N° 4601
______
ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2021.
AVIS
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES
SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2022 (n° 4482)
TOME VII
DÉFENSE
ÉQUIPEMENT DES FORCES – DISSUASION
PAR M. Christophe LEJEUNE
Député
——
Voir le numéro : 4524 (annexe 12).
— 1 —
SOMMAIRE
___
Pages
Un budget historique, venant conclure un quinquennat à la hauteur des enjeux stratégiques
a. En 2017, la France n’était plus suffisamment armée face à l’accélération des désordres du monde
b. 295 milliards sur la période 2019-2025 : une LPM à la hauteur des enjeux
2. L’investissement dans la Défense au service de la croissance et de l’emploi
a. L’impact multiplicateur de la Défense sur l’économie
b. La contribution de la Défense à l’économie des territoires
B. Malgré la crise sanitaire, l’année 2021 a vu la poursuite de la remontée en puissance des armées
1. La résorption des effets délétères de la crise sanitaire
a. Le rattrapage des retards constatés en 2020
b. La reprise de l’export, une tendance salutaire
2. La poursuite d’un ambitieux programme de réarmement
a. Les principales livraisons intervenues en 2021
b. Les principales commandes notifiées en 2021
II. Les crédits ouverts en 2022 atteignent un niveau inégalé
A. Une remontée en puissance cohérente et globale
1. Les grands équilibres du programme 146
a. Un budget en hausse de près d’un milliard d’euros
b. Les principales commandes et livraisons attendues en 2022
2. Des ressources qui bénéficient à l’ensemble des systèmes de force
a. Les crédits de la dissuasion
b. Les crédits d’équipements de commandement et de maîtrise de l’information
c. Les crédits d’équipements de projection, de mobilité et de soutien
d. Les crédits d’équipements d’engagement et d’équipement de combat
e. Les crédits d’équipements de protection et de sauvegarde
f. Les crédits de préparation et de conduite des opérations d’armement
g. Les crédits issus de contributions étrangères et de programmes civils
B. Les points d’attention du rapporteur
1. La poursuite de l’effort de la Nation au-delà de 2022
a. Les questionnements issus de l’actualisation de la programmation
b. L’Ambition 2030 : le réarmement s’inscrit dans un cadre pluriannuel
a. Inquiétudes sur la relation franco-britannique
b. Interrogations sur la relation franco-allemande
c. Satisfactions avec nos autres partenaires
Face au retour du fait nucléaire, la dissuasion nucléaire est en plein renouvellement
A. La posture française de dissuasion nucléaire
1. Une doctrine stable, toujours plus ouverte vers l’Europe
2. Une posture dont la crédibilité ne souffre d’aucune contestation
a. Les moyens de la dissuasion
b. La démonstration de la crédibilité de la dissuasion
B. Les raisons du renouvellement de la dissuasion française
1. L’instabilité croissante des équilibres dissuasifs
2. La nécessité de s’adapter aux menaces comme aux évolutions technologiques
II. L’état d’avancement de la modernisation et du renouvellement des équipements de la dissuasion
1. La composante nucléaire aéroportée
2. La composante nucléaire océanique
3. La « troisième composante » : les transmissions
B. Les points d’attention du rapporteur
1. Le maintien des compétences
2. Le futur porteur de la composante aéroportée
3. L’anticipation des prochaines ruptures technologiques
4. L’environnement politique, diplomatique et juridique
5. La coopération européenne et franco-britannique autour des installations du programme Simulation
I. Audition de M. Joël Barre, délégué général pour l’armement
Annexe : Travaux du rapporteur pour avis
— 1 —
« Si vis pacem, para bellum. »
Déclenchée le 15 août 2021 par le Président de la République afin d’exfiltrer de Kaboul les ressortissants français et les Afghans menacés par la dégradation de la situation sécuritaire et le brutal retour au pouvoir des Talibans, l’opération Apagan a permis d’évacuer 2 834 personnes, en 42 vols en moins de deux semaines, dont 26 entre Kaboul et Abu Dhabi. Succès incontestable, Apagan a aussi mis en lumière la performance du couple constitué par les avions A400M et A330 MRTT. Si des aéronefs plus anciens ont également été déployés dans le cadre de cette opération, à l’instar de C130 ou A310, ces nouvelles capacités ont été au cœur du double pont aérien dressé entre Kaboul, Abu Dhabi et Paris.
2021 a aussi vu le déploiement en bande sahélo-saharienne (BSS) d’un premier groupement tactique interarmes (GTIA) « scorpionnisé », comprenant 32 véhicules Griffon. Malgré la reconfiguration de l’opération Barkhane, les armées françaises continuent de combattre sans relâche le terrorisme au Sahel, où les drones Reaper récemment armés effectuent dorénavant plus de la moitié des frappes.
En outre, alors que la première frégate multimissions (FREMM) à capacité de défense aérienne renforcée a été livrée à la marine en avril 2021, vient de se tenir en Méditerranée, du 27 septembre au 15 octobre 2021, l’exercice de haute intensité de projection de puissance Cormoran. Celui-ci a réuni 1 300 militaires de la marine nationale et de l’armée de terre, un groupe naval aéromobile (GNAM) composé de deux porte-hélicoptères amphibies – le Tonnerre et le Mistral – et de deux groupements aéromobiles armés de 24 hélicoptères.
À l’heure où le Parlement est saisi de l’examen du dernier projet de loi de finances de la XVème législature, l’évocation des opérations est essentielle pour apprécier l’évolution de l’effort de la Nation en faveur de la Défense. Car au fond, c’est bien la finalité du budget que de permettre à nos armées d’être prêtes à répondre aux ordres du Président de la République pour défendre la France et les Français.
Avec près de 41 milliards d’euros, les ressources allouées à la mission « Défense » par le projet de loi de finances pour 2022 atteignent un niveau historique. En hausse de 4,34 % et 1,7 milliard d’euros, le montant proposé par le projet de budget est conforme à la trajectoire de la loi de programmation militaire du 13 juillet 2018 pour les années 2019 à 2025 (LPM). Avec plus de 17 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 14,5 milliards d’euros, le programme 146 « Équipement des forces » en est le principal bénéficiaire, puisqu’il se voit affecté plus de la moitié des nouveaux crédits.
Ces ressources supplémentaires permettront de poursuivre le vaste plan de réarmement engagé depuis 2017, qui a vu le budget de la défense passer de 32,3 à 40,9 milliards d’euros, celui du programme 146 passant quant à lui de 10,05 à 14,5 milliards d’euros, soit une hausse de 44,3 % entre la loi de finances initiale pour 2017 et le présent projet de budget.
C’est ainsi que l’année 2022 verra notamment la livraison d’un Rafale – le premier depuis 2016 – de deux A400M et trois MRTT Phénix, de 20 fusils brouilleurs, d’une frégate multi-missions de défense aérienne et du deuxième sous-marin du programme Barracuda – le Duguay-Trouin – ou encore de 245 nouveaux véhicules du programme Scorpion – Griffon, Jaguar et Serval – de 14 drones tactiques et, dans le domaine spatial, d’un système de renseignement Cérès, d’un satellite d’observation MUSIS et d’un satellite de communication Syracuse IV.
Les armées continuent donc de se moderniser et de se renforcer. La détérioration du contexte stratégique le rend indispensable, l’actualisation de la Revue stratégique publiée au début de l’année 2021 ([1]) ayant fait le constat d’une accélération des désordres du monde anticipés dès 2017. Dans ce contexte, le rapporteur se propose de dresser, en première partie du présent rapport, un premier bilan de la LPM et une analyse des évolutions permises par les crédits inscrits en PLF 2022.
Les bouleversements stratégiques à l’œuvre se sont notamment traduits par le retour du « fait nucléaire », mis en lumière par la Revue stratégique de 2017. Celui-ci a conduit le Président de la République à considérer, dans son discours du 7 février 2020 ([2]), que la modernisation et le renouvellement des composantes de la dissuasion n’était pas une option mais bel et bien une nécessité. Le 19 février 2021, Mme Florence Parly, ministre des Armées, a annoncé le lancement en réalisation du programme de sous-marin nucléaire lanceur d’engins de 3ème génération (SNLE 3G). La solution technologique retenue pour le futur missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN 4G), vecteur de la composante nucléaire aéroportée devrait par ailleurs être prochainement arrêtée. C’est dans ce contexte que le rapporteur a décidé de consacrer la seconde partie de son rapport aux enjeux du renouvellement de la dissuasion.
Le rapporteur pour avis avait demandé que les réponses à son questionnaire budgétaire lui soient adressées au plus tard le 10 octobre 2021, date limite résultant de l’article 49 de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. À cette date, la totalité des réponses lui étaient parvenues.
Un budget historique, venant conclure un quinquennat à la hauteur des enjeux stratégiques
I. Face aux bousculements du monde, la loi de programmation militaire redonne à la France les moyens de son autonomie stratégique
A. La LPM soutient un indispensable effort de réarmement, dont les effets rejaillissent sur l’économie nationale
1. Face à la dégradation du contexte stratégique, un impérieux besoin de remontée en puissance des armées
a. En 2017, la France n’était plus suffisamment armée face à l’accélération des désordres du monde
Lors de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées de l’Assemblée nationale, le 5 octobre 2021, la ministre des Armées rappelait que « Lorsque le Président de la République a été élu, la situation de nos armées n’était pas comparable à ce qu’elle est aujourd’hui. Le ministère des Armées était usé et fracturé par des années difficiles, au cours desquelles nos militaires et les agents civils avaient été soumis à des tendances contraires, résultant d’un véritable paradoxe : les budgets étaient toujours plus contraints, des réductions drastiques d’effectifs étaient intervenues, des unités avaient été dissoutes, certains programmes avaient été volontairement retardés, voire arrêtés, d’une part ; et, d’autre part, l’engagement de nos armées, en opérations extérieures comme sur le territoire national, allait croissant. ([3]) »
En effet, malgré les effets de l’Actualisation de la programmation militaire ([4]), portée par l’actuel ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, M. Jean-Yves Le Drian, les armées avaient été fortement éprouvées par les effets délétères de la Revue générale des politiques publiques (RGPP), mise en œuvre sous le mandat de M. Nicolas Sarkozy, et plus largement par des années de naïveté et de renoncements. C’est ainsi qu’à l’occasion de son discours du 7 février 2020 précité, le Président de la République, rappelait qu’« Au lendemain de la guerre froide, une vision idéaliste a accrédité l’idée que le monde était devenu moins dangereux et a conduit à réduire progressivement la part de notre richesse nationale consacrée à la défense. C’était, au fond, l’époque des dividendes de la paix. »
Plus largement, la baisse de la part de la richesse nationale allouée à l’effort de la Défense a été continue depuis le début des années 1960, passant sous le seuil des 2 % du produit intérieur brut (PIB) – objectif fixé par l’OTAN – à la fin des années 1990. C’est pourquoi l’article 2 de la LPM fixe l’objectif de porter l’effort national de défense à hauteur de 2 % du PIB au terme de la programmation, soit en 2025. Selon les données publiées par l’OTAN, la France consacrait ainsi 1,84 % de sa richesse nationale en 2019, la plaçant selon ce critère au onzième rang des pays de l’Alliance atlantique.
budget de la défense des pays de l’OTAN, en pourcentage du PIB
Source : OTAN, estimations pour 2019.
En 2020, l’abaissement du PIB du fait de la crise sanitaire a conduit la France à dépasser la barre des 2 %. S’il convient de saluer le maintien de l’effort de la Nation en direction de la Défense, le rapporteur ne considère pas pour autant la situation satisfaisante en l’état. Il reste nécessaire de maintenir la trajectoire prévue par la LPM et de tendre vers un investissement d’un montant de 50 milliards d’euros.
Quoiqu’il en soit, l’effort de réarmement engagé par le Président de la République, le Gouvernement et sa majorité est d’autant plus indispensable que l’Europe a tardé à prendre conscience du caractère mythique des dividendes de la paix. Les puissances établies – à l’instar des États-Unis ou de la Russie – comme de nouveaux acteurs militaires – au premier rang desquels la Chine – et des puissances régionales – parmi lesquelles la Turquie ou l’Iran – n’ont en effet pas fait preuve du même attentisme et ont repris, voire accéléré, une forme de course aux armements. Et ce alors que le contexte international ne cessait de se dégrader. Lors de son audition devant la commission de la Défense nationale et des forces armées, le général de Villiers, alors chef d’état-major des armées, constatait ainsi qu’en 2017, les ventes d’armes dans le monde avaient leur niveau de la fin de la guerre froide, ajoutant que « les dépenses militaires représentent environ 1 700 milliards de dollars, soit 2,3 % du PIB mondial » ([5]) Le chef d’état-major des armées estimait ainsi que « l’avantage dont disposaient l’Europe et l’Occident [était] en train de fondre » et que « l’heure de l’insouciance a[vait] sonné ». À titre d’exemple, il indiquait que pris dans leur ensemble, les pays européens ne consacrent que 1,2 % de leur PIB à la défense, quand les États-Unis y consacrent 3,3 % et la Russie, 3,7 %, précisant que « si, en 2000, les Européens alignaient 4 000 avions de combat, ils n’en totalisent aujourd’hui qu’environ 2 000 et les projections laissent craindre que nous passions sous la barre des 1 500, à l’horizon 2030 ».
Une réaction était attendue : elle est à la hauteur des enjeux.
b. 295 milliards sur la période 2019-2025 : une LPM à la hauteur des enjeux
La LPM 2019-2025 constitue une rupture majeure à plusieurs titres :
– elle soutient un effort financier exceptionnel au profit de la défense afin d’atteindre un budget à hauteur de 2 % du PIB à horizon 2025, soit environ 50 milliards d’euros au regard des prévisions d’alors sur l’évolution de la croissance nationale ;
– elle fixe un cap solide et soutenable, n’étant assise sur aucune hypothèse hasardeuse comme cela a pu être le cas par le passé, avec notamment la prise en compte de ressources extra-budgétaires ;
– elle s’inscrit dans le temps long, en prévoyant une phase de réparation au cours des quatre premières années de la programmation, une phase de remontée en puissance à l’horizon 2025, puis une phase de préparation de l’avenir avec la définition d’une « Ambition 2030 ».
En définitive, la LPM prévoit de consacrer à la mission « Défense », c’est-à-dire au budget des armées stricto sensu, hors budgets consacrés aux anciens combattants ou à la gendarmerie nationale, 197,8 milliards d’euros entre 2019 et 2023 et au total, 294,8 milliards d’euros sur la période de la programmation.
Une étude de l’évolution annuelle de la dotation budgétaire allouée à la mission Défense éclaire de manière encore plus nette l’ampleur de l’effort de la Nation. C’est ainsi que le budget de la mission de la Défense a cru de 8,7 milliards d’euros depuis 2017, passant de 32,2 à 40,9 milliards d’euros.
Jusqu’à présent, la trajectoire de la LPM a donc été parfaitement respectée, avec l’augmentation annuelle des ressources de la mission « Défense » à hauteur de 1,7 milliard d’euros.
Évolution du budget de la Défense* depuis 2009 et programmation 2019-2025
(en milliards d’euros courants de crédits de paiement)
(*) Mission « Défense », hors pensions. (**) Moyenne calculée sur les deux années restant pour atteindre 295 milliards d’euros en 2025.
Source : Rapport de M. Jean-Jacques Bridey sur le sur le projet de loi (n° 659) relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, tome I.
S’agissant plus précisément des crédits d’équipements, leur évolution depuis le début du quinquennat a ainsi déjà permis d’engager une importante modernisation des forces, avec par exemple la livraison :
– pour l’armée de terre, de 339 véhicules blindés Griffon, 20 véhicules blindés Jaguar, 15 hélicoptères Caïman, 12 hélicoptères Tigre – nouveaux et rénovés ;
– pour la marine nationale, de cinq hélicoptères Caïman Marine, de trois frégates multi-missions (FREMM) dont une à capacité de défense aérienne renforcée, d’un sous-marin nucléaire d’attaque, de six avions de patrouille maritime Atlantique 2 rénovés, d’un patrouilleur Antilles-Guyane et d’un bâtiment de soutien et d’assistance outre-mer
– pour l’armée de l’air et de l’espace, de cinq avions ravitailleurs multi-rôles MRTT Phénix, quatre avions de transport A400M Atlas, deux avions KC-130J de transport tactique et de ravitaillement en vol, deux systèmes de drones Reaper et un satellite d’observation MUSIS-CSO.
2. L’investissement dans la Défense au service de la croissance et de l’emploi
a. L’impact multiplicateur de la Défense sur l’économie
Si le haut niveau d’investissement dans la défense est indispensable pour donner à nos armées les moyens de conduire leurs missions, il convient également de souligner qu’il rejaillit directement sur l’économie nationale. D’abord en raison du poids du secteur de la défense dans l’économie. Comme l’indique une étude de MM. Jean Belin et Julien Malizard, titulaire et titulaire adjoint de la chaire « économie de défense » – IHEDN ([6]), « l’activité des entreprises de la base industrielle et technologique de défense (BITD) génère environ 200 000 emplois directs – paiements directs – et indirects – sous-traitants – et un grand nombre d’emplois induits, générés par les consommations des employés directs et indirects. »
En outre, l’impact multiplicateur de la Défense sur l’économie est particulièrement fort. Dans leur rapport flash sur La place de l’industrie de Défense dans la politique de relance ([7]), MM. Benjamin Griveaux et Jean-Louis Thiériot relevaient ainsi que s’agissant des dépenses d’armement, les évaluations les plus souvent citées mesurent ce multiplicateur à 1,27 à court terme et 1,68 à long terme, le Cercle des économistes l’évaluant à 2 à l’échéance de dix ans.
Il ressort de ces différentes estimations que les dépenses en direction de la Défense ont un impact plus important que celles effectuées dans d’autres secteurs de l’économie, notamment car il s’agit de dépenses d’investissement – et non de fonctionnement – et qu’elles viennent alimenter des industriels et leurs chaînes de sous-traitances majoritairement françaises, implantées sur l’ensemble du territoire.
b. La contribution de la Défense à l’économie des territoires
Notre autonomie stratégique repose notamment sur la capacité de notre pays à produire lui-même ses matériels militaires. Dans ce contexte, tous les territoires français bénéficient des investissements de l’État dans la défense, comme le montre la carte présentée ci-dessous, issue du document de présentation du projet de loi de finances 2022 publié par le ministère des Armées.
Un budget 2020 de 37,5 milliards d’euros qui a profité à tous les territoires
Source : ministère des Armées
B. Malgré la crise sanitaire, l’année 2021 a vu la poursuite de la remontée en puissance des armées
1. La résorption des effets délétères de la crise sanitaire
a. Le rattrapage des retards constatés en 2020
À l’instar de l’ensemble des secteurs de l’économie, la base industrielle et technologique de défense n’a pas été épargnée par la crise sanitaire, en particulier durant les premiers mois de la pandémie. Toutefois ainsi que le rapporteur l’avait déjà montré l’an dernier, la crise sanitaire n’a pas empêché le franchissement de plusieurs jalons majeurs tels que la livraison à l’armée de l’air et de l’espace du 17ème A400M, les livraisons à l’armée de terre de véhicules de l’avant blindé équipés de dispositifs de protection contre les engins explosifs improvisés, ou encore la livraison à la marine nationale du premier sous-marin nucléaire d’attaque du programme Barracuda.
L’arrêt de l’activité durant les premières semaines du confinement a néanmoins eu des incidences sur le calendrier de livraisons de la plupart des programmes, et ce d’autant que le fonctionnement de la direction générale de l’armement elle-même a été perturbée. Parmi les principaux retards, citons un avion de patrouille maritime Atlantique 2, un lot de torpilles lourdes F21 Artémis, quatre segments sol utilisateurs Syracuse IV, 200 radios CONTACT, quatre engins blindés de reconnaissance et de combat (EBRC) Jaguar, 38 véhicules blindés multi-rôles (VBMR) lourds Griffon, 20 véhicules blindés légers régénérés, deux NH90 et un lot de missiles de croisière navals (MdCN) pour les sous-marins du programme Barracuda.
À l’époque, la DGA s’est fixé comme objectif de rattraper l’ensemble des retards d’ici la fin de l’année 2021, ce qui sera bien le cas. Il convient donc de saluer les efforts fournis par les industriels et l’action de la direction générale de l’armement, qui ont trouvé les ressources nécessaires pour amortir le choc. De manière générale, le ministère des Armées a agi de manière déterminée pour soutenir l’activité de la BITD, au travers de diverses mesures allant de dispositifs de soutien de trésorerie à la passation de nouvelles commandes, en particulier dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique.
Mesures prises pour soutenir la trésorerie des entreprises et pour préserver les entreprises de prises de participation hostiles
La DGA a mis en place en 2020 un dispositif exceptionnel, nommé task force « sauvegarde BITD », visant à :
- fiabiliser sa cartographie des entreprises critiques de la BITD ;
- évaluer les conséquences de la crise sur la pérennité de ces acteurs ;
- mettre en place, pour les entreprises dont la situation l’impose, des mesures de soutien adaptées.
Parmi les 1 300 entreprises d’intérêt particulier pour la défense relevant de la base industrielle et technologique de défense, 6 % d’entre elles étaient concernées par des problèmes graves de trésorerie remettant en cause leur pérennité à court ou moyen terme. Pour certaines d’entre elles, des mesures concrètes de remédiation ont été déclenchées afin de pérenniser les activités critiques pour la défense en situation de risque avéré. Pour cela, les leviers suivants ont été employés selon la nature des problèmes identifiés :
- sécurisation des carnets de commande programmes ;
- financement court terme : en lien étroit avec Bpifrance, faciliter l’obtention de prêts afin de soutenir la trésorerie des entreprises et de permettre le redémarrage de l’activité ;
- recapitalisation : si la pérennisation de l’entreprise passe par une évolution de son actionnariat, élaboration des solutions de recapitalisation avec des investisseurs institutionnels (BPI, APE) ou privés, pour préserver les entreprises de prises de participation hostiles ;
- soutien export : mobilisation des différents moyens de soutien export (avance remboursable – article 90 - à titre d’exemple) afin de permettre à l’entreprise de trouver un relais d’activité à l’international.
Autres mesures de gestion de crise auxquelles a participé la DGA pour le ministère
Outre les mesures visant à soutenir la trésorerie des entreprises et à les préserver de prises de participations hostiles, l’action de la DGA pour soutenir l’industrie au nom du ministère des armées s’est traduite principalement par des commandes passées aux industries, telles que celles du plan de soutien à l’aéronautique.
Les commandes du plan de soutien à l’aéronautique ont été tout particulièrement conçues pour irriguer le tissu industriel dense qui constitue l’écosystème des PME et ETI fournisseurs des grands maîtres d’oeuvres tels qu’Airbus. Elles répondent aussi et avant tout à un besoin opérationnel avéré.
Par rapport aux mesures financières, ces commandes ont visé principalement à apporter un plan de charge, et donc une vision à plus long terme aux maîtres d’oeuvre industriels et à leurs sous-traitants, leur permettant ainsi de préserver les emplois de leurs salariés. Cette visibilité a également permis aux entreprises de mieux dialoguer avec les banques pour l’obtention des prêts qui leur sont indispensables.
Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire adressé par le rapporteur.
b. La reprise de l’export, une tendance salutaire
Alors que les plus grandes inquiétudes entouraient le rythme de reprise de l’export, indispensable à la vitalité de la BITD française et, ce faisant, à l’autonomie stratégique de notre pays, le rapporteur constate avec soulagement que les commandes annoncées ces derniers mois sont bien plus qu’un frémissement. Elles dessinent une tendance salutaire.
Interrogé par le rapporteur lors de son audition, M. Joël Barre, délégué général pour l’armement, souligne ainsi que le succès à l’export du Rafale ne se dément pas, malgré la déception née de la décision des autorités suisses de retenir le F35. L’Égypte a ainsi signé des contrats commerciaux pour acquérir 30 Rafale supplémentaires. L’entrée en vigueur de ce contrat permettra de compléter les 24 premiers avions commandés en 2015. Le Rafale a également séduit les autorités grecques, qui ont décidé d’acquérir 18 appareils, dont douze d’occasion, et fait récemment part de leur intention de commander six avions neufs supplémentaires.
De nouvelles commandes pourraient être annoncées à l’avenir, notamment en provenance d’Indonésie, après la signature d’une lettre d’intention à l’été 2021. La commande croate pour 12 avions d’occasion – prélevés au sein de l’armée de l’air et de l’espace – doit être confirmée d’ici la fin de l’année 2021.
Sur le segment aéronautique, Airbus a enregistré la commande de deux A400M par le Kazakhstan, annoncée à la sortie de l’été. De manière plus générale, la performance du couple A400M/MRTT durant l’opération Apagan a été remarquée, et nombre de pays pourraient chercher à acquérir ces appareils. Les Émirats arabes unis ont conclu un arrangement pour l’acquisition d’appareils MRTT supplémentaires assorti de la modernisation de leurs premiers appareils.
Dans le milieu naval, la Grèce a fait le choix de retenir l’offre française pour trois frégates militaires de défense et d’intervention (FDI) – Belharra – avec une option d’achat pour une quatrième, le contrat portant sur un montant de trois milliards d’euros. Cette annonce a accompagné la signature d’un partenariat stratégique entre les deux pays, traduction du franchissement d’une nouvelle étape de la coopération franco-grecque. Naval Group poursuit également plusieurs prospects, comme en Roumanie pour des corvettes ou aux Pays-Bas pour des sous-marins.
Dans le domaine terrestre, la République tchèque vient d’annoncer sa décision d’acquérir 52 canons Caesar produits par Nexter, pour un montant de 257 millions d’euros.
Au final, le niveau des exportations atteindra en 2021 celui des années 2018 et 2019, après une baisse sensible en 2020 en raison de l’éclatement de la crise sanitaire.
L’évolution des exportations d’armement françaises – 2018-2020
En 2018, les prises de commandes 2018 se sont élevées à plus de 9 milliards d’euros, soit une augmentation de près de 30 % par rapport à 2017. Ce bilan, qui consolide la place de la France dans le « top 5 » des exportateurs mondiaux, s’explique avant tout par la conclusion de grands contrats (six contrats d’un montant supérieur à 200 millions d’euros, dont cinq supérieurs à 500 millions d’euros). Pour la première fois, une part substantielle (un quart) de nos exportations d’armement concerne nos partenaires européens, contre seulement un dixième en moyenne les années précédentes. La région Proche et Moyen-Orient a représenté environ 50 % des prises de commandes, en recul de plus de dix points par rapport à 2017. La zone Asie-Pacifique enregistre un peu moins de 15 % du montant total, part comparable à celle observée en 2017. Le secteur aéronautique (hélicoptères et avions) représente près de la moitié des prises de commandes, suivi du secteur terrestre avec 25 %. Parmi les principaux contrats entrés en vigueur en 2018, on peut citer le contrat CAMO de renouvellement de la capacité motorisée belge (premier export pour Scorpion), l’affermissement par le Qatar, le 7 décembre 2017, de l’option au contrat de vente initial (mai 2015), portant sur 12 Rafale supplémentaires et la vente (importante part française) de 28 NH 90 au Qatar et de 23 NH 90 à l’Espagne par Airbus Helicopters.
En 2019, les prises de commandes se sont élevées à plus de 8,3 milliards d’euros. Elles ont été marquées par une part européenne encore en progression, laquelle atteint près de 45 % du total des exportations. Trois pays européens, la Belgique (contrat portant sur les chasseurs de mines), la Hongrie (contrats de ventes d’hélicoptères) et l’Espagne (vente de deux satellites de télécommunications) figuraient en effet parmi nos cinq principaux clients en 2019.
En 2020, les prises de commandes se sont élevées à 4,9 milliards d’euros. Ce résultat est en retrait par rapport à 2019, sous l’effet de la crise sanitaire. Ce montant provient pour une large part de contrats inférieurs à 200 millions d’euros, l’année 2020 n’ayant pas vu l’entrée en vigueur de grands contrats emblématiques. Toutefois, cette absence est un fait du calendrier et ne traduit pas une tendance de fond. Ce socle de contrats inférieurs à 200 millions d’euros s’est élevé à 4,4 milliards d’euros en 2020, contre 3,7 milliards d’euros en 2019, soit un montant supérieur à la moyenne enregistrée ces dernières années. Pour une part, il correspond à des activités de maintien en condition opérationnelle, de formation ou de modernisation qui découlent de grands contrats passés dans la décennie précédente, dont on mesure ainsi a posteriori le bénéfice. Pour une autre part, il correspond à des matériels moins emblématiques, sur un marché qui est particulièrement soumis à la concurrence, notamment celle à bas coût proposée par les exportateurs émergents. La part de la zone Europe représente, cette année encore, un niveau significatif, avec 25 % des prises de commande (15 % pour les pays de l’Union européenne et 10 % pour les autres pays européens). La zone Europe représente ainsi la principale destination des exportations françaises en 2020, le Royaume-Uni et la Grèce figurant parmi nos six premiers clients. La zone Proche et Moyen-Orient représente quant à elle 24 % du total. La zone Asie-Océanie enregistre environ 22 % des prises de commande, une part légèrement supérieure à celle observée ces trois dernières années. L’Afrique comptabilise, quant à elle, 16 % du total, le Maroc étant notre troisième client export en 2020 (système de défense anti-aérienne et canons CAESAR), après les Etats-Unis (sonars, sous-ensembles et divers composants) et l’Arabie saoudite (système de défense aérienne, véhicules de déminage sous-marins et munitions).
Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire adressé par le rapporteur.
À plus long terme, « l’équipe France » se positionne sur l’aviation de combat, dans un contexte de renouvellement de nombreuses flottes, mais aussi sur l’ensemble du spectre des bâtiments navals, les missiles, les satellites pour l’observation ou les télécommunications, les équipements de la gamme terrestre, portés par le programme national Scorpion, ou encore les drones, notamment le Patroller.
Dans ce contexte plutôt florissant, le rapporteur relève toutefois que les perspectives sont plus assombries sur le segment des hélicoptères, fragilisant de fait l’activité du site d’Airbus Helicopters de Marignane. Dépendant largement de l’export – à hauteur de près de 75 % hors « pays Airbus », l’entreprise fait en effet face à une concurrence accrue, et qualifiée de toujours plus « agressive » par les représentants d’Airbus entendus par le rapporteur. Celle-ci est principalement le fait des États-Unis, de la Russie, de la Chine et de la Turquie, ainsi que de l’Italie, où Leonardo bénéficie d’un soutien appuyé de l’État. Si Airbus Helicopters a été l’un des principaux bénéficiaires du plan de soutien au secteur aéronautique annoncé par le Gouvernement en juin 2020, il n’en demeure pas moins que l’entreprise n’a pas concrétisé de ventes militaires export d’importance depuis plusieurs années. Il convient donc de faire preuve de la plus grande vigilance, alors que sa robustesse conditionne notre autonomie stratégique sur le segment des hélicoptères.
2. La poursuite d’un ambitieux programme de réarmement
a. Les principales livraisons intervenues en 2021
À l’heure de l’élaboration du présent rapport, la DGA a engagé 10,49 milliards d’euros et payé 11,75 milliards d’euros, conformément à la trajectoire d’exécution des crédits prévue. Le report de charges prévu fin 2021 atteint 2,3 milliards d’euros au titre du programme 146, conformément aux dispositions de la LPM. L’année écoulée a été marquée par la concrétisation des efforts de la loi de programmation militaire, avec notamment :
– pour la marine, la livraison à l’automne 2020 du premier sous-marin nucléaire d’attaque de la classe Suffren (SNA-NG), équipé d’un missile de croisière navale (MdCN), ainsi qu’en 2021 la livraison d’un cinquième avion de patrouille maritime ATL 2 rénové, de la frégate multi-missions à capacités de défense aérienne renforcée (FREMM DA) Alsace, d’un lot de torpilles lourdes Artémis, deux ensembles d’infrastructures infrastructures FREMM à Brest et Toulon, d’un deuxième lot de missiles de croisière navals (MdCN) destinés aux sous-marins du programme Barracuda, d’un hélicoptère Caïman et une frégate légère furtive rénovée ;
– pour l’armée de terre, par la livraison des premiers véhicules du programme Scorpion (157 Griffon et 20 Jaguar), et le déploiement en bande sahélo-saharienne (BSS) d’un premier groupement tactique interarmes (GTIA) « scorpionnisé », comprenant 32 véhicules Griffon. Les premiers Jaguar seront livrés d’ici la fin de l’année 2021. À terme, l’objectif d’être en mesure de déployer une brigade interarmes (BIA) en 2023 sera atteint. Ont également été livrés cette année 12 000 fusils d’assaut de nouvelle génération HK416, 3 hélicoptères NH90 et 85 postes de tir de missile moyenne portée (MMP) ;
– pour l’armée de l’air et de l’espace, la livraison d’un A400M, de deux C130 Hercules rénovés, de trois avions MRTT, d’un ensemble d’infrastructures destiné au Rafale ou encore de 15 pods de désignation laser de nouvelle génération (PDL NG) Talios, de dix Mirage 2000D rénovés à mi-vie et de 90 missiles SCALP EG rénovés. En outre, deux lancements prévus fin octobre et début novembre permettront de déployer un satellite SYRACUSE 4A et un système CERES.
Citons également la livraison de plusieurs systèmes de lutte anti-drones, dont quatre systèmes ARLAD, trois systèmes BASSALT et 30 fusils brouilleurs.
b. Les principales commandes notifiées en 2021
L’année 2021 a également été marquée par de très nombreuses commandes, traduction de la poursuite de la modernisation des armées. C’est notamment le cas :
– pour la marine, de 45 kits Exocet MM 40 block 3c ou deux frégates de défense et d’intervention (FDI) ;
– pour l’armée de terre, de 14 hélicoptères Tigre standard 3, 12 000 fusils d’assaut de nouvelle génération HK416, 50 chars Leclerc rénovés, 14 postes de tir de missile moyenne portée ou encore 120 régénérations de véhicules blindés légers (VBL) ;
– pour l’armée de l’air et de l’espace, de radars rénovés, d’un avion léger de surveillance et de reconnaissance (ALSR) et de deux ensembles de capacités complémentaires, des douze Rafale destinés à compenser le prélèvement consécutif à la commande grecque, de quatre drones MALE européens, de neuf avions PC21, de huit hélicoptères Caracal prévus par le plan de soutien au secteur aéronautique ou encore de 367 missiles de combat air-air MICA NG et 150 missiles d’entraînement MICA NG.
II. Les crédits ouverts en 2022 atteignent un niveau inégalé
A. Une remontée en puissance cohérente et globale
1. Les grands équilibres du programme 146
a. Un budget en hausse de près d’un milliard d’euros
Les crédits inscrits en PLF 2022 s’élèvent à 14,5 milliards d’euros, contre 13,6 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2022, soit une hausse de 6,31 % et près d’un milliard d’euros. De manière plus générale, les crédits du programme 146 ont cru d’environ 45 % depuis le début de la législature.
Évolution des crédits de paiement du programme 146 (milliards d’euros)
LFI 2017 |
LFI 2018 |
LFI 2019 |
LFI 2020 |
LFI 2021 |
PLF 2022 |
10 |
10,2 |
10,8 |
12,6 |
13,6 |
14,5 |
Source : projets annuel de performance des années 2018 à 2022.
Comme chaque année, les programmes à effet majeur réunissent la majorité des ressources allouées à la mission « Défense », avec 56 % des crédits de paiement. La dissuasion représente quant à elle 30 % des crédits inscrits en PLF 2022 au programme 146. Il convient du reste de noter que les dépenses de l’agrégat dissuasion inscrites au sein de ce programme ne recouvrent pas l’ensemble des programmes concernés pas la dissuasion. À titre d’exemple, ni le Rafale, ni le MRTT, pas plus que le porte-avions ne ressortent de cet agrégat.
L’accroissement des ressources du programmes 146 permettra de poursuivre la remontée en puissance des armées, au travers de nouvelles commandes et livraisons ambitieuses et intéressant l’ensemble des armées.
b. Les principales commandes et livraisons attendues en 2022
Les trois armées bénéficieront en 2022 de nouvelles commandes et livraisons structurantes.
S’agissant de la marine nationale, l’année sera ainsi marquée par la commande de onze stations navales de communications satellites, d’un système d’accès aux réseaux intranet (RIFAN) sur frégate de défense et d’intervention, ainsi que 29 postes d’aide à l’interprétation des images. Concernant les livraisons, la marine recevra quatre avions de patrouille maritime ATL 2 rénové, un bâtiment ravitailleur, un module de lutte anti-mines du programme SLAM-F, un deuxième sous-marin de la classe Suffren, ou encore une FREMM à capacité de défense aérienne.
L’armée de terre, quant à elle, bénéficiera de la commande de 12 000 nouveaux fusils d’assaut HK 416, de 50 chars Leclerc rénovés, de 396 véhicules blindés du programme Scorpion (Jaguar, Griffon et Serval), de 200 missiles de moyenne portée ou encore 120 véhicules blindés légers régénérés. En outre, l’armée de terre se verra livrer les 14 premiers drones tactique Patroller – attendus de longue date – huit hélicoptères Caïman, 245 véhicules du programme Scorpion et 1 200 véhicules légers tactiques polyvalents, 120 véhicules blindés légers régénérés, 12 000 fusils HK 416 ou 200 missiles de moyenne portée et 26 postes associés.
Enfin, pour l’armée de l’air et de l’espace, seront commandés la rénovation de quatre avions de transport C130-H, d’un centre de commandement et de contrôle aérien et d’un radar fixe du programme SCCOA, ainsi qu’un lot de missile Aster 30. S’agissant des livraisons, elle recevra un Rafale, deux A400M, trois MRTT, 13 Mirage 2000D rénovés, le dernier des trois A330 issu du plan de soutien au secteur aéronautique, 20 fusils brouilleurs de lutte anti-drones. Sur le segment spatial, l’armée de l’air et de l’espace recevra un satellite d’observation MUSIS-CSO, un système de renseignement d’origine électromagnétique CERES et un satellite de télécommunication Syracuse IV.
2. Des ressources qui bénéficient à l’ensemble des systèmes de force
a. Les crédits de la dissuasion
Les crédits de l’action 6 « Dissuasion » connaissent une très forte hausse des autorisations d’engagement, à hauteur de 79 %, et une croissance conséquence des crédits de paiement, à hauteur de 6 %. La hausse des autorisations d’engagement s’explique par la hausse considérable de la dotation allouée aux travaux de développement et de production du troisième incrément du missile balistique nucléaire M51, ainsi que des évolutions techniques des sous-marins nucléaires lanceurs d’engin (SNLE) en service et des travaux relatifs au futur missile de la composante aéroportée.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 6 « DISSUASION »
(en millions d’euros)
Crédits par action et sous-action |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
|||||
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolution |
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolution |
||
6 |
Dissuasion |
3 502,32 |
6 277,5 |
+79% |
4 120,3 |
4 362,8 |
+6% |
06.14 |
Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ M51 |
293,49 |
1 605,03 |
+447% |
788,43 |
795,61 |
+1% |
06.15 |
Assurer la crédibilité technique de la dissuasion SNLE NG – adaptation M51 |
0 |
0 |
- |
0 |
2,98 |
|
06.17 |
Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA) |
22,48 |
50,83 |
+126% |
112,94 |
127,13 |
+13% |
06.18 |
Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ Simulation |
637,58 |
562,76 |
-12% |
651,12 |
616,77 |
-5% |
06.19 |
Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ Autres opérations |
1 265,88 |
2 087,99 |
+65% |
1 085,12 |
1 281,58 |
+18% |
06.22 |
Assurer la crédibilité opérationnelle de la dissuasion - soutien et mise en œuvre des forces ‒ toutes opérations |
808,57 |
1 146,11 |
+42% |
757,65 |
830,69 |
+10% |
06.23 |
Assurer la crédibilité technique de la posture ‒ toutes opérations |
474,32 |
824,78 |
+74% |
359,73 |
372,11 |
+3% |
06.24 |
Assurer la crédibilité technique de la dissuasion ‒ SNLE 3G |
0 |
0 |
- |
365,3 |
335,92 |
-8% |
Source : projet annuel de performances.
En 2022, la dotation inscrite en PLF permettra notamment de financer :
– au titre de la sous-action 06.14, les travaux de développement et de production du missile M51.3, missile nucléaire stratégique à têtes multiples emporté sur les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins. Pour rappel, les SNLE emportent actuellement les versions M51.1 et M51.2 de ce missile, les travaux sur la troisième version du missile ayant débuté en 2014 ;
– la poursuite des travaux de modernisation du missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMPA), dont les crédits sont inscrits à la sous-action 06.17 ;
– la poursuite des travaux de préparation de son successeur, le missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN4G), qui entrera en service dans les années 2030, dont les crédits sont inscrits à la sous-action 06.19. Cette sous-action retrace également d’autres ressources, dont celles relatives aux travaux d’infrastructures dédiées à la composante aéroportée, en particulier pour l’accueil des MRTT sur les bases aériennes de la dissuasion, comme à la mise à niveau des installations du port de Cherbourg destinées aux sous-marins nucléaires ;
– s’agissant du programme Simulation, dont les crédits sont inscrits à la sous-action 06.18, la montée en puissance progressive du laser mégajoule (LMJ) ou encore la poursuite du programme d’infrastructures engagé dans le cadre de la coopération franco-britannique TEUTATES.
Par ailleurs, bien que les travaux d’adaptation des trois premiers SNLE de la classe Le Triomphant au missile M51 soient à ce jour terminés, quelques crédits restent inscrits à la sous-action 06.15.
b. Les crédits d’équipements de commandement et de maîtrise de l’information
La dotation de l’action 7 « Commandement et maîtrise de l’information » s’élèvent à 2,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit une baisse de 40 %, tandis que les crédits de paiement progressent de 8 %.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 7
« COMMANDEMENT ET MAÎTRISE DE L’INFORMATION »
(en millions d’euros)
Crédits par action et sous-action |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
|||||
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolution |
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolution |
||
7 |
Commandement et maîtrise de l’information |
4 837,64 |
2 947,69 |
-40% |
2 417,46 |
2 611,33 |
+8% |
07.23 |
Commander et conduire – ARTEMIS IA |
36 |
19 |
-47% |
0,94 |
17,69 |
+1 782% |
07.24 |
Commander et conduire – Système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA) |
138,56 |
918,15 |
+563% |
225,34 |
230,03 |
+2% |
07.25 |
Commander et conduire – Système d’information « terre » |
72,42 |
28,42 |
-61% |
67,9 |
57,86 |
-15% |
07.27 |
Commander et conduire ‒ Géographie numérique |
150 |
5 |
-97% |
71,82 |
85,08 |
+18% |
|
|
|
|
|
|
|
|
07.28 |
Commander et conduire ‒ Autres opérations |
20,12 |
27,79 |
+38% |
52,54 |
50,92 |
-3% |
07.29 |
Commander et conduire – Système d’information des armées (SIA) |
55,98 |
70,64 |
+26% |
101,03 |
96,14 |
-5% |
07.30 |
Communiquer ‒ Cyber |
101,99 |
259,56 |
+155% |
84,45 |
98,7 |
+17% |
07.35 |
Communiquer ‒ Autres opérations |
199,18 |
117,27 |
-41% |
157,35 |
184,35 |
+17% |
07.36 |
Communiquer ‒ CONTACT |
1 020 |
0 |
-100% |
282,86 |
273,08 |
-3% |
07.37 (1) |
Communiquer ‒ Descartes |
93 |
114,3 |
+23% |
74,59 |
70,7 |
-5% |
07.42 |
Espace ‒ Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROEM (5) |
20 |
0 |
-100% |
30,25 |
28,37 |
-6% |
07.43 (2) |
Espace ‒ Communiquer – Moyens de communication satellitaire |
839,97 |
238,1 |
-72% |
590,36 |
572,84 |
-3% |
07.44 (3) |
Espace ‒ Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROIM (6) |
134,8 |
211 |
+57% |
64,65 |
89,08 |
+38% |
07.45 |
Espace ‒ Maîtrise de l’Espace |
140 |
110 |
-21% |
10,62 |
12,25 |
+15% |
07.46 |
Espace ‒ Commander et conduire ‒ OMEGA (7) |
0 |
0 |
- |
47,72 |
44,03 |
-8% |
07.50 |
Communiquer ‒ Transmission |
0 |
432,6 |
- |
15,73 |
25,71 |
+63% |
07.60 |
Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ALSR (8) |
27 |
0 |
-100% |
37,79 |
23,69 |
-37% |
07.61 |
Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ CUGE (9) |
0 |
0 |
- |
118,18 |
129,43 |
+10% |
07.62 |
Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ Drones aériens |
665,9 |
57 |
-91% |
127,53 |
265,92 |
+109% |
07.63 |
Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ Hawkeye |
915 |
0,5 |
-100% |
52,56 |
55,93 |
+6% |
07.64 |
Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ ROEM |
82,22 |
265,36 |
+223% |
82,2 |
90,01 |
+10% |
07.67 |
Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître ‒ SDCA (10) |
21,6 |
0 |
-100% |
61,93 |
51,49 |
-17% |
07.68 (4) |
Renseigner, surveiller, acquérir ‒ Autres opérations |
103,9 |
73 |
-30% |
59,12 |
58,03 |
-2% |
(1) Anciennement sous-action 07.41. (2) Anciennement sous-action 07.32. (3) Anciennement sous-action 07.40 « Renseigner, surveiller, acquérir et reconnaître – MUSIS ». (4) Anciennement sous-action 07.39. (5) Renseignement d’origine électromagnétique. (6) Renseignement d’origine « image ». (7) opération de modernisation des équipements de Global Navigation Satellite System (système de navigation satellitaire global) des armées. (8) Avion léger de surveillance et de reconnaissance. (9) Capacité universelle de guerre électronique. (10) Système de détection et de commandement aéroporté, plus connu sous le signe anglais d’AWACS (Airborne Warning and Control System).
Source : projet annuel de performances.
Contrairement à l’an dernier, la maquette budgétaire ne connaît pas d’évolution.
L’an dernier, la sous-action 07.23 ARTEMIS IA avait été créée afin de retracer les crédits alloués à l’opération de dotation du ministère des Armées d’une infostructure sécurisée et souveraine, permettant d’exploiter pleinement au profit du ministère les potentialités offertes par le traitement massif de données (big data) et l’intelligence artificielle. Les travaux se poursuivront en 2022, conformément au calendrier prévu.
La prise en compte croissante des enjeux de la politique spatiale de défense se traduit, cette année encore, par un effort retracé au sein de plusieurs sous-actions :
– en premier lieu, la sous-action 07.42 retrace les crédits du programme CERES (capacité de renseignement électromagnétique spatiale) qui, selon la description qui en est faite par le projet annuel de performances comprend des fonctions d’interception, de caractérisation et de location des signaux électromagnétiques par des moyens satellitaires, leur programmation ainsi que les moyens sol de contrôle des satellites. Pour rappel, le système CERES repose sur une constellation des trois satellites, dont les caractéristiques permettent de cartographier et d’analyser le fonctionnement des émetteurs électromagnétiques. CERES sera remplacé, à l’horizon 2030, par le système CELESTE, lancé en 2019. Les ressources allouées en PLF 2022 tiennent compte d’un léger décalage calendaire, dû à la crise sanitaire, et permettront essentiellement de couvrir les deux premières années de MCO de CERES ainsi que de lancer les premières études de définition de CELESTE ;
– en deuxième lieu, les programmes de télécommunications satellitaires Syracuse III et son successeur Syracuse IV, sur lesquels portent la sous-action 07.43, offrent des moyens de communication satellitaire indispensables à la conduite des opérations, afin d’offrir aux forces des capacités de communication de longue distance, sécurisées et résistantes à la menace de guerre électronique. À l’heure actuelle, les deux satellites Syracuse 3A et 3B, lancés en 2005 et 2006, sont complétés par un satellite construit en coopération avec l’Italie, le Sicral 2. En 2022, les travaux de réalisation du segment spatial et de la composante sol débuteront, avec notamment la commande de stations navales. La ligne budgétaire couvre aussi le versement au CNES d’une dotation de 150 millions d’euros ;
– en troisième lieu, le programme de satellites de renseignement d’origine « image » (ROIM) constituant la composante spatiale optique (CSO) du programme de système multinational d’imagerie spatiale Multinational Space-Based Imaging System (MUSIS), financé au titre de la sous-action 07.44. Cette sous-action finance également les premiers travaux relatifs au successeur de CSO – IRIS – qui reposera alors essentiellement sur les moyens apportés par le programme MUSIS. En 2022, de premiers sous-ensembles dits critiques d’IRIS seront développés ;
– en quatrième lieu, la sous-action 07.45 retrace les crédits relatifs à la future capacité militaire de maîtrise de l’espace, incarné par le programme à effet majeur ARES (action et résilience spatiale). Celui-ci reposera sur un triptyque composé de moyens de surveillance, de protection et d’action. Ainsi que l’indique le projet annuel de performances, la feuille de route du programme prévoit d’anticiper les travaux relatifs à la montée en maturité du système chargé d’agréger l’ensemble des données concourant à la surveillance de l’espace – la création d’un C2 spatial – et au futur véhicule d’action dans l’espace. En 2022, les principaux travaux porteront sur l’étude de faisabilité d’une future composante spatiale du programme et des compléments de développement du centre de commandement, de contrôle, de communication et de calcul des opérations spatiales (C4OS) ;
– enfin, en dernier lieu, la sous-action 07.46 retrace les crédits de l’opération OMEGA, dont l’objectif est de développer une capacité autonome de géolocalisation pour les systèmes d’armes prenant en compte les futurs systèmes de navigation par satellites, tels Galileo ou les nouvelles constellations GPS. En 2022 seront lancés les travaux de développement d’un récepteur GPS/Galiléo pour les munitions guidées, ainsi que la mise en place de moyens de production et de soutien.
Une large part des sous-actions concerne également la fonction « renseignement, surveillance, acquisition et reconnaissance », hors domaine spatial. On retrouve ainsi, à titre principal :
– la sous-action 07.60, qui concerne l’avion léger de reconnaissance et de surveillance (ALSR), dont la LPM prévoit la livraison de six appareils à l’issue de l’actualisation de la programmation, contre les huit prévus initialement par la LPM. En 2020, le plan de soutien au secteur aéronautique a toutefois prévu la commande anticipée d’un troisième appareil ;
– la sous-action 07.61 concerne la capacité universelle de guerre électronique (CUGE), qui vise à remplacer les capacités ROEM aéroportées à l’horizon du remplacement des Transall Gabriel. À terme, chaque système ARCHANGE (avions de renseignement d’origine électromagnétique à charge utile de nouvelle génération) est constitué d’un segment aéroporté et d’un segment sol. L’achèvement de ce programme dans les temps est d’autant plus nécessaire que les Transall Gabriel ont été retirés du service de manière anticipée dans le cadre de l’ajustement de la programmation intervenu en 2021. Pour rappel, la LPM prévoit la commande de trois appareils, dont deux sont déjà intervenues ;
– la sous-action 07.62 retrace les crédits relatifs aux programmes de drones, c’est-à-dire les systèmes de drones tactiques (SDT), les systèmes de drones aériens pour la marine (SDAM), qui équiperont les frégates de défense et d’intervention, les frégates de défense aérienne, les frégates multi-missions et les porte-hélicoptères amphibie, les systèmes Reaper ainsi que le MALE européen ;
– la sous-action 07.63 retrace les crédits relatifs aux avions de guet embarqué Hawkeye acquis entre 1998 et 2004 et mis en œuvre par la marine nationale, la flotte actuelle, de type E-2c, ayant vocation à être remplacée par des appareils de type E-2d, opération dans le cadre de laquelle des études préliminaires seront commandées en 2022.
Au-delà, on signalera, à titre d’exemples, d’autres opérations financées par les crédits de l’action 7 :
– la modernisation du système de commandement et de conduite des opérations aériennes (SCCOA), financée par la sous-action 07.24 ;
– dans le domaine cyber, qui fait l’objet de la sous-action 07.30, la poursuite des travaux liés à la téléphonie sécurisée, la commande de composants nécessaires aux chiffreurs et, surtout, la poursuite des travaux de moyens de lutte informatique défensive, l’une des traductions de la montée en puissance de la composante cyber au sein des forces, quatre ans après la création d’un commandement de la cyberdéfense et dans un contexte de prise de conscience des besoins en la matière ;
– au titre de la sous-action 07.36, la poursuite des travaux sur le programme CONTACT, qui vise à doter les forces d’un réseau de radiocommunications tactiques à haut débit, sécurisé et interopérable avec l’OTAN. De manière plus concrète, il s’agit de fournir divers postes radio sécurisés qui équiperont aussi bien le fantassin que des véhicules blindés, des aéronefs de combat, de renseignement ou de transport comme des navires. La première étape du programme était centrée sur les forces terrestres et navales, les travaux relatifs au domaine aéronautique ayant été lancés en 2018, en cohérence avec le calendrier des travaux sur le standard F4 du Rafale.
Une nouvelle étape sera franchie en 2022 avec la poursuite des travaux relatifs à l’intégration de CONTACT dans les véhicules « non SCORPION » de l’armée de terre.
c. Les crédits d’équipements de projection, de mobilité et de soutien
Les autorisations d’engagement de l’action 8 « Projection – mobilité – soutien » ‒ qui regroupe les programmes à effet majeur concourant à la capacité de projection des différentes armées – connaissent une baisse conséquente, diminuant ainsi de plus de 76 %, se fixant à hauteur de 1 milliard d’euros. Toutefois, comme le montre le tableau ci-après, les crédits de paiement ne diminuent quant à eux « que » de 8 %.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 8 « PROJECTION – MOBILITÉ – SOUTIEN »
(en millions d’euros)
Crédits par action et sous-action |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
|||||
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolution |
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolution |
||
8 |
Projection - mobilité - soutien |
4 447,66 |
1 079,38 |
-76% |
1 793,79 |
1 654,94 |
-8% |
08.42 |
Projeter les forces - Avion de transport futur (A400M) |
10,32 |
11,22 |
+9% |
330,61 |
232,13 |
-30% |
08.43 |
Projeter les forces – Autres opérations |
113,2 |
477,81 |
+322% |
151,72 |
167,31 |
+10% |
08.44 |
Assurer la mobilité - VLTP (1) |
0 |
56 |
- |
72,97 |
45,54 |
-38% |
08.45 |
Assurer la mobilité - HIL (2) |
2 185 |
0,5 |
-100% |
51,52 |
145,32 |
+182% |
08.46 |
Assurer la mobilité – Rénovation Cougar |
0 |
0 |
- |
0 |
0,98 |
- |
08.47 |
Assurer la mobilité - Hélicoptère NH 90 |
19,1 |
112,92 |
+491% |
242,04 |
283,66 |
+17% |
08.48 |
Assurer la mobilité – Autres opérations |
178,53 |
130,74 |
-27% |
138,43 |
113,77 |
-18% |
08.49 |
Assurer la mobilité – Hélicoptères de manœuvre de nouvelle génération (HM NG) |
0 |
264 |
- |
68,8 |
52,23 |
-24% |
08.51 |
Maintenir le potentiel ami et autre - porteur polyvalent terrestre (PPT) |
0 |
0 |
- |
0 |
0 |
- |
08.53 |
Maintenir le potentiel ami et autre - Autres opérations |
226,61 |
26,19 |
-88% |
81,07 |
65,84 |
-19% |
08.55 |
Maintenir le potentiel ami et autre - |
1 151,3 |
0 |
-100% |
528,73 |
394,02 |
-25% |
08.56 |
Maintenir le potentiel ami et autre - |
563,6 |
0 |
-100% |
127,9 |
154,15 |
+21% |
(1) Véhicule léger tactique polyvalent. (2) Hélicoptère interarmées léger. (3) Multi-rôle tanker transport.
Source : projet annuel de performances.
Le niveau très élevé d’engagement de nos forces en opérations dans la durée, la multiplicité des théâtres, leurs élongations et la rudesse des environnements rencontrés ont conduit le ministère des Armées à poursuivre, dans le cadre de l’actuelle LPM, les premières réorientations décidées, en 2015, dans le cadre de l’actualisation de la précédente programmation.
La LPM 2019-2025 prévoit donc :
– la modernisation et le renouvellement du parc d’avions de transport tactiques par l’acquisition d’A400M – objet de la sous-action 08.42 – et de C-130J et la modernisation de la flotte de C-130H ;
– le renouvellement progressif des 14 avions-ravitailleurs K/C-135 et des cinq avions de transport stratégique par 15 appareils polyvalents de type MRTT, les trois appareils A330 acquis dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique ayant vocation à être convertis en MRTT dans les années à venir ;
– la confirmation du format de pétroliers ravitailleurs « BRF » (bâtiments ravitailleurs de force) à quatre unités à l’horizon 2029 au titre du programme FLOTLOG prévu pour le renouvellement des pétroliers ravitailleurs de type « Durance », ainsi que le lancement en réalisation de ce programme.
Alors que les engagements opérationnels de la France depuis le début des années 2000 ont mis en lumière l’importance de disposer d’une capacité autonome de projection aérienne, l’ambition exprimée pour 2030 est de disposer d’une flotte nationale de 53 avions de transport tactique (A400M et C-130H et J), complétée par 15 MRTT, et d’accepter de recourir à l’affrètement d’aéronefs gros porteurs pour le fret hors gabarit.
De manière plus générale, d’ici 2030, la réduction temporaire de capacité de projection stratégique, de transport et d’aéromobilité tactiques et de mobilité terrestre sera progressivement comblée avec la montée en puissance des flottes A400M, MRTT, NH90 TTH, et des camions de la flotte tactique et logistique terrestres. De même, la mise à niveau de la flotte de soutien logistique avec le remplacement des pétroliers ravitailleurs à partir de 2022 par des unités modernes satisfaisant aux normes environnementales internationales permettra de combler le manque temporaire d’un bâtiment ravitailleur, de regagner une plus grande autonomie et de les déployer sans restriction sur l’ensemble des théâtres où la marine est appelée à évoluer.
Dans cette perspective, la sous-action 08.43 prévoit notamment, pour l’année 2022, la commande de kits pour la modernisation de l’auto-protection de sept avions de transport C130-H et l’adaptation de quatre autres appareils aux normes fixées par l’Organisation internationale de l’aviation civile. Elle soutient également la commande de deux Falcon 900 ainsi que des kits d’évacuation médicale.
L’action 8 couvre de très nombreux programmes, dont une part importante concerne la composante héliportée :
– la sous-action 08.45 retrace les crédits alloués au programme d’hélicoptère interarmées léger, nommé Guépard, destiné à remplacer l’ensemble des flottes d’hélicoptères léger des armées ;
– la sous-action 08.46 fait état de modestes crédits de paiement destinés à accompagner la rénovation du dernier Cougar ;
– la sous-action 08.47 connaît une hausse considérable des autorisations d’engagement, afin notamment de couvrir des prestations de suivi en service des hélicoptères NH 90 Caïman ;
– la sous-action 08.49 connaît une forte hausse des autorisations d’engagement, passant d’une somme nulle à 264 millions d’euros, correspondant à la commande de quatre hélicoptères de manœuvre de nouvelle génération, c’est-à-dire des Caracal.
d. Les crédits d’équipements d’engagement et d’équipement de combat
Les ressources de l’action 9 « Engagement et combat » ‒ qui regroupe des programmes permettant l’engagement des forces, dans le but d’altérer le potentiel adverse, de contrôler et de maîtriser le théâtre dans toutes ses dimensions ‒ connaissent une baisse de 12 % en autorisations d’engagement et une hausse de 8 % des crédits de paiement.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 9 « ENGAGEMENT ET COMBAT »
(en millions d’euros)
Crédits par action et sous-action |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
|||||
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolution |
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolution |
||
9 |
Engagement et combat |
6 483,57 |
5 694,90 |
-12% |
4 594,52 |
4 957,71 |
+8% |
09.56 |
Frapper à distance ‒ Missile de croisière naval (MDCN) |
0 |
0 |
- |
41,49 |
44,34 |
+7% |
09.59 |
Frapper à distance ‒ Rafale |
1445,88 |
74,58 |
-95% |
698,77 |
574,29 |
-18% |
09.61 |
Frapper à distance – Autres opérations |
111,29 |
127,1 |
+14% |
216,2 |
183,21 |
-15% |
09.62 |
Frapper à distance ‒ SCAF (1) |
3 000 |
0 |
-100% |
155,81 |
157,2 |
+1% |
09.63 |
Frapper à distance ‒ Porte-avions |
442,4 |
1 023,64 |
+131% |
137,89 |
158,21 |
+15% |
09.66 |
Opérer en milieu hostile – Véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI) |
0 |
0 |
- |
12,14 |
7,98 |
-34% |
09.68 |
Opérer en milieu hostile ‒ Hélicoptère HAP (2) / HAD (3) Tigre |
0 |
0 |
- |
224,43 |
175,04 |
-22% |
09.69 |
Opérer en milieu hostile – Future torpille lourde (FTL) |
0 |
0 |
- |
36,69 |
40,27 |
+10% |
09.71 |
Opérer en milieu hostile – Évolution Exocet |
0 |
0 |
- |
59,43 |
62,78 |
+6% |
09.73 |
Opérer en milieu hostile – Frégates multi-missions (FREMM) |
0,2 |
27,4 |
+13 600% |
300,03 |
427,94 |
+43% |
09.74 |
Opérer en milieu hostile – sous-marin nucléaire d’attaque Barracuda |
431,84 |
497,7 |
+15% |
718,88 |
772,7 |
+7% |
09.75 |
Opérer en milieu hostile – Autres opérations et conduire des opérations spéciales |
341,74 |
392,75 |
+15% |
407,58 |
405,07 |
-1% |
09.77 |
Opérer en milieu hostile ‒ SCORPION (4) |
15 |
3 020,5 |
+20 037% |
836,84 |
1 058,22 |
+26% |
09.78 |
Frapper à distance ‒ Mirage 2000 |
59,59 |
70,13 |
+18% |
118,81 |
90,02 |
-24% |
09.79 |
Opérer en milieu hostile ‒ Plateformes |
101,63 |
203,9 |
+101% |
189,57 |
167,05 |
-12% |
09.80 |
Opérer en milieu hostile – MGCS Système de combat terrestre principal |
200 |
0 |
-100% |
36,42 |
0 |
-100% |
09.84 |
Opérer en milieu hostile ‒ MAST-F (5) |
318 |
240 |
-25% |
1,02 |
39,12 |
+3 735% |
09.85 |
Opérer en milieu hostile ‒ SLAMF (6) |
0 |
4,2 |
- |
109,69 |
130,77 |
+19% |
09.86 |
Opérer en milieu hostile – ATL 2 (7) |
15,3 |
13 |
-15% |
83,63 |
63,37 |
-24% |
09.88 |
Opérer en milieu hostile ‒ missile moyenne portée (MMP) |
0 |
0 |
- |
56,9 |
44,14 |
-22% |
09.89 |
Opérer en milieu hostile ‒ Frégates de défense et d’intervention (8) |
0,7 |
0 |
-100% |
152,3 |
355,98 |
+134% |
(1) Système de combat aérien futur. (2) Hélicoptère d’appui-protection. (3) Hélicoptère d’appui-destruction. (4) Synergie du contact renforcé par la polyvalence et l’infovalorisation. (5) Missile air-sol terrestre futur. (6) Système de lutte anti-mines du futur. (7) Avion de patrouille maritime Atlantique 2. (8) Précédemment appelées « frégates de taille intermédiaire ».
Source : projet annuel de performances.
Cette action recouvre notamment les crédits correspondants aux programmes conduits en coopération les plus visibles, à l’instar du SCAF, objet de la sous-action 09.62. Les crédits qu’elle retrace permettront le financement de travaux d’accompagnement du programme de démonstration ainsi que des investissements dans les centres de la direction technique de la DGA. Elle soutient également les ressources correspondantes au programme MGCS, ramenées à 0 en PLF 2022 tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement.
Par ailleurs, l’action 9 retrace également les crédits relatifs aux avions de combat actuels. C’est d’abord le cas de la sous-action 09.59, relative au Rafale et dotée de 575 millions pour, notamment, la poursuite des travaux de développement et de déploiement du standard F4, mais également de la sous-action 09.78, qui porte sur le Mirage 2000. En 2022, les crédits sont essentiellement destinés à la poursuite des travaux de rénovation, conduits à présent par le service industriel de l’aéronautique (SIAé).
S’agissant du Rafale, il convient de souligner que, le 6 octobre 2020, la ministre des Armées a annoncé, devant la commission de la Défense, la commande de douze Rafale d’ici la fin de l’année afin de compenser le prélèvement, au sein de l’armée de l’air, de douze appareils d’occasion dont les autorités grecques devraient confirmer l’acquisition dans les prochaines semaines. Cette opération s’inscrit dans le cadre plus large de la commande de 18 appareils, dont six neufs uniquement. Il s’agit d’une excellente nouvelle puisque, pour la première fois, un État membre de l’Union européenne décide de franchir le pas. Une telle commande donne par ailleurs une certaine visibilité à l’industriel, des plus essentielles au regard du contexte économique dégradé par la crise sanitaire et ses conséquences.
Avec l’annonce du Président de la République sur la propulsion du futur porte-avions, fin 2020, une part conséquente des crédits la sous-action 09.63 est toujours consacrée au développement du porte-avions de nouvelle génération, de même qu’aux opérations relatives au porte-avions actuel. Ainsi, les crédits inscrits en PLF permettront notamment de poursuivre la préparation des opérations de maintien des capacités du Charles-de-Gaulle dans le cadre de son prochain arrêt technique majeur (ATM3). Concernant le PA-Ng, l’année 2022 sera largement consacrée à la poursuite des études d’avant-projet sommaire et de levée de risques, notamment en ce qui concerne les systèmes de mise en œuvre de l’aviation et de la propulsion nucléaire.
S’agissant toujours de la marine, les crédits de la sous-action 09.73, qui concerne les FREMM, serviront à acquérir, par exemple, des matériels mobiles d’armement. Le programme Barracuda, qui a connu un franc succès fin 2020 avec la mise à l’eau pour essais en mer du Suffren, se poursuivra avec la livraison du Duguay-Trouin en 2022 selon une trajectoire légèrement amendée, et déclinée budgétairement à la sous-action 09.74. En outre, portée par la sous-action 09.85, le système de lutte anti-mines marines futur (SLAMF) devrait connaître une année 2022 dynamique, avec le lancement de la production d’un premier lot de charge de neutralisation par sympathie et des études préparatoires pour les futurs drones sous-marins. Enfin, la sous-action 09.86 retrace les crédits de la rénovation de l’Atlantique 2, et la 09.89 le programme de frégates de défense et d’intervention (FDI).
Concernant les matériels terrestres, la sous-action 09.66 regroupe les crédits relatifs au véhicule blindé de combat d’infanterie (VBCI), dont certaines obsolescences ont été traitées en 2021. Le financement de la modernisation de l’hélicoptère Tigre et son évolution vers le standard 3 sont prévus à la sous-action 09.68. Surtout, le programme SCORPION se poursuit avec notamment, inscrits à la sous-action 09.77, les commande de 272 Griffon et de 88 Jaguar, de 54 MEPAC, de 36 Serval ainsi que de 50 chars Leclercs rénovés. La sous-action 09.79 concerne en grande partie l’armée de terre, ses crédits permettant notamment d’opérer, en 2021, la commande de la régénération de véhicules blindés légers.
En outre, un certain nombre de sous-actions concernent des missiles et torpilles ou autres munitions et canons :
– la sous-action 09.56, relative au missile de croisière naval (MdCN), qui équipe les FREMM et équipera les SNA du programme Barracuda, leur offrant ainsi une nouvelle capacité de frappe dans la profondeur depuis la mer ;
– la sous-action 09.61 qui, outre des équipements missionnels tels les pods, retrace les crédits relatifs à l’armement air-sol modulaire (AASM), à la rénovation à mi-vie du SCALP et au canon Caesar ;
– la sous-action 09.69 traite de la future torpille lourde (FTL) F21, qui sera intégrée sur les sous-marins afin de détruire ou de neutraliser des bâtiments de surface comme des sous-marins, et dont le calendrier a légèrement évolué, avec le décalage de la commande des dernières torpilles après 2022 ;
– la sous-action 09.71, dont les crédits permettront de moderniser les missiles Exocet mer-mer 40 ;
– la sous-action 09.84 concerne le missile air-sol terrestre futur (MAST- F), destiné initialement à remplacer le missile Hellfire 2 sur le Tigre. Si le lancement de la réalisation de cette opération est prévu d’ici la fin de l’année 2020, des incertitudes demeurent, notamment au sujet de la capacité du produit proposé à équiper le MALE européen. Lors de son audition devant la commission, le délégué général pour l’armement a reconnu que les discussions conduites avec l’industriel pouvaient se révéler tendues ;
– enfin, la sous-action 09.88 retrace les crédits nécessaires à l’intégration aux véhicules concernés du missile moyenne portée (MMP), dont 200 exemplaires devraient être commandés en 2022.
On retiendra également, en matière de petits équipements, que la sous-action 09.75 prévoit notamment l’acquisition de 12 000 fusils HK 416.
e. Les crédits d’équipements de protection et de sauvegarde
Les ressources de l’action 10 « Protection et sauvegarde » connaissent un effet ciseau : elles baissent, à hauteur de 44 % en autorisations d’engagement, et augmentent de 34 % en crédits de paiement.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 10 « PROTECTION ET SAUVEGARDE »
(en millions d’euros)
Crédits par action et sous-action |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
|||||
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolution |
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolution |
||
10 |
Protection et sauvegarde |
1 512,94 |
841,69 |
-44% |
521,21 |
699,57 |
+34% |
10.74 |
Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – SECOIA (1) |
0 |
0 |
- |
28,02 |
19,86 |
-29% |
10.75 |
Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – Patrouilleur futur |
0 |
0 |
- |
39,46 |
98,52 |
+150% |
10.76 |
Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – Missiles |
777,2 |
15 |
-98% |
112,25 |
194,62
|
+73% |
10.77 |
Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens – AVSIMAR (2) |
0 |
3,17 |
- |
50,19 |
92,03 |
+83% |
10.79 |
Assurer la sûreté des approches – Autres opérations et assurer la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens |
79,11 |
50,2 |
-37% |
43,31 |
51,99 |
+20% |
10.80 |
Assurer la sûreté des approches – Alerte avancée |
0 |
0 |
- |
0 |
0 |
- |
10.82 |
Assurer la protection des forces et des sites – Famille de systèmes sol-air futurs (FSAF) |
546,36 |
501,2 |
-8% |
164 |
139,95 |
-15% |
10.86 |
Assurer la protection des forces et des sites – Autres opérations et assurer la protection de l’homme |
107,03 |
77,12 |
-28% |
82,47 |
76,41 |
-7% |
10.87 |
Assurer la protection de l’homme – |
3,24 |
8 |
+147% |
1,51 |
2,21 |
+46% |
Assurer la sûreté des approches, la sécurité de l’État, de la nation et des citoyens - BALLASTIERES |
0 |
117 |
- |
0 |
0,99 |
- |
|
10.89 |
Assurer la protection des forces et des sites - LAD |
0 |
70 |
- |
0 |
23 |
- |
(1) Site d’élimination de chargements d’objets identifiés anciens. (2) Avion de surveillance et d’intervention maritimes.
Source : projet annuel de performances.
En PLF 2022, la maquette budgétaire connaît une légère évolution, avec la création de deux nouvelles sous-actions :
– une sous-action 10.88 portant la réhabilitation de l’emprise des ballastières de Braqueville-Toulouse. Comme l’indique le PAP, l’État s’est en effet engagé à déstocker les poudres présentes sur le site dans le but de mettre fin à l’installation classée pour la protection de l’environnement (ICPE) associée.
– une sous-action 10.89 portant le nouveau PEM lutte anti-drones (LAD), priorité affichée de l’actualisation stratégique. Ce programme vise à acquérir des moyens de lutte contre les micro et le mini-drones, c’est-à-dire d’un poids inférieur à 25 kilogrammes. Pour l’heure, en complément des outils existants ou en cours d’acquisition – à l’instar des fusils brouilleurs – il vise à doter les armées de moyens de LAD efficaces et destinés d’abord à être mis en œuvre dans le cadre des dispositifs particuliers de sûreté aérienne (DPSA) ou au profit des forces déployées en opérations. 70 millions d’euros y sont consacrés en autorisations d’engagements et 23 millions en crédits de paiement.
Pour le reste, l’action 10 recouvre :
– la sous-action 10.74, relative au site d’élimination de chargement d’objets identifiés anciens (SECOIA), c’est-à-dire la destruction des munitions chimiques, retrouvés de temps à autres. L’année 2022 sera marquée par des travaux de levée des risques liés à la destruction de munitions liquides ;
– la sous-action 10.75 relative au programme de patrouilleur futur, programme qui prévoit le remplacement des bâtiments de soutien et d’assistance outre-mer, des patrouilleurs Antilles-Guyane acquis en 2014, des patrouilleurs outre-mer (POM) et des patrouilleurs océaniques dans le cadre du programme BATSIMAR. Alors que la livraison du premier POM a été décalée en 2023, l’année 2022 sera essentiellement marquée par l’acquisition de matériels mobiles d’armement et d’équipements ;
– la sous-action 10.76, qui prévoit le financement des programmes à effet majeur de missile d’interception à domaine élargi (MIDE) appelé Meteor, intégré au standard F3-R du Rafale et devant faire l’objet d’une rénovation « à mi-vie », ainsi que le programme de missile d’interception de combat d’autodéfense de nouvelle génération (MICA NG). Ce missile doit entrer en service avec le standard F4 du Rafale ;
– la sous-action 10.77, dont les crédits portent le programme d’avion de surveillance et d’intervention maritimes (AVSIMAR), qui vise au remplacement de certains Falcon 50 de surveillance maritime à partir de 2024 ainsi qu’à l’adaptation d’autres Falcon 50 à ces missions, par l’intégration à ces appareils d’une trappe de largage de « chaîne » de Search and Rescue (sauvetage en mer). L’année 2022 verra notamment la commande du développement et des chantiers de la « liaison 22 » ;
– la sous-action 10.79 regroupe les crédits des programmes à effets majeurs BSAH (bâtiment de soutien et d’assurance hauturier) et CHOF (capacité hydrographique et océanographique future), ce dernier ayant fait l’objet d’un décalage d’une année dans le cadre de l’ajustement annuel 2021 ;
– comme l’an passé, l’action 10.80 est intitulée « Alerte avancée » et aucun crédit n’y est inscrit. Peut-être faut-il y voir le signe d’une reprise, à terme, du projet Spirale, ou du lancement d’un nouveau dispositif d’alerte avancée ;
– le programme e-SAN, financé par la sous-action 10.87, qui prévoit l’optimisation du soutien santé des forces projetées en opération extérieure et à la mer via la numérisation des processus du service de santé des armées. En 2022 seront lancées les premières études d’architecture logicielle pour la phase de préparation.
Les autres sous-actions financent des moyens nécessaires aux postures permanentes de sûreté aérienne et de sauvegarde maritime, ainsi qu’à la posture de protection terrestre. Il s’agit notamment de la famille de systèmes sol-air futurs (FSAF), qui se compose de divers missiles ASTER, mais également des systèmes MISTRAL, dont la rénovation se poursuit.
f. Les crédits de préparation et de conduite des opérations d’armement
Les ressources de l’action 11 « Préparation et conduite des opérations d’armement », qui vise à assurer la maîtrise d’ouvrage des programmes et des opérations d’armement, sont globalement stables, avec une hausse de 14 % en autorisations d’engagement et de 11 % en crédits de paiement, soit respectivement une hausse d’une trentaine et d’une vingtaine de millions d’euros.
ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE L’ACTION 11 « PRÉPARATION ET CONDUITE DES OPÉRATIONS D’ARMEMENT »
(en millions d’euros)
Crédits par action et sous-action |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
|||||
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolutions |
LFI 2021 |
PLF 2022 |
Évolutions |
||
11 |
Préparation et conduite des opérations |
215,87 |
246,38 |
+14% |
195,73 |
217,21 |
+11% |
11.89 |
Fonctionnement et soutien DGA |
71,19 |
74,6 |
+5% |
66,05 |
69,09 |
+5% |
11.90 |
Investissements pour les opérations d’armement |
144,68 |
171,79 |
+19% |
129,67 |
148,12 |
+14% |
Source : projet annuel de performances.
L’action 11, constituée de ressources budgétaires et extrabudgétaires, regroupe deux sous-actions auxquelles sont inscrits :
– les crédits de fonctionnement et de soutien de la DGA et des services qui lui sont rattachés, inscrits à la sous-action 11.89 ;
– les crédits de fonctionnement et d’investissement des infrastructures d’expertise technique, d’évaluation et d’essais de la DGA, retracés à la sous-action 11.90.
g. Les crédits issus de contributions étrangères et de programmes civils
Comme chaque année, l’action 12 « Parts étrangères et programmes civils » se compose des lignes de crédits au sein desquelles, en cours d’exécution budgétaire, sont inscrites les contributions internationales ou interministérielles à des opérations menées par la DGA soit en coopération, soit pour le compte d’un tiers.
Par nature, cette action, comportant deux sous-actions, ne compte pas de crédits inscriptibles dès la date de dépôt du projet de loi de finances.
B. Les points d’attention du rapporteur
1. La poursuite de l’effort de la Nation au-delà de 2022
a. Les questionnements issus de l’actualisation de la programmation
La publication par le ministère des Armées de son Actualisation stratégique, au début de l’année 2021 ([8]), a entraîné une actualisation de la programmation militaire, prévue par l’article 7 de la LPM. Celle-ci a donné lieu à de nombreuses discussions, y compris au sein de la commission de la Défense de l’Assemblée qui lui a consacré un cycle d’auditions au début de l’été. L’ensemble des comptes rendus de ces auditions est accessible librement sur le site internet de l’Assemblée nationale.
La programmation a comme chaque année fait l’objet d’un ajustement annuel (A2PM), qui, outre les évolutions issues de l’Actualisation stratégique, a cette année pris en compte une partie des conséquences de la crise sanitaire, et notamment intégré les commandes issues du plan de soutien au secteur aéronautique (PSA). De manière assez classique, l’A2PM 2021 a également ajusté la programmation à la « vie des programmes », c’est-à-dire les retards industriels constatés, les réorientations exprimées ou les besoins affinés.
Il en ressort que certains programmes ont fait l’objet d’accélérations. C’est notamment le cas de la décision prise dans le cadre du PSA de commander trois avions A330 militaires, destinés à être transformés en MRTT pour renouveler les A310 et A340 de l’armée de l’air et de l’espace, ainsi que huit hélicoptères Caracal pour remplacer les Puma de l’armée de l’air et de l’espace à partir de 2023, alors qu’ils devaient rester en service jusqu’en 2028. Ce plan a également prévu la réalisation d’un avion léger de surveillance et de reconnaissance et de drones pour la marine nationale.
Plusieurs domaines ont ainsi fait l’objet d’un rehaussement dans l’ordre des priorités, à l’instar du domaine cyber, mais aussi du renseignement, avec la consolidation du programme Artémis, ou encore l’acquisition de capteurs complémentaires permettant de renforcer la capacité d’appui électronique tactique des armées (capteurs « débarquables » d’écoute satellitaires, capteurs radio ultra-portatifs), des outils de protection anti-drones ou encore l’ajout d’une capacité sanitaire approfondie sur l’A400M.
En outre, les travaux d’ajustement ont pris en compte des besoins nécessaires à la tenue du modèle d’armée complet, au travers de la commande de 12 Rafale destinés à compenser le prélèvement effectué au sein de l’armée de l’air et de l’espace au profit de la Grèce ou de travaux de pérennisation du char LECLERC.
En contrepartie, dans la mesure où l’enveloppe globale fixée par la LPM n’a pas été réévaluée, un certain nombre de programmes ont connu des ajustements permettant d’assurer l’équilibre de la mission « Défense ».
Ajustements décidés dans le cadre de l’A2PM 2021 afin de garantir l’équilibre de la mission « Défense »
Programme |
Nature de l’ajustement |
SCORPION |
Actualisation cible LPM à 45% au lieu de 50%
|
SLAM-F |
Décalage 1 an des livraisons de l’étape 2 avec maintien du lancement en réalisation en 2023
|
CHOF |
Décalage 1 an de la phase de réalisation 2025
|
VL 4-6 t |
Décalage 2 ans
|
SDT |
Décalage de l’étape 2 de 2024 à 2025 avec maintien des travaux sur la charge utile ROEM6 en 2023
|
MMP |
Étalement des livraisons prévues en 2024-2025 sur 2024, 2025 et 2026 avec maintien de productions de 200 missiles par an
|
SAMPT-NG |
Décalage 1 an livraison ASTER 30 pour FDI
|
CAESAR |
Décalage 1 an commande et livraison des 32 derniers neufs et de la rénovation des 77 |
ALSR |
Réduction de la cible à 6 au lieu de 8 et décalage de la commande des 3 derniers |
RMV FDA |
Décalage 1 an du programme |
PATMAT Futur |
Décalage 1 an de la réalisation de l’opération (2026 au lieu de 2025) |
Évolution Frégates |
Décalage de 2 ans de l’opération |
RAFALE |
Décalage des rétrofits F4 |
HM-NG |
Prise en compte plan de soutien aéronautique sur le calendrier du C/L
|
Radio HF Futur |
Décalage d’un an de l’opération |
Syracuse IV |
Décalage des commandes et livraisons des stations mobiles |
C-130
|
Modernisation Annulation de la rénovation OACI7 des deux derniers C-130H |
Source : ministère des Armées, réponse au questionnaire budgétaire adressé par le rapporteur.
Ces ajustements sont absorbables par les armées. Il en va par exemple ainsi, pour la marine, de la révision de certains jalons initialement fixés en 2025 par la LPM s’agissant :
– du programme de système de lutte anti-mines futur (SLAM-F), destiné à remplacer la capacité de guerre des mines portée aujourd’hui par les chasseurs de mines tripartites (CMT), qui a été décalé d’un an. La livraison du premier des bâtiments de guerre des mines (BGDM) est aujourd’hui prévue en 2026 ;
– du programme de capacité hydrographique et océanographique future (CHOF), destiné à remplacer les bâtiments hydrographiques (BH), lui aussi été décalé d’un an. La livraison du premier BH de nouvelle génération est prévue en 2027.
Ces décalages ont pu poser question sur l’ambition de la France s’agissant de l’enjeu stratégique des grands fonds, dans un contexte de renforcement généralisé de ce type de capacité parmi nos alliés comme nos compétiteurs stratégiques. Pour autant, il ressort des travaux du rapporteur que ces ajustements ne remettent pas en cause les grands équilibres capacitaires permettant de garantir la capacité de notre marine à intervenir dans tous les milieux, ni l’atteinte in fine de l’ambition opérationnelle 2030 dans les domaines de la guerre des mines et de l’hydrographie-océanographie.
Il en va de même, par exemple, de l’anticipation du retrait de service opérationnel des avions de transport C160 Transall, dont les Transall Gabriel, aux performances quasi unique en matière de renseignement d’origine électromagnétique. Si l’armée de l’air et de l’espace disposent d’autres vecteurs de renseignement d’origine électromagnétique, en premier lieu desquels les satellites et, demain, les drones Reaper lorsqu’ils seront équipés des charges utiles adéquates, il était à craindre qu’elle se trouve face à une rupture temporaire de capacités dans l’attente de l’achèvement du programme Archange, successeur du Gabriel. Toutefois, lors de son audition devant la commission de la Défense, le général Stéphane Mille, chef d’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, a relativisé l’impact de ce retrait anticipé, rassurant celles et ceux qui s’en étaient inquiétés.
En définitive, les mesures d’équilibre décidées dans le cadre de l’actualisation et de l’ajustement annuel sont le résultat de décisions assumées collectivement au sein du ministère des Armées. Elles sont donc absorbables par les armées, à la condition que de nouveaux ajustements n’interviennent pas.
b. L’Ambition 2030 : le réarmement s’inscrit dans un cadre pluriannuel
Lors de son audition devant la commission de la Défense, la ministre des Armées, Mme Florence Parly, alertait contre le risque de se satisfaire des efforts déjà consentis, déclarant : « Ce n’est pas le moment de faiblir : nous n’en sommes qu’à la moitié ». L’enjeu dépasse même le terme de la programmation. La LPM a en effet dressé les contours d’une « Ambition 2030 », dont les objectifs sont rappelés dans le tableau ci-dessous. L’effort de réarmement engagé par le Gouvernement devra donc se poursuivre dans le cadre de la prochaine LPM.
Évolution des principaux parcs d’Équipements Conventionnels
Programme |
LPM 2014‒2019 actualisée |
parc début 2019 |
LPM 2019‒2025 « Ambition 2030 » |
||
|
cible |
échéance |
|
cible |
échéance |
1. Composante terrestre |
|||||
Leclerc rénové |
200 |
2033 |
0 |
200 |
2033 |
EBRC ([9]) Jaguar |
248 |
2033 |
0 |
300 |
nd |
VBMR ([10]) Griffon |
1 722 |
2033 |
3 |
1 872 |
nd |
VBMR léger ([11]) |
558 |
2033 |
0 |
978 |
nd |
AIF ([12]) |
101 000 |
2028 |
21 340 |
117 000 |
nd |
CAESAr ([13]) |
77 |
2010 |
77 |
109 |
2025 |
NH90 Caïman TTH ([14]) |
74 |
nd |
36 |
74 (dont 10 NH90 FS) |
nd |
Tigre HAD ([15]) |
67 |
2024 |
32 |
67 |
2025 |
MMP ([16]) |
1 550 ([17]) |
2025 |
250 ([18]) |
nd |
nd |
VBL ([19]) régénéré |
nd |
nd |
3 |
800 |
nd |
poids lourd de 4 à 6 tonnes |
- |
- |
0 |
7000 |
2030 |
- |
- |
0 |
1 060 |
nd |
|
VLTP protégé « segment bas » |
- |
- |
0 |
2 333 |
nd |
VLTP non protégé |
3 700 |
nd |
1 000 ([22]) |
4 983 |
2025 |
VLFS ([23]) |
241 |
nd |
0 |
241 |
nd |
PLFS ([24]) |
202 |
nd |
25 |
202 |
nd |
fardier des forces spéciales ([25]) |
- |
- |
0 |
300 |
nd |
2. Composante navale |
|||||
FREMM ([26]) |
6 |
|
5 |
6 |
nd |
FREMM DA ([27]) |
2 |
|
0 |
2 |
nd |
Frégate La Fayette (FLF) rénovée |
(3) ([28]) |
2023 ([29]) |
0 |
3 |
nd |
FTI ([30]) |
(5) ([31]) |
2029 (6) |
0 |
5 |
nd |
BATSIMAR ([32]) (métropole + outre-mer ([33]) |
- ([34]) |
- |
0 |
19 |
nd |
PLG ([35]) |
3 ([36]) |
nd |
2 |
|
|
4 |
2019 |
2 |
4 |
2019 |
|
SNA ([39]) Barracuda |
6 |
nd |
0 |
6 |
|
PATMAR futur ([40]) |
- |
- |
0 |
12 ([41]) |
0 |
ATL2 ([42]) rénovés |
15 |
2024 |
0 |
18 |
2025 |
AVSIMAR ([43]) |
- |
- |
0 |
13 ([44]) |
|
FLOTLOG ([45]) |
3 |
nd |
0 |
4 |
nd |
SLAMF ([46]) (BM + BBPD + drones ([47])) |
4 + 5 + 8 |
nd |
0 |
4 + 5 + 8 |
2030 |
NH90 Caïman NFH ([48]) |
27 |
2022 ([49]) |
22 |
27 |
2022 |
avion de guet aérien embarqué |
- |
- |
- |
3 |
0 |
SDAM ([50]) |
- |
- |
- |
15 |
nd |
3. Composante aérienne |
|||||
Rafale (air + marine) |
cible globale de 225 ([51]) avions de combat |
nd ([52]) |
143 (102 + 41) |
225 (185+40) |
nd |
Mirage 2000D rénovés |
2024 |
0 |
55 |
2024 |
|
total avions de combat : |
|
254 ([53]) |
|
|
|
MRTT ([54]) |
12 |
2029 |
1 |
15 |
2025 |
A400M Atlas |
50 |
2030 |
14 |
cible globale de 53 avions de transport tactique ([55]) |
nd |
C130-J |
4 |
2019 |
2 |
2019 |
|
- |
- |
- |
8 |
2030 |
|
4. Capacités de renseignement |
|||||
drones MALE ([57]) Reaper et EuroMALE (systèmes / vecteurs) |
Reaper : 4 / 12 |
|
Reaper : 2 / 6 |
Reaper : 4 / 12 EuroMALE : 4 / 12 |
Reaper : 2019 EuroMALE : 2030 |
CUGE ([58]) |
- |
- |
0 |
3 |
2030 |
BLSR ([59]) |
- |
- |
0 |
1 |
2030 |
satellites MUSIS ([60]) |
3 |
2021 |
1 |
3 |
2021 |
satellites CERES ([61]) |
1 |
2020 |
0 |
1 |
2020 |
drone tactique (SDTI ‒ SDT) (systèmes / vecteurs) |
2 / 28 SDTI ([62]) |
|
2 / 18 SDTI |
5 / 28 SDT ([63]) |
2030 |
ALSR ([64]) |
(3) |
2020 |
1 |
8 |
2030 |
5. Systèmes d’information et de communication |
|||||
SYRACUSE IV ([65]) |
2 |
2022 |
0 |
3 |
2030 |
CONTACT ([66]) (radios + nœuds de communication) |
14 600 |
nd |
0 |
14 600 |
nd |
SIA ([67]) - v. 1 (sites) |
229 |
2021 |
83 |
229 |
2021 |
6. Équipements interarmées |
|||||
|
|
0 |
169 / 12 |
nd |
Source : Rapport n° 765 de M. Jean-Jacques Bridey relatif à la programmation militaire pour les années 2019 à 2025 et portant diverses dispositions intéressant la défense, 14 mars 2018.
2. À l’approche de la Présidence française de l’Union européenne, l’approfondissement inégal de la coopération européenne
À l’approche de la Présidence française de l’Union européenne, il convient de rappeler que le rapport annexé de la LPM souligne que « l’autonomie stratégique qui est au cœur de l’Ambition 2030 est indissociable de la construction d’une autonomie stratégique européenne. » Or, force est de constater que l’approfondissement de la coopération européenne de défense apparaît inégal dans le champ capacitaire, malgré les avancées constatées en matière de financement conjoint.
Les financements européens
Avec un financement de 8 milliards d’euros sur la période 2021-2027, le Fonds européen de la défense (FED) doit permettre de changer d’échelle dans le développement de l’industrie de défense européenne. En 2022, 1,2 milliard d’euros sera alloué au lancement de nouveaux projets européens, contre à peine plus de 200 millions en 2019. Le FED financera des briques technologiques, c’est-à-dire des segments utiles à d’autres projets, notamment pour le système de combat aérien du futur (SCAF).
En outre, depuis 2017, la politique communautaire de coopération structurée permanente (CSP) a permis de lancer de nombreux projets dans lesquels la France est souvent impliquée. La France en conduit onze, et participe à vingt et un d’entre eux : elle est ainsi présente dans trente-deux projets sur les quarante-six des trois premières vagues. Pour la quatrième vague, la France portera quatre projets, notamment un sur l’espace.
Source : ministère des Armées.
a. Inquiétudes sur la relation franco-britannique
La coopération franco-britannique pâtit du refroidissement de la relation bilatérale dû à la création de l’alliance AUKUS et l’annulation par les autorités australiennes du contrat portant sur la fourniture par Naval Group de 12 sous-marins de classe ATTACK.
C’est notamment ce point qui grève l’avancée du programme de futur missile anti-navires / futur missile de croisière (FMAN/FMC), dont un important jalon devait être franchi au cours de l’automne 2021. À l’heure de l’élaboration du présent rapport, le schéma de coopération est finalisé sur le plan technique et administratif, sa mise en œuvre dépendant d’une décision de nature politique qui se fait attendre.
Le rapporteur s’inquiète de la dégradation de la relation bilatérale sur un programme aussi structurant, dont les conséquences pourraient largement dépasser la seule question de la conception de ces futurs missiles. Les divergences d’appréciation entre la partie britannique et la partie française sur la solution technologique à privilégier sont connues – la France promouvant une solution hypersonique, quand le Royaume-Uni semble privilégier une solution de missile subsonique manœuvrant. Elles avaient été largement abordées par les commissions chargées de la Défense de l’Assemblée nationale et de la Chambre des communes, dans le rapport conjoint qu’elles avaient remis en décembre 2018 ([70]) et les parlementaires étaient alors parvenus à s’accorder pour proposer d’avancer ensemble, convaincus de la capacité des deux pays à converger sur les principales évolutions opérationnelles et technologiques attendues sur le futur missile.
Au-delà les deux pays n’ont eu de cesse de rapprocher leurs industries missilières, jusqu’à construire un modèle de dépendance mutuelle dans le cadre de l’initiative « One MBDA ». Comme le rappelait le rapport conjoint précité, la déclaration franco-britannique accompagnant le traité de Lancaster House du 2 novembre 2010 résume ainsi les bénéfices attendus de cette initiative : « Cette stratégie optimisera la fourniture de capacités militaires, adaptera nos technologies plus efficacement, permettra une interdépendance accrue et consolidera notre base industrielle dans le secteur des missiles ». À ces motivations s’ajoute la réduction de la charge de développement sur les budgets nationaux attendus des synergies provoquées par le rapprochement des entités de MBDA. » La dépendance mutuelle s’est concrétisée par la signature, le 24 septembre 2015, d’un accord intergouvernemental ayant engagé la réorganisation de MBDA en France et au Royaume-Uni, avec la création de huit « centres d’excellence » partagés des deux côtés de la Manche dans un certain nombre de domaines technologiques afin d’optimiser les compétences et de dégager des économies d’échelle au bénéfice de la compétitivité de l’entreprise : la France accueille les centres spécialisés dans les calculateurs et les équipements de test ; le Royaume-Uni, les centres spécialisés dans les gouvernes et les liaisons de données. En outre, quatre centres d’excellence fédérés – algorithmes, charges militaires, logiciel et navigation –, sont davantage partagés chaque nation conservant un niveau significatif de compétences, et les ingénieurs d’une des deux nations pouvant travailler sur les programmes de l’autre.
L’abandon du programme FMAN/FMC s’accompagnerait donc sans nul doute de difficultés qu’il est encore difficile de pleinement mesurer. Pour le rapporteur, il est donc indispensable de mettre tout en œuvre pour dépasser les contrariétés du moment et reprendre le fil de la coopération bilatérale. D’autant que d’autres programmes continuent de se dérouler de manière satisfaisante, à l’instar du programme de chasseurs de mines du futur SLAM-F, et que nul n’a à gagner à un éloignement entre nos deux pays, tant sur les plans industriels qu’opérationnels.
b. Interrogations sur la relation franco-allemande
L’Allemagne constitue l’un de nos premiers partenaires sur certains des programmes les plus structurants de la coopération européenne dans le domaine de la Défense. Malgré d’intenses – et parfois difficiles – discussions, nombre de ces programmes avancent de manière satisfaisante. Il en va par exemple ainsi de l’Eurodrone – le futur drone MALE européen –, pour lequel la négociation est « bouclée ». La France et l’Allemagne sont en attente de l’ultime validation de la part de l’Espagne et de l’Italie et le contrat pourrait être notifié par l’Organisation conjointe de coopération en matière d’armement (OCCAr) d’ici la fin du mois d’octobre.
De même, le système de combat aérien du futur (SCAF) semble enfin sur les bons rails. Les autorités gouvernementales de l’Allemagne, de l’Espagne et de la France ont signé un accord intergouvernemental trilatéral (dit « IA3 ») le 30 août 2021 encadrant les activités de recherche et de technologie, de démonstration et de consolidation de la coopération planifiées sur la période 2021-2027. Les négociations entre les trois administrations nationales chargées de l’armement – Bundesministerium der Verteidigung, Dirección General de Armamento y Material et Direction générale de l’armement – semblent se dérouler de manière satisfaisante. Et lors de son audition par le rapporteur, le délégué général pour l’armement lui a indiqué que les contrats devraient être notifiés aux industriels concernés d’ici la fin du mois d’octobre, une fois les sous-contrats entre industriels noués. À cette date, les discussions se poursuivaient entre Dassault Aviation et Airbus.
En revanche, le projet de futur char de combat MGCS (Main ground combat system) connaît quelques difficultés et, surtout, les autorités allemandes ont donné des signes de désengagement sur deux autres programmes de coopération structurants :
– la modernisation au standard 3 de l’hélicoptère de combat Tigre, les autorités allemandes ayant décidé, pour l’heure, de s’en retirer ;
– le programme de futur avions de patrouille maritime (MAWS), l’Allemagne ayant décidé d’acquérir cinq avions Poséidon P-8 produit par Boeing, qui seront encore pleinement opérationnels à l’horizon 2035, horizon initialement fixé pour l’achèvement du programme MAWS. La France pourrait donc devoir lancer un programme de manière unilatérale, à moins que les autorités allemandes décident de s’engager sur un calendrier distinct.
Si le couple franco-allemand doit bel et bien continuer d’être perçu comme le socle de la coopération européenne dans le domaine de la défense, force est de constater que la partie allemande a montré quelques signes d’hésitation, qui viennent renforcer le niveau d’incertitude lié aux contingences politiques allemandes. Quoiqu’il en soit des clarifications sont attendues.
c. Satisfactions avec nos autres partenaires
Le brouillard entourant les coopérations franco-allemande et franco-britannique ne doit toutefois pas occulter la vitalité de nos relations avec d’autres pays européens, en particulier nos plus proches voisins.
C’est notamment le cas avec l’Espagne, qui constitue déjà un partenaire de choix dans le cadre de nombre de programmes conduits en coopération, au premier rang desquels les programmes A400M et MRTT. En outre, pour le standard 3 du Tigre, la décision des autorités allemandes de temporiser leur décision a conduit la France et l’Espagne à engager la modernisation de cet hélicoptère d’attaque de manière bilatérale. Les deux pays ont toutefois décidé de laisser la possibilité à l’Allemagne de revenir sur sa décision durant une période de six mois. À l’heure de l’élaboration du présent rapport, la DGA et son homologue espagnole travaillent au rapprochement des spécifications demandées par chacun des deux pays, afin de réduire le coût de la modernisation souhaitée et de ne pas augmenter l’enveloppe budgétaire allouée à cette opération du fait du retrait allemand. En outre, les deux pays pourraient approfondir leur coopération dans le domaine spatial comme dans celui des radios logicielles.
Par ailleurs, le programme franco-belge de capacité motorisé (CaMo) se déroule sans accroc, avec la perspective de la livraison de nouveaux matériels. Pour rappel, cet accord vise à livrer à l’armée de terre belge 382 véhicules blindés multi-rôles Griffon et 60 engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar infovalorisés, qui entreront en service entre 2025 et 2030. Ces véhicules seront équipés conformément à ceux du programme SCORPION et donc totalement compatibles avec leurs équivalents français.
Enfin, la coopération franco-italienne pourrait être intensifiée avec la montée en puissance progressive de la joint-venture Naviris entre Naval Group et Fincantieri, pleinement opérationnelle depuis janvier 2020 mais dont l’émancipation a été retardée par la crise sanitaire.
Au travers de ces quelques illustrations, le rapporteur entend témoigner de l’importance stratégique de la coopération européenne « hors Allemagne et Royaume-Uni ». Moins médiatisées et, en conséquence, moins visibles, nos relations avec d’autres pays européens sont pour autant parfois bien plus satisfaisantes, et mériteraient davantage d’attention tant de la part des administrations et des médias français que des responsables politiques. À cet égard, le rapporteur a récemment participé à un déplacement d’une délégation de la commission de la Défense en Espagne, où il a pu échanger avec plusieurs parlementaires du Congrès des députés, chambre basse du Parlement espagnol. Il a pu mesurer l’importance que revêt la coopération bilatérale pour ses homologues espagnols.
Pour le rapporteur, il est donc indispensable de valoriser davantage ces coopérations bilatérales en Europe, briques essentielles de la construction d’une Europe de la défense robuste, capacitaire et opérationnelle. C’est d’ailleurs le rapprochement capacitaire entre la France et la Grèce qui a ouvert la voie à la signature d’un partenariat stratégique incluant une clause de défense mutuelle en cas d’agression de l’un ou l’autre des pays.
À l’heure où l’Europe fait face à des menaces renouvelées et rehaussées, de telles évolutions sont à encourager.
Face au retour du fait nucléaire, la dissuasion nucléaire est en plein renouvellement
I. La dissuasion nucléaire est plus que jamais la clé de voûte de notre sécurité et la garantie de nos intérêts vitaux
A. La posture française de dissuasion nucléaire
1. Une doctrine stable, toujours plus ouverte vers l’Europe
S’exprimant sur la stratégie de défense et de dissuasion devant les stagiaires de la 27ème promotion de l’école de guerre, le 7 février 2020, le Président de la République a donné sa vision de la doctrine française en matière de dissuasion. Celle-ci s’inscrit dans la continuité des positions exprimées par ses prédécesseurs, tous les chefs de l’État se livrant à cet exercice doctrinal à la mi-temps de leur mandat. La doctrine d’emploi de la dissuasion française est connue, et se fonde sur cinq piliers : être en mesure d’infliger des dommages inacceptables à l’ennemi, respecter un principe de stricte suffisance, assurer la permanence, préserver les intérêts vitaux de la Nation, garantir l’indépendance du pays.
Dans une note ([71]) publiée quelques jours après l’intervention du Président de la République, deux chercheurs de la Fondation pour la recherche stratégique (FRS) relèvent toutefois que le cadre doctrinal exprimé par le Président de la République se distingue « par une volonté de clarification et d’exhaustivité dans la présentation des différents volets doctrinaux explicites comme implicites ».
De manière plus précise, après avoir rappelé que « notre force de dissuasion nucléaire demeure, en ultime recours, la clé de voûte de notre sécurité et la garantie de nos intérêts vitaux », qui demeurent indéfinis par l’emploi de l’expression « quels qu’ils soient », le chef de l’État a rappelé le caractère strictement défensif de la dissuasion nucléaire française, mettant en garde ses homologues qui viendraient à « mésestimer l’attachement viscéral de la France à sa liberté ». Ceux-ci s’exposeraient alors à « des dommages absolument inacceptables sur [leurs] centres de pouvoir, c’est-à-dire sur [leurs] centres névralgiques, politiques, économiques, militaires ».
Par ailleurs, comme l’indique la note précitée, le Président de la République a conforté et développé « l’idée émise depuis François Mitterrand selon laquelle la stratégie française de dissuasion a une dimension européenne ». Plus largement, il convient de rappeler que le Livre blanc sur la Défense nationale de 1972 indiquait déjà que « la France vit dans un tissu d’intérêts qui dépasse ses frontières. Elle n’est pas isolée. L’Europe occidentale ne peut donc dans son ensemble manquer de bénéficier, indirectement de la stratégie française qui constitue un facteur stable et déterminant de la sécurité en Europe. » ([72]) À Istres, le 19 février 2015, le Président Hollande avait déjà clairement rappelé la dimension européenne de la doctrine de dissuasion, s’interrogeant faussement sur le fait de savoir : « qui pourrait donc croire qu’une agression, qui mettrait en cause la survie de l’Europe, n’aurait aucune conséquence ? » ([73])
Le Président Emmanuel Macron a toutefois franchi un pas supplémentaire dans l’ouverture de la dissuasion française à nos partenaires européens, d’autant plus marquant qu’après le Brexit, la France est la seule puissance nucléaire de l’Union européenne. S’inscrivant dans la continuité de ses prédécesseurs, et alors que la France assurera la présidence de l’Union européenne (PFUE) au cours du premier semestre de l’année 2022, le chef de l’État a appelé de ses vœux un approfondissement du dialogue stratégique européen autour du « rôle de la dissuasion nucléaire française dans notre sécurité collective ».
Au-delà, le Président de la République a indiqué que « les partenaires européens qui souhaitent s’engager sur cette voie pourront être associés aux exercices des forces françaises de dissuasion ». Évoquée ci-dessus, la Boussole stratégique que la France entend promouvoir dans le cadre de la PFUE pourrait être l’occasion d’approfondir ce dialogue nucléaire.
2. Une posture dont la crédibilité ne souffre d’aucune contestation
a. Les moyens de la dissuasion
La permanence de la posture de dissuasion repose sur deux composantes complémentaires : la composante nucléaire océanique (CNO), mise en œuvre par la force océanique stratégique (FOST) ; la composante nucléaire aéroportée (CNA), mise en œuvre par les forces aériennes stratégiques (FAS).
● La FOST met en œuvre quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE) du type Le Triomphant, dotés de seize missiles. Les SNLE peuvent emporter un chargement mixte composé de missiles M51.1 et M51.2, c’est-à-dire des deux premiers incréments du missile mer-sol balistique stratégique (MSBS) qui équipent progressivement les SNLE depuis 2010 ([74]). La logique de développement incrémental entend répondre à la dialectique du glaive et du bouclier, et d’adapter sans cesse les performances du missile au renforcement des performances des systèmes de défense (alerte satellitaire, radars d’alerte, intercepteurs, etc.).
● Les FAS sont constituées de deux escadrons de Rafale biplace – le 1/4 Gascogne et le 2/4 Aquitaine – porteurs du missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A), stationnés sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier, soit environ cinquante appareils assurant à la fois des missions conventionnelles et de dissuasion stationnés sur la base de Saint-Dizier, ainsi que d’une escadre de transport et de ravitaillement en vol composée de onze C-135 et de cinq A330 Phénix MRTT. Les MRTT, dont la LPM prévoit la livraison de 15 appareils, remplaceront à terme l’intégralité de la flotte C-135, entrée en service du temps du Général de Gaulle ainsi que les avions « blancs » de transport stratégique de l’Esterel. Les missiles et leurs têtes nucléaires aéroportées sont quant à eux entreposés au sein de trois dépôts d’armes nucléaires situés à Istres, Saint-Dizier et Avord, les trois bases aériennes à vocation nucléaire que compte l’armée de l’air et de l’espace.
En outre, la composante aéroportée de la dissuasion peut être mise en œuvre par la force aéronavale nucléaire (FANu), à partir de Rafale armés de l’ASMP-A depuis le porte-avions Charles-de-Gaulle.
● Enfin, la dissuasion nucléaire française s’appuie sur ce qu’il convient d’appeler la « troisième composante », c’est-à-dire les transmissions nucléaires. La FOST dispose ainsi de deux centres d’opérations, les FAS de deux centres d’opérations et la FANu d’un centre d’opérations. Par ailleurs, les quatre centres de transmissions marine (CTM) répartis sur le territoire français et le système de communications de dernier recours (SYDEREC) mis en œuvre par l’armée de l’air et de l’espace assurent les transmissions stratégiques des deux composantes.
b. La démonstration de la crédibilité de la dissuasion
La crédibilité de la dissuasion nucléaire repose sur un ensemble constitué par la volonté du président de la République d’y recourir, la performance du système dissuasif et, enfin, l’excellence de l’outil industriel et des technologies employées.
Depuis le dernier essai nucléaire, effectué le 27 janvier 1996 à Fangataufa, en Polynésie française, la crédibilité technologique de la dissuasion repose donc uniquement sur les moyens de simulation, sous la responsabilité de la direction des applications militaires du Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA).
Le programme Simulation
Le programme Simulation est né à la suite du projet « préparation à une limitation des essais nucléaires (PALEN) ». Lancé dès 1991 par la direction des applications militaires du CEA, le projet PALEN sera largement redimensionné au bénéfice de simulation en raison de la signature de la France du Traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) en 1996.
Dès lors, le cœur du programme « Simulation » a évolué autour de trois volets :
– la physique des armes, permettant de dégager les grandes équations mathématiques nécessaires à la modélisation du déclenchement d’une arme nucléaire ;
– la simulation numérique qui permet de développer de codes de calcul intervenant dans la résolution des équations précédemment évoquées ;
– la validation expérimentale ou « par partie », reposant sur la réalisation d’expériences spécifiques en laboratoire et la lecture des résultats à la lumière des données collectées lors des anciens essais nucléaires.
La simulation s’appuie encore aujourd’hui sur deux installations fondamentales :
– l’accélérateur à induction de radiographie pour l’imagerie X (AIRIX), en service entre 1999 et 2012, et qui a été remplacé en 2014 par l’installation Epure, implantée à Valduc. Cette dernière sera pleinement opérationnelle à l’horizon 2022 ;
– le laser mégajoule, en service depuis 2014, qui est l’unique outil de validation expérimentale des phénomènes physiques intervenant lors de l’explosion nucléaire.
Afin de garantir la sûreté et la fiabilité des armes nucléaires, la DAM, en partenariat avec l’entreprise française Bull/Atos, a développé avec succès des supercalculateurs dès le début des années 2000. Trois générations de l’outil de calcul TERA se sont ainsi succédé depuis lors et une nouvelle génération, TERA 1 000, est en préparation.
À plus long terme, le programme Simulation répond à un besoin en formation et en certification de la nouvelle génération d’experts « post-essais nucléaires », amenée à garantir la performance de l’arme atomique. Le programme constitue également un important levier à destination des industries françaises dans le domaine des supercalculateurs, de l’optique et des lasers, comme vos rapporteurs l’ont déjà exposé.
Source : Rapport d’information de MM. Jean-Jacques Bridey et Jacques Lamblin sur les enjeux technologiques et industriels du renouvellement des composantes de la dissuasion, 14 décembre 2016. Accessible à partir de ce lien.
En outre, la crédibilité opérationnelle de la dissuasion nucléaire française est démontrée par les différents exercices, opérations et tirs d’essais réalisés.
● Ainsi, s’agissant de la CNO, deux tirs d’essai ont été effectués au cours des deux dernières années :
– le 12 juin 2020, un missile balistique stratégique M51 a été lancé par le SNLE Le Téméraire depuis la baie d’Audierne, dans le Finistère, dans le cadre d’une opération baptisée « Raphaël » ;
– le 28 avril 2021, un missile balistique stratégique M51 a été tiré depuis le site des Landes de la DGA Essais de missiles.
● S’agissant de la CNA, comme l’indiquait devant la commission, le 12 juin 2019, le général Bruno Maigret, alors commandant des FAS, « les opérations des FAS, particulièrement, ressemblent à un iceberg, avec une partie émergée et une partie immergée. La partie visible, dont la vocation est d’être démonstrative, ce sont les opérations Poker, Hamilton, Excalibur, emblématiques de nos savoir-faire. La partie invisible, plus importante, recouvre les secrets de la dissuasion. » ([75])
En déplacement sur la base aérienne 113 de Saint-Dizier, le rapporteur s’est fait présenter par les personnels de l’escadron 1/4 Gascogne les exercices et opérations conduits pour assurer un haut niveau de préparation opérationnelle des FAS.
Il s’agit d’abord, à terre, de l’opération Banco et de l’exercice Palmier. En premier lieu, l’opération Banco ainsi présentée par le général Maigret lors de son audition précitée : « environ deux fois par an, la quasi-totalité des têtes nucléaires sont sorties et montées sur Rafale sur les bases à vocation nucléaire, comme si le Président de la République nous avait donné l’ordre de monter en puissance. L’exercice se termine lorsque les équipages passent au stade de l’alerte à bord, prêts à mettre en route et à décoller, bien souvent au bout d’une semaine passée dans les postes enterrés à attendre l’ordre. » L’objectif poursuivi par les FAS est de vérifier le temps de réactivité de la CNA et leur capacité de montée en puissance. En second lieu, les FAS conduisent régulièrement des exercices Palmiers, permettant de former en continu les personnels au sol.
En l’air, les FAS mènent quatre fois par an des opérations Poker, ainsi présentées par le général Maigret lors de la même audition : « Tout d’abord, nous déployons nos avions sur notre réseau de bases aériennes, notamment Saint-Dizier, Avord, Istres, Mont-de-Marsan, et Évreux, sur ordre soit de l’état-major particulier du président, soit du chef d’état-major des armées. Une fois cette phase de montée en puissance réalisée, les avions décollent et se rejoignent à la pointe de la Bretagne, à Ouessant, transitent vers Biarritz puis la Corse en haute altitude, enfin se dirigent vers le Massif Central. Passant la côte méditerranéenne, après un dernier ravitaillement en vol, ils pénètrent dans une zone hostile, dans un environnement de déni d’accès avec des adversaires sol-air et air-air, simulant ainsi une opération de haute intensité. Une salve de tirs de missiles ASMP-A est simulée dans le Massif Central avant le retour des aéronefs sur leurs bases de départ. » Ces missions font appel à l’ensemble des compétences recherchées pour la mission de dissuasion – suivi de terrain, ravitaillements en vol, menaces sol-air et air-air – orientées vers le « haut du spectre ». Elles sont observées avec attention par nos alliés et compétiteurs stratégiques, ce qui permet par ailleurs à la France de démontrer la crédibilité de sa posture. Dans ce contexte, la réalisation d’un Poker au printemps 2020, en plein confinement, a témoigné de la robustesse de la posture permanente de dissuasion.
En outre, les forces aériennes stratégiques font régulièrement la preuve de leur capacité de projection, tant en exercice, dans le cadre de démonstrations de projection de puissance comme l’opération Minotaure, conduite à Djibouti à l’hiver 2020-2021, ou l’exercice Montfreid-Marathon, quelques mois plus tôt, ayant permis de simuler un raid nucléaire de plus d’une dizaine d’heures sans escale.
Le rapporteur s’est également vu présenter à grands traits le déroulement de l’opération Excalibur, dans le cadre de laquelle a été réalisé, le 4 février 2019, un tir d’ASMP-A d’évaluation des forces (TEF). Ce tir a été effectué au terme d’un raid de près de 12 heures de vol et 10 000 kilomètres parcourus, sans GPS, au cours duquel les avions de combat ont ravitaillé à sept reprises et, afin de rendre la mission la plus réaliste qui soit, affronté des dispositifs de défense aérienne, fait face à des menaces air-air et dû évoluer en très basse altitude.
Près de deux plus tard, le 9 décembre 2020, un tir d’essai dit constructeur de l’ASMP-A rénové a été effectué, permettant de finaliser la phase de conception détaillée du missile, avant l’entrée en qualification au début de l’année 2021 et le lancement de la production de série. Un tir de qualification devrait être réalisé courant 2022.
De manière plus générale, l’activité opérationnelle conventionnelle réalisée par les FAS contribue à renforcer la posture permanente de la dissuasion nucléaire. À titre d’exemple, l’opération Hamilton, conduite dans la nuit du 13 au 14 avril 2018 en coordination avec les États-Unis et le Royaume-Uni en Syrie, s’est déroulée de la même manière qu’un raid nucléaire.
B. Les raisons du renouvellement de la dissuasion française
1. L’instabilité croissante des équilibres dissuasifs
Les réflexions sur le renouvellement des composantes de la dissuasion nucléaire s’inscrivent dans un contexte de retour du fait nucléaire, mis en lumière par l’Actualisation stratégique 2021. Celle-ci souligne ainsi « l’aggravation des crises de prolifération nucléaire nord-coréenne et iranienne » comme « l’adoption par certains États de postures nucléaires opaques, voire tournées vers l’emploi, apparaît de plus en plus en rupture avec les codes classiques de la dissuasion, car relevant de stratégies d’intimidation, voire de chantage, susceptibles de provoquer l’escalade », et relève que la « résurgence de la puissance militaire russe, contrastant avec le déclin économique et démographique du pays, se fonde sur le renouvellement des composantes nucléaires » tandis que « la République populaire de Chine a doublé son budget de défense depuis 2012, se hissant au deuxième rang mondial, [et] augmenté son arsenal nucléaire », ajoutant que « l’évolution rapide des capacités chinoises de dissuasion pose question ». En définitive, l’Actualisation stratégique fait le constat d’une « multipolarité nucléaire désormais avérée ».
Dans ce contexte, l’Actualisation stratégique rappelle que « dans un environnement marqué par le retour du fait nucléaire et de la compétition stratégique entre puissances, nos armées sont amenées à se déployer à proximité de puissances nucléaires, en Europe mais aussi sur des théâtres lointains. Les forces nucléaires, dans leurs deux composantes complémentaires, aérienne et sous-marine, ont pour fonction d’assurer la dissuasion et en particulier de prévenir la « guerre majeure », c’est-à-dire l’affrontement direct entre grandes puissances. Elles garantissent aussi la liberté d’action de nos forces conventionnelles, en empêchant notamment leur contournement « par le haut », via l’escalade.
Il serait donc erroné de penser que la prolifération nucléaire est un phénomène contenu. Auditionné par la commission de la Défense en 2014 ([76]), M. Bruno Tertrais indiquait déjà que le contexte stratégique était caractérisé par la montée de ce qu’il a appelé le « nationalisme nucléaire », à savoir « des politiques marquées à la fois par un nationalisme exacerbé, le refus du statu quo régional avec un désir d’influence et, parfois, une volonté de révision des frontières, et une expansion des capacités nucléaires ». Cette tendance s’observe depuis plusieurs années dans des pays comme la Chine, le Pakistan, la Corée du Nord ou l’Iran – qui poursuit sa quête du nucléaire, dans un contexte de délitement de l’accord de Vienne sur le nucléaire iranien (Joint Comprehensive Plan of Action ou JCPoA) depuis la décision des autorités américaines et iraniennes de s’en retirer.
2. La nécessité de s’adapter aux menaces comme aux évolutions technologiques
L’adaptation de la dissuasion nucléaire à l’évolution du contexte stratégique comme des mutations technologiques est permanente. En témoigne, à titre d’exemple, le déploiement d’une nouvelle tête nucléaire aéroportée (TNA) associée au missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) à partir de 2009, et celui de la tête nucléaire océanique (TNO) associée à la deuxième version du missile M51 (M51.2) en 2016.
Plus globalement, la France a fait le choix de recourir à une démarche incrémentale pour l’amélioration constante de la performance des capacités de la dissuasion, rendue d’autant plus nécessaire par l’accélération des innovations technologiques et des ruptures stratégiques. Lors de son audition devant la commission de la Défense, M. Vincenzo Salvetti, directeur des applications militaires du CEA, indiquait ainsi « auparavant, la dissuasion était relativement monolithique, elle évoluait par pas de temps assez longs, de vingt à vingt-cinq ans. Désormais, nous nous efforçons – état-major des armées, direction générale de l’armement et direction des applications militaires du CEA – d’être en mesure de nous adapter plus rapidement à l’évolution du contexte stratégique. Dans les zones que la France cherche à dissuader, on ne nous attend pas les bras croisés : on met en place des systèmes de détection avancée, radars et satellites, des missiles antibalistiques (ABM) pour intercepter nos têtes… Nous devons être capables d’adapter, plus vite que par le passé, la dissuasion du Président de la République, à de telles évolutions. » Les enjeux opérationnels de la modernisation et du renouvellement des composantes sont globalement connus. De manière schématique, les principaux enjeux relatifs à l’amélioration de la performance de la composante aéroportée sont de trois ordres : la pénétration, qui combine la détectabilité et la vulnérabilité ; la portée, qui touche au vecteur et au porteur ; la précision, essentielle pour la composante aéroportée de la dissuasion.
S’agissant de la composante océanique, l’enjeu principal tient à l’amélioration continue de l’invulnérabilité des SNLE, qui repose d’abord sur leur discrétion acoustique, ainsi que le rehaussement de leurs moyens de détection par sonar. En outre, comme l’indiquaient dans leur rapport précité MM. Jean-Jacques Bridey et Jacques Lamblin, « l’invulnérabilité n’est pas prévenue par le seul positionnement en grande profondeur, et il est essentiel de maîtriser les technologies de détection magnétique en faible profondeur ou de détection par le biais d’ultra-basses fréquences. »
C’est pourquoi lors de son audition par le rapporteur, le général Nicolas Leverrier, chef de la division des forces nucléaires de l’état-major des armées, a estimé que le renouvellement des composantes de la dissuasion ne constituait pas une option mais bel et bien une nécessité.
II. L’état d’avancement de la modernisation et du renouvellement des équipements de la dissuasion
Le renouvellement des composantes de la dissuasion nucléaire fait l’objet d’un financement de 25 milliards d’euros sur les cinq premières années de la LPM. 4,97 milliards d’euros étaient inscrits en loi de finances initiale pour 2021, contre 5,29 milliards d’euros en PLF 2022. Ces données budgétaires ne traduisent que l’effort de la Nation au titre de l’agrégat budgétaire « Dissuasion », une partie des crédits contribuant à la dissuasion n’étant pas inclus dans celui-ci, à l’instar, par exemple des programmes Rafale, A330 MRTT ou encore du porte-avions.
De manière plus précise, ces crédits se ventilent de la manière suivante :
– 4,36 milliards d’euros pour le maintien et le renouvellement des capacités (programme 146) ;
– 721 millions d’euros pour le maintien en condition opérationnelle (programme 178) ;
– 205 millions d’euros au titre des crédits d’études amont (programme 144) ;
– 5 millions d’euros au titre de la subvention pour charge de service public de l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (programme 212).
1. La composante nucléaire aéroportée
● La modernisation et le renouvellement de la composante nucléaire aéroportée (CNA) font l’objet du programme d’ensemble Horus. Les travaux engagés portent sur :
– le missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A) – entré en service en 2009 sur Mirage 2000N et 2010 sur Rafale – qui fait actuellement l’objet d’une rénovation à mi-vie. Les travaux ont été engagés en décembre 2016 et sa mise en service opérationnel est attendue en 2023 ;
– le successeur de l’ASMP-A, le missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN 4G) – destiné à entrer en service à l’horizon 2035. L’ONERA et MBDA ont élaboré deux pistes pour ce futur missile : un missile à statoréacteur issu du PEA Camosis, et un missile à super statoréacteur hypervéloce issu du PEA Prométhée. La solution technologique qui devrait être retenue prochainement pourrait être un missile hypersonique manœuvrant à même de garantir la capacité de pénétration des défenses, dans un contexte de déni d’accès (A2/AD) croissant. La prochaine étape sera le lancement de la phase de la réalisation, prévu en 2025.
En outre, afin d’assurer la convergence de la feuille de route relative aux missiles « ASMPA-rénové et ASN-4G » et de celle de l’aviation de combat, le ministère des Armées a établi un calendrier de modernisation et de renouvellement organisé en trois grandes phrases : une première allant jusqu’en 2030, centrée sur la modernisation de l’aviation de combat, avec notamment le rehaussement du Rafale au nouveau standard F4 ; une deuxième couvrant la décennie 2030-2040, orientée autour de la consolidation du format de l’aviation de combat française et de la mise en service opérationnel du système ASN-4G, à l’horizon 2035 ; une troisième phase, enfin, au-delà de 2040, qui verra l’arrivée dans les forces du SCAF, qui devra être compatible du système ASN-4G.
● Au-delà, le renouveau de la CNA passe aussi par le remplacement progressif des ravitailleurs C-135 vieillissants par la flotte d’A330 Phénix MRTT, dont les cinq premiers appareils ont déjà été livrés. En 2023, la flotte devrait ainsi être composée de 12 MRTT et de trois A330-200 acquis dans le cadre du plan de soutien au secteur aéronautique, et dont la conversion en MRTT – actuellement prévue après 2025 – est attendue avec impatience par les armées. En l’état actuel, il a été porté à la connaissance du rapporteur que les chaînes industrielles de conversion des A330 en MRTT doivent être stoppées en 2024. À ses yeux, il conviendrait donc a minima d’acquérir les « kits » de conversion afin d’être assurés de pouvoir procéder aux modifications des appareils lorsque sera prise la décision.
2. La composante nucléaire océanique
La modernisation et le renouvellement de la composante nucléaire océanique (CNO) sont couverts par le programme d’ensemble Coelacanthe, qui comprend les études, le développement, la fabrication et la construction des sous-marins nucléaires lanceurs d’engins et de leur propulsion nucléaire, des missiles balistiques munis de têtes nucléaires ainsi que de l’infrastructure nécessaire à l’accomplissement de la mission. Plusieurs travaux ont été lancés dans le cadre de ce programme.
● En premier lieu, les travaux relatifs à la conception et la production du nouvel incrément du missile nucléaire M51. Engagés en 2014, les travaux portant sur le troisième incrément – qui visent à accroître la portée du missile et à améliorer sa précision comme ses capacités de pénétration – sont entrés dans leur dernière phase, en vue d’un déploiement à compter de 2025. Un tir d’essai du missile sans charge militaire a été effectué avec succès le 28 avril 2021, depuis le site des Landes de la DGA Essais de missiles. Les principales modifications portent sur l’amélioration des performances du troisième étage, l’intégration d’une plus grande quantité de propergol, un accroissement de la taille des propulseurs et des améliorations pour faire face au rehaussement des défenses. Les livraisons s’étaleront jusqu’au début des années 2030.
À plus long terme, le M51.4 en est au stade des études amont après son lancement par le Président de la République. Le contrat de développement et de production est attendu pour 2025. Devant pouvoir être opérés sur les différentes générations de SNLE, les missiles M51 doivent donc respecter certaines contraintes liées au sous-marin (taille du tube de lancement, poids), ce qui représente un challenge d’ingénierie pour en accroître les performances technologiques et opérationnelles. Il en va d’ailleurs de même pour l’avenir, le SNLE 3G ayant les mêmes dimensions que les SNLE actuellement déployés, ce qui permet du reste de découpler les évolutions budgétaires des deux programmes.
● En second lieu, les travaux relatifs au sous-marin nucléaire lanceur d’engins de troisième génération (SNLE 3G), après l’annonce du lancement en réalisation du programme par la ministre des Armées, Mme Florence Parly, le 19 février 2021. Cette annonce a suivi une longue phase de concertation avec les industriels, notamment dans le cadre de la définition de l’avant-projet sommaire puis de l’avant-projet détaillé. Au total, elle porte sur une enveloppe budgétaire d’environ 3,5 milliards d’euros sur une période de cinq ans. La livraison du premier des quatre sous-marins devrait intervenir à l’horizon 2035, ouvrant un cycle d’une livraison tous les cinq ans, jusqu’en 2050.
Les premiers SNLE 3G seront d’abord exploités concomitamment aux SNLE actuellement en service – dits de deuxième génération, ou « 2G » – ce qui impose de les moderniser. Entrés en service entre 1997 et 2010, les SNLE 2G de la classe Triomphant font donc l’objet d’un programme de modernisation ayant pour but de traiter leurs obsolescences et d’améliorer leurs performances. L’année 2021 s’est d’ailleurs ouverte avec l’immobilisation pour indisponibilité périodique pour entretien et réparation (IPER), autrement dit grand carénage, du sous-marin Le Terrible, pour une période de 14 mois.
En outre, d’imposants travaux sont en cours en rade de Brest, afin d’adapter les infrastructures de l’Île Longue, qui permettront de renforcer le niveau de sûreté nucléaire, de pérenniser les installations et les adapter aux nouveaux systèmes – en particulier aux évolutions du M51 – et de renforcer la protection des emprises de la dissuasion face aux menaces émergentes.
● Parallèlement, le programme du porte-avions de nouvelle génération (PA-NG) est engagé, après l’annonce du Président de la République, le 8 décembre 2020, du choix d’une chaufferie nucléaire. Deux avant-projets sont en cours d’élaboration, portant respectivement sur le bâtiment et la chaufferie. À l’inverse des deux premiers programmes, conduit selon une gouvernance dite « 2+2 » – co-maîtrise d’ouvrage entre le CEA-DAM et la DGA et co-maîtrise d’œuvre entre Naval Group et TechnicAtome –, ce programme est piloté par un attelage associant Naval Group, TechnicAtome et les Chantiers de l’Atlantique. La réalisation de la chaufferie du PANG nécessitera de mobiliser autour de 300 personnels, en raison de la complexité du projet, qui repose sur une chaufferie plus innovante que pour les SNLE 3G.
Comme l’a indiqué au rapporteur M. Loïc Rocard, président-directeur général de TechnicAtome, la conception de la chaufferie du futur porte-avions constitue un défi de premier ordre en ce qu’il s’agira d’un réacteur inédit. L’objectif est ainsi de passer d’une chaufferie d’une puissance d’environ 150 mégawatts thermiques (K15), en service sur le Charles-de-Gaulle, à une chaudière de 220 mégawatts thermiques (K22), indispensable pour propulser un bâtiment près de deux fois plus lourd que le porte-avions actuel. La conception de cette nouvelle chaudière soulève des enjeux technologiques et industriels importants : cœur plus gros, doublement du nombre de mécanismes, impact sur la mécanique des fluides.
3. La « troisième composante » : les transmissions
La modernisation et le renouvellement de la « troisième composante », c’est-à-dire les transmissions nucléaires, fait l’objet du programme d’ensemble Hermès. Dans ce cadre, la modernisation des centres de transmission de la CNO (programme TRANSOUM) s’est achevée en 2020, celle des transmissions de la CNA (programme TRANSAERO) se poursuit, de même que les travaux sur le programme ANUBIS, successeur du réseau maillé durci (RAMSES).
B. Les points d’attention du rapporteur
1. Le maintien des compétences
● Grâce à la robustesse de sa BITD stratégique, la France est l’un des rares pays à être en mesure de concevoir et réaliser un programme de dissuasion de manière pleinement autonome. Portée par des grands maîtres d’œuvre – Naval Group, ArianeGroup, TechnicAtome, Dassault aviation, MBDA, Safran et Thales – la BITD stratégique comprend également de multiples ETI, PME et PMI dont il faut maintenir les compétences et veiller à la bonne santé. La DGA et la DAM font preuve de la plus grande vigilance à cet égard. Lors de son audition précitée, M. Vincenzo Salvetti indiquait ainsi que « la DAM a une double responsabilité : elle est maître d’ouvrage et maître d’œuvre dans son cœur de métier. Une stratégie de soutien et d’entraînement du tissu industriel français est une nécessité pour la réussite de nos programmes. Cela concerne les 4 000 entreprises dont j’ai parlé, même si elles ne sont pas toutes critiques. Sur certains sujets, nous avons trois ou quatre fournisseurs potentiels : la surveillance est donc un peu plus légère qu’en ce qui concerne des composants pour lesquels nous n’avons qu’un fournisseur possible ».
● Au-delà de la surveillance de la santé des entreprises, il faut veiller au maintien des compétences humaines. Le directeur des applications militaires reconnaissait ainsi, lors de son audition, qu’il revenait à la DAM de « savoir détecter les compétences critiques et de les renouveler en temps utile, pour ne pas les perdre. Un concepteur de tête ou de charge chevronné a suivi dix ans de formation interne, selon un système de compagnonnage – il est associé à quelqu’un de plus ancien. Les gens vieillissent, certains partent ou démissionnent : il ne faut pas se rater en ce qui concerne la dynamique d’embauche. D’où une problématique d’attractivité : on doit faire venir les gens, les fidéliser, les garder. ».
L’ensemble des acteurs étatiques et industriels de la dissuasion sont confrontés à cette problématique. Pour les industriels auditionnés par le rapporteur, l’un des principaux facteurs de maintien des compétences tient à la continuité de l’activité industrielle et le maintien « à flot » des plans de charges.
De ce point de vue, le choix d’équiper le PA-NG d’une chaufferie nucléaire a permis de répondre à une inquiétude du secteur, qui craignait notamment qu’en l’absence d’un troisième programme de conception, la fin du programme Barracuda et de l’activité du SNLE conduisent TechnicAtome – malgré le programme SNLE 3G – à voir ses effectifs passer sous la ligne de flottaison. Par le passé, TechnicAtome avait justement pu compter sur la réalisation du RES entre la fin du programme Triomphant et le lancement du programme Barracuda en réalisation, quand Naval Group traversait une période plus difficile. Pour certains, « si le Président de la République a choisi l’option nucléaire plutôt que l’option classique, c’est la volonté de maintenir les compétences de la filière propulsion nucléaire. Ne nous y trompons pas, le maintien de ces compétences est important moins pour le porte-avions que pour les sous-marins nucléaires lanceurs d’engins, car c’est la propulsion nucléaire qui permet leur invulnérabilité, leur dilution dans l’océan pendant plusieurs dizaines de jours sans remonter à la surface. Ainsi, le porte-avions est aussi un outil de maintien des compétences ». ([77])
La continuité de l’activité est essentielle pour maintenir des compétences rares – parfois orphelines – détenues par un très faible nombre de personnes. Dans ce contexte, M. Loïc Rocard, président-directeur général de TechnicAtome, a notamment indiqué au rapporteur que l’entreprise veillait, en lien avec la DAM, à ce qu’une part de ses ressources viennent financer des projets permettant d’entretenir les compétences les plus sensibles. Au cours des dernières années, ce fut notamment le cas dans les domaines de la discrétion acoustique ou de l’électronique de puissance, qui ne bénéficiaient alors pas de programmes de navires en cours de développement.
● Dans ce contexte, la plus grande attention doit être accordée à la situation d’ArianeGroup, entreprise fragilisée par le manque de robustesse du modèle économique d’exploitation du lanceur civil Ariane 6, malgré l’ouverture de nouvelles perspectives commerciales, notamment dans le champ des constellations, accessibles à Ariane 6. Or, Ariane Group est un acteur essentiel de la dissuasion nucléaire, dont la solidité repose sur un modèle dual de conception et de production des missiles balistiques de la CNO et des lanceurs spatiaux. S’il convient de saluer l’accord signé à l’été 2021 entre M. Bruno Le Maire, ministre de l’Économie et des finances, et son homologue allemand M. Peter Altmaier, pour équilibrer l’exploitation d’Ariane 6, des préoccupations demeurent. En effet, si ArianeGroup décidait de développer des lanceurs réutilisables – évolution qui paraît indispensable pour faire face à la concurrence d’acteurs comme Space X – l’entreprise serait amenée à privilégier un système de propulsion liquide pour le lanceur Ariane, alors que la propulsion du M51 demeurerait solide. Il y a donc là un enjeu crucial de maintien des compétences, parfaitement identifié par l’industriel comme par la DGA. Des réflexions ont d’ailleurs été engagées autour du lancement d’un démonstrateur de propulsion financé à partir des crédits inscrits au programme 144 de la mission « Défense ».
2. Le futur porteur de la composante aéroportée
À ce jour, la composante aéroportée de la dissuasion repose sur le Rafale, dont les performances sont régulièrement accrues grâce au développement de nouveaux standards. Le standard F3-R, opérationnel depuis le printemps 2021, remplacera définitivement le standard F3-4+ à compter du mois de juin 2022. Le standard F4 est toujours en développement, le début des expérimentations devant débuter à la fin de l’année 2022.
À long terme, le futur avion de combat (Next generation fighter) du système de combat aérien futur (SCAF) a vocation à emporter l’arme nucléaire. En effet, à l’issue de la signature de l’accord intergouvernemental tripartie (IA3), le 30 août 2021, par les ministres des Armées et de la Défense des trois pays concernés, les trois chefs d’état-major des armées de l’air française, le général Philippe Lavigne, allemande, le général Ingo Gerhartz, et espagnole, le général Javier Salto, ont signé la nouvelle édition du document d’expression du besoin, le CORD (Common Operational Requirements Document). Ce document exprime une vision commune sur le besoin opérationnel, déclinée du document de haut niveau, le HLCORD (High Level Common Operational Requirements Document), signé le 18 mars 2019. Y sont notamment intégrés la capacité du futur avion de combat à emporter l’arme nucléaire comme sa navalisation, essentiel pour l’emport de l’arme nucléaire par l’aéronavale depuis le porte-avions.
Alors que l’attention politique et médiatique est fortement tournée vers le SCAF, le rapporteur souligne l’importance de ne pas occulter le besoin d’un avion aux performances rehaussées à l’horizon 2035, date prévue de l’entrée en service opérationnel de l’ASN 4G. Comme l’a indiqué au rapporteur le général Laurent Rataud, sous-chef d’état-major plans-programmes (SCPP) de l’état-major de l’armée de l’air et de l’espace, le Rafale devra alors faire face à des systèmes de défense sol-air des plus performants, à l’instar des systèmes S-500 russes et équivalents, et évoluer dans des environnements extrêmement brouillés, ce qui supposera de le doter de moyens de guerre électronique et de guerre de navigation (NAVWAR), ainsi qu’éventuellement de moyens de suppressions des défenses aériennes adverses performants. C’est pourquoi il importe de veiller à disposer des moyens de développer un standard F5 robuste et performant, et ce d’autant que le NGF du SCAF n’emportera sans doute pas l’arme nucléaire dès 2040.
D’une part car un retard du programme ne constituerait en rien une surprise stratégique au regard de sa complexité. D’autre part car même sans retard, il est peu probable que la France ne s’appuie que sur le NGF pour la mise en œuvre de la CNA. Le rapporteur souligne d’ailleurs que plusieurs années se sont écoulées entre l’entrée en service du Rafale et sa première tenue de l’alerte nucléaire. En somme, le NGF n’assurera sans doute pas la mission nucléaire avant 2050, et quoiqu’il en soit concomitamment avec le Rafale dans un premier temps à l’instar du couple constitué par le Rafale et le Mirage 2000N jusqu’au retrait de service de ce dernier, il y a trois ans.
Il est donc indispensable de veiller à conserver les moyens de financer le développement d’un standard F5 du Rafale au meilleur niveau.
3. L’anticipation des prochaines ruptures technologiques
Pour garantir la crédibilité de notre dissuasion à court, moyen et long termes, et engager le renouvellement de ses composantes, il est indispensable d’anticiper très en amont les enjeux technologiques et industriels afférents. Et ce d’autant qu’aucune rupture de capacité ne peut être envisagée et que les programmes s’inscrivent dans un temps extrêmement long : plusieurs décennies s’écoulent des premières études et de la conception au retrait de service et au démantèlement. En somme, les programmes lancés en 2020 entreront en service à l’horizon 2035/2040, et dureront jusqu’en 2080. C’est pourquoi la France privilégie une démarche incrémentale, permettant d’adapter continuellement ses capacités nucléaires à l’évolution des menaces et du contexte stratégique.
● Il est indispensable de ne pas manquer les virages technologiques à même de constituer des ruptures stratégiques. À titre d’exemple, l’attention du rapporteur a notamment été portée sur les potentialités des systèmes d’armes présents et futurs de planeurs hypersoniques (gliders), sur lesquels travailleraient les États-Unis, la Chine et la Russie. La presse a d’ailleurs tout récemment indiqué que la Chine aurait testé une telle arme dans le courant du mois d’août ([78]). De telles capacités permettent aux pays qui les détiennent de s’affranchir des contraintes posées par l’essor de systèmes de déni d’accès (A2/AD) toujours plus performants, dans un contexte de développement de systèmes de défense sol-air conventionnel, à l’instar des futurs S-500 et de systèmes de défense anti-missile balistique (DAMB).
En France, le premier vol du démonstrateur du planeur hypersonique V-MAX (Véhicule Manoeuvrant eXpérimental) développé par ArianeGroup après avoir été lancé par la ministre des Armées en 2019, devrait intervenir prochainement. Évoquant ce démonstrateur à l’occasion d’un déplacement sur la base aérienne de Creil, la ministre des Armées rappelait, en mai 2021, que « ces planeurs hypersoniques sont capables de franchir les défenses aériennes les plus perfectionnées : ce sont des missiles qui pourront atteindre des vitesses inédites de 6 000 à 7 000 kilomètres par heure, autrement dit, parcourir la distance entre Dunkerque et Nice en 12 minutes. Or, quand on dispose de seulement quelques dizaines de minutes pour prendre une décision éclairée dont dépend la vie de milliers de personnes, on peut dire que même la plus grande intelligence humaine fait face à quelques difficultés ».
● Il importe que les acteurs de la dissuasion continuent de demeurer attentifs, en lien avec les services de renseignement, aux évolutions technologiques et comme aux programmes de recherche engagés par nos alliés comme nos compétiteurs stratégiques. À titre d’exemple, pour les représentants de Thales auditionnés par le rapporteur, les technologies quantiques sont à l’aube d’une nouvelle révolution technologique, et permettront le développement de nouveaux types de capteurs aux performances sans aucune mesure avec les capteurs existants au cours de la décennie : antennes large bande, antennes basse fréquence de petites dimensions, capteurs de guerre électronique, capteurs inertiel et centrales inertielles ultra performantes, accéléromètres et gravimètres. De tels progrès technologiques pourraient ne pas être sans conséquence pour le maintien de l’invulnérabilité des sous-marins de la FOST. Il en va plus globalement de même s’agissant du développement de l’intelligence artificielle, qui a donné lieu à la publication par le ministère des Armées d’une stratégie dédiée. ([79])
● De manière plus générale, le rapporteur souligne que le PLF 2022 prévoit l’inscription au programme 144 de la mission « Défense » de plus de 200 millions d’euros d’autorisations d’engagement et de crédits de paiement au titre des études amont, c’est-à-dire de la préparation de l’avenir. En 2022, les principales études porteront sur les moyens de la composante océanique de la dissuasion, la pérennité de l’invulnérabilité des SNLE, la maturité des technologies pour les évolutions du missile M51, la préparation de la prochaine génération de missile de la composante nucléaire aéroportée et les transmissions nucléaires et stratégiques.
4. L’environnement politique, diplomatique et juridique
● Au-delà du volet technologique et capacitaire, plusieurs des personnes auditionnées ont attiré l’attention du rapporteur sur l’importance de la prise en compte des enjeux politiques, diplomatiques et juridiques qui entourent la dissuasion nucléaire. Le directeur des programmes de défense d’ArianeGroup, M. Philippe Clar appelle notamment à faire preuve de vigilance s’agissant des discussions autour de la renégociation du traité New Start de réduction des armes stratégiques, en vigueur jusqu’au 5 février 2026. Il pourrait ainsi être à craindre que les États-Unis et la Russie soient tentés de vouloir inclure dans la discussion de nouvelles technologies, à l’instar des planeurs hypersoniques, dans le seul but d’empêcher leur développement par les puissances qui n’en seraient alors pas dotées.
De même, le rapporteur considère qu’il serait dangereux de sous-estimer les effets de la dynamique prohibitionniste, marquée par la signature du Traité d’interdiction des armes nucléaires (TIAN) en 2017. Ce dernier est entré en vigueur le 22 janvier 2021, malgré une participation très peu représentative de la communauté internationale. L’activisme dont font preuve certaines organisations non gouvernementales et des États non dotés de l’arme nucléaire remet en cause l’ordre international et les équilibres multilatéraux résultant de différents textes existants, au premier rang desquels le Traité de non-prolifération (TNP). Il y a d’autant plus lieu de s’en inquiéter que l’ordre international établi depuis la Guerre froide tend à être remis en cause, avec notamment la fin du traité sur les Forces nucléaires intermédiaires (FNI), en août 2019, du fait de sa violation par la Russie, qui « a acté la disparition du seul instrument bilatéral de maîtrise des armements éliminant une catégorie de vecteurs, amplifiant le risque d’une nouvelle course aux armements en Europe » ([80]).
● Par ailleurs, M. Loïc Rocard a attiré l’attention du rapporteur sur les risques de répercussion sur le nucléaire militaire des débats sur la place du nucléaire civil. Si la France décidait de se détourner du nucléaire civil, il y a en effet fort à parier qu’elle ne serait pas en mesure d’entretenir dans la longue durée les compétences nécessaires au maintien d’une filière de propulsion nucléaire, qu’il s’agisse de former, de recruter, ou de maintenir la chaîne de sous-traitance, fortement duale. Le débat sur la place du nucléaire dans le mix énergétique français est légitime, et le rapporteur est convaincu de l’importance de le tenir. À ses yeux, le nucléaire constitue un pilier du modèle énergétique français et il est donc indispensable de soutenir la filière civile et de s’assurer qu’elle retrouve des capacités au meilleur niveau pour développer des projets innovants. Dans ce contexte, il convient de relever l’appréciation satisfaisante qu’ont les industriels du niveau des formations initiales ainsi que d’un regain d’intérêt pour les métiers du nucléaire. C’est ainsi qu’à l’école Polytechnique, de nouvelles formations centrées sur le nucléaire ont vu le jour. De la même manière, alors que l’existence même des formations nucléaires de l’INSTN ([81]) semblait menacée il y a peu, faute d’inscrits en nombre suffisant – une quinzaine certaines années –, une centaine d’étudiants sont inscrits cette année. Cette tendance est rassurante.
5. La coopération européenne et franco-britannique autour des installations du programme Simulation
● L’approfondissement du programme Simulation fait face à des enjeux qui lui sont propres, dont le directeur des applications militaires du CEA a partagé publiquement les détails lors de son audition devant la commission de la Défense ([82]). Ceux-ci portent notamment sur le renouvellement des calculateurs, dont le rapport de MM. Jean-Jacques Bridey et Jacques Lamblin précité indiquait qu’il devait « être opéré tous les cinq ans en raison de l’obsolescence des composants électroniques et de l’accroissement nécessaire de la puissance des calculs pour augmenter la précision » ajoutant à l’époque « il faudrait augmenter la puissance de calcul d’un facteur 100 d’ici 2021 ».
En commission, M. Vincenzo Salvetti indiquait quant à lui, que la « prochaine étape » ne porterait sans doute pas sur un processeur uniquement français, alors qu’une initiative de processeur européen (Européen Processor Initiative – EPI) a été lancée. Selon lui, « cela permettra de se démarquer totalement de la puissance américaine. Il restera ensuite la question de la fonderie. La conception et le développement sont confiés à une société nouvellement créée, SiPearl, dont la problématique actuelle est sa capitalisation. Le ticket d’entrée pour produire les composants étant de plus de 10 milliards d’euros, un seul pays ne pourra probablement pas l’acquitter. Ainsi, nous aurions peut-être intérêt à avoir un fondeur au niveau européen. Une fois que cela sera fait, nous aurons des calculateurs « souverains » sur le plan européen, et quasiment « souverains » sur le plan français si on met de côté le processeur. » Aux yeux du rapporteur, l’approfondissement du dialogue européen autour de la dissuasion pourrait notamment s’incarner dans une telle initiative.
En outre, le laser mégajoule (LMJ) – installé au Centre d’études scientifiques et techniques d’Aquitaine (CESTA) depuis son inauguration en octobre 2014 – n’a pas encore son stade final de développement. À ce jour, la DAM est en effet en mesure de faire converger une petite centaine des 176 faisceaux laser prévus à terme pour déclencher les fusions thermonucléaires. Il s’agit donc de poursuivre la montée en puissance de LMJ.
● En outre, le rapporteur s’inquiète des possibles répercussions sur la coopération franco-britannique du Brexit et du refroidissement de la relation bilatérale consécutive au lancement de l’alliance AUKUS. La France et le Royaume-Uni ont en effet décidé, dans le cadre du traité global de défense franco-britannique signé à Londres – les accords de Lancaster House – d’avancer plus avant dans le domaine nucléaire. Le président de la République française et le Premier ministre britannique ont signé, le 2 novembre 2010, un traité relatif au partage d’installations radiographiques et hydrodynamiques, prenant la forme de la construction et de l’exploitation commune de l’installation radiographique et hydrodynamique Épure, sur le centre CEA de Valduc. Au-delà de l’intérêt technologique d’une telle coopération, elle permet également de partager le fardeau budgétaire, la France ayant économisé 450 millions d’euros sur vingt-cinq ans, soit la moitié du coût total du projet.
Cette initiative est pour l’heure un succès, le site accueillant environ quatre-vingt-dix personnes dont une cinquantaine de Français et une quarantaine de Britanniques. Lors de son audition devant la commission, le directeur des applications militaires notait toutefois l’avance française, avec quatorze expériences menées, contre aucune du côté britannique, leur première expérience étant prévue à l’horizon 2023-2024.
S’il n’y a pas lieu de douter de la poursuite de la coopération franco-britannique autour des installations Épure, le rapporteur craint que les tensions qui pèsent aujourd’hui sur les relations bilatérales empêchent de l’approfondir. Dans leur rapport précité, MM. Jean-Jacques Bridey et Jacques Lamblin appelaient ainsi à envisager l’accès des Britanniques à l’infrastructure du laser mégajoule. Une telle évolution semble aujourd’hui plus difficile, ce que le rapporteur ne peut que regretter.
I. Audition de M. Joël Barre,
délégué général pour l’armement
La commission a entendu M. Joël Barre, délégué général pour l’armement, sur le projet de loi de finances pour 2022 (n° 4601), au cours de sa réunion du 14 octobre 2021.
Le compte rendu de cette audition est disponible sur le site internet de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/comptes-rendus/cion_def/l15cion_def2122015_compte-rendu
— 1 —
La Commission a examiné pour avis, sur le rapport de M. Christophe Lejeune, les crédits inscrits au programme 146 « Équipement des forces » de la mission « Défense » pour 2022, au cours de sa réunion du 20 octobre 2021.
M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis (Équipement des forces et Dissuasion). Avec plus de 17 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 14,5 milliards en crédits de paiement, le programme 146 Équipement des forces se voit affecter plus de la moitié des nouveaux crédits alloués à la mission Défense. Levons donc immédiatement le suspense : j’émettrai un avis favorable à leur adoption ! Ces ressources supplémentaires permettront de poursuivre le vaste plan de réarmement engagé depuis 2017, qui a vu le budget de la défense passer de 32,3 à 40,9 milliards, et celui du programme 146 de 10,05 à 14,5 milliards, soit une hausse de 45 % en cinq ans.
L’année 2022 verra en particulier la livraison d’un Rafale – le premier depuis 2016 –, de deux A400M, de trois A330-MRTT Phénix, de 20 fusils brouilleurs de drones, d’une FREMM de défense aérienne, du deuxième sous-marin du programme Barracuda – le Duguay-Trouin –, de 245 nouveaux véhicules du programme SCORPION – Griffon, Jaguar et Serval – et de 14 drones tactiques. Dans le domaine spatial, un satellite d’écoutes électromagnétiques CERES, un satellite d’observation MUSIS et un satellite de communication Syracuse IV seront lancés.
Au rang des commandes, je mentionnerai les 400 blindés du programme SCORPION, les 50 chars Leclerc, la rénovation de quatre C-130 Hercules et les travaux d’infrastructure pour accueillir à Toulouse le commandement de l’espace.
Chaque jour, nos armées se modernisent ; il faut s’en féliciter car, en 2017, la France n’était plus suffisamment armée face à l’accélération des désordres du monde. Malgré l’actualisation de la loi de programmation militaire de 2015, les armées avaient été fortement éprouvées par les effets délétères de la revue générale des politiques publiques (RGPP) et plus largement par des années de naïveté et de renoncements. Je n’accuse personne, les « dividendes de la paix » en ont aveuglé plus d’un…
La LPM prévoit 295 milliards d’investissement sur la période 2019-2025. Ceux-ci ont un impact sur l’économie de notre pays : l’activité des entreprises de la BITD, la base industrielle et technologique de défense, génère environ 200 000 emplois directs et indirects et les dépenses de défense alimentent des industriels français, dont la production comme les sous-traitants sont françaises et réparties sur nos territoires.
Mais rien n’est encore gagné et, comme l’a dit la ministre, nous n’en sommes qu’à la moitié du chemin.
L’année 2021 a apporté quelques motifs de satisfaction : les retards de production dus à la crise sanitaire seront quasiment tous rattrapés d’ici à décembre, grâce à l’action de la DGA et à la mobilisation des industriels. L’export repart : malgré l’affaire australienne, les succès du Rafale, des canons CAESAR, des frégates de défense et d’intervention (FDI) ou de l’A400M dessinent une tendance salutaire. Tombé à moins de 5 milliards d’euros en 2020, le montant des exportations pourrait retrouver dès cette année son niveau de 2019.
D’autres points méritent davantage d’attention. Compte tenu des défis, il ne faudra pas mollir et poursuivre l’effort de réarmement au-delà de 2022, voire l’accentuer. Le général Lecointre avait pour habitude de dire que, malgré la LPM, notre armée resterait une armée de temps de paix. Alors que les menaces prolifèrent et qu’il faut se préparer à l’hypothèse d’un conflit de haute intensité, la France devra poursuivre le rehaussement de ses capacités militaires et continuer de se préparer à des affrontements dans les nouveaux domaines de conflictualité que sont l’espace, le cyber ou les grands fonds marins.
Dans ce contexte, l’approfondissement de l’Europe de la défense est plus que jamais une nécessité. Or, je m’inquiète de l’état de notre coopération avec les Britanniques, en particulier des tensions sur le programme futur missile antinavire / futur missile de croisière (FMAN/FMC). La coopération franco-allemande n’est pas sans soulever certaines interrogations : si les choses avancent bien sur l’Eurodrone ou le SCAF, elles sont plus laborieuses concernant le char du futur (MGCS), voire suspendue ou à l’arrêt s’agissant de l’hélicoptère de combat Tigre Mk3 et de l’avion de patrouille maritime.
Heureusement, les choses sont plus sereines avec la Belgique, l’Espagne, l’Italie et la Grèce, avec laquelle nous avons même signé un partenariat stratégique, ce dont nous pouvons nous féliciter. Les équilibres de la LPM s’appuyant fortement sur une politique volontariste de coopération européenne, il nous faut continuer à œuvrer en faveur d’une Europe de la défense tant capacitaire qu’opérationnelle.
Cette année, j’ai choisi de consacrer la partie thématique de mon rapport à la modernisation et au renouvellement de la dissuasion nucléaire, tout juste cinq ans après la publication du rapport de Jean-Jacques Bridey et Jacques Lamblin sur les enjeux technologiques et industriels du renouvellement des deux composantes. En chiffres, le renouvellement de ces composantes fait l’objet d’un financement de 25 milliards d’euros sur les quatre premières années de la LPM ; 5,29 milliards sont inscrits en projet de loi de finances pour 2022, soit 12,6 % des crédits de la mission Défense. Encore ces données ne traduisent-elles que l’effort de la nation au titre de l’agrégat budgétaire Dissuasion ; d’autres crédits y contribuent, notamment au travers des programmes Rafale et Airbus A330 MRTT ou encore du porte-avions.
La modernisation et le renouvellement de nos composantes sont évidemment déjà en cours.
La composante aéroportée fait l’objet du programme d’ensemble Horus. Les travaux engagés portent d’abord sur la rénovation du missile air-sol moyenne portée amélioré (ASMP-A). Un tir d’essai a été réalisé le 9 décembre 2020 et un tir de qualification devrait avoir lieu en 2022. Des réflexions ont été engagées au sujet du missile air-sol nucléaire de quatrième génération (ASN4G), son successeur à l’horizon 2035. La solution technologique retenue devrait être entérinée prochainement et la phase de réalisation serait lancée en 2025.
Le programme d’ensemble Cœlacanthe est consacré à la composante océanique. La conception et la production du troisième incrément du missile nucléaire M51 ont été lancées, et un tir d’essai du missile sans charge militaire a été effectué avec succès le 28 avril 2021. Il en va de même des travaux relatifs au SNLE de troisième génération (SNLE 3G), engagés à la suite de l’annonce du lancement en réalisation du programme par la ministre, le 19 février dernier.
S’agissant enfin de la troisième composante, c’est-à-dire les transmissions nucléaires, le programme Hermès se poursuit, avec la modernisation des centres de transmission des deux composantes et la réalisation du programme Anubis, successeur du réseau maillé durci (RAMSES).
Ces programmes suivent leur cours de manière satisfaisante, mais je relève tout de même quatre points, sinon de préoccupation, au moins de vigilance. Premièrement, le maintien des compétences. À titre d’exemple je m’interroge sur les conséquences de la situation d’ArianeGroup sur l’entretien des compétences nécessaires notamment à l’évolution du M51. D’autant plus que si ArianeGroup s’oriente vers des lanceurs réutilisables, elle privilégiera un système de propulsion liquide pour l’évolution du lanceur Ariane alors que le M51 demeurera à propulsion solide.
Deuxièmement, concernant le futur porteur de la composante aéroportée, on parle beaucoup du SCAF, mais moins du standard du Rafale à l’horizon 2035. Or il devra évoluer face à des systèmes de défense sol-air plus performants tels les systèmes S-500 russes et équivalents, et dans des environnements extrêmement brouillés. En outre, même si le calendrier du SCAF était respecté, il est peu probable que l’avion de combat NGF assure l’alerte nucléaire avant la fin de la décennie 2040. Veillons donc à financer le développement d’un standard F5 du Rafale au meilleur niveau.
Troisièmement, il importe de continuer à anticiper les futures ruptures technologiques, comme les systèmes d’armes présents et futurs de planeurs hypersoniques, d’autant que la Chine aurait, selon la presse, testé une telle arme en août dernier.
Quatrièmement, l’évolution de l’environnement politique, médiatique et diplomatique sur la question nucléaire doit être suivie avec la plus grande attention, en particulier la renégociation du traité New Start de réduction des armes stratégiques, en vigueur jusqu’au 5 février 2026. En outre, nombre de mes interlocuteurs m’ont alerté quant aux risques de répercussion sur le nucléaire militaire des débats sur la place du nucléaire civil. Si la France décidait de s’en détourner, elle ne serait sans doute pas en mesure d’entretenir sur le long terme les compétences nécessaires au maintien d’une filière de propulsion nucléaire. Je suis convaincu de la nécessité de débattre de la place du nucléaire, et plus encore qu’il s’agit d’une solution d’avenir.
Mme Patricia Mirallès. L’aboutissement d’un si grand nombre de projets structurants pour nos forces est source de réjouissance. Le combattant, aussi courageux soit-il, n’est que peu de chose sur le champ de bataille si son armement ne lui permet pas de s’élever à la hauteur du défi auquel il fait face.
Avec une hausse de 1,39 million d’euros en crédits de paiement, le programme crucial de l’avion du futur, SCAF, connaîtra en 2022 une stabilité de son budget, à hauteur de 157 millions. Ce programme est un symbole de coopération européenne en matière de défense et suscite un attachement fort, tout à fait légitime. Toute vampirisation budgétaire à son encontre serait malvenue. La réussite de nos armées dépend aussi de notre capacité à maintenir un mix technologique équilibré pour nos aéronefs. Stabilité des budgets et équilibre matériel des armées sont autant de raisons de se réjouir, selon moi.
M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Le programme 146 établit un lien fondamental entre les armées et les industriels, œuvrant ainsi pour la coopération européenne et surtout la souveraineté française. Dans ce contexte, j’aimerais rappeler qu’à votre initiative, Madame la Présidente, en février 2021, nous nous sommes rendus au salon IDEX and NAVDEX à Abou Dhabi. Être aux côtés de nos industriels pour ce premier rendez-vous international depuis un an a constitué pour eux un message très fort.
Toujours à votre initiative, le mois dernier, nous nous sommes rendus à Madrid pour rencontrer des responsables d’Airbus, symbole de la coopération européenne, mais aussi échanger avec nos collègues membre de la commission de la défense aux Cortes generales, qui ont été très agréablement surpris de notre venue. En matière de coopération, on pense souvent à l’Allemagne ou au Royaume-Uni, mais l’Espagne est un partenaire essentiel, disposant d’une forte spécificité industrielle. Nos discussions ont à la fois contribué à apporter de la visibilité à leurs industriels et été très riches d’enseignements. C’est notre rôle de parlementaires que d’apporter à nos industriels et nos armées la visibilité budgétaire qu’ils attendent de nous.
Mme la présidente Françoise Dumas. Tous, ici, je pense, nous sommes conscients que les différents sujets traités par la commission de la défense sont étroitement liés à la situation géopolitique, qui évolue et dont la complexification nécessite de mobiliser nos partenaires européens. Échanger et réfléchir avec eux à la meilleure manière de faire face aux nouveaux enjeux et aux nouvelles formes de conflictualité dans le monde nous aidera à progresser vers l’Europe de la défense que nous appelons de nos vœux. Je ne doute pas qu’elle retrouvera un élan à la faveur de la Présidence française de l’Union européenne, grâce à la détermination du Président de la République et au rôle que nous nous emploierons à jouer dans la diplomatie parlementaire, tout à fait indispensable.
*
* *
Mme la présidente Françoise Dumas. Mes chers collègues, nous en venons cet après-midi aux interventions des orateurs de groupe, puis à l’examen des amendements et au vote sur les missions Défense, Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, et Sécurités.
M. Jacques Marilossian. Pour la cinquième année consécutive, le budget de la défense est en augmentation. Pour la quatrième année consécutive, il est conforme à la trajectoire de la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Les crédits de la mission Défense pour 2022 s’élèvent à 40,9 milliards d’euros, contre 32,3 milliards en 2017, soit un effort de 26 milliards en cinq ans.
Depuis 2017, la volonté politique du Président de la République, du Gouvernement et du Parlement a permis de sortir nos forces armées d’un cercle vicieux fait de réductions des capacités, des effectifs, mais aussi des ambitions. Nos armées avaient fini par mettre en pratique un terrible concept : perdre la guerre avant la guerre. Nous avons mis fin à ce cercle vicieux pour leur redonner les moyens qui leur permettront d’assumer à nouveau la vocation mondiale de puissance d’équilibre de la France. Comme l’a dit Mme Parly, d’ici à 2030, la France doit pouvoir intervenir partout où ses intérêts sont en jeu, gagner sur tous les terrains et l’emporter face à tous les ennemis, seule ou en coalition.
En examinant chaque année le budget de la défense au sein de notre commission, nous avons contribué, à notre façon, selon nos sensibilités politiques, à soutenir le modèle d’armée complet, équilibré, dans la durée, qui est notre objectif depuis la revue stratégique de 2017. Je tiens à féliciter l’ensemble des rapporteurs, qui ont apporté une pierre à l’édifice et ont contribué à la renaissance de nos forces armées – j’ai été moi-même rapporteur pour avis du budget de la marine pendant les trois premières années de la législature.
La ministre de la défense nous a annoncé, pour 2022, des livraisons d’équipements à hauteur de 23,7 milliards, mais aussi une commande militaire d’un montant de 36 milliards, dont plus de 8 milliards pour les programmes majeurs. L’ensemble des armées sont concernées, des véhicules blindés aux frégates, en passant par les équipements radio, les avions, les satellites, etc. N’oublions pas les 603 millions de commandes anticipées dans le secteur aéronautique, qui portent sur trois A330 de transport stratégique, huit hélicoptères Caracal et des systèmes de drone pour la marine. Ces commandes permettent à nos industries de défense d’innover et de produire. Elles sont le tissu indispensable à notre autonomie stratégique nationale mais aussi européenne. Nous pouvons nous féliciter que, face aux conséquences de la pandémie mondiale, qui ont logiquement affecté les livraisons, nous ayons pu ajuster les priorités aux disponibilités, tout en maintenant le niveau d’investissement.
La mission Défense prévoit d’importantes livraisons d’équipements en 2022, comme, par exemple, 245 véhicules blindés Griffon, les premiers engins blindés de reconnaissance et de combat Jaguar, les drones Patroller, une frégate – La Lorraine –, un sous-marin nucléaire d’attaque (SNA), des capacités exploratoires pour les grands fonds marins, des avions ravitailleurs MRTT Phénix et des satellites.
Le maintien en condition opérationnelle (MCO) bénéficie en 2022 d’un investissement de plus de 5 milliards d’euros ; 2,4 milliards sont consacrés au renouvellement de nos infrastructures, notamment pour les équipements à venir. Des moyens substantiels sont encore affectés, cette année, au renseignement, à l’espace, à la cyberdéfense – 376 nouveaux postes sont créés dans le cyber – et, bien sûr, à la dissuasion nucléaire, afin de préserver notre souveraineté.
S’agissant de la recherche, l’Agence de l’innovation de défense (AID) bénéficiera d’un soutien de plus de 1 milliard d’euros. Pour les hommes et leur famille, le budget 2022 consacre 2 milliards au plan famille, aux petits équipements du quotidien et aux structures d’hébergement. L’effort budgétaire consenti encore cette année n’ignore donc pas ce qui fait le cœur de nos armées : les femmes et les hommes, qu’ils soient sur terre, dans les airs ou en mer. Rappelons qu’en 2022, nous recruterons plus de 26 000 personnes.
Le budget 2022 est bien au service d’une démarche stratégique qui, comme l’a dit le chef d’état-major, nous permet de gagner la guerre avant la guerre. Plusieurs défis continueront cependant à se poser à nos forces armées dans le cadre de la prochaine législature et de la future loi de programmation militaire. Sur un plan opérationnel, j’en retiens deux en particulier : des tensions dans le recrutement et la fidélisation des hommes ; l’approvisionnement en munitions pour la préparation opérationnelle.
Enfin, sur le plan stratégique, nous devons poursuivre l’effort de défense, afin que la France puisse continuer à défendre sa souveraineté, à jouer son rôle de puissance d’équilibre dans le monde – je pense bien sûr à la zone Indo-Pacifique.
Avant de disposer d’une véritable défense européenne, autonome, dotée d’une boussole stratégique, nous devons nous préparer au retour du combat à haute intensité et aux défis que nous lancent les puissances autoritaires et agressives dans de nombreuses régions du monde. Poursuivre nos efforts, c’est bien l’ordre de marche qui doit être le nôtre !
Le groupe La République en marche votera ce budget.
M. Jean-Louis Thiériot. Il est difficile de se prononcer sur ce budget, car on peut voir à la fois le verre à moitié plein et à moitié vide. D’un côté, nous ne pouvons que constater un certain nombre d’éléments très positifs : la LPM est respectée de bout en bout, le budget est en hausse de 1,7 milliard et on observe, sur le terrain, un mouvement de réparation, une remontée en puissance de nos forces. Tous ces facteurs nous inciteraient à voter le budget.
Cela étant, un phénomène s’est aggravé depuis la revue stratégique de 2017 : la poussée des tensions dans la zone Indo-Pacifique. Nous savons ce qui s’est passé avec l’Australie et nous observons les actions en cours à l’égard de Taïwan. Il y a aujourd’hui un véritable débat de fond sur le format de notre marine – l’amiral Vandier nous l’a rappelé.
D’autres questions restent ouvertes, comme l’a montré le rapport de Jean-Jacques Ferrara sur la force aérienne. Je salue les exportations de Rafale en Croatie et en Grèce, qui constituent un succès collectif de la Team France. Cela étant, nous connaîtrons une baisse capacitaire temporaire liée à ces ventes de matériels d’occasion, puisque nous ne disposerons plus que d’un parc de 117 Rafale au lieu de 129.
Il est un autre sujet, un peu plus marginal, mais qui n’en constitue pas moins un signe un peu inquiétant : la décision prise par l’armée de retarder quelques commandes de Griffon pour développer les matériels dont nous avions un besoin impératif : le véhicule blindé d’aide à l’engagement (VBAE) et les engins du génie. On a connu la même tendance pour toutes les LPM : afin de respecter les impératifs budgétaires, on retarde des programmes.
Deux raisons expliquent que notre groupe, après des débats nourris, s’abstiendra lors du vote de ces crédits.
Premièrement, il était prévu initialement que nous débattions de l’actualisation de la LPM. Nous regrettons tous que cela n’ait pas été le cas.
Deuxièmement, j’avais milité pour que le plan de relance comporte un quatrième pilier, consacré à la défense et à la sécurité. Rappelons que le déficit public est passé de 3,3 % du PIB avant la crise du covid à 6,7 % aujourd’hui. Ces quelques milliards supplémentaires nous auraient permis de conserver notre avantage compétitif, qui repose sur un modèle d’armée complet, d’emploi, et notre capacité à jouer un rôle d’équilibre.
Je qualifierai notre abstention de « bienveillante ». Nous saluons les efforts accomplis, mais nous savons combien il est difficile de rattraper des engagements budgétaires non tenus – toutes les familles politiques ont leur part de responsabilité en la matière. Les décisions que nous prenons aujourd’hui affectent les hommes et les femmes de nos armées, qui sont en première ligne. À l’avenir, c’est à eux, d’abord, que nous devrons rendre des comptes.
Mme la présidente Françoise Dumas. Ils ont aussi en mémoire les décennies de restrictions, qui n’ont pas encore été rattrapées. Je peux concevoir que vous fassiez le choix de l’abstention pour des motifs politiques, mais c’est plus difficile à comprendre pour nos soldats, qui ont subi, depuis vingt ans, les conséquences de choix budgétaires auxquels votre groupe a pris part.
M. Thomas Gassilloud. Nous sommes réunis pour examiner notre cinquième et dernier budget de la défense de la législature, qui est aussi le quatrième de la LPM 2019-2025, ainsi que les crédits de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation et ceux de la gendarmerie.
La surprise réservée par le budget de la défense est qu’il est sans surprise. Il résulte d’une volonté politique et se concrétise par une augmentation des crédits de 1,7 milliard d’euros, laquelle respecte parfaitement les engagements pris dans le cadre de la LPM 2019-2025. Certaines recommandations du groupe Agir ensemble ont été prises en compte. Lors de l’examen du PLF 2021, nous avions alerté le Gouvernement sur deux points : le manque de déclinaison opérationnelle sur le retour de la haute intensité et la nécessité d’adapter notre stratégie au Sahel. Le budget répond à ces attentes. D’une part, il prévoit la livraison des capacités critiques nécessaires pour crédibiliser notre force armée dans l’hypothèse d’un conflit de haute intensité. D’autre part, l’action Surcoûts liés aux opérations extérieures du programme 178 permet à notre dispositif militaire au Sahel d’évoluer.
Par ailleurs, le budget exploite l’hybridité pour offrir à la France de meilleurs leviers d’influence, notamment en consacrant 646 millions à l’espace, 231 millions au cyber et près de 400 millions au renseignement.
Je voudrais également souligner la complémentarité des plans France relance et France 2030, qui font la part belle aux enjeux militaires et de dualité, qu’il s’agisse du nucléaire, de l’espace, du cyber et des fonds sous-marins. Ces crédits s’ajouteront au budget prévu par la LPM. La défense contribue ainsi à favoriser le développement technologique du pays.
Je rappelle aussi que les crédits du Fonds européen de la défense (FED), dont le montant annuel s’élève à 1,2 milliard d’euros, s’ajouteront aux efforts nationaux.
Cela étant dit, nous aurions aimé que le budget alloué aux forces des réserves suive la dynamique générale, notamment s’agissant de la réserve opérationnelle.
Par ailleurs, il faut veiller à ce que les moyens alloués au cyber, au renseignement et à l’espace s’inscrivent dans un cadre équilibré, qui préserve le financement des autres armées. Avec Sereine Mauborgne, je serai particulièrement attentif aux effectifs de la force opérationnelle terrestre.
La mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation envoie des signaux forts au monde combattant, dans le prolongement de ce qui a été fait depuis 2017. Cette année, on doit noter l’évolution du point de la pension militaire d’invalidité (PMI). Par ailleurs, les crédits affectés à la journée défense et citoyenneté (JDC) sont en hausse de 2 millions d’euros et ceux dédiés au service militaire volontaire (SMV) sont confortés à un niveau de 3 millions d’euros.
Nous voterons donc sans réserve et avec enthousiasme les crédits des missions Défense et Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation.
M. Philippe Michel-Kleisbauer. En dressant le bilan de notre action depuis 2017, je ne vois pas un seul domaine dans lequel on aurait régressé. Jacques Marilossian et Thomas Gassilloud ont très bien décrit tout ce qui a progressé. Il y a des programmes dont le démarrage a été retardé, mais pour des raisons qui tiennent plus à la chronologie et à la préparation qu’au budget proprement dit. La trajectoire financière a été pleinement respectée depuis le début de la LPM.
Je tiens à rassurer ceux qui ont peur pour l’avenir. Nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait. Nous avons pesé, par notre soutien – je pense, par exemple, aux rapporteurs successifs du budget de la marine – sur cette évolution budgétaire.
Le Figaro d’hier faisait état de la bataille relative aux Small Modular Reactors (SMR), que j’évoque depuis plusieurs mois. Le Président de la République a souhaité que nous entrions dans la compétition, en développant une filière 100 % française du nucléaire civil faiblement enrichi à 4 ou 5 %. Ce projet résulte, pour partie, des travaux de notre commission. Naval Group et TechnicAtome développent les microcentrales les plus performantes en Europe, et probablement au monde. Là où les Américains ont inventé le nucléaire, nous concevons les micro-chaudières les plus compactes.
Au-delà de la trajectoire financière adoptée dans la LPM, nous avons su réagir au moment où il le fallait. Cela a été le cas pour le nucléaire, mais aussi pour la défense et l’espace. La ministre de la défense a ainsi augmenté les budgets pour permettre à Toulouse de remporter la compétition relative à l’implantation du centre d’excellence de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) pour l’espace. Je citerai également notre action en matière de cybersécurité. En février 2018, Louis Gautier, alors à la tête du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN) nous présentait la première revue stratégique de cybersécurité. Dès l’hiver suivant, la ministre exposait la doctrine de la lutte informatique offensive (LIO), autrement dit la capacité de riposte cybersécuritaire, dotée d’effectifs en hausse. Nous avons consolidé les domaines stratégiques à mesure que les besoins apparaissaient.
Des inquiétudes sont nées du fait que l’on puise dans les réserves de Rafale pour l’exportation, ce qui réduit notre parc à 117 avions au lieu de 129. C’est sans compter sur ce que nous allons peut-être vendre d’ici au prochain exercice budgétaire. Je compte bien que l’on obtienne de nouvelles commandes ! Peut-être pourra-t-on également « rétrofiter » des Mirage 2000, que l’on récupérera quelque part. On pourrait donc passer en dessous des 117 Rafale. Cela étant, je suis sûr que nous passerons la commande des douze Rafale évoquée par Jean-Jacques Ferrara ce matin et que nous atteindrons, à terme, le nombre d’appareils promis.
Le groupe Modem et démocrates apparentés votera évidemment ces budgets, mais nous voudrions que toutes les hypothèques soient levées. Nous ne pensons pas une seule seconde que l’effort que nous avons fait pendant cinq ans ne sera pas prolongé.
Mme Isabelle Santiago. Nos forces armées sont fortement mobilisées, depuis plusieurs années, dans le cadre des opérations extérieures et intérieures, sur fond de terrorisme et de crise sanitaire. Je salue le travail remarquable qu’elles accomplissent dans un contexte parfois difficile, compte tenu de la multiplication de leurs missions et de leurs engagements. Face à la montée des tensions internationales et aux menaces croissantes provenant des nouvelles tactiques de guerre hybride, les défis qui nous attendent n’ont peut-être jamais été aussi grands depuis la fin de la guerre froide. Nous mesurons jour après jour leur implication stratégique : je pense aux actions belliqueuses de puissances étrangères – Russie et Chine, pour ne citer qu’elles. L’environnement mondial est également soumis à de nombreux aléas potentiellement périlleux pour l’équilibre mondial et la paix, à l’image de l’architecture de sécurité liée à l’armement nucléaire et des tensions persistantes au sein de la zone Indo-Pacifique. Le PLF 2022 et sa mission Défense doivent s’adapter aux problématiques actuelles et à venir, ainsi qu’aux menaces grandissantes.
Je tiens à souligner ce qui va dans le bon sens. Les efforts budgétaires sont indéniables, dans la continuité d’actions déjà engagées, qui portent leurs fruits sur le terrain. La hausse de 1,7 milliard, inscrite dans la LPM, est, cette année encore, maintenue. Dans le même sens, l’effort substantiel consacré au programme 146 Équipement des forces est conforté : les crédits de paiement, qui excèdent légèrement 860 millions, financeront notamment les grands programmes d’armement, dont l’importance est cruciale. Nous notons une augmentation de 1 348 emplois comptabilisés en équivalents temps plein (ETP) entre la loi de finances initiale (LFI) 2021 et le PLF 2022. Relevons aussi les investissements en faveur des hommes, comme l’illustrent, par exemple, le plan famille et le plan ambition logement.
Mon groupe souhaite cependant vous alerter sur quelques points, notamment la baisse drastique des autorisations d’engagement des programmes 144, 178 et 146 par rapport à 2021, ce qui laisse craindre une baisse future des crédits de paiement. Des sujets primordiaux sont pourtant en jeu. Le programme 144 concerne l’anticipation des menaces, qui doit permettre d’adapter l’outil de défense aux risques émergents. Le programme 178 a trait, quant à lui, à l’amélioration de la préparation opérationnelle. La révision de la LPM indiquait que cette préparation devait faire l’objet d’une attention particulière, pour préparer nos armées aux conflits de haute intensité. Nous nous interrogeons sur la pérennité des hausses de crédits prévus par la LPM 2019-2025, dans la mesure où la marche sera encore plus haute à franchir à partir de 2023. En effet, à compter de cette date, les augmentations annuelles de crédits passeront de 1,7 à 3 milliards. Comment les objectifs financiers finaux de la LPM seront-ils tenus ?
Il n’en reste pas moins que les efforts sont indiscutables. Même si nous faisons usage de notre droit d’alerte sur plusieurs sujets, nos soldats et nos armées attendent un soutien massif et éclairé, que nous devons leur apporter. C’est pourquoi le groupe Socialistes et apparentés votera les crédits de la mission Défense.
M. Yannick Favennec-Bécot. Depuis le début de la législature, les députés du groupe UDI et indépendants se sont efforcés de faire preuve d’une opposition constructive à l’égard des mesures proposées par le Gouvernement et la majorité. Lorsque nous avons considéré qu’ils faisaient fausse route, nous avons affirmé notre opposition, parfois avec force, mais toujours avec l’intérêt général en ligne de mire. À l’inverse, lorsque nous avons estimé qu’une mesure allait dans le bon sens, ou qu’une réforme était bonne pour le pays, nous l’avons votée, en faisant fi de nos différences ou de nos nuances politiques. C’est sans doute cela, aussi, être centriste.
La mission Défense est dotée, pour 2022, d’un budget de 40,9 milliards d’euros. L’augmentation de 1,7 milliard de ses crédits par rapport à 2021 respecte les engagements pris dans le cadre ambitieux de la LPM. Disons-le sans ambages : ce budget nous satisfait pleinement. Alors que notre pays et notre économie ont été profondément bouleversés par la crise sanitaire, le Gouvernement aurait pu choisir la facilité, privilégier le court terme et mettre un coup de canif dans la LPM, comme bien d’autres gouvernements l’ont fait par le passé. Tel n’a pas été le cas. Nos armées et nos militaires ne servent plus de variables d’ajustement, ce dont nous nous réjouissons. Avec ce budget, la parole donnée est respectée : c’est le minimum que nous devons à ceux qui consacrent leur quotidien à la protection de la France, parfois, il faut le dire, au détriment de leur vie.
Je voudrais souligner les aspects les plus saillants du budget et renouveler les craintes que nous avions formulées en 2018 lors de l’examen de la LPM.
Parmi les éléments satisfaisants, je relèverai le milliard consacré à l’innovation, pour concevoir les technologies de demain, les 500 millions supplémentaires pour les programmes d’armement majeurs, les 337 millions destinés à l’amélioration des conditions d’hébergement et de logement de nos militaires, les 300 millions supplémentaires consacrés à l’entretien des matériels, la création nette de 450 postes dans des domaines aussi essentiels que le renseignement et la cyberdéfense, ou encore le nombre substantiel de nouveaux véhicules – 5 000 – destinés à nos gendarmes.
Concernant nos craintes, n’oublions pas que, si la LPM est respectée quasiment à la lettre, 2023 sera marquée par une hausse de 3 milliards du budget de nos armées. Cette marche sera haute, et son franchissement ne sera pas un cadeau pour le prochain gouvernement, compte tenu notamment des nombreuses dépenses réalisées dans le présent PLF. Dit autrement, nous considérons que, pour le bien et l’avenir de nos armées, il aurait fallu mieux répartir les efforts, afin de réduire à néant les risques de faiblir.
Cela étant dit, le groupe UDI et indépendants votera néanmoins les crédits de la mission Défense.
En ce qui concerne la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, notre groupe se réjouit de la subvention de 56,36 millions d’euros au profit de l’Office national des anciens combattants et victimes de guerre (ONACVG), ainsi que du maintien à 25 millions d’euros du budget consacré à l’action sociale. De même, notre groupe salue la volonté du Gouvernement d’augmenter le point de la PMI, qui s’inscrit dans la droite ligne des mesures prises en faveur du monde combattant depuis le début de cette législature.
Toutefois, notre groupe regrette que la baisse naturelle du nombre des ayants droit et ayants cause se traduise par une énième baisse du budget de la mission. Maintenir le budget à hauteur de son niveau de 2021 aurait permis, sans doute, de répondre à de nombreuses requêtes légitimes formulées depuis longtemps par le monde combattant. Le groupe UDI et indépendants proposera, en ce sens, un certain nombre d’amendements en séance publique, afin de répondre aux attentes de ces femmes et de ces hommes.
Enfin, puisqu’il s’agit de notre dernier exercice budgétaire, je vous remercie, Madame la présidente, pour votre bienveillance et votre sens de l’équité.
M. Alexis Corbière. Malgré les points de désaccord que je fais entendre, et même si cette commission mériterait d’être le lieu de débats un peu plus animés, je vous remercie moi aussi pour la présidence bienveillante que vous exercez.
C’est sans doute la dernière fois de la législature que nous nous retrouvons pour parler de ces sujets importants. Cette cinquième hausse successive du budget ne doit pas faire oublier l’absence d’actualisation de la loi de programmation militaire en 2021 – et l’absence de débat sur la question.
Trop souvent, la commission de la défense est une commission de la défiance vis-à-vis des parlementaires. Vous n’en êtes pas responsable, Madame la présidente : ce sont les institutions qui sont en cause. On discute chiffres et comptabilité, mais bien peu des grandes options stratégiques et géopolitiques ainsi que des conséquences que nous devons en tirer : ce ne sont pas des questions dont le Parlement se saisit. C’est là un problème de fond qui nous amènera à voter contre le projet de loi de finances, car c’est la seule manière que nous avons de manifester une opinion sur les grands choix en matière d’interventions militaires.
La LPM était censée faire l’objet d’une actualisation. Or cela n’a pas été le cas. L’environnement stratégique a pourtant connu une évolution extrêmement importante, et la pandémie a été un choc mondial. Tout cela aurait justifié des débats de fond sur les grandes orientations stratégiques à venir.
De plus, on nous soumet un budget à trous : il y a des trous capacitaires et d’autres qui sont liés aux surcoûts des opérations extérieures et des missions intérieures. Nos collègues du Sénat avaient ainsi identifié, concernant les OPEX, un surcoût de 8,6 milliards d’euros. Il m’a été répondu que les critiques du Sénat n’étaient pas pertinentes, mais les arguments avancés me laissent sur ma faim.
La LPM court jusqu’en 2025, soit au-delà de la fin du quinquennat. Une augmentation des crédits est proposée cette année, à hauteur de 1,7 milliard, mais les hausses les plus importantes sont prévues après ce quinquennat, ce qui revient à dire qu’il s’agit en réalité d’un programme électoral. Pourquoi pas, mais il faut le considérer comme tel : ce sont d’abord et avant tout des promesses qui sont faites dans l’hypothèse où la même équipe serait reconduite. On peut donc se demander si les prévisions se réaliseront dans le cas contraire. Je me méfie de cette manière de faire de grandes annonces dont l’exécution est renvoyée à une époque où le gouvernement et la majorité actuels ne sont pas assurés d’être encore aux responsabilités.
Par ailleurs, entre 2019 et 2025, 10 % de la hausse sera absorbée par la seule dissuasion nucléaire.
Nous regrettons aussi le niveau de disponibilité trop faible des appareils et l’insuffisance des moyens pour protéger les espaces maritimes. Au-delà de la bataille des chiffres, il faudra que nous ayons un jour, dans le cadre d’une vraie vie parlementaire, une réflexion collective sur la stratégie et la doctrine. Les conséquences géopolitiques de la pandémie ont changé la donne. Il en est de même du comportement de nos « amis » australiens et de l’affaire des sous-marins, qui doivent nous conduire à reconsidérer les modalités de notre participation à l’OTAN. Qu’attendons-nous pour remettre en cause notre participation à son commandement intégré ? Faudra-t-il subir de nouveaux affronts ?
L’enlisement militaire au Sahel, après huit années de guerre, devrait également nous amener à réfléchir. Depuis 2013, cinquante-deux de nos soldats sont tombés. Chaque fois que nous apprenons l’une de ces disparitions, nous sommes tous bouleversés. Mais cela devrait nous conduire à avoir une discussion politique sur les raisons de notre engagement et à envisager la possibilité de sortir de ce conflit. Nos armées font leur devoir avec beaucoup de courage, mais aucun plan politique n’accompagne l’intervention militaire. Or nous ne pouvons pas demander à nos soldats de régler des problèmes politiques.
En ce qui concerne la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation, je salue la revalorisation du point de la pension militaire d’invalidité (PMI), qui sera porté à 15,05 euros à partir du 1er janvier 2022. C’est une bonne chose, mais le rattrapage est loin d’être terminé. Des écarts se sont creusés, et aucune réforme significative du système d’indexation du point n’a été engagée. La composition de la commission tripartite chargée de travailler sur le point PMI pose de nombreuses questions. Le niveau de vie des pensionnés militaires ne devrait pas être négociable. Il faut mettre en place un calendrier de rattrapage du point d’indice ; nous avons déjà perdu assez de temps. Il en va de même pour la demi-part fiscale des veuves de guerre.
Nous voterons contre ce budget en raison des nombreuses critiques que nous formulons à son encontre, mais aussi – et avant tout – car c’est pour nous une façon d’exprimer l’idée selon laquelle, dans le monde incertain qui se dessine devant nous, le Parlement doit plus que jamais se saisir de ces enjeux et mener des débats sur le fond, au lieu de se limiter à des discussions comptables.
Mme la présidente Françoise Dumas. Nous sommes dans un temps de discussion budgétaire : il paraît logique que nous parlions un peu de chiffres… Par ailleurs, nous avons mené de nombreuses auditions sur les conséquences de la rupture de l’accord-cadre avec l’Australie et avons eu de multiples discussions géostratégiques autour de la question. Je serais d’ailleurs ravie que vous soyez présent la semaine prochaine, lorsque nous entendrons Philippe Errera et Alice Guitton sur les futures options stratégiques en Indo-Pacifique. Cela nous permettrait de bénéficier de votre éclairage.
Je m’attache à ce que nous ayons des discussions sur les grands enjeux et sur la nécessité d’adapter nos armées, tant dans leurs moyens que dans leur stratégie opérationnelle, pour faire face aux nouvelles formes de conflictualité.
M. Alexis Corbière. Vous parlez d’or, mais il était question dans mon propos de délibération et de vote, et vous me répondez en évoquant des auditions, alors qu’il est évident que nous en menons un grand nombre.
Mme la présidente Françoise Dumas. Vous nous reprochez un manque de réflexion et de débat sur des questions essentielles, aussi je souligne que nous ne parlons pas seulement de chiffres.
M. Alexis Corbière. Les députés sont là pour décider, pas seulement pour auditionner.
Mme la présidente Françoise Dumas. Les auditions servent à nous éclairer pour qu’ensuite nous soyons en mesure de débattre et décider. Si vous considérez que notre commission n’est pas un lieu de dialogue et que les auditions que nous menons ne sont pas des moments de dialogue, j’aimerais que vous m’expliquiez où vous en trouverez !
M. Jacques Marilossian. Monsieur Corbière, vous critiquez la commission mais vous ne venez jamais aux réunions !
M. Alexis Corbière. Je constate que certains de nos collègues sont non seulement désagréables politiquement, mais en plus mal élevés !
Mme Manuéla Kéclard-Mondésir. C’est le dernier budget que nous examinons au cours de cette législature. Je profite donc de l’occasion pour vous remercier à mon tour de votre bienveillance et de votre écoute, Madame la présidente. J’inclus également dans mes remerciements votre prédécesseur : lui aussi s’est montré bienveillant, particulièrement à mon endroit.
Depuis 2017, les lois de finances successives témoignent d’un renforcement des missions régaliennes de l’État. C’est encore le cas avec le budget pour 2022 de la mission Défense, dont les crédits augmentent pour la troisième année consécutive. De ce point de vue, le projet de loi est en conformité avec la loi de programmation militaire. Le budget de la défense augmente de 1,7 milliard d’euros. Depuis 2017, la hausse totale est de 7,7 milliards. Dans le monde troublé qui est le nôtre, c’est une bonne chose pour notre défense collective comme pour l’innovation de nos entreprises les plus performantes, et donc pour l’emploi. Cette montée en puissance devrait en effet permettre d’augmenter les capacités opérationnelles de nos armées, de renforcer les équipements et les infrastructures militaires, y compris dans les domaines du renseignement, de la cybersécurité et de la maîtrise de l’espace, qui sont au cœur des enjeux actuels.
Toutefois, je voudrais relativiser cet effort, car si nos dépenses de défense ont augmenté de 4 %, l’augmentation moyenne en Europe est de 4,2 % et celles des États-Unis et de la Chine dépassent 6,6 %. Dans ce contexte, mon groupe souhaite vous faire part de ses inquiétudes. Comme l’an dernier, celles-ci concernent la compétitivité de nos industries de défense, fortement mises à mal par la crise sanitaire et les évolutions stratégiques mondiales, mais aussi l’excessive externalisation du soutien aux forces en opérations extérieures, notamment en matière de transport et d’affrètement aériens, que la Cour des comptes avait déjà signalée en posant la question de la qualité et de la sincérité des contrats.
Dans la loi de finances initiale de 2021, le budget total de la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la Nation s’élevait à 2 089 millions en crédits de paiement. Le PLF pour 2022 propose quant à lui de doter la mission à hauteur de 2 016 millions d’euros. Les autorisations d’engagement suivent la même trajectoire à la baisse. Ce projet de budget ne fait donc pas exception à la baisse annuelle des crédits de cette mission, en raison de la diminution tendancielle du nombre de bénéficiaires des prestations. Nous regrettons que ces financements n’aient pas été utilisés pour répondre à d’autres besoins et d’autres attentes. En revanche, nous saluons la revalorisation du point PMI.
Pour toutes ces raisons, le groupe GDR émet des réserves concernant ce budget. Pour ma part, à titre personnel, je le soutiens, compte tenu de l’écoute de la ministre des armées et de ses efforts en faveur des outre-mer, notamment la Martinique, où les besoins étaient importants à la suite de certains événements climatiques tels que l’ouragan Irma : Mme la ministre nous a fait parvenir des équipements.
Mme Sereine Mauborgne. M. Thiériot a parlé de l’abstention de son groupe. Je lui soumets donc cette citation d’Alphonse Allais : « Il y a des circonstances où il faut s’abstenir de jouer à la bourse, aux courses, au baccarat ou à la roulette : primo, quand on n’a pas les moyens et secundo, quand on les a ». Les militaires, eux, ne s’abstiennent pas, malgré le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux, dont ils ont subi les conséquences dans les années 2010 – et les sous-officiers continuent à payer un lourd tribut à cette politique.
La commande de VBAE a effectivement été avancée, ce qui a nécessité un ajustement mineur de la trajectoire du programme SCORPION. Toutefois, celui-ci avait été accéléré en 2019, comme Thomas Gassilloud et moi-même le proposions en 2019 – cette recommandation figurait dans l’avis budgétaire relatif à la préparation et à l’emploi des forces terrestres. Malgré le ralentissement que vous évoquez, la progression reste supérieure à la prévision initiale.
Par ailleurs, nos soldats sont fortement exposés à des risques de blessures, voire à la mort : au cours des seuls mois de décembre de l’année dernière et de janvier, cinq ont perdu la vie lors de missions de reconnaissance. Celles-ci requièrent à la fois de l’agilité et de la réactivité. La décision a donc été prise en urgence de consolider les véhicules blindés légers (VBL) MK1. Le programme a démarré en février 2020, et les premiers véhicules ont été projetés en opération extérieure dès le mois de juin – je salue à cet égard l’engagement de l’équipe de Clermont-Ferrand. Il était donc nécessaire d’engager l’acquisition de VBAE. Notre mission est de protéger nos soldats, pour eux et pour leur famille. Nous devons leur donner ce qu’il y a de meilleur.
M. Claude de Ganay. Je vous remercie au nom de notre groupe, Madame la présidente, pour le bon climat qui, dans l’ensemble, a régné dans la commission au cours de la législature. Au-delà de votre présidence et de celle de votre prédécesseur, les relations entre les commissaires ont été bonnes. Nous avons ainsi mené à bien des missions associant des représentants de partis différents. Il est agréable de le noter et de le rappeler. Je remercie également l’ensemble du secrétariat de la commission pour son travail.
Je ne relancerai pas le débat en répondant à Mme Mauborgne. J’indiquerai simplement que vous devez respecter notre choix. Notre abstention sera bienveillante. Nous avons souligné les efforts importants qui ont été consentis. Toutefois, nous sommes vigilants. Nous ne sommes pas à l’école, où chacun doit suivre le maître. Comme l’a rappelé M. Favennec-Bécot, la fameuse marche de 3 milliards est devant nous. L’ensemble des soldats qui nous écoutent se disent certainement que c’est une bonne chose que certains élus soient vigilants. De fait, nous devons savoir si les engagements seront tenus et si le mouvement engagé à travers la loi de programmation militaire se poursuivra. Nous avons tous souligné la pertinence de la LPM et salué la hausse des engagements financiers. Cela dit, comme l’ont souligné mes collègues rapporteurs pour avis s’agissant de l’armée de l’air et de la marine, un certain nombre d’interrogations demeurent. Il est sain, dans une démocratie, que certains se posent en vigies.
Mme la présidente Françoise Dumas. Nous sommes tous extrêmement attentifs et vigilants, monsieur de Ganay.
Nous en arrivons aux amendements sur les crédits des trois missions dont nous sommes saisis. À l’issue de l’examen de chaque série d’amendements, nous émettrons un avis sur les crédits de la mission correspondante.
Mission Défense
Article 20 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-DN10 de Mme Isabelle Santiago.
Mme Isabelle Santiago. Il s’agit ici d’une question dont on parle beaucoup : le prix du pétrole. Nous proposons d’augmenter la dotation en gazole, compte tenu des incertitudes géopolitiques et de la hausse du prix du baril.
M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis (Soutien et logistique interarmées). Je suis plutôt défavorable à l’adoption de cet amendement, que le groupe Socialistes et apparentés présente chaque année.
Un dispositif spécifique du service de l’énergie opérationnelle permet d’atténuer les variations annuelles du cours du baril et le compte 901 « Approvisionnement de l’État et des forces armées en produits pétroliers, biens et services complémentaires » permet de constituer des stocks de carburants grâce à un découvert autorisé de 125 millions. La gestion de sa trésorerie est donc très proactive.
M. Fabien Gouttefarde. Mme Santiago est envoyée au charbon par son groupe mais, en effet, cette argumentation est répétée chaque année. L’article 5 de la loi de programmation militaire votée au début de la législature prévoit un mécanisme en cas de forte hausse des cours du pétrole.
Notre groupe vous propose donc de retirer cet amendement ; à défaut, nous voterons contre.
La commission rejette l’amendement.
Après l’article 42
Amendement II-DN4 de Mme Isabelle Santiago.
Mme Isabelle Santiago. Un rapport doit être remis dans les douze mois à compter de la promulgation de la loi sur l’évaluation des programmes de coopération européenne dans le secteur de la défense.
M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis (Équipement des forces-dissuasion). Si vous le permettez, je donnerai également un avis sur cet amendement et sur celui à venir, le II-DN9.
Depuis 2017, la réponse est identique. Mon prédécesseur Jean-Charles Larsonneur l’a donnée, comme je l’ai donnée l’année dernière. Lorsque nous jugeons qu’il est nécessaire de le faire, nous auditionnons des industriels et toutes les personnes que nous souhaitons. Je ne vois donc pas l’utilité d’un rapport global. En revanche, notre commission pourrait se saisir de points particuliers et auditionner le délégué général pour l’armement afin de les lui soumettre.
Demande de retrait ou avis défavorable.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN5 de Mme Isabelle Santiago.
Mme Isabelle Santiago. Un rapport doit être remis afin d’évaluer nos équipements, notamment leurs coûts par rapport à ceux de nos alliés européens et au sein de l’OTAN.
La commission rejette l’amendement.
Amendement II-DN9 de Mme Isabelle Santiago.
Mme Isabelle Santiago. Dans notre rapport sur les enjeux de la transition écologique pour le ministère des armées, M. Fiévet et moi-même avions souligné combien les budgets doivent être lisibles quant aux actions menées dans les domaines de la biodiversité, de l’énergie et de l’environnement. Là encore, nous demandons un rapport sur ces questions.
Telle qu’elle est, la rédaction de cet amendement est problématique puisque nous demandons un rapport chiffré et l’inscription d’une ligne budgétaire transversale. Quel que soit votre vote, je le représenterai en séance publique dans une rédaction différente.
M. Claude de Ganay, rapporteur pour avis. Je m’associe aux propos de M. Gouttefarde. Nous verrons en l’occurrence ce que Mme la ministre dira dans l’hémicycle.
La commission rejette l’amendement.
M. Fabien Gouttefarde, rapporteur pour avis (Environnement et prospective de la politique de défense). Je suis favorable à l’adoption des crédits de cette mission.
M. Charles de Ganay, rapporteur pour avis. Abstention bienveillante !
Mme Sereine Mauborgne, rapporteure pour avis (Préparation et emploi des forces : Forces terrestres). Avis favorable.
M. Didier Le Gac, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Marine). Pareillement, pour nos marins !
M. Jean-Jacques Ferrara, rapporteur pour avis (Préparation et emploi des forces : Air). Abstention !
M. Christophe Lejeune, rapporteur pour avis. Avis favorable.
La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense non modifiés.
Mme la présidente Françoise Dumas. Je vous rappelle que ces crédits seront examinés en séance publique le mardi 26 octobre, après-midi et soir.
— 1 —
Annexe :
Travaux du rapporteur pour avis
(Par ordre chronologique)
1. Auditions
État-major de l’armée de terre ‒ M. le général Damien Tandeau de Marsac, sous-chef d’état-major chargé des plans et des programmes ;
ArianeGroup ‒ M. Philippe Clar, directeur des programmes défense, M. Hugo Richard, directeur des affaires publiques ;
TechnicAtome ‒ M. Loïc Rocard, président-directeur général ;
MBDA ‒ M. Jean-René Gourion, directeur du Business Développement France, M. l’amiral Hervé Denys de Bonnaventure, conseiller défense du PDG, Mme Patricia Chollet, chargée de relations avec le Parlement ;
ONERA ‒ M. Bruno Sainjon, président-directeur général, M. Jacques Lafaye, conseiller du président directeur-général ;
Naval Group ‒ M. Guillaume Rochard, directeur de la stratégie, des partenariats et des affaires institutionnelles et M. Thomas Brisson, directeur des affaires publiques ;
État-major des armées ‒ M. le général de brigade aérienne Nicolas Leverrier, chef de la division forces nucléaires, Mme l’ingénieure en chef des études et techniques de l’armement Katy Mikolajczyk, adjointe chargée des programmes et des finances ;
Dassault Aviation ‒ M. Bruno Giorgianni, secrétaire du comité de direction, directeur des affaires publiques et sûreté, directeur de cabinet du président-directeur général ;
Direction générale de l’armement ‒ M. Joël Barre, délégué général pour l’armement, M. François-Xavier Dufert, chargé de mission DIS et M. Thomas Laurentin, conseiller du DGA ;
Commissariat à l’énergie atomique (CEA) ‒ M. Vincenzo Salvetti, directeur des applications militaires, M. Jean-Pierre Vigouroux, directeur des affaires publiques ;
Safran ‒ M. Alexandre Ziegler, directeur groupe international et relations institutionnelles, M. Fabien Menant, directeur des affaires institutionnelles ;
Airbus ‒ M. Philippe Coq, directeur des affaires publiques d’Airbus France, M. Patrick Oswald, directeur des affaires gouvernementales des activités de défense et spatiales, M. Mickaël Peru, vice-président d’Airbus Helicopters, M. le général (2S) Guy Girier, conseiller défense du président et M. Olivier Masseret, directeur des relations avec le Parlement ;
Thales ‒ M. Philippe Duhamel, directeur général adjoint et Mme Isabelle Caputo, vice-présidente en charge des relations institutionnelles ;
État-major de l’armée de l’air et de l’espace ‒ M. le général de division aérienne Laurent Rataud, sous-chef d’état-major plans-programmes et M. le colonel François Tricot, chef du bureau développement capacitaire.
2. Contribution
Contribution écrite de l’état-major de la marine nationale.
3. Déplacement
Base aérienne 113 de Saint-Dizier – rencontre avec M. le colonel Tanguy Benzaquen, commandant de la base aérienne, et les personnels de la base.
([1]) L’Actualisation stratégique est accessible librement sur le site internet du ministère des Armées, à partir de ce lien.
([2]) Discours du Président de la République sur la stratégie de défense et de dissuasion devant les stagiaires de la 27ème promotion de l’école de guerre, accessible librement sur le site de la présidence de la République, à partir de ce lien.
([3]) Le compte rendu de cette audition est accessible librement sur le site internet de l’Assemblée nationale, à partir de ce lien.
([4]) Loi n° 2015-917 du 28 juillet 2015 actualisant la programmation militaire pour les années 2015 à 2019 et portant diverses dispositions concernant la défense.
([5]) Audition du général Pierre de Villiers, chef d’état-major des armées, 12 juillet 2017. Compte rendu accessible à partir de ce lien.
([6]) Institut des hautes études de défense nationale. « Impact économique de la défense », 27 mai 2020,
([8]) Présentée par la ministre des Armées le 21 janvier 2021, l’Actualisation stratégique 2021 et sa synthèse sont accessibles à partir de ce lien.
([9]) Engin blindé de reconnaissance et de combat.
([10]) Véhicule blindé multi-rôles lourd.
([11]) Véhicule blindé multi-rôles léger, successeur du véhicule blindé léger (VBL).
([12]) Arme individuelle future (fusil d’assaut remplaçant le FAMAS).
([13]) Camion équipé d’un système d’artillerie.
([14]) TTH : version destinée à l’armée de terre.
([15]) Hélicoptère d’appui et de destruction.
([16]) Missile à moyenne portée (successeur du MILAN).
([17]) Selon le projet de LPM. La documentation budgétaire du PLF 2018 indiquait 1 750.
([18]) Selon la documentation budgétaire du PLF 2018.
([19]) Véhicule blindé léger, 4 roues de 4,3 tonnes.
([20]) Véhicule léger tactique polyvalent.
([21]) Véhicule léger tactique polyvalent d’appui, dit aussi « VBMR léger appui » de SCORPION.
([22]) Dont 500 Masstech.
([23]) Véhicule léger des forces spéciales, remplaçant des jeeps P4 et des véhicules de patrouille spéciale (VPS).
([24]) Poids lourd des forces spéciales, remplaçant les véhicules légers de reconnaissance et d’appui (VLRA).
([25]) Véhicule aéro-largable doté de remorque.
([26]) Frégate multi-missions.
([27]) FREMM à capacités de défense aérienne renforcées.
([28]) Cible du programme d’armement, non fixée expressément par la LPM de 2013, qui les incluait parmi les 15 frégates de premier rang.
([29]) Frégate de taille intermédiaire.
([30]) Frégate de taille intermédiaire.
([31]) Cible du programme d’armement, non fixée expressément par la LPM de 2013, qui les incluait parmi les 15 frégates de premier rang.
([32]) Bâtiment de Surveillance et d’Intervention maritime, dit aussi « patrouilleur futur » dans le projet de LPM.
([33]) Programme issu de la scission du concept de BATSIMAR en deux programmes distincts, l’un pour la métropole, l’autre pour les outre-mer.
([34]) Programme mentionné par la LPM de 2013 pour des livraisons postérieures à 2020.
([35]) Patrouilleur léger guyanais, dont un exemplaire adapté aux conditions de navigation des Antilles.
([36]) La LPM fixe une cible de deux, mais un patrouilleur supplémentaire, modifié, a été commandé en 2018 pour les Antilles.
([37]) Bâtiment de soutien et d’assistance hauturiers.
([38]) Quatre autres bâtiments étant affrétés.
([39]) Sous-marin nucléaire d’attaque.
([40]) Remplacement des ATL2.
([41]) Cible susceptible d’ajustements en fonction des développements du programme à venir.
([42]) Atlantique 2 (avions de patrouille maritime).
([43]) Avions de surveillance maritime.
([44]) Cible susceptible d’ajustements en fonction des développements du programme à venir.
([45]) Flotte logistique destinée à remplacer les actuels pétroliers ravitailleurs polyvalents et autres bâtiments de soutien.
([46]) Système de lutte anti-mines du futur.
([47]) Bâtiments-mères (BM), bâtiments-base pour plongeurs-démineurs (BBPD).
([48]) NFH : version destinée à la marine.
([49]) Échéance du programme d’armement en cours, qui n’est mentionnée ni dans la LPM 2014‒2019, ni par le projet de LPM 2019‒2025.
([50]) Système de drone aérien de la marine.
([51]) La LPM de 2013 ne fixait pas de cible explicite à la flotte de Rafale. Le Livre Blanc fixait en la matière une cible de 225 avions de combat, répartis dans des propositions non définies à l’unité près entre Mirage 2000 et Rafale. Constatant que les forces en comptaient 110 Rafale en 2013, dont 35 pour la marine nationale, elle prévoyait l’acquisition de 26 Rafale supplémentaire d’ici la fin de l’année 2019. En outre, le programme de rénovation des Mirage 2000 lancé en 2015 porte sur 55 avions.
([52])La date prévisionnelle de fin du programme Rafale doit être consolidée ultérieurement en cohérence avec la cible et le calendrier annuel des livraisons.
([53]) Dont 111 Mirage 2000 et 143 Rafale.
([54]) Multi-role transport tanker - avion de ravitaillement et de transport.
([55]) En ce compris la flotte de 14 C130-H, dont le projet de LPM évoque la modernisation puis le remplacement à compter de 2030.
([56]) Missile sol-air de moyenne portée terrestre de nouvelle génération.
([57]) Drones de moyenne altitude, longue endurance.
([58]) Capacité universelle de guerre électronique (équipement de renseignement aéroporté), remplaçant les deux Transall Gabriel.
([59]) Bâtiment léger de surveillance et de recueil de renseignement.
([60]) Multinational Space-Based Imaging System pour la surveillance, la reconnaissance et l’observation.
([61]) Capacité spatiale de renseignements d’origine électromagnétique ; durée de vie estimée : sept ans.
([62]) Système de drone tactique intérimaire.
([63] Système de drone tactique, remplaçant le système de drone tactique intérimaire (SDTI) développé à partir de 2004.
([64]) Avion léger de surveillance et de reconnaissance, destiné à remplacer en partie des avions loués pour la DRM et la DGSE.
([65]) Satellite de communication.
([66]) Communications numériques tactiques et de théâtre.
([67]) Système d’information des armées.
([68]) Hélicoptère interarmées léger.
([69]) Hélicoptères de manœuvre.
([70]) Rapport d’information conjoint de Mme Natalia Pouzyreff et M. Charles de la Verpillière, députés français, et M. Julian Lewis, président de la commission de la Défense de la Chambre des communes, 12 décembre 2018, accessible à partir de ce lien.
([71]) La France et la dissuasion nucléaire : le discours de l’École de Guerre du président Macron. M. Benjamin Hautecouverture, maître de recherche, Mme Emmanuelle Maitre, chargée de recherche, Note n°03/20, 11 février 2021, Fondation pour la recherche stratégique. Accessible à partir de ce lien.
([72]) Livre blanc sur la Défense nationale de 1972, p.5. Chapitres 1 et 2 accessibles à partir de ce lien.
([74]) Déployé à compter de 2016, le M51.2 tient compte des spécificités des nouvelles têtes nucléaires..
([75]) Audition du général Bruno Maigret, commandant les forces aériennes stratégiques, 12 juin 2019. Compte rendu accessible à partir de ce lien.
([76]) Audition de M. Bruno Tertrais.
([77]) Audition de M. Vincenzo Salvetti précitée.
([78]) Interrogations après un possible test chinois de bombardement nucléaire spatial, Nathalie Guibert, Le Monde, 19 octobre 2021. Article accessible à partir de ce lien.
([79]) L’intelligence artificielle au service de la Défense, rapport de la task force remis en septembre 2019. Accessible à partir de ce lien.
([80]) Actualisation stratégique de 2021, p.26. Accessible à partir de ce lien.
([81]) Institut national des sciences et techniques nucléaires, aujourd’hui « l’école de spécialisation des énergies bas carbone et des technologies de la santé », établissement d’enseignement supérieur administré par le CEA.