispositif exceptionnel sera mis en œuvre en 2019.

Plus largement, l’effort engagé dans le cadre de la mise en œuvre de la stratégie de lutte contre la pauvreté et de la gestion des mineurs non accompagnés traduit la volonté du Gouvernement d’œuvrer à l’avènement d’une nouvelle contractualisation entre l’État et les conseils départementaux dans la déclinaison des politiques sociales. Je conduirai cette politique aux côtés de Jacqueline Gourault, ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » témoigne également d’un effort sans précédent au bénéfice des salariés les plus modestes. La prime d’activité est une prestation sociale importante, qui incite à l’activité et soutient le pouvoir d’achat des personnes ayant des revenus d’activité modestes. Elle représente plus de 90 euros par mois pour un célibataire au SMIC. Le Président de la République a pris l’engagement, pendant sa campagne, de la revaloriser de 80 euros pour un salarié au SMIC d’ici à la fin du quinquennat. Cette revalorisation s’ajoutera au gain de pouvoir d’achat de 20 euros par mois découlant de la suppression des cotisations sociales maladie et chômage et permettra d’atteindre un gain total de 100 euros pour un salarié au SMIC d’ici à 2022.

Nous avions programmé une augmentation progressive de la prime d’activité entre 2018 et 2021. Nous avons décidé de faire plus fort, d’aller plus vite en 2019 et 2020 : nous souhaitons amplifier plus rapidement les incitations à la reprise d’activité. Ainsi, la prime d’activité pour un salarié au SMIC augmentera de 30 euros supplémentaires dès avril 2019 : ce sera un gain de pouvoir d’achat significatif dans quelques mois pour plusieurs centaines de milliers de ménages. Elle augmentera de 20 euros supplémentaires en avril 2020, puis encore de 20 euros en 2021. Cela représentera ainsi 80 euros supplémentaires au total d’ici à 2021 : 10 euros en 2018 – la revalorisation est intervenue en octobre –, 30 euros en 2019, 20 euros en 2020 et 20 euros en 2021. Les engagements du Président de la République seront donc pleinement respectés.

Pour conclure, permettez-moi d’évoquer les moyens du ministère. Les crédits pour 2019 du programme 124 s’inscrivent dans la continuité de ceux de 2018, prolongeant ainsi un effort marqué d’économie et de rationalisation des moyens. La masse salariale diminuera de 12,4 millions d’euros et le schéma d’emplois de 250 équivalents temps plein travaillés (ETPT). La subvention pour charge de service public versée aux ARS va diminuer de l’ordre de 1 %. Le ministère prend ainsi sa part d’un effort plus global de maîtrise de la dépense et de l’emploi publics. Cette évolution appelle sans aucun doute la révision de ses missions ; ce travail est en cours, sous la supervision de la secrétaire générale du ministère.

Tels sont, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, les principaux axes d’un budget porteur d’une ambition sociale forte pour nos concitoyens.

Mme Annie Vidal. Tout d’abord, monsieur le rapporteur pour avis, je voudrais vous remercier particulièrement pour l’orientation que vous avez donnée à votre rapport en traitant de la promotion de la bientraitance. Je profite de l’occasion pour vous indiquer que, en tant que membre du Haut Conseil de la famille, de l’enfance et de l’âge (HCFEA), j’ai l’honneur et le plaisir de siéger au sein de la commission pour la promotion de la bientraitance. Depuis un an, les réflexions ont été nombreuses, le travail accompli est important, et un rapport sera effectivement remis à Mme la ministre à la fin de l’année. Je suis bien évidemment à la disposition de la commission, si tel est son souhait, pour faire un point d’étape sur ces travaux.

La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » englobe, comme les années précédentes, le financement de quatre programmes. Le programme 304 est relatif à l’inclusion sociale et à la protection des personnes, avec le soutien d’actions diverses à fort enjeu, telles que la prime d’activité et l’aide alimentaire, mais aussi des mesures en faveur du travail et de la protection des plus fragiles d’entre nous. Le programme 157 « Handicap et dépendance » porte quant à lui l’ambition de donner aux personnes vulnérables la possibilité de faire leurs propres choix de vie. Le programme 137 confirme que l’égalité entre les femmes et les hommes est la grande cause du quinquennat. Enfin, la conduite et le soutien des politiques sanitaires, sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative sont contenus dans le programme 124, pour la déclinaison territoriale de la mission.

C’est une mission importante car elle a pour objectif, entre autres, d’organiser la solidarité nationale envers les plus fragiles et les plus modestes d’entre nous. Elle est l’expression de notre volonté collective de rendre à celles et ceux qui les auraient perdus leurs droits, la dignité et l’espérance. La mission traduit cette volonté en moyens qui s’articulent autour des quatre programmes.

Voici, pour mémoire, quelques chiffres qui interpellent et que nous ne perdons pas de vue. Le taux de pauvreté, en France, est de 14 % ; un enfant sur cinq est pauvre ; plus d’un tiers des familles sont monoparentales ; 800 000 jeunes et 700 000 bénéficiaires du RSA se trouvent sans accompagnement vers l’emploi ; 900 000 personnes sont privées de logement personnel.

Comme l’a indiqué Mme la ministre, les crédits de la mission sont en progression de près de 7 %, et sont principalement orientés vers les travailleurs ayant de faibles revenus, les personnes en situation de handicap, les enfants et les jeunes. De plus, un des points saillants de la mission est la mise en place de la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté, au sein du programme 304, par la création de l’action 19, dotée de 171 millions d’euros.

Madame la ministre, j’ai deux questions à vous adresser. La première est relative à cette action 19, au sein du programme 304, et indirectement à l’action 13, dédiée aux pratiques innovantes dans le champ de la cohésion sociale, ainsi qu’à l’action 17, qui concerne la protection et l’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Sur les 171 millions d’euros, 135 millions seront consacrés à une contractualisation renforcée avec les départements et métropoles, lesquels sont chefs de file en la matière. La démarche agile, l’amélioration de la gouvernance et le développement de l’initiative locale pour mieux lutter contre l’exclusion, ainsi que l’appui technique de l’Agence nationale des solidarités actives (ANSA), sont au cœur de la réussite de ce plan. Le programme proposé est ambitieux et repose en partie sur la volonté des acteurs de proximité de travailler en partenariat et de créer une alliance, au bénéfice des plus démunis. Compte tenu des remarques de l’ANSA à propos des difficultés de reconnaissance des réseaux existant dans les territoires et de leur fragilité, sans oublier l’absence de portage politique des projets, sur quelles incitations les départements vont-ils pouvoir s’appuyer, quels leviers pourront-ils actionner pour qu’un accueil social de proximité puisse voir le jour au cœur de chaque territoire, notamment dans les territoires ruraux ou les territoires ayant une faible densité de population ?

Ma seconde question est liée au programme 157, relatif au handicap et à la dépendance. Elle porte plus précisément sur l’accès de tous les enfants, au sein de l’école, à un accompagnement adapté leur permettant de suivre une scolarité et d’avoir accès aux activités périscolaires – exigence rappelée par le comité interministériel du 20 septembre 2017. Un des problèmes identifiés réside dans le délai de traitement des dossiers. Quelle plus-value peut-on attendre, en termes de réduction de délais, des systèmes qui sont en cours d’élaboration – je pense notamment au système d’information des maisons départementales des personnes handicapées (MDPH) ?

Madame la ministre, le groupe La République en Marche soutient pleinement la politique budgétaire de cette mission.

M. Gilles Lurton. Madame la ministre, nous reconnaissons bien volontiers l’augmentation des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », et nous ne pouvons que l’approuver, tant cette mission touche à la vie quotidienne de personnes qui sont souvent les plus défavorisées. Nous avons bien noté que cette augmentation était principalement affectée à l’allocation aux adultes handicapés, avec une hausse de 40 euros au 1er novembre et une autre de 50 euros qui interviendra au 1er novembre 2019, la portant ainsi à 900 euros – même si elle restera en dessous du seuil de pauvreté. En dépit de cette dernière remarque, nous approuvons cette augmentation conforme aux engagements du Président de la République.

L’augmentation de l’allocation aux adultes handicapés, prévue dans le programme 157 « Handicap et dépendance », me conduit une nouvelle fois à vous interroger, madame la ministre, sur un point que j’ai abordé à plusieurs reprises avec Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, à savoir la prise en compte des revenus du foyer dans le calcul de l’AAH. En effet, en faisant le choix de ne pas augmenter le plafond au-dessus duquel deux personnes en situation de handicap vivant en couple – l’une étant en situation de handicap et l’autre ayant un travail – ne touchent plus l’AAH, vous prenez le risque de faire perdre à un grand nombre de personnes tout ou partie du bénéfice de cette allocation, ce qui me paraît très profondément injuste.

À l’occasion des auditions conduites par M. le rapporteur pour avis, notre collègue Brahim Hammouche, Mme la secrétaire d’État chargée des personnes handicapées m’a rassuré sur ce point, en déclarant que toutes les simulations auxquelles vos services avaient procédé démontraient que personne ne serait perdant. Je lui ai demandé de me transmettre ces simulations, et elle a accepté, mais ne l’a pas fait. Vous comprendrez que, dans de telles conditions, il nous soit difficile d’assumer notre fonction de contrôle. À ce sujet, madame la ministre, nous souhaiterions connaître la position du Gouvernement quant à une dissociation de l’allocation aux adultes handicapés des revenus du couple, considérant que la survenance d’une situation de handicap chez un membre du couple constitue souvent pour les femmes une perte d’indépendance vis-à-vis de son conjoint.

Pour ce qui est des crédits affectés à l’égalité entre les hommes et les femmes, nous notons que la priorité affichée par le Gouvernement en la matière ne se traduit par aucune augmentation. Nous considérons pourtant que des crédits sont nécessaires au développement de cette politique, même si elle relève aussi, très largement, d’une prise de conscience de l’ensemble de nos concitoyens. Nous relevons d’ailleurs que la nouvelle organisation du programme 137 « Égalité entre les femmes et les hommes » fait perdre en lisibilité, et il semble, d’après nos renseignements, que les grandes associations nationales telles que le Centre national d’information sur les droits des femmes et des familles (CNIDFF), ou encore le Planning familial, voient leurs crédits diminuer, passant de 2,3 millions à 1,6 million. Nous souhaiterions que vous nous éclairiez sur ce point.

Concernant la situation des personnes âgées dépendantes, nous regrettons une nouvelle fois l’absence totale de mesures en leur faveur, alors même que la direction de la recherche, des études et des statistiques considère que la prise en charge de la dépendance pourrait doubler d’ici à 2060, ce qui n’est pas si loin, en définitive. Nous regrettons notamment que les propositions contenues dans le rapport de Mme Fiat et de Mme Iborra sur la situation des EHPAD et sur les souffrances de leurs personnels n’aient pas, pour le moment, donné lieu à la moindre mesure concrète. Sur ce sujet, vous m’avez répondu, lors de l’examen du PLFSS, que vous veniez de lancer une consultation, ce qui ne manque pas de m’étonner compte tenu du nombre de rapports dont nous disposons déjà. Cela dit, je veux garder confiance et continuer à croire que vous allez avancer. J’ai bien noté votre volonté de nous proposer une loi sur la dépendance d’ici à la fin de l’année 2019.

Dans le cadre du programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes », la prime d’activité devrait une nouvelle fois être revalorisée au 1er août prochain. Nous considérons que cette politique d’incitation à la reprise d’activité et à la valorisation du travail va dans le bon sens. Elle est cependant amoindrie par la modification du calcul de cette prime, puisque le coefficient de prise en compte des revenus est abaissé d’un point, passant de 62 % à 61 %.

Dans le cadre de ce programme, nous notons également une augmentation des crédits alloués à l’accueil et à la prise en charge des mineurs non accompagnés, ce qui va dans le sens d’une plus grande sincérité budgétaire. Les crédits sont cependant loin d’être suffisants, du fait d’un afflux toujours plus important de mineurs isolés sur notre territoire et de la charge qu’il représente pour les collectivités départementales.

Enfin, l’augmentation de 14 % du montant de ce programme est également liée à l’intégration des mesures prévues dans le cadre du plan de lutte contre la pauvreté, annoncé en septembre dernier, pour un montant de 171 millions d’euros. À ce sujet, nous souhaiterions savoir si ce montant absorbe les 50 millions d’euros dédiés au fonds d’appui aux politiques d’insertion – qui finance des projets en matière d’insertion dans le cadre des contrats entre les départements et l’État –, tels qu’ils avaient été budgétés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2018.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Notre pays compte près de 9 millions de pauvres, soit 14 % de la population ; 20 % d’entre eux ont moins de 18 ans, et près de 36 % constituent des familles monoparentales. Les crédits que nous examinons aujourd’hui concernent ces personnes au premier chef. Cette mission, pour laquelle notre commission est saisie pour avis, revêt donc une importance particulière.

Pour l’année 2019, notre effort de solidarité se concrétise par une hausse de 7,5 % des crédits afin de répondre à plusieurs objectifs : une nouvelle augmentation de l’AAH, qui atteindra 900 euros en décembre 2019 ; la création d’une seconde bonification pour les bénéficiaires de la prime d’activité, qui s’inscrit dans la trajectoire de revalorisation qui permettra à ses bénéficiaires rémunérés au niveau du SMIC de connaître une augmentation de 80 euros d’ici à 2022 ; la mise en œuvre de la stratégie nationale de lutte contre la pauvreté, présentée le mois dernier, qui s’articule autour de plusieurs ambitions – l’égalité des chances dès la naissance, pour rompre avec la reproduction sociale de la pauvreté, la garantie des droits fondamentaux de tous les enfants, l’accès à un parcours de formation pour tous les jeunes, la simplification de la gestion et du versement des minima sociaux, pour les rendre plus lisibles et plus incitatifs à un retour à l’activité.

En outre, les crédits en faveur de l’égalité entre les femmes et les hommes sont sanctuarisés et stabilisés, de manière à financer – entre autres – des actions de promotion des droits, ainsi que la prévention et la lutte contre les violences sexistes. Nous ne pouvons que nous en féliciter.

Le groupe MODEM et apparentés se réjouit donc du déploiement de ces transformations et soutiendra leur mise en place pour qu’elles puissent toucher positivement, et le plus rapidement possible, les publics les plus vulnérables.

Par ailleurs, notre groupe souhaite interroger le Gouvernement sur l’article 83, visant à simplifier les compléments à l’allocation aux adultes handicapés. Actuellement, deux dispositifs très proches coexistent : le complément de ressources, qui s’élève à 179,31 euros par mois, et la majoration pour la vie autonome, qui représente 104,77 euros mensuels. L’article 83 vise à supprimer le complément de ressources – qui pose des problèmes aux MDPH s’agissant du contrôle du critère de capacité de travail –, tout en prévoyant un dispositif transitoire de maintien des ressources pour une durée maximale de dix ans.

Nous comprenons la nécessité d’une simplification des dispositifs et d’une rationalisation de l’attribution des compléments comme des missions des MDPH. L’objectif est louable. Néanmoins, la mesure devrait entraîner, à terme, une baisse de revenu de 75 euros pour les bénéficiaires de l’AAH qui touchent le complément de ressources. Elle devrait également se traduire, pour l’État, par des économies de l’ordre de 500 000 euros en 2019 et de près de 6 millions d’euros en 2020. Nous nous étonnons toutefois de l’absence de projections à moyen terme.

Madame la ministre, pouvez-vous nous en dire plus sur cette réforme et sur l’évaluation de son impact pour les bénéficiaires ? Ne serait-il pas judicieux de profiter des économies réalisées pour procéder à un relèvement de la majoration pour la vie autonome ?

Mme Agnès Firmin Le Bodo. La mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » rend compte de l’effort public en faveur de la lutte contre la pauvreté, de la réduction des inégalités et de la protection des plus vulnérables. L’engagement de l’État en faveur de ces publics spécifiques traduit la solidarité toute particulière que notre société doit aux plus démunis. Nous saluons donc l’augmentation des crédits de cette mission, en hausse de 6,8 % par rapport à la loi de finances pour 2018 et qui porte le total à 20,7 milliards d’euros en 2019.

Nous sommes particulièrement favorables à la mesure visant à porter l’allocation aux adultes handicapés à 900 euros l’année prochaine : c’est une mesure de justice et de solidarité tout à fait essentielle. Le Gouvernement a fait du handicap une priorité du quinquennat, comme cela a été rappelé lors du dernier comité interministériel sur le sujet. À ce titre, je veux saluer les orientations et préconisations issues du comité interministériel du 25 octobre, qui traduisent la volonté de simplifier la vie quotidienne et de renforcer les droits des personnes handicapées. Je pense en particulier à la reconnaissance du caractère inaliénable du droit de vote pour les personnes majeures handicapées sous mesure de protection judiciaire et à la possibilité pour celles-ci de se marier sans avoir besoin de l’autorisation du juge des tutelles. Il s’agit de mesures symboliquement fortes pour intégrer davantage les personnes en situation de handicap dans la vie de la cité.

D’autres mesures de simplification annoncées sont également les bienvenues, comme l’attribution à vie des prestations aux personnes dont le handicap n’est pas susceptible d’évoluer favorablement. Cette mesure était attendue par les conseils départementaux – et les MDPH –, qui rencontrent, on le sait, de grandes difficultés pour faire face à l’afflux des demandes.

Il a été porté à mon attention une difficulté persistante concernant les apprentis en situation de handicap. Ces personnes, qui ont signé un contrat d’apprentissage, toucheront une pension d’invalidité d’un faible montant et devront obligatoirement faire valoir leur droit à l’allocation supplémentaire d’invalidité, qui est une allocation récupérable sur succession, pour pouvoir bénéficier de l’AAH en complément. Ils se trouveront alors dans une situation très défavorable par rapport à un jeune qui, dans les mêmes circonstances, aura suivi une formation par alternance sous statut scolaire, et qui recevra quant à lui directement l’AAH, laquelle n’est pas récupérable. Pourriez-vous nous éclairer sur ce point ?

J’ai également une interrogation quant au programme 304. Il est indiqué dans le bleu budgétaire qu’une concertation sera ouverte en 2019 au sujet de la création d’un revenu universel d’activité. Pourriez-vous nous donner davantage de précisions sur ce point ? À quel niveau ce revenu universel serait-il fixé ? De ce point dépend en effet l’orientation que l’on souhaite lui donner : s’agit-il d’un filet de sécurité minimal, ou au contraire a-t-il vocation à se rapprocher du seuil de pauvreté, c’est-à-dire aux alentours de 1 026 euros pour une personne seule ?

J’aimerais enfin revenir sur les mineurs non accompagnés (MNA), notamment à travers la question toujours en suspens du coût très lourd de leur prise en charge pour les conseils départementaux. Ils représenteraient parfois plus du quart des mineurs pris en charge, alors même que, comme cela a été souligné, les travailleurs sociaux ne sont pas assez nombreux. Se pose, par ailleurs, la question de l’évaluation de la minorité, notamment au moyen d’un test osseux. J’aimerais connaître votre avis sur le sujet : selon vous, quelles autres modalités pourrait-on envisager pour évaluer la minorité ?

Le « bleu » budgétaire précise également : « Le soutien financier de l’État aux départements se poursuivra en 2019 et s’accompagnera d’une réforme en profondeur des modalités de prise en charge des MNA dès le 1er janvier. » Ce sont d’ailleurs 141,2 millions en crédits de paiement qui sont prévus en 2019 au titre des MNA. Nous considérons néanmoins que l’État doit reprendre la compétence de la prise en charge des MNA en passant des conventions avec les départements concernés. Pourriez-vous nous donner votre avis sur ce point ?

Le groupe UDI, Agir et indépendants votera en faveur des crédits de cette mission.

Mme Gisèle Biémouret. Je tiens tout d’abord à remercier Brahim Hammouche pour son travail et pour le choix du thème de la bientraitance.

Le budget pour 2019 de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », loin de nous satisfaire, nous plonge dans une profonde perplexité. Certes, la mission voit ses crédits augmenter de 6,8 %, soutenus par la revalorisation de la prime d’activité et de l’AAH, qui représentent à elles deux 78 % des crédits, mais ce que vous donnez dans cette mission, vous le reprenez par ailleurs dans le PLF, ou par voie réglementaire.

Ainsi, la revalorisation de la prime d’activité de 20 euros, qui ne concernait déjà que les revenus entre 0,5 fois et une fois le SMIC, sera amputée par la désindexation et par l’effet du décret du 3 octobre dernier. Celui-ci, en abaissant le coefficient de prise en compte des revenus de 62 % à 61 %, aura pour conséquence qu’un salarié au SMIC ne recevra au final que 8 euros au lieu des 20 euros que vous promettiez. De plus, dans la mesure où la revalorisation ne concerne que les travailleurs d’un foyer dont les revenus professionnels sont supérieurs à 0,5 fois le SMIC, les ménages qui travaillent le moins ou ceux dont les revenus sont les plus faibles ne seront pas du tout concernés. Au final, seules les personnes les plus proches du SMIC toucheront les 80 euros supplémentaires promis pour la fin du quinquennat. Toutes les personnes ayant des revenus modestes seront oubliées.

Autre bémol : le RSA, quant à lui, n’est pas revalorisé. Par ailleurs, sa recentralisation pour la Guyane et Mayotte, prévue à l’article 27 du PLF, est contraire aux principes d’égalité et de non-discrimination.

S’agissant des crédits pour le handicap, l’allocation aux adultes handicapés fait elle aussi l’objet d’une revalorisation exceptionnelle, ce qui est une bonne mesure, mais son impact sera, là encore, amoindri par plusieurs dispositions : absence de revalorisation par rapport à l’inflation en 2019, mesures de désindexation sur l’inflation en 2020, gel du plafond de ressources des couples et fusion des aides complémentaires qui se traduit par la disparition du complément de ressources, seule la majoration pour la vie autonome étant conservée, soit 104,77 euros au lieu de 179,31 euros. D’ailleurs, madame la ministre, Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale et membre de votre majorité, a partagé nos inquiétudes ; elle n’a pas émis d’avis défavorable sur notre amendement visant à supprimer l’article 83 lors de l’examen de cette mission en commission des finances.

Pour le reste de la mission, nous notons de nombreuses baisses de crédits qui sont incohérentes. Alors que la stratégie de lutte contre la pauvreté réaffirme l’importance de l’accompagnement et la valorisation du travail social, les crédits de l’action 15 diminueront de 7,9 %. Tous les acteurs du travail social et de l’accompagnement sont ainsi affectés par cette baisse, et l’on ne peut que s’interroger sur les suites que vous donnerez au plan d’action en faveur du travail social, qui avait été adopté sous la précédente législature. Quant au montant des crédits de la nouvelle action 19, censée donner corps à la stratégie de lutte contre la pauvreté, il apparaît bien faible au regard du champ que l’action est censée couvrir pour sa première année d’existence, et cela d’autant plus que, sur les 135 millions d’euros consacrés à la contractualisation avec les départements, 50 millions proviennent du fonds d’appui aux politiques d’insertion (FAPI).

Les crédits du programme 137 sont constants alors que la nouvelle architecture du programme aurait mérité qu’ils augmentent, surtout au regard de l’importance que revêt la lutte contre les inégalités entre les femmes et les hommes et contre les violences faites aux femmes.

Je terminerai en disant un mot de l’action 14, relative à l’aide alimentaire, qui est la grande oubliée de la stratégie de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Ses crédits sont en baisse alors que les indicateurs montrent une progression du nombre de bénéficiaires, qui sont au nombre de 4,8 millions si l’on en croit le bleu budgétaire.

M. Jean-Philippe Nilor. Le budget de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » est en augmentation de 1,6 milliard d’euros par rapport à l’année dernière. Il peut laisser penser à une soudaine générosité du Gouvernement en faveur des populations les plus modestes, notamment avec la nouvelle revalorisation annoncée de l’allocation aux adultes handicapés ou encore de la prime d’activité, mais c’est compter sans vos tours de passe-passe habituels : derrière les mots, il y a une réalité budgétaire qui ne bénéficie pas à ceux qui en ont le plus besoin.

En effet, vous avez introduit de nouveaux modes de calcul et de nouveaux critères qui bloquent les revalorisations de ces prestations sociales pour un certain nombre de personnes. C’est le cas pour la revalorisation de 20 euros de la prime d’activité. Celle-ci n’est destinée qu’à une catégorie de population : les travailleurs d’un foyer dont les revenus professionnels sont supérieurs à 0,5 fois le SMIC. De même, vous avez modifié les critères d’éligibilité à l’AAH. Même si l’on peut souligner sa revalorisation, celle-ci reste tout de même insuffisante. En effet, son montant reste en dessous du seuil de pauvreté, à savoir 1 026 euros.

Au passage, madame la ministre, comment peut-on admettre que, dans un même pays, une même nation, coexistent des seuils de pauvreté différents ? Celui de l’Hexagone est en effet supérieur à celui de la Martinique, lequel est lui-même supérieur à celui de la Guadeloupe, lui-même supérieur à celui de la Guyane, lui-même supérieur à celui de Mayotte. La France accepterait-elle donc des seuils de pauvreté à géographie variable ?

Par ailleurs, 100 000 personnes seront partiellement ou totalement exclues de l’avancée – au demeurant timide – que constitue la revalorisation de l’AAH. Les premières victimes seront les allocataires de l’AAH vivant en couple, car le Gouvernement a décidé de geler le plafond de ressources pour les couples. Vous avez également décidé la fusion du complément de ressources et de la majoration pour la vie autonome, au profit de la seconde, ce qui permet d’aligner la prestation sur le montant le plus faible, soit 104 euros. La suppression de la garantie de ressources pénalise les personnes qui vivent avec un handicap irréversible en réduisant leur niveau de vie à court terme. On est bien loin de l’augmentation du pouvoir d’achat annoncée.

Je voudrais, en outre, relayer ici les inquiétudes des associations, qui sont opposées à ces différentes mesures. Madame la ministre, quelles réponses allez-vous donner aux structures associatives, qui sont très en colère et mobilisées contre les mesures que vous annoncez dans le budget ?

Le Président de la République a annoncé en octobre dernier le lancement d’une stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté des enfants et des jeunes. Dans ce cadre, l’augmentation des crédits dédiés aux mineurs non accompagnés est de 9,2 millions d’euros. Cela correspond à la modification des modalités de remboursement aux départements, mais aussi à la hausse prévisionnelle du nombre de MNA.

Je voudrais surtout insister sur la diminution du financement des têtes de réseaux des associations œuvrant dans le domaine de la protection des enfants, des jeunes et des familles vulnérables. Ces associations sont souvent les premiers interlocuteurs des personnes les plus fragiles. Si l’on veut cibler davantage le dispositif pour mieux aider et accompagner les personnes vulnérables, il est plus utile et efficace de renforcer les moyens accordés aux associations et aux travailleurs sociaux. Les crédits s’élèveront, en 2019, à 1,2 million d’euros, contre 1,3 million d’euros en 2018. Par ailleurs, cette diminution risque de fragiliser un certain nombre d’associations.

Je voudrais également vous interpeller sur le budget consacré à l’égalité entre les hommes et les femmes. Le Gouvernement a annoncé à grand renfort de communication que l’égalité entre les hommes et les femmes serait la grande cause nationale du quinquennat. On peut certes souligner les crédits qui sont consacrés à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, mais de nombreux pas doivent encore être franchis dans ce domaine. Même si vous modifiez les appellations de l’aide consacrée aux différents dispositifs, on est loin du compte. En effet, le niveau des crédits pour 2019 est identique à celui de 2018.

Quelques mots, enfin, sur les chibanis. Après avoir diminué de 9 millions d’euros en 2018 les crédits de l’aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leur pays d’origine, c’est une division par cinq qui intervient : ils passent de 1 million à 200 000 euros. L’argument avancé pour justifier cette diminution est pour le moins léger. Il convient au contraire, selon nous, de rendre automatique le droit à cette aide pour des personnes qui ont travaillé toute leur vie en France.

Comme dans toutes les autres missions, le Gouvernement poursuit ici sa politique austéritaire en réduisant les personnels mettant en œuvre les politiques sociales, du sport, de la jeunesse et de la vie associative. Les agences régionales de santé sont particulièrement touchées par cette baisse. Les crédits de la mission sont significatifs de votre politique d’inégalités sociales. Pourtant, si vous aviez fait preuve de courage politique, vous auriez pu aller chercher l’argent dans les exonérations fiscales accordées aux plus riches.

M. Sylvain Maillard. Ben voyons ! Pourquoi n’y avons-nous pas pensé ?

M. Jean-Philippe Nilor. Dans ces conditions, le groupe de la Gauche démocrate et républicaine (GDR) ne pourra pas voter les crédits de cette mission.

Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale de la commission des finances. Je tiens, pour commencer, à vous remercier, chers collègues de la commission des affaires sociales, de m’accueillir parmi vous. Je salue à mon tour le travail de Brahim Hammouche et notre coopération sur cette mission très vaste. Je vous remercie vous aussi, madame la ministre, ainsi que vos services, qui ont répondu à mes nombreuses questions et sollicitations.

Je voudrais apporter quelques réponses à des questions soulevées au cours du débat, notamment en ce qui concerne les crédits consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes. J’aurais voulu dire à M. Lurton, qui n’est plus parmi nous à cet instant, que j’ai déjà fourni des précisions ce matin en commission des finances, mais il n’y assistait pas non plus. Je sais que notre rythme de travail est soutenu, mais il est important d’entendre les réponses qui sont apportées aux questions. S’agissant donc de l’égalité entre les femmes et les hommes, sujet évoqué également par notre collègue du groupe GDR, les moyens alloués sont constants, aux alentours de 30 millions d’euros. Il faut savoir aussi que l’exécution budgétaire de cette politique progresse par rapport aux années précédentes : au final, ce sont 7 millions de plus qui sont alloués à cette politique ambitieuse que nous menons.

Les subventions aux associations sont maintenues. Le Planning familial reçoit 272 000 euros, comme l’an dernier. Pour les associations d’accompagnement à la sortie de la prostitution également nous sommes sur les mêmes bases, avec 2,14 millions d’euros. Il y a donc une véritable continuité, à un niveau soutenu, dans les actions conduites en la matière.

Concernant la fusion de la prestation de compensation du handicap et de la majoration pour la vie autonome, j’ai été mentionnée par Mme Biémouret. Ce matin, j’ai invité à un débat approfondi avec Mme la ministre plutôt qu’à un débat en commission en dehors de sa présence.

S’agissant de la prime d’activité, madame la ministre, je tiens à souligner et à saluer l’annonce extrêmement importante que vous venez de faire : plus fort et plus vite, avez-vous dit. Effectivement, une augmentation de 20 euros était envisagée en 2019 ; vous parlez désormais de 30 euros. Je salue ce scoop. Cela va vraiment dans le sens que nous entendons donner au soutien aux plus vulnérables.

Un dernier mot en ce qui concerne les chibanis. Il ne s’agit pas, monsieur Nilor, d’une question de crédits ; c’est une question d’applicabilité de la mesure. Un certain nombre de freins empêchent à l’heure actuelle son application. De mémoire, 36 personnes seulement en bénéficient, alors que les crédits sont prévus pour 400. Nous avons donc prévu largement assez en termes budgétaires. Il faut surtout lever les freins et modifier la mesure pour qu’elle soit davantage demandée par les personnes qui y ont droit.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Je tiens à préciser, Madame Dupont, que M. Lurton s’est excusé de devoir partir. Il fait partie des membres les plus assidus de cette commission. Il participe à l’intégralité de nos travaux et il a notamment été présent jusqu’au bout dans le débat sur le PLFSS, qui s’est terminé tard dans la nuit.

Mme Geneviève Levy. Je salue les mesures qui visent à prendre mieux en compte le parcours de vie des personnes handicapées – je pense notamment, bien sûr, à l’augmentation des crédits de l’allocation aux adultes handicapés, qui est une bonne nouvelle. Toutefois, je souhaite la nuancer, comme l’a fait le Conseil national consultatif des personnes handicapées (CNCPH), car il s’agit en réalité d’un rééquilibrage de lignes budgétaires. Je donnerai un seul exemple : vous supprimez la revalorisation légale au 1er avril, ce qui représente un manque à gagner de 90 euros par allocataire. Cette somme aurait dû être perçue en plus, entre mai et novembre, et s’ajouter à la deuxième revalorisation, qui interviendra en novembre 2019. C’est très intelligemment fait mais, concrètement, la mesure entraîne une perte de pouvoir d’achat – et, pour le Gouvernement, des économies. Je tenais à le signaler.

Que pouvez-vous nous dire, par ailleurs, sur la suppression du complément de ressources au profit de la majoration pour la vie autonome, à l’article 83, qui entraînera, dès le 1er janvier 2019, pour des milliers de bénéficiaires de l’AAH touchant ce complément, une perte pouvant aller jusqu’à 179 euros par mois ?

Mme Emmanuelle Fontaine-Domeizel. Madame la ministre, étant référente handicap, je souhaite d'abord revenir sur la hausse significative du programme 157, dédié au handicap et à la dépendance : 580 millions d'euros supplémentaires pour l'AAH. Cette hausse attendue s'inscrit dans la droite ligne d'un engagement pris et tenu devant les Français par le groupe de la majorité et le Gouvernement. L'ensemble du programme passera à 12 milliards d'euros, un montant significatif de notre volonté à agir pour les plus fragiles des nôtres et pour leur inclusion.

Pour revenir à l'objet d'étude du rapporteur, que je félicite, je trouve que la bientraitance est un angle particulièrement pertinent. J’ai une interrogation sur la Fédération 3977 contre la maltraitance et son efficacité. Il y a eu 724 signalements pour les personnes en situation de handicap. Pensez-vous que c'est significatif au regard du nombre de victimes ? Jugez-vous que le dispositif est efficace ? Mérite-t-il d'être mieux connu ?

M. Cyrille Isaac-Sibille. J’en reviens toujours à la prévention mais sous un autre angle. Je constate une stabilité du financement des ARS dans le programme 143 de cette mission, mais aussi une baisse de 20 millions d’euros des dépenses d’intervention du programme 124. Dans ces conditions, comment financer les actions d'éducation à la santé ? Je suis d'accord avec vous sur un changement de paradigme en ce qui concerne les préventions secondaire et tertiaire, mais il ne doit pas jouer pour la prévention primaire.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Madame la ministre, vous avez la parole pour répondre à cette série de questions.

Mme Agnès Buzyn, ministre des solidarités et de la santé. Je vais commencer par la question de la bientraitance, valeur fondamentale de notre société, pour laquelle nous nous battons. Merci, monsieur le rapporteur, d'avoir mis en lumière ce sujet sur lequel nous sommes mobilisées, Sophie Cluzel et moi‑même.

S'agissant des personnes dépendantes et des personnes en situation de handicap, nous avons mis en place des actions de prévention et de repérage, notamment avec ce dispositif d'écoute téléphonique adapté aux victimes, aux témoins de faits de violence et à des actions de réponse à ces situations.

Le 19 février dernier, nous avons installé la commission de promotion de la bientraitance et de lutte contre la maltraitance. Cette commission est présidée par Denis Piveteau, un conseiller d'État qui a été secrétaire général des ministères sociaux, et dont vous connaissez l’engagement sur ces sujets. Nous pensons qu’elle permettra d'améliorer la connaissance de tous les phénomènes de maltraitance, de faciliter leur repérage, leur signalement et leur traitement, et de mieux accompagner les responsables et les personnels des établissements et services médico-sociaux. Face aux craintes exprimées sur son caractère trop normatif, je peux vous dire que nous ne pensons pas que la réponse passe par l’instauration de normes.

Son rapport nous sera remis très prochainement. Ses préconisations feront l'objet d'un plan d'action national pluriannuel et elles alimenteront la réflexion dans le cadre plus général de la concertation nationale sur le grand âge et l’autonomie. Je veillerai à ce que les parlementaires soient associés aux réflexions sur les suites à donner au rapport de la commission et sur l’élaboration d’un plan d’action.

Dans votre rapport, il est également question des enfants. Vous parlez des mesures prises par l'État pour améliorer le repérage des enfants en danger ou en risque de danger à travers la mise en place et le financement du Service national d'accueil téléphonique pour l'enfance en danger (SNATED) et de l’Observatoire national pour la protection de l'enfance (ONPE) dont j’ai pérennisé le financement.

Nous allons aller plus loin. En novembre, nous allons lancer une campagne à destination du grand public, dans les médias nationaux, concernant l'appel au 119. Nous souhaitons faire de la lutte contre toutes les formes de violence et de maltraitance à l’égard des enfants, une priorité absolue de la stratégie nationale de protection de l'enfance que nous sommes en train d'élaborer et qui sera dévoilée au mois de novembre. Nous voulons parvenir à une prise de conscience collective, afin que chacun puisse lutter à sa place contre toutes les violences faites aux enfants. Aucun moyen ne sera négligé.

Vous m'interrogez sur l'évaluation et la qualité des établissements sociaux et médico-sociaux et des établissements de santé. Dès mon arrivée, j'ai transféré à la HAS le soin d'exercer la mission qui était confiée à l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico‑sociaux (ANESM). Cette dernière devait passer par une multitude d’organismes agréés pour mettre en place ses missions d'évaluation des établissements médico-sociaux et sociaux. Nous souhaitons un peu mieux harmoniser les pratiques.

La HAS est très vigilante en ce qui concerne la question du droit des personnes. Au sein de la HAS, il y a désormais une commission spécialisée qui élabore les recommandations pour les établissements sociaux et médico-sociaux ; elle évalue aussi la qualité de leurs prestations en validant des procédures et des référentiels. Nous allons être très attentifs au changement de pratiques liées à la fusion de l’ANESM et de la HAS. Lors de l’élaboration de ces recommandations, nous intégrerons celles du rapport Piveteau.

Depuis mon arrivée au ministère, je suis en alerte sur les secteurs particuliers la psychiatrie et de la santé mentale. Le 28 juin dernier, lors du premier comité stratégique de la santé mentale et de la psychiatrie, j’ai annoncé une feuille de route. La promotion de la bientraitance des personnes atteintes de maladie mentale et de troubles psychiques est évidemment au cœur de cette feuille de route qui prévoit notamment de garantir des parcours de soins coordonnés, soutenus par une offre en psychiatrie accessible, diversifiée et de qualité dans laquelle la médecine de ville prend toute sa place. Elle cherche également à améliorer les conditions de vie, d'inclusion sociale et d'accès à la citoyenneté des personnes en situation de handicap psychique. Je sais que vous souhaitez poursuivre vos travaux sur ce sujet. Soyez certain que mon ministère sera très attentif aux constats et aux préconisations que vous pourriez formuler dans ce cadre.

Madame Vidal, vous m’interrogez sur la question du premier accueil social inconditionnel. En tant que chefs de file de l'action sociale, les conseils départementaux auront la charge d'organiser ce premier accueil social inconditionnel, en collaboration avec les autres acteurs sociaux, notamment les centres d'action communaux ou intercommunaux d'action sociale. Ils ont pu s'y préparer depuis deux ans, grâce à la mise en place des schémas d'amélioration de l'accessibilité des services au public. Cela doit leur avoir permis de faire un diagnostic territorial des lieux qui remplissent les conditions du premier accueil social. Il peut s'agir de leurs propres services, des centres d'action sociale, mais aussi des maisons de service au public, des guichets des caisses de sécurité sociale. Un guide a également été publié en collaboration avec les collectivités territoriales, avec le soutien de l'ANSA que vous avez citée.

Vous avez raison, il faut une volonté politique forte. Elle se matérialise par la valorisation du premier accueil social inconditionnel dans la stratégie de prévention et de lutte contre la pauvreté. Cette stratégie, financée par une partie des 135 millions d'euros de la contractualisation, permettra d’aider les départements à bâtir cette organisation du premier accueil social inconditionnel qui différera probablement d’un territoire à l’autre, en fonction de leur caractère plus ou moins urbain ou rural. Les conférences régionales qui seront mises en place pour suivre la stratégie et sa mise en œuvre permettront aux départements d'échanger entre eux ainsi qu'avec les associations et les personnes concernées, pour parvenir à une bonne couverture du territoire.

Vous avez ensuite posé une question concernant les MDPH. Il convient de rappeler que les durées de traitement des dossiers par les MDPH sont réglementairement fixées à quatre mois. Depuis 2012, le délai moyen reste malheureusement stable à quatre mois et douze jours pour les adultes et à trois mois et vingt jours pour les enfants.

Plusieurs mesures ont été prises pour accélérer la réduction des délais de traitement. Tout d’abord, il existe désormais un système d'information harmonisé entre les MDPH, qui est aussi commun et interopérable avec ceux de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA), des conseils départementaux et de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF). C'est un outil de modernisation qui devrait aboutir à une automatisation et une simplification des actions pour les MDPH, et donc à une réduction des délais de traitement. Ce déploiement du système d'information correspond à un engagement fort du Gouvernement. Fin 2019, toutes les MDPH devraient avoir intégré ce nouveau système d'information. En outre, début de 2019, un portail de téléservices sera mis à la disposition de l'ensemble des MDPH par la CNSA afin de faciliter les démarches des personnes handicapées et de favoriser des gains d'efficience. Couplées aux dispositifs de simplification appliqués par le Gouvernement, ces mesures devraient permettre, à terme, une réduction des délais.

M. Lurton m'a interrogée sur le programme 137 dont les crédits restent stables à 29,9 millions d'euros. En fait, notre ambition est d’améliorer l'exécution de crédits pour arriver à un taux de 100 %, ce qui suppose une augmentation de 31 % par rapport à la moyenne des trois dernières années. Une augmentation des crédits ne serait pas utile sans une progression de l'exécution budgétaire.

Comme nombre d'entre vous, M. Lurton m’a aussi interrogée sur l'évolution du mode de calcul du plafond pour les couples. Cette mesure a fait l'objet de nombreux débats l'année dernière. Elle est logique : il s'agit de rapprocher le mode de calcul de l’AAH de celui des autres minima sociaux. Les modalités de calcul de l’AAH continueront à intégrer des particularités favorables aux bénéficiaires de la prestation, avec notamment un mécanisme d'intéressement à la reprise d'activité particulièrement incitatif et un abattement de 20 % sur la prise en compte des revenus du conjoint. En novembre 2019, tous les ménages composés d'une personne seule, avec ou sans enfants, et environ 60 % des couples bénéficieront d'une revalorisation à plein. Plus de 90 % des ménages bénéficieront ainsi totalement de la revalorisation prévue. Je confirme qu'il n'y aura aucun perdant.

M. Lurton m’a enfin demandé si les crédits de contractualisation intègrent le Fonds d’appui aux politiques d’insertion (FAPI). C’est le cas : les 135 millions d'euros comprennent les 50 millions d'euros du FAPI.

Madame de Vaucouleurs, vous m'avez interrogée sur la fusion des deux compléments de l’AAH, c'est-à-dire sur l’article 83 du PLF. Annoncée l'année dernière, notamment aux associations, cette fusion est une mesure de simplification qui permet de supprimer la double évaluation – du taux d'incapacité et du taux de capacité – demandée actuellement aux bénéficiaires du complément de ressources. Il s’agit aussi d’une mesure équilibrée qui vise à flécher les financements vers ceux qui en ont le plus besoin, c'est-à-dire vers ceux qui vont devoir réellement assumer des charges de logement, sachant qu’au complément peut s’ajouter une aide personnelle au logement. C'est aussi une mesure qui ne fait pas de perdants. Les bénéficiaires actuels du complément de ressources conserveront leur droit pendant dix ans. Plus globalement, il est important de rappeler que les conséquences du handicap et le soutien à l'autonomie des personnes relèvent d'abord de la prestation de compensation du handicap qui bénéficie à plus de 280 000 personnes et représente une dépense de près de 2 milliards d'euros.

Madame Firmin Le Bodo, vous n'interrogez sur les mineurs non accompagnés. En premier lieu, en tant que professionnelle de santé, je tiens à dire je ne recommande pas les tests osseux qui n'ont pas de valeur en cas de fusion des cartilages de conjugaison. Ils ne permettent pas de déterminer avec certitude si les enfants examinés sont majeurs, compte tenu de la vie qu'ont menée ces derniers : le fait qu'ils aient beaucoup marché et qu’ils aient porté des charges lourdes peut favoriser la fusion des cartilages de conjugaison. Ces tests osseux ont une certaine valeur si les cartilages de conjugaison persistent mais ils n'en ont aucune pour affirmer la majorité. Je pense donc qu'ils devraient être interprétés en ce sens. J’ai dit plusieurs fois aux conseils départementaux que j’aimerais une harmonisation des pratiques. Je me suis posé la question de saisir la HAS pour obtenir des recommandations de bonnes pratiques à cet égard, car je pense qu'il faut une vision médicale du sujet.

En second lieu, je signale que l’effort budgétaire est vraiment maintenu en ce qui concerne les mineurs non accompagnés. Il existe une modalité de prise en charge, d'évaluation et de mise à l'abri des jeunes dont le coût forfaitaire est de 500 euros par jeune. En outre, le Gouvernement prend en charge 30 % des dépenses des départements au titre de l'aide sociale à l'enfance (ASE). C’est vraiment un dispositif exceptionnel. Au total, le Gouvernement maintient à 141 millions d'euros son effort financier en faveur des départements après en avoir longuement discuté avec eux.

Monsieur Nilor, madame Dupont, vous m'avez interrogée sur le financement de l'aide à la réinsertion familiale et sociale des chibanis. Cette aide, créée en 2016, visait à permettre aux étrangers âgés, disposant de faibles ressources et résidant seuls, d'effectuer des séjours de plus de six mois dans leur pays d'origine. Madame Dupont, vous aviez déjà souligné dans votre rapport de l'année dernière que ce dispositif n'avait pratiquement pas été utilisé. J'ai demandé à mes services d'étudier des pistes d'évolution, celles qui ont été recommandées dans votre rapport, pour faciliter le recours à cette prestation. Certaines propositions sont déjà en cours d'analyse et je serai vraiment très attentive à y donner suite.

Madame Biémouret, les crédits de l'aide alimentaire sont stables. Le plan pauvreté traite des besoins alimentaires des enfants, hors du champ de l’aide alimentaire : 10 millions d'euros sont prévus pour la prise en charge des petits déjeuners dans les écoles des réseaux d'éducation prioritaire (REP et REP+) ; 5 millions d'euros de soutien à la tarification sociale dans les cantines des classes primaires pour toutes les communes de moins de 10 000 habitants. Ces budgets s’ajoutent à ceux de l'aide alimentaire.

Madame Levy, vous m'interrogez sur l’AAH. Je rappelle que l'engagement du Président de la République sera pleinement respecté : dès novembre 2019, le montant de l’AAH sera porté à 900 euros.

À ceux qui n'ont pas bien compris mes propos sur la prime d'activité, j’indique qu’elle fera bien l’objet d’une revalorisation accélérée afin de respecter les engagements du Président de la République. En 2022, cette revalorisation sera de 100 euros au niveau du SMIC : 20 euros de baisse des cotisations sociales et 80 euros de prime d'activité proprement dite.

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Madame la ministre, je vous remercie infiniment pour le temps que vous nous avez consacré et pour vos réponses. Pour vous permettre de nous quitter, je vais suspendre nos travaux quelques instants.

 

 

 

 


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II.   Examen des crédits

Puis la commission examine, pour avis, les crédits pour 2018 de la mission « solidarité, insertion et égalité des chances » (M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis).

Mme la présidente Brigitte Bourguignon. Nous en venons à l’examen des amendements portant sur la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Article 39 et État B : Crédits du budget général

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, la commission rejette l'amendement II-AS7 de M. Boris Vallaud.

Puis elle examine l’amendement II-AS10 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Le groupe Socialistes et apparentés regrette que les ministères sociaux fassent partie des ministères non prioritaires, touchés de manière importante par les mesures d’économies budgétaires voulues par le Gouvernement. Après 287 suppressions de poste en 2018, il est question de supprimer 254 ETP en 2019. C’est pourquoi nous proposons de reconduire les crédits de 2018 pour permettre la mise en œuvre effective des politiques publiques portées par des ministères aussi importants que celui de la santé.

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. On peut partager votre souci de permettre la mise en œuvre effective des politiques publiques qui sont inscrites dans le programme 124. Je suis d’ailleurs ravi que vous reconnaissiez son importance alors que beaucoup de vos amendements visent au contraire à le réduire.

Néanmoins, vous voulez amputer de plus de 25 millions d’euros le programme 304 « Inclusion sociale et protection des personnes ». Je vous rappelle que ce programme a pour objectif de soutenir diverses actions à fort enjeu : le financement de la prime d’activité, les dispositifs d’aide alimentaire qui s’inscrivent dans le cadre du fonds européen d’aide aux plus démunis, les actions relatives à la qualification et la professionnalisation en travail social, les dispositifs de protection juridique des majeurs ainsi que les actions de protection et d’accompagnement des enfants, des jeunes et des familles vulnérables.

En outre, ce programme porte en 2019 les moyens alloués à la stratégie interministérielle de lutte contre la pauvreté. C’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles les crédits qui lui sont alloués sont en augmentation.

Ne pouvant prendre le risque de cautionner la diminution de ces crédits, j'émets un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur, elle rejette l'amendement II-AS5 de Mme Gisèle Biémouret.

Puis elle en vient à l’amendement II-AS9 de Mme Gisèle Biémouret.

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. Considérés globalement, les crédits consacrés au programme 137 sont stables et non pas en diminution comme vous l’indiquez.

Je partage votre souci d’accompagner davantage les parcours de sortie de la prostitution, ce qui apparaît dans la partie thématique de mon rapport. Selon la Fédération nationale des associations de réinsertion sociale (FNARS), les délais d’obtention de l’aide financière à l'insertion sociale et professionnelle (AFIS) sont trop longs, et le budget dévolu – hors AFIS – n’est pas suffisant. La priorité consisterait donc à augmenter les moyens des associations concernées.

J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

Puis elle examine l’amendement II-AS8 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. La loi de finances pour 2016 a permis la mise en place, à compter du 1er janvier 2016, d’une nouvelle aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens migrants dans leurs pays d’origine (ARFS).

À l’origine, en 2016, le Gouvernement prévoyait qu’environ 10 000 à 15 000 personnes bénéficieraient de cette aide, pour un coût estimé à 60 millions d’euros. Rappelons que le nombre total de ressortissants de pays tiers, âgés de plus de soixante-cinq ans et résidant en foyer de travailleurs migrants ou en résidence sociale, est estimé à 35 000 personnes.

Actuellement, l’objectif fixé est loin d’être atteint et nous souhaiterions connaître les raisons pour lesquelles ce dispositif ne trouve pas son public. Nous demandons qu’une campagne d’information soit lancée auprès des publics visés afin qu’ils se saisissent de cette aide.

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. Je partage votre préoccupation concernant l’ARFS. Le rapport de Mme Stella Dupont sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’année 2017 a d’ailleurs fait état de conditions d’éligibilité difficilement compatibles avec la situation des personnes éligibles, notamment au moment du renouvellement de l’aide, ceci semblant largement expliquer le faible taux de recours.

Il ne s’agit pas d’un problème de crédits. Généreux dans ses intentions, ce dispositif se révèle en pratique inaccessible. Néanmoins, la réflexion relative à la place des « chibanis » au sein de notre société mérite effectivement d’être poussée davantage.

De plus, je ne suis pas favorable au fait de retirer 800 000 euros à l’action 15 du programme 124.

J’émets donc un avis défavorable à cet amendement.

La commission rejette l'amendement.

Suivant l’avis défavorable du rapporteur pour avis, elle rejette l’amendement IIAS11 de Mme Gisèle Biémouret.

Elle examine ensuite l’amendement AS6 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Stella Dupont, rapporteure spéciale de la commission des finances. Je me permets de dire un mot sur cette série d’amendements qui concernent les crédits consacrés à l’égalité entre les femmes et les hommes. J’ai apporté des précisions ce matin en commission des finances – un certain nombre d’amendements ont d’ailleurs été retirés par les oppositions –, et tout à l’heure encore. L’ensemble des crédits antérieurement alloués aux associations est maintenu. On s’inscrit bien dans la continuité d’une politique de soutien aux grandes associations nationales que j’ai évoquées, telles que le Planning familial ou encore le Mouvement du Nid. En outre, l’enveloppe globale dédiée aux associations augmente cette année. En plus, l’exécution du budget progresse. Ce sont ainsi 7 millions d’euros supplémentaires qui sont consacrés à cette politique. Il me semble donc gênant d’avancer des contre-vérités. Il est vrai que la nouvelle maquette peut troubler et susciter des questions ; c’est naturel. Mais une fois que les réponses sont apportées, il faut être objectif.

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. Les associations têtes de réseaux disposeront en 2019 des mêmes crédits qu’en 2018, même si cela n’apparaît pas bien dans la présentation de la maquette – qu’il faudrait peut-être modifier. J’espère que cette précision est de nature à rassurer les auteurs de l’amendement, sur lequel j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances ».

Article 83 : Simplification des compléments à l’allocation aux adultes handicapés (AAH)

La commission examine l’amendement AS14 de Mme Gisèle Biémouret.

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. Je profite de cet amendement pour m’étendre un peu sur cet article, au sujet duquel nous aurons une discussion en séance avec Mme la ministre.

Je n’ai pas eu l’occasion de procéder à des auditions ou consultations sur le sujet. Je souhaiterais donc disposer de davantage d’éléments d’information, quitte à ce que nous examinions de nouveau en séance des amendements tels que celui-ci.

En l’état actuel des choses, on peut constater que l’AAH a augmenté de 90 euros entre 2017 et 2019. Par ailleurs, les personnes qui bénéficient actuellement du complément de ressources continueront à le toucher pendant dix ans. Du reste, la plupart d’entre elles sont également éligibles à la majoration pour la vie autonome (MVA). Le montant de la MVA est inférieur de 75 euros à celui du complément de ressources. Toutefois, il est plus simple et plus rapide de l’obtenir. C’est donc là un élément d’accessibilité – ce que nous entendons promouvoir. Enfin, dans la mesure où il faut percevoir des aides au logement pour bénéficier de la MVA, cela signifie que les personnes qui auraient été éligibles au complément de ressources mais qui ne le seront pas à la MVA disposent d’un logement indépendant dont elles sont propriétaires ou dans lequel elles sont logées à titre gratuit. La question qui se pose, dont nous débattrons certainement dans l’hémicycle, est la suivante : ne serait-il pas judicieux de profiter des économies réalisées dans le cadre de cette mission pour revaloriser la MVA ?

Je propose aux auteurs de l’amendement de le retirer. Nous en discuterons de nouveau dans l’hémicycle.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Nous le maintenons.

Mme Michèle de Vaucouleurs. Il est effectivement important que nous discutions de cette disposition en vue du vote en séance publique. Mme la ministre pourrait nous transmettre des informations complémentaires, soit avant la séance soit pendant, afin que nous puissions voter en conscience l’article 83.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 83.

Après l’article 83

La commission examine l’amendement AS2 de M. Cyrille Isaac-Sibille.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Il s’agit de donner plus de souplesse. Actuellement, comme on le sait, les établissements ou services d’aide par le travail (ESAT) doivent être reconnus par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE). Cette démarche leur permet tout à la fois d’avoir des financements pour adapter les postes et de faire bénéficier leurs donneurs d’ordre d’une déduction. Cet amendement vise à simplifier les choses. Je rencontre beaucoup d’associations ou d’entreprises qui ont vocation à employer des handicapés. Or, actuellement, le taux de reconnaissance par les DIRECCTE est faible. La présente disposition serait donc bénéfique pour ces associations et entreprises.

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. Le dispositif que vous proposez peut sembler pertinent, dans la mesure où les entreprises visées participent elles aussi à l’insertion des personnes handicapées. Sur le plan juridique, il ne peut cependant être adopté en l’état car il renvoie à l’article L. 5212-6 du code du travail, lequel ne traite plus de ce sujet depuis qu’il a été modifié par l’article 67 de la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. En effet, à compter du 1er janvier 2020, les achats de biens et services auprès des secteurs adaptés et protégés seront valorisés non plus sous forme de modalité d’acquittement partiel de l’obligation d’emploi mais sous forme de déduction de la contribution due par l’entreprise.

Par ailleurs, l’article 76 de la même loi a prévu une réforme des entreprises adaptées : la proportion de travailleurs handicapés employés dans ces entreprises, fixée aujourd’hui à au moins 80 %, va évoluer. À compter du 1er janvier 2019, il y aura désormais une proportion minimale et une proportion maximale de travailleurs handicapés en entreprise adaptée, fixées par décret.

Enfin, si les entreprises adaptées bénéficient de dispositions particulières dans le cadre de l’obligation d’emploi, ce n’est pas seulement parce qu’elles emploient un nombre important de travailleurs handicapés : c’est aussi parce qu’elles signent un contrat avec l’État dans lequel elles s’engagent à mettre en œuvre pour ces salariés un accompagnement spécifique, destiné à favoriser la réalisation de leur projet professionnel, la valorisation de leurs compétences et leur mobilité au sein de l’entreprise elle-même ou vers d’autres entreprises. Il ne me paraît donc pas pertinent d’étendre cette disposition à toutes les entreprises employant plus de 80 % de travailleurs handicapés, sans y joindre l’obligation d’un agrément délivré par l’État.

Compte tenu de tous ces éléments, je vous propose de retirer votre amendement.

M. Cyrille Isaac-Sibille. Je le retire mais j’en déposerai un autre, rédigé différemment, en vue de la séance publique. Je suis bien d’accord pour dire que le contrat avec l’État est important. L’objectif sera donc de permettre aux associations ou entreprises visées de faire bénéficier leurs donneurs d’ordre de la déduction, tout en signant un contrat avec l’État.

L’amendement est retiré.

La commission se saisit de l’amendement II-AS13 de Mme Gisèle Biémouret.

Mme Hélène Vainqueur-Christophe. Par cet amendement, nous demandons un rapport sur la mise en œuvre de la réforme de la protection juridique des majeurs, qui dresse notamment un bilan de l’application du décret n° 2018-767 du 31 août 2018 relatif au financement des mandataires judiciaires à la protection des majeurs.

M. Brahim Hammouche, rapporteur pour avis. Le PLF 2019 indique que plusieurs travaux engageant l’évolution des dispositifs de protection juridique des majeurs sont en cours. Le Gouvernement reconnaît lui-même que « certains aspects du dispositif doivent être améliorés ainsi que l’ont souligné les récents rapports de la Cour des comptes et du Défenseur des droits ».

Aussi, le 17 novembre 2017, la direction générale de la cohésion sociale (DGCS) a installé un groupe de travail, composé de représentants des mandataires judiciaires à la protection des majeurs, des autorités judiciaires, des services du ministère des solidarités et de la santé, d’usagers, d’établissements de formation et du Défenseur des droits.

Il est notamment chargé d’une étude des coûts des mesures de protection juridique, qui est en cours de finalisation. Deux volets seront plus particulièrement étudiés : la détermination du coût horaire des mesures de protection à partir de la charge de travail liée aux missions de mandataires judiciaires à la protection des majeurs et ce, quel que soit le mode d’exercice de la protection des majeurs – structures ou personnes physiques – et la détermination du coût des mesures de protection à partir de leurs charges. Le rapport final est attendu pour courant 2019.

Il me semble donc, chère collègue, que votre demande est satisfaite. Je vous propose, dans l’attente des résultats de cette étude, de retirer cet amendement, faute de quoi il me faudra émettre un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

 

 

 

 


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   Annexe :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur

 

            Mme Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, Mme Virginie Magnant, directrice de cabinet, Mme Aurore Collet, conseillère accompagnement des parcours, et Mme Cécile Tagliana, cheffe du service des politiques sociales et médico-sociales, adjointe au directeur général de la cohésion sociale

(par ordre chronologique)

            Conseil départemental de la Moselle – M. Patrick Weiten, président

            Haute autorité de santé (HAS)  Mme Katia Julienne, directrice, et Mme Véronique Ghadi, en charge du service de la qualité de l’accompagnement social et médico-social

            Fédération des acteurs de la solidarité (FNARS) (*)  Mme Alice Tallon, chargée de mission Jeunes/Justice, et Mme Laura Slimani, chargée de mission Europe/Prostitution/Culture

            Agence régionale de Santé (ARS) – M. Marc Bourquin, directeur des établissements médico sociaux à l’Agence régionale de santé Ile-de-France (ARSIF)

            Agence régionale de santé (ARS) – Dr Luc Ginot, directeur de la promotion de la santé et de la réduction des inégalités à l’Agence régionale de santé Ile-de-France (ARSIF)

            M. Thomas Brisson, directeur adjoint de cabinet de la secrétaire d’État chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes

            Fédération 3977 contre la maltraitance – M. Cyril Nackache, directeur général, M. Antoine Mielle, adjoint de direction, et Mme Isabelle Gillet, responsable de la plateforme d'écoute 3977

            Commission pour la promotion de la bientraitance et la lutte contre la maltraitance (HCFEA-CNCPH) – M. Denis Piveteau, président et président de la 4e chambre (section du contentieux du Conseil d'État), et Mme Alice Casagrande, vice-présidente de la commission, directrice de la vie associative à la Fédération des établissements hospitaliers et d'aide à la personne privés (FEHAP)

            Fédération nationale solidarité femmes (FNSF)  Mme Françoise Brié, directrice générale, Mme Anne Joseleau, directrice de SOS Femmes 21 et membre du conseil d’administration de la FNSF, et Mme Delphine Beauvais, directrice de SOLFA Lille et membre du CA de la FNSF

            Professeur Mony Elkaïm, neuropsychiatre, spécialiste de la thérapie familiale et systémique

            Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (CNLE) – M. Étienne Pinte, président, et Mme Brigitte ZagoKoch, secrétaire générale

            M. Matthieu Ricard, moine bouddhiste tibétain, auteur et photographe

            M. Jacques Toubon, défenseur des droits, Mme Claudine Jacob, directrice de la protection des droits et des affaires judiciaires, M. Loïc Ricour, chef du département droit des malades et dépendance, et Mme France de Saint-Martin, attachée parlementaire

            Ministère des solidarités et de la santé – Direction générale de la cohésion sociale (DGCS)  M. Jean-Philippe Vinquant, directeur général, Mme Marie Nonorgue, chef de bureau budgets et performance, et Mme Catherine Lesterpt, adjointe à la sous-directrice de l’enfance et de la famille

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ce représentant d’intérêts a procédé à son inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale


([1]) « Mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017 » ; Cour des comptes ; 23 mai 2018.

([2]) « Plaidoyer pour l’altruisme - La force de la bienveillance » ; Matthieu Ricard ; Nil Eds ; 19 septembre 2013.

([3]) « Mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Note d’analyse de l’exécution budgétaire 2017 » ; Cour des Comptes ; 23 mai 2018.

([4]) « Les maltraitances financières à l’égard des personnes âgées - Un fléau silencieux ». Mission d’information présidée par monsieur Alain Koskas Psycho-gérontologue, Président de la FIAPA et de la Fédération 3977 contre la maltraitance. Rapport fait à la demande de Madame Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie. Remise du rapport actualisé le 19 septembre 2017.

([5]) « Un fléau silencieux » : colloque du Conseil de l'Europe sur la violence au sein de la famille,  du 25 au 27 novembre 1987.

([6]) Hilary Brown ; « Protection des adultes et des enfants handicapés contre les abus » ; P 9-10 ; Conseil de l’Europe ; 2002.

([7]) Rapport mondial sur la violence et la santé ; Chapitre 5 « La maltraitance des personnes âgées » p. 141 ;
OMS ; 2002. Lien : http://www.who.int/violence_injury_prevention/violence/world_report/fr/

([8]) « Chapitre 1. Ce que la maltraitance nous enseigne  » p. 1 à 62 dans « Santé Social », sous la direction de Casagrande Alice. Paris, Dunod. 2012.

Lien : https://www.cairn.info/ce-que- la-maltraitance-nous-enseigne--9782100563692-p-1.htm

([9]) « La bientraitance : définition et repères pour la mise en œuvre » ; ANESM ; Juillet 2008.

([10]) « De la pédiatrie à la psychanalyse » ; Donald Winnicott ; Paris ; Payot ; 1969.

([11]) « Le développement de la personne » ; Rogers, Carl R ; Paris ; Dunod ; 1998.

([12]) « Soi-même comme un autre » ; Paul Ricœur ; Paris ; Seuil ; 1990.

([13]) « Le souci des autres, Éthique et politique du care » ; Paperman, Patricia et Laugier, Sandra ; Paris ;  EHESS ; 2006.

([14]) « A feminine approach to ethics and moral education.  Caring involves stepping out of one’s own personnel frame of reference into the other’s » ; Noddings, Nel. ; Caring ; Berkeley ; University of California Press ; 1984 ; p.24.

([15]) « La bien-traitance envers l’enfant » ; Rapport, Danielle ;  Paris ; Belin ; 2006, p. 20.

([16]) Ibid ; p. 21.

([17]) Comité de pilotage de « L’opération pouponnières » ; L’enfant en pouponnière et ses parents ; Conditions et propositions pour une étape constructive ; Paris ; Ministère de l’Emploi et de la Solidarité ; La Documentation Française, 1997.

([18]Loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 relative à l'adaptation de la société au vieillissement.

([19]) Étude nationale sur les morts violentes au sein du couple, Rapport du Ministère de l’Intérieur, 2016.

([20]) Données du 39.19, ligne d’écoute Violences Femmes Info, Fédération Nationale Solidarité Femme.

([21]) Haut Conseil à l’Égalité, Avis pour une juste condamnation sociétale et judiciaire du viol et autres agressions sexuelles (2016), citant les chiffres de l’Observatoire national des violences faites aux femmes de la MIPROF.

([22]) Ibid.

([23]) Afin de contribuer à mieux protéger notamment les personnes âgées et handicapées accueillies dans les structures sociales et médico-sociales, la loi n° 2015-1776 du 28 décembre 2015 sur l'adaptation de la société au vieillissement a créé pour les établissements sociaux et médico-sociaux une obligation d'information de l'administration en cas d'incident grave.

([24]) La Convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à égard des femmes et la violence domestique (Convention d’Istanbul) est un traité international adopté par le Conseil de l'Europe pour la protection contre la violence contre les femmes et la violence domestique le 11 mai 2011 à Istanbul.

([25]) Rapport de la mission sur la maltraitance financière à l’égard des personnes âgées dans les établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux ;  KOSKAS Alain, DESJARDIN Véronique, MEDIONI Jean-Pierre ; Médiateur de la république ; février 2011.

([26])  « Les maltraitances financières à l’égard des personnes âgées |Un fléau silencieux ». Mission d’information présidée par monsieur Alain Koskas Psycho-gérontologue, Président de la FIAPA et de la Fédération 3977 contre la maltraitance | Rapport fait à la demande de Madame Pascale Boistard secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie ; Remise du rapport actualisé le 19 septembre 2017.

([27]) Programme 137, action 21 « politiques publiques – accès au droit ».

([28]) Méthode d’action pour l’intégration des services d’aide et de soins dans le champ de l’autonomie.

([29]) Centres locaux d'information et de coordination.

([30]) Dans le département de la Moselle, 180 enfants n’ont pas d’AVS, c’est-à-dire un peu moins de 10 %.

([31])  « Les maltraitances financières à l’égard des personnes âgées |Un fléau silencieux ». Mission d’information présidée par monsieur Alain Koskas Psycho-gérontologue, Président de la FIAPA et de la Fédération 3977 contre la maltraitance | Rapport fait à la demande de Madame Pascale Boistard, secrétaire d’État chargée des personnes âgées et de l’autonomie ; Remise du rapport actualisé le 19 septembre 2017.

([32]) Recommandation Rec (2014)7 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe sur la protection des lanceurs d’alerte. Disponible à l’adresse : https://rm.coe.int/16807096c8

([33]) Loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique.

NB : Depuis Juillet 201,  le Défenseur des droits a publié le Guide « Orientation et protection des lanceurs d’alerte ». Disponible à l’adresse : https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/atoms/files/guide-lanceuralerte-num-v3.pdf

([34]) « Le droit d'alerte : signaler, traiter, protéger » ; Conseil d'État ; La documentation française ; 2016 ; p.12.

([35]) Source : Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale (CNLE).

([36]) « The centrality of personal relationships in the creation and amelioration of mental health problems: the current interdisciplinary case ». Pilgrim D., Rogers A., Bentall R. (2009). Health Mar. 13(2):235-254.