N° 4601

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 20 octobre 2021.

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2022 (n° 4482)

 

TOME II

 

 

DÉFENSE

 

Environnement et prospective de la politique de defense

PAR M. fabien gouttefarde

Député

——

 

 

 Voir le numéro : 4524 (annexe 12)


 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

Première partie : Pour la quatrième année consécutive, les crédits du programme 144 sont conformes à la stratégie de remontée en puissance inscrite dans la loi de programmation militaire 2019-2025

I. Une hausse substantielle des crédits dédiés à la DGSE et à la DRSD nécessaire au lancement de projets immobiliers majeurs

A. 2022, année charnière pour le projet immobilier de la DGSE et aux enjeux décisifs pour l’avenir de la direction

1. La DGSE poursuit sa stratégie de montée en puissance en termes de ressources financières, en conformité avec les ambitions affichées dans la loi de programmation militaire 2019-2025

2. Le projet immobilier de nouveau siège au Fort Neuf de Vincennes, nécessaire pour faire face aux menaces de demain, est à la hauteur des ambitions fixées à la DGSE

a. La construction du futur siège de la DGSE au Fort Neuf de Vincennes poursuit plusieurs objectifs

b. Le projet sera financé grâce à la loi de programmation militaire actuelle… et à celle qui lui succédera

c. Le projet comporte une dimension environnementale liée à la qualification de « projet d’intérêt général » sollicitée par la direction

B. Une hausse des crédits au profit de la DRSD justifiée par la construction d’un nouveau siège pour sa direction centrale

1. Des ressources significatives mais « taillées au plus juste » dans la loi de programmation militaire

a. Un périmètre de responsabilités stable pour 2022, en conformité avec les axes définis dans le plan national d’orientation du renseignement

b. Des investissements nécessaires pour permettre à la DRSD de faire face aux défis actuels et futurs

c. Une « bataille des talents » en termes de ressources humaines

2. Un investissement conséquent pour le financement de sa nouvelle direction centrale

a. Un projet immobilier de grande ampleur indispensable

b. Une baisse conjoncturelle des crédits pour les matériels divers

3. Une nette amélioration des taux d’inspection dans les délais prescrits

4. Des efforts à poursuivre pour la conduite des enquêtes de sécurité et le respect des délais de traitement des demandes d’habilitation

a. Des travaux sont en cours pour renforcer la fiabilité des avis de sécurité

b. Une modernisation salutaire de l’outil SOPHIA

II. Les crédits dédiés à la prospective de défense continuent de progresser, portés par la hausse du budget dédié aux études amont

A. L’objectif d’augmentation des crédits des études amont fixé dans la loi de programmation militaire 2019-2025 est atteint

1. Une évolution des crédits en phase avec l’engagement pris dans la loi de programmation militaire

a. Aéronautique et missiles

b. Information et renseignement classique

c. Espace

d. Naval

e. Terrestre, NRBC et santé

f. Innovation et technologies transverses

g. Recherche et captation innovation

h. Dissuasion

2. Les crédits de recherche ne relèvent pas tous du programme 144

3. Un budget consacré à divers dispositifs gérés par la Direction générale de l’armement et l’Agence de l’innovation de défense

a. RAPID

b. ASTRID et ASTRID Maturation

c. Definvest

d. Le Fonds Innovation Défense

e. La Red Team

B. L’analyse stratégique, nécessaire au rayonnement et à l’excellence de la recherche française, demeure une priorité

1. La DGRIS poursuit sa mission de soutien à la recherche stratégique grâce aux études

2. Le rayonnement de la pensée stratégique française s’incarne également par le programme « Personnalité d’avenir-défense »

C. Les crédits dédiés aux études opérationnelles et technico-opérationnelles demeurent stables

1. Des crédits en légère évolution

2. Une gestion conjointe par la Direction générale de l’armement et l’état-major des armées

3. L’ONERA et l’ISL, deux organismes de recherche d’excellence soutenus par le ministère des Armées

a. L’ONERA

b. L’ISL

4. La DGA exerce une tutelle sur 4 écoles à la pointe de la recherche en matière de défense

a. L’ENSTA Paris

b. L’ENSTA Bretagne

c. ISAE-Supaéro

d. L’École polytechnique

III. Les crédits de l’action 8 demeurent stables et continuent de soutenir la diplomatie de défense du ministère des armées

A. Un budget dédié au rayonnement international du ministère des armées et au financement des missions de défense à l’étranger

1. La France contribue aux budgets dédiés à la lutte internationale pour la paix par ce biais

2. L’action 8 finance également les missions de défense à l’étranger

B. Le soutien à Djibouti et à l’Agence européenne de défense relève également du programme 144

1. La base française à Djibouti

2. La contribution française au budget de l’AED

Deuxième partie : Innovation et numérique

I. Le pilotage de la politique ministérielle en matière de pilotage, de conduite et d’innovation des projets numériques est partagé entre trois entités principales

A. La Direction générale du numérique et des systèmes d’information et de communication constitue l’échelon stratégique de la gouvernance du numérique au sein du ministère

1. La mission principale de la Direction générale du numérique et des systèmes d’information et de communication est de proposer la politique ministérielle et d’assurer la cohérence d’ensemble du système d’information et de communication de la défense

2. La DGNUM est également chargée du pilotage et de la coordination entre les armées, directions et services du ministère des Armées ainsi qu’avec les autres services de l’État

a. Au sein du ministère des Armées

b. Avec les autres services de l’État

B. Une nouvelle entité en charge de la conduite des projets numériques au sein du ministère : l’Agence du numérique de défense

C. La Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information est l’opérateur du ministère des armées

II. Les grands domaines d’innovation et les grands projets conduits par le ministère des armées dans le domaine du numérique de défense

A. Les projets innovants dans le domaine du numérique, y compris en matière de renseignement, font l’objet d’un effort d’investissement conséquent

1. L’effort financier consacré aux services d’information opérationnels et de communication témoigne de la prise en compte de leur bonne prise en compte par le ministère des Armées

2. Le renseignement bénéficie également de financements pour la menée de projets innovants

B. Une politique d’innovation volontariste du ministère dans trois secteurs du numérique : l’IA, l’informatique quantique et l’internet des objets

1. L’intelligence d’artificielle est, de loin, le domaine le plus porteur d’innovations pour le secteur de la défense

2. L’informatique quantique, un secteur innovant investi par le ministère des Armées

3. L’internet des objets, un secteur dual particulièrement prometteur dans le domaine du renseignement

C. Deux projets innovants emblématiques dans le domaine du numérique : ARTEMIS et Brasidas

1. Projet emblématique en matière de traitement massif des données et d’IA, le projet ARTEMIS illustre l’ambition du ministère dans le domaine du numérique

2. Brasidas, un projet majeur pour la mise en cohérence des systèmes d’information du maintien en condition opérationnelle aéronautique

III. La politique volontariste du ministère des armées en matière d'innovation dans le secteur du numérique se heurte néanmoins à des limites qui ne peuvent rester sans réponse

A. Des projets ambitieux, au risque d’un défaut de viabilité, et une politique confrontée aux risques induits par la numérisation

1. Le ministère des Armées fait-il montre d’une ambition démesurée avec le projet ARTEMIS ?

2. Deux enjeux stratégiques doivent également faire l’objet d’une attention particulière : la connectivité du théâtre et la poursuite des missions en mode dégradé

a. Garantir la connectivité du théâtre, impératif implicite du recours croissant au numérique, sera une condition sine qua non du bon déroulement des opérations à l’avenir

b. Faire montre de résilience pour poursuivre les missions en mode dégradé

B. L’émergence de la 5G est-elle un impensé du ministère des Armées ?

C. L’innovation dans le domaine du numérique est révélatrice des limites de la politique menée par l’Agence de l’innovation de défense

1. L’Agence de l’innovation de défense finance-t-elle vraiment l’innovation dans le secteur du numérique pour la défense ?

2. L’Agence de l’innovation de défense parvient-elle à gérer correctement les projets qui lui sont soumis ?

Travaux de la commission

I. Audition du Général de corps aérien Luc de Rancourt, Directeur Général adjoint des relations internationales et de la stratégie

II. Examen des crédits

1. Auditions

2. Déplacements

Annexe 2 :  Glossaire des principaux acronymes


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   introduction

 

Le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » a pour rôle de préparer l’avenir, de soutenir l’effort d’innovation et de contribuer au développement de la base industrielle et technologique de défense afin de faciliter le travail de nos soldats sur les théâtres d’opérations. Renseigner sur l’environnement présent et futur, préparer les systèmes d’armes de demain et les protections face aux armes adverses, identifier les mutations géostratégiques, contribuer au maintien d’une recherche et d’une industrie de défense au meilleur niveau, former des ingénieurs : tels sont les objectifs poursuivis par ce programme.

Pour la quatrième année consécutive, les crédits du programme 144 prévus par le projet de loi de finances pour 2022 sont en conformité totale avec la programmation inscrite dans la loi de programmation militaire 2019-2025. Ils s’établissent à 2,146 milliards d’euros en AE et 1,775 milliard d’euros en CP. Si la baisse de 31 % des crédits en AE était prévue, identifiée et justifiée par la stratégie immobilière des services du renseignement, l’augmentation des CP de 6 % permet de franchir le cap du milliard d’euros dédié aux études amont, concrétisant ainsi l’objectif fixé par la loi de programmation militaire, ce dont le rapporteur pour avis se félicite.

Cette année, le rapporteur pour avis a choisi de consacrer les travaux de sa partie thématique au lien entre l’innovation et le numérique. Après un état des lieux de la menée de la politique ministérielle en matière de numérique et une présentation des programmes emblématiques dans ce domaine, le rapporteur pour avis formule des recommandations pour améliorer la politique ministérielle en matière d’innovation dans le domaine du numérique de défense.

 

 

Le rapporteur pour avis avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2021, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

À cette date, 97 réponses sur 98 lui étaient parvenues, soit un taux de 99 %.

 


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   Première partie : Pour la quatrième année consécutive, les crédits du programme 144 sont conformes à la stratégie de remontée en puissance inscrite dans la loi de programmation militaire 2019-2025

Le programme 144 voit ses crédits diminuer de 959,8 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE), une baisse de 31 % justifiée par la stratégie immobilière des services du renseignement, et augmenter de 93,7 millions d’euros en crédits de paiement (CP), soit une hausse de 6 %, le portant à 2,146 milliards d’euros en AE et 1,778 milliard d’euros en CP.

 

Le programme 144 par actions (en millions d’euros)

 

 

 

LFI 2021

PLF 2022

Évolution 2021-2022

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 3 : Recherche et exploitation du

renseignement intéressant la sécurité de la France

1 555.6

406.3

665.3

409.5

 

-57 %

1 %

Sous-action 3-1 « Renseignement extérieur »

1 535.6

387.9

641.2

374.1

-58 %

-4 %

 

Sous-action 3-2 « Renseignement de sécurité de défense »

20.0

18.4

24.1

35.4

 

21 %

92 %

Action 7 : Prospective de défense

1 510.3

1 237.7

1 439.8

1 327.7

-5 %

7 %

Sous-action 7-1 « Analyse stratégique »

8.9

9.3

9.6

8.7

 

7 %

-7 %

Sous-action 7-2 « Prospective des systèmes de forces »

22.3

22.3

22.6

22.6

 

1 %

1 %

Sous-action 7-3 « Études amont »

1 174.3

901.0

1 113.0

1 001.8

-5 %

11 %

Sous-action 7-4 « Gestion des moyens et

Subventions »

304.7

305.1

294.6

294.6

-3 %

-3 %

Action 8 : Relations internationales et diplomatie de défense

40.3

40.7

41.3

41.3

 

2 %

1 %

TOTAL

3 106.2

1 684.7

2 146.4

1 778.4

-31 %

6 %

Source : projet annuel de performances de la mission Défense pour 2022

Les crédits de l'action 3 « Recherche et exploitation du renseignement intéressant la sécurité de la France » enregistrent une baisse de 57 % en AE et augmentent de 1 % en CP.

Le budget opérationnel de programme (BOP) de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE), dont les crédits sont rattachés à la sous-action 3-1 « Renseignement extérieur », voit sa ressource diminuer de 58 % en AE et de 4 % en CP par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2021.

Cette évolution ne remet pas en cause la remontée en puissance capacitaire du service. Les crédits inscrits au projet de loi de finances (PLF) pour 2022 permettront à la DGSE :

– de lancer une centaine de projets de technologies de défense (PTD) avec la DGA ;

– de renforcer son modèle intégré ;

– de garantir la résilience de ses infrastructures ;

– de répondre aux exigences de sécurité liées à sa mission et d’accroître ses capacités d’action ;

– et de maintenir ses efforts sur ses dispositifs techniques mutualisés au bénéfice de l’ensemble de la communauté du renseignement et sur la cyberdéfense.

L’exercice 2022 verra également se poursuivre l’exécution de la stratégie immobilière de la direction, avec notamment la notification du marché principal d’un projet immobilier structurant sur un site parisien, ainsi que la poursuite du programme de rénovation des bâtiments existants sur l’ensemble des emprises du service et des postes à l’étranger.

La Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) (sous action 3-2 « Renseignement de sécurité de défense ») voit sa ressource augmenter de 21 % en AE et 92 % en CP. La DRSD poursuivra en 2022 le développement de sa nouvelle base de souveraineté mais aussi l’acquisition d’équipements techniques et l’amélioration de sa capacité cyber. L’annuité 2022 sera également caractérisée par la construction du nouveau bâtiment de 646 places pour sa direction centrale. Notifié en 2021, le marché permettra d’accueillir les effectifs supplémentaires et, à terme, de regrouper les experts et les opérationnels pour renforcer le travail collaboratif. Enfin, la DRSD continuera à développer l’outil automatisant la réalisation d’empreintes numériques de surface.

Les crédits de l’action 7 « Prospective de défense » concernent principalement les études amont. La sous-action 7-3 bénéficie d’une hausse de ses CP de 11 % contribuant à l’objectif ministériel d’atteindre 1 milliard d’euros de crédits dans le domaine de l’innovation (dissuasion comprise) en 2022. Les priorités du PLF pour 2022 portent notamment sur les technologies de rupture et les démonstrateurs innovants. Les principaux engagements de 2022 concernent la préparation du renouvellement des capacités de renseignement et de télécommunications spatiales, les études du Main Ground Combat System (MGCS) en coopération franco-allemande, les technologies qui concourent au système de combat aérien du futur (SCAF), aux évolutions du programme Rafale et des planeurs hypersoniques. Les nouvelles thématiques d’innovation incluent la lutte anti-drones, l’hypervélocité, le quantique et l’énergie.

Enfin, les crédits de l'action 8 « Relations internationales et diplomatie de défense » enregistrent une hausse de 2 % en AE et de 1 % en CP. Cette augmentation des crédits permettra d’une part de financer l’activité opérationnelle de la Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS), et d’autre part, la création d’un fonds de soutien à la modernisation des forces armées djiboutiennes. Ce nouveau dispositif s’inscrit dans une démarche dynamique de renforcement du partenariat bilatéral de défense franco-djiboutien.

I.   Une hausse substantielle des crédits dédiés à la DGSE et à la DRSD nécessaire au lancement de projets immobiliers majeurs

A.   2022, année charnière pour le projet immobilier de la DGSE et aux enjeux décisifs pour l’avenir de la direction

1.   La DGSE poursuit sa stratégie de montée en puissance en termes de ressources financières, en conformité avec les ambitions affichées dans la loi de programmation militaire 2019-2025

Les crédits de la DGSE augmentent progressivement depuis l’adoption de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Ils atteignent 374 millions d’euros (hors titre 2) en CP dans le PLF pour 2022, en légère baisse par rapport aux crédits inscrits dans la LFI pour 2021 (388 millions d’euros en CP). Le budget de la DGSE est abondé à la fois par le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » mais également par les programmes 178 « Préparation et emploi des forces » et 129 « Coordination du travail gouvernemental », ce dernier relevant du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Au total, les crédits de la DGSE s’élèvent à 466 millions d’euros.

Interrogée sur le caractère suffisant des crédits qui lui sont octroyés, la DGSE a considéré « qu’elle a les moyens de fonctionner et de mener à bien ses missions grâce à ce budget, malgré la baisse de 14 millions d’euros qui n’annule pas la tendance structurelle à la hausse et qui ne nous pose pas de problème pour 2022 ». La prochaine étape devra néanmoins être franchie en 2023. Par ailleurs, les crédits alloués à la DGSE au titre de ses besoins en investissement sont également conformes à la trajectoire arrêtée dans la LPM 2019-2025. Mais, selon la DGSE, « il faudra poursuivre l’effort au-delà de 2022 car nous avons des projets qui nécessiteront des investissements importants ».

Par ailleurs, indépendamment des effectifs prévus dans le cadre de la LPM, la DGSE a bénéficié de renforts supplémentaires lors des derniers travaux de mise à jour de la programmation militaire. Le cabinet de la ministre des Armées a demandé à la DGSE d’autofinancer 25 % de ces renforts.

2.   Le projet immobilier de nouveau siège au Fort Neuf de Vincennes, nécessaire pour faire face aux menaces de demain, est à la hauteur des ambitions fixées à la DGSE

a.   La construction du futur siège de la DGSE au Fort Neuf de Vincennes poursuit plusieurs objectifs

Conformément à l’annonce faite par le président de la République le 6 mai 2021, le ministère des Armées a pour projet de transférer le siège de la DGSE de son emplacement actuel vers un nouveau siège situé sur le site du Fort Neuf de Vincennes dans le 11e arrondissement de Paris en bordure de la Ville de Vincennes.

L’objectif est d’améliorer et de pérenniser la capacité du renseignement extérieur français, par un immobilier adapté aux missions de la DGSE, afin de lui permettre de répondre aux enjeux actuels et plus que jamais présents, que sont par exemple la menace terroriste et le risque d’ingérences étrangères qui se sont accrus et menacent notre pays.

Le projet de nouveau siège prend place dans cette politique de protection et de sauvegarde de la nation. L’objectif est aussi de maintenir ce service parmi les meilleurs services de renseignements en le dotant d’un immobilier en adéquation avec ses missions. Au-delà de la transformation de l’immobilier, le projet s’inscrit dans l’ambition d’adaptation de la fonction « renseignement/anticipation » aux menaces futures.

Le ministère des Armées a engagé des recherches foncières à partir de 2017. Après avoir envisagé divers sites, le ministère a estimé que le Fort Neuf de Vincennes était le site le plus adapté. Il présente notamment l’avantage d’être déjà la propriété du ministère des Armées et il répond aux besoins et exigences du projet de la DGSE. Il permettra d’accueillir 6 000 postes de travail sur environ 160 000 de surface. La livraison de ce nouveau siège est prévue en 2028.

Les principales raisons conduisant à engager la réalisation d’un nouveau siège sont les suivantes :

– la nécessité de préserver l’avenir : le siège devra être construit sur une emprise au potentiel d’évolution suffisant pour permettre des évolutions futures en fonction des missions et des menaces futures ;

– une conception immobilière innovante pour garantir la performance du modèle intégré de la DGSE : en décloisonnant les espaces de travail, de grands plateaux ouverts et modulables permettront de favoriser l’innovation et le travail collectif et d’accueillir des équipes conjointes avec toutes les capacités numériques nécessaires ;

– la fidélisation du personnel : la DGSE recrute aujourd’hui majoritairement des populations qualifiées, volatiles car évoluant dans des segments professionnels très concurrentiels. La fidélisation constitue un enjeu majeur de la direction, qui passe notamment par de meilleures conditions de travail. De ce point de vue, le bassin d’emploi du futur siège a été un des critères de choix ;

– et faire œuvre de dissuasion sur le plan géopolitique : ce nouveau siège sera également un outil de communication (géo)politique en France comme à l’égard des États étrangers, alliés ou rivaux, afin de crédibiliser les capacités nationales en matière de renseignement extérieur et d’influence.

Si l’annonce a été faite le 6 mai dernier par le président de la République, comme l’a indiqué la DGSE lors de son audition, la direction travaille en réalité sur la faisabilité de ce projet depuis plus de deux ans. Un marché de conception-réalisation a été lancé en exclusion de la commande publique. La DGSE est actuellement dans la première phase de la consultation et se fixe pour objectif de notifier le marché en 2022. Comme l’a indiqué la DGSE lors de son audition, « les deux années entre 2022 et 2024 laisseront à la DGSE le temps de traiter les contentieux éventuels et de mettre au point les détails techniques relatifs aux travaux, qui débuteront fin 2024 ». La DGSE devrait pouvoir commencer à s’installer, pour préparer ses travaux, sur une partie de l’emprise du Fort Neuf dès 2024, mais les armées continueront d’occuper une bonne partie du site, sur cette année, car cet emplacement est « nécessaire pour la menée de l’opération Sentinelle, en particulier en prévision des jeux olympiques de 2024 ».

b.   Le projet sera financé grâce à la loi de programmation militaire actuelle… et à celle qui lui succédera

Le projet s’élève à environ 1,348 milliard d’euros, intégrant la conception et la réalisation du siège sur le Fort Neuf, mais aussi tous les coûts directs et indirects liés au site (équipements, déménagement, etc.) ainsi que les opérations induites de relocalisation de certaines fonctions ou services. Le financement sera assuré par la DGSE, à hauteur de 1,116 milliard d’euros, et par l’état-major des armées (EMA), à hauteur de 232 millions d’euros. La contribution de l’EMA servira, d’une part, à l’évacuation du Fort Neuf de Vincennes et à la conduite de travaux sur le quart nord-ouest du site pour conserver une emprise nécessaire à la menée de l’opération Sentinelle sur le territoire national jusqu’en 2031, et d’autre part, à l’emménagement d’une partie du personnel de l’EMA sur une des emprises actuelles de la DGSE située dans le boulevard Mortier dans le 20e arrondissement de Paris.

Au titre de la LFI pour 2021, le programme 144 avait bénéficié d’une dotation en AE de 1,1 milliard d’euros pour la réalisation du projet. Les AE affectées en 2022 s’élèvent à 241,5 millions d’euros, dont 190 millions d’euros ont été fléchés pour le projet. Les AE affectées non engagées (AEANE) mentionnées dans le projet annuel de performances (PAP) du PLF pour 2022, d’un montant de 913,4 millions d’euros, correspondent :

– à l’affectation du marché principal, à hauteur de 816,7 millions d’euros. La notification du marché interviendra courant 2022 ;

– au reliquat d’AEANE d’une tranche fonctionnelle de 6,7 millions d’euros. Ces AE doivent financer l’affermissement d’une tranche optionnelle d’un marché de travaux sur le site principal ;

– et à des reports d’un montant de 90 millions d’euros, qui seront consacrés au projet d’infrastructure.

Le rapporteur pour avis suivra attentivement le bon octroi des ressources financières à la DGSE pour le financement de ce projet dans le cadre de la LPM. Il note par ailleurs que ledit financement s’étalera sur deux lois de programmation militaire et que l’effort financier portera en grande partie sur la future loi de programmation militaire, donc au-delà de 2025. Enfin, il veillera à ce que le projet, au coût déjà conséquent, ne souffre ni retards, ni surcoûts.

c.   Le projet comporte une dimension environnementale liée à la qualification de « projet d’intérêt général » sollicitée par la direction

Le projet s’étalera sur la période 2022-2028, selon le calendrier prévisionnel suivant :

Source : ministère des Armées

Un décret du Premier ministre datant du 13 juillet 2021 a été adopté pour faire de ce projet un « projet d’intérêt général » (PIG). Ce statut permettra à la DGSE de contourner la difficulté relative aux règles de protection des zones naturelles et forestières, dans une desquelles se trouve le Fort Neuf de Vincennes, arrêtées dans le plan local d’urbanisme (PLU) de la ville de Paris, qui empêchent toute nouvelle construction ou adaptation du site. Une consultation du public s’est achevée le 26 septembre dernier, qui n’a donné lieu qu’à quelques observations, essentiellement liées à une méconnaissance du projet. Le préfet d’Ile-de-France doit donc désormais prendre un arrêté pour demander à la mairie de Paris de mettre le PLU de la ville en conformité. En cas de refus, la préfecture conduira la mise en compatibilité selon une procédure d’intérêt général. La modification du PLU devrait intervenir en octobre ou en novembre 2022. Cette modification pourrait évidemment faire l’objet d’un contentieux devant le juge administratif, ce que la DGSE a anticipé en travaillant dès maintenant avec la direction des affaires juridiques (DAJ) du ministère des Armées.

Le décret faisant de ce projet une opération sensible, quant à lui, a déjà été pris par la ministre des Armées. Si la DGSE s’astreint à respecter complètement la réglementation, elle ne peut cependant pas appliquer toutes les règles relevant du droit commun, et en particulier les règles d’enquêtes publiques et de consultation, car cela impliquerait la publication des maquettes du futur site, ce qui est impossible pour des raisons évidentes de sécurité. Le statut d’opération sensible dispense de toute consultation, mais cela n’empêche pas de respecter les règles relatives à la protection de l’environnement, notamment en prévoyant des procédures de consultation ad hoc si nécessaire, en particulier eu égard au fait que dans le cadre de la demande d’octroi du statut de PIG, de la documentation a été mise à la disposition des citoyens dans les mairies.

Cela étant, même si le site va obtenir le statut de zone constructible, les prescriptions à respecter pour la construction du nouveau siège seront plus protectrices qu’aujourd’hui. La DGSE ne cache pas qu’elle va construire davantage sur la zone, mais la création de surfaces reste toute relative et elle va utiliser des matériaux qui respectent les critères de développement durable et appliquera à la lettre l’ensemble des règles relatives à l’environnement. Elle va en outre améliorer le traitement des espaces non-bâtis qui se caractérisent actuellement par une perméabilisation très forte. En termes d’aménagement du site, l’édification des réseaux électrique et informatique, ainsi que la sécurisation, constitueront un des postes de dépense les plus importants : de ce point de vue, le projet coûte plus cher qu’un projet de construction d’un bâtiment classique car la nécessité de protéger intégralement les réseaux électrique et informatique entraîne nécessairement des dépenses supplémentaires.

B.   Une hausse des crédits au profit de la DRSD justifiée par la construction d’un nouveau siège pour sa direction centrale

Les crédits alloués à la DRSD se décomposent en deux agrégats :

– un agrégat relatif au fonctionnement, comprenant les frais de mission et toutes les dépenses de fonctionnement de la direction ;

– et un agrégat relatif au métier, comprenant les activités opérationnelles et le financement du projet de nouvelle direction centrale.

Les crédits alloués à l’agrégat relatif au fonctionnement s’élèvent à 3,25 millions d’euros dans le PLF pour 2022 et sont quasiment identiques à ceux inscrits en LFI pour 2021 car la DRSD a fait le choix d’optimiser et de rationaliser au mieux ses dépenses de fonctionnement courant afin d’accorder la priorité à ses missions de renseignement

Les crédits alloués au renseignement s’élèvent à 20,9 millions d’euros en AE et 32,2 millions d’euros en CP, soit une augmentation de 25 % en AE et 112 % en CP. Cette très forte augmentation s’explique essentiellement par le financement du projet de nouvelle direction centrale. Notifié en juin 2021 pour une livraison prévue en 2024, ce projet permettra de regrouper au sein d’un bâtiment unique tous les acteurs de cycle du renseignement pour renforcer le travail collaboratif. Il permettra aussi d’offrir de nombreuses infrastructures manquantes (cf. infra). Cette augmentation s’explique aussi par les dépenses d’investissement liées au développement de nouveaux systèmes d’information de la direction, notamment la nouvelle base de données et les outils innovants basés sur des technologies de type « machine learning » permettant d’accélérer les processus d’habilitation, tout en renforçant la fiabilité des avis de sécurité émis.

1.   Des ressources significatives mais « taillées au plus juste » dans la loi de programmation militaire

a.   Un périmètre de responsabilités stable pour 2022, en conformité avec les axes définis dans le plan national d’orientation du renseignement

Le périmètre de responsabilités de la DRSD ne devrait pas connaître en 2022 d’évolutions significatives. Dans un esprit de partenariat avec les autres services de renseignement, les priorités de la DRSD dans le domaine de la contre-ingérence des forces, en conformité avec les orientations du plan national d’orientation du renseignement (PNOR), seront les suivantes :

– la lutte antiterroriste et le suivi de l’islam radical, en lien avec les services partenaires ;

– l’accompagnement des forces projetées (en particulier dans le contexte de réarticulation des opérations dans la bande sahélo-saharienne) et prépositionnées ;

– le suivi des mouvances ultra-droite et ultragauche, indispensable pour protéger l’institution des menaces endogènes et exogènes, notamment dans le contexte des élections présidentielle et législative de 2022 ;

– et la veille des signaux faibles permettant de détecter et de caractériser les actions des services de renseignement étrangers, dans un contexte de compétition croissante.

Dans le domaine de la contre-ingérence économique, les priorités de la DRSD seront les suivantes :

– le maintien des compétences reconnues de la DRSD dans le domaine de la protection des installations et du potentiel scientifique et technique de la nation ;

– le renforcement de la capacité de contre-ingérence de la DRSD face à l’intensification des menaces, en particulier d’ingérence économique contre la sphère défense ;

– et la surveillance du commerce des armements et des biens à double usage, qui revêt une importance particulière dans une période de compétition économique forte et de dissémination accrue.

Enfin, la DRSD poursuivra le renforcement de son rôle dans le domaine de la contre-ingérence cyber et la poursuite du soutien de la sécurité des systèmes d’information des industriels de défense.

b.   Des investissements nécessaires pour permettre à la DRSD de faire face aux défis actuels et futurs

La LPM 2019-2025 a attribué à la DRSD des ressources significatives mais taillées au plus juste, à hauteur de 120,4 millions d’euros sur toute la période. Elles sont en particulier trop justes au regard d’un contexte de crise durable, dans un environnement technologique en perpétuelle évolution.

Afin de privilégier l’activité opérationnelle et l’investissement, la DRSD a fait le choix de geler ses dépenses de fonctionnement. En outre, pour être en pleine capacité d’accomplir ses missions, la DRSD doit conquérir des ressources complémentaires en gestion ou lors des travaux d’actualisation de la LPM. Ainsi, en 2020, la DRSD a obtenu le financement d’un projet majeur visant à développer une nouvelle base de souveraineté, à hauteur de 18,69 millions d’euros sur la période 2020-2025. En 2021, une ressource complémentaire a aussi été allouée pour permettre le financement d’un outil innovant basé sur des technologies de type « machine learning », à hauteur de 4 millions d’euros sur la période 2022-2024.

La nouvelle base de souveraineté de la DRSD

L’exercice du métier de renseignement exige de disposer de moyens de haute technicité en matière de système d’information et de communication. À ce titre, la DRSD poursuit le développement de sa nouvelle base de souveraineté qui permettra de stocker et d’exploiter le renseignement à partir d’une solution logicielle purement nationale.

Le besoin de financement du projet s’élève à 18,69 millions d’euros en AE et en CP sur la période 2020-2025. Ce projet se matérialise par un accord-cadre et 5 marchés subséquents. Le premier marché a été lancé en 2020 et se terminera en fin d’année 2021. Le deuxième marché a été lancé en septembre 2021 et devrait se terminer en 2022.

Développé en partenariat avec un grand industriel français, il entrera progressivement en service à compter de 2022.

Malgré ces décisions, des ressources budgétaires complémentaires demeurent nécessaires sur la période 2023-2025 pour garantir la poursuite de la transformation de la DRSD et la capitalisation sur les investissements déjà réalisés :

– la montée en puissance du volet contre-ingérence protection dans le domaine cyber, avec en particulier la création d’une capacité d’intervention ;

– les investissements liés à l’installation dans le nouveau bâtiment de la direction centrale : serveurs, ameublements, infrastructures réseaux, équipements de sécurité ;

– et la numérisation et l’automatisation des procédures dans le domaine de la protection physique.

c.   Une « bataille des talents » en termes de ressources humaines

En termes de ressources humaines, la DRSD mène une « bataille des talents » pour recruter des personnels militaires et civils disposant de compétences ad hoc. Afin de faire face à la concurrence privée, la DRSD diversifie ses profils en ayant recours à des personnels civils œuvrant en particulier dans les domaines cyber et de la contre-ingérence économique (CIE), ou à de jeunes sous-officiers « renseignement » dès leur sortie d’école afin d’alimenter le vivier.

La DRSD multiplie également les actions de communication, de démarchage et de dialogue avec les gestionnaires ministériels de ressources humaines, et les partenariats avec les écoles et universités civiles.

2.   Un investissement conséquent pour le financement de sa nouvelle direction centrale

a.   Un projet immobilier de grande ampleur indispensable

Par rapport à la LFI pour 2021, l’objectif budgétaire (OB) « Matériels techniques » connaît une augmentation de 56 % en AE (+ 2,2 millions d’euros) et de 370 % en CP (+ 14,8 millions d’euros), principalement en raison des dépenses liées à la construction du nouveau bâtiment de la direction centrale.

La Revue stratégique de défense et de sécurité nationale de 2017 avait confirmé la place prioritaire qu’occupe le renseignement au sein du ministère des Armées. Pour donner à la DRSD les moyens nécessaires à la réalisation de ses missions, une augmentation de ses effectifs à un niveau compatible avec ses ambitions est nécessaire. À ce titre, le site du Fort de Vanves, siège de la direction centrale de la DRSD, devait nécessairement évoluer et accroître ses capacités.

 

Les locaux actuels sont trop dispersés et la DRSD souffre de l’absence de nombreuses capacités indispensables au fonctionnement d’un service de renseignement moderne. Plus précisément, ce projet vise à :

– regrouper les activités « cœur de métiers » de la DRSD au sein d’un bâtiment unique accueillant 646 places en anticipant les évolutions d’effectifs de chacune des divisions ;

– proposer des espaces flexibles s’adaptant à l’évolution des organisations, des modes de travail et des métiers, tout en répondant aux besoins de proximités fonctionnelles des divisions les unes par rapport aux autres et au sein des divisions ;

– tenir compte des exigences techniques et réglementaires pour tous les espaces, et en particulier pour les ateliers ;

– doter la DRSD de fonctionnalités aujourd’hui absentes du site ;

– appliquer les réglementations liées à la sûreté à l’échelle du bâtiment et aux locaux ;

– et profiter de la construction d’un bâtiment neuf pour intégrer certains standards des immeubles tertiaires modernes, en réfléchissant à leur pertinence vis-à-vis de l’activité spécifique de la direction.

Les crédits sont pilotés et exécutés en liaison avec le service d’infrastructure de la Défense (SID). Ils sont répartis au cours de la LPM de la manière suivante (en millions d’euros) :

Une image contenant table

Description générée automatiquement

Source : ministère des Armées

b.   Une baisse conjoncturelle des crédits pour les matériels divers

Les crédits de l’OB « Matériels divers » s’élèvent à 0,22 million d’euros en AE et 0,24 million d’euros en CP. Cet OB finance l’acquisition de matériel non spécifique (petit outillage, batterie, armoires fortes, etc.). Elle connaît une baisse de 10 % en AE et de 2,4 % en CP par rapport à la LFI pour 2021. Cette baisse résulte d’un moindre besoin exprimé par les utilisateurs et est purement conjoncturelle car ces besoins vont forcément augmenter dès 2023, avec l’augmentation des effectifs, et en 2024 avec la livraison de la nouvelle direction centrale.

Le rapporteur pour avis se félicite de cet investissement. Il note cependant que la DRSD fait face à des difficultés de financement récurrents, dues à un défaut de calibrage des ressources nécessaires à la direction lors de l’élaboration de la LPM. Il sera attentif aux besoins exprimés par la DRSD à l’avenir et veillera à ce que ceux-ci soient entendus en amont.

3.   Une nette amélioration des taux d’inspection dans les délais prescrits

Les efforts entrepris par la DRSD ont permis une nette amélioration du taux d’inspections dans les délais prescrits depuis 2019 et laissent envisager une normalisation de la situation, avec une prévision atteignant un taux de 95 % des sites inspectés dans les délais dès 2021.

Il convient de noter que si la DRSD mène des actions d’inspection, l’ensemble des agents qui forment le maillage territorial de la direction contribue également à la fonction protection, par des visites de conseil tout au long de l’année et des contre-visites après le passage du centre du conseil, de la prévention et des inspections (CCPI), que ce soit en entreprise ou sur des sites militaires.

L’incorporation du personnel civil et le recours de plus en plus important à la réserve permettent ainsi à la direction de faire face à une demande croissante au nombre d’inspections et de contrôles. Les sites les plus sensibles, classés « point d’importance vitale » (PIV) sont inspectés à échéance réglementaire (tous les 9 ans). Ces derniers sont des établissements, ouvrages ou installations qui fournissent les services et les biens indispensables à la vie de la nation. D’autres sites sont inspectés au titre des dispositifs réglementaires relatifs à la protection du secret de la défense nationale (PSDN) ou à la protection du potentiel scientifique et technique de la nation (PPSTN). La priorisation se fait en interne, en évaluant les risques d’ingérence qui pèsent sur ces sites.

4.   Des efforts à poursuivre pour la conduite des enquêtes de sécurité et le respect des délais de traitement des demandes d’habilitation

a.   Des travaux sont en cours pour renforcer la fiabilité des avis de sécurité

Afin de respecter les délais prescrits par la nouvelle instruction générale interministérielle (IGI) 1300, la DRSD développe, avec des acteurs industriels, deux outils innovants afin d’accélérer les processus d’habilitation, tout en renforçant la fiabilité des avis de sécurité émis.

Le premier outil doit permettre d’accélérer le traitement de la notice individuelle de sécurité (NIS, anciennement 94A) que remplit chaque candidat à l’habilitation, afin de faciliter la lecture et l’analyse. Cet outil en production depuis septembre 2020 donne satisfaction mais doit encore connaître quelques évolutions.

Le second outil doit permettre de consolider les avis rendus par le service en automatisant les recherches d’information sur les candidats. L’assise juridique de cet outil fait actuellement l’objet d’échanges entre la DRSD et la DAJ du ministère des Armées. L’objectif est une mise en production au début de l’année prochaine.

b.   Une modernisation salutaire de l’outil SOPHIA

Par ailleurs, la DRSD respecte les délais prescrits par l’IGI 1300, à savoir trois mois pour le niveau « secret » et six mois pour le niveau « très secret ». L’outil « synergie pour l’optimisation des procédures d’habilitation des industries et de l’administration » (SOPHIA) fait l’objet de mises à jour régulières afin d’être au rendez-vous et de toujours répondre au mieux au besoin des utilisateurs.

Ainsi, SOPHIA a fait l’objet d’une évolution majeure en juillet 2021 afin de :

– prendre en compte les nouvelles dispositions de l’IGI 1300 (notamment les nouveaux niveaux de classification). Cette adaptation au nouveau cadre réglementaire s’est déroulée début juillet dans de bonnes conditions ;

– et gommer les obsolescences de la technologie soutenant les interfaces homme/machine de l’outil, permettant de gagner à la fois en ergonomie et en facilité de soutien, ce qui constitue un véritable bond technologique.

Par ailleurs, plusieurs modules sont en cours de finalisation et devraient être opérationnels au début de l’année prochaine.

II.   Les crédits dédiés à la prospective de défense continuent de progresser, portés par la hausse du budget dédié aux études amont

A.   L’objectif d’augmentation des crédits des études amont fixé dans la loi de programmation militaire 2019-2025 est atteint

1.   Une évolution des crédits en phase avec l’engagement pris dans la loi de programmation militaire

Avec un effort budgétaire porté à plus d’un milliard d’euros, soit une hausse de 11 % des CP, le PLF pour 2022 accomplit la volonté de la LPM 2019 – 2025 de donner priorité à l’innovation de défense. L’orientation des crédits prévus pour la période est décrite dans le document de référence de l’orientation de l’innovation de défense (DrOID) pour la période 2022 – 2027. L’édition 2021 maintient ainsi les priorités et axes d’effort de l’édition précédente (en particulier l’espace et l’hypervélocité) et intègre la stratégie ministérielle sur l’énergie ainsi que sur les thématiques mises en avant au titre de l’actualisation de la LPM : cyberdéfense, lutte anti-drone et défense contre les menaces nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC).

Par ailleurs, le domaine des études amont présente une forte dimension internationale, essentiellement avec les partenaires européens de la France, en premier lieu desquelles le Royaume-Uni et l’Allemagne, dans le cadre bilatéral et dans celui de l’Agence européenne de défense (AED). Depuis 2017, avec plus de 25 % des montants attribués, la France est ainsi le premier pays bénéficiaire de la Preparatory Action on Defence Research (PADR), destiné à préparer le volet de recherche du Fonds européen de la défense (FED), qui sera doté d’un budget de 8 milliards d’euros pour la période 2021-2027.

Évolution des crédits dédiés aux études amont (en millions d’euros)

 

 

Opérations budgétaires

LFI 2021

PLF 2022

Évolution N+1/N (CP)

 

AE

 

CP

 

Part du total (CP)

 

AE

 

CP

 

Part du total (CP)

Dissuasion

196

191

21 %

205

202

20 %

6 %

Aéronautique et missiles

329

229

25 %

242

258

26 %

13 %

Information et

renseignement classique

118

123

14 %

159

103

10 %

-16 %

Espace

64

42

5 %

99

85

8 %

103 %

Naval

41

28

3 %

54

42

4 %

50 %

Terrestre, NRBC et Santé

53

93

10 %

73

71

7 %

-24 %

Technologies transverses

243

78

9 %

145

106

11 %

36 %

Recherche et captation

innovation

131

117

13 %

135

135

13 %

15 %

Total

1 174

901

100 %

1 113

1 002

100 %

11 %

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

a.   Aéronautique et missiles

Dans le domaine du combat aérien, les résultats des études sur le SCAF avec l’Allemagne et l’Espagne seront disponibles (étude d’architecture et études sur les piliers technologiques) en 2022. Les études de maturation des briques technologiques qui seront utilisées par les aéronefs du système de combat aérien futur, se poursuivront. Les études contribuant à la préparation des évolutions du Rafale donneront lieu à des études complémentaires, principalement dans les domaines de la localisation et la guerre électronique. Les principaux résultats attendus du domaine concernent la guerre électronique, l’autoprotection ainsi que la localisation.

Dans le domaine de l’aéromobilité, les principales études en 2022 porteront sur l’autoprotection ainsi que sur la coopération drones/hélicoptères.

Dans le domaine de la frappe dans la profondeur, les études concernant le démonstrateur de planeur hypersonique seront complétées par de nouvelles études. L’année 2022 verra également la poursuite des études concernant les matériaux énergétiques de défense (explosifs et propergols) ainsi que celle du partenariat d’innovation technologique franco-britannique dans le domaine des technologies de missiles.

b.   Information et renseignement classique

Dans le domaine de la protection et de la surveillance, les principaux engagements permettront le lancement des travaux en coopération sur la composante post-AWACS, des compléments nationaux aux études lancées en coopération au titre du programme de développement industriel de défense (PEDID), notamment sur la lutte anti-drone, le radar transhorizon ou pseudo-satellite de haute altitude. Les études sur le démonstrateur d’antenne radar modulaire apporteront des résultats intermédiaires.

Dans le domaine de la supériorité informationnelle, les engagements 2022 couvriront un large champ d’activités telles que des travaux technologiques sur les liaisons de données, les antennes actives, les liaisons discrètes et les réseaux tactiques multifonctions. Les activités exploitant l’IA seront renforcées dans des domaines tels que les capteurs embarqués, les systèmes de radiocommunications tactiques, la guerre électronique ou le renseignement (traitement de données de masse).

Les activités dans le domaine de la cyberdéfense seront également poursuivies, et complétées par de nouvelles études.

c.   Espace

Dans le domaine spatial, les études se poursuivront sur les démonstrateurs de moyens d'action dans l'espace, et la surveillance de l'espace.

Les études visant à préparer les futurs moyens de renseignement spatiaux (d’origine image et d'origine électromagnétique) et de communication militaire seront poursuivies. Cet ensemble d’activités lèvera les verrous technologiques des futurs moyens de renseignement spatial, en portant un effort significatif sur la réactivité de ces systèmes.

d.   Naval

Le domaine naval sera marqué par le lancement de travaux complémentaires sur l’autoprotection des navires. Les études en coopération avec le Japon sur la détection des mines enfouies se poursuivent ; de nouvelles études sur la guerre des mines seront lancées. Par ailleurs, l’année 2022 verra la fin des études d’architecture du porte-avions de nouvelle génération.

e.   Terrestre, NRBC et santé

Dans le domaine du combat terrestre, les engagements continueront de porter principalement sur les technologies nécessaires à la préparation du futur système de combat terrestre franco-allemand MGCS. D’autres études concerneront notamment la survivabilité des plateformes. Les travaux conduits dans le domaine de la défense NRBC et de la santé du militaire en opérations seront poursuivis en 2022.

f.   Innovation et technologies transverses

En ce qui concerne les technologies émergentes de défense (notamment dans le domaine des composants et des matériaux) et des armes non cinétiques, de nouvelles études seront lancées en 2022, en complément des travaux déjà lancés, qui se poursuivront. Dans le cadre des études sur l’énergie, un démonstrateur de GRIFFON hybride sera lancé. Les études sur la lutte anti-drones seront renforcées par de nouvelles études.

Dans le domaine du soutien, les études sur la maintenance prévisionnelle dans le domaine aéronautique donneront lieu à de nouvelles études, le concept de jumeau numérique sera également exploré et les travaux sur la fabrication additive de pièces de rechange seront poursuivis.

Le Fonds Innovation Défense (FID) continuera ses investissements en vue de consolider le développement de petites et moyennes entreprises (PME) et d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) technologiques à caractère dual.

Le programme 144 continuera également de financer les travaux d’intérêt défense du plan interministériel « NANO 2022 ».

g.   Recherche et captation innovation

Conformément au DrOID, le soutien à l’innovation ouverte et la conduite de projets d’accélération de l’innovation seront poursuivis.

Le fonds d’investissement Definvest, qui aura vu son enveloppe doublée, poursuivra son action consistant à sauvegarder des PME d’intérêt stratégique.

h.   Dissuasion

Les crédits de l’agrégat « dissuasion » couvrent les études amont au profit de la dissuasion, qui portent sur les thèmes prioritaires suivants :

– assurer la fiabilité dès la conception des systèmes complexes intégrant des technologies le plus souvent non duales ;

– maintenir le niveau de fiabilité et de robustesse des systèmes de transmission stratégiques ;

– assurer la préparation du renouvellement de la composante océanique à l’horizon de la fin de vie des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) actuellement en service et le maintien de leur niveau d’invulnérabilité ;

– améliorer les performances des missiles balistiques ;

– améliorer les performances des missiles stratégiques aéroportés ;

– et concourir au maintien des compétences des secteurs industriels critiques participant à la conception et à la réalisation des systèmes stratégiques.

2.   Les crédits de recherche ne relèvent pas tous du programme 144

Le budget global inscrit dans le PLF pour 2022 pour la recherche de défense est de 7,052 milliards d’euros en CP, qui se décomposent ainsi :

– les études amont et les subventions de recherche et technologie, soit 1,119 milliard d’euros en CP issus du programme 144 ;

– les études de défense, dont les transferts de crédits octroyés au commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) pour ses activités de recherche, les études opérationnelles et technico-opérationnelles et technico-opérationnelles (EOTO), les études prospectives et stratégiques (EPS) et les crédits du programme 191 « Recherche duale (civile et militaire) » pour la recherche duale, soit 535,2 millions d’euros ;

– et les développements réalisés dans le cadre des programmes d’armement relevant du programme 146 « Équipement des forces », dont le budget inscrit dans le PLF pour 2021 s’élève à 5,398 milliards d’euros en CP.

Évolution des crédits dédiés À la recherche de dÉfense
(en millions d’euros)

 

LFI 2015

LFI 2016

LFI 2017

LFI 2018

LFI 2019

LFI 2020

LFI 2021

PLF 2022

TOTAL R&D

TOTAL Études de défense

TOTAL R&T

TOTAL EA

Unité opérationnelle

 

Études amont

 

 

738,9

 

 

706,5

 

 

720,4

 

 

723,2

 

 

758,5

 

 

821,0

 

 

901,0

 

 

1 001,8

 

738,9

706,5

720,4

723,2

758,5

821,0

901,0

1 001,8

Subventions

de R&T

124,8

128,0

130,3

131,7

129,0

131,5

132,9

117,1

 

863,7

834,5

850,7

854,8

887,4

952,5

1 033,9

1 118,9

Recherche CEA2

505,3

488,5

527,0

494,0

332,73

329,53

384,2

363,9

EPS

5,5

5,5

5,6

8,8

9,1

9,8

9,3

8,7

EOTO

20,8

21,0

21,3

21,6

21,8

22,4

22,3

22,6

Recherche duale3

192,1

180,1

180,1

179,5

179,5

154,0

150,0

140,0

 

1 587,4

1 529,5

1 584,7

1 558,8

1 430,5

1 468,2

1 599,7

1 654,1

Développements

(programme 146)

2 051,6

2 255,2

3 343,2

3 117,0

3 426,3

4 063,3

4 980,3

5 397,8

 

3 639,0

3 784,7

4 927,9

4 675,8

4 856,9

5 531,5

6 580,0

7 051,9

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

3.   Un budget consacré à divers dispositifs gérés par la Direction générale de l’armement et l’Agence de l’innovation de défense

a.   RAPID

Le dispositif de subvention « régime d’appui pour l’innovation duale » (RAPID), mis en place de 2009 à 2020 avec la Direction générale des entreprises (DGE) du ministère de l'Économie, des Finances et de la Relance, vise à soutenir des projets d’innovation d’intérêt dual portés par PME ou, depuis 2011, des ETI de moins de 2 000 salariés, seules ou en consortium avec des laboratoires et/ou d’autres entreprises. L’objectif est d’être très réactif, en ne dépassant pas quatre mois entre le dépôt du dossier et le premier versement. Depuis 2015, la dotation annuelle du programme RAPID est de 50 millions d’euros et, depuis 2009, environ 700 projets ont été sélectionnés, pour un montant total proche de 500 millions d’euros.

b.   ASTRID et ASTRID Maturation

Ces dispositifs, conduits depuis 2010 pour l’Accompagnement spécifique de travaux de recherche et d’innovation défense (ASTRID) et depuis 2013 pour ASTRID Maturation, en partenariat avec l’Agence nationale de la recherche (ANR), sont destinés aux laboratoires académiques associés à des entreprises innovantes. Désormais gérés par l’Agence de l’innovation de défense (AID), ils ont fait l’objet de la signature d’un nouvel accord de coopération de quatre ans, signé le 9 mai 2019 entre l’AID et l’ANR.

Ces deux dispositifs, dont la gestion est confiée à l’ANR, sont orientés vers les laboratoires académiques associés à des entreprises innovantes. Ils ont pour objectif l’exploration et la maturation des technologies d’intérêt pour la défense.

Le programme ASTRID, entièrement financé par le ministère des Armées, soutient des projets spontanés de laboratoires de recherche et d’entreprises innovantes. Depuis 2011, 308 projets ASTRID ont été financés pour un montant de 86 millions d’euros. En sus, le recours aux appels à projets spécifiques vient compléter l’appel à projets général sur des thèmes prioritaires pour le ministère des Armées, En 2020, l’AID a ainsi lancé un appel à projets thématique dérivé du dispositif ASTRID sur les technologies quantiques. Deux autres appels à projets spécifiques, sur l’IA et la robotique, sont en cours.

Pour sa part, le programme ASTRID Maturation valorise des travaux scientifiques déjà accomplis avec succès dans un programme de recherche antérieur et leur accompagnement scientifique dans le cadre d’un partenariat recherche/entreprise. Le dispositif a fait l’objet d’un huitième appel à projets en 2020 et, depuis 2013, 57 projets ont été financés pour un montant total de 27 millions d’euros.

c.   Definvest

Aujourd’hui doté de 10 millions d’euros annuels sur cinq ans, le fonds Definvest a été créé le 16 novembre 2017. Les entreprises ciblées sont prioritairement des PME dont les innovations, connaissances ou savoir-faire sont essentiels à la performance des systèmes de défense français, sont destinés au marché d’exportation de l’industrie française, ou peuvent donner un avantage décisif à l’industrie de l’armement française.

En 2020, l’utilité de ce fonds étant avérée et dans la perspective de consolider les entreprises et des secteurs industriels mis à mal par la crise économique liée à l’épidémie de la Covid-19, le montant maximal de ce fonds a été doublé avec un montant d’investissement total porté à 100 millions d’euros.

L’intervention du fonds, dont les montants varient entre quelques centaines de milliers à quelques millions d’euros, pourra prendre la forme d’opérations de capital-risque pour les entreprises jeunes et innovantes ou de capital-développement pour les entreprises établies cherchant à croître. Elle se fera en fonds propres ou quasi-fonds propres, dans une position minoritaire et accompagnée d’autres investisseurs.

À ce jour, Definvest a investi dans 11 entreprises :

– la pépite française Kalray, du secteur des micro-processeurs ;

– la société Fichou, spécialisée dans les composants optiques de très haute précision ;

– la start-up bretonne Unseenlabs, qui développe des services de renseignement électromagnétique depuis l'espace ;

– la start-up Sintermat, qui capitalise sur 15 ans de recherche académique dans le domaine de la métallurgie des poudres ;

– la société Prolann, spécialisée dans les pièces aéronautiques et les capteurs infrasons ;

– la société innovante Cailabs, qui met au point des composants de manipulation des formes de la lumière ;

– la société Fabentech, qui produit des sérums pour lutter contre les maladies et pandémies infectieuses émergentes et les nouvelles toxines ;

– la société Tethys, spécialisée en équipements et systèmes de pyrotechnie (guerre sous-marine, fonctions auxiliaires sur les missiles et drones).

– la société Preligens spécialisée en analyse de données satellitaires par techniques d'IA ;

– la société Pherecydes Pharma, spécialisée dans les phages de bactéries pour le traitement des plaies notamment ;

– et la société Cnim Airspace, spécialisée notamment dans les ballons captifs.

d.   Le Fonds Innovation Défense

Créé au premier semestre 2021 pour une période de six ans, le FID est complémentaire de l’action publique et l’investissement privé de soutien aux entreprises innovantes présentant un intérêt pour la défense. Le fonds prévoit un co-investissement avec Bpifrance et des industriels pour un montant maximal de 400 millions d’euros dont une participation du ministère des Armées à hauteur de 200 millions d’euros.

Ciblant préférentiellement les entreprises innovantes ayant fait la preuve de leur modèle économique sur un marché primaire hors défense et les sociétés à technologie duale disposant de produits ou de services innovants intéressant le ministère des Armées, son intervention se fera essentiellement en phase de capital-risque sur les stades avancés de « série B » à « Growth ».

Avec 8 millions d’euros, le premier investissement du fonds a été réalisé en juin 2021 dans la société Pasqal, spécialisée dans le calcul quantique. Le PLF pour 2022 prévoit 35 millions d’euros afin de permettre la poursuite des investissements du fonds.

e.   La Red Team

Les travaux de la Red Team, dont une partie n’est pas accessible au public, ont pour objectif de nourrir les réflexions stratégiques, opérationnelles, technologiques et organisationnelles des armées, à l’horizon 2030-2060.

En parallèle des résultats obtenus avec les auteurs, dessinateurs et scénaristes de science-fiction, une Blue Team Défense, formée principalement de membres issus du ministère des Armées, a permis de valoriser les résultats des réflexions et des échanges entre les acteurs majeurs de la prospective et des études sur la préparation de l’avenir et l’anticipation des missions futures du ministère des Armées.

Au premier semestre 2021, un wargame avec le commandement pour les opérations interarmées (CPOIA) et le centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) a ainsi été organisé suivant un thème tactique inspiré directement d’un des scénarios imaginés par les auteurs de la Red Team. Le 7 juillet 2021, le lancement d’une opération d’expérimentation réactive (OER) dans les domaines de la cyberdéfense et de l’intelligence artificielle (IA) a également été annoncé. Cette opération a pour but d’explorer les réponses à apporter à certains risques futurs décrits par la Red Team dans le domaine de la manipulation de l’information et des perceptions dans un monde aux interactions démultipliées toujours plus numérique et interconnecté. Appelé Myriade, ce projet permettra de renforcer la capacité d’action des armées vis-à-vis des conflits hybrides et de la guerre cognitive, appelant au développement de nouvelles approches opérationnelles et de nouvelles technologies.

Les résumés des résultats rendus publics des scénarios de menaces réalisés pour les saisons 0 et 1 de la Red Team sont présentés ci-après.

Saison 0 : « Les nouveaux pirates »

La saison 0 reposait sur la thématique « Les nouveaux pirates », déclinée de l’histoire universelle de la piraterie et transposée dans l’époque moderne en intégrant les enjeux et technologies actuels.

Scénario A – P-Nation

La P-Nation, ou nation-pirate, compte 100 millions de réfugiés climatiques et apatrides « dé-pucés », habitants de méga villes flottantes, mobilisés contre l’ordre postcolonial européen et lourdement armés par les puissances ennemies. Dans ce scénario, on découvre un ascenseur spatial basé à Kourou, destiné à la conquête des richesses minières des astéroïdes, une attaque de chimiquier, le « puçage » généralisé des populations et des armes du futur, telles le « railgun ».

Scénario B – Barbaresques 3.0

L’action de ce scénario se situe en Méditerranée, base arrière des « Pirates du Couchant ». Sur fond de captation des ressources pétrolières et de propagande anti-occidentale, la cheffe des Pirates du Couchant a rallié à sa cause une armée de pirates, prête à tout risquer pour la cause. L’action de ce scénario mêle stratégie « du trou d’épingle », cyberpiraterie d’attaque de frégate et de la ville de La Valette, dans un contexte politique surchauffé par la raréfaction des énergies fossiles.

 

Saison 1 : « Asymétrie massive et monde de leurres »

La saison 1 a été lancée le 27 janvier 2021. Les scénarios de menaces reposaient sur les thématiques de l’asymétrie massive et d’un monde de leurres.

Scénario A – Ruse : chronique d’une mort culturelle annoncée

Le développement de bulles communautaires, ou safe sphères, a profondément modifié le rapport à la réalité. Les individus peuvent désormais se plonger selon leurs affinités et intérêts (religieux, identitaires…) dans des réalités alternatives, dépendantes de la subjectivité de leur communauté d’appartenance. En 2040, 90 % des Européens y sont connectés si bien qu’il n’y a plus de réel commun partagé.

A Grande-City, l’État s’efface face aux safe sphères et une balkanisation de la population s’opère. En 2045, la menace d’une attaque bioterroriste finit de déstabiliser la ville, déjà ravagée par une crue centennale. Une véritable guerre cognitive s’enclenche entre safe sphères concurrentes, où les croisements d’informations et les diffamations sont monnaie courante. L’armée française intervient dans ce climat particulièrement instable et incertain pour évacuer des populations sous mandat de l’Union européenne (UE) : c’est l’opération Omanyd. Une opération extérieure (OPEX) qui fait face à de nombreux défis : absence d’informations fiables sur le terrain, défiance des populations à évacuer, contestation des populations nationales face au rapatriement de civils potentiellement infectés…

L’armée française doit conjointement assurer la réussite de l’opération et convaincre de la légitimité de son intervention. Après ce premier temps d’opération relativement rapide, faisant face à l’urgence de la situation biologique à Grande-City, les armées françaises sont sollicitées pour aider l’ancien pouvoir en place à sécuriser le réel, c’est-à-dire à réduire l’influence des safe sphères sur les populations locales. Plusieurs années seront nécessaires pour désactiver les safe sphères les plus virulentes.

Scénario B – Hyperforteresse : la sublime porte s’ouvre à nouveau

Autour de la Méditerranée, les forces politiques et économiques se recomposent. Après une période d’instabilité, une junte nationaliste prend le pouvoir à Troie. Dans leur volonté d’étendre la sphère d’influence de la puissance troyenne, ces officiers tournent leurs appétits vers les cités périphériques. Face à cette menace, les Ioniens et les Thraces se réarment, avec l’appui de Carthage qui investit lourdement dans son programme « Salambo », visant à doter la frontière orientale de l’Europe d’un réseau impénétrable d’hyperforteresses.

Ces nouveaux systèmes défensifs ont été créés pour contrer la généralisation des armes hypervéloces. Ces engins, capables d’atteindre des vitesses vertigineuses, redéfinissent les règles du combat. Ils constituent une épée de Damoclès permanente. Afin de s’en protéger, les belligérants développent des dispositifs de défense sophistiqués, dans lesquels systèmes de détection et de protection s’entremêlent.

Pendant des années, le conflit s’enlise. Les hyperforteresses se font face, sans qu’aucune ne parvienne à avancer. Seule une attaque troyenne en 2043 touche et parvient à endommager un vaisseau carthaginois. S’ensuivent des contre-attaques, mais Ioniens et Thraces se brisent sur un réseau d’hyperforteresses troyen. Cyberattaque, mission de sabotage, infiltration… différentes tactiques se déploient pour percer les lignes ennemies jusqu’à l’explosion d’une arme nucléaire rustique dans l’atmosphère et l’intervention de Carthage en soutien à ses alliés Ioniens et Thraces.

Source : ministère des Armées

B.   L’analyse stratégique, nécessaire au rayonnement et à l’excellence de la recherche française, demeure une priorité

1.   La DGRIS poursuit sa mission de soutien à la recherche stratégique grâce aux études

Parmi les missions de la DGRIS, l’analyse prospective du contexte international, tant géopolitique qu’industriel, est destinée à informer la ministre des Armées des évolutions prévisibles du contexte stratégique. À ce titre, la DGRIS coordonne les travaux nécessaires à l’actualisation régulière de la stratégie de défense française et la préparation des documents afférents. D’une part, une démarche directive vise à identifier des axes de recherches sur lesquels des acteurs publics et privés peuvent travailler ; d’autre part, une démarche plus ouverte permet de financer une recherche innovante sur des sujets dont l’intérêt stratégique peut se révéler à plus long terme, de façon à entretenir un vivier d’experts. En ce sens, le pacte enseignement supérieur, qui finance la recherche stratégique universitaire, met en œuvre un programme « innovation » allouant des financements doctoraux ou postdoctoraux.

Les CP programmés au titre du PLF pour 2022 totalisent 8,6 millions d’euros, soit une baisse de 11 % par rapport aux dotations de la LFI pour 2021. Elle est le fait d’une diminution des crédits dédiés aux EPS de l’ordre de 12 %.

La programmation 2021 comprend 15 études réparties entre : 10 EPS, 4 observatoires, et un contrat-cadre. Au 31 juillet 2021, 2 EPS ont été notifiés et 10 contrats (5 EPS, 4 observatoires et 1 contrat-cadre) sont en cours de notification, soit un volume de 80 %. Contractualisés depuis 2015, le retour d’expérience des contrats pluriannuels confirme l’utilité de ce type de vecteur contractuel auprès des prescripteurs du ministère des Armées. De fait, ils permettent d’englober des prestations de diverses natures (veille, consultance, organisation d’événements, etc.) et portent sur des domaines d’études prioritaires pour le ministère des Armées comme la cyberdéfense, le nucléaire de défense, la Russie, le Proche et Moyen-Orient, l’Arctique et la politique de défense des États-Unis.

Parallèlement, 22 autres prestations de type consultances ont été notifiées à ce jour.

2.   Le rayonnement de la pensée stratégique française s’incarne également par le programme « Personnalité d’avenir-défense »

Dans le cadre de sa stratégie d’influence, la DGRIS conduit ce programme depuis 2008. Très jeune si on le compare à son équivalent américain « International Visitor Leadership Program » lancé en 1950, il a pour ambition de sensibiliser de futures élites étrangères, civiles et militaires, aux positions françaises en matière de sécurité et de défense et d’entretenir ainsi un réseau d’influence durable. Sous la responsabilité de la DGRIS, qui participe au programme, interviennent également la DGA et l’EMA.

Les personnalités d’avenir-défense (PAD) sont issues de pays ciblés selon les critères de sélection correspondant aux enjeux stratégiques de la France dans le domaine de la défense, sélectionnées selon des critères précis et choisies en fonction de leur haut potentiel présageant d’une perspective de carrière importante au sein d’institutions liées à la défense et à la sécurité.

L’enveloppe de crédits alloués au programme PAD, est reconduite en 2022, avec 260 000 euros en CP.

Une montée en puissance du programme avait été décidée début 2016 afin de permettre une évolution quantitative et qualitative – sélection de profils de plus haut niveau, programmes en adéquation et amélioration du suivi des PAD reçues. Vingt à trente personnalités sont récompensées chaque année et 270 personnes ont été accueillies au ministère des Armées depuis le début du programme.

C.   Les crédits dédiés aux études opérationnelles et technico-opérationnelles demeurent stables

1.   Des crédits en légère évolution

Pilotées sous la forme de projets de maîtrise de l’architecture du système de défense (MASD) et confiées au centre d’analyse technico-opérationnelle de défense (CATOD), les EOTO visent à instruire des questions complexes sous un angle « technico-opérationnel » afin de contribuer à éclairer les alternatives capacitaires envisageables pour les différents systèmes de force. Elles participent également à l’effort de compréhension et d’anticipation sur les dispositifs adverses auxquels seront confrontées les capacités.

Sous pilotage de l’EMA, le financement de ces EOTO est assuré par le programme 144 à hauteur d’environ 22 millions d’euros par an, en AE et en CP. Il permet de faire appel aux compétences de l’industrie de défense et de les faire participer aux réflexions sur l’adaptation des capacités, en amont des décisions de lancement des programmes d’armement prises par le comité ministériel des investissements. Les crédits sont répartis au sein des six systèmes de force :

dissuasion : évaluation des performances des deux composantes de la dissuasion ;

commandement et maîtrise de l’information : renseignement et maîtrise électromagnétique, communications (constellations, aéronautiques, navales et sous-marines), capacités d’action dans l’espace ;

engagement-combat : combat air-air, engagement collaboratif naval, meutes de munitions et attaques de saturation ;

projection, mobilité et soutien : transport et déplacements par voie aérienne, projection stratégique ;

protection-sauvegarde : menace et lutte anti-drones, défense anti-aérienne et effecteurs anti-aériens, guerre des mines ;

– et études transverses : travaux sur le référentiel de la menace, études du laboratoire de travail en groupe et du laboratoire technico-opérationnel.

 

 

 

 

Crédits de la sous-action 7-2 « Prospective des systèmes de forces » (en millions d’euros)

 

Opérations budgétaires

LFI 2021

PLF 2022

Évolution CP 2021/2022

 

AE

 

CP

Part du

total (CP)

 

AE

 

CP

Part du

total (CP)

Dissuasion

3,5

3,5

16 %

3,5

3,5

16 %

0 %

Commandement

et maîtrise de l’information

 

4,0

 

3,6

 

16 %

 

4,7

 

4,3

 

19 %

 

19 %

Engagement –

combat

7,9

8,2

37 %

8,0

7,4

33 %

-10 %

Études

transverses

4,1

3,1

14 %

3,9

4,8

21 %

55 %

Projection- mobilité-soutien

 

1,1

 

1,6

 

7 %

 

0,9

 

1,2

 

5 %

 

-21 %

Protection et sauvegarde

 

1,7

 

2,3

 

10 %

 

1,6

 

1,4

 

6 %

 

-40 %

Total

22,33

22,3

100 %

22,6

22,6

100 %

1,18 %

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

2.   Une gestion conjointe par la Direction générale de l’armement et l’état-major des armées

Le plateau de travail collaboratif entre l’EMA et la Direction générale de l’armement (DGA) a été inauguré le 14 octobre 2019. Cette initiative est née, dans le cadre de la réorganisation des opérations d’armement, de la volonté d’associer davantage, dès le stade de la conception des systèmes d’armes, l’EMA, les armées, la DGA et les industriels dans une démarche commune.

Désormais, l’idée est de faire travailler tous ces acteurs ensemble dès que le besoin initial est exprimé pour aboutir à l’édition d’un « document unique de besoin » qui servira de base au travail collaboratif.

Avec la division COCA de l’EMA, le service d’architecture du système de défense (SASD) de la DGA, créé le 1er janvier 2020, se porte garant de la cohérence capacitaire afin d’éviter que le produit final ne corresponde pas aux besoins exprimés sur le terrain. Cela suppose de mener un dialogue constant avec l’ensemble des parties prenantes, facilité par la création du plateau. À cet égard, la division COCA s’assure également du caractère réaliste des demandes exprimées sur le terrain. Les besoins doivent à la fois être analysés au prisme du réalisme mais doivent également être exprimés sans conservatisme ou censure.

La cohérence des programmes ne s’arrête pas aux seuls programmes d’armement : l’EMA et la DGA veillent à ce que les doctrines d’emploi soient cohérentes et que les personnels soient formés à leur usage. La démarche capacitaire doit ainsi couvrir tout le spectre dit « DORESE » : doctrine, organisation, ressources humaines, équipements, soutien des forces et entraînement.

Le spectre des programmes d’armement traités par le plateau est vaste : il s’étend des petits équipements aux grands projets tels que le SCAF ou le système de lutte anti-mines du futur (SLAM-F).

3.   L’ONERA et l’ISL, deux organismes de recherche d’excellence soutenus par le ministère des Armées

a.   L’ONERA

La mission centrale de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) est de développer, d’orienter et de coordonner les recherches dans le secteur aérospatial, dans ses différentes composantes que sont la défense, le transport aérien et les activités spatiales. L’office conçoit, réalise et met en œuvre les moyens nécessaires à l’exécution de ces recherches et assure, en liaison avec les services ou organismes chargés de la recherche scientifique et technique, la diffusion sur le plan national et international des résultats de ces recherches. Il en favorise la valorisation par l'industrie aérospatiale et facilite leur application éventuelle en dehors du domaine aérospatial. L’ONERA est un partenaire clé de l’État et de l’industrie aéronautique et spatiale, militaire et civile.

L’Office effectue les recherches les plus amont, et donc à risque, sur les crédits de la subvention pour charges de service public (SCSP) et les valorise dans la partie la plus aval effectuée sur contrats.

Pour 2021, la prévision d’activité contractuelle de l’ONERA est valorisée à 133,2 millions, soit une hausse de 12 % par rapport à l’année 2020 – dont l’exercice a été perturbé par les conséquences de la crise sanitaire. La subvention prévue dans le PLF pour 2022 est de 108,9 millions d’euros.

En 2021, le ministère des Armées demeure un client majeur de l’ONERA, totalisant plus de 40 % de la production contractuelle. Dans le même temps, l’ONERA augmente son niveau d’activité au profit de l’aviation civile (17,4 %), sur des activités notamment liées à la propulsion et à l’environnement soutenue par le plan de relance de l’avion civile et cherche à consolider son ancrage auprès des acteurs de la filière spatiale (4,1 %). S’ajoutent les activités sensiblement stables prévues par les financements européens (9 %) dans le cadre du programme H2020 et de l’implication dans le projet CleanSky II.

Concernant le contrat d’objectifs et de performance (COP) 2017 – 2021, alors qu’il se plaçait dans une logique de restauration de l’équilibre financier de l’Office, début 2019, le contexte était au contraire celui d’une hausse de la demande de prestation dans le domaine aérospatial, conduisant à réviser cette stratégie de rigueur. La préparation du COP 2022 – 2026 s’est engagée à l’automne 2020 dans un contexte contrasté, partagé entre un soutien de l’activité encouragé par une LPM particulièrement ambitieuse et des incertitudes créées par la crise sanitaire.

Enfin, dans le rapport pour avis pour le PLF pour 2021, l’ONERA avait attiré l’attention du rapporteur pour avis sur les difficultés de fidélisation des ressources humaines. Cette année, les réformes mises en place ont permis de réduire le nombre de démissions et surtout de résorber les démissions pour cause de salaire (11 % en 2021 contre 30 % en 2020), ce dont le rapporteur pour avis se félicite.

b.   L’ISL

L'institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL) a été créé par une convention franco-allemande en 1958 dans le but de mettre en œuvre une coopération étroite entre les deux États sur les recherches et études, tant scientifiques que techniques, dans le domaine de la défense et de la sécurité.

En 2021, les contributions de chaque État ont été de 23,244 millions d’euros pour 2021. Au PLF pour 2022, la subvention de l’ISL est réduite de 15 millions d’euros, principalement à la suite d’une mesure d’anticipation de son versement en gestion 2021. Autrement dit, l’équilibre global de la subvention de l’Institut est bien respecté pour ces deux années.

De plus, les encaissements budgétés de contrats de tiers devraient être de 4 millions d’euros en 2022 et les prises de commande 2021 devraient dépasser 5,5 millions d’euros. La croissance des prises de commande moyennée sur plusieurs années reste de l’ordre de 300 000 euros supplémentaires par an.

Malgré les difficultés liées à la crise sanitaire, l’ISL a amplifié les actions de collaboration avec ses partenaires industriels, académiques et opérationnels :

– dans le cadre du FED, des contrats sont notifiés ou en préparation ;

– l’ISL a été nominé au « Commission Expert Group on Policies and Programmes Relevant to EU Space, Defence and Aeronautics Industry » ;

– l’accord stratégique avec l’Université de la Bundeswehr à Hambourg (HSU) est déployé ;

– et l’ISL contribue au nouveau projet stratégique de l’Armée de Terre, Vulcain, lancé en juin visant à construire progressivement sa capacité de rupture robotique jusqu’en 2040. L’Institut était notamment présent lors de l’édition 2021 de la présentation des capacités de l’armée de Terre (PCAT).

 

 

LES AXES retenus dans le common need paper de 2020

Le Common Need Paper (CNP) de 2020 reprend les sujets du CNP de 2015, mais en les réorganisant avec des chapitres différents.

Les thèmes du CNP de 2020 sont les suivants :

Matériaux énergétiques et systèmes énergétiques

- Balistique intérieure et matériaux énergétiques associés

- Détonique et matériaux énergétiques associés

Techniques de vol des projectiles 

- Amélioration de la précision des projectiles

- Extension du domaine d'action des systèmes d'armes

- Caractérisation aérodynamique des munitions

- Capteurs, systèmes de communication et algorithme guidage, navigation et contrôle

Technologies électromagnétiques 

- Sources d'énergie de haute puissance

- Composants électroniques de forte puissance

- Accélération électromagnétique 

Technologies de protection, sécurité, connaissance de la situation 

- Caractérisation des menaces

- Protection contre les explosifs et les menaces balistiques

- Amélioration de la protection du soldat démonté

- Matériaux de protection balistique

- Vieillissement des matériaux de protection

- Imagerie, détection et traitement avancés

- Acoustique

Lasers 

- Sources laser infrarouges (ondes courtes à moyennes) pour les applications de contre-mesure et de guerre électronique

- Interaction laser-matière

Source : ministère des Armées

Le Plan « Ambition 2030 » vise à amplifier les bons résultats du plan « ISL 2020 », mais également à contrecarrer ses effets négatifs, notamment en matière d’équilibre franco-allemand. Avec environ deux tiers de Français pour un tiers d’Allemands, l’Institut est attaché à revenir vers l’objectif de parité pour les fonctions critiques. À cet égard, l’ISL a suggéré une mesure pour améliorer son attractivité – une dérogation au règlement n° 883/2004 du 29 avril 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale – et une mesure qui serait de nature à rétablir de manière structurelle la parité – par l’établissement d’une succursale allemande de l’ISL qui intégrerait les éléments de l’institut Fraunhofer voisin travaillant sur les mêmes thématiques que l’ISL.

Cependant, les deux premiers workshops du cycle de conférence entre les tutelles et l’ISL chargés de discuter les propositions du plan « Ambition 2030 » témoignent d’une certaine réticence de la partie allemande à favoriser une meilleure insertion de l’ISL dans l’écosystème allemand de recherche et technologie (R&T) de défense.

4.   La DGA exerce une tutelle sur 4 écoles à la pointe de la recherche en matière de défense

a.   L’ENSTA Paris

Le montant de la SCSP de l’ENSTA Paris au titre du PLF pour 2022 s’élève à 18,2 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 400 000 euros de dotations en fonds propres. Le plafond d’emplois est pratiquement stable à 177 équivalents temps plein travaillés (ETPT).

b.   L’ENSTA Bretagne

Le montant de la SCSP de l’ENSTA Bretagne au titre du PLF pour 2022 s’élève à 15,2 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 400 000 euros de dotations en fonds propres. Avec 183 ETPT, le plafond d’emplois est presque fixe.

c.   ISAE-Supaéro

Le montant de la SCSP d’ISAE au titre du PLF pour 2022 s’élève à 38,4 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 1,6 million d’euros de dotations en fonds propres. Le plafond d’emplois est quasiment stable à 412 ETPT.

d.   L’École polytechnique

Le montant de la SCSP de l’École polytechnique au titre du PLF pour 2022 s’élève à 95,8 millions d’euros, auxquels s’ajoutent 4 millions d’euros de dotations en fonds propres. Le plafond d’emplois est pratiquement stable à 2 680 ETPT, dont 1 639 élèves.

La Cour des comptes a consacré un chapitre de son rapport public annuel 2020 à la gestion financière de l’École polytechnique. Elle y dresse un réquisitoire sévère contre ladite gestion, dont elle estime qu’elle « n’est pas à la hauteur des ambitions de l’École ». Ses résultats font apparaître cinq exercices déficitaires consécutifs sur la période 2014-2018, qui se sont traduits par une perte cumulée de près de 20 millions d’euros.

En tant qu’autorité de tutelle de l’École, le ministère des Armées a donc pris des mesures en suivant les trois pistes mentionnées par la Cour. Un audit, réalisé par le cabinet EY et le ministère des Armées, a confirmé les conclusions du rapport. En 2020, le conseil d’administration (CA) de l’École polytechnique s’est ainsi doté d’un conseil financier qui a remis à niveau la fonction financière en réorganisant la direction des affaires budgétaires et financières et mis en place un nouveau système d’information financier. Ce dernier entrera en service le 1er janvier 2022. En sus, la création d’un comité de finances mensuel permet de suivre de manière plus étroite les finances de l’école et renforce le dialogue de gestion. Concernant la comptabilité analytique, un référentiel analytique basé sur les activités (recherche, entreprenariat, vie du campus, etc.) sera lancé en janvier 2022.

III.   Les crédits de l’action 8 demeurent stables et continuent de soutenir la diplomatie de défense du ministère des armées

Les crédits de l’action 8 « Relations internationales et diplomatie de défense » dans le PLF pour 2022 sont en très légère hausse par rapport à la LFI pour 2021. Ils s’élèvent à 41,3 millions d’euros en AE et en CP, soit une hausse de 2 % pour les AE et de 1,4 % pour les CP par rapport à la LFI pour 2021.

Cette augmentation des crédits permettra d’une part de financer l’activité opérationnelle de la DGRIS et d’autre part, la création d’un fonds de soutien à la modernisation des forces armées djiboutiennes, dispositif nouveau s’inscrivant dans un renforcement du partenariat bilatéral de défense franco-djiboutien.

A.   Un budget dédié au rayonnement international du ministère des armées et au financement des missions de défense à l’étranger

1.   La France contribue aux budgets dédiés à la lutte internationale pour la paix par ce biais

Initié lors du sommet du G8 de Kananaskis en juin 2002 pour une durée de dix ans, le « Partenariat mondial » a été prolongé sans limite de temps au-delà de 2012 à l'occasion du sommet du G8 de Deauville en mai 2011. La lutte contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes constitue le pilier de ce partenariat, auquel le ministère des Armées a décidé de consacrer environ 1 million d’euros par an. Les projets soutenus par le ministère des Armées s'inscrivent dans le cadre politique et les objectifs définis par le document adopté par les chefs d’État et de gouvernement lors du sommet de Deauville.

Aussi, le ministère des Armées initie et pilote des programmes présentant une réelle valeur ajoutée pour la protection des Forces ou en matière de lutte contre la prolifération depuis 2014. À ce titre, des coopérations dans le domaine de la connaissance scientifique sur les agents biologiques avec des instituts de recherche étrangers se dérouleront sur plusieurs années, au Kazakhstan, au Kirghizistan et au Sénégal ([1]).

Par ailleurs, le ministère des Armées a financé à hauteur de 500 000 euros sur la période 2019-2021 la construction du nouveau laboratoire de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC).

En 2020 finalement, le ministère a initié un projet intitulé SecBio dont l’objectif est de créer une plate-forme collaborative de textes réglementaires et de bonnes pratiques sur la sécurité et la sûreté biologiques. Cette contribution de la France est destinée à être à terme partagée par l’ensemble des États parties à la convention sur l’interdiction des armes bactériologiques ou à toxines (CIABT).

2.   L’action 8 finance également les missions de défense à l’étranger

À l’été 2021, le réseau diplomatique de défense bilatéral compte 89 missions de défense (MdD) dont deux délocalisées (Yémen et Libye) et couvre 167 pays, parmi lesquels 78 pays suivis en non-résidence (NR), avec un effectif réalisé de 266 expatriés et 1 agent de droit local (ADL).

Dans le cadre interministériel de la réforme des réseaux de l’État à l’étranger (RREE), les mesures programmées dans le schéma directeur permettent une diminution de la masse salariale estimée à 4,8 % sur la période 2018-2022. Cela permet d’atteindre la cible de 5 % sur laquelle s’est engagé le ministère au titre de la réforme « Action Publique 2022 » au prix de fortes contraintes en effectifs sur son réseau.

Le ministère des Armées veille désormais à ce que toute nouvelle mesure d’aménagement de MdD respecte bien les contraintes de masse salariale fixée sur la base des effectifs. Toute création de MdD ou de poste doit nécessairement s’accompagner de la suppression d’une MdD ou d’un poste.

Ainsi, la création d’une MdD en Estonie, dont la montée en puissance de la relation bilatérale est à souligner, est à l’étude et jugée prioritaire.

Les fermetures des MdD de Zagreb, de Luanda et de Lima ont été reconsidérées. Premièrement, après la Présidence croate de l’UE, le pays a annoncé en mai 2021 l’achat de 12 avions de combat Rafale dans le cadre de la modernisation de son armée, entraînant à nouveau le maintien de cette MdD qui devient une mesure prioritaire. La réouverture d’un poste d’assistant d’attaché de défense est envisagée pour 2022. Deuxièmement, le Président de la République, à la suite d’un entretien avec son homologue angolais, compte tenu du contexte international et de la stratégie présidentielle, a revu sa position concernant l’avenir de la MdD de Luanda. Troisièmement, au regard de la participation des forces armées péruviennes à l’effort opérationnel de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en Centrafrique (MINUSCA), du potentiel dans le domaine armement et de la suppression du poste de coopérant dépendant de la direction de la coopération de sécurité et de défense (DCSD), la MdD de Lima est maintenue.

En outre, la suppression du poste d’attaché de défense adjoint au Mexique est confirmée pour 2021. S’agissant des pays suivis en NR, le Honduras sera transféré en suivi en NR à la Colombie, le Salvador et le Guatemala restent attribués en NR à l’AD Mexico. En outre il a été décidé l’abandon du suivi concernant le Nicaragua et Cuba.

Les autres mesures d’économie prises et appliquées dès l’été 2021 ont pour principaux effets de réduire le format de plusieurs MdD en Afrique du Nord (Alger, Tunis) ainsi qu’en Europe (Moscou, Londres, Varsovie, Ukraine). Certaines mesures sont compensées par des renforts ponctuels sur certains pays (Inde, Jordanie, États-Unis, Grèce) présentant des intérêts stratégiques prioritaires. Si, dans les grandes missions (États-Unis, Allemagne, Royaume-Uni notamment), le niveau du dialogue stratégique et de la coopération militaire ainsi que les enjeux en matière d’armement impliquent que l’attaché de défense dispose d’une équipe spécialisée, le format des autres missions est ajusté selon les priorités de la coopération militaire ou d’armement avec un dispositif minimal articulé avec ceux de la coopération de défense structurelle, de nos forces de présence et des OPEX, dans les régions du Proche et Moyen-Orient et dans certains pays d’Asie.

Après les efforts consentis au titre de la mutualisation des soutiens (18 postes de titulaires transférés au ministère de l’Europe et des Affaires étrangères (MEAE), dont 91 sur le réseau bilatéral, et la quasi-totalité – 128 ETPT – de ses agents de droit local), sa contribution quantitative à la cible globale d’économie du chantier « Action Publique 2022 » mérite d’être mise en perspective. Pour mémoire, le réseau des MdD (3 % des effectifs de l’État à l’étranger) a connu, avant la réforme « Action Publique 2022 », une réduction de 34 % depuis 2008, du fait principalement de la ponction opérée sur ce réseau pour armer les postes insérés à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN), après la décision de pleine intégration dans le commandement militaire de l’Alliance. Les deux tiers des missions de défense sont aujourd’hui au format strictement minimal d’un officier assisté d’un sous-officier.

Enfin, le réseau des attachés de défense a été et demeure tout particulièrement sollicité par la crise sanitaire mondiale, tant par leur contribution aux cellules de crise au sein des ambassades que par les comptes rendus quotidiens sur l’évolution de la situation locale et les conséquences sur les armées et le contexte sécuritaire.

B.   Le soutien à Djibouti et à l’Agence européenne de défense relève également du programme 144

1.   La base française à Djibouti

La France est redevable d’une contribution annuelle forfaitaire de 30 millions d’euros au gouvernement de la République de Djibouti en compensation de l’implantation des forces françaises stationnées sur son territoire (FFDJ), conformément au traité de coopération en matière de défense signé en 2011 et entré en vigueur en 2014. Selon les modalités d’application du traité, la partie djiboutienne s’engage à déduire de la contribution forfaitaire de 30 millions d’euros tout impôt, taxe, droit de douane, redevance ou prélèvement supplémentaire de la contribution française.

Évolution deS contributionS FRANÇAISES AU gouvernement
de la république de djibouti

(en M€)

2016

2017

2018

2019

2020

2021

PLF 2022

Montant
Exécuté

26,2

25,5

25,8

26,1

26,4

25,6

26,4

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

La ressource programmée en 2022 pour cette dépense est de 26,4 millions d’euros.

Une légère et progressive augmentation des effectifs des FFDJ est prévue jusqu’en 2025 et a déjà été amorcée (+ 40 effectifs en 2020 et + 30 prévus jusqu’en 2025). L’objectif est :

– de renforcer la capacité des FFDJ en reconnaissance investigation, tout en s’approchant des standards d’organisation des unités blindées françaises qui arment par rotation ces postes ;

– et de renforcer la sécurité de la base aérienne dans un contexte de menace terroriste avérée.

Par ailleurs, le principal fait marquant du PLF pour 2022 concerne la création d’un fonds de soutien à la modernisation des forces armées djiboutiennes. Ce nouveau dispositif s’inscrit dans une démarche dynamique de renforcement du partenariat bilatéral de défense franco-djiboutien.

2.   La contribution française au budget de l’AED

L’AED tient une place importante dans le paysage institutionnel de l’Europe de la défense, notamment en tant qu’agence des États membres. Elle sera amenée à jouer un rôle clé dans la mise en œuvre du FED, notamment pour le recueil du besoin capacitaire et la gestion de certains projets de recherche. Il s’agira notamment de faire converger les priorités des États membres et d’identifier des opportunités de coopération dans le cadre du processus de priorisation capacitaire dirigé par l’AED. L’objectif, en développant entre Européens des capacités communes, est de renforcer l’autonomie stratégique européenne, en particulier son volet industriel et technologique.

Les années 2017-2021 ont été marquées par une augmentation du budget de l’AED (+ 21 % sur 6 ans). Le budget de l’AED était ainsi de 31,2 millions d’euros en 2017, le Haut Représentant/Vice-Président (HR/VP) de la Commission européenne propose de l’augmenter à 38 millions d’euros en 2022. L’Agence justifie cette augmentation par ses missions de soutien au FED et d’aide apportée aux États membres dans la mise en œuvre du Strategic Context Cases (SCC), de l’Overarching Strategic Research Agenda (OSR) et de la coopération structurée permanente (CSP).

La contribution française au budget de l’AED dans le PLF pour 2022 s’établit à 6,80 millions d’euros.

Évolution deS contributionS FRANÇAISES AU BUDGET DE L’AED

(en millions d’euros)

2017

2018

2019

2020

2021

PLF 2022

Montant

Exécuté

5

4,7

5

5,2

6,6

6,8

Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire.

L’essentiel de l’augmentation correspond à des dépenses de personnel et de fonctionnement en lien avec les nouvelles missions de l’Agence dans la préparation du PEDID et du FED et à la mise en place d’un système d’information classifié au sein de l’Agence.

L’augmentation de la contribution française s’explique également par le retrait du Royaume-Uni de l’UE qui est intervenu le 31 décembre 2020.

 


—  1  —

   Deuxième partie : Innovation et numérique

 

I.   Le pilotage de la politique ministérielle en matière de pilotage, de conduite et d’innovation des projets numériques est partagé entre trois entités principales

A.   La Direction générale du numérique et des systèmes d’information et de communication constitue l’échelon stratégique de la gouvernance du numérique au sein du ministère

1.   La mission principale de la Direction générale du numérique et des systèmes d’information et de communication est de proposer la politique ministérielle et d’assurer la cohérence d’ensemble du système d’information et de communication de la défense

La Direction générale du numérique et des systèmes d’information et de communication (DGNUM) est un organisme de l’administration centrale du ministère des Armées placé sous l’autorité directe de la ministre des Armées.

Créée afin de renforcer la cohérence globale des systèmes d'information et de communication (SIC), et d'améliorer les conditions dans lesquelles sont conduits les projets majeurs dans ce domaine, la DGNUM œuvre en concertation avec le chef d'état-major des armées (CEMA), le délégué général pour l’armement et la secrétaire générale pour l'administration, respectivement responsables de la mise en œuvre de la politique ministérielle en matière de systèmes d'information opérationnels et de communication, de système d'information scientifiques et techniques et de systèmes d'information, d'administration et de gestion.

Ses principales missions sont :

– de proposer et mettre en œuvre et les évolutions de la politique ministérielle du numérique et des SIC ;

– d’assurer la cohérence d’ensemble des SIC de la défense en concertation avec les grands subordonnés (EMA, DGA, secrétariat général pour l’administration (SGA)) et le cabinet de la ministre ;

– de concevoir et piloter les évolutions structurantes indispensables à la transformation numérique du ministère ;

– d’appuyer les évolutions du SIC de la défense par un rôle d’assistance et de conseil auprès des grands subordonnés ;

– et enfin, d’apporter une expertise spécifique sur les sujets de la donnée, des ressources humaines du numérique et des SIC, de la sécurité numérique, des fréquences, du rayonnement du numérique et de la transformation numérique des métiers.

Ces missions visent à servir trois objectifs stratégiques qui sous-tendent la politique ministérielle du numérique définie dans le cadre de l’ambition numérique du ministère des Armées :

– garantir l’efficacité opérationnelle et la maîtrise de l’information sur les théâtres d’opérations ;

– améliorer la relation au citoyen et l’attractivité du ministère des Armées ;

– et renforcer l’efficience des soutiens et faciliter le quotidien des personnels ;

La DGNUM dispose d’un budget annuel de l’ordre de 16 millions d’euros pour assurer le financement des études et projets d’accompagnement de la transformation numérique du ministère, ainsi que pour son fonctionnement.

La DGNUM assure par ailleurs la cohérence globale des investissements SIC du ministère des Armées. Elle établit chaque année le plan d’investissement ministériel des SIC.

2.   La DGNUM est également chargée du pilotage et de la coordination entre les armées, directions et services du ministère des Armées ainsi qu’avec les autres services de l’État

a.   Au sein du ministère des Armées

La gouvernance ministérielle animée par la DGNUM se structure principalement autour du CECNUM (comité exécutif du numérique et des SIC) qui réunit les entités chargées du domaine numérique auprès des trois grands subordonnés de la ministre (EMA, SGA et DGA), dont la Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information (DIRISI), le commandement de la cyberdéfense (COMCYBER) et l’Agence du numérique de défense (AND), ainsi que le contrôle général des armées (CGA).

La DGNUM s’appuie sur le centre d’appui aux systèmes d’information de la défense (CASID) de la DIRISI et peut confier des missions, audits, études techniques et études de sécurité aux centres de développement des applications de la défense (CDAD) relevant de la DIRISI. En matière de gestion des fréquences, la DGNUM exerce aussi une autorité fonctionnelle sur le centre national de gestion des fréquences (CNGF) de la DIRISI.

Enfin, la DGNUM entretient des liens étroits avec la direction de la protection des installations, moyens et activités de la défense (DPID) dans le domaine de la sécurité numérique.

b.   Avec les autres services de l’État

Au dehors du ministère des Armées et au titre de l’appartenance d’une partie des SIC du ministère au SI de l’État, la DGNUM s’inscrit dans la gouvernance interministérielle du numérique, confiée à la Direction interministérielle du numérique (DINUM). Dans ce contexte, le DGNUM participe au comité interministériel du numérique (CINUM), qui réunit tous les directeurs des SI de l’État.

Enfin, la DGNUM est en relation avec le SDGSN pour les questions portant sur les réseaux classifiés de l’État.

B.   Une nouvelle entité en charge de la conduite des projets numériques au sein du ministère : l’Agence du numérique de défense

Aux termes de l’arrêté du 23 avril 2021 portant création de l’AND, cette dernière est un service à compétence nationale rattaché au DGA.

Elle est chargée de trois missions principales :

– la conduite des projets numériques pour le compte du ministère des Armées ;

– le conseil à l’ensemble des armées, directions et services (ADS) du ministère des Armées sur la définition de leurs besoins ;

– et la mise en œuvre de la politique industrielle du ministère des Armées dans le domaine des technologies numériques.

Sur le plan hiérarchique, le pilotage de la politique ministérielle dans le domaine du numérique est assuré par la DGNUM, tandis que la DIRISI est l’opérateur du ministère des Armées. À titre d’exemple, dans le domaine du cloud, la DGNUM aura la charge du pilotage et de la stratégie globale du ministère pour son déploiement, tandis que l’AND aura la charge de la conduite du projet pour les divers incréments du projet et la DIRISI aura la charge de l’achat des serveurs ou des centres de données nécessaires. L’AND aura donc la charge de la conception, du développement et du déploiement, tandis que la DIRISI aura la charge de la connexion des réseaux. Cependant, quand les programmes dans le domaine du numérique sont de grande ampleur, la gestion relèvera de la DGA. Autrement, quand les projets ont trait à l’acquisition de matériels et de logiciels, la gestion relève de la DIRISI.

Selon le directeur de l’AND, lors de la création de cette dernière, l’objectif était « de ne pas créer une tour d’ivoire des informaticiens au ministère des Armées mais de faire en sorte qu’il ait toujours un lien entre le projet et le métier » pour éviter les échecs en matière de conception des systèmes d’information (SI). Rattachée à la DGA, l’AND a, parmi ses personnels, tant des personnes relevant de la DGA que des personnes issues des autres ADS du ministère des Armées. Au total, entre 400 et 450 personnes concourent à l’activité de l’AND, en comprenant la partie de la DIRISI rattachée de manière fonctionnelle à l’AND.

L’agence est subdivisée en trois grands pôles :

– un pôle « soutien-performance », pour l’achat, les finances et la qualité ;

– un pôle « ingénierie de la transformation numérique », pour les méthodes de conduite de projets ;

– et un pôle « organisation technique », pour la conduite des projets, avec des divisions en son sein qui sont en charge des différents projets.

L’AND a la charge de la gestion des projets relatifs aux systèmes d’information, d’administration et de gestion (SIAG) et aux systèmes d’information opérationnels et de commandement (SIOC) pour le compte de l’ensemble des ADS du ministère des Armées. À ce titre, elle gère les développements de Source Solde ou d’Archipel (système d’archivage du ministère des Armées) pour les SIAG, ou encore du système d’information des armées (SIA) qui fournit l’ensemble des informations des capteurs et des systèmes d’armes pour les SIOC.

Néanmoins, dans la mesure où l’AND est encore en phase de croissance, elle ne gère pas encore tous les projets. Un second arrêté a défini les missions du conseil d’orientation et de pilotage (COP) de l’AND. Celui-ci supervise la manière dont l’agence est gérée et définit annuellement la liste des projets qui lui sont confiés, afin d’assurer une montée en puissance progressive de l’agence. À ce stade, l’AND ne s’occupe donc pas de l’ensemble des SI car le ministère souhaite que l’agence se concentre sur les projets complexes ou à forts enjeux.

Par ailleurs, l’AND interagit fréquemment avec l’AID pour la gestion de l’industrialisation d’une innovation. Elle contribue à l’accélération des cycles pour tirer parti des démonstrateurs soumis par l’AID. Après dépôt d’un projet sur le guichet unique de l’AID, l’AND est sollicitée pour évaluer le degré de maturité de la technologie proposée. Elle se prononce en particulier sur les possibilités d’industrialisation du projet.

C.   La Direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information est l’opérateur du ministère des armées

La DIRISI a pour rôle de garantir l’exercice du commandement opérationnel, d’appuyer la transformation numérique du ministère des Armées et d’assurer le fonctionnement des systèmes numériques qui lui sont confiés. Elle est placée sous la gouvernance du CEMA, qui est son autorité d’emploi et son autorité organique, et de la DINUM qui définit la politique générale relative aux services d’information et de communication (SIC) du ministère des Armées et établit des directives qui s’appliquent notamment à ses activités. La DIRISI est la partenaire des ADS du ministère des Armées et elle fournit également des prestations interministérielles. Au titre de ses pourvoyeurs de ressources, la DIRISI travaille notamment avec le SID, qui assure notamment la maîtrise d’ouvrage des centres de données et l’entretien des infrastructures, des locaux techniques et des moyens d’environnement associés (énergie, climatisation, chauffage, etc.).

Son périmètre de responsabilité comprend les réseaux opérationnels projetés sur les théâtres d’opérations, les réseaux de transmissions stratégiques de la dissuasion et les réseaux et services communs du « socle numérique », qui couvrent les différents niveaux de classification du secret en usage au sein du ministère des Armées. La DIRISI transporte l’information, héberge les applications et les données dans ses centres de données et sécurise l’ensemble de ces systèmes en lien avec le COMCYBER.

Pour assurer le soutien et l’appui de proximité des usagers, la DIRISI est organisée en 7 directions régionales métropolitaines et 10 directions locales en outre-mer et à l’étranger. Pour soutenir les 1 400 sites de son périmètre de responsabilité, elle dispose de 38 unités stationnées sur les bases de défense de métropole ainsi que de 117 détachements plus légers. Elle comprend plus de 6 600 personnes dont 1 200 femmes et 60 % de militaires.

La DIRISI déploie également les systèmes et elle fournit un appui technique aux projets de sécurité informatique et numériques du ministère des Armées. Elle dispose notamment de la « Fabrique numérique » qui repose sur le principe innovant des start-ups d’État et de centres en charge du développement et de la maintenance d’applications métier ou d’usage général (administration, gestion, etc.) qui ne relèvent pas de programmes d’armement ou à forts enjeux.

II.   Les grands domaines d’innovation et les grands projets conduits par le ministère des armées dans le domaine du numérique de défense

A.   Les projets innovants dans le domaine du numérique, y compris en matière de renseignement, font l’objet d’un effort d’investissement conséquent

1.   L’effort financier consacré aux services d’information opérationnels et de communication témoigne de la prise en compte de leur bonne prise en compte par le ministère des Armées

Les principaux projets retenus dans le domaine des systèmes d’information opérationnels (SIO) et SIC dans le cadre de la LPM 2019-2025 sont les suivants :

– la définition et l’évaluation de nouvelles architectures permettant le partage des données et des services, la résilience, l’intégration et le déploiement continus (cloud en métropole, cloud d’entrée de théâtre et combat collaboratif de milieu et multi-milieux aux niveaux les plus tactiques) ;

– la démonstration des traitements automatiques d’optimisation de la gestion et des performances des réseaux de télécommunications permettant d’améliorer le service utilisateur, ainsi que la robustesse et la résilience des réseaux face aux menaces ;

– l’étude des architectures et services nécessaires pour le stockage, la gestion, le partage de grands volumes de données et la prise en compte des modalités d’échanges maîtrisés entre niveaux de classification différents ;

– l’évaluation de l’impact d’une utilisation massive d’objets connectés sur le dimensionnement des SIO ;

– l’évaluation de l’impact des nouvelles technologies sur les interfaces hommes-machines appliquées aux SIC : interaction naturelle (cognitique), réalité augmentée, réalité virtuelle, etc. ;

– l’évaluation des technologies innovantes dérivées du civil et des composants logiciels d'interopérabilité développés par nos alliés pour la réalisation des fonctions des SIO futurs, ainsi que les modalités agiles de leur intégration ;

– la participation aux travaux amont du projet Federated Mission Networking (FMN) et aux grands exercices interalliés pour disposer des technologies garantes de l’interopérabilité, y compris au niveau tactique ;

– l’étude d’architecture de la fonction d’appui feu interarmées ;

– et l’étude d’architecture du futur système d’information de la fonction interarmées du renseignement, en vue de proposer des options d’articulation des différents niveaux de traitement des informations tout en accélérant la boucle du renseignement.

Concernant le lien avec le secteur civil, le principe est de focaliser les travaux uniquement sur des sujets spécifiques aux applications militaires et de tirer parti des résultats de la recherche et développement (R&D) réalisée pour des applications civiles, y compris celle faisant l’objet d’un soutien de l’UE, des pôles de compétitivité, de l’accompagnement de l’innovation.

En effet, dans le domaine des télécommunications, les évolutions et les innovations sont principalement portées par le secteur civil. Les nouvelles technologies (cloud, virtualisation des fonctions réseaux, 5G, internet des objets, radio cognitive, réseaux IP évolués…) fournissent une « capacité augmentée » auxquelles les forces armées peuvent avoir recours.

Pour les systèmes d’information opérationnels, la maîtrise de ces technologies duales est un enjeu fondamental pour être à même de capter de façon agile les évolutions technologiques du secteur. Il s’agit d’investiguer les possibilités de portage de nouvelles technologies civiles (traitement de données de masse, IA, machine learning, deep learning, edge computing, etc.) pour valoriser les grandes quantités d’information produites par les systèmes (capteurs) actuels et prévisibles. À cette fin, des démarches non prescriptives seront expérimentées en complément des études classiques.

2.   Le renseignement bénéficie également de financements pour la menée de projets innovants

Les principaux projets retenus dans le domaine du renseignement (hors espace) dans le cadre de la LPM 2019-2025 sont les suivants :

– l’accroissement de la maturité et des performances ainsi que l’extension des fonctionnalités des futures chaînes d’acquisition et de traitement du renseignement d’origine électromagnétique, stratégiques, opératives et tactiques pour les rendre robustes et performantes face à l’évolution de l’utilisation du spectre électromagnétique. Le concept de ballon stratosphérique porteur de capteurs de renseignement s’inscrit dans cette démarche ;

– le développement des briques technologiques aéroportées permettant une amélioration significative des performances optroniques et électromagnétiques afin d’atteindre les performances nécessaires à une augmentation de l’altitude de mise en œuvre des porteurs ou à un accroissement du champ couvert ;

– la réalisation des démonstrateurs technologiques et opérationnels d’imagerie multi-spectrale en vue d’en permettre le déploiement dans les programmes (viseurs de véhicules terrestres, de bâtiments de la Marine, boules aéroportées, système d’imagerie sous chasseur, etc.) ;

– l’accroissement de la maturité et des performances ainsi que l’extension des fonctionnalités des futures chaînes de traitement de renseignement d’origine image quel que soit le niveau de mise en œuvre et la source des images traitées en vue notamment de détecter, reconnaître et identifier toutes les entités d’une zone d’intérêt et les intentions associées ;

– la réalisation des démonstrateurs de traitement automatique des langues compatibles des contraintes de déploiement opérationnel et en particulier les flux interceptés en opération en vue de leur passage à l’échelle ;

– l’accroissement des capacités d’analyse et d’exploitation des données, y compris celles disponibles en source ouverte, notamment à travers d’algorithmes de détection de signaux faibles, de compréhension des courants d’influence ou encore de détection de chaîne de désinformation, en utilisant l’IA ;

– les études d’architecture des systèmes de renseignement et de leurs interfaces, en particulier celles en boucle courte avec les systèmes de « command and control », et les preuves de concept associées au traitement de l’information automatisé, multimodal et multi-domaines afin d’identifier les effets de levier et de prioriser les efforts sur les chaînes d’exploitation.

Concernant le renseignement spatial, les projets retenus sont les suivants :

– l’amélioration des performances des capteurs spatiaux d’imagerie visible et infrarouge des satellites d’observation en termes de qualité image et de précision de localisation ;

– l’optimisation des moyens d’exploitation des données de la chaîne image spatiale visible et infrarouge et la sécurisation d’une future chaîne image spatiale ;

– le développement de nouveaux moyens d’interception, d’écoute et de localisation adaptés aux nouvelles technologies radar et de communication ;

– l’optimisation des moyens d’exploitation des données spatiales de renseignement électromagnétique et l’évaluation de nouvelles architectures de futures chaînes spatiales ;

– le développement des fonctions de recueil et d’exploitation des images issues de systèmes spatiaux dans l’ensemble des gammes spectrales d’intérêt ;

– l’évaluation du potentiel de l’imagerie hyper-spectrale par rapport aux techniques d’imagerie classique ;

– l’évaluation du concept d’emploi d’une composante de surveillance spatiale depuis l’espace en complément des moyens sol ;

– et la conception des charges utiles dédiées et/ou d’opportunité pour la reconnaissance d’actions malveillantes.

Pour le renseignement hors espace, les laboratoires, dispositifs de recherche, clusters civils sont mis à contribution via des projets de recherche ou d’accélération de l’innovation pour faire émerger des algorithmes de traitement de l’image, d’extraction, de traduction, de transcription ou d’analyse documentaire, de traitement des données de renseignement d’origine sources ouvertes ou cyber en vue de leur utilisation dans les systèmes d’exploitation de systèmes d’information du ministère des Armées. Les innovations issues du secteur civil dans le domaine du traitement de données en masse et de l’IA contribuent notamment à accroître le volume des données traitées en provenance des capteurs de renseignement.

Ces actions représentent l’essentiel des actions portées par les domaines d’innovation « protection et surveillance » et « espace ». Les CP prévus pour ces deux domaines d’innovation sont de 75 millions d’euros pour 2021, et 105 millions d’euros pour 2022.

B.   Une politique d’innovation volontariste du ministère dans trois secteurs du numérique : l’IA, l’informatique quantique et l’internet des objets

1.   L’intelligence d’artificielle est, de loin, le domaine le plus porteur d’innovations pour le secteur de la défense

Technologie duale à fort développement dans le monde civil, l’IA a fait l’objet d’une feuille de route du ministère des Armées déclinant la stratégie nationale annoncée par le Président de la République en 2018.

L’IA a vu son développement s’accélérer très fortement dans le monde civil sous l’effet conjugué de l’augmentation des capacités de calcul et de l’utilisation massive des données. Cet essor et le dynamisme du tissu industriel correspondant permettent d’irriguer de façon opportune le monde de la défense par le biais de collaborations de recherche (avec les grands organismes de recherche nationaux en particulier) ou par le soutien d’actions d’innovation duale. On assiste ainsi à l’émergence d’un véritable écosystème de l’IA. Dans ce cadre, des partenariats stratégiques, noués avec l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (INRIA), le centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le CEA, permettent d’accompagner et de développer un écosystème IA de défense, au niveau national comme européen.

La France est par ailleurs très motrice pour le lancement et le soutien de projets d’IA au niveau européen notamment dans le cadre du FED. L’appel à projet 2021 sur une IA frugale et robuste est ainsi issu d’une proposition préparée par la France avec ses partenaires européens.

La stimulation de cet écosystème dynamique ainsi que la maturation des briques technologiques prometteuses qui en sont issues sont un enjeu fort afin d’assurer une intégration réussie de l’IA dans les grands systèmes de défense.

Ainsi la recherche et l’innovation en matière d’IA évoluent pour répondre à l’objectif d’intégration réussie de l’IA dans les grands systèmes de défense, sous l’impulsion de la cellule de coordination IA de défense (CCIAD) créée en 2019.

Les domaines prioritaires d’application défense de l’IA sont : les aides à la décision et à la planification, le combat collaboratif, le renseignement, la cybersécurité et l’influence numérique, la robotique et l’autonomie, la logistique et le maintien opérationnel. Ces axes d’efforts sont détaillés au sein du rapport publié « IA au service de la défense » disponible en ligne sur le site de l’Agence de l’innovation de défense.

Eu égard à leur caractère transverse, les activités de recherche sur l’IA vont concerner les différents milieux : on retrouve ainsi l’IA dans la préparation du combat collaboratif SCORPION (optimisation des échanges), le Man-Machine Teaming (MMT) pour la préparation du SCAF et, à plus court terme, du Rafale, la reconnaissance automatique de cibles en guerre des mines, la planification de trajectoires de missiles par exemple. Les activités d’IA sont également très présentes dans le domaine du soutien et du maintien en condition opérationnelle par le biais de la maintenance prédictive. Les apports de techniques d’aide à la décision, d’analyse d’images, du traitement du langage sont étudiés au travers de cas d’usages au profit des métiers administratifs et de soutien (y compris la santé).

Les axes d’études s’appuient sur 4 grands domaines techniques : l’apprentissage, l’optimisation, la gestion des connaissances et les systèmes multi-agents.

L’effort du programme 144 au profit de l’IA s’est ainsi élevé à 61 millions d’euros de CP en 2020, dont 21 millions d’euros pour la seule plateforme ARTEMIS.

Au bilan, l’effort de l’AID dans le domaine de l’IA se traduit par :

– des partenariats solides avec l’INRIA, le CNRS et le CEA ;

– quatre chaires IA sur les sujets du traitement des données de grande dimension issues de capteurs variés hétérogènes, la fiabilité de l’IA, les traitements décentralisés et l’optimisation des échanges en réseaux, la cybersécurité, la lutte contre la désinformation et la propagande numérique ;

– le développement de coopérations internationales (avec Singapour et la Grande-Bretagne en particulier) ;

– le soutien au sujet de « l’IA frugale et robuste » proposé par la France et retenu au FED en 2021 ;

– la contribution au guide méthodologique DGA pour maîtriser les risques et orienter les travaux de normalisation ;

– la contribution au développement de la plateforme ARTEMIS ;

– et le soutien de projets de recherche et d’innovation : environ 75 projets d’accélération de l’innovation (PAI), dont une grande majorité à caractère dual, une soixantaine de projets de recherche et une vingtaine de projets technologiques de défense en cours.

2.   L’informatique quantique, un secteur innovant investi par le ministère des Armées

Les travaux financés dans le domaine de l’informatique quantique s’inscrivent dans le cadre d’une feuille de route ministérielle sur les technologies quantiques, qui est coordonnée avec la stratégie nationale présentée par le Président de la République le 21 janvier 2021. Ils se focalisent sur les domaines et les cas d’usage dont la spécificité défense induit des évolutions technologiques potentiellement majeures par rapport aux activités civiles : environnements d’emploi contraignants, exigences particulières de format, de consommation, de sécurité, ou encore d’applications purement militaires. Ainsi les efforts de maturation technologique s’articulent prioritairement autour des capteurs et de la cryptographie post-quantique. Dans le cadre du FED, un projet recherche dédié aux senseurs quantiques a ainsi été mis en place sous l’impulsion de la France. En complément, une veille active est maintenue sur les autres domaines : communication, cryptographie quantique, calcul et simulation. Le ministère des Armées est également associé à la gouvernance du PIA 4 et est directement impliqué dans plusieurs stratégies, dont les technologies du quantique.

Sur le domaine du calcul quantique, le ministère ne soutient pas de projets relatifs au développement de l’ordinateur. En effet, aucune spécificité militaire portant sur la machine physique ne justifie une feuille de route technologique distincte des travaux civils en cours à l’échelle nationale et internationale. En revanche, le programme 144 soutient certaines technologies quantiques développées par l’ONERA, principalement dans les domaines de la gravimétrie et de l’inertiel.

Pasqal est la première entreprise à bénéficier d’un investissement du FID, à hauteur de 8 millions d’euros. Entreprise française leader dans le domaine des ordinateurs quantiques, issue et soutenue par une équipe de chercheurs parmi les plus renommées au monde, Pasqal construit des processeurs quantiques sur la base de la technologie des atomes froids en vue d’apporter un véritable avantage technologique à ses clients, en particulier dans le domaine des simulations et optimisations complexes. Il ne s’agit cependant pas pour les armées d’investir dans l’ordinateur quantique : Pasqal développe l’exploration d’une classe d’algorithmes, avec des enjeux, pour les armées, dans les domaines tels que la planification de mission, la reconnaissance d’image, la logistique de terrain, la configuration de système de reconnaissance.

Dans le domaine de la recherche académique, l’appel à projets ASTRID sur les technologies quantiques de juillet 2020 a permis de sélectionner quatre projets sur l’interférométrie atomique, la détection de champs micro-ondes, les communications quantiques chiffrées et l’évaluation des calculateurs quantiques.

3.   L’internet des objets, un secteur dual particulièrement prometteur dans le domaine du renseignement

L’internet des objets constitue un facteur d’évolution technologique très important issu de l’écosystème des télécommunications civiles et des opérateurs de réseaux. L’avènement de la téléphonie de 5e génération devrait notablement renforcer ce secteur technologique.

Le modèle économique des fabricants d’objets connectés est généralement fondé sur de très grandes séries à faible coût unitaire, souvent dans une logique de composant jetable. La fabrication d’objets connectés répondant à des besoins spécifiquement militaires (sécurisation, non-divulgation d’informations de positionnement ou d’activité, protection contre l’utilisation de nos objets connectés par l’ennemi aux fins de leurrage ou de contre-renseignement, utilisation de réseaux militaires spécifiques, éventuellement intégration dans des systèmes d’armes à cycles nettement plus longs…) n’apparaît pas économiquement viable pour les fournisseurs du domaine.

L’objectif est ainsi plutôt pour le ministère des Armées l’utilisation de solutions civiles existantes détournées pour des usages défense : domaines de la maintenance, du suivi logistique d’équipements, de l’état des stocks de munitions ou d’armes, ou encore de la surveillance de zones non critiques.

À titre d’illustration, les projets duaux soutenus les plus emblématiques dans ce domaine (représentant un montant d’environ 2 millions d’euros) sont :

– TANDEM pour étudier les potentialités des premières générations de technologies du Processor-In-Memory (PIM), en tant qu’amplificateurs de sécurité de l’internet des objets ;

– WIFUZ, visant à démontrer la faisabilité technologique d'un concept de surveillance de menaces, ou de nuisances (détection, localisation, identification) par fusion multicapteurs et multiphysiques, sans fil synchrone et à bas coût ;

– SAUMON v2 pour réaliser un démonstrateur de réseaux de capteurs sans fil à autonomie renforcée pour la surveillance vibratoire de machines (maintenance conditionnelle) dans les navires ;

– et REACC-RF v2 pour développer un réseau capteurs RF économiques et innovants destinés à la géolocalisation de sources RF pour des applications de protection de sites et de surveillance côtière (par exemple, l'assistance aux personnes en détresse).

C.   Deux projets innovants emblématiques dans le domaine du numérique : ARTEMIS et Brasidas

1.   Projet emblématique en matière de traitement massif des données et d’IA, le projet ARTEMIS illustre l’ambition du ministère dans le domaine du numérique

Le projet « Architecture de Traitement et d’Exploitation Massive de l’Information multi- Sources » (ARTEMIS) vise à doter le ministère des Armées d’une info-structure sécurisée et souveraine, adaptée aux besoins de défense, au profit de l’ensemble des applications de traitement massif de données et d’IA du ministère. Il apportera ainsi une capacité à effectuer du traitement massif de données tout en gérant la classification et le droit d’en connaître, au niveau des données et des traitements. Il offrira une architecture maîtrisée et auditable, ouverte sur l’écosystème industriel français et européen. La maîtrise de cette architecture permet de comprendre, de tester et d’évaluer de bout en bout les applications d’IA, dites « de confiance », et contribue à la maintenabilité des applications tout au long du cycle de vie.

S’inscrivant au sein de la stratégie IA du ministère des Armées approuvée par la ministre le 30 juillet 2019 et s’appuyant sur une ambition nouvelle de gouvernance et de décloisonnement des données, le projet ARTEMIS participe à la mise en place des briques indispensables à la conquête de la supériorité informationnelle.

Le projet ARTEMIS doit prendre en compte les nombreuses spécificités du monde de la Défense que sont la protection des données, la multiplicité des réseaux et des niveaux de classification, la gestion du besoin d’en connaître, l’accès aux algorithmes et aux données, tout en répondant aux problématiques de distribution géographique des données et des utilisateurs raccordés au travers de moyens de télécommunications militaires souvent contraints en termes de bande passante et de débit.

Les développements d’applications d’IA de confiance nécessitent une plateforme, elle-même de confiance, pour leur conception et leur exécution. La maîtrise de la profusion des données numériques et leur traitement en masse sont également un enjeu de souveraineté et d’efficacité opérationnelle. Or, les plateformes de référence dans le domaine sont aujourd’hui d’origine américaine ou chinoise. Il convient donc d’offrir à court-moyen terme une plateforme de confiance française / européenne, en particulier pour les systèmes à haute sensibilité.

À l’origine, trois groupements ont été sélectionnés pour proposer un démonstrateur : Capgemini, Atos et Thales-Sopra Steria. Dans un premier temps, deux groupements (Atos et Thales-Sopra Steria) ont été sélectionnés pour la deuxième phase, afin de mettre un œuvre un pilote sur 6 cas d’usage. Capgemini a été intégré comme sous-traitant. Atos et Thales-Sopra Steria étaient alors concurrents et avançaient séparément. Mais après réflexion, Atos et Thales ont estimé qu’il était plus pertinent de proposer quelque chose de plus intéressant au ministère des Armées pour que les crédits d’innovation du programme servent à développer des applicatifs directement utilisables par des opérationnels, au lieu de développer deux plateformes concurrentes, dont l’une n’aurait pas été retenue.

Atos et Thales se sont alors rapprochés pour créer une joint-venture, en accord avec la DGA, sous l’appellation Athéa, plateforme de gestion des données hétérogènes. Le programme ARTEMIS en était alors à la phase 2. Désormais, Atos et Thales travaillent avec la DGA pour la généralisation de ladite plateforme, afin de répondre à l’ensemble des cas d’usage nécessaires aux différents programmes du ministère des Armées, ce qui correspond à la phase 3. Cette dernière phase doit durer potentiellement 10 ans, même si la DGA est déjà en train de bâtir les spécifications nécessaires. La phase de maintenance, quant à elle, est prévue pour durer jusqu’à 2027. La phase 1 a coûté 1,5 million d’euros à chaque groupement (soit 6 millions d’euros pour les quatre groupements). La phase 2 a coûté 25 millions d’euros par groupement (soit 50 millions d’euros pour les deux groupements). Le budget de la phase 3 est encore inconnu, mais son montant maximal s’élèverait à 300 millions d’euros.

Désormais, toutes les entreprises qui étaient initialement concurrentes travaillent ensemble dans le cadre du programme ARTEMIS, la plateforme représentant le meilleur de chacune des entreprises. Cette dernière appartient aujourd’hui dans son intégralité à la joint-venture. Atos et Thales discutent avec Capgemini et Sopra Steria des cas d’usage et des applicatifs, désormais tous deux en tant que sous-traitants. Mais au-delà de ces entreprises, le programme ARTEMIS implique tout un écosystème de PME du secteur de la défense car la mise en commun des compétences est la seule façon de parvenir au résultat demandé. Dans la mesure où chaque entreprise, prise isolément, ne peut pas tout faire toute seule, le travail en commun était indispensable.

Dans le cadre du programme ARTEMIS, la joint-venture Athéa conçoit la solution pour le traitement et l’exploitation des données mais elle n’est pas l’opérateur, qui est la DGA. Elle donne les outils nécessaires pour traiter des données en très grand nombre afin de dégager des signaux faibles, de mettre les données en perspective et d’y donner de l’intelligibilité.

Les réalisations du projet portent sur deux dimensions :

– un socle technique big data et IA (info-structure), qui offre un environnement mutualisé d’exécution. Cet environnement sera constitué de plateformes d’architecture générique pouvant passer à l’échelle (scalability) et géographiquement réparties. Le socle applicatif de ces plateformes intègre les applications métiers, supervise leur exécution depuis l’ingestion des données nécessaires aux traitements jusqu’à l’affichage des résultats, tout en fournissant les ressources de calcul et de stockage adéquats. Il offre un environnement de production et un environnement « bac à sable » pour que les data scientists puissent tester de nouveaux algorithmes sur des données réelles en environnement contrôlé ;

– et un kit de développement logiciel permettant de doter un tiers d’une suite logicielle indépendante nécessaire à la conception, au développement, aux tests et la qualification de modules métier et applications ARTEMIS.

Des premiers cas d’usage d’applications métiers, sélectionnés au cours de la phase de démonstration pour leur intérêt opérationnel et leur diversité, afin de démontrer la pertinence de l’info-structure :

– le cas d’usage « aide à l’exploitation des données massives, hétérogènes » vise à proposer un outil d’exploitation permettant le croisement de données structurées et non structurées. Il permet des analyses multidimensionnelles sur la base de critères géographiques, temporels, relationnels ou statistiques ;

– le cas d’usage « cybersécurité » vise à proposer un outil de détection d’anomalies dans de grands volumes d’évènements journalisés. Il apporte notamment une aide dans l’identification des usagers en fonction des flux générés, l’amélioration des algorithmes de détection par réinjection du retour d’expérience et la visualisation de journaux d’évènements ;

– le cas d’usage « suivi de la santé des militaires » vise à proposer un outil permettant l’étude des parcours de soins des militaires afin d’améliorer la prévention, les alertes et la prise en charge des militaires. Il permettra d’élaborer des modèles d’explication et de prédiction sur la santé des forces et confronte également le projet ARTEMIS à la gestion de données personnelles sensibles ;

– le cas d’usage « intelligence technique et économique » vise à proposer un outil d’aide à la synthèse et à la recherche d’information dans une masse de documents. Il apporte notamment une aide dans le classement automatique, l’analyse sémantique et la rédaction de synthèses dans un cadre multilingue ;

– le cas d’usage « suivi d’une flotte » vise à proposer un outil d’élaboration de la situation maritime, tirant parti du croisement de différentes sources de données. Il permettra notamment une aide dans l’identification de modèles de comportement y compris anormaux et dans la prédiction de la situation maritime future ;

– les cas d’usage « maintenance » visent à proposer un outil d’analyse prévisionnelle de maintenance et de gestion des flottes aéronautiques ou des parcs de matériels militaires terrestres. Ils apportent une aide à la valorisation et l’exploitation des grands volumes de données d’usage et de maintenance permettant d’identifier des sources d’optimisation du système de soutien.

Le projet ARTEMIS est conduit dans le cadre d’une démarche incrémentale via un partenariat innovant. La première phase, d’une durée d’un an, recouvrait des études de faisabilité et des preuves de concept. La deuxième phase, démarrée en mai 2019, en cours de finalisation, a pour objectif de démontrer les performances de la plateforme ARTEMIS à travers plusieurs démonstrateurs ainsi que son aptitude à intégrer des cas d’usage métier variés et représentatifs des besoins des ADS. Une version intermédiaire des démonstrateurs d’ARTEMIS est aujourd’hui testée sur plusieurs déploiements pilotes au sein du ministère des Armées. Le projet ARTEMIS fait l’objet en 2021 de travaux d’optimisation et de préparation de son industrialisation.

Le démarrage de la phase de réalisation du projet, prévu en 2022, permettra d’industrialiser, de déployer, d’améliorer et de soutenir la plateforme ARTEMIS, au bénéfice de l’ensemble des besoins métiers du ministère des Armées.

Le projet ARTEMIS permettra aux utilisateurs étatiques et partenaires de développer et d’intégrer de nouveaux modules et applications de manière outillée et efficace. Il permettra également la réduction des cycles d’intégration de nouvelles fonctionnalités issues de tous types d’acteurs (start-ups, PME, entreprises de services du numérique (ESN), systémiers) au profit des différents métiers.

Le projet ARTEMIS pourrait être en mesure également de répondre à des besoins d’autres ministères et des secteurs économiques nationaux. En effet, la plateforme inclut des fonctionnalités de sécurisation pour lesquelles le secteur de la défense est fer de lance (marquage des données, besoin d’en connaître…) mais dont les avancées pourront irriguer l’ensemble des systèmes à haute sensibilité (secteur public ou privé), notamment pour les systèmes critiques qui partagent des caractéristiques communes avec la défense.

2.   Brasidas, un projet majeur pour la mise en cohérence des systèmes d’information du maintien en condition opérationnelle aéronautique

Le 5 février 2021, la DGA a notifié à l’entreprise Sopra Steria, choisie parmi plusieurs industriels en compétition, l’accord-cadre de Brasidas et un premier marché d’un montant de 14 millions d’euros. Celui-ci vise à rendre opérationnel Brasidas d’ici 18 mois, pour la maintenance technique et la logistique des flottes des hélicoptères Caracal et des drones Patroller. Piloté conjointement par la DGA et la Direction de la maintenance aéronautique (DMAé), le projet Brasidas apportera le cadre d’un SI homogène à l’ensemble des métiers du maintien en condition opérationnelle (MCO) aéronautique et à toutes les flottes d’aéronefs. Notifié depuis 6 mois, ce programme implique Sopra Steria pour les systèmes d’information de la maintenance et Connectiv-IT pour la continuité numérique État-industrie.

Par le passé, le MCO était principalement confié aux forces armées, qui, lorsqu’elles constataient un problème, devaient expertiser elles-mêmes la pièce défectueuse, la démonter et éventuellement la remplacer par une pièce issue de leurs stocks régaliens ou la faire réparer. Selon ce système, chaque base avait la charge du remplacement des pièces défectueuses. Désormais, et à la suite des alertes de la Cour des comptes et des constats partagés sur la disponibilité médiocre de certaines flottes, la ministre des Armées a annoncé un plan de réforme du MCO aéronautique fin 2017 dont l’objectif est de responsabiliser les industriels – au premier rang desquels Airbus et Dassault – en matière de MCO aéronautique quant au taux de disponibilité global de leurs aéronefs.

Grâce à la technologie proposée par ce projet, lorsqu’un aéronef aura un problème, l’industriel recevra l’information presque en temps réel, ce qui lui permet d’y remédier au plus vite. La notion permise à terme par le projet Brasidas est celle de la maintenance prédictive : une fois que le défaut est détecté ou anticipé, l’industriel peut activer sa chaîne d’approvisionnement immédiatement pour fournir au plus vite la pièce de rechange et les moyens de soutien requis pour remettre rapidement les aéronefs en service. Aujourd’hui, le MCO aéronautique est éparpillé en 25 SI distincts, ce qui complique énormément la gestion de la maintenance et entraîne des coûts très élevés. À ce stade, les aéronefs concernés par ce programme sont les flottes « verticalisées », telles que les hélicoptères Cougar et Caracal. Le Tigre sera bientôt intégré dans ce programme. Le contrat « RAfale VErticaLisé » (RAVEL) permet à Dassault d’intégrer ce nouveau mode de MCO pour les Rafale et les Mirage 2000.

Encore aujourd’hui, lorsqu’un aéronef doit faire l’objet de réparations dont la documentation technique est obligatoire pour disposer d’une attestation nécessaire à son usage en vol, environ 5 semaines d’immobilisation sont nécessaires, notamment pour intégrer toutes les mises à jour dans les systèmes informatiques, avant de valider l’aptitude au vol de l’appareil. Grâce au projet Brasidas, il serait possible de gagner jusqu’à 4 semaines de disponibilité sur ce type d’opération car ces intégrations d’informations se feront de manière automatique, ce qui permettra aux experts de la navigabilité de se focaliser sur le contrôle et l’agrément au vol plutôt que sur la ressaisie manuelle des données.

III.   La politique volontariste du ministère des armées en matière d'innovation dans le secteur du numérique se heurte néanmoins à des limites qui ne peuvent rester sans réponse

A.   Des projets ambitieux, au risque d’un défaut de viabilité, et une politique confrontée aux risques induits par la numérisation

1.   Le ministère des Armées fait-il montre d’une ambition démesurée avec le projet ARTEMIS ?

Lors de ses travaux, le rapporteur pour avis a entendu des opinions divergentes au sujet du projet ARTEMIS. Mais de manière générale, la construction d’une « usine de traitement du big data » semble contradictoire avec le fait que les technologies liées au traitement des données et à l’IA évoluent très régulièrement. Avec ce programme, le ministère des Armées est en train de concevoir un super système d’analyse des données qui ne fonctionnera que dans 3 ans au plus tôt, c’est-à-dire à un moment où quasiment toutes les technologies impliquées auront évolué. Plutôt que d’élaborer un système unique d’analyse de l’ensemble des données du ministère des Armées, il eut été peut-être plus opportun d’appréhender la problématique par domaines d’activité, en développant un programme pour le MCO, un programme pour les données de santé, etc.

Les ADS du ministère des Armées risquent d’attendre encore longtemps avant que cet outil ne fournisse de premiers résultats et, à ce jour, personne ne sait précisément comment il sera déployé sur le plan opérationnel et comment il s’intégrera aux systèmes déjà existants. Certaines directions du ministère des Armées ont d’ailleurs anticipé de potentiels retards de mise en œuvre en privilégiant des outils internes immédiatement opérationnels.

La DGA a conscience de cette dernière difficulté. Lors de son audition, le DGNUM l’a reconnu : « l’intégration du projet ARTEMIS aux SI existants est au cœur de la problématique : on doit chercher en permanence à intégrer de nouveaux projets à un écosystème préexistant ». La connexion du projet aux divers SI du ministère des Armées concernés est ainsi « le premier sujet auquel le ministère des Armées doit faire face : l’interface avec l’existant ».

Sans se prononcer de manière définitive sur le projet ARTEMIS, et tout en saluant son principe, le rapporteur pour avis s’interroge sur le niveau d’ambition de certains projets emblématiques du ministère des Armées en matière de numérique. Si le caractère intellectuellement séduisant du projet ne fait aucun doute, le rapporteur pour avis souligne le fait qu’il y a souvent un décalage important entre la théorie et la pratique dans ce domaine, en particulier eu égard aux divers et nombreux SI au sein du ministère, et qu’il serait regrettable de poursuivre un projet par simple dogmatisme si celui-ci démontre son caractère inopérant et inadapté. Il suivra attentivement les évolutions de ce projet à l’avenir.

2.   Deux enjeux stratégiques doivent également faire l’objet d’une attention particulière : la connectivité du théâtre et la poursuite des missions en mode dégradé

a.   Garantir la connectivité du théâtre, impératif implicite du recours croissant au numérique, sera une condition sine qua non du bon déroulement des opérations à l’avenir

La connectivité de théâtre, c’est-à-dire la capacité à acheminer toujours plus de données en toute sécurité et sans le support d’infrastructure préexistantes, sera un des enjeux centraux pour les opérations futures.

Le projet TITAN de l’armée de Terre en est une illustration. En effet, si le programme SCORPION renouvelle les capacités du segment « moyen-léger » de l’armée de Terre, le projet TITAN a vocation à renouveler l’ensemble des capacités du haut du spectre de l’armée de Terre, ce qui inclut notamment le MGCS. Cette démarche de mise en cohérence, qui n’est pas un programme, prévoit également l’extension de la connectivité et du combat collaboratif par la conception en amont de l’interfaçage en interarmées et en interalliés. De ce point de vue, l’armée de Terre a conscience du fait qu’il n’est plus possible de développer de système seul : comme l’a indiqué le sous-chef « plans-programmes » de l’état-major de l’armée de Terre (EMAT), « nous avons besoin d’un projet cohérent et fédérateur », ce qui implique, dans le cadre du projet TITAN, d’adopter une démarche « de système de système » sur les plans programmatique et opérationnel, et en particulier pour la connectivité et la mise en réseau des capacités.

Par ailleurs, l’enjeu du traitement des données issues de la numérisation des systèmes d’armes « va inévitablement se poser ». Aujourd’hui, les travaux sont très orientés vers la connectivité, la mise en réseau et le fonctionnement collaboratif, « mais la gestion des données qui en sont issues sera un enjeu capital à l’avenir ». La question de la charge cognitive des soldats et des postes de commandement se posera également à ce titre.

b.   Faire montre de résilience pour poursuivre les missions en mode dégradé

En outre, la résilience, qui concerne notre capacité à concevoir et mettre en œuvre des modes dégradés dans le champ numérique, sera un enjeu crucial ; et ce d’autant plus que la transformation numérique est un succès et rend le numérique incontournable. Comme indiqué par la DGNUM, « la résilience par le numérique, démontrée lors de la crise sanitaire, doit être consolidée par la résilience du numérique ». Les progrès de la numérisation ne doivent en effet pas empêcher les armées de réfléchir aux moyens de continuer à opérer en mode dégradé en cas de besoin.

Le rapporteur pour avis estime que ces deux enjeux doivent faire l’objet d’une attention toute particulière. Si le progrès technique offre de nombreuses opportunités aux armées, il ne faudrait pas pour autant perdre de vue que l’expansion du numérique entraîne ipso facto une dépendance croissante à son égard, et partant, une vulnérabilité considérable si, en parallèle, les armées ne sont pas en mesure de continuer leurs opérations en mode dégradé, que ce soit à la suite d’une cyberattaque ou d’un défaut de fonctionnement des SIC.

B.   L’émergence de la 5G est-elle un impensé du ministère des Armées ?

Lors de ses travaux, le rapporteur pour avis a été frappé par la récurrence des inquiétudes exprimées à l’encontre du ministère des Armées quant à la prise en compte relative de l’émergence de la 5G.

Lors de son audition, l’AND a estimé qu’il était « trop tôt pour s’exprimer sur la 5G car le ministère des Armées ne l’utilise pas encore ». Ce sujet n’est cependant pas ignoré du ministère des Armées. Le ministère des Armées se prépare en effet à différents niveaux au déploiement de la 5G car :

– il est utilisateur des services réseaux commerciaux 4G, et donc bientôt 5G, pour la mobilité et le télétravail de ses personnels, ce qui est permis par un recours à des VPN permettant de sécuriser les échanges. L’usage en demeurera périphérique, le ministère souhaitant rester durablement son propre opérateur réseau pour le cœur des usages sensibles. Toutefois, pour les besoins des forces de sécurité intérieures de type Sentinelle, le ministère des Armées s’inscrit dans la démarche interministérielle « réseau radio futur » (RRF), qui reposera sur des services commerciaux 4G/5G à haut niveau de priorité ;

– il est, marginalement, utilisateur de technologies 4G et donc peut-être 5G. Le sujet est à l’étude du côté de la DGA dans le cadre des évolutions des réseaux tactiques ;

– et il est affectataire et utilisateurs de fréquences, ressource rare et convoitée, et le déploiement de la 5G nécessite de la part de DGNUM, qui porte les intérêts du ministère des armées en matière de fréquences, une vigilance permanente sur son impact potentiel sur nos systèmes radars et satellitaires.

À court terme, il n’y a aucun projet lancé visant à intégrer la technologie 5G dans les réseaux du ministère des Armées. Comme l’a indiqué l’EMA, le ministère des Armées devra « inévitablement se tourner vers la 5G ». L’essor de la 5G pose l’enjeu fréquentiel au cœur de la stratégie numérique du ministère des Armées, « car le domaine fréquentiel est un domaine à forte compétitivité » ; le ministère des Armées l’a déjà vécu « avec les conséquences du déploiement de la 3G sur le système « fantassin à équipements et liaisons intégrées » (FELIN) », tout comme la Gendarmerie nationale. À ce titre, le risque cyber induit par le recours à la 5G devra être étudié par le ministère des Armées, « même si ce n’est pas le seul : quelle que soit la solution technique utilisée, elle devra être étudiée dans toutes ses dimensions (organisationnelles, humaines, financières, etc.) ».

Le rapporteur pour avis s’inquiète de l’absence de stratégie élaborée du ministère des Armées concernant la 5G. Sans considérer qu’il s’agit d’un impensé, il estime qu’une stratégie propre au ministère des Armées, en lien avec la stratégie nationale sur la 5G et les futures technologies de réseaux, mériterait d’être élaborée.

C.   L’innovation dans le domaine du numérique est révélatrice des limites de la politique menée par l’Agence de l’innovation de défense

1.   L’Agence de l’innovation de défense finance-t-elle vraiment l’innovation dans le secteur du numérique pour la défense ?

Il ressort des travaux menés dans le cadre du présent rapport que l’AID ne s’adresse pas toujours à l’ensemble de l’écosystème de l’innovation numérique : soit parce qu’elle s’intéresse aux projets à des niveaux de maturité technologique bas, soit parce qu’elle s’intéresse à des projets portés en interne par le ministère des Armées. L’AID ne parvient pas nécessairement à faire du lien entre les innovateurs numériques au sein des start-ups et les industriels sur leurs grands programmes.

L’innovation numérique est moins une question de technology-readiness levels (TRL) bas qu’une question d’accélération de l'adoption de technologies et de méthodologies nouvelles (choix de start-ups, d’outils en source ouverte, de solutions commerciales civiles) pour les armées. L’innovation numérique ne s’arrête pas à la découverte technologique : elle couvre au contraire tout ce processus de passage de l’innovation au déploiement conforme et réel. Les déploiements « réels » doivent en effet prendre en compte les spécificités des métiers et des infrastructures et architectures disponibles et mandatées par la DIRISI ; et c’est ce delta entre l’innovation technologique et le déploiement réel dans un environnement contraignant qui constitue le risque propre à l’innovation numérique de défense et qui doit être financé.

À titre d’illustration, Sopra Steria a essayé de proposer des projets à l’AID dans le cadre du dispositif RAPID mais cela n’a pas abouti. Sopra Steria s’est alors orientée vers l’innovation ouverte en proposant un projet interne et dont les orientations technologiques ont été soutenues par le Battle Lab Terre baptisé « Digital Tactical Sandbox ». « L’AID a refusé de financer ce projet car elle estimait que des grands groupes étaient déjà plus avancés sur le sujet, alors que le Battle Lab Terre lui-même nous a indiqué que la solution proposée par ces grands groupes n’était pas adaptée, contrairement à la solution proposée par Sopra Steria ».

Or, toujours selon Sopra Steria, « l’innovation numérique consiste en l’intégration de technologies numériques, souvent issues du secteur civil, pour les décliner en les adaptant au secteur de la défense ». Or, aujourd’hui, « ce n’est clairement pas l’AID qui supporte le coût de l’adaptation de la technologie aux spécificités et contraintes de la défense ». Ainsi, l’AID semble orientée vers le financement de projets « séduisants intellectuellement mais au sujet desquels on peine à déterminer des débouchés pour les utilisateurs finaux sur les contrats actuels ».

En comparaison et à titre d’exemple, le fonds Brienne 3, financé par ACE Management, Bpifrance, la région Nouvelle Aquitaine et plusieurs industriels dont Naval Group et EDF, a pour vocation d’accompagner l’émergence de licornes dans le domaine de la cybersécurité. Sopra Steria abonde ce fonds pour financer des entreprises ciblées telles que Glimps, fondée par trois anciens ingénieurs de la DGA qui ont décliné des concepts dédiés initialement à la cyberdéfense en solutions duales pour la cyberdéfense et la cybersécurité. Ils cherchaient des fonds pour le déploiement de leur solution, qu’ils ont obtenu dans le cadre du fonds Brienne 3. Au-delà du domaine du cyber, des fonds comme « Brienne 3 » gagneraient à être développés pour des entreprises dans des secteurs stratégiques clés.

Au-delà de « Brienne 3 », il s’agit bien de réfléchir au financement de l’innovation mise à l’échelle dans les contrats. Un porteur de projet capable de mettre à l’échelle pourrait proposer une résolution de problème avec des impacts mesurables qui seraient démontrés par un démonstrateur prenant en compte les contraintes de mises à l’échelle. L’AID se positionnerait comme un investisseur (seul ou dans une structuration financière avec un pool d’investisseur public/privé) sur le risque de transformation porteur d’impact. Le client final, c’est-à-dire l’entité où sera déployée l’innovation ou le contrat, serait le garant de la réalisation du contrat à impact, avec éventuellement une formule de remboursement du capital investi si l’objectif est atteint avec un tiers évaluateur.

Le ministère des Armées a beaucoup investi sur la cyberdéfense, et ce à raison, mais en réalité, l’IA, le big data ou le cloud sont autant de domaines dont l’importance est capitale et qui forment un tout. En particulier, la 5G sera nécessaire pour la gestion de l’inter-connectivité, tout comme le cloud. Or, selon Sopra Steria, « la LPM 2019-2025 fait la part belle à l’acquisition, au détriment du traitement de l’information ».

2.   L’Agence de l’innovation de défense parvient-elle à gérer correctement les projets qui lui sont soumis ?

Enfin, il peut arriver que l’AID fasse l’objet de critiques quant à la gestion des projets qui lui sont soumis. À titre d’exemple, les PME sont confrontées à des difficultés depuis que la gestion des RAPID, assurée auparavant par la sous-direction PME de la Direction générale de l’armement (DGA) et le ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, a été intégralement transférée à l’AID, qui est débordée par l’ensemble des demandes qui affluent. Certaines personnes auditionnées sont allées jusqu’à estimer « que la gestion des RAPID [par l’AID] est catastrophique ». Tandis que les délais de gestion des RAPID étaient initialement de 4 mois, depuis leur prise en charge par l’AID, ceux-ci augmentent exponentiellement et dépassent largement les 4 mois.

Il semble en réalité que l’AID n’a pas assez de personnel pour traiter toutes les demandes et les personnels qui y travaillent sont souvent « des ingénieurs de l’armement de la DGA, dont les habitus culturels sont très profondément ancrés » selon plusieurs personnes auditionnées, ce qui empêche l’agence de se renouveler et de penser différemment. Cette difficulté n’est pas nouvelle : à l’époque où M. Jean-Yves Le Drian, ministre de la Défense, a créé le Pacte Défense PME, les engagements pris par les grands industriels en matière de responsabilité sociale des entreprises (RSE) ne se sont traduits dans les centrales d’achat qu’au bout de deux ou trois ans car les ingénieurs de l’armement de la DGA n’avaient pas le réflexe culturel de penser à ce dispositif.

Par ailleurs, les critiques formulées contre l’absence de trace écrite des retours de l’AID quant aux dossiers instruits dans le cadre des RAPID sont revenues à plusieurs reprises. Or, un compte rendu écrit fait aux entreprises qui ont candidaté pourrait être un moyen efficace pour leur permettre de présenter à nouveau leur projet en tenant compte des critiques formulées.

Enfin, dans un chapitre de son rapport public annuel 2021, la Cour des comptes a étudié la politique d’innovation de défense du ministère des Armées, et en particulier celle mise en œuvre par l’AID. À cette occasion, elle a notamment souligné le fait que la culture du ministère des Armées en matière d’innovation est trop souvent centrée sur la réduction de la prise de risque, au détriment de l’innovation de rupture.

Interrogé sur ces sujets, M. Emmanuel Chiva, directeur de l’AID, a admis le caractère perfectible des procédures au sein de l’agence. Tout d’abord, le délai d’instruction des dossiers du guichet unique est trop long puisqu’il dépasse les 90 jours, supposés être un maximum. Aussi, l’AID réfléchit d’ores et déjà à mettre en place un nouveau mode de fonctionnement. Actuellement, lorsqu’un dossier est déposé via le guichet unique – ce qui concerne uniquement les propositions non sollicitées – l’instruction est faite au sein de l’agence, qui sollicite des expertises extérieures et des sponsors opérationnels. De plus, lorsque l’AID doit donner priorité à certains projets, les « secondaires » sont labélisés en attendant leur instruction. Cette dernière n’est toutefois soumise à aucun délai contractuel.

Deuxièmement, le retour d’information vis-à-vis du porteur de projet doit être amélioré : comme l’a indiqué M. Emmanuel Chiva, « il faut restituer au porteur de projet le statut de sa demande et, en cas de refus, les justifications ».

Troisièmement, l’AID a reconnu que la gestion des projets dans le cadre du dispositif RAPID, programme bénéficiant de 40 à 50 millions d’euros – pour un montant moyen des projets à 800 000 euros, financés par l’AID entre 35 et 100 % – est aujourd’hui « problématique ». De fait, la DGE, qui relève du ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance, s’est désengagée il y a un an, de manière unilatérale. Ce désengagement a eu pour conséquences une surcharge de travail importante et un manque de compétence qui ralentissent l’action de l’AID.

Enfin, si l’AID a reconnu que la culture de la DGA est parfois trop centrée sur la limitation de la prise de risque, au détriment de l’innovation de rupture, elle a précisé qu’elle bénéficie d’un accompagnement pour incorporer plus d’agilité et de prise de risque dans sa politique d’investissement. Comme indiqué par l’AID, « c’est l’un des paradoxes du ministère des Armées puisque c’est dans la conduite des projets, sur le plan administratif, que le risque est moins accepté ».

De manière générale, le rapporteur pour avis constate donc que des critiques récurrentes et au moins partiellement reconnues par l’AID sont formulées. Eu égard à l’importance de cette politique pour l’avenir de la France, il estime qu’une réflexion sur les grandes orientations de la politique d’innovation en matière de défense du ministère des Armées mériterait d’être menée, le cas échéant, par le Parlement.

 


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   Travaux de la commission

I.   Audition du Général de corps aérien Luc de Rancourt,
Directeur Général adjoint des relations internationales et de la stratégie

La Commission a entendu le général de corps aérien Luc de Rancourt directeur général adjoint des relations internationales et de la stratégie, sur le projet de loi de finances pour 2022 (n° 4482), au cours de sa réunion du mercredi 13 octobre 2021.

Le compte rendu de cette audition est disponible sur le site internet de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_def/l15cion_def2122009_compte-rendu

 

 

 


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II.   Examen des crédits

La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Fabien Gouttefarde, les crédits relatifs au programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission « Défense », pour 2022, au cours de sa réunion du mercredi 20 octobre 2021.

 

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis. Pour la quatrième année consécutive, les crédits du programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense sont en phase avec la stratégie de remontée en puissance inscrite dans la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025, avec 2,146 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 1,778 milliard d’euros en crédits de paiement.

Je concentrerai mon propos sur trois points saillants du programme 144 pour 2022 : les crédits alloués aux études amont et ceux consacrés à deux des trois services de renseignement du ministère des Armées, la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).

Je me réjouis de la hausse de 11 % des crédits de paiement consacrés aux études amont. Il s’agit des recherches et des études appliquées attachées à la satisfaction d’un besoin militaire prévisible et contribuant à constituer, maîtriser, entretenir ou développer la base industrielle et technologique de défense (BITD) et l’expertise technique étatique nécessaires à la réalisation des opérations d’armement. Elles permettent aussi d’obtenir des technologies de rupture et participent donc à l’innovation de nos armées.

Cette augmentation de crédits substantielle permet à la France de franchir le cap du milliard d’euros consacré aux études amont. À titre de comparaison, la précédente LPM leur octroyait environ 700 millions par an. Cette évolution est conforme à la trajectoire d’augmentation progressive prévue par la LPM 2019-2025. Présentée par le Gouvernement et votée par notre majorité, cette loi nourrit une ambition d’innovation à la hauteur des évolutions techniques et des défis de demain. Cette ambition est matérialisée par cet effort significatif inédit. L’engagement pris dans la LPM 2019-2025 est tenu.

Je salue également l’effort financier important consacré à la DGSE. Les tableaux du PAP indiquent une baisse conjoncturelle des autorisations d’engagement, due à leur hausse sans précédent dans la loi de finances initiale pour 2021, à hauteur de 310 %, pour financer sur plusieurs années la construction du nouveau siège de la DGSE, au Fort Neuf de Vincennes, annoncée par le Président de la République le 6 mai dernier, et dont le marché sera notifié l’an prochain. Ce nouveau site répondra aux besoins et aux exigences de la DGSE, et permettra d’améliorer et de pérenniser notre capacité de renseignement extérieur, dans un contexte de mutation de l’environnement stratégique. Par ailleurs, l’augmentation de 6 % des crédits de paiement alloués au renseignement extérieur permettra à la DGSE de mieux anticiper les évolutions technologiques auxquelles elle est confrontée et de mieux s’y adapter.

Je me félicite aussi de la hausse importante des crédits alloués à la DRSD, qui est le service enquêteur de l’État, chargé notamment de délivrer les habilitations. Les autorisations d’engagement progressent de 21 % et les crédits de paiement de 92 %, pour atteindre 35,4 millions d’euros. Une part de cet effort budgétaire permettra à la DRSD de financer le nouveau siège de sa direction centrale, qui doit être livré en 2024, regroupant au sein d’un bâtiment unique les acteurs du cycle du renseignement, pour un total d’environ 650 postes. Ce site renforcera le travail collaboratif et offrira à la DRSD des infrastructures à la hauteur de ses ambitions et adaptées à ses missions.

Cette augmentation s’explique également par la hausse des dépenses d’investissement, en raison du développement de nouveaux systèmes d’information permettant à la DRSD de mener à bien ses missions de contre-ingérence des forces, de contre-ingérence économique et de contre-ingérence cyber.

J’ai consacré la partie thématique de mon rapport aux liens entre l’innovation de défense et le numérique. Mes trois principales conclusions sont les suivantes : l’intégration des innovations numériques aux divers et multiples systèmes d’information du ministère des Armées connaît des difficultés ; l’essor de la 5G est un défi qui reste à relever ; une large réflexion sur les grandes orientations de notre politique d’innovation de défense est nécessaire.

Le ministère des Armées a développé de nombreux systèmes d’information innovants, à des fins de gestion, de logistique et de mise en œuvre des systèmes d’armes. Le programme ARTEMIS, par exemple, vise à doter le ministère des Armées d’une infrastructure sécurisée et souveraine adaptée aux besoins de défense, au profit des applications de traitement massif de données et d’intelligence artificielle (IA) du ministère.

Plusieurs personnes auditionnées ont émis des doutes sur ce programme de grande ampleur, qui est révélateur d’une difficulté propre à l’innovation dans le domaine du numérique de défense, à savoir son intégration dans certains des 1 500 systèmes d’information existants au sein du ministère. Si le projet est séduisant sur le plan intellectuel, de nombreux défis techniques demeurent, au point de ralentir, voire de compromettre le déploiement d’ARTEMIS dans un avenir proche. Je déduis de cet exemple la nécessité d’une réflexion sur l’approche développée dans le cadre de programmes innovants dans le domaine du numérique pour le secteur de la défense.

Par ailleurs, de nombreuses personnes auditionnées ont fait part de leur étonnement au sujet du défaut de prise en considération des enjeux relatifs à la 5G par le ministère. Or, d’après l’état-major des armées lui-même, le ministère des Armées devra tôt ou tard recourir à la 5G. Il a déjà été pris au dépourvu, faute de préparation, lors du déploiement de la 3G au profit du système de fantassin à équipements et liaisons intégrés (FELIN). De mon point de vue, il serait exagéré de dire que la 5G est un impensé du ministère des Armées. Le directeur général du numérique et des systèmes d’information et de communication (DGNUM) nous a indiqué que la direction générale de l’armement (DGA) l’étudie d’ores et déjà, compte tenu de ses nombreuses implications. Toutefois, l’absence de stratégie comparable à celles élaborées pour l’IA et le cloud surprend. J’invite le ministère des Armées à s’impliquer davantage dans ce domaine.

Enfin, mes travaux ont démontré la nécessité de réfléchir plus largement aux grandes orientations de notre politique d’innovation de défense. L’agence de l’innovation de défense (AID), dont nous avons auditionné le directeur, est confrontée à de nombreux défis. Son fonctionnement, que j’ai pu observer de près, suscite parfois des critiques. Le délai de traitement des projets soumis par le biais du guichet unique dans le cadre du dispositif « régime d’appui à l’innovation duale » (RAPID) est souvent trop long, dépassant parfois les quatre-vingt-dix jours réglementaires. Le RAPID ne porte donc pas toujours bien son nom ! Emmanuel Chiva, directeur de l’AID, a conscience de ces problèmes et travaille à y remédier. Par ailleurs, les entreprises dont le projet n’a pas été retenu ne reçoivent aucun retour écrit, et l’instruction des dossiers donne parfois lieu à des injonctions contradictoires.

La Cour des comptes a consacré un chapitre du rapport public annuel 2021 à l’innovation de défense. Elle y déplore que la culture du ministère des Armées soit trop centrée sur la réduction de la prise de risque, au détriment de l’innovation de rupture. Toutes les personnes auditionnées, sans exception, en conviennent. À la lumière de ces critiques, il semble pertinent que le Parlement se saisisse de ce sujet à court terme pour dresser un bilan de la politique du ministère des Armées en matière d’innovation de défense et apprécier par lui-même les efforts accomplis et les marges de progression dans ce domaine.

M. Charles de la Verpillière. J’aimerais poser une question sur l’innovation de défense et le numérique. Avez-vous le sentiment que nous parvenons à fidéliser assez longtemps les jeunes diplômés de Polytechnique et de Centrale recrutés par le ministère des Armées pour réfléchir à ces questions ? Parvenons-nous à les garder quatre ou cinq ans avant qu’ils ne partent aux États-Unis ou en Grande-Bretagne ?

M. Jean-Jacques Ferrara. Monsieur le rapporteur pour avis, j’aimerais vous interroger sur les études amont. Un acteur que chacun reconnaîtra a porté à mon attention la faible proportion de crédits allouée depuis des années aux études amont consacrées aux hélicoptères. D’un montant de quelques millions d’euros, ces crédits semblent insuffisants pour préparer les technologies nécessaires à l’évolution des hélicoptères, d’autant que les États-Unis ont engagé une offensive majeure en Europe visant à promouvoir leur hélicoptère à capacités giravion de nouvelle génération (Next Generation Rotorcraft Capabilities, NGRC), et tentent d’imposer de nouveaux concepts et de nouveaux choix technologiques. Pour être clair, il est à craindre que nous ne vivions dans le domaine des hélicoptères ce que nous vivons dans le domaine des avions avec la domination du F-35. Avez-vous des informations à ce sujet ?

Mme Carole Bureau-Bonnard. J’aurais voulu en savoir plus concernant les nouvelles technologies car, dans les conflits futurs, ce sera l’un des éléments clés pour protéger le pays. Le budget et les ressources humaines que nous y consacrons sont-ils en adéquation avec les besoins ? Comment les armées perçoivent-elles l’enjeu et s’approprient-elles ces technologies ? Une mission dédiée à la question vous paraîtrait-elle utile pour s’assurer que la France n’est pas en retard dans ce domaine ?

M. Jean-Louis Thiériot. En matière d’innovation de défense comme dans d’autres domaines, l’argent est le nerf de la guerre. Vos interlocuteurs ont-ils fait état de difficultés de financement de la BITD, qu’il s’agisse des fonds propres pour les start-ups innovantes – l’equity capital – ou des financements bancaires ?

M. Jean Lassalle. J’ai écrit un rapport sur les drones avec M. Stéphane Baudu. La France a du retard dans ce domaine. Certes, elle l’a en partie rattrapé, mais il faudrait donner un coup de pouce au financement de ces équipements.

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis. Monsieur de La Verpillière, j’ai souvent évoqué la question des ressources humaines avec mes interlocuteurs. Les services de renseignements connaissent certaines difficultés de ce point de vue, aussi bien en raison du profil de la pyramide des âges de leurs agents que du statut des personnes qu’ils recrutent : il y a de plus en plus de civils, en raison du besoin de spécialistes – dans le domaine du cyber, notamment, il faut des informaticiens, qui ne sont pas nécessairement d’anciens élèves des grandes écoles d’ingénieurs. La DGA, quant à elle, continue à recruter des ingénieurs issus de ce creuset et est en mesure de leur proposer des carrières attractives, de nature à les fidéliser.

Monsieur Ferrara, j’ai eu l’occasion de rencontrer des représentants d’Airbus Helicopters, qui m’ont montré certaines de leurs innovations réalisées sur fonds propres. Les hélicoptères du futur seront équipés de turbines et de moteurs très différents, qui permettront d’accroître considérablement leur vitesse. La difficulté, concernant les études amont, tient au fait que l’enveloppe de 1 milliard d’euros doit être partagée entre les différents domaines. Certaines recherches transversales, qui nourrissent tous ces domaines – le travail concernant le spatial et l’informatique, par exemple, peut servir à la Marine, à l’armée de l’Air et de l’Espace ou à l’armée de Terre –, sont un peu sous-dotées. Quoi qu’il en soit, les acteurs de la BITD spécialisés dans les hélicoptères nous alertent régulièrement sur le sous-financement, en effet, mais ils ne sont pas les seuls à essayer d’obtenir un peu plus de crédits.

Madame Bureau-Bonnard, je vous invite à lire le document de référence de l’orientation de l’innovation de défense (DROID), qui résume en une vingtaine de pages les principaux axes d’innovation sur lesquels portent nos efforts, parmi lesquels le cyber, le spatial et l’hypervélocité. Ce sont autant de domaines où nous risquons de perdre en compétences et en compétitivité si nous n’y prenons pas garde. Les études amont ciblent directement les technologies du futur. Le fait que l’enveloppe qui leur est consacrée atteigne le seuil du milliard d’euros est un signe positif, perçu comme tel par le groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS), le groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) et le groupement des industries de construction et activités navales (GICAN), qui demandent que ce montant soit désormais un minimum.

En ce qui concerne la manière dont les forces s’approprient les nouvelles technologies, une partie importante de l’innovation de défense est de nature participative. Emmanuel Chiva y tient particulièrement. Un certain nombre de projets d’innovation sont issus des forces elles-mêmes ; des crédits y sont affectés. J’ai souvenir, par exemple, d’un système de télécommunication permettant de relier les hélicoptères au centre de planification et de conduite des opérations (CPCO), ce qui est difficile à cause des pales des appareils. Il en va de même pour le système Auxylium.

Monsieur Thiériot, je n’ai pas souvenir d’avoir été alerté sur un problème de financement. Cela s’explique sans doute par le découpage des programmes budgétaires : je traite pour ma part des études amont et non du développement, qui relève plutôt du programme 146.

Je vous adresse la même réponse concernant les drones, monsieur Lassalle. Cela dit, nous devons effectivement développer notre équipement dans ce domaine. Je reviens du Haut-Karabakh, où je m’étais rendu dans le cadre d’une mission de la Commission nationale pour l’élimination des mines antipersonnel, dont l’objet était de proposer à l’Azerbaïdjan une offre française en matière de déminage. Or, il s’agit d’un pays qui a gagné une guerre en quelques semaines grâce à l’appui des drones, acquis pour l’essentiel auprès de la Turquie et d’Israël. C’est une leçon pour nous en matière de conflits de haute intensité.

 

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Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, nous en venons cet après-midi aux interventions des orateurs de groupe, puis à l’examen des amendements et au vote sur les missions Défense, Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, et Sécurités.

M. Jacques Marilossian. Pour la cinquième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation. Pour la quatrième année consécutive, il est conforme à la trajectoire de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Les crédits de la mission Défense pour 2022 s’élèvent à 40,9 milliards d’euros, contre 32,3 milliards en 2017, soit un effort de 26 milliards en cinq ans.

Depuis 2017, la volonté politique du Président de la République, du Gouvernement et du Parlement a permis de sortir nos forces armées d’un cercle vicieux fait de réductions des capacités, des effectifs, mais aussi des ambitions. Nos armées avaient fini par mettre en pratique un terrible concept : perdre la guerre avant la guerre. Nous avons mis fin à ce cercle vicieux pour leur redonner les moyens qui leur permettront d’assumer à nouveau la vocation mondiale de puissance d’équilibre de la France. Comme l’a dit Mme Parly, d’ici à 2030, la France doit pouvoir intervenir partout où ses intérêts sont en jeu, gagner sur tous les terrains et l’emporter face à tous les ennemis, seule ou en coalition.

En examinant chaque année le budget de la défense au sein de notre commission, nous avons contribué, à notre façon, selon nos sensibilités politiques, à soutenir le modèle d’armée complet, équilibré, dans la durée, qui est notre objectif depuis la revue stratégique de 2017. Je tiens à féliciter l’ensemble des rapporteurs, qui ont apporté une pierre à l’édifice et ont contribué à la renaissance de nos forces armées – j’ai été moi-même rapporteur pour avis du budget de la marine pendant les trois premières années de la législature.

La ministre de la défense nous a annoncé, pour 2022, des livraisons d’équipements à hauteur de 23,7 milliards, mais aussi une commande militaire d’un montant de 36 milliards, dont plus de 8 milliards pour les programmes majeurs. L’ensemble des armées sont concernées, des véhicules blindés aux frégates, en passant par les équipements radio, les avions, les satellites, etc. N’oublions pas les 603 millions de commandes anticipées dans le secteur aéronautique, qui portent sur trois A330 de transport stratégique, huit hélicoptères Caracal et des systèmes de drone pour la marine. Ces commandes permettent à nos industries de défense d’innover et de produire. Elles sont le tissu indispensable à notre autonomie stratégique nationale mais aussi européenne. Nous pouvons nous féliciter que, face aux conséquences de la pandémie mondiale, qui ont logiquement affecté les livraisons, nous ayons pu ajuster les priorités aux disponibilités, tout en maintenant le niveau d’investissement.

La mission Défense prévoit d’importantes livraisons d’équipements en 2022, comme, par exemple, 245 véhicules blindés Griffon, les premiers engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar, les drones Patroller, une frégate – La Lorraine –, un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA), des capacités exploratoires pour les grands fonds marins, des avions ravitailleurs MRTT Phénix et des satellites.

Le maintien en condition opérationnelle (MCO) bénéficie en 2022 d’un investissement de plus de 5 milliards d’euros ; 2,4 milliards sont consacrés au renouvellement de nos infrastructures, notamment pour les équipements à venir. Des moyens substantiels sont encore affectés, cette année, au renseignement, à l’espace, à la cyberdéfense – 376 nouveaux postes sont créés dans le cyber – et, bien sûr, à la dissuasion nucléaire, afin de préserver notre souveraineté.

S’agissant de la recherche, l’Agence de l’innovation de défense (AID) bénéficiera d’un soutien de plus de 1 milliard d’euros. Pour les hommes et leur famille, le budget 2022 consacre 2 milliards au plan famille, aux petits équipements du quotidien et aux structures d’hébergement. L’effort budgétaire consenti encore cette année n’ignore donc pas ce qui fait le cœur de nos armées : les femmes et les hommes, qu’ils soient sur terre, dans les airs ou en mer. Rappelons qu’en 2022, nous recruterons plus de 26 000 personnes.

Le budget 2022 est bien au service d’une démarche stratégique qui, comme l’a dit le chef d’état-major, nous permet de gagner la guerre avant la guerre. Plusieurs défis continueront cependant à se poser à nos forces armées dans le cadre de la prochaine législature et de la future loi de programmation militaire. Sur un plan opérationnel, j’en retiens deux en particulier : des tensions dans le recrutement et la fidélisation des hommes ; l’approvisionnement en munitions pour la préparation opérationnelle.

Enfin, sur le plan stratégique, nous devons poursuivre l’effort de défense, afin que la France puisse continuer à défendre sa souveraineté, à jouer son rôle de puissance d’équilibre dans le monde – je pense bien sûr à la zone Indo-Pacifique.

Avant de disposer d’une véritable défense européenne, autonome, dotée d’une boussole stratégique, nous devons nous préparer au retour du combat à haute intensité et aux défis que nous lancent les puissances autoritaires et agressives dans de nombreuses régions du monde. Poursuivre nos efforts, c’est bien l’ordre de marche qui doit être le nôtre !

Le groupe La République en marche votera ce budget.

M. Jean-Louis Thiériot. Il est difficile de se prononcer sur ce budget, car on peut voir à la fois le verre à moitié plein et à moitié vide. D’un côté, nous ne pouvons que constater un certain nombre d’éléments très positifs : la LPM est respectée de bout en bout, le budget est en hausse de 1,7 milliard et on observe, sur le terrain, un mouvement de réparation, une remontée en puissance de nos forces. Tous ces facteurs nous inciteraient à voter le budget.

Cela étant, un phénomène s’est aggravé depuis la revue stratégique de 2017 : la poussée des tensions dans la zone Indo-Pacifique. Nous savons ce qui s’est passé avec l’Australie et nous observons les actions en cours à l’égard de Taïwan. Il y a aujourd’hui un véritable débat de fond sur le format de notre marine – l’amiral Vandier nous l’a rappelé.

D’autres questions restent ouvertes, comme l’a montré le rapport de Jean-Jacques Ferrara sur la force aérienne. Je salue les exportations de Rafale en Croatie et en Grèce, qui constituent un succès collectif de la Team France. Cela étant, nous connaîtrons une baisse capacitaire temporaire liée à ces ventes de matériels d’occasion, puisque nous ne disposerons plus que d’un parc de 117 Rafale au lieu de 129.

Il est un autre sujet, un peu plus marginal, mais qui n’en constitue pas moins un signe un peu inquiétant : la décision prise par l’armée de retarder quelques commandes de Griffon pour développer les matériels dont nous avions un besoin impératif : le véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE) et les engins du génie. On a connu la même tendance pour toutes les LPM : afin de respecter les impératifs budgétaires, on retarde des programmes.

Deux raisons expliquent que notre groupe, après des débats nourris, s’abstiendra lors du vote de ces crédits.

Premièrement, il était prévu initialement que nous débattions de l’actualisation de la LPM. Nous regrettons tous que cela n’ait pas été le cas.

Deuxièmement, j’avais milité pour que le plan de relance comporte un quatrième pilier, consacré à la défense et à la sécurité. Rappelons que le déficit public est passé de 3,3 % du PIB avant la crise du covid à 6,7 % aujourd’hui. Ces quelques milliards supplémentaires nous auraient permis de conserver notre avantage compétitif, qui repose sur un modèle d’armée complet, d’emploi, et notre capacité à jouer un rôle d’équilibre.

Je qualifierai notre abstention de « bienveillante ». Nous saluons les efforts accomplis, mais nous savons combien il est difficile de rattraper des engagements budgétaires non tenus – toutes les familles politiques ont leur part de responsabilité en la matière. Les décisions que nous prenons aujourd’hui affectent les hommes et les femmes de nos armées, qui sont en première ligne. À l’avenir, c’est à eux, d’abord, que nous devrons rendre des comptes.

Mme la présidente Françoise Dumas. Ils ont aussi en mémoire les décennies de restrictions, qui n’ont pas encore été rattrapées. Je peux concevoir que vous fassiez le choix de l’abstention pour des motifs politiques, mais c’est plus difficile à comprendre pour nos soldats, qui ont subi, depuis vingt ans, les conséquences de choix budgétaires auxquels votre groupe a pris part.

M. Thomas Gassilloud. Nous sommes réunis pour examiner notre cinquième et dernier budget de la défense de la législature, qui est aussi le quatrième de la LPM 2019-2025, ainsi que les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation et ceux de la gendarmerie.

La surprise réservée par le budget de la défense est qu’il est sans surprise. Il résulte d’une volonté politique et se concrétise par une augmentation des crédits de 1,7 milliard d’euros, laquelle respecte parfaitement les engagements pris dans le cadre de la LPM 2019-2025. Certaines recommandations du groupe Agir ensemble ont été prises en compte. Lors de l’examen du PLF 2021, nous avions alerté le Gouvernement sur deux points : le manque de déclinaison opérationnelle sur le retour de la haute intensité et la nécessité d’adapter notre stratégie au Sahel. Le budget répond à ces attentes. D’une part, il prévoit la livraison des capacités critiques nécessaires pour crédibiliser notre force armée dans l’hypothèse d’un conflit de haute intensité. D’autre part, l’action Surcoûts liés aux opérations extérieures du programme 178 permet à notre dispositif militaire au Sahel d’évoluer.

Par ailleurs, le budget exploite l’hybridité pour offrir à la France de meilleurs leviers d’influence, notamment en consacrant 646 millions à l’espace, 231 millions au cyber et près de 400 millions au renseignement.

Je voudrais également souligner la complémentarité des plans France relance et France 2030, qui font la part belle aux enjeux militaires et de dualité, qu’il s’agisse du nucléaire, de l’espace, du cyber et des fonds sous-marins. Ces crédits s’ajouteront au budget prévu par la LPM. La défense contribue ainsi à favoriser le développement technologique du pays.

Je rappelle aussi que les crédits du Fonds européen de la défense (FED), dont le montant annuel s’élève à 1,2 milliard d’euros, s’ajouteront aux efforts nationaux.

Cela étant dit, nous aurions aimé que le budget alloué aux forces des réserves suive la dynamique générale, notamment s’agissant de la réserve opérationnelle.

Par ailleurs, il faut veiller à ce que les moyens alloués au cyber, au renseignement et à l’espace s’inscrivent dans un cadre équilibré, qui préserve le financement des autres armées. Avec Sereine Mauborgne, je serai particulièrement attentif aux effectifs de la force opérationnelle terrestre.

La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation envoie des signaux forts au monde combattant, dans le prolongement de ce qui a été fait depuis 2017. Cette année, on doit noter l’évolution du point de la pension militaire d’invalidité (PMI). Par ailleurs, les crédits affectés à la journée défense et citoyenneté (JDC) sont en hausse de 2 millions d’euros et ceux dédiés au service militaire volontaire (SMV) sont confortés à un niveau de 3 millions d’euros.

Nous voterons donc sans réserve et avec enthousiasme les crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation.

M. Philippe Michel-Kleisbauer. En dressant le bilan de notre action depuis 2017, je ne vois pas un seul domaine dans lequel on aurait régressé. Jacques Marilossian et Thomas Gassilloud ont très bien décrit tout ce qui a progressé. Il y a des programmes dont le démarrage a été retardé, mais pour des raisons qui tiennent plus à la chronologie et à la préparation qu’au budget proprement dit. La trajectoire financière a été pleinement respectée depuis le début de la LPM.

Je tiens à rassurer ceux qui ont peur pour l’avenir. Nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait. Nous avons pesé, par notre soutien – je pense, par exemple, aux rapporteurs successifs du budget de la marine – sur cette évolution budgétaire.

Le Figaro d’hier faisait état de la bataille relative aux Small Modular Reactors (SMR), que j’évoque depuis plusieurs mois. Le Président de la République a souhaité que nous entrions dans la compétition, en développant une filière 100 % française du nucléaire civil faiblement enrichi à 4 ou 5 %. Ce projet résulte, pour partie, des travaux de notre commission. Naval Group et TechnicAtome développent les microcentrales les plus performantes en Europe, et probablement au monde. Là où les Américains ont inventé le nucléaire, nous concevons les micro-chaudières les plus compactes.

Au-delà de la trajectoire financière adoptée dans la LPM, nous avons su réagir au moment où il le fallait. Cela a été le cas pour le nucléaire, mais aussi pour la défense et l’espace. La ministre de la défense a ainsi augmenté les budgets pour permettre à Toulouse de remporter la compétition relative à l’implantation du centre d’excellence de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pour l’espace. Je citerai également notre action en matière de cybersécurité. En février 2018, Louis Gautier, alors à la tête du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) nous présentait la première revue stratégique de cybersécurité. Dès l’hiver suivant, la ministre exposait la doctrine de la lutte informatique offensive (LIO), autrement dit la capacité de riposte cybersécuritaire, dotée d’effectifs en hausse. Nous avons consolidé les domaines stratégiques à mesure que les besoins apparaissaient.

Des inquiétudes sont nées du fait que l’on puise dans les réserves de Rafale pour l’exportation, ce qui réduit notre parc à 117 avions au lieu de 129. C’est sans compter sur ce que nous allons peut-être vendre d’ici au prochain exercice budgétaire. Je compte bien que l’on obtienne de nouvelles commandes ! Peut-être pourra-t-on également « rétrofiter » des Mirage 2000, que l’on récupérera quelque part. On pourrait donc passer en dessous des 117 Rafale. Cela étant, je suis sûr que nous passerons la commande des douze Rafale évoquée par Jean-Jacques Ferrara ce matin et que nous atteindrons, à terme, le nombre d’appareils promis.

Le groupe Modem et démocrates apparentés votera évidemment ces budgets, mais nous voudrions que toutes les hypothèques soient levées. Nous ne pensons pas une seule seconde que l’effort que nous avons fait pendant cinq ans ne sera pas prolongé.

Mme Isabelle Santiago. Nos forces armées sont fortement mobilisées, depuis plusieurs années, dans le cadre des opérations extérieures et intérieures, sur fond de terrorisme et de crise sanitaire. Je salue le travail remarquable qu’elles accomplissent dans un contexte parfois difficile, compte tenu de la multiplication de leurs missions et de leurs engagements. Face à la montée des tensions internationales et aux menaces croissantes provenant des nouvelles tactiques de guerre hybride, les défis qui nous attendent n’ont peut-être jamais été aussi grands depuis la fin de la guerre froide. Nous mesurons jour après jour leur implication stratégique : je pense aux actions belliqueuses de puissances étrangères – Russie et Chine, pour ne citer qu’elles. L’environnement mondial est également soumis à de nombreux aléas potentiellement périlleux pour l’équilibre mondial et la paix, à l’image de l’architecture de sécurité liée à l’armement nucléaire et des tensions persistantes au sein de la zone Indo-Pacifique. Le PLF 2022 et sa mission Défense doivent s’adapter aux problématiques actuelles et à venir, ainsi qu’aux menaces grandissantes.

Je tiens à souligner ce qui va dans le bon sens. Les efforts budgétaires sont indéniables, dans la continuité d’actions déjà engagées, qui portent leurs fruits sur le terrain. La hausse de 1,7 milliard, inscrite dans la LPM, est, cette année encore, maintenue. Dans le même sens, l’effort substantiel consacré au programme 146 Équipement des forces est conforté : les crédits de paiement, qui excèdent légèrement 860 millions, financeront notamment les grands programmes d’armement, dont l’importance est cruciale. Nous notons une augmentation de 1 348 emplois comptabilisés en équivalents temps plein (ETP) entre la loi de finances initiale (LFI) 2021 et le PLF 2022. Relevons aussi les investissements en faveur des hommes, comme l’illustrent, par exemple, le plan famille et le plan ambition logement.

Mon groupe souhaite cependant vous alerter sur quelques points, notamment la baisse drastique des autorisations d’engagement des programmes 144, 178 et 146 par rapport à 2021, ce qui laisse craindre une baisse future des crédits de paiement. Des sujets primordiaux sont pourtant en jeu. Le programme 144 concerne l’anticipation des menaces, qui doit permettre d’adapter l’outil de défense aux risques émergents. Le programme 178 a trait, quant à lui, à l’amélioration de la préparation opérationnelle. La révision de la LPM indiquait que cette préparation devait faire l’objet d’une attention particulière, pour préparer nos armées aux conflits de haute intensité. Nous nous interrogeons sur la pérennité des hausses de crédits prévus par la LPM 2019-2025, dans la mesure où la marche sera encore plus haute à franchir à partir de 2023. En effet, à compter de cette date, les augmentations annuelles de crédits passeront de 1,7 à 3 milliards. Comment les objectifs financiers finaux de la LPM seront-ils tenus ?

Il n’en reste pas moins que les efforts sont indiscutables. Même si nous faisons usage de notre droit d’alerte sur plusieurs sujets, nos soldats et nos armées attendent un soutien massif et éclairé, que nous devons leur apporter. C’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés votera les crédits de la mission Défense.

M. Yannick Favennec-Bécot. Depuis le début de la législature, les députés du groupe UDI et indépendants se sont efforcés de faire preuve d’une opposition constructive à l’égard des mesures proposées par le Gouvernement et la majorité. Lorsque nous avons considéré qu’ils faisaient fausse route, nous avons affirmé notre opposition, parfois avec force, mais toujours avec l’intérêt général en ligne de mire. À l’inverse, lorsque nous avons estimé qu’une mesure allait dans le bon sens, ou qu’une réforme était bonne pour le pays, nous l’avons votée, en faisant fi de nos différences ou de nos nuances politiques. C’est sans doute cela, aussi, être centriste.

La mission Défense est dotée, pour 2022, d’un budget de 40,9 milliards d’euros. L’augmentation de 1,7 milliard de ses crédits par rapport à 2021 respecte les engagements pris dans le cadre ambitieux de la LPM. Disons-le sans ambages : ce budget nous satisfait pleinement. Alors que notre pays et notre économie ont été profondément bouleversés par la crise sanitaire, le Gouvernement aurait pu choisir la facilité, privilégier le court terme et mettre un coup de canif dans la LPM, comme bien d’autres gouvernements l’ont fait par le passé. Tel n’a pas été le cas. Nos armées et nos militaires ne servent plus de variables d’ajustement, ce dont nous nous réjouissons. Avec ce budget, la parole donnée est respectée : c’est le minimum que nous devons à ceux qui consacrent leur quotidien à la protection de la France, parfois, il faut le dire, au détriment de leur vie.

Je voudrais souligner les aspects les plus saillants du budget et renouveler les craintes que nous avions formulées en 2018 lors de l’examen de la LPM.

Parmi les éléments satisfaisants, je relèverai le milliard consacré à l’innovation, pour concevoir les technologies de demain, les 500 millions supplémentaires pour les programmes d’armement majeurs, les 337 millions destinés à l’amélioration des conditions d’hébergement et de logement de nos militaires, les 300 millions supplémentaires consacrés à l’entretien des matériels, la création nette de 450 postes dans des domaines aussi essentiels que le renseignement et la cyberdéfense, ou encore le nombre substantiel de nouveaux véhicules – 5 000 –  destinés à nos gendarmes.

Concernant nos craintes, n’oublions pas que, si la LPM est respectée quasiment à la lettre, 2023 sera marquée par une hausse de 3 milliards du budget de nos armées. Cette marche sera haute, et son franchissement ne sera pas un cadeau pour le prochain gouvernement, compte tenu notamment des nombreuses dépenses réalisées dans le présent PLF. Dit autrement, nous considérons que, pour le bien et l’avenir de nos armées, il aurait fallu mieux répartir les efforts, afin de réduire à néant les risques de faiblir.

Cela étant dit, le groupe UDI et indépendants votera néanmoins les crédits de la mission Défense.

En ce qui concerne la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, notre groupe se réjouit de la subvention de 56,36 millions d’euros au profit de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), ainsi que du maintien à 25 millions d’euros du budget consacré à l’action sociale. De même, notre groupe salue la volonté du Gouvernement d’augmenter le point de la PMI, qui s’inscrit dans la droite ligne des mesures prises en faveur du monde combattant depuis le début de cette législature.

Toutefois, notre groupe regrette que la baisse naturelle du nombre des ayants droit et ayants cause se traduise par une énième baisse du budget de la mission. Maintenir le budget à hauteur de son niveau de 2021 aurait permis, sans doute, de répondre à de nombreuses requêtes légitimes formulées depuis longtemps par le monde combattant. Le groupe UDI et indépendants proposera, en ce sens, un certain nombre d’amendements en séance publique, afin de répondre aux attentes de ces femmes et de ces hommes.

Enfin, puisqu’il s’agit de notre dernier exercice budgétaire, je vous remercie, madame la présidente, pour votre bienveillance et votre sens de l’équité.

M. Alexis Corbière. Malgré les points de désaccord que je fais entendre, et même si cette commission mériterait d’être le lieu de débats un peu plus animés, je vous remercie moi aussi pour la présidence bienveillante que vous exercez.

C’est sans doute la dernière fois de la législature que nous nous retrouvons pour parler de ces sujets importants. Cette cinquième hausse successive du budget ne doit pas faire oublier l’absence d’actualisation de la loi de programmation militaire en 2021 – et l’absence de débat sur la question.

Trop souvent, la commission de la défense est une commission de la défiance vis-à-vis des parlementaires. Vous n’en êtes pas responsable, madame la présidente : ce sont les institutions qui sont en cause. On discute chiffres et comptabilité, mais bien peu des grandes options stratégiques et géopolitiques ainsi que des conséquences que nous devons en tirer : ce ne sont pas des questions dont le Parlement se saisit. C’est là un problème de fond qui nous amènera à voter contre le projet de loi de finances, car c’est la seule manière que nous avons de manifester une opinion sur les grands choix en matière d’interventions militaires.

La LPM était censée faire l’objet d’une actualisation. Or cela n’a pas été le cas. L’environnement stratégique a pourtant connu une évolution extrêmement importante, et la pandémie a été un choc mondial. Tout cela aurait justifié des débats de fond sur les grandes orientations stratégiques à venir.

De plus, on nous soumet un budget à trous : il y a des trous capacitaires et d’autres qui sont liés aux surcoûts des opérations extérieures et des missions intérieures. Nos collègues du Sénat avaient ainsi identifié, concernant les OPEX, un surcoût de 8,6 milliards d’euros. Il m’a été répondu que les critiques du Sénat n’étaient pas pertinentes, mais les arguments avancés me laissent sur ma faim.

La LPM court jusqu’en 2025, soit au-delà de la fin du quinquennat. Une augmentation des crédits est proposée cette année, à hauteur de 1,7 milliard, mais les hausses les plus importantes sont prévues après ce quinquennat, ce qui revient à dire qu’il s’agit en réalité d’un programme électoral. Pourquoi pas, mais il faut le considérer comme tel : ce sont d’abord et avant tout des promesses qui sont faites dans l’hypothèse où la même équipe serait reconduite. On peut donc se demander si les prévisions se réaliseront dans le cas contraire. Je me méfie de cette manière de faire de grandes annonces dont l’exécution est renvoyée à une époque où le gouvernement et la majorité actuels ne sont pas assurés d’être encore aux responsabilités.

Par ailleurs, entre 2019 et 2025, 10 % de la hausse sera absorbée par la seule dissuasion nucléaire.

Nous regrettons aussi le niveau de disponibilité trop faible des appareils et l’insuffisance des moyens pour protéger les espaces maritimes. Au-delà de la bataille des chiffres, il faudra que nous ayons un jour, dans le cadre d’une vraie vie parlementaire, une réflexion collective sur la stratégie et la doctrine. Les conséquences géopolitiques de la pandémie ont changé la donne. Il en est de même du comportement de nos « amis » australiens et de l’affaire des sous-marins, qui doivent nous conduire à reconsidérer les modalités de notre participation à l’OTAN. Qu’attendons-nous pour remettre en cause notre participation à son commandement intégré ? Faudra-t-il subir de nouveaux affronts ?

L’enlisement militaire au Sahel, après huit années de guerre, devrait également nous amener à réfléchir. Depuis 2013, cinquante-deux de nos soldats sont tombés. Chaque fois que nous apprenons l’une de ces disparitions, nous sommes tous bouleversés. Mais cela devrait nous conduire à avoir une discussion politique sur les raisons de notre engagement et à envisager la possibilité de sortir de ce conflit. Nos armées font leur devoir avec beaucoup de courage, mais aucun plan politique n’accompagne l’intervention militaire. Or nous ne pouvons pas demander à nos soldats de régler des problèmes politiques.

En ce qui concerne la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, je salue la revalorisation du point de la pension militaire d’invalidité (PMI), qui sera porté à 15,05 euros à partir du 1er janvier 2022. C’est une bonne chose, mais le rattrapage est loin d’être terminé. Des écarts se sont creusés, et aucune réforme significative du système d’indexation du point n’a été engagée. La composition de la commission tripartite chargée de travailler sur le point PMI pose de nombreuses questions. Le niveau de vie des pensionnés militaires ne devrait pas être négociable. Il faut mettre en place un calendrier de rattrapage du point d’indice ; nous avons déjà perdu assez de temps. Il en va de même pour la demi-part fiscale des veuves de guerre.

Nous voterons contre ce budget en raison des nombreuses critiques que nous formulons à son encontre, mais aussi – et avant tout – car c’est pour nous une façon d’exprimer l’idée selon laquelle, dans le monde incertain qui se dessine devant nous, le Parlement doit plus que jamais se saisir de ces enjeux et mener des débats sur le fond, au lieu de se limiter à des discussions comptables.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous sommes dans un temps de discussion budgétaire : il paraît logique que nous parlions un peu de chiffres… Par ailleurs, nous avons mené de nombreuses auditions sur les conséquences de la rupture de l’accord-cadre avec l’Australie et avons eu de multiples discussions géostratégiques autour de la question. Je serais d’ailleurs ravie que vous soyez présent la semaine prochaine, lorsque nous entendrons Philippe Errera et Alice Guitton sur les futures options stratégiques en Indo-Pacifique. Cela nous permettrait de bénéficier de votre éclairage.

Je m’attache à ce que nous ayons des discussions sur les grands enjeux et sur la nécessité d’adapter nos armées, tant dans leurs moyens que dans leur stratégie opérationnelle, pour faire face aux nouvelles formes de conflictualité.

M. Alexis Corbière. Vous parlez d’or, mais il était question dans mon propos de délibération et de vote, et vous me répondez en évoquant des auditions, alors qu’il est évident que nous en menons un grand nombre.

Mme la présidente Françoise Dumas. Vous nous reprochez un manque de réflexion et de débat sur des questions essentielles, aussi je souligne que nous ne parlons pas seulement de chiffres.

M. Alexis Corbière. Les députés sont là pour décider, pas seulement pour auditionner.

Mme la présidente Françoise Dumas. Les auditions servent à nous éclairer pour qu’ensuite nous soyons en mesure de débattre et décider. Si vous considérez que notre commission n’est pas un lieu de dialogue et que les auditions que nous menons ne sont pas des moments de dialogue, j’aimerais que vous m’expliquiez où vous en trouverez !

M. Jacques Marilossian. Monsieur Corbière, vous critiquez la commission mais vous ne venez jamais aux réunions !

M. Alexis Corbière. Je constate que certains de nos collègues sont non seulement désagréables politiquement, mais en plus mal élevés !

Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. C’est le dernier budget que nous examinons au cours de cette législature. Je profite donc de l’occasion pour vous remercier à mon tour de votre bienveillance et de votre écoute, madame la présidente. J’inclus également dans mes remerciements votre prédécesseur : lui aussi s’est montré bienveillant, particulièrement à mon endroit.

Depuis 2017, les lois de finances successives témoignent d’un renforcement des missions régaliennes de l’État. C’est encore le cas avec le budget pour 2022 de la mission Défense, dont les crédits augmentent pour la troisième année consécutive. De ce point de vue, le projet de loi est en conformité avec la loi de programmation militaire. Le budget de la défense augmente de 1,7 milliard d’euros. Depuis 2017, la hausse totale est de 7,7 milliards. Dans le monde troublé qui est le nôtre, c’est une bonne chose pour notre défense collective comme pour l’innovation de nos entreprises les plus performantes, et donc pour l’emploi. Cette montée en puissance devrait en effet permettre d’augmenter les capacités opérationnelles de nos armées, de renforcer les équipements et les infrastructures militaires, y compris dans les domaines du renseignement, de la cybersécurité et de la maîtrise de l’espace, qui sont au cœur des enjeux actuels.

Toutefois, je voudrais relativiser cet effort, car si nos dépenses de défense ont augmenté de 4 %, l’augmentation moyenne en Europe est de 4,2 % et celles des États-Unis et de la Chine dépassent 6,6 %. Dans ce contexte, mon groupe souhaite vous faire part de ses inquiétudes. Comme l’an dernier, celles-ci concernent la compétitivité de nos industries de défense, fortement mises à mal par la crise sanitaire et les évolutions stratégiques mondiales, mais aussi l’excessive externalisation du soutien aux forces en opérations extérieures, notamment en matière de transport et d’affrètement aériens, que la Cour des comptes avait déjà signalée en posant la question de la qualité et de la sincérité des contrats.

Dans la loi de finances initiale de 2021, le budget total de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation s’élevait à 2 089 millions en crédits de paiement. Le PLF pour 2022 propose quant à lui de doter la mission à hauteur de 2 016 millions d’euros. Les autorisations d’engagement suivent la même trajectoire à la baisse. Ce projet de budget ne fait donc pas exception à la baisse annuelle des crédits de cette mission, en raison de la diminution tendancielle du nombre de bénéficiaires des prestations. Nous regrettons que ces financements n’aient pas été utilisés pour répondre à d’autres besoins et d’autres attentes. En revanche, nous saluons la revalorisation du point PMI.

Pour toutes ces raisons, le groupe GDR émet des réserves concernant ce budget. Pour ma part, à titre personnel, je le soutiens, compte tenu de l’écoute de la ministre des armées et de ses efforts en faveur des outre-mer, notamment la Martinique, où les besoins étaient importants à la suite de certains événements climatiques tels que l’ouragan Irma : Mme la ministre nous a fait parvenir des équipements.

Mme Sereine Mauborgne. M. Thiériot a parlé de l’abstention de son groupe. Je lui soumets donc cette citation d’Alphonse Allais : « Il y a des circonstances où il faut s’abstenir de jouer à la bourse, aux courses, au baccarat ou à la roulette : primo, quand on n’a pas les moyens et secundo, quand on les a ». Les militaires, eux, ne s’abstiennent pas, malgré le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, dont ils ont subi les conséquences dans les années 2010 – et les sous-officiers continuent à payer un lourd tribut à cette politique.

La commande de VBAE a effectivement été avancée, ce qui a nécessité un ajustement mineur de la trajectoire du programme SCORPION. Toutefois, celui-ci avait été accéléré en 2019, comme Thomas Gassilloud et moi-même le proposions en 2019 – cette recommandation figurait dans l’avis budgétaire relatif à la préparation et à l’emploi des forces terrestres. Malgré le ralentissement que vous évoquez, la progression reste supérieure à la prévision initiale.

Par ailleurs, nos soldats sont fortement exposés à des risques de blessures, voire à la mort : au cours des seuls mois de décembre de l’année dernière et de janvier, cinq ont perdu la vie lors de missions de reconnaissance. Celles-ci requièrent à la fois de l’agilité et de la réactivité. La décision a donc été prise en urgence de consolider les véhicules blindés légers (VBL) MK1. Le programme a démarré en février 2020, et les premiers véhicules ont été projetés en opération extérieure dès le mois de juin – je salue à cet égard l’engagement de l’équipe de Clermont-Ferrand. Il était donc nécessaire d’engager l’acquisition de VBAE. Notre mission est de protéger nos soldats, pour eux et pour leur famille. Nous devons leur donner ce qu’il y a de meilleur.

M. Claude de Ganay. Je vous remercie au nom de notre groupe, madame la présidente, pour le bon climat qui, dans l’ensemble, a régné dans la commission au cours de la législature. Au-delà de votre présidence et de celle de votre prédécesseur, les relations entre les commissaires ont été bonnes. Nous avons ainsi mené à bien des missions associant des représentants de partis différents. Il est agréable de le noter et de le rappeler. Je remercie également l’ensemble du secrétariat de la commission pour son travail.

Je ne relancerai pas le débat en répondant à Mme Mauborgne. J’indiquerai simplement que vous devez respecter notre choix. Notre abstention sera bienveillante. Nous avons souligné les efforts importants qui ont été consentis. Toutefois, nous sommes vigilants. Nous ne sommes pas à l’école, où chacun doit suivre le maître. Comme l’a rappelé M. Favennec-Bécot, la fameuse marche de 3 milliards est devant nous. L’ensemble des soldats qui nous écoutent se disent certainement que c’est une bonne chose que certains élus soient vigilants. De fait, nous devons savoir si les engagements seront tenus et si le mouvement engagé à travers la loi de programmation militaire se poursuivra. Nous avons tous souligné la pertinence de la LPM et salué la hausse des engagements financiers. Cela dit, comme l’ont souligné mes collègues rapporteurs pour avis s’agissant de l’armée de l’air et de la marine, un certain nombre d’interrogations demeurent. Il est sain, dans une démocratie, que certains se posent en vigies.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous sommes tous extrêmement attentifs et vigilants, monsieur de Ganay.

*

*     *

La commission en vient à l’examen des crédits de la mission « Défense ».

 

Article 20 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-DN10 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Il s’agit ici d’une question dont on parle beaucoup : le prix du pétrole. Nous proposons d’augmenter la dotation en gazole, compte tenu des incertitudes géopolitiques et de la hausse du prix du baril.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis (Soutien et logistique interarmées). Je suis plutôt défavorable à l’adoption de cet amendement, que le groupe Socialistes et apparentés présente chaque année.

Un dispositif spécifique du service de l’énergie opérationnelle permet d’atténuer les variations annuelles du cours du baril et le compte 901 « Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires » permet de constituer des stocks de carburants grâce à un découvert autorisé de 125 millions. La gestion de sa trésorerie est donc très proactive.

M. Fabien Gouttefarde. Mme Santiago est envoyée au charbon par son groupe mais, en effet, cette argumentation est répétée chaque année. L’article 5 de la loi de programmation militaire votée au début de la législature prévoit un mécanisme en cas de forte hausse des cours du pétrole.

Notre groupe vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut, nous voterons contre.

La commission rejette l’amendement.

 

Après l’article 42

 

Amendement II-DN4 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Un rapport doit être remis dans les douze mois à compter de la promulgation de la loi sur l’évaluation des programmes de coopération européenne dans le secteur de la défense.

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis (Équipement des forces-dissuasion). Si vous le permettez, je donnerai également un avis sur cet amendement et sur celui à venir, le II-DN9.

Depuis 2017, la réponse est identique. Mon prédécesseur Jean-Charles Larsonneur l’a donnée, comme je l’ai donnée l’année dernière. Lorsque nous jugeons qu’il est nécessaire de le faire, nous auditionnons des industriels et toutes les personnes que nous souhaitons. Je ne vois donc pas l’utilité d’un rapport global. En revanche, notre commission pourrait se saisir de points particuliers et auditionner le délégué général pour l’armement afin de les lui soumettre.

Demande de retrait ou avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN5 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Un rapport doit être remis afin d’évaluer nos équipements, notamment leurs coûts par rapport à ceux de nos alliés européens et au sein de l’OTAN.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-DN9 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago. Dans notre rapport sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées, M. Fiévet et moi-même avions souligné combien les budgets doivent être lisibles quant aux actions menées dans les domaines de la biodiversité, de l’énergie et de l’environnement. Là encore, nous demandons un rapport sur ces questions.

Telle qu’elle est, la rédaction de cet amendement est problématique puisque nous demandons un rapport chiffré et l’inscription d’une ligne budgétaire transversale. Quel que soit votre vote, je le représenterai en séance publique dans une rédaction différente.

M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Je m’associe aux propos de M. Gouttefarde. Nous verrons en l’occurrence ce que Mme la ministre dira dans l’hémicycle.

La commission rejette l’amendement.

M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis (Environnement et prospective de la politique de défense). Je suis favorable à l’adoption des crédits de cette mission.

M. Charles de Ganay, rapporteur pour avis. Abstention bienveillante !

Mme Sereine Mauborgne, rapporteure pour avis (Préparation et emploi des forces : Forces terrestres). Avis favorable.

M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Marine). Pareillement, pour nos marins !

M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Air). Abstention !

M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Avis favorable.

 

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense non modifiés.

 

 


—  1  —

Annexe 1 :

Auditions et déplacements du rapporteur pour avis

(Par ordre chronologique)

1.   Auditions

  NukkAI ‒ M. Jean-Baptiste Fantun, directeur général ;

  État-major de l’armée de terre (EMAT) – M. le général Damien de Marsac, sous-chef « plans et programmes » ;

  Comité Richelieu ‒ M. Nicolas Corouge, vice-président, M. Jean Delalandre, délégué général et M. Thierry Gaiffe, président de la commission « Défense » ;

  Agence du numérique de défense (AND) ‒ M. l’ingénieur général de l’armement Dominique Luzeaux, directeur ;

  Atos ‒ M. Cyril Dujardin, directeur « défense et sécurité », et M. Philippe Duluc, directeur « technologie, big data et sécurité » ;

  Sopra Steria ‒ M. Thierry Lempereur, directeur du vertical « Défense et Sécurité », et Mme Ève Gani, directrice du développement au sein du vertical « Défense et Sécurité » ;

  Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) ‒ M. Bruno Sainjon, président-directeur général, et M. Jacques Lafaye, conseiller du président-directeur général ;

  Direction générale du numérique et des systèmes d’information et de communication (DGNUM) ‒ M. l’ingénieur général de l’armement Nicolas Fournier, directeur général ;

  État-major des armées (EMA) – M. le général Philippe Barthélemy, officier général chargé de la transformation digitale des armées, adjoint au chef de la division « stratégie numérique des armées » ;

  Direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) – M. le général de corps aérien Luc de Rancourt, directeur général adjoint ;

  Représentants de la Direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) ;

  Table-ronde réunissant des représentants du GICAN, du GICAT et du GIFAS :

– Groupement des industries de construction et activités navales (GICAN) – M. Jean-Marie Dumon, délégué général adjoint et délégué à la défense et à la sécurité, et Mme Apolline Chorand, déléguée aux affaires publiques et à la communication ;

– Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres (GICAT) – M. le général Jean-Marc Duquesne, délégué général, M. Lilian Eudier, chargé d’affaires publiques et de communication ;

– Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales (GIFAS) – M. Guillaume Muesser, directeur des affaires économiques et défense, M. Jean-René Gourion, directeur général délégué et directeur commercial France de MBDA, M. Jérôme Jean, directeur des affaires publiques ;

  Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL) ‒ M. Christian de Villemagne, directeur, et Mme Vivienne Gaskell, cheffe du service communication ;

  Agence de l’innovation de défense (AID) ‒ M. Emmanuel Chiva, directeur, M. l’ingénieur en chef de l’armement Nicolas Grangier, chef de pôle « financement et acquisition de l’innovation », Mme Mathilde Herman, cheffe de la cellule « relations institutionnelles » ;

  Représentants de la Direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD).

2.   Déplacements

  28 au 29 janvier  Modane  Visite du centre de Modane-Avrieux de l’Office national d’études et de recherches aérospatiales (ONERA) ;

  1er février  Aytré  Visite de l’entreprise Shark Robotics ;

  11 mars  Paris  Visite de l’entreprise Preligens ;

  26 mars  Saint-Louis  Visite de l’Institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis (ISL).

 

 

 

 

   Annexe 2 :

Glossaire des principaux acronymes

 

ADL : agent de droit local

ADS : armées, directions et services

AE : autorisations d’engagement

AEANE : autorisations d’engagement affectées non engagées

AED : Agence européenne de défense

AID : Agence de l’innovation de défense

AND : Agence du numérique de défense

ANR : Agence nationale de la recherche

ARTEMIS : architecture de traitement et d’exploitation massive de l’information multi-sources

ASTRID : accompagnement spécifique des travaux de recherches et d’innovation défense

BOP : budget opérationnel de programme

CA : conseil d’administration

CASID : centre d’appui aux systèmes d’information de la défense

CATOD : centre d’analyse technico-opérationnelle de défense

CCIAD : cellule de coordination IA de défense

CCPI : centre du conseil, de la prévention et des inspections

CDAD : centre de développement des applications de la défense

CEA : commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives

CECNUM : comité exécutif du numérique et des SIC

CEMA : chef d’état-major des armées

CGA : contrôle général des armées

CIABT : convention sur l’interdiction des armes bactériologiques ou à toxines

CIE : contre-ingérence économique

CINUM : comité interministériel du numérique

CNGF : centre national de gestion des fréquences

CNP : Common Need Paper

CNRS : centre national de la recherche scientifique

COMCYBER : commandement de la cyberdéfense

COP : conseil d’orientation et de pilotage

COP : contrat d’objectifs et de performance

CP : crédits de paiement

CPCO : centre de planification et de conduite des opérations

CPOIA : commandement pour les opérations interarmées

CSP : coopération structurée permanente

DAJ : direction des affaires juridiques

DCSD : direction de la coopération de sécurité et de défense

DGA : direction générale de l’armement

DGE :  direction générale des entreprises

DGNUM : direction générale du numérique et des systèmes d’information et de communication

DGRIS : Direction générale des relations internationales et de la stratégie

DGSE : Direction générale de la sécurité extérieure

DINUM : direction interministérielle du numérique

DIRISI : direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information

DMAé : direction de la maintenance aéronautique

DPID : direction de la protection des installations, moyens et activités de la défense

DrOID : document de référence de l’orientation de l’innovation de défense

DRSD : direction du renseignement et de la sécurité de la défense

EMA : état-major des armées

EMAT : état-major de l’armée de Terre

EOTO : études opérationnelles et technico-opérationnelles

EPS : études prospectives et stratégiques

ESN : entreprise de services du numérique

ETI : entreprise de taille intermédiaire

ETPT : équivalent temps plein travaillé

FED : Fonds européen de la défense

FELIN : fantassin à équipements et liaisons intégrées

FFDJ : Forces françaises stationnées à Djibouti

FID : Fonds Innovation Défense

FMN : Federated Mission Networking

GICAN : groupement des industries de construction et activités navales

GICAT : groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres

GIFAS : groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales

HR-VP : Haut-Représentant / Vice-Président

IA : intelligence artificielle

IGI : instruction générale interministérielle

INRIA : Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique

ISL : institut franco-allemand de recherches de Saint-Louis

LFI : loi de finances initiale

LPM : loi de programmation militaire

MASD : maitrise de l’architecture du système de défense

MCO : maintien en condition opérationnelle

MdD : mission de défense

MEAE : ministère de l’Europe et des Affaires étrangères

MGCS : Main Ground Combat System

MINUSCA : mission multidimensionnelle intégrée des Nations Unies pour la stabilisation en Centrafrique

MMT : Man-Machine Teaming

NR : non-résidence

NRBC : nucléaire, radiologique, biologique et chimique

OB : objectif budgétaire

OER : opération d’expérimentation réactive

OIAC : organisation pour l’interdiction des armes chimiques

ONERA : office national d’études et de recherches aérospatiales

OPEX : opération extérieure

OSR : Overarching Strategic Research Agenda

OTAN : Organisation du traité de l’Atlantique Nord

PAD : personnalités d’avenir-défense

PADR : Preparatory Action on Defence Research

PAI : projet d’accélération de l’innovation

PAP : projet annuel de performances

PCAT : présentation des capacités de l’armée de Terre

PEDID : programme européen de développement industriel pour la défense

PIG : projet d’intérêt général

PIM : Processsor-In-Memory

PIV : point d’importance vitale

PLF : projet de loi de finances

PLU : plan local d’urbanisme

PME : petites et moyennes entreprises

PNOR : plan national d’orientation du renseignement

PPSTN : protection du potentiel scientifique et technique de la nation

PSDN : protection du secret de la défense nationale

PTD : projets de technologies de défense

RAPID : régime d’appui à l’innovation duale

RAVEL : Rafale VErticaLisé

RREE : réforme des réseaux de l’État à l’étranger

RRF : réseau radio futur 

RSE : responsabilité sociale des entreprises

R&D : recherche et développement

R&T : recherche et technologie

SASD : service d’architecture du système de défense

SCAF : système de combat aérien du futur

SCC : Strategic Context Cases

SCSP : subvention pour charges de service public

SGA : secrétariat général pour l’administration

SGDSN : Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale

SIA : système d’information des armées

SIAG : système d’information, d’administration et de gestion

SIC : système d’information et de communication

SID : service d’infrastructure de la Défense

SIO : système d’information opérationnel

SIOC : système d’information opérationnel et de commandement

SLAM-F : système de lutte anti-mines du futur

SNLE : sous-marin nucléaire lanceur d’engins

SOPHIA : synergie pour l’optimisation des procédures d’habilitation des industries et de l’administration

TRL : technology-readiness level

UE : Union européenne

 

 

 

 


([1]) Pour les projets en cours de réalisation ou en montage.