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N° 4601

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

QUINZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2021

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2022 (n° 4482)

 

 

TOME IV

 

 

 

PRÉPARATION ET EMPLOI DES FORCES :

FORCES TERRESTRES

PAR Mme SEREINE MAUBORGNE

Députée

——

 

 Voir le numéro :  (annexe 7)


 

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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

Première partie : les crédits proposés pour 2022

I. Une réparation qui commence à porter ses fruits

A. Une amélioration visible sur le terrain

1. Des livraisons « à hauteur d’homme »

2. Une amélioration de la disponibilité des matériels

B. Des progrès indéniables dans la fidélisation

1. Des recrutements en baisse en 2022, un signe très positif

2. Un effort qui se poursuit pour améliorer le quotidien du soldat

II. Une armée de Terre engagée, crédible, mieux entraînée

A. Un engagement opérationnel soutenu et de nouveaux objectifs

1. Les enjeux de l’évolution des opérations extérieures

2. De nouveaux objectifs en termes de réactivité

B. La préparation opérationnelle

1. Des résultats encourageants à conforter

2. Une gamme de leviers à actionner

III. Une entrée décisive dans une phase intense de modernisation

A. Des ressources en hausse en appui de la modernisation

1. La poursuite de la modernisation du MCO

2. Le petit équipement et les munitions

B. Des commandes cruciales pour les années à venir

1. La poursuite de la modernisation du segment médian avec Scorpion

2. La rénovation et le futur du segment de décision

3. Le standard III du Tigre

Deuxième partie : la simplification dans l’armée de Terre

I. Un nouvel ennemi : la complexité

A. Une démarche originale, pragmatique et collective

1. Un objectif opérationnel, un complément de la simplification administrative

2. Une méthode « bottom-up » de collecte des « irritants »

3. Un positionnement à haut niveau

4. La recherche de parangonnage

B. Trois cents « irritants » identifiés

1. Un « combat de découverte » pour caractériser l’ennemi

2. 60 mesures déjà prises par le CEMAT

3. Une application difficile mais des résultats encourageants

4. D’autres mesures à l’étude

II. Une démarche révélatrice d’un changement de culture à opérer

A. Des attentes fortes qui traduisent un besoin de subsidiarité

1. La culture du risque

2. L’autonomie des jeunes chefs de l’armée de Terre

3. La dévolution de compétences

4. La lutte contre la surcharge informationnelle

B. Quelques besoins d’investissement

1. La remise en cause de certaines mutualisations d’équipements

2. Des achats de matériels

3. La numérisation

C. Des normes inadaptées à la spécificité militaire

1. Des normes rigides et coûteuses

2. Des difficultés de transposition

D. Un prolongement possible aux niveaux ministériel et interministériels

1. Une démarche à faire connaître

2. Au moins un chantier de réflexion interministériel à engager

Conclusion

Travaux de la commission

I. Audition du général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre

II. Examen des crédits

Annexe 2 :  Tableau de suivi des mesures de simplification  prises par le CEMAT


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   introduction

Le projet de loi de finances pour 2022 est le cinquième de la législature et le quatrième d’une loi de programmation militaire de renouveau, rigoureusement exécutée. Comme l’a dit la ministre des Armées Florence Parly devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, le 5 octobre dernier, il s’agit d’une « inflexion historique » incontestable. Si, en 2015, il a été mis fin à la décroissance des effectifs dans certains domaines précis, ce n’est qu’en 2017 que l’engagement fut pris d’une remontée en puissance ambitieuse, dans la durée, de l’ensemble de notre outil de défense. C’est surtout la fiabilité de cet engagement qui constitue un atout pour nos forces armées qui doivent sans cesse se projeter à l’horizon de plusieurs décennies.

Et alors que la pandémie offrait le prétexte rêvé pour faire de la Défense, une fois de plus, une variable d’ajustement, le président de la République et le Gouvernement ont maintenu, en dépit des difficultés économiques, le cap fixé et l’ambition 2030, de « conserver une capacité d’intervention nationale, couvrant le spectre d’intervention le plus large possible, du contre-terrorisme au conflit ouvert de haute intensité en passant par la réponse aux attaques hybrides ». ([1])

De 32,2 milliards d’euros en 2017, le budget de la Défense atteint aujourd’hui 40,9 milliards d’euros. La communauté nationale a consenti un effort de 26 milliards d’euros de plus pour ses armées, soit trois années de budget d’équipements majeurs, depuis 2017. Ces investissements historiques permettent une reconstruction selon les quatre axes fixés par la LPM : l’axe à hauteur d’homme, auquel seront dédiés 2 milliards dans le projet de loi de finances pour 2022, dont 1,6 milliard d’euros uniquement pour les petits équipements, mais aussi la réparation, l’autonomie stratégique européenne et l’innovation.

Pour l’armée de Terre, le projet de loi de finances pour 2022 ouvre un cycle de modernisation capital. Des commandes cruciales seront passées cette année, parmi lesquelles la majeure partie du programme Scorpion. Grâce à l’ensemble des efforts consentis pour améliorer l’environnement professionnel des militaires, efforts amenés à se poursuivre en 2022, cette année verra pour la première fois l’armée de Terre réduire volontairement son effort de recrutement de 10 %.

La rapporteure pour avis avait demandé que les réponses à ses questions budgétaires lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2021, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, 41 réponses sur 41 lui étaient parvenues, soit un taux de 100 %.


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   Première partie :
les crédits
proposés pour 2022

Comme depuis quatre ans, le montant des crédits proposés dans le projet de loi de finances pour 2022 est conforme à la programmation militaire (LPM) 2019-2025 ([2]), en hausse d’un milliard d’euros par rapport à 2017. Ces moyens permettent de franchir des étapes décisives dans la préparation de forces terrestres « durcies » conformément à la vision stratégique du général Thierry Burkhard, alors chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT), endossée par son successeur, le général Pierre Schill. Ils doivent néanmoins être confortés dans les années à venir. Conformément au programme présenté dans le rapport annexé à la LPM, après le temps de la « réparation » vient en effet celui de la « modernisation ».

I.   Une réparation qui commence à porter ses fruits

Le défi de la « réparation » est sur le point d’être remporté par l’armée de Terre. Les efforts consentis par la Nation se traduisent par des améliorations visibles sur le terrain qui ont enclenché le cercle vertueux de la fidélisation.

A.   Une amélioration visible sur le terrain

La loi de programmation militaire se devait d’être une loi de « réparation » et une loi « à hauteur d’homme ». Trois ans après son adoption, tous les soldats de l’armée de Terre ont pu constater une amélioration de la disponibilité technique des matériels et la livraison de nouveaux équipements, y compris individuels, qui améliorent considérablement les modalités générales d’exécution du service.

1.   Des livraisons « à hauteur d’homme »

L’année 2021 a vu se poursuivre la modernisation de l’équipement des forces terrestres avec des livraisons emblématiques : fusils d’assaut HK 416 F, pistolets automatiques, véhicules tactiques, jumelles de vision nocturne, mini drones, etc. (voir tableau infra).

Le programme de modernisation du segment médian blindé Scorpion se poursuit conformément au calendrier prévu en dépit de légers retards ou d’ajustements mineurs qui ne remettent pas en cause le calendrier d’intégration de ces nouveaux matériels dans les forces.

Livraisons emblématiques en 2021 et 2022

(unités)

Matériel

Livraisons 2021

Total livré en 2021

Cible

Progression des livraisons

Livraisons 2022

Fusil d'assaut HK 416 F

                                     20 000

                                       57 240

                                     117 000

 

49 %

 

12 000

Aide à la visée HK 416

                                     20 000

                                       57 340

                                       82 580

 

69 %

                                       12 000

Pistolet automatique Glock

                                     40 000

                                       45 000

                                       74 600

 

60 %

                                       15 000

Véhicule tactique VT4

                                       1 000

                                         3 000

                                         4 380

 

68 %

                                         1 200

Jumelles de vision nocturne

                                       2 711

                                         5 890

                                         7 700

 

76 %

                                         1 810

Mini drones de renseignement

                                            12

                                              20

                                              35

 

57 %

                                              15

Mini drone Parrot

                                            77

                                              77

                                            529

 

15 %

180

Nano drone Black Hornet

47

240

555

43 %

96

Véhicule blindé multi rôle Griffon

                                          157

                                            282*

                                         1 872

 

15 %

                                            119

Engin blindé de reconnaissance et de combat Jaguar

                                            20

                                              20

                                            300

 

7 %

                                              18

Véhicule blindé multi-rôle léger Serval

   

-

                                    - 

                                            978

 

0 %

                                            108

Char Leclerc rénové

                -

                  - 

                                            200

 

0 %

                                                4

Système d'information du combat Scorpion (SIC-S)

                                               1

                                                1

                                                1

 

100 %

                                              -

Véhicule blindé léger rénové (VBL U)

                                             80

                                            101

                                            800

 

13 %

                                            120

Hélicoptère NH90 Caïman

                                               3

                                              50

                                              74

 

68 %

                                                8

Hélicoptère Tigre HAD

7

42

67

63 %

8

(*) 339 attendus fin 2021.

Source : réponses du ministère des Armées aux questions de la rapporteure pour avis, 10 octobre 2020.

À l’heure actuelle, deux matériels majeurs du programme ont été réceptionnés par l’armée de Terre : l’engin blindé multi-rôles (EBMR) Griffon et le système d’information du combat Scorpion (SIC‑S), ce qui permet à l’armée de Terre de tenir l’objectif opérationnel de projection d’un premier groupement tactique interarmes (GTIA) équipé par Scorpion en septembre 2021.

Précisément, en septembre 2021, 281 Griffon avaient été livrés à l’armée de Terre pour une cible de 339 fin 2021. 20 Jaguar doivent également être livrés avant la fin d’année. Le SIC-S, en dépit de quelques retards, équipe désormais tous les régiments qui devaient en être équipés. À ce stade, trois régiments d’infanterie ont terminé leur transformation (3e RIMa, 13e BCA et 21e RIMa), et trois régiments d’infanterie et un régiment de génie sont en cours de transformation (1er RI, 13e DBLE, 126e RI et 6e RG). Pour l’instant, les régiments sont équipés d’un parc de Griffon permettant d’entraîner une compagnie de combat en garnison. Les livraisons respectent donc le calendrier établi et il n’y a pas de difficultés identifiées.

Utilisé depuis mai 2021 en bande sahélo-saharienne (BSS), le SIC-S suscite des retours très positifs. Il se distingue par son ergonomie permettant une utilisation simplifiée. Il intègre une première capacité de géolocalisation amie (GLA) et d’échange d’informations, apportant une véritable plus-value opérationnelle. Pour illustrer cette plus-value, le sous-chef Plans & programmes de l’état-major de l’armée de Terre a cité l’exemple d’un convoi logistique dit « Voie sacrée » entre Abidjan et Gao équipé pour la première fois en août 2021. Les postes de commandement et les militaires du convoi ont pu partager en temps réel la situation opérationnelle de tous les véhicules. « Bien évidemment, le changement peut paraître mineur par rapport aux standards civils mais les progrès sont réels dans un environnement très exigeant comme le Sahel, et posent les bases de la démarche de l’armée de Terre vers le combat collaboratif », a pointé le général Damien de Marsac.

Le Griffon se distingue du véhicule de l’avant-blindé (VAB) auquel il succède par une meilleure protection (balistique, contre les mines et les engins explosifs improvisés), des capacités d’agression et d’observation accrues (tourelleau téléopéré), une plus grande mobilité et une ergonomie adaptée à l’emploi opérationnel. Les retours d’expérience des régiments en métropole sont bons, notamment au centre d’entraînement au combat (CENTAC) où a été mise en évidence la plus-value tactique (capacité de franchissement, discrétion, intégration dans la bulle SIC-S, confort). Ces retours seront consolidés en opérations. Trente-deux Griffon sont en effet projetés au Sahel depuis septembre, opérés par le 3e régiment d’infanterie de marine (3e RIMa), ce qui fournira un premier retour d’expérience dans les semaines à venir. D’emblée, les soldats ont salué la qualité des nouveaux véhicules, en particulier leur confort, leur silence et leur climatisation, ce qui permet un vrai gain de capacité opérationnelle.

Le Jaguar est quant à lui un véhicule blindé médian de la gamme des 25 tonnes, équipé d’un canon de 40 mm et de missiles moyenne portée (MMP). Successeur de l’AMX10RCR et du VAB Méphisto, il a vocation à équiper les unités de cavalerie. Il est en fin de développement et ses évaluations par la section technique de l’armée de Terre (STAT) ont débuté en avril 2021. À la suite de difficultés industrielles et de la crise sanitaire, les 20 premières livraisons sont dorénavant prévues fin 2021, ce qui est néanmoins conforme à la cible prévue en LPM. 300 exemplaires sont prévus à terme. Le 1er régiment étranger de cavalerie (1er REC), premier régiment Jaguar, commencera sa transformation début 2022. Le Jaguar sera intégré au sein de la brigade interarmes (BIA) Scorpion projetable fin 2023, conformément aux objectifs initiaux du programme Scorpion.

D’après le ministère des Armées, les relations avec les industriels sont franches et chacun a conscience des enjeux. Les difficultés rencontrées sont exposées et identifiées même si certaines informations structurantes tardent parfois à remonter à l’armée de Terre.

2.   Une amélioration de la disponibilité des matériels

Les investissements consentis dans le domaine de la régénération des matériels, grâce à la modernisation du maintien en condition opérationnelle (MCO) terrestre et à la réforme du MCO aéronautique, produisent aussi des effets attendus. Malgré la crise sanitaire, plus d’un millier d’équipements majeurs ont ainsi été régénérés en 2020, permettant aux régiments de disposer de plus de véhicules disponibles en garnison pour leur préparation opérationnelle.

La disponibilité technique des matériels majeurs (données classifiées) s’améliore globalement, même si le vieillissement des parcs d’AMX10RCR et de véhicules de l’avant blindé (VAB) suscite toujours des difficultés croissantes, du fait de difficultés d’approvisionnement en pièces de rechange, notamment. Des commandes de pièces devraient remédier à certaines difficultés et le respect du calendrier des livraisons Scorpion devrait permettre au plus vite le retrait du service de ces matériels vieillissants. Le parc de chars Leclerc commencera une importante rénovation à partir de 2022 afin de pérenniser ce matériel. Des améliorations sensibles sont donc attendues pour 2022.

La part de l’industrie privée dans l’activité de régénération globale (tous parcs confondus) progresse de 27 % en 2017 à 38,8 % en 2020 avec un objectif de 40 % en 2024. Le partenariat avec l’industrie privée repose sur des contrats de soutien en service (MSS) dits « verticalisés » ou « transverses ». Par ailleurs, de nombreuses chartes de partenariat ont été signées pour partager les risques et les retours sur investissement.

Le bilan de la création de la direction de la maintenance aéronautique (DMAé) est jugé satisfaisant, deux ans après sa création. Selon l’état-major de l’armée de Terre, les contrats dits « verticalisés » commencent seulement à produire leurs effets en termes de disponibilité. Il reste encore difficile d’évaluer les ressources nécessaires à la production d’heures de vol mais les contrats sont considérés comme bien construits. L’état-major de l’armée de Terre juge surtout impératif d’éviter toute rupture dans leur financement.

B.   Des progrès indéniables dans la fidélisation

Après les attentats de 2015, il a été mis fin à la décrue des effectifs de l’armée de Terre au profit d’une mesure-phare : l’augmentation des effectifs de la force opérationnelle terrestre pour atteindre 77 000 hommes et femmes, soit 11 000 effectifs supplémentaires.

Cette manœuvre a imposé des recrutements annuels conséquents depuis 2015 (près de 21 000 en 2016, près de 18 000 en 2017, moins de 15 000 en 2018, 2019 et 2020, avant une remontée à 17 000 en 2021), pour atteindre cette cible puis la tenir, dans un contexte encore marqué par de trop nombreux départs. Le ministère des Armées et l’armée de Terre ont alors multiplié les efforts pour fidéliser les militaires. Ces efforts commencent à porter leurs fruits, ce que traduit la décision de l’armée de Terre de réduire son volume de recrutements à partir de 2022.

1.   Des recrutements en baisse en 2022, un signe très positif

Les années 2018 à 2020 ont permis de stabiliser la force opérationnelle terrestre à 77 000 hommes, en dépit de départs encore jugés trop nombreux, qui ont imposé de revoir à la hausse les plans de recrutements. Plus de 14 000 militaires ont été recrutés et formés en 2020, en dépit de la crise sanitaire, avant un retour à un plan de recrutement de près de 17 000 en 2021. Comme l’ont montré les rapporteurs pour avis sur les crédits relatifs à la préparation des forces terrestres depuis 2017, dans leurs rapports successifs, le coût financier et opérationnel du renouvellement permanent des effectifs pèse sur la préparation opérationnelle mais aussi sur les infrastructures d’hébergement et l’appareil d’entraînement, notamment du fait des besoins de sous-officiers qualifiés.

L’armée de Terre semble sur le point de s’extraire de ce cercle vicieux. En 2022, elle s’apprête pour la première fois à réduire son effort de recrutement (– 10 %), du fait des signes d’une meilleure fidélisation. Le taux de dénonciation de contrats des sous-officiers en 2020 confirme en effet l’amélioration de 2019, avec un taux proche de 17 % (22 % en 2018). Pour les militaires du rang, le niveau de dénonciation de la cohorte 2021 devrait être proche de celui observé en 2020, à près de 30 %. Le taux de renouvellement de contrat dans cette catégorie a augmenté en 2020 par rapport à 2019 (38,7 % contre 37,7 %, pour un objectif à 36 %). Pour les officiers, les mesures visant à améliorer l’information, à renforcer l’identité propre des jeunes contractuels (création de l’école militaire des aspirants de Coëtquidan) et à valoriser les parcours de cette population (ouverture aux concours de l’École de guerre et du diplôme technique) ont permis de contenir l’attrition initiale des officiers sous-contrat (OSC). L’évolution à la hausse des taux de sélection (1 pour 3,5 pour les engagés volontaires sous-officiers en 2020 en hausse par rapport à 2019 avec un taux de 1 pour 3,1 ; 1 pour 1,6 candidats en 2020 contre 1 pour 1,5 en 2019 pour les militaires du rang) devrait s’en trouver confortée.

Si elle se confirme, cette réduction de l’effort de recrutement contribuera encore à l’amélioration des conditions d’hébergement et de formation des nouvelles recrues, inaugurant cette fois un cercle vertueux.

Entendu par la rapporteure pour avis, le CEMAT a toutefois alerté sur la fragilité de ces bons résultats : la prudence est de mise ; compte tenu de la taille massive des cohortes recrutés après 2015, tout changement de comportement d’une cohorte peut avoir des effets conséquents. Il a par ailleurs souligné des difficultés ciblées pour fidéliser des sous-officiers dans la maintenance, les systèmes d’information et de communication, l’aéronautique, en particulier les sous-officiers spécialistes. ([3])

Face à la concurrence accrue sur le marché de l’emploi et la tension, en termes de recrutement, dans certaines filières, le ministère des Armées attribue par ailleurs une prime de lien au service (PLS) dans les familles professionnelles sous tension, prévue dans la LPM. Les dépenses de PLS s’élèvent en 2020 à 30,9 millions d’euros pour l’ensemble du ministère des Armées. 15 000 PLS ont été programmées pour 2021 pour l’ensemble du ministère, dont 5 130 pour l’armée de Terre. La prime de lien au service a un intérêt évident : la direction des ressources humaines de l’armée de Terre (DRHAT) est parvenue à fidéliser 800 militaires du rang supplémentaires et 200 sous-officiers en 2020, l’équivalent d’un régiment, économisant 47 millions d’euros de coûts de recrutement et de formation. 30 % des primes ont été attribuées à des sous-officiers spécialisés dans les systèmes d’information et de communication, 10 % à des sous-officiers du renseignement et 8 % à des sous-officiers maintenanciers. 84 % des attributions concernent des familles professionnelles déficitaires comme la cybernétique ou le renseignement.

2.   Un effort qui se poursuit pour améliorer le quotidien du soldat

Les efforts doivent donc se poursuivre dans le domaine de la fidélisation, en particulier pour fidéliser les militaires dans les premiers mois et les premières années qui suivent la signature de leur premier contrat.

L’amélioration de l’environnement professionnel est considéré à juste titre comme une priorité pour renforcer la fidélisation au regard des évolutions constatées dans la société. L’amélioration des modalités générales d’exécution du service (dotation en équipements individuels, disponibilité des matériels, soutien de proximité, etc.) et des conditions de vie (infrastructures et offres d’hébergement, de restauration et de loisirs, etc.), une meilleure conciliation entre la vie professionnelle et la vie personnelle grâce au plan Famille et l’évolution des pratiques dans le domaine des ressources humaines (développement d’un dialogue de gestion individualisé, construction de parcours professionnels attractifs, diversifiés et personnalisés) s’inscrivent dans cette dynamique.

D’après le chef d’état-major de l’armée de Terre, trois ans après sa mise en œuvre, le plan Famille est désormais bien connu et bien perçu grâce à des avancées notables et tangibles (carte SNCF, amélioration des offres de garde d’enfants, wi-fi gratuit, hausse substantielle des crédits destinés à la cohésion et l’amélioration du cadre de vie…). Le plan génère cependant des attentes encore fortes dans les domaines du logement, de l’accompagnement de la mobilité (déménagement, inscription scolaire, travail du conjoint) et de l’hébergement, qui ne pourront être satisfaites qu’au prix d’un effort dans la durée. La grande dispersion de l’armée de Terre sur le territoire peut limiter en certains endroits l’effet du plan Famille : certaines zones rurales (Bitche, Carpiagne, La Cavalerie…) offrent peu de débouchés en termes de scolarité des enfants, d’emploi ou d’offre de garde d’enfants. D’autres zones très densément peuplées manquent, au contraire, de logements abordables.

La nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM) doit offrir aux gestionnaires des ressources humaines davantage de leviers pour répondre aux besoins de fidélisation face à l’émergence de nouvelles compétences et aux évolutions du marché du travail. Une meilleure prise en compte des contraintes liées à la mobilité, au coût du logement et à l’absence générée par les activités opérationnelles est en particulier attendue. Les premiers retours de l’armée de Terre sur l’indemnité de mobilité géographique des militaires, entrée en vigueur le 1er janvier dernier, sont positifs. D’autres mesures sont attendues en matière d’aide au logement dans les grandes métropoles, afin qu’une affectation dans des villes comme Paris ou Marseille ne se traduise pas par une baisse du pouvoir d’achat. D’autres aspects sont également bien accueillis, comme une meilleure cohérence entre le grade, la fonction et la rémunération. Le parcours rénové des sous-officiers de l’armée de Terre, entré en vigueur en 2021, verra par exemple ses effets de fidélisation renforcés par la NPRM qui assurera une meilleure cohérence entre qualification, emploi, grade et rémunération.

La rapporteure pour avis a à cœur de défendre la prime de camp de Canjuers ou la compensation des sujétions particulières du personnel affecté à ce camp, au même titre que celles des personnels affectés dans des camps d’entraînement de l’est, réputés isolés. Le système indemnitaire étant actuellement en cours de refonte, elle espère que la NPRM prendra en considération ces différences de traitement qui peuvent paraître injustifiées actuellement.

II.   Une armée de Terre engagée, crédible, mieux entraînée

Grâce aux bons résultats précités, le moral des militaires des forces terrestres est solide : 78 % des soldats de l’armée de Terre le jugent « bon voire excellent », selon le général Pierre Schill. L’engagement en opérations se maintient à un niveau élevé, les opérations sont jugées gratifiantes, le style de commandement suscite des retours positifs, tout comme les livraisons d’équipements. L’engagement opérationnel soutenu suscite toutefois des défis accrus pour la conciliation avec la vie personnelle, et notamment familiale, des militaires, et compresse le temps disponible pour la préparation opérationnelle. Cette situation devrait perdurer encore au moins deux ans, ce qui justifie d’actionner un maximum de leviers pour libérer du temps pour la préparation opérationnelle.

A.   Un engagement opérationnel soutenu et de nouveaux objectifs

Avec plus de 5 400 hommes et femmes déployés en moyenne au premier semestre 2021, l’engagement de l’armée de Terre s’est encore accru par rapport à 2020. Les unités déployées mènent des actions allant de la coercition à l’accompagnement des partenaires de la France. Ces engagements s’inscrivent dans un contexte de durcissement des menaces et de retour possible de la haute intensité, nécessitant le déploiement des capacités les plus modernes et une préparation opérationnelle exigeante.

1.   Les enjeux de l’évolution des opérations extérieures

Au cours des deux dernières années, conformément aux décisions prises au sommet de Pau le 13 janvier 2020, les forces de l’opération Barkhane ont renforcé leur engagement dans la région du Liptako-Gourma, dans la zone dite des trois frontières (Niger, Burkina Faso, Mali). Cela s’est traduit par le déploiement de nouveaux effectifs sur place (350 soldats supplémentaires) et par des engagements durs pour les hommes et les matériels. Si le bilan des pertes causées à l’ennemi est très significatif en 2020 et en 2021, les pertes subies par l’armée de Terre sont également lourdes : pour le cycle opérationnel 2020-2021, 23 véhicules ont été détruits ou endommagés ; en 2020, l’armée de Terre a déploré la mort de seize soldats et trente-trois blessés ; en 2021, 41 soldats ont été blessés et trois ont été tués, dont le caporal-chef Maxime Blasco, du 7e bataillon de chasseurs-alpins de Varces.

La conclusion de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur l’évolution souhaitable de l’opération Barkhane

La France ne s’enlise pas au Sahel : il n’y a aujourd’hui aucune solution sans Barkhane. En revanche, ainsi que l’a maintes fois rappelé le général d’armée François Lecointre, chef d’état-major des armées, la patience stratégique s’impose à la France, en raison de « la complexité de la situation, [de] l’aspect systémique de cette crise ainsi que [de] son lien avec les enjeux démographiques ou environnementaux ».

La stabilisation du Sahel prendra de nombreuses années, et l’honneur de la France serait de rester engagée auprès d’États et de populations amis aussi longtemps qu’il le faudra, pour que cesse le gâchis qui éloigne les services publics des territoires, les enfants des écoles, fait courir le risque d’une crise alimentaire, et sape la confiance en l’avenir de populations qui aspirent à la paix.

La lutte contre le terrorisme constitue le socle sur lequel pourront se déployer les actions civiles et politiques permettant d’atteindre cet objectif et sous réserve de la décision des États sahéliens de maintenir leur demande d’assistance à l’égard de la France, comme de celle des autorités françaises de maintenir leur engagement, les forces françaises pourraient donc rester déployées au Sahel de longues années.

Le format du dispositif français au Sahel n’est toutefois pas figé, et Barkhane évoluera à mesure de l’affermissement de la montée en puissance des forces locales et de l’amplification de l’engagement de nos partenaires, sahéliens et occidentaux.

D’une opération extérieure, Barkhane – qui pourrait changer de nom – pourrait ainsi évoluer vers un dispositif de coopération structurelle régionale, la responsabilisation croissante des forces locales n’induisant pas le retrait complet des troupes françaises. Sous réserve de la décision du Président de la République, chef des armées, les forces françaises pourraient ainsi rester engagées aux côtés des pays africains afin d’apporter un soutien sur des moyens critiques – comme la chasse ou le renseignement – d’être en mesure d’agir à des fins de réassurance – sous la forme d’une force de réaction rapide maintenue sur le théâtre – de poursuivre la lutte contre le terrorisme et de mettre en œuvre un partenariat de combat approfondi avec les forces locales, en fonction de leurs besoins et de leurs demandes.

Ce faisant, l’armée française contribuerait aussi à la défense de la France et de l’Europe, car l’Europe ne peut être stable si l’Afrique de l’Ouest ne l’est pas.

Source : Mmes Sereine Mauborgne et Nathalie Serre (présidente : Mme Françoise Dumas), Rapport d’information sur l’opération Barkhane, XVe législature, 14 avril 2021.

Le 10 juin 2021, le président de la République a confirmé que Barkhane cesserait d’être une opération extérieure pour céder la place à une coopération internationale associant les États de la région, conformément au projet général de « sahélisation » et d’internationalisation de la résolution des crises au Sahel. Interrogé sur ces évolutions, le chef d’état-major de l’armée de Terre, le général Pierre Schill, a précisé que plusieurs scénarios étaient à l’étude, l’armée française prenant le temps de consulter ses alliés et partenaires pour les associer au maximum à l’évolution du dispositif au Sahel. En tout état de cause, si les effectifs projetés au Sahel pourraient, à terme, diminuer de 50 %, l’effet sur la disponibilité des hommes, des matériels, et sur les surcoûts liés aux opérations extérieures ne devrait pas se faire sentir avant deux ans. Dans un premier temps, en effet, l’évolution de la présence militaire française au Sahel se traduira par une augmentation des flux de sortie du théâtre et des flux intracontinentaux suscités par la réorganisation de la force. Pour le matériel, une augmentation conséquente des flux d’acheminement est à prévoir, ce qui générera des surcoûts. La régénération des équipements de retour du Sahel sera aussi coûteuse.

À terme, l’armée de Terre compte cependant saisir cette opportunité pour accroître son niveau de préparation opérationnelle afin de se préparer à des conflits probables ou des conflits plus durs. Ensuite, l’armée de Terre aspire à lier davantage ses activités de préparation opérationnelle et ses déploiements outre-mer ou à l’étranger en s’appuyant sur ses forces prépositionnées et sur les exercices interalliés, dans le cadre de l’opérationnalisation des stratégies militaires opérationnelles conduite par l’état-major des Armées. Le maintien du moral de l’armée de Terre passera par la poursuite d’une activité opérationnelle de bon niveau, source de motivation individuelle et collective, d’aguerrissement des troupes et de maintien de l’expertise de projection des forces terrestres.

L’armée de Terre continue d’être déployée sur cinq théâtres extérieurs (Sahel, Levant, Liban, République centrafricaine et Bosnie-Herzégovine) au lieu de trois prévus dans le contrat opérationnel. Outre ces engagements en opérations extérieures, l’armée de Terre participe depuis 2017 à la présence avancée renforcée (Enhanced Forward Presence) de l’Organisation du traité de l’Atlantique-Nord (OTAN) en Lituanie et en Estonie, soit avec des forces britanniques, soit avec des forces allemandes.

 

2.   De nouveaux objectifs en termes de réactivité

Au cours de son entretien avec la rapporteure pour avis, le CEMAT a insisté sur l’effort de réactivité poursuivi par l’armée de Terre.

Chaque régiment doit être désormais en capacité d’engager une section entièrement équipée en trente minutes. En 2022, cet objectif concernera une compagnie par régiment. L’enjeu de ce changement est de susciter une prise de conscience sur le fait que « tout est possible du jour au lendemain ». Cela nécessite évidemment des progrès dans l’articulation des soutiens.

Pour le général Schill, « une armée de Terre durcie, la lutte contre les faits accomplis, des déploiements moins longs et une capacité de réaction accrue : ce sont les véritables enjeux. L’armée de Terre est capable de faire preuve de volonté dans la durée, de tenir le terrain, d’être présente sur place et conteste l’illusion de pouvoir agir seulement à distance. Inversement, elle sait aussi combien il est difficile de retirer les forces déployées. L’enjeu est de gagner en réactivité, d’être capable de proposer aux forces en opération des ajustements de volume, de qualité, de quantité, de modalité d’action, afin qu’elles s’adaptent plus rapidement. […] Le cycle de l’armée de Terre, et sa capacité d’adaptation doivent être améliorés. C’est ce que nous faisons au Sahel. La réorganisation de nos forces, en effet, ne se limite pas à une question de volume mais passe aussi par la modification du type de nos unités. Au lieu d’unités combattantes, nous aurons des unités d’accompagnement au combat des forces partenaires, unités plus encadrées et regroupant des spécialités diverses. Il ne s’agit plus d’envoyer en mission l’unité d’un régiment mais d’opérer une combinaison préalable tout en veillant à ne pas déstructurer durablement nos régiments ni à se constituer une armée de cadres, qui serait inopérante en cas de besoin d’action de masse. » ([4])

B.   La préparation opérationnelle

La préparation opérationnelle, parce qu’elle est le produit d’une combinaison de facteurs (disponibilité des hommes, des matériels, des formateurs et des camps d’entraînement) est logiquement le résultat le plus difficile à atteindre. Elle reste un sujet de préoccupation pour les soldats, en dépit des premiers effets positifs de la reconstitution de parcs de véhicules régimentaires (voir infra). « Les améliorations sont réelles mais lentes pour un jeune engagé qui vit à l’horizon de son contrat », a reconnu le CEMAT. ([5])

1.   Des résultats encourageants à conforter

L’armée de Terre a amorcé un redressement de sa préparation opérationnelle qui devrait se confirmer en 2022. Le taux d’entraînement par équipage sur matériel terrestre progresse en effet de 57 % en 2020 et 2021 à 64 % en 2022. ([6])

L’examen complet des normes d’entraînement sur matériel terrestre définies en LPM montre toutefois certaines fragilités persistantes qui sont autant de priorités.

En particulier, l’entraînement des pilotes d’hélicoptère reste préoccupant. Le CEMAT a reconnu que le nombre d’heures de vol des pilotes de l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) était « à la limite du seuil de sécurité », l’intensité opérationnelle comprimant les heures d’entraînement. ([7])

Réalisation des normes d’entraînement sur matériels majeurs
prévues par la LPM 2019-2025 pour les forces terrestres*

Entraînement par équipage

Réalisation 2020

Prévision initiale 2021

Prévision actualisée 2021

Prévision 2022

Objectif LPM 2025

Normes d’entraînement

Char Leclerc (en heures)

67

54

54

60

106 h

115 h

AMX 10 RCR/Jaguar (en heures)

70

72

72

79

126 h

100 h

VAB/Griffon (en kilomètres)

674

644

644

685

992 km

1 100 km

VBCI

(en heures)

64

69

69

79

120 h

130 h

CAESAR et pièces de 155 mm

(en coups tirés)

 

74

 

69

 

69

 

69

101

coups

110 coups

Hélicoptères Terre (forces conventionnelles, en heures de vol)

163

154

154

147

200 h

200 h

Hélicoptères Terre (forces spéciales, en heures de vol)

195

156

156

160

220 h

220 h

(*) Le mode de calcul des données présentées dans ce tableau a évolué depuis l’an dernier.

Source : état-major de l’armée de Terre.

2.   Une gamme de leviers à actionner

La poursuite des investissements dans le MCO est impérative pour continuer à améliorer la disponibilité technique des matériels et ainsi augmenter le potentiel d’entraînement.

Un enjeu sera de réinjecter rapidement les véhicules de retour du Sahel dans les camps d’entraînement. La structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestres (SIMMT) devra réparer et moderniser le parc à cette occasion. Le chef d’état-major de l’armée de Terre a affirmé devant la commission qu’il serait vigilant sur l’évolution du coût du MCO des équipements les plus modernes. ([8])

Comme la rapporteure pour avis le soulignait l’an dernier, un autre enjeu réside dans les stocks de pièces de rechange et de munitions. D’après le sous-chef Performance – synthèse de l’état-major de l’armée de Terre, le manque de munitions obère encore significativement la préparation opérationnelle. Également entendu par la rapporteure pour avis, le sous-chef Plans - programmes a concédé qu’une « adaptation de la trajectoire d’entraînement » avait été rendue nécessaire pour « prendre en compte certains besoins incompressibles et pour ajuster la programmation aux coûts du MCO, terrestre et aéronautique, et à celui des munitions. » La rapporteure se félicite que l’actualisation de la LPM ait permis de répondre aux besoins les plus immédiats de pièces de rechange et de munitions.

Un autre levier réside dans la souplesse et la modularité de l’engagement des forces terrestres sur le territoire national. Celui-ci s’est accentué en 2021 à la suite du relèvement du niveau d’alerte de Vigipirate par le président de la République, après les attaques terroristes de Conflans-Sainte-Honorine le 16 octobre 2020 (décapitation de l’enseignant Samuel Paty) et de Nice le 29 octobre 2020 (attaque à l’arme blanche faisant trois morts) jusqu’au mois d’avril 2021. Concomitamment, l’opération Résilience, qui avait été mise en sommeil à la fin du mois d’août, a été réactivée le 31 octobre 2021, l’armée de Terre contribuant à la vaccination. S’agissant de Sentinelle, l’armée de Terre a observé qu’une dette d’entraînement était constituée après la première relève des forces, autrement dit au bout de 2 mois ; cette dette devenant un déficit de formation au-delà de 9 mois de déploiement. Outre les marges de manœuvre non négligeables qui pourraient être tirées au bénéfice de la préparation opérationnelle d’une réduction de la durée d’un renforcement du dispositif Sentinelle, un déploiement massif et réactif serait certainement mieux à même de produire un effet dissuasif et de réassurance pour les Français qu’une présence dans la durée à laquelle chacun s’accoutume.

Enfin, l’armée de Terre a entamé un processus de simplification à laquelle la rapporteure pour avis a décidé de consacrer la seconde partie du présent rapport. Cette démarche originale constituait l’action 11 et le quatrième axe de la vision stratégique du général Thierry Burkhard. Il s’agit de gagner du temps pour la préparation opérationnelle, tout en maintenant le nombre de jours d’absence hors du domicile entre 120 et 140 (contre 143 aujourd’hui), face à un nouvel ennemi désigné comme tel : la complexité. Cette démarche ne produira réellement d’effets décisifs que si elle est soutenue au niveau interarmées, ministériel voire interministériel.

III.   Une entrée décisive dans une phase intense de modernisation

Le projet de loi de finances pour 2022 permettra à l’armée de Terre d’entamer sa phase de modernisation, conformément à la LPM actualisée en 2021. 2022 sera à cet égard une année « pivot », comme l’a confirmé le chef d’état-major de l’armée de Terre.

Évolution des ressources pour l’armÉe de terre prÉvues en loi de finances initiale et exÉCUTÉes par titre depuis 2020

Autorisations d’engagement (en millions d’euros)

Catégorie de dépense

2020

2021

2022

Évolution PLF 2022/LFI 2021

(en %)

Prévues en LFI

Exécutées

Prévues en LFI

Exécutées

Prévues par le PLF

titre 2*

6 996,8

7  049,5

7 062,7

nd

7 276,2

+ 3 %

titre 3

2 374,2

2 014,9

1 816,9

nd

2 943,4

+ 62 %

titre 5**

210,1

191,2

274,0

nd

190,1

‑ 31 %

titre 6

4,7

4,0

4,7

nd

4,7

-

TOTAL HT2

2 589,0

2 210,1

2 095,6

nd

3 138,2

+ 50 %

TOTAL

9 585,8

9 259,6

10 069,6

nd

10 414,4

+ 14 %

Crédits de paiement (en millions d’euros)

Catégorie de dépense

2020

2021

2022

Évolution PLF 2022/LFI 2021

(en %)

Prévues en LFI

Exécutées

Prévues en LFI

Exécutées

Prévues par le PLF

titre 2*

6 996,8

7 049,5

7 062,7

nd

7 276,2

+ 3 %

titre 3

1 257,3

1 552,5

1 326,4

nd

1 445,8

+ 9 %

titre 5

201,9

192,5

206,8

nd

219,7

+ 6 %

titre 6

4,7

4,0

4,7

nd

4,7

-

TOTAL HT2

1 463,9

1 749,0

1 537,9

nd

1 670,2

+ 9 %

TOTAL

8 460,7

8 798,5

8 600,5

nd

8 946,4

+ 4 %

(*) Titre 2 : dépenses de personnel. Les sommes inscrites en loi de finances depuis 2015 correspondent à celles de l’action 55 « Préparation des forces terrestres – Personnels travaillant pour le programme “Préparation et emploi des forces” » du programme 212 « Soutien de la politique de la défense », compte d’affectation spéciale Pension compris. Titre 3 : dépenses de fonctionnement. Titre 5 : dépenses d’investissement. Titre 6 : dépenses d’intervention. LFI : loi de finances initiale. PLF : projet de loi de finances.

(**) Entre 2020 et 2021, le titre 5 a connu une augmentation significative (30 %) liée au transfert d’une partie des crédits d’infrastructure du programme 212 vers le programme 178 dans le cadre de la nouvelle architecture budgétaire de 2020. En revanche, le niveau d’autorisations d’engagement (AE) baisse significativement sur ce segment en raison de l’absence de besoin d’affectation sur tranche fonctionnelle en 2022. L’année 2021 a également donné lieu à un transfert du Centre national du sport de la défense (CNSD) et des crédits afférents du budget opérationnel de programme (BOP) Soutien des Forces vers le BOP Terre.

Source : réponses du ministère des Armées aux questions de la rapporteure pour avis, 10 octobre 2020.

A.   Des ressources en hausse en appui de la modernisation

Des hausses de ressources notables permettront de combler les lacunes identifiées lors de l’actualisation – stocks de munitions, de pièces de rechange –, de résoudre certaines obsolescences qui empêchaient la pérennisation du char Leclerc ou encore financer l’entrée en vigueur de la nouvelle politique de rémunération des militaires (+ 3 % de titre 2 ou dépenses de personnel).

1.   La poursuite de la modernisation du MCO

L’augmentation significative des crédits de fonctionnement (titre 3, voir tableau supra) en autorisations d’engagement (+ 62 %) s’explique par la poursuite de la réforme de la maintenance aéronautique. L’entrée en vigueur de nouveaux marchés de soutien en service pour les flottes Gazelle, Caïman et Puma s’accompagne en effet d’engagements conséquents. La répartition des crédits de paiement par opération stratégique (voir tableau infra) montre quant à elle la priorité conférée à l’entretien programmé des matériels et aux petits équipements ainsi qu’aux munitions dès 2022.

ÉVOLUTION DES RESSOURCES PILOTÉES PAR L’ÉTAT-MAJOR DE L’ARMÉE DE TERRE, VENTILÉES PAR OPÉRATION STRATÉGIQUE (OS)

(en millions d’euros de crédits de paiement)

Opération stratégique**

2019

2020

2021

2022

évolution

N+1/N*

LFI

Exécution

LFI

Exécution

LFI

Exécution

PLF

(en %)

AOP

160

188

187

166

188

nd

183

- 3 %

FAS

70

105

98

103

123

nd

121

- 2 %

EAC

195

255

209

245

217

nd

236

+ 9 %

EPM

1 017

1 109

909

1 140

942

nd

1 044

+ 11 %

dont EPM-Terre

613

633

513

651

524

nd

621

+ 19 %

dont EPM-Aéro

400

472

391

483

411

nd

417

+ 1 %

dont EPM-Naval

4

4

5

6

7

nd

6

- 9 %

Infrastructures

0

0

62

95

68

nd

86

 + 27 %

TOTAL

1 443

1 656

1 464

1 749

1 538

nd

1 670

+ 9 %

(*) Les taux d’évolution sont calculés sur les montants exacts, et non sur les montants arrondis.

(**) AOP : activités opérationnelles et préparation. FAS : fonctionnement et activités spécifiques. EAC : équipements d’accompagnement et de cohérence. EPM : entretien programmé des matériels.

Source : réponses du ministère des Armées aux questions de la rapporteure pour avis, 10 octobre 2020.

Les crédits d’entretien programmé du matériel (EPM) s’établissent en effet à 1 044 millions d’euros en 2022, soit une hausse de 11 % par rapport à 2021 (+ 102 millions d’euros). Cette hausse, amplifiée par une partie de l’effort sur l’axe 3 décidé lors des travaux d’ajustement de la programmation militaire, permet de rehausser les conditions d’activité et de prendre en compte certains besoins primordiaux, tels que la pérennisation du char Leclerc pour garantir le maintien du segment de décision jusqu’en 2040.

Conformément à la recommandation de votre rapporteure pour avis l’an dernier, l’entrepôt central de Moulins, par où transitent toutes les pièces des autonomies initiales de projection (AIP), fera prochainement l’objet d’une rénovation. Le comité ministériel d’investissement du 28 octobre 2021 devrait permettre de lancer le projet en 2022, projet qui devrait durer dix ans et coûter environ 124 millions d’euros sur 2022-2027, d’ores et déjà provisionnés. Il reste à arbitrer entre deux solutions : une reconstruction sur place ou une reconstruction à 4 voire 5 kilomètres du site, l’idée un partenariat public-privé n’ayant finalement pas été retenue.

L’entrepôt central de Moulins

Le site de Moulins est constitué par 75 bâtiments caractérisés par une grande hétérogénéité et pour beaucoup par une grande vétusté, laquelle a été sanctionnée par plusieurs bilans de non-conformité. En 2014, le Contrôle général des armées a même prononcé un « rappel à la loi » concernant le centre d’expédition et de réception, ce rappel à la loi étant devenu depuis une « mise en demeure », dernier niveau de sanction administrative avant la cessation d’activité. Selon le DC-SIMMT, non seulement l’entrepôt ne répond pas aux normes environnementales et de lutte contre l’incendie mais la quantité et la dissémination des ressources stockées, associées à la vétusté d’une partie importante des bâtiments obligent à employer dix logisticiens à temps plein pour satisfaire aux demandes d’inventaires de la Cour des comptes. Pour satisfaire réellement aux normes comptables, il en faudrait quarante. Plus encore, la nature même du site ne permet pas de bénéficier de tous les leviers actuels de performance de ce type d’installation, en particulier la robotisation. Selon le DC-SIMMT, la politique de réduction des stocks, qui trouve son aboutissement dans la signature de contrats globaux basés uniquement sur des flux tendus externalisés, peut expliquer les réticences rencontrées pour financer un nouvel entrepôt, jugé caduc. La crise sanitaire a bien montré qu’il ne l’était pas.

Source : Mme Sereine Mauborgne, Rapport pour avis fait au nom de la commission de la Défense nationale et des forces armées sur la préparation et l’emploi des forces terrestres dans le projet de loi de finances pour 2021, Assemblée nationale, XVe législature, 21 octobre 2020.

La modernisation de l’entrepôt central (130 000 m3 contre 100 000 m3 dans des entrepôts vétustes) doit inaugurer une réflexion plus globale sur la résilience du MCO terrestre et sur la reconstitution ciblée de stocks étatiques de pièces de rechange. La réflexion sur la résilience a mis au jour des injonctions contradictoires, le maintien de stocks étatiques s’opposant à la démarche d’externalisation et de soutien à l’industrie poursuivie ces vingt dernières années. Le sous-chef Plans - programmes estime que « la question devient rapidement une question de ressources ».

Le CEMAT a quant à lui alerté la rapporteure pour avis sur un risque de caricature qui caractériserait le débat actuel sur l’équilibre souhaitable entre stocks et « flux » de matériels. La crise de la Covid-19 a montré que les entreprises étaient capables de fabriquer très rapidement des masques. Dès lors, « il n’est pas pertinent de recréer des stocks de tout et n’importe quoi mais plutôt d’avoir une action raisonnée et différenciée, tenant compte de la sécurité d’approvisionnement de certaines matières premières ou de certaines munitions. » ([9])

Enfin, la rapporteure pour avis note avec satisfaction que l’adaptation des infrastructures du service de maintenance industrielle terrestre (SMITer) en vue de la régénération profonde (NTI3) des matériels Scorpion sera discutée en 2022 dans le cadre de la deuxième phase du programme d’infrastructures Scorpion. Toutes ces évolutions sont examinées dans la perspective d’un partenariat avec la Belgique, dans le cadre du contrat dit CaMo (capacités motorisées). Il s’agit de rechercher un soutien mutualisé et des commandes de stocks de de pièces communes. Selon le DC-SIMMT, ces besoins sont primordiaux dans le cadre du partage de la maintenance industrielle étatique et privée voulue par le ministère des Armées (notamment l’opération d’infrastructure Scorpion à Clermont-Ferrand baptisée « renaissance » qui doit s’inscrire dans une réflexion plus large portant sur ce site : traitement de matériel et de rechanges réparables). La création d’un atelier neuf est prévue pour les infrastructures de Clermont-Ferrand (Serval) et Nouâtre (électronique – armement). Ces deux ateliers sont inclus dans la deuxième phase du programme d’infrastructures Scorpion, avec une livraison en 2028 ou 2029. En attendant, une structure temporaire est mise en place à Nouâtre afin de prendre en charge l’électronique – armement des Griffons de retour d’OPEX (2023).

2.   Le petit équipement et les munitions

Les crédits d’équipement d’accompagnement et de cohérence s’établissent à 236 millions d’euros en 2022, soit une hausse de 9 % (+ 19 millions d’euros) par rapport à 2021.

Prévision et ExÉcution des crÉdits de petits Équipements
au profit de l’armÉe de Terre

(en millions d’euros)

Crédits de paiement

2018

2019

2020

2021

2022

évolution 2022/2021

LFI(2)

exécu-tion

LFI

exécu-tion

LFI

exécu-tion

LFI

exécu-tion

PLF

(en %)

Part de l’agrégat « autres opérations d’armement » au profit de l’armée de Terre (P146 – UM TER)

349

276

321

274

407

419

384

nd

352

- 8,5

Part de l’agrégat « équipements d’accompagnement et de cohérence » au profit de l’armée de Terre (P178)

189

235

195

255

209

244

217

nd

236

+ 8,8

(*) prévision actualisée au 1er octobre 2021.

Source : Source : réponses du ministère des Armées aux questions de la rapporteure pour avis, 10 octobre 2020.

Cette augmentation correspond à une partie de l’effort sur l’axe 3 décidé lors des travaux d’ajustement de la programmation militaire pour financer l’acquisition de munitions supplémentaires pour se préparer à un conflit de haute intensité. 50 millions d’euros seront ainsi consacrés à l’acquisition d’obus de mortier de 120 mm pour mettre fin à la rupture temporaire de capacité.

Comme l’an dernier, la rapporteure pour avis reste attentive aux effets d’éviction qui caractérisent trop souvent les crédits d’AOA (« autres opérations d’armement ») sur le programme 146, crédits qui financent des « petits » équipements de l’armée de Terre. Mais force est de constater que l’épisode de sous-exécution de ces crédits s’est conclu en 2019. Ils seront même probablement sur-exécutés en 2021 (la somme de 472 millions d’euros a été évoquée), rapprochant le niveau des AOA de celui de 2011 et de la cible fixée par la LPM pour 2025, soit 500 millions d’euros.

B.   Des commandes cruciales pour les années à venir

Le sous-chef Plans – programmes de l’état-major de l’armée de Terre entendu par la rapporteure pour avis a insisté sur le fait que l’armée de Terre entrait dans une phase éminemment délicate qui nécessitait de la visibilité et une stabilité financière. Il est impératif de respecter la trajectoire fixée par la LPM pour garantir la cohérence opérationnelle de l’armée de Terre dans les prochaines années.

1.   La poursuite de la modernisation du segment médian avec Scorpion

500 blindés seront commandés en 2022. Seront par ailleurs commandés – au moyen d’autorisations d’engagement en hausse – 54 MEPAC, autrement dit des Griffon intégrant un mortier, des chars Leclerc rénovés et des Serval, dont une centaine sera livrée en 2022. Le général Damien de Marsac, sous-chef Plans – programmes de l’état-major de l’armée de Terre, a souligné la qualité des échanges avec les Belges dans le cadre du partenariat CaMo. Un officier belge a récemment rejoint SIMMT pour déterminer l’avenir du MCO des matériels Scorpion pour la Belgique.

Une brigade interarmes devrait être équipée à horizon 2023, comprenant trois GTIA équipés en Jaguar et Griffon, reliés par le système d’information et communication Scorpion (SIC-S) et le système d’information sur les armes (SIA) équipant les niveaux de commandement de la brigade, avant d’autres jalons en 2025. Les acteurs étatiques et industriels se mobilisent pour atteindre ces objectifs et le général de Marsac a souligné « une dynamique objectivement très positive ».

Le sous-chef Plans – programmes a signalé un ajustement cette année de certaines cibles Scorpion à horizon 2025, sans remettre en cause l’ambition 2030, « pour tenir compte de besoins interarmées et d’autres besoins propres à l’armée de Terre », autrement dit pour financer la pérennisation du char Leclerc (traitement des obsolescences du char Leclerc (turbomachine et viseur notamment), dont la rapporteure avait mesuré l’importance l’an dernier, et pour garantir le lancement de l’engin du génie de combat (EGC) et du véhicule de reconnaissance et d’appui à l’engagement (VBAE). Les livraisons de Serval sont confirmées à plusieurs centaines de véhicules à horizon 2025.

Cet ajustement a été confirmé au cours de son audition par le général Schill interrogé sur ce point : la réalisation du programme Scorpion à horizon 2025 ne sera pas de 50 % mais de 45 %, pour prendre en compte des contraintes industrielles et les besoins de financement précités. ([10])

2.   La rénovation et le futur du segment de décision

Le projet MGCS est pour l’instant enlisé, les élections allemandes puis françaises empêchant vraisemblablement toute relance politique du projet avant fin 2022. Si les militaires allemands et français partagent une même vision du besoin opérationnel – le MGCS a vocation à être le fer de lance du segment lourd et de décision, un élément crucial de la capacité de pénétration des forces en espace contesté –, les difficultés concernent plutôt le partage industriel. Faute d’accord entre Rheinmetall et Nexter sur la répartition des marchés d’études, le projet MGCS n’a pu être soumis à l’approbation du Bundestag. Un accord équilibré n’a pu être trouvé à ce stade.

En attendant, le ministère des Armées a dégagé des moyens pour pérenniser le char Leclerc jusqu’en 2040. L’armée de Terre a par ailleurs commencé le programme Titan qui, au contraire d’un programme d’armement classique, est une démarche de mise en cohérence. Il s’agira en effet de moderniser les équipements non-concernés par Scorpion, c’est-à-dire nos capacités les plus décisives (successeurs des chars Leclerc et des hélicoptères Tigre par exemple) ; de monter en gamme face aux capacités adverses (frappe à longue portée, défense surface-air) ; de penser et d’organiser l’arrivée en masse de la robotique, organisée par le programme Vulcain. Profitant des évolutions technologiques prochaines, Titan viendra donc augmenter la mise en réseau et son efficacité : le combat collaboratif permis par Scorpion pourra s’étendre aux capacités interarmées, dans un système incluant des drones et des robots, et interalliées.

3.   Le standard III du Tigre

À ce stade, la participation des Allemands à la rénovation au standard III du Tigre n’est pas assurée. La France envisage désormais un partenariat avec l’Espagne sur un périmètre de rénovation et un volume d’appareils à déterminer, une partie des moyens prévus pour leur rénovation ayant disparu avec le retrait allemand. Le sous-chef Plans – programme a par ailleurs souligné l’importance revêtue par le standard III du Tigre, une partie de l’avionique étant aussi utilisée pour le futur hélicoptère interarmées léger (HIL).


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   Deuxième partie : la simplification dans l’armée de Terre

Face à un engagement opérationnel soutenu et des résultats mitigés dans le domaine de la préparation opérationnelle, l’armée de Terre tente par tous les moyens de gagner du temps pour l’entraînement de ses soldats. Dans ce contexte, en 2020, elle a déclaré la guerre à un nouvel ennemi : la complexité.

I.   Un nouvel ennemi : la complexité

Dans la vision stratégique pour une armée de Terre « durcie » à horizon 2030 présentée par le chef d’état-major de l’armée de Terre en juin 2020, un « fonctionnement simplifié, gage de d’efficacité et de résilience » constitue le quatrième axe de progression. Il comprend une première action numérotée 11 « Simplification » et une action 12 « Soutiens communs interarmées ». Si les deux sujets ne sont évidemment pas sans liens, cette chronologie reflète fidèlement l’intention de l’armée de Terre : balayer devant sa porte avant de s’adresser aux échelons supérieurs, trouver par elle-même des ressources pour améliorer sa performance.

A.   Une démarche originale, pragmatique et collective

Alors que beaucoup des démarches de simplification conduites dans les entreprises ou les administrations se concentrent sur la réduction des coûts de fonctionnement ou la satisfaction de l’usager ou du client, la démarche de l’armée de Terre est résolument opérationnelle. La finalité comme la méthode sont collectives.

1.   Un objectif opérationnel, un complément de la simplification administrative

L’objectif de la manœuvre de simplification est de redonner du temps opérationnel aux chefs tactiques et au collectif en réduisant les procédures à faible valeur ajoutée et hors du champ du métier des armes.

Elle n’est donc pas assimilable à la simplification administrative menée à l’échelle du ministère à destination des personnels ou encore à des fins de rationalisation ou de réduction de coûts, des démarches qui sont néanmoins souvent complémentaires. Dans le cadre du plan ministériel sur la simplification, l’armée de Terre avait en effet déjà publié un plan en 2019 fixant 62 mesures à exécuter en interne. Un comité de pilotage de ce plan a permis de mettre en œuvre l’ensemble des mesures entre 2019 et 2021. Par ailleurs, l’armée de Terre a participé à différents travaux menés par les services du ministère des Armées :

– un plan d’audit organisationnel (PAO-RH) mené par la direction des ressources humaines du ministère de la défense (DRH-MD) ;

– une simplification réglementaire menée par la direction des affaires juridiques (DAJ).

Le plan d’action Simplification de l’armée de Terre, complémentaire de ces précédentes démarches, prévoit donc « d’identifier les difficultés de fonctionnement et la lourdeur des procédures bureaucratiques pesant sur les chefs de corps, les chefs d’unité et les chefs de section – les « irritants » – afin de permettre leur réduction par des actions collectives et régulières, décentralisées et centralisées des commandeurs visant à favoriser la subsidiarité des chefs ». ([11]) Il s’agit donc de s’attaquer à l’excès de prudence, à la raréfaction des ressources provoquée par la recherche d’efficience, ou encore au poids des habitudes.

2.   Une méthode « bottom-up » de collecte des « irritants »

Un échelon préfigurateur a été formé dès mai 2020 avant la création d’une task force Simplification (TFS) dont les travaux ont véritablement débuté en septembre 2020. Constituée de cinq officiers et d’un sous-officier, cette task force a un mandat théorique de deux ans renouvelable, décrit dans son plan d’action.

Une originalité de la démarche de la TFS réside dans sa méthode dite « bottom-up ». En effet, le recueil des irritants à partir des données du terrain, réalisé grâce au logiciel « ID HALL », a été déterminant pour cerner les axes d’effort, recueillir les idées de simplification et identifier, directement auprès des formations, les points perfectibles. Dans le détail, la méthode de la TFS consiste en un croisement des remontées du terrain et des avis d’experts, afin d’aboutir à des décisions du chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT) puis à un retour sur leur application. Ces remontées se font via une large consultation notamment grâce :

– à un questionnaire à l’attention des chefs de corps ;

– à la mise à disposition d’un « portail simplification » ID HALL sur Intranet pour des référents simplification-innovation et numérique (RSIN) ;

– à l’organisation d’un « hackasprint » avec l’école de Guerre-Terre ;

– à 28 ateliers de terrain sur des thèmes divers ayant regroupé plus de 300 participants ;

– à des visites de 12 régiments et de 15 états-majors.

Un référent « Simplification » est présent au sein de chaque formation de l’armée de Terre. Le réseau des simplificateurs a été adossé à celui, déjà existant, des référents innovation en raison de la complémentarité de leurs domaines et afin d’éviter les redondances.

3.   Un positionnement à haut niveau

Le caractère pragmatique de cette démarche est donc la réelle valeur ajoutée de la TFS, mais l’efficacité du dispositif mis en place relève aussi de son positionnement. En effet, l’officier général chargé de la simplification, le général de division Marc Ollier, est directement rattaché au CEMAT. Il le rencontre mensuellement afin de lui rendre compte de l’avancée de ses travaux et de lui soumettre les propositions de décisions de simplification qui relèvent de sa compétence. L’appui direct du CEMAT aux travaux de la TFS permet ainsi une prise de décision rapide. L’adossement de la TFS à l’inspection de l’armée de Terre (IAT) présente également une opportunité pour saisir les points perfectibles observés lors des inspections ou déceler les bonnes pratiques à exporter.

Ce processus n’est cependant pas exclusif et laisse la liberté aux échelons subordonnés, notamment le commandement des forces terrestres (CFT), la direction des ressources humaines de l’armée de Terre (DRH-AT) et la DC-SIMMT, de prendre des mesures de simplification qui relèvent de leur niveau et de leur périmètre de responsabilité.

4.   La recherche de parangonnage

La task force Simplification s’est rapprochée d’autres acteurs susceptibles de partager son objectif pour s’inspirer de leurs méthodes ou de leurs résultats.

La brigade des sapeurs-pompiers de Paris (BSPP) a par exemple communiqué ses mesures de simplification, issue d’une démarche propre, à la TFS en janvier 2021. À cette occasion, des sujets d’intérêt commun ont été identifiés, notamment en terme de ressources humaines (recrutement, organisation des concours et architecture et fonctionnement des systèmes d’information, notamment du système d’information des ressources humaines Concerto). Les points perfectibles transmis ont nourri la réflexion de la TFS (travaux relatifs à la mise en place de la signature électronique, pistes de simplification dans la conduite des projets de systèmes d’information…).

La TFS a rencontré –– par le biais des officiers de liaison, en visioconférence – plusieurs acteurs du conseil (Boston Consulting Group), de l’assurance (AXA), des officiers étrangers (échanges avec l’US Army, les armées de Terre britannique et australienne). Ces échanges ont permis d’adopter le principe du diagnostic initial (évaluer le temps perdu par les irritants) ou ultérieur (évaluer le temps gagné par les mesures), de s’inspirer des Britanniques pour l’évaluation de la performance, des Australiens sur la consultation large et d’éviter le tout numérique des Américains (saturation des commandants d’unité par la surcharge informationnelle).

L’action de la TFS s’est concentrée sur les organismes et procédures internes à l’armée de Terre au cours de sa première année d’existence. Mais les conclusions et comparaisons de méthode fructueuses conduites sur le cycle 2020-2021 renforcent son souhait de poursuivre le travail de rayonnement de sa démarche et de parangonnage avec les armées partenaires au cours du cycle 2021-2022 (belge et britannique notamment). Ces échanges internationaux permettent d’identifier des tendances communes au sein de nos armées, des préoccupations partagées, des méthodes de résolution et, surtout, d’exploiter le retour d’expérience des acteurs de la simplification à l’étranger.

La TFS a également utilisé les conclusions très intéressantes de consultants bénévoles du groupe de réflexion Terre (GRT), constitué de réservistes citoyens, appartenant à des grands groupes français et animé par le pôle rayonnement de l’armée de Terre (PRAT). Toutefois, l’armée de Terre n’est pas dans une logique de profit et de réduction de coûts, comme les entreprises privées peuvent l’être : elle se positionne dans une logique d’efficacité et de résilience en tout temps et en tout lieu.

B.   Trois cents « irritants » identifiés

Au terme de sa première année, la TFS a déjà recensé trois cents « irritants » qu’elle s’est ingéniée à classer en fonction de leur importance, de leur degré de spécificité ou de leur urgence.

1.   Un « combat de découverte » pour caractériser l’ennemi

Filant la métaphore guerrière, la TFS présente ses premiers travaux comme un « combat de découverte » de l’ennemi qu’il s’agit d’abord de cerner. Elle a classé les irritants selon 7 « môles de complexité » :

– excès de prudence ;

– centralisation et contrôle a priori excessifs ;

– disproportion enjeux / temps ;

– lourdeur des procédures ;

– numérisation insuffisante ;

– normes inadaptées à la spécificité militaire ;

– accès aux ressources.

Les irritants sont aussi classés en 5 grands domaines correspondant aux grands subordonnés du CEMAT :

– commandement, système d’information ;

– ressources humaines ;

– préparation opérationnelle ;

– maintien en condition opérationnelle, équipements ;

– soutiens et fonctionnement général.

La liste ci-dessous donne un aperçu des problématiques rencontrées.

Liste TOP 14 des irritants emblématique au 1er janvier 2021

Irritant

Commandement et systèmes d’information

1

Multiplication des indicateurs et des systèmes de pilotage

2

Anticipation et gestion-accès de l’information : difficulté à diffuser l’information et les ordres à temps, à sortir de la culture de l’instantanéité

3

Manque d’autonomie dans la mobilisation des ressources pour les activités (comment commander dans une structure matricielle ?)

Préparation opérationnelle et engagements

4

Centralisation du déroulement des épreuves de contrôle de la condition physique du personnel militaire (CCPM)

5

Densité, complexité, instabilité de la programmation

6

Lourdeur et excès d’exigence du secourisme

7

Lourdeur et complexité de la préparation des sorties terrain et des séances de tir (préparation opérationnelle métier)

RH – formation - chancellerie

8

Lourdeur et inflation de la notation

9

Procédures lourdes de mise en formation des sous-officiers et des militaires du rang

Maintenance et équipements

10

Décalage et rapprochement excessif des visites techniques

11

Absence de stocks de pièces en régiment sur des pannes / actes simples

Soutien et fonctionnement général

12

Manque des régiments en petit matériel, petits achats

13

Difficulté de la programmation budgétaire, de l’expression de besoins annuelle et de la réalisation au niveau du régiment

14

Dispersion, délai et complexité de l’appel au soutien et les interfaces de demande (dont SILLAGE)

Source : réponses du ministère des Armées aux questions de la rapporteure pour avis, 10 octobre 2020.


2.   60 mesures déjà prises par le CEMAT

Au 1er septembre 2021, 80 mesures de simplification ont été proposées, 60 ont été retenues et formalisées dans des décisions du CEMAT (voir le tableau de suivi en annexe 2).

Par exemple, pour offrir une première réponse au temps excessif passé sur les tâches administratives lors des campagnes de notation, l’obligation de double communication des notations des militaires du rang a été supprimée. Par ailleurs, pour réduire le temps passé lors des opérations de perception et de réintégration de l’armement, le stockage des optiques sur les armes dans les armureries a été autorisé. Cette réforme a été permise par un changement des râteliers sur lesquels sont entreposés les armes et par l’utilisation désormais généralisée de puces permettant la radio-identification (RFID) par la structure intégrée du maintien en condition des matériels terrestres (SIMMT).

Comme l’a souligné le chef d’état-major de la 1ère division, le colonel Lionel Mény, il ne s’agit pas d’imposer de nouvelles procédures mais de donner des facultés, « d’ouvrir le champ des possibles », d’offrir « un éventail d’alternatives » afin de gagner du temps au profit des activités opérationnelles.

Exemples de mesures déjà mises en œuvre

Domaine

Intitulé de la décision CEMAT

Date attendue de mise en œuvre

État de la mise en œuvre

Prépa ops

Autoriser le stockage des aides à la visée montées sur tous les armements de petit calibre.

01/11/20

Mis en œuvre

Prépa ops

Le chef de section est habilité à faire passer les CCPM (contrôle de la condition physique du personnel militaire) à sa section, y compris lorsqu’il s’agit d’une section de circonstance. Sous les ordres du chef de corps, le commandant d’unité exercera un contrôle, avec un effort particulier lorsque les CCPM sont intégrés à des mesures de gestion RH.

01/02/21

Mis en œuvre

RH

Supprimer l’obligation de double entretien de communication de la notation MDR.

31/10/21

Mis en œuvre

Soutiens

Demander au SCA de mettre en dotation aux réservistes en formation initiale un 3e treillis (pantalon et veste) issu du « classement 2 ».

31/12/21

Mis en œuvre

Source : réponses du ministère des Armées aux questions de la rapporteure pour avis, 10 octobre 2020.

3.   Une application difficile mais des résultats encourageants

Un sondage réalisé en juin 2021 auprès des chefs de corps, commandants d’unité et référents simplification et innovation numérique (RSIN) montre que 43 % des chefs de corps estiment que les mesures de simplification ont fait gagner du temps de préparation opérationnelle dans leur unité ; 45 % des commandants d’unité estiment que les mesures ont eu un impact moyen à fort. Un tiers des unités déclarent avoir mis en œuvre des mesures locales de simplification. Ce même sondage permet d’évaluer le temps gagné par semaine entre trente minutes et une heure trente. Ces évaluations chiffrées proviennent d’un sondage conduit avant l’été 2021 auprès de 619 commandants d’unité et chef de corps et de 117 RSIN alors que moins de dix mesures prises par le CEMAT étaient effectivement mises en œuvre, ce qui est donc particulièrement encourageant.

D’après la TFS, les mesures les plus appréciées sont celles qui ont permis de gagner en souplesse et en subsidiarité : délégation aux chefs de section de l’encadrement des tests sportifs, délégation de la signature pour des demandes relatives à la gestion des ressources humaines. Plusieurs mesures décidées n’étant pas pleinement mises en œuvre au moment du sondage, il a été difficile d’identifier celles qui ne donnaient pas satisfaction. À ce stade, les mesures suscitant de fortes attentes, mais dont la mise en œuvre tarde à être effective, ont tendance à décevoir. Ainsi, l’assouplissement de la mise en formation ou l’accès donné aux chefs de section au SI-RH Concerto sont considérés comme n’étant pas à la hauteur des attentes, faute d’un délai de mise en œuvre suffisant.

Si, à l’été 2021, 11 des 60 décisions CEMAT avaient déjà été mises en œuvre, une dizaine de mesures a été transférée aux grands commandements ; elles seront traitées d’ici janvier 2022. Les autres le seront d’ici à l’été 2022. Plusieurs des mesures demandent en effet des ressources financières ou des développements informatiques. Par exemple, l’achat de caisses logistiques se fera progressivement (fin d’année pour la 11e brigade parachutiste ; fin 2023 pour les autres). L’achat de conteneurs de 20 pieds (KC20) achoppe pour l’instant sur une pénurie mondiale.

La mise en œuvre administrative ou technique de certaines mesures, notamment celles afférentes aux ressources humaines, peut aussi être ralentie en fonction de la priorisation des autres missions confiées aux gestionnaires ; la complexité de la chaîne de validation ainsi que les nombreuses normes auxquelles les mesures nouvelles doivent répondre nécessitent un important travail de coordination et de consultation avec de nombreux services. Enfin, le poids de l’habitude et l’acceptation de certains processus perfectibles peuvent être des freins à l’identification et la résolution d’irritants. Un des travaux de la TFS consiste donc à mener des actions de pédagogie et de conduite ou d’accompagnement du changement. Ainsi, de nombreuses interventions des membres de la TFS ont eu lieu ou sont programmées dans les organismes de formation initiale ou continue, ainsi que lors de séminaires.

À ce stade, les principaux « points durs » identifiés découlent de l’articulation des nouvelles procédures à établir avec les règles préexistantes. Par exemple, la mise en place d’un visa électronique pour les ordres de vol dans l’aviation légère de l’armée de Terre (ALAT) nécessite la validation de la direction générale du numérique (DGNUM) et la mise en place de garanties et sécurité qui restreignent l’ambition de mise en œuvre initiale.

4.   D’autres mesures à l’étude

Outre l’obligation de veiller à la bonne application des mesures décidées par le CEMAT, la TSF doit poursuivre son travail de proposition pour venir à bout des autres irritants, une tâche qui reste encore vaste.

90 mesures sont en cours d’étude par la TFS et 140 restent à instruire à différents niveaux, notamment avec les acteurs des autres armées, directions, services interarmées et le secrétariat général pour l’administration. La résolution de 49,5 % des 300 irritants recensés impose en effet la décision d’une autorité externe à l’armée de Terre : secrétariat général pour l’administration (SGA), service du commissariat des armées (SCA), service de santé des armées (SSA), état-major des armées (EMA), etc.

Capture d’écran

Source : 1ère division, déplacement à Besançon.

Par exemple, la simplification des procédures de demande de réalisation de petits travaux d’entretien locatif nécessite une coordination avec le service d’infrastructure de la défense (SID), tandis que la résolution d’un irritant relatif à la consultation des dossiers médicaux pour les commissions de réformes militaires nécessite une coordination avec le SSA. La procédure de recrutement des stagiaires et la diffusion des offres de stage nécessitent quant à elles une coordination avec les directions du SGA.

Un autre irritant qui présente des difficultés particulières est celui de la capacité à transporter de l’armement. En effet, actuellement, il est impératif qu’une arme transportée soit isolée de ses pièces de sécurité (ce qui la rend inutilisable). Deux véhicules sont ainsi nécessaires pour effectuer le transport de l’arme : un pour transporter l’arme et un second pour transporter les pièces de sécurité. Cette procédure, perçue comme lourde par le personnel ayant à effectuer du transport d’armement (notamment dans le cadre des préparations à la projection en opération extérieure) pourrait être simplifiée, tout en maintenant un niveau acceptable de maîtrise du risque. À cet effet, une dérogation spécifique au ministère des Armées à la réglementation en matière de transport de matière sensible pourrait être requise. Une question qui sous-tend cette remise en cause est la suivante : « de combien peut-on dégrader l’idéal sans mettre en danger les hommes et les matériels ? », comme le demandait souvent le général Didier Castres, alors chef du centre de planification et de conduite des opérations, cité par le colonel Mény.

Afin d’assurer une meilleure prise en compte de ses impératifs opérationnels dans l’élaboration des normes interarmées, ministérielles ou interministérielles à l’avenir, la TFS va poursuivre le suivi de la simplification ministérielle, pilotée par le secrétariat général pour l’administration, en faisant valoir les besoins de l’armée de Terre et en faisant connaître les actions de simplification entreprises en son sein. La TFS a aussi créé des ateliers d’études sur des sujets spécifiques (production normative, achats, infrastructure, ressources humaines et systèmes d’information) afin de parvenir à des résultats interarmées en matière de simplification. Ces ateliers ont débuté en septembre 2021.

II.   Une démarche révélatrice d’un changement de culture à opérer

La démarche poursuivie par l’armée de Terre pourrait être étendue et généralisée. Elle est porteuse d’un changement de culture associé à une nouvelle conception de la performance, un nouvel équilibre entre l’efficience et la libre disposition de la force armée, principe constitutionnel qui sous-tend la démarche de gain de temps poursuivie, tenant compte de l’état des menaces. En d’autres termes, le temps est venu de réévaluer la pertinence de certaines normes (prudence, efficience, contrôle…) à l’aune de la singularité militaire dans la perspective des conflits de demain.

A.   Des attentes fortes qui traduisent un besoin de subsidiarité

La rapporteure pour avis note avec intérêt que sur les 60 premières mesures décidées par le CEMAT entre janvier et juillet 2021, 18 se font par délégation de responsabilité à un subordonné. Plusieurs exemples peuvent être cités : l’extension des droits attribués aux correspondants SIC des régiments, la délégation des contrôles d’épreuves sportives annuels aux chefs de section, la prise de responsabilité des officiers tir dans la gestion des séances d’armement, le stockage de munitions de sécurité dans des locaux sécurisés du niveau compagnie, l’allègement des fournitures de pièces et des procédures pour les achats de montants limités, l’accès au système d’information RH pour les chefs de section.

1.   La culture du risque

La task force Simplification a étudié la notion de risque dans l’armée de Terre, plusieurs réactions ayant été évaluées comme des excès de prudence.

À la suite de cette enquête, le CEMAT a demandé au major général de l’armée de Terre (MGAT), début 2021, de mener une étude sur la maîtrise des risques opérationnels (MRO). Elle a permis d’identifier le besoin d’une plus grande prise en compte du risque dans le raisonnement des chefs (notamment du personnel d’encadrement et des gradés), dans la conception des activités d’entraînement et à l’approche des grands exercices. Cette étude devra aboutir dans l’année à venir au développement d’une méthode de MRO, appuyée sur la diffusion d’une culture du risque et de maîtrise de l’environnement, similaire à la culture opérationnelle des unités de l’armée de Terre engagées en opération. En complément de la posture de prévention, maîtrise des risques et environnement (PMRE) régissant la sécurité des activités civiles, la MRO permettra à l’armée de Terre de poursuivre la montée en gamme et le durcissement de ses activités de préparation opérationnelle sans s’exposer à un niveau plus critique de risque. Cette démarche concourt à la démarche de simplification, puisqu’en disposant de procédures plus lisibles et plus simples, le chef sécurise son action et évite la complexité. Cette MRO reposera à terme sur un meilleur équilibre entre formation du chef (réaction à chaud face au risque du fait d’une bonne formation au raisonnement) et manuels d’emploi (apprentissage du raisonnement à froid avec les règlements).

Dans ce cadre, la TFS souhaite faire converger cette nouvelle culture du risque (MRO) avec le besoin de simplification opérationnelle dans tous les domaines concernés. Le risque, s’il est consubstantiel aux activités de l’armée de Terre, à l’entraînement comme en opération, doit être appréhendé, mesuré et pondéré. Cela constitue bien un des fondements du commandement, indispensable à la préservation de la simplicité dans la mise en œuvre des activités, de la liberté d’action du chef et des capacités opérationnelles d’une unité.

2.   L’autonomie des jeunes chefs de l’armée de Terre

Plusieurs officiers rencontrés au cours des travaux de la rapporteure pour avis ont souligné les jeunes chefs de l’armée de Terre avaient beaucoup moins d’autonomie qu’autrefois, une évolution regrettable à l’approche de conflits peut-être plus durs.

Une partie du manque d’autonomie dénoncée a pour cause l’organisation matricielle de l’armée de Terre elle-même, et celle du ministère des Armées. Dans un contexte de mutualisation et de rationalisation des ressources, les chefs tactiques sont contraints de solliciter beaucoup plus souvent les niveaux de commandement supérieurs qu’auparavant. La recréation des parcs régimentaires de matériels dans l’armée de Terre témoigne ainsi de la recherche d’un nouvel équilibre entre mutualisation et autonomie des chefs tactiques.

Un des enjeux de la TFS est d’encourager à un changement de culture durable. C’est pourquoi la problématique de simplification sera enseignée dans certaines actions de formations de l’armée de Terre, comme la QIA1 (pour les jeunes capitaines), l’école de guerre (pour les commandants) et il est envisagé d’élargir cet enseignement dans les formations initiales d’officiers. L’objectif à terme de la TFS est de transférer ses méthodes et processus à chacun des grands commandements de l’armée de Terre à qui il appartiendra d’agir dans son périmètre, sous le contrôle de l’inspection de l’armée de Terre. Enfin, d’autres mesures sont envisagées comme l’intégration pleine et entière des questions de simplification dans les commissions participatives du corps (CPC) et dans le « dialogue de commandement ».

3.   La dévolution de compétences

La recherche de subsidiarité peut aussi se traduire par le transfert de compétences pour rendre des entités plus autonomes, suffisantes, en rapprochant le contrôle de l’exécution de certaines normes.

Ainsi, l’an dernier, la rapporteure pour avis avait recommandé en conclusion de son travail sur le MCO terrestre que la direction générale de l’armement intensifie ses échanges avec la SIMMT pour faciliter la résolution de certaines obsolescences. Entendu par la rapporteure pour avis le 18 octobre 2021, le directeur central de la SIMMT s’est félicité des progrès accomplis dans ce domaine mais a souligné qu’une piste de simplification proposée serait justement que la DGA délègue à la SIMMT une compétence dans le traitement des obsolescences mineures. Il s’agirait de conférer à la SIMMT une compétence équivalente à celle dont dispose le service industriel de l’aéronautique (SIAé). L’exemple suivant illustre l’intérêt d’une telle mesure.

La SIMMT était en effet parvenue à traiter une obsolescence concernant le joint du vérin de l’AMX10RCR, en retrouvant le sous-traitant primaire du joint. L’entreprise intermédiaire ayant disparu, rien ne permettait d’assurer qu’il s’agissait du même joint. Les ingénieurs de la SIMMT avaient alors expertisé cette nouvelle pièce et assuré qu’elle était en tous points identiques à la précédente. Saisie, la DGA a renouvelé toutes les études conduites par les experts de la SIMMT pour s’en assurer et a abouti aux mêmes conclusions… dix-huit mois plus tard. Selon le DC‑SIMMT, il n’existe pas d’exemples de situations où la DGA a abouti à une conclusion différente de celle de la SIMMT ou proposé une solution différente. La hausse du nombre d’ingénieurs de la DGA détachés à la SIMMT (40 personnels en 2023 contre 10 en 2019) et une vérification des capacités de contrôle technique de la SIMMT devrait pouvoir suffire à obtenir l’agrément de conception demandé.

Cette dévolution de compétence serait de nature à procurer des gains de temps tout à fait significatifs.

4.   La lutte contre la surcharge informationnelle

Que ce soit à propos des exemples étrangers (notamment américain) ou lors des visites en régiment, la surcharge informationnelle a été citée à plusieurs reprises comme un écueil.

Dans une conversation au cours de laquelle la culture opérationnelle des armées a été citée comme un atout pour la simplification, la rapporteure pour avis a ainsi demandé quels aspects de la culture militaire pouvaient être éventuellement des freins à la simplification. Après réflexion, les chefs de la 1ère division ont reconnu que la culture du résultat et l’organisation pyramidale pouvaient avoir des effets ambivalents. La mesure de la performance, en particulier, est chronophage et le management de l’information requerrait davantage de formations. De vraies interrogations ont été exprimées sur la manière d’assurer le suivi de décisions prises sans augmenter la charge administrative. La remontée des indicateurs est en elle-même un irritant. L’« infobésité » est un mal contemporain qui n’épargne pas le ministère des Armées.

La 1ère division expérimente actuellement un outil de travail collaboratif pour limiter les échanges par courriel et les demandes multiples d’indicateurs différents. Il est prévu à terme d’organiser une permanence dans l’accès à la donnée et d’automatiser différentes présentations de la donnée. La réunion des RSIN à Saint-Cyr-l’École du 23 septembre a d’ailleurs montré qu’il s’agissait d’une problématique commune à la plupart des unités pour laquelle il existait des solutions de travail collaboratif à populariser.

B.   Quelques besoins d’investissement

L’état-major de l’armée de Terre porte un regard attentif aux coûts induits par les mesures identifiées pour garantir que la démarche de simplification ne se traduise ni par une logique dépensière ni par la mise en place de procédures supposées plus rapides qui fragiliseraient la capacité de contrôle interne de l’armée de Terre. Il n’est cependant pas exclu qu’à court terme, des coûts soient induits ; cependant, ces coûts peuvent, sur le long terme, être absorbés par le gain de temps qu’ils occasionnent.

1.   La remise en cause de certaines mutualisations d’équipements

Les irritants recensés par la TFS ont été regroupés en môles de complexité. L’un de ces môles concerne les « ressources faibles ou difficiles d’accès » : ressources budgétaires, humaines, autonomie initiale de projection (stocks).

Les rationalisations et concentrations engagées dans les années 2000-2010 s’expliquent par un souci de performance mais également par la diminution des ressources budgétaires consacrées au fonctionnement. Pour continuer à fonctionner, tout en rationalisant, les stocks disponibles ont été réduits et concentrés en gestion. La recréation de parcs régimentaires de véhicules ou d’équipements a été justifiée par la nouvelle priorité reconnue à la réactivité dans le contexte de menaces importantes sur le territoire national.

Dans son avis de l’an dernier, la rapporteure pour avis s’interrogeait sur le coût logistique et financier de la mutualisation des plaques en céramique des gilets pare-balles ou sur l’intérêt de conclure des marchés publics à l’échelle nationale pour l’entretien de micro-parcs de véhicules de la gamme commerciale. Ces questionnements restent d’actualité.

2.   Des achats de matériels

Certaines mesures de simplification entérinées par le CEMAT, comme l’achat d’un conteneur de type KC20 supplémentaire par régiment pour transporter des munitions, la mise aux normes des porteurs polyvalents logistiques (PP LOG) pour le transport de matières dangereuses et l’achat de 20 300 caisses logistiques exigent des ressources qui ne sont pas immédiatement mobilisables dans leur totalité, une situation qui génère des frustrations.

Les 4,4 millions d’euros nécessaires à l’approvisionnement en caisses logistiques opérationnelles ne sont pas immédiatement disponibles, de même que le 1,87 million d’euros qui pourrait servir à l’achat des 85 conteneurs de type KC20 manquants. La 11e brigade parachutiste pourrait être équipée des caisses logistiques à la fin de l’année 2021. Les autres unités attendront un ou deux ans, selon les ressources qui pourront être dégagées par l’armée de Terre en gestion.

3.   La numérisation

La mise en œuvre d’autres mesures pourrait se heurter aux contraintes budgétaires, notamment dans le domaine des systèmes d’information. La création d’un logiciel afin de numériser le processus d’attribution des récompenses, ou encore le développement et le déploiement d’un portail fédérateur unique regroupant et pilotant tous les applicatifs utiles aux chefs au contact sur la base du logiciel ATOM sont également susceptibles de susciter des besoins financiers.

La rapporteure pour avis considère que la simplification mérite d’être considérée comme un investissement et qu’il est souhaitable de mettre davantage en balance le coût financier d’une mesure avec les gains opérationnels attendus en tenant compte du contexte sécuritaire et du niveau des menaces. Par exemple, à la SIMMT, la numérisation des ateliers et de l’avant, par l’usage de puces RFID et de tablettes « ICARE » et les bornes numériques DEDALE évite de nombreuses saisies manuscrites et doubles saisies. Des robots numériques ou assistants virtuels (RPA), à l’étude, pourraient permettre prochainement de replacer l’humain au cœur de la décision plutôt que de le noyer sous une masse de tâches dépourvues de plus-value. Le temps gagné et les perspectives de modernisation de la chaîne logistique ouvertes par cette numérisation méritent amplement les dépenses consenties.

C.   Des normes inadaptées à la spécificité militaire

L’examen des « irritants » recensés par l’armée de Terre confirme le diagnostic établi par la revue stratégique actualisée en 2021 : les armées « sont de façon croissante assujetties à des normes de droit qui ignorent parfois la singularité du métier militaire. La contrainte normative appliquée sans distinction aux activités ordinaires comme aux activités opérationnelles ou d’entraînement au combat risque à terme de réduire notre aptitude à l’engagement. Il faut ainsi que le droit positif appliqué aux armées soit adapté de façon nécessaire et proportionnée, afin de leur permettre de remplir leurs missions en toutes circonstances. » ([12])

La direction des affaires juridiques du ministère des Armées sera associée en novembre 2021 aux ateliers de la task force Simplification.

1.   Des normes rigides et coûteuses

L’adaptation des bâtiments pour la circulation des personnes à mobilité réduite (places de stationnement, ascenseur, rampe d’accès) est citée de manière récurrente comme une norme rigide et coûteuse. Que ce soit à la 1ère division ou à Satory, chez les maintenanciers militaires, personne n’a jamais utilisé ces installations qui ont pourtant coûté des millions d’euros. De nombreux militaires entendus par la rapporteure pour avis déplorent ces normes rigides, comportant une obligation de moyens plus qu’une obligation de résultat, qui paradoxalement les prive des moyens d’adapter les postes de travail au handicap de certains de leurs personnels.

L’attention de la rapporteure pour avis a aussi été appelée sur le cas des étiquettes prévues par le décret n° 2020-1396 du 17 novembre 2020 relatif à la signalisation matérialisant les angles morts sur les véhicules dont le poids total autorisé en charge excède 3,5 tonnes. Chaque étiquette coûte un euro et il en faut trois sur chaque poids lourd. L’armée de Terre a acquis des étiquettes fluorescentes pour l’ensemble des véhicules concernés pour un coût évalué à 50 000 euros aujourd’hui. Ces étiquettes devront être décollées en opérations, altérant au passage la peinture, et être recollées au retour sur le territoire national. S’il n’est pas illégitime que les poids lourds des armées qui circulent en ville offrent les mêmes garanties de sécurité que les véhicules civils circulant dans les mêmes conditions, des aménagements devraient pouvoir être trouvés pour alléger la charge de travail résultant de l’application de cette norme dans des situations marginales.

Les matériels spéciaux des armées sont soumis de façon croissante à des normes civiles, parfois intégrées d’emblée par les constructeurs, qui s’avèrent par la suite inapplicable en opérations ou en outre-mer. Le DC-SIMMT s’est ainsi ému de l’impossibilité d’obtenir une dérogation préfectorale à l’obligation de faire rouler des poids lourds équipés de chronotachygraphes (mouchards horaires et vitesse) régulièrement contrôlés, en Guyane. Il n’existe en effet pas de concessionnaire guyanais susceptible de délivrer une certification de chronotachygraphe. Le ministère des Armées a obtenu l’autorisation de faire circuler ses poids lourds logistiques sans chronotachygraphe, mais les véhicules déjà livrés sont déjà équipés de ce matériel, ce qui va en réalité imposer une installation coûteuse pour désactiver ceux-ci.

D’autres normes anti-pollution ou sensées favoriser la sécurité routière risquent d’accentuer demain la dépendance à des contrôles qui ne pourront être effectués qu’avec des infrastructures modernes, indisponibles outre-mer ou en opérations à l’étranger.

2.   Des difficultés de transposition

Si la transposition des directives européennes est souvent citée comme une source de complexité supplémentaire –chacun a en tête « le péril mortel » ([13]) que fait courir la jurisprudence de la Cour de justice européenne sur l’application aux militaires de la directive européenne sur le temps de travail –, le défaut de transposition peut aussi causer d’innombrables difficultés.

Selon le DC-SIMMT, la directive 2013/59/Euratom du Conseil du 5 décembre 2013 fixant les normes de base relatives à la protection sanitaire contre les dangers résultant de l'exposition aux rayonnements ionisants et abrogeant les directives 89/618/Euratom, 90/641/Euratom, 96/29/Euratom, 97/43/Euratom et 2003/122/Euratom n’a pas été intégralement transposée en droit français. Certaines dispositions permettent pourtant d’éviter le retraitement coûteux d’objets très faiblement ionisants (en dessous de 100 kilo becquerels par kilogramme).

Faute de transposition de ces dispositions, les râteliers, caisses ou établis en bois qui accueillaient autrefois les Famas, très légèrement contaminés à hauteur de 22 kBq/kg à cause d’une puce luminescente au tritium (H3) qui équipait les fusils et permettait ainsi de tirer de nuit, devront être retraités par l’Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs (Andra) pour un coût prohibitif. La création d’un seuil libératoire permettant d’éliminer le bois pollué permettrait d’économiser quelque 55 millions d’euros (551 euros par m3).

Autre exemple : les boussoles suédoises Silva, que tout particulier peut se procurer dans n’importe quel magasin d’articles de randonnée grand public, et ensuite jeter avec ses déchets domestiques, devront, elles aussi, être retraitées au nom de l’exemplarité de l’administration. En attendant, elles seront stockées dans une installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE), évidemment coûteuse.

D.   Un prolongement possible aux niveaux ministériel et interministériels

1.   Une démarche à faire connaître

Il serait regrettable que les bonnes pratiques actuellement élaborées au sein du ministère des Armées ne puissent être découvertes, commentées et discutées dans le reste de la sphère publique. La manière dont l’armée de Terre relèvera le défi de la surcharge informationnelle, par exemple, sera certainement intéressante dans d’autres administrations ou des entreprises. Si l’armée de Terre a elle aussi tout à gagner à poursuivre ses exercices de parangonnage, et elle souhaite le faire, elle peut s’appuyer pour ce faire sur de nombreux réseaux comme les réservistes citoyens ou les attachés de défense. La rapporteure pour avis regrette en revanche que le ministère des Armées soit perçu comme peu ouvert ou nébuleux par d’autres administrations. Les initiatives conduites en son sein sont peu connues ailleurs, sans qu’il soit facile d’expliquer les raisons de cette méconnaissance.

2.   Au moins un chantier de réflexion interministériel à engager

La conquête de simplification de l’armée de Terre pourrait aussi se faire au profit d’autres secteurs ministériels, dans l’intérêt général. Ainsi, la rapporteure pour avis a-t-elle été frappée qu’un irritant majeur pour les chefs tactiques de l’armée de Terre concerne l’organisation des formations au secourisme. L’organisation de ces formations devrait donc, dans les prochains mois, être facilitée, grâce à des assouplissements.

La rapporteure pour avis estime que cette réforme devrait être plus ambitieuse et que le ministère des Armées devrait se rapprocher des ministères de l’Intérieur, de l’Éducation nationale et de la Santé, au besoin sous l’égide du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), pour élaborer un programme national de formation aux premiers secours et de lutte contre l’incendie incluant un tronc commun et des modules spécialisés (comme les secours au combat) et offrant surtout des équivalences qui n’existent pas aujourd’hui.

Cela permettrait de faciliter l’organisation de ces formations et d’améliorer l’employabilité des militaires et des réservistes des armées qui, fort de leur formation dans le domaine des premiers secours ou de la lutte contre l’incendie, pourraient plus facilement être sauveteurs secouristes au travail ou référents sécurité incendie.

À l’heure d’une réflexion globale sur la résilience de la Nation, une telle entreprise paraît relever du bon sens.

   Conclusion

La rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la préparation et à l’emploi des forces terrestres donne cette année encore un avis très favorable à l’adoption du projet de loi de finances pour 2022. Elle formule en outre les recommandations suivantes.

Pour favoriser la préparation opérationnelle :

1.-   favoriser la souplesse et la modularité des engagements des forces terrestres sur le territoire national ;

2.-  veiller au niveau des stocks de munitions et de pièces de rechange.

Pour préparer l’armée de Terre à des conflits de haute intensité :

3. – poursuivre la réflexion avec les industriels sur les besoins de stocks de pièces de rechange et de munitions indispensables au regard des difficultés d’approvisionnement mises en lumière par la crise de la Covid-19 ou susceptibles de s’accentuer en cas de conflit ;

4.– reconnaître à la SIMMT une compétence analogue à celle du SIAé dans la certification de pièces, notamment de celles conçues avec des imprimantes 3D.

Pour contribuer et encourager la démarche de simplification de l’armée de Terre :

5.- étendre la démarche de simplification au niveau interarmées ;

6.- en appui de la direction des affaires juridiques, doter les armées d’un dispositif de « vigie » de la norme en s’appuyant sur des réseaux de correspondants, notamment les réservistes citoyens ;

7.- conduire une revue des normes en identifiant les besoins de dérogation maintenant et en cas de crise ;

8.- reconsidérer certaines mutualisations ou organisations matricielles compte tenu des impératifs opérationnels (subsidiarité renforcée) ;

9.- porter une attention supplémentaire aux ressources dédiées à la numérisation, levier de modernisation ;

10.- réfléchir à un tronc commun interministériel et une équivalence des formations de secourisme civil (PSC1, par exemple) et de lutte contre l’incendie, dans une optique de résilience nationale.

 


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   Travaux de la commission

I.   Audition du général Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre

La Commission a entendu, chef d’état-major de l’armée de terre, sur le projet de loi de finances pour 2022 (n° 4601), au cours de sa réunion du 12 octobre 2021.

Mme la présidente Françoise Dumas. Avant de commencer cette audition, je vous informe de la mort, à 101 ans, d’Hubert Germain, dernier Compagnon de la Libération encore en vie, qui était pensionnaire de l’Hôtel des Invalides. Il fut député de Paris de 1962 à 1972 avant de devenir ministre des postes et télécommunications, puis, ministre des relations avec le Parlement. Avec sa disparition, c’est une période de l’histoire qui se clôt. Il nous appartient de continuer à faire vivre la mémoire de ces héros qui ont choisi de continuer le combat pour leur pays, sa liberté, son honneur, lorsque tout semblait définitivement perdu.

Général, je suis particulièrement heureuse de vous accueillir pour votre première audition budgétaire. Si une dizaine de nos collègues ont eu la chance de faire votre connaissance jeudi dernier, à l’occasion de la présentation des capacités de l’armée de Terre, à Satory, la plupart des députés ici présents vous rencontre pour la première fois dans le cadre de vos nouvelles fonctions de chef d’état-major de l’armée de Terre.

Je tiens à nouveau à vous féliciter chaleureusement pour l’organisation de la dernière édition de la présentation des capacités terrestres. Tous ceux qui étaient présents ont été impressionnés par des démonstrations illustrant combien le continuum compétition-contestation-affrontement a impliqué tous les personnels ayant contribué à cet événement. En notre nom à tous, je vous prie de bien vouloir leur transmettre tous nos remerciements et de vous faire auprès d’eux l’interprète de notre fierté et du sentiment de responsabilité qui fut le nôtre.

Pour ceux d’entre nous qui n’étaient pas présents, pourriez-vous répéter les principaux messages que vous souhaitiez nous adresser et nous dire quels sont les atouts et les vulnérabilités des forces terrestres qui ont été mis en avant ? Autrement dit, quels axes doivent-ils être développés pour permettre à l’armée de Terre, d’une part, de gagner la « guerre avant la guerre » dans les phases de compétition et de contestation, et, d’autre part, de faire face à un conflit de plus haute intensité que ceux auxquels nous sommes déjà préparés ? Vous avez eu à cœur de nous montrer en quoi l’armée de Terre est un atout stratégique dès aujourd’hui, et pas seulement à l’horizon 2030, notamment en insistant sur l’appartenance des militaires de la brigade de sapeurs-pompiers de Paris et des personnels des unités d’instruction et d’intervention de la sécurité civile à cette armée.

Je vous sais soucieux d’augmenter la réactivité des forces terrestres pour être prêts dès demain matin. Vous avez repris à votre compte l’organisation dite « au contact » et la vision stratégique élaborée par vos prédécesseurs. Quelles inflexions souhaitez-vous apporter à ces guides structurants et quels objectifs fixez-vous à l’armée de Terre, dont vous prenez donc le commandement, pour tenir compte des nouveaux champs de conflictualité dans les domaines cyber, la lutte anti-drone ou la guerre des perceptions, ainsi que des exigences des phases de combat de haute intensité – je pense à la capacité à durer, aux stocks de munitions – qui impliqueront toujours de conserver des moyens d’action sur le reste du spectre ?

Votre avis sur le projet de loi de finances pour 2022 nous importe. Vous travaillez en lien étroit avec Sereine Mauborgne, notre rapporteure pour avis sur les crédits relatifs à la préparation des forces terrestres, laquelle a choisi de s’intéresser au dernier axe de la vision stratégique, c’est-à-dire, à la simplification. Nous savons pouvoir compter sur son travail rigoureux et passionné. Il s’agira du dernier avis de cette législature et j’en profite pour saluer le travail accompli au terme de ces cinq années par le binôme qu’elle forme avec Thomas Gassilloud.

Général d’armée Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre. Cette audition intervient trois mois après ma nomination comme chef d’état-major de l’armée de Terre. Elle est donc ma première devant votre commission.

Je souhaite d’emblée exprimer ma fierté de commander des soldats qui sont engagés au service de la France et qui sont l’honneur de notre pays. La responsabilité qui m’est confiée est immense. C’est avec beaucoup d’humilité et une grande détermination que j’envisage les défis à relever.

Je suis heureux et honoré de m’adresser à la représentation nationale. Les travaux de votre commission témoignent de l’attention bienveillante que vous portez à l’armée de Terre et de la grande connaissance que vous en avez. En retour, je m’attacherai à poursuivre et à consolider la relation de confiance établie avec mes prédécesseurs afin d’échanger de la manière constructive et ouverte qui convient.

Notre belle armée de Terre tire sa force de ses soldats et de son expérience opérationnelle. Grâce à l’ambitieuse loi de programmation en cours, elle est engagée dans une modernisation profonde pour répondre aux impératifs stratégiques nouveaux. Pour cela, elle doit encore se durcir et continuer à proposer des options décisives au chef d’état-major des armées.

Je commencerai par exposer mon analyse de l’environnement géostratégique. Je vous livrerai ensuite mon appréciation de l’armée de Terre et ma vision stratégique. Je détaillerai enfin les réalisations que permet le projet de loi de finances pour 2022, qui consacre une augmentation de 1,7 milliard de crédits par rapport à 2021. Pour l’armée de Terre, cela représente 132 millions d’euros de crédits supplémentaires pour le budget opérationnel de programme (BOP) Terre, qui atteindra 1,67 milliard.

Examinons tout d’abord les conséquences des évolutions géostratégiques sur l’armée de Terre.

Le chef d’état-major des armées vous a présenté son ambition de « gagner la guerre avant la guerre » tout en faisant en sorte de pouvoir nous engager dans la haute intensité. Les deux pans de cette assertion sont d’égale importance. Les événements survenus depuis un an confirment toute l’actualité des rapports de force qui s’expriment souvent de manière ouverte ou indirecte sur un continuum évoluant de la compétition à l’affrontement en passant par la contestation.

Les affrontements entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie ont donné lieu à un deuxième conflit de haute intensité, faisant plus de sept mille morts et qui nous a rappelé celui de 2014 dans le Donbass. Les enseignements sont intéressants. Je citerai la manœuvre aérienne initialement limitée par la couverture des moyens sol-air, le recours à des drones-suicides combiné à la guerre électronique, qui a permis de détruire les moyens antiaériens, la liberté ainsi acquise par l’Azerbaïdjan, qui lui a permis de reprendre une offensive classique contre les positions adverses, appuyée par son aviation ; enfin, des actions d’influence décisives précédant, soutenant et prolongeant les opérations militaires.

Le Proche-Orient a lui aussi connu un regain de tension au printemps, les capacités militaires des groupes armés de Gaza étant quasiment équivalentes à celles de certaines armées étatiques. La dissolution des forces afghanes et la chute du gouvernement à Kaboul ont suscité des interrogations sur l’évolution des équilibres dans la région et les assurances données par nos alliances. Le déploiement de groupes paramilitaires dans certains pays d’Afrique est quant à lui révélateur d’une subtile compétition qui se livre en dessous du seuil des affrontements.

Trois tendances s’interpénètrent ici.

D’abord, la poursuite de la révolution numérique et de l’information élargit le champ des confrontations, atteignant même le territoire national, en particulier par l’espace cyber et l’influence. Ensuite, les menaces de la force, au sens de l’analyse du Livre blanc de la défense et de la sécurité nationale de 2013, croissent plus rapidement qu’attendu avec l’affirmation désinhibée de puissances régionales ou globales. Enfin, les risques de la faiblesse, toujours selon l’analyse du Livre blanc, demeurent et même s’élargissent : États faillis, trafics, transitions démographiques, réchauffement climatique. Ces trois tendances favorisent l’apparition de zones grises et le développement de stratégies hybrides qui usent de procédés d’influence, de faits accomplis et d’offensives couvertes, notamment cyber ou subversives.

Dans ce contexte, la compétition est omniprésente, la contestation, fréquente, et l’affrontement, y compris majeur, redevient malheureusement possible. Cela signifie que l’armée de Terre doit se tenir prête à agir en permanence dans toutes les dimensions de la conflictualité, des plus courantes aux plus extrêmes, en disposant de capacités cohérentes, équilibrées et crédibles.

Dans les phases de compétition et de contestation, l’alliance est souvent source de légitimité et d’efficacité. La France a donc l’ambition de consolider ses alliances historiques tout en étant capable de générer des coalitions ad hoc et d’en prendre la tête, si nécessaire, pour répondre à des menaces montantes. L’armée de Terre doit donc développer des aptitudes propres à assurer le rôle de nation-cadre au sein de coalitions préétablies ou de circonstances. Elle construit avec ses partenaires et alliés une interopérabilité opérationnelle reposant principalement sur les procédures de l’OTAN et une interopérabilité capacitaire, notamment par le biais des nouveaux instruments de l’Union européenne.

Au Sahel, la Task Force Takuba, avec l’armée de Terre, joue ainsi un rôle moteur et d’intégration avec nos partenaires européens. La mission Lynx de réassurance, en Estonie, permet aussi de développer notre interopérabilité, tout en adressant un message à nos alliés comme à nos adversaires éventuels. L’interopérabilité capacitaire est au cœur du projet de coopération capacités motorisées CaMo mené avec nos partenaires belges et de l’élargissement de la communauté SCORPION.

L’engagement le plus probable auquel l’armée de Terre doit se préparer consiste en la réaction à une instrumentalisation des conflits périphériques susceptible d’établir des situations de fait accompli ou de contester le droit par des stratégies hybrides, comme nous l’observons déjà en Afrique. L’armée de Terre doit donc continuer à développer sa contribution à l’appréciation autonome de situation, par ses moyens de renseignement, à la prévention des crises, par ses prépositionnements, ses alertes et ses déploiements, et à l’intervention, par des dispositifs réactifs et adaptés, comme c’est le cas avec la réorganisation de nos forces au Sahel.

En cas d’engagement majeur, il faudra déployer sur un théâtre éventuellement lointain des forces extrêmement puissantes, du volume d’une division, capables de mener un combat aéroterrestre face à un ennemi à parité, en intégrant des unités alliées et la palette complète des appuis. La couverture de cette action principale, la protection des lignes de communication permettant le soutien logistique depuis la métropole et l’accueil des blessés ainsi que la régénération des pertes, demanderont des forces complémentaires robustes.

L’ennemi cherchera à s’en prendre à nos arrières. Il mènera des actions sur notre sol. Dans le scénario d’un engagement majeur, l’armée de Terre devra donc aussi répondre simultanément au besoin de protection du territoire national, contribuant ainsi à la résilience de la Nation.

Dans le contexte que je viens de décrire, quelles sont mon appréciation de la situation de l’armée de Terre et ma vision stratégique ?

Depuis ma prise de fonction, au mois de juillet, j’ai mesuré à quel point l’armée de Terre est une armée d’emploi, déployée en opération et payant le prix du sang pour la défense de la France et de ses intérêts. En 2020, seize de nos camarades ont perdu la vie sur des théâtres d’opérations, trente-trois ont été grièvement blessés. En 2021, quarante et un de nos frères d’arme ont été sérieusement blessés et nous déplorons la mort au combat de trois de nos soldats, dont le sergent Maxime Blasco, tombé au Mali le 24 septembre dernier. L’exemple particulièrement édifiant qu’il a donné au cours de sa vie sous les drapeaux comme lors de sa mort au combat met en lumière le talent et le sens du service de nombre de militaires qui servent dans nos unités avec enthousiasme et abnégation. Nos blessés comme les familles endeuillées méritent notre respect et notre profonde reconnaissance.

Le chiffre de 27 000 soldats en posture opérationnelle reste constant, alors que nos soldats ont été cette année, en moyenne, 143 jours hors de leur domicile. Ce régime reste un peu au-dessus de l’optimum souhaitable pour garantir une capacité de reprise vigoureuse en cas de déclenchement d’une nouvelle hausse des déploiements. Douze mille soldats sont en posture opérationnelle dans le cadre des opérations et missions intérieures ou des dispositifs d’alerte. Cet été, vous avez pu observer les renforts de l’armée de Terre dans la lutte contre les incendies en France et en Europe, mais aussi le déploiement en alerte d’une unité à Kaboul dans le cadre de l’opération Apagan, un déploiement en Haïti pour une mission humanitaire avec la marine et la contribution au module médical de réanimation en Martinique.

Le moral de l’armée de Terre est solide, comme je l’ai constaté à l’occasion de mes premières visites : 78 % des soldats interrogés jugent leur moral bon à excellent, un chiffre au plus haut depuis 2016. L’engagement opérationnel de nos unités, la livraison de nouveaux équipements, de l’armement petit calibre au Griffon en passant par les treillis de nouvelle génération, ainsi que la confiance dans le commandement sont leurs sources principales de satisfaction.

La loi de programmation militaire 2019-2025, de réparation et de modernisation, concrétise l’ambition de la France de tenir son rôle de puissance d’équilibre. Pour une défense puissante au service de cette ambition, il faut une armée de Terre durcie dans l’esprit de la formule : « Si tu veux la paix, prépare la guerre ».

Sur le socle du modèle « au contact », mis en place par le général Bosser pour réorganiser notre armée de Terre en profondeur, le général Burkhard a engagé le mouvement vers cet objectif de durcissement. J’endosse le fond et la forme de ce projet dont l’intention est de hausser le niveau d’exigence de la préparation opérationnelle pour forger des hommes capables de combattre jusque dans les champs les plus durs de la conflictualité.

Ma vision stratégique reprend les projets de court et de long terme, répartis sur quatre axes prioritaires : les hommes à hauteur des chocs futurs ; les capacités permettant de surclasser nos adversaires ; l’entraînement centré sur l’engagement majeur et la simplification du fonctionnement.

Certains projets ont déjà été menés à terme comme la publication du nouveau concept d’emploi des forces terrestres ou l’accueil offert aux blessés psychiques par les deux premières maisons expérimentales ATHOS.

Depuis, des projets supplémentaires m’ont semblé nécessaires pour consolider plus encore notre armée de Terre, à l’image du projet VULCAIN, relatif à la robotisation tactique, ou du projet de renforcement de la sécurité aérienne pour nos hélicoptères et nos drones.

En résumé, j’identifie cinq atouts majeurs de l’armée de Terre : sa capacité à exprimer la force et la continuité de la volonté stratégique une fois déployée dans les milieux terrestres et humains ; la réactivité de ses dispositifs d’alerte et la modularité de ses organisations, qui offrent une véritable souplesse d’emploi ; ses capacités de commandement et l’expertise de ses états-majors, indispensables pour assumer le rôle de nation-cadre ; son maillage, qui en fait l’armée des territoires avec 550 implantations dans quatre-vingts départements et qui permet de contribuer à la résilience de la Nation ; enfin, la jeunesse, qui rejoint ses rangs, constitue sa force humaine et nourrit l’esprit de défense de notre pays.

Sur la base de ces analyses, j’estime que le projet de loi de finances pour 2022 donne à l’armée de Terre les moyens de poursuivre sa modernisation.

L’exécution de la loi de programmation militaire a jusqu’à présent été conforme. Le PLF pour 2022 prolongera cette tendance et jouera un rôle pivot dans sa modernisation, notamment grâce à la commande de 500 véhicules SCORPION.

De ce point de vue, je tiens à souligner la clairvoyance de la représentation nationale – qui a perçu l’évolution des menaces –, la constance de l’exécution budgétaire malgré la crise sanitaire et l’intérêt apportée aux études amonts. En appliquant la révolution numérique au domaine opérationnel, cette modernisation est probablement la plus importante depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Sa réussite est impérative pour assurer la transformation de notre outil de combat dans les prochaines décennies. Le maintien du cap est primordial pour ne pas entraver la dynamique de réparation et de modernisation. Comme dans une course de fond, il s’agira de respecter les prochains temps intermédiaires fixés pour franchir victorieusement la ligne d’arrivée.

Grâce au programme SCORPION, nous faisons d’une pierre deux coups : nous renouvelons nos blindés en service depuis quarante ans et démultiplions leur efficacité par leur mise en réseau. Demain, les unités partageront en temps quasi réel les informations pour déterminer la meilleure combinaison tactique possible afin de se protéger et de détruire l’ennemi. L’ambition est de comprendre, de décider et d’agir plus vite que l’adversaire.

Le programme TITAN constituera la phase 2 de notre modernisation, envisagée comme une mise en cohérence des renouvellements qui interviendront à partir de 2030. Intégrant l’évolution robotique, TITAN modernisera nos capacités les plus décisives comme le char Leclerc ou les hélicoptères Tigre, les feux dans la profondeur ou la défense sol-air.

La modernisation est déjà une réalité. Le respect des livraisons, malgré les contraintes de la crise sanitaire, permet à l’armée de Terre de disposer en fin d’année 2021 de plus de 43 000 fusils HK 416, 1 100 fusils de précision de nouvelle génération, 38 000 pistolets Glock, 5 900 jumelles de vision nocturne O-Nyx. Ces matériels contribuent au renouvellement de l’environnement du combattant de manière concrète. La flotte de nos hélicoptères comptera cinquante et un NH90 et quarante-deux Tigre HAD, à la suite du rétrofit de cinq appareils. Nous serons également équipés de dix-huit systèmes de mini-drones de renseignement, de soixante-dix-sept drones Parrot et de 240 Black Hornet.

La mise à disposition de ces équipements est une victoire collective de tous les acteurs : le cabinet de la Ministre, la direction générale de l’armement, l’état-major des armées, l’état-major de l’armée de Terre, la représentation nationale et la base industrielle et technologique de défense (BITD).

En 2021, nous franchissons un jalon important avec le premier déploiement d’un groupement tactique SCORPION. Les opérations du groupement tactique désert (GTD) Korrigan, formé autour du 3e régiment d’infanterie de marine de Vannes, commencent cette semaine au Sahel, à bord de trente-deux Griffon mettant en œuvre leur système de commandement SICS (Système d’information du combat Scorpion). Le retour d’expérience sera précieux après ces premiers pas de l’info-valorisation du champ de bataille et du combat collaboratif. Le programme SCORPION devient donc une réalité opérationnelle, alors que seulement 10 % des livraisons totales ont été effectuées.

L’année 2022 sera capitale pour la poursuite de ce mouvement à cheval sur deux lois de programmation militaire. La continuité des livraisons permettra d’atteindre 18 % de la cible SCORPION en fin d’année 2022 et de commander 500 véhicules blindés, représentant à eux seuls une nouvelle tranche de 15 % du total.

Grâce au déploiement opérationnel du SICS, la livraison des postes Contact et la phase 3 du réseau de théâtre satellitaire Astrid, le renouvellement de la connectivité – système nerveux des forces – commence. Cette étape est primordiale pour envisager avec confiance le prochain jalon opérationnel que s’est fixé l’armée de Terre en disposant, en 2023, d’une brigade interarmes SCORPION projetable. La livraison des drones Patroller et de huit hélicoptères Caïman consolidera les capacités de combat aéroterrestre.

Dans le domaine du maintien en condition opérationnelle (MCO), le projet de loi de finances pour 2022 autorise une croissance de près de 19 % des ressources consacrées à l’entretien programmé des matériels terrestres par rapport à 2021. Cela permettra de rattraper certains renoncements passés et pérennisera le segment de décision, dont le char Leclerc, qui participe directement à la crédibilité de notre outil de combat.

Par ailleurs, pour le MCO aéroterrestre, ce PLF marque la poursuite de la dynamique des contrats verticalisés, ce qui explique la hausse importante de nos autorisations d’engagement. Les nouveaux contrats concernent principalement le soutien des Tigre et des Caïman ainsi que le système de mini-drones de renseignement.

Cependant, je resterai vigilant sur le MCO, moteur de l’activité des forces. L’acquisition des matériels les plus modernes s’accompagne d’une hausse de leur coût de soutien. Pour continuer à disposer d’une armée de Terre durcie, décisive et bien entraînée sur ces équipements, il sera nécessaire de consacrer au MCO les ressources adéquates. En 2021, l’armée de Terre vise 57 % des normes d’entraînement fixées dans la LPM. L’effort consenti sur le MCO terrestre lui permettra, en 2022, de porter cet objectif à 64 %. Cette amélioration d’activité doit s’inscrire dans la durée pour atteindre les normes de préparation opérationnelle correspondant à notre ambition.

Pour moderniser ses capacités, l’armée de Terre s’attache à acquérir de nouvelles compétences. L’école militaire préparatoire technique de Bourges (EMPT) témoigne d’une telle adaptation. Dès septembre 2022, elle accueillera un large panel de scolarités pour former les futurs sous-officiers techniciens de l’armée de Terre SCORPION. Le premier objectif est de diplômer 130 élèves en 2024. Les scolarités offertes sont diverses, du baccalauréat professionnel en maintenance aéronautique au baccalauréat sciences et technologies de l’industrie et de développement durable (STIDD).

Notre armée de Terre est solide en raison de sa force humaine. Le moral de nos soldats est excellent, je l’ai dit. Simultanément, nous constatons que les efforts de fidélisation sont payants. Des conséquences positives sont déjà sensibles sur nos plans de recrutement. En 2022, 14 000 jeunes rejoindront l’armée de Terre. Il est impératif de réussir leur recrutement, leur formation et leur accompagnement professionnel. Nous poursuivrons l’effort pour gagner en maturité et accroître un taux d’encadrement de 11,5 %, encore insuffisant au regard de la cible de 12,5 % définie pour 2025. L’armée de Terre est donc à la fois jeune et expérimentée, c’est-à-dire dynamique et solide. La moyenne d’âge des régiments est de 28 ans, et de32 ans pour l’ensemble de l’armée de Terre.

Afin de valoriser les résultats positifs en termes d’attractivité et de fidélisation, il convient de poursuivre la nouvelle politique de rémunération des militaires. De plus, les conditions d’hébergement sont à la fois une marque de considération que l’on doit à nos soldats et un facteur clé de leur fidélisation. À cet égard, les investissements conduits dans le cadre du plan hébergement – dont l’armée de Terre est l’un des principaux bénéficiaires – sont significatifs.

Bien au-delà de la question des rémunérations, la force morale de l’armée de Terre repose sur l’esprit de corps, la fraternité d’armes, le sens donné à l’engagement et la reconnaissance de la singularité militaire par la Nation. Pour disposer de soldats prêts à s’engager dans les situations les plus périlleuses, une attention soutenue doit être portée à la qualité de leur environnement humain et à leur famille. Il s’agit de trouver le bon équilibre entre l’exigence intrinsèque de nos sujétions et la préservation de conditions de vie personnelles et familiales épanouissantes. C’est l’enjeu des nouveaux projets « forces morales » et « force de la communauté Terre » de ma vision stratégique.

Pour conclure, je réaffirme ma fierté de commander une armée de Terre solide, engagée en opérations et disposant d’un projet ambitieux et cohérent. En pleine modernisation, elle bénéficie de l’exécution conforme des premières annuités de la loi de programmation militaire, qu’il convient de poursuivre pour maintenir nos ambitions et notre rang de puissance d’équilibre.

Mme la présidente Françoise Dumas. Avant de céder la parole aux orateurs de groupe, je souhaite la bienvenue à Stéphane Vojetta, député des Français de l’étranger pour la zone Espagne, Portugal, Andorre et Monaco, qui a remplacé au sein de la commission Mme Natalia Pouzyreff qui, d’une certaine façon, nous « représentera » à la commission des affaires étrangères.

Mme Sereine Mauborgne. Il n’est pas difficile d’être rapporteure budgétaire quand on a la chance d’avoir une LPM respectée à la lettre et conforme à nos engagements. Si l’on ajoute les crédits du plan de relance destinés notamment à la restauration nécessaire du bâti des armées, les chiffres sont vertigineux.

Au nom des Varois, je vous remercie pour l’investissement des soldats de l’armée de Terre dans la lutte contre l’incendie qui a touché ma circonscription. Comme toujours, ils ont été d’une efficacité redoutable et d’une présence rassurante.

En mon nom personnel et au nom de la commission de la défense présente à la présentation des capacités de l’armée de Terre la semaine dernière, je tiens à remercier l’équipe qui vous entoure. Si cela ne fait que trois mois que vous avez la chance d’être le « grand patron », elle est là depuis longtemps et elle assure, à vos côtés, le rayonnement de l’état-major de l’armée de Terre.

Au Sahel, nos armées sont engagées dans un redéploiement stratégique et géographique évoluant en partenariat militaire de combat. Comment se traduira la future coopération avec nos partenaires africains, notamment du G5 Sahel, sur les plans quantitatif et qualitatif ? Quelle est votre vision stratégique ? Quel est le niveau d’engagement estimé et quelles sont les nouvelles modalités de l’opération Barkhane ? De nouvelles marges de manœuvre seront-elles possibles pour la préparation opérationnelle ? Peut-on espérer une diminution des surcoûts en opérations extérieures (OPEX) et, si oui, de quel ordre ? Peut-on rêver à un effet gagnant pour le MCO Terre grâce à une augmentation des crédits et à une augmentation du temps d’entraînement suite à une disponibilité technique opérationnelle augmentée ?

Enfin, à propos des blessés de l’armée de Terre, nous avons proposé à Mme la présidente, avec plusieurs collègues, que le DuoDay du 18 novembre soit consacré à la mise en lumière des blessés et de l’accompagnement de la cellule d’aide aux blessés de l’armée de Terre (CABAT) partout sur les territoires.

Mme la présidente Françoise Dumas. Excellente initiative !

M. Jean-Louis Thiériot. À travers vous, c’est aussi à tous les hommes de l’armée de Terre que nous rendons hommage : nous pensons à ceux qui sont tombés, qui sont blessés et qui doivent se reconstruire.

Il semblerait que ce budget, effectivement conforme à la LPM, prévoie pour le programme SCORPION un étalement de commandes de Griffon et de Jaguar afin de financer le développement des futurs véhicules blindés d’aide à l’engagement (VBAE), dont nous avons grand besoin. Est-ce le cas ? Nous savons que les étalements sont un vice récurrent de nos lois budgétaires en matière militaire.

Vous dites régulièrement que l’engagement hybride est le plus probable et que l’engagement de haute intensité, s’il l’est moins, reste le plus dangereux et le plus exigeant. Sommes-nous en mesure de respecter les termes du contrat opérationnel, c’est-à-dire la projection à six mois d’un peu plus de 20 000 hommes pour un engagement de deux mois ? Avons-nous les stocks nécessaires ? Sinon, quand pourrions-nous atteindre ce niveau ? Vous parliez d’opérations éventuelles sur le territoire national : comment améliorer la défense opérationnelle du territoire en cas de situation grave ?

À trajectoire budgétaire constante, le format d’armée 2030 sera-t-il atteint ou nécessitera-t-il un effort budgétaire complémentaire ? C’est d’autant plus le moment de le dire que la législature se termine à la fin de cette session !

M. Jean-Pierre Cubertafon. Décisive pour l’avenir de notre armée, la cyberdéfense est au cœur de la programmation budgétaire de la défense nationale. La loi de programmation militaire 2019-2025 a acté l’augmentation significative des moyens financiers et humains en la matière, à hauteur de 1,6 milliard, à quoi s’ajoutent 132 millions supplémentaires, et prévoit sur cette période le recrutement de 1 100 cyber-combattants.

Traduction de cet engagement budgétaire et humain, le déploiement des outils de lutte informatique défensive et offensive est précieux pour permettre à notre armée, consciente des enjeux technologiques, d’anticiper ce paramètre crucial et de peser dans les conflits présents et futurs. Les moyens financiers accordés à l’armée de Terre en matière de cyberdéfense sont-ils suffisants ? Quelles perspectives budgétaires doivent être retenues pour faire de la France, à l’horizon 2030, un pays ambitieux dans ce domaine ?

M. Thomas Gassilloud. Quand le général Burkhard a pris ses fonctions en tant que CEMAT, j’ai pensé que sa mission allait être difficile tant le général Bosser avait marqué de son empreinte son long mandat. Or en n deux ans, le général Burkhard a réussi à marquer les esprits lui aussi, notamment s’agissant de la haute intensité. En remplaçant celui qui est devenu chef d’état-major des armées (CEMA), j’espère que vous aurez la même envie de changement et le même dynamisme mais, aussi, que votre temps de commandement vous permettra de développer de la profondeur stratégique. En tout cas, vous pouvez compter sur l’engagement de notre commission, notamment sur l’expertise de notre collègue Sereine Mauborgne.

Je tiens à vous exprimer la confiance que nous avons dans l’armée de Terre, qui sait intervenir dans des milieux abrasifs et au contact de l’adversaire, parfois les yeux dans les yeux, et combiner rusticité et haute technologie, jeunesse et maturité.

Au nom de mon collègue Loïc Kervran qui a dû s’absenter, je vous remercie pour le choix de Bourges pour l’implantation de l’ETSO. En tant que député de la circonscription, il y est particulièrement sensible.

L’évolution de notre modèle d’OPEX pourrait nous conduire à envisager des opérations moins longues et une plus grande variabilité dans l’emploi des forces, comme dans la capacité à projeter des forces en opérations extérieures et à les retirer. Gagner « la guerre avant la guerre », c’est aussi parfois éteindre un petit incendie avant qu’il se propage.

Les brigades d’intervention comme la brigade parachutiste (BP) et la brigade d’infanterie de montagne (BIM) sont équipées en blindés et en SICS. Dans une opération comme Barkhane, l’évolution du dispositif suppose un temps relativement long en raison de l’importance de l’empreinte logistique. Est-il nécessaire de disposer d’unités dont la souplesse de projection pourrait être plus grande ? Ne conviendrait-il pas de spécialiser davantage les unités de la BIM et de la brigade parachutiste en leur permettant d’opérer grâce des moyens plus légers, de type pick-up – chacun comprend l’intérêt pour la BP de disposer de moyens aérolargables de projection sur un théâtre ? Enfin, quel est selon vous l’intérêt de la spécificité montagne de la brigade d’infanterie de montagne ?

M. Bastien Lachaud. Vous avez évoqué l’augmentation de 100 millions des crédits du MCO terrestre. Comment prévoyez-vous l’utilisation de ce budget ? À plus long terme, pouvez-vous anticiper les coûts de MCO des nouveaux matériels ?

Toujours au sujet du programme 178, si le budget de préparation des forces terrestres est en hausse, celui consacré aux soutiens subit une baisse notable. Je pense notamment à la sous-action Infrastructure des soutiens, qui diminue de 30 %, et à la sous-action Soutien des forces par les bases de défense, en baisse de 50 millions. Ne risque-t-on pas de financer des programmes industriels au détriment de la préparation réelle des forces ? Nous savons que les LPM se font souvent au détriment des actions de soutien.

Enfin, dans le programme 146, la sous-action 09.80 consacrée au financement du programme MGCS (Main Ground Combat System) est créditée de 0 euro, contre 36 millions, l’an passé. Vous n’avez pas évoqué ce projet : est-il à l’arrêt ou bien, étonnamment, les industriels n’ont-ils pas besoin cette année de financement pour avancer ?

M. André Chassaigne. Je commencerai par relayer un message que j’ai reçu. J’ai hésité à le faire car il est en totale opposition avec le rapport sur la politique d’approvisionnement du ministère des Armées en « petits » équipements que j’ai rendu avec M. Jean-Pierre Cubertafon. Je vous le lis, sans garantir sa véracité : « Mon fils s’est engagé depuis trois mois et cela pour cinq ans dans l’armée de Terre. Le souci, c’est que pour la cérémonie de la remise du képi, on lui a fait acheter un treillis neuf. Puis il est parti en manœuvre deux semaines à La Courtine où on lui a fait acheter un réchaud, un Ubas, un sac de couchage, une cagoule et un ceinturon, sous prétexte que l’armée ne posséderait plus de fonds pour les équipements. De plus, il paie une chambre 80 euros par mois, comprenant six soldats, et bien sûr, dans un bâtiment qui date de Mathusalem. Je trouve inadmissible qu’on traite nos soldats de cette manière, en sachant qu’ils nous défendent au péril de leur vie. Qu’ils se substituent eux-mêmes pour l’achat de leurs matériels est inacceptable pour une si belle institution ».

Par ailleurs, s’agissant des recrutements, il m’a également été rapporté des mesures abusives et discriminatoires. Les personnes souhaitant entrer dans l’armée sont soumises à une enquête de la direction du renseignement militaire (DRM) qui ne permet ni procédure contradictoire ni possibilité de recours. Or les résultats conditionnent non seulement l’acceptation du candidat mais aussi la nature des postes qui pourront lui être proposés et ses possibilités d’évolution dans la fonction militaire. C’est le cas avec la prise en compte d’une plainte déposée contre une jeune fille par une camarade de classe à la suite d’une rixe, reconnue non fondée et classée sans suite, entraînant l’exclusion de la candidate de certains métiers de l’armée.

Autre exemple discriminatoire : la prise en compte de la naturalisation, depuis vingt ans, d’une mère. Être un descendant de l’immigration présenterait donc un danger pour assurer les métiers administratifs et autres fonctions militaires alors que fleurissent des affiches de recrutement sur lesquelles toutes les origines sont représentées ? Les résultats de l’enquête, envoyés au conseiller du centre d’information et de recrutement des forces armées (CIRFA), justifient un réajustement des résultats d’évaluation et conditionnent le choix de la spécialité retenue. Cette procédure brutale provoque une forte incompréhension et un sentiment d’injustice chez les candidats. Ne pensez-vous pas que les appréciations formulées par la DRM devraient davantage respecter les droits de chaque individu et ne pas aboutir à des mesures discriminatoires qui, je le rappelle, sont illégales ?

Général d’armée Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre. Je vous remercie pour l’initiative concernant le DuoDay, qui permettra de mettre en valeur le travail remarquable de la cellule d’aide aux blessés de l’armée de Terre (CABAT). Les hommes et les femmes qui y servent font un travail extraordinaire au service des blessés physiques ou psychiques.

La réorganisation au Sahel est en cours de définition. L’évolution escomptée des effectifs déployés est de l’ordre de 50 % mais des modalités sont encore en cours d’étude s’agissant, notamment, de la force Barkhane. La Task Force Takuba pour l’appui aux forces maliennes, qui fait appel au concours de nos partenaires européens, perdurera.

La réorganisation de la force Barkhane, qui prendra plusieurs mois en raison du poids logistique du redéploiement de nos trois bases du nord – Tessalit, Kidal et Tombouctou – aura un effet en termes d’effectifs au Sahel. En France, elle permettra de réduire la pression de l’engagement global des militaires qui, l’an dernier, ont passé en moyenne 143 jours hors de leur domicile, alors que nous estimons à 120 jours d’entraînement et de mission par an le bon niveau de fonctionnement de long terme de l’armée de Terre. Grâce à ce moindre engagement au Sahel, il sera possible d’actionner ce premier levier en vue de préparer un engagement ultérieur.

Ce temps supplémentaire et le retour d’équipements déployés au Sahel seront également profitables à la préparation opérationnelle. Ceux-ci seront réintégrés au sein des forces après une remise en condition qui durera entre quelques mois et deux ans, de sorte que l’effet ne sera pas immédiat.

L’effet bénéfique de la réorganisation des forces au Sahel entraînera probablement une réduction des surcoûts OPEX mais avec un décalage lié au coût des manœuvres logistiques et de régénération des équipements.

Concernant l’étalement du programme SCORPION, comme cela a été dit lors d’une audition précédente, nous avons acté dans la loi de programmation militaire une baisse du point de passage 2025 du programme de livraisons. Alors que 50 % des livraisons de l’ensemble étaient prévues à cette date, ce chiffre pourrait être ramené à 45 %, sachant que la cible reste de 100 % en 2030.

Cette baisse est liée à la prise en compte des impératifs industriels de livraison pour certains segments de ces véhicules et à la possibilité, pour nous primordiale, de financer en contrepartie la pérennisation du char Leclerc, le lancement du programme de l’engin de combat du génie et le lancement du programme VBAE successeur de nos véhicules blindés légers (VBL) dans un souci de protection de nos équipages – ces dernières années, la plupart des soldats en opération ont été tués par des mines.

Cet ajustement opéré à la demande de l’armée de Terre a également permis de renforcer les moyens d’entraînement et de préparation opérationnelle, notamment, en termes de disponibilité des équipements. L’équilibre entre les investissements et l’activité (carburant, munitions, etc.) permettant de transformer ces équipements en véritables capacités opérationnelles, constitue une nécessité importante pour l’armée de Terre.

Il ne suffit pas d’acquérir des équipements, encore faut-il permettre un bon niveau d’entraînement de nos hommes. La fin de la LPM prévoit un effort conséquent pour la préparation opérationnelle et la disponibilité des équipements mais, dès aujourd’hui, nous avons besoin que les hommes puissent s’entraîner sur les matériels puisque l’ambition de l’armée de Terre n’est pas d’être prête à s’engager en haute intensité en 2030 mais, si nécessaire, demain matin, quelles que soient les conditions.

J’en viens ainsi à l’hypothèse d’un engagement majeur. Le terme de « haute intensité » a frappé les esprits. Le durcissement est un élément essentiel de l’ambition de l’armée de Terre de manière à ce qu’elle puisse s’engager jusqu’à ladite haute intensité, laquelle demande un effort particulier en termes de forces morales, de procédures et de capacités. Cette formule ne doit pas occulter l’ensemble du spectre d’engagement car l’armée de Terre doit pouvoir s’engager dans toutes les circonstances et toutes les hypothèses, de la compétition jusqu’à l’affrontement.

L’hybridité n’est pas la menace la plus probable : elle est certaine. Sous nos yeux, des États sont tentés d’intervenir, y compris dans les processus électoraux de nos pays, de mener des attaques cyber ou des politiques de fait accompli plus ou moins affirmées. C’est une réalité de l’état du monde, y compris en Afrique, à travers l’intervention de sociétés militaires privées soutenues par des États. Face à cette réalité, l’armée de Terre doit proposer des solutions pour l’ensemble du spectre des engagements, y compris sur le territoire national.

Cet engagement majeur éventuel ne peut se concevoir comme en 1991, lors la guerre du Golfe, où l’on pouvait envoyer un détachement d’intervention au loin tandis que nous vivions en paix sur le territoire national. Un adversaire poussant à l’affrontement mènerait immanquablement différentes formes d’attaques chez nous. Face à un tel engagement, la protection du territoire national serait indispensable. Il importe donc de poursuivre les études concernant la défense opérationnelle du territoire parallèlement aux scénarios qui sont déjà connus, comme ceux d’une crue centennale à Paris ou d’une crise épidémique – la crise du COVID a d’ailleurs montré comment les armées peuvent contribuer à la résilience de la Nation.

Le format de nos armées en 2030 ne soulève pas de question particulière. Deux lois de programmation militaire se sont succédées. La première, dite d « réparation » et de « modernisation », permettra de disposer approximativement, en 2025, des mêmes capacités d’intervention qu’en 2019 avec des équipements et des capacités entièrement modernisés et renouvelés. La seconde vise à répondre à un engagement de haute intensité grâce aux capacités complémentaires par rapport à celles dont nous disposerons en 2025 et, en termes de munitions, au liant que j’ai évoqué.

Il n’y a pas de plan caché. L’actualisation en 2021 de la perspective tracée par l’évaluation du contexte stratégique élaborée en 2017, le rapport annexé de la loi de programmation militaire et les perspectives qu’elle trace pour une LPM suivante exposent l’ensemble des éléments et du plan idéal prévu. On ne découvrira pas demain tel ou tel pan oublié, ce qui n’empêchera pas de revisiter les modalités ou certains équilibres.

En 2017, même si nous étions conscients des enjeux cyber et de la politique d’influence, les guerres du Donbass et du Haut-Karabagh, la multiplication de l’usage des drones ont montré que des ajustements seront nécessaires.

Au chapitre des adaptations, l’ensemble des armées accuse une faiblesse en matière de défense sol-air, depuis les drones commerciaux jusqu’à la maîtrise aérienne la plus élevée. Un problème se pose également avec les feux dans la profondeur. Lors de la guerre du Donbass et en observant les tactiques développées par d’autres pays, dont les États-Unis – je songe au retour d’expérience de l’exercice Warfighter 2021 – nous avons mesuré combien le feu dans la profondeur est décisif dans les conflits de haute intensité.

La loi de programmation militaire a conforté l’effort cyber en décidant d’un recrutement accru dans la cyberdéfense. Son volet « armée de Terre » nous convient, même s’il faudra examiner son application et obtenir de nouvelles capacités sur un segment aussi nouveau et évolutif. C’est pourquoi nous développons des moyens de recrutement et de fidélisation dans ces spécialités, notamment avec la création du BTS cyberdéfense à Saint-Cyr-l’École.

Une armée de Terre durcie, la lutte contre les faits accomplis, des déploiements moins longs et une capacité de réaction accrue : ce sont les véritables enjeux. L’armée de Terre est capable de faire preuve de volonté dans la durée, de tenir le terrain, d’être présente sur place et conteste l’illusion de pouvoir agir seulement à distance. Inversement, elle sait aussi combien il est difficile de retirer les forces déployées. L’enjeu est de gagner en réactivité, d’être capable de proposer aux forces en opération des ajustements de volume, de qualité, de quantité, de modalité d’action, afin qu’elles s’adaptent plus rapidement. Ce n’est pas aussi facile que pour un avion ou un bateau : nous devons préparer les hommes ! Cela passe par la formation individuelle et collective mais, surtout, par la préparation coordonnée des unités avant leur déploiement.

Le cycle de l’armée de Terre, et sa capacité d’adaptation doivent être améliorés. C’est ce que nous faisons au Sahel. La réorganisation de nos forces, en effet, ne se limite pas à une question de volume mais passe aussi par la modification du type de nos unités. Au lieu d’unités combattantes, nous aurons des unités d’accompagnement au combat des forces partenaires, unités plus encadrées et regroupant des spécialités diverses. Il ne s’agit plus d’envoyer en mission l’unité d’un régiment mais d’opérer une combinaison préalable tout en veillant à ne pas déstructurer durablement nos régiments ni à se constituer une armée de cadres, qui serait inopérante en cas de besoin d’action de masse.

Nous poursuivons la verticalisation des contrats de maintien en condition opérationnel (MCO) pour les hélicoptères. En 2022, nous conclurons des marchés pluriannuels. Cela se traduira, pour les industriels, par une meilleure anticipation, une meilleure visibilité de leurs plans de charge et donc un meilleur équilibre physico-financier permettant d’obtenir le juste prix ; de notre côté, la visibilité des crédits consacrés au MCO sera plus grande. Il en va de même pour les grands marchés que nous passons pour le MCO terrestre. Nous restons toutefois attentifs à la hausse de son coût. L’entretien des équipements modernes, probablement plus coûteux, ne doit pas être l’occasion d’augmentations inconsidérées. Je le répète, nous avons besoin d’assurer un équilibre entre les investissements, la possession des équipements et leur coût de préparation opérationnelle, d’emploi et de déploiement.

Nous surveillons la diminution des crédits consacrés au soutien des bases de défense. Elle s’explique à ce jour par un effet positif concernant le coût des facteurs. Le soutien doit rester à un niveau correct afin que la vie quotidienne, la gestion « à hauteur d’homme » soient cohérentes avec nos ambitions de remontée en puissance et d’armée de premier rang.

Enfin, s’agissant du MGCS, les crédits de ce programme proviennent cette année du P144 au titre des études amont. Nous sommes suspendus à la formation du gouvernement allemand mais, à mes yeux de chef d’état-major de l’armée de Terre, dès que la situation politique sera stabilisée dans ce pays, nous devrons absolument relancer notre coopération. Nous avons besoin du MGCS pour succéder au Leclerc. Nous ne sommes pas en retard mais nous devons progresser.

Dans l’armée de Terre, nous avons toujours eu des difficultés pour acheter les équipements. Ceux qui sont attribués sont-ils vraiment les bons ? Ne pourrait-on pas acheter des bâches ou des réchauds plus performants ? Il n’en reste pas moins, objectivement, que les équipements fournis à nos soldats – habillements, paquetages – sont d’excellente qualité. Un soldat ou un réserviste revient de sa première convocation avec six sacs !

M. Jacques Marilossian. Ils sont fournis ?

Général d’armée Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre. Oui.

Cela dit, rien n’est parfait. Je sais que des soldats un peu plus anciens conseilleront l’acquisition de treillis supplémentaires aux jeunes. Néanmoins, une chambre à 80 euros par mois, ce n’est pas possible, sauf si ce jeune se fait racketter. Les soldats reçoivent trois sacs de couchage : un sac de couchage grand froid, un sac de couchage intermédiaire et un sur-sac en Gore-Tex. Je suis prêt, toutefois, à regarder cette affaire.

Objectivement là encore, à mes yeux, la question de la discrimination ne se pose pas pour nos militaires du rang, nos sous-officiers et nos officiers. La diversité est une évidence. Cela étant, nous ne pouvons pas faire l’économie d’une étude de sécurité sur les jeunes qui nous rejoignent. Les conclusions des études de la direction du renseignement et de la sécurité de la défense (DRSD) ne sont pas rendues publiques. Ces affaires, en l’occurrence, concernent un dépôt de plainte non suivi d’effet et l’origine immigrée d’une mère de famille. Je suis étonné que les conclusions de l’étude aient été rendues publiques. En tant que service de renseignement, la DRSD fait une étude et, ensuite, le commandement décide de retenir ou non telle ou telle personne et de lui permettre de disposer ou non de telle ou telle habilitation. Des dizaines et des dizaines de jeunes ont été recrutés, et pas seulement à la Légion étrangère, après avoir connu des difficultés. Nous sommes l’un des ascenseurs sociaux du pays ! Nous recrutons des profils talentueux et parfois des jeunes sans diplôme, qui ont eu des problèmes avec la police, la justice, et qui néanmoins deviennent de très bons soldats. Il va néanmoins de soi que, face à la radicalisation, nous dressons des barrages.

Mme Patricia Mirallès. Je vous remercie pour les mots que vous avez prononcés à l’attention de vos soldats, de leurs familles et de la CABAT.

De nombreuses communications des différents régiments, chefs de corps, officiers généraux de l’armée de Terre, font état d’une préparation à un conflit de haute intensité. L’armée de Terre – entraînements, état d’esprit, acquisition de nouveaux matériels – raisonne à travers ce prisme. La direction fixée par la LPM en 2018 répond-elle pleinement à votre vision de la haute intensité ? Je précise que mon collègue Jean-Louis Thiériot et moi-même sommes rapporteurs d’une mission à ce sujet.

Mme la présidente Françoise Dumas. Nous attendons ses résultats avec impatience !

M. Charles de la Verpillière. Pourriez-vous nous donner des données chiffrées sur le recrutement : nombre de postes ouverts, de candidats, de recrutements effectifs ? Au-delà, quelle est votre appréciation sur le niveau, la qualité et la motivation des candidats ?

Depuis que le 2e REP a sauté sur Kolwezi, en 1978, on entend moins parler des régiments parachutistes. Pourriez-vous donner un coup de projecteur sur ces régiments ?

M. Christophe Lejeune. En tant que rapporteur pour le programme 146, je souhaiterais avoir votre sentiment quant au déroulement des différents programmes intéressant l’armée de Terre que nous conduisons en coopération avec nos partenaires européens.

Alors que les avancées du système de combat aérien du futur (SCAF) ont été fortement médiatisées, le développement du char du futur ne bénéficie pas de la même attention. Faut-il s’inquiéter du retard du programme MGCS et de l’absence de communication ?

Je m’interroge également sur les conséquences de la décision des autorités allemandes de ne pas s’engager dans la modernisation du Tigre standard 3. La France et l’Espagne ont décidé d’avancer ensemble tout en laissant la porte ouverte à l’Allemagne durant quelques mois. Finira-t-elle par nous rejoindre ? Si tel n’était pas le cas, son absence imposerait-elle des renoncements capacitaires ?

Enfin, pourriez-vous faire un état des lieux du programme CaMo sur le plan de la formation et de l’entraînement ? S’il semble être une réussite, avec nos alliés belges, avons-nous de nouvelles perspectives de partenariat de ce type avec d’autres nations européennes ?

Mme Josy Poueyto. Nous devons saluer l’effort de la Nation pour nos armées et notre défense nationale. Une hausse des crédits de 1,7 milliard représente un effort important mais il est conforme à la trajectoire de la LPM dont ont bénéficié les programmes d’armement, l’entretien programmé du matériel, la dissuasion, l’innovation ou la masse salariale.

Je souhaite toutefois appeler votre attention sur la disponibilité des aéronefs destinés à accompagner la formation de nos parachutistes, notamment à l’École des troupes aéroportées de Pau (ETAP). Ce problème peut avoir des conséquences sur le nombre de sauts requis avant validation. L’externalisation n’est pas toujours une solution pour répondre aux besoins. Les difficultés qui subsistent, malgré les améliorations constatées, sont-elles liées à des questions budgétaires ou d’organisation ? Comment y remédier ?

M. Jacques Marilossian. Dans un article publié dans la revue Défense et sécurité internationale, M. Lafaye, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), s’interroge sur le devenir des équipes opérationnelles de déminage (EOD) dans le cadre du retour aux combats de haute intensité.

Les EOD relèvent des compagnies de combat du génie, qui neutralisent des engins explosifs improvisés ou des mines, notamment dans la bande sahélo-saharienne. M. Lafaye constate depuis 2015 des difficultés à recruter et à fidéliser de nouveaux soldats pour remplacer les vagues de départs de sous-officiers et caporaux-chefs des EOD et il craint un assouplissement des critères de recrutement pour compenser les départs. Il met également en garde contre un effet de la haute intensité qui pourrait prioriser la course à la numérisation de l’espace de bataille et au renouvellement des équipements au détriment de l’homme ou de la femme, qui demeurent le premier instrument de combat. Le projet de loi de finances pour 2022 permet-il de maintenir un recrutement exigeant pour les soldats du génie qui opèrent dans les EOD ? Comment l’armée de Terre peut-elle pérenniser les savoir-faire de ces unités ?

Mme Françoise Ballet-Blu. Au-delà de l’aspect stratégique ou technique, la force morale de nos soldats vous importe grandement. Je suis heureuse de savoir que leur moral est au beau fixe ! Un déploiement sur des théâtres d’opération très sensibles demande une grande motivation et une force de caractère évidentes, qu’une politique de rémunération digne de ce nom permet probablement d’entretenir. Le PLF fait état de la nouvelle politique de rémunération des militaires (NPRM). L’engagement des militaires est certes patriotique avant d’être pécuniaire mais cette politique témoigne de l’importance que l’État accorde à l’aisance financière et matérielle de ses troupes. Pouvez-vous d’ores et déjà quantifier les premiers effets de ces dispositions ?

Mme Carole Bureau-Bonnard. Le budget du programme de recherche sur le soldat augmenté est-il suffisamment abondé ? Quels sont vos retours sur le développement de l’intelligence artificielle et sur ses avancées au bénéfice de vos hommes et de vos femmes sur le terrain ?

Mme Monica Michel-Brassart. Je vous remercie pour vos précisions au sujet de l’équipement dont l’armée de Terre dispose et disposera au fil du déploiement de la LPM. Quelles mesures appliquez-vous en matière environnementale ?

Général d’armée Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre. Vous avez souligné à juste titre l’expression « haute intensité », qui est en effet très importante et qui a fait florès. Depuis ma nomination comme chef d’état-major de l’armée de Terre, nombreux sont ceux, civils ou militaires y compris de l’armée de Terre, qui me demandent si je vais poursuivre la politique de la haute intensité engagée par le général Burkhard. Oui et non. Oui, parce qu’il avait eu l’intuition, que j’assume, que le durcissement de l’armée de Terre était le socle à même de donner à l’armée de Terre la capacité de s’engager efficacement en opération dans toutes les situations, jusqu’à l’hypothèse d’un engagement majeur. La question du durcissement est en effet un « moteur interne » à l’armée de Terre. J’y insiste afin de caractériser mon intention : durcissement des hommes, des modalités, du fonctionnement, des équipements, etc.

La haute intensité est une application de ce durcissement mais elle n’est pas la seule. Dans l’hypothèse d’un engagement majeur, le contrat opérationnel de l’armée de Terre, c’est une division de 20 000 hommes capables, dans le cadre d’une coalition, de s’engager avec l’ensemble des appuis, y compris aéroterrestres, la marine et l’armée de l’air, dans tous les domaines, y compris cyber, guerre électronique, etc., face à un ennemi à parité. La haute intensité implique l’engagement dans un combat mortel où une unité peut disparaître. Le conflit du Donbass donne une idée de ce qu’elle pourrait être : non pas des millions de morts mais des dizaines par jour pendant des mois, donc, des milliers au final.

Pour envisager ce type d’engagement, il faut savoir ce qu’il représente pour notre pays. L’article 5 de la charte de l’OTAN nous interdit, par exemple, de laisser prendre un gage à l’est, faute de quoi l’Alliance n’aurait plus de sens. Cela suppose une adhésion générale de la Nation à la haute intensité pour qu’elle soit prête à transformer son économie en économie de guerre afin de monter en puissance durant les mois qui précèdent et de préparer son outil militaire, de mobiliser nos hôpitaux pour faire face à des flux de blessés, et pour qu’elle accepte de subir sur notre territoire des contrecoups très durs de la part de l’ennemi. C’est ce à quoi la France s’est engagée à travers cet article 5 et la clause d’assistance mutuelle mais, aussi, ses accords de défense dans le golfe arabo-persique, selon lesquels nous sommes prêts à employer la force pour répondre à nos engagements.

Le durcissement est nécessaire pour ce type d’engagement mais il n’est donc pas l’alpha et l’oméga de nos capacités. Si ce seul aspect est mis en exergue, on finira par se demander si cet engagement est aussi probable que cela et s’il ne constitue pas un argument commercial et financier pour obtenir des ressources. Je tiens donc moins à remettre en question l’idée du général Burkhard qu’à amender la perception de la trop grande mise en avant de la haute intensité, l’engagement majeur pouvant prendre une forme beaucoup plus large et n’être qu’un élément de l’affrontement.

Cette année, l’armée de Terre a recruté 15 500 jeunes. Une meilleure fidélisation et un plus grand nombre de renouvellements de contrats par nos militaires du rang et nos sous-officiers nous permettront, l’an prochain, de réduire de 1 500 le nombre des recrutements, qui s’élèvera à 14 000. Sur ces 1 500 recrutements en moins, on estime que 1 000 sont liés aux effets bénéfiques de la prime de lien au service et 500 à l’effet COVID. Nous ferons tout pour que celui-ci se transforme en une véritable adhésion.

Deuxième élément positif du recrutement : cette année, davantage de jeunes se sont présentés par rapport aux années précédentes. Pour les militaires du rang, nous avons 1,7 candidat pour une place, 3 candidats pour nos sous-officiers, et 10 candidats pour nos officiers. Le moment crucial reste la formation initiale. Pendant une période de six mois, les deux parties peuvent rompre unilatéralement le contrat. Nous devons réduire l’attrition initiale mais l’écart est tel entre la perception par un jeune civil – même bien informé – de la vie dans l’armée de Terre et sa réalité dans toutes ses dimensions, y compris l’engagement personnel complet, qu’il y a un seuil incompressible. Nous souhaiterions que pas plus de 20 % des jeunes partent avant ces six mois ; nous nous situons plutôt à 25 %, mais cela reste correct.

Ce qui compte le plus, c’est le rapport entre le nombre de jeunes qui renouvellent leur contrat au-delà de la première période de cinq ans et ceux ayant intégré l’armée de Terre. Si un peu plus d’attrition initiale se traduit par des renouvellements nombreux – ils sont aujourd’hui à 80 % – le système est à l’équilibre. Pour nos militaires du rang, nous souhaiterions une durée moyenne de service de sept ans ; nous en sommes à six ans et demi.

Concernant la fidélisation, l’armée de Terre a atteint le sommet de la vague après le rehaussement de la force opérationnelle terrestre qui a suivi les attentats de 2015, pour lequel nous avons énormément recruté, l’enjeu étant de « vieillir » notre population. À la fin de 2021, nous y sommes parvenus.

Les régiments parachutistes font beaucoup de choses. Vous citiez Kolwezi mais le 2e REP a aussi mené l’assaut aéroporté sur Tombouctou, au début de l’opération Serval en 2013. Au Sahel, les opérations aéroportées dont les livraisons d’équipements sont récurrentes. L’une d’entre elles s’est d’ailleurs déroulée il y a quelques semaines pour boucler une zone. Ces capacités-là sont importantes et doivent être maintenues.

Concernant l’infanterie de montagne, nos unités légères doivent avoir un socle de savoir-faire identique à toutes les unités de même pied, mais elles doivent cultiver un complément permettant à l’armée de Terre de gagner en souplesse.

L’accord sur SCAF ayant été obtenu, le projet MGCS doit maintenant revenir au premier plan. Aussi, il est important pour nous mais également pour l’armée de Terre allemande que, sitôt le gouvernement allemand installé, nous puissions poursuivre ce projet majeur pour nos deux armées. Bien que consciente des enjeux industriels autour du projet, l’armée de Terre a un besoin stratégique d’acquérir un MGCS en 2035. Malgré les difficultés souvent inhérentes à un projet conduit en coopération, nous devons rester concentrés sur nos réflexions avec notre allié allemand sur le besoin opérationnel que nous partageons.

Concernant le Tigre Standard 3, soit l’Allemagne nous rejoint et nous pourrons le réaliser tel que prévu, soit elle ne nous rejoint pas et il faudra redéfinir le standard avec l’Espagne et ne faire passer à ce standard 3 bis ou 4 qu’une partie de nos hélicoptères. La présence de l’Allemagne constitue toutefois un enjeu puisque l’équilibre économique du programme ne peut être obtenu qu’avec elle.

Le partenariat CaMo est exemplaire. La Belgique se dote de l’équivalent d’une brigade française en termes d’équipements, de doctrine et d’entraînement. Les premières livraisons en Belgique n’auront lieu qu’en 2025 pour les Griffon et en 2027 pour les Jaguar. Les unités ne sont pas encore engagées dans la préparation opérationnelle mais, cette année, onze officiers belges sont présents dans l’armée de Terre française, dans nos écoles d’application et à l’état-major de l’armée de Terre afin de bâtir leur programme de transformation. Le projet CaMo n’a pas vocation à s’élargir à d’autres partenaires car il est issu d’un accord franco-belge. La communauté SCORPION, en revanche, a vocation à s’élargir, nous l’espérons, d’abord au Luxembourg. Une interopérabilité pourrait être construite avec les Pays-Bas, voire avec l’Allemagne, en deuxième rang, puisqu’il existe un corps germano-néerlandais.

En tant que chef d’état-major de l’armée de Terre, je considère que nos parachutistes doivent effectuer un nombre de sauts nécessaires à leur sécurité physique et opérationnelle. Malheureusement, nous avons déploré un mort en opération lors d’un saut, il y a 4 ans. L’idéal serait que l’armée française dans sa globalité puisse entraîner nos parachutistes. Il est certes possible d’externaliser l’entraînement pour les sauts de très grande hauteur parce que cet exercice est très technique, mais externaliser les sauts pour s’entraîner à larguer des dizaines de parachutistes dans le délai le plus court possible par des avions qui se suivent, c’est un savoir-faire en soi. L’idéal serait de s’entraîner avec les avions de l’armée de l’air afin qu’ils puissent opérer de tels largages.

L’état-major des armées certifie qu’en 2021, l’armée de l’air nous fournira les moyens d’entraîner nos parachutistes au niveau requis. Nous avons fait 50 000 sauts, nous devons en faire 70 000 dans l’année pour atteindre les normes planchers. Mon objectif est d’obtenir que l’armée de l’air assure cette prestation lorsqu’elle aura retrouvé une plus grande disponibilité d’usage de ses avions, notamment grâce à l’arrivée des A400M et la qualification des A400M pour opérer des largages par les deux portes. L’externalisation serait un constat d’échec mais, si elle s’impose, je la demanderai.

La capacité de déminage est essentielle. La majorité des attaques passe par l’utilisation des mines. Nos convois y ont été encore confrontés ces quinze derniers jours, heureusement sans que nous ayons à déplorer de blessés. Pour nos opérations extérieures, nous avons développé la capacité d’élément opérationnel de déminage et dépollution (EOD) à la main. Certes, des programmes comme le système d’ouverture d’itinéraires minés (SOUVIM) par des engins capables de détecter des mines ont été déployés mais, quand nous sommes confrontés à la présence de mines sur des points de passage obligé, nous devons les relever.

Dans la haute intensité, nous avons besoin de « bréchage » et non d’opérer une relève manuelle, puis, de faire un travail minutieux pour savoir qui a posé la mine., Franchir un rideau de mines, lors d’une attaque, requiert une capacité mécanisée. Dans ce type de combat, assez logiquement, nous aurons moins besoin d’EOD. Cela dit, ils demeurent nécessaires et les outils dont nous disposons permettent de maintenir leur qualité. Nous ne baisserons pas la garde car il en va de la vie de nos soldats.

Certes, la reconnaissance de l’engagement comporte une partie financière mais nos projets de force morale et de Maisons de l’armée de Terre visent à mettre l’accent sur la dimension non-financière des forces morales collectives. Si le moteur moral est primordial, la nouvelle politique de rémunération militaire n’en est pas moins une bonne réforme. Le premier volet, appliqué cette année, porte sur l’indemnité de mobilité géographique des militaires (IMGM), c’est-à-dire le changement de résidence. Les retours sont positifs car, compte tenu de son universalité d’attribution, elle est acquise quelle que soit la situation de famille, que vous choisissiez de déménager ou pas, d’habiter la garnison d’affectation ou de rester célibataire géographique dans la garnison de départ.

La poursuite de l’application de la NPRM pour l’activité opérationnelle figure dans le PLF pour 2022. Nous n’en connaissons pas les détails précis – les derniers arbitrages ministériels sont en cours – mais une communication minimale suscite des inquiétudes. Cela ne durera pas et je ne doute pas que cette disposition sera bien accueillie.

Le bloc suivant, pour 2023, est en cours de discussion. Nous sommes attentifs à la fiscalisation de l’indemnité pour charge militaire, qui deviendra l’indemnité de garnison (IGAR). Nous en percevons encore mal la portée parce que les effets fiscaux sont individuels, foyer par foyer, et que le franchissement du seuil d’imposition et ses incidences sur les prestations sociales sont difficiles à quantifier. Nous devons mieux analyser le dispositif avant de l’appliquer.

L’intelligence artificielle est une réalité dont nul ne perçoit les effets réels dans la société. Il convient d’exploiter toutes ses possibilités, notamment pour les capacités de commandement et de renseignement, sachant que ce nouvel espace offrira aussi des capacités d’attaques adverses.

Les possibilités offertes par les « soldats augmentés », que je ne lie pas à la seule intelligence artificielle, soulèvent des questions éthiques. Le comité d’éthique a rendu un rapport et a fait valoir une position à la fois ambitieuse et calibrée sur ce qu’il est légitime d’envisager. La question est grave car, comme pour les mines antipersonnel, nos adversaires n’auront pas toujours les mêmes préventions. Ce n’est pas parce que l’adversaire se permet d’utiliser des techniques extrêmes que nous sommes obligés de les suivre. Nous avons intérêt à trouver le bon équilibre pour définir la légitimité de l’emploi de ces moyens.

Le ministère des armées a défini une stratégie environnementale que l’armée de Terre a décliné et dans laquelle elle s’est pleinement engagée. Par « nature », l’armée de Terre est confrontée aux questions environnementales. Au Sahel, les effets du réchauffement climatique sur la conflictualité et les déséquilibres locaux sont visibles. Déployés sur une frontière mouvante, nous constatons tous les jours les conséquences de l’avancée du désert. Sur le territoire national, l’armée de Terre est gestionnaire d’espaces très étendus puisqu’elle est l’un des principaux acteurs fonciers de l’État. Une part importante de ces surfaces est d’ailleurs classée Natura 2000. L’armée de Terre occupe 170 000 hectares de terrain faisant l’objet de programmes de biodiversité.

La frugalité énergétique est d’actualité. La réduction de la consommation d’énergie procure un bénéfice opérationnel en termes de ravitaillement pour nos convois et nos implantations. Les hélicoptères sont de gros consommateurs d’énergie fossile sans qu’il existe de possibilité d’y remédier à moyen terme. Il s’agit de trouver un équilibre entre la contribution à la politique environnementale de la Nation et du ministère tout en maintenant une liberté d’action. La taxonomie européenne est importante même si l’armée de Terre, à ce stade, n’est pas directement concernée. Le chef d’état-major de l’armée de Terre que je suis ne s’interroge pas moins sur la façon dont les industries de défense peuvent être exemptées, dans des limites à définir, de l’application des règles de verdissement.

Mme la présidente François Dumas. Je vous indique, général, qu’avec mon collègue Jean-Louis Thiériot nous avons proposé aux membres de la commission, et bien au-delà, de signer une proposition de résolution européenne à ce sujet.

Je vous remercie pour cette première audition, général, et pour ces explications précises et franches. Elles ont bien montré que les engagements budgétaires, plus particulièrement depuis 2017, ont contribué à la modernisation de nos armées.

Nous sommes au milieu du gué. Il faudra donc veiller à ce qui se passera après 2022. Nous sommes décidés à être présents pour vous et nous encourager à faire preuve de détermination afin de défendre les budgets des années à venir.

Je souligne également que l’armée de Terre incarne sans contestation aucune la diversité de la France. Elle est un magnifique vecteur de promotion sociale et de confiance en soi pour une jeunesse parfois en difficulté. Votre action en la matière est belle, continue ; elle nous honore et nous oblige.


—  1  —

II.   Examen des crédits

La commission a examiné, pour avis, sur le rapport de Mme Sereine Mauborgne, les crédits relatifs à « Préparation et emploi des forces : forces terrestres » de la mission « Défense », pour 2022, au cours de sa réunion du 20 octobre 2021.

 

Un débat suit l’exposé de la rapporteure pour avis.

*

*    *

La commission en vient à l’examen, pour avis, des crédits de la mission « Défense »

Puis la commission émet un avis XX à l’adoption des crédits de la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation ».

 


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   Annexe 1 :
Auditions et déplacements de la rapporteure pour avis

1.   Auditions

 M. le général d’armée Pierre Schill, chef d’état-major de l’armée de Terre ;

 M. le général de division Patrice Quevilly, sous-chef Performance & synthèse de l’état-major de l’armée de Terre ;

Mme l’ingénieure générale hors classe de l’armement Monique Legrand-Larroche, directrice de la maintenance aéronautique (DMAé) ;

 M. le général de division Marc Ollier, chef de la task force Simplification à l’état-major de l’armée de Terre ;

 M. le général de brigade Damien de Marsac, sous-chef Plans & programmes de l’état-major de l’armée de Terre ;

 M. le général de corps d’armée Jouslin de Noray, directeur central de la structure intégrée du maintien en condition opérationnelle des matériels terrestre (DC SIMMT).

2.   Déplacements

 Saint-Cyr-l’École – Journées des référents Simplification, innovation et numérique (RSIN) de l’armée de Terre ;

 Besançon – Visite auprès de la 1ère division, de la 7e brigade blindé et du 19e régiment du génie.

 


   Annexe 2 :
Tableau de suivi des mesures de simplification
prises par le CEMAT

Domaine

Intitulé décision CEMAT

Date attendue de mise en

œuvre

État de la mise en œuvre

Prépa ops

Autoriser le stockage des aides à la visée montées sur tous les armements de petit calibre.

01/11/20

Mis en œuvre

 

Prépa ops

Le chef de section est habilité à faire passer les CCPM (contrôle de la condition physique du personnel militaire) à sa section, y compris lorsqu’il s’agit d’une section de circonstance. Sous les ordres du chef de corps, le commandant d’unité exercera un contrôle, avec un effort particulier lorsque les CCPM sont intégrés à des mesures de gestion RH.

 

01/02/21

 

Mis en œuvre

Prépa ops

Rappeler la possibilité de percevoir des munitions de manipulation au travers de bons annuels et l’autorisation d’un stockage moins contraignant que pour les munitions réelles.

01/02/21

Mis en œuvre

Prépa ops

Autoriser la distribution par le cadre chargé des munitions d’une ou de deux grenades par personne et au maximum à deux grenadiers simultanément.

01/03/21

Mis en œuvre

 

Prépa ops

Les officiers tirs des camps reçoivent la responsabilité de l’utilisation simultanée des champs de tir. À cet effet, la PIA (publication interarmées) 207 sera amendée (proposition à faire vers l’EMA avant mars 2021) et une action de formation sera conduite vers les officiers tirs.

 

01/03/21

 

En cours

CDT/SI

Accès ESR (engagement à servir dans la réserve) permanent au quartier.

01/03/21

Mis en œuvre

RH

Mettre en ligne des cours FGE (formation générale élémentaire) sur FORM@T (portail de e-formation de l’armée de Terre (AdT).

31/03/21

Mis en œuvre

RH

Traiter en gestion le remplacement des militaires incarcérés depuis plus de 3 mois de la même façon que l’armement d’un poste vacant.

31/03/21

Mis en œuvre

 

CDT/SI

En amont du déploiement de SOSIE fin 2021, préciser un mode opératoire fiable, s’appuyant sur les outils existants, pour signer électroniquement les ordres de vol dans l’ALAT.

Le COMALAT déclinera le cadre d'emploi de cet outil destiné au commandant d'unité et à l'officier opérations, en veillant à conserver le lien physique entre ce dernier et le chef de corps.

 

30/04/21

 

En cours

CDT/SI

Rappeler dans une directive l’intérêt, le caractère officiel et le cadre d’emploi de la nouvelle messagerie officielle (NEMO) dans les unités et états-majors de l’armée de Terre.

30/05/21

Mis en œuvre

RH

Dématérialiser les arrêt-maladies

31/05/21

En cours

Soutiens

Simplifier le verso de l'OM (ordre de mission).

31/05/21

En cours

CDT/SI

Formaliser la possibilité offerte aux réservistes de travailler en télé-activité, dans le cadre et les conditions fixés par le commandement.

01/06/21

En cours

 

CDT/SI

Demander à la DIRISI (direction interarmées des réseaux d’infrastructure et des systèmes d’information de la Défense) la mise en place d’une formation d’adaptation à distance, sanctionnée par un examen, donnant accès à de nouveaux droits pour les CORSICs.

 

01/06/21

 

En cours

 

CDT/SI

Demander à la DIRISI d'étudier l'impact d'une attribution aux CORSICs de droits de gestion des accès réseaux. À défaut, attribuer aux CORSICs l'accès en lecture seule à la liste des droits attribués sur leurs dossiers (qui a le droit de lire/écrire) afin de faire les demandes nécessaires à leur mise à jour via DIADEME.

 

30/06/21

 

En cours

 

CDT/SI

Demander à la DIRISI que le CORSIC soit automatiquement désigné comme délégué pouvant réinitialiser les mots de passe, avec mise à jour automatisée lors des mutations, sans action nécessaire de la part de l'utilisateur.

 

30/06/21

 

En cours

CDT/SI

Formaliser la portée juridique du cahier d’ordres et donner des directives générales quant à sa bonne tenue.

01/07/21

En cours

 

Prépa ops

Favoriser la création de zones de manœuvre permanentes (ZMP) en explicitant davantage la procédure à suivre et en la simplifiant dans une nouvelle directive remplaçant la n° 508600/ARM/EMAT/OAT/BEMP/NP du 11 septembre 2018.

 

01/08/21

 

En cours

RH

Autoriser l’accès à CONCERTO en consultation pour les chefs de section

01/09/21

Mis en œuvre

 

Prépa ops

Rendre accessibles aux sous-officiers BSAT (brevet de spécialiste de l’AdT) et aux CC1 (caporal-chef de 1ère classe) les fonctions de référent instruction drones DROP et NX 70 en leur ouvrant l’accès aux stages A RGE 2 1 00 REF INST DRO QT DROP et A RGE 2 1 00 REF INST DRO QT NX70 et les

formations nécessaires en prérequis de ces stages.

 

01/09/21

 

Mis en œuvre

 

MCO/EQPT

Réarticuler les contrôles du domaine maintien en condition opérationnelle (MCO) pour aboutir à un séquencement normalisé sur quatre ans des mission de contrôle et d’assistance de la maintenance (MICAM), CIPCE 2 et CIPCE 1.

 

01/09/21

 

En cours

 

MCO/EQPT

Simplifier les demandes de dérogations pour l’exécution d’actes de niveau 2 dans les NTI1 (réponse en 7 jours ouvrés, validation par le chef comptable du matériel (CDM) ou BMOI des RMAT, formulaire unique).

 

01/09/21

 

En cours

 

Prépa ops

Après avoir recherché une coordination interarmées, demander à l’état-major des armées (EMA) la réécriture de l’article R2161-2 du Code de la défense dans le but de réduire de 3 à 1 semaine les délais nécessaires pour l’information ou les demandes d’autorisation du préfet.

 

01/09/21

 

En cours

 

 

RH

En entente avec le cabinet du chef d’état-major des armées (CEMA), réduire les délais de remise des récompenses et décorations en :

– réduisant le formalisme des mémoires (récompenses et décorations) et la longueur du texte des citations ;

– améliorant la formation avant départ en opération extérieure des chanceliers des AM1 (autorité militaire de niveau 1) ;

– créant un formulaire unique de demande de récompense.

 

 

01/09/21

 

 

En cours

 

 

RH

Étudier avec l’autorité interarmées, en coordination avec les autres armées :

– la signature de certaines citations (médaille d’or de la Défense nationale avec étoile et citations sans croix simple de niveau corps d’armée maximum) est déléguée au chef d’état-major de l’armée de Terre (CEMAT) ;

– l’attribution de certaines citations (sans croix simple de niveau BRIG et DIV) est déléguée aux AM2 de théâtre (avec ou sans quota) ;

– l’opportunité de créer une nouvelle récompense à définir, attribuable par les AM1 ou les AM2 ;

– la création d’un logiciel afin de numériser le processus d’attribution des récompenses.

 

 

01/09/21

 

 

En cours

 

 

 

 

Soutiens

Demander au centre interarmées de coordination du soutien (CICoS) et aux services interarmées concernés de faire évoluer l’usage du logiciel d’appel au soutien SILLAGE sur les points suivants :

– réduire la quantité d’informations et de justificatifs (note de service en particulier) exigés dans les demandes, notamment pour les demandes relatives à l’entretien de l’infrastructure ;

– mettre à disposition davantage d’informations dans les catalogues de prestations ;

– appuyer le lancement dans chaque formation de l’armée de Terre, d’une révision des architectures de validation, dans le sens notamment de demandeurs plus nombreux et d’approbateurs moins nombreux, éventuellement centralisés à la section de coordination administrative et budgétaire (SCAB), avec un objectif de standardisation nationale ;

– permettre aux soutenants de modifier une demande SILLAGE mal formulée sans solliciter de nouveau le demandeur en exigeant qu’il modifie sa demande initiale.

 

 

 

 

01/09/21

 

 

 

 

En cours

 

 

 

Soutiens

Demander au CICoS de faire évoluer l’appel au soutien en :

– standardisant le périmètre d’utilisation du logiciel SILLAGE et en le restreignant aux demandes visant à consommer directement des ressources financières ou matérielles ;

– favorisant, au moins pour le soutien administration générale et soutien commun (AGSC), la logique de guichet et de demandes uniques pour le soutien d’activités collectives, en tirant le maximum d’avantages de la relation SCAB - pôle SCA ;

– organisant un groupe de travail sous présidence EMA ou EMA/CICoS visant pour les armées, et en particulier l’armée de Terre, à faire part de ses besoins et souhaits dans le cadre des futures procédures d’appel au soutien (EURÊKA).

 

 

 

01/09/21

 

 

 

En cours

 

 

Soutiens

Alléger les impératifs de l’échelon central dans la programmation par les formations Terre de l’emploi des crédits budgétaires « condition du personnel » qui leur sont alloués, en privilégiant une programmation non par événement ou action mais par catégorie d’évènements et rythme prévisionnel de consommation et en améliorant la pertinence du contrôle interne exercé par les zones Terre (ZT) via un contrôle a posteriori et un système de sanctions pour les formations ne respectant pas les directives d’emploi de ces crédits.

 

 

01/09/21

 

 

En cours

 

 

Soutiens

Obtenir du CICoS la suppression pour les formations de l’armée de Terre de l’obligation de fournir systématiquement un devis à l’appui de leurs demandes de dépense de crédits « allocation pour l’amélioration du cadre de vie » (AACV) et obtenir, chaque fois que cela est possible, le remplacement du devis en bonne et due forme par un court dossier de présentation accompagné d’une évaluation du coût tirée de catalogues ou d’exemples de prix constatés.

 

 

01/09/21

 

 

En cours

RH

Réduire le nombre de dossiers de désertion gérés par les formations de l’armée de Terre.

30/09/21

En cours

RH

Réduire et déléguer les FUD (formulaire unique de demande).

30/09/21

En cours

 

CDT/SI

Regrouper dans un portail fédérateur animé et administré par le CFT (commandement des forces terrestres), par niveau de responsabilité (chef de groupe, chef de section, commandant d'unité et chef de corps) les documents (ou liens vers ces documents) essentiels. Chaque commandement, arme ou pilier est responsable de la sélection et de la mise à jour régulière de sa documentation ou des liens vers cette documentation.

 

30/09/21

 

En cours

 

CDT/SI

Permettre aux formations de l’armée de Terre de déclencher, de manière déconcentrée, des formations externalisées aux outils bureautiques en s’appuyant sur l’offre locale, si les moyens actuellement à disposition ne suffisent pas.

 

30/09/21

 

En cours

CDT/SI

Préciser le rôle et les outils disponibles aux CORSICs pour créer une communauté de travail, réinitialiser les mots de passe intradef, accéder à un ordinateur à distance pour un dépannage simple.

30/09/21

En cours

Prépa ops

Autoriser d’emblée le stockage décentralisé d’un volume limité de munitions de sécurité dans des locaux ou espaces sécurisés désignés par le commandant de formation administrative.

01/10/21

En cours

 

Prépa ops

Ouvrir la possibilité aux CC1 (caporal-chef de 1ère classe) affectés sur un poste de responsabilité de niveau 7 (chef de groupe ou équivalent), sur décision du commandement et après appréciation des qualités pédagogiques et techniques des intéressés, d’accéder à la formation de moniteur ISTC (instruction sur le tir de combat).

 

01/10/21

 

En cours

 

Prépa ops

Dans le cadre de la mise en condition finale Sentinelle, passer de 6 mois à 1 an la durée de validité des formations au bâton télescopique de défense (BTD), à la mise en œuvre de l’ANP (appareil normal de protection) et des moyens de détection individuels NRBC, et au cadre juridique.

 

01/10/21

 

En cours

Prépa ops

Harmoniser les fiches A et B des EEN2 et 3 pour aboutir à un formulaire unique accessible sur les sites du COM E2CIA. En étudier l’extension progressive aux EEN1.

01/10/21

En cours

CDT/SI

En lien avec CFT, demander à DGA/UM SNUM de référencer en tant que liens sponsorisés les sites et documents les plus utilisés de l'adT.

01/10/21

En cours

RH

Supprimer l’obligation de double entretien de communication de la notation MDR.

31/10/21

Mis en œuvre

RH

Automatiser la conversion chiffrée des performances CCPM saisies dans CONCERTO.

31/10/21

En cours

RH

Réduire la rigidité de la procédure FUD-DAF pour la MEF sous-officiers.

31/10/21

En cours

RH

Réduire l’instabilité du calendrier des actions de formation (CAF) destinées aux sous-officiers et atténuer la logique nominative des places de formation offertes.

31/10/21

En cours

Prépa ops

Étudier, puis mettre en œuvre, une refonte de la formation à la conduite des VLTT 4x4.

01/11/21

En cours

 

Soutiens

Adapter le renouvellement de certaines articles courants (à déterminer) en exprimant plus précisément le besoin réel des différents militaires de l'adT à l'EMA et au service du commissariat des Armées (SCA).

 

30/11/21

 

En cours

MCO/EQPT

Acheter et mettre en place, pour les PP LOG, des dispositifs de marquage.

01/12/21

En cours

CDT/SI

Proposer des pistes de simplification dans la conduite des projets de systèmes d’information.

01/12/21

en cours

 

RH

Afin de pallier l’absence de solution numérique avancée (usage de la carte individuelle multiservices, projet d’identifiant numérique individuel, partage de la donnée CONCERTO), faciliter la prise en charge des militaires de l’armée de Terre par leurs formations d’emploi temporaire en leur permettant de télécharger par Internet sur le site « RH-Terre » une fiche CONCERTO de type « informations administratives » en format exploitable et diffusable.

 

01/12/21

 

En cours

MCO/EQPT

Mettre en place les mesures permettant de renouveler et d’accroitre progressivement le nombre de caisses CLOP.

31/12/21

En cours

MCO/EQPT

Acheter des conteneurs neufs aptes au transport de munitions pour doter chaque régiment de 2 conteneurs KC20 (conteneur de 20 pieds).

31/12/21

En cours

Soutiens

Demander au SCA de mettre en dotation aux réservistes en formation initiale un 3ème treillis (pantalon et veste) issu du "classement 2".

31/12/21

Mis en œuvre

 

Prépa ops

Créer, ou mettre à jour, les SAIQ (systèmes d’aide à une instruction de qualité) pour les formations initiales et générales (DRH-AT), les MCT de niveau 7 à 6 (ODFIs sous couvert DRH-AT), les MCT de niveau 5 (PILDOM sous couvert COME2CIA), et les formations de spécialité et la préparation opérationnelle métier de niveau 7 à 5 par fonction opérationnelle (PILDOMs). Regrouper ces SAIQ ou liens vers ces SAIQ dans FORM@T.

 

01/01/22

 

En cours

Prépa ops

Intégrer les liens vers les SAIQ régimentaires dans le futur portail documentation du chef au contact.

01/01/22

En cours

 

Prépa ops

Mener une action d’information de l’administration centrale des MININT et MINARM et de toute la chaine OTIAD quant à la nécessité pour l’armée de Terre de pouvoir disposer de ZMP et quant à leurs conditions d’autorisation et d’utilisation.

 

01/01/22

 

En cours

 

Soutiens

Offrir aux militaires de l’armée de Terre la possibilité de remplacer à titre onéreux la plupart des articles de leur paquetage (hors effets spécifiques), exclusivement sur le site e-habillement du SCA, hors limitations de durée et de dotation en points, avec mention de l’interdiction de revente des articles par l’utilisateur final. La couverture juridique sera consolidée avec l’EMA. Une communication adaptée sera associée afin de réduire le risque pour la réputation de l’armée de Terre.

 

01/01/22

 

En cours

 

Soutiens

Étudier avec l'EMA la généralisation à tous les pôles SCA la possibilité pour les militaires de l'armée de Terre de réintégrer, directement ou indirectement via le réseau habillement - soutien du combattant de leur formation, leurs effets de paquetage usagés ou obsolètes, afin de recycler et éliminer ces effets ou les remployer pour des activités d'aguerrissement ou salissantes.

 

31/03/22

 

En cours

 

CDT/SI

En cohérence et accompagnement du déploiement des logiciels LIVE et SI-Activité, développer et déployer un portail fédérateur unique regroupant et pilotant tous les applicatifs utiles aux chefs au contact sur la base du logiciel ATOM.

Ce portail nommé LIVE-ATOM ou ATOM NG sera déployé dans sa version initiale (80% des fonctionnalités cibles) fin 2021, et dans sa version finale (100% des fonctionnalités cibles) à l’été 2022.

 

01/06/22

 

En cours

RH

Étudier la création d'une contravention relative au délit de désertion hors temps de guerre

30/06/22

En cours

RH

Supprimer les   redondances   inutiles   entre   FGE   et   formations   d’adaptation   complémentaires qualifiantes (FACQ).

30/06/22

En cours

 

CDT/SI

Rappeler et encadrer la possibilité de mettre à disposition des réservistes des moyens informatiques de travail en mobilité, même hors convocation. Doter les officiers réservistes en situation d’encadrement de ces moyens, en réponse au besoin exprimé par le COMTN.

 

01/12/22

 

En cours

 

 


([1]) Actualisation 2021 de la revue stratégie de défense et de sécurité, ministère des Armées.  

([2]) Loi n° 2018-607 du 13 juillet 2018 relative à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense.

([3]) Entretien avec le général Pierre Schill, le 13 septembre 2021.  

([4]) Audition du général Pierre Schill, le 12 octobre 2021, en annexe au présent rapport. 

([5]) Entretien avec le général Pierre Schill, le 13 septembre 2021. 

([6]) Indicateur 5.1 des projet et rapport annuel de performances.

([7]) Entretien avec le général Pierre Schill, le 13 septembre 2021. 

([8]) Audition du général Pierre Schill, le 12 octobre 2021, en annexe au présent rapport.  

([9])  Entretien avec le général Pierre Schill, le 13 septembre 2021. 

([10]) Audition du général Pierre Schill, le 12 octobre 2021, en annexe au présent rapport. 

([11]) Inspection de l’armée de Terre, Plan d’action Simplification, 11 janvier 2021.

([12]) Ministère des Armées, Actualisation stratégique 2021, 21 janvier 2021, page 44. 

([13])  Audition, à huis clos, de M. le général d’armée Thierry Burkhard, chef d’état-major de l’armée de Terre sur l’actualisation de la LPM 2019-2025, mercredi 23 juin 2021, séance de 9 h 30, compte rendu n° 68.