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N° 4527

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2021.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2022 (n° 4482)

TOME VI

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

ÉNERGIE

PAR Mme Marie-Noëlle BATTISTEL

Députée

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Voir les numéros : 4482 et 4524 (tome III, annexe 17).

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

premiÈre partie : analyse des crÉdits

I. un programme 174 « ÉNERGIE, climat et aprÈs-mines » en hausse

1. Politique de l’énergie

2. Accompagnement de la transition énergétique

a. Le chèque énergie : la question de son renforcement en 2022

b. MaPrimeRénov’ : une massification des aides à poursuivre

3. Aides à l’acquisition de véhicules propres

4. Après-mines

5. Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air

II. un programme 345 « SERVICE PUBLIC DE L’ÉNERGIE » en recul

1. L’impact décalé des prix de l’énergie

2. Un développement des EnR électriques peu lisible

III. La reconduction du Compte d’affectation spÉciale « Financement des aides aux collectivitÉs pour l’Électrification rurale » (programmes 793 et 794)

SECONDE partie : Péréquation et transition énergétique dans les zones non interconnectées (ZNI)

I. Concilier Péréquation et maîtrise de la demande : un exercice délicat

A. L’indispensable solidarité nationale

1. Des territoires aux fortes contraintes

2. Deux aides cruciales : péréquation et compensation

a. Le maintien des TRVE pour tous les consommateurs

b. La prise en charge par l’État des surcoûts des opérateurs historiques

c. Des dépenses croissantes pour le budget national

B. Les leviers pour maîtriser l’évolution des charges de service public

1. Les enjeux de la régulation de la demande d’électricité

2. Les actions en faveur de la « maîtrise de la demande »

3. La rationalisation de la consommation par les TRVE

II. Soutenir la transition énergétique des ZNI : un triple impératif

A. La montée en puissance des EnR

1. La planification de la transition énergétique

2. Mais des objectifs de mix électrique encore éloignés

B. Divers freins ou contraintes à résoudre

1. Le déploiement des installations de stockage, clé de la transition

2. Le défi du déploiement des bornes de recharge électrique

3. Le poids des contraintes et enjeux locaux

4. Des exigences multiples parfois difficiles à concilier

Examen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉes

 


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   introduction

Les dégâts du dérèglement climatique sont plus que jamais visibles. La conviction de l’urgence à agir – pour développer les énergies renouvelables, améliorer la performance de nos bâtiments, décarboner nos transports et notre économie – est désormais largement partagée. Sans parler de l’envolée actuelle des prix de l’énergie qui affole autant nos compatriotes que nos entreprises. Dans un tel contexte, nous pouvions espérer un budget de combat pour notre politique énergétique.

Le bilan de votre Rapporteure est malheureusement en demi-teinte. D’un côté, le plan de relance, venu accélérer et renforcer plusieurs dispositifs fin 2020, reste encore actif en 2022 ; le dispositif MaPrimeRénov’ connaît un net succès et bénéficiera d’une nouvelle enveloppe de 1,7 milliard d’euros en autorisations d’engagement ; celle allouée à l’acquisition de véhicules propres est stabilisée à 506 millions d’euros ; enfin, le projet de budget affiche une progression potentielle de la production d’électricité renouvelable annuelle de 6 TWh.

Mais d’un autre côté, il n’est pas prévu de revaloriser le chèque énergie en 2022, malgré une hausse structurelle des factures déjà douloureuse pour les ménages les plus fragiles ; le bonus écologique sur l’achat des voitures particulières sera encore réduit, au risque de casser la petite dynamique de verdissement du parc engagée depuis 2020 et de faire de la voiture électrique un produit réservé aux plus aisés ; le soutien à l’hydrogène vert est bien lent à se déployer ; il est impossible de savoir quels moyens seront réellement mobilisés par l’État pour financer de nouvelles capacités de production d’électricité verte ; enfin, on ne sait si MaPrimeRénov’ pourra poursuivre la rénovation thermique des logements au même rythme. Ce n’est pas le plan France 2030, annoncé par le Président de la République, qui permettra de répondre à cet enjeu fondamental.

Autant de raisons pour lesquelles votre Rapporteure donne un avis de sagesse au projet de budget « Énergie ».

Votre Rapporteure a par ailleurs consacré la partie thématique de son avis au soutien national apporté aux zones non interconnectées au réseau métropolitain continental (ZNI) pour répondre à leurs besoins en électricité tout en réalisant leur transition énergétique.

L’insularité de la plupart et leur spécificités géographiques et climatiques entraînent en effet des coûts de production de l’électricité très supérieurs à ceux de la métropole continentale.

La solidarité nationale fonde ainsi la mise en œuvre de plusieurs dispositifs, portés par le budget de l’État, pour assurer aux populations de ces territoires un accès à l’électricité suffisant, sécurisé et aux mêmes conditions tarifaires qu’en métropole, et, concomitamment, pour développer activement les énergies renouvelables.

Cet objectif relève d’une triple nécessité : non seulement environnementale, mais aussi d’autonomie énergétique et, sans doute aussi, à terme, d’économie pour les finances publiques.

Co-responsables de cette stratégie, à travers leurs programmations pluriannuelles de l’énergies locales, les collectivités rencontrées par votre Rapporteure expriment beaucoup de volontarisme ; toutefois, divers freins et contraintes restent à lever.

 

 

 


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   premiÈre partie :
analyse des crÉdits

  Le présent avis porte sur les programmes 174 et 345 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et sur les programmes 793 et 794 du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », qui concentrent les crédits durablement consacrés à la politique énergétique ([1]).

I.   un programme 174 « ÉNERGIE, climat et aprÈs-mines » en hausse

Proposées à près de 2,6 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et à 3,2 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), les dotations du programme 174 progresseraient de, respectivement, 1 068,2 et 732,9 millions d’euros en 2022 par rapport à 2021. Cela représenterait des hausses de 41,9 % en AE et 29,7 % en CP, portant essentiellement sur l’accompagnement de la transition énergétique (action 02) ([2]).

Évolution des CrÉdits du programme 174

(en millions d’euros)

Actions

AE

LFI (1) 2021

AE

PLF (1)  2022

CP

LFI 2021

CP

PLF 2022

Variation des CP

01. Politique de l’énergie

79,5

104,6

89,5

112

+ 25,2 %

02. Accompagnement transition énergétique

1 592,5

2 658,1

1 494,6

2 227,5

+ 49 %

03. Aides à l’acquisition de véhicules propres

506

506

506

506

-

04. Gestion économique et sociale de l’après-mines

316

302,8

316

302,8

- 4,2 %

05. Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air

56,7

47,4

57

47,7

- 16,3 %

06. Soutien

1,5

1,5

1,5

1,5

-

Total

2 552

3 620,3

2 464,6

3 197,4

+ 29,7 %

(1) Loi de finances initiale et projet de loi de finances.

Sources : projets annuels de performances 2021 et 2022.

1.   Politique de l’énergie

Les crédits de l’action 01 du programme 174 augmenterait également, bien que dans une proportion plus modérée, de 25,1 millions d’euros en AE (+ 31,6 %) et 22,5 millions d’euros en CP (+ 25,2 %), pour atteindre des enveloppes de, respectivement, 104,6 et 112 millions d’euros en 2022.

L’essentiel de ces dotations est alloué aux études techniques, juridiques et financières relatives au développement des énergies renouvelables et aux éventuels frais de contentieux en résultant, pour 48,2 millions d’euros. La hausse de 13 millions d’euros de cette ligne anticipe le développement des débats publics sur les projets d’éoliens en mer prévus par la programmation pluriannuelle de l’énergie nationale.

La dotation consacrée à l’accompagnement social des salariés des centrales à charbon dont l’emploi est supprimé augmente aussi, avec des dotations passant de 2,3 millions en AE/CP à 16,8 millions d’euros en AE et 9,4 millions d’euros en CP.

Mais c’est l’enveloppe dite « Programmation pluriannuelle de l’énergie », qui participe au soutien de la transition énergétique dans les zones non interconnectées (ZNI), notamment par le financement d’études et d’actions locales de changement d’usage, qui connaîtrait la plus forte progression (+ 25 millions d’euros) entre 2021 et 2022.

Ces revalorisations sont en partie compensées :

– par la mise en extinction de la ligne « Revitalisation des territoires » et ses « fonds charbon » et « fonds d’amorçage », qui soutiennent les pactes territoriaux accompagnant les territoires touchés par les fermetures des centrales à charbon et de la centrale nucléaire de Fessenheim. Les enveloppes initiales ayant été entièrement engagées dans les fonds, aucun crédit n’est inscrit en AE et les CP reculent de 17 à 14,9 millions d’euros sur 2022.

Toutefois, votre Rapporteure s’étonne que cette ligne soit déjà gelée en AE alors que le processus de fermeture n’est pas achevé et que l’on n’est donc pas en mesure d’évaluer les besoins réels des territoires ;

– et, plus substantiellement, par la non-reconduction des dotations (de 21 millions d’euros en 2021) du fonds d’interconnexion entre la France et l’Irlande ([3]), dont les travaux n’ont toujours pas été lancés.

2.   Accompagnement de la transition énergétique

Cette action réunit les dispositifs du chèque énergie et de MaPrimeRénov’.

a.   Le chèque énergie : la question de son renforcement en 2022

Remplaçant les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz depuis 2018 ([4]), le chèque énergie est la principale aide aux ménages en situation de précarité énergétique, qui peuvent l’utiliser pour régler leurs factures d’énergie ou des travaux d’efficacité énergétique.

La ligne budgétaire dédiée augmente de 12,2 % en AE, à 958,1 millions d’euros, et de 10,8 % en CP, à 837,5 millions d’euros, sur la base d’un nombre de bénéficiaires en hausse par rapport aux prévisions de fin 2020. Déjà leurs effectifs auront crû en 2021 de 5,5 à 5,8 millions, avec notamment l’extension du chèque énergie aux résidents d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (répondant aux conditions de revenus) ([5]). Mais l’État pose l’hypothèse d’une nouvelle augmentation à 6,2 millions de ménages au total avec la persistance de la crise sanitaire. Il n’escompte en revanche qu’un très léger progrès du taux d’usage à 87,5 % contre 87 % en 2020 (mais 78,4 % en 2018).

Votre Rapporteure relève surtout que la revalorisation unitaire de 100 € annoncée par le Premier ministre le 15 septembre dernier n’aura pas d’effet sur ces projections car ce complément n’est prévu que pour 2021.

Or, l’envolée actuelle des prix de l’énergie fait craindre un alourdissement durable des factures. Le Gouvernement a bien annoncé un gel des prix, dit « bouclier tarifaire », jusqu’en mars ou avril 2022 et il mise sur un reflux de ces prix à la sortie de l’hiver. Il n’en reste pas moins que des hausses des tarifs réglementés de vente sont d’ores et déjà actées : + 12,6 % pour le gaz au 1er octobre, soit une progression de 57 % depuis le début de l’année ; et + 4 % pour l’électricité au début de l’année 2022. Même si cette dernière est atténuée par une baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), les prix encadrés vont bien augmenter entre 2021 et 2022 et il paraît peu probable qu’ils soient ultérieurement minorés, le premier ministre ayant notamment expliqué que le manque à gagner pour les fournisseurs serait « rattrapé » après l’hiver.

Dans ces conditions, votre Rapporteure considère indispensable de reconduire le chèque énergie complémentaire (elle porte un amendement en ce sens), ou d’étudier toute autre solution qui soutienne les ménages les plus précaires – d’autant que, si le succès de MaPrimeRénov’ permet d’espérer une amélioration des performances énergétiques des logements, le chantier est encore vaste.

b.   MaPrimeRénov’ : une massification des aides à poursuivre

Cette subvention versée aux ménages qui ont engagé des travaux de rénovation énergétique remplace l’ancien crédit d’impôt transition énergétique (CITE) depuis 2020. Les 150 millions d’euros encore prévus en 2022 sur cette dépense fiscale correspondent aux derniers reliquats de travaux réalisés en 2019.

Dans un « audit flash » présenté le 30 septembre ([6]), la Cour des comptes a salué les débuts du programme, qui « répond bien aux objectifs de massification de la rénovation énergétique » souhaités par le Gouvernement : depuis son lancement au printemps 2020, et son intensification avec le plan de relance, 574 000 dossiers ont été déposés et près de 300 000 demandes ont été acceptées, pour un montant de 570 millions d’euros de primes versées en 2020 et de 862 millions d’euros en 2021.

La Cour souligne aussi la simplicité d’accès du dispositif, la lisibilité de son montant connu à l’avance et la rapidité du versement de la prime à l’issue des travaux.

La Cour des comptes nuance toutefois ce premier bilan : « la prime répond à des travaux simples et souvent uniques, […] ce qui ne favorise pas le bouquet de travaux complémentaires qui permettrait [d’éliminer les passoires thermiques]. Aucun gain de consommation énergétique minimal n’est requis. […] Une évaluation des bénéfices environnementaux et sociaux du programme sera nécessaire d’ici à 2023 ».

Votre Rapporteure observe à son tour qu’il est urgent de vérifier si la cible des ménages les plus précaires reste suffisamment soutenue depuis que le plan de relance a levé la condition de revenus en 2021 (même si le montant de la prime reste dégressif en fonction des ressources). Elle rappelle aussi que la loi n° 2019‑1147 du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat donnait l’objectif de faire disparaître les passoires thermiques en 10 ans. On peut craindre qu’il ne soit un peu perdu dans la masse des petites rénovations.

La Cour a par ailleurs ajouté que « la réussite du dispositif dans le temps devra […] s’accompagner d’un financement stable et pérenne [au-delà de 2022] ».

Si l’Agence nationale de l’habitat (ANAH) a su mettre en place des solutions internes et externes pour instruire et contrôler rapidement les dossiers, cela a engendré des dépenses de fonctionnement supplémentaires pour l’agence qui ont pesé sur ses autres programmes d’interventions – une situation qui ne peut perdurer.

Et surtout, la Cour des comptes s’interroge sur la poursuite du programme au‑delà des 2 milliards d’euros mobilisés par le plan de relance sur la période 2021‑2022. Les besoins sont encore très importants ; ils le sont plus encore depuis l’interdiction de la location des passoires thermiques en étiquettes G à l’horizon 2025, de celles en étiquettes F en 2028 et de celles en étiquettes E en 2034, décidée par la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets.

Il apparaît aujourd’hui que le projet de loi de finances pour 2022 propose d’inscrire 1,7 milliard d’euros en AE et 1,4 milliard d’euros en CP sur l’action 02 du programme 174, marquant une progression de, respectivement, 129,7 % (+ 960 millions d’euros) et 87,8 % (+ 650 millions d’euros) par rapport aux prévisions pour 2021.

Du côté du plan de relance (action 01 « Rénovation énergétique » du programme 362 « Écologie »), 565,6 millions d’euros sont budgétés en CP, non plus pour le seul traitement des passoires thermiques, mais pour la rénovation énergétique de tous les logements privés (individuels et collectifs).

L’addition de ces deux enveloppes représente un effort budgétaire global en hausse de plus de 300 millions d’euros et un niveau de dépense qui retrouve celui du CITE en 2018.

Votre Rapporteure salue l’ampleur de cet investissement de l’État, mais avec les réserves précédemment exprimées. Notamment, si les moyens mobilisés sont substantiels, ils apparaissent encore insuffisants quand on se réfère aux coûts moyens d’une rénovation complète et performante (estimés à 38 000 euros). Et l’on n’a aucune visibilité sur la poursuite de ces efforts au-delà de 2022.

Le plan de relance prévoyait d’autres enveloppes pour l’amélioration de la performance énergétique des bâtiments : étaient inscrits, en AE, 3,7 milliards d’euros pour la rénovation thermique des bâtiments publics, 500 millions d’euros pour la rénovation énergétique et la réhabilitation lourde des logements sociaux et 95 millions d’euros pour la rénovation énergétique des PME/TPE. On ignore à quel point ces budgets sont engagés un an après ; mais le projet annuel de performances annonce, respectivement, 849, 27,5 et 38,7 millions d’euros en CP.

En revanche, de manière incompréhensible, le projet de loi de finances ne propose pas la prolongation des échéances de l’éco-prêt à taux zéro (écoPTZ) et du nouveau crédit d’impôt pour la rénovation énergétique des TPE‑PME, actuellement fixées au 31 décembre 2021.

3.   Aides à l’acquisition de véhicules propres

Cette action regroupe les crédits relatifs à la prime à la conversion, censée inciter au retrait des véhicules les plus anciens au profit de véhicules moins polluants, et au bonus écologique qui est une aide à l’achat de véhicules neufs.

Les deux enveloppes, de 128 millions d’euros et 378 millions d’euros en AE et CP, sont reconduites aux mêmes niveaux que celles prévues pour 2021 ; par ailleurs, l’action 07 « Infrastructures et mobilités vertes » du plan de relance affiche 487 millions d’euros de CP en complément pour soutenir la demande de véhicules propres.

167 000 primes et 117 000 bonus ont été attribués en 2020 ; environ 110 000 primes et 235 000 bonus sont espérés en 2021, ainsi que 100 000 primes et à nouveau 235 000 bonus en 2022.

Leurs modalités ont été modifiées en cours d’année afin de durcir les plafonds d’émissions de CO2 applicables. Le bonus pour les voitures des particuliers a par ailleurs été réduit de 1 000 € en juillet 2021 et devrait l’être à nouveau en 2022.

Il a toutefois été revalorisé, et la prime renforcée, en juillet dernier pour les véhicules utilitaires légers, afin d’accompagner les professionnels dans le verdissement de leurs parcs. De même, dès janvier 2021, un bonus a été mis en place pour l’acquisition de véhicules lourds fonctionnant à l’électricité et/ou à l’hydrogène, ainsi qu’un bonus complémentaire pour les véhicules neufs acquis par un ultramarin – deux dispositifs dont le financement est entièrement porté par le plan de relance.

Si le renforcement des aides pour les véhicules utilitaires est pertinent, votre Rapporteure considère en revanche que la réduction du bonus pour les voitures des particuliers est une erreur (même si le possible décalage de la nouvelle réduction de janvier à juillet 2022 serait un moindre mal). En l’abaissant à 5 000 euros en 2022 pour un véhicule électrique neuf de moins de 45 000 euros, alors qu’il avait été porté à 7 000 euros jusqu’en juillet dernier, la motorisation électrique sera encore moins accessible à la majorité des ménages. Votre Rapporteure propose donc un amendement de crédits pour revenir au niveau bonifié par le plan de relance du bonus pour les particuliers.

4.   Après-mines

Cette action assure essentiellement le financement de prestations versées aux retraités des mines fermées. Elle poursuit logiquement sa baisse avec la diminution du nombre des bénéficiaires : les dotations proposées reculent ainsi de 4,2 % entre 2021 et 2022, à 302,8 millions d’euros en AE et CP.

24,7 millions d’euros restent néanmoins destinés aux mines de potasse d’Alsace en liquidation depuis 2009, afin de gérer l’après‑mine dans le bassin. Ces crédits doivent notamment contribuer au financement des travaux de confinement du reliquat des déchets stockés dans le site de Stocamine.

5.   Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air

L’action n° 5 regroupe les financements de plusieurs dispositifs participant à la lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air. Après un important rebasage en 2021, entre autres lié à l’intégration du financement du dispositif de contrôle des certificats d’économies d’énergie (CEE), ses crédits devraient diminuer de 16,3 % (- 9,3 millions d’euros) en AE et CP.

Ces économies porteraient sur les dispositifs de surveillance de la qualité de l’air, en particulier les plans (plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques – PREPA – et plans de protection de l’atmosphère – PPA).

En revanche, les dotations pour les dispositifs de suivi de la sécurité et des émissions des véhicules progresseraient légèrement de 5 à 5,3 millions d’euros.

II.   un programme 345 « SERVICE PUBLIC DE L’ÉNERGIE » en recul

Le programme 345 regroupe le remboursement de ce que l’on appelle les « charges de service public » supportées par les entreprises des secteurs du gaz et de l’électricité.

Évolution des crÉdits du programme 345

(en millions d’euros)

 

AE

LFI 2021

AE

PLF 2022

CP

LFI 2021

CP

PLF 2022

Variation des CP

09 Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale

5 684,5

4 738,4

5 684,5

4 738,4

- 16,6 %

09.01 Éolien terrestre

1 763,4

1 174,7

1 763,4

1 174,7

- 33,4 %

09.02 Éolien en mer

 

75,7

-

75,7

-

09.03 Solaire photovoltaïque

2 901,3

2 719,4

2 901,3

2 719,4

- 6,3 %

09.04 Bio-énergies

712,6

574,4

712,6

574,4

- 19,4 %

09.05 Autres énergies

307,1

194,2

307,1

194,2

- 36,8 %

10 Soutien à l’injection de biométhane

543,8

712,9

543,8

712,9

+ 31,1 %

11 Soutien dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain

2136,7

2 163,6

2136,7

2 163,6

+ 1,3 %

11.01 Soutien à la transition énergétique dans les ZNI

678,6

670,3

678,6

670,3

- 1,2 %

11.02 Mécanisme de solidarité avec les ZNI

1 458,2

1 493,3

1 458,2

1 493,3

+ 2,4 %

12 Soutien à la cogénération au gaz naturel et autres moyens thermiques

677,3

646,1

677,3

646,1

- 4,6 %

13 Soutien aux effacements de consommation

6

40

6

40

+ 566,7 %

14 Dispositions sociales pour les consommateurs en situation de précarité énergétique

28,3

30,9

28,3

30,9

+ 9,1 %

15 Frais divers

72,4

117,5

72,4

117,5

+ 62,2 %

Total

9 149,4

8 449,4

9 149,4

8 449,4

- 7,7 %

Sources : projets annuels de performances 2020 et 2021.

Ces propositions budgétaires sont fondées sur les prévisions de la Commission de régulations de l’énergie (CRE) et, en l’espèce, sur sa délibération du 15 juillet dernier ([7]).

Après une forte revalorisation en 2021, les dotations du programme 345 diminueraient de 700 millions d’euros en 2022, pour s’établir à 8,4 milliards d’euros en AE et CP.

Cette baisse de 7,7 % résulte essentiellement du recul des crédits prévus pour le développement des énergies renouvelables (EnR) électriques, en métropole continentale (- 16,6 %) ou dans les zones non interconnectées (ZNI, - 1,2 %).

L’action 12, qui soutient la cogénération ([8]) au gaz et autre moyen thermique, est aussi inscrite en diminution (- 4,6 %). La programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) d’avril 2020 a en effet décidé d’abroger ce dispositif d’aide, en dépit de sa capacité à optimiser la consommation des énergies primaires, en cohérence avec l’objectif de renoncer à terme aux énergies fossiles. Les contrats en cours continuer d’être soutenus et peuvent durer jusqu’en 2035. Cependant, la CRE a constaté une régression de la production de ces installations.

À l’inverse, les achats de biométhane (action 10) continuent de croître : + 31,1 % par rapport à 2021 est la projection retenue par la CRE sur une hypothèse de progression de la production pourtant plus modérée (6,8 TWh) que les volontés d’achat exprimées par les fournisseurs de gaz.

Les prévisions budgétaires pour le dispositif de soutien aux effacements de consommation (action 13) remontent de 6 à 40 millions d’euros, sur la base des déclarations de Réseau de transport d’électricité (RTE).

Les crédits consacrés à la protection des consommateurs en situation de précarité énergétique repartent à la hausse (+ 9,1 %), vraisemblablement en lien avec la crise actuelle. L’action 14 finance notamment le tarif de première nécessité pour l’électricité, le tarif spécial de solidarité pour le gaz et la contribution aux fonds de solidarité logement, qui mobilise la plus grande partie de l’enveloppe avec une dotation de 24,1 millions d’euros en 2022.

De même les dotations allouées au mécanisme de solidarité avec les ZNI (sous-action 11.02) s’alourdiront de 4,2 % pour atteindre près de 1,5 milliard d’euros en 2022. Elles couvrent le manque à gagner que représente la péréquation tarifaire dont bénéficient les consommateurs locaux d’électricité par rapport aux surcoûts de production structurels constatés dans ces territoires. Ces charges de service public sont un des piliers de la solidarité nationale envers les ZNI. La partie thématique du rapport y reviendra.

Quant à l’action n° 8 « Énergies et technologies vertes » du programme 362 « Écologie » du plan de relance qui doit soutenir le développement de la filière hydrogène vert, on notera que sont budgétés :

– 390 millions d’euros en CP sur le « projet important d’intérêt européen commun » (IPCEI) visant à soutenir la recherche et l’industrialisation d’électrolyseurs pour produire de l’hydrogène décarboné ;

– et près de 20 millions d’euros de CP pour des appels à projets relatifs à la production d’hydrogène décarboné.

Votre Rapporteure s’étonne de la lenteur annoncée des décaissements sur une enveloppe initialement fixée à 2 millards d’euros en AE par le plan de relance. Il y a pourtant urgence à avancer sur cette recherche et sur la production d’hydrogène bas carbone, indispensable à la décarbonation de nos transports lourds et de certaines de nos industries. Elle recommande donc vivement de les renforcer significativement en CP, comme en AE.

S’agissant du programme 345, même si ses dotations sont seulement indicatives et non limitatives ([9]), votre Rapporteure souligne les limites de l’exercice de prévision budgétaire, en particulier concernant les dépenses relatives au développement des EnR en métropole ou dans les ZNI : d’une part, malgré la construction rigoureuse des projections de la CRE, un déterminant non négligeable de la future dépense pour l’État – l’impact des prix des marchés de l’énergie – est nettement sous-évalué.

D’autre part, on peut regretter que les crédits prévus pour le soutien aux nouvelles capacités d’EnR ne soient pas plus lisibles. Votre Rapporteure salue les efforts d’explication du calcul des charges à venir fournis dans le projet annuel de performances cette année. Il n’en reste pas moins que le recul des dotations consacrées aux EnR pose question quant au volume de dépenses envisagé par l’État pour le déploiement de nouvelles installations.

1.   L’impact décalé des prix de l’énergie

Le plus gros des charges de service public financées par le programme 345 correspondent à la compensation a posteriori des surcoûts que représentent, pour les opérateurs, les achats, obligés ou contractualisés, de gaz ou d’électricité aux tarifs fixés par les dispositifs de soutien aux EnR, généralement supérieurs aux prix des marchés – ou structurellement supérieurs dans les ZNI – ou des manques à gagner résultant de la péréquation tarifaire appliquée à ces territoires (voir partie II) ou de certains dispositifs sociaux bénéficiant aux ménages en situation de précarité.

Les surcoûts se réfèrent assez naturellement aux prix d’approvisionnement sur les marchés de gros de l’énergie ; les manques à gagner à la part « fourniture » (les coûts de production et de commercialisation) des tarifs réglementés de vente (TRV). Mais si ces derniers ont pour objet de modérer les variations des prix de détail et leur ampleur, ils ne sont pas pour autant déconnectés de cette réalité économique, comme l’illustre la méthode de construction des TRV de l’électricité :

La construction des TRVE

Depuis 2014, les tarifs réglementés de vente de l’électricité sont établis par addition des composantes suivantes (méthode de calcul dite par empilement) :

– le coût d’approvisionnement en énergie, lequel se décompose en un coût d’approvisionnement de la part relevant de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH) et d’un coût d’approvisionnement du complément de fourniture, relevant des achats sur les marchés de gros de l’électricité ;

– le coût d’approvisionnement en capacité, établi à partir des références de prix issues des enchères du mécanisme d’obligation de capacité ;

– le coût d’acheminement, qui  traduit le coût d’utilisation des réseaux de transport et de distribution d’électricité ;

– le coût de commercialisation ;

– la rémunération de l’activité de fourniture.

Même si la part d’ARENH (accès régulé à l’électricité nucléaire historique) tempère l’évolution des coûts, l’autre partie de l’approvisionnement en énergie reste liée aux marchés de gros. Certes, les TRVE ne varient pas au même rythme que ces derniers ; la CRE doit cependant proposer régulièrement des ajustements – ce qu’elle a fait le 2 juillet dernier s’agissant de l’électricité et en septembre pour le gaz. Peut en outre s’y ajouter une problématique souvent soulignée par la CRE : le mécanisme d’écrêtement qui s’applique lorsque, incités par la compétitivité de son tarif, les demandes de volume d’ARENH débordent son plafond de 100 TWh. Cet écrêtement est alors opéré sur toutes les livraisons d’ARENH, mais également sur la part ARENH des TRVE, aboutissant à accroître les volumes d’énergie achetés aux prix des marchés.

Les prix des marchés de l’énergie influencent donc plusieurs déterminants fondamentaux des dépenses pour charges de service public. Mais cela se traduit en décalé dans les prévisions budgétaires de l’État, non seulement parce les TRV sont adaptés a posteriori ; mais plus significativement parce que la compensation des charges de service public est décalée par construction.

Le montant des charges de service public de l’énergie inscrit au budget de 2022 correspond au montant prévisionnel des charges au titre de l’année 2022, augmenté ou diminué de la régularisation de l’année 2020 et augmenté ou diminué de la mise à jour de la prévision de l’année 2021. Toutefois, la CRE a fixé ces montants le 15 juillet dernier ; elle a donc pu prendre en compte une partie des hausses de prix de l’énergie constatées en 2021 ; en revanche, elle n’a pu anticiper l’envolée qui s’est produite cet automne, ni a fortiori les tendances sur 2022.

Au moment de les inscrire dans son projet de budget, l’État peut corriger les prévisions de la CRE si les perspectives les plus récentes de prix des marchés de l’énergie s’écartent significativement des hypothèses qu’elle a retenues. De fait, il a diminué de 415 millions d’euros l’évaluation par la CRE des futurs besoins de l’action 09 du programme, relative aux EnR électriques en métropole, en raison précisément de l’actuelle flambée des prix. Une hausse des prix des marchés minimise en effet les surcoûts d’achat des productions aidées. Mais s’agissant des ZNI, elle peut avoir l’effet contraire sur les surcoûts de production et d’achat de l’électricité issue des énergies fossiles importées. Or, l’État n’a pas revalorisé pour autant les projections de la CRE les concernant (action 11 du programme).

Enfin, votre Rapporteure a demandé dans quelle mesure ces prévisions prennent en compte l’impact du renchérissement annoncé des quotas carbone, à quoi la CRE a répondu que ses calculs tablaient sur la stabilité du prix de marché du carbone (autour de 45 €/t).

Le poids croissant des quotas de CO2 sur les prix de l’énergie

Le marché du CO2 est un marché européen instauré par l’Union Européenne en 2005 afin de réduire de manière économiquement avantageuse les émissions de gaz à effet de serre. Il repose sur un principe de plafonnement et d’échange des droits d’émission, le plafond diminuant progressivement afin d’accroitre l’incitation à faire baisser le niveau total des émissions. Les entreprises achètent ou reçoivent des quotas d’émission qu’elles peuvent échanger sur des marchés. À la fin d’un cycle annuel, chaque entreprise doit restituer un nombre suffisant de quotas pour couvrir intégralement ses émissions et peut conserver ou revendre ses quotas excédentaires.

La production d’électricité est incluse dans le mécanisme ; le prix des quotas de CO2 a donc un impact direct sur les prix de gros de l’électricité dans la mesure où il renchérit le coût de production d’électricité des centrales fonctionnant au charbon ou au gaz qui sont appelées en période de pointe de consommation. Par ailleurs, l’augmentation du prix de la tonne de carbone favorise le choix des producteurs d’électricité d’utiliser le gaz, moins émetteur de CO2, plutôt que charbon, et a donc aussi un impact à la hausse sur le prix du gaz.

L’introduction de la réserve de stabilité du marché en janvier 2019 a permis de résorber l’excédent de quotas présents sur le marché en ajustant l’offre de quotas pouvant être mis aux enchères.

Le prix des quotas de CO2 a très fortement augmenté ces derniers mois. Le prix du carbone a dépassé les 60 euros la tonne en août, contre 30 euros la tonne fin 2020. Cette hausse résulte notamment de l’accord du 11 décembre 2020 sur l’augmentation de la réduction des émissions des pays de l’Union européenne par rapport aux niveaux de 1990, dont la cible a été portée à 55 % en 2030.

Il apparaît donc que l’évaluation des futures charges de service public de l’énergie laisse une grande marge d’incertitude sur leur montant final. On a pu le constater en 2020 avec une consommation des crédits pour les EnR électriques en métropole dépassant les prévisions initiales de plus de 508 millions d’euros. On peut craindre que les actuelles prévisions pour les ZNI soient aussi peu réalistes. En sens inverse, les charges pour les EnR en métropole pourraient diminuer davantage que l’État ne l’a anticipé.

Or, – c’est un autre regret de votre Rapporteure – la construction des dotations du programme 345 ne permet pas de mobiliser explicitement les « économies » qu’entraînerait la hausse des prix de l’énergie pour soutenir plus énergiquement le développement des EnR, ou l’accompagnement social des plus précaires.

Elle recommande malgré tout que les probables économies de charges qui découleront de la hausse du prix du carbone soient « réinvesties » dans de futurs appels à projets, guichets ou compléments de rémunération assez motivants pour accélérer le déploiement de nouvelles capacités de production EnR.

2.   Un développement des EnR électriques peu lisible

Les enveloppes des actions 09 et 11.01 du programme devraient perdre respectivement 946 et 8 millions d’euros par rapport aux prévisions pour 2021.

Le projet annuel de performances explique que les charges relatives aux EnR en métropole ont été révisées par la CRE en baisse de 640,5 millions d’euros par rapport à ses prévisions pour 2020 afin de tenir compte de la forte augmentation des prix – à quoi l’État a ajouté une nouvelle réduction de 415 millions d’euros –, tout en précisant que cette diminution serait en partie compensée par le développement continu des capacités de production aidées.

L’État explique par ailleurs que les charges relatives aux ZNI progresseraient de 170,4 millions d’euros en 2022, alors que, facialement, elles reculent de 8 millions dans le budget pour 2022.

Les cibles de développement sont bien détaillées par le projet annuel de performances, mais on ne connaît pas la ventilation par filière des volumes d’EnR déjà soutenues en 2021, ce qui aurait permis de mettre en évidence les progrès visés. Le projet annuel de performances précise seulement que la production constatée en 2020 est de 64,5 TWh et que les prévisions pour 2022 misent sur un total de 70,5 TWH d’EnR électriques.

le coÛt du soutien À la production d’ÉlectricitÉ renouvelable en 2022

Filières

Volume visé

(en TWh cumulés)

Surcoût unitaire moyen

(€/MWh)

Charges prévisionnelles en 2022 (1)

(en M€)

Total

70,5

73,1

5 153,8

Éolien terrestre

38,4

33,3

1 277,7

Éolien en mer

0,7

116,4

82,3

Photovoltaïque

17

174,4

2 957,8

Bio-énergies

5,9

106,5

624,7

Hydraulique, incinération d’ordures ménagères, géothermie etc.

8,6

24,5

211,3

(1)   Prévisions de la CRE avant l’abattement de coûts opéré par l’État. Source : projet annuels de performances 2022

Enfin, le même projet annuel de performances indique le montant des engagements pluriannuels cumulés par l’État au titre de ses contrats de soutien aux EnR – 113,3 milliards en euros courants à fin 2020 –, mais non quelle part du budget le Gouvernement envisage de mobiliser pour de nouvelles capacités.

Au demeurant, l’affichage de crédits en recul sur les différentes enveloppes EnR n’est pas très rassurant pour les filières concernées, même si ces prévisions s’expliquent en partie par des facteurs externes.

Votre Rapporteure recommande donc de distinguer explicitement, à l’avenir, les surcoûts qui couvrent les engagements en cours et ceux qui sont anticipés.

III.   La reconduction du Compte d’affectation spÉciale « Financement des aides aux collectivitÉs pour l’Électrification rurale » (programmes 793 et 794)

En 2022, l’enveloppe totale du compte d’affectation spéciale fonds d’amortissement des charges d’électrification (FACÉ) sera reconduite au niveau voté pour 2021, de 360 millions d’euros, pour soutenir les collectivités territoriales rurales qui financent et exercent la maîtrise d’ouvrage des travaux de développement et d’adaptation de leurs réseaux de distribution d’électricité.

L’enveloppe du programme principal (programme 793 « Électrification rurale ») est fixée à 353,5 millions d’euros comme en 2021. 48 % de ses dotations (170 millions d’euros) sont allouées au renforcement des réseaux et 27 % (97 millions d’euros) à la sécurisation des lignes.

Un volume équivalent de crédits avait été engagé à 98 % en 2020.

En revanche, l’enveloppe du programme spécial 794 « Opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées » est largement sous-consommée depuis des années.

Elle sert à titre principal à financer des unités de production décentralisées d’électricité, de préférence renouvelable, lorsqu’une extension du réseau de distribution serait trop coûteuse. Elle s’adresse en particulier aux sites isolés des territoires d’outre-mer. Pour renforcer son recours, elle a été ouverte aux actions innovantes, notamment de digitalisation, en faveur de la transition énergétique. Elle serait ainsi maintenue à 6,5 millions d’euros.

 

 


—  1  —

   SECONDE partie :
Péréquation et transition énergétique dans les zones non interconnectées (ZNI)

Votre Rapporteure a choisi de consacrer la partie thématique de son avis au soutien national apporté aux zones non interconnectées au réseau métropolitain continental (ZNI) pour répondre à leurs besoins en électricité tout en réalisant leur transition énergétique.

En raison de l’insularité de la plupart d’entre elles, ces zones sont peu ou pas connectées à des réseaux plus importants et stables ; elles relèvent ainsi du statut des « petits réseaux isolés » auxquels le Troisième paquet « Énergie » de l’Union européenne ([10]) accorde un cadre dérogatoire autorisant un accompagnement renforcé. Il s’agit de la Corse, de la Martinique, de la Guadeloupe, de La Réunion, de la Guyane, de Mayotte, Saint-Martin, Saint-Barthélemy, Saint‑Pierre‑et‑Miquelon et Wallis et Futuna ainsi que des îles du Ponant (Sein, Molène, Ouessant et Chausey) ([11]).

L’exigence européenne de dissociation des activités de gestion des réseaux, de production et de fourniture d’électricité ne s’imposant pas à ces territoires, les opérateurs historiques, EDF systèmes électriques insulaires (EDF SEI), Électricité de Mayotte (EDM) et Électricité et Eau de Wallis-et-Futuna (EEWF), sont à la fois gestionnaires des réseaux électriques locaux et de leur propre parc de production et acheteurs uniques de l’électricité des producteurs tiers. Comme fournisseurs, ils sont également les seuls à proposer les tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVE).

Parmi ces acteurs, votre Rapporteure a auditionné des représentants de la collectivité territoriale de la Martinique et des régions de La Réunion et de Guadeloupe ainsi qu’EDF SEI qui gère les réseaux de distribution d’électricité de la presque totalité des ZNI, desservant environ 1,1 million de points de livraison.

I.   Concilier Péréquation et maîtrise de la demande : un exercice délicat

A.   L’indispensable solidarité nationale

1.   Des territoires aux fortes contraintes

En l’absence d’interconnexions, les ZNI ne peuvent recourir à une mutualisation des ressources avec leurs voisins pour assurer leur sécurité d’approvisionnement en électricité et réduire les coûts, alors que leurs particularités géographiques et climatiques imposent des solutions technologiques spécifiques et limitent la taille de leurs réseaux électriques – d’autant plus fragiles et complexes à gérer.

Enfin, historiquement, pour assurer une alimentation des territoires au niveau des standards de volume et de sécurité de la métropole, ce sont essentiellement des centrales thermiques qui ont été développées, complétées d’ouvrages hydrauliques quand les territoires disposaient des ressources adéquates. Les ZNI présentent ainsi un mix plus carboné qu’en métropole et doivent importer à grands frais les énergies fossiles (gaz, fioul, charbon) nécessaires au fonctionnement de leurs centrales.

Tous ces facteurs sont à l’origine de coûts de production de l’électricité beaucoup plus élevés qu’en métropole. Selon les chiffres indiqués à votre Rapporteure par EDF SEI, la moyenne des coûts de production s’établit à 233 €/MWh (euros par mégawattheure). Cette moyenne varie cependant fortement d’un territoire à l’autre en fonction des caractéristiques du parc installé et du réseau, comme le montre le graphique ci‑après.

En métropole, même si l’on ne dispose pas d’une moyenne globale et que les références de prix remontent à plusieurs années selon les sources, celles-ci montrent une structure de coûts très inférieure : ainsi, le coût moyen de l’électricité d’origine hydroélectrique fluctuerait entre 15 et 20 € le MWh (source Commission de régulation de l’énergie et Cour des Comptes) ; celui du nucléaire entre 42 € (tarif ARENH) et 109 €/MWh selon qu’il s’agisse d’un ancienne ou d’une nouvelle centrale non encore amortie ; celui de la production thermique issue du gaz variait entre 70 et 100 € (selon EDF) avant la flambée récente des prix. Une délibération de la CRE en 2014 fixait le coût moyen de production photovoltaïque à 142 €/MWh et le Syndicat des énergies renouvelables (SER) évaluait en 2017 celui de l’éolien terrestre à 90 €/MWh.

Par comparaison, un rapport de 2017 ([12]) évoquait un coût de production moyen en ZNI de 225 €/MWh en 2013, contre environ 55 €/MWh en métropole. La Martinique estime pour sa part que les coûts de production de l’électricité sont presque cinq fois supérieurs aux coûts de production comptables d’EDF.

2.   Deux aides cruciales : péréquation et compensation

L’accès à l’électricité des ZNI est soutenu par l’État français de plusieurs manières.

Ainsi, les actions 01 « Sites isolés » et 02 « Installations de proximité en zone non interconnectée » du programme 794 « Opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées », au sein du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale » (FACÉ, voir première partie), visent à aider l’électrification des sites isolés des régions et départements d’outre-mer, en participant au financement de l’extension des réseaux existants, ou de la mise en œuvre de solutions de production autonomes (et renouvelables) quand l’option classique est plus onéreuse. Elles seraient respectivement reconduites à 1 et 3 millions d’euros.

Mais ce soutien repose surtout sur les compensations versées au titre de la solidarité nationale avec les ZNI et de leur transition énergétique, budgétées au programme 345 « Service public de l’énergie ».

En effet, en vertu du principe de péréquation tarifaire posé par la loi à l’échelle nationale, les consommateurs des ZNI paient un niveau de facture d’électricité de même niveau que celui de la France continentale ; corrélativement, les surcoûts structurels entre coûts de production ou d’achats et recettes des fournisseurs historiques sont compensés au titre des charges de service public de l’énergie.

a.   Le maintien des TRVE pour tous les consommateurs

D’abord, en vertu de l’article L. 337-8 du code de l’énergie, les tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) s’appliquent toujours à l’ensemble des clients finals.

En France métropolitaine, conformément aux règles européennes, les TRVE ne sont plus accessibles aux clients professionnels grands et moyens depuis 2016 ; ils ont également pris fin le 1er janvier 2021 pour les entreprises de plus de 10 salariés ou qui ont un chiffre d’affaires de plus de 2 millions d’euros.

C’est une des dérogations accordées par l’Europe aux « petits réseaux isolés », reconnaissant la difficulté à faire jouer la concurrence sur ces marchés étroits et très contraints.

Ce cadre tarifaire tient compte d’une double réalité :

– des prix de production de l’énergie particulièrement élevés, comme souligné précédemment ;

– une situation sociale plus fragile dans les territoires concernés. Pour ne prendre qu’un indicateur, le ministère de la transition écologique indiquait en mars 2021 que 287 551 ménages ultramarins recevraient un chèque énergie, soit près de 5 % des 5,8 millions de bénéficiaires, alors que les outre-mer représentent 4 % de la population française. Or, cette proportion pourrait être sous-estimée car, selon les collectivités auditionnées, les ménages les plus modestes l’utiliseraient encore peu.

Ensuite, en application de l’article L. 121-5 du code de l’énergie, ces TRVE sont construits de manière à respecter le principe de péréquation tarifaire (hors taxes).

Ce principe s’est imposé dans les années 1950 : notre pays a estimé que l’électricité était un bien de première nécessité et que chacun devait pouvoir y accéder avec un tarif unique, quel que soit son lieu de résidence.

Consolidant l’unité de notre pays et concrétisant la solidarité nationale, ce principe permet aux consommateurs des ZNI de bénéficier de conditions financières similaires d’accès à l’électricité, alors même que le coût de production et d’acheminement est hétérogène d’un territoire à l’autre.

Dans le détail, cela s’organise selon les conditions suivantes :

– Les clients dont la puissance souscrite est inférieure ou égale à 36 kVA et raccordés en basse tension bénéficient des barèmes des tarifs réglementés bleus résidentiels (particuliers) et non résidentiels (petits professionnels) de la métropole continentale. Au 31 décembre 2020, ils représentaient 1 230 000 sites et une consommation annuelle de 5,4 TWh ;

– Depuis 2016, les tarifs réglementés (jaunes et verts) pour les clients souscrivant une puissance supérieure à 36 kVA ou raccordés en haute tension évoluent par catégorie tarifaire « dans les mêmes proportions que le coût de l’électricité, déterminé par la Commission de régulation de l’énergie, facturé aux consommateurs pour les mêmes puissances souscrites en France métropolitaine continentale » (article R. 337‑19‑1 du code de l’énergie). La péréquation tarifaire est ainsi assurée en niveau global, même si la structure des tarifs peut varier selon les spécificités locales. Cela concerne 12 000 sites et un total de 3,3 TWh.

Toutes les collectivités territoriales auditionnées ont souligné l’importance des TRVE pour le maintien du pouvoir d’achat de leur population.

b.   La prise en charge par l’État des surcoûts des opérateurs historiques

Les opérateurs historiques ne sont pas les seuls producteurs des ZNI. En 2019, les producteurs tiers assuraient 73 % de la production locale. Mais en leur qualité de gestionnaires des réseaux locaux, EDF SEI, EDM et EEWF en sont les acheteurs uniques.

Trois mécanismes permettent la contractualisation de la production d’électricité injectée sur le réseau dans les ZNI :

– l’obligation d’achat, définie par arrêtés tarifaires du ministre chargé de l’énergie, grâce à laquelle les producteurs d’énergie renouvelable (EnR) bénéficient d’un tarif d’achat sur une période déterminée ;

– les appels d’offres, à l’issue desquels les lauréats bénéficient d’un contrat d’achat de leur production sur une durée définie et au prix proposé dans leur offre – dans la limite du prix-plafond de l’appel à projet (AAP) validé par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ;

– et les contrats de gré à gré (ou Power Purchase Agreement) qui permettent à l’exploitant d’une centrale de vendre sa production d’électricité à un prix défini après analyse par la CRE des coûts d’investissement et des coûts d’exploitation du projet.

EDF SEI suit ainsi environ 8 700 contrats d’obligations d’achat et une trentaine de contrats de gré à gré.

Ces divers cadres tarifaires prennent évidemment en compte une certaine marge de rentabilité pour les investissements réalisés, mais la CRE veille à ce que cette composante reste raisonnable. Elle établit notamment une référence : le coût de production normal et complet pour le type d’installation de production considéré dans la zone considérée (CNC), qui intègre, pour les contrats de gré à gré, le taux de rémunération du capital immobilisé fixé par le ministre chargé de l’énergie – qui varie en fonction des territoires, du risque du projet et des conditions de financement.

Les opérateurs historiques sont censés assurer, quant à eux, le développement, l’entretien et la régulation du réseau de façon à optimiser les productions injectées, tout en garantissant la sécurité d’approvisionnement – par exemple, le contrat entre un producteur et le fournisseur historique prévoit un régime de sanctions lorsque le fonctionnement de l’installation de production est en écart avec le fonctionnement attendu.

Ces régulations sont les premiers outils pour maîtriser l’évolution des charges de service public.

Les surcoûts de production ou d’achat supportés par les opérateurs historiques sont en effet compensés au titre des charges de service public. Depuis 2003 et jusqu’en 2015, celles-ci étaient financées par une contribution spécifique, l’ancienne contribution au service public de l’énergie (CSPE), payée par tous les consommateurs d’électricité nationaux. Depuis 2016, ce financement est inscrit au programme 345 précité du budget de l’État.

La compensation est calculée par rapport à la part « production » dans les TRVE, sous contrôle de la CRE (cf. ses délibérations du 23 avril 2015 puis du 17 décembre 2020), et se fonde, selon les cas, sur le coût de production de référence CNC ou le prix d’acquisition arrêté pour les contrats d’obligation d’achat.

À noter que, pour conjuguer contrôle de la dépense publique et sécurité d’approvisionnement, la compensation est accompagnée d’un mécanisme de bonus‑malus afin d’inciter le producteur (tiers comme historique) à faire ses meilleurs efforts pour assurer le bon niveau de production d’une installation.

Enfin, la compensation pour charges de service public s’applique aussi :

– aux surcoûts des ouvrages de stockage d’électricité pilotés par le gestionnaire du système électrique ;

– aux coûts supportés par les fournisseurs d’électricité en raison de la mise en œuvre d’actions de maîtrise de la demande d’électricité (dite MDE) ;

– et aux coûts des études supportés par un producteur ou un fournisseur ou à l’initiative du préfet ou du gestionnaire de réseau en vue de la réalisation de projets d’approvisionnement électrique identifiés par la programmation pluriannuelle de l’énergie et conduisant à un surcoût de production ou d’achat.

c.   Des dépenses croissantes pour le budget national

Une des missions de la CRE est d’établir les compensations dues à chaque opérateur historique et d’en déduire les dépenses définitives et les dépenses à venir pour le budget de l’État.

Pour prendre l’exemple d’EDF SEI ([13]), en 2020, ses propres coûts de production ont atteint un total de 713,5 millions d’euros (544,6 millions d’euros pour les productions à partir d’énergies fossiles et 168,9 millions d’euros en EnR) et le montant définitif de ses surcoûts de production s’élève à 478,8 millions d’euros (respectivement 422,7 millions d’euros et 56,1 millions d’euros).

On peut relever que ces surcoûts représentent près de 78 % de la facture de ses énergies fossiles et seulement 33 % de sa facture d’EnR.

L’entreprise a par ailleurs acheté pour 1 749,9 millions d’euros d’électricité dans les ZNI et supporté pour 0,59 million d’euros de coûts liés aux contrats de stockage et pour 115,5 millions d’euros de coûts liés aux actions de maîtrise de la demande (MDE).

Au final, la CRE constate qu’EDF SEI peut prétendre à un total de 1 886 millions d’euros de charges de service public en 2020 (dont 498 millions d’euros au titre de la transition énergétique).

À partir de l’apurement des dépenses constatées en 2020 et des projections des opérateurs sur 2021 et 2022, la CRE déduit les charges à financer l’année prochaine. Sa délibération du 15 juillet 2021 a ainsi proposé un montant total de 2 163,6 millions d’euros de dépenses prévisionnelles de charges de services public dans les ZNI en 2022.

Contrairement aux mécanismes faisant évoluer les charges de service public en métropole, qui diminuent quand les prix de l’énergie augmentent (voir la première partie), les charges des ZNI tendraient plutôt à croître avec la hausse du coût des importations d’énergies fossiles, même si les TRVE ont été revalorisés en août. Néanmoins, défini avant la flambée récente des prix, le montant prévisionnel pour 2022 n’est encore que modérément impacté. Le montant pour 2021 (2 042,3 millions d’euros) est même révisé en nette baisse, conséquence du recul concomitant de la consommation et des prix de l’énergie aux débuts de la crise sanitaire. Quoi qu’il en soit, la CRE prévoit une hausse des charges dans les ZNI de 170,4 millions d’euros (+ 10,8 %) entre les dépenses constatées en 2020 et 2022, qu’elle explique comme étant surtout liée au développement de nouvelles installations renouvelables sur ces territoires.

Les charges liées aux ZNI représentent aujourd’hui 25 % du programme budgétaire 345, dont la sous-action « Transition énergétique dans les ZNI » qui en mobilise 8 %. Les charges de service public des ZNI ont crû en part relative, mais surtout en volume avec le rattrapage de l’électrification de ces territoires dans les années 2000 (elles s’élevaient à seulement 409,9 millions d’euros en 2003), puis en traduisant le déploiement plus volontariste des EnR depuis la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV).

En distinguant électricité renouvelable et électricité produite à partir d’énergies fossiles, la CRE retrace les dernières évolutions de ces charges dans le tableau suivant :

(en M€)

 

2015

2016

2017

2018

2019

2020

2021 prév.

2021 reprov.

2022 prév.

Transition énergétique

nc

nc

nc

383,4

500,5

506,9

678,6

598,5

670,3

Solidarité

nc

nc

 

1398,3

1444,8

1486,2

1458,2

1443,8

1493,3

Total

1871,1

1752,3

1688,7

1781,7

1945,5

1993,1

2138,7

2042,3

2163,6

Source : CRE, annexe à la délibération n° 2021-230 du 15 juillet 2021

Interrogée par votre Rapporteure sur leur trajectoire à cinq ans, la CRE estime que le montant total des charges devrait augmenter d’environ 7 % par an sous l’effet de l’accroissement de la demande en électricité et de la mise en service de nouvelles capacités de production en ZNI.

Notons qu’une autre compensation est opérée, mais entre les seuls gestionnaires de réseaux publics de distribution d’électricité : en effet, les tarifs d’utilisation des réseaux publics d’électricité dits « TURPE » ne permettant pas toujours la prise en compte des spécificités de certaines zones de desserte, un fonds de péréquation de l’électricité (FPE) vient compenser l’hétérogénéité des conditions d’exploitation de ces réseaux via la modulation des contributions de chaque gestionnaire.

B.   Les leviers pour maîtriser l’évolution des charges de service public

1.   Les enjeux de la régulation de la demande d’électricité

Un certain encadrement des prix d’achat d’électricité et des modalités de compensation des surcoûts sont des outils importants de la régulation des charges de service public de l’énergie. Il reste néanmoins indispensable de travailler aussi activement sur la maîtrise de la consommation locale d’électricité.

Au demeurant, le contrôle des dépenses publiques n’est pas le seul enjeu de la régulation de la demande. Il s’agit également de réduire la dépendance des ZNI aux importations et d’encourager un rythme de consommation qui ne menace pas le bon fonctionnement des réseaux et la sécurité d’approvisionnement en électricité.

La sobriété énergétique est, enfin, un levier essentiel de la transition énergétique.

Par elle-même, cette demande suit des tendances contraires : hors la Guyane qui connaît encore un certain retard dans l’électrification de son territoire, et La Réunion dont la population continue de croître, les autres ZNI seraient plutôt confrontées à un recul démographique. Mais à l’inverse, le développement des transports électriques devrait augmenter les besoins.

Tout ceci nécessite de mettre en œuvre des actions volontaristes de maîtrise de la demande d’électricité (MDE). Pour la CRE comme pour EDF SEI auditionnés par votre Rapporteure, cela justifie aussi l’envoi de signaux tarifaires pertinents pour inciter à limiter les consommations lors des périodes de pointe, même si l’exercice est plus complexe.

2.   Les actions en faveur de la « maîtrise de la demande »

● Comme leurs compatriotes métropolitains, les habitants des ZNI sont éligibles aux aides nationales destinées à encourager et accompagner la transition énergétique de leurs activités et modes de consommation.

Pour ne citer que le Plan de relance de septembre 2020, des enveloppes ont été spécifiquement mobilisées pour accélérer ces investissements dans les territoires d’outre-mer : à raison de 160 millions d’euros dans la rénovation thermique des bâtiments de l’État et de 50 millions d’euros pour celle des bâtiments des collectivités territoriales ; par ailleurs, le bonus à la conversion automobile a été majoré d’une prime de 1 000 euros.

Selon un premier bilan réalisé en mai 2021 par le ministère des outre-mer, au 31 décembre 2020, la première enveloppe était déjà entièrement engagée ; 3 262 bonus écologiques et primes à la conversion avaient été versés ([14]). Quant au dispositif de MaPrimeRénov’, le ministère de la transition écologique a indiqué que du 1er janvier au 26 septembre 2021, environ 10 860 dossiers ont été déposés en ZNI, pour un montant cumulé de primes estimé à 25,4 millions d’euros et un montant cumulé de travaux de 46,9 millions d’euros. Au 26 septembre, plus de 6 660 primes avaient été attribuées par l’Agence nationale de l’habitat, pour un montant cumulé de primes estimé à 16,8 millions d’euros.

Quoi qu’il en soit, consciente du retard pris par la rénovation énergétique des logements sur son territoire, la Martinique souhaiterait que le chèque énergie puisse être davantage utilisé pour ce type de travaux. Pour sa part, elle projette de mettre en place un service territorial d’accompagnement à la rénovation énergétique en collaboration avec les EPCI et l’ADEME.

● En effet, la stratégie de maîtrise de la demande passe aussi par des dispositifs définis et portés par les responsables publics locaux. L’extension de la compensation des charges de service public aux coûts supportés par les fournisseurs historiques du fait de la mise en œuvre des actions locales de maîtrise de la demande d’électricité (MDE) dans les ZNI en a sans doute stimulé le déploiement – même si les collectivités auditionnées soulignent que le financement de ces actions est surtout porté par les certificats d’économies d’énergie (CEE) et le FEDER.

Au demeurant, la compensation est réduite des surcoûts de production que ces actions permettent d’éviter ; et seules celles qui génèrent des économies supérieures aux dépenses de MDE sont éligibles.

Avant toutes choses, un comité territorial consacré à la MDE doit être mis en place, réunissant notamment les collectivités, l’ADEME, l’opérateur historique et les services de l’État. Ces comités élaborent des plans stratégiques de déploiement des actions, appelés cadres territoriaux de compensation, et en assurent le suivi opérationnel. À partir des cadres définis par la Corse, la Guadeloupe, la Guyane, la Martinique, Mayotte et La Réunion, la CRE a ainsi approuvé, début 2019, des plans d’aide à l’investissement représentant un programme d’interventions de 530 millions d’euros sur les cinq prochaines années. Elles s’adressent aux particuliers comme aux entreprises et aux collectivités, ciblant, entre autres, les projets d’isolation des bâtiments, l’installation de chauffe-eaux solaires ou de climatiseurs performants, avec un accent mis sur les clients en situation de précarité (34 % des aides, soit 181 millions d’euros, leur sont destinés).

La CRE précisait dans son communiqué de presse de 2019 qu’il ne s’agit pas d’inciter à l’équipement mais d’orienter les consommateurs vers les équipements les plus performants.

La Commission de régulation de l’énergie en attend une réduction globale, à terme, de 1,7 milliard d’euros des charges de service public et des économies d’énergie d’environ 880 GWh/an, soit près de 10 % de la consommation d’électricité de ces territoires. La réduction des émissions de gaz à effet de serre serait alors d’environ 590 000 tonnes de CO2 par an, ce qui représenterait une baisse de 8 % des émissions liées à leur production d’électricité. S’il est trop tôt pour en mesurer les effets, la CRE indiquait cet été que l’impact des actions de MDE sur les volumes fournis par EDF SEI est déjà estimé à 150 GWh par an.

La Commission constate par ailleurs que les coûts de MDE ont augmenté de manière significative entre 2019 et 2020 (+ 20 %).

La Martinique, par exemple, a mis en place un programme territorial de maîtrise de l’énergie en mars 2016. Avec un budget de 47 millions d’euros (soit près de 300 euros par ménage martiniquais), il vise quatre axes prioritaires : un éclairage public performant (avec un objectif de 30 % d’économie d’électricité en 2022), des bâtiments performants (objectif de 20 % d’économie d’énergie entre 2015 et 2020), le déploiement du chauffe‑eau solaire (60 % des foyers équipés en 2020) et les projets énergétiques innovants. La collectivité mise aussi sur la prise de conscience des citoyens grâce aux nouveaux dispositifs de suivi personnalisé des consommations individuelles et aux efforts de communication des filières.

Elle constate déjà une économie de 34 GWh par an depuis 2017, soit l’équivalent de 9 jours de consommation et 38,6 millions d’euros de charges de service public évitées.

La Réunion vise une consommation évitée de 263 GWh en 2023 et 438 en 2028. Pour ce faire, elle s’appuie notamment sur la  promotion des chauffe-eau solaires individuels (déjà plus de 6 000 déployés depuis 2016), le déploiement d’un service public de la rénovation énergétique qui accompagne les ménages et le petit tertiaire et travaille à un projet de SWAC (sea water air conditioning). Dans le cadre des programmes de certificat d’économies d’énergie, la région porte également le plus gros dispositif SLIME (Service local pour la maîtrise de l’énergie) de France, avec plus de 30 000 ménages en situation de précarités visités et conseillés depuis 2014.

En Guadeloupe, les actions de MDE ont permis de contenir des consommations tendanciellement en progression.

La Réunion confirme que le cadre territorial de compensation est un levier fort ; mais il perdrait en opérationnalité par la lourdeur de ses procédures de mise à jour et le recours systématique à l’opérateur historique pourrait être un frein à un déploiement plus massif des actions. Elle regrette enfin une forme de concurrence entre MDE et CEE, dont les actions mériteraient d’être coordonnées au niveau local.

3.   La rationalisation de la consommation par les TRVE

Un autre levier existe, même si son usage reste prudent et doit encore s’affiner : jouer sur les TRVE.

Il ne s’agit pas de remettre en cause la péréquation tarifaire à laquelle les collectivités territoriales concernées sont très attachées. Elles sont, en tout état de cause, convaincues que la baisse de la consommation ne doit pas passer par une atténuation de cette péréquation, mais par les actions de MDE, l’amélioration de l’efficacité des équipements, voire le développement de l’autoconsommation.

Il s’agit plus exactement de moduler les TRVE pour optimiser le rythme de la consommation. Elle apparaît comme une évolution nécessaire, non seulement pour contenir le recours aux finances publiques face aux futurs besoins de la mobilité électrique (l’actuelle distinction entre heures pleines et heures creuses encourage les recharges nocturnes alors que la production le soir et la nuit est plus onéreuse et donc plus chère pour le budget de l’État) mais aussi pour préserver la sécurité d’approvisionnement face aux pics de prélèvement (en étalant davantage les branchements sur les heures où la production est plus forte).

La Réunion reconnaît que déplacer les appels d’énergie aux heures les plus productives, en particulier la recharge des véhicules électrique, est un enjeu fort pour son système électrique.

La CRE s’est ainsi attachée à introduire dans les TRVE des consommateurs de plus de 36 kVA (les clients Jaunes et Verts) des « signaux tarifaires » pour les inciter à limiter leurs prélèvements en périodes de pointe. Tout en maintenant le niveau moyen de ces tarifs sur ceux de leurs correspondants métropolitains, elle a construit une nouvelle échelle, avec plusieurs plages horosaisonnières, visant à inciter les clients à moduler leur consommation en fonction des coûts différenciés de production au cours d’une journée ou d’une année. Proposées depuis le 1er août 2017, en parallèle des options « historiques », les options dites de « transition énergétique » (TE) sont aussi censées mieux refléter les systèmes électriques de chaque territoire en calant leur structure tarifaire sur les coûts marginaux de leur parc.

Dans sa délibération du 8 juillet 2021, la CRE indique que les options « TE » ont vocation à être les seules proposées à terme. Les options « historiques » seraient mises en extinction lors du mouvement tarifaire de l’été 2022 et supprimées lors du mouvement tarifaire de l’été 2024. Toutefois, seuls 1 600 sites, représentant 198 GWh, étaient passés à l’option « TE » au 31 décembre 2020.

Quoi qu’il en soit, les collectivités territoriales auditionnées souhaitent être informées de l’impact économique du tarif « TE » et demandent à être systématiquement consultées en amont de tout projet de mouvement tarifaire.

II.   Soutenir la transition énergétique des ZNI : un triple impératif

La transition énergétique des ZNI n’est pas seulement une nécessité environnementale, désormais largement reconnue, mais aussi une promesse de plus grande autonomie énergétique.

Cet enjeu a pris une acuité particulière depuis la crise sanitaire, qui a montré la grande fragilité des économies trop dépendantes des approvisionnements externes. Et si les ZNI françaises ne semblent pas avoir connu de rupture de livraison en énergies fossiles, elles sont particulièrement exposées au choc de prix que nous connaissons actuellement.

De fait, parallèlement à l’objectif de résilience, la transition énergétique est également un moyen de réduire les surcoûts propres à ces territoires. En effet, en matière de transition énergétique, les ZNI ne manquent pas d’atouts : nombre d’entre elles ont du soleil et du vent en abondance. Or, si les besoins en climatisation sont souvent importants, il y a une bonne corrélation avec les périodes de production d’électricité photovoltaïque. Et sur le plan de la mobilité, le périmètre réduit de la plupart limite les déplacements, ce qui fait des véhicules électriques une solution très opérationnelle pour ces territoires.

Enfin, la baisse des coûts de production de l’électricité renouvelable que l’on observe partout permet d’espérer que, même s’il reste nécessaire d’importer les matériaux de construction et que le climat (cyclones, humidité et salinité de l’air…) impose des infrastructures plus résistantes, il est vraisemblable que leurs surcoûts puissent, à terme, être sensiblement inférieurs à ceux des technologies recourant aux énergies fossiles importées.

Pour donner une idée des différentiels de coûts, on peut citer les prix moyens de production relevés sur les marchés mondiaux par la CRE, dans sa délibération n° 2021-169 du 17 juin 2021, et les prix‑plafonds qu’elle recommande en conséquence pour les nouveaux appels à projets soutenant la production d’électricité d’origine renouvelable (en métropole) sur les cinq prochaines années :

(en €/MWh)

 

Prix moyens observés

Prix-plafond

Éolien

60,5

65

Photovoltaïque (PV)

 

Grandes installations au sol

55,7

60 pour les installations de puissance inférieure à 5 MW

Petites installations au sol

65,5

70 installations de puissance supérieure à 5 MW

Grandes installations sur des bâtiments

81,4

90

Petites installations sur des bâtiments

91,7

-

PV innovant au sol

77,9

85

PV innovant sur bâtiment

90

100

Nouvelle hydroélectricité

 

Installations neuves

83,3

90

Installations sur seuils existants

91,4

100

Rappelons que pour sa part le coût moyen de production d’électricité dans les ZNI s’établit à 233 €/MWh en 2020.

On peut observer que, concomitamment à l’intégration croissante des EnR dans le mix énergétique de ces territoires, cette moyenne a déjà significativement diminué en quelques années : elle était à 290 €/MWh fin 2016 et à 256 €/MWh en 2019. Il est toutefois difficile de faire la part entre les économies d’importations d’énergies fossiles permises par ces nouvelles productions locales (effet volume) et la baisse conjoncturelle du coût des importations (effet prix). En Martinique, par exemple, depuis dix ans, les coûts d’achat moyens de l’électricité « fossile » restent inférieurs à ceux de l’électricité « renouvelable ». Mais ces derniers ont nettement décru depuis 2017 ; et c’était avant l’envolée des prix des énergies fossiles et du CO2.

En tout état de cause, la progression des EnR dans le mix des ZNI réduit leur exposition aux fluctuations des marchés de l’énergie.

A.   La montée en puissance des EnR

1.   La planification de la transition énergétique

La loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte (LTECV), modifiée, a posé les objectifs ambitieux d’un mix énergétique composé à 50 % d’EnR en 2023 et de l’autonomie énergétique en 2030.

Pour ce faire, elle a également mis en place plusieurs outils de gouvernance :

– à l’instar de RTE pour la France métropolitaine continentale, les gestionnaires de réseau locaux évaluent chaque année les besoins en énergie nécessaires pour assurer l’équilibre entre l’offre et la demande (EOD) à moyen et long termes de leur territoire (bilan prévisionnel de l’EOD) ;

– sur ces bases, les collectivités territoriales de chaque ZNI et l’État établissent conjointement leur propre programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE). Elles sont l’outil de pilotage de la politique énergétique locale. La première génération de PPE porte sur les années 2019 à 2023 et la seconde sur les années 2024 à 2028.

Les collectivités territoriales peuvent ensuite demander au ministre chargé de l’énergie de lancer un appel d’offres ou à la CRE d’analyser une disposition tarifaire si le rythme de développement de la filière concernée n’est pas en adéquation avec les objectifs de leur PPE ;

– ces documents sont complétés par des schémas régionaux de raccordement au réseau des énergies renouvelables (S3RENR) et parfois des plans de déploiement des véhicules électriques.


Situation, objectifs et premiers résultats de deux ZNI

 

Martinique

Guadeloupe

Consommation totale d’énergie

7 451,5 GWh d’énergie primaire

En baisse de 15,3 % par rapport à 2019 en raison de la baisse des activités et des transports

Mais projette une baisse tendancielle de 2 % en 2023 par rapport à 2015

8 396 GWh d’énergie primaire

6 010 GWh d’énergie finale

Consommation primaire d’EnR

17,1 %

7,2 %

Destinations des ressources

Sur énergie primaire :

47,4 % électricité

44,6 % transports (parc de 251 614 véhicules)

7,8 % activités indust. et agricoles, chaleur

Sur énergie finale :

28,1 % électricité

60,4 % transports (forte croissance de l’aérien ; parc de 240 000 véhicules)

Production électrique

1 512,1 GWh

1 689 GWh (chiffres EDF SEI)

Objectifs de la PPE pour 2023 relatifs à l’électricité

55,6 % d’EnR dans le mix électrique

68,6 % dans la PPE1

Développement des moyens de stockage centralisés pour 10 à 15 MW

Prématuré

nc

– 658 GWh d’ici 2023 par rapport aux consommations d’énergie finale en 2015 (6 543 GWh)

241 bornes de recharge alimentées en EnR

PPE2 : 250 points de charge pilotés et en accès public ; 30 % de véhicules en circulation d’ici 2030

Résultats en 2020

23,1 % d’EnR dans le mix électrique, contre 6,2 % en 2015

Les objectifs les plus en retard : géothermie, photovoltaïque avec stockage, valorisation thermique des déchets.

23,3 %, contre 17,8 % en 2015

Les potentiels les plus prometteurs : la biomasse et les déchets, la géothermie haute température.

nc

Une unité de stockage stationnaire de 5 MW a été installée et mise en service à fin 2020

Économie de 34 GWh par an depuis 2017, soit 9 jours de consommation

Hors 2020, les consommations finales progressent de +1,2% en moyenne par an sur 10 ans

43 bornes à 2 points de charge, dont 25 installations accessibles à tous les usagers

Objectif PPE1 atteint : 50 bornes à 2 points de charge

Sources : Région de Guadeloupe, Collectivité territoriale de la Martinique.

2.   Mais des objectifs de mix électrique encore éloignés

Longtemps, les solutions thermiques (ou hydrauliques quand cela était possible) sont apparues comme le meilleur choix pour répondre à la croissance de la consommation et aux besoins de sûreté d’approvisionnement dans les ZNI. Ces choix ont été reconduits à la fin des années 2000 avec la mise en service de nouveaux moyens de production thermiques (en Guadeloupe, Martinique, Corse et à La Réunion).

C’est donc assez récemment, en particulier sous l’impulsion de la LTECV de 2015, que les options renouvelables ont commencé à prendre une place plus significative dans les mix locaux.

Le fait est que, malgré la définition de PPE volontaristes, les résultats sont aujourd’hui contrastés et, sauf exception, encore éloignés des cibles définies par la loi – comme le montrent les chiffres donnés par EDF SEI :

Les sources de la production électrique de cinq ZNI en 2020

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Corse

Puissance électrique fournie en 2020

1 689 GWh

1 506 GWh

949 GWh

2977 GWh

2211 GWh

Connexion

 

 

 

 

30 %

Diésel

60 %

77 %

48 %

32 %

36 %

Charbon

17 %

 

 

37 %

 

Hydraulique

1 %

 

46 %

14 %

23 %

Photovoltaïque

5 %

5 %

6 %

9 %

11 %

Bioénergie

5 %

15 %

1 %

8 %

 

Géothermie

7 %

 

 

 

 

Éolien

4 %

3 %

 

 

1 %

Part des EnR

23 %

23 %

52 %

31 %

34 %

De leur côté, l’électricité de Saint-Barthélemy (121 GWh) et Saint‑Pierre‑et-Miquelon est entièrement produite à partir de diésel ; Saint Martin (177 GWh) et les îles bretonnes (10 GWh) sont également presque totalement alimentés par des centrales au diésel, avec respectivement 1 % et 3 % d’énergie solaire.

La PPE révisée de La Réunion escompte toutefois atteindre, dès 2023, un taux de 42 %, proche de celui voulu par la loi, grâce à un déploiement important de l’énergie photovoltaïque et à la conversion des centrales thermiques charbon‑bagasse (résidu de canne à sucre) et fuel à la biomasse (pellets et bioliquide).

De manière générale, le suivi des charges de service public par la CRE montre un fort développement du photovoltaïque ces dernières années, suivi depuis peu par la croissance rapide de la filière biomasse.

B.   Divers freins ou contraintes à résoudre

1.   Le déploiement des installations de stockage, clé de la transition

L’impératif de sûreté d’alimentation en électricité est une exigence incontestable et a longtemps été une limite forte au développement des productions renouvelables, pour deux raisons :

– l’intermittence d’une partie des EnR ne permet pas de garantir un approvisionnement toujours suffisant.

C’est la raison pour laquelle la loi autorise les gestionnaires des réseaux de distribution à déconnecter les dernières installations photovoltaïques ou éoliennes raccordées au réseau lorsque la puissance cumulée injectée par les moyens de production intermittents dépasse un certain seuil dans le mix local. Il s’agit d’éviter de se retrouver avec une réserve de puissance disponible trop faible, ou trop coûteuse à réactiver, en cas de baisse importante des productions intermittentes.

De fait, pendant longtemps, sans possibilité de mutualiser leurs productions et leurs approvisionnements avec des réseaux voisins, seules les énergies fossiles s’avéraient capables de répondre à tout moment aux besoins en électricité ;

– et dans un réseau en surcapacité, les EnR peuvent parfois injecter un volume d’électricité trop important pour sa capacité d’absorption.

La CRE recommandait donc dès 2018 que l’intégration des EnR intermittents à ces systèmes électriques de petite taille soit accompagnée de solutions assurant le maintien de l’équilibre entre l’offre et la demande.

Une de ces solutions est le déploiement d’installations de stockage centralisées, pilotées par le gestionnaire de réseau. Le stockage centralisé fournit en effet des réserves de puissance pour le réglage de la fréquence et la couverture des pointes de consommation, en substitution des groupes thermiques et à moindre coût.

La compensation des charges de service public en ZNI a donc été étendue en 2012 aux coûts des ouvrages de stockage d’électricité gérés par le gestionnaire du système électrique (dans la limite des surcoûts qu’ils contribuent à éviter). Et la CRE a organisé en 2017 le premier guichet stockage dans ces territoires.

Des appels d’offres « photovoltaïques + stockage » continuent à être lancés en parallèle pour financer les petits dispositifs de stockage couplés à une installation photovoltaïque. Mais la CRE considère que, pour la collectivité et les finances publiques, le stockage centralisé est plus efficace car il apporte des services mutualisés au réseau, évolutifs dans le temps et à un coût proportionnellement inférieur.

 

La Martinique espère ainsi passer d’un seuil de déconnexion de 30-35 % à 45 % d’ici 2023 avec le développement des installations de stockage centralisés. La collaboration entre le SMEM, propriétaire du réseau de distribution, et EDF SEI a abouti à un premier projet, validé par la CRE en octobre 2018, de centrale de stockage d’une capacité de 12MW, réalisée avec des batteries lithium ion. Elle sera la plus importante en France. Un autre projet hybride de stockage et de production d’électricité a été intégré à la PPE. Il combine une installation de stockage par STEP (station de transfert d’énergie par pompage de fluide) et des panneaux photovoltaïques flottants sur les bassins de stockage de la STEP. La STEP doit pomper l’énergie peu coûteuse et excédentaire en heures creuses et la réinjecte à la pointe du matin ou du soir quand le système est tendu.

La Martinique observe par ailleurs que le développement de nouveaux moyens de production nécessite aussi le développement et le renforcement des réseaux électriques. « Dans ce cadre, il s’agira de développer les conditions techniques et financières de l’intégration de réseaux intelligents (Smart Grids) et de villes connectées (Smart Cities) à l’échelle du territoire ».

De son côté, si la PPE en révision de la Guadeloupe prévoit également de porter à 45% en 2023 son seuil de déconnexion et d’adapter le réseau, la région considère que son système de production électrique, actuellement en surcapacité, n’a pas besoin de structure de stockage centralisé en complément de son unique installation de stockage centralisé, en fonctionnement depuis 2020 (d’une capacité de 5 MW).

En revanche, elle suggère une évolution réglementaire pour neutraliser le dommage que représentent les déconnexions et écrêtements pour les producteurs, « par exemple sous la forme d’une indemnisation de l’énergie non enlevée ou d’une rémunération garantie de la puissance installée et de sa disponibilité ».

2.   Le défi du déploiement des bornes de recharge électrique

Le développement des véhicules électriques apparaît à tous comme une approche efficace pour diminuer la pollution de l’air, réduire la dépendance aux importations de carburants et décarboner le secteur des transports dans les ZNI, et particulièrement adaptée à la taille de ces territoires.

Mais elle suppose un maillage suffisant de bornes de recharge (ou infrastructures de recharge pour véhicules électriques – IRVE), qui soient accessibles, bien tolérées par le réseau de distribution d’électricité et dont l’usage soit rationalisé, car tous les réseaux locaux ne sont pas capables de supporter la charge simultanée de plusieurs centaines de véhicules, en particulier aux heures de pointe.

Les territoires encouragent donc notamment des bornes qui soient couplées à des installations de production d’électricité renouvelable, éventuellement en autoconsommation – qui épargne le réseau et optimise la production.

EDF SEI souligne aussi l’impact que ces évolutions auront sur les charges de service public. Les études long terme réalisées par l’entreprise montrent en effet que la consommation des véhicules électriques pourrait y représenter entre 5 et 10 % de la consommation d’électricité totale à horizon 2033.

Cette hausse de la demande d’électricité aura par elle-même un coût significatif sur les charges de service public. Mais il sera particulièrement lourd si la recharge des véhicules se concentre le soir, aux heures où les productions sont les plus onéreuses. On estime, par exemple, qu’en 2033 à La Réunion, le surcoût de l’absence de pilotage de charge dans un scénario comptant 30 % de véhicules électriques serait de plus de 21 millions d’euros par an. Au surplus, cette demande supplémentaire, concentrée sur la pointe de consommation d’électricité du soir si elle n’est pas « pilotée », conduirait à une augmentation de cette pointe, de 20 à 140 MW selon les territoires, qui nécessiterait de nouveaux moyens de production pilotables, lesquelles renchériraient encore les charges pour l’État.

EDF SEI recommande donc un « pilotage » de la recharge.

L’entreprise suggère une mise en œuvre du pilotage de la recharge différente selon les catégories de clients :

– Pour les ménages, une incitation économique adaptée lui paraît être la voie la plus efficace. Compte tenu de la péréquation tarifaire dans les ZNI, les gains sur la facture d’électricité des ménages qui s’engageraient à recharger aux heures creuses (quelques dizaines d’euros par an en moyenne) ne suffiraient pas pour les inciter à investir dans le matériel de pilotage à domicile nécessaire. En revanche, les économies de charges de service public que ce mode de consommation dégagerait seraient deux à trois supérieures. Une partie pourrait donc servir à « récompenser » les consommateurs vertueux.

EDF SEI dialogue déjà avec la CRE autour de la mise en place d’une prime versée en contrepartie d’un asservissement de la recharge aux heures creuses des TRVE, qui serait financée par les charges de service public ;

– Pour les bornes de recharge partagées, déployées sur les parkings d’entreprises, de collectivités, en voirie, voire, sous certaines conditions, dans le résidentiel collectif, elle estime qu’un encadrement réglementaire est nécessaire.

Un projet d’arrêté sur la recharge intelligente est en cours de rédaction pour définir notamment les caractéristiques du pilotage de la recharge. EDF SEI recommande deux règles cumulatives :

. l’interdiction de dépasser 50 kW de puissance soutirée sur le réseau par point de recharge pour les bornes ouvertes au public et 25 kW pour les bornes privées ;

. et l’obligation de diviser la puissance soutirée au réseau par deux lors de périodes défavorables définies sur la base d’un signal mis à disposition par le gestionnaire de réseau du territoire.

3.   Le poids des contraintes et enjeux locaux

Tout en étant convaincues de l’urgence de la transition énergétique dans leur territoire, les collectivités en ont également évoqué certains impacts négatifs, qui peuvent représenter autant de freins à sa mise en œuvre :

– le développement des véhicules électriques posera à terme la question de la gestion des composants et des batteries en fin de vie ;

– il importe de limiter la consommation de foncier, surtout quand il a une grande valeur agricole.

La région de Guadeloupe a ainsi instauré une commission Photovoltaïque‑éolien, qui dialogue avec les porteurs de projets. Sans avis favorable de sa part, le raccordement au réseau électrique de ce type de projets n’est pas autorisé.

En revanche, le sujet de la conversion au solaire des terrains dégradés (notamment les friches) n’est toujours pas résolu ;

– la transition des filières inféodées aux énergies fossiles (production d’énergie, vente et entretien des véhicules…) doit être préparée et accompagnée pour préserver les emplois locaux ;

– de même, les collectivités s’inquiètent de la diminution de leurs recettes de taxe spéciale sur les carburants, qui en découlera. Elle constitue une part importante du budget de fonctionnement de certaines ZNI.

4.   Des exigences multiples parfois difficiles à concilier

● Plusieurs ZNI ont entrepris la conversion de leurs centrales thermiques. En s’attachant notamment à substituer de la biomasse au charbon, elles réduisent leur consommation d’énergie fossile tout en confortant leur production électrique existante. L’investissement est moins lourd et la conversion plus rapide.

L’opération a de nombreuses vertus ; mais quand cette substitution est réalisée au prix d’importations massives de biomasse, le bilan carbone est plus douteux. La problématique est également vraie pour les nouvelles installations fonctionnant avec de la biomasse ou tout autre énergie d’origine biologique.

La CRE recommande donc « d’évaluer le potentiel de biomasse effectivement mobilisable, sans conflits d’usage, sur chaque territoire par l’État et les collectivités et de n’envisager de recourir à la biomasse importée que sur la base d’une étude d’opportunité intégrant une réflexion sur les coûts d’approvisionnement, le bilan carbone et la fiabilité de la certification environnementale ».

Elle suggère aussi d’étudier une valorisation conjointe de déchets avec la biomasse qui apporterait une solution à la problématique de gestion des déchets, particulièrement complexe dans ces territoires de petite taille, et complèterait les besoins en biomasse tout en limitant les nouveaux investissements électriques.

● Nombre des acteurs auditionnés par votre Rapporteure ont souligné qu’en raison de leurs spécificités physiques, les ZNI sont des terres d’innovation et que la réussite de ces nouvelles solutions peut servir de vitrine pour inspirer d’autres pays.

Les collectivités sont ouvertes à toutes réponses performantes à leurs besoins et à leurs contraintes. Mais « il faut que ça marche ». Elles préfèrent aller vers des technologies plus matures, qui ont déjà montré leur efficacité, comme les STEP, plutôt que d’investir lourdement dans des installations encore expérimentales, telle l’énergie thermique des mer (ETM).

À l’inverse, quand elles sont convaincues de l’intérêt d’un projet un peu hors norme, elles regrettent que les appels à projets de la CRE ou les financements de l’ADEME ne soient pas assez ouverts aux technologies les moins classiques. Elles peuvent avoir l’impression en outre que les dispositifs de soutien sélectionnent les projets, in fine, soit sur leur coût financier soit sur leur efficacité énergétique, mais pas suffisamment sur l’efficacité écologique de la solution proposée.

Par exemple, plusieurs collectivités seraient intéressées par le recours aux STEP, dont les STEP marines, pour résoudre les besoins de stockage. Ces collectivités reconnaissaient que cela suppose d’importants investissements au départ ; toutefois, ces systèmes fonctionnent ensuite en grande autonomie et ne poseront pas les mêmes problèmes de déchets que les solutions utilisant des batteries sodium-soufre privilégiées par l’appel à projets de la CRE. Cette dernière répond qu’encore peu d’entreprises françaises maîtrisent ces technologies. Elle va néanmoins travailler avec le ministère de la mer pour en évaluer les potentialités. En attendant, ce type de projets peuvent être accompagnés dans le cadre de contrats de gré à gré.

● D’aucuns contestent aussi le récent projet de décret révisant certains contrats de soutien à la production d’électricité photovoltaïque. L’Assemblée politique de Martinique a voté contre en séance du 30 septembre 2021 car « il tend à fragiliser une filière qui peine déjà à se développer sur l’île compte tenu du préjudice financier estimé entre 8 et 15 millions d’euros par an pour l’ensemble des producteurs et des entreprises martiniquaises partenaires sur une période de 10 ans ».

Ils sont soucieux du maintien dans la durée d’un soutien financier suffisant pour la viabilité des installations d’EnR.

● Enfin, l’appréciation des rythmes respectifs du développement des EnR et de la fermeture des centrales thermiques diverge parfois entre les acteurs nationaux et les responsables locaux.

La CRE recommande notamment d’éviter une situation de surcapacité durable du parc de production avec les importants surcoûts qui en découlent. Elle rappelle que certaines centrales thermiques ont été renouvelées récemment, répondant largement aux besoins locaux.

Mais les collectivités observent que la LCTV leur impose des objectifs de diversification du mix électrique. Quand leur territoire n’a pas besoin de capacité de production supplémentaire à court et moyen termes, cette injonction leur semble aboutir à un choix éminemment politique entre :

– assumer le verdissement du mix électrique en acceptant de financer le développement des ressources locales en EnR même si elles viennent en concurrence avec les moyens de production existants. Cela permet d’engager la transformation du tissu économique local et de développer leur capacité à réduire leur dépendance aux importations ;

– ou accepter (et faire accepter par la population) la conversion des principaux moyens de production, en renonçant pour longtemps au développement des EnR locales – ce qui a aussi un coût en termes de CO2 et de charges de service public.

Les responsables nationaux introduisent une autre option : accepter de fermer les centrales thermiques les plus obsolètes, mais cela représente une menace sur les emplois que les collectivités territoriales ne sont pas disposées à assumer.

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   Examen en commission

Au cours de sa réunion du mercredi 13 octobre 2021, la commission des affaires économiques a poursuivi l’examen pour avis des crédits de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », sur le rapport
de Mme Marie-Noëlle Battistel (Énergie).

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis. Je ne ferai pas durer le suspense : je m’en remettrai à la sagesse de la commission concernant l’avis à émettre sur les crédits du programme 174 Énergie, climat et après-mines de la mission Écologie, développement et mobilité durables.

Je salue le renforcement des dotations consacrées à la politique énergétique – tout au moins s’agissant de l’accompagnement de la transition énergétique, l’action n° 2 du programme. Les dotations correspondantes vont en effet augmenter de près de 1,1 milliard d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 733 millions d’euros en crédits de paiement (CP), soit une progression de, respectivement, 67 % et 49 %. Je salue plus particulièrement l’effort budgétaire que représente la reconduction de l’enveloppe de 1,7 milliard d’euros en AE pour le dispositif MaPrimeRénov’. Partagée en 2021 entre le programme 174 et la mission Plan de relance, cette enveloppe sera entièrement affectée au premier en 2022. En parallèle, l’addition des CP ouverts dans le cadre du programme 174 et de la mission permettra au dispositif de retrouver le niveau atteint par le crédit d’impôt pour la transition énergétique (CITE) avant sa mise en extinction, soit 2 milliards d’euros. De fait, MaPrimeRénov’ rencontre, comme l’a souligné la Cour des comptes, un grand succès, quoique l’on puisse s’interroger sur la manière de mieux accompagner les bénéficiaires afin que la performance thermique soit la plus large possible – débat que nous avons eu ce matin.

Parmi les autres aspects positifs du projet de budget, j’évoquerai la stabilisation du soutien budgétaire à l’acquisition de véhicules propres, à hauteur de 506 millions d’euros – complétés par l’ouverture de 487 millions d’euros en CP dans la mission Plan de relance –, ainsi que l’affichage d’une progression des capacités de production d’électricité renouvelable. Le projet annuel de performances table ainsi sur une production de 70,5 térawattheures en 2022, contre 64,5 térawattheures aujourd’hui. Je parle néanmoins d’affichage parce que les dotations envisagées pour l’action n° 9 Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale du programme 345 Service public de l’énergie reculeraient quant à elles de 946 millions d’euros en 2022. C’est là toute l’ambiguïté de la prévision de ces charges de service public, que je tiens à souligner : elles ne montrent pas la mobilisation réelle de l’État en faveur des nouvelles capacités d’énergie renouvelable. Les futures dépenses sont noyées dans la masse des compensations dues pour les installations déjà aidées. Or les surcoûts d’achat des productions aidées vont vraisemblablement se réduire du fait de la hausse des prix de l’énergie, ce qui entraînera une diminution des compensations par l’État. Au reste, les prévisions budgétaires pour 2022 ne tiennent que partiellement compte de l’envolée des prix de l’électricité. On peut donc s’attendre à des économies de charges pour service public plus importantes en métropole – on observerait plutôt la tendance inverse dans les zones non interconnectées. Je souhaiterais pour ma part que ces « économies » soient réinvesties dans des appels à projets, guichets et compléments de rémunération assez motivants pour accélérer le développement des énergies renouvelables, plutôt que l’on se contente de prendre acte de la charge budgétaire moindre.

Si j’en appelle à votre sagesse, c’est que j’émettrai plusieurs réserves sur le projet de budget.

Je m’étonne d’abord du rythme d’engagement des investissements dans l’hydrogène vert prévus par le plan de relance : à peine 410 millions d’euros de CP devraient être décaissés en 2022, pour une enveloppe initiale de 2 milliards d’euros. Pourquoi une telle lenteur ? Le volet hydrogène du plan France 2030, présenté hier par le Président de la République, permettra-t-il d’accélérer les choses ? Il est urgent que la recherche progresse et que la production d’hydrogène bas carbone se développe, car elle est indispensable à la décarbonation des transports lourds et de certaines de nos industries. Je regrette d’ailleurs que l’hydroélectricité n’ait pas été incluse dans le plan de relance.

La reconduction des soutiens budgétaires à l’acquisition de véhicules propres est certes rassurante, et la revalorisation des aides pour les véhicules utilitaires bienvenue, mais celle-ci se fait au détriment des aides aux particuliers : le bonus écologique qui leur est destiné a été diminué de 1 000 euros en juillet et il devrait l’être d’autant en 2022. Il est à craindre que l’augmentation du reste à charge, déjà dissuasif pour beaucoup, ne casse la petite dynamique de verdissement du parc engagée depuis 2020. Je vous proposerai donc, à travers un amendement, d’augmenter les crédits concernés afin de rétablir à son niveau antérieur le bonus écologique destiné aux particuliers. Il conviendrait en outre que l’on tienne mieux compte du rétrofit électrique afin de réduire, autant que faire se peut, les émissions de gaz à effet de serre.

Plus problématique encore : si l’enveloppe attribuée au chèque énergie est augmentée de près de 100 millions d’euros en AE et de 80 millions d’euros en CP par rapport à 2021, c’est sur la seule base d’une progression de l’effectif prévisionnel des bénéficiaires. Il n’est pas envisagé de revaloriser le montant du chèque énergie en 2022 : l’octroi de 100 euros supplémentaires par chèque, annoncé fin septembre par le Premier ministre, ne s’appliquera qu’en 2021. Pourtant, l’alourdissement des factures d’énergie qui motive ce geste sera – tout le monde en parle – sans doute durable, du fait de l’envolée des prix sur les marchés et de l’augmentation des tarifs réglementés de vente (TRV). Aussi vous soumettrai-je un second amendement visant à reconduire le supplément de 100 euros en 2022.

L’accompagnement de nos concitoyens face à la flambée des prix de l’énergie est crucial pour leur pouvoir d’achat. La mise en place pour un temps limité d’un bouclier tarifaire afin de contrer ces augmentations ne suffira pas – même si je salue la réduction concomitante de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) –, et cela d’autant moins que la hausse des prix ne manquera pas d’être entretenue par le renchérissement des quotas carbone. Il devient urgent d’engager une réflexion sur l’ensemble des leviers susceptibles d’agir sur le coût de l’énergie, notamment la réforme de l’ARENH, l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique, et de mettre en place un accompagnement renforcé pour les consommateurs les plus fragiles ainsi que pour les entreprises électro-intensives, qui voient leurs coûts exploser et dont la compétitivité risque de se trouver affaiblie.

Enfin, le plan France 2030 ne semble pas apporter de réponse à l’une des questions posées par la Cour des comptes : le dispositif MaPrimeRénov’ pourra-t-il continuer à fonctionner au même rythme après 2022 ? Ce serait pourtant indispensable pour que nous puissions espérer atteindre nos objectifs de rénovation énergétique – et encore : il n’est pas certain que les nouvelles modalités du dispositif garantissent une véritable prise en charge des 4,8 millions de passoires thermiques, dont la moitié d’entre elles sont occupées par des ménages en situation de précarité énergétique, c’est-à-dire qui consacrent plus de 8 % de leurs revenus aux dépenses d’énergie. À cela s’ajoute le fait que les territoires sont inégalement touchés par ce fléau. Il y a urgence à renforcer la lutte que nous menons contre celui-ci.

En conclusion, si je salue l’ampleur de l’effort budgétaire consenti par le Gouvernement pour soutenir la politique énergétique, je suis déçue qu’il n’aille pas plus loin pour agir plus fort et plus vite. Cela ne me permet pas d’émettre un avis favorable sur l’adoption des crédits du programme Énergie, climat et après-mines. J’émets donc un avis de sagesse.

J’ai choisi de consacrer la partie thématique de mon avis au soutien national apporté aux zones non interconnectées au réseau métropolitain continental (ZNI), afin qu’elles puissent répondre à leurs besoins en électricité tout en réalisant leur transition énergétique.

Le caractère insulaire de la plupart d’entre elles et leurs spécificités géographiques et climatiques y entraînent des coûts de production de l’électricité très supérieurs à ceux enregistrés en métropole continentale – jusqu’à cinq fois, selon certaines ZNI. Pour une population souvent plus fragile que la moyenne nationale, l’application du principe de péréquation tarifaire, qui permet de payer la facture d’électricité au même niveau qu’en France continentale, est donc extrêmement précieuse. En outre, les tarifs réglementés de vente sont encore appliqués à tous les consommateurs finals, particuliers et entreprises, petits et gros utilisateurs. Consolidant l’unité de notre pays et concrétisant la solidarité nationale, le principe de péréquation permet ainsi aux consommateurs des ZNI de bénéficier de conditions financières d’accès à l’électricité similaires, quel que soit le coût de production et d’acheminement local, très hétérogène d’un territoire à l’autre.

En contrepartie, l’État compense le manque à gagner pour les fournisseurs, à savoir la différence entre des coûts de production ou d’achat plus élevés qu’ailleurs et des recettes plus contraintes, au titre des charges de service public de l’énergie financées par le programme 345. Cette compensation connaît une dynamique forte : les dépenses s’élevaient à 1,87 milliard d’euros en 2015 ; elles sont évaluées à 2,16 milliards en 2022, soit le quart du programme 345. Or la Commission de régulation de l’énergie (CRE) n’a tenu compte, dans ses prévisions, que d’une partie de la hausse des prix de l’énergie, laquelle renchérit le coût des énergies fossiles importées, qui sont encore très largement utilisées pour produire l’électricité locale. La facture finale sera donc probablement plus élevée. En outre, la CRE estime que le montant des charges relatives aux ZNI devrait continuer d’augmenter d’environ 7 % par an durant les cinq prochaines années, du fait du développement de la motorisation électrique et de la mise en service de nouvelles capacités de production.

L’idée de mieux maîtriser la demande d’électricité pour mieux contenir les coûts publics s’est clairement imposée ces dernières années. Plusieurs dispositifs viennent ainsi encourager et soutenir les efforts de performance énergétique ; ils sont promus à l’échelon national, mais aussi à l’échelon territorial, avec des soutiens financiers de l’État et de l’Union européenne. La CRE a approuvé, début 2019, des cadres territoriaux de compensation représentant un programme d’interventions locales de 530 millions d’euros sur cinq ans ; elle escompte à terme une réduction de 1,7 milliard d’euros des charges de service public et des économies d’énergie qui pourraient atteindre 10 % de la consommation d’électricité des territoires concernés.

Toutefois, si la maîtrise des volumes de consommation est une nécessité, la bonne répartition de celle-ci au cours de la journée est aussi un enjeu pour la soutenabilité du système électrique local, de surcroît lorsqu’elle a tendance à se concentrer sur les périodes de production les plus coûteuses. C’est pourquoi la CRE, comme EDF Systèmes électriques insulaires (EDF SEI), le principal opérateur dans les ZNI, préconisent une forme de pilotage de la consommation. Il s’agit notamment d’anticiper les futurs besoins de recharge des véhicules électriques – plutôt adaptés à ces territoires souvent de faibles dimensions. Pour la CRE, cela passe non par une remise en cause des tarifs de vente péréqués, mais par une modulation de leurs structures horaires afin d’inciter les consommateurs à privilégier les moments les moins problématiques.

L’accompagnement de la transition énergétique est un autre enjeu fondamental pour les ZNI, dont les mix énergétiques sont très carbonés et très dépendants des importations. La loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, modifiée, a fixé les objectifs d’un mix composé à 50 % d’énergies renouvelables en 2023 et de l’autonomie énergétique en 2030. Pour ce faire, les collectivités territoriales et le représentant de l’État dans leur territoire élaborent une programmation pluriannuelle de l’énergie qui leur est propre. Alors que certaines ZNI en sont déjà à la première révision de celle-ci, force est de constater que les charges de service public liées au développement des énergies renouvelables progressent – elles seraient de 670 millions d’euros en 2022 contre 383,4 millions d’euros en 2018. Toutefois la part des énergies renouvelables dans le mix des ZNI reste nettement en deçà de leur cible.

Mes travaux ont montré la persistance d’un certain nombre de freins ou de contraintes. Il est ainsi nécessaire de déployer en parallèle des solutions de stockage centralisées qui gèrent l’intermittence des énergies renouvelables et assurent la sécurité de l’alimentation en électricité. Les territoires ont des craintes relatives à l’utilisation des terres, à la préservation des emplois liés aux énergies fossiles et à leurs recettes fiscales. Le choix est délicat entre prise de risque technologique et solutions éprouvées, et il est difficile de résister à des réponses rapides, comme la conversion des centrales thermiques au prix d’importations de biomasse au bilan carbone excessif. Enfin, il y a l’impératif de concilier verdissement du mix énergétique et rationalisation des dépenses publiques. Sur toutes ces questions, responsables nationaux et locaux n’apportent pas toujours les mêmes réponses.

Ces différentes pistes de travail sont essentielles, car la question de la transition énergétique est prégnante. Celle-ci ne pourra se faire sans un soutien aux plus fragiles, surtout dans le contexte d’une augmentation des prix de l’énergie qui érode le pouvoir d’achat de nos concitoyens. Le projet de loi de finances doit apporter des réponses à la hauteur des enjeux, y compris conjoncturels.

M. Damien Adam (LaREM). Madame la rapporteure pour avis, votre expertise sur les sujets énergétiques est reconnue de tous ; vous la montrez une nouvelle fois avec ce rapport très complet, même si je ne peux que regretter votre avis de sagesse.

Les objectifs de la politique énergétique française sont multiples : favoriser l’émergence d’une économie compétitive, assurer la sécurité de l’approvisionnement, réduire la dépendance aux importations, maintenir un prix de l’énergie compétitif et attractif, assurer le droit d’accès de tous à l’énergie sans coût excessif au regard des ressources des ménages, lutter contre la précarité énergétique.

Depuis le début de la législature, la majorité s’est engagée dans une politique énergétique ambitieuse et tournée vers la transition écologique. La loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat fixe ainsi un objectif de neutralité carbone d’ici à 2050, atteignable en réduisant de 40 % nos consommations d’énergies fossiles d’ici à 2030 et en arrêtant la production d’électricité à partir de charbon. Cet objectif s’accompagne d’un investissement massif en faveur de la rénovation énergétique, notamment avec la mise en œuvre du dispositif MaPrimeRénov’.

Nos ambitions pour la politique énergétique française se reflètent dans ce dernier budget du quinquennat. Les deux programmes relatifs à la politique de l’énergie représentent ainsi plus de 12 milliards d’euros d’autorisations d’engagement, soit une augmentation de plus de 300 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2021.

Le programme Énergie, climat et après-mines est doté de 3,2 milliards d’euros, ce qui représente une hausse de 30 % par rapport à 2021. Ces crédits permettent de financer les mesures relatives à la réduction de la précarité énergétique – dont le dispositif du chèque énergie, doté de 958 millions – et à la rénovation énergétique – dont MaPrimeRénov’, à laquelle sont consacrés 1,7 milliard d’euros. À cela s’ajoutent les crédits de la mission Plan de relance, comme vous l’avez indiqué.

Le programme Service public de l’énergie est doté de 8,45 milliards d’euros, en raison du transfert des crédits relatifs à certains dispositifs comme le Médiateur national de l’énergie ou le chèque énergie vers d’autres programmes de la mission. Ces mouvements budgétaires permettent au programme Service public de l’énergie de se recentrer sur les deux priorités suivantes : le soutien à l’injection de biométhane, pour lequel les crédits augmentent de 31 % par rapport à 2021, atteignant 713 millions en 2022 ; le soutien aux effacements de consommation, qui bénéficie d’une hausse de crédits de 566 % par rapport à 2021, atteignant 40 millions en 2022.

Par ailleurs, dans le contexte actuel de crise énergétique, une attention particulière est portée aux ménages les plus vulnérables face à la hausse des factures énergétiques. Ainsi, en complément du chèque énergie, qui permet aujourd’hui d’apporter une aide annuelle moyenne de 150 euros à 5,8 millions de ménages modestes, une aide sociale exceptionnelle de 100 euros a été annoncée par le Premier ministre et sera versée aux bénéficiaires d’ici à la fin de l’année. Le Premier ministre s’est également engagé à bloquer le prix du gaz au moins jusqu’en avril et à limiter la hausse du prix de l’énergie à 4 % pour permettre à tous les citoyens de résister aux augmentations de ces dépenses durant l’hiver 2021-2022 et de préserver au maximum leur pouvoir d’achat.

Pour toutes ces raisons, le groupe La République en Marche donnera un avis favorable à l’adoption de ces crédits.

M. Philippe Bolo (Dem). Je vous remercie, Madame la rapporteure pour avis, pour votre rapport et les précisions que vous nous avez apportées. Je modérerai cependant votre analyse des chiffres des programmes 174 et 345.

La hausse de 30 % des crédits du programme 174 est flagrante, et nous devons nous en réjouir. Si l’on regarde les chiffres dans le détail, les augmentations dont bénéficient les différentes lignes sont évidemment variables. Elles sont très fortes s’agissant des mesures d’accompagnement de la transition énergétique, peut-être parce que le programme 174 héberge désormais la totalité de MaPrimeRénov’, ce qui n’était pas le cas en 2020.

Nous nous réjouissons de l’augmentation de 25 % des crédits relatifs à la politique de l’énergie, en toute cohérence avec les objectifs que nous poursuivons en matière de financement des études techniques, juridiques ou financières réalisées en vue du développement des énergies renouvelables.

L’augmentation de 49 % des crédits relatifs à l’accompagnement de la transition énergétique concerne le dispositif du chèque énergie et MaPrimeRénov’.

Le groupe MODEM salue l’importante revalorisation des montants du chèque énergie ainsi que la simplification, depuis le PLF pour 2021, des modalités d’obtention de ce dispositif, auquel les EHPAD sont désormais éligibles. Cependant, des progrès restent à faire, car le bénéficiaire du chèque ayant besoin d’informations complémentaires se heurte souvent à une plateforme incapable de répondre à ses questions.

S’agissant de MaPrimeRénov’, mon groupe se réjouit de l’élargissement du dispositif aux revenus les plus faibles. Toutefois, j’ai identifié deux freins au développement de la prime auprès de ce public : la difficulté à aller chercher les bénéficiaires, d’une part, et la nécessité de bien expliquer les travaux à réaliser, d’autre part. Nous devons en effet veiller à l’efficience des travaux financés : ce n’est pas forcément le remplacement d’une chaudière qui permettra d’obtenir les résultats que nous escomptons. Vous avez d’ailleurs souligné, Madame la rapporteure pour avis, ce besoin d’accompagnement des occupants de passoires thermiques pour que le dispositif gagne en efficience.

À ce propos, j’en appelle à une application stricte de la loi du 24 juillet 2020 visant à encadrer le démarchage téléphonique et à lutter contre les appels frauduleux. Nous pouvons tous constater la persistance des appels téléphoniques, à notre domicile, destinés à nous vendre des travaux de rénovation énergétique alors que nous avons interdit cette pratique en 2020. Ces travaux, souvent réalisés en dépit du bon sens et en arnaquant les personnes les plus vulnérables, n’ont parfois aucune efficacité et peuvent contribuer à la perte de confiance de nos concitoyens dans les travaux de rénovation énergétique.

La baisse tendancielle du budget de l’après-mines est logique, considérant que la population concernée par ces dépenses se réduit. Il convient cependant de veiller à ne pas trop réduire ces crédits, car il ne faudrait pas réaliser des économies sur le dos des mineurs qui ont contribué à l’industrialisation de la France.

À la différence du programme 174, le programme 345 se contracte. Je veux tout de même souligner, à l’instar de M. Adam, les augmentations de 30 % des crédits relatifs au soutien à l’injection de biométhane et de 566 % des crédits relatifs à l’effacement des consommations.

Finalement, l’augmentation globale des programmes 174 et 345 nous paraît parfaitement cohérente avec les fondements de la politique énergétique française, qui vise à réussir la transition énergétique tout en protégeant le pouvoir d’achat des Français et en garantissant la souveraineté énergétique de notre pays.

Je terminerai mon propos en soulignant l’importance du compte d’affectation spéciale Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (CAS FACE), que nous devons tous défendre pour ne pas mettre en difficulté les territoires ruraux. La transition énergétique est parfois difficile dans ces zones, qui consomment beaucoup d’énergie fossile. Nous devons donc leur permettre d’accéder à l’électricité de manière massive en renforçant les réseaux.

Pour toutes ces raisons, le groupe MODEM donnera un avis favorable à l’adoption de ces crédits. Je souhaite toutefois vous poser une question, Madame la rapporteure. L’ARENH, qui constitue un levier important d’amortissement de l’augmentation des prix de l’énergie, devait être revu dans le cadre du projet Hercule, finalement abandonné. Que préconisez-vous pour que cette révision ait lieu malgré tout ?

M. Antoine Herth (Agir ens). Je salue à mon tour ce budget, en particulier la reconduction, à hauteur de 1,7 milliard d’euros, du dispositif MaPrimeRénov’, qui a permis d’engager cette année la rénovation de 500 000 logements.

J’espère que les difficultés conjoncturelles que nous rencontrons, notamment la hausse du coût de l’énergie, à laquelle le Gouvernement a répondu en augmentant les aides bénéficiant aux foyers les plus démunis, appartiendront bientôt au passé. En réalité, les études montrent que la France est l’un des pays européens les plus thermosensibles : quand le thermomètre baisse, nos besoins en chauffage explosent. Cela signifie que nos logements sont moins bien isolés que ceux de nos voisins allemands, que ceux des pays du nord de l’Europe et, plus surprenant, que ceux de nos voisins ibériques. La politique que nous menons, qui s’inscrit dans le cadre de la loi « climat et résilience » et des obligations qui s’y rattachent, me semble donc la véritable solution à terme. Cependant, à l’instar de mes collègues, je salue bien évidemment la réactivité du Gouvernement, qui a permis d’éviter que la hausse du prix de l’énergie ne se traduise immédiatement par une baisse du pouvoir d’achat de nos concitoyens.

Vous avez abordé à plusieurs reprises la question de l’hydrogène. L’Agence de la transition écologique (ADEME) a lancé un appel à projets visant à déployer des « écosystèmes territoriaux hydrogène », ainsi qu’un appel à projets intitulé « Briques technologiques et démonstrateurs hydrogène » dans le cadre du programme d’investissements d’avenir (PIA). Il s’agit d’étudier comment nous pouvons, avec les ressources électriques, notamment nucléaires, dont nous disposons, produire de l’hydrogène vert tout en regardant vers les nouvelles technologies. Nous devons assumer ces choix, qui me semblent propres à la France car j’ai constaté à plusieurs reprises, notamment lors des discussions organisées dans le cadre de l’Assemblée parlementaire franco-allemande, de grandes divergences avec nos voisins allemands. Si nous souhaitons, en règle générale, davantage d’intégration européenne, nous devrons, dans ce domaine particulier, affirmer notre point de vue et trouver un accord avec les Allemands – nous avons un peu de temps devant nous avant que la nouvelle coalition se mette en place à Berlin.

Je vous remercie d’avoir évoqué les zones non interconnectées, dont je me soucie beaucoup. Ma circonscription n’est évidemment pas concernée, mais je parle souvent de ce sujet avec mes collègues, notamment des départements d’outre-mer. Lorsque je visite ces départements, je suis toujours étonné de constater à quel point ils sont encore dépendants des énergies fossiles, puisque les centrales électriques fonctionnent au fioul lourd, ce dernier étant importé par bateau. C’est justement ce que nous ne voulons plus connaître en matière d’équilibre énergétique ! Je me réjouis donc que vous ayez étudié cette question, qui constitue souvent un angle mort de notre politique énergétique – nous en avons très peu parlé lors de l’examen du projet de loi « climat et résilience ». La France pourrait renverser la vapeur, si j’ose dire, et faire de ces collectivités d’outre-mer des exemples de ce qu’il est possible de mettre en place, malgré certaines contraintes particulières, dans le domaine des énergies décarbonées. C’est d’abord une question de volonté politique : j’espère donc que votre rapport incitera tous ceux qui s’intéressent à ces sujets à aller dans ce sens.

Enfin, je rejoins les propos de M. Bolo s’agissant des appels téléphoniques. Il y en a marre ! Je suis, moi aussi, dérangé trois fois par jour à mon domicile ou à mon bureau par des appels qui n’ont plus lieu d’être. Veillons à la bonne application de nos lois et faisons en sorte que les messages adressés à nos concitoyens soient les bons afin qu’ils prennent les bonnes décisions !

Mme Sylvia Pinel (LT). Madame la rapporteure pour avis, je salue la qualité de votre travail ainsi que votre engagement, bien au-delà de la question de l’hydroélectricité.

Nos concitoyens doivent faire face à une flambée des prix de l’énergie. Pour le gaz, en particulier, les hausses successives intervenues depuis le début de l’été se sont traduites par une augmentation des factures de 25 %, soit plus de 200 euros en moyenne. Les prix de l’électricité et du pétrole suivent, eux aussi, une trajectoire ascendante. On comprend aisément les inquiétudes de nos concitoyens : les hausses de prix ne manqueront pas d’affecter leur pouvoir d’achat, ce qui aura des répercussions sur d’autres filières économiques. Le Gouvernement a annoncé un certain nombre de mesures pour les accompagner dans cette période difficile. Ainsi, un chèque énergie de 100 euros sera versé en décembre aux 6 millions de foyers les plus modestes, mais ce montant est inférieur à la hausse prévisionnelle des factures. De même, un bouclier tarifaire sera mis en place, permettant d’étaler les factures énergétiques sur un an.

Cette hausse des prix de l’énergie risque de se poursuivre. Pourtant, l’augmentation de la ligne budgétaire relative au chèque énergie est limitée. Il aurait été intéressant de renforcer les moyens alloués au dispositif et de prévoir des mesures pour en augmenter le taux de recours – aujourd’hui, 25 % des personnes éligibles au chèque énergie ne l’utilisent pas, par manque d’information, de réception ou de compréhension du dispositif.

Par ailleurs, je m’inquiète de l’absence de mesures d’accompagnement pour nos industries, qui subissent de plein fouet, quel que soit leur domaine d’activité, la flambée des prix du gaz et de l’électricité. Alors que nombre d’entre elles ont été durement frappées pendant la crise, elles risquent de ne pas se remettre de ces nouveaux surcoûts, qui viennent s’ajouter à la forte poussée des cours des matières premières que nous évoquons régulièrement dans cette commission. Et je ne parle même pas des industries électro‑intensives…

Je reconnais un effort substantiel en matière de rénovation énergétique, avec une hausse des crédits alloués au dispositif MaPrimeRénov’. Toutefois, nous n’avons aucune visibilité quant à la poursuite de ce programme à compter de 2023. Or, si la France veut respecter ses engagements, à savoir la rénovation thermique de l’ensemble du parc privé d’ici à 2050, MaPrimeRénov’ devra s’inscrire dans la durée et s’accompagner d’un financement stable et pérenne.

Par ailleurs, nous craignons qu’en misant sur une massification des aides, le Gouvernement perde de vue les objectifs qualitatifs qui devaient être les siens. En effet, il manque toujours des mesures pour encourager des rénovations performantes et mieux accompagner les ménages modestes.

J’aimerais aussi dire quelques mots concernant les incitations à l’achat de véhicules électriques. La prime à la conversion et le bonus écologique ont été limités en juillet, et une nouvelle baisse du bonus écologique est prévue pour janvier 2022. Je redoute que ces baisses successives finissent par freiner la dynamique d’achat de véhicules électriques.

Je vous remercie d’avoir consacré la deuxième partie de votre rapport aux ZNI. Mes collègues insulaires, ultramarins et corses, y seront attentifs, d’autant qu’ils nous ont régulièrement alertés sur cette question au cours des dernières années. Je suis convaincue que ces ZNI peuvent être des territoires d’innovation ou d’expérimentation, qui nous permettraient d’avancer sur ce sujet au niveau local comme au niveau national. Certaines expériences réussies pourraient sûrement être généralisées à l’échelle de l’ensemble du territoire.

M. Jean-Luc Bourgeaux (LR). Nous cherchons tous des solutions pour produire de l’énergie propre. Or les communes littorales se heurtent à un problème : la complexité des lois les empêche presque toujours d’utiliser les friches et les terres non exploitables qu’elles abritent, comme les autres communes, pour produire des énergies renouvelables. Je ne propose évidemment pas d’y implanter des éoliennes – vous comprendrez que c’est impossible –, mais il est dommage de ne pas saisir la possibilité d’y installer des panneaux photovoltaïques. C’est ce que tout le monde aimerait faire, par exemple, dans ma commune, où il existe une friche de plusieurs hectares qui ne se situe malheureusement pas en continuité d’urbanisme, mais la loi ne le permet pas. Alors que la France compte de nombreuses communes littorales, je déplore que l’on se prive de la possibilité d’utiliser des centaines d’hectares pour y produire des énergies propres.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis. Monsieur Adam, je ne répéterai pas les raisons qui m’ont poussée à donner un avis de sagesse – et non un avis défavorable – aux crédits de cette mission. J’ai longuement souligné l’augmentation de ces crédits et les avancées qu’elle permet ; néanmoins, l’absence de pérennisation de la revalorisation du chèque énergie, la baisse du bonus écologique pour l’achat d’un véhicule propre et l’incertitude liée à l’avenir du dispositif MaPrimeRénov’ m’ont conduite à exprimer cet avis.

Monsieur Bolo, j’ai salué comme vous l’augmentation de 30 % des crédits du programme 174. Vous l’avez dit vous-même, cette hausse est en partie mécanique, du fait de l’intégration de l’ensemble du financement de MaPrimeRénov’ dans ce programme. Elle est également liée à l’augmentation du nombre de bénéficiaires du chèque énergie, et non à une hausse du montant versé à chacun d’eux. Or aujourd’hui, au regard de l’augmentation des prix, il conviendrait plutôt de pérenniser cette hausse ou, en tout cas, de lui donner une visibilité à plus long terme.

Vous avez relevé que MaPrimeRénov’ est désormais accessible à des foyers beaucoup plus modestes. Je me suis moi-même interrogée sur le profil de ses bénéficiaires car, en divisant la dépense totale par leur nombre, on obtient des montants individuels assez faibles, autour de 3 000 euros par opération de rénovation. Cela ne laisse pas présager une haute performance thermique des travaux réalisés, comme si ces derniers se limitaient à un changement de chaudière… Aussi MaPrimeRénov’ nécessite-t-elle sans doute un accompagnement plus important – d’autres financements existent par ailleurs, mais ils ne sont peut-être pas suffisamment coordonnés.

Effectivement, nos concitoyens subissent encore le démarchage téléphonique. Il va donc falloir faire appliquer la loi, qui a interdit cette pratique en 2020.

S’agissant de la baisse des crédits relatifs à l’après-mines, nous devons en effet veiller à ce qu’elle soit purement mécanique, du fait de la diminution du nombre d’ayants droit. Tel est bien le cas cette année, nous l’avons vérifié.

Je n’ai pas évoqué le CAS FACE dans mon intervention car ce budget est stable par rapport aux années précédentes. Vous trouverez tous ces éléments dans mon rapport.

L’augmentation des crédits relatifs à l’effacement est due à une régulation demandée par Réseau de transport d’électricité (RTE), qui doit rattraper un retard en 2022.

S’agissant de l’ARENH, je ne développerai pas beaucoup ma réponse car je risquerais d’être très longue. Je vous informe simplement que M. Cellier et moi-même sommes convenus, avec M. le président de la commission des affaires économiques, d’organiser vers la fin du mois de novembre une table ronde sur la question des prix de l’énergie, qui nous permettra de faire le point sur la situation et d’étudier les moyens d’action permis par ce levier.

Monsieur Herth, si j’ai souhaité consacrer une partie de mon rapport à la question des ZNI, c’est parce que je pense, comme vous, que nous n’en parlons pas suffisamment. Il existe des territoires très dépendants des énergies fossiles, qui ont du mal à mettre en œuvre leurs programmations pluriannuelles de l’énergie (PPE), plutôt ambitieuses. À l’instar de Mme Pinel, je considère les ZNI comme de véritables territoires d’expérimentation et d’innovation, où nous pourrions beaucoup apprendre. Par ailleurs, toute progression dans la technologie ou dans le déploiement des énergies renouvelables ferait baisser sensiblement les coûts, puisque le prix moyen de l’électricité s’élève actuellement à 233 euros par mégawattheure dans les ZNI contre 70 à 80 euros en métropole. Pour toutes ces raisons, nous avons beaucoup à gagner à accompagner ces territoires afin que leur transition énergétique soit la plus rapide possible. Nous avons auditionné plusieurs responsables élus des collectivités concernées, et ils se sont montrés très volontaristes dans ce domaine. Nous devons nous atteler à lever les freins qui demeurent.

Madame Pinel, vos propos concernant MaPrimeRénov’ rejoignent totalement les miens. Le maintien du dispositif est assuré jusqu’en 2022 ; au-delà, nous sommes dans l’incertitude. On entend qu’il sera peut-être prolongé jusqu’en 2023, mais rien n’est acté à ce stade. Espérons que l’examen du projet de loi de finances nous apporte de bonnes nouvelles !

Article 20 et état B

Amendement II-CE9 de la rapporteure pour avis.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à reconduire en 2022 le complément de 100 euros annoncé par le Gouvernement pour pallier la hausse des prix de l’énergie en 2021. En effet, il est très improbable que la facture diminue l’an prochain, du fait de l’augmentation des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRV) et de la croissance inéluctable des prix du carbone.

M. Damien Adam. Le chèque énergie exceptionnel de 100 euros vise à pallier l’augmentation des prix de l’énergie constatée à la fin de l’année 2021 – en juillet, nous avions simplement retrouvé le niveau des prix en vigueur avant la crise de la covid. Ce chèque, qui sera versé à la fin de l’année, se combinera à deux autres mesures prises par le Gouvernement : d’une part, la limitation à 4 % de la hausse des prix de l’électricité au tarif réglementé, au lieu des 12 % prévus ; d’autre part, le gel des tarifs du gaz après l’augmentation d’octobre, au moins jusqu’en avril 2022, pour que les Français ne soient pas affectés par la hausse des cours mondiaux.

Les députés du groupe La République en Marche sont défavorables à votre amendement car il faut faire preuve de pragmatisme : si la situation se dégradait à nouveau en 2022, nous pourrions, comme nous l’avons fait en cette fin d’année 2021, envisager ce type de dispositions. Le Gouvernement a d’ailleurs rappelé que des mesures pourraient également être prises si le prix des carburants continuait d’augmenter. Voyons comment les choses évoluent au fur et à mesure, et concentrons-nous à présent sur le chèque énergie exceptionnel de 100 euros versé à la fin de l’année 2021, qui aura un impact important sur le pouvoir d’achat de 6 millions de foyers dans notre pays.

M. Antoine Herth. Je m’oppose également à cet amendement. Une telle mesure relève plutôt de la loi de finances rectificative : son opportunité doit être évaluée au vu de la situation en vigueur au moment où elle s’applique. Par ailleurs, les mesures de gel prises par le Gouvernement couvrent tout l’hiver puisqu’elles courent jusqu’en avril 2022. Or il est aussi important que nos concitoyens perçoivent, à un moment donné, un signal prix, même affaibli par l’intervention du Gouvernement ; dans le cas contraire, ils ne chercheront pas à améliorer leur bilan énergétique et ne prendront pas les bonnes décisions en matière de rénovation. Soyons attentifs à ne pas trop gommer une réalité qui s’impose à tout le monde, à savoir les tensions conjoncturelles sur les marchés et l’augmentation du coût de l’énergie.

M. Philippe Bolo. Aujourd’hui, les chèques énergie ne sont pas utilisés à 100 % ; seuls 80 % à 90 % des aides sont consommées. En d’autres termes, 10 % des personnes bénéficiaires d’un chèque énergie ne l’utilisent pas. Il y aurait donc beaucoup à faire pour améliorer l’accès à ce droit ! Par ailleurs, pour des raisons d’équilibre, ce genre d’amendement prélève des crédits sur une ligne pour les transférer sur une autre. Le prélèvement opéré ne risque-t-il pas de handicaper d’autres personnes ? Pour ces deux raisons, je voterai contre l’amendement.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis. Monsieur Adam, vous n’êtes pas sans savoir que les TRV ont d’ores et déjà été revalorisés par la CRE et qu’ils s’inscrivent très probablement dans une hausse structurelle. Les simulations montrent également que le prix de l’électricité ne va pas baisser tout de suite. Vous nous appelez à nous concentrer sur 2021 et à renvoyer à plus tard le débat sur l’opportunité de cette mesure en 2022 ; or nous sommes justement en train d’examiner le projet de budget pour 2022 !

Effectivement, Monsieur Bolo, 10 % des personnes éligibles au chèque énergie ne le demandent pas. Cependant, nous parlons ici des personnes qui le demandent et qui en auront besoin.

Monsieur Herth, vous nous invitez à ne pas effacer le signal prix. Or les bénéficiaires du chèque énergie souffrent d’une précarité énergétique importante et vivent souvent dans les logements les moins performants en la matière. Même s’ils sont volontaires pour réaliser des travaux de rénovation énergétique, l’engagement d’une telle dépense n’en demeure pas moins difficile, en dépit du signal prix.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CE10 de la rapporteure pour avis.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à rétablir le bonus écologique distribué aux particuliers à son niveau de juillet 2021, qui a vraisemblablement permis d’accélérer les achats de véhicules électriques. La diminution prévue de 2 000 euros – 1 000 euros en juillet 2021 puis 1 000 euros en 2022 – entraînera pour les particuliers un reste à charge encore plus dissuasif. Je rappelle par ailleurs que le bonus écologique doit également s’appliquer aux véhicules thermiques ayant subi un rétrofit, c’est-à-dire une conversion à la motorisation électrique sans que soient changées l’ensemble de leurs pièces – cette opération est plutôt intéressante en termes de déchets.

M. Damien Adam. Tout à l’heure, Mme Pinel a expliqué qu’une poursuite de la baisse du montant du bonus écologique désinciterait les Français à acquérir des véhicules électriques. Ce n’est pas du tout ce que l’on observe aujourd’hui. Au contraire, si l’on en croit les chiffres de vente des véhicules électriques, à hydrogène et hybrides rechargeables publiés chaque mois par l’Avere-France, la courbe de croissance des véhicules électriques est exponentielle. En septembre 2021, les immatriculations ont augmenté de 69 % – un taux de croissance supérieur à la moyenne de l’année, qui s’établit à 50 %. Jamais autant de véhicules électriques n’ont été vendus.

L’État n’est pas là pour subventionner ad vitam aeternam un secteur d’activité ou, en l’occurrence, une gamme de produits particulière, mais pour insuffler une dynamique. Or cette dynamique est présente depuis plusieurs années, comme en témoigne le nombre important de nouveaux constructeurs de véhicules électriques. Effectivement, lorsque les premiers véhicules ont été mis sur le marché, les acheteurs étaient confrontés à un très fort problème de prix, mais plus le temps passe, plus ce problème tend à se réduire. Certes, il est encore important, ce qui justifie le maintien du bonus écologique, mais des études très sérieuses ont montré que d’ici à 2025, les prix des véhicules électriques seront équivalents à ceux des véhicules thermiques. Le contrat stratégique de la filière automobile fixe l’objectif d’un million de véhicules électriques et de véhicules hybrides rechargeables en circulation à la fin de l’année 2022 ; nous sommes en bonne voie pour y arriver, puisque ce chiffre était de 687 876 fin septembre. S’il est naturel que l’État accompagne le mouvement à ses débuts, il est tout aussi logique qu’il se désengage progressivement pour indiquer aux constructeurs automobiles qu’ils doivent aussi baisser leurs prix pour rester attractifs.

Du reste, de nouveaux types de véhicules électriques sont en train d’envahir le marché, qui permettent d’abaisser fortement les prix d’acquisition. Je pense par exemple à la Dacia Spring, ou encore aux véhicules très urbains comme la Citroën AMI qui, dans quelques années, poseront probablement de gros problèmes dans les villes de province.

Aussi, les députés du groupe La République en Marche voteront contre cet amendement, considérant qu’il faut maintenir une dynamique de baisse graduelle et progressive du bonus écologique pour envoyer un bon message aux constructeurs automobiles.

M. Antoine Herth. Je suis un peu surpris par la logique de cet amendement.

Il faut d’abord rappeler qu’une part importante de la valeur intrinsèque d’un véhicule électrique est liée aux batteries, qui sont produites à l’étranger. Cela me permet de faire un lien avec mon rapport sur le commerce extérieur : il est un peu dommage de mobiliser des fonds publics pour soutenir l’économie de pays étrangers. Nous ne devons pas le faire dans la durée ; c’est pourquoi je souscris à la politique de sortie progressive, en sifflet, de la stratégie de subventionnement.

En outre, je m’étonne que vous financiez cet amendement en prélevant des crédits sur la ligne affectée aux infrastructures et services de transport. En réalité, pour permettre la conquête du monde rural par les véhicules électriques, il faut justement mettre le paquet sur les infrastructures, en particulier sur les infrastructures de recharge. Aussi cet amendement risque-t-il d’être contre-productif.

Mme Sylvia Pinel. Il faut distinguer l’immatriculation, c’est-à-dire la mise en service du véhicule, et le moment où le contrat de vente est conclu. Les véhicules électriques immatriculés en septembre ont été commandés il y a bien longtemps, compte tenu de l’allongement des délais de construction lié à la pénurie de certains composants électroniques. À mon sens, sur le long terme, la diminution du bonus écologique et des aides à l’achat de véhicules électriques peut être préjudiciable. Le prix de ces véhicules est important et les chiffres que vous citez, Monsieur Adam, concernent des achats réalisés avec un bonus écologique élevé ; si vous en réduisez le montant de manière significative, la courbe risque de s’inverser, comme le suggèrent d’ailleurs certaines études. Je soutiens donc l’amendement de notre rapporteure pour avis.

Mme Marie-Noëlle Battistel, rapporteure pour avis. Effectivement, monsieur Adam, il y a une dynamique, mais elle est globale car elle inclut les utilitaires. Nous ne connaissons pas en détail les types de véhicules électriques vendus. Vous avez parlé des engagements pris à l’horizon 2025, mais il y a lieu d’accompagner la filière entre 2022 et 2025 ; aussi le maintien des dispositifs de soutien me semble-t-il utile.

Monsieur Herth, on peut débattre de l’intérêt qui s’attache au développement du véhicule électrique. Sur ce point, nous ne serons pas tous d’accord. En tout état de cause, c’est la politique qui est actuellement menée. Il me paraît souhaitable d’entretenir la dynamique d’acquisition de véhicules électriques et hybrides, même si la production de batteries est quasiment inexistante en France.

Par ailleurs, personne ne souhaite déshabiller Pierre pour habiller Paul, mais vous savez comme moi que la mécanique budgétaire nous y contraint. On espère, à chaque fois que l’on dépose un amendement, que le Gouvernement lèvera le gage. Une part des crédits du plan de relance n’a pas été utilisée, qui pourrait financer cette mesure.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables non modifiés.

 

 

 

 


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LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉes

Ministère de la transition écologique - Cabinet de Mme la ministre et direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

M. Sylvain Durand, conseiller budgétaire et relance

M. Mehdi Mahammedi-Bouzina, conseiller parlementaire

M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat

Région de La Réunion

M. Jean-Pierre Chabriat, élu chargé de l’enseignement supérieur, de la recherche et de la transition énergétique

Audition commune :

 Collectivité territoriale de Martinique

M. David Zobda, conseiller exécutif de Martinique chargé notamment du développement durable et de la transition énergétique

M. Rubens Fannis, responsable du service énergie

 Conseil régional de la Guadeloupe

Mme Sylvie Vanoukia, élue du conseil régional de la Guadeloupe, présidente de la commission énergie

M. Julien Laffont, directeur de l’énergie

M.  Ludovic Osmar, chef du service énergie

M. Nicolas Pouget, directeur de projets à SUEZ consulting, assistance de la région Guadeloupe

Commission de régulation de l’énergie (CRE)

M. Jean-François Carenco, président

M. Dominique Jamme, directeur général

Mme Catherine Edwige, chargée des ZNI

Mme Olivia Fritzinger, directrice de la communication et des relations institutionnelles

M. Romain Charvet, chargé de mission à la direction de la communication et des relations institutionnelles

EDF *

M. Gilles Galléan, directeur des systèmes énergétiques insulaires (EDF SEI)

Mme Bénédicte Formstecher, directrice des finances et de la transition énergétique d’EDF-SEI

M. Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques

Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques

Syndicat des énergies renouvelables (SER) *

M. Jean-Louis Bal, président

M. Alexandre Roesch, délégué général

Mme Léa Ezenfis, responsable juridique

M. Alexandre de Montesquiou, consultant

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Hors les crédits mobilisés pour le fonds « Chaleur » de l’ADEME au sein du programme 181.

([2]) Des crédits complétés par plus de 4 milliards d’euros de dépenses fiscales rattachées au programme 174 – sans compter les 1,3 milliard d’euros de taux réduit de TVA s’appliquant aux équipements de performance énergétique et quelques autres allègements fiscaux liés à la rénovation thermique rattachés à d’autres programmes.

([3]) Le projet « Celtic » de ligne en courant continu entre le Finistère et le sud de l’Irlande

([4]) Hors les dispositifs de solidarité financés par l’action 14 du Programme 345 « Service public de l’énergie »

([5]) Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique

([6]) Audit flash « Le déploiement par l’ANAH du dispositif " MaPrimeRénov’ " : premiers enseignements, septembre 2021 »

([7]) Cf. Délibération de la CRE n° 2021-230 du 15 juillet 2021 relative à l’évaluation des charges de services public pour 2022 et ses annexes.

([8]) Processus de production simultanée de chaleur et d’électricité.

([9]) Les bénéficiaires des versements de l’État font valoir leurs droits à compensation pour des surcoûts réellement constatés entre les prix d’achat convenus pour soutenir la production d’EnR (ou la production locale dans les ZNI) et les prix moyens du marché. La seule limitation quantitative des charges vient des volumes ouverts par les appels à projets de la CRE (ou validés dans le cadre de contrats de gré à gré). Les guichets n’ont que leur durée pour limite.

([10]) Directive européenne n° 2009/72/CE du 13 juillet 2009

([11]) Les collectivités territoriales autonomes de Polynésie française et de Nouvelle-Calédonie ne sont pas assimilées aux ZNI.

([12]) Inspection générale des finances, CGEDD, Conseil général de l’économie, Revue de dépenses. Péréquation tarifaire de l’électricité avec les zones non interconnectées, octobre 2017.

([13]) Cf. Délibération de la CRE n° 2021-230 du 15 juillet 2021 relative à l’évaluation des charges de services public pour 2022, Annexe 3 Charges de service public de l’énergie constatées au titre de 2020.

([14]) La Martinique constate ainsi que, malgré la crise, la vente des véhicules électriques a progressé de + 167,4 % entre 2019 et 2020. Toutefois, le volume de ventes des véhicules hybrides et électriques reste très modeste, à 3,4 % des véhicules particuliers vendus à la même époque, par rapport aux autres motorisations.