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N° 3404

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 13 octobre 2020

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 3360)
de finances pour 2021

TOME VII

SÉCURITÉS

 

SÉCURITÉ

 

PAR M. Stéphane MAZARS

Député

——

 

 

 Voir les numéros : 3399 – VIII – 39

 

 

 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient, pour le présent projet de loi de finances, parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2020.

À cette date, 100 % des réponses attendues étaient parvenues à votre rapporteur pour avis, qui remercie les services du ministère de l’intérieur de leur collaboration.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


  1  

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction................................................ 5

PREMIÈRE PARTIE :

LES CRÉDITS DE LA SÉCURITÉ POUR 2021

I. Les crÉdits du programme Police nationale

A. Présentation générale

1. Les dépenses de personnel

2. Les dépenses de fonctionnement

3. Les dépenses d’investissement

B. la question récurrente des tÂches indues

II. Les crÉdits du programme Gendarmerie nationale

1. Présentation générale

2. Les dépenses de personnel

3. Les dépenses de fonctionnement

4. Les dépenses d’investissement

SECONDE PARTIE :

LES nouvelles technologies au service des forces de sécurité intérieure

I. Les caméras-piétons : une technologie au service de l’amélioration des relations police-population

A. un cadre juridique récent et en évolution

1. Le cadre juridique actuel

2. Des évolutions à la marge pourraient être envisagées

B. L’extension et l’amélioration du dispositif des caméras-piétons

1. Un outil d’apaisement dans la grande majorité des cas

2. La décision de généralisation du Président de la République

3. Des évolutions liées au matériel

II. les tablettes neopol et neogend : un outil au service de la mobilité des forces de securité

A. le déploiement de tablettes

B. les possibilités offertes par les tablettes

III. la reconnaissance faciale : un outil encore relativement embryonnaire

A. le cadre juridique

B. l’utilisation actuelle par les forces de police et de gendarmerie

1. Le traitement des antécédents judiciaires

2. PARAFE

IV. L’usage des drones : un intérêt opérationnel certain, un cadre juridique à mieux définir

A. un cadre juridique à mieux définir

1. L’usage des drones au sein de la police nationale

2. L’usage des drones au sein de la gendarmerie nationale

3. La jurisprudence du Conseil d’État du 18 mai 2020

B. un parc en developpement

1. Au sein de la gendarmerie

2. Au sein de la police

V. la formation en matière d’acculturation aux nouvelles technologies : un enjeu crucial

A. les formations au sein de la POLICE nationale

1. La formation initiale des gardiens de la paix

2. La formation initiale et continue des commissaires et officiers de police

3. La formation continue

B. les formations au sein de la gendarmerie nationale

1. La formation initiale

2. La formation continue

Examen en commission

Personnes entendues


  1  

 

 

 

 

Mesdames, Messieurs,

L’année 2020 aura été marquée par l’impact de la pandémie de Coronavirus. Ce constat, qui s’applique à de nombreux secteurs de l’économie et à de larges pans de l’administration publique, concerne, au premier chef, les forces de sécurité intérieure.

Cette crise a en effet sollicité fortement les forces de l’ordre, qui ont été l’un des maillons essentiels de la réponse des pouvoirs publics à la pandémie. Leurs contrôles et leur présence très importante sur le terrain, au plus proche des Français, ont participé à la réussite du confinement de la population entre la fin du mois de mars et le début du mois de mai, décidé par le Président de la République pour ralentir la propagation du virus et soulager des services de santé surchargés.

Les forces de l’ordre ont fait preuve, une nouvelle fois, d’un engagement qui force l’admiration. Durant des semaines, au plus fort de l’épidémie, ces hommes et ces femmes ont, avec beaucoup de discernement et de pédagogie, restreint les flux de circulation à leur strict minimum.

Ce n’est pas un hasard si les résultats de l’enquête réalisée en avril 2019 par les chercheurs de l’université Savoie Mont-Blanc sur la qualité du lien entre la population et les forces de sécurité intérieure montrent que l’image globale des policiers et des gendarmes est très positive pour 84,9 % des personnes interrogées. Les Français ont conscience de ce qu’ils doivent à leurs policiers et leurs gendarmes.

Pourtant, la crise épidémiologique, loin hélas d’être terminée, n’a pas effacé les autres problématiques auxquelles les forces de sécurité intérieure sont chaque jour confrontées : délinquance, petite et grande, risque terroriste dont l’attentat commis le 25 septembre dans le 11e arrondissement de Paris montre qu’il est toujours prégnant, maintien de l’ordre public, relations de plus en plus dégradées avec une marge parfois très violente de la population comme en témoigne l’attaque récente du commissariat de Champigny-sur-Marne…

C’est la raison pour laquelle, comme chaque année depuis le début du quinquennat, le budget de la mission « Sécurités » connait une nouvelle hausse. Les policiers et les gendarmes que votre rapporteur rencontre chaque année le disent et le répètent : ils ont à cœur de faire leur métier, les représentants de la Nation doivent leur en donner les capacités financières dans le cadre du vote des lois de finances. C’est l’honneur et la responsabilité de l’Assemblée nationale de doter les policiers et les gendarmes des moyens – humains et matériels – leur permettant d’exercer leurs fonctions dans les meilleures conditions possibles.

À cet égard, et même si ce n’est pas l’objet du présent avis, il faut également saluer le fait que le plan de relance permette d’intensifier et de verdir l’effort d’investissement de la police et de la gendarmerie en faveur de l’immobilier et du renouvellement du parc automobile.

Cette année, votre rapporteur a choisi de consacrer la partie thématique de cet avis aux nouvelles technologies. Ces dernières, très diverses, peuvent avoir un double intérêt pour les policiers et les gendarmes : leur permettre de gagner en efficacité et leur apporter un niveau de sécurité supplémentaire. Elles nécessitent cependant un encadrement rigoureux et une formation adaptée des personnels.


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   PREMIÈRE PARTIE :

   LES CRÉDITS DE LA SÉCURITÉ POUR 2021

Le budget des deux programmes Police nationale et Gendarmerie nationale continue de croitre en 2021, comme depuis le début du quinquennat.

I.   Les crÉdits du programme Police nationale

A.   Présentation générale

Les crédits du programme Police nationale pour 2021 s’élèvent à 11,21 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 11,13 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 11,07 et 10,96 milliards d’euros en AE et en CP en loi de finances initiale pour 2020. Cela représente une hausse de 1,28 % pour les AE et de 1,58 % pour les CP.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME N° 176 POLICE NATIONALE

(en euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme/action

Ouverts en LFI 2020

PLF 2021

Évolution

2021/20

Ouverts en LFI 2020

PLF 2021

Évolution 2021/2020

176 Police nationale

11 066 078 122

11 207 277 685

+ 1,28 %

10 964 129 103

11 137 812 874

+ 1,58 %

01 – Ordre public et protection de la souveraineté

1 403 050 777

1 440 079 855

+ 2,64 %

1 403 050 777

1 440 079 855

+ 2,64 %

02 – Sécurité et paix publiques

3 222 234 811

3 306 812 501

+ 2,62 %

3 222 234 811

3 306 812 501

+ 2,62 %

03 – Sécurité routière

449 708 805

461 109 312

+ 2,54 %

449 708 805

461 109 312

+ 2,54 %

04 – Police des étrangers et sûreté des transports internationaux

1 014 778 423

1 040 789 593

+ 2,56 %

1 014 778 423

1 040 789 593

+ 2,56 %

05 – Missions de police judiciaire et concours à la justice

3 054 621 089

3 135 165 902

+ 2,64 %

3 054 621 089

3 135 165 902

+ 2,64 %

06 – Commandement, ressources humaines et logistique

1 921 684 217

1 823 320 522

– 5,12 %

1 819 735 198

1 753 855 711

– 3,62 %

Source : projet annuel de performance annexé au PLF 2021.

1.   Les dépenses de personnel

Les crédits de titre 2 pour l’année 2021 s’élèvent à 10,13 milliards d’euros en AE et en CP, en augmentation de 1,8 % par rapport à l’année précédente.

Le plafond d’emploi du programme s’élève à 148 571 ETPT. En 2021, les effectifs de la police nationale progresseront de 1 145 emplois. Ces créations s’inscrivent dans le cadre du plan de recrutement initié au début du quinquennat.

2.   Les dépenses de fonctionnement 

Les dépenses de fonctionnement (titre 3) connaissent en 2021 une diminution de 2,43 % en AE, s’élevant à 835 millions d’euros contre 855 millions d’euros ouverts en loi de finances pour 2020.

Cette diminution est en fait très largement imputable au besoin particulier en 2020 de renouveler pour trois ans la carte de circulation attribuée à la plupart des policiers affectés à Paris et en petite couronne.

Votre rapporteur souligne en revanche l’augmentation de près de 4 millions d’euros des dépenses de formation. Il note avec satisfaction que le projet annuel de performances présente la mise à niveau technologique des écoles de police comme une priorité, en particulier dans le cadre du déploiement des nouveaux outils tels que les tablettes NEO.

Les crédits de titre 3 couvrent également les dépenses relatives au versement de subventions pour charges de service public aux deux opérateurs dont le directeur général de la police nationale assure la tutelle : l’École nationale supérieure de la police nationale avec 27,73 millions d’euros en AE et en CP et l’Institut national de police scientifique avec 8,55 millions d’euros en AE et en CP.

3.   Les dépenses d’investissement

Les crédits d’investissement (titre 5) demandés pour 2021 s’élèvent à 198 millions d’euros en AE et 195 millions d’euros en CP, en diminution de 8,43 % par rapport à 2020.

Des crédits du plan de relance de l’économie viendront cependant abonder le volet immobilier.

En revanche, en 2021, le montant consacré au parc automobile de la police nationale est lui en très nette hausse puisqu’il s’élève à 133 millions d’euros en AE et en CP, contre 55 millions d’euros l’an dernier. Cela va permettre d’accroitre de manière significative l’effort de renouvellement des véhicules légers et de diminuer l’âge moyen du parc. En outre, ces crédits seront alloués pour partie au remplacement des véhicules du parc lourd, tels que les véhicules du maintien de l’ordre.

B.   la question récurrente des tÂches indues

De nombreux policiers demeurent engagés dans des missions qui, bien qu’entrant dans la sphère élargie de la sécurité, ne relèvent pas des missions prioritaires de la police nationale. Ces missions périphériques déstabilisent l’organisation des services et détournent les policiers de leurs véritables missions opérationnelles. Il convient donc de les transférer à d’autres services de l’Etat ou de les externaliser à des acteurs privés ou publics.

Il s’agit d’une démarche d’autant plus importante qu’elle permet de redonner du sens au travail des policiers, qui attendent beaucoup sur ce plan.

Ce travail, engagé par le ministère de l’intérieur depuis plusieurs années, bénéficie d’une nouvelle impulsion dans le cadre de la police de sécurité du quotidien, qui repose essentiellement sur une plus grande disponibilité des policiers pour la population et implique donc que ceux-ci puissent se concentrer sur leurs missions premières : la voie publique et l’investigation.

Si des avancées significatives ont été obtenues au cours des années passées, certains chantiers demeurent à consolider, voire à initier.

 La garde des bâtiments préfectoraux

 Dans le cadre du « plan pour la sécurité publique » lancée en octobre 2016, il a été décidé que toutes les gardes policières de préfecture devraient avoir cessé à la fin du mois d’octobre 2017 (outre-mer et Corse non concernés). Une première étape a été atteinte fin mars 2017 avec l’abandon progressif des gardes policières pendant les heures non ouvrables.

Au 1er septembre 2020, 16 préfectures étaient encore gardées en métropole. Les autorités préfectorales concernées, bien que majoritairement favorables à la suppression des gardes statiques, subordonnent le désengagement des effectifs de police à la nécessité de disposer de crédits afin de pouvoir recruter des agents contractuels ou moderniser, voire étendre, l’installation d’équipements de protection (alarme, vidéo…).

 L’assistance aux opérations funéraires

En application de la loi du 16 février 2015 relative à la modernisation et à la simplification du droit et des procédures dans les domaines de la justice et des affaires intérieures, certaines opérations mortuaires ne nécessitent plus la présence de policiers. D’autres cependant requièrent encore leur présence. Cette charge a représenté 80 ETP en 2019 et 85 au premier semestre 2020.

 La prise en charge des extractions judiciaires

Un plan d’action a été fixé par une circulaire intérieur/justice du 28 septembre 2017 relative à l’organisation de la reprise des missions d’extractions judiciaires par le ministère de la justice. Les missions d’extractions effectuées par la police nationale se poursuivent néanmoins, notamment en raison des carences de l’administration pénitentiaire. Cette charge a représenté 42 ETP au premier semestre 2020 (contre 36 au premier semestre 2019).

Face à la persistance de difficultés de mise en œuvre de ces missions, les ministres de l’économie, des finances et de la relance, de l’intérieur et de la justice ont confié le 14 septembre 2020 une nouvelle mission à leurs inspections générales afin de réaliser, d’ici le 30 novembre 2020, une évaluation de l’ensemble du dispositif, notamment pour vérifier l’adéquation des moyens affectés à l’exercice de cette mission par l’administration pénitentiaire, mais aussi afin de déterminer le rôle des forces de sécurité intérieure et les conditions budgétaires de leur contribution.

En complément des extractions judiciaires, la mission de gardes de détenus à l’hôpital a mobilisé 268 ETP en 2019 et 102 au premier semestre 2020.

 Le désengagement du transport des scellés illicites ou dangereux

La loi n° 2015–990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques a modifié le code de la sécurité intérieure et permis d’étendre les prestations de transports sécurisés à « tout bien, objet ou valeur ». Estimant cependant la réglementation applicable aux sociétés de transports sécurisés inadaptée aux besoins comme aux difficultés opérationnelles rencontrées par le ministère de la justice pour leur confier cette mission, la chancellerie a sollicité le 16 juin 2017 le ministère de l’intérieur afin que la police et la gendarmerie nationales poursuivent les transports sous escorte, jusqu’à ce qu’une solution soit trouvée.

 La prise en charge des ivresses publiques et manifestes (IPM)

Il a été décidé d’engager des discussions avec les réseaux de médecine de proximité pour réformer la prise en charge médicale des personnes en IPM en permettant que l’examen médical et la délivrance du certificat de non-admission s’effectuent dans les locaux de police et non plus dans les hôpitaux, afin d’éviter aux forces de l’ordre des temps de transport coûteux en temps et en effectifs. Cette mission a représenté 67 ETP en 2018, 65 en 2019 et 39 au cours des 8 premiers mois de 2020.

La mise en œuvre de cette mesure du « plan pour la sécurité publique » se heurte à des difficultés qui tiennent à la disparité des conditions tarifaires locales et à la désertification médicale de certains territoires. La police nationale a donc entrepris une démarche avec la direction générale de la santé pour évaluer l’intérêt d’une unification des tarifs. 45 conventions ont été signées par les directions départementales de la sécurité publique avec les ordres et associations de médecins. Par ailleurs, dans certaines circonscriptions de sécurité publique, des municipalités ont accepté de faire prendre en charge par des agents de police municipale le transport en hôpital des personnes en IPM, dans le cadre des conventions de coordination police nationale-police municipale. Par ailleurs, les policiers municipaux ne peuvent accomplir cette mission si l’hôpital n’est pas situé dans la commune dont ils relèvent.

 La médecine légale de proximité

Le principe de l’examen des gardés à vue dans les locaux de police est rarement respecté, obligeant les policiers à conduire les personnes concernées à l’hôpital afin de s’y faire délivrer le certificat médical relatif à la compatibilité de la mesure de garde à vue avec leur état de santé. Une réunion interministérielle de 2015 prévoyait que des conventions devaient être signées dans chaque département par les directeurs départementaux de la sécurité publique et les commandants de groupement de gendarmerie et les agences régionales de la santé, sous l’autorité des procureurs de la République. Cette décision n’a toujours pas été mise en œuvre. Cette charge a encore représenté pour la sécurité publique 180 ETP pour l’année 2018, 189 pour l’année 2019 et 77 pour le premier semestre 2020.

 La gestion des procurations électorales

Un projet de dématérialisation des procurations électorales est piloté par le secrétariat général du ministère. D’autres pistes de travail, notamment avec l’implication de La Poste, sont étudiées.

II.   Les crÉdits du programme Gendarmerie nationale

1.   Présentation générale

Les crédits demandés pour 2021 au titre du programme Gendarmerie nationale atteignent 9,56 milliards d’euros en AE et 9 milliards d’euros en CP contre 9,74 milliards d’euros ouverts en AE en loi de finances initiale pour 2020 et 8,59 milliards d’euros en CP. Cela représente une baisse de 2 % en AE et une légère hausse de 0,45 % pour les CP.


ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME n° 152 GENDARMERIE NATIONALE

(en euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme / action

Ouverts en LFI 2020

PLF 2021

Évolution

2021/2020

Ouverts en LFI 2020

PLF 2021

Évolution

2021/2020

152 – Gendarmerie nationale

9 764 352 452

9 563 259 042

– 2,06 %

8 959 978 837

9 000 419 296

+ 0,45 %

01 – Ordre et sécurité publics

3 462 942 171

3 538 645 685

+ 2,19 %

3 462 942 171

3 358 645 685

+ 2,19 %

02 – Sécurité routière

749 097 275

738 490 958

– 1,42 %

749 097 275 

738 490 958

– 1,42 %

03 – Missions de police judiciaire et concours à la justice

2 240 393 701

2 244 236 443

+ 0,17 %

2 240 393 701

2 244 236 443

+ 0,17 %

04 – Commandement, ressources humaines et logistique

3 153 810 765

2 882 985 171

– 8,59 %

2 349 437 150

2 320 145 425

– 1,25 %

05 – Exercice des missions militaires

158 108 540

158 900 785

+ 0,50 %

158 108 540

158 900 785

+ 0,50 %

Source : projet annuel de performance annexé au PLF 2021.

2.   Les dépenses de personnel

Les crédits de titre 2 demandés pour 2021 sont en hausse de près de 0,55 % par rapport à la loi de finances pour 2020, s’élevant à 7 719 millions d’euros en AE et en CP.

Le plafond d’emplois s’élève à 101 449 ETPT, en augmentation de 1 021 ETPT. Le plan présidentiel prévoit 2 500 recrutements pour la gendarmerie nationale au terme du quinquennat, se répartissant de la manière suivante :

– 1 480 en métropole,

– 500 dans le cadre de la PSQ,

– 355 renforts outre-mer,

– 165 personnels de soutien.

527 recrutements sont prévus dans le cadre de ce plan pour l’année 2021.

Plan présidentiel de recrutement 2018-2022

Année

2018

2019

2020

2021

Nombre de postes créés (PAP)

500

679

527

527

Source : réponse au questionnaire budgétaire

S’agissant de la réserve opérationnelle, pour 2021, dans la mesure où la pandémie serait résorbée, l’objectif est de relever progressivement les effectifs à 40 000 réservistes (soit l’objectif initial de 2016 suspendu en 2018 pour des raisons budgétaires).

Cette montée en puissance est nécessaire dans la perspective de « l’empilement des missions » à l’horizon 2024 (coupe du monde de rugby en 2023 et Jeux Olympiques de 2024). Les réservistes de la gendarmerie sont en effet employés pour assurer un large éventail de missions :

– le renfort des unités territoriales, avec notamment l’engagement durant la période estivale pour la sécurité publique dans les zones d’affluence saisonnière ;

– la sécurisation lors de grands événements nationaux et le renforcement de la protection des personnes lors d’événements de grande ampleur (Tour de France cycliste, 24 heures du Mans, Euro 2016, etc.) ;

– le renforcement des capacités de renseignement, notamment dans le domaine de l’intelligence économique territoriale ;

– le renfort lors de catastrophes naturelles (comme l’ouragan Irma) par le déploiement de compagnies de réserves territoriales.

L’emploi des réservistes est privilégié pendant les temps de forte activité (période estivale, fêtes de fin d’année).

effectifs, activité et coût budgétaire de la réserve opérationnelle

Année

Effectifs

Jour d’activité

T2 Exécuté

réalisé 2010

24 720

19,9

39,3 M€

réalisé 2011

23 622

26,6

52,5 M€

réalisé 2012

25 633

20,6

49,6 M€

réalisé 2013

25 031

17, 4

41,3 M€

réalisé 2014

23 292

20,1

35,0 M€

réalisé 2015

22 960

23,5

52,6 M€

réalisé 2016

29 607

26,6

66,1 M€

réalisé 2017

29 847

32,8

101,7 M€

réalisé 2018

30 288

23,5

55,5 M€

réalisé 2019

30 007

14,56

89,3 M€

réalisé 2020

28 164

14,6

21,2 M€

Source : réponse au questionnaire budgétaire

3.   Les dépenses de fonctionnement

La dotation de titre 3 s’élève en 2021 à 1 635 millions d’euros en AE et 1 064 millions d’euros en CP, contre 1 942 millions d’euros en AE et 1 103 millions d’euros en CP en LFI pour 2020, soit une baisse significative de 15,8 % pour les AE mais de seulement 3,56 % en CP.

Cet écart entre les AE et les CP s’explique par la gestion dynamique des baux de la gendarmerie. Chaque année, plus de 1 000 contrats sont conclus du fait en particulier des mutations, des renforts d’unité et des livraisons de casernes.

4.   Les dépenses d’investissement

Le budget d’investissement connaît une augmentation majeure de près de 42 % en 2021, s’élevant à 198 millions d’euros en AE et 201 millions d’euros en CP, contre 139 millions d’euros en AE et 201 millions d’euros en CP en loi de finances pour 2020.

Cette hausse est largement liée à l’effort fourni en matière de renouvellement du parc automobile.

Votre rapporteur s’était ému dans son avis sur le PLF 2020 que le budget alloué, 42 millions d’euros en AE et 43,6 millions d’euros en CP, soit très largement insuffisant par rapport aux besoins de la gendarmerie. À cet égard, il se réjouit que le budget alloué cette année soit de 97,8 millions d’euros en AE et de 101,6 millions d’euros en CP. Cette dotation permettra de poursuivre le programme en cours s’agissant des véhicules de commandement et de transmissions mais aussi d’initier un ambitieux plan de renouvellement des véhicules de maintien de l’ordre.


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   SECONDE PARTIE :

   LES nouvelles technologies au service des forces de sécurité intérieure

Les nouvelles technologies sont nécessaires pour adapter l’offre de sécurité des forces de sécurité intérieure aux évolutions de la société. Elles doivent permettre tout à la fois :

– d’accroitre la présence sur le terrain des forces de l’ordre en permettant aux policiers et aux gendarmes d’accomplir à l’extérieur des commissariats et des gendarmeries une grande partie des tâches actuellement effectuées dans les services. Il s’agit, en particulier, du déploiement des tablettes NEOPOL et NEOGEND ;

– de concevoir et mettre en œuvre des outils pour gagner du temps et de l’efficacité, notamment de nouveaux modes d’interaction (moncommissariat.fr, plate-forme de signalement des violences à caractère sexuel et sexiste…) ;

– de fournir les informations pertinentes à la prise de décision grâce à l’intelligence artificielle. Il s’agit de développer les compétences en la matière et d’intégrer cette nouvelle technologie dans l’ensemble des domaines afin d’apporter à chaque agent un système d’aide à la décision, sur le plan opérationnel, mais également d’accompagner et optimiser la gestion humaine, matérielle et financière ;

– de renforcer la capacité de gestion de crise et la résilience grâce aux réseaux radio de nouvelle génération. Le recours à des technologies de 4G, puis de 5G, doit permettre d’augmenter le volume de données échangées en mobilité tout en conservant la résilience, la sécurité et la fiabilité d’un réseau mobile professionnel.

Votre rapporteur ne pouvant évoquer de manière exhaustive l’ensemble des projets en cours dans la police et la gendarmerie, il a choisi dans cet avis d’aborder quelques évolutions technologiques majeures pour les forces de sécurité intérieure – les caméras mobiles (I), les tablettes (II), la reconnaissance faciale (III) et les drones (IV) – mais aussi de détailler un volet crucial pour la réussite de l’acculturation des policiers et des gendarmes à ces outils : la formation (V).

I.   Les caméras-piétons : une technologie au service de l’amélioration des relations police-population

A.   un cadre juridique récent et en évolution

1.   Le cadre juridique actuel

Après des premiers usages expérimentaux et localisés en 2008-2009, une expérimentation des caméras-piétons a été lancée sur une plus grande échelle à partir de mai 2013 dans plusieurs zones de sécurité prioritaires ainsi que, en zone de gendarmerie, dans des « unités sensibles » avec pour objectif d’apaiser les relations entre la police et la population et de sécuriser les interventions de voie publique.

Au regard de son bilan positif, le dispositif a été pérennisé par la loi n° 2016-731 du 3 juin 2016 renforçant la lutte contre le crime organisé, le terrorisme et leur financement, et améliorant l’efficacité et les garanties de la procédure pénale. L’article L. 241-1 du code de la sécurité intérieure issu de cette loi prévoit que l’enregistrement audiovisuel des interventions, déclenché à l’initiative de l’agent, a pour finalités :

– la prévention des incidents au cours des interventions ;

– le constat des infractions et la poursuite de leurs auteurs par la collecte de preuves ;

– la formation et la pédagogie des agents.

Le dispositif a été précisé par le décret n° 2016-1860 du 23 décembre 2016 relatif à la mise en œuvre de traitements de données à caractère personnel provenant des caméras individuelles ([1]).

L’article 211 de la loi n° 2017-86 du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté prévoyait d’expérimenter, à compter du 1er mars 2017 et pour une durée d’un an, l’enregistrement audiovisuel systématique des contrôles d’identité effectués sur la voie publique dans certaines zones fixées par décret ([2]). Le rapport conjoint d’évaluation (direction générale de la police nationale/préfecture de police/direction générale de la gendarmerie nationale), remis le 15 juin 2018 au ministre de l’intérieur, a proposé de laisser l’initiative du déclenchement des enregistrements aux agents.

L’emploi des caméras mobiles fait l’objet d’une doctrine d’emploi commune à la police nationale et à la gendarmerie nationale, dont celle actuellement en vigueur date du 19 novembre 2019.

2.   Des évolutions à la marge pourraient être envisagées

Les personnes auditionnées par votre rapporteur ont toutes insisté sur l’intérêt opérationnel des caméras piétons. Elles ont toutefois insisté sur le fait que l’encadrement juridique actuel des modalités d’emploi des caméras restreint les capacités de leur exploitation opérationnelle. Plusieurs évolutions sont souhaitées.

Ainsi, le visionnage des images par les agents sur le terrain immédiatement après la commission d’une infraction est interdit, ce qui limite les possibilités d’en interpeller les auteurs après la commission des faits.

De même, la transmission des images en direct vers les centres de commandement permettrait d’appréhender plus efficacement les situations opérationnelles par les personnels en charge de la gestion des interventions sensibles.

L’examen de la proposition de loi relative à la sécurité globale de nos collègues Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue pourrait permettre d’aborder ces différentes évolutions.

B.   L’extension et l’amélioration du dispositif des caméras-piétons

1.   Un outil d’apaisement dans la grande majorité des cas

Le dispositif des caméras mobiles est perçu, « sur le terrain », comme offrant une plus-value au travail des forces de l’ordre, dont l’importance ne cesse de croître.

D’une part, parce que les forces de l’ordre sont la cible de mises en cause croissantes, notamment sous la forme de vidéos parfois tronquées ou fallacieuses diffusées sur les réseaux sociaux, et que les caméras permettraient de rétablir, par l’image, la réalité des faits, lorsqu’ils sont présentés de manière trompeuse.

D’autre part, parce que la caméra constitue un moyen de pacifier et d’objectiver les interventions de police.

La caméra constitue en particulier un outil dissuasif : lors d’interventions difficiles, sa présence pousse certaines personnes à davantage maîtriser leurs actes et propos et permet une salutaire désescalade.

Toutefois, il faut souligner que dans des situations plus rares, des personnes acceptent difficilement d’être filmées, entraînant des réactions d’hostilité pouvant conduire à des prises à partie ou à des comportements visant à se dissimuler le visage ou à se soustraire au contrôle.

2.   La décision de généralisation du Président de la République

Le double enjeu de la protection des forces de sécurité en intervention et de l’amélioration des relations entre forces de sécurité et population font donc du développement de l’usage des caméras individuelles comme de l’amélioration des dispositifs existants une priorité.

C’est dans ce cadre que le Président de la République a annoncé, le 14 juillet dernier, sa volonté de doter l’ensemble des policiers et gendarmes de caméras individuelles. Dès juillet 2021, toutes les patrouilles de police et de gendarmerie devraient en être équipées.

Pour ce faire, il convient d’optimiser, d’améliorer et de renforcer le recours à cette technologie. Des travaux sont en cours afin d’augmenter considérablement le volume et la qualité des caméras équipant les forces de l’ordre.

3.   Des évolutions liées au matériel

En parallèle de l’évolution du cadre juridique, sont également nécessaires des modifications du matériel lui-même, qui présente certains défauts techniques majeurs.

Les principaux obstacles relevés sont la mauvaise définition des images, la faible autonomie de la batterie (2 heures 30 d’autonomie) – inadaptée à la réalité du travail des policiers et des gendarmes – et la qualité des dispositifs d’attache sur les tenues.

En outre, actuellement, l’exploitation du système se fait localement. Le système est isolé et non connecté au système d’information du ministère de l’intérieur. Cette organisation impose la mise en place d’un dispositif de stockage et de déchargement par site, générant ainsi des coûts importants pour les unités disposant d’effectifs contraints.

Le marché public actuel se terminant en mars 2022, l’appel d’offre du nouveau marché devrait être publié au second semestre 2021.

Le service des technologies et des systèmes d’information de la sécurité intérieure du ministère, qui a mis en place un groupe de travail dédié, est d’ores et déjà à l’œuvre pour expérimenter de nouveaux matériels afin de sélectionner, en lien avec les forces de l’ordre, un équipement plus performant.

Une dotation budgétaire spécifique sera consacrée en 2021 à l’acquisition de ces nouveaux matériels, dont le coût est en cours d’évaluation et dépendra des modèles retenus.

II.   les tablettes neopol et neogend : un outil au service de la mobilité des forces de securité

A.   le déploiement de tablettes 

Le projet NEO a été lancé en 2015, dans le cadre d’un plan de modernisation de la sécurité intérieure.

Il visait à équiper les forces de l’ordre en terminaux mobiles sécurisés afin d’améliorer la réponse opérationnelle, la sécurité des intervenants et plus largement moderniser les forces en leur permettant d’avoir accès, en mobilité, à la plupart des outils dont ils ne disposaient auparavant qu’au sein du commissariat ou de la gendarmerie.

Après une phase d’expérimentation de deux ans, ce projet a conduit à un déploiement fin 2017 de 95 000 terminaux mobiles.

Aujourd’hui, s’agissant de NEOGEND, ce sont 67 000 terminaux qui sont déployés. En 2021, un plan triennal est programmé pour un marché de renouvellement de la flotte d’environ 100 000 terminaux NEOGEND. En 2021, la gendarmerie bénéficiera de crédits dans le cadre du PLF et dans le cadre du plan de relance : 60,6 millions d’euros seront consacrés à la généralisation et à la montée en puissance de NEOGEND, dont 24 millions d’euros dans le cadre du plan de relance.

Dans la police nationale, 36 000 terminaux « NEO » ont été déployés dans un premier temps. 14 000 smartphones supplémentaires ont été commandés en 2018 et ont été déployés fin 2019 pour atteindre la cible de 50 000 équipements. Il est prévu de renouveler le contrat de location des équipements en 2021 pour une durée de trois ans et d’augmenter le nombre d’équipements loués à hauteur de 100 000 terminaux (location des terminaux : 42,5 millions d’euros en autorisations d’engagement, abonnement : 34,2 millions d’euros en autorisations d’engagement).

B.   les possibilités offertes par les tablettes

77 applications mobiles sont aujourd’hui disponibles pour la police et la gendarmerie dans 50 communes.

Parmi les applications disponibles, on peut distinguer l’application permettant l’interrogation simultanée des fichiers de police, la messagerie interpersonnelle et l’agenda, une application de navigation permettant notamment d’afficher les habitations du programme Opération Tranquillité Vacances, la messagerie instantanée de l’État TCHAP, les applications GendNotes pour la gendarmerie et CRIM’IN pour la police permettant des notes ou relevés judiciaires, les applications Inter’Ferroviaire ou Inter’Electrique réalisées respectivement par la SNCF et ENEDIS, l’application APPUI pour la gendarmerie et l’application PSQ pour la police permettant d’enrichir le contact citoyen.

Les derniers travaux effectués au profit de l’utilisation de ces terminaux mobiles portent sur le pilotage et la gestion de flotte.

III.   la reconnaissance faciale : un outil encore relativement embryonnaire

A.   le cadre juridique

Selon les définitions données par la CNIL, on entend par « reconnaissance faciale » une technique qui permet, à partir des traits du visage :

– d’authentifier une personne, c’est à dire vérifier qu’une personne est bien celle qu’elle prétend être (par exemple dans le cadre d’un contrôle d’accès). On parle alors de comparaison 1:1 ;

 d’identifier une personne, c’est à dire de la retrouver au sein d’un groupe d’individus, dans un lieu, une image ou une base de données. On parle alors de comparaison 1:N.

L’autorisation d’utiliser de tels dispositifs s’appuie à ce jour sur la réglementation relative à la protection des données à caractère personnel. Une analyse d’impact sur la protection des données est ainsi obligatoire depuis le 25 mai 2018 pour présenter les finalités et les dispositifs techniques mis en œuvre pour l’ensemble des traitements qui, en vertu de l’article 35 du règlement général sur la protection des données et de l’article 90 de la loi du 6 janvier 1978, sont « susceptible[s] d’engendrer un risque élevé pour les droits et libertés des personnes physiques ».

Tout dispositif de reconnaissance faciale doit être autorisé par décret en Conseil d’État pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Si un recours plus important à ces dispositifs devait être envisagé dans le futur, votre rapporteur estime qu’il serait opportun, eu égard aux enjeux en matière de libertés publiques, de fixer un cadre au niveau législatif.

B.   l’utilisation actuelle par les forces de police et de gendarmerie

1.   Le traitement des antécédents judiciaires

Le traitement d’antécédents judiciaires (TAJ), traitement automatisé de données à caractère personnel, commun à la police nationale et à la gendarmerie nationale utilise un outil de reconnaissance faciale depuis 2013.

Il regroupe les données des anciens fichiers de police ([3]) et de gendarmerie ([4]) et permet des rapprochements physionomiques. Il est utilisé à des fins d’aide à l’identification d’une personne, par comparaison entre deux photographies.

Il s’agit d’un outil d’aide à l’enquête, qui peut permettre par exemple à un enquêteur qui dispose d’une photographie de l’auteur des faits d’orienter ses investigations vers une personne déjà connue de TAJ et présentant une forte ressemblance. Il est également possible de rapprocher des affaires différentes et de les attribuer à un même auteur sur la base de photographies de celui-ci qui seraient disponibles.

Si le TAJ contient environ 4 900 images de surveillance et 1 500 portraits robots, l’application ne permet pas de reconnaissance faciale automatique. Il appartient aux enquêteurs habilités de lancer une recherche. Plusieurs réponses (liste de « candidats » établie à partir des concordances les plus vraisemblables) seront alors proposées par le TAJ, à charge pour les enquêteurs de les trier et d’effectuer des vérifications complémentaires.

Depuis novembre 2019, la comparaison peut également être effectuée à partir de photographies provenant de surveillances, d’images vidéo ou des réseaux sociaux ne présentant pas les mêmes critères que les photos anthropométriques.

À titre d’information, 375 747 demandes ont été faites par les services de police en 2019 et 207 584 jusqu’au 17 juin 2020.

Depuis décembre 2019, suite à l’installation de la dernière version plus performante du logiciel Cognitec, la recherche en base s’effectue en quelques secondes.

Le système Interpol de reconnaissance faciale

La mise en service de la base de données de police à caractère opérationnel et dédiée à la reconnaissance faciale d’INTERPOL remonte au 28 novembre 2016. Celle-ci contient des données ainsi que des images haute résolution, conservées pour une durée maximale de 5 ans, dont l’accès est réservé aux utilisateurs formés et autorisés par le Secrétariat général de l’Organisation.

Le système Interpol de reconnaissance faciale (SIRF ou « IFRS ») est alimenté par les pays membres et les organisations internationales par extraction automatique des données utilisées pour éditer les notices et diffusions ([5]) .

Les pays donnent au préalable leur accord exprès pour le téléversement et la consultation de leurs images faciales dans la base MorphoFace Investigate (MFI) d’Interpol.

Les comparaisons sont ensuite réalisées en vue d’identifier les fugitifs, les mis en cause, les personnes disparues, les corps non identifiés.

Les pays peuvent également formuler des demandes de comparaisons à partir de photographies transmises.

L’accès à l’interface sécurisée est réservé aux experts du Secrétariat général (accès indirect).

Le processus de comparaison automatisé est ensuite complété par un processus manuel afin de corroborer les résultats fournis. En cas de concordance potentielle, le bureau central national Interpol du pays ayant fourni l’image et celui dont l’individu est ressortissant sont informés par Interpol.

Au 15 juin 2020, la base Interpol contenait 77 567 images provenant de 160 pays sur les 194 pays que compte l’organisation. 10 pays membres étudient la possibilité d’utiliser le SIRF, 4 l’ont explicitement refusé.

En conclusion, les photographies figurant dans les notices et diffusions émises à la demande du Bureau Central National (BCN) Interpol France proviennent des informations d’identification communiquées par les autorités judiciaires françaises pour les personnes recherchées en vue d’extradition mais également des photographies anthropométriques transmises par les services de police, la plupart du temps issues du TAJ. Toutefois, il n’y a pas d’alimentation automatisée des données du TAJ dans le système de reconnaissance faciale d’Interpol.

2.   PARAFE

Un second traitement, dénommé PARAFE (passage rapide aux frontières), prévu aux articles R. 232-6 et suivants du code de la sécurité intérieure et géré par la direction générale des étrangers en France, est utilisé par la police nationale (direction centrale de la police aux frontières). Ce traitement, destiné à améliorer et faciliter les contrôles de police aux frontières extérieures, permet aussi le recours à la technique de la reconnaissance faciale, à des fins d’authentification par comparaison entre une personne physique et une photographie d’un titre d’identité sécurisé.

En application du cadre juridique précédemment rappelé, des analyses d’impact sont actuellement en cours de réalisation pour les traitements TAJ et PARAFE. Elles devront être remises par le ministère à la Commission nationale de l’informatique et des libertés d’ici fin mai 2021.

IV.   L’usage des drones : un intérêt opérationnel certain, un cadre juridique à mieux définir

La mise en œuvre des drones se développe depuis quelques années car ces dispositifs se révèlent utiles dans la lutte contre la délinquance comme le maintien de l’ordre, notamment en limitant les contacts des forces de l’ordre avec les personnes.

A.   un cadre juridique à mieux définir

1.   L’usage des drones au sein de la police nationale

L’emploi des drones au sein de la police nationale relève des règles applicables aux aéronefs civils, notamment prévues par le code des transports et le code de l’aviation civile.

Toutefois, les drones de la police nationale bénéficient des dérogations au cadre général à l’instar de celles, par exemple, prévues par l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à la conception des aéronefs civils qui circulent sans personne à bord, aux conditions de leur emploi et aux capacités requises des personnes qui les utilisent (dit « Aéronefs »), notamment son article 8, et de l’arrêté du 17 décembre 2015 relatif à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord (dit « Espace »), notamment son article 10. En effet, ces deux arrêtés prévoient que les drones utilisés pour le compte de l’État (missions de secours, de sauvetage, de douane, de police ou de sécurité civile) peuvent évoluer en dérogation à leurs propres dispositions lorsque les circonstances de la mission et les exigences de l’ordre et de la sécurité publics le justifient.

La réglementation des drones civils va être profondément affectée par la nouvelle réglementation européenne prise en application du règlement (UE) 2018/1139 du 4 juillet 2018 concernant des règles communes dans le domaine de l’aviation civile et instituant une Agence de l’Union européenne pour la sécurité aérienne. Cette nouvelle réglementation se compose de deux textes :

 le règlement délégué (UE) 2019/945 du 12 mars 2019 relatif aux systèmes d’aéronefs sans équipage à bord et aux exploitants, issus de pays tiers, de systèmes d’aéronefs sans équipage à bord ;

 le règlement d’exécution (UE) 2019/947 du 24 mai 2019 concernant les règles et procédures applicables à l’exploitation d’aéronefs sans équipage à bord.

Toutefois, des règles dérogatoires pour les services de police subsisteront.

Outre ce cadre juridique, la police nationale s’est dotée d’une doctrine d’emploi, fixée par une circulaire du 27 juillet 2018 relative à l’emploi des aéronefs télépilotés dans la police nationale.

2.   L’usage des drones au sein de la gendarmerie nationale

La gendarmerie nationale opère des drones depuis 2005. Ils sont utilisés pour renseigner les chefs, informer les autorités, appuyer les unités, communiquer et soutenir les opérations. Ils ne sont pas utilisés pour constater des infractions routières, ni pour opérer une surveillance administrative de la population.

Le cadre juridique est différent de celui encadrant les drones de la police nationale, dont l’emploi est soumis aux règles civiles (arrêtés de 2015). Le statut d’« autorité d’emploi » de la gendarmerie nationale implique que les aéronefs de la gendarmerie, dont les drones, disposent du statut d’aéronefs d’État. Ils relèvent donc, non pas de la réglementation civile, mais bien de la réglementation militaire.

Tous les drones opérés par la gendarmerie disposent d’une autorisation de vol de l’autorité technique (acte technique de la direction générale de l’armement). L’emploi des drones en gendarmerie est donc assujetti à plusieurs textes :

– l’arrêté du 24 décembre 2013 fixant les règles relatives à la conception et aux conditions d’utilisation des aéronefs militaires ;

– l’instruction 1550/DSAÉ/DIRCAM du 23 novembre 2017 relative aux directives et procédures d’exécution des vols de drone en circulation aérienne militaire en temps de paix ;

– l’instruction 94000 /GEND/DOE/SDSPSR/BSRFMS du 1er juillet 2019 relative à l’emploi des systèmes de drone au sein de la gendarmerie.

3.   La jurisprudence du Conseil d’État du 18 mai 2020

Dans le cadre de l’état d’urgence sanitaire et de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, l’utilisation de drones par les services de l’État a soulevé, de manière inédite, la question du cadre juridique et des garanties applicables en la matière.

Par une ordonnance du 18 mai 2020, le juge des référés du Conseil d’État a enjoint à l’État de cesser les mesures de surveillance des règles de sécurité sanitaire par drone. Le juge a en effet considéré que le dispositif en question constituait un traitement de données à caractère personnel. La situation de l’espèce ne comportant pas d’usage des drones à des fins judiciaires, le juge des référés n’a pas abordé la question du rattachement des images captées à la procédure pénale.

Dès lors, au regard de cette jurisprudence et afin d’assurer la sécurité juridique des dispositifs existants ou envisagés, le Gouvernement a interrogé le Conseil d’Etat sur les conditions de recours à ces outils de captation d’images par les autorités concernées.

Votre rapporteur estime qu’un encadrement au niveau législatif serait de nature à mieux assurer la sécurité juridique de l’usage de ces drones. À cet égard, la proposition de loi de nos collègues Jean-Michel Fauvergue et Alice Thourot pourrait constituer le véhicule législatif idoine.

B.   un parc en developpement

1.   Au sein de la gendarmerie

La gendarmerie nationale possède 300 drones (nanodrones et microdrones).

Plus d’une trentaine de drones utilisés en gendarmerie sont des drones provenant de saisies-attributions par l’autorité judiciaire. Certains ont été mis en dotation via des financements tiers (fonds européens, préfecture, assurances, accords du Touquet, etc.) ou dons.

La filière drones est organisée en trois strates :

– les drones « de la capacité nationale » adossés aux forces aériennes de la gendarmerie ;

– les drones « spécialisés » présents au sein du Groupe d’intervention de la Gendarmerie nationale (GIGN), de la Gendarmerie des transports aériens et l’Institut de recherche criminelle de la Gendarmerie nationale essentiellement ;

– et les drones « du quotidien » dotant certaines unités élémentaires. La gendarmerie a lancé en juillet 2019 une expérimentation « drones du quotidien », permettant d’équiper 37 départements de 47 micro drones de 6 types différents.

Elle compte 327 télépilotes capables de les mettre en œuvre. Ils sont répartis sur l’ensemble du territoire national et ont été formés par le groupement d’instruction des forces aériennes de la gendarmerie.

Les déploiements importants de drones font l’objet de la mise en place d’un coordonnateur 3D assurant la déconfliction et la sécurité entre tous les moyens aériens engagés. La doctrine d’utilisation des drones, provisoire depuis 2017, a fait l’objet d’une adoption définitive après sa révision en juillet 2019.

2.   Au sein de la police

La police nationale dispose d’un parc de 262 drones, répartis sur l’ensemble du territoire national (outre-mer inclus).

répartition des drones par direction de la police nationale

 

Nombre de drones

RAID

115

DCSP

26

SCPTS

3

DCPJ

40

DCCRS

8

Préfecture de police

28

DCRFPN

22

DCPAF

20

Total

262

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

Budget alloué à l’acquisition de drones

Directions

Crédits alloués en 2019 pour consommation en 2020

Propositions de répartition pour 2021

DCSP

100 000 €

70 000 €

DCCRS

30 000 €

10 000 €

RAID

25 000 €

20 000 €

DCPJ

50 000 €

 

50 000 €

SCPTS

5 000 €

10 000 €

DCPAF

-

10 000 €

DCRFPN

-

50 000 €

Total

210 000 €

210 000 €

Source : réponse au questionnaire budgétaire.

V.   la formation en matière d’acculturation aux nouvelles technologies : un enjeu crucial

Dans un contexte de fort développement du numérique, il est crucial que la gendarmerie et la police nationales forment leurs agents dans ce domaine. Une connaissance et une maîtrise des outils numériques s’avèrent aujourd’hui indispensables.

L’acculturation aux nouvelles pratiques doit également porter sur la connaissance de la cybercriminalité, de ses enjeux, des moyens mis en œuvre et de l’organisation de la police et de la gendarmerie nationales, ainsi que les notions de base de la recherche de la preuve numérique dans le cadre des enquêtes judiciaires.

A.   les formations au sein de la POLICE nationale

1.   La formation initiale des gardiens de la paix

La mise à niveau technologique des écoles de police qui forment chaque année plus de 7 000 gardiens de la paix, adjoints de sécurité et cadets de la République est devenue une priorité, ce dont se réjouit votre rapporteur.

Cela s’est traduit par la mise à disposition des élèves gardiens de la paix, de terminaux NEO et d’ordinateurs portables incluant des applications professionnelles police, dans une version dite « base école ».

La caméra-piéton est présentée au cours des enseignements législatifs et techniques, lors d’un exposé interactif de deux heures. Son utilisation est requise dans l’ensemble des simulations et micro-simulations animées par les formateurs. Au cours des séances de formation, les formateurs aux techniques et à la sécurité en intervention demandent systématiquement aux porteurs de la caméra les raisons du déclenchement ou non sur les interventions.

2.   La formation initiale et continue des commissaires et officiers de police

L’acculturation aux outils institutionnels ainsi qu’aux usages sociétaux dans la nouvelle ère numérique est prise en compte dans les actions de formation de l’École nationale supérieure de la police (ENSP).

Des heures de formation initiale en salles informatiques sont ainsi consacrées aux manipulations sur les principaux logiciels informatiques et leur usage dans les services de police, ainsi qu’à l’utilisation de certains dispositifs techniques que sont les moyens de communication radio ou l’usage des tablettes NEO par exemple. Ces dernières sont d’ailleurs mises à disposition des élèves durant leur temps de scolarité à l’ENSP. La prise en main des tablettes NEO par les élèves est, par ailleurs, soumise à une formation complémentaire distancielle et individuelle.

Ces actions de formation initiale visent la prise en main des applications concernées, mais également la connaissance du potentiel de ces outils informatiques et leur impact dans le cadre du pilotage d’un service, s’agissant de futurs officiers et commissaires. Les notions de sécurité des systèmes d’information au sein du ministère de l’intérieur font l’objet d’un cours spécial pour encadrer ces formations aux nouvelles technologies.

L’environnement numérique et ses implications dans les pratiques criminelles et la lutte contre cette nouvelle forme de délinquance font également l’objet de développements lors de la formation initiale, qu’il s’agisse de l’acculturation aux notions de bases de l’informatique ou de la sécurité de l’information, mais aussi de la connaissance des usages et des dangers des réseaux sociaux, dans le cadre des cours portant sur la déontologie ou le management des agents au sein des services de police ou encore ceux consacrés à la sphère opérationnelle du renseignement.

3.   La formation continue

Les outils technologiques utilisés par les policiers (tablettes, smartphones, caméras) sont des matériels grand public, adaptés pour la cause aux usages opérationnels spécifiques, notamment en matière de sécurité des systèmes d’information. Ce n’est pas sur l’utilisation intrinsèque de l’équipement que se porte l’acculturation aux nouvelles technologies, mais bien sur les logiciels embarqués sur le support (accès aux fichiers, procès-verbal électronique, ressources documentaires professionnelles...) et sur les doctrines d’emploi de ces matériels.

La formation continue prend également en compte, dans le cadre de certaines formations dont celles relatives à l’adaptation à un nouvel emploi, ces problématiques liées aux nouvelles formes de délinquance en relation avec les nouvelles technologies, au même titre que certaines actions de formation partenariale.

Au début du second semestre 2020, une nouvelle formation digitale intitulée « Bases de la Téléphonie Mobile » a été déployée, dont l’objectif, pour le policier, est de mieux comprendre le fonctionnement du réseau « GSM » et les informations issues de la téléphonie pour optimiser son exploitation dans son enquête.

En outre, une formation digitale « Anonymat, Darknets et Monnaies virtuelles » est déployée depuis le dernier trimestre 2019 à l’intention des enquêteurs afin de détailler les nombreux moyens et méthodes d’anonymat sur Internet et leurs failles pour optimiser leurs méthodes d’investigations en conséquence.

Ces nouvelles formations sont complémentaires des formations déjà existantes, telles « Primo intervenant en Cybercriminalité », permettant à tout enquêteur de maîtriser le traitement des preuves numériques et réaliser les premiers actes d’enquêtes sur les supports numériques en préservant leur intégrité, et « Enquêter sur Internet et les réseaux sociaux », destinée à tout enquêteur souhaitant acquérir des techniques simples de collecte des informations sur internet.

B.   les formations au sein de la gendarmerie nationale

1.   La formation initiale

En formation initiale, la gendarmerie recourt depuis 2018 à la plateforme « PIX », développée par le ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche, afin d’évaluer et d’accompagner l’élévation du niveau général de connaissances et de compétences numériques des militaires.

Par ailleurs, la stratégie Gend 20.24, prévoit d’élever significativement le niveau en compétences et en culture numériques de l’ensemble des élèves-gendarmes, leur permettant un usage raisonné, autonome et responsable des technologies digitales en vue de réaliser efficacement leurs missions quotidiennes, de se former tout au long de leur carrière, mais aussi d’adopter les bons comportements à titre privé. Au terme d’une formation spécifique complémentaire de la formation initiale, une partie de ces militaires devrait pouvoir alimenter les sections opérationnelles de lutte contre les cyber-menaces.

Enfin, l’utilisation de NEOGEND fait l’objet d’une formation en école de gendarmerie. Les mises en situation comportent l’utilisation des différentes applications que propose cet outil.

2.   La formation continue

En formation continue, l’ensemble des personnels de la gendarmerie bénéficie d’un accès à un module de formation à distance dénommé « premier intervenant en technologies numériques ». Il présente la chaîne fonctionnelle gendarmerie traitant de cette thématique ainsi que les principales infractions.

Les enquêteurs de brigades et les militaires d’unités d’appui judiciaire bénéficient du module d’« introduction aux cyber-menaces ». Il permet aux militaires d’unités territoriales d’appréhender la réalisation d’actes de police technique et scientifique élémentaires sur supports numériques, notamment sur smartphones.

Par ailleurs, une licence professionnelle d’enquêteur en technologies numériques dispensée conjointement par l’université de technologie de Troyes, le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale et le centre national de formation à la police judiciaire permet de former les enquêteurs en technologies numériques.

En outre, la gendarmerie s’est engagée dans le processus de mise en œuvre du projet interministériel de procédure pénale numérique. Après des expérimentations concluantes dans le Loir-et-Cher et dans la Somme, ce sont tous les départements de métropole qui devraient voir cet outil déployé d’ici 2022. Ce déploiement sera accompagné d’une formation de formateurs relais dans toute la France.


—  1  —

 

   Examen en commission

Lors de sa réunion du lundi 19 octobre 2020, la Commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, et Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, sur les crédits de la mission « Sécurités » (M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis « Sécurité » ; M. Arnaud Viala, rapporteur pour avis « Sécurité civile »).

Lien vidéo :

http://videos.assemblee-nationale.fr/video.9677946_5f8d85d3361cb.commission-des-lois---m-gerald-darmanin-et-mme-marlene-schiappa-ministres-sur-les-credits-des-mi-19-octobre-2020

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Nous examinerons en premier lieu la mission « Sécurités » car le ministre de l’intérieur sera contraint de nous quitter plus tôt que prévu en raison de l’odieux attentat perpétré vendredi à Conflans-Sainte-Honorine.

Un de nos professeurs a été assassiné parce qu’il enseignait la liberté d’expression, formait des esprits libres et éclairés, transmettait les valeurs de notre République. En cela, Samuel Paty est mort pour la République, et sa mémoire nous oblige. Je propose que nous observions une minute de silence pour lui rendre hommage, témoigner notre soutien à ses proches et au corps enseignant ainsi qu’à ses élèves, et manifester notre attachement indéfectible à la République.

Mmes et MM. les députés ainsi que M. le ministre de l’intérieur et Mme la ministre déléguée chargée de la citoyenneté se lèvent et observent une minute de silence.

La Commission examine pour avis, sur les rapports de M. Stéphane Mazars pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale », et de M. Arnaud Viala pour le programme « Sécurité civile », la mission « Sécurités ».

M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur. Mesdames, Messieurs les députés, je vous prie de bien vouloir excuser par avance mon départ anticipé. J’avais prévu de rester avec vous pour toute la réunion ; chacun comprendra que je m’en tienne à l’examen de la mission « Sécurités ».

La présentation des crédits du ministère de l’intérieur devant votre commission est d’abord l’occasion, pour la ministre déléguée et moi-même, de remercier le Président de la République et le Premier ministre de leur augmentation significative – je remercie par avance ceux des parlementaires qui voudront bien les voter. En prenant en considération les crédits relevant du projet de loi de finances pour 2021 et ceux des programmes 363 et 362 de la mission « Plan de relance » qui abonderont les crédits de notre ministère, le renfort budgétaire global approuvé s’élève à 1,14 milliard d’euros, ce qui est sans équivalent.

Avec ces moyens nouveaux, le budget du ministère de l’intérieur aura enregistré, depuis le début du quinquennat, une augmentation de quasiment 3 milliards d’euros, hors compte d’affectation spéciale (CAS) « Pensions ». Vous m’avez souvent entendu dire, dans mes fonctions précédentes, qu’un budget en augmentation n’est pas forcément un bon budget, mais il peut arriver qu’un budget en augmentation soit un bon budget.

Avant d’entrer dans le détail des crédits de la mission « Sécurités », j’indique que nous continuerons, à la demande du Président de la République, à consacrer des moyens très importants aux services de renseignement et de lutte contre le terrorisme – c’est d’actualité. Ainsi, l’année prochaine, si vous le décidez, 330 créations d’emplois supplémentaires sont prévues dans les services de renseignement, dont 250 emplois à la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), le reste allant au renseignement territorial, à la direction du renseignement de la préfecture de police de Paris et à la direction centrale de la police judiciaire. Ces créations d’emplois permettront aux services de renseignement de franchir l’an prochain la barre symbolique des 9 000 agents. Elles porteront le nombre total de créations d’emplois dans ce domaine, depuis le début du quinquennat, à 1 136. L’objectif, sur le quinquennat, est de 1 514 ; nous le tiendrons, conformément au souhait de la majorité parlementaire.

Il ne suffit pas d’offrir des postes, il faut réussir à les pourvoir. Parmi les mesures visant à faciliter les recrutements prévus au budget 2021, signalons la revalorisation exceptionnelle du référentiel de rémunération des contractuels de la DGSI, pour près de 5 millions d’euros. Cela nous permettra de recruter les profils correspondant aux missions particulières de la DGSI.

Les crédits d’équipement et d’investissement alloués aux services de renseignement et de lutte contre le terrorisme ont quasiment doublé depuis 2017, sous l’impulsion du Président de la République et de la majorité parlementaire, passant de 40 millions à 81millions d’euros. Cette hausse – je le dis devant votre commission en exclusivité – se poursuivra : les crédits du renseignement français augmenteront de 10 % l’an prochain.

J’en viens au détail des crédits de la mission « Sécurités » et de ses quatre programmes – « Police nationale », « Gendarmerie nationale », « Sécurité civile », « Sécurité et éducation routières ». Ces crédits sont fortement mobilisés au service des trois priorités que Mme la ministre déléguée et moi-même avons fixées à nos services : la lutte contre les stupéfiants, la lutte conte les séparatismes – singulièrement l’islamisme radical – et la lutte contre les violences conjugales, sexistes et sexuelles.

Dans le PLF 2021, inédit dans sa construction, puisqu’il comporte une mission transversale « Plan de relance » concernant tous les ministères, nous avons souhaité nous concentrer, à la demande du Président de la République, sur l’amélioration du quotidien des agents du ministère de l’intérieur. Si je puis me permettre cette comparaison, mes prédécesseurs se sont occupés de la police du quotidien, nous poursuivons leur travail en nous occupant du quotidien du policier et du gendarme.

Cette année, les crédits de la mission « Sécurités » sont en très forte augmentation. En tenant compte des crédits destinés au ministère de l’intérieur hébergés dans les programmes de la mission « Plan de relance » et de la progression des crédits traditionnels, l’augmentation s’élève à 621 millions d’euros, dont 166 millions d’euros en masse salariale, hors pensions, et 455 millions en crédits de fonctionnement et d’investissement. Cela porte l’augmentation du budget de la mission « Sécurités », depuis le début du quinquennat, à 1,7 milliard d’euros. C’est la fin de l’« effet ciseaux », dénoncé depuis longtemps au sein du ministère de l’intérieur : une augmentation indéfinie de la masse salariale – le titre 2 ou « T2 » – et une diminution ou une stagnation, dans la même proportion, des moyens matériels – hors « T2 ». Pour la première fois, l’augmentation des dépenses hors « T2 » est bien plus importante que celle des dépenses « T2 », ce qui met les moyens en adéquation avec le personnel.

L’évolution des dépenses de personnel permettra de tenir l’engagement du Président de la République de créer 10 000 postes supplémentaires dans les forces de l’ordre au cours du quinquennat, et de financer des mesures catégorielles très ciblées, notamment en faveur des « nuiteux », ces policiers qui travaillent la nuit dans des conditions très difficiles.

S’agissant de la création de postes en 2021, la mission « Sécurités » en prévoit 2 000 – 1 500 dans la police et 500 dans la gendarmerie. Je confirme ces recrutements. Un effort sera demandé aux administrations centrales du ministère, au sein desquelles 542 postes seront supprimés. En échange, si j’ose dire, aucun poste ne sera supprimé dans les préfectures et les sous-préfectures de France, pour la première fois depuis plus de vingt ans – cela fait écho au discours du Président de la République au lendemain du grand débat national.

S’agissant de la masse salariale, la progression de ses crédits, au sein de la mission « Sécurités », est de 167 millions d’euros en 2021. Elle est très limitée pour absorber l’augmentation tendancielle de la masse salariale et les gestes ciblés, certes peu nombreux, visant à récompenser le mérite des agents, notamment ceux qui travaillent la nuit. Une réforme des voies d’avancement des gardiens de la paix sera également mise en œuvre, ainsi qu’une revalorisation des traitements des agents de la cellule investigation, qui permettra de mieux suivre les enquêtes judiciaires, en complément du travail budgétaire mené par M. le Garde des Sceaux. Citons également la réforme du statut de la police technique et scientifique, que j’ai promise aux organisations syndicales, et dont les agents sont des policiers à part entière, ainsi que la poursuite de la politique d’indemnisation des heures supplémentaires lancée par mon prédécesseur, M. Christophe Castaner, et leur revalorisation de plus de 6 %. Pour nos gendarmes, nous tiendrons compte de la nouvelle politique de rémunération des militaires. J’ai demandé au ministère du budget de valider ces mesures catégorielles pour la gendarmerie nationale également. Le financement de certaines d’entre elles, à hauteur de 19 millions d’euros, devra être adopté par un amendement du Gouvernement, que nous transmettrons au Parlement dans les plus brefs délais.

Concernant l’augmentation des crédits de fonctionnement et d’investissement, finançant les dépenses hors titre 2, nous avons donné la priorité au quotidien de ceux qui nous protègent. Certains m’ont reproché de m’intéresser aux toilettes et au fait qu’elles sont parfois bouchées dans les commissariats et les casernes. Il me semble que les agents du ministère de l’intérieur sont très sensibles au fait que leurs ministres s’intéressent à leurs conditions de travail et à la façon dont ils l’exercent. La visite de terrain – l’élu local que je suis le sait très bien – et l’action concrète sont de meilleurs mots d’amour que les simples discours.

Les crédits de fonctionnement et d’investissement de la mission « Sécurités » augmentent de 455 millions d’euros, dont 315 millions issus du plan de relance pour la seule année 2021. Concrètement, le budget consacré aux matériels et aux équipements est en hausse de 21 millions d’euros. Les agents des forces de l’ordre seront équipés d’étuis mi-cuisse ; la police nationale recevra des housses tactiques modulaires, et la gendarmerie nationale des gilets tactiques, conformément aux demandes de chacune des armes. La hausse du budget permet également de consacrer 213 millions d’euros au parc de véhicules, ce qui permettra d’en remplacer un sur quatre d’ici à la fin de l’année 2021. Auparavant, pour changer un véhicule, il fallait attendre huit ou neuf ans. Le renouvellement du parc lourd, dans le cadre du schéma national de maintien de l’ordre, permettra aux policiers et aux gendarmes de pouvoir remplacer des véhicules parfois âgés de trente ou quarante ans.

La hausse inédite de l’action sociale du ministère de l’intérieur, pour plus de 10 millions d’euros, soit une augmentation de près de 20 %, permettra d’augmenter l’offre de logements pour les policiers, d’étendre la garde d’enfants et d’améliorer l’offre de restauration. Le ministère de l’intérieur était sans doute le parent pauvre de l’action sociale.

Des dépenses nouvelles sont prévues en matière de numérique, notamment pour assurer la généralisation de la caméra-piéton ; on en comptera au moins une par brigade à l’horizon du 1er juillet 2021, conformément à l’annonce du Président de la République. Cette dépense est budgétisée, et les appels d’offres d’ores et déjà ouverts.

La hausse du budget consacré à l’immobilier est de 31 millions d’euros. À ce sujet, je tiens à dire à la représentation nationale que, grâce aux crédits votés par les parlementaires, notamment cet été, nous pourrons engager d’ici à la fin de l’année, pour un montant de 26 millions d’euros, 5 000 opérations dans les casernes de gendarmerie et les commissariats, afin de répondre aux situations d’urgence, que beaucoup d’entre vous déploraient. J’ai d’ailleurs publié sur le site du ministère de l’intérieur le plan « Poignées de porte », et je l’ai transmis aux parlementaires. Je vous invite, mesdames, messieurs les députés, à continuer de rendre visite aux policiers et aux gendarmes, et à signaler ce qui ne va pas – n’hésitez pas à dire du bien du Gouvernement quand cela va bien !

En matière d’immobilier, nos demandes totalisent 1,63 milliard d’euros. Plus de 1,1 milliard d’euros relèvent de la mission « Sécurités », dans le cadre de l’appel à projets « France Relance ». Je remercie singulièrement Bruno Le Maire et Olivier Dussopt d’avoir entendu les demandes du ministère de l’intérieur. Nous avons déposé une candidature pour 330 opérations dans la police nationale, pour un montant de 684 millions d’euros, pour 472 opérations dans la gendarmerie nationale, pour un montant de 433 millions d’euros, et pour 32 opérations dans la sécurité civile, pour un montant de 12 millions d’euros.

Mon cabinet se tient à la disposition des parlementaires pour étudier des projets soumis à la validation des ministres Bruno Le Maire et Olivier Dussopt. Je publierai les projets retenus.

Dans le domaine du numérique, les appels à projets relèvent de la responsabilité de Mme de Montchalin. Nous demandons 137 millions d’euros, dont 66 millions pour la mission « Sécurités », notamment pour financer l’acquisition de doubles écrans pour les policiers et les gendarmes chargés de mener certaines enquêtes, qui sont de plus en plus numérisées. J’ai eu l’occasion jadis d’en doter la direction générale des finances publiques. Par ailleurs, des tablettes numériques seront allouées aux forces de l’ordre dans le cadre du déploiement de la police de sécurité du quotidien. En matière de numérique, les policiers ont un retard à rattraper sur les gendarmes.

J’aimerais avoir un mot particulier pour la sécurité civile, véritable troisième force de sécurité intérieure, et en particulier pour nos pompiers, même si l’intervention de l’État, en la matière, est limitée par le principe de libre administration des collectivités territoriales. La sécurité civile est en première ligne face aux risques. J’aimerais avoir un mot pour ceux qui ont été engagés très récemment dans les Alpes-Maritimes, et une pensée pour les deux pompiers victimes de la tempête.

La sécurité civile doit continuer à se moderniser. À cette fin, son budget connaîtra une augmentation de plus de 40 millions d’euros, soit près de 8 %, dans le cadre de « France Relance ». Je laisse à Mme la ministre déléguée le soin de défendre ce budget, comprenant notamment le renforcement des dispositifs d’alerte et d’information des populations, que nous avons annoncé avec la ministre Barbara Pompili, pour 37 millions d’euros.

S’agissant de la sécurité routière, je rappelle que les accidents de la route sont la première cause de mort violente en France. La période de confinement a provoqué des difficultés importantes pour le passage de l’épreuve pratique du permis de conduire. Réduire les délais d’attente sera la priorité du ministère en 2021. Nous avons d’ores et déjà octroyé une enveloppe correspondant à 90 000 examens supplémentaires pour accroître l’offre. Dans bien des territoires de la République, le permis de conduire et la voiture sont souvent synonymes d’emploi.

En matière d’accidentalité, les résultats de l’année 2020, selon toute vraisemblance, seront bien meilleurs que ceux précédemment enregistrés. Il s’agit notamment du résultat extraordinaire, au sens littéral du terme, de la crise de la covid-19 et de l’effet du confinement. L’objectif pour 2021 – en espérant que la crise sanitaire sera derrière nous – est de maintenir la diminution très importante du nombre d’accidents de la route.

Le déploiement de l’externalisation de la conduite des voitures-radars, lancé dans quatre régions depuis le printemps 2018, se poursuivra dans quatre autres régions – Hauts-de-France, Grand Est, Nouvelle-Aquitaine et Bourgogne-Franche-Comté. Lors de l’examen de la proposition de loi présentée par M. Fauvergue et Mme Thourot, je donnerai un avis favorable à la disposition confiant aux maires l’installation des radars, ce qui permettra d’améliorer la décentralisation des décisions et leur accompagnement dans la lutte contre l’insécurité routière.

Mesdames, messieurs les députés, si ces chiffres sont importants, ils ne seront que du sable s’il n’en résulte aucune amélioration concrète de la situation sur le terrain. Telle est notre préoccupation principale, à Mme la ministre déléguée et à moi-même : faire en sorte que les chiffres macros deviennent une réussite micro, et que les policiers, les gendarmes, les pompiers, les agents de préfecture, les agents travaillant au ministère, notamment à l’accueil des étrangers en France, constatent que les crédits votés par le Parlement seront utilisés dès demain dans les commissariats, les brigades de gendarmerie, les préfectures et les sous-préfectures.

M. Jean-Michel Fauvergue, suppléant M. Stéphane Mazars, rapporteur pour avis pour les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ». Je précise que je remplace Stéphane Mazars qui est indisponible du fait d’une suspicion de contamination par la covid-19.

S’agissant des crédits de la police et de la gendarmerie, c’est un bon budget qui nous est présenté. Je ne suis pas le seul à le dire et à le penser : toutes les personnes qui ont été auditionnées, en particulier les représentants des syndicats de police, ont reconnu qu’un effort important est consenti en faveur de l’équipement et du fonctionnement, c’est-à-dire de ce qui permet le bon exercice des missions au quotidien.

Celui-ci n’est pas toujours facile. Si la gestion du confinement et de ses suites a beaucoup mobilité les forces de l’ordre, cela n’a pas effacé les autres problématiques auxquelles les policiers et les gendarmes sont chaque jour confrontés : délinquance – petite et grande –, risque terroriste, dont l’attentat commis vendredi dernier montre qu’il est toujours présent, maintien de l’ordre public, mais aussi relations de plus en plus dégradées avec une marge de la population parfois très violente, comme en témoigne l’attaque récente du commissariat de Champigny-sur-Marne.

Les policiers et les gendarmes que nous rencontrons le disent et le répètent : ils ont à cœur de faire leur métier. Les représentants de la nation doivent leur en donner la capacité financière dans le cadre des lois de finances. C’est l’honneur et la responsabilité de l’Assemblée nationale de doter les policiers et les gendarmes de moyens humains et matériels leur permettant d’exercer leurs fonctions dans les meilleures conditions possibles.

À cet égard, même si ce n’est pas l’objet du présent avis budgétaire, il faut saluer le fait que le plan de relance permettra d’intensifier, tout en le verdissant, l’effort d’investissement de la police et de la gendarmerie sur le plan immobilier et en matière de renouvellement du parc automobile. Pourriez-vous nous éclairer, monsieur le ministre, même si vous avez déjà abordé cette question, sur la ventilation des crédits du plan de relance en ce qui concerne la sécurité ? Vous savez que les attentes sont fortes.

Mon collègue Stéphane Mazars a choisi de consacrer la partie thématique du rapport de cette année aux nouvelles technologies.

Ces dernières, très diverses, peuvent avoir un double intérêt pour les policiers et les gendarmes. D’une part, elles leur permettent de gagner en efficacité – je pense notamment aux tablettes NEO, qui offrent un grand nombre d’applications « en mobilité », au profit d’une plus grande présence sur le terrain, au plus près des Français. D’autre part, les nouvelles technologies assurent un niveau plus élevé de sécurité en permettant une désescalade salutaire des tensions – vous aurez compris que je parle des caméras mobiles.

Cela nécessite, cependant, une formation adaptée des personnels et un encadrement juridique rigoureux. Nous aurons l’occasion d’en reparler prochainement, je l’espère, lorsque nous examinerons la proposition de loi que j’ai déposée avec Alice Thourot et les députés des groupes La République en Marche et Agir ensemble.

Ces technologies nécessitent aussi des moyens financiers importants. Pourriez-vous nous renseigner sur les moyens qui seront alloués à l’acquisition de nouvelles caméras mobiles ? Les modèles actuels seront-ils changés ? Les caméras font l’objet de critiques portant sur la faible qualité des batteries et des images.

En conclusion, je ne surprendrai personne en vous annonçant, d’ores et déjà, que j’émettrai un avis favorable aux crédits des programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale ».

M. Arnaud Viala, rapporteur pour avis pour le programme « Sécurité civile ». Le budget de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises sera stable l’an prochain – à hauteur de 520 millions d’euros –, exception faite des moyens supplémentaires que vous venez d’indiquer, monsieur le ministre, lorsque vous avez évoqué le plan de relance. J’aimerais d’ailleurs avoir des détails sur la répartition de ces crédits.

Le présent budget comporte quelques éléments positifs, comme la poursuite du renouvellement de la flotte d’avions, même si cela ne suffira pas à compenser la mise à l’arrêt définitive de l’ensemble des bombardiers d’eau Tracker, à la suite d’un accident survenu en septembre 2019.

Autre observation, le programme que nous examinons cet après-midi ne représente qu’une faible part des 6,5 milliards d’euros de crédits qui sont consacrés chaque année à la sécurité civile en France. L’État en finance un tiers, notamment par l’intermédiaire de la fraction de taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) transférée pour le financement des services départementaux d’incendie et de secours (SDIS).

L’an dernier, je m’étais intéressé de près à l’organisation des secours, à leurs moyens humains et matériels et à la question des numéros d’appel d’urgence. Cette année, compte tenu du contexte, j’ai choisi de travailler sur la participation des acteurs de la sécurité civile à la gestion de la crise de la covid-19.

Les sapeurs-pompiers ont effectué plus de 122 000 interventions de secours d’urgence aux personnes en lien avec la covid-19 entre mars et mai 2020. Comme le pilotage des premières semaines de la crise – qui dépassait pourtant le cadre sanitaire – a été confié au seul ministère de la santé, les sapeurs-pompiers ont été peu sollicités dans de nombreux départements. Leur sentiment de frustration et de sous-emploi a été d’autant plus fort qu’ils avaient les moyens d’agir, notamment les matériels et les équipements indispensables. Dans les départements les plus touchés par la crise, en revanche, on s’est souvenu de l’utilité des sapeurs-pompiers quand les services de santé étaient saturés. Même à Paris, toutefois, l’agence régionale de santé (ARS) et les services d’aide médicale d’urgence (SAMU) ont refusé d’associer la brigade de sapeurs-pompiers à leurs réunions de crise quotidiennes, alors qu’elle participe à l’aide médicale urgente, avec ses médecins et ses ambulances de réanimation. Si le système a tenu, malgré des problèmes institutionnels majeurs, c’est grâce aux relations informelles avec des médecins que les sapeurs-pompiers ont l’habitude de côtoyer sur le terrain ou avec des responsables de l’ARS qu’ils connaissent personnellement.

De leur côté, les associations agréées de sécurité civile ont effectué près de trois millions d’heures de bénévolat en lien avec la covid-19 et 18 000 interventions en véhicules de secours entre mars et mai 2020. Ces acteurs ont fait face à une grande méconnaissance de leurs capacités et de leurs compétences du côté du ministère de la santé, qui les a peu sollicités dans un premier temps. Ils ont ensuite dû répondre à de nombreuses demandes qui leur parvenaient sans aucune coordination et de manière parfois contradictoire.

Ces problèmes semblent avoir leur source dans la gestion bicéphale de la crise au niveau national : il y a, d’un côté, le ministère de la santé et son centre de crise sanitaire, créé dès le 27 janvier dernier, et d’un autre côté, le ministère de l’intérieur et sa cellule interministérielle de crise, qui a été activée tardivement par le Premier ministre, le 17 mars. Ce choix a eu des répercussions préoccupantes au niveau local : certaines ARS auraient donné pour instruction à leurs délégués territoriaux et à des directeurs d’hôpital de limiter la communication avec les préfets, ce qui a privé ces derniers des informations nécessaires à la coordination des opérations de secours menées par les pompiers.

Les SDIS, la brigade de sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) et les associations agréées ont été obligés de contourner une collaboration interministérielle défaillante, au niveau local comme au niveau national, pour mener à bien des interventions indispensables à la population. Quelles sont les mesures prises par le Gouvernement pour améliorer la coordination entre le ministère de l’intérieur et celui de la santé face à la deuxième vague de la covid-19 ?

Dans ce contexte, les sapeurs-pompiers et les associations agréées souhaitent, en premier lieu, une meilleure reconnaissance.

S’agissant des SDIS, il s’agit de mieux reconnaître leurs compétences en matière de soins d’urgence : 85 % de leurs interventions sont consacrées au secours d’urgence aux personnes, ce qui fait des sapeurs-pompiers des acteurs incontournables de notre système de santé. Cela doit conduire à un renforcement du rôle de leur service de santé et de secours médical et à un élargissement des gestes techniques que peuvent pratiquer les sapeurs-pompiers dans le cadre du secours d’urgence aux personnes.

Il faut aussi leur témoigner de la reconnaissance pour le rôle indispensable qu’ils ont joué dans la gestion de la crise au niveau local, en permettant de reconnaître automatiquement la covid-19 comme maladie professionnelle mais aussi en prévoyant dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), comme vous l’avez annoncé fin août, monsieur le ministre, la suppression de la surcotisation à la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales (CNRACL) pour la prise en compte de la prime de feu dans le calcul des pensions. Cette mesure permettra aux conseils départementaux d’accorder une augmentation de la prime de feu qui est d’autant plus méritée que les sapeurs-pompiers n’ont pas bénéficié d’une prime covid-19. Répondrez-vous à ces demandes de reconnaissance, monsieur le ministre ?

En ce qui concerne les associations agréées, il faudrait définir plus précisément les modalités de leur engagement opérationnel et celles de son financement, afin que ces acteurs ne soient plus obligés de quémander des indemnisations. Si les associations agréées se sont investies sans compter pendant la crise, leurs interventions ont un coût. Par ailleurs, la crise leur a fait perdre une grande partie de leurs ressources financières, faute de grands rassemblements, lors desquels elles organisent des postes de secours, et à cause de l’interruption des formations de secourisme. De nombreuses associations appartenant à des fédérations et antennes locales d’associations unitaires risquent tout simplement de disparaître en l’absence de dotation budgétaire d’urgence. J’ai donc déposé un amendement visant à leur accorder une subvention exceptionnelle. Envisagez-vous, monsieur le ministre, de soutenir cette initiative ?

En second lieu, les sapeurs-pompiers et les associations agréées demandent une meilleure coordination. Les sapeurs-pompiers souhaitent que le pilotage opérationnel des crises intervenant sur le territoire national revienne au ministère de l’intérieur et, au niveau local, aux préfets. Ils demandent aussi la création d’un état-major opérationnel auprès du directeur général de la sécurité civile, comme il en existe déjà pour la police et pour la gendarmerie. Cette direction générale doit pouvoir exercer un rôle de coordination opérationnelle des SDIS, qui fait défaut depuis le début de la crise. De leur côté, les associations agréées veulent un lien plus fort et permanent avec les ministères de l’intérieur et de la santé ainsi qu’avec leurs réseaux territoriaux. Elles souhaitent notamment disposer d’un interlocuteur privilégié de haut niveau au sein de la direction générale de la sécurité civile. Répondrez-vous à ces demandes, monsieur le ministre ?

Je tiens à évoquer trois autres défauts de coordination entre les ministères de l’intérieur et de la santé, qui durent depuis des années et que la crise de la covid-19 a rendus particulièrement visibles et critiques.

L’an dernier, j’ai abordé devant votre prédécesseur la question du numéro unique d’appel d’urgence et des plateformes communes de réception des appels. La saturation du 15 que l’on a constatée au début de la crise n’aurait pas eu lieu si des plateformes départementales réunissant le 15, le 17, le 18 et le 112 avaient été mises en place. L’expérimentation de ces plateformes a commencé dans les années 90, et les points de blocage qui empêchent leur généralisation ont été identifiés dans de multiples rapports. De plus, le futur service d’accès aux soins du ministère de la santé jette le trouble : aurons-nous un numéro unique de santé ou bien un numéro unique d’appel d’urgence ? Il me paraît essentiel qu’un arbitrage interministériel soit rendu dans les meilleurs délais.

Autre difficulté, les pompiers ont effectué de nombreux transports sanitaires pendant la crise, dans le cadre des carences ambulancières, en faisant parfois figure de dernier recours puisqu’ils ne disposent pas d’un droit de retrait. Or la définition des carences diffère entre les SDIS et les SAMU depuis des années et le montant de l’indemnisation fait l’objet d’un désaccord entre l’Intérieur, la Santé et l’Assemblée des départements de France (ADF). Le Gouvernement entend-il rendre un arbitrage, afin de permettre aux sapeurs-pompiers de se concentrer sur leurs véritables missions et aux SDIS et aux SAMU de collaborer plus sereinement ?

Enfin, les hélicoptères de la sécurité civile ont joué un rôle décisif en effectuant 254 missions de transport de patients entre mars et juillet. La faible coordination entre ces hélicoptères et les héliSMUR des SAMU, que mon prédécesseur en tant que rapporteur pour avis, Éric Ciotti, avait déjà soulignée en 2017, a été une source de difficultés pour l’évacuation et le transport interhospitalier de patients. Quels sont les obstacles à la création d’un organisme interministériel qui serait chargé de coordonner l’utilisation de tous les hélicoptères de service public, conformément à la recommandation formulée lors de la revue des dépenses de 2016 ?

M. Gérald Darmanin, ministre. Je remercie les deux rapporteurs pour avis.

J’ai effectivement abordé la question du plan de relance, monsieur Fauvergue, mais je vais repréciser les choses. Il faut distinguer ce qui relève, d’une façon certaine, des crédits que nous avons obtenus et ce qui se rattache, d’une façon incertaine, à un appel à projets – le ministre de l’économie, des finances et de la relance étudiera à la fin du mois de novembre, sauf erreur de ma part, les projets proposés par les ministères, notamment en ce qui concerne l’immobilier et le numérique, ce dernier sujet entrant dans les attributions d’Amélie de Montchalin. Les projets doivent respecter deux critères : une consommation très rapide des crédits, en trois ans pour l’immobilier et en deux ans pour les projets numériques ; une action, s’agissant de l’immobilier, au service de l’environnement, comme la rénovation thermique des bâtiments, dans le cadre du programme « Écologie » du plan de relance.

Il y aura, de façon certaine, 160 millions d’euros supplémentaires pour la gendarmerie nationale, et 123 millions pour la police nationale. S’agissant des projets immobiliers que je viens d’évoquer, nous proposons 330 opérations, représentant 684 millions d’euros, pour la police nationale, 472 opérations, représentant 433 millions d’euros, pour la gendarmerie nationale, et 32 opérations, représentant 12 millions d’euros, pour la sécurité civile, soit un total de 1,1 milliard d’euros au titre de la mission « Sécurités » et de 1,63 milliard pour l’ensemble du ministère de l’intérieur. Nous demandons entre un quart et un tiers de l’enveloppe prévue pour les actions immobilières du plan de relance – nous n’aurons sans doute pas tous ces crédits, mais nous avons proposé des rénovations qui respectent les critères prévus et qui font parfois écho à vos propres demandes au sujet des gendarmeries et des commissariats.

Le Président de la République a demandé la généralisation des caméras-piétons, selon la proposition qui lui a été faite. Ce dispositif a des avantages et des inconvénients.

Tout d’abord, il permet aux policiers et aux gendarmes, lorsqu’ils interviennent et que les caméras fonctionnent – il y a parfois un problème en la matière –, de filmer la scène. Cela protège les policiers et les gendarmes, qui sont souvent agressés : les vidéos permettent de confondre, dans le cadre d’une enquête judiciaire, les auteurs des faits, ou de vérifier, par exemple, comment une arrestation s’est passée.

En revanche, le policier ou le gendarme ne peut pas utiliser les images pour revoir ce qui s’est passé, soit afin de retrouver quelqu’un très rapidement – il n’y a pas de caméras de vidéoprotection absolument partout, ni de centre de supervision urbain (CSU) dans toutes les communes de France, en particulier en milieu rural –, soit pour pouvoir bien décrire ce qu’on a vu car, lorsqu’on est en intervention, en état de stress extrême, on peut confondre certaines choses et on n’a pas la même vision que la caméra – pour cela, il faudrait que les policiers et les gendarmes puissent avoir accès aux images : c’est interdit à l’heure actuelle –, soit pour permettre au ministère de l’intérieur de lutter contre les images sauvages mises en ligne par des gens qui filment les policiers et les gendarmes, à 5 centimètres de leur visage, et qui publient sur Twitter ou Facebook des images tronquées, susceptibles de montrer que la police ou la gendarmerie n’a pas fait correctement son travail dans le respect de la déontologie, alors qu’une vue d’ensemble révélerait que la scène est plus complexe et que les policiers ou les gendarmes ont utilisé la force d’une manière proportionnelle.

Vous travaillez à une proposition de loi, monsieur le rapporteur pour avis, qui permettrait de débloquer la situation juridique en permettant d’utiliser toutes les images des caméras-piétons, en conformité totale avec ce que demande la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL) – vous savez qu’elle souhaite que le Parlement légifère sur certains sujets…

Vous savez aussi que beaucoup de policiers achètent eux-mêmes leur propre caméra-piéton. On peut les comprendre – je ne les blâme pas –, mais ils utilisent un matériel qui n’est pas celui de l’administration et qui n’est pas soumis aux mêmes règles que les caméras-piétons achetées par le ministère.

Ces caméras-piétons ont le mérite d’exister, mais elles posent des problèmes. Elles gardent en mémoire les trente secondes précédant le déclenchement et les trente secondes suivant l’extinction. Le policier doit entrer son numéro d’identification au sein du référentiel des identités et de l’organisation (RIO) pour déclencher l’enregistrement, ce qui n’est pas facile en pleine intervention, d’autant qu’elles n’ont pas d’écran digital. La durée des brigades excédant l’autonomie de la batterie, il n’est pas possible de maintenir les caméras activées pendant l’intégralité de la brigade, il faut les éteindre et les rallumer en intervention. En concertation avec les policiers et les gendarmes de terrain et les organisations syndicales, nous avons conclu que ce modèle de caméra ne convenait plus. D’autant qu’elles posent d’autres problèmes : la glissière se cassait facilement, et le harnais de fixation central pouvait offrir une prise aux voyous et handicaper les forces de l’ordre lors des interventions.

J’ai donc décidé d’équiper les forces de l’ordre de nouvelles caméras, grâce aux crédits attribués par le Président de la République et le Premier ministre pour la généralisation des caméras-piétons. Nous relançons un appel d’offres pour des caméras dont l’autonomie sera beaucoup plus longue et l’utilisation plus simple, en réponse aux demandes du terrain. Ce sont d’ailleurs les policiers et les gendarmes qui ont choisi les modèles, sans préjuger des résultats de l’appel d’offres. Mais le cahier des charges a été rédigé en faisant venir des policiers et des gendarmes de divers endroits du pays dans la cour de l’hôtel de Beauvau, où ils ont pu choisir leurs voitures, leurs vélos et leurs caméras. Ce ne sont pas des personnes installées dans des bureaux à Paris qui ont choisi pour eux.

Je confirme donc la généralisation de ces caméras au 1er janvier prochain. Nous en avons prévu 30 000, plus que le nombre de brigades, pour compenser les pertes. Actuellement, il n’y a que 10 000 caméras à disposition, dans les conditions que j’ai évoquées. Les crédits seront suffisants : 7 millions d’euros sont prévus en deux ans pour ces caméras, qui coûtent 447 euros pièce.

S’agissant de la sécurité civile, certaines des questions posées relèvent des travaux de la commission d’enquête, ou concernent mon jugement sur le fonctionnement du ministère de l’intérieur vis-à-vis des pompiers.

Concernant le budget consacré aux moyens nationaux d’intervention de la sécurité civile, deux appareils DASH-8 commandés en 2018 vont être livrés, ce qui représente 80 millions d’euros de crédits de paiement. Il est également prévu de consacrer 6 millions d’euros à la location d’hélicoptères bombardiers d’eau. Le PLFR3 a prévu l’achat de deux hélicoptères EC 145 pour 32 millions d’euros, l’un sera livré en décembre 2021, l’autre en janvier 2022. J’ai effectué un déplacement avec Clément Beaune pour mettre en valeur la façon dont l’Union européenne nous aide en finançant des avions ou des hélicoptères, grâce à une proposition de M. Barnier lorsqu’il s’occupait de ces sujets.

À propos des associations agréées, nous avons augmenté le budget du ministère de l’intérieur pour faire face aux urgences que vous évoquez. Les sommes dédiées ont été portées de 100 000 à 600 000 euros, et nous sommes en train de trouver une voie de règlement avec le ministère de la santé, car ce sont les paiements par les ARS qui sont concernés. J’ai écrit dès mon arrivée au ministère à ces associations, et j’ai travaillé avec Olivier Véran à ce sujet. Ces associations font un travail très important, et l’État est effectivement en retard de paiement à leur égard. Une partie des sommes dues a été versée, et le ministère de la santé se charge du reste.

Vous évoquez la place des pompiers dans le continuum de sécurité civile ; elle est essentielle, et en tant que ministre des tutelles des pompiers, je la défends. Le centre interministériel de crise de Beauvau est présidé dans les faits par le Premier ministre, et le préfet Denis Robin cogère ces sujets. Les services du ministère de l’intérieur et du ministère de la santé y sont mobilisés. Le Parlement fera l’évaluation de cette crise sanitaire, mais il est sûr que les pompiers doivent être mis à contribution, car ils ont l’expérience, l’engagement et la proximité – pas uniquement en milieu rural.

Nous travaillons à des évolutions, mais je n’ai pas voulu lancer de grand chantier de réorganisation de la direction générale de la sécurité civile en pleine urgence, chacun le comprendra. Je m’engage, dès la crise sanitaire passée, à y travailler.

Le numéro unique, annoncé par le Président de la République, est une affaire compliquée qu’il nous faut résoudre. Il est prévu par la proposition de loi de M. Matras, et j’espère qu’elle sera inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour nous permettre d’en débattre. Dans l’attente, je peux encore retarder la discussion entre les « rouges » et les « blancs ». Il faut que les pompiers puissent jouer un rôle important dans les services d’urgence.

Je ne partage pas les remarques sur l’action de l’État pour résoudre les difficultés des pompiers. En tant que ministre de l’intérieur, je ne suis pas l’employeur des pompiers. Je suis trop soucieux des libertés des collectivités locales pour oublier que les SDIS en sont des émanations, au sein desquelles siègent des élus – d’ailleurs ceux qui les président touchent des indemnités à ce titre. Une recette miroir existe entre les départements et les SDIS, et lorsque j’étais ministre des comptes publics, j’ai invité le Parlement à s’intéresser aux transferts financiers entre les départements et les SDIS. Les pompiers sont les employés des SDIS, nous pouvons étudier si l’État doit augmenter ses contributions, mais je rappelle que cette recette spécifique doit être versée aux SDIS.

Nous devons continuer à assainir les relations entre l’État, les employeurs et les syndicats de pompiers professionnels et volontaires, les professionnels étant souvent également volontaires. Le Président de la République avait prévu de se rendre ce week-end au congrès des sapeurs-pompiers, mais il n’a pu le faire. Je remercie le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, M. Grégory Allione, de sa compréhension en ces circonstances. Le Président de la République recevra des pompiers volontaires et le président Allione, et cette rencontre aura certainement des suites dans les discussions parlementaires sur le projet de loi de finances ou le PLFSS.

Les organisations syndicales de sapeurs-pompiers professionnels attendent beaucoup de la proposition de loi déposée par le député Matras et des relations avec les SDIS, notamment le financement de la prime de feu, négocié par mon prédécesseur, qui doit faire l’objet d’une délibération dans chaque SDIS. J’ai proposé des solutions aux SDIS, dont j’ai discuté avec M. Olivier Richefou, président de la Conférence nationale des services d’incendie et de secours, et M. Dominique Bussereau, président de l’Association des départements de France. Nous pouvons nous entendre, mais ce sont les SDIS qui emploient les pompiers. Il ne faut pas faire peser sur l’État une responsabilité qui n’est pas la sienne.

M. Guillaume Vuilletet. Je remercie Naïma Moutchou de me céder une partie de son temps de parole au titre du groupe la République en Marche pour réaliser cette intervention que j’aurais voulu ne jamais devoir faire.

Je souhaite, comme vous tous, saluer la mémoire de Samuel Paty. Deux villes de ma circonscription, Conflans-Sainte-Honorine et Éragny-sur-Oise, sont traumatisées par l’événement dramatique survenu vendredi. Je pense aux acteurs locaux qui ont géré cette crise sur le terrain : les policiers municipaux et nationaux ; la cellule d’urgence médico-psychologique du Val-d’Oise, très engagée dans le soutien à tous les habitants, dont ceux qui ont été plus spécialement impliqués ; et le maire de Conflans-Sainte-Honorine, M. Laurent Brosse, ainsi que le maire d’Éragny-sur-Oise, M. Thibault Humbert, qui s’est entretenu avec le Premier ministre et dont je salue l’action auprès de ses concitoyens dans cette crise.

J’ai pris note des efforts en faveur du renseignement, dont les crédits ont doublé. Dans cette affaire, le rôle des réseaux sociaux est omniprésent. Quel effort est effectué en la matière ?

Comment soutenons-nous les policiers et les forces de l’ordre impliquées en première ligne, qui arrivent directement sur les lieux ? Tous ne sont pas formés pour affronter des choses aussi dramatiques et brutales. Quel soutien est apporté à ceux qui ont connu ce type d’horreur ?

Mme Naïma Moutchou. Je m’associe avec solennité aux paroles du Président de la République et aux vôtres, monsieur le ministre, ainsi qu’à tous les hommages, officiels ou anonymes, qui ont été rendus à Samuel Paty dans toute la France.

Depuis vendredi, nous sommes sous le choc. Je ne me tiendrais pas ici sans tous les Samuel Paty que j’ai rencontrés sur mon parcours, je ne serais pas devenue qui je suis sans l’école publique, l’école de la République, et sans ses enseignants. Ce sont eux qui m’ont apporté, qui m’ont appris, quand mes parents n’en avaient ni les moyens, ni les capacités. Je défendrai sans relâche les Samuel Paty de France.

Après le deuil, le temps est venu de l’action pour éradiquer l’islamisme de notre pays. Nous y travaillons depuis trois ans, la question n’est pas nouvelle. J’espère que nous continuerons à le faire dans le consensus politique que j’appelle de mes vœux depuis longtemps.

Vous avez fait des annonces puissantes, avant et après la tragédie, et je voudrais à mon tour remercier les forces de l’ordre qui sont intervenues avec sang-froid dans le Val-d’Oise pour appréhender l’assassin. Plus largement, je remercie tous les acteurs de la sécurité qui nous protègent, et que nous devons protéger nous-mêmes.

C’est le sens de ce budget, dont les crédits sont en augmentation. Le projet de loi de finances pour 2021 est marqué par les impératifs de relance liés à la crise sanitaire, et donc à la crise économique. Pour autant, l’ambition du Gouvernement de renforcer le budget de la sécurité demeure intacte. Le rapporteur a évoqué les avancées notables en matière de recrutement au sein des services de renseignement, au sein de la police nationale – dans des proportions inédites depuis dix ans – et en matière de renouvellement des équipements, notamment des flottes mobiles. Ces évolutions répondent aux demandes du terrain, la majorité les salue.

L’actualité des dernières semaines, marquée par les images des Alpes-Maritimes partiellement dévastées par la tempête Alex, nous oblige en matière de sécurité civile, troisième force de sécurité intérieure. L’effort budgétaire va dans le bon sens, je me réjouis que plusieurs grands projets relevant des politiques d’anticipation, de préparation et de gestion des crises se poursuivent en 2021. C’est le cas du projet « NexSIS 18-112 », visant à moderniser le système d’information et de commandement unifié des services d’incendie et de secours, et de sécurité civile. Ce dispositif est souhaité de tout cœur par les sapeurs-pompiers du SDIS95 d’Eaubonne et du CODIS de Neuville-sur-Oise, que j’ai rencontrés récemment.

Face au risque de plus en plus prégnant de sécheresse et d’incendies à grande échelle, je salue le renforcement de l’organisation de la préparation et de la mise en œuvre des moyens d’intervention. Le renouvellement de la flotte d’hélicoptères et des bombardiers d’eau depuis trois ans, l’acquisition des avions multitâches – les troisième et quatrième des six Dash‑8 doivent être livrés dans l’année – sont des avancées majeures, qui sauvent des vies, comme dans la vallée de la Roya.

Nous ne saurons jamais suffisamment remercier les sapeurs-pompiers de leur abnégation. Ils étaient encore à pied d’œuvre en plein centre-ville de ma commune samedi après-midi pour maîtriser un départ de feu et sécuriser le périmètre. Mais les incendies ne sont pas le cœur d’activité des sapeurs-pompiers : le secours aux personnes est la principale cause d’intervention, ce qui n’est pas sans poser de difficultés. Le nombre des prises en charge des cas psychiatriques sur la voie publique, par exemple, augmente de façon exponentielle, et nos pompiers ne sont pas aguerris pour cette mission. Quelles évolutions du rôle, des missions ou du statut des sapeurs-pompiers sont envisagées ?

L’engagement des sapeurs-pompiers ne serait pas le même sans celui des volontaires. Il est essentiel que la mise en œuvre du plan « Volontariat 2019-2021 » suive son cours. La majorité des mesures réglementaires est déjà mise en œuvre ; il nous appartient de poursuivre le travail avec la proposition de loi de notre collègue Fabien Matras sur la consolidation du modèle de sécurité et la valorisation du volontariat des sapeurs-pompiers. Je salue, d’ailleurs, la revalorisation de la prime de feu, qui n’est pas le moindre des engagements que vous ayez tenus.

M. Mansour Kamardine. À ce stade des débats, le groupe Les Républicains ne donnera pas de consigne de vote concernant ces crédits. Nous considérons avec beaucoup de bonheur que ce budget va dans le bon sens, bien que des questions demeurent.

Je m’associe à l’émotion qui dévaste la nation suite à l’assassinat du professeur Samuel Paty vendredi. Étant musulman, je suis heurté par les actes d’un certain nombre de gens qui, au nom de la religion musulmane, tuent et assassinent. Ce n’est pas ma lecture de la religion musulmane, je le dis avec d’autant plus de force que dans des fonctions précédentes, j’ai soutenu l’égalité entre les femmes et les hommes alors que d’autres estimaient que la religion s’y opposait.

Il faut nommer les choses, monsieur le ministre, c’est ce qui nous pousse à poursuivre le débat jusqu’à l’hémicycle avant de prendre position sur ce budget. Nommer les choses, c’est dire qu’il s’agit de terrorisme islamiste radical, qui détruit l’unité de cette nation, et que nous devons combattre. Tant que nous biaiserons par crainte de heurter tel ou tel, nous continuerons vers le désastre qui a déjà fait beaucoup de dégâts et de victimes.

En disant cela, je pense au dernier département créé, à majorité musulmane, mais qui jouit d’une religion musulmane apaisée pouvant servir de modèle. Depuis plusieurs années, j’appelle à prendre l’exemple de Mayotte pour construire la communauté de destin que nous appelons tous de nos vœux. Malheureusement, je ne suis pas entendu. Peut-être que le poids politique de Mayotte n’est pas suffisant, ou que trop loin des yeux, nous sommes trop loin du cœur ; à moins que je ne sache pas m’exprimer.

Ne faisant pas partie de ceux qui rêvent tous les matins de devenir ministre ou Président de la République, je dis les choses très simplement. Je m’attache au parcours que j’ai accompli plutôt qu’à celui qui m’attend, et je n’ai donc rien à perdre. C’est pourquoi je vous dis que ce qui se passe à Mayotte est insupportable. On y envoie les professeurs dont personne ne veut en métropole parce qu’ils posent problème. Mayotte ne peut continuer à servir de réceptacle pour tous ceux qui sont radicalisés ou jugés tels. Je souhaite donc que l’Éducation nationale rapatrie très rapidement ces personnes en métropole.

Il existe une corrélation évidente, que les gens n’aiment pas reconnaître, entre immigration, violence et insécurité. L’auteur des faits contre Samuel Paty était demandeur d’asile, il a été accueilli généreusement, et nous en arrivons à la situation que nous connaissons. Il faut poser les sujets, le nombre de demandeurs d’asile en France en provenance de pays dits « sûrs » soulève des questions.

J’ai adressé une demande que je réitère ici : face à l’augmentation substantielle de la violence à Mayotte, nous avons pris le parti d’organiser des assises de la violence, et nous souhaitons qu’elles soient pilotées par le Gouvernement. Notre invitation n’a pas reçu de réponse jusqu’ici. Monsieur le ministre, je vous invite à nous rendre visite à l’occasion de ces assises, qui auront lieu aux alentours du 10 novembre, pour montrer que l’État se soucie de la sécurité des populations à Mayotte.

Le groupe Les Républicains sera toujours du côté de l’État sur les questions de sécurité, car la première mission d’un État républicain est d’assurer la sécurité de chacun de nos compatriotes.

Mme Isabelle Florennes. L’actualité est venue nous rappeler combien il est important de ne pas lésiner sur le budget de la sécurité : aujourd’hui moins que jamais, nous ne pouvons nous permettre de le sous-doter.

S’agissant des effectifs, la création de 2 000 postes supplémentaires au bénéfice des territoires prioritaires de la police de sécurité du quotidien et des quartiers de reconquête républicaine va dans le bon sens. Pour intervenir régulièrement sur le terrain, j’ignore si elle sera suffisante. Je crois même que la situation ne va pas aller en s’arrangeant et exige un renforcement plus substantiel de ces effectifs. Nos forces de l’ordre sont sur-sollicitées et la menace terroriste, que le drame de la fin de la semaine dernière nous a cruellement rappelée, pèse toujours. En outre, la gestion du couvre-feu promet d’être complexe dans certaines métropoles ou certains quartiers, face à de possibles débordements comme nous en avons connus à la fin du confinement. Nos forces de l’ordre ne pourront y faire face que si nous les accompagnons au mieux.

Quelle place est donnée aux élus locaux dans le déploiement de la sécurité du quotidien ? Alors que ceux-ci connaissent parfaitement les problématiques de certains quartiers, je suis toujours étonnée de les voir assez peu associés aux dispositifs. Ce sont pourtant de précieux alliés. En outre, la gendarmerie compte un nombre significatif de postes vacants dans des territoires réputés moins attractifs ; or cela nuit à cette sécurité du quotidien. Quels moyens financiers et politiques sont déployés pour résoudre ce problème ?

L’accent mis sur le numérique est une bonne chose, mais cette évolution ne doit pas se faire au détriment d’une véritable relation de proximité avec nos concitoyens ni à celui du renforcement des investissements matériels – notamment en véhicules – au profit des forces de l’ordre. Il faut tenir compte de la fracture numérique ainsi que de l’illectronisme, sans oublier la nécessité de mettre en place une bonne formation des agents à l’utilisation de ces nouveaux outils.

M. Hervé Saulignac. Je m’associe, au nom du groupe des Socialistes et apparentés, à l’hommage qui a été rendu à Samuel Paty, mort dans l’exercice d’une mission éminemment républicaine. Après le temps de l’émotion et du deuil devra venir celui de l’action qui ne saurait venir d’en haut sans associer la communauté éducative et la représentation nationale. Plus que jamais, cette actualité tragique nous appelle à la responsabilité, y compris dans le cadre de ce PLF et des crédits consacrés à la sécurité intérieure.

Les moyens supplémentaires octroyés au renseignement sont incontestablement nécessaires et, par conséquent, bienvenus. Ils augmentent depuis plusieurs années, car tout n’a pas débuté en 2017 puisque nous revenons, et c’est heureux, comme sous le quinquennat précédent, sur les 9 000 suppressions de postes qui avaient eu lieu entre 2007 et 2012.

Force est de constater néanmoins que les tragédies sont toujours possibles. L’honnêteté tout autant que la transparence que nous devons à nos concitoyens nous commande de dire que le risque reste élevé. Il nous faut également faire œuvre de pédagogie, car ils voient les ministres de l’intérieur successifs annoncer des moyens nouveaux et le risque terroriste rester toujours aussi élevé : combien de gendarmes et de policiers seront nécessaires pour assurer leur protection ? L’augmentation de ces moyens constitue-t-elle la seule réponse possible à cet effroyable défi ?

Un débat sur les menaces dont l’enseignant affreusement assassiné avait fait l’objet s’est fait jour. Certaines voix s’élèvent au sein de la communauté éducative pour réclamer des moyens permettant aux enseignants, d’une part, d’alerter et d’être réactifs, et d’autre part, de trouver une réponse protectrice. Qu’envisagez-vous ?

En matière de police de proximité et de sécurité du quotidien, disposez-vous d’éléments permettant de dresser un premier bilan de l’application du dispositif « moncommissariat.fr » ?

Le nombre d’agressions de sapeurs-pompiers ne cesse d’augmenter – plus de 200 % en dix ans, sept pompiers sont agressés chaque jour. Lorsqu’un camion de pompier est caillassé, c’est l’institution républicaine qui est caillassée, c’est l’autorité et l’ordre public. Envisagez-vous de généraliser les caméras-piétons ou les caméras embarquées, ou tout autre moyen permettant d’assurer enfin leur sécurité ?

M. Pierre Morel-À-L’Huissier. Je salue votre travail, à l’un et l’autre, en matière de sécurité et comprends les difficultés liées à la gestion de crise pour la police et la gendarmerie. Je m’en tiendrai à la sécurité civile.

À propos de la proposition de loi du député Matras, vous n’êtes pas sans savoir que nombre de groupes l’ont cosignée ou ont déposé un texte identique. Le groupe UDI et indépendants accompagnera ce travail dans un consensus aussi total que celui qui prévalait lorsque j’avais rapporté la loi sur les sapeurs-pompiers volontaires, en 2011.

Vous avez indiqué que les SDIS sont des établissements publics. Nous ne le contestons pas ; reste que des moyens financiers importants doivent leur être apportés pour l’acquisition d’équipements dont la nature est plus du ressort de l’État. Quels achats sont prévus en matière de gros-porteurs de type Dash ? Quelle est la doctrine retenue pour les Tracker et les Canadair vieillissants ainsi que pour les hélicoptères ? Certains départements ruraux et de montagne demandant d’en disposer à l’année. Combien coûte un hélicoptère, compte tenu des coûts de maintenance et de disponibilité vingt-quatre sur vingt-quatre d’une équipe médicale ? Comment organiser tout cela, sachant que le nombre d’hélicoptères de la sécurité civile sur l’ensemble du territoire participe à la mutualisation des « bleus », des « rouges » et des « blancs » ? Que répondre aux remarques selon lesquelles il est plus facile de traiter un AVC en juillet et en août, compte tenu des renforts estivaux d’hélicoptères, qu’en janvier ?

M. Ugo Bernalicis. Je m’associe à l’hommage rendu à Samuel Paty, cet enseignant qui a été assassiné par un terroriste islamiste dans d’atroces circonstances. La meilleure réponse à cette attaque ignoble est sans doute notre unité. On ne peut pas laisser passer cela.

S’agissant des crédits de la mission « Sécurités », monsieur le ministre, j’ai beau retourner les documents dans tous les sens, je ne retombe pas sur vos chiffres. Votre communication ministérielle fait état d’une augmentation de 125 millions d’euros pour le renouvellement de la flotte automobile, alors que j’en compte davantage, que ce soit dans le bleu budgétaire, avec 133 millions d’euros, ou dans le plan de relance.

S’agissant de l’immobilier, c’est le contraire : beaucoup moins de crédits sont affectés cette année. Le titre 5 consacré à l’investissement du programme 176 « Police nationale » passe ainsi de 137 millions d’euros en 2020 à 55 millions d’euros. Je comprends que certaines dépenses sont inscrites au plan de relance, mais ce dernier mérite-t-il ce nom si vous y inscrivez des crédits que vous avez soutirés au budget classique ? C’est malin – à votre place, j’aurais sans doute fait la même chose –, mais la lisibilité de votre budget en devient quelque peu chaotique.

Quant au fonctionnement courant des services, on est passé de 199,6 millions d’euros de crédits en 2020, à 196 millions d’euros en 2021, soit 3 millions de moins.

Je ne comprends donc pas quand vous affirmez pour la première fois, l’investissement et les crédits d’équipement et de fonctionnement suivent l’augmentation du titre 2. La page 14 de votre projet annuel de performances montre bien une augmentation des crédits, mais la page 16, en particulier le détail de la rubrique « Titre 2 et autres dépenses », fait ressortir, s’agissant du programme 176, une augmentation de 1,58 % entre 2020 et 2021, contre une baisse de 0,58 % des autres dépenses qui correspondent aux titres 3, 5, 6 et 7.

Je n’ai pas fait de grandes études en matière budgétaire, je n’ai fait qu’analyser vos propres documents. J’aimerais comprendre d’où proviennent ces grosses différences entre le document qui est soumis à notre vote et vos dires.

Sur un thème qui me tient à cœur, vous avez évoqué récemment l’académie de police : à quel propos ? Je demande depuis trois ans que l’on rouvre des écoles de police, pour revenir à leur nombre d’avant l’élection de Nicolas Sarkozy. Huit mois de formation pour les gardiens de la paix, c’est inacceptable ; il faut rebasculer au moins sur douze mois. Quelles sont les perspectives en la matière ? Il n’y a rien dans le budget et le plan de relance ne prévoit que 8 millions d’euros en raison de la vétusté des locaux desdites écoles ?

J’ai également entendu vos annonces concernant les nuiteux. Même s’il s’agit d’une bonne nouvelle, ils veulent voir traiter deux sujets : l’indemnisation du travail de nuit, sur laquelle vous prévoyez 15 millions d’euros alors qu’ils en demandaient 30 disons que c’est toujours ça de pris et le nouveau cycle horaire. Celui-ci peut paraître tout à fait intéressant lorsque l’on travaille de jour, mais c’est beaucoup plus compliqué lorsque l’on travaille de nuit, car il ne permet plus de partager les tâches de la vie de famille, et notamment de s’occuper des enfants. On peut donc craindre en conséquence une dégradation des conditions de travail. Alors que la délinquance est plus prégnante la nuit que le jour, une réflexion et un effort supplémentaires s’imposent.

À propos du nouveau service central de la police technique et scientifique, quand va s’arrêter la guerre entre la police judiciaire et la sécurité publique pour que la police technique et scientifique soit respectée et utilisée par les différentes directions centrales du ministère de l’intérieur ? Ses 3 000 agents résolvent à eux seuls un tiers des enquêtes.

M. Stéphane Peu. Je m’associe également, au nom du groupe de la Gauche démocrate et républicaine, à l’hommage rendu à Samuel Paty. Notre unité est, bien évidemment, indispensable. Au cours des différents rassemblements auxquels j’ai participé depuis vendredi, que ce soit en Seine-Saint-Denis ou hier à Paris, se sont exprimées une grande émotion et une grande colère, qui appellent des réponses.

Dans ces circonstances, on ne peut que saluer l’augmentation du budget de la police et des services de renseignement et noter que, malheureusement, les années 2000 ont été catastrophiques tant pour les effectifs que pour le renseignement, dont la réforme a considérablement affaibli notre capacité à détecter en amont les signaux faibles. Le caractère technique du renseignement ne remplacera jamais la qualité ni le maillage d’un service de renseignement humain capable de nouer les contacts sur le terrain permettant de remonter tous les signaux. Ainsi, s’agissant du drame de vendredi, l’intéressé était passé sous les radars des services techniques.

On ne peut que se féliciter que ce budget augmente les moyens à la fois humains et matériels, qu’il s’agisse des équipements ou des voitures. J’ai toujours trouvé déplorable pour notre pays, pour l’autorité de l’État, pour la République de laisser des policiers pourchasser en Kangoo brinquebalante des dealers roulant, eux, en Porsche Cayenne.

Monsieur le ministre, dans d’autres fonctions, vous disiez qu’un budget en hausse n’était pas forcément un bon budget ; en tout cas, un budget en baisse est rarement un bon budget.

M. Gérald Darmanin, ministre. C’est parfois le cas.

M. Stéphane Peu. Un budget en hausse dit les moyens mais il ne dit pas toujours la fin. Quelles sont vos perspectives s’agissant de la publication du Livre blanc de la police nationale ?

Dans mon commissariat, à Saint-Denis, sur quarante-trois officiers de police judiciaire (OPJ), seuls dix-sept émargent effectivement. La continuité pénale du travail de la police est forcément mise à mal quand le maillon OPJ est aussi faible. Le problème n’est pas aussi simple qu’une opposition entre police et justice ; parfois, de part et d’autre, il y a des failles au niveau des effectifs.

La faute en est à la doctrine en cours dans les années 2000, qui a contribué à affaiblir les effectifs et à restructurer les services de renseignement dans le même sens. Au regard de la lutte contre le terrorisme, la suppression de la police de proximité se révèle une funeste erreur : les services de police doivent marcher en équilibre sur leurs deux jambes : présence et prévention, d’un côté, répression de l’autre côté.

Enfin, depuis le début, je suis attentif à ce que la police scientifique puisse s’installer dans les délais prévus à Saint-Denis. Je me réjouis qu’après les experts à Miami, on ait les experts à Saint-Denis !

M. Gérald Darmanin, ministre. Je vais essayer de répondre le plus rapidement possible à vos questions avant de partir. Si j’oublie certains points, la ministre déléguée pourra compléter.

Le Livre blanc sera présenté début novembre. Nous en discuterons en même temps que la proposition de loi de M. Fauvergue et Mme Thourot, qui en sera le premier acte – maintien de l’ordre, mis à part. Ce n’est pas faire de la politique politicienne que de souligner que la mise en œuvre du Livre blanc exige aussi une police municipale – qui a grandement manqué à Saint-Denis – et des caméras de vidéoprotection. Nous accompagnons le nouveau maire de Saint-Denis dans sa volonté de s’équiper et de mettre en œuvre le continuum de sécurité, dans la philosophie de la proposition de loi.

Vous avez tout à fait raison concernant les OPJ : il en manque dans la police nationale et, pourtant, il y en a. Il en manque en région parisienne et dans les grandes métropoles où les officiers de police judiciaire ne sont pas assez nombreux pour effectuer les enquêtes. Parfois, les procureurs de la République ne poursuivent pas ou classent une affaire à cause de cela. Il importe de donner des moyens de mieux faire son travail à la justice mais aussi, concomitamment, aux policiers.

Dans le même temps, 3 000 OPJ ne font pas un travail d’OPJ. Certains OPJ diplômés, après avoir suivi une formation, repartent dans les bureaux sans être affectés à des missions d’OPJ. C’est un problème d’organisation. J’ai donc proposé aux syndicats, qui l’ont accepté, d’améliorer la situation sur proposition du directeur général de la police nationale – que je remercie : davantage de formations, plus de formateurs, augmentation des rémunérations en prélevant sur les moyens affectés aux OPJ qui n’exercent plus leur fonction d’OPJ. Nous aurons l’occasion d’en reparler. Ce n’est pas un problème de postes budgétaires : mon prédécesseur a autorisé l’ouverture de concours cette année, car nous avons des postes à pourvoir, mais nous n’avons eu que 50 % de réussite.

Monsieur Bernalicis, je ne vous savais aussi comptable. J’ai découvert votre attachement aux règles de Maastricht ! Je partage votre constat : il faut analyser la dépense publique et les déficits – c’est l’hommage du vice à la vertu.

Si vous ajoutez les crédits du plan de relance à ceux du projet de loi de finances, vous obtenez les crédits de l’an prochain. Nous n’avons pas fourni deux documents mais distingué les missions budgétaires de la mission « Relance ». C’est déjà ce qu’avait fait le président Sarkozy et M. Woerth lors du dernier plan de relance. Pour la police, hors titre 2, la hausse est de 11 %. Elle est de quasiment 2 % pour le titre 2. Cela correspond exactement aux chiffres que j’ai donnés. Je suis étonné que La France insoumise considère désormais que, quand il y en a plus, c’est qu’il y en a moins et vice-versa… Je ne suis pas sûr que nous ayons tous compris votre démonstration, mais je lirai le compte rendu, et je reviendrai vers vous si vous avez toujours des questions. Ne vous inquiétez pas, les policiers auront plus d’argent pour investir dans leurs moyens matériels. Je suis sûr que vous vous en réjouissez.

L’expérimentation moncommissariat.fr n’est pas tout à fait finalisée. Elle est extrêmement importante. Douze agents ont été affectés au commissariat numérique localisé à Bordeaux. L’an prochain, la montée en puissance sera rapide puisque nous passerons à trente-six. Ce dossier est particulièrement lié à celui de la plainte en ligne, cher à Mme Avia, et au signalement des violences sexistes et sexuelles. La gendarmerie a également créé une brigade numérique, inaugurée le 27 février par mon prédécesseur. Vingt équivalents temps plein y ont été affectés et 343 demandes sont enregistrées chaque jour, dont 1 690 demandes pendant le confinement.

Même si cela ne remplace évidemment pas la présence physique dans les territoires, cela présente des avantages, notamment lorsque les gens sont empêchés – ce fut le cas pendant le confinement – et le degré de « satisfaction client », si vous me permettez l’expression, est élevé tant pour le commissariat que pour la brigade de gendarmerie numériques. Il conviendra sans doute de développer et de généraliser le dispositif.

Vous avez mille fois raison concernant les pompiers agressés : deux l’ont encore été aujourd’hui dans le département du Rhône. Il faut davantage les protéger. J’espère que vous nous suivrez lorsque nous proposerons, à l’occasion des débats sur la proposition de loi dite Fauvergue-Thourot, de les équiper de caméras-piétons, et d’équiper leurs véhicules. En effet, ils se font souvent agresser dans des lieux sans caméra de vidéoprotection.

Vous aurez constaté que j’ai pris une circulaire afin que le ministère de l’intérieur porte plainte et poursuive systématiquement toute agression de sapeurs-pompiers. Enfin, je souhaite revoir très rapidement la protection fonctionnelle des policiers, des gendarmes, comme celle des pompiers, afin qu’ils n’aient pas à avancer les frais médicaux, et bénéficient d’un soutien plus rapide au regard des frais d’avocat pour engager des poursuites quand ils doivent répondre aux attaques – sauf bien sûr lorsqu’ils sont mis en cause.

S’agissant de l’accompagnement psychologique, quatre-vingt-treize psychologues cliniciens – quatre de plus qu’en 2019 – accompagnent tous les agents, quel que soit leur statut ; 6 % des effectifs sont reçus chaque année. Ces psychologues sont évidemment au contact des policiers. L’année dernière, ils ont effectué 33 932 entretiens de soutien psychologique.

L’activité des pompiers représente à 85 % du secours à la personne. On peut mettre au crédit des gouvernements précédents, et singulièrement de ceux d’Édouard Philippe, la hausse de 2 % du volontariat chez les sapeurs-pompiers. Évidemment, lors de l’examen de la proposition de loi de M. Fabien Matras visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers, nous aurons l’occasion d’en rediscuter et de faire encore progresser notre très beau modèle de sécurité civile, parfois attaqué par des décisions jurisprudentielles européennes. J’ai d’ailleurs écrit pour savoir comment les interpréter.

Je suis très heureux que le groupe Les Républicains trouve que le budget de la police et la gendarmerie va dans le bon sens – ce n’est pas toujours la tonalité des questions au Gouvernement. J’espère que, demain après-midi, les premières questions d’actualité souligneront combien ce budget va dans le bon sens et combien nous faisons beaucoup pour la police. Peut-être ajouterez-vous que vous le voterez et soulignerez que nous accompagnons davantage les créations de postes. Je ne manquerai évidemment pas de rappeler à votre groupe que nous avons doublé les moyens du renseignement et avons créé des postes, ce qui n’avait pas été le cas depuis extrêmement longtemps.

Mayotte est un territoire départementalisé très singulier de la République ; nous devons davantage le soutenir, et M. Lecornu est particulièrement mobilisé. Si je peux y aller le 10 novembre, j’irai bien volontiers. Je vais prendre votre attache, monsieur Kamardine, et celle des élus mahorais, eux-même déjà reçus plusieurs fois par mon directeur de cabinet. Je laisserai le soin à M. Blanquer de vous répondre sur les questions d’éducation nationale et de sécurité des écoles.

La police et la gendarmerie font preuve de courage à Mayotte. Vous le savez, ce n’est pas simple, du fait de la proximité des Comores. C’est la principale difficulté que nous rencontrons, qui engendre, en outre, des difficultés sociales parfois créatrices d’insécurité. Je suis très heureux que la société civile et élective mahoraise se penche sur la question des violences, et j’y apporterai mon concours.

Madame Florennes, vous avez raison, il faut mettre en perspective l’action de l’État avec les élus locaux. Encore faut-il que les élus locaux nous accompagnent. Certains maires continuent d’estimer et de dire au ministre de l’intérieur que la sécurité n’est pas leur affaire, mais celle de l’État. Et il ne s’agit pas toujours d’élus très à gauche de l’hémicycle – je vous prie de bien vouloir excuser la caricature. Certains, plus à droite de l’hémicycle, estiment que la sécurité, c’est l’État. Nous ne voulons forcer personne.

Certaines missions sont clairement de la compétence des élus locaux dans le code général des collectivités territoriales : caméras de vidéoprotection, salubrité publique, utilisation des établissements recevant du public (ERP), modalités d’intervention, etc. Les polices municipales – armées ou non – sont une compétence optionnelle des collectivités locales. Nous les encourageons à les créer. Dans le cadre de l’examen de la proposition de loi Fauvergue-Thourot, nous allons coudre du sur-mesure, ce que demande le Parlement depuis très longtemps. Au titre de l’article 37-1 de la Constitution, des expérimentations permettront aux polices municipales des maires qui le souhaitent d’accéder à certains fichiers.

Certaines limites actuelles ne sont pas acceptables. Quand j’étais maire, les deux chefs successifs de ma police municipale étaient deux officiers de gendarmerie devenus directeurs de police municipale. Il leur a fallu à chacun six mois pour obtenir leur autorisation de port d’arme, après une longue formation, qui prenait parfois jusqu’à un tiers de leur temps de travail, c’est absurde !

Il ne s’agit pas de transformer la police nationale ou la gendarmerie en FBI et les autres en polices locales. Ce n’est pas notre modèle républicain. Il ne s’agit pas non plus que l’État se défasse de certaines compétences et les transfère aux élus locaux sans les compenser. Il s’agit simplement que, dans certains cas, la police municipale puisse faire le même travail que la police nationale en termes d’accès à des fichiers, d’intervention, voire de rapports au procureur de la République. La proposition de loi dite Fauvergue-Thourot sera l’occasion d’un débat sur ce sujet très intéressant, et complexe. Je suis favorable au continuum de sécurité, mais pour danser la valse il faut être deux. J’espère que tous les maires de France voudront danser la valse avec l’État.

Je vous remercie de votre écoute et vous prie, encore une fois, d’excuser mon départ précoce. La ministre déléguée soutiendra la suite de la discussion.

Mme Laetitia Avia. je m’associe aux hommages rendus à Samuel Paty et exprime mon soutien à tous ceux qui œuvrent quotidiennement pour l’éveil des consciences dans notre pays.

M. le ministre l’a dit à l’instant, l’usage d’internet et des réseaux sociaux n’est pas étranger à ce drame et à cet assassinat islamiste. Le terroriste s’était apparemment radicalisé via les réseaux sociaux, vecteurs d’apologie du terrorisme, de recrutement, d’endoctrinement et de diffusion de ces actes. Un père de famille y avait lancé ce que le ministre a justement appelé une fatwa. Enfin, l’image abominable de cette décapitation a été relayée sur les réseaux sociaux et sur internet.

Il faut sanctionner avec force tous ceux qui propagent des discours de haine sur internet : ceux qui les tiennent, ceux qui les relaient, ceux qui les commentent et ceux qui y apportent leur soutien.

Ces dérives ont plusieurs causes. La première est un sentiment généralisé selon lequel internet serait une zone de non-droit, un lieu hors de l’espace républicain et où certains, sous couvert d’anonymat, tiennent des discours intenables dans l’espace public. La seconde repose sur un cercle vicieux : peu de condamnations, donc peu de plaintes, peu d’enquêtes qui prospèrent et donc peu de condamnations, encore.

Pour y remédier et renforcer la réponse des pouvoirs publics, nous avons voté la création d’un parquet numérique spécialisé, dont la pleine effectivité repose sur le dépôt de plainte en ligne. Quel est le calendrier et quels sont les moyens prévus pour renforcer cette procédure de dépôt de plainte en ligne, et apporter une réponse judiciaire à travers le parquet spécialisé ?

Mme Marlène Schiappa, ministre déléguée auprès du ministre de l’intérieur, chargée de la citoyenneté. Madame la députée, nous connaissons tous votre engagement très fort contre la haine en ligne et contre la prolifération des discours de haine en ligne. Vous savez notre détermination à agir également sur ces questions.

J’ai rencontré ce matin les équipes de la plateforme PHAROS, en compagnie des directeurs généraux de la DGSI, de la police nationale, de la gendarmerie nationale et de l’ambassadeur au numérique. Ces équipes mènent un travail remarquable. Tous les services du ministère de l’intérieur sont mobilisés autour de l’événement terrible que nous avons connu, mais également pour veiller à ce qu’il ne se reproduise pas. Sur PHAROS, des milliers de signalement sont traités et donnent lieu à des échanges avec les réseaux sociaux, ce qui conduit soit à des suppressions de contenus, soit à des blocages.

Demain, je recevrai les responsables des différents réseaux sociaux, les plateformes, les GAFA, ainsi que les principaux sites de cagnottes de ligne, qui peuvent aussi être des vecteurs de haine. Telles sont les premières actions que nous menons dans le calendrier de la plainte en ligne, qui est en train de s’affiner.

Concernant le parquet, des échanges nombreux ont eu lieu. Le Garde des Sceaux pourra vous répondre plus précisément. Sachez qu’au ministère de l’intérieur tout le monde est mobilisé pour remonter jusqu’au bout de la chaîne.

Mme la présidente Yaël Braun-Pivet. Je vous remercie, madame la ministre. Nous allons maintenant passer à l’examen des crédits de la mission « Sécurités ».

Après le départ de la ministre, la Commission en vient à l’examen des crédits de la mission « Sécurités ».

Article 33 et État B

La Commission est saisie des amendements II-CL19, II-CL20, II-CL14 et II-CL15 de M. Hervé Saulignac.

M. Hervé Saulignac. Alors que des recrutements ont été effectués dans la police et dans la gendarmerie ces dernières années, les moyens alloués à la formation n’ont pas été augmentés en conséquence. Les amendements II-CL19 et II-CL20 visent respectivement à allouer 100 millions d’euros au budget de formation de la police nationale et 100 millions d’euros à celui de la gendarmerie nationale. Quant aux amendements II-CL14 et II-CL15, ils visent respectivement à créer 1 000 emplois dans la police nationale et 1 000 emplois dans la gendarmerie, afin de préserver le rythme du recrutement auquel s’était engagé le Président de la République, en fléchant 64 000 euros vers le programme 176 « Police nationale » et la même somme vers le programme 152 « Gendarmerie nationale ».

M. Jean-Michel Fauvergue, rapporteur pour avis suppléant. La formation des gendarmes et des policiers est un vrai sujet. Le budget destiné à la formation des gendarmes est à l’équilibre. Lors des auditions, ils n’ont pas fait part de problèmes de ce point de vue. S’agissant des policiers nationaux, le budget alloué à leur formation a été augmenté de près de 4 millions d’euros, afin d’assurer notamment la mise à niveau technologique des écoles de police, en particulier dans le cadre du déploiement de nouveaux outils, comme les tablettes NEO. L’augmentation de 100 millions d’euros que vous préconisez déséquilibrerait le budget, puisqu’il faudra bien aller prendre cet argent ailleurs.

Par ailleurs, des efforts importants sont déjà consentis dans le cadre du plan présidentiel visant à créer 10 000 emplois dans la police et dans la gendarmerie nationales pendant le quinquennat. Il ne suffit pas de recruter des policiers et des gendarmes, encore faut‑il leur donner les moyens de s’équiper et de travailler correctement. C’est la raison pour laquelle d’importants crédits sont prévus dans ce budget en faveur notamment du renouvellement du parc automobile.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis. Les amendements relatifs à la formation rejoignent mes préoccupations. Monsieur le rapporteur, je vous repose la question laissée sans réponse par M. le ministre : savez-vous s’il est prévu que la formation des gardiens de la paix revienne à douze mois au lieu des huit actuels ? On sait combien la formation est déterminante, notamment pour des départements comme la Seine‑Saint‑Denis, où se font les premières affectations.

Pour ce qui est du gage, monsieur le rapporteur, après trois ans, votre argument est au moins galvaudé. L’augmentation de 4 millions d’euros du budget de la formation continue de la police est une bonne chose et vient combler un manque criant. Mais il faudra prendre le temps de s’interroger sur les perspectives de formation dans la police nationale, plutôt que de s’en tenir à la mise à l’équilibre d’un budget ou de se dire que l’objectif des écoles de police est de former aux tablettes NEO. Je pense que l’on peut faire mieux. Cette réflexion globale doit bien avoir lieu, mais il serait bon qu’elle nous soit exposée.

On a vu que, s’agissant des violences sexuelles et sexistes, il y avait besoin de former, notamment à l’accueil du public. Mais il y a également besoin de former dans le renseignement territorial et la lutte contre la radicalisation, dans la prise en charge des mineurs, à l’usage des nouveaux outils, sur la nouvelle criminalité économique et financière ou encore sur les techniques de désescalade de la violence. Aussi, quelles sont les perspectives de formation ?

La Commission rejette successivement les amendements.

Elle est saisie de l’amendement II-CL57 de M. Arnaud Viala.

M. Arnaud Viala, rapporteur pour avis. Avant de présenter mon amendement de soutien aux associations agréées de sécurité civile et malgré l’absence du ministre, je tenais à dire que, dans le résumé de mon rapport, il n’était pas question de demander spécifiquement des moyens considérables supplémentaires pour les sapeurs‑pompiers, mais plutôt d’insister sur la nécessité de les coordonner.

Du fait de la crise de la covid, les associations agréées de sécurité civile sont confrontées à de graves difficultés financières. Elles ont perdu une grande partie de leurs revenus habituels faute de grands rassemblements, lors desquels elles organisaient des postes de secours, et à cause de l’interruption des formations de secourisme. Parallèlement, elles ont connu une importante augmentation de leurs dépenses d’intervention.

Elles ont effectué environ 3 millions d’heures de bénévolat et 18 000 interventions en véhicules de secours entre le mois de mars et le mois de mai 2020. Elles ont notamment participé aux opérations de secours publics, à la prise d’appels auprès des centres de régulation du SAMU et effectué des levées de doute covid-19 à la demande du SAMU. Elles ont mis des bénévoles à la disposition d’hôpitaux pour assister les soignants dans leurs tâches quotidiennes. Elles ont assuré l’accueil, l’animation et le suivi médical de rapatriés de Chine au sein de centres de confinement. Elles ont aussi participé au transfert de victimes en TGV médicalisés et par voie aérienne. Elles ont été chargées par des centres hospitaliers et des centres médicaux de réaliser des points d’accueil et de filtrage.

Elles ont également participé à des cellules téléphoniques d’information du public et créé des plateformes d’appel aux personnes isolées et vulnérables. Leurs bénévoles ont apporté un important renfort dans les EHPAD, en matière d’aide aux soins, d’animation, d’accueil des familles ou de distribution d’équipements de protection individuelle. Elles ont distribué des millions de masques à la population et aux soignants, à la demande des communes ou des agences régionales de santé (ARS). Elles ont aussi participé à la gestion de centres de confinement pour des personnes contaminées n’ayant pas de domicile stable. Elles ont déployé des équipes au sein des brigades sanitaires qui recherchent les cas-contacts.

Elles ont aménagé des centres et des hôtels covid à la demande des préfectures et des ARS, pour accueillir des personnes confinées hors de leur domicile. Elles ont mis sur pied des centaines de centres de dépistage fixes ou mobiles à la demande des ARS. Elles ont effectué des tests PCR sur les passagers venant de zones à risque dans de nombreux aéroports. Enfin, elles ont réalisé de nombreuses maraudes à la demande du SAMU social et ont distribué des centaines de milliers de repas et des courses aux personnes isolées ou démunies pendant le confinement.

L’indemnisation des frais engagés dans le cadre de leurs missions covid-19 couvre uniquement les frais courants et non l’ensemble de leurs dépenses. Les charges fixes de la Fédération nationale de la protection civile représentent ainsi 70 % de son budget annuel. Les fédérations d’associations comme la Protection civile, la Croix blanche, la Fédération française de sauvetage et de secourisme, l’Association nationale des premiers secours, le Centre français de secourisme et l’Union nationale des associations de secouristes et de sauveteurs, sont particulièrement affectées : plus de 120 associations membres disposent de moins de trois mois de trésorerie et risquent de disparaître. Sur la centaine d’associations départementales de la Fédération nationale de la protection civile, entre cinquante et soixante sont en difficulté et ne disposent que de trois à cinq mois de réserves. La Fédération nationale estime que le besoin de financement de ses associations jusqu’à la fin de l’année 2021 s’élève à 13 millions d’euros.

Les associations unitaires sont également touchées : la Croix rouge française a déclaré que, sur un budget de 1,3 milliard d’euros, les pertes liées à la crise de la covid représentaient 46 millions d’euros. Les associations agréées ont reçu des aides ponctuelles de sponsors ou de collectivités territoriales, mais elles ne suffiront pas à assurer la survie de toutes jusqu’en 2021. De même, la subvention de 560 000 euros versée en 2020 par la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises s’avère très insuffisante. Dans la perspective des Jeux olympiques de 2024, une telle situation n’est pas tenable. 

Ainsi, l’amendement vise à verser 18 millions d’euros d’aide exceptionnelle à ces associations. Mes chers collègues, si vous allez à leur rencontre dans vos territoires, vous vous entendrez tous dire qu’elles risquent bel et bien de disparaître.

M. Ugo Bernalicis. Je suis tout à fait favorable à votre amendement. Peut‑être faudrait‑il préciser la nécessité de lever le gage dans l’exposé des motifs ? Prendre 18 millions d’euros sur les 20 millions alloués au budget de l’éducation routière me semble problématique… Une telle reconnaissance du travail des associations est essentielle. Votons tous l’amendement !

La Commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis des rapporteurs pour avis, la Commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Sécurités » sans modification.

 

 


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   Personnes entendues

   M. Jérôme Leonnet, directeur général adjoint

   M. Louis-Mathieu Gaspari, secrétaire général

   M. Sébastien Baudoux

   M. Michel Rivière

   M. Grégory Rivière

   M. Patrick Boussemaere

   M. Erick Verfaillie

   M. Patrick Beccegato

   M. Raoul Burdet

   M. Francis Prevel

   Mme Hélène L’Hotelier

   M. Frédéric Le Louette

   M. Bruno Tromeur

   M. Émile Gabrié, conseiller auprès de la présidente et du secrétaire général

   M. Armand Heslot, chef du service de l’expertise technologique

   Mme Marie Heuzé, juriste au sein du service des affaires régaliennes et des collectivités territoriales

   Mme Tiphaine Havel, conseillère pour les questions institutionnelles et parlementaires

   Mme Véronique Borré, directrice générale adjointe Proximité et Sécurités

   M. Christophe Rouget, secrétaire général

   M. Léo Moreau, chargé de mission

   M. Thierry Clair, secrétaire général adjoint d’UNSA Police

   M. Laurent Massoneau, secrétaire général de l’Union officiers UNSA

   M. Stanislas Gaudon, délégué général

   M. Pascal Disant, délégué national Analyse et Prospective

   M. Franck Fievez, secrétaire national chargé des affaires juridiques et financières

   Mme Laetitia Ducros, déléguée nationale chargée des personnels administratifs, techniques et scientifiques

   M. Julien Morcrette, chargé de mission intérieur

 

 


([1]) Ce décret est codifié aux articles R. 241-1 et suivants du code de la sécurité intérieure.

([2]) Décret n° 2017-636 du 25 avril 2017 relatif aux conditions de l'expérimentation de l'enregistrement des contrôles d'identité par les agents de la police nationale et les militaires de la gendarmerie nationale équipés d'une caméra mobile.

([3]) STIC : système de traitement des infractions constatées.

([4]) JUDEX : système judiciaire de documentation et d’exploitation.

([5]) Les notices et diffusions Interpol sont des alertes ou demandes de coopération internationales qui permettent aux services de police des pays membres d’échanger des informations sur une infraction donnée. Les notices et diffusions contiennent des éléments d’identification (signalement, photographie, empreintes digitales, numéros des documents d’identité…) et des éléments juridiques (qualification de l’infraction de la personne mise en cause, références des lois sur lesquelles se fonde l’accusation ou la condamnation, références du mandat d’arrêt ou de la décision de justice…). Toutes les notices sont publiées sur le site internet sécurisé de l’organisation à l’issue d’un contrôle de conformité. Le Secrétariat général ne peut publier une notice que si elle respecte l’ensemble des conditions juridiques applicables (conformité au Statut d’Interpol interdisant à l’Organisation toute activité ou intervention dans des questions ou affaires présentant un caractère politique, militaire, religieux ou racial). Si les notices sont transmises et visibles par tous les pays membres sur le site internet sécurisé de l’organisation (non accessible au public), les diffusions, visant les mêmes buts, sont transmises par un pays membre qui peut en limiter les destinataires y compris fixer des restrictions concernant des pays désignés (absence de visibilité des informations).