N° 4601

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2021

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2022 (n° 4482)

 

 

TOME I

 

 

 

ANCIENS COMBATTANTS, MÉMOIRE ET LIENS AVEC LA NATION

PAR M. Philippe MICHEL-KLEISBAUER

Député

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 Voir le numéro : 4524 (annexe 6)


 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

Introduction

Première partie : Une nouvelle fois, les crédits de la mission « anciens combattants, mémoires et liens avec la nation » font honneur à la France

I. Le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation »

A. Les grands équilibres du programme 169 : préservation des droits existants et nouvelles réparations

1. Un périmètre élargi en raison d’une évolution de la maquette budgétaire

2. L’augmentation de la valeur du « point de PMI » : une réforme attendue de longue date et dont les effets rejailliront sur l’ensemble du monde combattant

B. L’administration de la dette viagère

1. Les pensions militaires d’invalidité

2. La retraite du combattant

C. L’action sociale et les droits liés aux pensions militaires d’invalidité

1. Les droits liés aux pensions militaires d’invalidité

a. Les soins médicaux gratuits et appareillages

b. Les réductions sur les transports

c. Le régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre

2. La solidarité

a. L’action sociale

b. Les subventions pour charges de service public aux opérateurs publics

D. Les actions en faveur des harkis et des rapatriés

1. Les crédits inscrits en PLF 2022

2. La perspective d’un projet de loi de reconnaissance et de réparation pour les harkis

E. Les liens entre la jeunesse et les armées

1. La journée défense et citoyenneté, vers un retour « à la normale » ?

2. Le renforcement du service militaire volontaire, notamment en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

F. La politique de mémoire

1. La transmission de la mémoire, axe fort du quinquennat

a. Les commémorations

b. Les actions pédagogiques du ministère des Armées

2. L’entretien et la valorisation des lieux de mémoire

G. L’effort fiscal et social de l’État en faveur du monde combattant

II. Le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale »

A. L’indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations

1. L’indemnisation des orphelins

2. L’indemnisation des victimes de spoliations

B. L’indemnisation des victimes d’actes de barbarie

Seconde partie : Les pupilles de la Nation

I. D’hier à aujourd’hui, un statut séculaire qui a su s’adapter

A. L’évolution du statut de pupille de la Nation

1. L’avènement du statut de pupille de la Nation en 1917

2. Un statut étendu à d’autres faits de guerre et aux faits de nature civile

B. Le régime actuel du statut de pupille de la Nation

1. Un régime prévoyant

2. Une adoption essentiellement symbolique

II. Des mesures s’inscrivant dans le cadre du droit à la réparation

A. un soutien matériel et moral centré autour de l’éducation et de l’entretien des pupilles

B. Un soutien en matière d’emploi et de fiscalité destiné à accompagner les pupilles de la Nation

Travaux de la commission

I. Audition de Madame Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées

II. Audition de représentants d’associations d’anciens combattants

III. Examen des crédits

Annexe : Auditions du rapporteur pour avis


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   Introduction

 

« Le Souvenir ! Ce n’est non pas seulement un pieux hommage rendu aux morts, mais un ferment toujours à l’œuvre dans les actions des vivants. ». Le 23 avril 1968, à l’occasion de la pose d’une plaque commémorative en l’honneur de la Première armée française, le Général de Gaulle relevait l’importance de trouver dans l’action et le souvenir de nos « Anciens » l’inspiration pour notre conduite présente et à venir. C’est cette exigence morale qui fonde encore aujourd’hui le droit à reconnaissance et à réparation envers « ceux à qui nous devons tout, sans aucune réserve », comme le déclarait au Sénat, le 20 novembre 1917, Georges Clemenceau, alors Président du Conseil, en hommage à « ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille ».

Poilus de la Grande Guerre, combattants de la Deuxième Guerre mondiale, militaires et appelés des conflits et guerres d’Indochine, de Corée ou d’Afrique du Nord, soldats déployés en opérations extérieures ou en missions intérieures, conjoints, parents ou enfants de militaires, victimes de guerres ou du terrorisme. C’est à elles et eux que s’adresse le droit à reconnaissance et à réparation forgé depuis la Première Guerre mondiale. Le premier article du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre le rappelle avec force, disposant que « La République française, reconnaissante envers les combattants et victimes de guerre qui ont assuré le salut de la Patrie, s’incline devant eux et devant leurs familles ».

À l’heure de l’examen par le Parlement du dernier projet de budget de la législature, le rapporteur pour avis tient à saluer l’action du Gouvernement en faveur du monde combattant. Sous l’impulsion du Président de la République et de la ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants, Mme Geneviève Darrieussecq, le droit à reconnaissance et à réparation a connu des avancées majeures, venues répondre à des revendications formulées de longue date par les associations représentatives du monde combattant. C’est ainsi qu’en cinq ans, le Gouvernement et la majorité parlementaire ont décidé :

– d’élargir le bénéfice de la carte du combattant aux anciens combattants présents en Algérie entre le 1er juillet 1962 et le 1er juillet 1964, mesure ayant bénéficié à plus de 37 500 anciens combattants ;

– d’étendre le bénéfice de la demi-part fiscale à toutes les veuves de plus de 74 ans dont le conjoint a bénéficié de la retraite du combattant, quel que soit l’âge auquel il est décédé ;

– de rehausser de 360 points « PMI » les pensions pour des conjoints survivants d’un grand invalide de guerre, à hauteur de 450 euros par mois ;

– d’accroître le nombre de points de retraite du combattant de 50 à 52 points dès 2017.

Ces avancées sont notamment le résultat d’un large de travail de concertation engagé par la ministre déléguée avec le monde combattant dès le début du quinquennat dans le cadre de trois groupes de travail constitués, à son initiative, afin de fixer un cap à la politique de reconnaissance et de réparation et d’en déterminer les priorités pour les années 2018 à 2022. Sur le terrain ou en audition, la qualité d’écoute de la ministre déléguée et de son équipe n’a eu de cesse d’être saluée par l’ensemble du monde combattant.

La détermination du Gouvernement à compléter le droit à reconnaissance et à réparation se traduit à nouveau cette année, puisque plus de 2 milliards d’euros sont inscrits au projet de loi de finances pour 2022 au titre de la mission budgétaire « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation ».

Ces ressources permettront notamment de financer une revalorisation du point « PMI », conformément aux recommandations d’un groupe de travail tripartite ayant réuni des représentants de l’État, du Parlement et des associations au début de l’année 2021. Alors que la valeur de ce point conditionne le montant de la pension pour les militaires blessés en service – plus de 186 000 personnes – ainsi que le montant de la retraite du combattant – perçue par plus de 857 000 personnes – le Gouvernement a souhaité opérer un rattrapage du retard constaté par rapport à l’inflation depuis le 1er janvier 2018. En pratique, le point passera ainsi de 14,70 euros à 15,05 euros en un an.

En outre, poursuivant le travail mémoriel initié dès 2017, le Président de la République a annoncé, le 20 septembre 2021, le prochain dépôt d’un projet de loi de reconnaissance et de réparation en faveur des Harkis, auquel il a demandé « pardon » au nom de la Nation. Il s’agit d’une nouvelle étape sur la voie de la réconciliation de la France avec son histoire, engagée déjà depuis de nombreuses années. Le Président de la République a ainsi rappelé, à cette occasion, que la France avait « agi, voté des lois, aidé, soutenu, entamé un travail de mémoire que nous avons intensifié ces dernières années ». Tout au long du mandat, les anciens harkis ont bénéficié d’une augmentation des allocations de reconnaissance et viagère, revalorisées de près de 600 euros par an, ce qui constitue l’augmentation la plus importante depuis leur création. En outre, un fonds de soutien a été créé pour les enfants de harkis en 2019, doté de 13,6 millions d’euros. Près de 2 000 d’entre eux ont ainsi été aidés, le montant moyen des aides s’élevant à 7 600 euros.

Le bilan de l’action du Gouvernement en faveur du monde combattant est donc incontestablement positif. Et ce d’autant qu’au-delà de la réparation du passé, il s’est attaché à préparer l’avenir du monde combattant, confronté à des enjeux d’ordre existentiel au regard de l’accélération de la diminution naturelle du nombre de ses membres.

C’est dans ce contexte qu’a été signé le contrat d’objectifs et de performance (COP) de l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) pour les années 2020 à 2025, visant notamment à améliorer les services rendus aux ressortissants de l’Office. Le budget de l’action sociale de l’Office a ainsi été préservé, de même que son maillage territorial, menacé dans le passé.

De la même manière, les grandes commémorations célébrées depuis 2017 – parmi lesquelles le Centenaire de l’Armistice du 11 novembre, le cycle du 75e anniversaire de la Libération, la commémoration du 150e anniversaire de la Guerre de 1870 comme le lancement du cycle du 80e anniversaire de la Seconde Guerre mondiale – ont été l’occasion d’adapter le travail de mémoire à l’évolution des pratiques et des usages, en intensifiant notamment la communication sur les réseaux sociaux du ministère des Armées. En parallèle, le ministère des Armées a fortement investi dans les hauts lieux de la mémoire nationale (HLMN), désormais accessibles gratuitement à tous les publics scolaires.

Dans le champ mémoriel, le rapporteur pour avis tient particulièrement à saluer les efforts du Gouvernement en l’honneur de la mémoire des soldats souvent oubliés, d’Afrique et d’outre-mer. La mémoire des opérations extérieures a également fait l’objet d’une vive attention, qu’a traduite l’inauguration par le Président de la République, le 11 novembre 2019, du monument aux morts pour la France en opérations extérieures, devenu le dixième HLMN.

Enfin, le Gouvernement a œuvré au renforcement du lien entre la Nation et son armée, et particulièrement du lien avec la jeunesse : le nombre de classes de défense créées dans les collèges et les lycées a fortement crû – elles sont aujourd’hui 380 – les capacités du service militaire volontaire (SMV) ont été augmentées de 50 %, et le service national universel (SNU) lancé, 15 000 jeunes d’environ 16 ans l’ayant effectué au cours de l’année 2021. En outre, malgré la crise sanitaire, les journées de défense et de citoyenneté (JDC) ont continué à être assurées, selon des formats adaptés.

Avec un budget de plus de 2 milliards d’euros, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » comporte les crédits nécessaires à la préservation et au renforcement d’une politique essentielle à la vie et la solidité de la Nation. C’est donc à l’analyse des équilibres budgétaires de la mission qu’est consacrée la première partie du présent rapport.

En outre, le rapporteur a souhaité consacrer la partie thématique de son rapport à la question des pupilles de la Nation : un statut très protecteur unique en Europe et pourtant encore méconnu du grand public.

 

Le rapporteur pour avis avait demandé que les réponses à ses questionnaires budgétaires lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2021, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, 57 réponses sur 57 lui étaient parvenues, soit un taux de 100 %.

 

 

 

 


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   Première partie :
Une nouvelle fois, les crédits de la mission « anciens combattants, mémoires et liens avec la nation » font honneur à la France

 

Jusqu’à l’an dernier, la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » comprenait trois programmes, dont deux relèvent du ministère des Armées :

– le programme 167 « Liens entre la Nation et son armée » ;

– le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant ».

– le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale », placé sous la responsabilité des services du Premier ministre.

À compter du projet de loi de finances pour 2022, les crédits relatifs aux politiques publiques portées par le programme 167, sont dorénavant inscrits sur le programme 169, renommé « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation ».

Le projet de budget des deux programmes s’élève à 2,016 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), soit une diminution de 73,1 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2021 (3,5 %). Cette baisse n’est néanmoins que le reflet de la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires de la dette viagère – pensions militaires d’invalidité et retraite du combattant – alors que l’immense majorité d’entre eux a combattu durant la Guerre d’Algérie, il y a plus de soixante ans. Il s’agit donc d’une population âgée, dont une large part disparaît chaque année.

Alors que certaines voix ne manqueront pas de regretter la baisse des crédits inscrits au projet de budget de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », le rapporteur pour avis souligne que celle-ci soutient de nouvelles mesures, destinées à conforter le droit à reconnaissance et à réparation.

À titre principal, le projet de budget intègre le financement de la revalorisation du point de pension militaire d’invalidité (PMI), qui détermine également le niveau de la retraite du combattant et le plafond des rentes mutualistes. Suivant les recommandations de la commission tripartite réunie au début de l’année 2021 à sa demande, Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée, a ainsi souhaité que la valeur de ce point soit portée de 14,70 euros à 15,05 euros, ce qui représente un coût total de 33 millions d’euros. Cette évolution permettra de compenser l’évolution de l’inflation entre 2018 et 2021, faisant par exemple passer le montant de la retraite du combattant – dont bénéficient autour de 800 000 personnes – de 764,40 euros à 782,60 euros.

Évolution quinquennale des crÉdits de la mission

(en millions d’euros)

(hors contribution de l’État au CAS Pensions)

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

PLF 2022

Plafond des CP

2 461

2 302 ([1])

2 159

2 089

2 016

Source : PAP 2022.

I.   Le programme 169 « Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant, mémoire et liens avec la Nation »

A.   Les grands équilibres du programme 169 : préservation des droits existants et nouvelles réparations

1.   Un périmètre élargi en raison d’une évolution de la maquette budgétaire

L’évolution de la maquette budgétaire décidée dans le cadre de l’élaboration du projet de loi de finances pour 2022 (PLF 2022) s’accompagne d’un élargissement du périmètre du programme 169, en raison de l’intégration en son sein des mesures auparavant couvertes par le programme 167.

En PLF 2022, le programme 169 ainsi remodelé retrace ainsi :

– les crédits relatifs aux actions et interventions réalisées au profit du monde combattant et destinées à témoigner la reconnaissance de la Nation à leur égard, en premier lieu desquelles les pensions militaires d’invalidité, les droits associés et la retraite du combattant, représentant à eux seuls 79,4 % des ressources du programme ;

– les crédits relatifs au financement des politiques concourant à l’esprit de défense, qu’il s’agisse des actions en direction de la jeunesse ou de la politique de mémoire.

Évolution des crÉdits du programme 169 (hors Fdc et AdP)

Mission « Anciens combattants »
Actions / sousactions

LFI 2021

PLF 2022

AE

CP

AE

CP

P169

Action 1

Administration de la dette viagère

1 495 669 868

1 495 669 868

1 412 644 589

1 412 644 589

Sous‑action

10

PMI‑VG et allocations

850 859 868

850 859 868

808 549 719

808 549 719

Sous‑action

11

Retraite du combattant

644 810 000

644 810 000

604 094 870

604 094 870

 

Action 2

Gestion des droits PMI

117 200 000

117 200 000

116 334 489

116 334 489

Sous‑action

21

SMG et appareillage

40 500 000

40 500 000

38 441 496

38 441 496

Sous‑action

22

Rembt transport SNCF

1 300 000

1 300 000

1 386 641

1 386 641

Sous‑action

23

Rembt prestations SECU

75 400 000

75 400 000

76 506 352

76 506 352

 

Action 3

Solidarité

316 500 077

320 200 077

326 750 853

326 410 853

Sous‑action

31

Maj. Rentes mutualistes

221 200 000

221 200 000

222 535 794

222 535 794

Sous‑action

32

Subventions associations

310 000

310 000

310 000

310 000

Sous‑action

33

Indemnités, pécules et voyages

50 000

50 000

50 000

50 000

Sous‑action

34

Action sociale ONAC

25 000 000

25 000 000

25 000 000

25 000 000

Sous‑action 35

SCSP ONAC

55 917 630

55 917 630

56 360 059

56 360 059

Sous‑action 36

SCSP INI

12 312 447

16 012 447

20 785 000

20 445 000

Sous-action 37

CNCCL -

Subventions (nouveau)

1 710 000

1 710 000

1 710 000

1 710 000

 

Action 7

Actions en faveur des rapatriés

24 780 968

24 780 968

26 635 829

26 635 829

 

Action 8

Liens armées-jeunesse

20 929 926

20 808 956

23 602 873

23 587 863

 

Action 9

Politique de mémoire

17 550 000

17 550 000

17 850 000

17 850 000

Total P 169

1 992 630 839

1 996 209 869

1 923 818 633

1 923 463 623

Source : PAP 2022 – données intégrant les ressources auparavant couvertes par le programme 167 (actions 8 et 9).

 

2.   L’augmentation de la valeur du « point de PMI » : une réforme attendue de longue date et dont les effets rejailliront sur l’ensemble du monde combattant

L’augmentation de la valeur du point de pension militaire d’invalidité – dit « point de PMI » – est une revendication de longue date des associations d’anciens combattant. La valeur du point de PMI a en effet une incidence sur trois dispositifs majeurs de la condition militaire ou du monde combattant : les pensions militaires d’invalidité en elles-mêmes, la retraite du combattant (RC) et la rente mutualiste du combattant (RMC).

Afin de répondre à cette demande, la ministre déléguée s’était engagée, devant le Parlement, à mettre en place une commission tripartite chargée d’en apprécier l’opportunité et, le cas échéant, les modalités. Installée le 7 décembre 2020, cette commission a donc associé des représentants de l’État – issus du ministère des Armées et de la direction du budget du ministère de l’Économie et des finances – des représentants des associations d’anciens combattants, ainsi que Mme Muriel Roques-Étienne, députée du Tarn, représentante de l’Assemblée nationale. Le rapporteur pour avis s’étonne en revanche que le Sénat ait délibérément fait le choix de ne pas désigner de représentants sur une question aussi importante pour le monde combattant. Réunie à trois reprises – le 11 janvier, 1er février et 1er mars 2021 – cette commission a étudié les différents indices existants et détaillé le mode d’élaboration de l’indice de traitement brut-grille indiciaire (ITB-GI) de la fonction publique d’État comme le mode de calcul de l’indice des prix à la consommation hors tabac. En effet, depuis 2005, l’article L. 125-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG) dispose que la revalorisation de la valeur du point de pension militaire d’invalidité (PMI) est réalisée en fonction de l’ITB-GI, relativement stable au cours de la dernière décennie.

Ainsi que l’a indiqué la ministre déléguée devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, le 6 octobre 2021, les travaux de la commission tripartite ont mis en lumière la nécessité d’un rattrapage de la valeur du point PMI au regard de l’évolution de l’inflation. Remis à la ministre déléguée le 17 mars 2021, son rapport préconise donc de faire évoluer la valeur du point à la hausse à compter du 1er janvier 2022, proposition à laquelle le Gouvernement a émis un avis favorable.

Traduction concrète de cet engagement, l’article 42 du projet de loi de finances, rattaché à la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation », modifie l’article L. 125-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre afin de fixer la valeur du point de PMI à 15,05 euros à compter du 1er janvier 2022 – soit une augmentation de 2,39 % et de 35 centimes par rapport au 1er janvier 2021 – et ce afin de permettre un rattrapage des effets de l’inflation depuis le 1er janvier 2018.

En outre, l’article 42 du PLF prévoit qu’un décret en Conseil d’État fixe les nouvelles modalités d’indexation de la valeur du point de PMI, et définisse le principe d’une date annuelle unique pour la prise d’effet de l’actualisation de la valeur du point.

Au total, le coût net de cette mesure est évalué à 30 millions d’euros.

 

B.   L’administration de la dette viagère

Les crédits de l’action 1 financent les dépenses liées aux pensions militaires d’invalidité (PMI) et à la retraite du combattant (RC), qui représentent respectivement 42 % et 31,4 % des ressources du programme 169. En PLF 2022, son budget proposé s’établit à 1 412,6 millions d’euros. Si elle intègre l’évolution à la hausse de valeur du point de PMI, la dotation est néanmoins en diminution – à hauteur de 83 millions d’euros par rapport à 2021 – reflet de la diminution continue et naturelle du nombre de ces bénéficiaires.

Évolution des effectifs des pensionnÉs et de la retraite du combattant

 

PMI

Retraite du combattant

2009

336 272

1 393 201

2010

308 940

1 339 730

2011

295 073

1 287 388

2012

280 793

1 237 694

2013

266 914

1 200 185

2014

254 668

1 159 167

2015

241 360

1 108 925

2016

230 285

1 058 921

2017

216 496

1 000 550

2018

206 676

940 071

2019

196 660

913 012

2020

186 288

857 207

2021

prévisions

177 186

793 226

2022

prévisions

168 529

730 229

Source : PAP 2022.

1.   Les pensions militaires d’invalidité

Les crédits nécessaires au paiement des pensions militaires d’invalidité sont inscrits à la sous-action 10. Ils sont intégralement reversés au compte d’affectation spéciale (CAS) Pensions, dont le programme 743 assure le règlement via les centres régionaux des pensions et le centre de la trésorerie générale pour l’étranger.

Définies au titre II du livre Ier du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre (CPMIVG), les pensions militaires d’invalidité sont concédées aux ayants droit – à titre militaire ou de victime civile – pour indemniser la gêne fonctionnelle consécutive aux maladies ou aux blessures reconnues imputables au service ou à un fait de guerre. De manière plus précise, ouvrent droit à pension, au titre de l’article L. 121-1 du code :

– les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’événements de guerre ou d’accidents éprouvés par le fait ou à l’occasion du service ;

– les infirmités résultant de maladies contractées par le fait ou à l’occasion du service ;

– l’aggravation par le fait ou à l’occasion du service d’infirmités étrangères au service ;

– les infirmités résultant de blessures reçues par suite d’accidents éprouvés entre le début et la fin d’une mission opérationnelle, y compris les opérations d’expertise ou d’essai, ou d’entraînement ou en escale, sauf faute de la victime détachable du service.

Les pensions d’ayants cause sont concédées, sous certaines conditions, aux conjoints survivants, orphelins et ascendants d’un militaire décédé au combat ou d’un invalide pensionné.

En PLF 2022, la dotation allouée au versement des PMI s’établit à 809,5 millions d’euros, soit une diminution de 5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2021, traduction d’une baisse attendue de 4,9 % du nombre de bénéficiaires.

2.   La retraite du combattant

Les crédits nécessaires au paiement de la retraite du combattant sont inscrits à la sous-action 11. À l’instar de ceux relatifs au paiement des PMI, ils sont intégralement reversés au CAS Pensions. En projet de loi de finances pour 2022, la dotation proposée s’élève à 604,1 millions d’euros, en baisse de 40,7 millions d’euros par rapport à l’an dernier. Cette diminution n’est toutefois que le reflet du moindre nombre attendu de bénéficiaires, à hauteur de 7,9 % selon les prévisions établies par le Gouvernement.

L’immense majorité des bénéficiaires de la retraite du combattant l’étant au titre de la Guerre d’Algérie, il faut malheureusement s’attendre à ce que les années à venir voient le nombre d’anciens combattants diminuer de manière exponentielle. Si l’âge médian des bénéficiaires de la retraite du combattant s’établir à 84 ans, il convient toutefois de préciser qu’au 1er janvier 2021, près de 92 % des bénéficiaires de la retraite du combattant étaient âgés de plus de 80 ans, et 42 % de plus de 85 ans, alors que l’espérance de vie masculine s’établit, en 2021, à 79,2 ans en France.

Dans ce contexte, le rapporteur pour avis relève que si aucune attribution de point n’a été effectuée depuis septembre 2017, le montant de la retraite du combattant n’en a pas moins continué à augmenter avec l’évolution régulière de la valeur du point d’indice PMI, et atteindra 782,60 euros au 1er janvier 2022 avec le rehaussement du point de PMI prévu par l’article 42 du PLF. En définitive, le montant de retraite du combattant aura ainsi crû de 42,60 euros depuis le 1er janvier 2017.

Nombre de retraites du combattant, par tranche d’Âge, en paiement au 31 dÉcembre 2020

Tranches d’âge

Total

Non renseigné

6

100 ans et plus

2 470

de 95 à 99 ans

13 855

de 90 à 94 ans

34 696

de 85 à 89 ans

309 102

de 80 à 84 ans

428 303

de 75 à 79 ans

54 860

de 70 à 74 ans

6 903

de 65 à 69 ans

6 601

moins de 65 ans

409

TOTAL

857 205

Source : direction générale des finances publiques.

rÉpartition par conflit des retraites du combattant versÉes

Conflits

Nombre de bénéficiaires au 31 décembre 2020

Nombre attendu de bénéficiaires au 31 décembre 2021

Guerre 14-18 (1)

943

846

Guerre 39-45 (2)

34 322

31 859

Algérie, Tunisie et Maroc

706 669

650 507

Opérations extérieures

66 522

68 199

Non déterminé (3)

48 749

41 815

TOTAL

857 205

793 226

(1) Les retraites du combattant de la catégorie « guerre 14-18 » comprennent toutes les opérations de guerre avant 1939.

(2) Les retraites du combattant de la catégorie « guerre 39-45 » concernent également la guerre d’Indochine.

(3) Correspond à des retraites payées dans les États ayant accédé à l’indépendance dont la nature du conflit n’est pas codifiée et des retraites du combattant versées en France pour lesquelles le conflit n’est pas renseigné.

Source : direction générale des finances publiques.

C.   L’action sociale et les droits liés aux pensions militaires d’invalidité

1.   Les droits liés aux pensions militaires d’invalidité

Les crédits de l’action 2 proposés par le PLF 2022 s’élèvent à 116,3 millions d’euros. Ils financent les droits liés aux PMI, c’est-à-dire les soins médicaux gratuits et les appareillages, en application des dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, des réductions sur les transports ainsi que le régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre, qui prend en charge les pensionnés invalides à 85 % et plus ne détenant pas la qualité d’assuré social.

a.   Les soins médicaux gratuits et appareillages

La sous-action 21 retrace les crédits relatifs aux soins médicaux gratuits et l’appareillage des mutilés, conformément aux dispositions du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre :

– l’article L. 212-1 charge en effet l’État de la prise en charge, au profit des pensionnés de guerre, des « prestations médicales, paramédicales, chirurgicales et pharmaceutiques nécessitées par les infirmités qui donnent lieu à pension, en ce qui concerne exclusivement l’ensemble des séquelles résultant de la blessure ou de la maladie pensionnée » ;

– l’article L. 213-1 précise, quant à lui, que les invalides « ont droit aux appareils, produits et prestations nécessités par les infirmités qui ont motivé leur pension ». Ajoutant que « les appareils sont fournis, réparés et remplacés aux frais de l’État dans les conditions prévues par le présent code, tant que l’infirmité en cause nécessite l’appareillage ».

En outre, la sous-action finance également les frais de gestion de la Caisse nationale militaire de sécurité sociale (CNMSS) ainsi que, depuis dix ans, les expertises médicales prescrites aux demandeurs de PMI.

Dotée de 38,44 millions d’euros en PLF 2022, cette sous-action se ventile de la manière suivante :

18,38 millions d’euros s’agissant des soins médicaux gratuits, en diminution de 11,2 % par rapport à 2021 ;

5,2 millions d’euros s’agissant des frais d’appareillage des mutilés, en hausse de 15,7 %, soit 700 000 euros, en raison de l’amélioration des techniques d’appareillage et, partant, de l’évolution à la hausse du prix des prothèses de dernière génération. À titre d’exemple, le projet annuel de performance de la mission indique qu’en juillet 2021, la commission des secours et prestations complémentaires (CSPC) avait accordé pour 2021 cinq prothèses de nouvelle génération pour un coût moyen de 73 600 euros. L’accroissement de la dotation en 2022 permettrait ainsi de financer huit prothèses de ce type ;

1 million d’euros pour les frais d’expertise, montant stable d’une année sur l’autre ;

4,9 millions d’euros pour la dotation annuelle de la CNMSS, en baisse de 200 000 euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2021, cette baisse s’expliquant essentiellement par une diminution programmée des effectifs ;

9 millions d’euros au titre des affections présumées imputables au service (APIAS).

b.   Les réductions sur les transports

La sous-action 22 soutient le financement des réductions de transport ferroviaire de 50 % à 75 % pour les pensionnés dont le taux d’invalidité est d’au moins 25 % et la gratuité pour l’accompagnateur des plus grands invalides. Avec l’ouverture à la concurrence du secteur du rail, ces réductions seront à l’avenir accordées par d’autres opérateurs ferroviaires que la SNCF. Tel sera notamment le cas sur la ligne de transport régional reliant Nice à Marseille, opérée par Transdev à compter de 2025.

Le rapporteur pour avis tient par ailleurs à souligner que le Gouvernement a bel et bien maintenu l’existence de ces réductions, qu’une partie du monde combattant a pensé menacées par la transposition en droit national des dispositions européennes relatives à l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire et son effectivité.

D’après les données du projet annuel de performance, ces réductions pourraient concerner près de 30 000 personnes en 2022, contre autour de 45 000 en 2017. La diminution constante des bénéficiaires potentiels de ces réductions ne se traduit toutefois pas par une baisse de la dotation, essentiellement en raison de l’évolution des coûts de transport. C’est ainsi que malgré une baisse attendue de 7,5 % du nombre de bénéficiaires entre 2021 et 2022, la dotation inscrite en PLF s’élève à 1,4 million d’euros, soit une hausse de 100 000 euros en un an.

c.   Le régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre

La sous-action 23 retrace les financements du régime de sécurité sociale des pensionnés de guerre, qui prend en charge les pensionnés invalides à 85 % et plus qui ne détiennent pas déjà la qualité d’assuré social. La dotation 2022 s’élève à 76,5 millions d’euros en PLF, soit une hausse de 1,1 million d’euros en raison, notamment, des surcoûts constatés et facturés par la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) du fait du renchérissement des actes réalisés à l’hôpital dû à la crise sanitaire et aux mesures salariales prises par le Gouvernement.

2.   La solidarité

Les crédits de l’action 3 proposés en PLF s’élèvent à 326,8 millions d’euros en AE et 326,4 millions d’euros en CP. Ils ont vocation à financer une série de mesures en faveur du monde combattant, y compris le montant des subventions pour charge de service public versées à l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre et à l’Institution nationale des Invalides. Représentant 17 % des ressources du programme 169, ils connaissent une hausse de 3,24 % en AE et de 1,94 % en CP.

a.   L’action sociale

La mise en œuvre de la politique de solidarité revêt plusieurs modalités.

● Premièrement, il s’agit du financement des majorations légales et spécifiques des rentes mutualistes auxquelles les titulaires de la carte du combattant ou du titre de reconnaissance de la Nation peuvent souscrire, dont le financement est assuré par la sous-action 31. La retraite mutualiste du combattant a été créée par la loi du 4 août 1923, qui a posé pour la première fois le principe du versement d’une majoration financée par l’État en plus de la rente normalement constituée par les anciens combattants et leurs ayants cause du conflit 1914-1918.

En pratique, les contribuables anciens combattants peuvent, chaque année, déduire de leur revenu imposable, dans la limite d’un plafond, les versements effectués en vue de la constitution d’une rente donnant lieu à majoration de l’État. Cette rente bénéficie, en plus de la majoration légale attachée à toute rente viagère, d’une majoration spécifique de l’État selon l’âge et le délai de souscription. Le total formé par la rente et la majoration spéciale de l’État est limité à un plafond, dit « plafond majorable ». Le plafond donnant lieu à majoration de la retraite mutualiste du combattant est fixé à 125 points d’indice des pensions militaires d’invalidité, soit 1 837,50 euros au 1er janvier 2021 et 1 881,25 euros au 1er janvier 2022 du fait de la revalorisation de la valeur du point de PMI. Ce « surcoût » pour l’État n’aura toutefois d’incidence budgétaire qu’en 2023. En effet, les organismes mutualistes versent les majorations aux souscripteurs et sont remboursés l’année suivante par l’État.

En 2022, la dotation est fixée à 222,5 millions d’euros, soit une hausse de 1,3 million d’euros tenant compte de l’inflation sur les majorations légales.

● Deuxièmement, la sous-action 32 retrace le financement des subventions versées à des associations du monde combattant. Le montant de cette subvention, à hauteur de 310 000 euros, est stable par rapport à 2022. Le rapporteur pour avis relève que si cette dotation a connu une forte hausse depuis 2017 – elle ne s’établissait qu’à 260 000 euros en loi de finances initiale pour 2018 – cette hausse vise notamment à compenser la suppression de la réserve parlementaire décidée en début de mandat. Les associations d’anciens combattants ont en effet figuré parmi les structures les plus touchées par la suppression de cet outil de financement auparavant aux mains des parlementaires, leur permettant de donner un modeste « coup de pouce » – en toute transparence puisque l’utilisation de la réserve parlementaire faisait l’objet d’une publication individuelle et nominative sur le site de l’Assemblée nationale – à des structures ou des projets de nature associative en manque de ressources.

● Troisièmement, la sous-action 33 retrace la prise en charge des frais de voyages sur les tombes des « Morts pour la France ». Ces prestations sont financées par l’ONACVG qui reçoit à cet effet une subvention du ministère des Armées. La dotation a été réduite à 50 000 euros en 2018, contre 110 000 euros en 2017 en raison du niveau de dépense effectivement réalisée par l’ONACVG à ce titre en 2016. Depuis lors, elle est maintenue à ce niveau.

● Quatrièmement, la sous-action 34 supporte la subvention d’action sociale versée par le ministère des Armées à l’ONACVG pour remplir sa mission de solidarité envers les anciens combattants et victimes de guerre. Fixée comme l’an dernier à 25 millions d’euros, la dotation permet la mise en œuvre de l’action sociale de l’Office dont les priorités, définies par le conseil d’administration, sont :

– d’accorder une attention particulière aux ressortissants les plus isolés et les plus démunis, 40 % de ces crédits étant destinés aux conjoints survivants des anciens combattants – majoritairement des veuves, dont les ressources sont souvent limitées au minimum vieillesse – et 33 % aux plus démunis ;

– d’améliorer l’accompagnement de la quatrième génération du feu – la génération « OPEX » et, notamment, des militaires blessés en opération, 8 % des crédits leur étant consacrés ;

– de renforcer la prise en charge les victimes du terrorisme et, en particulier, des nouveaux pupilles de la Nation, en augmentation sensible depuis 2015 – à titre d’exemples, plus de 130 nouvelles pupilles ont été adoptées par la Nation au titre des attentats de 2015 et 2016 – 20 % des crédits leur étant alloués.

b.   Les subventions pour charges de service public aux opérateurs publics

L’action 3 assure également le financement des subventions pour charges de service public des trois opérateurs rattachés au programme 169.

● La sous-action 35 supporte les crédits de la subvention allouée à l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG), fixée à 56,36 millions d’euros en PLF 2022, montant conforme aux dispositions du contrat d’objectifs et de performance 2020-2025.

● La sous-action 36 retrace les crédits de la subvention allouée à l’Institution nationale des Invalides (INI), fixée à 12,99 millions d’euros. Le montant de la subvention intègre les ressources nécessaires au financement des revalorisations indiciaires issues du Ségur de la santé – pour un montant de 660 000 euros – ainsi que la transposition de la prime « grand âge » – pour un montant de 10 000 euros. L’INI bénéficiera également :

– d’une dotation en fonds propres de 7 millions d’euros en CP au titre de la participation financière de l’État au programme de travaux d’infrastructure, traduction d’engagements effectués au titre des lois de finances initiales pour 2017 (5 millions d’euros) et pour 2019 (35 millions d’euros) ;

– d’un abondement de la dotation en fonds propres de 7,8 millions d’euros qui permettront d’engager en 2022 les ressources correspondantes au financement de surcoûts pour le programme d’investissement en cours (à hauteur de 5,5 millions d’euros) et à l’engagement d’un programme de travaux sur le bâtiment Robert de Cotte (à hauteur de 2,3 millions d’euros en AE et 460 000 euros en CP).

● La sous-action 37 soutient la subvention versée à l’Ordre de la Libération – Conseil national des communes « Compagnon de la Libération », fixé à 1,71 million d’euros, montant identique à l’an dernier.

D.   Les actions en faveur des harkis et des rapatriés

1.   Les crédits inscrits en PLF 2022

Avec 26,6 millions d’euros, l’action 7 qui supporte le coût des mesures en faveur des harkis et rapatriés ne représente qu’1,4 % des ressources inscrites au programme 169. Pour autant, leur importance dépasse de loin ce faible pourcentage, tant sont encore vives la souffrance endurée par les harkis et les rapatriés, et lourdes pour leurs descendants les conséquences des conditions rarement dignes de leur accueil en France.

71,8 % des crédits de l’action 7 sont fléchés vers le financement des deux dispositifs principaux en faveur des rapatriés et des harkis, à savoir :

– l’allocation de reconnaissance, instituée par la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution en faveur des Français rapatriés, au financement de laquelle 13 millions d’euros sont alloués. Cette allocation est versée aux harkis rapatriés âgés d’au moins 60 ans ayant déposé leur dossier avant le 19 décembre 2014. Aujourd’hui forclos, ce dispositif bénéficie toutefois à 4 143 harkis et conjoints survivants en juillet 2021 – 2 735 hommes et 1 408 femmes –, le projet annuel de performance annexé au PLF estimant à 4 029 le nombre de rentes à verser en 2022, soit un montant d’environ 3 227 euros annuel par bénéficiaire ;

– l’allocation viagère, créée par l’article 133 de la loi de finances initiale pour 2016, financée à hauteur de 6,13 millions d’euros en projet de loi de finances. Cette allocation est versée au profit des conjoints et ex-conjoints mariés survivants de harkis qui ont fixé leur domicile en France. En juillet 2021, 1 326 veuves d’anciens supplétifs en bénéficiaient, le nombre de bénéficiaires étant évalué à 1 385 en 2022, soit un montant moyen de 4 430 euros annuel par bénéficiaire.

Alors qu’un nouveau dispositif de réparation devrait être créé par le futur projet de loi annoncé par le Président de la République, le rapporteur pour avis rappelle que ces deux allocations ont été revalorisées de 100 euros par les lois de finances pour 2017 et 2018, et de 400 euros par la loi de finances pour 2019, témoignant de l’attention sans cesse renouvelée portée par le Gouvernement à la situation des harkis et des rapatriés. En outre, il convient de préciser que ces allocations sont mécaniquement revalorisées chaque année en fonction de l’évolution de l’indice des prix à la consommation, ce qui explique en grande partie que les crédits consacrés à ces deux allocations augmentent alors que le nombre total de bénéficiaires décroît légèrement.

L’action 7 soutient par ailleurs divers dispositifs en faveur des rapatriés et harkis, financés à hauteur de 7,5 millions d’euros en PLF, le dispositif de solidarité créé par le décret du 28 décembre 2018 en faveur des enfants de harkis ayant séjourné en camps ou hameaux de forestage représentant à lui seul 6,5 millions d’euros.

Les autres dispositifs sont les suivants :

– les compléments de bourses pour les enfants scolarisés et les étudiants éligibles aux bourses de l’Éducation nationale, qui ont bénéficié à 115 enfants de harkis en 2020 ;

– l’aide spécifique aux conjoints survivants, instituée en 1994 au profit des veuves de plus de 60 ans dont le revenu n’excède pas l’allocation aux vieux travailleurs salariés (AVTS). Cette aide a bénéficié en 2020 à 43 personnes ;

– l’aide au rachat de trimestres de cotisation retraite pour les enfants de harkis, qui n’a à ce jour bénéficié à aucun demandeur, principalement en raison d’une condition d’âge – avoir entre 16 et 21 ans au moment du séjour dans les camps – conduisant au rejet de la plupart des demandes ;

– les secours exceptionnels, la loi du 26 décembre 1961 et les articles 41 et 41-1 du décret n° 62-261 du 10 mars 1962 prévoyant la mise en œuvre de secours exceptionnels, notamment sous forme de subsides. En 2020, 36 personnes ont bénéficié de secours exceptionnels sur ce fondement, ce qui représente une diminution de 2,9 % par rapport à 2019, avec un montant moyen de 977 euros contre 940 euros en 2019.

Certains dispositifs concernent plus spécifiquement les rapatriés, comme :

– la sauvegarde du toit familial, le décret du 23 mars 2007 offrant aux préfets la possibilité d’accorder des secours exceptionnels aux rapatriés qui n’ont pu bénéficier des précédentes mesures de désendettement et dont la propriété de leur toit familial se trouve menacée par les poursuites de créanciers ;

– les cotisations retraites, c’est-à-dire le paiement des retraites complémentaires dues aux anciens salariés du service des eaux d’Oran et des manufactures de tabac en Algérie, ainsi qu’à tout rapatrié pouvant bénéficier de la loi n° 85-1274 du 4 décembre 1985 portant amélioration des retraites des rapatriés.

Depuis 2015, l’ONACVG prend en charge le versement de l’ensemble des prestations en faveur des harkis et des rapatriés, et est également chargé, depuis le 1er janvier 2019, de la mise en œuvre du dispositif de solidarité envers les enfants de harkis susmentionné.

2.   La perspective d’un projet de loi de reconnaissance et de réparation pour les harkis

Dès sa prise de fonction, le Président de la République s’est engagé à étudier les évolutions qui pourraient être apportées aux dispositifs existants de reconnaissance et de réparation en faveur des harkis. Le 25 septembre 2017, lors de la Journée nationale d’hommage aux harkis, il a ainsi chargé Mme Geneviève Darrieussecq, alors secrétaire d’État auprès de la ministre des Armées, de constituer un groupe de travail chargé d’évaluer ces dispositifs. Présidé par le préfet Dominique Ceaux, celui-ci lui a remis en juillet 2018 un rapport intitulé Aux harkis, la France reconnaissante, préconisant de nouvelles mesures visant à parachever le travail de mémoire, à compléter les dispositifs de réparation, et à renforcer la solidarité à l’égard des anciens supplétifs et de leurs enfants. C’est d’ailleurs sur la base de ces recommandations que le Gouvernement a mis en place le nouveau dispositif de solidarité envers les enfants de Harkis.

Au-delà, le Gouvernement a décidé d’intensifier les actions visant la transmission des mémoires des rapatriements. De nouveaux témoignages d’anciens supplétifs, de leurs épouses ou de leurs enfants nés en Algérie ont été déposés au service historique de la défense (SHD), et sont présentés sur une page dédiée du portail national FranceArchives mise en ligne le 22 septembre 2021. En outre, la transmission de la mémoire des Harkis sera également intensifiée dans le cadre scolaire, grâce à de nouveaux outils pédagogiques, des cycles de formations spécifiques pour les enseignants et des expositions dédiées – Parcours de harkis ; La guerre d’Algérie, Histoire commune, mémoires partagées ? Enfin, le rapporteur pour avis souligne que l’ONACVG soutient la maison d’histoire et de mémoire d’Ongles et qu’une convention a été signée entre l’Office et le mémorial du camp de Rivesaltes, où une stèle consacrée aux anciens harkis, épouses et enfants qui y sont décédés, a été apposée.

Toutefois, le Président de la République a souhaité franchir une nouvelle étape, en annonçant, le 25 septembre 2021, le dépôt prochain d’un projet de loi de reconnaissance et de réparation en faveur des Harkis. Examiné en Conseil des ministres le 27 octobre 2021, ce projet de loi inscrit dans la loi la responsabilité de la France à l’égard des Harkis et des rapatriés, et institue un nouveau dispositif de réparation mis en œuvre par l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre. Renvoyé à la commission de la Défense, ce projet de loi sera examiné le 3 novembre en commission, et débattu en séance publique avant la fin de l’année. Le rapporteur pour avis soutiendra évidemment son adoption.

E.   Les liens entre la jeunesse et les armées

Anciennement inscrites au sein du programme 167 aujourd’hui disparu, les ressources allouées à la politique en faveur de la jeunesse sont désormais retracées à l’action 8 du programme 169, dont elles représentent 1,2 % avec 23,6 millions d’euros en AE et 23,59 millions d’euros en CP. Auparavant centrée sur le financement de la Journée de défense et de citoyenneté (JDC), cette action recouvre aujourd’hui l’ensemble des actions assurées par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) du ministère des Armées. S’y ajoutent donc le service militaire volontaire (SMV) ainsi que des dispositifs complémentaires en direction de la jeunesse, conformément au plan Ambition armées-jeunesse 2022.

Le plan Ambition armées-jeunesse 2022 (PAAJ 2022)

Présenté par la ministre déléguée le 25 mars 2021, le PAAJ 2022 entend moderniser et réorganiser les actions conduites par le ministère des Armées en direction de la jeunesse, essentiellement afin de les intégrer aux grandes phases du service national universel (SNU) et aux étapes obligatoires prévues par le code du service national, au premier rang desquelles la JDC.

En pratique, ce plan consiste en l’élaboration d’un parcours de défense innovant, comprenant plusieurs phases à compter de 13 ans et poursuivant trois grands objectifs : attractivité ; citoyenneté ; insertion socio-professionnelle.

L’infographie ci-dessous en présente les grandes étapes.

Source : dossier de presse du ministère des Armées.

En hausse de 2,7 millions d’euros en AE et 2,8 millions d’euros en CP, le projet de budget de l’action 8 intégrera cette année le financement de la revalorisation de l’indemnité de déplacement versée aux jeunes réalisant leur JDC et ne bénéficiant pas d’un titre de transport, ainsi que de la mise en place de nouvelles actions en faveur de la jeunesse relevant du plan armées-jeunesse 2022 avec notamment le développement des classes de défense et de sécurité globale. En outre, elle tient compte du rehaussement de 1 200 à 1 500 du nombre de places au sein du SMV. Le rapporteur pour avis souligne que les ressources inscrites à l’action 8 ne couvrent pas l’intégralité des coûts de ces dispositifs, la mission « Défense » intégrant des crédits de soutien – masse salariale, dépenses d’infrastructures, de santé et de systèmes d’information –, à hauteur de 90,2 millions d’euros pour la JDC et 45,6 millions d’euros pour le SMV.

1.   La journée défense et citoyenneté, vers un retour « à la normale » ?

Avant toute chose, le rapporteur pour avis tient à saluer les armées, directions et services du ministère des Armées, qui sont parvenus à maintenir les JDC malgré les évidentes contraintes de la crise sanitaire. Après un premier semestre 2020 particulièrement éprouvant – la JDC avait été suspendue sur l’ensemble du territoire à compter du 16 mars 2020 –, les rebonds épidémiques de l’hiver 2020-2021 ont conduit la DSNJ à adapter de nouveau l’organisation des JDC, conduites en format numérique jusqu’en juin 2021 alors que plusieurs dates de reprise en présentiel avaient été envisagées à compter du printemps.

La tenue de la JDC en ligne – développée à partir de moyens numériques existants – a permis d’enrayer l’aggravation de la dette organique et de poursuivre sa résorption, alors qu’à l’été 2020, près de 350 000 jeunes n’avaient pu être convoqués dans les délais habituels – à 17 ans et 4 mois en moyenne.

Lancée le 23 novembre 2020, la JDC numérique a permis d’accueillir 165 123 jeunes jusqu’au 31 décembre 2020 puis 552 615 jeunes du 1er janvier au 31 mai 2021. Au total, près de 718 000 jeunes métropolitains et ultramarins ayant pu bénéficier de ce format de JDC, la dette organique a été résorbée dès la fin du mois d’avril 2021.

Le projet de budget 2022 de la JDC – 20,37 millions d’euros en AE et 20,36 millions d’euros – connaît une augmentation respective de 2,43 millions et de 2,54 millions d’euros, afin de prendre en compte la revalorisation de l’indemnité de déplacement versée aux jeunes réalisant leur JDC et ne bénéficiant pas d’un titre de transport, ainsi que la hausse progressive du coût de l’alimentation des jeunes et de nouvelles dépenses de fonctionnement

2.   Le renforcement du service militaire volontaire, notamment en région Provence-Alpes-Côte d’Azur

Le déroulement du service militaire volontaire a été fortement perturbé par la crise sanitaire, en particulier lors du premier confinement. L’ensemble des formations délivrées par le SMV ayant alors été – fort logiquement – interrompues, 560 volontaires stagiaires ont été contraints de suspendre leur formation, dont :

– 59 au cours de leur formation militaire préliminaire ;

– 268 au stade de la formation complémentaire ;

– 233 au cours de la phase de formation professionnelle.

En outre, 335 volontaires stagiaires n’ont pas pu être recrutés, nécessitant un décalage des incorporations.

Alors que les formations ont pu reprendre à compter du 18 mai 2020, la reprise des incorporations a attendu le mois de juin 2020 à Brest, La Rochelle, Châlons-en-Champagne et Montigny-lès-Metz, puis l’ensemble des centres à partir de septembre 2020. En définitive, 933 volontaires stagiaires ont pu être recrutés en 2020, soit un déficit de 22 personnes par rapport à la cible.

La reprise de l’activité du SMV était d’autant plus précieuse qu’il s’agit d’un dispositif couronné de succès. Pour rappel, les six centres du SMV répartis sur le territoire ont formé plus 5 000 jeunes depuis 2015, à une cinquantaine de métiers exercés dans quatre grands domaines d’activité : le bâtiment et les travaux publics, l’électricité et la métallurgie ; la logistique, l’automobile et les machines ; les services aux personnes, aux entreprises et la sécurité ; l’agriculture, l’agroalimentaire et la restauration. Il présente par ailleurs de remarquables statistiques de réussite, avec un taux de 70 % d’insertion professionnelle – et ce malgré la crise sanitaire – et 70 % de réussite au brevet militaire de conduite.

C’est d’ailleurs son succès qui explique que le projet de loi de finances pour 2022 soutient l’augmentation du nombre de bénéficiaires du SMV à hauteur de 300 personnes, pour atteindre 1 500 volontaires, et que le Président de la République a annoncé, le 2 septembre dernier, l’ouverture d’un centre du SMV à Marseille. Celui-ci a déjà ouvert au travers d’une antenne à même de recruter une centaine de volontaires dès l’automne 2021, susceptibles d’être formé dans quatre filières : monteur-câbleur de fibre optique ; agent de prévention et de sécurité ; assistant de vie aux familles (service aux personnes) ; préparateur de commandes (logistique).

En définitive, le projet de budget du SMV s’établit – hors contribution de la mission « Défense » – à 3,23 millions d’euros en PLF 2022.

F.   La politique de mémoire

Avec 17,85 millions d’euros en AE comme en CP, la politique de mémoire ne représente que 0,9 % des ressources du programme 169. L’action 9 connaît toutefois une hausse de 300 000 euros, afin notamment de financer des opérations de modernisation logistique de la cérémonie du 14 juillet et de poursuivre le programme de rénovation et de valorisation du patrimoine mémoriel de pierre de l’État.

L’élaboration et la mise en œuvre de la politique de mémoire relève de la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA), qui s’appuie notamment sur l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre pour l’entretien et la valorisation des sépultures de guerre et des hauts lieux de la mémoire nationale.

1.   La transmission de la mémoire, axe fort du quinquennat

a.   Les commémorations

La plupart des commémorations inscrites au programme de l’année 2021 ont pu se tenir, même si la crise sanitaire a parfois empêché de leur donner l’ampleur initialement souhaitée par le Gouvernement. La ministre déléguée a néanmoins pu présider :

– le 18 février, la cérémonie en l’honneur de la résistance de la ville de Belfort lors du siège de 1871 ;

– le 27 février, le trentième anniversaire de l’opération Daguet ;

– le 20 mai, un hommage à Félix Éboué dans le cadre de la mémoire du ralliement des outre-mer à la France Libre.

En outre, prévue en 2020, la cérémonie marquant le 70e anniversaire de l’engagement des troupes françaises lors de la guerre de Corée s’est finalement déroulée le 18 mai 2021.

D’ici la fin de l’année 2021, plusieurs cérémonies seront organisées afin de témoigner de la montée en puissance de la Résistance française au cours de la Seconde Guerre mondiale, avec notamment la commémoration du serment prononcé par les troupes du colonel Leclerc à Koufra, de « ne déposer les armes que lorsque nos couleurs, nos belles couleurs, flotteront sur la cathédrale de Strasbourg », organisée à Strasbourg le 23 novembre.

En outre, le rapporteur pour avis souligne que les contraintes sanitaires ont conduit le Gouvernement à développer une offre mémorielle numérique, au travers notamment de la publication sur le site internet « chemins de mémoire  » de corpus documentaires et pédagogiques propres à chaque temps commémoratif, ainsi que de l’intensification de la diffusion en direct des cérémonies sur les réseaux sociaux du ministère des Armées. En la matière, le ministère entend également toucher de nouveaux publics, en particulier parmi les jeunes.

Le budget proposé par le PLF pour l’organisation des commémorations s’établit à 4,2 millions d’euros en 2022, soit une hausse de 200 000 euros.

L’année sera principalement marquée par :

– le 60e anniversaire de la fin de la guerre d’Algérie, qui donnera lieu à de nombreux événements commémoratifs ;

– les faits militaires marquants de l’année 1942, parmi lesquels les combats de Bir-Hakeim, le raid sur Dieppe – opération Jubilee – ou encore l’entrée en résistance du maréchal de Lattre de Tassigny ;

– le 80e anniversaire de la rafle du Vél d’Hiv ;

– le 55e anniversaire du lancement à la mer, le 29 mars 1967, du premier sous-marin nucléaire lanceur d’engins (SNLE) français, « Le Redoutable ».

En outre, 100 000 euros sont prévus pour le financement d’événements ponctuels liés à l’actualité, c’est-à-dire essentiellement les hommages nationaux.

b.   Les actions pédagogiques du ministère des Armées

En outre, 2,70 millions d’euros sont inscrits en PLF 2022 au titre des actions pédagogiques, couvrant :

– pour un montant de 300 000 euros, une dotation visant à financer les publications et les actions pédagogiques du ministère, c’est-à-dire principalement la revue « Les chemins de la mémoire », produite à 23 000 exemplaires papiers et diffusé en version numérique, ainsi que diverses actions pédagogiques ;

– une subvention de 350 000 euros versée à l’ONACVG pour le financement d’actions pédagogiques, qu’il s’agisse de l’organisation du concours national de la Résistance et de la Déportation dans chaque département ou d’actions de mémoire organisées sur les territoires afin de rendre hommage aux combattants et victimes ou de soutenir des projets mémoriels d’intérêt local ;

– une enveloppe de 2,05 millions de subventions au bénéfice d’acteurs publics ou privés (collectivités territoriales, établissements d’enseignement, fondations, associations, etc.) engagés dans des projets mémoriels ou d’enseignement de défense.

De manière plus générale, les projets pédagogiques d’établissements scolaires financés par la direction des patrimoines de la mémoire et des archives (DPMA) doivent s’inscrire dans un cadre précis, imposant le respect des programmes scolaires et la poursuite d’un objectif de meilleures connaissance et compréhension de la mémoire des conflits contemporains.

Au cours des deux dernières années, les établissements scolaires ont également été invités à répondre à des appels à projets pédagogiques portant sur des thématiques liées à l’actualité, comme « Marie Curie, les sciences et la guerre », « Les OPEX : combattre, soutenir, honorer » ou encore « La guerre d’Algérie : une histoire militaire, des mémoires combattantes ».

Malgré la crise sanitaire, environ 200 projets pédagogiques ont été soutenus en 2021 pour un coût de 127 000 euros, mobilisant près de 10 000 élèves et enseignants.

En parallèle, la DPMA – en partenariat avec l’Éducation nationale et l’Enseignement agricole – met en œuvre l’action « Héritiers de mémoire », qui vient récompenser six ou sept projets pédagogiques particulièrement remarqués, et soutient l’action des trinômes académiques.

2.   L’entretien et la valorisation des lieux de mémoire

Le patrimoine de pierre regroupe à la fois les nécropoles et sépultures de guerre – qui réunit au total près de 100 000 tombes et 66 ossuaires – et les hauts lieux de la mémoire nationale (HLMN), dont le nombre a été porté à dix avec l’inauguration en 2019 du Monument aux morts pour la France en opérations extérieures, situé aux abords du Parc André Citroën, dans le XVe arrondissement de Paris. 10,95 millions d’euros sont consacrés à leur entretien et leur valorisation, répartis de la manière suivante :

1,75 million d’euros au titre d’une opération budgétaire dite « opérations Lieux de mémoire de l’État », qui retrace les crédits alloués aux actions nationales de valorisation des sites mémoriels – ce qui inclut, à titre d’exemple, la participation à des événements tels que le salon mondial du tourisme –, ainsi qu’à l’entretien des sépultures de guerre situées outre-mer (100 000 euros) et à l’étranger (1,5 million d’euros), au travers des missions de défense de notre réseau diplomatique.

Membre de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, très attaché à l’attention portée aux sépultures de guerre françaises situées à l’étranger – en particulier en Europe de l’Est et en Afrique – le rapporteur pour avis se félicite de voir cette question faire l’objet de financements à la hauteur des enjeux. Il a en effet pu arriver, par le passé, que nos morts enterrés loin du sol national puissent paraître un peu oubliés ou, du moins, que l’entretien de leurs tombes n’apparaisse pas comme une priorité. Tel n’est aujourd’hui plus le cas ! C’est ainsi que depuis cette année, des opérations de rénovation ont été engagées en Croatie, en Érythrée, au Niger ou encore au Pakistan ;

9,20 millions d’euros au titre d’une opération budgétaire de « subventions et transferts », qui retrace les crédits destinés à l’entretien et la valorisation des sépultures de guerre et HLMN en France métropolitaine, en Algérie et au Maroc, les aides à la rénovation des monuments aux morts communaux et départementaux ainsi que les ressources allouées à l’essor du tourisme de mémoire (amélioration de la signalisation routière des nécropoles, installation de panneaux historiques sur les lieux de mémoire, etc.).

L’ONACVG est destinataire de l’essentiel de cette dotation (8,40 millions d’euros), majoritairement pour le financement des opérations de rénovation du patrimoine de pierre (8,10 millions d’euros).

De manière plus générale, il convient de rappeler que le programme pluriannuel de rénovation du patrimoine mémoriel pour les années 2020 à 2025 concerne tout autant les sépultures de guerre et les HLMN. Il accorde une priorité aux sites les plus dégradés, où les bâtis architecturaux sont en péril, voire où la sécurité des visiteurs est menacée, ainsi qu’à ceux concernés par les cycles mémoriels intervenant sur cette période : guerre de 1870-1871, fin de la guerre d’Algérie, 80 ans de la Seconde Guerre mondiale.

En 2021, les travaux de rénovation ont essentiellement concerné :

– s’agissant des nécropoles et des carrés militaires, la poursuite des travaux dans les nécropoles d’Amblény (Aisne), de Luynes (Bouches-du-Rhône), de la Doua (Rhône), ainsi que la restauration des cimetières militaires de Saint-Eugène Bologhine (Algérie) et d’Alnif (Maroc) ;

– pour les HLMN, la poursuite de la restauration des sept ossuaires et la création de sanitaires à la nécropole de Notre-Dame de Lorette (Pas-de-Calais), la création du local de stockage et la fin des rénovations de la chambre à gaz et des miradors au Struthof (Bas-Rhin), la réfection et l’aménagement des ateliers et murs d’enceinte à Montluc (Rhône), les travaux de sécurisation et de valorisation au mémorial du Quai Branly (Paris), l’installation d’un bâtiment provisoire au mémorial des martyrs de la Déportation (Paris) du fait d’infiltrations dans l’édicule d’accueil.

En 2022, ils concerneront :

– pour les nécropoles et carrés militaires, le lancement de restaurations pluriannuelles d’envergure, parmi lesquelles le mémorial de Chasseneuil-sur-Bonnieure (Charente), le monument-ossuaire de Navarin (Marne), la nécropole de Saint-Mandrier (Var), la crypte-ossuaire de Champigny-sur-Marne (Val-de-Marne), ainsi que les chapelles des nécropoles de Vitry-le-François et de Sillery (Marne), de Riche et de Metz-Chambière (Moselle) ;

– pour les HLMN, la rénovation de la baraque cuisine du camp du Struthof – un des bâtiments les plus authentiques ayant une forte valeur mémorielle et patrimoniale –, des travaux de réfection du mur d’enceinte extérieur à Montluc, mais aussi les travaux de la Tour lanterne à Notre-Dame de Lorette.

S’ajoutent à ces opérations pluriannuelles des dépenses d’entretien courant.

G.   L’effort fiscal et social de l’État en faveur du monde combattant

Comme chaque année, le rapporteur tient à souligner qu’à l’effort budgétaire de l’État s’ajoutent nombre de dispositifs fiscaux qui permettent également de témoigner de la reconnaissance de la Nation à l’égard des anciens combattants et de leurs familles. Si l’attention se focalise souvent sur la demi-part fiscale supplémentaire accordée aux titulaires de la carte du combattant âgés de plus de 74 ans et à leurs veuves, quatre autres dispositifs participent à cet effort fiscal, pour un coût total de 699 millions d’euros. Ces dispositifs ont été créés au profit des anciens combattants au titre du droit à réparation pour services rendus à la Nation. Il serait donc indécent d’y revenir, d’autant plus que les pensions versées par ailleurs ont des niveaux plutôt modestes.

DÉpenses fiscales sur impÔts d’État rattachÉes au programme 169

(en millions d’euros)

Libellé

Chiffrage pour 2020

Chiffrage pour 2021

Chiffrage pour 2022

Demi-part supplémentaire pour les contribuables (et leurs veuves) de plus de 74 ans titulaires de la carte du combattant

543

530

530

Exonération de la retraite du combattant, des pensions militaires d’invalidité, des retraites mutuelles servies aux anciens combattants et aux victimes de guerre et de l’allocation de reconnaissance servie aux anciens membres des formations supplétives de l’armée française en Algérie (harkis) et à leurs veuves, ainsi que l’allocation viagère servie aux conjoints et ex-conjoints, survivants de harkis, moghaznis et personnels des autres formations supplétives de statut civil de droit local ayant servi en Algérie qui ont fixé leur domicile en France

155

150

145

Déduction des versements effectués en vue de la retraite mutualiste du combattant

31

24

24

Réduction de droits en raison de la qualité du donataire ou de l’héritier

Non significatif (<0,50 M€)

Non significatif (<0,50 M€)

Non significatif (<0,50 M€)

Exonération de droits de mutation pour les successions des victimes d’opérations militaires ou d’actes de terrorisme

Non chiffrable

Non chiffrable

Non chiffrable

Coût total des dépenses fiscales

729

704

699

Source : PAP 2022.

II.   Le programme 158 « Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale »

Placé sous la responsabilité du Premier ministre, le programme 158 assure le financement de dispositifs d’indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie commis durant la Seconde Guerre mondiale. Trois dispositifs ont été institués en ce sens par le pouvoir réglementaire :

– le décret n° 99-778 du 10 septembre 1999 a créé un dispositif d’indemnisation des victimes de spoliations intervenues du fait de législations antisémites. Si l’activité de la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) connaît un net ralentissement, de nouvelles demandes continuent néanmoins à être enregistrées et s’ajoutent aux dossiers encore à l’instruction ;

– le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 a créé un dispositif d’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. L’activité demeure stable, et l’on constate un net ralentissement du dépôt de nouveaux dossiers ;

– le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004 a créé un dispositif d’indemnisation des orphelins dont les parents ont été victimes d’actes de barbarie. L’activité demeure soutenue, et les services enregistrent encore de nouvelles demandes.

L’instruction des dossiers est réalisée par la commission pour l’indemnisation des victimes de spoliations (CIVS) pour les spoliations, et pour l’aide aux orphelins par le département reconnaissance et réparation de l’ONACVG, situé à Caen. Les décisions accordant ou refusant des mesures de réparation financière sont prises par le Premier ministre, tandis que la mise en paiement est confiée à l’ONACVG par les trois décrets.

Évolution des crÉdits du programme 158 de 2021 à 2022

(en euros)

Mission
« Anciens combattants »

LFI 2021

PLF 2022

AE=CP

AE=CP

P 158

Action 1

Indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations du fait des législations antisémites en vigueur pendant l’Occupation

41 962 848

41 803 999

Action 2

Indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la seconde guerre mondiale

51 175 364

50 960 637

Total P158

93 138 212

92 764 636

Source : PAP 2022.

A.   L’indemnisation des orphelins de la déportation et des victimes de spoliations

1.   L’indemnisation des orphelins

Comme le rapporteur pour avis le rappelait dans son avis établi l’an dernier, le décret n° 2000-657 du 13 juillet 2000 a institué une mesure de réparation pour les orphelins dont les parents ont été victimes de persécutions antisémites. Ce dispositif s’adresse à toute personne, mineure de moins de 21 ans au moment des faits, dont le père ou la mère, déporté de France en raison des persécutions antisémites, est décédé ou a disparu en déportation.

Pour ces orphelins, cette mesure de réparation prend la forme, au choix du bénéficiaire, d’un capital au montant fixe de 27 440,82 euros ou d’une rente viagère dont le montant mensuel s’élève, en 2021, à 630,46 euros.

D’octobre 2000, début de la campagne d’indemnisation, au 30 juin 2021, le service instructeur a enregistré 17 669 demandes, 14 359 décisions ont été transmises, 13 656 décisions d’indemnisation ont été prises et 703 rejets ont été notifiés. Sur les 13 656 indemnisations accordées, 6 654 l’ont été sous forme de capital (49 %) et 7 002 sous forme de rente viagère (51 %).

 

 

Nombre de
demandes reçues

Nombre de bénéficiaires
indemnisés

Coût complet

en M€

2000

12 135

4 000

24,9

2001

3 465

7 800

163,4

2002

1 072

845

50,7

2003

278

256

44,8

2004

195

201

39,8

2005

121

125

37,8

2006

112

112

38,4

2007

34

55

36,9

2008

19

18

35,7

2009

40

35

36,1

2010

44

28

36,3

2011

30

49

37,2

2012

31

22

36,5

2013

19

25

36,7

2014

14

10

36,4

2015

8

25

36,6

2016

12

22

36,2

2017

11

8

35,5

2018

11

9

35,02

2019

6

3

34,34

2020

8

6

32,93

Du 1er janvier au 30 juin 2021

3

2

16,08

total au 30/06/2021

17 669

13 656

918,41

Source : services du Premier ministre.

Le coût total des aides financières accordées aux orphelins de parents victimes de persécutions antisémites s’élève, au 30 juin 2021, à 918,41 millions d’euros. À l’heure actuelle, force est de constater que l’essentiel des demandes a été traité, l’ONACVG n’étant plus destinataire que d’un faible nombre de requêtes : 11 en 2018, 6 en 2019 et 8 en 2020.

2.   L’indemnisation des victimes de spoliations

Pour rappel, dans la foulée de la remise du rapport Mattéoli au Premier ministre en 1998, le décret du 10 septembre 1999 a institué auprès de ce dernier une commission d’indemnisation des victimes de spoliations, chargée « de rechercher et de proposer les mesures de réparation, de restitution ou d’indemnisation appropriées ». Cette commission propose au Premier ministre les mesures de réparation, de restitution ou d’indemnisation pour des préjudices consécutifs aux spoliations de biens.

Les indemnités accordées peuvent être mises à la charge de l’État français ou, en application des accords de Washington du 21 mars 2001, imputées sur les fonds du Fonds social juif unifié lorsqu’il s’agit d’indemniser des avoirs bancaires.

Entre le mois d’octobre 2000, qui marque le début de la campagne d’indemnisation, et le 30 juin 2021, 24 539 dossiers ont été transmis aux services du Premier ministre, 22 581 dossiers proposent une indemnisation mise à la charge de l’État français et 1 958 dossiers portent rejet ou désistement. Au 30 juin 2021, 22 496 recommandations ont été traitées par le Premier ministre et concernent, compte tenu des partages successoraux, 49 464 bénéficiaires qui perçoivent des indemnités uniquement sous la forme d’un capital.

 

Nombre de recommandations
traitées

Nombre de
bénéficiaires
indemnisés

Coût complet

(en millions d’euros)

2000/2001

726

1 576

13,655

2002

1 883

4 353

35,729

2003

2 117

4 719

53,378

2004

1 970

4 465

46,208

2005

2 381

5 290

44,039

2006

2 560

5 345

66,232

2007

2 712

5 565

59,337

2008

1 872

4 119

51,257

2009

1 318

3 090

27,590

2010

939

2 104

14,654

2011

927

1 998

17,220

2012

974

2 119

11,697

2013

470

972

7,792

2014

333

728

7,609

2015

352

847

7,553

2016

231

512

4,791

2017

205

417

4,801

2018

184

443

8,2

2019

164

413

17,03

2020

131

309

4,32

Du 1er janvier au 30 juin 2021

47

80

0,58

Total au 30/06/2021

22 496

49 464

503,68

Source : services du Premier ministre.

 

 

Le coût total des aides financières accordées aux victimes de spoliations s’élève au 30 juin 2021 à 503,7 millions d’euros.

B.   L’indemnisation des victimes d’actes de barbarie

L’action 2 du programme 158 couvre les dépenses relatives à l’indemnisation des victimes d’actes de barbarie durant la Seconde Guerre mondiale. Ce dispositif, institué par le décret n° 2004-751 du 27 juillet 2004, prend la forme d’une aide financière versée en reconnaissance des souffrances endurées par les orphelins de déportés résistants et politiques morts en déportation, les orphelins de personnes arrêtées et exécutées dans les conditions définies aux articles L. 342-3 et L. 343-5 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, ainsi qu’aux personnes dont le père ou la mère a été déporté à partir du territoire national, durant l’Occupation et dans des conditions mentionnées aux articles L. 342-1 et L. 343-1 du même code.

Pour ces orphelins, la mesure prend la forme, au choix du bénéficiaire, d’un capital au montant fixe d’environ 2 800 euros ou d’une rente viagère dont le montant mensuel s’élève à 590 euros en 2019.

Entre août 2004, qui marque le début de la campagne d’indemnisation et le 30 juin 2021, 34 398 demandes ont été enregistrées par le service instructeur, 27 148 décisions ont été transmises, 22 781 décisions d’indemnisation ont été prises et 4 367 rejets ont été notifiés. Sur les 22 781 indemnisations accordées, 13 923 l’ont été sous forme de capital (61 %) et 8 858 sous forme de rente viagère (39 %).

 

Nombre de
demandes reçues

Nombre de bénéficiaires
indemnisés

Coût complet

(en millions d’euros)

2004

20 755

1 999

 

2005

4 021

12 000

207,481

2006

2 260

4 736

190,561

2007

2 056

1 231

61,686

2008

1 091

496

56,653

2009

1 229

926

65,168

2010

818

507

55,839

2011

419

277

55,400

2012

583

150

53,734

2013

295

93

50,992

2014

260

54

51,270

2015

110

104

52,131

2016

100

58

51,616

2017

166

52

51,480

2018

139

32

50,9

2019

59

39

51,234

2020

23

24

49,899

Du 1er janvier au 30 juin 2021

14

3

24,634

Total au 30/06/21

34 398

22 781

1 180,640

Source : services du Premier ministre.

Le coût total des aides financières accordées aux orphelins de parents victimes d’actes de barbarie s’élève, au 30 juin 2021, à 1 180,6 millions d’euros.

Il convient par ailleurs de noter que l’ONACVG, chargé d’instruire les requêtes en la matière, enregistre toujours un nombre en baisse de nouvelles demandes : 139 en 2018, 59 en 2019 et 23 en 2020.


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   Seconde partie :
Les pupilles de la Nation

En 2017, les commémorations du centenaire de la création du statut de pupille de la Nation ont été l’occasion pour le Président de la République Monsieur Emmanuel Macron de réaffirmer le soutien indéfectible de l’État français à leur égard. Lors de son discours du 14 juillet 2017, le Président avait ainsi rappelé « Chers citoyens, depuis cent ans presque jour pour jour, la République prend tous ses enfants sous sa protection. Elle protège aussi les enfants des déportés et depuis peu les enfants des victimes du terrorisme. Ce sont les pupilles de la Nation. Ils sont devant moi et je leur adresse un salut chaleureux, parce que les ennemis de la France sur notre sol ou ailleurs dans le monde vous ont pris un être cher, la France vous doit son soutien constant et durable ».

Ce dispositif de mémoire, dont l’origine remonte à la Première Guerre Mondiale et qualifié d’« unique au monde » selon Monsieur André Rakoto, directeur du service départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) de Paris, est destiné à exprimer le soutien et la reconnaissance de la Nation envers ceux dont l’un des deux parents a été blessé ou a perdu la vie pour elle. Originellement institué pour des faits de guerre, il a été l’objet de plusieurs réformes visant à l’étendre aux faits de guerre de nature civile, notamment dans le cadre des tragiques attentats terroristes qui ont endeuillé la France. Le dispositif prévoit en outre, dans le cadre d’une procédure d’exception, l’adoption symbolique par la Nation de l’enfant ou orphelin, qui sera accompagné et soutenu matériellement et moralement par l’Office national des combattants et victimes de guerre (ONACVG).

I.   D’hier à aujourd’hui, un statut séculaire qui a su s’adapter

A.   L’évolution du statut de pupille de la Nation

1.   L’avènement du statut de pupille de la Nation en 1917

Fruit d’un long processus historique, la création du statut de pupille de la Nation est en réalité récente. Si les dispositions en la matière demeurent, jusqu’au 20e siècle, extrêmement éparses et peinent à offrir aux orphelins de guerre un statut protecteur garantissant leurs droits, on peut percevoir dès la Révolution française les prémisses de la nécessité de les protéger. L’idée d’adopter les enfants des généraux, officiers et soldats français morts pour la patrie naît pour la première fois le 7 décembre 1805, lorsque Napoléon 1er décide par une circulaire préfectorale d’adopter les enfants des militaires morts à la bataille d’Austerlitz. Quelques années plus tard, la loi du 13 décembre 1830 prévoit la même protection aux orphelins dont l’un des parents aurait péri pendant les journées de Juillet, puis pendant les évènements de juin 1848 par le décret du 6 juillet 1849. Le décret du 18 janvier 1871 élargit l’adoption aux enfants des citoyens « morts pour la défense de la patrie ». Le décret du 28 novembre 1873 leur permet enfin de recevoir la jouissance d’un débit de tabac afin de subvenir à leurs besoins, avant que cette mesure ne soit supprimée en 1967.

Alors que plusieurs centaines de milliers d’enfants se retrouvent livrés à eux-mêmes, l’Assistance publique, à laquelle se joindront de notables initiatives privées et internationales, à l’instar de l’association franco-américaine « The Fatherless Children of France », se mobilisent pour leur venir en aide.

Le sénateur Léon Bourgeois est l’auteur d’une proposition de loi sur les pupilles de la Nation, déposée en avril 1915, devenue la loi du 27 juillet 1917 créant le statut de pupille de la Nation. Fondé sur les principes de solidarité et de réparation, son article 1er dispose « La France adopte les orphelins dont le père, la mère ou le soutien de famille a péri, au cours de la guerre de 1914, victime militaire ou civile de l’ennemi. Sont assimilés aux orphelins les enfants nés ou conçus avant la fin des hostilités, dont le père, la mère ou le soutien de famille sont dans l’incapacité de gagner leur vie par le travail, à raison de blessures reçues ou de maladies contractées ou aggravées par la suite de la guerre. Les enfants ainsi adoptés ont droit à la protection, au soutien matériel et moral de l’État pour leur éducation dans les conditions et limites prévues par la présente loi, et ce jusqu’à l’accomplissement de leur majorité ».

L’Office des Pupilles de la Nation, sous tutelle du ministère de l’instruction publique, est concomitamment institué afin de prendre en charge les milliers d’orphelins. Il deviendra en 1935 à la suite de sa fusion avec l’Office national des mutilés et réformés et l’Office du combattant affecté à la prise en charge des besoins généraux des anciens combattants, l’Office national des mutilés, combattants, victimes de la guerre et pupilles de la Nation puis, en 1946, l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Le dispositif sera plus tard mobilisé à l’occasion de la deuxième Guerre Mondiale, puis des conflits en Indochine et en Algérie.

2.   Un statut étendu à d’autres faits de guerre et aux faits de nature civile

Le statut de pupille a ainsi dans un premier temps été élargi aux enfants de moins de 21 ans dont le père, la mère ou le soutien de famille a été « tué ou a disparu à l’ennemi ou sur un théâtre d’opérations extérieures » (articles L. 461 à L. 464 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre) puis, par l’article 26 de la loi n° 90-86 du 23 janvier 1990 portant diverses dispositions relatives à la sécurité sociale et à la santé, étendu aux « victimes d’actes de terrorisme commis depuis le 1er janvier 1982 ».

La loi n° 93-915 du 19 juillet 1993 portant extension du bénéfice de la qualité de pupille de la Nation et modifiant le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de la guerre, en son article 1er, reconnut quant à elle le statut de pupille aux enfants « des magistrats, des militaires de la gendarmerie, des fonctionnaires des services actifs de la police nationale et des fonctionnaires de l’administration pénitentiaire et des douanes(…) ; Des personnels civils et militaires de l’État participant aux opérations de recherche, de neutralisation, d’enlèvement et de destruction des munitions de guerre et engins explosifs (…) ; Des personnes participant aux missions visées aux 1° et 2° du présent article, sous la responsabilité des agents de l’État susmentionnés(…) ; Des personnes titulaires d’un mandat électif au titre du code électoral (…) ; et des professionnels de la santé », « tués ou décédés des suites d’une blessure ou d’une maladie contractée ou aggravée du fait d’un acte d’agression survenu au cours de l’accomplissement d’une mission de sécurité publique (…), lors d’une action tendant à constater, poursuivre ou réprimer une infraction (…) ; ou enfin à la suite d’homicides commis à leur encontre par des patients dans l’exercice de leurs fonctions ».

Enfin, l’article 7 de la loi n° 2011-13 du 5 janvier 2011 relative à la lutte contre la piraterie et à l’exercice des pouvoirs de police prévoyait aux « enfants dont le père, la mère ou le soutien de famille, de nationalité française, a été victime d’actes de piraterie maritime (de) se voir reconnaître la qualité de pupille de la Nation » pour les « actes de piraterie maritime commis depuis le 10 novembre 2008 ».

 

Le centenaire de la création du statut de pupille a été célébré durant l’année 2017, par la mise en œuvre dans tous les services départementaux de l’ONACVG de manifestations dédiées à ce statut très singulier : rencontres de pupilles, mise à l’honneur de pupilles lors de manifestations sportives, expositions, réalisation d’un poster composé de 100 portraits de pupilles, production de brochures locales et d’une brochure nationale.

Le 14 juillet 2017, 50 pupilles de tous âges étaient invités à assister au défilé par le Président de la République qui a tenu à venir les saluer à l’issue du défilé.

Enfin, les 10 et 11 novembre 2017, 100 pupilles de la nation étaient invités à participer à une journée de séminaire à l’École Militaire, au cours de laquelle de nombreux témoignages de pupilles ont été entendus. Un insigne spécifique, créé pour l’occasion, leur a été remis à l’issue de cette journée qui s’est terminée sur un moment de convivialité.

Après avoir assisté à la cérémonie du 11 novembre, ces mêmes pupilles étaient reçus par le Président de la République dans les salons de l’Élysée. Après avoir remis à dix d’entre eux, représentants de toutes les catégories de pupilles, une médaille commémorative du centenaire, le Président de la République a rappelé dans son discours toute l’importance qu’il accorde à ce statut si particulier, unique en Europe.

B.   Le régime actuel du statut de pupille de la Nation

1.   Un régime prévoyant

Dans la continuité de la loi n° 2013-1168 du 18 décembre 2013 de programmation militaire pour les années 2014 à 2019, le Gouvernement entreprit, par l’ordonnance n° 2015-1781 du 28 décembre 2015, la refonte du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre.

Désormais, le régime légal relatif au statut des pupilles de la Nation est régi par les articles L. 411-1 et suivants du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, adapté aux tragiques évènements des attentats terroristes que connut la France. Le soutien de l’État aux pupilles est réaffirmé : « La France adopte les orphelins dont l’un des parents ou le soutien de famille a été tué ou est mort de blessures ou de maladies contractées ou aggravées par suite d’un événement de guerre ou d’un acte de terrorisme tel que prévu au présent code ». (article L. 411-1) dudit code.

En vertu de ces articles, le statut de pupille de la Nation est également reconnu aux orphelins et enfants de moins de 21 ans :

Afin de bénéficier du statut de pupille de la Nation, il est pertinent de souligner qu’il n’existe aucune exigence de nationalité pour l’enfant, qui peut dès lors être ressortissant d’un autre État que la France lorsque les parents étaient « ressortissants des pays ou territoires ayant appartenu à l’Union française ou à la Communauté ou ayant été placés sous le protectorat ou sous la tutelle de la France, ainsi qu’aux enfants des personnes de nationalité étrangère ayant contracté un engagement en temps de guerre ou ayant servi en opérations extérieures dans les armées françaises ou à qui la mention ‘Mort pour le service de la Nation’ a été attribuée » (article L. 411-1 du code précité).

2.   Une adoption essentiellement symbolique

Toute adoption intervenue après l’âge des 21 ans de l’enfant demeure possible dès lors qu’il était mineur lors du décès de son parent mais ne vaudra qu’à titre essentiellement moral, « à l’exclusion de toute attribution d’avantages pécuniaires » (Article L. 411-8 du code précité).

Si, au 31 décembre 2014, 293 enfants de moins de 21 étaient reconnus pupilles de la Nation, ils étaient 738 en 2018, 905 en 2019 et 966 au 31 décembre 2020, soit une évolution de plus de 230 % en six ans.

Comme mis en exergue par la ministre déléguée Madame Geneviève Darrieussecq lors d’une audition le 6 octobre dernier devant la Commission de la Défense et des forces armées de l’Assemblée Nationale, force est de constater l’évolution du nombre de pupilles de la Nation au lendemain des attentats. Sont concernées les personnes, de nationalité française ou non, ayant été victimes d’un acte de terrorisme sur le sol français, et les victimes de nationalité française si l’acte a été commis à l’étranger. Madame Emmanuelle Double, cheffe du département solidarité de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) indiquait ainsi qu’« il y a eu un triplement du nombre de pupilles » depuis 2015. Suite aux attentats de Paris et Saint-Denis, 258 victimes deviennent pupilles du fait de ces attaques, parmi lesquels 45 victimes directes, 52 orphelins et 161 enfants dont les parents ont été gravement blessés. Un rescapé des attentats du Bataclan témoigne des bienfaits de cet accompagnement : « Je trouve ça fort d’avoir le soutien et la reconnaissance de l’État. Ce statut noue un lien palpable entre mes enfants et leur histoire, entre eux et la France. Ils font désormais partie d’une communauté ([2]) ». En 2018, ces victimes représentaient plus de la moitié du total des adoptions d’enfants de moins de 21 ans prononcées. Cependant, depuis 2018, ce nombre est en baisse constante et n’atteint en 2020 que 56 des 145 adoptions retenues.

 

 

Adoptions liées aux actes de terrorisme

Adoptions d’enfants de soldats tués ou blessés en OPEX

Adoptions d’enfants de fonctionnaires morts pour le service de la Nation

Total des adoptions prononcées

Nombre d’enfants de moins de 21 ans accompagnés par l’Office

2018

98

82

2

182

738

2019

70

83

4

157

905

2020

56

76

13

145

966

Figure 1 Évolution du nombre d’adoptions de pupilles âgés de moins de 21 ans depuis 2018 (source : ONACVG)

Madame Emmanuelle Double alerte par ailleurs quant au fait que « certains parents ne souhaitent pas que ce statut soit imposé à leur enfant à vie ». L’existence de ces barrières symboliques a dès lors conduit plusieurs pupilles à demander le retrait de cette mention sur leur état civil. En effet, il peut arriver que le terme légal d’adoption puisse souvent constituer « un petit frein » pour « des gens choqués, en état de sidération, qui peuvent très mal interpréter ce terme », ainsi que le reconnaît Madame Cécile Baubil, membre de l’association de victimes Life for Paris. Des témoignages abondent en ce sens, mettant en exergue une adoption difficile, extrêmement violente au regard de la perte très récente d’un parent, dont il découle l’absolue nécessité de « faire de la pédagogie » selon Madame Double. Elle rappelle qu’il s’agit « d’un droit qui n’est ni contraignant ni obligeant. Chacun en fait ce qu’il veut ».

Catégorie 1 (OPEX, guerre)

Catégorie 2 (actes de terrorisme)

Catégorie 3 (actes d’agression, mission de service public et MPSN)

Total

Filles

Garçons

450

454

62

966

464

502

 

Figure 2 : Nature des adoptions de pupilles âgés de moins de 21 ans au 31 décembre 2020 (source : ONACVG)

L’adoption par la France des orphelins et enfants de la Nation est prononcée par un jugement du tribunal judiciaire du ressort de la ville où le requérant est domicilié. Afin d’être étudiée, la demande doit être présentée par « l’un des parents, (le) représentant légal de l’enfant ou l’enfant lui-même s’il a atteint sa majorité et, à son défaut, à la diligence du procureur de la République » (article L. 412-1 du Code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre), par voie de simple requête, dispensée d’enregistrement et de timbre. Dans l’hypothèse où le représentant légal de l’enfant ne serait pas parent ou ascendant de celui-ci, il sera indispensable que la demande soit autorisée par le conseil de famille ou à défaut le juge des tutelles. Afin que l’adoption soit acceptée, la juridiction judiciaire procédera à un examen des conditions nécessaires au statut de pupille de la Nation et veillera à ce que la demande ait été introduite avant le 21e anniversaire de l’enfant. Il pourra être fait appel de sa décision si « un fait nouveau se produit établissant que l’enfant remplit les conditions mentionnées aux articles L. 411-1 à L. 411-7 ».

Une fois prononcée, la mention de l’adoption est faite en marge de l’acte de naissance et le jugement est porté à la connaissance du service départemental de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) du domicile de l’adopté, chargé d’établir la carte de pupille de la Nation et d’assurer la charge de la tutelle pour le compte de l’Office. Il faut en moyenne six à douze mois pour traiter la procédure d’adoption. Cette procédure peut être parfois délicate, notamment dans le cas de blessés psychiques : la blessure doit être suffisamment grave pour perdre tout pour partie de ses capacités à éduquer ses enfants.

L’adoption demeure symbolique et ne génère aucune conséquence quelle qu’elle soit sur la filiation de l’enfant, qui demeure établie à l’égard de ses parents, ou à l’égard de sa nationalité.

 

Catégorie d’âge

Orphelins

Enfants de blessés

Victimes directes

Total

Répartition par âge

0 à 5 ans

3

3

 

6

4 %

6 à 10 ans

14

21

1

36

25 %

11 à 15 ans

9

21

4

34

23 %

16 à 18 ans

2

15

7

24

17 %

19 à 21 ans

2

11

13

26

18 %

21 ans et

6

4

9

19

13 %

Figure 2 : Adoptions prononcées en 2020 par catégorie d’âge et par nature (source : ONACVG)

II.   Des mesures s’inscrivant dans le cadre du droit à la réparation

Une fois leur adoption prononcée par le juge judiciaire, les pupilles de la Nation sont alors pris en charge par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), établissement public sous tutelle du ministère des Armées, qui assure pour le compte de l’État français un droit à un soutien matériel effectif ainsi qu’à une protection morale. S’inscrivant dans le cadre de leur droit à la réparation, ces actions de soutien ont vocation à tenter d’apporter à l’enfant l’attention qu’il aurait pu recevoir de la part de son parent blessé ou décédé.

A.   un soutien matériel et moral centré autour de l’éducation et de l’entretien des pupilles

Afin de garantir aux pupilles de la Nation un encadrement qui leur sera des plus bénéfiques et qui complétera leur éducation, l’action de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) consiste principalement à veiller à leur entretien et à leur épanouissement au sein du système scolaire. À ce titre, à raison de l’évaluation des ressources de la famille, une prise en charge partielle, ou dans certains cas totale, de l’éducation et l’entretien de l’enfant est assurée.

Tout d’abord, il est important de rappeler que la qualité de pupille ne les plaçant nullement sous la responsabilité exclusive de l’État français, les familles et tuteurs des enfants pupilles conservent le plein exercice de leurs droits et, ce faisant, le libre choix des moyens d’éducation. Il ne s’agit dès lors que d’une protection complémentaire de celle exercée par les familles.

Les services départementaux sont chargés de rencontrer régulièrement les familles des pupilles afin de prendre note de la situation des enfants et de leurs éventuels besoins, principalement en matière d’éducation et d’entretien.

En vertu de l’article L 421-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, il incombe à l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre une double charge.

Premièrement, il revient à l’Office de « 1° Veiller à l’observation, au profit des pupilles de la Nation, des lois protectrices de l’enfance, des règles du code civil en matière de tutelle ainsi que des mesures de protection prévues au présent titre ; 2° Pourvoir au placement, dans les familles ou fondations ou dans les établissements publics ou privés d’éducation, des pupilles dont la tutelle ou la garde provisoire lui est confiée et de ceux dont les parents ou tuteurs sollicitent son intervention à cet effet ». Dans le cadre de cette compétence, l’Office a la capacité d’initier au profit de l’enfant une ouverture de tutelle de droit commun, d’obtenir la nomination d’un conseiller de ladite tutelle, d’effectuer des mesures de contrôle des personnes physiques ou morales ayant la charge de l’enfant ou encore d’influer sur la composition du conseil de famille.

Deuxièmement, il revient à l’Office « (d’) accorder des subventions, dans la limite de ses disponibilités financières, en vue de faciliter l’entretien, l’éducation et le développement normal des pupilles dont le père, la mère, le tuteur ou le soutien manquerait des ressources nécessaires à cet effet ». Le statut d’enfant pupille de la Nation, âgé de moins de 21 ans ou qui entreprendrait de poursuivre des études passée cette date, ouvre droit, chaque fois que la situation le requiert, à l’attribution, cumulable aux aides du droit commun dont il serait déjà bénéficiaire à l’instar des bourses d’études ou allocations familiales, de subventions supplémentaires délivrées par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG). Encadrées par l’article R421-3 du même code, institué par le décret n° 2016-1903 du 28 décembre 2016, celles-ci sont destinées « 1° ou bien à l’entretien et à la santé des pupilles ; 2° ou bien à leur apprentissage ; 3° ou bien à leurs études » et relèvent de la commission Mémoire et solidarité placée auprès de chaque service départemental de l’Office.

 

 

 

Les aides financières conférées par l’Office national des anciens combattants et des victimes de guerre (ONACVG) sont destinées à assurer :

De plus, les pupilles de la Nation se verront bénéficier d’un examen bienveillant de leur candidature pour l’admission dans tout collège ou lycée militaire.

En 2020, le nombre d’aides financières accordées en matière d’entretien et d’éducation aux pupilles de la Nation, âgés de moins de 21 ans et au-delà lorsque ceux-ci poursuivent des études passé cet âge, s’élevait à 5 296 pour un montant de 3,6 M€, soit une augmentation de 16 % du budget corrélé au nombre de pupilles accompagnés en 2019, où seules 4 532 aides pour un montant de 3,1 M€ avaient été conférées.

 

 

 

Nature des interventions

Nombre d’interventions

Montant des interventions

Aide aux études (Scolarité, Études Sup. & Apprentissage)

1 487

1 144 341 €

Aide à la vie quotidienne (Dépenses courantes, Frais médicaux, Vacances)

2 522

1 612 394 €

Étrennes

907

507 649 €

Aide à la majorité

43

43 440 €

Aides aux Pupilles à l’étranger

112

191 793 €

Dépenses Exceptionnelles

225

165 800 €

Total

5 296

3 665 417 €

Figure 3 Budget consacré aux pupilles de la Nation mineur(e)s ou en études en 2020 (source : ONACVG)

 

B.   Un soutien en matière d’emploi et de fiscalité destiné à accompagner les pupilles de la Nation

À l’accompagnement matériel et moral s’ajoute un soutien en matière d’emploi et de fiscalité conféré par l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) à tous les pupilles de la Nation, dès lors qu’ils ont été adoptés avant leurs 21 ans.

En matière d’emploi tout d’abord, il a été reconnu à l’Office la capacité de délivrer des subventions d’aide à la recherche d’un premier emploi ainsi qu’à la reconversion professionnelle afin d’aider le pupille dans sa démarche d’insertion dans le monde du travail. Des offres leur sont même réservées, notamment dans les administrations, collectivités territoriales, établissements publics rattachés et hôpitaux publics. Plus encore, il est à même d’offrir une prise en charge des formations dispensées par les neuf écoles de reconversion professionnelle de l’Office, voire par d’autres organismes de formation professionnelle. Dans le cadre d’installations professionnelles, les pupilles de la Nation sont enfin les bénéficiaires prioritaires de prêts d’installation professionnelle sans intérêt, remboursables avec une franchise de trois mois, cumulables avec des prêts de première installation, afin de les aider à s’installer.

En matière financière et fiscale ensuite, de nombreuses mesures ont été prises pour favoriser les détenteurs du statut de pupilles de la Nation. Un soutien financier peut être apporté en cas de situations précaires chroniques ou ponctuelles, des chèques de service pouvant même être établis dans les situations où l’urgence le justifie. Une participation aux frais de santé peut aussi être concédée. Par ailleurs, la prise en compte du lien de parenté résultant de l’adoption simple pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, du bénéfice des droits applicables en ligne directe pour les transmissions, legs et dons (sous respect de certaines conditions prévues par le code général des impôts) ou enfin de l’abattement prévu par l’article 779 du code général des impôts en sont d’autres manifestations. Enfin, tous les actes ou pièces ayant exclusivement pour objet la protection des pupilles de la Nation sont dispensés du timbre et doivent être enregistrés gratuitement.

En 2020, l’Office a procédé à 2 215 interventions financières au profit de près de 1 200 pupilles majeurs en difficulté, pour la plupart assez âgés, pour un montant total de 1 375 186 €.

Dans le domaine de la reconversion, quatre pupilles de la nation ont été aidés en 2020 à hauteur de 8 438 €. Depuis 2015, quatre pupilles ont pu bénéficier d’un emploi réservé.

 

Un accompagnement identique pensé pour les pupilles de la République

S’inspirant du modèle prévu pour les pupilles de la Nation, un modèle de texte relatif aux pupilles de la République est actuellement à l’examen devant le Sénat. Prévoyant d’apporter pour ces enfants un accompagnement très similaire à celui des pupilles de la Nation, il confère à l’État d’accompagner les enfants des sauveteurs en mer et des personnels participant aux opérations de sécurité civile, à l’instar des sapeurs-pompiers, militaire, et policiers décédés dans un des « situations exceptionnelles » ou d’une dangerosité particulière ainsi que les soignants décédés des suites de la COVID 19.

Mesure rétroactive jusqu’en 2016, il relèvera de la compétence exclusive du premier ministre de statuer sur chaque dossier.


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   Travaux de la commission

I.   Audition de Madame Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées

Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, nous auditionnons ce matin Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants, qui vient nous présenter la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation du projet de loi de finances pour 2022.

Cette audition budgétaire étant la dernière de la législature, je souhaiterais vous féliciter, madame la ministre déléguée, pour l’ensemble des actions que vous avez menées en faveur du monde combattant, dont vous avez été l’interlocutrice privilégiée. Vous n’avez eu de cesse, au cours de cette période, d’œuvrer pour le maintien des droits et la consolidation de la reconnaissance de la nation envers ceux qui l’ont servie avec passion et abnégation ; vous avez ainsi pu apporter des réponses à des questions très anciennes.

Je remercie également notre cher collègue Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur fidèle et reconnu depuis quatre ans, dont l’écoute a été particulièrement remarquée et appréciée par l’ensemble du monde combattant.

Le budget de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation s’élève à 1,9 milliard d’euros en 2022, ce qui permettra de continuer à œuvrer utilement pour le monde combattant. L’un des points saillants de ce projet de budget est la revalorisation du point de pension militaire d’invalidité (PMI), fruit d’un travail collectif exemplaire entre l’État, le Parlement et les associations. Mme Muriel Roques-Etienne y a représenté le Parlement avec talent. Il me semble que ce dossier constitue un bon exemple de votre méthode, madame la ministre déléguée, et des résultats que vous obtenez. D’autres mesures, que vous détaillerez, concernent les proches des anciens combattants, notamment les conjoints survivants des grands invalides de guerre. C’est une constante de votre politique que d’accorder aux ressortissants du monde combattant les plus vulnérables toute l’attention que nous leur devons ; sans doute est-ce là une manifestation de votre éthique personnelle.

Par ailleurs, la signature du contrat d’objectifs et de performance (COP) avec l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) pour les années 2020 à 2025, et le maintien de son réseau départemental, que vous avez défendu, permettront sans aucun doute de conserver le lien si particulier qui unit la nation à ses anciens combattants. La transmission de la mémoire combattante est la clé de la cohésion nationale. En adaptant le travail de mémoire à notre société, en célébrant la mémoire des soldats oubliés en Afrique, en outre-mer, mais aussi, plus récemment, en opérations extérieures (OPEX), vous avez rapproché le peuple français de ses héros. Il convient de mentionner également la place que ce budget accorde à l’entretien, à la rénovation et à la valorisation des lieux de mémoire.

Je salue enfin vos actions envers la jeunesse, et plus généralement en faveur de la consolidation du lien armée-jeunesse, qui passe notamment par l’augmentation du nombre de classes de défense dans les collèges et lycées, des capacités du service militaire volontaire (SMV), ainsi que de l’aide à l’insertion professionnelle.

Enfin, je n’oublie pas les paroles historiques prononcées récemment par le Président de la République à l’égard des harkis et de leurs proches, ni la demande de pardon, absolument nécessaire, que la République a exprimée par sa voix. Nous devrions être amenés à travailler avec vous, dans les prochaines semaines, autour du projet de loi de reconnaissance et de réparation annoncé à cette occasion.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants. Pour la cinquième fois, et non sans une petite émotion, je viens vous présenter le budget du monde combattant, de la jeunesse et de la mémoire. À cette occasion, je reviendrai sur les actions que nous avons conduites ensemble et dont nous pouvons être fiers.

Depuis 2017, je mène un dialogue constant avec les associations et les représentants du monde combattant, comme vous le faites aussi sur le terrain. Ce sont des personnes qui méritent toute notre attention.

Le budget pour 2022 préserve complètement, bien sûr, les droits du monde combattant. Il sera doté de 1,92 milliard d’euros. Depuis deux ans, nous contenons la baisse budgétaire liée à la déflation démographique du monde combattant, de manière à maintenir l’ensemble des dispositifs et à améliorer encore la reconnaissance et la réparation. Ce budget traduit, à mon sens, l’engagement du Gouvernement à maintenir les droits budgétaires et fiscaux des anciens combattants et de leurs ayants droit.

Alors que la coutume était de reporter les grands débats et les sujets structurants à la législature suivante, j’ai tenu à ce que nous répondions, chaque année et toujours dans le cadre d’une vaste concertation, à l’une des attentes fortes du monde combattant. Ainsi, j’ai réuni, cette année, un groupe de travail tripartite rassemblant les services de l’État, des représentants d’associations d’anciens combattants et des parlementaires, autour d’une réflexion concernant l’évolution du point PMI. Je veux à mon tour remercier chaleureusement Muriel Roques-Etienne, qui a suivi cette commission avec beaucoup d’attention et y a apporté toute son expertise. J’ai décidé de vous proposer de suivre les recommandations de cette commission tripartite. Le Gouvernement assume sa responsabilité, reconnaissant un décalage dû à l’inflation. La valeur du point PMI sera donc portée à 15,05 euros au 1er janvier 2022, contre 14,70 euros actuellement, de façon à rattraper l’écart constaté depuis le 1er janvier 2018. Nous couvrons ainsi l’ensemble des engagements budgétaires sous notre responsabilité. Cette mesure d’équité, dont le coût est estimé à 32,8 millions d’euros, bénéficiera à l’ensemble du monde combattant : aux invalides, aux bénéficiaires de PMI, aux détenteurs de la carte du combattant ainsi qu’aux veuves. Le rapport préconise de faire le point, tous les deux ans, sur l’évolution du point PMI par rapport à l’inflation : c’est une méthode que j’encourage, dans la mesure où ce suivi régulier favorisera la confiance du monde combattant.

Ce budget conclut un quinquennat au service de l’équité et du soutien aux publics en situation de fragilité. Je veux rappeler quelques avancées majeures en la matière : la hausse des pensions accordées à celles et ceux qui ont renoncé à toute activité pendant plus de quinze ans pour apporter des soins constants à leur conjoint grand invalide ; l’harmonisation des conditions d’octroi de la pension de réversion au conjoint survivant ; le bénéfice de la demi-part fiscale pour les conjoints veufs ou veuves d’anciens combattants ayant atteint l’âge de 74 ans, dès lors que le conjoint avait bénéficié de la retraite du combattant – cette mesure doit beaucoup au Parlement ; la revalorisation des tarifs d’expertise médicale des PMI, qui permet de traiter les dossiers plus rapidement ; l’extension du bénéfice de la carte du combattant aux anciens combattants présents en Algérie entre 1962 et 1964, qui était une mesure importante pour les associations et un geste de reconnaissance tout à fait justifié envers les anciens combattants – depuis 2019, plus de 37 000 cartes ont été délivrées.

Nous avons eu aussi une attention particulière pour les harkis et leurs familles. Ainsi, nous avons fortement augmenté – de plus de 600 euros depuis 2017 – l’allocation de reconnaissance et l’allocation viagère. Pour la deuxième génération, nous avons créé un fonds de solidarité qui aide un nombre sans cesse plus grand d’enfants de harkis à faire face à des dépenses d’insertion, de santé et de logement ; environ 2 000 d’entre eux ont ainsi été aidés, pour un montant de près de 15 millions d’euros. Dernièrement, le Président de la République a inauguré le temps du pardon, en souhaitant inscrire dans le marbre de nos lois la reconnaissance et la réparation à l’égard des harkis, isolés dans des camps de transit ou dans des hameaux de forestage pendant des années, et pour lesquels la République a failli à son devoir d’accueil. Pour ce faire, le Parlement sera prochainement saisi d’un projet de loi.

Les moyens d’action de nos opérateurs ont été reconduits. Le contrat d’objectifs et de performance de l’ONACVG est en cours d’application. La proximité étant un enjeu essentiel, le maillage territorial, qui nous tenait tous à cœur, est maintenu et renforcé et, grâce au budget alloué, la maison des combattants peut poursuivre sa modernisation et son adaptation au monde combattant, en constante évolution. Notons aussi que le montant de la subvention de fonctionnement de l’ONACVG, en légère augmentation, s’élève à 56,4 millions d’euros, et que nous maintenons le budget d’action sociale de l’Office à un niveau élevé – 25 millions d’euros – alors même que le nombre de ses ressortissants est en baisse. L’action sociale, en tant que soutien efficace aux anciens combattants, à leurs veuves et aux pupilles de la nation, est un pan essentiel de l’action de l’ONACVG.

Par ailleurs, la subvention de fonctionnement de l’Institution nationale des Invalides (INI) est en hausse de 700 000 euros, atteignant ainsi un montant de 13 millions d’euros. Afin que les avancées du Ségur de la santé bénéficient aux personnels de l’INI et pour poursuivre les ambitieux travaux de rénovation de ses infrastructures, son budget d’investissement est également en nette augmentation puisqu’il bénéficiera, en 2022, de 7,5 millions d’euros de crédits de paiement supplémentaires.

La subvention en faveur de l’Ordre national de la Libération, dont le rôle et la présence sont ô combien importants pour le travail de mémoire, se maintient à 1,7 million d’euros.

Nous maintenons, en 2022, l’augmentation accordée au budget alloué à la politique de mémoire en 2021 : cette action, si chère au ministère des armées, se verra attribuer un budget de 18 millions d’euros, dont 12,6 millions seront destinés à l’entretien, à la rénovation et à la valorisation des lieux de mémoire. Ces crédits, dédiés aux sépultures de guerre et lieux de mémoire, sont en légère hausse par rapport à 2021. Ils permettront notamment de soutenir les travaux de la nécropole de Notre-Dame de Lorette, de l’ancien camp de concentration du Struthof, du mémorial national de la prison de Montluc à Lyon et du mémorial de la guerre d’Algérie et des combattants du Maroc et de la Tunisie, quai Branly à Paris.

Le programme mémoriel pour 2022 sera centré sur la poursuite du quatre-vingtième anniversaire de la seconde guerre mondiale, qui s’étalera sur plusieurs années jusqu’en 2025. Nous célébrerons aussi, l’an prochain, le soixantième anniversaire de la signature des accords d’Évian, qui représente un pan très important de la mémoire de notre nation.

Le ministère des armées, deuxième acteur culturel de l’État, maintient son investissement en faveur du patrimoine et des musées. Trois de nos musées – le musée de l’Armée, le musée national de la Marine, qui représente actuellement le plus important projet muséal français, et le musée de l’Air et de l’espace – font l’objet d’un programme de rénovation destiné à améliorer les conditions d’accueil du public et à élargir l’offre muséographique. Ces musées créent un lien fort entre l’armée et la nation, tout en entretenant la mémoire de notre pays.

Par ailleurs, nous maintenons une politique dynamique et adaptée en faveur de la jeunesse : il y va du maintien de notre modèle d’armée.

Au 1er septembre 2021, près de 610 000 jeunes avaient effectué leur journée défense et citoyenneté (JDC), la cible comprenant 755 000 personnes auxquelles s’ajoutent les 160 000 personnes reportées de 2020 à 2021. Malgré les difficultés liées à la période complexe que nous avons traversée, notamment aux temps de confinement, la direction du service national et de la jeunesse s’est remarquablement bien adaptée, organisant pour certains jeunes des JDC numériques ou des JDC adaptées sur des demi-journées. Nous projetons de rattraper, en 2022, toutes les JDC qui n’auraient pas été effectuées, afin de retrouver ensuite un rythme plus classique.

Le service militaire volontaire, qui est à présent un dispositif mature présentant un bilan très satisfaisant, a été pérennisé. Son budget, en augmentation, atteindra 3,2 millions d’euros en 2022. Notre ambition est d’accueillir 1 500 jeunes volontaires, contre 1 200 en 2021. Conformément aux annonces du Président de la République, une antenne du SMV sera créée prochainement à Marseille, puisque la région Sud-Est en était dépourvue – elle s’ajoutera aux six centres existants. Le taux d’insertion de la promotion 2020 est excellent, puisque 70 % des jeunes ont trouvé un emploi stable à l’issue de leur engagement.

J’ai également présenté un document cadre, le plan Ambition armées-jeunesse 2022, qui a pour priorité les moments de rencontre entre les armées et la jeunesse et vise à adapter nos dispositifs en fonction des phases définies par le service national universel (SNU), en progression régulière. J’accorde une attention particulière aux classes de défense, dans nos collèges et nos lycées. Nous recensons 10 000 jeunes scolarisés dans 380 classes de défense, contre 240 en 2017. Notre objectif est de doubler le nombre de ces classes, qui créent des liens armée-jeunesse et constituent un remarquable outil de transmission d’une culture de défense et des valeurs de la République. Ces classes, qui font l’objet d’un important travail de valorisation et de rayonnement, supposent un partenariat fort avec l’éducation nationale.

Ce budget parachève un quinquennat au service du monde combattant, de la mémoire et du lien armée-nation. Pendant quatre ans, nous avons réalisé nombre d’avancées en tenant nos engagements, qu’il s’agisse de la méthode ou des résultats. Nous pouvons être collectivement fiers du chemin parcouru.

Mme la présidente Françoise Dumas. En effet, le travail a été fait, et bien fait.

Mme Muriel Roques-Etienne. Je tiens tout d’abord à vous remercier et à vous rendre hommage, madame la ministre déléguée, pour tout le travail réalisé au profit du monde des anciens combattants. Comme vous l’avez souligné, le Président de la République souhaite reconnaître l’implication de ces combattants qui, pour beaucoup, ont laissé une partie d’eux-mêmes dans ces conflits, dont il ne faut oublier ni la violence ni l’horreur. C’est aussi en cela que nous avons un devoir de mémoire. Faisant partie de cette génération qui n’a connu que la paix – grâce notamment au principe : « plus jamais ça », commun à de nombreux pays européens –, je ne peux qu’exprimer, comme tous mes collègues, ma reconnaissance envers ceux qui ont combattu.

Les arbitrages obtenus sont à la hauteur de la reconnaissance attendue par les anciens combattants, non seulement pour ceux qui ont participé à des conflits anciens, mais aussi pour ceux qui contribuent aujourd’hui, en OPEX, à garantir la paix. Les équilibres mondiaux sont en train de changer ; l’attention particulière que nous accordons à nos anciens combattants n’est pas amenée à s’atténuer avec le temps, elle doit au contraire se maintenir et évoluer en même temps que la menace et la conflictualité.

Je ne peux qu’être satisfaite du résultat obtenu concernant l’évolution du point PMI. Représentante du Parlement au sein du groupe de travail tripartite qui a rendu son rapport le 17 mars 2021, je tenais à saluer la concrétisation de ces conclusions dans le budget présenté par le Gouvernement. Pouvez-vous nous confirmer les montants de la revalorisation du point PMI et nous donner des exemples concrets de la hausse de revenus qu’elle entraînera pour les 186 000 bénéficiaires de la pension, les militaires blessés en service et les 857 000 bénéficiaires de la retraite du combattant ?

Par ailleurs, je me réjouis du succès de la troisième édition de l’appel à projets services numériques innovants (AAP SNI) destinés au tourisme de mémoire. Quarante-six candidatures de qualité ont été reçues, pour huit lauréats. Est-il prévu que la direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) reconduise pour la quatrième année consécutive cet appel à projets, et avec quelle enveloppe budgétaire ? En effet, je reste persuadée que les projets innovants tels que la numérisation des monuments aux morts, la création de petits musées immersifs ou l’expérimentation de combat par la réalité virtuelle doivent être soutenus, pour que le devoir de mémoire s’adapte aux intérêts des générations actuelles.

M. Rémi Delatte. Les lois de finances de fin de mandat apportent toujours leur lot de bonnes nouvelles et, au fond, nous pouvons nous en réjouir. Je salue en particulier la prise en compte d’une revendication exprimée de longue date, à savoir la revalorisation de l’indice du point PMI, qui accuse un important retard depuis maintenant quinze ans. Votre proposition, qui fait suite aux recommandations de la commission tripartite, dont nombre de personnes ici souhaitaient la création, permet de compenser le retard enregistré pendant le quinquennat.

Serait-il possible d’élargir à deux députés et deux sénateurs la représentation du Parlement au sein de cette commission ? Je salue la participation et le travail de notre collègue Muriel Roques-Etienne, mais la présence de deux députés et deux sénateurs assurerait une pluralité politique et permettrait aux représentants de la nation de témoigner leur intérêt et de leur disponibilité pour le travail de mémoire, la reconnaissance et la réparation dues aux anciens combattants.

La revalorisation future du point PMI reste soumise à une décision ultérieure qui sera prise, tous les deux ans, à la lumière des travaux de la commission tripartite. Pourquoi cette revalorisation ne se fait-elle pas de façon automatique, en prenant en compte, par exemple, l’évolution de l’indice des prix à la consommation ? Cette automaticité correspond à votre volonté de privilégier une méthode lisible. Pourquoi, enfin, se limiter à un rééquilibrage par rapport à l’écart constaté à compter du 1er janvier 2018 plutôt que d’engager un effort supplémentaire ?

M. Philippe Michel-Kleisbauer. Merci beaucoup, madame la présidente, pour les mots que vous avez prononcés à mon égard, pour votre confiance et pour l’aide, notamment matérielle, que vous m’avez apportée pour me permettre de recevoir régulièrement le G12 anciens combattants et de nombreuses autres associations et de conserver ainsi un lien avec celles-ci. Je remercie aussi mes collègues pour la confiance qu’ils m’ont témoignée en me reconduisant dans mes fonctions de rapporteur. Forts de cette quasi-unanimité, nous avons été à même de mener une politique régalienne noble au service de la mémoire et de nos glorieux aînés.

Ayant le privilège, en tant que rapporteur pour avis, de choisir chaque année une thématique dans mon avis budgétaire, j’ai retenu, cette année, le sujet des pupilles de la nation : pourriez-vous nous en dire un mot ? Je rappelle qu’une pupille le reste toute sa vie. Par ailleurs, il existe différentes mentions pour un individu ayant perdu la vie en servant notre pays : « mort pour la France », « mort pour le service de la Nation » et, depuis peu, « mort pour le service de la République ». Pourriez-vous nous apporter quelques explications au sujet de ces nuances et de cet aspect de la politique mémorielle ?

M. Thomas Gassilloud. Je souhaite avant toute chose vous féliciter pour votre bilan et vous remercier pour le cinquième budget que vous nous présentez. Vous avez contribué à faire évoluer les choses en consolidant l’existant et en œuvrant en faveur de nouveaux droits et d’une reconnaissance accrue pour le monde combattant. Le PLF pour 2022 s’inscrit dans cette logique, comme en témoigne la revalorisation du point PMI.

Le projet annuel de performance 2022 de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation indique qu’en confortant l’esprit de défense, cette mission « contribue non seulement au bon fonctionnement des armées, mais aussi à la capacité de résilience de la Nation face aux crises traversées ». Aussi, je souhaiterais vous interroger sur le thème de la résilience nationale. La conférence des présidents de l’Assemblée nationale a créé une mission d’information sur ce sujet, à laquelle de nombreux membres de notre commission participent. Nos premiers travaux nous montrent, au-delà des grands outils dont nous disposons, à quel point l’adhésion à un projet commun et la force morale de chaque citoyen comptent en matière de résilience nationale. Du reste, dès l’Antiquité, Thucydide affirmait que « la force de la cité ne réside ni dans ses remparts, ni dans ses vaisseaux, mais dans le caractère de ses citoyens ». La résilience étant inscrite parmi les objectifs de votre mission, pourriez-vous nous dire comment vous envisagez ce concept et comment votre ministère y contribue ?

M. Jean Lassalle. Si être « ancien quelque chose » est toujours extrêmement douloureux, je me suis rendu compte, au cours de ma longue carrière de maire, qu’être ancien combattant est certainement le plus difficile à vivre ! Les anciens de 14-18 s’imposaient sans qu’ils aient quoi que ce soit à dire ; les anciens de 39 n’ont été reconnus que le jour où les anciens combattants de la première guerre mondiale sont décédés. Les anciens d’Indochine m’ont semblé les plus perturbés, au point de ne jamais se remettre vraiment, selon ce que j’ai constaté. Enfin, les anciens d’Algérie ont eu besoin de beaucoup de temps pour exprimer leur immense souffrance, dont nous ne prenons vraiment conscience que maintenant. Au regard de tout cela, vous incarnez, madame la ministre, un changement qui réside en la compréhension, la reconnaissance et une forme de solidarité émanant de l’État, aboutissant à une cohésion nouvelle entre la nation et le monde combattant.

M. Bastien Lachaud. Encore une fois, je déplore que les annexes budgétaires aient été publiées qu’au tout dernier moment, nous privant ainsi de toute possibilité de commenter en détail le PLF. Néanmoins, je salue la revalorisation du point PMI, tout en regrettant qu’elle intervienne si tard dans le quinquennat. L’approche de l’élection présidentielle n’est sans doute pas étrangère à cette décision !

Ma première question concerne les moyens alloués au service de santé des armées au bénéfice des blessés et anciens combattants. J’ai en effet défendu une proposition de loi visant à faciliter l’accompagnement des blessés psychiques. Or les travaux préparatoires ont mis en lumière le déficit de moyens pour assurer leur suivi – je pense en particulier au témoignage d’une personne ayant dû passer d’une consultation par mois à une consultation tous les trois mois en raison d’un manque de personnel.

Ma seconde question porte sur la situation des personnels civils de recrutement local (PCRL). L’évacuation de Kaboul a constitué un nouvel épisode d’une histoire peu glorieuse, puisqu’il a été constaté, à cette occasion, que les différentes opérations de relocalisation n’avaient pas permis de mettre à l’abri toutes les personnes ayant coopéré et aidé la France. Je souhaiterais donc savoir ce qu’il en est désormais pour les PCRL sur l’ensemble des théâtres d’opérations.

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Madame Roques-Etienne, pour répondre à vos questions le plus concrètement possible, nous avons voulu sortir d’une logique de coup de pouce pour mettre en œuvre une méthode plus affirmée et plus stable dans le but de redonner confiance au monde combattant. Au 1er janvier 2022, la valeur du point PMI passera de 14,70 euros à 15,05 euros – le coût de cette hausse est estimé à 32,8 millions d’euros. Ce point évolue toujours en fonction des indices de traitement de la fonction publique – cela ne changera pas ; il s’agit, en l’espèce, de prendre en compte, de surcroît, l’évolution de l’inflation. Concrètement, la retraite du combattant passera, au 1er janvier 2022, de 764,40 euros à 782,60 euros. Quant aux bénéficiaires d’une PMI de 500 points, qui sont majoritaires, ils profiteront d’une augmentation annuelle de 175 euros, leur pension étant portée de 7 350 à 7 525 euros par an.

À la suite du succès de la troisième édition de l’appel à projets services numériques innovants destinés au tourisme de mémoire, dont les lauréats sont connus depuis le 4 mai, j’ai souhaité abonder l’enveloppe financière correspondante, qui passera de 80 000 à 92 000 euros. Il s’agit de soutenir des projets innovants pour la transmission mémorielle, qui ont un impact important sur le tourisme de mémoire puisqu’ils contribuent à mettre en valeur certains lieux de façon différente. Le ministère se trouve ainsi en lien avec d’autres acteurs de la valorisation mémorielle comme des associations, des communes ou des offices de tourisme. Il existe un label Qualité Tourisme spécifique aux lieux de mémoire. Les nouveaux vecteurs de mémoire, comme le numérique, dont l’approche interactive facilite la compréhension dynamique des lieux, et les anciens se complètent de manière intéressante.

Monsieur Delatte, je vous remercie pour vos propos. La commission tripartite regroupe des associations – la Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA), l’Union française des associations de combattants et de victimes de guerre (UFAC), la Fédération nationale des anciens des missions extérieures (FNAME) – et, en principe, un représentant de l’Assemblée nationale et un représentant du Sénat. Je regrette que ce dernier n’ait désigné personne et qu’aucun sénateur ne se soit impliqué au sein de cette commission. Si je trouve important que le Parlement participe à ces travaux, comme nous l’avions souhaité, il faudrait encore que les personnes pressenties le veuillent.

Pourquoi la revalorisation du point PMI n’est-elle pas automatique ? C’est un sujet très complexe et très technique. Il se trouve que l’évolution de l’inflation n’est absolument pas linéaire. Ainsi, si j’avais retenu comme point de départ, non pas 2018, mais 2017, année de ma prise de fonctions, le montant de la revalorisation aurait été ramené à 13,5 millions d’euros car, en 2017, nous subissions une déflation. L’évolution n’étant pas linéaire, nous devons faire le point de façon régulière, tous les deux ans. Comme vous pouvez le constater, il y a derrière cette décision une vraie raison technique.

Monsieur Michel-Kleisbauer, vous êtes un éminent rapporteur et vous suivez vos dossiers avec beaucoup d’attention, tant sur le terrain que sur le plan national. Au 31 décembre 2014, 293 pupilles de la nation étaient accompagnées par l’ONACVG, pour un budget d’environ 871 000 euros, soit un peu moins de 1 500 interventions financières. Au 31 décembre 2020, on dénombrait 966 pupilles accompagnées par l’Office, pour un budget de 3 665 000 euros et 5 300 interventions financières. Ainsi, entre 2015 et 2020, le nombre de pupilles a progressé de 230 % et le montant qui leur est consacré de 320 %. Cette augmentation est liée aux attentats, puisque les enfants des victimes d’attentats sont pupilles de la nation.

La proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et à valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, adoptée en première lecture par le Sénat le 23 septembre, tend à créer le statut de pupille de la République et prévoit un accompagnement identique à celui des pupilles de la nation. Ce statut concerne notamment les enfants des soignants décédés des suites de la covid-19, mais aussi ceux des agents décédés dans des conditions particulières et qui pourraient bénéficier du statut de mort au service de la République. L’important, c’est la reconnaissance et la prise en charge des enfants dont les parents sont décédés dans des conditions dramatiques, au service de la République.

Monsieur Gassilloud, la résilience est un très beau sujet, un thème qui me tient à cœur, surtout dans la période que nous vivons. Nous avons traversé une crise sanitaire d’une ampleur inédite, notamment par son impact sur l’économie et notre vie quotidienne. Mais notre histoire nationale est marquée par de nombreux grands moments de crise : la défaite militaire et la guerre civile en 1870 et 1871, la guerre totale faisant 1,7 million de morts en 1914-1918, la défaite humiliante, l’occupation du territoire et la tragédie de la déportation et de la Shoah pendant la seconde guerre mondiale, la mobilisation du contingent dans une guerre longue en Algérie et la crise politique majeure qu’elle a provoquée. Le souvenir de ces crises et conflits, dont nous transmettons la mémoire, a un impact fondamental sur la capacité de résilience de la nation. Il est nécessaire de savoir d’où nous venons pour déterminer où nous allons et, surtout, comment nous y allons. Notre pays a traversé des épreuves dont il s’est relevé souvent plus fort. Nous souhaitons que notre mémoire nationale fasse place à un dialogue et à une compréhension mutuelle de nos différentes mémoires, dans le respect de la vérité historique. C’est un vecteur de cohésion, et la résilience de la nation passe par la cohésion nationale.

Nous parlerons beaucoup, dans les mois à venir, du conflit d’Algérie. À l’initiative de l’ONACVG, sont organisées, devant des élèves de troisième ou des lycéens pour lesquels la guerre d’Algérie est au programme, des présentations à quatre voix regroupant un ancien combattant, un ancien indépendantiste, un ancien harki et un ancien rapatrié, venus dire tous ensemble leur mémoire et expliquer, de façon simple et apaisée, ce qu’ils ont vécu ainsi que leurs différences d’approche. C’est un bon exemple de ce pour quoi nous œuvrons. Nous devons promouvoir ce genre d’actions afin que nos mémoires ne se combattent pas mais se respectent. Elles sont différentes : respectons les différences ! Je suis très favorable à la multiplication de ce genre d’actions, car elles ont un sens fort pour notre résilience nationale puisqu’il s’agit de sujets franco-français.

Monsieur Lassalle, oui, les anciens jouent un rôle important dans nos territoires. Ils favorisent notre cohésion nationale et font partie de notre mémoire commune. Il est vrai que, juste après les conflits, les événements sont tus par tous. Les rescapés des camps de la mort pendant la Shoah n’ont livré leurs témoignages que bien longtemps après les faits, certainement à cause d’un effet de sidération mais aussi pour des raisons psychologiques. Nous devons continuer à accorder une attention particulière à nos anciens combattants et les impliquer dans la réflexion sur la résilience de la nation, car au-delà de leur mémoire, les valeurs qu’ils défendent sont importantes.

Monsieur Lachaud, vous ne pouvez pas dire que la revalorisation du point PMI a été décidée en vue de l’élection présidentielle. Regardez l’action que nous avons menée pendant quatre ans : la carte 1962-1964, par exemple, a été créée dès le début du quinquennat. Tous les ans, nous réalisons des avancées selon un engagement que j’avais pris et que nous avons collectivement tenu.

Nous avons créé un véritable parcours pour l’accompagnement des blessés, y compris pour les blessés psychiques. Il existe pour eux des droits à réparation spécifiques. S’agissant de l’exemple que vous mentionnez, il ne m’est pas possible de vous répondre, même si je suis médecin. Est-il impossible de recevoir ce blessé en consultation, ou bien les médecins ont-ils simplement jugé qu’une visite tous les trois mois suffisait ? Je ne peux pas savoir. Mais il est certain que le service de santé des armées connaît les mêmes problèmes de manque de médecins que le reste de la nation, car les armées ne sont pas hors sol. Quoi qu’il en soit, les blessés psychiques bénéficient d’un accompagnement très privilégié assuré par nos services de psychiatrie, d’autant que nous avons développé un nouveau service pour compléter encore le soutien à ces blessés. Je veux parler du dispositif Athos, qui vise à réinsérer les blessés psychiques sur le plan psychosocial, dans la vie quotidienne, est expérimenté sur deux sites – l’un à Cambes, en Gironde, l’autre à Toulon. Ce nouveau dispositif, que nous enrichissons en permanence, entend prendre en charge le blessé dans tout son parcours de la façon la plus attentive et la plus efficace possible. Tout n’est pas parfait, mais l’effort des hôpitaux, des commandants d’unités et de l’ONACVG, qui prend en charge certains blessés sur le long terme, est important.

Vous m’avez également interrogée sur les PCRL. Entre 2011 et 2014, la France s’est engagée en Afghanistan, sous mandat de l’ONU, pour maintenir la sécurité. Nous avons eu recours à des personnels civils recrutés localement pour aider nos armées. Entre 2013 et 2015, avec le désengagement progressif de la France, des campagnes d’accueil pour les anciens employés et leurs familles ont été organisées, compte tenu des risques encourus par ces personnels s’ils restaient en Afghanistan. Plusieurs centaines de personnes ont choisi de rejoindre la France, tandis que d’autres ont souhaité rester dans leur pays. En 2017, le Président de la République a souhaité que la situation des PCRL soit reconsidérée et qu’un nouveau dispositif d’accueil soit organisé. En 2021, un autre dispositif a été déployé par le ministère des affaires étrangères pour les agents de droit local employés par l’ambassade ayant eu le statut de PCRL. Le Président de la République a indiqué clairement, le 16 août dernier, que tout serait fait, dans la mesure du possible, pour permettre l’évacuation des Afghans qui ont aidé la France. La majorité des ex-PCRL ayant travaillé au service de nos armées et ayant demandé à être évacués sont désormais en France avec leur famille, en sécurité.

M. Charles de la Verpillière. Le dernier budget du quinquennat est celui des bonnes nouvelles en vue de l’élection présidentielle – je dirais que c’est normal ! Je pense évidemment à la revalorisation, bien tardive, du point PMI. Mais si ce budget est celui des bonnes nouvelles, il nous offre également l’occasion de recenser les promesses non tenues du quinquennat qui s’achève. Je pense par exemple au service national universel qui, comme son nom l’indique, devait, selon les promesses du candidat Emmanuel Macron, concerner l’ensemble de chaque classe d’âge, soit environ 600 000 à 700 000 jeunes par an. Je sais que votre ministère n’est pas chargé de ce dossier, qui relève du ministère de l’éducation nationale, mais vous l’avez vous-même évoqué lorsque vous avez parlé du service militaire volontaire. Par ailleurs, nous savons que les militaires devraient jouer un rôle majeur dans la mise en œuvre du service national universel, lorsqu’il verra vraiment le jour. Aussi, pouvez-vous faire le point sur l’engagement du ministère des armées et des militaires dans ce domaine ?

Mme la présidente Françoise Dumas. Il ne vous a pas échappé que la crise liée au covid a freiné certains projets.

Mme Patricia Mirallès. En début de semaine, je me suis rendue au centre de formation initiale des militaires (CEFIM) de Dieuze. J’ai eu l’occasion d’y admirer le travail fondamental de formation de nos forces, mais également la contribution de ce centre au lien armée-nation, en particulier avec le lycée Charles-Hermite. En effet, comme beaucoup d’autres régiments de France, le CEFIM de Dieuze participe depuis plusieurs années à l’animation d’une classe de seconde défense. De tels échanges contribuent à éliminer de nombreuses idées préconçues sur la fonction militaire, car nos armées souffrent d’être mal connues d’une grande part de la population française. L’idée n’est pas ici de faire nécessairement de ces lycéens de futurs militaires, mais de leur transmettre des clés pour comprendre la spécificité de l’engagement au sein des armées.

Dans ce domaine, nous devons bien évidemment travailler au niveau interministériel, avec le ministère de l’éducation nationale. Le régiment du CEFIM de Dieuze est prêt à accueillir, et il s’en réjouit, 400 SNU en 2022. Beaucoup de jeunes sont très engagés ; nous pouvons compter sur notre jeunesse.

Enfin, puisque la question des blessés a été abordée, je tenais à mentionner l’expérimentation de la médiation canine avec les blessés en état de stress post-traumatique : deux soldats volontaires vivent une expérience extraordinaire après avoir adopté un chien, grâce notamment à l’intervention de la cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre.

Mme Marianne Dubois. La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation accuse une baisse d’environ 200 millions d’euros dans le PLF pour 2022. La chose a pu surprendre, dès lors que le Président de la République a annoncé, le mois dernier, la création d’un fonds de réparation destiné aux harkis doté de 300 millions d’euros. La commission des finances a précisé, il y a deux semaines, que la non-intégration de cette mesure dans le PLF pour 2022 s’expliquait par un manque de visibilité sur les futures dispositions législatives, et plus précisément sur les critères d’éligibilité qui seront fixés pour l’accès à ce fonds. Puisqu’elle affectera de manière non négligeable le budget 2022, pouvez-vous nous exposer les grandes lignes de la future loi créant le fonds pour les harkis ?

M. Christophe Blanchet. Beaucoup a été fait depuis 2017 pour reconnaître l’action de nos soldats, assurer leur suivi et les accompagner lorsqu’ils quittent l’institution. Votre action a été déterminante à cet égard. La semaine dernière, j’ai eu le plaisir de vous recevoir dans le Calvados, où vous avez visité le centre d’appels du département de la reconnaissance et la réparation de l’ONACVG. Ce service, qui peut être joint par un numéro unique, le 0 801 907 901, permet d’aider les ressortissants dans leurs démarches et de les orienter vers le service compétent. Ainsi, à Caen, dix-huit agents volontaires se relaient chaque jour pour répondre aux ressortissants de l’ONACVG qui accomplissent des démarches relatives à leur reconnaissance, à leur réparation, à leur pension, à leurs droits accessoires, à leurs mentions, à leur indemnisation, ou posent des questions liées aux monuments aux morts. Pouvez-vous nous expliquer brièvement le fonctionnement de ce numéro ? L’agent du centre d’appels peut-il rappeler quelqu’un qui aurait tenté de le joindre ? Les objectifs sont-ils atteints ? Comment donner encore plus de visibilité à ce beau projet ?

M. Jacques Marilossian. Je tiens à saluer le travail que vous avez mené pour la mémoire et les anciens combattants. Le projet de loi de finances pour 2022 nous donne l’occasion de revenir sur les mesures prises en faveur des anciens combattants, notamment ceux de la quatrième génération du feu. Par exemple, le 30 septembre dernier, vous avez inauguré à Caen une plateforme d’appel, avec un numéro unique, destinée à faciliter les démarches des anciens combattants et des victimes de guerre. Dix-huit agents de l’ONACVG sont dédiés à cette plateforme. Je vous félicite de cette mesure, qui va dans le bon sens. Quels sont les autres dispositifs mis en œuvre pour faciliter les démarches des nouveaux anciens combattants et quels sont les moyens qui vont leur être consacrés ?

M. Jean-Marie Fiévet. Au titre du droit à réparation, reconnu par le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre, les titulaires d’une pension militaire d’invalidité bénéficient de la gratuité des soins et appareillages ; les autres affections non pensionnées sont prises en charge à 100 %. Ainsi, l’exonération des forfaits hospitaliers issue du droit à réparation s’applique aux bénéficiaires d’une pension militaire d’invalidité, quel que soit le motif de l’hospitalisation. Or ce principe a été mis à mal par l’instauration d’un forfait patient urgences de 18 euros dû par les assurés pour chaque passage aux urgences. Pour les invalides de guerre, ce forfait est réduit à 8 euros mais cela n’en représente pas moins, selon les associations d’invalides de guerre, une remise en cause de leur droit à réparation. Bien que ce dispositif vienne remplacer une méthode plus inégalitaire, pourriez-vous nous indiquer si cette charge va être redéfinie dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), afin que nos braves puissent bénéficier d’une exonération totale ?

M. Jean-Pierre Cubertafon. La question que je souhaitais poser rejoint celle de ma collègue Roques-Etienne, dont je salue le travail de très grande qualité. C’est une avancée significative que de rehausser la valeur du point PMI et d’assurer un suivi régulier de son évolution. Vous envoyez un signal important aux anciens combattants, porteurs de la mémoire de nos armées. Cette mesure sera appréciée.

M. Didier Le Gac. Ce budget est le dernier du quinquennat, et c’est l’occasion de rappeler que vous avez été, pour le monde combattant, une interlocutrice constante et à l’écoute. Grâce au travail que vous avez mené, nous abordons cette fin de législature dans une relative sérénité et un respect mutuel avec les associations du monde combattant.

Je voulais vous interroger sur le service militaire volontaire (SMV) car, à l’heure où nous trouvons tant de littérature sur le revenu d’engagement, j’ai lu avec beaucoup d’admiration que le taux d’insertion professionnelle des jeunes que nous accueillons avait atteint 73 % ou 74 %. Discutez-vous de cette question avec votre collègue ministre du travail ? Est-il envisageable de transposer ce que nous avons réussi à un autre dispositif pour la jeunesse ?

Mme Françoise Ballet-Blu. Nous avons tous pu constater l’émotion bien légitime qui étreint l’opinion lorsque, par malheur, un soldat meurt pour la France. Ce fut le cas dernièrement, à l’occasion de la mort du caporal-chef du septième bataillon de chasseurs alpins de Varces, Maxime Blasco, dont les faits d’armes, particulièrement impressionnants, ont été révélés. Cela a ajouté à l’émotion une vague d’admiration pour ces hommes hors du commun, ces héros du quotidien qui se battent sur des théâtres d’opérations extrêmement dangereux, dans le but non seulement de libérer des populations du joug islamiste, mais aussi de protéger le territoire français. Quelles sont les mesures concrètes prévues par le Gouvernement dans le PLF pour 2022 afin que la mémoire de ces combattants demeure vivante, notamment dans l’esprit des enfants de la République ? Envisagez-vous d’utiliser les nouvelles technologies numériques, dont ceux-ci sont friands ?

M. Christophe Lejeune. Si je devais retenir une mesure emblématique de votre action au cours de ce quinquennat, ce serait l’extension de la carte du combattant aux services effectués en Algérie entre 1962 et 1964.

Le programme 167 Liens entre la Nation et son armée comporte une action consacrée aux liens entre la jeunesse et les armées, dont relève notamment l’organisation de la JDC. La crise sanitaire a eu un impact non négligeable sur cette dernière. Malgré le contexte difficile, le ministère s’est attaché à continuer de jouer son rôle de détection et d’orientation des jeunes en difficulté, et s’est remarquablement adapté pour préserver le lien entre la défense et la nation – je tiens d’ailleurs à vous remercier, madame la ministre déléguée, ainsi que vos équipes et tous ceux qui ont contribué à cette noble tâche. La JDC s’est donc effectuée essentiellement en ligne pendant les confinements, et pour cause.

Dès septembre et octobre 2020, un nouveau dispositif en présentiel a été mis en œuvre, qui devrait rester en vigueur jusqu’à la fin de cette année. Pouvez-vous dresser un bilan de la stratégie de votre ministère durant la crise sanitaire concernant la JDC et son impact sur les finances en particulier ? Combien de jeunes doivent encore effectuer leur JDC d’ici à la fin de l’année ? Un retour au dispositif normal est-il prévu prochainement ?

Mme Séverine Gipson. Nous avons voté, à l’article 51 de la loi de programmation militaire (LPM), le transfert du contentieux des pensions militaires d’invalidité et des droits annexes aux juridictions administratives de droit commun et son corollaire, la mise en œuvre d’un mode de règlement des litiges différent, sous la forme d’un recours administratif préalable obligatoire. Il me semble que ce transfert avait été décidé en raison de nombreux dysfonctionnements constatés au sein des juridictions des pensions, notamment d’une certaine lenteur de la procédure, et de problèmes structurels liés à une procédure contentieuse spécifique. Malgré ces difficultés, la réforme que nous avons votée dans le cadre de la LPM avait suscité des craintes de la part des associations du monde combattant. Près de deux ans après l’entrée en vigueur de cette réforme, pourriez-vous nous dire ce qu’il en est de sa mise en œuvre et de son efficacité ? Le monde combattant est-il satisfait de cette réforme ou les critiques perdurent-elles ?

M. Jean-Louis Thiériot. J’assistais dimanche dernier à l’assemblée générale de la fédération des associations d’anciens combattants de Seine-et-Marne. Ses membres ont évoqué la question du point PMI – je n’y reviens pas. Tous se sont également dits très sensibles au devoir de mémoire. Ils se rappellent les mots de Clemenceau : ces hommes ordinaires à qui on fait faire des choses extraordinaires, « ils ont des droits sur nous ». Or on m’a fait part, comme presque à chaque fois, de difficultés rencontrées avec l’éducation nationale. Dans certains établissements, des enseignants et des directeurs mobilisent les jeunes, notamment pour les cérémonies patriotiques, et tout se passe formidablement bien ; a contrario, d’autres établissements ne souhaitent rien organiser. Il est nécessaire de trouver une manière de traiter ce problème afin d’assurer correctement le devoir de mémoire.

Avec la nouvelle génération du feu, composée de ceux qui sont allés en OPEX, nous constatons une réticence des militaires à l’engagement dans les associations d’anciens combattants lorsque leurs contrats arrivent à leur terme. Prévoyez-vous un effort spécifique destiné à favoriser leur investissement dans les associations d’anciens combattants ? Je propose, pour ma part, de créer une réserve mémorielle pour les personnes sorties de leur engagement militaire strict afin qu’elles contribuent au devoir de mémoire pour ceux qui ont tout donné pour notre pays.

M. Jean-Charles Larsonneur. En mars dernier a été lancé le plan Ambition armées-jeunesse (PAAJ), animé par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ), qui vise à consolider la cohésion nationale en développant l’esprit citoyen, à renforcer l’attractivité des métiers de la défense et à soutenir l’égalité des chances. À cette fin, le budget 2022 en faveur de la jeunesse augmente de 2,69 millions d’euros par rapport à 2021, atteignant 23,59 millions d’euros en crédits de paiement, ce qui est une très bonne nouvelle – mais l’effort a été constant tout au long du quinquennat.

Puisque mes collègues ont déjà évoqué la JDC et le SMV, je voudrais me focaliser sur le doublement du nombre de classes défense et sécurité globale (CDSG). Ce dispositif, qui consiste en un parrainage d’une classe par une unité des armées – par exemple de la gendarmerie nationale – ou d’un acteur de sécurité – pompiers, police nationale –, était jusqu’ici disponible dans quelques académies. Si je comprends bien, il sera élargi à l’ensemble du territoire, le nombre de ces classes passant de 600 en 2021 à 800 en 2022. Dans le Finistère, nous avons la chance de dénombrer douze de ces CDSG, et je forme le vœu que ce dispositif s’étende, de façon plus approfondie, notamment dans les zones d’éducation prioritaire. Pouvez-vous nous en dire un peu plus au sujet de ce dispositif, du processus de sélection des conventions, du projet pédagogique, de son bilan, notamment en matière de lutte contre le décrochage scolaire, et des moyens qui lui sont affectés ? En outre, comment concevez-vous le lien avec l’éducation nationale pour assurer le déploiement et le bon fonctionnement de ces classes ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Monsieur de la Verpillière, je ne reviendrai pas sur votre affirmation selon laquelle la revalorisation du point PMI serait arrivée de façon tardive. En accord avec les associations, nous avons retardé la mise en œuvre des recommandations de la commission tripartite pour prendre en compte les évolutions des grilles de rémunérations dans la fonction publique et pour en constater les effets. Nous avons conclu que nous avions eu raison d’attendre, puisque nous avons noté des répercussions.

On ne peut pas dire du SNU qu’il est une promesse non tenue. Il a d’abord connu une phase expérimentale, la première année. Puis, en raison de la crise sanitaire, qui interdisait les regroupements, ce genre de projet a été mis à l’arrêt. L’année 2020 a ainsi été une année blanche. Si 2 000 jeunes ont participé au SNU la première année, en 2019, 15 000 jeunes ont effectué leur SNU en 2021, et nous avons pour objectif d’atteindre les 50 000 jeunes en 2022. Ce dispositif, dont est chargée Mme Sarah El Haïry, prend progressivement son envol, et les difficultés qu’il rencontre sont dues à la crise sanitaire et non à une absence de volonté politique.

Les militaires assurent la formation des chefs de centres. Par ailleurs, au cours du stage de cohésion, d’une durée de deux semaines, la journée défense mémoire (JDM) est assurée, dans les mêmes conditions que la JDC, par des militaires, notamment des gendarmes qui apportent leur témoignage – ce module est mis en place par la DSNJ. En revanche, nous ne participons pas à l’encadrement des jeunes. Néanmoins, un tiers des encadrants ont porté un uniforme : ce sont d’anciens policiers, d’anciens gendarmes, d’anciens pompiers, mais ce ne sont pas des militaires. Cela n’affecte donc pas le fonctionnement de notre ministère.

Je suis assez fière que notre ministère ait développé un autre pan du SNU, à savoir les missions d’intérêt général ayant pour thèmes la défense et la mémoire, certaines étant prises en charge par des unités militaires, d’autres par des associations mémorielles. Près de deux mille jeunes effectueront une mission d’intérêt général au sein des armées en 2021-2022. En étant introduits dans une unité militaire, ces jeunes tissent des liens avec l’armée et prennent conscience de nos valeurs.

Madame Mirallès, monsieur Larsonneur, j’ai proposé, par souci de clarté, que les classes défense et sécurité globale prennent le nom de classes de défense. Ces classes, de la troisième à la terminale, sont constituées d’élèves volontaires. Les programmes scolaires y sont enseignés comme partout ailleurs, mais elles développent tout au long de l’année, hors temps scolaire, des actions en lien avec une unité militaire qui les parraine. Notez qu’elles ont été créées à l’initiative de professeurs, de proviseurs ou de principaux de collèges qui, intéressés par ces sujets, ont décidé de développer ce type de classes dans leurs établissements. Fruit de propositions personnelles, elles ne sont donc pas nécessairement coordonnées. Notre rôle est de les encourager et de les aider à s’organiser sur le territoire, où elles ne sont pas réparties de manière homogène – certains départements ne comptent aucun établissement engagé dans ce style de projet ou sont même dépourvus d’unités militaires. Nous nous efforçons alors de faciliter les choses : ce n’est pas parce qu’un département est privé d’unité militaire qu’un parrainage n’est pas possible. Nous encourageons ainsi la création de liens entre nos armées et les établissements scolaires par le biais d’un navire de la marine nationale ou de fanfares militaires, par exemple. La présence d’une classe de défense est bénéfique pour tout l’établissement : l’esprit rejaillit sur tous, et encore davantage lorsque les associations du monde combattant sont intégrées dans ces dispositifs ou qu’un drapeau est confié à une classe, par exemple.

La DPMA soutient cet enseignement de défense et nous encourageons des projets, entre autres des voyages scolaires et des déplacements vers les unités militaires. En 2019, 25 000 euros ont été accordés à ces classes, qui répondent à un réel besoin.

Monsieur Thiériot, j’ai rencontré récemment Sarah El Haïry, secrétaire d’État auprès du ministre de l’éducation nationale, de la jeunesse et des sports, chargée de la jeunesse et de l’engagement, pour lui proposer d’élaborer un véritable protocole d’accord entre l’éducation nationale et les armées visant non seulement à développer les classes de défense, mais aussi à renforcer nos liens. Nous devons en outre sensibiliser les professeurs aux enjeux de la défense, en leur donnant des outils, et intensifier nos actions en ce sens. Alors qu’il existait 240 de ces classes en 2017, lors de ma prise de fonctions, on en compte 380 actuellement. Avec le ministère de l’éducation nationale, nous sommes bien d’accord pour tout faire pour doubler leur nombre.

Madame Mirallès, les animaux sont, en effet, des vecteurs apaisants pour les blessés psychiques.

Madame Dubois, les harkis bénéficient depuis quatre ans d’une reconnaissance et d’une réparation croissantes. Nous avons, ensemble, décidé l’augmentation la plus importante de l’allocation de reconnaissance pour les harkis combattants et leurs veuves et créé un fonds de solidarité pour leurs enfants en grande difficulté sociale consécutivement à leur séjour prolongé dans les camps et hameaux de forestage. Le chef de l’État, qui, dans son discours du 20 septembre 2021, a demandé pardon au nom de la République, laquelle a manqué à ses devoirs envers des Français, souhaite une loi de reconnaissance et de réparation pour les harkis combattants et leurs familles, qui ont été accueillis sur notre territoire dans des camps et des hameaux de forestage, privés de libertés et de droits essentiels. Un projet de loi sera donc présenté au Conseil des ministres le 20 octobre, puis il vous sera transmis immédiatement en vue de son adoption définitive avant la fin de l’année. Lorsque nous avons préparé le budget 2022, cet objectif n’y figurait pas : nous travaillons donc en ce moment pour que les fonds nécessaires soient disponibles en 2022. Un travail fin est réalisé dans ce but, notamment par l’ONACVG, que je remercie pour sa souplesse et son adaptabilité.

Monsieur Blanchet, c’était la deuxième fois que je visitais le centre d’appels de Caen, où se trouve le département de la reconnaissance et la réparation de l’ONACVG, qui instruit toutes les demandes de cartes et de titres. Je salue l’instauration d’un numéro vert, gratuit bien sûr, à destination du monde combattant, qui permet de joindre un interlocuteur aux heures ouvrables, du lundi au vendredi. Ce numéro unique vise à faciliter les contacts entre l’ONACVG et ceux de ses ressortissants qui voudraient poser une question particulière, répondant en cela à un objectif du COP de l’Office. Ce numéro existe depuis le mois de juin et a déjà reçu, sans aucune publicité, pas moins de 1 000 appels. Je salue les personnels de notre service de Caen qui se sont portés volontaires pour faire fonctionner ce dispositif en plus de leur travail habituel. Il était opportun de développer ce centre à cet endroit, puisqu’environ 40 % des appels reçus par l’ONACVG concernent ce service.

Monsieur Marilossian, l’ONACVG, qui est aussi présent dans les départements d’outre-mer et en Afrique du Nord, comprend 104 services départementaux. Le COP a encore consolidé sa position départementale. L’Office est un service essentiel et de proximité, puisqu’il a, pendant la crise sanitaire, appelé presque chaque semaine tous ses ressortissants, notamment les plus fragiles, pour vérifier qu’ils allaient bien. Mais il est la maison de tous les combattants : il développe aussi des canaux de communication pour les plus jeunes, en particulier ceux qui reviennent d’OPEX. L’Office instaure des dispositifs de dématérialisation des demandes, entre autres de la carte du combattant, afin de promouvoir ces dispositifs auprès des jeunes. Il organisera également des permanences dans les espaces Atlas, points uniques pour faciliter les démarches des militaires. L’idée générale est de permettre aux jeunes anciens combattants ayant effectué plus de quatre mois en opérations extérieures, qui par là sont éligibles à la carte du combattant et pourront prétendre à 65 ans à la retraite du combattant, de faire directement leur demande avant leur départ des armées.

Le nombre d’anciens combattants au titre des OPEX s’élève environ à 200 000. C’est beaucoup moins que le nombre d’anciens combattants de la guerre d’Algérie. Le monde combattant évolue. Les jeunes anciens combattants ont davantage d’affinités régimentaires fortes, et sont plus à l’aise avec la notion d’amicale qu’avec celle d’association. Néanmoins, les associations généralistes, comme l’Union nationale des combattants (UNC), l’Association nationale des participants aux opérations extérieures (ANOPEX) ou la FNAME-OPEX essaient d’aller vers eux. Les jeunes anciens combattants n’ont pas les mêmes priorités pour le moment mais, par la suite, ils passeront de l’amicale à l’association. Nous ne pouvons que souhaiter qu’ils s’engagent dans le monde associatif.

Monsieur Fiévet, le forfait patient urgences, sur lequel vous m’avez déjà alertée, a été réduit à 8 euros pour les anciens combattants bénéficiant d’une PMI, au lieu d’être ramené à zéro dans le cadre de la reconnaissance et de la réparation de la nation. J’ai prévenu le ministère des solidarités et de la santé de cette situation particulière, et il s’est montré très à l’écoute. A priori, cette exonération au bénéfice des pensionnés devrait être rétablie dans un article du PLFSS pour 2022. J’imagine combien vous serez attentif à ce que cet article soit voté.

Monsieur Le Gac, vous vous félicitiez du taux d’insertion professionnelle de 74 % ou 75 % pour les jeunes accueillis dans le cadre du SMV. Ce dernier repose sur un engagement volontaire du jeune – j’insiste sur le mot « volontaire » –, même s’il existe des prescripteurs, comme les missions locales. Pendant pas moins de deux mois, le jeune bénéficie d’une formation militaire, certes sans armes, mais qui lui apprend un savoir-être très apprécié par les entreprises. Les établissements pour l’insertion dans l’emploi participent également au dispositif.

Comment étendre à d’autres domaines ce dispositif favorisant l’insertion professionnelle ? Nos armées font l’effort de s’inscrire dans ce système d’insertion alors que ce n’est pas leur mission première, qui est de travailler à la protection de la nation. Le SMV fonctionne, nous allons l’amplifier, et s’il doit servir de modèle pour d’autres, nous restons à la disposition de tous ceux qui seront curieux d’observer les méthodes mises en œuvre pour parvenir à une réussite similaire en matière de savoir-être. Une fois ce savoir-être acquis, il est souvent plus simple de briguer le savoir.

Madame Ballet-Blu, il me semble que la crise sanitaire a encouragé la création de nouveaux outils au service de la transmission mémorielle, notamment à destination de la jeunesse. Certaines cérémonies sont désormais retransmises en direct, ce qui permet à beaucoup d’y assister à distance et d’élargir ainsi le champ des spectateurs. Puisque la crise sanitaire ne nous a pas permis de mener toutes les actions prévues en 2020, comme la commémoration de l’année 1940, nous avons créé des webséries et des jeux – l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la défense a ainsi conçu un jeu sérieux, dit serious game, sur de Gaulle. Nous essayons de nous adapter à la jeunesse, plus coutumière des outils numériques.

Je pense aussi à tous les concours scolaires organisés par l’ONACVG ou la DPMA, loin d’être désuets, comme les Petits artistes de la mémoire, auxquels 100 classes participent, Bulles de mémoire, où 147 classes sont inscrites, ou encore Héritiers de mémoire, qui récompense 151 projets scolaires de l’enseignement général mais aussi technique, professionnel et agricole. Ces concours sont un moyen de pénétrer les établissements. Par ailleurs, plusieurs missions d’intérêt général du SNU sont axées sur la mémoire – entre autres, l’hommage aux anciens par la participation aux journées nationales commémoratives et la valorisation de nos lieux de mémoire.

Je constate également l’impact sur les jeunes des séquences de témoignages dans les établissements scolaires, que nous soutenons par le biais de l’ONACVG. Dernièrement, à Caen, j’ai entendu le témoignage d’anciens déportés dans des camps d’extermination ou de travail forcé, organisé par les Amis de la Fondation de la mémoire de la déportation. Les jeunes étaient très marqués par ces récits. Avant que nos anciens ne disparaissent, nous avons le devoir de recueillir leurs témoignages et nous aurons la responsabilité de les faire vivre par les moyens numériques. Je crois beaucoup à l’impact des vidéos et des jeux, mais un témoignage donné en face-à-face, les yeux dans les yeux, est irremplaçable.

En 2020, grâce à l’adaptation rapide de nos services, près de 615 000 jeunes ont pu effectuer leur JDC sur 350 sites en métropole et en outre-mer. À compter de juin 2021, nous avons déployé, sur la période allant de la fin août à la fin octobre, une JDC adaptée, qui se déroulait sur une demi-journée, sans repas, pour nous adapter aux préconisations sanitaires. Nous avons même mis en œuvre, de fin novembre 2020 à fin mai 2021, une JDC en ligne, qui a été suivie par près de 750 000 jeunes de métropole. Toutes ces mesures d’adaptation ont permis de limiter le retard accumulé à 160 000 jeunes reportés de 2020 à 2021. Pour ne pas les pénaliser, nous avons poursuivi la JDC adaptée sur une demi-journée. Aussi, 338 000 jeunes doivent effectuer leur JDC d’ici la fin de l’année. Je pense que le système actuel se poursuivra jusqu’en juin 2022, et j’espère que nous serons en mesure de reprendre les JDC classiques l’année scolaire suivante.

Madame Gipson, vous avez abordé le sujet très intéressant des contentieux PMI, dont la réforme a suscité des interrogations parmi les associations. J’ai mis du temps à les en convaincre, mais je peux l’affirmer : le nouveau système est meilleur que l’ancien. La justice se prononce beaucoup plus rapidement. Je vous en donne quelques preuves en chiffres : pour les sujets qui nous concernent, le délai moyen de jugement d’un tribunal administratif est d’environ sept mois, celui d’une cour administrative d’appel de cinq mois, alors qu’autrefois, les juridictions spécialisées pour les pensions rendaient leurs décisions dans un délai de vingt-deux à vingt-quatre mois.

Autre amélioration : la création d’un recours administratif préalable devant la Commission de recours de l’invalidité (CRI) donne la possibilité de régler le problème en interne, avant d’aller devant les tribunaux. La CRI est composée de sept membres, dont deux représentants des associations, et se réunit une à deux fois par mois. Entre novembre 2019 et octobre 2020, elle a été saisie de 410 recours et a traité 209 dossiers ; 25 % des décisions rendues sont des décisions d’agrément total ou partiel.

M. Jean-Pierre Cubertafon. Le numéro vert mis en place à Caen peut-il être adapté à d’autres départements ?

Mme Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée. Il s’agit d’un numéro national. Un ressortissant de Dordogne, par exemple, peut appeler à ce numéro, sans savoir du reste que son interlocuteur est à Caen. Si sa question concerne ses titres et cartes, il obtiendra une réponse immédiate ; si elle concerne un autre sujet, on lui indiquera quel est l’interlocuteur le plus adapté.

Mme la présidente Françoise Dumas. Merci, madame la ministre, de nous avoir apporté toutes ces précisions. Vous avez tout à la fois dressé le bilan de vos actions et défini le cadre dans lequel nous allons pouvoir travailler au dernier budget du quinquennat. Je salue encore une fois votre travail en faveur de la mémoire et des anciens combattants, et surtout votre façon de travailler, fidèle à ce que vous êtes dans la vie comme dans votre engagement politique : vous partez du terrain, des intervenants, des associations, comme nous avons pu le constater lors des travaux sur la revalorisation du point PMI. C’est la bonne façon de servir notre pays et notre République. Cet esprit devra aussi nous animer lors de la discussion du futur projet de loi relatif aux harkis.


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II.   Audition de représentants d’associations d’anciens combattants

La commission de la Défense nationale et des forces armées a entendu des représentants d’associations d’anciens combattants, sur le projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482), au cours de sa réunion du 19 octobre 2021.

Les débats sont accessibles sur le portail vidéo du site de l’Assemblée à l’adresse suivante :

http://assnat.fr/IgMIec

 

 


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III.   Examen des crédits

La commission de la Défense nationale et des forces armées a examiné, pour avis, les crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation » au cours de ses réunions du 20 octobre 2021.

 

 

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis. « Le Souvenir ! Ce n’est pas seulement un pieux hommage rendu aux morts, mais un ferment toujours à l’œuvre dans les actions des vivants ». Ces mots ont été prononcés par le général de Gaulle le 23 avril 1968. Cette exigence morale fonde toujours le droit à reconnaissance et à réparation envers ceux auxquels, selon la formule de Georges Clemenceau, nous devons « tout, sans aucune réserve ».

Je tiens à saluer l’action du Gouvernement en faveur du monde combattant. Au cours du quinquennat, le droit à reconnaissance et à réparation a connu des avancées majeures, répondant à des revendications de longue date des associations représentatives, allant de la carte du combattant de la campagne 62/64 à l’attribution de la demi-part fiscale aux veuves de plus de soixante-quatorze ans, la majoration de la pension de réversion pour les conjoints survivants des grands invalides de guerre et l’accroissement de la retraite du combattant de cinquante à cinquante-deux points.

J’ai l’honneur d’être pour la cinquième fois rapporteur pour avis des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation. Une fois encore, ils font honneur à notre pays. Jusqu’à l’an dernier la mission comportait trois programmes : le programme 167 Liens entre la Nation et son armée, le programme 169 Reconnaissance et réparation en faveur du monde combattant et le programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale. L’évolution de la maquette budgétaire a pour effet d’élargir le périmètre du programme 169, en raison de l’intégration en son sein des mesures auparavant inscrites au programme 167. Les deux premiers programmes précités ont été fusionnés pour des raisons techniques. Le programme 169 ainsi remodelé retrace les crédits relatifs aux actions et aux interventions au profit du monde combattant, destinées à témoigner la reconnaissance de la Nation à leur égard, au premier rang desquelles les pensions militaires d’invalidité (PMI), les droits associés et la retraite du combattant, ainsi que les crédits relatifs au financement des politiques concourant à l’esprit de défense, des actions destinées à la jeunesse et de la politique de mémoire.

Le projet de budget de la mission pour 2022 s’élève à 2,016 milliards d’euros en crédits de paiement, soit une diminution de 73,1 millions par rapport à la loi de finances initiale pour 2021. Cette baisse de 3,5 % reflète la diminution naturelle du nombre de bénéficiaires de la dette viagère, qui est de 6 %. L’attrition des PMI et de la retraite du combattant s’explique par le fait que l’immense majorité des anciens combattants a combattu pendant la guerre d’Algérie.

Cette année, l’effort en faveur des bénéficiaires du point PMI est sans précédent. Le projet de budget intègre le financement de sa revalorisation, qui détermine le niveau de la retraite du combattant et le plafond des rentes mutualistes. Cette augmentation est une revendication de longue date des associations d’anciens combattants. L’engagement pris par la ministre déléguée auprès de la ministre des armées, chargée de la mémoire et des anciens combattants, Geneviève Darrieussecq, de mettre en place une commission tripartite, chargée d’en apprécier l’opportunité et les modalités, a été tenu.

Installée le 7 décembre 2020, cette commission a associé des représentants de l’État issus du ministère des armées et de la direction du budget du ministère de l’économie, des finances et de la relance, des représentants des associations d’anciens combattants et notre collègue Muriel Roques-Etienne. Nous sommes surpris que le Sénat ait délibérément fait le choix de ne désigner personne. Les représentants d’associations d’anciens combattants auditionnés hier le sont aussi. Ce jeu de la chaise vide est surprenant. Seul de Gaulle pouvait se le permettre, et n’est pas de Gaulle qui veut. Nous ne pouvons que regretter cette absence.

Mme la ministre déléguée a indiqué devant notre commission le 6 octobre 2021 que les travaux de la commission tripartite ont mis en lumière la nécessité d’un rattrapage de la valeur du point PMI, compte tenu de l’évolution de l’inflation. Le rapport qui lui a été remis le 17 mars 2021 préconise de faire évoluer sa valeur à la hausse à compter du 1er janvier 2022. Le Gouvernement y est favorable.

L’article 42 du projet de loi de finances pour 2022, rattaché à la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, modifie l’article L. 125-2 du code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre afin de fixer la valeur du point PMI à 15,05 euros dès le 1er janvier 2022, soit une augmentation de 2,39 % et de 35 centimes par rapport au 1er janvier 2021, ce qui permet un rattrapage des effets de l’inflation depuis le 1er janvier 2018. Je rappelle que nous prenons pour référence l’année 2018 parce que l’année 2017 a été une année de déflation. La prendre comme référence aurait fait reculer la valeur du point PMI. Le coût net de cette mesure est évalué à 30 millions d’euros. Elle compense l’évolution de l’inflation de 2018 à 2020 en faisant passer le montant de la retraite du combattant, dont le nombre de bénéficiaires est d’environ 800 000, de 764,40 euros à 782,60 euros par mois.

L’opérateur public principal qu’est l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) bénéficiera en 2022 du maintien de sa subvention pour charge de service public, à hauteur de 56,3 millions d’euros. Ce montant est conforme aux dispositions du contrat d’objectifs et de performance (COP) 2020-2025.

J’en viens au budget de la politique de mémoire, qui est de 17,85 millions d’euros, et représente 0,9 % des ressources du programme 169. Le budget de l’action 09 augmente de 300 000 euros, afin notamment de financer des opérations de modernisation et de logistique, s’agissant par exemple de la cérémonie du 14 juillet, et de poursuivre le programme de rénovation du patrimoine mémoriel de pierre.

Des crédits de 12,6 millions d’euros sont consacrés à l’entretien, la rénovation et la valorisation des lieux de mémoire en France et à l’étranger, soit 1 000 cimetières dans quatre-vingts pays. Ce patrimoine inclut les nécropoles et les sépultures de guerre, qui comptent en tout près de 100 000 tombes et soixante-six ossuaires. Par ailleurs, le nombre de hauts lieux de la mémoire nationale a été porté à dix avec l’inauguration, en 2019, du monument aux morts pour la France en opérations extérieures.

Membre de l’Assemblée parlementaire de l’OTAN, je suis attaché à l’attention portée aux sépultures de guerre françaises à l’étranger, notamment en Europe de l’Est et en Afrique. Je me félicite qu’elles fassent l’objet de financements à la hauteur des enjeux, comme je l’ai rappelé aux représentants du monde combattant auditionnés hier. Cette année, des opérations de rénovation ont été engagées en Croatie, en Érythrée, au Niger et au Pakistan.

Dotée de 26 millions d’euros, soit 1,4 % des ressources inscrites à ce programme, l’action 07 du programme 169 supporte le coût des mesures prises en faveur des rapatriés. Leur importance dépasse de loin ce faible pourcentage, tant les souffrances endurées par les harkis et les rapatriés sont encore vives, et lourdes pour leurs descendants, et les conséquences des conditions rarement dignes de leur accueil en France, le plus souvent dans des camps.

Ces crédits sont fléchés à hauteur de 71,8 % vers le financement de deux dispositifs destinés aux rapatriés et aux harkis.

L’allocation de reconnaissance versée aux harkis et aux rapatriés âgés d’au moins soixante ans et ayant déposé leur dossier avant le 19 décembre 2014 est un dispositif forclos bénéficiant à plus de 4 000 harkis et conjoints survivants, dont 2 700 hommes et 1 400 femmes. Le projet annuel de performance (PAP) annexé au présent projet de loi de finances estime à plus de 4 000 le nombre de rentes versées, soit un montant annuel de 3 227 euros par bénéficiaire.

L’allocation viagère est versée au profit des conjoints et ex-conjoints survivants de harkis ayant élu domicile en France. En juillet 2021, plus de 1 300 veuves d’anciens supplétifs en bénéficiaient. En 2022, le nombre de bénéficiaires est évalué à plus de 1 385, soit un montant annuel moyen de 4 430 euros par bénéficiaire.

Le projet de loi annoncé par le Président de la République créera un nouveau dispositif de réparation. Les deux allocations précitées ont été revalorisées de 100 euros par les lois de finances initiales 2017 et 2018, et de 400 euros par la LFI 2019. Ces allocations sont mécaniquement revalorisées chaque année en fonction de l’évolution de l’indice des prix à la consommation. C’est pourquoi les crédits consacrés à ces allocations augmentent, alors même que le nombre total de bénéficiaires décroît légèrement.

J’en viens à la politique visant à renforcer le lien armées-jeunesse, dont les ressources sont désormais retracées à l’action 08 du programme 169, qui y consacre 1,2 % de ses crédits, soit 23,6 millions en autorisations d’engagement et 23,59 millions en crédits de paiement. Auparavant centrée sur le financement de la Journée défense et citoyenneté (JDC), cette action couvre désormais toutes les politiques mises en œuvre par la direction du service national et de la jeunesse (DSNJ) du ministère des armées, notamment le service militaire volontaire (SMV) et les dispositifs complémentaires en direction de la jeunesse, conformément au plan ambition armées-jeunesse 2022. Je tiens à saluer les services de la DSNJ, qui ont réussi à maintenir la JDC en dépit de la crise sanitaire. Les effectifs du SMV, qui sont passés de 1 000 à 1 200 personnes, seront portés à 1 500 personnes, conformément à l’engagement du Président de la République de créer une antenne du SMV à Marseille.

Je vous invite à lire la partie thématique de mon rapport, que j’ai consacrée aux dispositions applicables aux pupilles de la Nation, statut créé lors de la Première Guerre Mondiale. Ce statut unique en Europe, particulièrement protecteur est méconnu du public même s’il a été malheureusement « réactualisé en quelque sorte avec la vague d’attentats dont a été victime notre pays. Je tiens à souligner qu’il s’agit d’un droit qui ni contraignant ni obligeant. Chacun en fait ce qu’il veut et on cesse d’être pupille de la Nation à sa mort. Ce statut sera complété par celui de pupille de la République, prévu par la proposition de loi visant à consolider notre modèle de sécurité civile et valoriser le volontariat des sapeurs-pompiers et les sapeurs-pompiers professionnels, portée par Fabien Matras, au profit des enfants de sapeurs-pompiers morts dans l’exercice de leur mission.

Mme Sabine Thillaye. Nous avons évoqué avec la ministre déléguée le projet de circuit de lieux de mémoire européens. L’idée fait-elle son chemin ? Il s’agit, dans le cadre d’un récit européen de notre histoire commune, de lier nos lieux de mémoire respectifs en y consacrant un montant minimal de moyens financiers.

M. Yannick Favennec-Bécot. Hier, lors de l’audition des représentants des associations d’anciens combattants, nous avons évoqué le regroupement des cérémonies, qui sont nombreuses. L’expérience prouve qu’elles n’attirent malheureusement pas toujours un public fourni. N’aurions-nous pas intérêt à favoriser leur regroupement, par exemple en une seule cérémonie qui pourrait avoir lieu le 11 novembre ?

Mme Sereine Mauborgne. Monsieur le rapporteur pour avis, je salue votre travail. La question des liens armées-jeunesse est toujours intéressante dans nos territoires, notamment dans le Var, où nous avons la chance de concentrer un tiers des effectifs des cadets de la défense.

J’aimerais vous interroger sur le nombre de cartes du combattant délivrées au titre des opérations extérieures (OPEX). Les dernières générations du feu sont nombreuses. Quelle est la proportion d’anciens combattants projetés sur les théâtres extérieurs qui demandent une carte du combattant ?

M. Jean-Jacques Ferrara. J’adresse mes félicitations à M. le rapporteur pour avis pour ses cinq ans de fort engagement pour le monde combattant.

J’ai interrogé la semaine dernière la secrétaire générale pour l’administration du ministère des armées sur les futures ouvertures de centres du Service Militaire Volontaire. Monsieur le rapporteur pour avis, avez-vous des informations à ce sujet ? Des interrogations sur leur localisation, dans les Hauts-de-France ou dans le grand Sud-Ouest, demeurent. Par ailleurs, de nombreuses Journées Défense et Citoyenneté ont eu lieu en visioconférence en raison de la crise sanitaire. Pouvez-vous en dresser le bilan ?

M. Rémi Delatte. Les associations d’anciens combattants ne semblent pas d’accord entre elles sur ce point PMI. Il serait plus simple d’indexer cette actualisation sur l’indice des prix à la consommation (IPC), qui sert de référence à de nombreuses actualisations. Monsieur le rapporteur pour avis, quelle est votre position à ce sujet ? Quelle mission pourrions-nous confier à la commission tripartite si nous adoptions l’actualisation systématique du point PMI ?

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis. Les remerciements que vous m’avez adressés me touchent. Toutefois, le travail que j’ai fait, chacun ici l’aurait fait de la même façon, compte tenu du respect que nous devons à nos glorieux aînés. S’ils aiment travailler avec nous, c’est parce que nous leur offrons une tribune, et parce que nos rapports reflètent fidèlement la diversité de leurs opinions. Je sais que chacun d’entre vous fait preuve d’attention et de considération respect envers nos anciens sur le terrain et dans les fédérations nationales.

Le circuit de lieux de mémoire évoqué par Sabine Thillaye s’intitule « Les chemins de mémoire ». Cette appellation est préférable à « tourisme de mémoire ». Notre collègue Christophe Blanchet connaît bien ceux de Normandie, en faveur desquels il s’est beaucoup investi. L’idée de leur donner une dimension européenne est née lors de l’itinérance mémorielle de 2018, qui clôturait le cycle des commémorations de la Grande guerre. La présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE), au premier semestre 2022, offrira l’occasion de proposer plusieurs actions, que Mme la ministre déléguée nous présentera sans doute le moment venu.

Le regroupement des cérémonies en une seule, qui se tiendrait le 11 novembre, a fait l’objet d’une loi promulguée en 2012. Il s’est avéré qu’une telle évolution signait la mort de nos porte-drapeaux et de nos anciens combattants en général. Ils sont heureux et fiers de sortir environ une fois par mois à l’occasion de l’une des onze à treize cérémonies de commémoration nationales ou locales.

Comme l’a rappelé hier le général Longuet, président de l’Union nationale des combattants (UNC), rien n’interdit de donner plus d’importance et de panache à l’une d’entre elles, ce qui présenterait l’intérêt d’attirer plus de monde. Nous constatons tous, que nous soyons de droite ou de gauche, que ces cérémonies, à part celles du 8 mai et du 11 novembre, ont pour seul public la majorité et l’opposition municipales, et encore pas toujours au complet. Toutefois, si nous regroupons les cérémonies en une seule, il est à craindre que les porte-drapeaux et les anciens combattants resteront chez eux et dépériront. C’est pourquoi les associations d’anciens combattants, à l’exception de l’UNC, sont favorables au maintien de plusieurs cérémonies. Quant à nous, nous recueillir au monument aux morts, dans nos villes, n’est pas un mal.

Madame Mauborgne, je vous remercie de votre investissement auprès des cadets de la défense, dont le Var compte effectivement un effectif record. Le nombre de cartes du combattant délivrées au titre des OPEX a dépassé 200 000 cette année pour la première fois, pour atteindre 243 000. Elle est délivrée à quiconque a passé 120 jours au feu, ce qui exclut certains combattants, parfois à quelques jours près. Au titre des combats en Afghanistan, 28 415 cartes ont été délivrées. À titre de comparaison, 43 298 cartes ont été délivrées aux anciens combattants d’ex-Yougoslavie et 10 000 aux anciens combattants déployés au Liban. Le bénéficiaire le plus jeune a dix-neuf ans : ancien combattant, il est notre benjamin à tous.

Cher Jean-Jacques Ferrara, je vous retourne le compliment. Où que je me rende, encore récemment à la base aérienne d’Istres, vous vous êtes rendu avant moi, et on m’en parle. Vos travaux font honneur à notre commission.

La JDC numérique a été mise en œuvre à partir du 23 novembre 2020. Un temps d’adaptation a été nécessaire, mais nos services ont bien travaillé, accueillant 165 000 jeunes du 23 novembre au 31 décembre 2020 et 552 000 du 1er janvier au 31 mai 2021, soit au total 718 000 jeunes métropolitains et ultramarins. En 2022, la JDC numérique bénéficiera d’un budget de 20,37 millions, soit une augmentation significative de 2,43 millions.

De même, les effectifs du SMV, qui avaient été augmentés de 1000 à 1200 personnes, passeront à 1 500 personnes. Cette progression par paliers s’explique par le fait que les crédits consacrés au SMV n’incluent pas le financement de son encadrement, qui est prélevé sur la masse salariale des armées. Plus les armées fourniront du personnel d’encadrement, plus le SMV prendra de l’ampleur. L’objectif est d’ouvrir au moins un centre du SMV par région.

Le général Paul Dodane, vice-président des Gueules cassées, a rappelé hier les enjeux de la valeur du point PMI. Les divergences ne portent pas sur son mode de calcul, mais sur le nombre d’années de rattrapage que nous avons arbitrairement retenu. Lorsque nous sommes arrivés aux affaires, en 2017, la valeur du point PMI était indexée depuis longtemps sur celle du point d’indice de la fonction publique, elle-même gelée. Les associations du monde combattant et mémoriel, le fameux G12, demandaient unanimement la formation d’une commission tripartite où elles siégeraient aux côtés de représentants de l’État et de membres du Parlement. Cette commission devait se réunir au premier semestre 2020, ce qui n’a pas été possible en raison de la crise du covid-19.

Nous avons donc prévu un rattrapage tous les deux ans, ce qui leur est d’autant plus favorable que nous vivons une période d’inflation, particulièrement défavorable au contraire en cas d’indexation de la valeur du point PMI sur celle du point d’indice de la fonction publique, qui est gelé. Pour la même raison, le rattrapage se fonde sur la valeur du point PMI de 2018 et non sur celle de 2017, année de déflation. Nous avons entendu hier des reproches, légitimes au demeurant, sur le choix de cette date, mais pas sur le mode de calcul de la valeur du point PMI, qui est conforme au souhait des associations.

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Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, nous en venons cet après-midi aux interventions des orateurs de groupe, puis à l’examen des amendements et au vote sur les missions Défense, Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, et Sécurités.

M. Jacques Marilossian. Pour la cinquième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation. Pour la quatrième année consécutive, il est conforme à la trajectoire de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Les crédits de la mission Défense pour 2022 s’élèvent à 40,9 milliards d’euros, contre 32,3 milliards en 2017, soit un effort de 26 milliards en cinq ans.

Depuis 2017, la volonté politique du Président de la République, du Gouvernement et du Parlement a permis de sortir nos forces armées d’un cercle vicieux fait de réductions des capacités, des effectifs, mais aussi des ambitions. Nos armées avaient fini par mettre en pratique un terrible concept : perdre la guerre avant la guerre. Nous avons mis fin à ce cercle vicieux pour leur redonner les moyens qui leur permettront d’assumer à nouveau la vocation mondiale de puissance d’équilibre de la France. Comme l’a dit Mme Parly, d’ici à 2030, la France doit pouvoir intervenir partout où ses intérêts sont en jeu, gagner sur tous les terrains et l’emporter face à tous les ennemis, seule ou en coalition.

En examinant chaque année le budget de la défense au sein de notre commission, nous avons contribué, à notre façon, selon nos sensibilités politiques, à soutenir le modèle d’armée complet, équilibré, dans la durée, qui est notre objectif depuis la revue stratégique de 2017. Je tiens à féliciter l’ensemble des rapporteurs, qui ont apporté une pierre à l’édifice et ont contribué à la renaissance de nos forces armées – j’ai été moi-même rapporteur pour avis du budget de la marine pendant les trois premières années de la législature.

La ministre de la défense nous a annoncé, pour 2022, des livraisons d’équipements à hauteur de 23,7 milliards, mais aussi une commande militaire d’un montant de 36 milliards, dont plus de 8 milliards pour les programmes majeurs. L’ensemble des armées sont concernées, des véhicules blindés aux frégates, en passant par les équipements radio, les avions, les satellites, etc. N’oublions pas les 603 millions de commandes anticipées dans le secteur aéronautique, qui portent sur trois A330 de transport stratégique, huit hélicoptères Caracal et des systèmes de drone pour la marine. Ces commandes permettent à nos industries de défense d’innover et de produire. Elles sont le tissu indispensable à notre autonomie stratégique nationale mais aussi européenne. Nous pouvons nous féliciter que, face aux conséquences de la pandémie mondiale, qui ont logiquement affecté les livraisons, nous ayons pu ajuster les priorités aux disponibilités, tout en maintenant le niveau d’investissement.

La mission Défense prévoit d’importantes livraisons d’équipements en 2022, comme, par exemple, 245 véhicules blindés Griffon, les premiers engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar, les drones Patroller, une frégate – La Lorraine –, un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA), des capacités exploratoires pour les grands fonds marins, des avions ravitailleurs MRTT Phénix et des satellites.

Le maintien en condition opérationnelle (MCO) bénéficie en 2022 d’un investissement de plus de 5 milliards d’euros ; 2,4 milliards sont consacrés au renouvellement de nos infrastructures, notamment pour les équipements à venir. Des moyens substantiels sont encore affectés, cette année, au renseignement, à l’espace, à la cyberdéfense – 376 nouveaux postes sont créés dans le cyber – et, bien sûr, à la dissuasion nucléaire, afin de préserver notre souveraineté.

S’agissant de la recherche, l’Agence de l’innovation de défense (AID) bénéficiera d’un soutien de plus de 1 milliard d’euros. Pour les hommes et leur famille, le budget 2022 consacre 2 milliards au plan famille, aux petits équipements du quotidien et aux structures d’hébergement. L’effort budgétaire consenti encore cette année n’ignore donc pas ce qui fait le cœur de nos armées : les femmes et les hommes, qu’ils soient sur terre, dans les airs ou en mer. Rappelons qu’en 2022, nous recruterons plus de 26 000 personnes.

Le budget 2022 est bien au service d’une démarche stratégique qui, comme l’a dit le chef d’état-major, nous permet de gagner la guerre avant la guerre. Plusieurs défis continueront cependant à se poser à nos forces armées dans le cadre de la prochaine législature et de la future loi de programmation militaire. Sur un plan opérationnel, j’en retiens deux en particulier : des tensions dans le recrutement et la fidélisation des hommes ; l’approvisionnement en munitions pour la préparation opérationnelle.

Enfin, sur le plan stratégique, nous devons poursuivre l’effort de défense, afin que la France puisse continuer à défendre sa souveraineté, à jouer son rôle de puissance d’équilibre dans le monde – je pense bien sûr à la zone Indo-Pacifique.

Avant de disposer d’une véritable défense européenne, autonome, dotée d’une boussole stratégique, nous devons nous préparer au retour du combat à haute intensité et aux défis que nous lancent les puissances autoritaires et agressives dans de nombreuses régions du monde. Poursuivre nos efforts, c’est bien l’ordre de marche qui doit être le nôtre !

Le groupe La République en marche votera ce budget.

M. Jean-Louis Thiériot. Il est difficile de se prononcer sur ce budget, car on peut voir à la fois le verre à moitié plein et à moitié vide. D’un côté, nous ne pouvons que constater un certain nombre d’éléments très positifs : la LPM est respectée de bout en bout, le budget est en hausse de 1,7 milliard et on observe, sur le terrain, un mouvement de réparation, une remontée en puissance de nos forces. Tous ces facteurs nous inciteraient à voter le budget.

Cela étant, un phénomène s’est aggravé depuis la revue stratégique de 2017 : la poussée des tensions dans la zone Indo-Pacifique. Nous savons ce qui s’est passé avec l’Australie et nous observons les actions en cours à l’égard de Taïwan. Il y a aujourd’hui un véritable débat de fond sur le format de notre marine – l’amiral Vandier nous l’a rappelé.

D’autres questions restent ouvertes, comme l’a montré le rapport de Jean-Jacques Ferrara sur la force aérienne. Je salue les exportations de Rafale en Croatie et en Grèce, qui constituent un succès collectif de la Team France. Cela étant, nous connaîtrons une baisse capacitaire temporaire liée à ces ventes de matériels d’occasion, puisque nous ne disposerons plus que d’un parc de 117 Rafale au lieu de 129.

Il est un autre sujet, un peu plus marginal, mais qui n’en constitue pas moins un signe un peu inquiétant : la décision prise par l’armée de retarder quelques commandes de Griffon pour développer les matériels dont nous avions un besoin impératif : le véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE) et les engins du génie. On a connu la même tendance pour toutes les LPM : afin de respecter les impératifs budgétaires, on retarde des programmes.

Deux raisons expliquent que notre groupe, après des débats nourris, s’abstiendra lors du vote de ces crédits.

Premièrement, il était prévu initialement que nous débattions de l’actualisation de la LPM. Nous regrettons tous que cela n’ait pas été le cas.

Deuxièmement, j’avais milité pour que le plan de relance comporte un quatrième pilier, consacré à la défense et à la sécurité. Rappelons que le déficit public est passé de 3,3 % du PIB avant la crise du covid à 6,7 % aujourd’hui. Ces quelques milliards supplémentaires nous auraient permis de conserver notre avantage compétitif, qui repose sur un modèle d’armée complet, d’emploi, et notre capacité à jouer un rôle d’équilibre.

Je qualifierai notre abstention de « bienveillante ». Nous saluons les efforts accomplis, mais nous savons combien il est difficile de rattraper des engagements budgétaires non tenus – toutes les familles politiques ont leur part de responsabilité en la matière. Les décisions que nous prenons aujourd’hui affectent les hommes et les femmes de nos armées, qui sont en première ligne. À l’avenir, c’est à eux, d’abord, que nous devrons rendre des comptes.

Mme la présidente Françoise Dumas. Ils ont aussi en mémoire les décennies de restrictions, qui n’ont pas encore été rattrapées. Je peux concevoir que vous fassiez le choix de l’abstention pour des motifs politiques, mais c’est plus difficile à comprendre pour nos soldats, qui ont subi, depuis vingt ans, les conséquences de choix budgétaires auxquels votre groupe a pris part.

M. Thomas Gassilloud. Nous sommes réunis pour examiner notre cinquième et dernier budget de la défense de la législature, qui est aussi le quatrième de la LPM 2019-2025, ainsi que les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation et ceux de la gendarmerie.

La surprise réservée par le budget de la défense est qu’il est sans surprise. Il résulte d’une volonté politique et se concrétise par une augmentation des crédits de 1,7 milliard d’euros, laquelle respecte parfaitement les engagements pris dans le cadre de la LPM 2019-2025. Certaines recommandations du groupe Agir ensemble ont été prises en compte. Lors de l’examen du PLF 2021, nous avions alerté le Gouvernement sur deux points : le manque de déclinaison opérationnelle sur le retour de la haute intensité et la nécessité d’adapter notre stratégie au Sahel. Le budget répond à ces attentes. D’une part, il prévoit la livraison des capacités critiques nécessaires pour crédibiliser notre force armée dans l’hypothèse d’un conflit de haute intensité. D’autre part, l’action Surcoûts liés aux opérations extérieures du programme 178 permet à notre dispositif militaire au Sahel d’évoluer.

Par ailleurs, le budget exploite l’hybridité pour offrir à la France de meilleurs leviers d’influence, notamment en consacrant 646 millions à l’espace, 231 millions au cyber et près de 400 millions au renseignement.

Je voudrais également souligner la complémentarité des plans France relance et France 2030, qui font la part belle aux enjeux militaires et de dualité, qu’il s’agisse du nucléaire, de l’espace, du cyber et des fonds sous-marins. Ces crédits s’ajouteront au budget prévu par la LPM. La défense contribue ainsi à favoriser le développement technologique du pays.

Je rappelle aussi que les crédits du Fonds européen de la défense (FED), dont le montant annuel s’élève à 1,2 milliard d’euros, s’ajouteront aux efforts nationaux.

Cela étant dit, nous aurions aimé que le budget alloué aux forces des réserves suive la dynamique générale, notamment s’agissant de la réserve opérationnelle.

Par ailleurs, il faut veiller à ce que les moyens alloués au cyber, au renseignement et à l’espace s’inscrivent dans un cadre équilibré, qui préserve le financement des autres armées. Avec Sereine Mauborgne, je serai particulièrement attentif aux effectifs de la force opérationnelle terrestre.

La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation envoie des signaux forts au monde combattant, dans le prolongement de ce qui a été fait depuis 2017. Cette année, on doit noter l’évolution du point de la pension militaire d’invalidité (PMI). Par ailleurs, les crédits affectés à la journée défense et citoyenneté (JDC) sont en hausse de 2 millions d’euros et ceux dédiés au service militaire volontaire (SMV) sont confortés à un niveau de 3 millions d’euros.

Nous voterons donc sans réserve et avec enthousiasme les crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. En dressant le bilan de notre action depuis 2017, je ne vois pas un seul domaine dans lequel on aurait régressé. Jacques Marilossian et Thomas Gassilloud ont très bien décrit tout ce qui a progressé. Il y a des programmes dont le démarrage a été retardé, mais pour des raisons qui tiennent plus à la chronologie et à la préparation qu’au budget proprement dit. La trajectoire financière a été pleinement respectée depuis le début de la LPM.

Je tiens à rassurer ceux qui ont peur pour l’avenir. Nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait. Nous avons pesé, par notre soutien – je pense, par exemple, aux rapporteurs successifs du budget de la marine – sur cette évolution budgétaire.

Le Figaro d’hier faisait état de la bataille relative aux Small Modular Reactors (SMR), que j’évoque depuis plusieurs mois. Le Président de la République a souhaité que nous entrions dans la compétition, en développant une filière 100 % française du nucléaire civil faiblement enrichi à 4 ou 5 %. Ce projet résulte, pour partie, des travaux de notre commission. Naval Group et TechnicAtome développent les microcentrales les plus performantes en Europe, et probablement au monde. Là où les Américains ont inventé le nucléaire, nous concevons les micro-chaudières les plus compactes.

Au-delà de la trajectoire financière adoptée dans la LPM, nous avons su réagir au moment où il le fallait. Cela a été le cas pour le nucléaire, mais aussi pour la défense et l’espace. La ministre de la défense a ainsi augmenté les budgets pour permettre à Toulouse de remporter la compétition relative à l’implantation du centre d’excellence de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pour l’espace. Je citerai également notre action en matière de cybersécurité. En février 2018, Louis Gautier, alors à la tête du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) nous présentait la première revue stratégique de cybersécurité. Dès l’hiver suivant, la ministre exposait la doctrine de la lutte informatique offensive (LIO), autrement dit la capacité de riposte cybersécuritaire, dotée d’effectifs en hausse. Nous avons consolidé les domaines stratégiques à mesure que les besoins apparaissaient.

Des inquiétudes sont nées du fait que l’on puise dans les réserves de Rafale pour l’exportation, ce qui réduit notre parc à 117 avions au lieu de 129. C’est sans compter sur ce que nous allons peut-être vendre d’ici au prochain exercice budgétaire. Je compte bien que l’on obtienne de nouvelles commandes ! Peut-être pourra-t-on également « rétrofiter » des Mirage 2000, que l’on récupérera quelque part. On pourrait donc passer en dessous des 117 Rafale. Cela étant, je suis sûr que nous passerons la commande des douze Rafale évoquée par Jean-Jacques Ferrara ce matin et que nous atteindrons, à terme, le nombre d’appareils promis.

Le groupe Modem et démocrates apparentés votera évidemment ces budgets, mais nous voudrions que toutes les hypothèques soient levées. Nous ne pensons pas une seule seconde que l’effort que nous avons fait pendant cinq ans ne sera pas prolongé.

Mme Isabelle Santiago. Nos forces armées sont fortement mobilisées, depuis plusieurs années, dans le cadre des opérations extérieures et intérieures, sur fond de terrorisme et de crise sanitaire. Je salue le travail remarquable qu’elles accomplissent dans un contexte parfois difficile, compte tenu de la multiplication de leurs missions et de leurs engagements. Face à la montée des tensions internationales et aux menaces croissantes provenant des nouvelles tactiques de guerre hybride, les défis qui nous attendent n’ont peut-être jamais été aussi grands depuis la fin de la guerre froide. Nous mesurons jour après jour leur implication stratégique : je pense aux actions belliqueuses de puissances étrangères – Russie et Chine, pour ne citer qu’elles. L’environnement mondial est également soumis à de nombreux aléas potentiellement périlleux pour l’équilibre mondial et la paix, à l’image de l’architecture de sécurité liée à l’armement nucléaire et des tensions persistantes au sein de la zone Indo-Pacifique. Le PLF 2022 et sa mission Défense doivent s’adapter aux problématiques actuelles et à venir, ainsi qu’aux menaces grandissantes.

Je tiens à souligner ce qui va dans le bon sens. Les efforts budgétaires sont indéniables, dans la continuité d’actions déjà engagées, qui portent leurs fruits sur le terrain. La hausse de 1,7 milliard, inscrite dans la LPM, est, cette année encore, maintenue. Dans le même sens, l’effort substantiel consacré au programme 146 Équipement des forces est conforté : les crédits de paiement, qui excèdent légèrement 860 millions, financeront notamment les grands programmes d’armement, dont l’importance est cruciale. Nous notons une augmentation de 1 348 emplois comptabilisés en équivalents temps plein (ETP) entre la loi de finances initiale (LFI) 2021 et le PLF 2022. Relevons aussi les investissements en faveur des hommes, comme l’illustrent, par exemple, le plan famille et le plan ambition logement.

Mon groupe souhaite cependant vous alerter sur quelques points, notamment la baisse drastique des autorisations d’engagement des programmes 144, 178 et 146 par rapport à 2021, ce qui laisse craindre une baisse future des crédits de paiement. Des sujets primordiaux sont pourtant en jeu. Le programme 144 concerne l’anticipation des menaces, qui doit permettre d’adapter l’outil de défense aux risques émergents. Le programme 178 a trait, quant à lui, à l’amélioration de la préparation opérationnelle. La révision de la LPM indiquait que cette préparation devait faire l’objet d’une attention particulière, pour préparer nos armées aux conflits de haute intensité. Nous nous interrogeons sur la pérennité des hausses de crédits prévus par la LPM 2019-2025, dans la mesure où la marche sera encore plus haute à franchir à partir de 2023. En effet, à compter de cette date, les augmentations annuelles de crédits passeront de 1,7 à 3 milliards. Comment les objectifs financiers finaux de la LPM seront-ils tenus ?

Il n’en reste pas moins que les efforts sont indiscutables. Même si nous faisons usage de notre droit d’alerte sur plusieurs sujets, nos soldats et nos armées attendent un soutien massif et éclairé, que nous devons leur apporter. C’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés votera les crédits de la mission Défense.

M. Yannick Favennec-Bécot. Depuis le début de la législature, les députés du groupe UDI et indépendants se sont efforcés de faire preuve d’une opposition constructive à l’égard des mesures proposées par le Gouvernement et la majorité. Lorsque nous avons considéré qu’ils faisaient fausse route, nous avons affirmé notre opposition, parfois avec force, mais toujours avec l’intérêt général en ligne de mire. À l’inverse, lorsque nous avons estimé qu’une mesure allait dans le bon sens, ou qu’une réforme était bonne pour le pays, nous l’avons votée, en faisant fi de nos différences ou de nos nuances politiques. C’est sans doute cela, aussi, être centriste.

La mission Défense est dotée, pour 2022, d’un budget de 40,9 milliards d’euros. L’augmentation de 1,7 milliard de ses crédits par rapport à 2021 respecte les engagements pris dans le cadre ambitieux de la LPM. Disons-le sans ambages : ce budget nous satisfait pleinement. Alors que notre pays et notre économie ont été profondément bouleversés par la crise sanitaire, le Gouvernement aurait pu choisir la facilité, privilégier le court terme et mettre un coup de canif dans la LPM, comme bien d’autres gouvernements l’ont fait par le passé. Tel n’a pas été le cas. Nos armées et nos militaires ne servent plus de variables d’ajustement, ce dont nous nous réjouissons. Avec ce budget, la parole donnée est respectée : c’est le minimum que nous devons à ceux qui consacrent leur quotidien à la protection de la France, parfois, il faut le dire, au détriment de leur vie.

Je voudrais souligner les aspects les plus saillants du budget et renouveler les craintes que nous avions formulées en 2018 lors de l’examen de la LPM.

Parmi les éléments satisfaisants, je relèverai le milliard consacré à l’innovation, pour concevoir les technologies de demain, les 500 millions supplémentaires pour les programmes d’armement majeurs, les 337 millions destinés à l’amélioration des conditions d’hébergement et de logement de nos militaires, les 300 millions supplémentaires consacrés à l’entretien des matériels, la création nette de 450 postes dans des domaines aussi essentiels que le renseignement et la cyberdéfense, ou encore le nombre substantiel de nouveaux véhicules – 5 000 –  destinés à nos gendarmes.

Concernant nos craintes, n’oublions pas que, si la LPM est respectée quasiment à la lettre, 2023 sera marquée par une hausse de 3 milliards du budget de nos armées. Cette marche sera haute, et son franchissement ne sera pas un cadeau pour le prochain gouvernement, compte tenu notamment des nombreuses dépenses réalisées dans le présent PLF. Dit autrement, nous considérons que, pour le bien et l’avenir de nos armées, il aurait fallu mieux répartir les efforts, afin de réduire à néant les risques de faiblir.

Cela étant dit, le groupe UDI et indépendants votera néanmoins les crédits de la mission Défense.

En ce qui concerne la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, notre groupe se réjouit de la subvention de 56,36 millions d’euros au profit de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), ainsi que du maintien à 25 millions d’euros du budget consacré à l’action sociale. De même, notre groupe salue la volonté du Gouvernement d’augmenter le point de la PMI, qui s’inscrit dans la droite ligne des mesures prises en faveur du monde combattant depuis le début de cette législature.

Toutefois, notre groupe regrette que la baisse naturelle du nombre des ayants droit et ayants cause se traduise par une énième baisse du budget de la mission. Maintenir le budget à hauteur de son niveau de 2021 aurait permis, sans doute, de répondre à de nombreuses requêtes légitimes formulées depuis longtemps par le monde combattant. Le groupe UDI et indépendants proposera, en ce sens, un certain nombre d’amendements en séance publique, afin de répondre aux attentes de ces femmes et de ces hommes.

Enfin, puisqu’il s’agit de notre dernier exercice budgétaire, je vous remercie, madame la présidente, pour votre bienveillance et votre sens de l’équité.

M. Alexis Corbière. Malgré les points de désaccord que je fais entendre, et même si cette commission mériterait d’être le lieu de débats un peu plus animés, je vous remercie moi aussi pour la présidence bienveillante que vous exercez.

C’est sans doute la dernière fois de la législature que nous nous retrouvons pour parler de ces sujets importants. Cette cinquième hausse successive du budget ne doit pas faire oublier l’absence d’actualisation de la loi de programmation militaire en 2021 – et l’absence de débat sur la question.

Trop souvent, la commission de la défense est une commission de la défiance vis-à-vis des parlementaires. Vous n’en êtes pas responsable, madame la présidente : ce sont les institutions qui sont en cause. On discute chiffres et comptabilité, mais bien peu des grandes options stratégiques et géopolitiques ainsi que des conséquences que nous devons en tirer : ce ne sont pas des questions dont le Parlement se saisit. C’est là un problème de fond qui nous amènera à voter contre le projet de loi de finances, car c’est la seule manière que nous avons de manifester une opinion sur les grands choix en matière d’interventions militaires.

La LPM était censée faire l’objet d’une actualisation. Or cela n’a pas été le cas. L’environnement stratégique a pourtant connu une évolution extrêmement importante, et la pandémie a été un choc mondial. Tout cela aurait justifié des débats de fond sur les grandes orientations stratégiques à venir.

De plus, on nous soumet un budget à trous : il y a des trous capacitaires et d’autres qui sont liés aux surcoûts des opérations extérieures et des missions intérieures. Nos collègues du Sénat avaient ainsi identifié, concernant les OPEX, un surcoût de 8,6 milliards d’euros. Il m’a été répondu que les critiques du Sénat n’étaient pas pertinentes, mais les arguments avancés me laissent sur ma faim.

La LPM court jusqu’en 2025, soit au-delà de la fin du quinquennat. Une augmentation des crédits est proposée cette année, à hauteur de 1,7 milliard, mais les hausses les plus importantes sont prévues après ce quinquennat, ce qui revient à dire qu’il s’agit en réalité d’un programme électoral. Pourquoi pas, mais il faut le considérer comme tel : ce sont d’abord et avant tout des promesses qui sont faites dans l’hypothèse où la même équipe serait reconduite. On peut donc se demander si les prévisions se réaliseront dans le cas contraire. Je me méfie de cette manière de faire de grandes annonces dont l’exécution est renvoyée à une époque où le gouvernement et la majorité actuels ne sont pas assurés d’être encore aux responsabilités.

Par ailleurs, entre 2019 et 2025, 10 % de la hausse sera absorbée par la seule dissuasion nucléaire.

Nous regrettons aussi le niveau de disponibilité trop faible des appareils et l’insuffisance des moyens pour protéger les espaces maritimes. Au-delà de la bataille des chiffres, il faudra que nous ayons un jour, dans le cadre d’une vraie vie parlementaire, une réflexion collective sur la stratégie et la doctrine. Les conséquences géopolitiques de la pandémie ont changé la donne. Il en est de même du comportement de nos « amis » australiens et de l’affaire des sous-marins, qui doivent nous conduire à reconsidérer les modalités de notre participation à l’OTAN. Qu’attendons-nous pour remettre en cause notre participation à son commandement intégré ? Faudra-t-il subir de nouveaux affronts ?

L’enlisement militaire au Sahel, après huit années de guerre, devrait également nous amener à réfléchir. Depuis 2013, cinquante-deux de nos soldats sont tombés. Chaque fois que nous apprenons l’une de ces disparitions, nous sommes tous bouleversés. Mais cela devrait nous conduire à avoir une discussion politique sur les raisons de notre engagement et à envisager la possibilité de sortir de ce conflit. Nos armées font leur devoir avec beaucoup de courage, mais aucun plan politique n’accompagne l’intervention militaire. Or nous ne pouvons pas demander à nos soldats de régler des problèmes politiques.

En ce qui concerne la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, je salue la revalorisation du point de la pension militaire d’invalidité (PMI), qui sera porté à 15,05 euros à partir du 1er janvier 2022. C’est une bonne chose, mais le rattrapage est loin d’être terminé. Des écarts se sont creusés, et aucune réforme significative du système d’indexation du point n’a été engagée. La composition de la commission tripartite chargée de travailler sur le point PMI pose de nombreuses questions. Le niveau de vie des pensionnés militaires ne devrait pas être négociable. Il faut mettre en place un calendrier de rattrapage du point d’indice ; nous avons déjà perdu assez de temps. Il en va de même pour la demi-part fiscale des veuves de guerre.

Nous voterons contre ce budget en raison des nombreuses critiques que nous formulons à son encontre, mais aussi – et avant tout – car c’est pour nous une façon d’exprimer l’idée selon laquelle, dans le monde incertain qui se dessine devant nous, le Parlement doit plus que jamais se saisir de ces enjeux et mener des débats sur le fond, au lieu de se limiter à des discussions comptables.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous sommes dans un temps de discussion budgétaire : il paraît logique que nous parlions un peu de chiffres… Par ailleurs, nous avons mené de nombreuses auditions sur les conséquences de la rupture de l’accord-cadre avec l’Australie et avons eu de multiples discussions géostratégiques autour de la question. Je serais d’ailleurs ravie que vous soyez présent la semaine prochaine, lorsque nous entendrons Philippe Errera et Alice Guitton sur les futures options stratégiques en Indo-Pacifique. Cela nous permettrait de bénéficier de votre éclairage.

Je m’attache à ce que nous ayons des discussions sur les grands enjeux et sur la nécessité d’adapter nos armées, tant dans leurs moyens que dans leur stratégie opérationnelle, pour faire face aux nouvelles formes de conflictualité.

M. Alexis Corbière. Vous parlez d’or, mais il était question dans mon propos de délibération et de vote, et vous me répondez en évoquant des auditions, alors qu’il est évident que nous en menons un grand nombre.

Mme la présidente Françoise Dumas. Vous nous reprochez un manque de réflexion et de débat sur des questions essentielles, aussi je souligne que nous ne parlons pas seulement de chiffres.

M. Alexis Corbière. Les députés sont là pour décider, pas seulement pour auditionner.

Mme la présidente Françoise Dumas. Les auditions servent à nous éclairer pour qu’ensuite nous soyons en mesure de débattre et décider. Si vous considérez que notre commission n’est pas un lieu de dialogue et que les auditions que nous menons ne sont pas des moments de dialogue, j’aimerais que vous m’expliquiez où vous en trouverez !

M. Jacques Marilossian. Monsieur Corbière, vous critiquez la commission mais vous ne venez jamais aux réunions !

M. Alexis Corbière. Je constate que certains de nos collègues sont non seulement désagréables politiquement, mais en plus mal élevés !

Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. C’est le dernier budget que nous examinons au cours de cette législature. Je profite donc de l’occasion pour vous remercier à mon tour de votre bienveillance et de votre écoute, madame la présidente. J’inclus également dans mes remerciements votre prédécesseur : lui aussi s’est montré bienveillant, particulièrement à mon endroit.

Depuis 2017, les lois de finances successives témoignent d’un renforcement des missions régaliennes de l’État. C’est encore le cas avec le budget pour 2022 de la mission Défense, dont les crédits augmentent pour la troisième année consécutive. De ce point de vue, le projet de loi est en conformité avec la loi de programmation militaire. Le budget de la défense augmente de 1,7 milliard d’euros. Depuis 2017, la hausse totale est de 7,7 milliards. Dans le monde troublé qui est le nôtre, c’est une bonne chose pour notre défense collective comme pour l’innovation de nos entreprises les plus performantes, et donc pour l’emploi. Cette montée en puissance devrait en effet permettre d’augmenter les capacités opérationnelles de nos armées, de renforcer les équipements et les infrastructures militaires, y compris dans les domaines du renseignement, de la cybersécurité et de la maîtrise de l’espace, qui sont au cœur des enjeux actuels.

Toutefois, je voudrais relativiser cet effort, car si nos dépenses de défense ont augmenté de 4 %, l’augmentation moyenne en Europe est de 4,2 % et celles des États-Unis et de la Chine dépassent 6,6 %. Dans ce contexte, mon groupe souhaite vous faire part de ses inquiétudes. Comme l’an dernier, celles-ci concernent la compétitivité de nos industries de défense, fortement mises à mal par la crise sanitaire et les évolutions stratégiques mondiales, mais aussi l’excessive externalisation du soutien aux forces en opérations extérieures, notamment en matière de transport et d’affrètement aériens, que la Cour des comptes avait déjà signalée en posant la question de la qualité et de la sincérité des contrats.

Dans la loi de finances initiale de 2021, le budget total de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation s’élevait à 2 089 millions en crédits de paiement. Le PLF pour 2022 propose quant à lui de doter la mission à hauteur de 2 016 millions d’euros. Les autorisations d’engagement suivent la même trajectoire à la baisse. Ce projet de budget ne fait donc pas exception à la baisse annuelle des crédits de cette mission, en raison de la diminution tendancielle du nombre de bénéficiaires des prestations. Nous regrettons que ces financements n’aient pas été utilisés pour répondre à d’autres besoins et d’autres attentes. En revanche, nous saluons la revalorisation du point PMI.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR émet des réserves concernant ce budget. Pour ma part, à titre personnel, je le soutiens, compte tenu de l’écoute de la ministre des armées et de ses efforts en faveur des outre-mer, notamment la Martinique, où les besoins étaient importants à la suite de certains événements climatiques tels que l’ouragan Irma : Mme la ministre nous a fait parvenir des équipements.

Mme Sereine Mauborgne. M. Thiériot a parlé de l’abstention de son groupe. Je lui soumets donc cette citation d’Alphonse Allais : « Il y a des circonstances où il faut s’abstenir de jouer à la bourse, aux courses, au baccarat ou à la roulette : primo, quand on n’a pas les moyens et secundo, quand on les a ». Les militaires, eux, ne s’abstiennent pas, malgré le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, dont ils ont subi les conséquences dans les années 2010 – et les sous-officiers continuent à payer un lourd tribut à cette politique.

La commande de VBAE a effectivement été avancée, ce qui a nécessité un ajustement mineur de la trajectoire du programme SCORPION. Toutefois, celui-ci avait été accéléré en 2019, comme Thomas Gassilloud et moi-même le proposions en 2019 – cette recommandation figurait dans l’avis budgétaire relatif à la préparation et à l’emploi des forces terrestres. Malgré le ralentissement que vous évoquez, la progression reste supérieure à la prévision initiale.

Par ailleurs, nos soldats sont fortement exposés à des risques de blessures, voire à la mort : au cours des seuls mois de décembre de l’année dernière et de janvier, cinq ont perdu la vie lors de missions de reconnaissance. Celles-ci requièrent à la fois de l’agilité et de la réactivité. La décision a donc été prise en urgence de consolider les véhicules blindés légers (VBL) MK1. Le programme a démarré en février 2020, et les premiers véhicules ont été projetés en opération extérieure dès le mois de juin – je salue à cet égard l’engagement de l’équipe de Clermont-Ferrand. Il était donc nécessaire d’engager l’acquisition de VBAE. Notre mission est de protéger nos soldats, pour eux et pour leur famille. Nous devons leur donner ce qu’il y a de meilleur.

M. Claude de Ganay. Je vous remercie au nom de notre groupe, madame la présidente, pour le bon climat qui, dans l’ensemble, a régné dans la commission au cours de la législature. Au-delà de votre présidence et de celle de votre prédécesseur, les relations entre les commissaires ont été bonnes. Nous avons ainsi mené à bien des missions associant des représentants de partis différents. Il est agréable de le noter et de le rappeler. Je remercie également l’ensemble du secrétariat de la commission pour son travail.

Je ne relancerai pas le débat en répondant à Mme Mauborgne. J’indiquerai simplement que vous devez respecter notre choix. Notre abstention sera bienveillante. Nous avons souligné les efforts importants qui ont été consentis. Toutefois, nous sommes vigilants. Nous ne sommes pas à l’école, où chacun doit suivre le maître. Comme l’a rappelé M. Favennec-Bécot, la fameuse marche de 3 milliards est devant nous. L’ensemble des soldats qui nous écoutent se disent certainement que c’est une bonne chose que certains élus soient vigilants. De fait, nous devons savoir si les engagements seront tenus et si le mouvement engagé à travers la loi de programmation militaire se poursuivra. Nous avons tous souligné la pertinence de la LPM et salué la hausse des engagements financiers. Cela dit, comme l’ont souligné mes collègues rapporteurs pour avis s’agissant de l’armée de l’air et de la marine, un certain nombre d’interrogations demeurent. Il est sain, dans une démocratie, que certains se posent en vigies.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous sommes tous extrêmement attentifs et vigilants, monsieur de Ganay.

*

*     *

La commission en vient à l’examen des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et lien avec la nation ».

 

Article 20 et état B : Crédits du budget général

 

La commission examine l’amendement II-DN1 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Nous proposons de soutenir le dispositif du service militaire volontaire en augmentant ses moyens proportionnellement aux ambitions affichées. Le SMV s’inspire du service militaire adapté, qui a fait la preuve de son efficacité dans les outre-mer : il améliore considérablement le taux d’insertion professionnelle des jeunes ayant bénéficié du dispositif, alors même qu’ils étaient souvent éloignés de l’emploi. Le Gouvernement annonce que le SMV accueillera 1 500 jeunes en 2022, soit une hausse par rapport à cette année ; nous souhaitons donc augmenter la dotation du programme en conséquence.

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis. Vous avez raison de souligner que le service militaire adapté est une parfaite réussite, mais le SMV est construit selon un modèle différent.

C’est une bonne chose de proposer des crédits supplémentaires pour le dispositif, mais ce ne sont pas ceux que vous visez qui permettront de prendre en charge davantage de jeunes : c’est de l’assiette totale des effectifs que dépend la capacité à dégager le personnel nécessaire. Or la masse salariale des militaires est financée par une autre mission. Du reste, la dotation du SMV augmente de 240 000 euros.

Toutefois, nous prenons note du fait que vous souhaitez que nous allions encore plus loin dans ce domaine. Alors que le SMV accueillait 1 000 jeunes par an au début de la législature, il y en avait 1 200 en 2021, et l’an prochain ils seront 1 500. Ainsi, nous essayons d’atteindre l’objectif consistant à proposer l’accès au SMV dans chaque région.

Je vous invite donc à retirer votre amendement, quitte à le déposer de nouveau en séance. Quoi qu’il en soit, nous avons pris note du fait que vous voteriez ce budget, et nous en sommes très heureux.

L’amendement est retiré.

 

Puis, elle examine l’amendement II-DN2 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Il a pour but d’augmenter les crédits de l’action 07 Actions en faveur des rapatriés, qui comprend l’allocation de reconnaissance de la nation en faveur des Français rapatriés, des harkis et de leurs enfants, ainsi que divers soutiens aux conjoints survivants.

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis. La question de la mobilisation de la trésorerie de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) est récurrente. L’an dernier, nous avions ainsi mobilisé 4 millions d’euros provenant de la cession des maisons de retraite gérées par cet organisme. Tout l’enjeu est d’éviter que Bercy, institution aussi efficace que gourmande, n’emploie ces fonds à d’autres fins. Le contrat d’objectifs et de performance (COP) de l’ONACVG a donc défini une trajectoire budgétaire stabilisant les ressources de l’organisme pendant cinq ans. Comme vous l’avez constaté hier, tous les anciens combattants approuvent cette démarche.

Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle examine ensuite l’amendement II-DN3 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Avoir confiance dans les engagements pris lors des discussions budgétaires n’empêche pas d’être vigilant, monsieur le rapporteur pour avis.

Avec l’amendement II-DN3, il s’agit, là encore, de sécuriser le budget de l’ONACVG. Nous proposons de lui affecter 1 million d’euros supplémentaires pour faire face plus particulièrement aux surcoûts liés à la gestion opérationnelle du plan en faveur des rapatriés et des harkis.

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis. Premièrement, les fonds prévus pour la gestion opérationnelle du plan en faveur des harkis sont suffisants. D’ailleurs, chaque année, l’exécution montre une sous-consommation des crédits.

Deuxièmement, les mouvements de crédits que vous proposez posent problème. Je me suis abstenu de le relever jusqu’à présent, car l’exercice n’est pas facile : on est obligé de prélever ailleurs les crédits supplémentaires que l’on souhaite affecter à telle ou telle ligne budgétaire. Cela dit, diminuer les crédits du programme 158 Indemnisation des victimes des persécutions antisémites et des actes de barbarie pendant la seconde guerre mondiale, qui possède une importance particulière et dépend de Matignon, ce ne me semble pas adapté…

Je demande le retrait de l’amendement ; à défaut, avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

M. Philippe Michel-Kleisbauer, rapporteur pour avis. Sans surprise, je suis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation non modifiés.

 

 

 


—  1  —

   Annexe :
Auditions du rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

 Table ronde réunissant les représentants des associations d’anciens combattants :

Association de soutien à l’armée française (ASAF) – M. le général (2S) Henri Pinard Legry, ancien président de l’ASAF, chargé du développement et des partenariats ;

Association nationale des participants aux opérations extérieures (ANOPEX) – M. le colonel (H) Jean-Pierre Pakula, président ;

Fondation des plus grands invalides de guerre (FPGIG) – M. Raymond Casal, président national ;

Association républicaine des anciens combattants et victimes de guerre, des combattants pour l’amitié, la solidarité, la mémoire, l’anti-fascisme et la paix (ARAC) M. Raphaël Vahé, président national ;

Comité d’entente des grands invalides de guerreM. le général (2S) Paul Dodane, président ;

Comité national d’entente des anciens d’Indochine et des missions extérieures.M. le général (2S) Philippe Bonnet, représentant du comité lors de cette audition ;

Fédération nationale André Maginot des Anciens Combattants et des Victimes de Guerre (FNAM) – M. Richard Pernod, administrateur, président de la commission Communication ;

Fédération nationale des anciens combattants en Algérie, Maroc et Tunisie (FNACA) – M. Jean Le Saout, secrétaire général adjoint ;

Fédération nationale des anciens des missions extérieures (FNAME-OPEX) – M. Laurent Attar-Bayrou, président ;

Fédération nationale des anciens d’Outre-mer et anciens combattants des troupes de marine (FNAOM-ACTDM) – M. le général (2S) Philippe Bonnet, président ;

Fédération nationale des combattants prisonniers de guerre et combattants d’Algérie, Tunisie, Maroc (FNCPG-CATM) – M. Serge Auffredou, secrétaire général ;

Union des blessés de la face et de la tête (UBFT), « Les gueules cassées » – M. le général (2S) Paul Dodane, vice-président ;

Union fédérale des associations françaises d’anciens combattants, victimes de guerre et des jeunesses de l’Union Fédérale (UF) – M. Derwich Delaye, secrétaire général ;

Union française des associations de combattants et victimes de guerre (UFAC) – M. Gilles Surirey, trésorier général adjoint ;

Union nationale des combattants (UNC) – M. le général (2S) Hervé Longuet, président national ;

 Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG) – Mme Véronique Peaucelle-Delelis, directrice générale ;

 Ministère des Armées, Direction des patrimoines, de la mémoire et des archives (DPMA) – M. le contrôleur général des armées Sylvain Mattiucci, directeur, Mme Evelyne Piffeteau, sous-directrice de la sous-direction de la Mémoire Combattante, M.Stéphane Riquier, chargé de mission.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


([1]) Ce montant tient compte d’un élargissement du périmètre de la mission budgétaire au service militaire volontaire, qui représentent un montant de 5 millions d’euros.

([2])  Libération, article du 7 octobre 2021 « Pupilles de la nation : un droit « unique au monde » mais trop méconnu