—  1  —

N° 4527

______

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2021.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482)

TOME II

AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

AGRICULTURE ET ALIMENTATION

PAR M. Jean-Bernard Sempastous

Député

——

 

 

 

 

 

 Voir les numéros : 4482 et 4524 (Tome III, annexe 4)

 


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

Introduction

PREMIÈRE PARTIE : ANALYSE BUDGÉTAIRE

I. un effort financier global considérable

II. Présentation des crédits de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »

A. le programme 149 « compétitivitÉ et durabilitÉ de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forÊt, de la pÊche et de l’aquaculture »

1. L’action n° 21 « Adaptation des filières à l’évolution des marchés »

2. L’action n° 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole »

3. L’action n° 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles »

4. L’action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires »

5. L’action n° 25 « Protection sociale »

6. L’action n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois »

7. L’action n° 27 « Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions »

8. L’action n° 28 « Pêche et aquaculture »

B. le programme 206 : « sÉcurité et qualitÉ sanitaires de l’alimentation »

C. le programme 215 « conduite et pilotage des politiques de l’agriculture »

III. le compte d’affectation spÉciale « dÉveloppement agricole et rural » (CASDAR)

SECONDE partie : le travail À façon en agriculture

I. Le travail À façon, une pratique traditionnelle entre Expansion et Mutation

A. Le travail À façon : de quoi parle-t-on ?

B. Le travail À façon change de nature et gagne en ampleur

C. Pourquoi le travail À façon se dÉveloppe-t-il ?

1. Une réponse aux besoins croissants de technicité et de main d’œuvre

2. Une solution pour se recentrer sur le cœur de son activité agricole

3. Un symptôme du manque d’attractivité du fermage

4. Une stratégie de transmission, voire de rente

II. certaines dÉrives nÉcessitent la mise en place d’un encadrement plus strict du travail À façon, en particulier dans sa forme intÉgrale

A. Le travail À façon, en particulier intÉgral, soulÈve des craintes lÉgitimes

1. Des conséquences néfastes en matière d’accès au foncier et de renouvellement des générations

2. Le spectre d’une agriculture sans agriculteur

B. Des pistes pour faire face aux dÉfis posÉs par le travail À façon

1. Assurer une forme de transparence : améliorer la connaissance et le suivi du phénomène

2. Adapter les outils juridiques

a. Envisager la création d’un cadre légal spécifique

b. Faire avancer les réflexions autour de la définition de l’agriculteur actif

3. Vers une réforme du statut du fermage

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 


—  1  —

   Introduction

Dans la continuité des budgets précédents, le projet de loi de finances pour 2022 affiche la volonté du Gouvernement de consolider et prolonger son action en faveur d’une agriculture souveraine, compétitive et engagée dans les transitions.

Le secteur agricole français a souffert en 2021 des répercussions de la crise sanitaire et de la violence de plusieurs aléas climatiques, à l’image du gel d’avril dernier. Ces difficultés conjoncturelles majeures sont révélatrices de défis plus structurels, auxquels notre modèle agricole fait aujourd’hui face : garantir à tous d’avoir accès à une alimentation saine et durable de qualité, reconquérir notre souveraineté alimentaire, avancer sur le chemin de la transition agro-écologique, assurer des revenus décents à nos agriculteurs et favoriser le renouvellement des générations.

En mettant précisément l’accent sur la transition agro-écologique, la sécurité sanitaire, la prévention et la gestion des crises, l’innovation, la formation des jeunes et le soutien au revenu des agriculteurs, le budget 2022 paraît à la hauteur des enjeux actuels. Ainsi, le budget de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » est consolidé : le volume total des crédits est reconduit, quasiment à l’identique par rapport à l’année précédente. Les crédits atteignent ainsi 3,03 milliards d’euros (Md€) en autorisations d’engagement (AE), soit une légère augmentation par rapport à 2021 (+ 0,18 %) et 3,01 Md€ en crédits de paiement (CP), ce qui représente une légère diminution (- 1,06 %). À ces crédits doivent également s’ajouter ceux du plan de relance, qui prévoit sur deux ans 1,3 Md€ pour l’agriculture. L’actualité du secteur agricole est également marquée par les négociations autour de la future politique agricole commune (PAC), dont le budget a, grâce aux efforts de la France, pu être maintenu au même niveau que celui de la période précédente. Au côté de l’effort financier, l’année 2021 aura également été une année riche en initiatives législatives parlementaires sur les questions agricoles, qui devraient permettre des avancées importantes pour le secteur, que l’on pense à la proposition de loi pour protéger les revenus des agriculteurs ([1]) ou aux discussions en cours autour de la proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires ([2]).

Votre Rapporteur soutient l’action du Gouvernement en donnant un avis favorable à l’adoption des crédits des programmes 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture », 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » et 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture ».

En outre, et dans le prolongement des discussions menées dans le cadre de la proposition de loi portant sur la régulation de l’accès au foncier agricole précitée, votre Rapporteur a choisi pour la seconde partie thématique de son avis d’approfondir la question du travail à façon dans le monde agricole. Si le travail à façon est une pratique ancienne du monde agricole, ce mode d’organisation du travail se développe aujourd’hui de façon importante et change de nature, en particulier avec le développement du travail à façon intégral. Cette dynamique suscite des craintes légitimes concernant l’accès au foncier et le renouvellement des générations. Plus globalement, c’est la figure et le métier même d’agriculteur qui pourraient être à terme menacés. Sans condamner en bloc ce modèle d’organisation du monde agricole, une action plus poussée des pouvoirs publics sur ce sujet paraît nécessaire.

 


—  1  —

   PREMIÈRE PARTIE :
ANALYSE BUDGÉTAIRE

I.   un effort financier global considérable

Les crédits de l’enveloppe alloués à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » s’élèvent à 3,03 Md€ d’euros en AE et 3,01 Md€ en CP.

Le soutien financier pour cette politique publique passe également par les crédits du plan de relance consacrés à l’agriculture, qui s’élèvent à 1,3 Md€ sur deux ans, pour les années 2021 et 2022. Ce financement est porté au sein des actions n° 5 « Transition agricole » et n° 6 « Mer » du programme n° 362 « Écologie » de la mission « Plan de relance » des projets de loi de finances pour 2021 et 2022. Les crédits du plan de relance se déclinent en trois axes : consolider et renforcer l’indépendance et la souveraineté alimentaire françaises ; accélérer la transition agro‑écologique pour disposer d’un système agricole et alimentaire durable ; accompagner l’adaptation de l’agriculture et de la forêt françaises aux conséquences du changement climatique. Au cours de l’année 2021, le plan de relance agricole a été renforcé à hauteur de 290 millions d’euros (M€) sur trois postes : 80 M€ sur la mesure « prime à la conversion des agroéquipements », 100 M€ via un doublement de l’enveloppe attribuée à la protection contre les aléas climatiques, et 110 M€ pour la forêt.

La maquette du budget 2022 comporte également des crédits qui bénéficient directement au secteur agricole, sans pour autant figurer dans la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ». Il faut ainsi citer les 382,4 M€ en AE et 377,9 M€ en CP du programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricoles » ainsi que les 1,527 Md€ du programme 143 « Enseignement technique agricole ». Comme l’année dernière, le compte d’affectation spéciale du développement agricole et rural (CASDAR) bénéficie quant à lui d’une enveloppe de 126 M€. À cela s’ajoutent également les crédits prévus dans le cadre du programme d’investissements d’avenir 4 (PIA 4).

Il convient également de mentionner les 10 Md€ pour l’année 2022 correspondant aux financements européens ainsi que les 7,5 milliards d’euros correspondant aux dispositifs fiscaux et sociaux ([3]). Au total, les moyens mobilisés pour mettre en application les politiques du ministère de l’agriculture et de l’alimentation atteignent donc 24,4 Md€ – hors PIA 4.

 

 

Crédits nationaux en faveur de l’agriculture pour 2022

(En euros)

Numéro de programme et intitulé

AE

CP

149

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture

1 775 025 947

 

1 764 622 967

 

206

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

614 259 581

611 383 631

215

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

641 609 665

630 907 119

TOTAL Mission agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

3 030 895 193

3 006 913 717

142

Enseignement supérieur et recherche agricoles

382 498 634

377 978 973

143

Enseignement technique agricole

1 527 076 402

1 527 159 934

775 & 776

Compte d’affectation spéciale développement agricole et rural

126 000 000

 

126 000 000

 

TOTAL

2 035 575 036

2 031 138 907

II.   Présentation des crédits de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »

Pour l’année 2022, l’enveloppe des crédits alloués à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » s’élève à 3,03 Md€ en AE et 3,01 Md€ en CP. Ce montant global est quasiment identique aux moyens alloués l’année précédente. On note une légère augmentation des crédits en AE (+ 0,18 %) et une légère baisse des crédits en CP (- 1,06 %). À périmètre de mission identique par rapport à la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021, la légère hausse des crédits s’explique principalement par l’augmentation des crédits des programmes 206 et 215, respectivement de 2,4 % et 1,4 % en AE et 2,1 % et 0,2 % en CP.


A.   le programme 149 « compétitivitÉ et durabilitÉ de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forÊt, de la pÊche et de l’aquaculture »

CrÉdits du programme 149
« compÉtitivitÉ et durabilitÉ de l’agriculture, de l’agroalimentaire,
de la forÊt, de la pÊche et de l’aquaculture »

(En euros)

Numéro et intitulé
du programme et de l’action

AE

CP

Ouvertes en LFI
2021

Demandées pour
2022

Ouverts en LFI
2021

Demandés pour
2022

149

Compétitivité et durabilité
de l’agriculture, de
l’agroalimentaire, de la
forêt, de la pêche et de
l’aquaculture

1 792 630 790

1 775 025 947

1 810 976 038

1 764 622 967

Variation (en %)

- 0,98 %

- 2,56 %

21

Adaptation des filières à
l’évolution des marchés

217 932 054

222 484 467

217 932 054

222 698 042

22

Gestion des crises et des aléas
de la production agricole

5 086 799

8 810 502

5 086 799

8 810 502

23

Appui au renouvellement
et à la modernisation
des exploitations agricoles

110 253 373

96 139 928

133 022 512

110 070 055

24

Gestion équilibrée et durable
des territoires

452 690 870

475 621 511

445 910 870

451 686 987

25

Protection sociale

207 367 110

130 367 110

207 367 110

130 367 110

26

Gestion durable de la forêt
et développement de la
filière bois

246 647 423

276 820 112

248 993 963

276 198 385

27

Moyens de mise en œuvre des
politiques publiques et gestion
des interventions

504 794 999

516 885 129

504 794 999

516 885 129

28

Pêche et aquaculture

47 858 162

47 897 188

47 867 731

47 906 757

Le programme 149 reste inchangé dans sa structure par rapport à la loi de finances pour 2021. Comportant 8 actions, ce programme constitue le pilier de la politique conduite par le ministère. Il relève de la responsabilité de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE). Il soutient financièrement les filières relevant du domaine du ministère de l’agriculture et de l’alimentation afin de favoriser la compétitivité des exploitations et des entreprises. Le programme 149 porte les cofinancements nationaux des mesures du second pilier de la PAC, dont l’appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations, le soutien au secteur agricole dans les zones soumises à des contraintes naturelles et les mesures en faveur de pratiques agricoles respectueuses de l’environnement et de la biodiversité. L’année 2022 est, comme l’indique le projet annuel de performances (PAP), une année de transition vers la nouvelle programmation qui débutera le 1er janvier 2023 dans le cadre de la réforme de la PAC, où de nombreux dispositifs seront transférés aux régions.

Dans le budget 2022, le programme 149 comporte 1,775 Md€ en AE et 1,765 Md€ en CP. Après deux années de fluctuation concernant les crédits du programme 149 (+ 8 % en AE en 2020, - 4,8 % en AE l’année dernière), l’année 2022 est marquée par une légère baisse des crédits alloués à ce programme (- 0,98 % en AE et - 2,56 % en CP). Cette relative stabilité masque néanmoins des évolutions importantes à la hausse et à la baisse que l’on peut observer au niveau des actions.

1.   L’action n° 21 « Adaptation des filières à l’évolution des marchés »

L’action n° 21 représente 12,5 % du budget du programme, avec 222,48 M€ en AE et 222,70 M€ en CP, soit une hausse de 2,09 % en AE et de 2,19 % en CP par rapport à 2021. Cette action a pour objectif de favoriser l’adéquation des productions agricoles aux demandes du marché. Elle contribue à valoriser et promouvoir des produits et des politiques de qualité, à favoriser l’organisation et la modernisation des filières, à aider les entreprises de transformation et de commercialisation des produits et enfin à encourager la présence française à l’international dans le domaine agroalimentaire.

Dans le détail, 75,85 M€ sont consacrés, en AE comme en CP, au financement des dispositifs d’orientation des filières, qui sont pilotés par FranceAgriMer et l’Office de développement de l’économie agricole des départements d’outre-mer (ODEADOM). Il s’agit de financer des aides à l’amélioration de l’organisation économique des filières en vue de favoriser les investissements, d’améliorer la connaissance des marchés et de financer le cas échéant des mesures de crise. Ce montant est en hausse par rapport au montant indiqué dans le PAP de l’année précédente, qui prévoyait 71,8 M€ en AE comme en CP. Cette augmentation s’explique en partie par le renforcement du programme apicole.

4,8 M€ sont prévus pour le financement d’actions internationales, dont le financement du salon international de l’agriculture et le concours général agricole.

2,8 M€ en AE et 3,0 M€ en CP sont consacrés au fonds pour les industries agroalimentaires. Cette sous-action finance notamment un partenariat avec Bpifrance qui permet de financer l’innovation dans les industries agroalimentaires (184 projets soutenus depuis 2007 pour un montant de 6 M€). Ces crédits sont en baisse d’un peu moins d’1 M€ par rapport aux crédits prévus dans le PAP de l’année précédente. On peut noter que cette baisse s’explique en partie par la création d’une sous-action spécifique intitulée « Accélérateur de PME », dotée de 500 000 euros, qui permet d’accompagner des dirigeants d’entreprises dans leur stratégie de croissance et de transformation. L’année précédente, ces crédits étaient directement intégrés dans la sous-action « Fonds pour les industries agroalimentaires ».

8 M€ sont consacrés au Fonds Avenir Bio. Ces crédits, confiés à l’Agence bio, sont stables par rapport aux années précédentes. On peut noter que ce fonds est également abondé à hauteur de 5 M€ dans le cadre du plan de relance (programme 362), soit un total de 13 M€.

Enfin, on peut noter que le soutien à la filière canne à sucre est stable depuis plusieurs années (124,4 M€).

2.   L’action n° 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole »

Cette action soutient les producteurs en difficulté. Avec 8,8 M€ (tant en AE qu’en CP), elle représente seulement 0,5 % du budget du programme. Ses crédits connaissent une très nette hausse de 73,2 % par rapport aux crédits ouverts par la loi de finances pour l’année 2021. Cette action se décompose en deux fonds : l’aide en faveur du redressement des exploitations en difficulté (AGRIDIFF) et le fonds d’allègement des charges (FAC). La hausse des crédits notée pour l’année 2022 concerne uniquement l’AGRIDIFF (7 M€ en AE et en CP). Le Gouvernement envisage ainsi une mobilisation plus forte en 2022 de l’AGRIDIFF, dans un contexte où les effets de la crise se feront davantage ressentir à mesure de la diminution progressive des dispositifs généraux d’aide. Dans le PAP, le Gouvernement indique que « si le dispositif a pu connaitre des sous-consommations par le passé, il devrait voir les derniers blocages identifiés être levés, ce qui devrait permettre sa pleine mobilisation ».

3.   L’action n° 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles »

Avec 96,1 M€ en  AE et 110,1 M€ en CP, cette action représente 5,4 % du budget du programme, en baisse de 12,8 % en AE et de 17,3 % en CP.

L’aide à la modernisation des exploitations dans le cadre des subventions à l’investissement du plan de compétitivité et d’adaptation des exploitations agricoles (PCAE) représente 43,4 M€ en AE et 53,8 M€ en CP. Ces crédits sont en baisse par rapport à l’année précédente (56,5 M€ en AE et 67 M€ en CP dans le PAP de l’année dernière). Selon les explications fournies par le Gouvernement, cette baisse s’explique principalement par le fait que les crédits mobilisés pour la modernisation des exploitations ne prennent pas en compte le fonds aval aux entreprises agroalimentaires, qui ne sera finalement pas mis en œuvre.

La dotation aux jeunes agriculteurs (DJA) diminue légèrement en AE (35,2 M€ contre 37 M€ dans le projet annuel de performances de l’année précédente) et de façon plus marquée en CP (38,6 M€ contre 49 M€ l’an dernier). Cette baisse en crédits de paiement correspond à la mise en extinction des prêts bonifiés, décidée il y a plusieurs années. Il convient de rappeler que la DJA est une mesure cofinancée par le FEADER à hauteur de 80 %. On peut noter que le cofinancement État – Union européenne permettra de disposer d’une enveloppe globale de 175 M€ pour accompagner le renouvellement.

L’indemnité viagère de départ et le complément de retraite des chefs d’exploitation âgés est en baisse, comme l’année dernière. Elle représente 12,3 M€ en AE et CP. Cette indemnité finance les indemnités et compléments de retraites souscrits avant 1990.

Les crédits attribués aux stages à l’installation restent stables, avec 2,5 M€ en AE et CP. Enfin, l’action n° 23 finance également l’aide à la cessation d’activité (1,2 M€ en AE et en CP), dont les crédits sont stables par rapport à l’année précédente, ainsi que les aides aux coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) (1,5 M€ en AE et en CP).

4.   L’action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires »

Cette action, qui a pour objectif d’accroître la durabilité et l’attractivité des territoires ruraux, représente 475,6 M€ en AE, soit 26,8 % du budget du programme, et 451,7 M€ en CP. Ces crédits sont en hausse de 5,1 % en AE et de 1,3 % en CP.

Après avoir baissé l’année dernière, le budget des indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) est stable cette année, avec 277 M€ en AE et CP. Avec les crédits du FEADER, ce sont au total 1,1 Md€ d’euros qui seront mobilisés selon le Gouvernement. Les ICHN permettent le maintien des exploitations agricoles dans les zones naturellement défavorisées, en compensant les surcoûts subis du fait de la situation de l’exploitation. La révision de la carte des zones défavorisées simples a conduit à une diminution du nombre de bénéficiaires de ces aides à partir de 2021.

Concernant la ligne budgétaire consacrée aux mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et aux aides à l’agriculture biologique, elle s’élève à 145 M€ en AE et 121 M€ en CP. Ces financements de l’État sont complétés par les collectivités territoriales et les agence de l’eau ainsi que par le FEADER, qui cofinance à hauteur de 75 %. Ces crédits sont en hausse par rapport à l’année précédente de 17 % en AE et de 4 % en CP ([4]). Votre Rapporteur se félicite de cette attention portée aux MAEC, qui constituent un outil essentiel pour la poursuite de la transition agro-écologique. Les MAEC devraient encore voir leur enveloppe rehaussée dans le cadre de la future PAC.

Les mesures en faveur des actions environnementales et du pastoralisme font l’objet d’une ligne budgétaire dotée de 22,6 M€ en AE et en CP. C’est une légère baisse par rapport à l’année précédente où le total des crédits atteignait 24,7 M€. Ces crédits permettent de financer la protection des producteurs face aux grands prédateurs, le soutien à l’animation des groupements d’intérêt économique et environnemental (GIEE), le plan de soutien à l’économie de montagne pour favoriser le pastoralisme et le soutien à l’élevage à l’herbe dans le Massif central.

Il faut également noter la stabilité de la sous-action consacrée au soutien aux syndicats agricoles (14,5 M€) et de celle consacrée à la formation et à l’information des syndicats (4,7 M€).

L’action n° 24 finance également des actions nationales en faveur du cheval (4,5 M€), des dispositifs concernant l’hydraulique agricole (pour 2 M€) et le soutien à la politique foncière (2,3 M€). Ces crédits assurent notamment un soutien financier à certaines SAFER, comme celles de Guadeloupe, de Martinique, de La Réunion et de la Corse, qui ont des difficultés à agir sur des marchés fonciers étroits sur leurs territoires. À noter qu’une SAFER est en cours de création en Guyane. Enfin, 1,89 M€ sont consacrés à l’animation et au développement rural national et régional, et 368 194 euros à des actions d’expertise en appui opérationnel aux politiques concernant la performance environnementale des entreprises dans le domaine des sols, de l’eau, du climat, de l’air de la biodiversité de la bioéconomie de l’économie circulaire et de l’agro‑écologie.

5.   L’action n° 25 « Protection sociale »

Cette action soutient le secteur agricole par des exonérations de cotisations sociales. Elle correspond à une compensation des moindres recettes perçues par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) et par l’Unedic. Elle représente 7,3 % du budget du programme, avec une dotation de 130,4 M€ en AE et en CP. Ce budget est en baisse de 37,1 % par rapport à la loi de finances pour 2021 précitée. Cette baisse correspond à la non‑reconduction de l’exonération exceptionnelle pour le secteur viticole votée l’année dernière à la suite d’un amendement parlementaire de Mme Marie-Christine Verdier-Jouclas. L’exonération concerne principalement les charges patronales pour l’emploi de travailleurs occasionnels et de demandeurs d’emploi, dans la limite de 119 jours par an. Dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2019, compte tenu de la transformation du crédit d’impôt compétitivité-emploi (CICE) en allègement de charges sociales et du renforcement des allègements généraux, il était prévu que ce dispositif spécifique aux employeurs agricoles soit supprimé à compter du 1er janvier 2021. Toutefois, le dispositif transitoire mis en place pour les années 2019‑2020, prorogé jusqu’en 2022, a procédé à l’alignement du champ des cotisations exonérées sur celui des allégements généraux et à la modification du plateau d’exonération ([5]). L’action n° 25 permet de financer ce dispositif temporaire.

L’action n° 25 finance également des actions liées à la réglementation et la sécurité au travail.

6.   L’action n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois »

15,6 % du programme 149 sont alloués à l’action n° 26, qui concerne la gestion durable de la forêt et le développement de la filière bois. Cette action est dotée de 276,8 M€ en AE et de 276,2 M€ en CP. Ces crédits sont en hausse de 12,2 % en AE et de 10,9 % en CP par rapport à l’année précédente, marquant un soutien accru de l’État en matière de politique forestière.

Cette hausse traduit le soutien apporté par l’État à l’ONF dans le cadre du nouveau contrat d’objectifs et de performance (2021 – 2025). Ainsi, la majorité des crédits de l’action n° 26 porte sur le versement compensatoire et la contribution exceptionnelle versée à l’ONF, qui s’élève à 173,6 M€ en AE et en CP. Il faut également ajouter à ces crédits les 30,1 M€ en AE et 29,9 M€ en CP prévus pour les missions d’intérêt général confiées à l’ONF. Ces crédits sont également en hausse par rapport à l’année dernière (152,8 M€ de dotations dans le PAP 2020).

La hausse de l’action n° 26 reflète également le renforcement des autres moyens d’intervention en faveur de la politique forestière, notamment les actions de protection des forêts dans un contexte d’intensification du risque feu et d’extension géographique des zones à risques (+ 1 M€), les travaux de restauration des terrains en montagne (+ 3 M€), ainsi que le financement des mesures destinées à répondre à la crise des scolytes (en hausse de + 3,9 M€). Les crédits du fonds stratégique forêts bois, qui permet de financer des mesures pour favoriser la desserte forestière, améliorer les peuplements à faible valeur économique et abonder le prêt participatif de développement ainsi que le nouveau fonds de prêt sans garantie en faveur de l’aval forestier déployé dans le cadre du grand plan d’investissement, enregistrent également une légère augmentation et atteignent 27,9 M€ en AE et 25,3 M€ en CP.

L’action n° 26 comporte également une ligne dotée de 14,96 M€ pour la dotation au centre national de la propriété foncière, qui a pour mission le développement de la gestion forestière des forêts privées. L’enveloppe prévue en ce sens est identique à l’année précédente. Enfin, 7,8 M€ en AE et en CP sont prévus pour les études et recherche, dont la majorité sont attribués à l’institut technologique forêt cellulose bois-construction ameublement.

7.   L’action n° 27 « Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions »

Avec un budget de 516,9 M€ (AE et CP) dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022, cette action connaît une hausse de sa dotation de 2,4 % par rapport à 2021. Elle représente 29,1 % du budget du programme.

Cette action comprend les moyens de fonctionnement des opérateurs en charge de la mise en œuvre des politiques nationales et communautaires en faveur des entreprises agroalimentaires et agricoles. Elle comporte également des provisions pour aléas qui couvrent les potentiels refus d’apurement communautaire, mais également d’éventuelles aides pour faire face à des crises climatiques ou économiques au niveau communautaire. Les crédits prévus en ce sens s’élèvent à 190 M€ pour 2022, soit les mêmes prévisions qu’en 2021. Du côté des opérateurs, l’agence de service de paiement (ASP) reçoit une dotation supplémentaire de 10 M€, qui doit permettre le déploiement des projets numériques et de 63 équivalents temps plein travaillé (ETPT) supplémentaires au titre de la préparation de la nouvelle PAC 2023-2027.

8.   L’action n° 28 « Pêche et aquaculture »

L’action n° 28 représente 2,7 % du programme 149. Les crédits de cette action atteignent 47,9 M€ en AE et en CP, soit une légère augmentation de 0,08 % par rapport à la loi de finances de l’année 2021. Ces crédits s’inscrivent dans le cadre de la politique commune de la pêche (PCP) dont le fonctionnement repose, tout comme la PAC, sur un principe de cofinancement entre les crédits européens et les contreparties nationales. L’action finance l’acquisition de connaissances scientifiques et de données qui conditionnent la mise en œuvre de la politique commune de la pêche, ainsi que les moyens spécifiques au contrôle des pêches, en particulier en matière de systèmes d’information.

B.   le programme 206 : « sÉcurité et qualitÉ sanitaires de l’alimentation »

Le programme 206 « Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation » poursuit trois objectifs : favoriser le changement de pratiques afin de préserver la santé publique et l’environnement ; évaluer, prévenir et réduire les risques sanitaires à tous les stades de la production ; s’assurer de la réactivité et de l’efficience du système de contrôle sanitaire. Il est placé sous la responsabilité de la direction générale de l’alimentation (DGAL).


crÉdits du programme 206 « sÉcuritÉ et qualitÉ sanitaires de l’alimentation »

(En euros)

Numéro et intitulé
du programme et de l’action

AE

CP

Ouvertes en LFI
2021

Demandées pour
2022

Ouverts en LFI
2021

Demandés pour
2022

206

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

599 936 366

614 259 581

598 745 416

611 383 631

Variation (en %)

+ 2,39

+ 2,11

01

Santé, qualité et protection des végétaux

36 171 243

36 971 243

35 937 383

36 737 383

02

Santé et protection des animaux

112 212 861

114 461 869

111 242 443

112 319 451

03

Santé et alimentation

22 800 635

23 222 635

22 762 463

22 671 463

04

Actions transversales

83 096 575

86 651 748

83 148 075

86 703 248

05

Élimination des cadavres et des sous-produits animaux

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

06

Mise en œuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l’alimentation

337 144 552

344 041 586

337 144 552

344 041 586

08

Qualité de l’alimentation et offre alimentaire

4 510 500

4 910 500

4 510 500

4 910 500

Pour l’année 2022, le budget du programme 206 dispose de 614,3 M€ en AE et 611,4 M€ en CP, soit une hausse de 2,4 % en AE et 2,1 % en CP par rapport à la LFI 2021.

Cette augmentation reflète la mise en œuvre des dispositions issues du droit européen qui renforcent les exigences des politiques de contrôle. Cette hausse doit également permettre le financement du transfert à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) de certaines des missions du Haut Conseil des biotechnologies et de la mise en place d’une capacité d’analyse socio-économique au sein de l’agence. Enfin, elle s’accompagne également d’une augmentation du schéma d’emploi de 10 équivalent temps plein (ETP) pour renforcer l’intervention du ministère sur les thématiques de bien-être animal en services territoriaux. Il convient également de noter les 106 ETP complémentaires accordés pour sécuriser la mise en œuvre des contrôles sanitaires et phytosanitaires aux frontières dans le cadre de la sortie effective du Royaume-Uni de l’Union européenne. Au total, 466 ETP permettront d’assurer les contrôles des produits importés et exportés vers le Royaume‑Uni.

L’action n° 01 « Santé, qualité et protection des végétaux » affiche 36,97 M€ en AE et 36,74 M€ en CP, soit une augmentation de 2,21 % en AE et de 2,23 % en CP par rapport à la LFI 2021. Elle représente 6 % du programme 215. 21 M€ de ces crédits sont transférés aux fédérations régionales de lutte contre les organismes nuisibles aux végétaux (FREDON) auxquels l’État délègue des missions dans le domaine de la santé des végétaux. Les crédits de cette action sont en hausse afin de couvrir les dépenses nouvelles qui résultent du changement de réglementation sur les contrôles officiels. On peut également noter l’augmentation de la subvention versée à FranceAgriMer pour son action en matière de bois et de plants de vigne, ainsi que la hausse de l’enveloppe consacrée à la surveillance des forêts de l’ONF.

L’action n° 02 « Santé et protection des animaux » comporte des crédits à hauteur de 114,5 M€ en AE et 112,3 M€ en CP, en augmentation de 2 % en AE et de 1 % en CP. Cette action couvre 18,6 % du programme 206. Elle finance les actions en faveur de la maitrise des maladies animales pouvant être transmissibles à l’homme ou pouvant mettre en danger l’économie de l’élevage. Elle a également pour objectif de permettre la surveillance des substances administrées à l’animal ainsi que de veiller aux règles de bientraitances des animaux de rente et de compagnie. La hausse des crédits observée résulte des nouvelles obligations provenant du droit européen, et plus précisément de l’entrée en application du règlement dit LSA (pour loi de santé animale). Ce règlement fixe des principes de prévention, surveillance, lutte et éradication des maladies animales transmissibles, notamment en renforçant la biosécurité et la traçabilité des animaux. La LSA fixe notamment 11 nouvelles maladies à surveiller en évènementiel (lors de cas ou préalable a des échanges), 14 nouvelles maladies disposant de conditions de certification aux échanges nouvelles ou renforcées et une maladie dont le plan de surveillance est multiplié par 4 (la fièvre catarrhale ovine). Plus globalement, la LSA implique la surveillance en système programmé ou évènementiel de 134 couples maladie/espèce, contre 123 antérieurement. Notons également que l’action n° 02 permet de financer le plan d’urgence contre les épizooties et les visites sanitaires ainsi que la gestion des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles. Au titre de l’action n° 02, 30 M€ sont prévus pour les compensations versées aux éleveurs pour abattages totaux ou partiels ordonnés par l’État en cas de foyer de maladie réglementée. Les dépenses d’intervention en ce sens ont été élevées en 2021 en raison de la crise liée à l’influenza aviaire hautement pathogène (IAHP). Elles devraient être plus faibles en 2022, sauf en cas de nouvelle crise.

L’action n° 03 « Sécurité sanitaire de l’alimentation », avec 23,2 M€ en AE et 22,7 M€ en CP, est en augmentation de 1,85 % en AE et baisse légèrement de - 0,40 % en CP. Cette action, qui couvre 3,8 % du programme 206, assure la protection sanitaire des consommateurs par des contrôles officiels des conditions sanitaires de production, d’importation et de commercialisation des aliments d’origine animale. Ces actions sont menées par les direction départementale de la protection des populations (DDPP), qui bénéficient de l’appui de centaines de laboratoires privés agréés ou gérés par des conseils départementaux.

Les crédits de l’action n° 04 « Actions transversales » sont en hausse de 4,3 % en AE comme en CP, avec 86,6 M€ en AE et 86,7 M€ en CP. Cette action représente 14,1 % de l’ensemble du programme 206. L’action n° 04 permet de financer des activités d’évaluation des risques sanitaires, notamment les risques nutritionnels et sanitaires des aliments ou les risques liés aux OGM et aux produits phytopharmaceutiques. L’action n° 04 permet aussi de financer l’appui scientifique et technique à la gestion des risques, les missions de la brigade nationale d’enquêtes vétérinaires et phytosanitaires ainsi que les contrôles sanitaires et phytosanitaires à l’importation en provenance des pays tiers. Les crédits participent également à la refonte du système d’information de la DGAL. La hausse des crédits de 3,6 M€ par rapport à 2021 fait suite au transfert de nouvelles missions de l’ANSES et correspondent également au projet de création de la plateforme de gestion dématérialisée de la certification sanitaire et phytosanitaire (SI Espadon 2).

L’action n° 05 « Élimination des cadavres et des sous-produits animaux » est stable pour 2022.

L’action n° 06 « Mise en œuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l’alimentation » représente 56 % des crédits du programme. Ces crédits sont en hausse de 2,05 % en AE et en CP. Ils recouvrent essentiellement les crédits de personnel des services chargés de la mise en œuvre de cette politique dans les directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et dans les directions départementales en charge de la protection des populations. Il faut noter que les dépenses de fonctionnement correspondant à la ligne budgétaire pour l’action sanitaire et sociale des services de l’alimentation est en baisse, en raison du transfert d’une partie de ces dépenses vers le programme 216 (Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur) ([6]).

L’action n° 08 « Qualité de l’alimentation et offre alimentaire », est en hausse de 8,87 % par rapport la LFI 2021 et affiche au total 4,9 M€ en
AE et en CP. Cette action est mise en œuvre par le programme national pour l’alimentation (PNA). Dans ce cadre, l’État assure notamment un soutien à la mise en place des projets alimentaires territoriaux et cherche également à accompagner les acteurs de la restauration collective dans la mise en œuvre des obligations résultant de l’article 24 de la loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « EGALIM », qui rend obligatoire une majorité de produits de qualité en restauration collective publique à compter, au plus tard, du 1er janvier 2022. Ainsi, l’action n°08 permet de financer la plateforme « ma‑cantine.beta.gouv.fr », en partenariat avec la direction interministérielle du numérique (DINUM), qui vise à centraliser les statistiques sur les produits durables et de qualité en restauration collective.

C.   le programme 215 « conduite et pilotage des politiques de l’agriculture »

Le programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture » est un programme d’appui consacré au pilotage et à la mise en œuvre déconcentrée des politiques portées par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation. Il porte également les moyens en personnel et en fonctionnement de l’administration centrale. Ses crédits s’élèvent à 641,6 M€ en AE et 630,9 M€ en CP pour 2021, soit une hausse de 1,38 % en AE et 0,22 % en CP. Il comporte trois objectifs : sécuriser et simplifier l’accès des usagers au droit, aux données et aux procédures du ministère ; optimiser l’efficience de la gestion des ressources humaines et mettre en œuvre les actions ministérielles dans des conditions optimales de coût et de qualité des services.

crÉdits du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture »

         (En euros)

Numéro et intitulé
du programme et de l’action

AE

CP

Ouvertes en LFI
2021

Demandées pour
2022

Ouverts en LFI
2021

Demandés pour
2022

215

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

632 869 972

641 609 665

629 534 674

630 907 119

Variation (en %)

+ 1,38

+ 0,22

01

Moyens de l’administration centrale

198 590 385

222 517 245

204 519 295

217 908 394

02

Évaluation de l’impact des politiques publiques et information économique

23 817 204

15 913 767

23 817 204

15 913 767

03

Moyens des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires (et de la mer)

322 787 096

321 532 869

322 791 294

321 537 105

04

Moyens communs

87 675 287

81 645 784

78 406 881

75 547 853

L’action  01 « Moyens de l’administration centrale », qui représente 34,7 % du budget du programme, voit son budget croître de 12,05 % en AE et de 6,55 % en CP. Au total, ces crédits s’élèvent à 222,5 M€ en AE et 217,9 M€ en en CP. Cette hausse s’explique par le renouvellement du bail des locaux administratifs situés rue Vaugirard ainsi que par diverses actions ponctuelles de formation et de soutien au service des ressources humaines, contrebalancés par la non-reconduction des crédits ouverts en 2021 au titre du relogement des agents ([7]).

Les crédits de l’action  02 « Évaluation de l’impact des politiques publiques et information économique » s’élèvent à 15,9 M€ en AE et en CP. Ces crédits enregistrent une baisse de 33,18 % par rapport à l’année dernière. Ils représentent 2,5 % de l’ensemble du programme. Cette diminution s’explique en raison du calendrier du financement du recensement agricole, notifié en 2020.

L’action n° 03 « Moyens des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, des directions de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires (et de la mer) », 50,1 % des crédits du programme, est pilotée par le secrétariat général du ministère et couvre des actions sanitaires et sociales, la formation continue des agents, la gestion immobilière des collectivités ultra-marines et d’autres moyens divers. Les crédits correspondants s’élèvent à 321,5 M€ en AE et CP. Cette action accuse une légère baisse de 0,39 % en AE et CP, qui s’explique par le transfert progressif au ministère de l’intérieur de la gestion des dépenses d’action sociales des directions départementales interministérielles au bénéfice des secrétariats généraux communs, compensé par des crédits ouverts au titre de la médecine de prévention et du plan de formation.

Les crédits de l’action n° 04 « Moyens communs » diminuent légèrement (- 6,88 % en AE et - 3,65 % en CP), après une augmentation significative l’année précédente en raison du projet « Maisons‑Alfort » de relocalisation des opérateurs du ministère actuellement sur le site de l’Arborial.

III.   le compte d’affectation spÉciale « dÉveloppement agricole et rural » (CASDAR)

Institué par l’article 52 de la loi n° 2007-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) est le bras armé du programme national de développement agricole et rural (PNDAR), instrument de la recherche appliquée dans le monde agricole. Le PNDAR a pour objectif de rendre l’agriculture moins dépendante aux intrants énergétiques et chimiques, et par conséquent plus résiliente, durable et compétitive. Le CASDAR est alimenté par une fraction égale à 100 % de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles, prévue à l’article 302 bis MB du code général des impôts. Comme l’année dernière, l’enveloppe du CASDAR est prévue à 126 M€, sur la base des recettes estimées de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricoles.

Le CASDAR se décompose en deux comptes :

● Le compte « Développement et transfert en agriculture » (775) est doté de 60,48 M€ de crédits en AE et en CP, soit une augmentation de 0,69 %. Ce compte a pour objectif l’orientation des structures chargées du conseil des agriculteurs (chambres d’agriculture, organismes nationaux à vocation agricole et rural) vers le développement et la diffusion de systèmes de production innovants et performants – les systèmes agro-écologiques.

● Le compte « Recherche appliquée et innovation en agriculture » (776) est doté de 65,52 M€ de crédits, soit une légère baisse de - 0,63 %. Ce programme est piloté par la direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) du ministère chargé de l’agriculture. Il vise à « accompagner la conception des systèmes agricoles vers l’agro-écologie en orientant l’action des acteurs de la recherche appliquée et en renforçant le continuum entre organismes de recherche, d’enseignement et de développement pour produire et diffuser des connaissances et outils actionnables par les agriculteurs ».

Avec 126 M€ prévus, l’année 2022 est donc marquée par une consolidation du CASDAR, au même niveau qu’en 2021. Il faut rappeler qu’en 2021, le CASDAR avait accusé une baisse de 10 M€ ([8]). Votre Rapporteur avait déploré cette baisse et déposé des amendements de crédits visant à y remédier. Le Gouvernement signale que pour l’année 2022, des crédits supplémentaires pourraient être débloqués au stade de la loi de finances rectificative de fin d’année, en puisant dans le solde cumulé des crédits non utilisés du CASDAR. Sur ce même sujet, il faut aussi rappeler qu’une mission de l’inspection générale des finances (IGF) est en cours sur le CASDAR, pour évaluer la pertinence du dispositif et proposer des évolutions.

Concernant les estimations de recettes de la taxe sur le chiffre d’affaires précité, qui conditionne donc le plafond du CASDAR, le Gouvernement indique que la recette du CASDAR 2021 devrait s’établir autour de 139 à 140 M€, soit 13 à 14 M€ au-dessus du montant inscrit en LFI 2021 (126 M€). Concernant les prévisions pour l’année 2022, le Gouvernement indique « qu’à ce stade de l’année, où les récoltes ne sont pas terminées et pour lesquelles leur commercialisation comporte des incertitudes en ce qui concerne les prix, il n’apparaît pas possible d’effectuer une prévision fiable du chiffre d’affaires de l’agriculture pour 2021 sur lequel reposera principalement la recette du CASDAR en 2022. Toutefois, l’année 2021 a été marquée par un épisode de gel printanier qui aura des répercussions importantes sur les récoltes 2021. D’ores et déjà, Agreste a estimé que la production viticole 2021 serait historiquement faible (recul de 24 à 30 %) ([9]) et que la production fruitière serait en fort recul par rapport à 2020 (- 9 % en pomme, - 50 % en poire, - 30 % en pêche, - 20 % en abricot) ([10]). Malgré des productions de céréales d’hiver en forte progression ([11]) (estimées à + 26 % en blé tendre, + 22 % en blé dur, + 8 % en maïs, + 42 % en protéagineux), il est probable que le chiffre d’affaires de l’agriculture soit fortement impacté. La recette 2022 devrait donc être inférieure à celle de 2021 ».

Dans le contexte du rapport à venir de l’IGF, votre Rapporteur souhaite rappeler son attachement au CASDAR et l’utilité de ce dispositif pour le monde agricole.

 


—  1  —

   SECONDE partie :
le travail À façon en agriculture

I.   Le travail À façon, une pratique traditionnelle entre Expansion et Mutation

A.   Le travail À façon : de quoi parle-t-on ?

Le travail agricole délégué, ou « travail à façon », recouvre l’ensemble des pratiques qui consistent à faire appel à un prestataire de services extérieur pour réaliser tout ou partie des travaux agricoles ([12]). Selon la définition qu’en donne le professeur de droit M. Benoît Grimonprez, le travail agricole délégué s’entend comme « la convention par laquelle un donneur d’ordre ayant la propriété ou l’usage des terres agricoles demande à un entrepreneur de les travailler en tout ou partie par l’accomplissement d’un certain nombre de prestations matérielles » ([13]). Lorsque la délégation concerne l’entièreté des travaux agricoles, elle est dite intégrale. On peut alors distinguer la « délégation intégrale des travaux agricoles », qui concerne principalement les opérations sur les systèmes de cultures, de la « délégation intégrale de l’entreprise agricole », qui consiste à confier à un tiers non seulement la réalisation de tous les travaux sur l’exploitation mais également la gestion économique et administrative de l’entreprise.

N’étant pas spécifiquement prévu par les textes, le travail délégué prend juridiquement la forme d’un contrat d’entreprise liant le maître de l’ouvrage et l’entrepreneur (article 1710 du code civil). Dans les faits, les contrats ne sont pas toujours établis par écrit entre les parties et le travail à façon peut se traduire par des arrangements informels.

Le travail délégué est généralement effectué par des entreprises de travaux agricoles (ETA), qui représentent 90 % du volume du travail à façon ([14]). Il peut aussi être dispensé par des exploitants agricoles, des coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA), des groupements d’employeurs, ou des coopératives, qui sont de plus en plus nombreux à proposer ce type de services à leurs adhérents. Les ETA peuvent être créées à l’initiative d’exploitants agricoles dans le but de diversifier leurs activités et leurs sources de revenus.

B.   Le travail À façon change de nature et gagne en ampleur

Le travail délégué est une pratique ancienne du monde agricole. En effet, sous-traiter certaines opérations techniques à un tiers, comme la récolte ou l’enrubannage, est chose commune pour combler un manque de matériel ou de main d’œuvre. Jusqu’à une période récente, ces prestations de services mettaient principalement en relations deux exploitants proches afin de réaliser des tâches ponctuelles, dans un contexte plus ou moins informel d’entraide rémunérée. Le travail à façon concernait donc surtout des petites ou moyennes exploitations ([15]) dans une logique de capacités, pour réaliser des tâches précises.

Depuis le milieu des années 1990, le travail délégué se développe fortement et change de nature face aux évolutions profondes qui traversent le monde agricole.

Si les données sur le sujet manquent ([16]), plusieurs chiffres et études permettent toutefois de prendre la mesure du phénomène. Ainsi, en 2016, 271 170 exploitations agricoles, soit 60 % d’entre elles, ont eu recours à des ETA, CUMA ou autres prestataires ([17]). Selon une étude publiée par la revue du ministère de l’agriculture et de l’alimentation, Notes et études socio-économiques ([18]), le nombre d’exploitations ayant recours à la sous-traitance de façon significative a augmenté à un rythme de 2,7 % par an entre 2000 et 2016. Cette hausse est principalement le fait des moyennes et grandes exploitations, dont le nombre a doublé parmi les délégants sur cette période. Un sondage réalisé sur un échantillonnage assez restreint, présenté dans l’étude du ministère précitée, fait même état d’un taux de 83 % d’exploitants agricoles ayant recours au travail à façon.

Cette tendance s’illustre également par la progression du nombre d’ETA. Certaines ETA proposent de réaliser des tâches précises, tandis que d’autres ont développé une large gamme de services, permettant une prise en charge intégrale du travail lié à l’exploitation (labour, vente, récolte, tâches administratives). Entre 2004 et 2014, selon les données de la MSA, le nombre d’ETA et celui des salariés employés par ces dernières ont connu une hausse de, respectivement, 10 % et 73 %. On dénombre en 2020, 20 775 entreprises de travaux agricoles, forestiers et ruraux dont 13 893 ETA. Elles représentent 105 463 contrats permanents et occasionnels, soit 34 195 ETP ([19]). Le marché du travail délégué est estimé à environ 4 Md€.

Concernant la délégation intégrale, environ 7,1 % des exploitations françaises délèguent entièrement leurs travaux de culture ([20]). Ces taux peuvent être bien plus élevés pour certaines filières et certaines régions.  Les chiffres montrent également que le recours au travail délégué intégral concerne de plus en plus des exploitations de grande taille. Actuellement, ce sont 70 % des exploitations ayant recours au travail à façon qui sont de taille moyenne ou grande ([21]). Géographiquement, les régions où le travail délégué intégral est le plus répandu sont les Midi-Pyrénées, l’Aquitaine, le Poitou-Charentes, le Centre, la Bretagne, la Basse Normandie et la Champagne-Ardenne, avec des taux de délégation intégrale pouvant atteindre 18 %.

Part des exploitants dÉlÉguant l’intÉgralitÉ des travaux de culture en 2016

Une image contenant texte

Description générée automatiquement

Source : Ministère de l’agriculture et de l’alimentation, données ESEA, traitement CEP – Actif Agri CEP 2019.

Les types d’activités les plus concernées par le travail délégué intégral sont les exploitations en grandes cultures, pour lesquelles le taux de recours au travail à façon intégrale atteint en moyenne 12,5 %. Un basculement s’observe des petites exploitations (- 21,2 %) vers les moyennes et grandes exploitations en grandes cultures (+ 27,6 %). Les autres activités les plus concernées par le travail délégué intégral sont les exploitations en polyculture-polyélevage (6,1 %) en bovin‑lait (6,1 %), en bovin‑viande (5,4 %), avec des herbivores ou granivores (5,4 %) et enfin la viticulture (4,7%) ([22]).

C.   Pourquoi le travail À façon se dÉveloppe-t-il ?

L’expansion du travail délégué reflète les mutations qui traversent le monde agricole. Ainsi, le recul du modèle de l’agriculture familiale, les difficultés de main d’œuvre, les exigences croissantes sur le plan technique et environnemental, la hausse du prix des équipements, le défi du renouvellement des générations et les problématiques de transmission sont autant d’enjeux qui permettent de comprendre les dynamiques à l’œuvre.

1.   Une réponse aux besoins croissants de technicité et de main d’œuvre

L’exploitant peut avoir recours au travail à façon pour déléguer la réalisation d’un acte technique, pour lequel il ne dispose ni du matériel, ni de la main d’œuvre adéquats. Ce besoin va croissant dans un contexte de montée en gamme des exigences techniques et environnementales, qui nécessitent de mobiliser des savoir-faire particuliers et du matériel coûteux. Ainsi, la transition agro-écologique requiert de nouvelles compétences techniques que les travailleurs délégués peuvent apporter aux exploitants, notamment lorsqu’ils viennent de s’installer. Il s’agit également d’un moyen permettant d’éviter l’endettement financier pour l’achat de matériel. Dans un contexte d’effacement de l’actif familial, de crise des vocations et d’exigences techniques accrues, le travail délégué est un moyen d’accéder à une main d’œuvre disponible et qualifiée, adaptable en fonction des besoins variables de l’exploitation. En outre et comme cela a été indiqué au cours des auditions, la multiplication des controverses et des conflits de voisinage en relation avec les travaux d’épandage et de traitement phytosanitaire constitue également un facteur explicatif du recours à la délégation.

Le travail délégué est également une source de revenus complémentaires pour certains agriculteurs qui exécutent des travaux pour d’autres en parallèle de leurs propres activités. Ainsi, du point de vue du façonnier, avoir recours au travail délégué est un moyen pour les exploitants agricoles de faire des économies sur les investissements de matériel.

Comme cela a été souligné à plusieurs reprises au cours des auditions, ces modalités du travail délégué sont plutôt bénéfiques au monde agricole et peuvent même soutenir l’installation.

2.   Une solution pour se recentrer sur le cœur de son activité agricole

Le recours au travail à façon peut également correspondre à une volonté de l’exploitant de se recentrer sur le cœur de son activité. Cela peut concerner les éleveurs, qui délèguent les tâches liées aux cultures pour se concentrer sur l’élevage, mais aussi des agriculteurs en grandes cultures qui choisissent de se spécialiser sur certaines tâches (surveillance des cultures et leur commercialisation) et de sous-traiter le reste. La multiplication des exploitations en polyculture-élevage encourage donc le développement du travail délégué, car il permet aux exploitants de se concentrer sur des travaux spécifiques en déléguant la partie culture. Ce recentrage correspond également au développement de la pluriactivité, choisie ou subie, qui laisse moins de temps à l’exploitant pour le travail de son exploitation.

Le recours au travail délégué entre aussi en phase avec la volonté actuelle des agriculteurs de se dégager plus de temps pour un meilleur équilibre vie professionnelle / vie privée, comme cela a été souligné par chambres d’agriculture France et la section nationale des fermiers métayers (SNFM). L’exploitant peut également être contraint par des facteurs temporels à faire appel à un délégataire. En effet, il est parfois nécessaire d’agir dans un temps très court, par exemple après un décès ou à un aléa météorologique.

3.   Un symptôme du manque d’attractivité du fermage

Le développement du travail à façon est également l’un des symptômes du manque d’attractivité du statut du fermage pour le propriétaire foncier.

En premier lieu, l’avantage comparatif de la délégation par rapport au fermage peut s’expliquer pour des raisons financières. Comme cela a été indiqué par plusieurs acteurs entendus par votre Rapporteur et confirmé par le Gouvernement ([23]), certains propriétaires de terrains agricoles trouvent un intérêt financier supérieur à exploiter leurs terres avec l’aide d’un prestataire plutôt que de les louer en contrepartie d’un fermage ou de les transmettre.

En deuxième lieu, le recours à travail à façon offre une grande souplesse dans la relation contractuelle, au bénéfice du propriétaire foncier. En effet, le contrat de fermage comporte de nombreuses obligations pour le propriétaire (loyer fixe et réglementé, durée du bail, conditions de résiliation, conditions de reprises). Cette rigidité, qui s’explique par la volonté légitime de protéger le fermier, disparaît entièrement dans le cadre du contrat de travail à façon, qui s’inscrit dans le droit commun des contrats d’entreprises. Pour résumer, contrairement au fermage, avec le travail délégué, l’exploitant conserve la maitrise de son foncier, son statut et les droits y afférents. Le donneur d’ordre demeure exploitant au plan juridique et administratif : s’il est redevable des cotisations sociales, il perçoit parallèlement les aides économiques, dont celles de la PAC, ainsi que le fruit de la récolte issu des prestations facturées par le délégataire.

4.   Une stratégie de transmission, voire de rente

En lien avec les explications précédentes sur le manque d’attractivité du fermage, le recours au travail délégué, en particulier intégral, peut également participer d’une stratégie de transmission de l’exploitation. Certains exploitants en activité, mais surtout ceux proches de la retraite n’ayant pas la certitude de pouvoir céder leur outil de production à un membre de leur famille, peuvent choisir de déléguer tout ou partie des travaux pour conserver la maîtrise de leur foncier, le temps de trouver un repreneur.

Ce facteur patrimonial est un facteur d’explication majeur pour comprendre la hausse du recours au travail à façon dans les moyennes et grandes exploitations. En effet, ces structures toujours plus grandes et capitalisées sont particulièrement difficiles à transmettre, qui plus est dans un contexte de dégradation du taux de renouvellement des générations : « Le découplage des aides, liant ces dernières au foncier associé à un statut du fermage jugé contraignant, tend aujourd’hui à inciter certains agriculteurs à la retraite ou enfants d’agriculteurs à avoir recours à la délégation intégrale. Il s’agit souvent pour eux de conserver le foncier dans l’attente d’une éventuelle vente ou reprise à moyen ou long terme, par un successeur encore non identifié, ou tout simplement de se constituer un complément de revenu sous forme de rente ([24]) ». Ces stratégies peuvent en outre être alimentées par les pratiques de certaines coopératives qui proposent au futur retraité une prise en charge clé en main.

Les coopératives et le travail à façon

« Les enquêtes et observations de terrain montrent qu’elles jouent, à l’échelle de certains territoires, un rôle de plus en plus important dans l’organisation sociale et économique de la production agricole (…) Certains groupes coopératifs n’hésitent plus à proposer une nouvelle offre de services " à visage découvert ". C’est le cas d’un groupe coopératif du Sud-Ouest de la France, qui propose un service d’accompagnement de ses adhérents dans la gestion de chantiers de grandes cultures. Le pôle agriculture de cette coopérative s’est doté d’un chef de projet (…) qui supervise la gestion de chantiers réalisés par une trentaine d’entreprises de travaux agricoles partenaires. Ce service concerne actuellement une centaine d’adhérents. Il s’est déployé sur 4 000 hectares de grandes cultures et a été récemment proposé pour des chantiers viticoles. Pour chaque adhérent faisant appel à ce service, la coopérative désigne un chef de culture référent qui décide conjointement avec l’exploitant de l’assolement et des productions. Facturé 50 euros de l’hectare, auxquels s’ajoute un pourcentage en fonction du résultat de la vente, ce service peut même offrir une expertise en assurance pour les adhérents qui le souhaitent. (…).

« Certaines coopératives vont même jusqu’à créer des filiales commerciales qui reposent sur une alliance entre trois types de partenaires : la coopérative elle-même, un centre de gestion et une entreprise de conseil en prestations agricoles. Enfin, à l’instar d’un groupe coopératif situé au sud-ouest de Paris, certaines coopératives n’hésitent plus à racheter des entreprises de travaux agricoles par le biais de filiales. (…) il est courant, dans certaines régions céréalières ou de grandes cultures, de rencontrer de très grandes entreprises de travaux agricoles qui assurent et sécurisent la production, pour le compte d’industriels ne souhaitant plus contractualiser individuellement avec des exploitations agricoles ».

Source : note du ministère précitée

II.   certaines dÉrives nÉcessitent la mise en place d’un encadrement plus strict du travail À façon, en particulier dans sa forme intÉgrale

Comme les travaux préparatoires de votre Rapporteur l’ont montré, l’externalisation ne doit pas être condamnée en tant que telle : il s’agit d’un mode d’organisation du travail agricole nécessaire à l’activité agricole, dont le développement n’est souvent que le symptôme des mutations et difficultés plus vastes qui traversent le monde agricole. Néanmoins, le recours au travail à façon, en particulier lorsqu’il est intégral, fait naître des craintes légitimes. Sans condamner le travail à façon dans son entièreté, il conduit parfois à détourner les outils de régulation actuels façonnés pour éviter les concentrations trop importantes et favoriser l’installation, ce qui doit susciter une réaction appropriée des pouvoirs publics. Votre Rapporteur propose dans sa proposition de loi portant sur la régulation du foncier agricole plusieurs évolutions qui visent à faire face au phénomène sociétaire. Le présent rapport présente des pistes complémentaires pour répondre à la problématique du travail à façon, qui pourraient être envisagées à moyen terme.

A.   Le travail À façon, en particulier intÉgral, soulÈve des craintes lÉgitimes

1.   Des conséquences néfastes en matière d’accès au foncier et de renouvellement des générations

Le travail à façon peut être utilisé comme un outil de contournement d’un certain nombre d’outils juridiques qui forment le socle du droit rural, tel que le statut de fermage ou le contrôle des structures. Ainsi, selon la Coordination rurale, des candidats rejetés à l’obtention d’une autorisation d’exploiter réalisent avec le propriétaire des terres un contrat de travail à façon intégral pour passer outre à ce refus. En effet, formellement, la relation de travail à façon n’entraîne aucun changement d’exploitant à la tête des surfaces. Par ailleurs, les aides économiques européennes demeurent perçues par le donneur d’ordre. Si des risques de requalification par le juge existent, en particulier dans le cas où un fermier recourt lui-même au travail intégral ([25]), ils paraissent toutefois limités et n’ont pas conduit jusqu’alors à freiner massivement ces pratiques.

Le développement du travail à façon constitue donc un défi supplémentaire pour la problématique du foncier agricole, car il rend en partie inopérants les outils juridiques classiques visant à assurer la régulation du foncier. Plusieurs acteurs, et notamment le syndicat des fermiers métayers, Chambres agriculture France et les Jeunes agriculteurs entendus en audition, soutiennent que le développement du travail à façon intégral favorise la concentration des terres et freine le renouvellement des générations.

2.   Le spectre d’une agriculture sans agriculteur

La délégation intégrale se traduit par une nouvelle organisation agricole entre un exploitant, qui n’assure plus la gestion de son patrimoine, et une entreprise de travail agricole. Dans cette nouvelle configuration, la crainte légitime est de voir disparaître progressivement la figure de l’agriculteur. Cette dynamique et les inquiétudes qu’elles font naitre sont ainsi résumées par le sociologue M. François Purseigle : « Chaque exploitant " fantôme " peut peser sur le marché en raison du volume récolté et assurer au propriétaire foncier une rente familiale sans projet véritable de transmission à long terme. Ni fermier, ni gérant, ce nouvel acteur met en valeur un patrimoine ne lui appartenant pas et produisant des matières premières. Cette figure de l’agriculture de firme, par délégation, est une forme intermédiaire vers des formes plus abouties d’agricultures sans agriculteur. ».

De facto, le travail délégué peut permettre à l’exploitant de conserver son statut et les droits y afférents tout en abandonnant son métier et en vivant dans un lieu éloigné de son exploitation. Cette disparition des agriculteurs au profit d’une agriculture de firme constitue également une menace pour la vitalité des territoires, vidés de ses habitants avec des exploitants de plus en plus urbains.

On peut en outre relayer les inquiétudes exprimées par la FNSAFER, qui met ainsi en garde contre le fait que le recours au travail délégué conduit à une simplification des cultures, néfaste pour le dynamisme des territoires, la diversité de la production française et à rebours de la transition vers l’agro‑écologie.

Les dérives du travail délégué risquent également à terme de poser des difficultés en matière de souveraineté agricole. Des critiques se sont élevées en audition du côté de la FNSEA, de la Coordination rurale et de la fédération nationale des entrepreneurs de travaux (FNET) contre la présence de firmes de sous-traitance étrangères exploitant intégralement des terres en France. Ce phénomène est assez répandu dans le Nord de la France dans les cultures de la pomme de terre, où des agriculteurs sous-louent leurs terres à des sous-traitants belges ou néerlandais, à des prix à l’hectare parfois dix fois supérieur à la valeur du fermage.

B.   Des pistes pour faire face aux dÉfis posÉs par le travail À façon

Le travail délégué doit être cantonné dans une limite acceptable pour éviter certaines dérives. Plusieurs pistes d’action, qui doivent être élaborées en concertation avec les organisations agricoles, méritent ainsi d’être envisagées.

1.   Assurer une forme de transparence : améliorer la connaissance et le suivi du phénomène

À la lumière des travaux menés par votre Rapporteur, une première nécessité s’impose : celle de mieux connaître et quantifier le phénomène du travail délégué et plus particulièrement du travail délégué intégral. Les études existantes reposent sur des chiffres trop peu récents et les données restent parcellaires. Une évolution souhaitable est celle de la mise en place d’un système de déclaration obligatoire, qui permettrait d’assurer une forme de transparence sur le développement du travail à façon, en particulier dans sa forme intégrale. Afin de ne pas faire peser de contraintes administratives excessives sur les agriculteurs, cette déclaration obligatoire, qui pourrait être à la charge de l’entrepreneur de travail délégué, aurait vocation à s’appliquer uniquement au-delà d’un certain seuil, qui pourrait être déterminé en fonction du nombre d’hectare ou en proportion des terres exploitées faisant l’objet d’un travail à façon. Cette obligation permettrait de mettre en lumière à quelle échelle le chef d’exploitation a recours au travail délégué et pour quels types de travaux. Elle pourrait s’accompagner d’une amende administrative en cas de non-déclaration.

En outre, cette déclaration obligatoire pourrait s’accompagner d’un outil fonctionnel de suivi des actifs et du foncier, qui permettrait, sur les suggestions des Jeunes agriculteurs (JA), le suivi de la sous-location et du travail à façon à la parcelle et non pas à l’exploitation.

2.   Adapter les outils juridiques

Le travail à façon peut être utilisé comme un outil de contournement du cadre juridique de l’ordre public agricole. Le risque est ainsi d’affaiblir l’efficacité des politiques publiques visant à éviter une trop grande concentration du foncier et à favoriser le renouvellement des actifs. Il paraît dès-lors nécessaire d’engager une réflexion pour adapter le cadre juridique afin d’assurer son efficacité face au phénomène croissant du développement du travail à façon intégrale.

a.   Envisager la création d’un cadre légal spécifique

L’une des pistes pourrait être d’aménager un cadre légal spécial pour les contrats de délégation, comme le proposent certains spécialistes du droit rural ainsi que le rapport de la mission parlementaire sur le foncier agricole présidé par votre Rapporteur ([26]). Le principe serait ainsi de mettre en place un « contrat spécial de prestation de services agricoles » : les parties rédigeraient ainsi par écrit une convention détaillant le contenu de leurs obligations respectives (nature des travaux agricoles concernés, les parcelles et leurs références cadastrales, la date et la durée de réalisation de la prestation, la rémunération du prestataire et les modalités de paiement, etc.). Ce contrat apporterait une forme de sécurité juridique. En cas de fermage, il pourrait être prévu des modalités d’information systématiques du bailleur par le fermier en cas de recours au travail à façon ([27]). Cette contractualisation permettrait également de tenir informer les administrations compétentes, dans la lignée de la proposition précédente formulée en matière de transparence. Pour limiter les dérives du travail à façon dans sa forme intégrale, il pourrait être envisagé, comme le suggère notamment le professeur Grimonprez, que le recours au travail à façon intégral, rendu visible par ce nouveau type de contrat, fasse perdre la qualité d’exploitant. La mise en place d’un tel contrat doit être pensée en bonne articulation avec les règles du droit coopératif, afin de ne pas perturber le modèle juridique des CUMA. Il pourrait également être envisagé de fixer un seuil à partir duquel la nécessité de conclure ce type de contrat serait obligatoire, pour ne pas faire peser de contraintes disproportionnées quand le recours au travail à façon reste marginal ou circonstancié.

b.   Faire avancer les réflexions autour de la définition de l’agriculteur actif

Le recours au travail à façon intégral questionne la nature même du métier d’agriculteur et soulève un enjeu ancien : la définition de l’actif agricole. Cette problématique fait aujourd’hui l’objet d’une actualité particulière dans le cadre de la nouvelle PAC et du plan stratégique national en cours d’élaboration ([28]).

Lors des auditions, un certain nombre d’acteurs ont insisté sur la nécessité de mieux définir l’actif agricole, dès lors que cette définition peut conditionner l’accès à un certain nombre d’aides publiques. La définition des actifs dans la PAC est un enjeu clé, car d’elle découle l’accès aux aides de la PAC. La FNSEA porte depuis plusieurs années la revendication d’établir un statut de l’agriculteur professionnel. Entendue en audition, la Confédération paysanne propose de s’appuyer sur la définition figurant dans le statut du fermage, pour permettre le contrôle de la qualité d’actif agricole et « éviter le détournement des aides publiques de la PAC au profit de propriétaire qui ne sont que des exploitants de façade ». Il s’agit ainsi de reprendre les dispositions de l’article L. 411-59 du code rural et de la pêche maritime qui prévoit que l’agriculteur « ne peut se limiter à la direction et à la surveillance de l’exploitation et doit participer sur les lieux aux travaux de façon effective et permanente, selon les usages de la région et en fonction de l’importance de l’exploitation. Il doit posséder le cheptel et le matériel nécessaires ou, à défaut, les moyens de les acquérir ». La Coordination rurale, qui ne s’exprime pas en faveur d’une refonte de la définition de l’actif agricole, a néanmoins souligné au cours des auditions que l’agriculteur doit être celui qui prend les décisions et les risques pour son exploitation. La section des fermiers-métayers souhaite prendre en compte des critères de formation et de prise de décisions. D’autres critères tels qu’un âge maximal limite (évoquée par les Jeunes agriculteurs), la définition d’un temps de travail minimal sur l’exploitation, la part de revenu, ou la détention de matériel sont également mis sur la table. Sur ces questions, aboutir à une définition adéquate est un exercice périlleux, dans un contexte caractérisé par des bouleversements sociologiques du monde agricole et le développement de la pluriactivité.

Si l’exercice est difficile, il n’en demeure pas moins nécessaire. Votre Rapporteur appelle à poursuivre la réflexion sur la définition de l’actif agricole. Un propriétaire qui délègue l’entièreté de son exploitation et qui habite en ville loin de l’exploitation paraît difficilement pouvoir répondre à la définition de l’agriculteur et le fait qu’il puisse continuer à percevoir les aides de la PAC pose particulièrement question. Le registre agricole, résultant du décret n° 2017-916 du 9 mai 2017, pris en application de la loi n° 2014-1170 du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, constitue un premier pas franchi vers une définition de l’agriculteur actif. L’actualité autour du plan stratégique national de la PAC constitue une nouvelle opportunité en la matière. En outre, concernant le registre agricole, votre Rapporteur observe qu’à court terme, ce registre pose la question de l’attribution d’une carte d’agriculteur actif, qui pourrait être utile à la profession, par exemple pour éviter certains abus sur les marchés.

3.   Vers une réforme du statut du fermage

Le régime du statut du fermage a joué un rôle déterminant dans la compétitivité du modèle agricole français pendant près de cinquante ans, en particulier en contribuant à maintenir le prix du foncier à un niveau relativement bas, favorisant l’accès au foncier et la pérennité des exploitations. Néanmoins, force est de constater la désaffection croissante pour cette forme juridique, considérée comme trop rigide et trop peu rentable pour les propriétaires, tentés par d’autres modes d’exploitation, comme le travail à façon intégrale. Tout en conservant les fondements du statut du fermage, une réforme apparaît aujourd’hui nécessaire, pour moderniser et outil et en renforcer l’attractivité. Cette réforme nécessiterait un important travail de concertation car l’équilibre des rapports entre bailleurs et preneurs est une question complexe.

Pour renforcer l’attractivité du fermage, de nouvelles incitations fiscales et une redéfinition des critères de calcul des loyers pourraient être envisagées. Les modalités de résiliation et les sanctions en cas de non-paiement du bail pourraient également être revues. Ces propositions ont notamment été formulées dans le rapport consacré au régime juridique des baux ruraux présenté par les députés Antoine Savignat et Jean Terlier en juillet 2020. Si le consensus est encore à consolider au sein de la profession pour faire évoluer le régime des baux ruraux, votre Rapporteur se félicite que les deux sections de la FNSEA des bailleurs et des fermiers métayers aient trouvé un accord comportant six propositions communes pour moderniser le statut du fermage. Dans le détail, les six propositions comprennent : un état des lieux obligatoire, la révision des règles de déclenchement de la révision du fermage anormal, la prise de la parcelle de subsistance en priorité sur les terres appartenant au fermier sortant, la possibilité d’un accord amiable sur les investissements et indemnisations du preneur en fin de bail, la mise en place d’un droit de subrogation du droit de préemption du preneur et, enfin, l’assurance de la transmission de l’exploitation du fermier sortant à un ou plusieurs repreneurs remplissant les conditions relatives au statut d’agriculteur professionnel, à l’agrément du contrôle des structures et à la viabilité du ou des projets.

Cette réforme du statut du fermage pourrait être préfigurée par une expérimentation à l’échelle régionale sur un nouveau format de bail, soumis à un statut de fermage plus souple, y compris sur le critère de la durée, alliant les avantages des différents baux existants.

Il pourrait également être envisagé de mettre en place un fonds public de garantie des fermages, sur les propositions de la Confédération paysanne qui a exprimé à votre Rapporteur son attachement au statut du fermage. Ce fonds public pourrait être utilisable lors des premières années de l’installation de l’exploitant en cas de difficultés, avérées par une procédure collective, et en cas de non-paiement pour un bail à long terme et de carrière, afin de sécuriser le propriétaire et l’inviter à recourir à ce type de location.

Pour conclure, sans condamner le recours à ce mode d’organisation agricole dans sa globalité, le développement du travail à façon appelle donc à une forme de vigilance des pouvoirs publics. Symptôme des difficultés et des mutations du monde agricole, le travail à façon doit également nous conduire à une réflexion plus vaste sur les questions d’installation mais aussi sur la question de la transmission et de l’accompagnement vers le départ à la retraite. La question du revenu agricole reste également au cœur de ces problématiques : une revalorisation de la rémunération de l’agriculteur permettrait de redonner de l’attractivité à cette profession essentielle à la Nation, diminuerait les problématiques de transmission et laisserait donc un espace moins grand au développement du travail à façon intégral.

 


—  1  —

EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 20 octobre 2021 la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Jean-Bernard Sempastous, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Le secteur agricole français a souffert cette année de difficultés tant conjoncturelles – répercussions de la crise sanitaire, violence des aléas climatiques – que structurelles. Notre agriculture doit désormais s’engager sur le chemin des transitions pour garantir à tous l’accès à une alimentation saine, durable et de qualité, et reconquérir sa souveraineté alimentaire. Ces défis ne seront pas relevés sans les hommes et les femmes qui contribuent quotidiennement à nourrir les Français. C’est pourquoi nous devons veiller à assurer des revenus décents à nos agriculteurs et à actionner les leviers nécessaires pour le renouvellement des générations.

Le projet de budget pour 2022 me paraît globalement offrir des moyens financiers à la hauteur des enjeux actuels. Les crédits de la mission sont consolidés par rapport à l’année dernière, atteignant 3,03 milliards d’euros en autorisation d’engagement (AE) – en augmentation de 0,18 % – et 3,01 milliards d’euros en crédits de paiement (CP) – en baisse d’environ 1 %.

Aux crédits de la mission, il faut ajouter : les crédits du plan de relance à destination de l’agriculture, soit 1,3 milliard d’euros sur deux ans ; les programmes 142 et 143, qui financent l’enseignement et la recherche agricole, et représentent à eux deux environ 1,9 milliard d’euros ; 126 millions prévus au titre du compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (CASDAR) ; les financements du programme d’investissements d’avenir (PIA) 4 ; des dispositifs fiscaux et sociaux pour 7,5 milliards d’euros et enfin, des financements européens à hauteur de 10 milliards d’euros. L’effort global est donc considérable.

Les crédits du programme 149, Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture, connaissent une légère baisse. Cette relative stabilité masque néanmoins d’importantes évolutions au niveau des actions.

Les crédits de l’action n° 21, Adaptation des filières à l’évolution des marchés, qui s’élèvent à plus de 222 millions d’euros, augmentent d’environ 5 millions.

Les crédits de l’action n° 22, destinés à soutenir les producteurs en difficulté, connaissent une très nette hausse de 73 % par rapport à l’an dernier en raison de l’augmentation de l’enveloppe allouée à l’aide au redressement des exploitations en difficulté (AGRIDIFF).

Avec 96,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et 110 millions en crédits de paiement, l’action n° 23, Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles, est en baisse de 12,8 % en AE et de 17,3 % en CP.

L’État apporte un soutien accru à la politique forestière avec des crédits en forte hausse, de l’ordre de 12 %, pour l’action n° 26, Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois. L’accent mis sur la politique forestière se retrouve dans la mission Plan de relance. Parallèlement, des efforts budgétaires importants sont demandés à l’Office national des forêts (ONF) dans le cadre du schéma d’emploi de l’établissement.

Le programme 206, Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation, dispose d’un budget de 614,3 millions d’euros en AE, soit une hausse de 2,4 %, traduisant l’application de dispositions européennes renforçant les politiques de contrôle.

Les crédits du programme 215, Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture, s’élèvent quant à eux à 641,6 millions d’euros en AE et 630,9 millions en CP. Ils sont en légère hausse.

Enfin, comme l’année dernière, le CASDAR est plafonné à 126 millions d’euros. Des crédits supplémentaires pourraient être débloqués dans la loi de finances rectificative de fin d’année et une mission de l’inspection générale des finances (IGF) est en cours. Je profite de l’occasion pour souligner mon attachement au CASDAR et son utilité pour le monde agricole.

Après ce panorama budgétaire, je souhaite vous présenter la partie thématique de mon avis, qui porte sur le travail à façon. J’ai réalisé une dizaine d’auditions et un déplacement sur le terrain, dans l’objectif de dresser un état des lieux de ce phénomène et de dégager des pistes d’action pour les pouvoirs publics.

Le travail à façon consiste à faire appel à un prestataire de services pour réaliser tout ou partie des travaux agricoles. Jusqu’à une période récente, il concernait surtout des petites ou moyennes exploitations, qui y avaient recours pour réaliser des tâches précises. Depuis le milieu des années 1990, le travail délégué se développe fortement et change de nature. Le travail à façon intégral, qui consiste à déléguer la gestion d’une exploitation agricole de A à Z, prend de l’ampleur : environ 60 % des exploitations agricoles françaises ont recours au travail à façon et un peu plus de 7 % de manière intégrale ; pour les grandes cultures, le taux de délégation intégrale atteint plus de 12 %. Cette tendance s’illustre également par la progression du nombre d’entreprises de travaux agricoles, qui sont aujourd’hui près de 14 000.

L’expansion du travail délégué reflète les mutations qui traversent le monde agricole. Le recul du modèle de l’agriculture familiale, les difficultés de main-d’œuvre, les exigences croissantes sur le plan technique et environnemental, la hausse du prix des équipements, le défi du renouvellement des générations et les problématiques de transmission sont autant d’évolutions qui éclairent les dynamiques à l’œuvre.

Si le travail à façon peut être une réponse face aux exigences croissantes de technicité et au déficit de main-d’œuvre, permettre des économies d’échelle pour l’utilisation de matériels, ou encore, apparaître comme une solution pour certains agriculteurs souhaitant se recentrer sur le cœur de leur activité, son développement peut aussi s’expliquer par un certain manque d’attractivité du fermage. Il est utilisé comme une stratégie de transmission, voire de rente, pour certains exploitants. Ces stratégies peuvent en outre être alimentées par les pratiques de certaines coopératives, qui proposent au futur retraité dans certains territoires une prise en charge clé en main.

Ce développement suscite des craintes légitimes. Le travail à façon peut être utilisé comme un outil de contournement des règles du droit rural, comme le statut du fermage ou le contrôle des structures. C’est donc un défi supplémentaire pour la problématique du foncier agricole, avec un risque accru de concentration des terres et de difficultés de renouvellement des générations. Le travail à façon fait naître la crainte d’une agriculture sans agriculteur, en permettant à l’exploitant de conserver son statut et ses droits, tout en abandonnant son métier et en vivant dans un lieu éloigné. C’est une menace forte pour notre modèle agricole et pour la vitalité des territoires ruraux.

Le travail à façon ne doit pas être condamné en tant que tel. C’est un mode d’organisation du travail nécessaire à l’activité agricole et son développement n’est souvent que le symptôme des mutations et des difficultés du monde agricole. Néanmoins, le recours au travail à façon, surtout lorsqu’il est intégral, fait naître des dérives qui nécessitent un encadrement.

Je propose dans mon rapport quatre grandes pistes d’action.

Premièrement, une nécessité s’impose : améliorer la transparence et le suivi du phénomène, tout particulièrement pour le travail délégué intégral. L’ensemble des personnes auditionnées ont souligné le manque de données disponibles. Une évolution souhaitable serait d’instaurer un système de déclaration obligatoire, mais seulement à partir d’un certain seuil de délégation, pour ne pas contraindre à l’excès les agriculteurs.

Deuxièmement, un cadre légal spécifique pourrait être créé, avec l’institution d’un contrat de prestation de services agricoles, qui détaillerait la nature et les modalités des actes de délégation. Cette proposition avait déjà été émise dans le rapport de la mission d’information sur le foncier agricole.

Troisièmement, il faut faire avancer la réflexion sur la définition de l’agriculteur actif, même si la diversification actuelle du métier d’agriculteur rend l’exercice périlleux. C’est un enjeu important dans le contexte actuel des discussions sur la nouvelle politique agricole commune (PAC). Je souhaite également qu’à court terme, le registre des actifs agricoles soit utilisé pour attribuer une carte d’agriculteur aux actifs, afin qu’ils puissent faire reconnaître leur statut, notamment sur les marchés.

Quatrièmement, il faut mener une réflexion sur le statut du fermage tout en protégeant ses fondements légitimes. De nouvelles incitations fiscales, des durées de contrat plus souples et une redéfinition des critères de calcul des loyers pourraient être envisagées avec la profession agricole. Je crois aussi à la force de l’expérimentation locale : une expérimentation d’un nouveau format de bail pourrait être pertinente. Avec l’ensemble des parties prenantes, nous devons approfondir cette question difficile, mais essentielle. Cela pourrait être un beau programme pour la prochaine législature.

Je vous invite à émettre un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

Mme Barbara Bessot Ballot (LaREM). L’appréciation des ressources financières allouées à l’agriculture et à l’alimentation va au-delà de l’examen des seuls crédits de la présente mission, près de 3 milliards d’euros étant consacrés à ces sujets dans le plan de relance et dans le plan France 2030. Le Président de la République l’a souligné alors qu’il détaillait les moyens que nous allons nous donner pour réussir la troisième révolution agricole : le paradoxe, c’est que nous attendons de notre agriculture qu’elle continue à nous nourrir comme elle le fait depuis des décennies, mais de manière plus respectueuse de l’environnement et en redonnant de l’attrait au métier d’agriculteur, alors même que la part de l’alimentation dans le budget des ménages a diminué. Cette exigence a un coût. En investissant massivement dans la transition agricole, l’État en prend pleinement la mesure. Il l’a fait de manière structurelle, comme le montrent les lois que nous avons adoptées au cours de cette législature – loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite loi « EGALIM 1 », loi visant à protéger la rémunération des agriculteurs, dite loi « EGALIM 2 », loi relative à la transparence de l’information sur les produits agricoles et alimentaires, loi visant à assurer la revalorisation des pensions de retraites agricoles en France continentale et dans les outre-mer –, ainsi que les initiatives parlementaires sur le bien-être animal et le foncier agricole, que nous souhaitons voir aboutir prochainement, de même que les travaux sur la réforme des assurances agricoles ou sur le modèle des coopératives agricoles. L’analyse faite par le rapporteur pour avis sur le travail à façon et les craintes légitimes qu’il peut susciter s’inscrit dans cette même démarche et pourra éclairer nos futurs travaux en la matière.

Ces mesures guident les financements déployés au service d’une agriculture responsable et souveraine. Nous pouvons aussi nous appuyer sur des opérateurs et agences qui traduisent sur le terrain nombre de politiques et éclairent les décideurs publics, comme FranceAgriMer, l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO), l’Agence française pour le développement et la promotion de l’agriculture biologique – dite Agence Bio – ou l’Agence nationale chargée de la sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES). Aucun, à l’exception de l’Institut français du cheval et de l’équitation, ne voit ses crédits baisser.

En tant que corapporteure de la mission d’information sur les sels nitrités dans l’industrie agroalimentaire, je ne peux que regretter que l’ANSES n’ait toujours pas remis son rapport sur les nitrites, qui nous avait été annoncé pour février dernier.

Le groupe La République en Marche se prononcera en faveur de l’adoption des crédits de la mission.

M. Jérôme Nury (LR). Cette année encore, nous ne pouvons que souscrire aux objectifs affichés par le Gouvernement. Ses grandes priorités sont partagées par tous : combiner la performance économique et environnementale, investir dans les territoires ruraux et les filières d’avenir, renforcer la qualité du service et maîtriser les coûts de gestion des politiques publiques. La vraie question est de savoir si les moyens prévus sont suffisants pour atteindre ou du moins approcher ces objectifs.

Globalement, les moyens dévolus à l’agriculture sont à peu près stables par rapport à l’an dernier. Ce n’est donc pas un budget euphorique, mais on s’en contentera, d’autant plus que l’essentiel du budget n’est pas national mais européen – les trois quarts des aides publiques à l’agriculture française sont gérées à Bruxelles. Nous avions de grandes craintes concernant le maintien du budget de la politique agricole commune (PAC), que nombre de nos partenaires voulaient diminuer. Il faut se réjouir de la stabilité de ses crédits et du soutien préservé de l’Europe à notre agriculture.

Concernant le présent projet de budget, plusieurs points soulèvent des questions. D’abord, le renouvellement des générations : si la dotation jeunes agriculteurs (DJA) est maintenue, il faudrait aller plus loin dans l’accompagnement pour rendre la profession attractive. Or l’État est absent d’un dispositif essentiel non seulement pour les jeunes mais aussi pour les agricultrices, pour les familles et même pour l’ensemble des paysans : les services de remplacement. Savoir que l’on peut compter sur des salariés formés, performants, encadrés en cas de maternité, d’accident, de maladie ou de congés est un vrai plus pour les agriculteurs. Ces structures sont parfois accompagnées par les collectivités territoriales, notamment par le conseil départemental, mais il faudrait un soutien massif de l’État pour aider les bénévoles de ces associations, qui gèrent tout dans ces services de remplacement.

Les aides en faveur de la modernisation des exploitations agricoles poursuivent leur baisse pour s’établir à 43,4 millions d’euros, soit 13,2 millions de moins que l’an dernier. On me rétorquera que le volet agricole du plan de relance prévoit 1,3 milliard d’euros sur deux ans, mais on peut craindre que cette somme soit bien insuffisante eu égard aux besoins et aux enjeux, et cela d’autant plus que le budget courant, avec des crédits à la baisse, ne prendra pas le relais. En 2021, les crédits du plan de relance agricole destinés à l’aide à la conversion des agroéquipements vers des modèles permettant de réduire les intrants ont été épuisés en vingt‑trois jours : ouverts le 4 janvier 2021, le dispositif a été clôturé le 27 janvier en raison d’un nombre important de candidatures. Il faut donc plus de moyens pour soutenir ces changements.

En conclusion, on peut craindre que ce budget ne réponde que partiellement au malaise profond que traverse le monde agricole. EGALIM 1 était un mirage et a déçu nombre d’acteurs dans les filières, hormis peut-être dans celle du lait. L’adoption d’EGALIM 2 laisse entrevoir quelques pistes d’amélioration en vue des prochaines négociations commerciales. Quel dommage de ne pas avoir accepté dès EGALIM 1 la proposition que nous avions faite et qui est aujourd’hui reprise dans EGALIM 2 : que de temps perdu ! Espérons que ces mesures permettront à nos agriculteurs de peser enfin dans les négociations afin d’avoir des revenus décents, tirés de leur travail, de leurs efforts et de leur professionnalisme.

M. Philippe Bolo (Dem). Nous nous réjouissons que les crédits de cette mission aient augmenté de 10 % depuis la loi de finances de 2017. Avec plus de 3 milliards d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement, les crédits agricoles sont donc au rendez-vous et permettront de relever les défis fixés au début du quinquennat : l’amélioration du revenu des agriculteurs, la transformation agroécologique, le renforcement de la compétitivité des exploitations, ainsi que la valorisation des forêts, notamment dans une perspective de lutte contre le changement climatique. Nous réaffirmons ainsi notre fort attachement à l’agriculture, laquelle constitue la dynamique de nos territoires, est la garantie de notre souveraineté alimentaire, et forme une partie de notre culture et de notre patrimoine.

Nous saluons les avancées que nous venons d’adopter concernant l’amélioration du revenu des agriculteurs, qui seront appliquées dès 2022. Avec le rééquilibrage des relations commerciales, les agriculteurs ne seront plus la variable d’ajustement de la guerre des prix entre la grande distribution et les industriels.

L’an dernier, le groupe Mouvement démocrate (MODEM) et démocrates apparentés avait déploré le manque de compétitivité de nos exploitations, notamment celles spécialisées dans les cultures de fruits et légumes, et souligné les difficultés qu’elles rencontraient en matière de recrutement et de fixation des prix. La mise en place d’une expérimentation spécifique à cette filière, permettant à l’interprofession de bénéficier d’une dérogation temporaire pour mesurer les effets de la majoration de 10 % du seuil de revente à perte, est à saluer. Nous avions en outre appelé de nos vœux la pérennisation du dispositif d’exonération de charges patronales pour l’emploi des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi agricoles, dit TODE, et nous ne pouvons que nous satisfaire de voir qu’il est reconduit en 2022, ce qui traduit la volonté du Gouvernement de soutenir les filières en question.

Avec cette même volonté de garantir un haut niveau de prévention et de réactivité, nous ne pouvons qu’encourager la poursuite de la préparation au Brexit et le rétablissement des contrôles aux frontières. Plus de 450 postes ont été créés entre 2019 et 2021, tandis que les entreprises de la filière pêche bénéficient d’aides depuis début 2021. Nous devons poursuivre ces efforts.

Aux crédits de cette mission s’ajoute une enveloppe de 1,2 milliard d’euros issue du plan de relance destiné à l’agriculture, dont plus de la moitié est destinée à l’adaptation au changement climatique. À cet égard, nous nous nous félicitons que le Gouvernement ait maintenu un haut niveau de prévention des risques, notamment à l’occasion du plan Gel.

Récemment, le Président de la République a annoncé le lancement du plan France 2030 et détaillé les moyens qui seront mis en œuvre pour engager la troisième révolution agricole. Près de 2 milliards d’euros y seront destinés, et 800 millions dans le cadre du programme d’investissements d’avenir. Quatre chantiers dessinant de nouvelles perspectives pour l’agriculture de demain ont été identifiés : l’engagement de la révolution du vivant et de la connaissance ; le renforcement des chaînes alimentaires locales pour une meilleure alimentation – et de meilleurs emballages ; la création d’un fonds « entrepreneurs du vivant » pour doter de fonds propres des projets d’innovation agricole et alimentaire ; enfin, l’encouragement de l’utilisation de nouveaux matériaux au service de la construction bas carbone, avec le plan « cellulose », le renouvellement de la forêt et la modernisation de l’appareil de production au service du développement du bois de construction.

Le groupe Démocrate exprimera un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

M. Dominique Potier (SOC). Au-delà de la confusion que cela entraîne – une vache n’y retrouverait pas son veau ! –, la multiplicité des budgets concernés rend difficile la tenue d’un vrai débat démocratique sur les questions agricoles : ce n’est jamais le bon moment pour faire des propositions parce que ce n’est pas dans le bon budget !

Globalement, nous déplorons une politique agricole de l’immobilisme qui va reproduire les mêmes inégalités et produire les mêmes lenteurs dans les transitions pourtant urgentes liées à la souveraineté alimentaire et à la lutte contre le dérèglement climatique. Nous aurions aimé que cette législature ait été utile concernant les organisations de producteurs (OP), la réforme foncière et toutes les dispositions systémiques ; or ce n’est pas le cas.

En revanche, on a distribué beaucoup d’argent dans le cadre du plan de relance. Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne chose que d’ouvrir un guichet à vingt heures et de le fermer à six heures le lendemain. Quand le ministre viendra ici, j’aimerais qu’il nous dresse un bilan des bénéficiaires de ces crédits. Je faisais partie, comme paysan, de groupes de développement : il nous fallait parfois trois mois pour élaborer un programme et négocier des financements avant de le mettre en œuvre. C’est du temps lent, de la concertation, du dialogue. Quand on fait du guichet, on dépense beaucoup d’argent sans être certain qu’il va au bon endroit et qu’il est le plus efficient. Ma critique sur le plan de relance est donc systémique car celui-ci n’est pas allé au fond des choses.

Les organismes nationaux à vocation agricole et rurale (ONVAR) ne relèvent pas de cette mission budgétaire mais j’en profite pour signaler qu’ils manquent d’argent. Il faut donner aux fédérations de groupes de développement les moyens de jouer leur rôle dans les mutations agricoles.

Enfin, concernant l’agriculture déléguée, que n’avez-vous accepté les amendements que j’avais déposés lors de l’examen de votre proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole ! Ils visaient à définir ce qu’était un actif agricole et à inscrire dans le code rural le principe du travail délégué, afin de s’armer réellement contre ses dérives. Quant à votre idée de seuil, elle me paraît délétère : c’est elle qui a permis aux sociétés de se développer et d’accaparer les terres, déformant ainsi nos paysages et ruinant tous les efforts en matière d’agroécologie et de politique de renouvellement des générations.

M. Antoine Herth (Agir ens). Nous exprimons notre satisfaction concernant ces crédits budgétaires, qui permettent de consolider l’action du ministère de l’agriculture et de poursuivre l’accompagnement du monde agricole, engagé depuis de nombreuses années dans des transitions difficiles – sachant que la voie est étroite, car il n’est pas toujours facile de répondre positivement aux aspirations de l’opinion publique à travers une modification des pratiques agricoles.

Ce budget arrive après un travail considérable effectué au cours de cette législature sur l’agriculture. Je partage la préoccupation de mes collègues sur la poursuite de l’accompagnement en faveur du renouvellement des générations, nécessaire pour garantir la dynamique agricole sur le long terme.

Il y a aussi des objectifs nouveaux, qui ne sont pas inscrits dans le budget. Un véritable saut qualitatif est annoncé en matière d’assurances climatiques. Nous espérons pouvoir rebaser l’ensemble du système parce que c’est un risque majeur pour le monde agricole.

La PAC consacre au monde agricole des enveloppes budgétaires importantes, qui ne sont évidemment pas incluses dans la présente mission. Je souligne l’excellent travail de concertation réalisé par le ministre de l’agriculture et de l’alimentation : exceptionnellement, le Parlement a été très fortement associé aux réflexions sur l’élaboration du plan stratégique national. C’est vraiment un motif de satisfaction.

Le travail à façon, thème choisi par le rapporteur pour avis, mérite en effet qu’on l’examine de près. Le rapport soulève la question des nouvelles technologies et de leur diffusion massive – cela concerne plus particulièrement la robotique et le numérique. Le travail à façon n’est-il pas une manière de mettre ces nouvelles techniques à la portée des agriculteurs ? L’un des enjeux de cette pratique est la propriété des datas issues de l’application de ces techniques : il faudrait éviter qu’elles échappent au contrôle des exploitants agricoles.

Vous incluez les coopératives d’utilisation de matériel agricole (CUMA) dans le travail à façon. Or il me semble que, juridiquement, la CUMA est le prolongement de l’exploitation agricole. Nous avons une divergence de vues sur ce point.

S’agissant des propositions que vous faites, je suis d’accord avec l’obligation de déclarer. Concernant la réforme du statut du fermage, on peut se réjouir que bailleurs et propriétaires soient tombés d’accord sur six propositions que vous énumérez dans votre rapport. Il faut continuer de creuser ce sillon pour faire évoluer les choses positivement. Reste la question du registre de l’agriculture ou, du moins, de la définition de l’agriculteur actif. C’est un vieux projet, mais nous n’en avons jamais vu la couleur : où en est-on concrètement ?

Enfin, le travail à façon contribue à modifier considérablement les données de l’agriculture.

Globalement, en dépit de quelques questions sur les sujets abordés, nous sommes très satisfaits des crédits qui nous sont proposés.

Mme Sylvia Pinel (LT). Depuis plusieurs années, le secteur agricole fait face aux difficultés : concurrence internationale souvent impitoyable, rémunérations très insuffisantes, sécheresses et aléas climatiques de plus en plus fréquents. Le Président de la République avait promis de s’attaquer à ces problèmes mais les mesures prises depuis le début du quinquennat ne sont pas suffisantes et n’ont que des effets marginaux sur la rémunération des agriculteurs. La grande loi sur le foncier a été considérablement réduite dans ses ambitions.

Quant au présent projet de loi de finances, il s’inscrit dans la continuité des précédents budgets, avec 5 milliards d’euros pour le ministère et 3 milliards pour la mission. La stabilité des crédits témoigne d’une volonté de préserver les mêmes équilibres que lors des précédents budgets, quitte à reproduire les mêmes écueils. Ainsi, l’enseignement agricole, pour la troisième année consécutive, subit des suppressions de postes. Il est urgent d’assurer les formations des nouvelles générations pour permettre leur renouvellement.

Quelques avancées sont néanmoins à saluer : le plan Gel a prévu le doublement de l’enveloppe pour l’acquisition d’équipements de protection contre les aléas climatiques dans le cadre du plan de relance. Nous devons aller plus loin pour aider les agriculteurs à se prémunir contre les incidents de plus en plus récurrents. Ainsi, dans le Tarn-et-Garonne, les gelées ont provoqué cette année la perte de 30 % des récoltes de chasselas de Moissac ; espérons que l’année prochaine, les producteurs seront mieux préparés à cette éventualité. Je veux vous alerter sur le reste à charge, qui reste souvent trop important pour certaines exploitations, notamment les exploitations familiales. J’aimerais aussi vous interroger sur l’assurance récolte, annoncée par le Président de la République, et sa traduction dans le projet de loi de finances et les textes à venir.

Nous nous réjouissons du maintien du dispositif TO-DE (travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi agricole) jusqu’au 1er janvier 2023. Nous appelons à le prolonger au-delà de cette date car il est indispensable à la compétitivité d’activités fortement mobilisatrices de main-d’œuvre, en particulier l’arboriculture.

Enfin, une grande partie des orientations et des aides au monde agricole sont décidées ou validées au niveau européen. Le budget de l’État consacré à l’agriculture n’aura de sens que s’il s’appuie sur une politique agricole commune bien conçue et bien articulée avec notre ambition nationale. C’est tout l’objet du futur plan stratégique national qui arbitrera la déclinaison des aides de la PAC dans notre territoire. L’application de règles différentes au sein de l’Union européenne étant possible, nous serons particulièrement vigilants à ce que les distorsions de concurrence entre États membres soient limitées.

M. Sébastien Jumel (GDR). Commenter un budget aussi touffu, aussi délégué à l’Europe, revient à chercher une aiguille dans une botte de foin ! Je me concentrerai sur quelques points sur lesquels je souhaite obtenir des éclaircissements.

Des éléments sont absents : le chèque alimentaire n’est pas budgété à ce stade, pas plus que les 600 millions d’euros de l’assurance récolte annoncée par M. Emmanuel Macron.

Vous vous félicitez d’une augmentation des moyens accordés à la gestion durable de la forêt dans le programme 149, mais aucune mesure n’est prévue pour soutenir l’ONF dans le prochain contrat d’objectifs et de performance (COP), qui entérine une gestion « austéritaire » pour répondre aux défis climatiques, au vieillissement des forêts et à la protection de la biodiversité. La hausse du budget est faible alors même que le Gouvernement acte la privatisation rampante de l’ONF. Ce budget entérine la suppression de 95 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, après les 95 de l’an dernier, soit une baisse de 202 ETP, tout opérateur confondu.

Je suis très attaché à l’aménagement équilibré du territoire et à l’État stratège qui se donne les moyens d’intervenir. La baisse continue des moyens alloués aux services territoriaux depuis cinq ans – moins 1,2 million d’euros – continue à taper fort sur les moyens de la déclinaison territoriale de la politique agricole.

L’enseignement agricole, en crise, est sous-doté. Si les crédits pour 2022 sont en hausse, la rallonge ne suffira pas et il y aura tout de même des suppressions de postes d’enseignement agricole. Il y a pourtant là un enjeu de renouvellement des générations. Si nous ne sommes pas capables d’offrir aux jeunes générations la possibilité de reprendre les fermes, cela posera à terme la question de notre souveraineté agricole.

Enfin, le travail à façon intégral est un véritable danger pour les agriculteurs. La question de l’accès au foncier est centrale : comment permettre aux jeunes d’accéder au foncier si les exploitations agricoles s’orientent vers une délégation de travail à des entreprises extérieures ? Il y a un risque de déconnexion entre propriété foncière et travail agricole, avec comme conséquence une difficulté d’accès au foncier, une montée en puissance du travail délégué à une entreprise agricole, une attaque du modèle familial de l’exploitation agricole et une utilisation détournée des aides de la PAC par des personnes qui n’exploitent plus directement. Tout cela, il faut l’avoir en tête et ne pas se raconter d’histoires. La petite loi foncière n’a pas permis de corriger cette dérive libérale qui risque de bousculer l’originalité du modèle agricole français.

M. Yves Daniel. Je souhaite évoquer les ONVAR, qui jouent un rôle essentiel dans nos territoires. Ils constituent l’un des trois piliers du développement agricole et rural aux côtés des chambres d’agriculture et des instituts techniques. Leur diversité est grande : ce sont des organismes de conseil, de formation, d’accompagnement, de mise en commun de matériel, d’animation, de vulgarisation etc. Leur trait commun est leur capacité à concevoir et à mettre en œuvre des initiatives originales de développement dans un cadre environnemental, alimentaire, territorial et surtout social. Ils agissent en complément des autres acteurs du monde agricole et rural en assistant les agriculteurs dans leurs difficultés économiques, administratives, juridiques ou sociales. Le rôle d’accompagnement qu’ils jouent a d’ailleurs été salué par notre collègue Damaisin dans son rapport sur la prévention des suicides dans le monde agricole.

La légitimité des dix-huit organismes reconnus n’est plus à démontrer. Plusieurs structures candidatent à cette reconnaissance, ce qui pourrait porter leur nombre à vingt-cinq. Leurs actions sont financées en grande partie par le CASDAR, ce compte d’affectation alimenté par des taxes dont s’acquitte le monde agricole à cette fin. Il serait donc opportun de repenser la distribution de ce fonds ainsi que le montant de son plafond, afin qu’il puisse répondre aux enjeux de l’agriculture d’aujourd’hui et de demain, dont le principal est le renouvellement des générations, qui ne pourra se faire sans placer l’humain au centre des priorités. Nous présenterons donc un amendement visant à porter ce plafond à 136 millions d’euros, soit son montant d’avant la crise, et à accroître le financement des ONVAR de 7,7 millions à 12 millions, afin que la reconnaissance des nouvelles structures ne se fasse pas au détriment de l’équilibre économique des ONVAR existants.

M. Julien Dive. Si ce projet de budget répond, à certains égards, à plusieurs de nos attentes, la principale critique que j’émettrai à son encontre est le manque de visibilité à moyen et long terme et l’absence d’une véritable trajectoire. J’en prendrai deux exemples.

D’abord, on sait pertinemment que, dans tout le territoire national et tous les secteurs agricoles, se pose la question de l’embauche d’une main-d’œuvre occasionnelle. Il est par conséquent indispensable de pérenniser le dispositif TO-DE. Le renouveler chaque année, comme nous le faisons, ce n’est que du bricolage. Il faut que nous nous dotions d’un dispositif à long terme qui donne de la visibilité aux exploitants qui ont des besoins récurrents de main‑d’œuvre.

Ensuite, il y a deux ou trois ans, vous vouliez faire la peau aux chambres d’agriculture. Heureusement, une forte mobilisation vous en a empêchés. Les chambres d’agriculture ont fait beaucoup d’efforts, notamment budgétaires, qui ont parfois abouti à des fusions. Ce sont elles qui sont aux côtés des acteurs dans les territoires, et ce sont elles qui accompagneront, au quotidien, les agriculteurs dans la transition agroécologique. Elles aussi ont besoin de visibilité budgétaire à moyen et long terme, avec une trajectoire claire, pour qu’elles puissent engager les investissements nécessaires. La transition agroécologique ne se fera pas en un claquement de doigts !

M. Jean-Pierre Vigier. Merci, Monsieur le rapporteur pour avis, pour votre présentation. L’enjeu, vous le soulignez, est de construire une agriculture souveraine, compétitive et engagée dans les transitions. Je ne peux que souscrire aux objectifs que vous fixez, en particulier ceux relatifs à l’adaptation des filières à l’évolution des marchés et au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles. Pourtant, on note une diminution des crédits de paiement, à hauteur de plus de 33 millions d’euros, par rapport à la loi de finances pour 2021. Cela doit-il faire planer un doute quant à la capacité des pouvoirs publics à soutenir efficacement notre agriculture ?

En outre – Mme Sylvia Pinel l’a dit –, le monde agricole traverse une crise durable, se traduisant par des prix de vente qui ne reflètent pas le travail des agriculteurs. Il est temps que ceux-ci bénéficient d’une rémunération juste et digne. Pensez-vous vraiment que le contenu de la mission soit à la hauteur des multiples défis que le monde agricole doit relever ?

Mme Typhanie Degois. La filière bois représente près de 400 000 emplois en France, de la scierie aux charpentiers, et traverse actuellement des difficultés. Qu’est‑il prévu pour la soutenir ?

M. André Villiers. Je voudrais appeler l’attention de chacun d’entre vous sur le paradoxe auquel est confrontée notre agriculture. Vous avez placé votre intervention, Monsieur le rapporteur pour avis, sous les maîtres-mots de souveraineté et de compétitivité. Or, en agriculture conventionnelle, on se trouve dans nombre de régions, dont celle qui m’est chère, confronté à des difficultés d’approvisionnement en engrais azotés, par exemple en ammonitrates, et en engrais complets. Il n’y a, à l’heure actuelle, aucune garantie pour les agriculteurs et les coopératives d’obtenir de tels produits en quantité suffisante et à des prix bas : ils passent commande sans même connaître cette variable essentielle. Vraisemblablement, cela a à voir avec la hausse du prix des énergies fossiles, mais il faut y être très attentif, car cela aura des répercussions sur le revenu.

Quant à ceux, nombreux, qui se sont engagés dans la voie d’une conversion à une agriculture plus respectueuse de l’environnement, notamment – mais pas seulement – à l’agriculture biologique, ils rencontrent des difficultés de commercialisation de leurs produits. Par exemple, on ne sait pas comment commercialiser les centaines de milliers d’hectolitres de lait labellisé bio.

D’autre part, FranceAgriMer a mis en place pour une filière agricole importante s’il en est, à savoir la filière bovine, et plus particulièrement celle des bovins allaitants, un dispositif permettant d’estomper les difficultés rencontrées lors la précédente campagne de commercialisation des jeunes bovins et broutards, en fixant un prix par animal pour la période de référence 2020, à condition de ne pas dépasser, au titre de 2020, 11 000 euros de revenus. On est là en train de traiter les agriculteurs, non comme des acteurs économiques, mais d’un point de vue social. C’est une faute qui aurait pu être corrigée dans l’exercice budgétaire.

Je surenchéris sur ce qui a été dit : la distribution des aides financières pour l’acquisition de matériel fait l’objet d’une véritable foire d’empoigne ; les premiers informés sont les premiers servis.

Enfin, le projet de loi de finances aurait pu être l’occasion d’apporter une solution aux importants problèmes, liés aux aléas climatiques, qui ont été rencontrés cette année, grâce par exemple à une réforme de l’assurance récolte. Je regrette que cela n’ait pas été évoqué.

M. Jean-Luc Bourgeaux. Je voudrais revenir sur la question du travail à façon. Si je ne conteste pas qu’il y a un problème, il ne faudrait pas que ce soit l’occasion d’imposer de nouvelles contraintes aux agriculteurs, en particulier à travers des formalités administratives. La très grande majorité des personnes qui y ont recours le font de manière ponctuelle, par exemple en raison d’aléas climatiques. Il n’y a rien de systématique. Je pense pour ma part qu’il serait préférable de travailler sur la définition de l’agriculteur actif, car c’est là le nœud du problème. Quelle n’est pas notre surprise lorsque nous apprenons que tel ou tel qui n’a rien à voir avec la profession touche des aides de la PAC pour l’exploitation de dizaines, voire de centaines d’hectares ! Ce sont ces gens-là qui font appel à 100 % au travail à façon. C’est de la définition préalable de l’agriculteur actif que découleront les réglementations adaptées.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Merci, Madame Bessot Ballot, pour vos remarques et pour la clarté de la position exprimée par le groupe LaREM sur le projet de budget.

Oui, Monsieur Nury, il faut que nous soyons attentifs au renouvellement des générations et au soutien des jeunes agriculteurs et de ceux qui tombent malades ou sont en difficulté et, en la matière, la Mutualité sociale agricole (MSA) joue sur le terrain un rôle essentiel. Quant à la modernisation des exploitations agricoles, une enveloppe du plan de relance y était destinée et je crois qu’à peu près partout, elle a été mobilisée rapidement et avec succès.

Monsieur Bolo, vous avez raison de rappeler que les crédits ont augmenté de plus de 10 % depuis 2017. L’agriculture fait en effet partie de notre patrimoine. On voit bien, notamment dans les territoires de montagne comme le mien, que lorsqu’il n’y a plus d’agriculture, le patrimoine paysager disparaît. À l’inverse, on reconnaît les lieux où des agriculteurs se sont installés en raison de la qualité de leurs pâturages et de leurs bois.

Monsieur Potier, je ne partage pas votre opinion concernant l’immobilisme du Gouvernement. Beaucoup d’argent a été versé dans les territoires – le monde agricole nous l’a dit –, et l’on ne peut que s’en réjouir ! Certes, tout le monde n’a pas toujours obtenu les enveloppes souhaitées, il y a eu quelques frictions, mais, globalement, les retours ont été très favorables. Pourquoi n’avons-nous pas accepté vos amendements à la proposition de loi foncière ? Je crois y avoir répondu indirectement dans mon propos liminaire.

Monsieur Herth, lors des auditions préparatoires à ce rapport, nombreux sont ceux qui m’ont dit qu’ils avaient recours au travail délégué dans le cadre de ces « niches » que sont les nouvelles technologies, la robotique, le numérique, ainsi que pour des questions en rapport avec les aspects environnementaux, comme l’utilisation du glyphosate. Pourquoi ? D’une part, le matériel coûte cher, son acquisition requiert de lourds investissements et sa mise en œuvre une haute technicité ; d’autre part, c’est un moyen d’échapper au jugement des riverains qui vous voient passer avec la sulfateuse. Dans les deux cas, le travail délégué paraît une issue. Cela suscite bien entendu des conflits d’agenda : la moissonneuse, tout le monde la veut au même moment ! Bref, tout cela suppose une organisation et des investissements importants.

J’entends votre remarque concernant les CUMA, mais j’ai remarqué dans ma circonscription, et cela m’a été confirmé lors des auditions, qu’il y avait parfois des excès. Certaines CUMA recourent au travail à façon alors qu’elles n’en ont pas besoin. Je trouve cela inacceptable.

Pour ce qui est du fermage, nous avons tous les deux le désir de faire avancer les choses. Grâce à l’action de la Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA), bailleurs et fermiers ont commencé à se parler. J’avais proposé de lancer dans certaines régions des expérimentations, mais cela n’a pas été accepté. Je pense qu’il ne faut pas fermer la porte, et continuer à travailler sur le sujet.

Madame Pinel, je suis d’accord avec vous concernant les aléas climatiques, l’assurance récolte et le reste à charge pour les petites exploitations. Nous devons tous y être extrêmement attentifs. Je suis aussi d’accord sur le fait qu’il n’y a pas eu la grande loi sur le foncier que nous attendions, et c’est précisément pourquoi j’ai défendu ce que M. Jumel a qualifié de « petite » proposition de loi foncière. Je comprends enfin vos interrogations sur l’enseignement agricole, et je pense que nous devons être vigilants sur ce point aussi. Ce sont autant de questions sur lesquelles nous pouvons nous retrouver – même si celle de l’assurance récolte ne relève pas uniquement du budget.

Monsieur Jumel, le Gouvernement travaille sur le chèque alimentaire, et je ne peux pas vous apporter de réponse précise sur ce point. Je suis d’accord sur le fait que le renouvellement de l’enseignement agricole est nécessaire. Dans le lycée agricole qui se trouve à proximité de ma circonscription, j’ai pu observer la motivation des enseignants et de l’équipe de direction pour le réinventer, aller dès que possible avec les jeunes au plus près des exploitations et donner une image positive de cet enseignement.

J’ai longuement étudié la question du travail délégué durant la préparation de ma proposition de loi relative au foncier agricole, et il est vrai qu’il n’y a pas d’unanimité sur la question en raison de la persistance de certains freins, qu’il nous faudra lever si nous voulons avancer.

Monsieur Daniel, je ne peux qu’être d’accord avec l’amendement que vous souhaitez présenter en commission des finances.

Monsieur Dive, il est vrai que tous les territoires se trouvent confrontés à la question du recours à des travailleurs occasionnels, et qu’il convient d’y apporter une réponse pérenne. Je suis également d’accord avec vous concernant les chambres de l’agriculture : elles sont au cœur de la politique agricole territoriale ; il faut qu’elles disposent de moyens financiers et humains, et qu’elles soient parties prenantes de l’activité sur le territoire.

Oui, Monsieur Vigier, le monde agricole doit répondre à de multiples défis et l’État lui apporte un soutien.

Madame Degois, l’action n° 26 enregistre une augmentation de 12 % de ses crédits et la filière bois bénéficie d’une enveloppe importante dans le cadre du plan de relance en cours d’exécution.

Monsieur Villiers, les agriculteurs nous ont en effet alertés sur l’augmentation du prix de l’azote, et je confirme ce que vous avez dit au sujet du lait bio : j’ai découvert en sillonnant ma circonscription il y a quinze jours que les producteurs étaient obligés de le vendre à des coopératives à un prix bien moindre que celui auquel ils auraient pu prétendre.

Je suis d’accord avec vous, Monsieur Bourgeaux, il ne faut pas introduire trop de contraintes administratives et c’est d’ailleurs l’une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas voulu régler la question du travail délégué par voie d’amendements à ma proposition de loi. Les organisations professionnelles agricoles nous ont demandé de ne pas alourdir le système actuel par des déclarations et de chercher une autre solution, ce dont je suis d’accord. La définition d’un statut d’agriculteur actif est de ce point de vue un enjeu. En tout état de cause, il nous faudra bien trouver une issue, dans l’intérêt même du monde agricole.

Article 20 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-CE12 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. À l’occasion de l’examen du projet de loi EGALIM, nous avions, avec le soutien du ministre Stéphane Travert, adopté une définition de l’agriculture de groupe, que, malheureusement, le Conseil constitutionnel a censuré, comme constituant un « cavalier législatif ». L’objet du présent amendement, que j’avais déjà présenté dans le cadre de la discussion du plan de relance, est de flécher des crédits en direction des opérateurs de cette agriculture de groupe, afin de s’appuyer sur eux pour assurer la transition agroécologique. Par exemple, on a besoin d’outils de tri pour les méteils. Le plan protéines ne peut passer que par les grandes filières, mais il doit être territorialisé.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. L’action n° 21, Adaptation des filières à l’évolution des marchés, est déjà bien dotée, avec une enveloppe de plus de 222 millions d’euros, en hausse de 2 % par rapport à l’année précédente. L’augmenter de 120 millions d’euros ne me paraît pas très réaliste sur le plan budgétaire.

En outre, l’adoption de votre amendement conduirait à retirer 120 millions d’euros à la conduite et au pilotage des politiques de l’agriculture.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE13 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il s’agit d’un amendement d’appel qui vise à renforcer les organisations de producteurs (OP) en leur allouant 1 million d’euros supplémentaires.

Un travail important a été réalisé à l’échelle européenne, grâce notamment à M. Éric Andrieu et au groupe des socialistes et démocrates. Nous aurions pu aller plus loin en France, en donnant aux OP la capacité de gérer des volumes, donc de contrôler les prix. La fixation d’une taille minimale aurait été également de nature à faciliter leur regroupement dans de grands bassins de production, afin qu’elles puissent véritablement peser face à la grande distribution et aux industriels, et ne soient pas obligées de signer des contrats léonins.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Je suis d’accord avec vous : les organisations de producteurs sont essentielles. Avis favorable – comme l’année dernière.

M. Dominique Potier. J’espère que cette année, l’amendement connaîtra un sort différent. L’an passé, j’avais vécu un court instant de bonheur, suivi d’une grande déception en commission des finances !

La commission rejette l’amendement.

M. Dominique Potier. Je n’aurai cette fois-ci aucune illusion à me faire en commission des finances ! Mais le débat sur le rôle des OP se poursuivra dans d’autres cadres.

Amendement II-CE30 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Si des enveloppes sont attribuées dans le plan de relance aux CUMA et aux jeunes agriculteurs, il s’agit de crédits éphémères, et non permanents. Nous nous battrons pour que les budgets destinés à l’agriculture de groupe et à l’installation des jeunes soient abondés.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Le plan de relance est en cours d’exécution : on avisera l’année prochaine ! Concernant la DJA, tous les besoins sont financés et sa baisse est faciale – je m’en suis assuré auprès du ministère.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE18 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous demandons 5 millions d’euros pour créer un équivalent temps plein (ETP) dans chaque département pour s’occuper de la question du foncier.

Ce n’est pas une « petite » proposition de loi foncière qui est en cours d’examen, M. le rapporteur pour avis, c’est une fausse proposition de loi foncière. Or tant que l’on n’aura pas engagé pas une vraie et grande réforme foncière, tout ce dont nous parlons, concernant la souveraineté alimentaire, la lutte contre le dérèglement climatique, l’agroécologie et l’installation, sera du vent.

Ce que nous disons, c’est qu’il faut tout au moins renforcer les effectifs des préfectures et des directions départementales des territoires (DDT) d’un ingénieur qui connaisse les questions agricoles. Aujourd’hui, on fonctionne à l’aveugle : il n’y a, dans les DDT, plus aucune réelle compétence en la matière. Tout est renvoyé au marché.

J’ai toujours estimé que le ministère de l’agriculture devait remplir deux missions essentielles : assurer la sécurité alimentaire en vérifiant le contenu des assiettes et contrôler le marché du foncier – dans l’absolu, tout le reste peut être délégué. Or il n’a plus les moyens d’exercer ces missions. Même si – je suis d’accord avec M. Sempastous sur ce point ‑ les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (SAFER) peuvent jouer un rôle important, il importe que l’État conserve une capacité d’analyse et de contrôle sur ces questions absolument cruciales.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Je ne sais pas si, comme vous le laissez entendre, les DDT sont « à côté de la plaque », mais dans mon territoire la DDT effectue un travail important en matière d’agriculture, notamment pour ce qui est de l’aide à l’installation et de lutte contre l’artificialisation des sols – je peux en témoigner. Et si les DDT manquent de personnel, permettez-moi de rappeler que cela ne date pas de 2017 !

Quant à la proposition de loi que nous avons votée – ou plutôt contre laquelle vous avez voté, pour ce qui vous concerne –, le cœur du dispositif, c’est certes la SAFER, mais c’est toujours le préfet qui décidera en dernier ressort. L’État est donc bien présent.

Oui, j’en suis d’accord, et je suis prêt à le répéter autant de fois que vous le souhaiterez, ma proposition de loi ne résout pas tous les problèmes, il faudra en effet faire grande loi sur le foncier agricole au cours de la prochaine législature, mais ce texte répondait à une urgence.

Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Dont acte : la réduction des effectifs des DDT remonte à la présidence de M. Nicolas Sarkozy, a été maintenue sous celle de M. François Hollande – faisons preuve d’honnêteté intellectuelle – et a continué sous M. Emmanuel Macron. On a vidé les services déconcentrés de l’État de leurs moyens intellectuels, et je pense que les territoires comme les entreprises finissent par en souffrir. La situation devient critique.

Je n’exprimais aucun mépris envers les DDT. J’ai une immense estime pour les ingénieurs et pour toutes les personnes qui sont en fonction dans ces services, mais elles le disent elles-mêmes : aujourd’hui, les DDT n’ont plus les moyens de réaliser des expertises. Or une fois que les SAFER auront donné leur avis sur les opérations des sociétés, il faudra bien que l’État soit correctement informé pour qu’il puisse juger s’il est opportun ou non de donner son autorisation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE21 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. L’Institut du développement durable et des relations internationales (IDDRI) a fait sur la transition protéique un travail extraordinaire. Le plan Protéines végétales peut être conçu soit à l’échelle nationale et internationale, soit de manière territorialisée. Cela change tout pour ce qui est de la mosaïque paysagère, des bénéfices environnementaux et de l’économie locale.

Le présent amendement est un appel à une déclinaison territoriale du plan de manière à favoriser l’économie circulaire et la diversification des productions dans l’espace et dans le temps, c’est-à-dire l’allongement des rotations. Il existe d’autres manières, plus heureuses, de gagner notre autonomie et de préserver la souveraineté européenne en matière de protéines que celle aujourd’hui privilégiée dans les appels à projets du plan de relance.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Je considère que l’amendement est satisfait : 120 millions d’euros sont déjà consacrés à ce plan, c’est qui représente une somme considérable. Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE31 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. J’avais déjà proposé l’an passé d’augmenter les crédits de l’action Gestion des crises et des aléas de la production agricole. À l’époque, M. le rapporteur pour avis m’avait répondu que si l’enveloppe était épuisée, on pouvait puiser dans un autre fonds. C’est malheureusement ce qui s’est produit, le printemps 2021 ayant été dévastateur pour nombre d’exploitations. Un débat s’est même engagé sur la réforme de l’assurance récolte. Je reviens donc à la charge. Le budget que nous sommes appelés à voter doit être sincère. Au regard de l’enjeu, 1 million d’euros, c’est peu, mais cela représente tout de même une augmentation substantielle de l’enveloppe actuelle, qui n’est que de 8 millions d’euros.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Je partage votre volonté de soutenir les agriculteurs dans la gestion des crises et des aléas de production. Néanmoins, beaucoup d’efforts ont déjà été faits au cours de l’année 2021. L’enveloppe attribuée à la protection contre les aléas climatiques du plan de relance a ainsi été doublée grâce à une revalorisation de 100 millions d’euros, et un plan gel, d’un montant de 1 milliard d’euros, a été mis en œuvre en avril dernier. Dans la continuité de ce plan, le Président de la République a annoncé le mois dernier une réforme du système d’assurance récolte, qui bénéficiera désormais à tous les agriculteurs, qu’ils soient ou non assurés. Nous en débattrons en temps voulu.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE17 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Pour la gestion des ressources en eau, il faut penser cycle de l’eau, disposer d’un éclairage scientifique et organiser un débat public sur la question, sinon il se passera la même chose que pour les énergies renouvelables et il y aura partout des crispations et des blocages.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. La gestion des ressources en eau est un enjeu central pour l’agriculture. On est confronté à des problèmes environnementaux importants, comme la pollution des nappes et des cours d’eau par les intrants. Il est donc primordial d’avoir une connaissance précise des phénomènes et des solutions.

En la matière, la concertation est importante si l’on veut éviter les conflits stériles. Chez moi, cela fait des années que l’on cherche à créer des petites retenues pour alimenter en eau les départements limitrophes aux Hautes-Pyrénées – parce qu’il faut savoir que, même en montagne, on manque d’eau. Il importe de réunir tout le monde autour de la table.

Néanmoins, l’action n° 24 du programme 149 finance déjà à hauteur de 2 millions d’euros des dispositifs concernant l’hydraulique agricole et à hauteur de 1 million d’euros des expertises techniques. Avis défavorable, donc.

M. Frédéric Descrozaille. Permettez-moi de vous rappeler, chers collègues, que se tient en ce moment le Varenne agricole de l’eau et de l’adaptation au changement climatique, dont la troisième thématique traite exactement des questions que vous soulevez. Il nous appartient, en tant que parlementaires, de nous impliquer dans cette grande concertation qui réunit tous les acteurs concernés, sous l’égide du ministre de l’agriculture et de la secrétaire d’État chargée de la biodiversité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE11 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. L’idée, émise par La Coopération agricole, est de créer un fonds de soutien à la transition agroécologique pour effectuer les investissements qui s’imposent, non seulement à l’échelle des territoires, mais aussi au sein des filières. Vous allez me répondre que les crédits sont déjà là, mais le sens de mon amendement est d’optimiser leur utilisation en les confiant aux acteurs concernés, plutôt qu’effectuer un saupoudrage en réponse à des demandes parfois opportunistes.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendements II-CE26 et II-CE27 de M. Julien Dive.

M. Julien Dive. Je souhaite une fois encore vous alerter, chers collègues, sur les enjeux et les conséquences de nos décisions d’interdire l’usage de certaines substances – en l’espèce, il s’agit du glyphosate. On peut se fixer une trajectoire de réduction des intrants dans le cadre de la transition agroécologique, mais à condition que l’on donne des moyens à la recherche afin qu’elle trouve d’autres solutions. Tel est l’objet de ces amendements, le II-CE27 étant de repli.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. La sortie du glyphosate est une évolution très positive dans la perspective de la transition agroécologique. Certes, cela ne va pas sans soulever des difficultés, et je partage un certain nombre de vos préoccupations, mais le Gouvernement accompagne déjà les exploitants agricoles dans l’arrêt de l’utilisation du glyphosate à travers plusieurs dispositifs, comme le fonds Avenir bio, doté de 13 millions d’euros. De surcroît, cet effort financier a été considérablement accru par le plan de relance.

En outre, les organismes de recherche subventionnés par l’État travaillent déjà, notamment dans le cadre de la cellule Recherche, innovation, transfert, à la recherche d’autres solutions.

Avis défavorable sur les deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CE28 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous proposons que l’on augmente les moyens accordés dans le cadre du plan Écophyto au soutien de systèmes offrant une alternative à l’utilisation de produits phytosanitaires, en particulier à travers le développement des fermes de démonstration, expérimentation et production de références sur les systèmes économes en phytosanitaires, réunies dans le réseau DEPHY.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Avis favorable : les fermes DEPHY sont une expérimentation qui doit être encouragée.

Mme Barbara Bessot Ballot. Le groupe LaREM votera contre l’amendement. Dans le cadre du plan France relance, 215 millions d’euros ont d’ores et déjà été alloués pour soutenir la conversion des agroéquipements et un crédit d’impôt, dit de sortie du glyphosate, est destiné aux entreprises agricoles qui déclarent en 2021 et 2022 ne plus utiliser de pesticides. Le soutien en question est donc déjà important. Il convient de nous fixer des limites.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE41 de M. Guillaume Garot.

M. Dominique Potier. Dans le cadre de la loi portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, la loi « climat et résilience », un plan national a été adopté en vue de réduire les émissions de protoxyde d’azote. Un délai de deux ans a été fixé pour s’adapter avant qu’un couperet financier ou réglementaire ne tombe, les directives européennes nous alertant sur les effets très néfastes de ces émissions sur le climat. Ce que propose Guillaume Garot à travers le présent amendement, c’est de consacrer des moyens à la recherche d’autres méthodes que l’utilisation d’engrais azotés.

J’avais, pour ma part, suggéré au ministre, et cela va être repris dans le rapport d’étape que doit nous remettre le Gouvernement, d’explorer la voie des certificats d’économie d’azote afin de mettre en place, sur le modèle des certificats d’économie d’énergie ou des certificats d’économie de produits phytosanitaires, au destin funeste, un système de bonus‑malus de manière à encourager les bonnes pratiques.

M. Guillaume Garot a raison de dire que si l’on ne fait rien, dans deux ans nous en serons au même stade. Il s’agit d’une petite bombe démocratique et climatique qui éclatera si l’on ne consacre pas des moyens publics suffisants à la sortie de la dépendance aux engrais azotés.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Avis défavorable : la question est importante mais elle relève du ministère de la transition écologique, et non du ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE22 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il est indispensable de faire évoluer les labels Agriculture biologique (AB) et Haute valeur environnementale (HVE). Je me réjouis que, par suite notamment de nos interpellations, le label HVE non seulement soit désormais associé à un crédit d’impôt, mais qu’il soit en cours de révision, pour ce qui est de la doctrine comme du contenu. Le travail est en cours et je remercie le ministère pour son écoute, qui permet de faire évoluer le label HVE vers l’agroécologie. Le problème, c’est que ni le label AB ni le label HVE n’intègrent le bilan carbone. Plutôt que de multiplier les certifications, il serait préférable d’intégrer le bilan carbone et le critère social dans ces deux labels.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Je vous rejoins sur le fait que les dispositifs de certification environnementale pourraient connaître des évolutions, à court, moyen et long terme. Cependant, il faut prendre en considération le travail que nécessitent ces évolutions ainsi que les résultats de l’étude sur l’impact environnemental de la HVE que l’Office français de la biodiversité (OFB) a lancée au second semestre 2021, en liaison avec le ministère de l’agriculture et de l’alimentation et le ministère de la transition écologique.

De surcroît, ce sujet ne concerne pas le budget.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE15 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Il s’agit de soutenir les investissements des restaurants collectifs dans l’ingénierie humaine, les solutions techniques voire les infrastructures afin d’accélérer leur transition vers le cadre défini par la loi EGALIM pour la restauration hors domicile (RHD).

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Nous mobilisons déjà 50 millions d’euros pour ce faire ! Quant à l’action n° 21 que vous proposez d’abonder, elle est en hausse de 2 % par rapport à l’année dernière. Ce sont là des crédits essentiels pour atteindre les objectifs fixés dans la loi EGALIM, à savoir 50 % de produits durables et 20 % de produits issus de l’agriculture biologique dans la restauration collective des établissements chargés d’une mission de service public d’ici à 2022.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CE39 et II-CE38 de M. Guillaume Garot.

M. Dominique Potier. Toujours dans le même esprit, il s’agit d’une part d’améliorer la qualité de l’alimentation dans la restauration scolaire en la finançant par la sobriété alimentaire et la lutte contre le gaspillage, d’autre part de contrôler les dons alimentaires, notamment ceux effectués par les grandes et moyennes surfaces (GMS) – un cheval de bataille de M. Guillaume Garot. Les actions menées par ce dernier au cours de la dernière législature en vue de lutter contre le gaspillage alimentaire ont permis à la France d’être l’un des champions d’Europe en la matière, mais il faut poursuivre l’effort.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. La lutte contre le gaspillage alimentaire est un axe important de notre politique environnementale. Notre collègue Garot est depuis longtemps très investi dans ce domaine, et je partage nombre de ses vues sur la question. Néanmoins, nous ne pouvons pas nous permettre de réduire de 50 millions d’euros le programme Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture. Je pense qu’il serait préférable de travailler sur la sensibilisation et la formation.

En outre, la diminution du plafond d’emplois du ministère de l’agriculture et de l’alimentation s’est faite de manière progressive. Un retour brutal aux effectifs précédents, comme le prévoit l’amendement II-CE38, ne serait pas soutenable budgétairement.

Avis défavorable sur les deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CE14 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. À travers cet amendement d’appel, nous souhaitons appeler votre attention sur la nécessité de placer la question de la précarité et de la justice sociale en matière d’accès à l’alimentation au cœur des projets alimentaires territoriaux (PAT). On ne le fait pas assez. Partir des périphéries sociales pour bâtir les PAT ne semble pas du tout naturel aux acteurs qui en ont la charge.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Je partage bien évidemment votre préoccupation concernant les PAT. Je vous signale d’ailleurs que l’action n° 08, Qualité de l’alimentation et offre alimentaire, qui participe à leur financement et est dotée de 4,9 millions d’euros, est en hausse de 8,87 % par rapport la loi de finances initiale pour 2021.

Le plan France relance a permis de soutenir 202 PAT sur l’ensemble du territoire national. Aujourd’hui, 293 sont reconnus par le ministère de l’agriculture et de l’alimentation.

Avis défavorable.

M. Dominique Potier. Il s’agit, non de demander de l’argent supplémentaire, mais d’appeler à mieux orienter les crédits budgétaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE19 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Nous proposons de créer, de manière expérimentale, un livret vert susceptible de faciliter l’installation des agriculteurs en favorisant les systèmes de propriété collective soutenus par les collectivités territoriales et les collectifs de citoyens – mais cela fournirait un beau sujet de débat pour la prochaine Assemblée, n’est-ce pas, monsieur le rapporteur pour avis ?

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Ce qui est certain, c’est qu’il existe déjà un livret qui permet de financer l’économie sociale et solidaire, le livret de développement durable et solidaire, et que l’agriculture n’en est pas exclue. À mon sens, votre amendement est satisfait.

Demande de retrait ou, à défaut, avis défavorable.

L’amendement est retiré.

Amendement II-CE16 de Mme Chantal Jourdan.

M. Dominique Potier. Celui-ci, c’est du lourd ! Il s’agit d’augmenter les crédits de l’Office national des forêts afin de rétablir les postes supprimés. Quel que soit le domaine concerné, on ne pourra pas effectuer les transitions attendues sans ingénierie. L’ONF devait être modernisé, nous en sommes d’accord, mais on ne peut pas le dépouiller de ses ressources humaines.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Je comprends vos inquiétudes. Il est vrai que le schéma d’emploi de l’ONF est à la baisse et que les efforts budgétaires qui lui sont demandés sont importants, mais tout cela est prévu dans le cadre du contrat d’objectifs et de performance.

Parallèlement, le budget consacré à la forêt augmente de manière significative et 150 millions d’euros sont prévus pour le renouvellement forestier dans le cadre du plan de relance. En outre, le Gouvernement a lancé hier les assises de la forêt et du bois pour trouver d’ici à la fin janvier des réponses opérationnelles aux difficultés d’une filière confrontée au changement climatique et à l’exportation massive des chênes vers la Chine.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE29 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. Par cet amendement d’appel, nous souhaitons appeler votre attention sur la nécessité d’encourager la substitution, grâce à la chimie verte, de la fibre de bois aux matériaux carbonés issus de la pétrochimie. Ce secteur de la recherche doit impérativement être soutenu, y compris dans un souci d’économie circulaire et de recherche de débouchés pour la filière forêt-bois française.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Avis favorable, afin que nous puissions engager la discussion en commission des finances.

Mme Barbara Bessot Ballot. Le groupe LaREM votera contre cet amendement. En effet, dans le cadre du plan France relance, 200 millions d’euros sont déjà destinés au soutien à la filière, notamment pour renforcer les dispositifs de BPIFrance à destination des entreprises, de manière à valoriser les débouchés du bois.

La commission rejette l’amendement.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, non modifiés.

 

Avant l’article 42

Amendement II-CE24 de Mme Chantal Jourdan.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Avis défavorable : il me paraît périlleux de conditionner systématiquement les aides publiques au respect des critères proposés, surtout vu le contexte, difficile pour la plupart des propriétaires forestiers. En outre, des garanties de gestion durable sont déjà exigées par l’article L. 124-1 du code forestier. Enfin, je le répète : le soutien à la forêt est l’une des priorités du plan de relance, et les enjeux climatiques sont pleinement pris en considération dans ce cadre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE25 de Mme Chantal Jourdan.

M. Dominique Potier. Il s’agit de conditionner les aides publiques au respect de pratiques sylvicoles durables.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Avis défavorable : si j’en comprends l’intention, cet amendement comporte d’importants risques d’inconstitutionnalité, notamment au regard de la liberté d’entreprendre et du droit de propriété. Le Gouvernement a lancé hier les assises de la forêt et du bois. La question que vous soulevez y sera débattue.

M. Dominique Potier. Nous avons, à l’occasion du projet de réforme constitutionnelle, mené un combat afin de promouvoir le bien commun en regard du droit de propriété et de la liberté d’entreprendre. Je m’aperçois qu’il n’est pas terminé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE20 de M. Dominique Potier.

M. Dominique Potier. On favorise beaucoup les aides à l’investissement, mais très peu les économies d’investissements. Or l’agriculture de groupe est une source d’économies, et pas seulement un moyen de guider le versement de l’argent public. Nous avons besoin de collectifs agricoles qui créent des passerelles avec le reste de la société et s’engagent dans la transition. Cet amendement vise à soutenir ce type de démarches, qui ne sont aujourd’hui reconnues ni juridiquement ni par les pouvoirs publics – ou en tout cas pas assez.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Avis favorable : il serait intéressant d’entendre le ministre sur ce point.

Mme Barbara Bessot Ballot. C’est en effet une question importante, et qui est à creuser. Toutefois, le groupe LaREM estime que la commission n’a pas à se positionner sur le sujet et votera contre l’amendement. Nous en reparlerons en séance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE23 de Mme Claudia Rouaux.

M. Dominique Potier. La méthanisation connaît une dérive importante, au point qu’elle pourrait être contreproductive par rapport aux objectifs fixés. Il est temps de la réguler. Je vous renvoie aux tribunes publiées par Mme Claudia Rouaux sur le sujet – je vais moi-même en publier une dans les prochains jours. Une demande de moratoire vient d’être déposée dans l’ouest de la France. Il faut impérativement que nous nous dotions d’une doctrine en la matière.

Nous ne voulons pas que le groupe Socialistes et apparentés soit le seul à mener ce combat. C’est pourquoi le présent amendement vise à appeler l’attention de l’Assemblée nationale sur le sujet – mais nous aurons d’autres occasions, notamment l’audition mardi prochain de la ministre Barbara Pompili, de débattre de la question cruciale des énergies authentiquement vertes.

M. Jean-Bernard Sempastous, rapporteur pour avis. Avis défavorable : la question que vous soulevez est importante, mais ce n’est pas d’un rapport dont nous avons besoin – et cela d’autant moins que la mission d’information sénatoriale sur la méthanisation a remis le sien en septembre 2021. Je vous engage à le lire. Gardons espoir !

La commission rejette l’amendement.

 

 


—  1  —

   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

M. François Purseigle, professeur à Sciences Po, sociologue du monde agricole

Jeunes agriculteurs *

M. Maxime Buizard-Blondeau, membre du conseil d’administration

Mme Mathilde Roby, juriste

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (FNSEA) *

M. Luc Smessaert, vice-président et président de la commission fiscale et sociale

M. Jean-Louis Chandellier, directeur du département entreprise et territoires

M. Guillaume Lidon, responsable des affaires publiques

M. Pascal Mayol, co-auteur du rapport du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l’agriculture urbaine

Coordination rurale *

M. Alexandre Armel, secrétaire général

M. Damien Brunelle, vice-président

Fédération nationale des SAFER (FNSAFER)

M. Emmanuel Hyest, président

M. Michaël Rivier, directeur juridique

Mme Sabine Agofroy, relations publiques, affaires européennes et internationales

Confédération paysanne *

M. Emmanuel Marie, secrétaire national

Mme Aurélie Bouton, animatrice technique

Chambres d’agriculture de France

M. Sébastien Windsor, président

 

Fédération nationale des entrepreneurs des territoires *

M. Gérard Napias, président

M. Patrice Durand, directeur

FNSEA – section nationale des fermiers métayers (SNFM) *

M. Bertrand Lapalus, président de la SNFM

M. Jean-Louis Chandellier, directeur du département Entreprise et Territoires

Mme Émilie Laithier, chargée de mission

Cabinet du ministre de l’agriculture et de l’alimentation

M. Benjamin Balique, conseiller forêt, agroécologie, biodiversité

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Proposition de loi, modifiée par le Sénat, visant à protéger la rémunération des agriculteurs, n° 4490, déposée le jeudi 23 septembre 2021

([2]) Proposition de loi portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, n° 3853, déposée le mardi 9 février 2021

([3]) Estimations du Gouvernement

([4]) Au contraire, l’année dernière avait été marquée par une baisse après une augmentation historique entre la loi de finances pour 2019 et la loi de finances pour 2020 précitées de + 266,52 % en AE, expliquée par le renouvellement des contrats souscrits en 2015 (aide accordée en contrepartie d’un engagement agro‑environnemental).

([5]) L’exonération est totale pour une rémunération mensuelle inférieure ou égale à 1,2 SMIC mensuel (1,25 SMIC avant 2019), puis dégressive pour les rémunérations comprises entre 1,2 SMIC mensuel et 1,6 SMIC (1,5 SMIC avant 2019) et enfin nulle pour une rémunération mensuelle égale ou supérieure à 1,6 SMIC.

([6]) Comme l’indique le PAP : « dans un objectif d’harmonisation et de simplification, et suite à la création des secrétariats généraux communs départementaux (SGCD), le programme 216 est amené à supporter à compter du 1er janvier 2022 l’ensemble des frais de restauration collective des agents des directions départementales interministérielles, ainsi que des crédits d’action sociales ».

([7]) L’année dernière, l’action n° 01 avait assuré la prise en charge des loyers dans le parc privé pour plusieurs centaines d’agents contraints de changer de locaux du fait de la nécessaire baisse de densité d’occupation des locaux en lien avec la crise de la Covid-19.

([8]) Montant de 136 millions d’euros en 2018, 2019 et 2020, et même de 148 millions d’euros en 2015, 2016 et 2017. Le Gouvernement justifie cette baisse de 10 millions d’euros par « l’impact de la crise du covid-19 sur le chiffre d’affaires de certaines filières agricoles et les mauvaises récoltes céréales anticipées à la suite des aléas climatiques ».

([9]) Agreste Conjoncture n° 2021-103 d’août 2021

([10]) Agreste Conjecture n° 2021-096 et 2021-095 de juillet 2021, 2021-104 et 2021-102 d’août 2021

([11]) Agreste Conjecture n° 2021-101 d’août 2021

([12]) Les travaux agricoles concernés couvrent l’ensemble des « travaux qui entrent dans le cycle de la production animale ou végétale, les travaux d’amélioration foncière agricole ainsi que les travaux accessoires nécessaires à l’exécution des travaux précédents » (article L. 722-2 du code rural).

([13]) Benoît Grimonprez, « Le travail agricole à façon : des tribulations à la régulation », Dictionnaire Permanent Bulletin entreprise agricole, 2018.

([14]) Geneviève Nguyen, François Purseigle, Julien Brailly et Bruno Legagneux, « Sous-traitance et délégation du travail : marqueurs des mutations de l’organisation de la production agricole », Centre d’études et de prospective, Juillet 2020

([15]) Sur la base des coefficients de production brute standard (PBS), les exploitations sont réparties en trois classes de tailles : les petites (PBS inférieure à 25 000 euros), les moyennes (PBS entre 25 000 et moins de 100 000 euros) et les grandes (PBS supérieure à 100 000 euros).

([16]) Par manque d’études sur le sujet et en raison d’une forte sous-déclaration des exploitants et des sous-traitants

([17]) Source : information communiquée par le Gouvernement à votre Rapporteur

([18]) Ibid

([19]) Contribution écrite du Gouvernement

([20]) Ainsi, en 2016, 7,1 % des exploitations toutes productions confondues ayant une PBS supérieure à 5 000 € ont déclaré avoir délégué intégralement les travaux de cultures (Forget et al., 2019, p.39).

([21]) Geneviève Nguyen, François Purseigle, Julien Brailly et Bruno Legagneux, « Sous-traitance et délégation du travail : marqueurs des mutations de l’organisation de la production agricole », Centre d’études et de prospective, Juillet 2020

([22]) Ibid

([23]) On peut également citer le professeur de droit Benoît Grimonprez, selon qui « on ne compte plus les propriétaires de terres agricoles qui trouvent un intérêt financier supérieur à faire appel à des prestataires rémunérés, plutôt qu’à louer leurs terres en contrepartie d’un modique fermage ».

([24]) Étude du ministère précitée

([25]) Pour un fermier, recourir au travail délégué intégral est strictement interdit car il se doit de cultiver personnellement les terres que le bailleur lui loue. Faire exploiter par un autre est assimilable à de la sous-location.

([26]) Rapport d’information de la mission d’information commune sur le foncier agricole, présenté par Mme Anne‑Laurence Petel et M. Dominique Potier, enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 décembre 2018.

([27]) Comme le suggère le professeur M. Benoît Grimonprez, « une disposition pourrait même obliger le fermier à porter la convention à la connaissance du bailleur, lequel aurait la faculté de s’y opposer en saisissant le tribunal paritaire dans un certain délai au motif que la délégation méconnaît l’obligation d’exploiter personnellement les biens ».

([28]) Le règlement européen n° 1307/2013 du 17 décembre 2013 pose le principe d’une attribution sélective des aides découplées issues du premier pilier au bénéfice des seuls agriculteurs actifs, et le règlement 2017/2393 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2017 autorise les États membres tenant des registres d’actifs agricoles à exclure du bénéfice des paiements directs les agriculteurs qui ne sont pas inscrits aux fins de telles activités.