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N° 4502

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 29 septembre 2021.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482)

TOME IV

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

PAYSAGES, EAU ET BIODIVERSITÉ

 

PAR M. Patrice PERROT

Député

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 Voir les numéros : 4482, 4524 (Tome III, annexe 15).

 


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  SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

I. DES CRÉDITS RENFORCÉS POUR LES POLITIQUES DE PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ

A. LA POLITIQUE EN FAVEUR DE LA BIODIVERSITÉ

1. L’OFB bénéficie d’une augmentation de crédits et de personnels

2. La gestion des milieux et la biodiversité

a. Espaces et milieux marins

b. Le Conservatoire du littoral

c. Espaces naturels protégés

d. Natura 2000

e. Connaissance et préservation de la biodiversité

3. Les mesures au titre de la mise en œuvre du plan Biodiversité

4. Les mesures contre les espèces exotiques envahissantes (EEE)

5. Une enveloppe en hausse pour l’ONF à partir du programme 113

6. Les subventions aux associations

B. Les agences de l’eau bénéficient des moyens du plan de relance et d’une stabilité de leurs effectifs

C. LES AUTRES CRÉDITS PROPOSÉS POUR LE PROGRAMME 113

1. La politique des paysages et des sites (action n° 1)

2. Les crédits provisionnés pour le règlement des contentieux (action  2)

II. DES CRÉDITS ET DES EFFECTIFS ENCORE EN DIMINUTION POUR L’EXPERTISE, L’INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET LA MÉTÉOROLOGIE

A. LES MOYENS ALLOUÉS AU CGDD (ACTION 10)

B. LES MOYENS ATTRIBUÉS AU CEREMA

C. LA DOTATION DE L’IGN

D. LES MOYENS ALLOUÉS À MÉTÉO-FRANCE

Examen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 


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   INTRODUCTION

Le présent rapport examine les crédits inscrits par le projet de loi de finances pour 2022 au sein de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » au titre du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » et du programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie ».

Le programme 113 est le programme support des politiques des paysages, de l’eau et de la biodiversité. Il bénéficie de 244,3 millions d’euros en crédits de paiement (CP) et en autorisations d’engagement (AE) dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2022, contre 229,2 millions d’euros en CP et 195,8 millions d’euros en AE dans la loi de finances initiale (LFI) pour 2021. Cela représente une augmentation des crédits de 6,5 % entre la LFI 2021 et le PLF 2022.

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » est doté de 471,1 millions d’euros en AE et en CP en PLF 2022, contre 481,9 millions d’euros en AE et en CP en LFI 2021. Cela représente une diminution de 2,2 % des crédits affectés au programme.

Ce programme comprend les subventions pour charges de service public de trois opérateurs : Météo-France, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA). Il comprend également l’ensemble des moyens de fonctionnement du Commissariat général au développement durable (CGDD).

Le rapporteur pour avis se réjouit de l’évolution à la hausse des crédits proposée en PLF 2022 pour la mission Écologie, développement et mobilité durables. En effet, les crédits passent de 21,2 milliards d’euros à 21,5 milliards d’euros en AE et de 20,7 milliards d’euros à 21,2 milliards d’euros en CP entre la LFI 2021 et le PLF 2022, soit une augmentation de 2,4 % des CP et de 1,4 % des AE.

Les effectifs de la mission décroissent néanmoins toujours, passant de 36 241 équivalents temps plein travaillé (ETPT) en LFI 2021 à 35 865 ETPT en PLF 2022, soit une diminution de 1,4 % du plafond d’emplois, opérateurs inclus. Ces réductions d’effectifs sont toutefois beaucoup moins soutenues qu’au cours des années précédentes, avec une division par quatre du rythme des restructurations au niveau des effectifs.

Dans le cadre du périmètre du présent avis budgétaire, le rapporteur se réjouit en particulier que les effectifs des agences de l’eau, de l’Office français pour la biodiversité (OFB) ou du Conservatoire du littoral soient préservés, tandis que les parcs naturels nationaux vont bénéficier de 40 emplois de plus en 2022 par rapport à 2021.

 


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I.   DES CRÉDITS RENFORCÉS POUR LES POLITIQUES DE PROTECTION DE LA BIODIVERSITÉ

A.   LA POLITIQUE EN FAVEUR DE LA BIODIVERSITÉ

Le rapporteur pour avis salue l’augmentation des crédits dédiés à la protection de la biodiversité. De manière générale, il convient de rappeler que l’investissement dans la biodiversité génère de la valeur ajoutée dans les territoires, crée de la richesse et des emplois non délocalisables. Ainsi, selon le rapport de M. Emmanuel Delannoy ([1]), un euro dépensé au titre de la protection de la biodiversité génère en moyenne 2,64 euros de production et 1,31 euro de valeur ajoutée, et un million d’euros de ces dépenses engendre en moyenne pratiquement 19 emplois.

Le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » connaît ainsi un renforcement régulier de ses crédits depuis trois ans. Le budget du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » évolue ainsi de 229 millions d’euros en LFI 2021 à 244 millions d’euros en PLF 2022 en AE et en CP, soit une hausse significative de 15 millions d’euros, bénéficiant intégralement à l’action 7 « Gestion des milieux et biodiversité » qui regroupe 96 % des crédits du programme.

Ces crédits supplémentaires permettront notamment de financer les mesures suivantes :

• 5 millions d’euros pour la nouvelle stratégie nationale biodiversité 2030 ;

• 3,5 millions d’euros pour la gestion durable des ressources minérales. Cette enveloppe permettra de renforcer les actions de lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane (suivi des impacts sur les milieux) et l’élaboration d’une stratégie durable sur les approvisionnements critiques ;

• 2,3 millions d’euros pour l’Office national des forêts (ONF) via un accroissement conséquent des moyens dédiés aux missions d’intérêt général (MIG) biodiversité exercées par l’ONF ;

• 2 millions d’euros destinés à la protection du trait de côte ;

• 0,5 million d’euros destinés à couvrir la subvention versée par la direction de l’eau et de la biodiversité au nouvel établissement public du Mont‑Saint-Michel chargé du fonctionnement du barrage du Couesnon en Normandie.

Outre les moyens budgétaires ouverts en loi de finances, le programme 113 perçoit des fonds de concours. Pour 2022, les prévisions de fonds de concours ont été arrêtées à 10 millions d’euros : 5 millions d’euros provenant de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF) et 5 millions d’euros de l’agence de l’eau Seine-Normandie dans le cadre du chantier d’arasement du barrage de Vézins sur la Sélune dans le département de la Manche.

Votre rapporteur pour avis se réjouit de cette augmentation notable des crédits, même s’il prend bien en compte les recommandations de France Nature Environnement qui demande un effort supplémentaire, étalé dans la durée, à hauteur d’environ 100 millions d’euros sur le programme 113 pour atteindre la trajectoire recommandée par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) dans son rapport de 2016[2]. Avec 15 millions d’euros supplémentaires sur le programme pour 2022, un pas important est franchi dans cette direction.

Les effectifs attachés au programme 113 sont de 3 207,4 ETP en services déconcentrés (dont 223,5 outre-mer) et 223,7 ETP en administration centrale, soit un total de 3 431,1 ETP, en recul de 57 ETP par rapport à 2021.

Au niveau des opérateurs, le programme voit son plafond d’emplois global augmenter de 47 ETPT, essentiellement au profit des parcs naturels nationaux, comme indiqué dans le tableau ci-dessous.

Évolution du plafond d’emplois du programme 113

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Source : MTE

1.   L’OFB bénéficie d’une augmentation de crédits et de personnels

Depuis le 1er janvier 2020, l’Office français de la biodiversité (OFB) assure la préservation et la restauration de la biodiversité. Il est issu du rapprochement de l’Agence française pour la biodiversité et de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage. Cet établissement est le principal acteur en matière de biodiversité, qu’elle soit terrestre, aquatique ou marine. Il est placé sous la double tutelle des ministères chargés de l’écologie et de l’agriculture.

Les missions qui lui sont confiées ont pour objectif général le développement de la connaissance, la préservation, la gestion et la restauration en matière de biodiversité terrestre, aquatique et marine, ainsi que la gestion équilibrée et durable de l’eau. Elles se déclinent de la façon suivante :

– la police de l’environnement et la police sanitaire ;

– la gestion (notamment des neuf parcs naturels marins ou encore de certaines réserves nationales de chasse et de faune sauvage), la restauration et l’appui à la gestion d’espaces naturels (appui technique aux parcs nationaux et plus généralement à l’ensemble des réseaux de gestionnaires d’espaces naturels) ;

– le développement de la connaissance, de la recherche et de l’expertise sur les espèces et les milieux, ainsi que sur la gestion adaptative (notamment coordination de trois systèmes d’information fédérateurs sur la biodiversité, l’eau, les milieux aquatiques et les milieux marins) ;

– l’appui scientifique, technique et financier à la conception, la mise en œuvre et l’évaluation des politiques de l’eau et de la biodiversité ;

– la formation et la mobilisation des citoyens et des parties prenantes (rôle de centre de ressources national). Il assure une mission de formation des acteurs, notamment en matière de police.

La première année d’existence de l’OFB n’a pas été sans difficultés, du fait notamment du rapprochement du statut des agents et des systèmes d’information. Aujourd’hui, l’OFB est doté d’un conseil d’administration de 43 membres, dans lequel l’État n’est plus majoritaire, ainsi que d’un conseil scientifique.

Pour 2022, la subvention pour charges de service public de l’OFB s’élèvera à 53,01 millions d’euros contre 51,2 millions d’euros en 2021, soit une augmentation de 1,8 million d’euros. Cette hausse s’explique du fait de transferts de crédits de dépenses de personnel depuis le programme 217, au titre du transfert, à compter du 1er septembre 2022, des effectifs des laboratoires d’hydrobiologie des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) à l’OFB ainsi que du transfert des missions de gestion des corps des techniciens de l’environnement dont l’OFB se voit déléguer la gestion par le ministère de la transition écologique (MTE) à compter de 2022.

L’établissement perçoit également une contribution des agences de l’eau fixée à 389,6 millions d’euros par l’article 135 de la LFI 2018, contribution qui intègre une dotation de 41 millions d’euros dédiée au financement du programme Ecophyto depuis 2021. La contribution versée par l’OFB aux parcs nationaux a augmenté de 1 million d’euros (de 66,5 millions d’euros à 67,5 millions d’euros) de 2020 à 2021.

Au niveau du plafond d’emplois, celui-ci augmente, passant de 2 638 ETP en LFI 2021 à 2 643 ETP en PLF 2022.

Alors que l’OFB est appelé à être la vitrine de la politique du Gouvernement en matière de protection de la biodiversité, le rapporteur pour avis souligne que les missions de plus en plus nombreuses qui sont confiées à l’office doivent bien s’accompagner de moyens supplémentaires, notamment en matière d’effectifs.

Dans le cadre du plan de relance, le rapporteur pour avis se réjouit que l’OFB bénéficie d’une enveloppe supplémentaire de 85 millions d’euros. Plusieurs enveloppes sont ainsi prévues pour conforter son action :

-         au titre de la protection des aires protégées (19 millions d’euros) ;

-         en matière d’opérations de restauration écologique (19 millions d’euros) ;

-         ainsi que sur la thématique de l’eau en outre-mer (47 millions d’euros).

Ces trois enveloppes présentent une exécution en 2021 plus élevée qu’estimé au stade de l’élaboration du budget initial de l’établissement, qui avait inscrit 50 % des autorisations d’engagement et crédits de paiement prévus dans le cadre de la relance. Cette consommation rapide et effective des crédits montre que le besoin est important et que les projets à financer sont nombreux : elle pourrait appeler de nouveaux renforcements budgétaires par la suite.

2.   La gestion des milieux et la biodiversité

L’action 7 est également composée de six sous-actions : espaces et milieux marins ; politique de l’eau ; espaces naturels protégés ; Natura 2000 ; connaissance et préservation de la biodiversité hors espaces et milieux marins ; opérateurs.

a.   Espaces et milieux marins

La France attache une grande importance à la préservation du littoral et des milieux marins compte tenu d’une part, de la surface de son espace maritime (deuxième espace maritime sous juridiction au monde avec 11 millions de km², soit 20 fois le territoire métropolitain) et, d’autre part, de la richesse de la biodiversité dans ces espaces. En outre, l’océan absorbe 30 % des gaz à effet de serre et produit 50 % de l’oxygène mondial.

Dans ce cadre, les politiques marines et littorales de protection de la biodiversité sont en forte croissance. La France renforce en effet son intervention dans ce domaine, notamment pour répondre à ses engagements nationaux et internationaux ainsi qu’à ses obligations européennes et pour mener des opérations de contrôle et de surveillance des activités pour la protection de l’environnement marin. 23,16 millions d’euros sont consacrés à cette sous-action en PLF 2022.

En outre, près de 5 millions d’euros de fonds de concours bénéficieront à cette sous-action en 2022, en provenance de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, pour venir aider à la préservation du trait de côte sur les parties du littoral menacées par l’érosion.

b.   Le Conservatoire du littoral

Cet établissement public administratif, créé en 1975, assure la protection de 200 000 hectares sur plus de 750 sites représentant environ 1 600 km de rivages maritimes, soit 15 % du linéaire côtier. Acquérant des parcelles du littoral menacées, le Conservatoire du littoral en fait des sites aménagés et accueillants, dans le respect des équilibres naturels.

Depuis la loi de finances n° 2018-1317 du 28 décembre 2018 de finances pour 2019, les ressources principales dont dispose le Conservatoire du littoral sont issues du droit annuel de francisation des navires (DAFN), dans la limite d’un plafond. Ce plafond, qui représente la recette principale de l’établissement, est revalorisé de 1,5 million d’euros en PLF 2022 pour atteindre 40 millions d’euros, contre 38,5 millions d’euros depuis la LFI pour 2016.

En effet, l’action du Conservatoire du littoral est actuellement freinée par l’augmentation mécanique des coûts de gestion des espaces littoraux dont le périmètre s’accroît. Par ailleurs, le domaine protégé a connu une hausse de près de 50 000 hectares entre 2015 et 2020. Cela entraine une augmentation conséquente des dépenses d’investissement pour le milieu naturel principalement liées au rôle de propriétaire du Conservatoire du littoral dans les nouveaux terrains acquis et mis en gestion.

Par conséquent, pour la période 2021-2023, le Conservatoire du littoral bénéficie d’une enveloppe prévisionnelle de 25 millions d’euros allouée dans le cadre du plan France relance lui permettant d’accroître et d’accélérer sur cette période la mise en œuvre de 75 projets bénéficiant à la résilience de la biodiversité, ainsi qu’à la valorisation environnementale, économique, sociale et culturelle du littoral et des rivages lacustres face aux effets du changement climatique

c.   Espaces naturels protégés

L’article 23 de la loi Grenelle I ([3]) a prévu la constitution d’une trame verte et bleue (TVB), outil d’aménagement du territoire permettant de préserver et de remettre en bon état des continuités écologiques. Cet objectif est désormais inscrit dans le code de l’environnement (art. L. 371-1 et suivants du code de l’environnement). Le renforcement de la trame verte et bleue mobilise 59,32 millions d’euros en PLF 2022.

Au sein de cette enveloppe, les espaces naturels protégés, dont les parcs nationaux et les réserves naturelles nationales, bénéficient au total de 11 millions d’euros en PLF 2022, dont 4,5 millions d’euros de dotations en fonds propres pour les parcs naturels nationaux. En effet, la situation des établissements publics de parcs nationaux s’est globalement dégradée ces dernières années et des crédits supplémentaires sont nécessaires pour assurer la soutenabilité des opérations des parcs. Il convient par ailleurs de souligner que les parcs nationaux ont perdu entre 15 et 20 % de leurs effectifs depuis dix ans (‑149 ETP depuis 2012).

La montée en puissance des effectifs, soit 40 ETP supplémentaires en PLF 2022 par rapport à la LFI 2021, permet d’accompagner la création du onzième parc national (parc national de forêts) avec 10 postes dédiés. La création à l’avenir d’un douzième parc naturel relatif aux zones humides nécessitera de nouvelles créations de postes.

Six millions d’euros ont également alloués aux réserves naturelles nationales, outils de protection forte, et ce afin de revaloriser les salaires des gestionnaires, d’impulser des actions d’éducation à l’environnement et de créer de nouvelles réserves.

En complément de ces moyens issus de la loi de finance, 60 millions d’euros ont été attribués aux aires protégées dans le cadre du plan France relance (19 millions d’euros pour les parcs nationaux, 19 millions d’euros pour les parcs marins et 22 millions d’euros « déconcentrés » pour les autres aires protégées).

Dans ce cadre, la décision du Président de la République d’augmenter à l’horizon 2022 la part des espaces naturels protégés, dont un tiers en protection forte, impose la création de nouvelles aires protégées et l’amélioration de la gestion des aires protégées existantes, et devrait à l’avenir s’accompagner de moyens humains supplémentaires. Annoncée en janvier dernier par le Président de la République, la stratégie nationale pour les aires protégées (SNAP) fixe ainsi un objectif ambitieux pour l’action du Gouvernement en matière de restauration de la biodiversité : protéger 30 % du territoire national et atteindre 10 % de protection forte. Il reste toutefois des difficultés sur les zones de protection forte en mer, avec l’objectif fixé par le Président de la République dans son discours de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) de passer de 0,5 % à 5 % sur les zones maritimes protégées, ce qui suppose des moyens importants.

d.   Natura 2000

Le réseau Natura 2000 trouve son fondement juridique dans la directive 2009/147 du Parlement européen et du Conseil du 30 novembre 2009 concernant la conservation des oiseaux sauvages (reprenant les termes de la directive « oiseaux » de 1979) et de la directive 92/43/CEE du Conseil du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (dite directive « habitats »).

Le réseau Natura 2000, avec son objectif de maintien ou de restauration du bon état de conservation des habitats et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire, est donc le levier principal de la politique de l’Union européenne pour la conservation de la biodiversité. Il est le principal réseau d’espaces naturels protégés avec 1 780 sites terrestres et marins, soit plus de 12,9 % du territoire terrestre métropolitain (7 millions d’hectares de surface terrestre) et 34 % de la zone économique exclusive métropolitaine (12 millions d’hectares).

La sous-action Natura 2000 est dotée de 28,2 millions d’euros en AE et en CP en PLF 2022 (28,5 millions d’euros en PLF 2021).

Avec le projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale, dit projet de loi « 3 DS », il existe un sujet sur une potentielle décentralisation vers les régions des sites Natura 2000 exclusivement terrestres. Selon France Nature Environnement, il existerait surtout un besoin d’animation territoriale sur ces sites car de nombreux sites n’ont pas de documents d’objectifs ni d’animateurs. Il conviendrait donc de s’assurer que les territoires seront en mesure de relancer ce mouvement d’animation à la place de l’État si la gestion des sites leur est entièrement déléguée.

e.   Connaissance et préservation de la biodiversité

La sous-action 5 « Connaissance et préservation de la biodiversité » est enfin dotée de 45,3 millions d’euros en AE et 45,3 millions d’euros en CP.

Les crédits alloués à ce domaine d’intervention augmentent de 5 millions d’euros en 2022 pour accompagner le début de la mise en œuvre de la troisième stratégie nationale pour la biodiversité.

La stratégie nationale de l’acquisition de connaissances en matière de biodiversité terrestre a été confiée au Muséum national d’histoire naturelle (MNHN) avec pour objectif de collecter un million de données (contre 500 000 aujourd’hui). Ce dernier bénéficie notamment d’une enveloppe de 1,37 million d’euros en provenance du programme 113.

3.   Les mesures au titre de la mise en œuvre du plan Biodiversité

La mise en œuvre du plan Biodiversité, présenté en juillet 2018 par le Gouvernement, permet de donner des moyens supplémentaires pour les politiques de protection de la biodiversité et de progresser vers l’objectif de zéro perte nette de biodiversité inscrit dans la loi pour la reconquête de la biodiversité. Elle a également servi à préparer la future stratégie nationale pour la biodiversité.

Sur le plan budgétaire, le plan Biodiversité prévoyait de mobiliser 600 millions d’euros de crédits entre 2019 et 2022, décomposés comme suit :

– 150 millions d’euros consacrés aux paiements pour services environnementaux dans le domaine de l’agriculture, afin de préserver les prairies, restaurer les haies, développer le couvert végétal et protéger les sols ;

– 250 millions d’euros dédiés au renforcement des actions engagées par le ministère et ses opérateurs pour la restauration et la gestion des milieux, la lutte contre les plastiques, les actions destinées à encourager le développement de la nature en ville et pour le déploiement des solutions innovantes fondées sur la nature ;

– enfin, 200 millions d’euros issus de la hausse de la redevance sur les pollutions diffuses pour financer le développement de l’agriculture biologique.

Peu de crédits supplémentaires sont apportés par l’État, dès lors qu’environ 510 millions d’euros proviendraient d’un redéploiement des interventions des agences de l’eau entre le dixième et le onzième programme d’intervention. À ce titre, l’État n’a apporté que 10 millions d’euros par an entre 2019 et 2022, rattachés à l’action 7 du programme 113. Après 2022, le plan s’éteindra pour être intégré dans la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité.

4.   Les mesures contre les espèces exotiques envahissantes (EEE)

La politique de protection des milieux naturels et des espèces sauvages repose aussi sur la lutte contre les EEE qui menacent les écosystèmes et les services qu’ils rendent en entrant en compétition avec les espèces indigènes. Les perturbations occasionnées par ces espèces ont des conséquences tant pour la biodiversité que pour l’économie.

Après l’adoption du règlement européen (UE) n° 1143/2014 du 22 octobre 2014 relatif aux EEE, le règlement d’exécution (UE) n° 2016/1141 adoptant une liste des EEE préoccupantes pour l’UE a été publié le 14 juillet 2016. Il prévoit des mesures de prévention et de destruction d’espèces.

La loi « biodiversité » de 2016 ([4]) a intégré au code de l’environnement les dispositions nécessaires à la bonne mise en œuvre de ces normes européennes dans le droit français. La contribution du programme 113 consiste à mener des actions de prévention contre les EEE et des actions exemplaires de lutte dans les territoires insulaires particulièrement concernés par cet enjeu. 2 emplois à temps plein sont affectés à cette tâche au niveau de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN).

Dans un rapport récent ([5]), votre rapporteur pour avis et sa collègue Mme Nadia Essayan ont ainsi proposé, entre autres dispositions fortes, de renforcer considérablement les crédits de la sous-action 5 de l’action 7 du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » (cf. supra). En effet, les coûts économiques et les dégâts infligés sur les milieux naturels par les plantes invasives peuvent s’avérer très importants. Il est donc urgent de prendre la mesure du problème et de se donner les moyens de le traiter à la racine, dans sa globalité.

Parmi les chantiers à mettre en œuvre rapidement, il conviendrait d’intégrer la question des invasions biologiques à toutes les politiques publiques en désignant un référent dans toutes les collectivités et d’établir un schéma clair de gouvernance national et régional afin de définir les acteurs responsables de la lutte contre les plantes invasives. L’appel à des emplois aidés pour lutter sur ce terrain spécifique pourrait également être d’une grande aide.

C’est pourquoi le rapporteur pour avis propose de promouvoir les chantiers d’insertion pour la gestion des plantes invasives, en ayant recours aux entreprises de l’économie sociale et solidaire (ESS), aux territoires « zéro chômeur », au service civique et aux personnes condamnées à des travaux d’intérêt général et d’inciter à la signature de contrats d’insertion pour les demandeurs d’emploi ou bénéficiaires du RSA dans des structures publiques ou privées qui se consacrent au traitement des plantes invasives.

5.   Une enveloppe en hausse pour l’ONF à partir du programme 113

L’Office national des forêts (ONF) est un établissement public à caractère industriel et commercial créé par la loi du 23 décembre 1964 pour assurer la gestion des forêts publiques : forêts domaniales de l’État et forêts des collectivités publiques (collectivités territoriales et métropoles), qui représentent 25 % de la superficie forestière de l’hexagone (soit presque 5 millions d’hectares). L’office y assure les plans de gestion, programme les coupes et assure la surveillance des forêts. La réalisation des travaux forestiers relève, en revanche, du domaine « concurrentiel », ce qui signifie que les communes peuvent aussi faire appel à des opérateurs privés pour les travaux d’exploitation, d’entretien ou de reboisement. Toutefois, l’ONF a su organiser la mobilisation et la commercialisation des bois issus des forêts publiques qui représentent 40 % des bois mis sur le marché, alors que les forêts publiques n’occupent que 25 % du territoire boisé.

Depuis plusieurs années, la situation financière de l’ONF se dégrade néanmoins et les recettes, notamment tirées des ventes de bois, n’équilibrent plus les dépenses. La forêt française est en effet l’une des moins productives d’Europe et la France importe pour 400 millions d’euros de sciages résineux. Depuis plus de vingt ans, les plantations baissent en surface et en nombre de plants. Dans les années quatre-vingt, la France produisait 100 à 120 millions de plants par an (dont 60 millions de résineux) ; aujourd’hui elle connaît une baisse significative avec 30 millions de plants (dont 20 millions de résineux) et 40 millions de plants de pin maritimes. La deuxième raison est l’augmentation des volumes de coupes de bois qui n’a pas arrêté la chute des recettes en raison de la faiblesse des cours du bois. En effet, en cinquante ans, la récolte de bois dans les forêts domaniales a augmenté de 35 % mais la recette correspondant à cette récolte a baissé de 30 %.

Ainsi, en 2020, l’ONF affichait pour la première fois un déficit important.

Cette situation perdure en 2021, avec un déficit prévisionnel initialement anticipé à hauteur de 115 millions d’euros. Cependant, en 2021, les prix du bois se sont redressés par rapport à 2020 qui avait constitué un point bas. Le déficit de fin d’année devrait donc être finalement inférieur à 50 millions d’euros. L’endettement atteindrait en revanche près de 450 millions d’euros.

Pour 2022, la dotation pour charges de service public versée à l’ONF par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation (MAA) serait stable mais le PLF prévoit 95 nouvelles suppressions d’emploi pour 2022. L’objectif sur les cinq prochaines années est une réduction de 475 postes. Cela constitue une contrainte claire pour l’établissement, qui conduit à affaiblir les fonctions de travaux en forêts.

En revanche, le rapporteur pour avis salue le fait que la contribution du ministère de la transition écologique au fonctionnement de l’ONF, à partir du programme 113, évolue de 10,7 millions d’euros en LFI 2021 à 14,4 millions d’euros en PLF 2022.

En effet, les aménités forestières sont reconnues mais non rémunérées, ce que permet de compenser partiellement la dotation issue du programme 113 qui repose sur deux grands volets, à savoir une mission d’intérêt général confiée à l’ONF en faveur de la biodiversité et une indemnisation spécifique pour la création d’une parcelle de parc naturel qui empêche le prélèvement du bois. Néanmoins, le modèle initial de l’ONF, fondé sur le principe selon lequel « le bois paye la gestion forestière », n’est plus opérant ; il est donc urgent de reconnaître encore davantage la valeur de ces « aménités » forestières.

Il convient par ailleurs de souligner que l’action de l’ONF dans les départements ultramarins génère des charges non financées qui représentent plus de 10 millions d’euros : elle porte essentiellement sur des missions de protection foncière d’espaces naturels et de police de la nature.

Le plan de relance comporte également des dotations importantes qui bénéficieront à l’ONF, notamment pour les forêts domaniales qui bénéficient de 30 millions d’euros pour la première tranche de versement sur 2021 (en attendant une deuxième tranche). 20 millions d’euros seront également issus des communes, pris sur l’enveloppe de 200 millions d’euros initiale du plan de relance. Au niveau national, toutes forêts confondues, le plan de relance a prévu la plantation de 45 000 hectares de forêts, ce qui correspond à environ 50 millions de jeunes arbres.

Habituellement, chaque année en forêt domaniale, l’ONF fait des plantations sur 2 400 hectares, soit 3 millions de plants. Dans le cadre du plan de relance, ce ne sont pas moins de 10 millions de plants pour 15 000 hectares de forêts domaniales qui seront mobilisés. Les forestiers n’ont jamais eu à reconstituer des surfaces aussi vastes dans un délai aussi court. Il convient donc de veiller à ce que l’ONF puisse disposer des effectifs nécessaires pour réaliser les ambitions fixées dans le cadre du plan de relance.

6.   Les subventions aux associations

Les subventions aux associations environnementales représentent également une dépense importante sur le programme 113 : près de 35 millions d’euros en 2021, répartis entre les différentes actions et sous-actions du programme. Elles concernent 400 structures associatives sur l’ensemble du territoire national (France métropolitaine et outre-mer). Le montant moyen versé était de près de 90 000 euros.

Selon France Nature Environnement, les dotations ne prennent cependant pas assez en compte les appuis apportés par les associations aux missions d’intérêt général. Le mode d’attribution est également jugé trop compliqué pour les associations.

B.   Les agences de l’eau bénéficient des moyens du plan de relance et d’une stabilité de leurs effectifs

Les ressources financières des agences de l’eau font face à des difficultés de deux ordres : l’existence d’un plafond « mordant » sur leurs ressources, de 2 191 millions d’euros en PLF 2022 (identique à la LFI 2021), et la mobilisation d’une partie des ressources sous plafond pour le financement d’autres politiques publiques conduites par le ministère (plan Biodiversité, parcs naturels, etc.).

Le rapporteur pour avis se réjouit de la stabilité du plafond d’emplois à 1 497 ETPT contre un schéma d’emplois de -39 ETP en LFI 2021. Certes, ce maintien n’efface pas la baisse de 220 ETP au cours des six dernières années, mais il permet de mettre fin à cette spirale baissière au niveau des effectifs, tout en renforçant considérablement les moyens budgétaires des agences à travers le plan de relance. Il est en tout cas essentiel de mettre fin aux restructurations car le risque est grand pour les agences de l’eau de perdre leur lien avec les territoires faute d’effectifs, ainsi que de se transformer en simples « guichets » permettant de distribuer des aides, sans accompagnement ni contrôle.

Évolution des effectifs de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne

Source : agences de l’eau

Par ailleurs, les agences de l’eau bénéficient de 300 millions d’euros de crédits budgétaires pour des actions de sécurisation des infrastructures de distribution d’eau potable, d’assainissement et de gestion des eaux pluviales en métropole (250 millions d’euros) et dans les outre-mer (50 millions d’euros). Ces montants seront gérés au plus près des territoires et des porteurs de projets par les agences de l’eau en métropole et par l’Office français de la biodiversité en outre‑mer. D’après les informations communiquées au rapporteur pour avis, la quasi-totalité de ces crédits sont désormais engagés, montrant ainsi qu’il y avait un besoin considérable.

Le programme 362 « Écologie » de la Mission « Plan de relance » prévoit en outre 10 millions d’euros pour la restauration écologique des cours d’eau.

Enfin, la contribution des agences de l’eau à l’OFB sera inchangée en 2022, à hauteur de 389 millions d’euros.

C.   LES AUTRES CRÉDITS PROPOSÉS POUR LE PROGRAMME 113

1.   La politique des paysages et des sites (action n° 1)

L’action n° 1 « Sites, paysages et publicité » est dotée de 6,5 millions d’euros en AE et en CP dans le PLF 2022, comme dans la LFI 2021. Elle recouvre deux volets principaux : une meilleure connaissance des paysages, à travers notamment le développement des atlas de paysage, et la politique des sites inscrits et classés ainsi que l’appui au classement au patrimoine mondial de l’UNESCO. L’objectif est d’inciter les acteurs concernés à adopter des mesures de protection ou de gestion.

La connaissance du paysage, traduite notamment dans les atlas de paysages (66 atlas publiés, couvrant 85 départements et 93 % du territoire national), est ainsi un outil important d’aide à la décision en aménagement et doit permettre de traduire les objectifs paysagers dans les politiques sectorielles.

La politique des sites résulte quant à elle d’une législation mise en place par la loi du 21 avril 1906 organisant la protection des sites et monuments naturels de caractère artistique, confortée par la loi du 2 mai 1930 relative à la protection des monuments naturels et des sites (articles L. 341-1 et suivants du code de l’environnement). Cette politique des sites d’exception comprend plusieurs phases : la préservation avec l’inscription ou le classement, puis la valorisation et la gestion du site au niveau national ou international avec respectivement les « opérations grands sites » (OGS) ou l’inscription sur la liste du patrimoine mondial.

Outre le développement de ces politiques sur la durée, la période 2018‑2021 est marquée par la mise en place d’un système d’information géographique nommé SITE portant sur les sites et territoires d’exception (sites classés, sites inscrits, grands sites de France et biens inscrits sur la liste du patrimoine mondial).

2.   Les crédits provisionnés pour le règlement des contentieux (action n° 2)

Le programme 113 comporte une action n° 2 « Logistique, formation et contentieux », dotée de 5,6 millions d’euros en AE et en CP, destinée à provisionner des crédits pour faire face au règlement des contentieux attribués au programme (ingénierie publique concurrentielle, sites, publicité, eau et biodiversité). Des crédits sont ainsi provisionnés dès lors que la probabilité de condamnation de l’État est supérieure à 50 %.

II.   DES CRÉDITS ET DES EFFECTIFS ENCORE EN DIMINUTION POUR L’EXPERTISE, L’INFORMATION GÉOGRAPHIQUE ET LA MÉTÉOROLOGIE

Le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie » comporte les subventions pour charges de service public (SCSP) des opérateurs suivants :

– le Centre d’études et d’expertise pour les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA) ;

– l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) ;

– Météo-France ;

– ainsi que les moyens du Commissariat général au développement durable (CGDD).

Les crédits de paiement et les autorisations d’engagement du programme 159 reculent, passant de 481,9 millions d’euros dans la LFI 2021 à 471,1 millions d’euros dans le PLF 2022, soit une diminution de 2,2 % des crédits. Les SCSP versées à partir du programme sont en diminution de 4,3 millions d’euros pour l’IGN, de 2,3 millions d’euros pour Météo-France (hors financement du supercalculateur) et de 3,3 millions d’euros pour le CEREMA.

A.   LES MOYENS ALLOUÉS AU CGDD (ACTION 10)

L’action 10 rassemble les moyens nécessaires au Commissariat général au développement durable (CGDD) pour élaborer et mettre en œuvre la transition écologique vers un développement durable au travers des politiques publiques et des actions des acteurs socio-économiques. Le CGDD assure un rôle de coordination et d’animation dans la mise en œuvre de cette transition et développe également des actions de prospective et d’observation : production de statistiques, d’études, d’expertises et d’évaluations.

Les crédits de cette action demeurent stables en 2022 à 15,2 millions d’euros contre 15,36 millions d’euros en 2021, dont environ deux tiers de dépenses de fonctionnement et un tiers de dépenses d’intervention. Il convient toutefois de souligner que les crédits liés à l’action « Pilotage, support, audit et évaluations » des politiques environnementales (action 7 du programme 217) sont en hausse de 16 millions d’euros en PLF 2022.

B.   LES MOYENS ATTRIBUÉS AU CEREMA

Le CEREMA est un établissement public à caractère administratif créé le 1er janvier 2014 et placé sous la tutelle du ministre chargé de la transition écologique. Il incarne, par son action au quotidien dans ses six domaines d’activité, le pragmatisme dont la transition écologique a besoin : bâtiments, expertise et ingénierie territoriale, environnement et risques, infrastructures de transports, mobilités, mer et littoral. Ses 25 implantations régionales garantissent l’accès des élus aux offres de service de l’établissement. Il prend part à France Relance à travers le programme national Ponts et France vue sur Mer.

L’action 11 du programme 159 porte la subvention pour charges de service public du CEREMA. En PLF 2022, cette subvention baisse à nouveau de 3,3 millions d’euros pour atteindre 189 millions d’euros. Or, la SCSP a déjà baissé de 2,3 % en moyenne annuelle depuis 2015, soit d’environ 27 millions d’euros entre 2015 et 2021.

Cette baisse de la SCSP s’accompagne également de fortes réductions d’effectifs qui tendent à fragiliser la structure. En effet, le PLF 2022 prévoit la suppression de 40 ETP après 87 suppressions en LFI 2021. L’effectif, de 4 000 ETP en 2005, devrait ainsi atteindre 2 496 ETP à la fin 2022. Durant les huit dernières années, ce sont ainsi près de 700 postes qui ont été supprimés.

Votre rapporteur pour avis note également que l’effectif réellement autorisé pour le CEREMA serait en fait de 2 382 ETP fin 2022 en prenant en compte le schéma d’emplois, soit une sous-consommation du plafond d’emplois de 58 ETPT par rapport à l’autorisation budgétaire.

Dans ce contexte, un récent rapport de juin 2021 rendu par l’Inspection générale de l’administration (IGA) et par le Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD)[6] fait le constat que « le pronostic vital de l’établissement apparaît aujourd’hui engagé sur sa trajectoire financière actuelle ». Cette alerte provient des services de tutelle du CEREMA lui-même : elle est impartiale et ne peut être ignorée. L’IGA et le CGEDD recommandent ainsi de stabiliser les moyens du CEREMA, position que votre rapporteur pour avis soutient également depuis plusieurs exercices.

Cela apparaît d’autant plus nécessaire que le CEREMA a signé une convention avec l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) pour apporter un soutien en ingénierie pour les petites collectivités et la rendre gratuite pendant les cinq premiers jours. Depuis fin 2020, le CEREMA a ainsi reçu une soixantaine de demandes d’expertise par des collectivités. Le taux de conversion en prestations rémunérées demeure pour l’instant encore un peu faible, de l’ordre de 15 %, mais le système est en train de se roder.

Enfin, le rapporteur pour avis souligne que la structure de l’établissement changera probablement radicalement dans les prochains mois. L’article 48 du projet de loi dit « 3DS » prévoit en effet de rapprocher le CEREMA des collectivités territoriales et de leurs groupements, pour un faire un centre partagé entre l’État et les collectivités. Les collectivités adhérentes pourront ainsi mobiliser les ressources techniques et d’expertise du CEREMA pour mener à bien des projets essentiels d’aménagement du territoire, sur le mode d’une quasi‑régie. Soutenu par les associations d’élus, ce projet de transformation de l’établissement public constitue une étape significative pour la politique de soutien de l’État en faveur de la cohésion des territoires et de l’adaptation au changement climatique. Il importe donc que les effectifs du CEREMA soient préservés pour mener à bien cette mission au profit des territoires.

C.   LA DOTATION DE L’IGN

L’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) est un établissement public à caractère administratif placé sous la tutelle des ministres chargés du développement durable et des forêts. Les crédits qui lui sont versés dans le cadre de l’action 12 financent la production de l’information géographique, les activités de recherche de l’institut et son appui aux politiques publiques, en plus de ressources contractualisées (dont la majeure partie avec le ministère de la Défense).

Les missions de l’IGN sont extrêmement variées et utiles pour la société : réseaux géodésiques et de nivellement, photographies aériennes, mesures laser, images satellitaires, relevés de terrain, entretien des bases de données numériques structurées et fonds cartographiques, diffusion de l’information géographique et cartographique en France (Géoportail). Dans le contexte du réchauffement climatique, l’IGN surveille également l’évolution des forêts, des surfaces artificialisées et du trait de côte. Par ailleurs, la direction générale des infrastructures, des transports et de la mer a sollicité l’appui de l’IGN pour la définition et la mise en œuvre de la stratégie nationale sur le véhicule autonome, et plus particulièrement pour la définition de la cartographie haute définition dynamique nécessaire au déplacement des véhicules autonomes. Une expérimentation est en cours avec la région Île-de-France.

Le rapporteur pour avis insiste également sur le rôle de premier plan joué par l’IGN en matière de défense et de sécurité, avec la programmation et le traitement d’images satellites et aériennes. Il se réjouit du choix de l’IGN de conserver la gestion de données dans le cadre d’un hébergeur français (OVHcloud), l’opérateur ayant notamment pris en compte le point d’attention formulé par le rapporteur l’an passé.

Au niveau financier, l’IGN fait toutefois face à des difficultés en matière de financement des investissements de production et de ressources propres, notamment du fait de la loi n° 2015-1779 du 28 décembre 2015 relative à la gratuité et aux modalités de la réutilisation des informations du secteur public (dite loi « Valter »). La gratuité totale des données a pour conséquence une baisse de recettes d’environ 1,5 million d’euros pour l’IGN. Il ne reste que quelques applications payantes (comme certains services type « visiorando »). Il est donc important de financer en contrepartie l’IGN par la subvention pour charges de service public car l’opérateur n’a pour l’instant pas bénéficié de compensations de la part de l’État.

Dans ce contexte, en PLF 2022, la subvention pour charges de service public versée à l’IGN est en diminution, à 85,6 millions d’euros contre 89,8 millions d’euros dans la LFI 2021. Le plafond d’emplois est également réduit à 1 461 ETPT, avec un schéma d’emplois en baisse de 10 ETP par rapport à la LFI 2021. Or, l’IGN a besoin de maintenir sa capacité à recruter sur les emplois clés et stratégiques, en particulier en matière de nouvelles technologies de l’information. En dix ans, l’IGN a ainsi déjà dû procéder à près de 500 suppressions d’emplois alors même que ses ressources propres (44 % de ses ressources, dont une majorité de recettes commerciales) sont de plus en plus menacées par la généralisation de l’application de l’open data, facilitant la concurrence du marché des vendeurs de données. L’IGN estime à 150 nouveaux emplois spécialisés ses besoins de recrutement au cours des prochaines années.

Cependant, l’IGN bénéficie également de crédits spécifiques au titre du financement de grands projets, notamment au titre du projet Lidar HD (Light detection and ranging à haute densité de points), projet interministériel de 60 millions d’euros, piloté par l’IGN et destiné à permettre une cartographie extrêmement précise du territoire, ou bien d’un autre chantier majeur, relatif à l’artificialisation des sols (18 millions d’euros financés essentiellement par la DGALN et le fonds de transformation de l’action publique). Aujourd’hui, Google ne dispose pas de logiciel permettant de mesurer l’artificialisation des sols ; c’est donc un domaine qui pose des défis techniques importants pour l’IGN.

Au total, le solde budgétaire de l’IGN pour 2021 demeure positif du fait de ces projets exceptionnels. Il faut cependant éviter un effet ciseau qui conduirait l’IGN à bénéficier de projets exceptionnels sans disposer des effectifs nécessaires à leur réalisation sur une longue durée.

D.   LES MOYENS ALLOUÉS À MÉTÉO-FRANCE

Météo-France est un établissement public administratif placé sous la tutelle du ministère de la transition écologique. Ses missions sont nombreuses et évoluent, en particulier du fait du changement climatique. De très nombreux secteurs d’activité dépendent de la météorologie, tels que la Défense, la sécurité civile, la prévention des risques, l’aéronautique, l’agriculture, les transports, la production d’énergies renouvelables, le tourisme, etc. En France, 25 % à 30 % du PIB sont directement influencés par les conditions météo‑climatiques.

Le contrat pluriannuel couvrant la période 2018-2022, conclu entre Météo-France et les ministères de la transition écologique et de l’action des comptes publics, fixe le cadre des budgets 2021 et 2022 de l’établissement. Ce contrat précise ainsi les engagements réciproques de l’État et de Météo-France. L’évolution de la subvention pour charges de service public versée à travers l’action 13 du programme 159 (176,8 millions d’euros en 2021 et 174,4 millions d’euros en 2022) et le montant de la dotation complémentaire versée au titre du financement du renouvellement des moyens de calcul intensif (8,3 millions d’euros en 2021 et 6,1 millions d’euros en 2022) respectent le cadre pluriannuel mais constituent néanmoins une source d’inquiétude pour l’opérateur qui ne peut aller plus loin dans le processus de restructuration qui lui est imposé depuis plus de dix ans.

Les recettes commerciales, notamment publicitaires, de Météo-France ont un peu diminué en 2021 (- 2 millions d’euros) tandis que les contrats passés avec la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC) notamment ont permis de compenser cette baisse de recettes. La subvention à l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (Eumetsat), variable d’année en année, est en baisse en PLF 2022 à 47 millions d’euros, contre 78,5 millions d’euros en 2021.

Exécution des dépenses de Météo-France en 2021

Source : Météo France

Au niveau des effectifs, Météo-France s’engage à atteindre les objectifs en matière de réduction d’effectifs et de masse salariale (schéma d’emplois fixé à -95 ETP chaque année pendant toute la période du contrat). Pour 2022, le schéma d’emplois initialement prévu sera décalé en partie, la crise sanitaire ayant généré des retards dans la mise en place des réorganisations et dans le déroulement de certains projets techniques initiés dans le cadre du programme « Action publique 2022 ».

L’effort de réduction des effectifs prévu sur l’exercice 2022 sera ainsi en partie reporté sur 2023 :

-         2022 : - 60 ETP ;

-         2023 : - 35 ETP.

Par rapport à la trajectoire dressée dans le contrat pluriannuel, ce réajustement induit une dépense complémentaire de masse salariale d’environ 1,8 million d’euros, mais l’État n’a pas compensé cette dépense. Il serait donc souhaitable de le faire.

Cela est d’autant plus nécessaire que Météo-France va devoir assumer le maintien de certains de ses services dans un contexte de gratuité de l’accès aux données, qui pourrait faire perdre 5 millions d’euros à terme à l’opérateur.

Une autre demande forte serait de sortir les élèves en formation à l’École nationale de la Météorologie du plafond d’emplois de l’opérateur, alors qu’ils sont comptés en son sein à l’heure actuelle (l’école ne disposant pas de la personnalité juridique). En effet, l’intégration des élèves au plafond d’emplois risque de contraindre excessivement le renouvellement des emplois de l’opérateur, alors même que son personnel est vieillissant et que 60 % des effectifs devraient partir en retraite au cours des prochaines années.

À moyen terme, il sera enfin indispensable de dégager des crédits supplémentaires pour la modernisation des équipements de Météo-France ainsi que pour la prochaine génération de supercalculateur : l’opérateur fait ainsi état d’un besoin d’investissements de 18,8 millions d’euros en 2023 et de 9,7 millions d’euros pour 2024.

 


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   Examen en commission

Lors de sa réunion du mercredi 27 octobre 2021 après-midi, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, pour avis, sur le rapport de M. Patrice Perrot, les crédits du programme « Paysages, eau et biodiversité » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables »

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis sur les crédits relatifs aux paysages, à l’eau et à la biodiversité de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ». Mon rapport pour avis concerne deux des neuf programmes de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » : le programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » et le programme 159 « Expertise, information géographique et météorologie ».

Le programme 113 est au cœur des politiques publiques en matière de biodiversité, de gestion de la ressource en eau et de protection des espaces naturels. C’est pourquoi je me réjouis de la hausse de ses crédits à hauteur de 15 millions d’euros cette année, après les augmentations des trois dernières années. Le montant des crédits atteindra ainsi 244 millions d’euros en 2022, contre moins de 200 millions d’euros en 2020.

Sur ces 15 millions d’euros supplémentaires, 5 millions d’euros seront alloués à la nouvelle stratégie nationale pour la biodiversité pour 2030, 2,3 millions d’euros à l’Office national des forêts (ONF) pour l’aider à financer ses missions relatives à la biodiversité ainsi que 2 millions d’euros à la protection du trait de côte face à l’érosion.

Les moyens du Conservatoire du littoral augmentent également de 1,5 million d’euros pour atteindre 40 millions d’euros, contre 38,5 millions d’euros dans la loi de finances pour 2016, par le biais d’un relèvement du droit de francisation des navires. Ces ressources accrues étaient nécessaires puisque le domaine protégé géré par le conservatoire a été étendu de près de 50 000 hectares depuis cinq ans.

Les ressources financières et les emplois des agences de l’eau sont préservés cette année. Les importants crédits qui leur sont confiés dans le cadre du plan de relance – 300 millions d’euros – sont presque entièrement consommés, ce qui montre l’étendue des besoins en matière de gestion efficace et durable de la ressource en eau, notamment pour résoudre le problème des fuites sur le territoire national comme en outre-mer où la situation est souvent critique.

Les moyens alloués à l’Office français de la biodiversité (OFB) sont également préservés. L’année 2022 verra le transfert des laboratoires d’hydrologie des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) vers l’OFB dans une optique de mutualisation des compétences, ce qui entraîne une augmentation de 2 millions d’euros de la subvention pour charges de service public versée à cet opérateur. L’OFB bénéficie aussi de 85 millions d’euros supplémentaires à travers le plan de relance pour 2021 et 2022. Comme pour les agences de l’eau, le taux de consommation de ces crédits en 2021 est sensiblement plus élevé que celui prévu initialement, ce qui montre l’importance des besoins.

En matière d’emploi, les opérateurs du programme bénéficient d’un plafond d’emplois en hausse de 47 équivalents temps plein travaillés (ETPT). Cela concerne avant tout les 40 postes supplémentaires dédiés aux parcs naturels nationaux, notamment en raison de la création du onzième parc national, dit parc de forêts.

Le renforcement du soutien aux parcs naturels nationaux est conforme à la volonté du Président de la République de protéger 30 % du territoire national, dont 10 % de protection forte. Il reste toutefois des difficultés dans les zones de protection forte en mer : l’objectif fixé par le chef de l’État, dans son discours devant l’Union internationale pour la conservation de la nature, de passer de 0,5 % à 5 % de la surface des zones maritimes protégée suppose des moyens importants pour les parcs marins.

Quant au programme 159, il finance les subventions pour charges de service public de trois opérateurs : Météo-France, l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA). Il comprend également l’ensemble des moyens de fonctionnement du Commissariat général au développement durable (CGDD).

Les crédits du programme passent de 481 à 471 millions d’euros, soit une diminution de 2 % qui correspond à la poursuite des efforts demandés aux opérateurs, conformément aux projets stratégiques signés par ces derniers avec l’État. Ces efforts sont encore importants en 2022, bien que moins marqués que lors des années précédentes. Le CEREMA doit ainsi perdre 40 emplois, l’IGN 10, et Météo-France, 60.

Ma préoccupation principale concerne le CEREMA, dont les effectifs seront passés de plus de 4 000 ETP en 2010 à moins de 2 500 en 2022. Un rapport de l’Inspection générale de l’administration et du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) de juin dernier considère que « le pronostic vital de l’établissement apparaît aujourd’hui engagé sur sa trajectoire financière actuelle ».

Aussi, je proposerai un amendement pour annuler la suppression de 40 emplois prévue par le Gouvernement, sans pour autant relever le plafond d’emplois de l’opérateur. Le nombre réel d’emplois au sein du CEREMA est déjà inférieur de près de 60 ETPT au plafond d’emplois autorisé. Il convient d’y remédier, d’autant que l’article 48 du projet de loi relatif à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dit « 3DS », prévoit de rapprocher le CEREMA des collectivités territoriales et de leurs groupements pour en faire un centre partagé entre l’État et les collectivités. Il importe donc de maintenir la capacité du CEREMA à venir en aide aux collectivités, notamment aux plus petites.

S’agissant de Météo-France, 60 emplois seront perdus en 2022 au lieu des 95 prévus dans le contrat pluriannuel. Ce changement de rythme dans la diminution des effectifs implique un surcoût de 1,8 million d’euros pour l’opérateur sur sa masse salariale, qui n’est pas compensé par le projet de loi de finances.

Toutefois, c’est sur une autre anomalie relative aux effectifs que je souhaite aujourd’hui appeler votre attention. En effet, les élèves en formation à l’École nationale de la météorologie sont comptés dans le plafond d’emplois de l’opérateur. Cela représente 120 emplois même si, à l’heure actuelle, le nombre d’étudiants ne dépasse pas 80. Par conséquent, Météo-France se trouve contraint d’arbitrer entre la préservation de ses emplois actuels nécessaires à son bon fonctionnement et le renouvellement futur de ses cadres grâce aux élèves en formation.

Ce n’est pas là un principe de bonne gestion ; les deux catégories d’emplois devraient être séparées. C’est pourquoi, à défaut de pouvoir isoler les effectifs dans une autre mission, je vous proposerai de relever le plafond d’emplois de l’opérateur du nombre d’emplois correspondant aux effectifs de l’École nationale de la météorologie, c’est-à-dire 120 ETPT, afin de les sanctuariser.

Enfin, je termine par l’IGN qui connaît une baisse de 10 ETPT en 2022. L’IGN est confronté aux effets de la gratuité totale des données qui crée un effet ciseau. En effet, d’un côté, l’IGN a subi une baisse de ses recettes commerciales d’environ 1,5 million d’euros ; de l’autre, il doit couvrir des frais de fonctionnement toujours plus importants pour mettre à disposition du public des données géographiques toujours plus nombreuses. Si pour l’instant, les crédits issus du plan de relance lui permettent de maintenir un équilibre financier positif, il faudra surveiller attentivement l’évolution de celui-ci dans les prochaines années.

Je présenterai deux amendements qui sont le fruit des travaux de la mission d’information sur la prolifération des plantes invasives dont Mme Nadia Essayan et moi étions les corapporteurs. Il s’agit d’accompagner financièrement les acteurs dans ce combat.

Je tiens enfin à remercier, puisque c’est le dernier budget de la législature, ceux qui m’ont précédé dans le rôle de rapporteur pour avis, MM. Yannick Haury et Adrien Morenas, et à saluer les travaux de ce dernier sur la ressource en eau.

M. Adrien Morenas (LaREM). Les conclusions du rapport de M. Patrice Perrot témoignent du succès du travail collégial que nous effectuons en commission pour élaborer des réponses efficaces face aux enjeux de biodiversité, de gestion de la ressource en eau et de protection des espaces naturels.

La hausse globale des crédits comme du nombre d’emplois du programme 113 ainsi que la préservation des moyens humains et des ressources des agences de l’eau sont des motifs de satisfaction. Il nous faut cependant rester attentifs à certains sujets dont les répercussions sur le programme seront importantes : la recherche sur les méthodes d’irrigation, les conclusions du Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, ou encore l’insuffisante prise en compte de l’eau dans le plan France 2030 – la liste n’est pas exhaustive. Les enjeux sont colossaux et le travail qui reste à accomplir est immense.

Arrêtons-nous sur les crédits du programme 159, une fois encore en demi-teinte. Le CEREMA, Météo-France et l’IGN, pour lesquels nous nous battons depuis 2017, demeurent en difficulté. La spirale de baisse des ETPT doit être enrayée. Face à la réalité du changement climatique et à ses manifestations de plus en plus violentes, nous ne pouvons plus nous priver des seuls outils d’expertise dont nous disposons. Je salue donc l’initiative de notre rapporteur pour avis de déposer des amendements pour préserver ces outils. Il nous faudra les soutenir.

Enfin, je salue le travail de notre rapporteur pour avis, aux côtés de Mme Nadia Essayan, sur la lutte contre la prolifération des plantes invasives, dont les conclusions sont alarmantes. Nous devons nous donner les moyens financiers et humains de préserver la biodiversité face à ce fléau exotique. Là aussi, un soutien aux amendements déposés me semble bienvenu.

M. Jean-Marie Sermier (LR). Dans la guerre contre le changement climatique, nous avons perdu la première grande bataille. Nous n’atteindrons pas les objectifs fixés dans l’accord de Paris et les scénarios sont désormais bien plus pessimistes.

Dans ce contexte, nous pouvions attendre un engagement plus fort de la part du Gouvernement, en dépit des 15 millions d’euros supplémentaires mis en avant par le rapporteur pour avis. Ainsi, alors que les forêts françaises sont victimes du changement climatique – dans le Jura, le scolyte fait des ravages –, l’ONF devrait bénéficier de moyens accrus pour les protéger.

Vous soulignez le maintien des crédits des agences de l’eau, mais c’est bien le moins puisque vous leur aviez retiré 500 millions d’euros au début du quinquennat. Ces dernières jouent un rôle essentiel pour étudier les enjeux liés à l’eau – je pense au trait de côte qui est appelé à reculer au fur et à mesure de la montée des océans – mais aussi pour gérer l’eau potable et l’eau d’irrigation. Elles devraient par exemple être dotées de moyens pour réfléchir aux retenues collinaires qui permettent d’éviter les inondations en cas d’épisodes pluvieux importants et de disposer de réserves d’eau en cas de sécheresse.

Les 15 millions d’euros supplémentaires, s’ils sont les bienvenus, ne sont pas à la hauteur des enjeux des programmes 113 et 159.

Mme Nadia Essayan (Dem). Le groupe Mouvement démocrate et Démocrates apparentés est sensible à la hausse du budget de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » dans le projet de loi de finances pour 2022. En effet, les autorisations d’engagement s’accroissent de 1,4 % et les crédits de paiement de 2,4 % par rapport à l’année dernière. Cela permettra de préserver les effectifs des agences de l’eau, de l’Office français de la biodiversité et du Conservatoire du littoral, essentiels pour faire face aux défis actuels.

Nous appelons toutefois votre attention sur la nécessité de renforcer les moyens de l’OFB, notamment pour la police de l’environnement : il est nécessaire de faire respecter les règles en matière de protection de l’environnement et il reste beaucoup à faire en la matière, comme le montre l’engrillagement sauvage des forêts.

Il convient aussi, conformément aux préconisations du rapport d’information que j’ai rédigé avec M. Patrice Perrot, de renforcer la sous-action 05 de l’action 07 du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » afin d’endiguer la prolifération des plantes invasives, notamment de certaines espèces exotiques. Il est urgent de prendre la mesure du problème et de se donner la capacité de le résoudre, en augmentant les moyens dédiés à la recherche, au contrôle, au traitement des zones dès l’apparition de ces plantes et à la sensibilisation du public. Il importe en outre de mieux de coordonner l’action des acteurs sur le terrain, en favorisant le partage des expériences réussies. La question des plantes invasives vaudrait la peine d’être traitée sérieusement parce qu’elle est susceptible de créer des emplois verts et qu’il s’agit d’une des principales menaces pour la biodiversité. J’espère que l’examen de ce projet de loi de finances nous en fournira l’occasion.

M. Gérard Leseul (SOC). S’il est indéniable que le programme 113, support des politiques de l’eau, de la biodiversité et de la protection du littoral, prend en considération les urgences, il le fait de manière insuffisante. L’augmentation des autorisations d’engagement à hauteur de 15 millions d’euros est un premier pas trop timide vu l’ampleur des défis environnementaux auxquels nous sommes confrontés.

La stabilité, voire la légère hausse des effectifs des principaux opérateurs – agences de l’eau, Conservatoire du littoral, mais augmentation sensible pour l’OFB –  sont à saluer. Toutefois, après des années de réduction des effectifs, des années à vouloir faire plus avec moins, on ne peut pas se contenter de cette légère rectification de trajectoire. Les postes créés dans les parcs nationaux sont d’ailleurs très largement concentrés sur deux d’entre eux, à savoir le plateau de Langres, aux confins de la Champagne et de la Bourgogne, et le parc national des Calanques. Tous les autres sont laissés de côté, ce qui ne répond absolument pas aux besoins observés sur le terrain.

Les moyens alloués à l’Office national des forêts sont eux aussi insuffisants et la suppression de 95 ETP va complètement à l’opposé des besoins actuels. L’avenir de la forêt publique en tant que bien commun doit être préservé. Or l’ONF est affaibli par une dette croissante et par le manque de personnel. La totalité des rapports et des publications font état d’une situation de sous-effectif qui ne permet pas aux agents de l’ONF de remplir pleinement leurs missions, lesquelles, par ailleurs, s’étendent. Les conditions de travail se détériorent et la souffrance au travail s’accroît de manière alarmante. Pour faire face aux enjeux climatiques et à une crise structurelle entretenue par un sous-investissement chronique qui a été dénoncé par la Cour des comptes, des investissements considérables devraient être envisagés et les effectifs sécurisés.

Mme Valérie Petit (Agir ens). Le groupe Agir ensemble se prononcera en faveur de l’adoption des différents crédits examinés cet après-midi.

Pour ce qui concerne plus particulièrement le programme « Paysages, eau et biodiversité », on ne peut qu’être satisfait par l’augmentation de 15 millions d’euros de ses crédits cette année. À travers la quinzième conférence des parties à la convention sur la diversité biologique (COP 15), le Congrès mondial de la nature ou le One Planet Summit, nous avons pris des engagements très forts, sur le plan national comme sur le plan international, en matière de biodiversité. Et quand l’ambition est forte, les moyens doivent suivre, à commencer par ceux que nous donnons à nos agents sur le terrain. L’an passé, dans cette même salle, je m’étais inquiétée des réductions d’effectifs à l’OFB. Je me réjouis évidemment que, cette année, le budget de ce dernier soit passé de 51,2 millions à 53,2 millions d’euros et que le plafond d’emplois ait été rehaussé de cinq ETP, mais cela ne compense pas les vingt ETP perdus en 2021. Nous faisons montre d’ambition dans les congrès mais sur le terrain, on manque d’hommes et de femmes susceptibles d’apporter leur expertise. Il faut que l’OFB dispose de plus d’ETP, ne serait-ce que pour accélérer le déploiement des agences régionales de la biodiversité. J’aimerais donc, monsieur le rapporteur pour avis, avoir l’assurance que l’on va accroître, dans les années qui viennent, les moyens de l’OFB.

Mais les moyens, ce sont aussi ceux que l’on donne à nos concitoyens. L’an dernier, j’avais regretté que l’on rabote les dépenses fiscales jugées inefficaces. On choisit aujourd’hui de supprimer pour ce motif la réduction d’impôt au titre des dépenses réalisées sur certains espaces naturels en vue du maintien et de la protection du patrimoine naturel. De fait, personne n’investit dans ce dernier – mais on ne peut pas savoir ce que ce dispositif donnerait s’il était utilisé comme un véritable levier pour inciter nos concitoyens à s’engager dans la protection et la restauration de la biodiversité. Nous sommes au milieu du gué, et je ne sais pas si le signal que l’on envoie est le meilleur.

M. Guy Bricout (UDI-I). Les crédits que nous examinons cet après-midi sont stratégiques pour la transition écologique et énergétique, et particulièrement importants à la veille de plusieurs rendez-vous cruciaux en la matière : la vingt-sixième conférence des parties à la convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP 26) entamera ses travaux dans quelques jours et la COP 15 se déroulera durant la présidence française de l’Union européenne.

Plusieurs lignes budgétaires sont particulièrement satisfaisantes. Les crédits du programme 113 « Paysages, eau et biodiversité » augmentent ainsi de 15 millions d’euros, soit 6,5 %. Néanmoins, si l’on y regarde de plus près, on constate que les budgets consacrés à ces politiques reposent en grande partie sur le plan de relance. Ainsi, une partie du budget de la politique de l’eau provient du programme 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance », à raison de 250 millions d’euros pour le versement d’aides au petit cycle de l’eau et de 10 millions d’euros pour la restauration écologique des cours d’eau. En outre, au-delà des effets d’annonce, les effectifs des agences de l’eau, dont le rôle est primordial et les missions de plus en plus importantes, sont seulement stabilisés, après avoir connu une baisse de 2,5 % par an : autant dire que cette disposition est loin de répondre aux besoins du terrain.

À cet égard, le groupe UDI-I tient à rappeler combien nos territoires doivent plus que jamais être appuyés dans leurs entreprises en faveur de la biodiversité et de la protection des paysages et des ressources naturelles. Nous nous inquiétons de la baisse des effectifs au sein des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (DREAL) et des directions départementales des territoires (DDT). Comment analysez-vous ce phénomène, monsieur le rapporteur pour avis ?

J’ai déposé un amendement visant à mettre fin à la fonte des effectifs de l’ONF. Il est aberrant qu’alors que le budget consacré à la gestion des forêts augmente de 2,3 millions d’euros, l’objectif demeure la suppression de 475 postes dans les cinq ans. Il semblerait logique que les effectifs conservent leur niveau actuel et que l’on enraye leur diminution afin de garantir une gestion sylvicole de qualité dans les prochaines années. On ne peut pas confier toujours de nouvelles missions à nos organismes sans leur donner en regard les moyens humains nécessaires.

Par ailleurs, notre politique de biodiversité souffre souvent d’un manque de moyens humains dédiés au contrôle.

Nous nous inquiétons de la baisse des crédits affectés au programme 159, qui comprend les subventions à Météo-France, à l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) et au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA).

Concernant la lutte contre les espèces envahissantes, un fléau que ma région connaît bien, comment analysez-vous la situation ? Les moyens mobilisés vous semblent-ils à la hauteur des besoins ?

Mme Mathilde Panot (FI). Il y a quelques semaines, le groupe 1 du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a présenté son rapport, paru en août, devant notre commission. Celui-ci montre qu’un certain nombre de changements sont d’ores et déjà irréversibles. Or je crains que les crédits que vous nous présentez ne tirent pas les leçons de ce rapport et ne tiennent pas compte de l’urgence.

On continue à réduire les effectifs dans le ministère et dans les agences – de manière certes moins importante que les années précédentes, mais on va aller jusqu’à l’os. Météo-France ayant demandé un étalement de la suppression des quatre-vingt-quinze ETP prévue pour 2022, il y en aura soixante en moins cette année et trente-cinq l’année prochaine. Les effectifs du CEREMA sont encore réduits de quarante ETP. L’IGN en perd dix et quatorze sont transférés à l’ONF. L’OFB ne subit pas de suppressions de postes cette année, mais il avait perdu vingt ETP l’année dernière et un avait été transféré ailleurs. Nous avons pourtant besoin plus que jamais de disposer d’une expertise publique, vu que nous nous trouvons dans une impasse.

Alors que les forêts devraient être observées et analysées avec une attention encore plus grande, l’Office national des forêts a perdu 40 % de ses effectifs en quelques décennies ; 95 postes seront encore supprimés cette année et des centaines dans les années à venir.

Quelques mots pour terminer sur l’eau, enjeu numéro un pour l’avenir. La commission d’enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau par les intérêts privés et ses conséquences, composée de trente députés de tous bords, avait souligné la nécessité de redonner des moyens aux agences de l’eau. À la lecture de ce projet de loi de finances, on s’aperçoit que, malheureusement, elle n’a pas été écoutée.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. L’augmentation de 15 millions d’euros des crédits du programme 113 est un bon pas en avant, d’autant qu’elle est fléchée vers la protection de la biodiversité, richesse de nos territoires. Je remercie les intervenants qui l’ont relevé.

Une partie des hausses de crédits bénéficiera aux missions d’intérêt général de l’ONF, dont le budget passe de 10 à 14 millions d’euros. C’est un geste de soutien fort à cet établissement public dont chacun connaît les difficultés. Par ailleurs, 30 millions d’euros ont été alloués à la forêt dans le cadre du plan de relance, ce qui n’est pas rien. Je rappelle aussi que l’essentiel du budget de l’ONF est financé par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

Nous avons déjà obtenu de belles avancées sur la ressource en eau et ses usages grâce aux travaux menés dans le cadre de notre commission. Les agences de l’eau voient leurs effectifs et leur budget stabilisés ; les 300 millions d’euros alloués dans le cadre du plan de relance, déjà bien consommés, attestent de l’ampleur des besoins et des difficultés rencontrées par les collectivités locales pour déployer leurs investissements.

Sur les solutions telles que les retenues collinaires, de nombreux travaux sont menés. Il faut continuer d’avancer. Compte tenu des évolutions climatiques, il est certain que la question de l’eau nous occupera et nous préoccupera encore longtemps, et nos descendants après nous.

Le présent budget permet de mener la guerre contre le changement climatique avec les bras armés que sont les agences de l’eau, l’ONF et tous les opérateurs dont la restructuration, pour difficile qu’elle soit, doit être poursuivie. Nous sonnons l’alarme depuis plusieurs années sur la réduction des effectifs des opérateurs : il me semble que nous avons été entendus, comme en témoigne la création de 40 postes dédiés aux parcs naturels nationaux – ceux-ci ont bénéficié de 30 millions d’euros et devraient recevoir 20 millions supplémentaires dans le cadre du plan de relance.

Il est vrai que les organisations syndicales font régulièrement part des difficultés rencontrées par l’OFB, mais il faut laisser du temps au temps. Issu de la fusion de deux agences dont les attributions étaient assez éloignées, cet établissement est encore jeune. La préservation de ses moyens financiers, que le plan de relance renforcera à hauteur de 85 millions d’euros, ainsi que celle de ses effectifs, étaient absolument nécessaires, comme je l’indiquais dans mon précédent rapport. Nous devrons suivre dans nos territoires l’évolution de ce bel organisme que nous avons eu la chance de créer et de mettre sur les rails.

Mme Nadia Essayan et moi-même avons mené une mission d’information sur la lutte contre les plantes invasives. Tous les territoires sont confrontés à ce phénomène ; l’expérience des territoires d’outre-mer peut nous aider à mener le combat en métropole. Les auditions ont montré que 2 ETP ont été créés au sein de la direction générale de l’aménagement, du logement et de la nature (DGALN), et qu’un financement d’environ 1,2 million d’euros a été attribué, ce qui est nettement insuffisant au regard de l’enjeu. Je défendrai un amendement visant à augmenter cette subvention, afin de sensibiliser le public, de mener des actions de prévention et de soutenir les travaux de recherche. J’espère qu’une coordination verra bientôt le jour pour accompagner les collectivités locales, souvent démunies.

Si le pilotage des effectifs des DREAL ne relève pas du programme 113, ce sont elles qui mettent en œuvre ces actions. Vous rappelez avec raison que le maintien des compétences dans les territoires, au sein des CEREMA, des DDT et des DREAL, est un véritable enjeu. S’agissant de la qualité des contrôles menés par ces opérateurs, il faut aller plus loin. En l’absence de gendarme, les comportements n’évoluent qu’à la marge. Nous devons entrer dans une culture du contrôle.

En matière de fiscalité environnementale, je considère, à titre personnel, que toute solution est bonne à prendre. Récemment encore, dans l’hémicycle, nous avons défendu ce principe pour soutenir la politique de la forêt. Malheureusement, nous nous y sommes cassé les dents, comme souvent. Nous n’en sommes qu’aux premières marches.

Article 20 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CD50 de Mme Chantal Jourdan.

M. Gérard Leseul. Le Gouvernement a choisi de maintenir la trajectoire définie par le contrat entre l’État et l’ONF pour les années 2021-2025. D’après les documents budgétaires, le schéma de réduction d’emplois vise à « réduire sa masse salariale et concourir au rééquilibrage de son modèle économique ». En somme, on demande à l’ONF de faire plus avec moins d’effectifs, ce qui n’est pas raisonnable. Notre amendement vise à augmenter les moyens alloués à l’ONF de 15 millions d’euros pour maintenir ses effectifs et lui permettre de jouer pleinement son rôle, compte tenu des enjeux environnementaux et des difficultés de la filière bois.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Chacun ici le sait, la situation de l’ONF est particulièrement compliquée : à la fin de l’année, son déficit atteindra 50 millions d’euros, ce qui devrait porter son endettement à environ 450 millions.

Le Gouvernement agit de plusieurs façons. Dans le budget pour 2022, sa contribution passe de 10 à 14 millions d’euros. Dans le cadre de France relance, le plan de reboisement des forêts françaises et de soutien à la filière bois est doté de 200 millions d’euros. En 2021, 30 millions d’euros ont été versés et l’an prochain, une deuxième tranche financera la plantation de 45 000 hectares de forêt. Cela permet de conforter certaines actions de l’ONF.

Nous devons nous inscrire dans le temps long. Le déficit de l’ONF est abyssal, mais sa trajectoire donne des raisons d’espérer. Avis défavorable.

Mme Mathilde Panot. Non, monsieur le rapporteur pour avis, nous ne pouvons pas attendre ! Vous parlez de temps long, mais vos propos sur le déficit de l’ONF s’inscrivent dans le temps court. Ceux qui ont été maires de communes forestières ici ont bien conscience de l’utilité de l’ONF ! Au cours des vingt dernières années, ses effectifs ont été réduits de 40 %, ce qui fait que le périmètre dont un agent a la charge est trois, quatre ou cinq fois plus grand.

Les plantations de type industriel réduisent de beaucoup la résilience face au dérèglement climatique des forêts, par ailleurs fragilisées par l’invasion d’espèces comme les scolytes. Sans l’expertise humaine de l’ONF, nous allons droit dans le mur. Combien coûtera la disparition de ces puits de carbone indispensables ? Quels en seront les effets sur l’air que nous respirons et sur l’eau que nous buvons ?

Il est une réalité qui devrait vous faire réagir, chers collègues : depuis 2002, cinquante agents de l’ONF se sont suicidés, soit davantage, rapporté aux effectifs, qu’à France Télécom. La souffrance est énorme. Nous avons besoin de cette expertise publique ! Je soutiendrai cet amendement.

M. Adrien Morenas. Le groupe La République en Marche votera contre, pour une raison simple : le patient est malade. Je veux bien qu’on parle de suicides ou d’autres sujets, mais il faut avant tout donner à cet organisme les moyens de travailler et de lancer les grands programmes de restructuration des forêts. Une fois que nous aurons réduit le déficit, nous pourrons améliorer les conditions de travail de ces personnels, qui font du mieux qu’ils peuvent.

M. Gérard Leseul. Cette argumentation me surprend : l’ONF est malade, donc on le sacrifie ?

M. Adrien Morenas. On ne le sacrifie pas, on lui donne de l’argent, en essayant de le faire le mieux possible.

Mme Mathilde Panot. Faire mieux avec moins, cela n’existe pas ! Nous avons besoin de l’expertise humaine en forêt. Nous avons besoin de gens capables de dire quels arbres il faut prélever pour que les autres poussent. Nous avons besoin de savoir comment les essences interagissent, à l’heure où des parcelles entières s’assèchent en Europe.

Le pire, c’est que l’on cantonne les agents de l’ONF au rôle de préleveurs de bois, en négligeant les multiples fonctions qui composent leur métier : auparavant, ils accompagnaient des classes en forêt pour expliquer le fonctionnement des écosystèmes, participaient aux études sur la biodiversité, aidaient à déterminer où et comment il fallait intervenir ; aujourd’hui, ils ne connaissent plus le terrain.

Je donne l’alerte : nous augmentons de façon démentielle le prélèvement de bois dans les forêts et nous tuons à petit feu le service public qui en est chargé. La même logique prévaut pour les services publics, comme l’hôpital – et nous nous en mordons les doigts – : à la fin, c’est l’intérêt général qui en prend un coup.

M. Guy Bricout. Je soutiens moi aussi cet amendement. Élu d’une circonscription rurale, je sais l’importance des agents de l’ONF. Nous passons notre temps à dire que la forêt est l’avenir et nous nous plaignons que les Chinois, les Espagnols et d’autres viennent nous piquer nos arbres. Il faut absolument consacrer toute notre énergie aux forêts. Les effectifs de l’ONF sont insuffisants !

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Une augmentation de 4 millions d’euros, ce n’est pas rien : ces crédits financeront précisément l’observation et l’évolution des forêts. L’ONF nous a permis de traverser la crise sanitaire, notamment grâce à l’abattage massif d’arbres, dans le Jura et le Morvan. S’agissant de l’évolution des effectifs, les détecteurs du service rendu à la forêt doivent être mobiles, ce qui n’était pas intégré dans la culture de l’ONF. D’ailleurs, une approche globale des effectifs de l’ONF montrerait que l’office emploie quasiment le même nombre de personnes qu’il y a vingt ou vingt-cinq ans, mais à des tâches différentes.

Mme Mathilde Panot. Je vous assure que non !

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Par ailleurs, l’objectif du plan de reboisement des forêts françaises est de planter 45 000 hectares de forêt, qui permettront de capter plus de CO2. Nous pouvons compter sur l’expertise des agents de l’ONF et sur ce budget.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD89 de Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Monsieur le rapporteur pour avis, les aides du fonds Forêt qui permettront de financer ces plantations d’arbres ne sont assorties d’aucune condition. Cela pose problème s’il s’agit de faire à nouveau de la monoculture, comme dans le Morvan où la moitié des forêts de feuillus ont été remplacées par des cultures de pins Douglas – ce qui a d’ailleurs suscité de grandes batailles citoyennes. Comme le démontre un rapport européen, ne pas laisser vieillir les forêts réduit leur rôle de captation du CO2.

Cet amendement concerne les agences de l’eau. La loi de finances pour 2021 a introduit le plafonnement des redevances qu’elles perçoivent et y a intégré la part de redevances pour pollutions diffuses versées à l’OFB, au titre du financement du plan Écophyto. Or les moyens financiers des agences de l’eau sont insuffisants, bien des auditions menées dans le cadre de la commission d’enquête relative à la mainmise sur la ressource en eau l’ont montré !

L’eau est un défi majeur pour l’humanité. D’ores et déjà, les cycles de l’eau sont profondément perturbés par le dérèglement climatique.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Les difficultés sont de deux ordres : l’existence d’un plafond, fixé à 2,191 milliards d’euros depuis le PLF pour 2021, et la mobilisation d’une partie des ressources sous plafond pour le financement d’autres politiques publiques, notamment la préservation de la biodiversité.

Toutefois, le budget pour 2022 préserve les effectifs et les moyens des agences de l’eau. En outre, dans le cadre du plan de relance, 300 millions d’euros sont destinés à sécuriser des infrastructures de distribution d’eau potable en métropole et outre-mer. Enfin, le programme « Écologie » de la mission « Plan de relance » prévoit 10 millions d’euros pour la restauration écologique des cours d’eau.

Les crédits des agences de l’eau sont donc confortés. Certes, il faudra veiller à ce que les ressources humaines suivent. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD44 du rapporteur pour avis.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Cet amendement est issu des propositions du rapport de la mission d’information sur la prolifération des plantes invasives que nous avons rendu avec Mme Nadia Essayan.

Le Gouvernement a prévu 1,2 million d’euros pour 2022, alors que nous l’avons enjoint d’allouer un budget plus important à la lutte contre ces plantes exotiques qui ravagent la biodiversité. Je propose de porter ces crédits à 3 millions d’euros en transférant 1,8 million d’euros du programme 174 « Énergie, climat et après-mines ».

Mme Nadia Essayan. Lors de nos travaux, nous savions déjà qu’il faudrait beaucoup plus que ces 3 millions d’euros, mais c’est une première marche. Il faut prendre conscience de la menace que constituent ces plantes pour la biodiversité. Divers acteurs proposent déjà des initiatives très intéressantes, mais l’État doit prendre sa part et soutenir à la fois la recherche, la sensibilisation et le traitement sur le terrain.

Les parlementaires doivent être à la pointe du combat : il ne s’agit pas d’éradiquer les plantes invasives – ce n’est pas possible – mais de les gérer autrement, et mieux, tout en soutenant les diverses actions de terrain. Je vous demande de voter cet amendement.

La commission adopte l’amendement.

L’amendement II-C45 du rapporteur pour avis est retiré.

Amendement II-CD82 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Mme Mathilde Panot. Lors des débats sur le PLF pour 2020, nous vous avions alertés sur les risques que représentait la fusion entre l’Agence française de la biodiversité (AFB) et l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS). Nous avions raison : l’an dernier, 20 ETP ont été supprimés et 1 ETP a été transféré, alors que l’OFB est un opérateur indispensable à la protection de l’environnement. Nous ne pensons pas qu’il est possible de faire mieux avec moins.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Dans le PLF pour 2022, la subvention pour charges de service public versée à l’OFB passe de 51,5 à 53 millions d’euros pour prendre en compte le transfert des laboratoires d’hydrologie et le plafond d’emplois est relevé de 5 ETP : les moyens traditionnels de l’OFB sont donc préservés. En outre, il est bénéficiaire de 85 millions d’euros au titre du plan de relance. L’action de l’OFB est donc bien confortée. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD98 du rapporteur pour avis.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Après avoir subi une baisse annuelle moyenne de 2,3 % depuis 2015 – soit un total de 27 millions d’euros –, la subvention pour charges de service public du CEREMA baisse encore de 3,3 millions.

L’IGA et le CGEDD, dans leur rapport paru en juin, font le constat que « le pronostic vital de l’établissement apparaît aujourd’hui engagé sur sa trajectoire financière actuelle » et recommandent de stabiliser les moyens du centre. Cette alerte, qui provient des services de tutelle, est impartiale et ne peut être ignorée. C’est une préoccupation que j’exprime moi-même depuis plusieurs exercices.

Ce soutien paraît d’autant plus nécessaire que le CEREMA prend part au programme national Ponts – dispositif de France relance – et au projet Sentier du littoral « France vue sur mer ». En outre, l’article 48 du projet de loi dit « 3DS », prévoit de rapprocher le CEREMA des collectivités territoriales et de leurs groupements, pour en faire un centre partagé entre l’État et les collectivités.

Il convient donc de préserver le CEREMA : l’amendement prévoit un transfert de 3 millions d’euros pour maintenir son cadre budgétaire.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CD81 de M. Éric Coquerel.

Mme Mathilde Panot. Alors que le CEREMA est un opérateur indispensable à la planification de la bifurcation écologique, 40 ETP doivent être supprimés – 363 l’ont été depuis le début du quinquennat, ce qui est énorme. C’est un des opérateurs qui a subi le plus de suppressions de postes.

Or le CEREMA, c’est la garantie d’une ingénierie publique pluricompétente sur les infrastructures, les ouvrages d’art, le recul du trait de côte et les risques de submersion qui en résultent, la mesure de la houle, etc. En continuant à supprimer des postes au CEREMA, on laisse le champ libre au privé… Si le CEREMA n’avait pas mené sa propre expertise publique sur un pont, dont un opérateur privé – dont je tairai le nom – avait dit qu’il allait s’effondrer, jamais la collectivité n’aurait su qu’elle pouvait conserver, sans problème, cet ouvrage d’art !

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Je partage votre analyse, mais l’amendement que nous venons d’adopter satisfait votre demande.

L’amendement est retiré.

Amendement II-CD83 de Mme Mathilde Panot.

Mme Mathilde Panot. Le Gouvernement continue de supprimer des postes à Météo-France : alors que 379 ETP ont déjà disparu depuis 2017, le PLF prévoit la suppression de 60 ETP en 2022 – 35 ETP seront encore supprimés en 2023.

Le dernier rapport du GIEC évoque un dérèglement climatique irréversible sur certains points. Les phénomènes climatiques extrêmes s’enchaînent – regardez ce qui s’est passé à Marseille – ; ils sont malheureusement de plus en plus violents et se caractérisent par leur imprévisibilité. Nous avons plus que jamais besoin de l’expertise de Météo-France.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Je partage votre constat. Météo-France doit avoir les moyens de nous accompagner. L’opérateur, comme d’autres, arrive au terme d’un long processus de restructuration. L’intégration des étudiants de l’École nationale de la météorologie (ENM) dans le plafond d’effectifs est une incohérence que j’ai relevée : je vous proposerai d’augmenter le plafond d’emplois de l’opérateur des 120 ETP correspondants, ce qui va bien au-delà de votre proposition.

L’amendement est retiré.

Amendement II-CD84 de M. Loïc Prud’homme.

Mme Mathilde Panot. Sur les 1 542 postes que comptait l’IGN en 2017, il n’en reste plus que 1 471, soit une baisse de 71 ETP ; le PLF pour 2022 prévoit encore la suppression ou le transfert de 24 ETP.

C’est un contresens historique que de continuer à supprimer les postes de cet opérateur de référence pour observer, décrire et mesurer le territoire. L’IGN intervient dans des domaines aussi variés que le calcul des parcelles agricoles, la cartographie des habitats naturels, le calcul de l’indice de référence mondiale pour surveiller les changements climatiques, le suivi des phénomènes d’érosion côtière ou les prises de vues aériennes d’urgence pour anticiper les inondations.

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. L’IGN connaît une baisse de 10 ETP en 2022, ce qui est beaucoup moins que les années précédentes. Le principal problème de l’IGN est lié aux effets de la gratuité totale des données. Il aurait sans doute été sage de la compenser.

Pour l’instant, les crédits du plan de relance lui permettent de maintenir un équilibre financier positif et de continuer à investir, mais il faudra être attentif à la situation de l’opérateur dans les prochaines années. Avis défavorable.

M. David Lorion, rapporteur pour avis. En tant que géographe, je regrette que l’IGN ne dispose d’aucun bureau outre-mer.

La commission rejette l’amendement.

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La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables modifiés.

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Article 25 : Plafonds des emplois des opérateurs de l’État

Amendements II-CD100 et II-CD99 du rapporteur pour avis (discussion commune).

M. Patrice Perrot, rapporteur pour avis. Météo-France fait partie des opérateurs les plus touchés par les mesures de restructuration de ces dernières années. Dans le PLF pour 2022, ses effectifs sont réduits de 60 ETP, ce qui est assez violent.

Je propose de corriger une anomalie : les élèves de l’ENM sont comptés dans le plafond d’emplois de l’opérateur, ce qui représente 120 emplois – même si, à l’heure actuelle, les étudiants sont moins de 80. Météo-France se retrouve ainsi à devoir choisir entre le renouvellement de ses cadres et le maintien de ses effectifs. Or les deux dimensions devraient être séparées. Je propose donc de relever le plafond d’emplois de 120 ETP. Je suis contraint par les règles budgétaires de les prélever sur les effectifs de la Société du Grand Paris (SGP) mais j’espère que le Gouvernement pourra lever cette contrepartie.

M. Adrien Morenas. Un amendement similaire avait été déposé en 2019 et la présidente de la commission l’avait soutenu – gageons qu’au banc du Gouvernement, elle fera de même…

La commission adopte l’amendement II-CD100.

En conséquence, l’amendement II-CD99 tombe.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 25 modifié.

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

(par ordre chronologique)

 

Ministère de la transition écologique et solidaire

Direction de l’eau et de la biodiversité

M. Olivier Thibault, directeur

France Nature Environnement*

M. Christian Hosy, coordinateur du réseau « Biodiversité »

M. Alexis Guilpart, coordinateur du réseau « Eau et milieux aquatiques »

Office national des forêts (ONF)

M. Bertrand Munch, directeur général

M. Albert Maillet, directeur « Forêts et risques naturels »

Météo France

Mme Virginie Schwarz, présidente-directrice générale

M. Philippe Gonzalez, secrétaire général

Institut national de l’information géographique et forestière (IGN)

M. Sébastien Soriano, directeur général

Mme Jeanne Strausz, secrétaire générale

Agence de l’eau Loire-Bretagne

M. Martin Gutton, directeur général

Agence Rhône-Méditerranée-Corse

M. Laurent Roy, directeur général

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 

 


([1]) https://www.ecologie.gouv.fr/sites/default/files/DELANNOY_BIODIV_Rapport_Final_20161117.pdf

[2] Proposition de scénarios de financement des politiques publiques de préservation des ressources en eau, de la biodiversité et des milieux marins, rapport n° 010447-01 établi par M. Philippe Bellec, Mme Patricia Corrèze-Lénée, M. Patrick Lavarde (coordinateur), juillet 2016.

([3]) Loi n° 2009-967 du 3 août 2009 de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement.

 

([4]) Loi n° 2016-1087 du 8 août 2016 pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.

([5])  Rapport d’information en application de l’article 145 du Règlement, par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire sur la prolifération des plantes invasives et les moyens pour endiguer cette situation, n° 4391, déposé le mercredi 21 juillet 2021.

https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/rapports/cion-dvp/l15b4391_rapport-information

[6] http://www.cgedd.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/rapport_no_013725-01_cle7e4d1f.pdf