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N° 285

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 octobre 2022.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273)

TOME III

AGRICULTURE, ALIMENTATION, FORÊT ET AFFAIRES RURALES

AGRICULTURE ET ALIMENTATION

PAR M. Stéphane Travert

Député

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 Voir les numéros : 273 (Tome III, annexe 4).


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SOMMAIRE

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Pages

introduction

PREMIÈRE PARTIE : ANALYSE BUDGÉTAIRE

I. un SOUTIEN FINANCIER POUR L’agriculture particuliÈrement remarquable en 2023, qui ne se limite pas À la mission « agriculture, alimentation, forÊts et affaires rurales »

II. Présentation des crédits de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »

A. le programme 149 « compétitivitÉ et durabilitÉ de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forÊt »

1. L’action n° 21 « Adaptation des filières à l’évolution des marchés »

2. L’action n° 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole »

3. L’action n° 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles »

4. L’action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires »

5. L’action n° 25 « Protection sociale »

6. L’action n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois »

7. L’action n° 27 « Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions »

B. le programme 206 : « sÉcurité et qualitÉ sanitaires de l’alimentation »

C. le programme 215 « conduite et pilotage des politiques de l’agriculture »

D. le programme 381 « allÈgements du coût du travail en agriculture (tode-ag) »

III. le compte d’affectation spÉciale « dÉveloppement agricole et rural » (CASDAR)

seconde partie : les services de remplacement : un levier identifié pour répondre au défi du renouvellement des générations dans le monde agricole

I. un dispositif essentiel pour l’agriculture française dont le développement est entravé par plusieurs freins structurels

A. un outil stratégique pour répondre aux attentes du monde agricole

1. Un dispositif qui puise ses origines dans la solidarité du monde agricole

2. Une organisation collective des besoins de remplacement des agriculteurs, soutenue financièrement par plusieurs dispositifs

a. Les principes de fonctionnement du service de remplacement

b. Un reste à charge pour l’agriculteur diminué du fait de l’existence de nombreux dispositifs de soutien

3. Des services ancrés localement, en particulier dans les territoires d’élevage

a. Un poids significatif dans le paysage agricole français

b. Un développement particulièrement ancré dans les territoires d’élevage

4. Un outil qui apporte des réponses face aux défis contemporains du monde agricole

B. Des difficUltés structurelles freinent le développement des services de remplacement

1. Du côté de la demande : des obstacles financiers ou psychologiques freinent le recours aux services de remplacement par les exploitants agricoles

2. Du côté de l’offre : un recrutement difficile des agents de remplacement

3. Des moyens humains et financiers limités tant pour la fédération nationale que pour les associations locales ou départementales

II. Une stratégie plus affirmée est nécessaire pour accompagner le développement des services de remplacement

A. Faciliter l’accès au service de remplacement pour les agriculteurs

1. Réduire le reste à charge de l’exploitant agricole

a. Mobiliser davantage le crédit d’impôt pour réduire le reste à charge et encourager la prise de congés

b. Agir sur le volet assurantiel

2. Accroître le soutien de l’État pour répondre aux situations les plus urgentes et difficiles

a. Consolider le financement accordé à l’aide au répit et harmoniser les pratiques

b. Généraliser le dispositif expérimental permettant une prise en charge par l’État en cas d’urgence

c. Garantir la gratuité de prise en charge du remplacement en cas de décès de l’exploitant pour accompagner ses proches et assurer la continuité de l’exploitation

3. Mieux faire connaître les services de remplacement auprès des agriculteurs

B. AmÉliorer la qualitÉ de l’emploi des agents de remplacement et renforcer l’attractivitÉ de ces mÉtiers

1. Poursuivre le dialogue social pour améliorer la qualité du travail

2. Agir pour que les compétences des agents de recrutement correspondent aux besoins des agriculteurs

a. Les débats autour du certificat de qualification professionnelle

b. Une nécessité : mieux faire remonter les besoins des filières

c. Développer la place de l’apprentissage

3. Faire connaître le métier et diversifier les viviers

C. Consolider l’organisation et le fonctionnement du service de remplacement

1. Affirmer le rôle social du service de remplacement et l’intégrer dans une réflexion plus large sur la résilience de l’agriculture française

a. Construire une stratégie publique plus affirmée

b. Reconnaître le rôle social des services de remplacement dans le code rural

c. Faire aboutir la procédure de reconnaissance d’utilité publique des services de remplacement

2. Poursuivre la départementalisation et la professionnalisation

EXAMEN EN COMMISSION

ANNEXE : Graphiques reprÉsentant la rÉpartition des crÉdits nationaux pour l’agriculture ainsi que la rÉpartition des crÉdits au sein de chaque programme de la mission Agriculture, alimentation, forÊt et affaires rurales

LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

 

 


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   introduction

Nos modèles agricoles sont confrontés à de nombreux défis : économiques, environnementaux et sanitaires. L’agriculture française et la souveraineté alimentaire sont au cœur de nos priorités pour la France. C’est une des clefs de notre souveraineté parce que l’agriculture est au carrefour de multiples politiques qui façonnent notre pays en matière d’alimentation, d’aménagement du territoire, de ruralité, de transition écologique, de commerce extérieur, de relations internationales.

Les femmes et les hommes de nos filières agricoles disposent de savoir-faire et d’une force de travail indispensables à la vie économique de la France. Ils sont les gardiens des paysages et de la biodiversité, au cœur de notre identité et au cœur de nos défis alimentaires. En première ligne durant la crise, il est primordial de mettre en œuvre les conditions d’une agriculture prospère, compétitive, durable, innovante. Il ne s’agit pas d’opposer les modèles mais de les rendre complémentaires de sorte qu’ils créent des ressources suffisantes pour développer nos économies locales et, ce faisant gagner, les marchés nationaux et internationaux.

Un budget c’est l’acte fondateur qui permet de construire une trajectoire, une ambition politique pour tirer notre agriculture vers le haut, par l’innovation, l’investissement et la confiance. C’est aussi lui donner les outils de résistance aux effets parfois délétères de la mondialisation.

Trois objectifs stratégiques déterminent l’exercice budgétaire 2023 :

– soutenir le revenu des agriculteurs et la transformation de l’agriculture vers l’agroécologie ;

– assurer la sécurité alimentaire de notre territoire et de nos aliments ;

– préparer l’avenir par l’innovation et la formation des jeunes et des adultes.

Le budget 2023, en net augmentation, me paraît à la hauteur des enjeux actuels et je donne un avis favorable aux crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales ».

Par ailleurs, nous avons souhaité à travers ce rapport mettre en avant les services de remplacement qui œuvrent au quotidien pour venir en aide aux exploitants en difficulté ou tout simplement les suppléer lors de congés bien mérités. Le focus sur ce système trop méconnu est une opportunité pour réfléchir collectivement à la place des services de remplacement pour la formation et le renouvellement des générations, préalables indispensables à la construction de notre souveraineté alimentaire.

« Le monde a besoin de toutes les agricultures du monde et chaque pays a le droit de se nourrir lui-même » Edgard Pisani, ancien ministre de l’agriculture.

 

 


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   PREMIÈRE PARTIE :
ANALYSE BUDGÉTAIRE

I.   un SOUTIEN FINANCIER POUR L’agriculture particuliÈrement remarquable en 2023, qui ne se limite pas À la mission « agriculture, alimentation, forÊts et affaires rurales »

Les crédits de l’enveloppe alloués à la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » s’élèvent dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 (PLF 2023) à 3,87 milliards d’euros (Md€) en autorisations d’engagement (AE) et 3,84 Md€ en crédits de paiement (CP). Le soutien financier aux politiques agricoles dans le projet de loi de finances pour 2023 se traduit également par des crédits se trouvant au sein d’autres missions budgétaires, dont il est utile de faire rapidement état pour mesurer l’effort global en soutien à l’agriculture. Ainsi, au côté de la mission « Agriculture, alimentation, forêts et affaires rurales », le soutien budgétaire aux politiques publiques agricoles passe également par :

– les crédits consacrés à l’enseignement agricole, avec le programme 142 « Enseignement supérieur et recherche agricole », doté de 426,5 M€ en AE et 424,4 M€ en CP, et le programme 143 « Enseignement technique agricole », qui enregistre 1,595 Md€ en CP et en AE, soit un total de près de 2 Md€ ;

 le compte d’affectation spéciale du développement agricole et rural (CASDAR), qui bénéficie, comme l’année dernière, d’une enveloppe de 126 M€ ;

 le plan de relance, qui apporte un soutien financier à l’agriculture et à l’agroalimentaire à hauteur de 250 M€ dans le cadre du budget 2023. Parmi les principales mesures du plan de relance figurent le soutien aux filières animales (88,0 M€ en CP), le renouvellement et développement des agro-équipements (63,1 M€ en CP), le soutien aux investissements forestiers (35,9 M€) ainsi que le Plan Protéines végétales (16 M€ en CP) ;

 le plan « France 2030 », doté d’un budget pluriannuel de 2,9 Md€ concernant l’agriculture, l’alimentation et la forêt ([1]), qui  apporte son soutien à l’innovation et au développement des entreprises agricoles et alimentaires à travers des financements de projets ainsi que des investissements en fonds propres.

Enfin, il faut également mentionner les financements européens ainsi que l’ensemble des dispositifs sociaux et fiscaux, qui correspondent respectivement à 9,4 Md€ et 8,5 Md€ pour 2023.

Ainsi, au total, les moyens alloués au développement de l’agriculture et de l’agroalimentaire mis en place par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire atteignent plus de 23 Md€. Ce budget considérable est à la hauteur des enjeux auxquels l’agriculture fait aujourd’hui face, dans un contexte marqué par des défis importants en matière de transition, d’adaptation au changement climatique et de renouvellement des générations.

CrÉdits nationaux du ministÈre de l’agriculture et de la souverainetÉ alimentaire pour l’annÉe 2023

(En euros)

Numéro de programme et intitulé

AE

CP

149

Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt

2 093 395 099

 2 085 708 055  

206

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

657 543 796

654 616 346

215

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

689 050 138

674 999 660

381

Allègements du coût du travail en agriculture

427 000 000

427 000 000

Sous-total Mission agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

3 866 989 033

3 842 324 061

142

Enseignement supérieur et recherche agricoles

426 488 676

424 396 462

143

Enseignement technique agricole

1 594 852 639

1 594 936 171

775 & 776

Compte d’affectation spéciale développement agricole et rural

126 000 000

126 000 000

TOTAL

6 014 330 348

5 987 656 694

II.   Présentation des crédits de la mission « agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales »

Avec les 3,87 Md€ en AE et 3,84 Md€ en CP, la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » connaît une augmentation considérable de ces crédits par rapport aux ouvertures en loi de finances initiale de l’année précédente, de l’ordre de 30 % (+ 29,67 % en AE et + 29,88 % en CP). Cette hausse s’explique principalement par l’augmentation significative des crédits du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt », qui augmentent de l’ordre de 300 M€ en lien avec la mise en œuvre de la réforme de l’assurance récolte et du fait de la création d’un nouveau programme 318 « Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG) » doté de 427 M€, venant budgéter et compenser la disparition du reversement d’une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à la Mutualité sociale agricole (MSA) et à l’Unédic dans le cadre du TODE‑AG.

 

 

A.   le programme 149 « compétitivitÉ et durabilitÉ de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forÊt »

CrÉdits du programme 149
« compÉtitivitÉ et durabilitÉ de l’agriculture, de l’agroalimentaire,
de la forÊt »

(En euros)

Numéro et intitulé
du programme et de l’action

AE

CP

Ouvertes en LFI
2022

Demandées pour
2023

Ouverts en

LFI
2022

Demandés pour
2023

149

Compétitivité et durabilité
de l’agriculture, de
l’agroalimentaire et de la
forêt

1 726 979 703

2 093 395 099

1 716 567 154

 

2 085 708 055  

 

Variation (en %)

+ 21,22 %

+ 21, 50 %

21

Adaptation des filières à
l’évolution des marchés

222 484 467

238 640 887

222 698 042

239 057 420

22

Gestion des crises et des aléas
de la production agricole

8 810 502

264 310 502

8 810 502

262 409 628

23

Appui au renouvellement
et à la modernisation
des exploitations agricoles

95 990 872

113 364 993

109 920 999

172 736 993

24

Gestion équilibrée et durable
des territoires

475 621 511

608 271 550

451 686 987

534 989 150

25

Protection sociale

130 367 110

134 417 110

130 367 110

134 417 110

26

Gestion durable de la forêt
et développement de la
filière bois

276 820 112

278 621 081

276 198 385

286 419 778

27

Moyens de mise en œuvre des
politiques publiques et gestion
des interventions

516 885 129

455 768 976

516 885 129

455 768 976

Le programme 149 relève de la responsabilité de la direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (DGPE). Il vise à structurer et soutenir les filières agricoles et forestières, sécuriser la chaîne alimentaire et son approvisionnement ainsi que développer l’activité économique et l’emploi. Il porte les co-financements nationaux des mesures relevant du second pilier de la politique agricole commune (PAC) dont l’État est responsable. Sur ce dernier point, des changements importants sont prévus dans le cadre de la nouvelle PAC : à partir de 2023, l’État est responsable des interventions du fonds européen agricole pour le développement rural (FEADER) de nature surfacique, des dispositifs nationaux de gestion des risques et des dispositifs de prévention de la prédation. La gestion des interventions du FEADER de nature non surfacique, notamment les aides à l’investissement et à l’installation, est désormais transférée aux régions.

La structure du programme 149 est modifiée par rapport à l’année précédente avec le rattachement du budget de l’action 28 « Gestion durable des pêches et de l’aquaculture » au programme 205 « Affaires maritimes » du ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires, dans le cadre de la création du secrétariat d’État à la mer.

Les crédits du programme 149 représentent 2, 093 Md€ en AE et 2,085 Md€ en CP dans le budget 2023. Il s’agit du programme le plus important en terme de dotation financière de la mission. Ces montants sont en forte augmentation par rapport à l’année dernière (+ 21,22 % en AE et + 21,50 % en CP) et contrastent avec la relative stabilité de la dernière évolution (- 0,98 % en AE et - 2,56 % en CP en 2022). L’ensemble des actions du programme 149 enregistre une hausse, à l’exception de l’action n° 27 « Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions », qui baisse de 11,82 %. L’augmentation significative des crédits du programme dans le budget 2023 est principalement portée par les évolutions de montants accordés aux actions n° 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole » (multiplication par 30, en lien avec la réforme de l’assurance récolte) et n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires » (augmentation de 27,9 % en AE et de 18,4 % en CP).

1.   L’action n° 21 « Adaptation des filières à l’évolution des marchés »

L’action n° 21 représente 11,4 % du budget du programme, avec 238,64 M€ en AE et 239,01 M€ en CP (hausse respective de 7,3 % et 7,4 % par rapport à l’année 2022). Cette action vise à favoriser l’adéquation de l’offre française avec la demande des marchés.

Les dépenses les plus importantes concernent les territoires ultramarins, à travers les aides à la filière canne à sucre (143,4 M€ en AE et en CP, en hausse de 17 % par rapport aux crédits prévus dans le projet annuel de performances [PAP] de l’année dernière) et via diverses interventions en faveur des filières ultramarines (48,4 M€ en AE et en CP, en baisse de 4,4 % par rapport au PAP de l’année dernière). Ces interventions traduisent l’engagement formulé par le Président de la République lors de son discours du 25 octobre 2019 à La Réunion. Ces crédits permettent essentiellement de compléter le financement des mesures concernant les primes animales, les importations d’animaux vivants, la structuration de l’élevage et la diversification des productions végétales.

Cette action alimente également le budget de FranceAgriMer de 25,3 M€ en AE et 25,92 M€ en CP (stable en AE, en hausse de 2,5 % en CP par rapport au PAP de l’année dernière) afin de soutenir l’organisation et le développement des filières.

L’action n° 21 permet également d’alimenter un certain nombre de fonds : le Fonds Avenir Bio, doté de 8,0 M€ en AE et en CP (stable par rapport aux années précédentes si l’on exclut les crédits prévus dans le cadre du Plan de relance ([2]) ) afin de permettre à l’Agence Bio d’atteindre l’objectif de 18 % de surface agricole utile bio à l’horizon 2027 ainsi que le fonds pour les industries agroalimentaires, doté de 3,2 M€ en AE et 2,9 M€ en CP (en hausse de 14 % en AE mais en baisse de 3 % en CP).

Il faut également noter le soutien à diverses actions internationales, pour un montant cumulé de 8,6 M€ en AE et en CP. Elles financent notamment des conventions annuelles avec Business France, la promotion de l’exportation de produits français ou la coopération internationale dans les domaines de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux.

2.   L’action n° 22 « Gestion des crises et des aléas de la production agricole »

L’action n° 22 correspond à 12,6 % du budget du programme, avec 264,3 M€ en AE et 262,4 M€ en CP. Les crédits de cette action ont augmenté de 2 900 % par rapport à l’année précédente : cela s’explique par l’entrée en application de la loi n° 2022-298 d’orientation relative à une meilleure diffusion de l’assurance récolte en agriculture et portant réforme des outils de gestion des risques climatiques en agriculture. Ainsi, une nouvelle enveloppe de 255,5 M€ est affectée au Fonds national de gestion des risques en agriculture (FNGRA).

Des crédits budgétaires, à hauteur de 255,5 M€, complètent le financement du nouveau système assurantiel, en parallèle des 60 M€ de recettes supplémentaires de la taxe affectée au FNGRA par rapport au rendement de 2021 ainsi que de l’enveloppe annuelle de crédits FEADER pour l’assurance récolte.

Les mesures du PLF relatives à la réforme de l’assurance récolte

À partir de 2023, les moyens du FNGRA seront substantiellement renforcés au-delà des 60 M€ de taxe affectée déjà existants, d’un montant additionnel maximal de 316 M€ en 2023 à 356 M€ en 2025. Cette augmentation est le fait de plusieurs évolutions qui figurent dans le PLF :

– l’article 11 du projet de loi de finances (PLF) prévoit le relèvement de 5,5 à 11 % du taux de la contribution exceptionnelle aux primes ou cotisations afférentes aux conventions d’assurance applicable aux exploitations agricoles, contribution qui est affectée au Fonds national de gestion des risques agricoles (FNGRA). Cet article est à mettre en relation avec le rehaussement du plafond de ladite taxe affectée, permis  par l’article transverse du PLF sur les plafonds de taxes affectées plafonnées. Cela correspond à un montant de 60 millions d’euros ;

 

– une dotation de l’État de 255,5 millions d’euros en 2023 est prévue dans le cadre de l’action n° 22 du programme 149.

L’enveloppe de ressources nationales alimentant le FNGRA atteindra donc, en niveau, 375,5 M€ en 2023. Ces montants s’ajouteront à l’enveloppe annuelle de crédits européens du FEADER pour l’assurance-récolte, de 184,5 M€ en moyenne par an pour la programmation 2023 à 2027. Cela permettra d’atteindre un niveau de soutien public total de 560 M€ en 2023 et de 600 M€ à compter de 2025. Ces orientations budgétaires paraissent conformes à l’intention exprimée par le législateur à l’article 1er programmatique de la loi « assurance récolte » ainsi que dans le rapport annexé à cette loi.

De façon plus subsidiaire, des crédits sont également accordés au dispositif de soutien des exploitations en difficulté Agridiff, à hauteur de 7,1 M€ en AE et 5,2 M€ en CP (en hausse de 14 % en AE mais en baisse de 26 % en CP). Enfin, le Fonds d’allègement des charges (FAC) est abondé à hauteur de 1,7 M€ en AE et en CP, un montant similaire au PAP de l’année précédente. Ce fonds finance un dispositif payé par FranceAgriMer de soutien des agriculteurs dont l’exploitation est fragilisée par une crise conjoncturelle.

3.   L’action n° 23 « Appui au renouvellement et à la modernisation des exploitations agricoles »

L’action n° 23, qui représente 5,4 % du budget du programme, avec 113,4 M€ en AE et 172,74 M€ en CP, connaît une augmentation de + 18,10 % en AE et de + 57,15 % en CP.

En raison de la nouvelle programmation de la PAC, l’action n° 23 est marquée par une évolution importante avec le transfert des sous-actions « Dotation aux jeunes agriculteurs » (DJA) et « Modernisation des exploitations » aux conseils régionaux à compter de 2023 (hormis pour Mayotte). Dans le cadre d’un accord conclu avec l’État, les régions bénéficient d’une compensation de 100,0 M€ en AE et en CP, budgétée dans le cadre d’une nouvelle sous action « Transfert aux collectivités » de l’action n° 23. Il faut toutefois noter que les sous-actions DJA et « Modernisation des exploitations » bénéficient encore de crédits afin, d’une part, de procéder au paiement des restes à payer des engagements pris par l’État et, d’autre part, d’assurer la continuité du dispositif à Mayotte, toujours assuré par l’État. Ainsi, la sous-action DJA dispose de 33 000 € en AE et 20,6 M€ en CP, tandis que la sous‑action « Modernisation des exploitations » bénéficie de 757 000 € en AE et 37,3 M€ en CP.

Les crédits de l’action sont également utilisés dans le cadre du financement de l’indemnité viagère de départ (IVD) et du complément de retraite pour les chefs d’exploitation rapatriés, à hauteur de 7,3 M€ en AE et en CP, soit une baisse de 41 % par rapport au PAP de l’année précédente. Ces crédits correspondent aux indemnités et compléments de retraite souscrits avant 1990. L’IVD ne compte plus de nouveaux bénéficiaires depuis 1991.

Enfin, peuvent être notés les crédits destinés aux stages à l’installation (2,5 M€ en AE et en CP, un montant stable), aux aides aux CUMA (1,5 M€ en AE et en CP, un montant stable), aux prêts à l’installation (0 € en AE et 2,3 M€ en CP, correspondant aux restes à payer du dispositif de prêts bonifiés) et à l’aide à la cessation d’activité (2,5 M€ en AE et en CP, en hausse de 108 %).

4.   L’action n° 24 « Gestion équilibrée et durable des territoires »

Visant à favoriser l’attractivité et la durabilité des territoires ruraux, l’action n° 24 correspond à 29,1 % du budget du programme, avec 608,3 M€ en AE et 534,9 M€ en CP. Ces montants reflètent des hausses respectives de 27,9 % et 18,4 % par rapport à l’année précédente. Le périmètre de l’action est cependant réduit avec le transfert de la sous-action « Formation et information des syndicats agricoles » au programme 143. Le premier poste de dépenses concerne les indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN), qui représentent 384,5 M€ en AE et en CP, un montant en hausse de 39 % par rapport au PAP de l’année précédente, s’expliquant par la baisse du taux de cofinancement par le FEADER de 75 % à 65 % dans le nouveau cadre de la PAC.

Les crédits des mesures agroenvironnementales et climatiques (MAEC) et aides à l’agriculture biologique atteignent 181,0 M€ en AE et de 105,7 M€ en CP. Cela revient à une hausse de 25 % en CP et à une baisse de 13 % en CP par rapport au PAP de l’année dernière. Les crédits prévus en PLF pour 2023 intègrent une augmentation de la dotation afin de soutenir la première année de mise en œuvre du plan stratégique national relatif à la PAC 2023-2027 qui porte une logique quinquennale avec une dynamique forte pour 2023 pour engager des contrats sur cinq ans. Le bleu budgétaire souligne également une évolution qualifiée de majeure, puisque : « l’État sera autorité de gestion des MAEC surfaciques et des aides à l’agriculture biologique, les conseils régionaux ne conservant le statut d’autorité de gestion que pour les MAEC non surfaciques (PRM et API). Cela aura pour conséquence de modifier les taux de cofinancement appliqués aux MAEC-BIO et d’accroître la part État ». Enfin, il est également attendu un nouveau catalogue de MAEC plus simples, ainsi que l’augmentation du budget d’aide à la conversion à l’agriculture biologique.

La sous-action « autres actions environnementales et pastoralisme » est également soutenue à hauteur de 16,6 M€ en AE et en CP, c’est-à-dire une baisse de 27 %, compensant la hausse du taux des crédits européens de 50 % à 80 %. Elle finance divers dispositifs : la mesure « grands prédateurs » ; le soutien à l’animation des groupements d’intérêt économiques et environnementaux (GIEE), en agriculture biologique et à l’animation des « territoires MAEC » ; le soutien au pastoralisme dans le cadre des contrats de plan interrégionaux État-région (CPIER).

En outre, la sous-action « Autres soutiens aux syndicats » correspond à un montant de 14,5 M€ en AE et en CP, stable depuis plusieurs années.

L’action n° 24 prévoit également les crédits relatifs aux « Actions nationales en faveur du cheval » (4,5 M€ en AE et en CP, un montant stable). Sur ce point, votre rapporteur souhaite attirer l’attention sur les difficultés rencontrées par la filière équine : depuis quatre ans, le chiffre d’affaires des centres équestres diminue en moyenne de 10 % par an. Votre rapporteur considère que face aux difficultés rencontrées par les exploitations d’élevage et les centre équestres, la compétitivité du secteur pourrait être soutenue par les pouvoirs publics via la mise en place d’un taux réduit de TVA, à 5,5 %, pour l’ensemble des activités exercées autour du cheval (cession entre éleveurs, cours d’équitation, location d’infrastructures, pension…).

L’action n° 24 permet enfin le financement de crédits pour le soutien à la politique foncière (2,1 M€ en AE et en CP, un montant en diminution de 9 %), l’hydraulique agricole (deux dispositifs à hauteurs respectives de 1 M€ en AE et 2,9 M€ en CP et de 798 300 € en AE et en CP, des montants stables en AE et en augmentation globale de 1,9 M€ en CP), l’animation et le développement rural national et régional (1,9 M€ en AE et en CP, un montant stable) ainsi qu’à l’expertise technique en appui opérationnel aux politiques concernant la performance environnementale des entreprises dans le domaine des sols, de l’eau, du climat, de l’air de la biodiversité de la bioéconomie de l’économie circulaire et de l’agro‑écologie (deux dispositifs à hauteurs respectives de 956 900 € et de 368 200 € en AE et en CP, montants stables).

5.   L’action n° 25 « Protection sociale »

Avec 134,4 M€ en AE et en CP, l’action n° 25 représente 6,4 % des crédits du programme et a pour objectif de financer des mesures d’exonérations de charges sociales ainsi que des actions relatives à la réglementation et la sécurité au travail. Son budget est en hausse de 3,1 % par rapport à l’année précédente.

Les exonérations de charges sociales patronales pour les employeurs qui embauchent des travailleurs occasionnels sont financées à hauteur de 134,0 M€ en AE et en CP (en hausse de 3,1 %). Il s’agit d’une compensation par l’État des moindres recettes perçues par la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole (CCMSA) et par l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (UNEDIC). Plus précisément, il s’agir du surplus d’exonération (plateau d’exonération totale entre 1 et 1,2 SMIC) qui est financé par ces crédits. Une autre partie plus significative de l’exonération est compensée dans le cadre du nouveau programme 381 (voir infra).

Les crédits concernant la réglementation et la sécurité au travail sont à la hauteur de 417 100 € en AE et en CP. Ils financent la réalisation d’études prospectives et la mise en œuvre de mesures d’améliorations techniques et organisationnelles afin d’améliorer la prévention des risques professionnels des actifs agricoles. Ces mesures sont intégrées au 4e plan santé au travail (2021-2025) du ministère du travail.

6.   L’action n° 26 « Gestion durable de la forêt et développement de la filière bois »

L’action n° 26 dispose d’un budget de 278,6 M€ en AE et de 286,4 M€ en CP. Cela représente 13,3 % des crédits du programme et correspond à une légère hausse de 0,7 % en AE et de 3,7 % en CP. La principale ligne budgétaire contribue au versement compensateur et à la contribution exceptionnelle au profit de l’Office national des forêts (ONF), avec 179,9 M€ en AE et en CP. Ce budget est en hausse de 3,6 %, traduisant principalement la hausse de la compensation du point d’indice. Des crédits sont également destinés aux missions d’intérêt général (MIG) confiées à l’ONF, respectivement 33,0 M€ en AE et 32,5 M€ en CP (en hausse de 9,5 % en AE et de 8,6 % en CP).

La gestion forestière est par ailleurs soutenue à travers diverses sous-actions : le financement du Centre national de la propriété forestière (CNPF) à hauteur de 16,3 M€ en AE et en CP ; le financement de la restauration des terrains en montagne à hauteur de 8,3 M€ en AE et de 9,4 M€ en CP (en hausse de 3,0 % en AE et de 2,4 % en CP) ; la défense des forêts contre les incendies (DFCI) à hauteur de 13,1 M€ en AE et de 14,4 M€ en CP (en baisse de 5,6 % en AE et de 4,1 % en CP). Sur ce dernier point, comme l’indique le bleu budgétaire, pour leur quasi-totalité, ces crédits concernent les subventions, majoritairement accordées aux collectivités territoriales, pour la construction des infrastructures de DFCI. Dans le cadre de la nouvelle nouvelle programmation de la PAC, toutes les mesures « forêt » du FEADER relèveront des régions. De ce fait, les crédits DFCI 2023 n’intègrent plus 1,9 M€ prévus à ce titre, qui sont en revanche intégrés au transfert global des mesures non‑surfaciques.

Enfin, le développement de la filière bois est financé, en premier lieu, via l’alimentation du fonds stratégique forêt bois à hauteur de 19,7 M€ en AE et de 25,8 M€ en CP (en baisse de 29,4 % en AE, due au transfert de compétences aux conseils régionaux, en hausse de 1,6 % en CP). En outre, les études et recherches, notamment menées par l’Institut technologique Forêt cellulose bois-construction ameublement (FCBA), sont dotées de 7,8 M€ en AE et de 7,9 M€ en CP (stable par rapport à l’année dernière).

7.   L’action n° 27 « Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions »

La dernière action dispose d’une dotation de 455,8 M€ en AE et en CP, c’est‑à-dire 21,8 % du budget du programme. Ce montant est en baisse de 11,8 % par rapport à 2022.

Les crédits de cette action consistent principalement en des subventions pour fonctionnement aux opérateurs de l’État : 152,7 M€ en AE et en CP pour l’Agence de services et de paiement (ASP) (en hausse de 3,8 %) ; 104,7 M€ en AE et en CP pour FranceAgriMer (en hausse de 12,1 %) ; 31,7 M€ en AE et en CP pour l’Institut français du cheval et de l’équitation (IFCE) (en hausse de 10,8 %) ; 18,0 M€ pour l’Institut national de l’origine et de la qualité (INAO) (en hausse de 2,2 %) ; 5,5 M€ en AE et en CP pour l’Office de développement de l’économie agricole outre-mer (ODEADOM) (stable) et 2,9 M€ en AE et en CP pour l’Agence BIO (stable).

Par ailleurs, des dotations sont consacrées à l’apurement communautaire (125,0 M€ en AE et en CP, en baisse de 34 %), qui vise à gérer les dépenses imprévisibles du programme, en particulier les refus d’apurement communautaires susceptibles d’être notifiés à la Commission européenne, et à d’« Autres moyens dédiés à la mise en œuvre des politiques publiques » (14,9 M€ en AE et en CP, en hausse de 4,2 %).

B.   le programme 206 : « sÉcurité et qualitÉ sanitaires de l’alimentation »

Le programme 206, conduit par la direction générale de l’alimentation (DGAL), poursuit trois objectifs : favoriser le changement de pratiques afin de préserver la santé publique et l’environnement ; évaluer, prévenir et réduire les risques sanitaires à tous les stades de la production ; s’assurer de la réactivité et de l’efficience du système du contrôle sanitaire.

Avant d’en venir à l’analyse des crédits par action, deux enjeux centraux du programme 206 peuvent être soulignés :

– le premier point concerne la question des menaces sanitaires, particulièrement d’actualité cette année avec la crise de l’influenza aviaire hautement pathogène. La responsable du programme 206 indique dans le bleu budgétaire que « cette crise a mis en évidence la nécessité de renforcer la préparation à la gestion des crises ainsi que la capacité collective d’anticipation ». Les services déconcentrés poursuivront en ce sens en 2023 la réalisation d’exercices de gestion de crises sanitaires. En outre, l’année 2023 sera également celle de la mise en œuvre du plan d’action adopté en juillet 2022 sur l’influenza aviaire hautement pathogène, pour adapter les dispositifs de prévention : capacité de détection précoce, maîtrise accrue de l’exposition au risque, transformation des modes d’organisation d’élevage pour les rendre plus résilients ;

– le deuxième point porte sur la mise en œuvre de la police unique en charge de la sécurité sanitaire des aliments, désormais exercée par le ministère chargé de l’agriculture avec un transfert du ministère en charge de l’économie, conformément à l’arbitrage rendu par Matignon en mai 2022. L’objectif est de rendre la sécurité sanitaire des aliments plus lisible, plus réactive et plus efficiente et de renforcer les contrôles. Cette réforme conduit à renforcer les moyens du ministère en ce sens, avec 150 ETPT supplémentaires dont 90 créations et 60 transferts issus du ministère chargé de l’économie ([3]). Le bleu budgétaire indique que : « des crédits supplémentaires seront nécessaires dès que la reprise des missions au sein du ministère de l’agriculture sera effective, mais également, en fonction de l’objectif quantitatif poursuivi en matière de renforcement des contrôles, pour le financement de la délégation de certains contrôles ».

crÉdits du programme 206 « sÉcuritÉ et qualitÉ sanitaires de l’alimentation »

(En euros)

Numéro et intitulé
du programme et de l’action

AE

CP

Ouvertes en LFI
2022

Demandées pour
2023

Ouverts en LFI
2022

Demandés pour
2023

206

Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation

614 173 282

657 543 796

611 297 332

654 616 346

Variation (en %)

+ 7,06 %

+ 7,09 %

01

Santé, qualité et protection des végétaux

36 971 243

34 281 243

36 737 383

34 047 383

02

Santé et protection des animaux

114 375 570

134 990 570

112 233 152

132 848 152

03

Santé et alimentation

23 322 635

23 322 635

22 671 463

22 771 463

04

Actions transversales

86 651 748

92 976 270

86 703 248

92 976 270

05

Élimination des cadavres et des sous-produits animaux

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

06

Mise en œuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l’alimentation

344 041 586

362 062 578

344 041 586

362 062 578

08

Qualité de l’alimentation et offre alimentaire

4 910 500

5 910 500

4 910 500

5 910 500

Le budget du programme 206 est en hausse de 7,06 % en AE et de 7,09 % en CP, avec des crédits à hauteur de 657,5 M€ en AE de 654,6 M€ en CP. La hausse générale est tirée par des augmentations significatives concernant les actions « Qualité de l’alimentation et offre alimentaire » (+ 20,36 % en AE et en CP), « Santé et protection des animaux » (+ 18,02 % en AE et + 18,37 % en CP) et « Actions transversales » (+ 7,3 % en AE et + 7,24 % en CP).

L’action n° 01 « Santé, qualité et protection des végétaux » est financée à hauteur de 34,3 M€ en AE et en de 34,0 M€ en CP, c’est-à-dire 5,2 % du budget du programme. La mise en œuvre de cette action s’appuie sur le droit européen et les dispositions de code rural et de la pêche maritime (notamment les règlementations relatives aux organismes génétiquement modifiés, aux produits phytopharmaceutiques et aux pesticides). Ces crédits connaissent une diminution de 7,3 % en AE et en CP par rapport au dernier budget, en raison d’économies constatées.

L’action n° 02 « Santé et protection des animaux » représente 20,5 % du budget du programme avec 135,0 M€ en AE et 132,8 M€ en CP. Une augmentation de 18,0 % en AE et de 18,4 % en CP est réalisée, s’expliquant par l’application du règlement 2016/429 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 (dite « loi de santé animale » ou « LSA »), ainsi que par des mesures de préparation à l’urgence sanitaire. La LSA implique en effet le renforcement d’un certain nombre de mesures de prévention ainsi qu’une surveillance accrue. Diverses sous-actions sont financées afin de poursuivre les objectifs de l’action n° 2 : la gestion des maladies animales ; la gestion des encéphalopathies spongiformes subaiguës transmissibles ; les plans d’urgence contre les épizooties et les visites sanitaires ; le contrôle de l’alimentation animale et du médicament vétérinaire ou encore l’identification et la traçabilité des animaux vivants.

L’action n° 03 « Sécurité sanitaire de l’alimentation » dispose d’une enveloppe de 23,3 M€ en AE et 22,8 M€ en CP, soit 3,5 % du programme. Cela correspond à une hausse de 0,43 % en AE et de 0,44 % en CP. Cette action finance des actions d’inspection sanitaire dans les établissements du secteur alimentaire, de lutte contre les zoonoses dans la chaîne alimentaire, d’appui à la gestion des risques sanitaires liés aux aliments ou encore de surveillance des zones conchylicoles et de la contamination des denrées et gestion des alertes.

L’action n° 04 « Actions transversales » représente 14,1 % des crédits du programme avec 93,0 M€ en AE et en CP, traduisant une augmentation de 7,3 % en AE et de 7,24 % en CP afin de renforcer les missions de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentaire, de l’alimentation et du travail (ANSES) et d’assurer la refonte du système d’information de la DGAL. Les lignes budgétaires comportent également des crédits pour l’inspection vétérinaire et phytosanitaire aux frontières ainsi que les dépenses d’investissement pour « autres moyens scientifiques et techniques » destinées à FranceAgriMer, au Conseil national de l’alimentaire (CNA), ainsi qu’à divers laboratoires nationaux de référence (LNR) et organisations internationales.

L’action n° 05 « Élimination des cadavres et des sous-produits animaux » est dotée de 4,0 M€ en AE et en CP, soit 0,6 % du programme, un montant identique à l’année précédente. Cette action consiste en l’élimination de cadavres animaux à travers le service public de l’équarissage.

L’action n° 06 « Mise en œuvre de la politique de sécurité et de qualité sanitaires de l’alimentation » est dotée de 362,2 M€ en AE et en CP, soit 55,1 % du programme. Il faut noter une augmentation de 5,24 % par rapport à 2022. Les effectifs du programme 206 sont regroupés dans cette action. Au côté des dépenses titre 2 qui représentent la quasi-totalité de cette action, une sous action finance également l’action sanitaire et sociale des services d’alimentation au sein des directions départementales en charge de la protection des populations.

Enfin, l’action n° 08 « Qualité de l’alimentation et offre alimentaire », qui représente 0,9 % du programme avec 5,9 M€ en AE et en CP, connaît une hausse de crédits de l’ordre 20,36 % par rapport à 2022. Mise en œuvre par le programme national pour l’alimentation (PNA), cette action porte principalement sur l’amélioration de la qualité de l’offre alimentaire, l’éducation à l’alimentation de la jeunesse, la lutte contre le gaspillage alimentaire et l’ancrage territorial et patrimonial de l’alimentation.

C.   le programme 215 « conduite et pilotage des politiques de l’agriculture »

Le programme 215 intervient en appui à l’ensemble des services du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire consacré à la mise en œuvre des politiques publiques portées par le ministère, à l’exception de celles relevant du programme 206 (sécurité sanitaire) et 143 (enseignement). Le programme regroupe essentiellement les moyens en personnel été fonctionnement de l’administration centrale et de certains services déconcentrés. Il est doté de 689,1 M€ en AE et 675,0 M€ en CP, ce qui représente une hausse de 7,48 % en AE et de 7,07 % en CP, principalement portée par l’augmentation des moyens alloués à l’action n° 03 « Moyens des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, des directions de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires (et de la mer) ».

crÉdits du programme 215 « Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture »

         (En euros)

Numéro et intitulé
du programme et de l’action

AE

CP

Ouvertes en LFI
2022

Demandées pour
2023

Ouverts en LFI
2022

Demandés pour
2023

215

Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture

641 105 156

689 050 138

630 402 610

674 999 660

Variation (en %)

+ 7,48

+ 7,07

01

Moyens de l’administration centrale

222 412 736

216 539 277

217 908 394

221 069 688

02

Évaluation de l’impact des politiques publiques et information économique

15 813 767

18 545 427

15 913 767

18 545 427

03

Moyens des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires (et de la mer)

321 332 869

343 271 152

321 537 105

343 475 388

04

Moyens communs

81 545 784

110 694 282

75 043 344

91 909 157

L’action  01 « Moyens de l’administration centrale » représente 31,4 % du budget du programme avec 216,5 M€ en AE et 221,1 M€ en CP, soit une diminution de 2,64 % en AE mais une augmentation de 1,45 % en CP par rapport à l’année précédente. Ces crédits concernent principalement des dépenses de personnel de l’administration centrale. Les dépenses hors titre 2 de l’action n° 1 concernent les loyers, la formation continue et l’action sociale. Les crédits afférents sont en légère baisse en raison de la réduction des dépenses concernant les loyers. L’action n° 1 est touchée à la fois par des transferts entrants (création de la police sanitaire unique) et par des transferts sortants (création de la nouvelle direction générale des affaires maritimes).

Les crédits de l’action  02 « Évaluation de l’impact des politiques publiques et information économique » s’élèvent à 18, 5 M€ en AE et en CP. Cela correspond à une hausse de 17,27 % en AE et de 16,54 % en CP par rapport à 2022. La sous-action principale, « Statistiques et réseau d’information comptable agricole », finance des enquêtes et opérations statistiques répondant notamment aux obligations européennes.

L’action n° 03 « Moyens des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt, des directions de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et directions départementales des territoires (et de la mer) » est financée à hauteur de 343,3 M€ en AE et de 343,5 M€ en CP, en hausse de 6,83 % en AE et de 6,82 % en CP. Cette action, qui représente 49,8 % des crédits du programme, finance des actions sanitaires et sociales, la formation continue, la gestion immobilière et le fonctionnement courant des directions régionales de l’alimentation, de l’agriculture et de la forêt et des directions départementales des territoires. Les crédits hors titre 2 de l’action n° 03 augmentent, du fait de l’extension et de la revalorisation de la participation des employeurs aux frais de restauration.

Enfin, l’action n° 04 « Moyens communs » est dotée de 110,7 M€ en AE et 91,9 M€ en CP, en augmentation de 35,74 % pour les AE et de 22,47 % pour les CP. Elle représente 16,1 % du programme et concerne l’ensemble des services du ministère. Ses lignes budgétaires principales couvrent les dépenses informatiques, les frais judiciaires et réparations civiles, la politique immobilière et le fonctionnement de l’Institut national de formation des personnels du ministère de l’agriculture (INFOMA). En 2023, les crédits hors titre 2 de l’action 4 connaîtront une augmentation importante (+ 46 % en AE et + 22 % en CP par rapport à la LFI 2022). Cette augmentation trouve, à titre principal, son origine dans la politique immobilière poursuivie par le programme 215, en lien avec les axes stratégiques portés dans le cadre interministériel : « Améliorer la gestion du patrimoine immobilier de l’État » et « Être un État exemplaire ». Un budget accru est également prévu pour ce qui concerne l’effort de modernisation des outils du ministère, avec 3,42 millions d’euros supplémentaires alloués à cet enjeu.

D.   le programme 381 « allÈgements du coût du travail en agriculture (tode-ag) »

Le programme 381 « Allègements du coût du travail en agriculture (TODEAG) est une nouveauté du budget 2023. L’unique action du programme, l’action n° 01 « Allègements de cotisations et contributions sociales, dispose de crédits à hauteur de 427,0 M€ en AE et en CP.

Le dispositif d’exonération applicable pour l’emploi de travailleurs occasionnels et de demandeurs d’emploi (TO-DE) vise à soutenir la compétitivité des exploitations agricoles. Ce dispositif permet aux exploitations agricoles qui embauchent des travailleurs saisonniers, d’obtenir une exonération des cotisations patronales. Environ 73 000 entreprises en bénéficient, soit la moitié de l’ensemble des entreprises du secteur de la production agricole employeuses.

La création de ce nouveau programme vise à compenser à la CCMSA et à l’Unédic une partie de l’exonération de charges patronales pour l’embauche de travailleurs occasionnels en agriculture. Jusqu’en 2022, cette compensation était effectuée via le reversement d’une fraction de la TVA. Ce programme complète l’action n° 25 du programme 149 (voir 1.A.5) et permet ainsi une compensation intégrale par le ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire, à hauteur de 561 M€ au total.

crÉdits du programme 381 « allÈgements du coût du travail en agriculture (tode-ag) »

(En euros)

Numéro et intitulé
du programme et de l’action

AE

CP

Demandées pour
2023

Demandés pour
2023

381

Allègements du coût du travail en agriculture (TODE-AG)

427 000 000

 

427 000 000

01

Allègements de cotisations et contributions sociales

427 000 000

 

427 000 000

III.   le compte d’affectation spÉciale « dÉveloppement agricole et rural » (CASDAR)

Le compte d’affectation spéciale « Développement agricole et rural » (CASDAR) est alimenté par une fraction, égale à 100 %, du produit de la taxe sur le chiffre d’affaires des exploitants agricole prévue à l’article 302 bis MB du code général des impôts. Cette dernière est évaluée à 126,0 M€ pour 2023, permettant au CASDAR de bénéficier d’une dotation similaire à l’année précédente.

Le Gouvernement indique qu’une ouverture de crédits complémentaires est possible au cours de l’année (notamment à travers une loi de finances rectificatives), si le besoin est confirmé.

 

 


 —  1  —

   seconde partie :
les services de remplacement : un levier identifié pour répondre au défi du renouvellement des générations dans le monde agricole

Pour la seconde partie de son avis budgétaire, votre rapporteur a souhaité apporter un éclairage sur la question des services de remplacement. Encore trop méconnus, ces dispositifs constituent pourtant une solution utile et efficace pour permettre à un exploitant agricole de s’absenter de son exploitation, pour des motifs variés, tout en en garantissant la continuité économique. Après avoir dressé un état des lieux du fonctionnement actuel des services de remplacement et de leurs forces et faiblesses, votre rapporteur formule un certain nombre de préconisations visant à bâtir une stratégie plus affirmée pour encourager le développement des services de remplacement, qui s’inscrivent pleinement dans les réponses à apporter face aux défis actuels du monde agricole en matière d’attractivité de la profession, de renouvellement des générations et d’installation.

I.   un dispositif essentiel pour l’agriculture française dont le développement est entravé par plusieurs freins structurels

Dispositif essentiel qui incarne les principes de solidarité particulièrement ancrés dans le monde agricole, le service de remplacement rencontre un certain succès, en particulier chez les éleveurs, succès porté par les dispositifs existants visant à réduire le reste à charge de l’agriculteur. Néanmoins, des difficultés structurelles freinent son développement : seul un agriculteur sur cinq est adhérent à un service de remplacement, les agents de recrutement sont trop peu nombreux pour répondre aux besoins et le réseau reste insuffisamment professionnalisé.

A.   un outil stratégique pour répondre aux attentes du monde agricole

1.   Un dispositif qui puise ses origines dans la solidarité du monde agricole

Le service de remplacement en agriculture puise ses origines dans des initiatives locales de solidarité du monde agricole, mises en place dans les années 1960. Des organisations syndicales, notamment la Jeunesse agricole catholique (JAC), ainsi que des coopératives ou des groupes de développement créent alors des structures associatives destinées à mettre des agents de remplacement à la disposition des chefs d’exploitation agricole afin de pallier leur absence pour motifs d’accident, de maladie ou de congé. Le service de remplacement joue alors un rôle social évident, mais aussi un rôle économique, en assurant la continuité des exploitations et en préservant la soutenabilité des entreprises agricoles face aux divers aléas qui affectent la vie des chefs d’exploitation ([4]).

L’officialisation du service de remplacement est réalisée en 1972 par Pierre Messmer, Premier ministre, et Jacques Chirac, alors ministre de l’agriculture, lors de la conférence agricole annuelle. L’association du service de remplacement voit le jour, elle est subventionnée par l’Association nationale de développement agricole (ANDA) dès 1973 afin de faciliter son implantation sur l’ensemble du territoire français. Face à la demande croissante des exploitants agricoles, le service de remplacement connaît un essor rapide et considérable. Dès les années 1970, il est implanté dans plus de 80 départements, avec au total 400 services, administrés à l’échelle cantonale ou départementale. Une structuration administrative nationale est instaurée en 1988, avec la création de la Fédération nationale des services de remplacement (FNSR). L’objectif est alors d’apporter conseil aux initiatives locales et de soutenir leur organisation ainsi que la poursuite de leurs actions. En 2009, la FNSR devient Service de Remplacement France (SRF).

2.   Une organisation collective des besoins de remplacement des agriculteurs, soutenue financièrement par plusieurs dispositifs

a.   Les principes de fonctionnement du service de remplacement

Le remplacement repose sur le principe suivant : les agriculteurs organisent collectivement les modalités de leur remplacement, en adhérant à un groupement d’employeur assurant un service de remplacement. Lorsque le besoin de remplacement se matérialise, l’agriculteur fait alors appel au service de remplacement qui met à sa disposition un agent de remplacement, employé par le service de remplacement. L’agriculteur s’acquitte du coût de ce service, qui est réduit par l’intervention de plusieurs dispositifs de soutien.

Juridiquement, les services de remplacement sont des associations, qui constituent un type particulier de groupements d’employeurs. Depuis la loi n° 9595 du 1er février 1995 de modernisation de l’agriculture, dite « loi de modernisation agricole », les services de remplacement sont considérés comme des groupements d’employeurs (GE) assurant des services de remplacement. Les règles de fonctionnement des services de remplacement sont détaillées dans le code du travail : un groupement d’employeurs peut être constitué dans l’objectif de mettre à la disposition des chefs d’exploitation agricole un ou plusieurs remplaçants (article R. 1253-14). Ce remplacement peut avoir lieu en cas de « maladie, d’accident, de maternité ou de décès » ou de « congés de toute nature », de « suivi d’une action de formation professionnelle » ou en cas d’« exercice d’un mandat professionnel, syndical ou électif. » (article R. 1253-15). Les articles R. 1253-16 à R. 1253-18 apportent trois points de précision importants :

– « l’activité principale du groupement d’employeurs représente au moins 80 % des heures de travail accomplies dans l’année civile par les salariés du groupement » ;

– les personnes « dont l’exploitation, l’entreprise ou le local professionnel est situé dans le ressort géographique du groupement d’employeurs (…) ont seules vocation à y adhérer » ;

– seuls les adhérents « peuvent bénéficier de la mise à disposition d’un salarié ».

La dimension sociale des services de remplacement est à l’origine de leur statut associatif, qui leur confère un certain nombre d’avantages, notamment sur le plan fiscal. Ainsi, les services de remplacement bénéficient du régime fiscal des associations. Les services de remplacement sont ainsi exonérés de l’impôt sur les sociétés et de taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

b.   Un reste à charge pour l’agriculteur diminué du fait de l’existence de nombreux dispositifs de soutien

Afin de réduire le reste à charge de l’exploitant agricole, de multiples dispositifs publics ou assurantiels de prise en charge des dépenses ont été mis en place ces dernières années. Ils diffèrent en fonction du motif du remplacement et leur évolution témoigne également des préoccupations et besoins nouveaux des agriculteurs : si le remplacement en cas d’arrêt maladie ou d’accident de travail fait partie des motifs historiques, de nouveaux motifs se développent, à l’image du remplacement pour congé, de l’extension des droits dans le cadre du congé maternité et du dispositif d’aide au répit.  Les principaux dispositifs de soutien existants sont détaillés dans le tableau ci-dessous. Ils permettent de réduire considérablement le coût de revient pour l’agriculteur du service de remplacement. Ainsi, selon SRF, le coût de revient moyen au niveau national d’une journée de remplacement est de 150 euros en 2022. Il devrait atteindre entre 155 et 160 euros en 2022, à la suite de la revalorisation de la grille salariale de la convention collective nationale ([5]).

Après intervention des dispositifs de soutien, le reste à charge est considérablement diminué : il est nul pour l’aide au répit et les congés maternité, en moyenne de 11 euros pour les congés paternité, de 60 euros en cas de maladie ou accident (avant crédit d’impôt) et de 80 euros pour les congés. Il est très variable concernant le développement agricole et la formation, avec des aides journalières de 37,50 ou 75 ou 112,50 euros, selon le choix fait régionalement. Enfin, et de manière similaire, le montant des aides journalières concernant le mandat syndical varie entre 37,50, 75, 112,50 ou 120 euros, selon le choix fait par le syndicat. Au total, le taux moyen de prise en charge est de 42 % des dépenses de remplacement, selon les chiffres du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire.

Synthèse des principaux dispositifs de soutien existants

Motifs du congé de remplacement et part en pourcentage sur l’ensemble des remplacements effectués

Principaux dispositifs visant à réduire le reste à charge supporté par l’agriculteur

Maladie, accident, décès

(38 %)

1/ Un contrat cadre assurantiel entre Groupama et SRF existe depuis 2007. Les exploitants adhérents aux services de remplacement peuvent souscrire à un contrat d’assurance prévoyance avec les caisses régionales de Groupama et bénéficier d’une prise en charge jusqu’à 70 % du coût du remplacement. Selon les chiffres de Groupama, 37 000 exploitants ont souscrit à ce contrat, sur les 70 000 adhérents aux services de remplacement.

 

2/ Le crédit d’impôt prévu à l’article 200 undecies du code général des impôts (CGI) a été étendu en 2022 aux congés pris pour motifs de maladie ou d’accident du travail. Son taux est de 60 %, pour une durée de 14 jours par an.

 

3/ Des indemnités journalières peuvent être versées par les caisses locales de la Mutualité sociale agricole (MSA) via leurs fonds d’action sociale remplacement ([6]).

 

Estimation du reste à charge moyen : 60 euros avant crédit d’impôt

Congés

(31 %)

Le crédit d’impôt prévu à l’article 200 undecies du CGI permet une prise en charge à hauteur de 50 % sur 14 jours par an, et ce depuis la création de cette aide fiscale en 2006. Des subventions peuvent être aussi attribués par divers acteurs locaux, publics (conseil départemental) ou privés (entreprises, banques, coopératives). Selon SRF, ce motif de recours aux services de remplacement concerne environ 35 800 adhérents en 2022 (soit un quasi doublement depuis la création du crédit d’impôt).

 

Estimation du reste à charge moyen : 80 euros

Congés maternités et paternité (26 %)

Un conventionnement national entre SRF et la caisse centrale de la MSA permet la prise en charge intégrale des dépenses de remplacement. Pour les congés maternité, cette prise en charge inclut depuis 2019 la contribution sociale généralisée (CSG) et la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS).

Le taux de recours dans le cadre du remplacement maternité marque une nette progression, la MSA le mesure à 68,9 %, contre 60 % en 2017.

 

Estimation du reste à charge moyen : nul pour congé maternité ; 11 euros pour congé paternité

Aide au répit

Depuis 2017, l’aide au répit en cas d’épuisement professionnel permet aux exploitants de bénéficier d’une prise en charge intégrale de leur remplacement, dans une limite de 10 à 14 jours, variable en fonction des caisses de la MSA ([7]).

 

Estimation du reste à charge moyen : nul

Mandat syndical (2%)

Dans le cadre de mandat syndical, un conventionnement entre SRF et les syndicats agricoles leur permet de financer le remplacement de leur membre.

 

Estimation du reste à charge moyen : l’aide varie de 37,5 à 120 euros par jour selon les choix retenus par le syndicat à l’échelle régionale.

Développement agricole et la formation (respectivement 2 et 1 %)

Enfin, concernant le développement agricole et rural ou la formation, une aide du compte d’affectation spéciale développement agricole et rural (CASDAR) permet la prise en charge partielle du remplacement.

 

Dans le cas de la formation, il faut noter qu’un crédit d’impôt formation est également disponible pour les chefs d’entreprise.

 

Estimation du reste à charge moyen : entre 37,50 et 112,50 euros selon le choix fait régionalement

Il faut également noter que d’autres subventions publiques, attribuées notamment par les collectivités territoriales, peuvent être accordées. On peut ajouter que des initiatives privées cherchent également à soutenir ces dispositifs (banques, coopératives, et certains acteurs de la grande distribution : ainsi, Lidl finance des jours de remplacement pour les exploitants engagés dans un contrat tripartite avec l’entreprise depuis 2022).

3.   Des services ancrés localement, en particulier dans les territoires d’élevage

a.   Un poids significatif dans le paysage agricole français

 

Les services de remplacement comptent 70 000 adhérents, soit environ 16 % des chefs d’exploitation agricole français. Ce chiffre a considérablement augmenté ces dernières années, (54 000 en 2000, à 67 000 en 2010). Depuis six ans, le nombre d’adhérents est stable malgré la baisse globale du nombre d’agriculteurs sur cette période. En parallèle, le nombre d’agents de remplacement augmente. On en dénombre aujourd’hui environ 15 000 selon SRF, avec une augmentation soutenue de 60 % lors de la première décennie des années 2000, puis de 20 % entre 2010 et 2018. Ce mouvement s’accompagne également d’une hausse du nombre d’heures de remplacement depuis une dizaine d’années : + 100 000 heures entre 2010 et 2019, pour atteindre 4,6 millions en moyenne sur cette période. La crise de la covid-19 est à l’origine d’une baisse, de l’ordre de 300 000 heures en 2020, qui n’a pas entièrement été compensée en 2021, l’activité restant en deçà de 2019 de l’ordre de 100 000 heures (4,6 contre 4,7 millions).

Les services de remplacement sont présents au nombre de 320 sur l’ensemble du territoire métropolitain et l’île de La Réunion. L’organisation locale des services de remplacement est partagée entre échelon cantonal et départemental. Si le fonctionnement cantonal correspond aux modalités historiques des services de remplacement, le fonctionnement départemental est aujourd’hui largement majoritaire et encouragé (point développé infra).

Il faut également noter l’existence de fédérations régionales des services de remplacement, qui servent d’interlocuteurs de référence pour les acteurs agricoles régionaux ainsi que le rôle de la fédération nationale, SRF, qui représente l’ensemble du réseau des services de remplacement, conclut des accords avec ses partenaires nationaux et oriente les transformations de la politique nationale du remplacement ainsi que ses déclinaisons locales.

b.   Un développement particulièrement ancré dans les territoires d’élevage

Le développement des services de remplacement est contrasté, avec un fort ancrage dans les régions d’élevage. Les éleveurs, dont la présence quotidienne est nécessaire sur l’exploitation, représentent en effet entre 70 et 80 % des adhérents des services de remplacement. La surreprésentation des services de remplacement dans les filières d’élevage influe naturellement sur la répartition territoriale du nombre d’adhérents. Il en résulte d’importantes disparités, avec un nombre d’adhérents variant de 3 % de la population agricole dans le Haut‑Rhin à 44 % en Mayenne ([8]).

Carte reprÉsentant le nombre d’adhÉrents par dÉpartement

Source : CGAAER (2020)

4.   Un outil qui apporte des réponses face aux défis contemporains du monde agricole

Les services de remplacement s’inscrivent pleinement dans la palette des outils à mobiliser pour répondre aux grands enjeux de l’avenir de l’agriculture qui ont à trait au renouvellement des générations. Rappelons que d’ici 2030, un agriculteur sur deux sera en âge d’ouvrir ses droits à la retraite ([9]).

Les mutations qui traversent le monde agricole montrent toute l’utilité des services de remplacement :

– l’érosion des formes classiques d’entraide liées aux évolutions démographiques du monde agricole rend le rôle des services de remplacement de plus en plus « vital » pour assurer la continuité de l’exploitation ;

– les services de remplacement apportent des réponses face aux nouvelles aspirations sociales des agriculteurs, et en particulier des nouvelles générations. Ces derniers font part d’une envie croissante et légitime de garantir un meilleur équilibre entre leur vie professionnelle et personnelle, cette dynamique étant portée notamment par l’augmentation de la proportion de conjoints travaillant hors de l’exploitation (phénomène dit de « déconjugalisation ») ([10]). Les services de remplacement répondent également aux enjeux relatifs à la formation, en libérant ponctuellement les agriculteurs de leur charge de travail quotidienne ;

 les services de remplacement agissent en prévention du mal-être agricole, alors que les burn out et les suicides, sont surreprésentés dans le monde agricole ([11]), où les conditions de travail sont particulièrement difficiles. Ainsi, l’Insee estime à 55 heures par semaine la durée hebdomadaire moyenne de travail d’un agriculteur contre une moyenne de 37 heures pour l’ensemble des personnes en emploi. Toujours selon l’Insee, « la très grande majorité des agriculteurs travaillent le week-end : en 2019, 88 % d’entre eux ont travaillé au moins un samedi au cours des quatre dernières semaines (contre 39 % de l’ensemble des personnes en emploi) et 71 % au moins un dimanche (contre 22 %). En outre, 15 % des agriculteurs ont, au cours des quatre dernières semaines, travaillé au moins une fois la nuit, entre minuit et 5 heures du matin, contre 10 % pour l’ensemble des personnes en emploi ».

 les services de remplacement sont également un outil de « promotion » du métier d’agriculteur : le métier d’agent de remplacement permet de découvrir la diversité des métiers exercés par les agriculteurs et constitue souvent un préalable à l’installation.

B. Des difficUltés structurelles freinent le développement des services de remplacement

1.   Du côté de la demande : des obstacles financiers ou psychologiques freinent le recours aux services de remplacement par les exploitants agricoles

Malgré l’utilité du dispositif et les mesures de soutien existantes, la grande majorité des agriculteurs – plus de 4 agriculteurs sur 5 – n’est aujourd’hui pas adhérente au service de remplacement. Plusieurs facteurs peuvent être avancés pour comprendre ce taux d’adhésion encore trop limité.

En premier lieu, le facteur psychologique joue un rôle déterminant. Confier son exploitation à une personne tierce reste une épreuve pour de nombreux agriculteurs, qui nécessite au préalable d’avoir instaurer une relation de confiance avec la personne choisie pour le remplacement. À cet enjeu de confiance s’ajoute également un frein psychologique tenant aux spécificités du monde agricole, où bien souvent la prise de congés ne va pas de soi.

En deuxième lieu, le facteur économique joue aussi. Le coût de l’adhésion et surtout le reste à charge supporté par l’agriculteur peuvent être dissuasifs. Comme indiqué plus haut, si le reste à charge est nul ou très faible pour les congés maternité et paternité, il reste important pour les motifs les plus fréquents du recours au remplacement : la maladie ou de l’accident (60 euros en moyenne avant crédit d’impôt), les congés (80 euros en moyenne), malgré les dispositifs mis en place.

Notons enfin en troisième lieu que le manque de connaissance du dispositif, nuit également à la diffusion de ces services. Comme l’indique SRF, « les possibilités et modalités de remplacement restent méconnues d’un grand nombre d’exploitants ». Dans certains territoires, l’inexistence des services de remplacement empêche de facto les agriculteurs d’y avoir recours. C’est le cas dans l’ensemble des territoires ultramarins, à l’exception de l’île de La Réunion.

2.   Du côté de l’offre : un recrutement difficile des agents de remplacement

D’après SRF, « le premier frein au développement des services de remplacement est aujourd’hui la difficulté à recruter des salariés ». Les difficultés de recrutement des agents de remplacement entraînent aujourd’hui des refus et freinent les actions de communication des services de remplacement auprès des exploitants, par crainte de ne pouvoir satisfaire les demandes. D’après un récent sondage effectué par SRF auprès de son réseau, 40 % des répondants considèrent que les tensions observées en matière de recrutement sont à l’origine de pertes d’adhésion. Ces tensions conduisent bien souvent à missionner des agents dont la qualification est inférieure à la mission demandée, ce qui peut être à l’origine d’une dégradation de l’image des services de remplacement du point de vue des adhérents.

Alors que le marché du recrutement est tendu, les postes d’agents de remplacement sont peu attractifs. Les agents de remplacement se retrouvent confrontés à des conditions de travail difficile et leur métier est insuffisamment valorisé. La grille de salaires des agents de remplacement paraît structurellement basse, malgré de récentes améliorations. La stabilité des contrats est également loin d’être la norme, avec 85 % de contrats à durée déterminée (CDD). À cela s’ajoute des conditions de travail difficiles, un certain nombre de frais liés aux transports et/ou aux logements, une exigence forte de mobilité ainsi que des changements très fréquents d’exploitation, une évolution professionnelle jugée trop faible par les syndicats de salariés agricoles ainsi qu’un accès considéré comme insuffisant à la formation. Le rythme de travail constitue également un élément problématique, comme le souligne SRF : « il est de plus en plus compliqué de trouver des jeunes qui acceptent de travailler les week-ends ou les jours fériés, ce qui est une nécessité en élevage ». La fonction d’agents de remplacement souffre d’une image du métier trop peu valorisée. Comme le fait remarquer la CFTC dans la contribution écrite faite à votre rapporteur, une image a longtemps dominé, celle d’« un emploi d’attente, attente de l’installation ». Or, il existe de plus en plus d’agents qui font carrière comme agent de remplacement, « car ils apprécient la variété », ainsi que le fait d’être « attendus » sur les exploitations. Le remplaçant est un salarié « pas comme les autres ». Pourtant, l’image de l’agent de remplacement reste trop peu valorisée dans le monde agricole, alors qu’en plus des capacités techniques, ce métier exige de grandes capacités relationnelles, pour affronter des situations difficiles.

Les caractéristiques socioprofessionnelles des agents de remplacement

Les agents de remplacement sont en majorité des travailleurs jeunes, au niveau de diplôme variable (voir tableau ci-dessous), aux trajectoires professionnelles variées.

Source : à partir des données transmises par Service de remplacement France

Les postes proposés reflètent une diversité de projets professionnels :

 emploi stable avec la possibilité de faire carrière et d’accroître ses compétences et/ou une ouverture possible vers l’installation en agriculture ;

 emploi d’étudiant durant les vacances scolaires (ou les week-end) ou activité en complément d’un autre emploi (salarié ou non-salarié, agriculteur, retraité), en appui aux équipes permanentes.

Les motivations sont également diverses : acquisition d’expérience, recherche de sens pour son activité et amélioration du réseau professionnel, notamment dans le cadre d’une installation future.

3.   Des moyens humains et financiers limités tant pour la fédération nationale que pour les associations locales ou départementales

Les moyens organisationnels, financiers et humains des services de remplacement limitent aujourd’hui leurs capacités de développement.

Au niveau de la structure nationale, SRF alerte : « les subventions dédiées au fonctionnement des structures se raréfient et ne suivent pas l’inflation voire disparaissent ». SRF exprime également un certain nombre de craintes sur son financement par les syndicats, car ces derniers n’ont pas d’obligation de conventionnement : « même si les cinq syndicats ont décidé de conventionner avec SR France en 2022, nous n’avons aucune garantie sur le long terme que ce conventionnement perdure ».

Au niveau local, les moyens sont également limités. La logique de départementalisation, qui vise à favoriser une organisation du service de remplacement à l’échelle départementale et non plus à l’échelle cantonale, a progressé mais reste inaboutie, limitant la professionnalisation du réseau et l’accroissement des viviers. Aujourd’hui, 71 départements disposent d’un seul service de remplacement, tandis que 21 départements ont entre 2 et 25 services de remplacement locaux. Le fonctionnement cantonal se heurte à de nombreux obstacles : il repose sur une logique essentiellement bénévole, dans un contexte de baisse du nombre d’acteurs agricoles et de crise plus large de l’engagement et de la participation qui touche l’ensemble de la vie publique.

II.   Une stratégie plus affirmée est nécessaire pour accompagner le développement des services de remplacement

Le développement des services de remplacement peut être encouragé à partir d’une stratégie bâtie autour de trois axes :

– faciliter le recours aux services de remplacement pour les agriculteurs ;

– renforcer l’attractivité des fonctions d’agents de remplacement ;

– reconnaître davantage le rôle des services de remplacement et accroître l’efficacité du réseau.

A.   Faciliter l’accès au service de remplacement pour les agriculteurs

1.   Réduire le reste à charge de l’exploitant agricole

Si de nombreux dispositifs existent aujourd’hui pour réduire le reste à charge de l’exploitant, celui-ci reste néanmoins conséquent dans un certain nombre de cas. Un pas supplémentaire peut aujourd’hui être franchi pour renforcer l’attractivité du dispositif, dont les externalités positives pour l’ensemble du monde agricole sont significatives.

a.   Mobiliser davantage le crédit d’impôt pour réduire le reste à charge et encourager la prise de congés

Instauré avec la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole, le crédit d’impôt pour dépenses de remplacement (article 200 undecies du code général des impôts) est de 50 % des dépenses réalisées dans la limite, par année, de 14 jours de remplacement pour congé. Depuis la loi de finances pour l’année 2022, le crédit d’impôt a été étendu aux arrêts maladie et accidents de travail, avec un taux porté à 60 %. Depuis sa mise en place en 2006, cette aide fiscale a permis l’essor du remplacement pour congé (doublement des bénéficiaires du remplacement pour congé entre 2006 et 2018, triplement du coût du crédit d’impôt de 6 à 18 millions d’euros). Le crédit d’impôt pour dépenses de remplacement a été régulièrement reconduit (en 2010, 2013, 2017, 2019 puis en 2022). Il est actuellement en vigueur jusqu’au 31 décembre 2024.

Votre rapporteur appelle aujourd’hui à poursuivre cette dynamique en renforçant le rôle incitatif de ce crédit d’impôt. Trois évolutions en particulier mériteraient d’être mises en place rapidement :

 il est souhaitable d’allonger le nombre de jours de congés pris en charge par le crédit d’impôt, actuellement limités à 14 jours par an, quel que soit le motif invoqué (maladie, accident de travail ou congés). Ainsi le dispositif souffre d’une insuffisance : dans le cas où un agriculteur tombe malade et utilise le crédit d’impôt sur 14 jours, il ne pourra y avoir recours la même année pour prendre des congés. Votre rapporteur considère que les services de remplacement doivent certes être là en cas de « coup dur », mais aussi pour assurer à l’agriculteur des « jours heureux ». C’est pourquoi, comme le demandent un certain nombre d’acteurs entendus en audition, votre rapporteur propose la mise en place d’une logique cumulative : l’objectif est de pouvoir utiliser le crédit d’impôt pour un arrêt maladie, sans que cela n’empiète sur les congés pouvant être pris par ailleurs.

– une piste complémentaire serait d’augmenter le taux de prise en charge en cas d’arrêt maladie ou d’accident de travail, pour accentuer le soutien aux agriculteurs en cas de coups durs. Un passage du taux de 60 à 70 % constituerait un « coup de pouce » supplémentaire significatif, avec un impact sur les finances publiques qui resterait modéré. Cette proposition s’inscrit d’ailleurs dans le prolongement des propositions formulées par les sénateurs M. Cabanel et Mme Férat, qui préconisaient un taux à 66 % ;

– enfin, il est souhaitable de pérenniser le crédit d’impôt, afin d’assurer une forme de visibilité à long terme à l’ensemble des acteurs et d’afficher clairement le soutien que l’État accorde à ce dispositif.

 

Fonctionnement du crédit d’impôt pour service de remplacement (article 200 undecies du code général des impôts)

Les personnes éligibles au crédit d’impôt sont les exploitants agricoles. Pour bénéficier du crédit d’impôt, l’activité exercée par le bénéficiaire doit requérir la présence de ce dernier sur l’exploitation chaque jour de l’année, et le remplacement ne doit pas faire l’objet d’une prise en charge par un autre dispositif. Le remplacement doit être réalisé par emploi direct de salariés ou par le recours à des personnes mises à disposition par un tiers.

Les dépenses de remplacement comprennent les rémunérations et leurs accessoires ainsi que les charges sociales, dans la mesure où celles-ci correspondent à des cotisations sociales obligatoires (article 46 AZA ter de l’annexe III du CGI).

Le montant du crédit d’impôt est de 50 % des dépenses réalisées dans la limite, par année, de 14 jours de remplacement pour congé.

Depuis le 1er janvier 2022, ce taux atteint 60 % pour les dépenses induites par un remplacement pour congé en raison d’une maladie ou d’un accident de travail. Cette modification est apportée par l’article 77 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022, à la suite d’un amendement (n° 3475) déposé en première lecture à l’Assemblée nationale. L’augmentation du taux du crédit d’impôt pour des motifs de maladie ou d’accident avait fait l’objet d’une recommandation dans le rapport des sénateurs Henri Cabanel et Françoise Ferat du 17 mars 2021 sur les suicides en agriculture.

Pour le calcul du crédit d’impôt, le coût d’une journée de remplacement est plafonné à 42 fois le taux horaire du SMIC.

Le crédit d’impôt est accordé au titre de l’année en cours de laquelle les dépenses ont été engagées.

b.   Agir sur le volet assurantiel

Aujourd’hui, moins de 37 000 exploitants agricoles ont souscrit un contrat d’assurance prévoyance maladie accident décès avec GROUPAMA. Avant 2020, ce contrat était commercialisé directement par les services de remplacement, mais une réforme de l’Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance (Orias) a interdit cette pratique, la vente étant désormais organisée uniquement par GROUPAMA. La durée de prise en charge paraît par ailleurs très variable selon les caisses GROUPAMA. Comme le souligne la FNSEA, il serait souhaitable d’engager une discussion avec la caisse centrale GROUPAMA afin d’assurer une meilleure couverture indemnitaire par les caisses sur l’ensemble du territoire. En complément, il pourrait être pertinent d’accroître la part d’aide que la MSA peut accorder aux agriculteurs pour les aider à souscrire à ces contrats, comme le propose le rapport du Sénat de M. Cabanel et Mme Férat, précité.

2.   Accroître le soutien de l’État pour répondre aux situations les plus urgentes et difficiles

a.   Consolider le financement accordé à l’aide au répit et harmoniser les pratiques

Un dispositif de financement de l’aide au répit a vu le jour en 2017. Instauré par le ministère de l’agriculture et mis en place par la MSA, il permet aux exploitants de bénéficier d’une prise en charge de leur remplacement, afin de leur permettre de « souffler » lorsqu’ils font face à une situation d’épuisement professionnel. Entre 2017 et 2019, le nombre de bénéficiaires de l’aide au répit a enregistré une progression de 19,15 %. En 2019, on dénombre 4 242 bénéficiaires. Le dispositif a suscité une forte adhésion, avec un taux de satisfaction de 90 %. Le nouveau contrat d’objectif de gestion (COG) 2021 - 2025 consolide et pérennise cette aide. Le plafonnement du nombre de jours de remplacement a été porté à 14 jours au lieu de 10, l’indemnité de remplacement a été revalorisée de 10 % (le montant du forfait journalier de prise en charge est actuellement de 170 € maximum) et l’accès au dispositif a été étendu à l’ensemble des salariés.  L’aide au répit est financée via les fonds propres de la MSA, pour un montant de près de 5 millions d’euros annuel.

Le dispositif est globalement salué mais souffre néanmoins d’une application trop peu harmonisée en fonction des caisses locales de la MSA. Selon les informations qui ont été communiquées à votre rapporteur au cours des auditions, les caisses locales de la MSA mettent en œuvre une aide variable en termes de jours de remplacement ou de nature des actions d’accompagnement (séjours de répit, groupes de parole, etc.). En outre, des grilles différentes d’évaluation des situations d’épuisement sont utilisées.

Face à ce constat, votre rapporteur considère que ce dispositif doit continuer d’être encouragé et que les pratiques au niveau des différentes caisses de la MSA doivent être harmonisées, pour garantir pleinement l’équité de traitement des agriculteurs concernés.

En parallèle et au-delà des jours de répit financés par la MSA, une réflexion doit se développer pour mettre en place un accompagnement de longterme des agriculteurs, en accentuant la prévention en amont mais également en facilitant une reprise en douceur après l’utilisation de l’aide au répit.

b.   Généraliser le dispositif expérimental permettant une prise en charge par l’État en cas d’urgence

De nombreux agriculteurs ne sont ni assurés, ni adhérents à un service de remplacement. Cela conduit à des situations particulièrement difficiles, en cas de maladie, d’accident ou de décès. En pratique, les services sont toutefois amenés à se rendre sur des exploitations non adhérentes et non assurées (parfois sur réquisition du maire ou du préfet) à la suite de décès, d’accidents, d’hospitalisations. Le cadre réglementaire de ces interventions est flou et source d’insécurité juridique et financière pour les services de remplacement.

Pour pallier ces difficultés, certains territoires ont mis en place des solutions ad hoc et innovantes, à l’image de celle du département de l’Orne, qui a été saluée au cours des auditions. Ainsi dans l’Orne, le service de remplacement et la direction départementale de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DDTESPP) ont créé un dispositif expérimental de prise en charge du remplacement en cas d’urgence auprès des éleveurs en difficultés. La DDTESPP confie au SR des missions techniques et d’assistance auprès d’éleveurs en difficulté en vue de les remplacer et d’assurer la continuité de l’exploitation et le bien-être des animaux. L’intervention se fait dans le cadre d’un mandat écrit :

– la DDTESPP établit en lien avec la MSA le document unique d’évaluation des risques de l’exploitation si celle-ci fait défaut, en amont de chaque intervention ;

– la DDTESPP prend en charge le coût de l’adhésion au SR quand l’exploitant n’est pas adhérent ainsi que le coût de remplacement.

Ces coûts sont imputés sur le programme 206 du budget du ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire (sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation).

Votre rapporteur salue cette expérimentation et propose sa généralisation. Une convention avec le ministère chargé de l’agriculture afin de permettre la généralisation de ce dispositif dans l’ensemble des départements où un besoin est identifié pourrait être établie. Concernant le coût du dispositif, SRF considère que cela pourrait représenter environ 300 personnes par an pour une durée de remplacement de 15 jours par personne, soit un coût de 720 000 euros (300 personnes x 15 jours x 160 euros en moyenne). L’adhésion au SR représenterait un coût d’environ 15 000 euros (300 personnes x 50 euros en moyenne). Le montant total de cette action nécessiterait donc de la part de l’État un effort budgétaire de 735 000 euros, effort qui paraît mesuré par rapport au bénéfice attendu de cette action. Votre rapporteur a déposé un amendement de crédit en ce sens.

c.   Garantir la gratuité de prise en charge du remplacement en cas de décès de l’exploitant pour accompagner ses proches et assurer la continuité de l’exploitation

En cas de décès de l’agriculteur, en particulier lorsqu’il s’agit d’un suicide, les proches endeuillés se retrouvent démunis et doivent trouver un moyen d’assurer la continuité de l’exploitation. Si la solidarité rurale se manifeste bien souvent pour venir en aide aux personnes concernées, il paraît aujourd’hui souhaitable de mettre en place un dispositif plus systématique afin de prévoir la gratuité pour les proches de victimes, immédiatement après le décès de l’exploitant. Formulée dans le rapport des sénateurs de M. Cabanel et Mme Férat, cette proposition conserve toute sa pertinence et son actualité.

3.   Mieux faire connaître les services de remplacement auprès des agriculteurs

Mieux communiquer auprès du public agricole sur l’existence et le fonctionnement des services de remplacement, ainsi que sur les modalités existantes permettant de réduire le reste à charge paraît aujourd’hui nécessaire. Une campagne de communication institutionnelle, menée à la fois au niveau national et local, pourrait être mise en place. Celles-ci doit impliquer l’État, les chambres d’agriculture, la MSA, SRF et les organisations syndicales.

Une piste complémentaire serait également de prévoir une information plus systématique par les organisations syndicales, notamment au moment de l’adhésion par l’agriculteur au syndicat de son choix. Il pourrait d’ailleurs être envisagé de prévoir une procédure commune pour l’adhésion au syndicat et l’adhésion au service de remplacement, ce qui n’empêcherait bien sûr pas les agriculteurs qui ne sont pas syndiqués d’adhérer à un service de remplacement.

Dans certains cas de figure, il paraît également légitime de neutraliser le coût de l’adhésion. C’est le cas pour les interventions d’urgence, comme décrit plus haut et cela pourrait être également pertinent pour les congés maternité, pour lequel le remboursement du coût du recours au service de remplacement est intégral. Ainsi, la MSA suggère de permettre le remplacement pour motif de congé maternité chez une exploitante agricole non adhérente en demandant l’adhésion une fois le service rendu ou d’aller plus loin et de neutraliser le coût de l’adhésion qui peut constituer un frein à la fois financier et psychologique.

B.   AmÉliorer la qualitÉ de l’emploi des agents de remplacement et renforcer l’attractivitÉ de ces mÉtiers

La crise de recrutement des agents de remplacement freine aujourd’hui grandement le développement des services de remplacement. Quantitativement, les candidats aux postes d’agent de remplacement sont insuffisamment nombreux. Qualitativement, les agents de remplacement sont de plus en plus amenés à répondre à la grande diversité des besoins et exigences des agriculteurs, qui varient en fonction des filières et du type d’agriculture pratiquée.

1.   Poursuivre le dialogue social pour améliorer la qualité du travail

Un effort supplémentaire pour améliorer la qualité de travail et les niveaux de rémunération des agents de remplacement paraît aujourd’hui nécessaire.

Il faut d’abord relever sur ces questions un certain nombre d’avancées récentes. Ainsi, une nouvelle convention collective nationale est entrée en vigueur au 1er avril 2021 pour l’ensemble des branches professionnelles de la production agricole et les coopératives d’utilisation du matériel agricole (CUMA). Cette convention introduit une grille de classification des emplois suivant cinq critères de valorisation : la technicité, l’autonomie, les responsabilités, le management et le relationnel. Chaque critère comporte entre quatre et six degrés de difficulté. Par exemple, pour le critère « technicité » il existe cinq degrés différents, correspondant à cinq niveaux de difficulté technique des activités réalisées par le salarié agricole. Le premier degré correspond ainsi à l’« exécution d’une ou plusieurs tâches simples, nécessitant peu ou pas d’expérience », tandis que le dernier degré concerne une activité dont le salarié à la « responsabilité de l’ensemble des missions, y compris expertes d’un ou plusieurs domaines de spécialités ». Chaque degré de chaque critère est associé à un certain nombre de points. L’addition des points atteints dans chaque critère permet ensuite d’obtenir un « coefficient de l’emploi », qui détermine la rémunération minimale. Les services de remplacement sont liés à cette nouvelle convention collective nationale. Chaque service de remplacement dispose d’une certaine liberté dans l’utilisation de ce cadre pour classifier les emplois qu’il propose. SRF préconise quatre types d’emplois de remplacement, associés à quatre niveaux de rémunération : allant de 11,11 € minimal à 13,21 € minimal par heure, selon la grille précisée dans l’encadré cidessous.

4 types d’emplois de remplacement

Lors de la mise en place de la convention collective, SR France a préconisé 4 types d’emplois :

Agent de remplacement échelon 1 : remplacer le chef d’exploitation ou les membres de son entreprise lors de leurs absences et assurer la continuité des travaux de l’exploitation par la réalisation d’opérations qualifiées et variées, dans le cadre de consignes précises et sous la surveillance et un contrôle fréquents d’un membre de l’exploitation. Rémunération minimale au 1er septembre 2022 = 11,11 € / heure

 Agent de remplacement échelon 2 : remplacer le chef d’exploitation ou les membres de son entreprise lors de leurs absences et assurer la continuité des travaux de l’exploitation par la réalisation d’activités très qualifiées et fortement évolutive, dans le cadre d’instructions générales et sous la surveillance et un contrôle intermittents ou périodiques d’un membre de l’exploitation. Rémunération minimale au 1er septembre 2022 = 11,88 € / heure

 Agent de remplacement échelon 3 : remplacer le chef d’exploitation ou les membres de son entreprise lors de leurs absences et assurer la continuité des travaux de l’exploitation par la réalisation d’activités très qualifiées et fortement évolutives, dans le cadre de directives générales et sous le contrôle ou l’appréciation a posteriori des résultats. Rémunération minimale au 1er septembre 2022 = 12,47 € / heure

 Agent de remplacement échelon 4 : remplacer le chef d’exploitation ou les membres de son entreprise lors de leurs absences et assurer la continuité des travaux de l’exploitation par la conduite de l’ensemble des activités complexes d’un domaine de spécialités, dans le cadre de directives générales et sous le contrôle ou l’appréciation a posteriori des résultats. Rémunération minimale au 1er septembre 2022 = 13,21 € / heure

Source : SRF

Toutefois, il s’agit là de simple préconisations qui n’obligent pas les services de remplacement – qui sont en revanche bien liées par la convention collective nationale. Force est de constater que la convention collective nationale n’aborde pas les spécificités des agents de remplacement (contraintes de déplacement, contrats de travail intermittents, temps non travaillés entre le matin et le soir, etc.). Le rapport du CGAAER présenté en 2020 sur les services de remplacement préconisait pourtant la conclusion d’un avenant à la convention collective nationale de la production agricole spécifique aux SR pour traiter les particularités des emplois de remplacement.

Le dialogue social sur la qualité du travail des agents de remplacement doit se poursuivre et la pertinence de cet avenant mériterait de faire l’objet d’échanges entre les partenaires sociaux. La revalorisation des grilles salariales et la priorisation de l’embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) sont des objectifs prioritaires. Ce dialogue social serait notamment l’occasion d’aborder la question des primes de transport pour les agents de remplacement amenés à parcourir d’importantes distances entre différentes exploitations ([12]). De même, une réflexion sur le logement paraît également nécessaire : un travail partenarial entre les SR, les chambres d’agriculture et les structures d’hébergement pourrait être mené sur ce point.

Il faut noter également que l’accord national du 13 juin 2012 sur les groupements d’employeurs agricoles et ruraux a permis des avancées notables en matière d’acquis sociaux pour les salariés des groupements d’employeurs. L’accord prévoit également la mise en place d’une démarche de labellisation, qui porte sur la qualité de l’emploi et incite notamment les groupements d’employeurs à privilégier les CDI, à limiter les déplacements journaliers et à verser des indemnités kilométriques. Aujourd’hui, les services de remplacement sont exclus de cette labellisation, en raison de la procédure d’agrément qui leur est propre. Votre rapporteur considère qu’au vu de leur rôle social central, les services de remplacement doivent faire preuve d’exemplarité en matière de traitement des salariés. À défaut d’être inclus dans l’accord de 2012, il pourrait être pertinent que SRF s’inspire de cette labellisation pour son propre réseau.

Il faut noter que la démarche de départementalisation des services de remplacement est également à encourager pour améliorer la qualité de l’emploi. comme le relève la FNSEA : « les services de remplacement départementalisés (…) offrent la possibilité de bénéficier d’un comité d’œuvre sociales (…) l’organisation départementale et la taille critique du " groupement d’employeurs service de remplacement " permet d’avoir des souplesses d’organisation et améliore le cadre d’emploi (CDI, annualisation du temps de travail, planification des congés, territorialisation des missions, formations, …) et de travail (accompagnement des exploitations sur l’accueil, les conditions de travail, le DUER, …) ».

Enfin, une proposition émise au cours des auditions (notamment par la CFDT) a particulièrement retenu l’attention de votre rapporteur. Il s’agit de créer une carte professionnelle reconnue pour les agents de remplacement. Cela permettrait d’agir sur deux volets : d’une part, la revalorisation des fonctions d’agents de remplacement et, d’autre part, l’amélioration du degré de confiance des exploitants agricoles.

2.   Agir pour que les compétences des agents de recrutement correspondent aux besoins des agriculteurs

La formation et les compétences des agents de remplacement jouent un rôle clé dans la réussite du système d’ensemble. Cette question est peu évidente, car elle nécessite de trouver un équilibre entre spécialisation des agents de remplacement et nécessaire polyvalence.

a.   Les débats autour du certificat de qualification professionnelle

La mise en place d’un certificat de qualification professionnelle (CQP), en 2005, visait à définir un socle de compétences correspondant aux exigences du métier. Son obtention était conditionnée à l’obtention de modules de certifications communs, de spécialisation (par exemple « bovins lait » ou « élevage porcin ») ainsi que de travaux complémentaires. Selon SRF, le CQP agent de remplacement n’a cependant jamais rencontré le succès escompté, du fait de la lourdeur des démarches d’obtention (formation ou validation des acquis de l’expérience) ainsi que de sa constitution en modules communs et modules spécialisés au choix, ces derniers n’étant plus reconnus par France compétences. SRF a ainsi décidé de remplacer le CQP agent de remplacement par une nouvelle certification, construite autour de différentes caractéristiques du métier d’agent de remplacement : appréciation du contexte social d’intervention, recherche des informations nécessaires à l’exécution de la mission, organisation du travail, adaptation à l’entreprise ou encore communication quant à son activité. Elle pourra s’acquérir seule ou venir en complément d’autres CQP. Cette certification, validée par la CPNE, devrait être inscrite à France Compétences et au Registre national des certifications professionnelles (RNCP) en 2023. La bonne stratégie à adopter sur cette question ne fait pas consensus entre les syndicats de salariés agricoles. Entendus en auditions, certains ont particulièrement insisté sur la nécessité de prévoir dans le cadre de la certification un module sur la gestion des relations humaines et des situations de crise (CFE-CGC et CFTC). À noter que d’autres (CFDT) se prononcent contre l’instauration d’un certificat de qualification spécifique aux services de remplacement. La mise en place d’un système de CQP modulaire avec un tronc commun salarié d’exploitation agricole et des spécialisations par production est considéré plus judicieuse, afin de valoriser les compétences transverses des agents de remplacement. Enfin, la CGT indique être opposée au CQP et privilégier les formations initiales, comme les CAP, pour le développement de compétences des agents de remplacement.

Votre rapporteur considère qu’il convient dans un premier temps d’évaluer la mise en place de la nouvelle certification, avant d’envisager de nouvelles évolutions.

b.   Une nécessité : mieux faire remonter les besoins des filières

En parallèle, une réflexion mériterait d’être menée pour faire correspondre au mieux la formation des agents de remplacement aux attentes et nouveaux besoins des agriculteurs. SRF peut jouer un rôle plus appuyé en ce sens, en faisant remonter les problématiques de terrain. Une enquête est actuellement menée sur ces questions. Votre rapporteur considère que le travail conduit par SRF pourrait être très utilement complété par la mobilisation des filières : chaque filière pourrait faire remonter, dans le cadre de son plan de filière, ses besoins, dans le cadre d’un travail partenarial avec SRF.

Il faut également noter que la départementalisation est un avantage du point de vue de l’agriculteur, puisqu’un service de remplacement d’ampleur départemental sera davantage en mesure de proposer des profils diversifiés pour répondre aux besoins de l’exploitation.

c.   Développer la place de l’apprentissage

La place de l’apprentissage au sein des services de remplacement mérite d’être davantage développée et adaptée face aux spécificités des fonctions d’agents de remplacement. Comme le notait le rapport du CGAAER, l’activité de remplacement ne se prête pas avec évidence à l’apprentissage puisqu’il faut un tuteur à l’apprenti. Néanmoins, le recours à l’apprentissage reste pertinent pour un certain nombre de missions plus longues (maternité ou longue maladie) et pour des remplacements en GAEC, permettant l’encadrement par un autre associé.

Aujourd’hui, le développement de l’apprentissage et son bon déroulement sont freinés par certaines contraintes réglementaires. La réglementation empêche aujourd’hui les apprentis d’intervenir dans plus de deux exploitations (article R. 6223-10 du code du travail). Cette limite ne paraît pas appropriée face aux particularités des modalités d’intervention des services de remplacement, comme indiqué par un certain nombre d’acteurs lors des auditions menées par votre rapporteur (SRF, FO, Coordination rurale, CFTC et FNSEA). Du reste, la loi n° 2018‑771 du 5 septembre 2018 avait ouvert la possibilité à titre expérimental, pour les apprentis employés par un groupement d’employeurs de réaliser les périodes de formation en entreprise chez trois de ses membres. Cette mesure était en vigueur jusqu’en 2021 et s’est éteinte, sans qu’un bilan ne soit rendu public concernant son application. Votre rapporteur considère qu’il est souhaitable qu’un apprenti puisse intervenir dans plus de deux exploitations, afin de découvrir différents horizons professionnels et de gagner en polyvalence et qu’il conviendrait de faire évoluer la réglementation en la matière.

Le développement de l’apprentissage au sein d’un service de remplacement nécessite également d’améliorer le parcours de l’apprenti, comme le souligne la CFTC : « la fonction d’un remplaçant étant de changer très souvent d’exploitation, il faut que l’apprenti fasse un parcours pratique diversifié, en commençant par des remplacements " faciles ", tels que les remplacements maternité, en présence de l’agriculteur (…), et que progressivement, en fonction de l’acquisition des capacités, il soit amené à rencontrer des situations moins " faciles " ([13]) ».

3.   Faire connaître le métier et diversifier les viviers

Recruter et fidéliser les salariés doit être identifié comme une priorité. Les actions de communication à destination de la jeunesse sont essentielles. Outre les campagnes de communication qui peuvent être menées au niveau national et local, ou des actions de revalorisation comme la mise en place d’un concours national des agents de remplacement qu’il faut saluer, il est essentiel de renforcer les actions de sensibilisation dans le cadre de la formation. Le rapport du CGAAER met en avant des liens historiquement faibles entre les services de remplacement et l’enseignement agricole. Des actions de sensibilisation et d’information pourraient être conduites de manière plus régulière par les services de remplacement dans les centres de formation d’enseignement agricole. Celles-ci permettraient de mieux faire connaître le métier d’agent de remplacement, d’une part, et de sensibiliser les futurs agriculteurs sur la nécessité de penser à leurs conditions de travail et d’avoir recours aux services de remplacement, d’autre part.

Le travail partenarial avec France Travail doit également se renforcer, afin de proposer des formations pour ces postes aux chercheurs d’emploi (JA).

Enfin, la mise en place de mécanismes de bonification de l’aide à l’installation après passage au sein d’un service de remplacement pourrait être envisagée, afin de renforcer l’attractivité de ces fonctions.

C.   Consolider l’organisation et le fonctionnement du service de remplacement

1.   Affirmer le rôle social du service de remplacement et l’intégrer dans une réflexion plus large sur la résilience de l’agriculture française

a.   Construire une stratégie publique plus affirmée

Un constat unanime ressort des auditions : les services de remplacement ne font pas suffisamment l’objet d’une stratégie publique définie et affirmée. Ce constat, déjà dressé dans le rapport du CGAAER qui appelait à la construction d’une stratégie ministérielle sur cette question, reste pleinement d’actualité deux ans après la publication de ce rapport. De façon assez symptomatique, les services de remplacement n’ont été intégrés que tardivement à la feuille de route de prévention du mal-être et d’accompagnement des agriculteurs en difficulté. Si le pilotage du dispositif par les organisations syndicales agricoles est pleinement légitime, il reste nécessaire de construire une stratégie plus affirmée pour accompagner cet outil, qui pourrait devenir l’un des fers de lance des politiques de renouvellement des générations et d’installation.  Cette réflexion paraît d’autant plus d’actualité au vu du lancement prochain des consultations autour de la future loi d’orientation et d’avenir agricole. Cette stratégie doit notamment se traduire par la poursuite du soutien financier accordé à SRF, qui a exprimé des besoins en ce sens lors de son audition.

b.   Reconnaître le rôle social des services de remplacement dans le code rural

Plusieurs acteurs émettent le souhait de voir reconnu dans le code rural et de la pêche maritime le rôle social des services de remplacement. Cette démarche viserait à reconnaître officiellement le rôle des services de remplacement. Cela pourrait inciter la puissance publique à associer de manière systématique SRF dans la cadre de travaux d’action publique portant sur l’avenir de l’agriculture française. Cela permettrait en outre de rappeler que le rôle social des services de remplacement est l’élément qui permet de les distinguer des autres groupements d’employeurs. Votre rapporteur considère que cette distinction mérite d’être préservée. Si des rapprochements des viviers de main d’œuvre sur le terrain peuvent être légitimes, il importe de ne pas banaliser les services de remplacement comme simple fournisseurs de main d’œuvre, au risque d’occulter leur utilité sociale et leur savoir-faire en matière d’accompagnement social des adhérents ainsi que concernant la gestion des aides afférentes. Les salariés des services de remplacement sont formés pour remplacer des chefs d’exploitation absents et intervenir dans des situations compliquées, ce qui n’est pas nécessairement le cas des salariés des autres groupements d’employeurs.

c.   Faire aboutir la procédure de reconnaissance d’utilité publique des services de remplacement

Dans le prolongement de cette réflexion concernant le rôle social des services de remplacement, il paraît aujourd’hui nécessaire de faire aboutir la procédure de reconnaissance d’utilité publique des services de remplacement. Cette reconnaissance leur permettra en outre d’accroître leur capacité financière, en permettant la réception de legs et de donations ainsi que de bénéficier des avantages fiscaux incitant aux dons. Une démarche de reconnaissance d’utilité publique est aujourd’hui engagée par SRF. Le dossier en cours de constitution devrait être déposé auprès du ministère de l’intérieur en fin d’année.

2.   Poursuivre la départementalisation et la professionnalisation

Enfin, concernant l’organisation du réseau, sa départementalisation ainsi que sa professionnalisation doivent se poursuivre. Le fonctionnement bénévole pour assurer des tâches de ressources humaines, logistiques et administratives atteint ses limites, comme le note la FNSEA : « Il semble aujourd’hui plus pertinent d’appuyer les élus [bénévoles] dans leur responsabilité employeur et leur capacité à assurer la gouvernance stratégique et financière des groupements d’employeurs services de remplacement, plutôt que sur la gestion technique de planification et formalités d’embauche aujourd’hui chronophages pour un bénévole ». Ce constat est partagé par beaucoup des acteurs entendus par votre rapporteur. Ainsi, la CFTC invite à « " professionnaliser " ces structures, stabiliser leur système d’animation et de secrétariat pour assurer une continuité de service auprès des adhérents et une continuité de suivi et d’encadrement du personnel ».

Cette double démarche, de départementalisation et de professionnalisation, est essentielle pour améliorer la capacité des services de remplacement à répondre aux demandes des agriculteurs et mutualiser un certain nombre de fonctions supports.

Il est en outre nécessaire de mettre en place des démarches pour assurer la création de services de remplacement au sein des territoires qui n’en possèdent pas. Cette question se pose dans les territoires ultramarins, qui, à l’exception de La Réunion, n’ont pas de mécanisme de services de remplacement. Un travail mené sous l’égide des chambres d’agriculture locale pourrait être conduit à ce sujet.

 

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 11 octobre 2022, la commission a examiné, sur le rapport de M. Stéphane Travert, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales ».

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. L’agriculture française connaît une année particulièrement compliquée. Entre les conséquences de la guerre en Ukraine sur le prix des matières premières, les épisodes de grêle, de gel puis de sécheresse et l’épidémie d’influenza aviaire, nos campagnes sont en première ligne. Derrière, c’est l’ensemble du pays qui est concerné. Au carrefour des politiques qui façonnent notre pays en matière d’alimentation, d’aménagement du territoire, de ruralité, de transition écologique, de commerce extérieur et de relations internationales, l’agriculture est un secteur stratégique prioritaire, clé de notre souveraineté. Il convient donc de la soutenir en renforçant sa souveraineté, sa résilience ainsi que son adaptation aux transitions environnementales.

Un budget est un acte fondateur qui permet de construire une ambition politique pour tirer l’agriculture vers le haut, par l’innovation, l’investissement et la confiance. Il donne aussi les outils pour résister aux effets parfois délétères de la mondialisation.

Les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales me paraissent à la hauteur de nos ambitions et des enjeux – réaliser, notamment, la réforme primordiale de l’assurance récolte votée en février et soutenir les agriculteurs grâce à l’exonération de charges patronales pour l’emploi des travailleurs occasionnels demandeurs d’emploi agricoles (TODE).

Ces crédits connaissent une augmentation considérable, de l’ordre de 30 %. S’élevant à 3,8 milliards d’euros, ils ne constituent toutefois qu’une partie du soutien apporté par les pouvoirs publics au secteur agricole. Il faut y ajouter plus de 2 milliards pour l’enseignement et la recherche agricole, 126 millions pour le compte d’affectation spéciale Développement agricole et rural (Casdar), 250 millions au titre du plan de relance, qui permettent notamment de financer le plan Protéines, un budget pluriannuel estimé à 2,9 milliards avec France relance, les financements européens ainsi que l’ensemble des dispositifs sociaux et fiscaux, chiffrés respectivement à 9,4 et 8,5 milliards pour 2023. L’effort global est donc massif. Nous pouvons collectivement le reconnaître et nous en féliciter.

Dans le programme 149 Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, l’élément le plus significatif concerne l’assurance récolte. Les crédits alloués à l’action 22 Gestion des crises et des aléas de la production agricole augmentent de 2 900 %, pour atteindre 264,3 millions. Le Fonds national de gestion des risques en agriculture (Fngra) se voit affecter 255,5 millions, auxquels s’ajoutent 60 millions de recettes supplémentaires, prévues dans la première partie du projet de loi de finances, grâce à l’augmentation du taux de la contribution additionnelle aux primes ou cotisations. Ces montants viennent en complément de l’enveloppe annuelle de crédits du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) pour l’assurance récolte. Le soutien public total atteindra 560 millions en 2023 et 600 millions à partir de 2025. Ces crédits sont essentiels pour la mise en œuvre de la réforme, très attendue sur le terrain, qui vise à améliorer considérablement la diffusion de l’assurance récolte et les conditions d’indemnisation.

La grande majorité des actions du programme 149 sont stables ou en hausse. L’évolution la plus notable concerne l’action 24 Gestion équilibrée et durable des territoires, dont les autorisations d’engagement (AE) sont en hausse de 27,89 %. En effet, les crédits consacrés aux indemnités compensatoires de handicaps naturels (ICHN) ont augmenté considérablement à la suite de la baisse, de 75 % à 65 %, du taux de cofinancement par le Feader, dans le nouveau cadre de la politique agricole commune (PAC).

Compte tenu des enjeux actuels, le programme 206 Sécurité et qualité sanitaires de l’alimentation est crucial. Son budget augmente de 7,1 % pour atteindre 657,5 millions en AE. Je note la hausse de plus de 18 % des crédits de l’action 02 Santé et protection des animaux, en lien avec le règlement européen 2016/429, dit loi sur la santé animale (LSA), qui implique de renforcer les mesures de prévention et de surveillance.

L’enveloppe du programme 215 Conduite et pilotage des politiques de l’agriculture – 689 millions d’euros en AE et 675 millions en crédits de paiement (CP) – est également en hausse, de 7 %. Une partie de ces crédits sera consacrée à la mise en œuvre de la police unique en charge de la sécurité sanitaire des aliments, désormais exercée par le ministère de l’agriculture, conformément à l’arbitrage rendu par Matignon au mois de mai. L’objectif est de renforcer les contrôles et d’améliorer la visibilité, la réactivité et l’efficacité de cette police. Les moyens en personnels du ministère augmentent, avec 90 nouveaux ETP (équivalents temps plein), parmi lesquels 60 sont transférés de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (Dgccrf).

Un nouveau programme 381 Allégements du coût du travail en agriculture, doté de 427 millions d’euros en AE et en CP, a été créé. Il permet de financer le TODE, qui joue un rôle très important de soutien, puisque 73 000 entreprises, soit la moitié des entreprises employeuses du secteur, bénéficient de ce dispositif. Ces crédits permettent d’assurer, auprès de la Mutualité sociale agricole (MSA) et de l’Unedic, la compensation d’une partie de l’exonération de charges patronales pour l’embauche de travailleurs occasionnels, jusqu’alors financée par le reversement d’une fraction de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

Le Casdar bénéficie d’une dotation similaire à l’année précédente, de 126 millions. Le Gouvernement indique toutefois que des crédits complémentaires pourraient être ouverts dans le cadre d’une loi de finances rectificative (LFR).

Le PLF pour 2023 est un budget ambitieux, qui traduit notre volonté de soutenir l’agriculture et d’accompagner le monde agricole face aux transitions en cours. Je donnerai donc un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales.

J’en viens à la partie thématique de mon avis budgétaire.

Les services de remplacement constituent un dispositif essentiel pour le monde agricole, incarnant des valeurs de solidarité bien ancrées. Les agriculteurs peuvent adhérer à un groupement d’employeurs assurant un service de remplacement et faire appel à celui-ci lorsque le besoin se matérialise. Un agent de remplacement est alors mis à disposition. Plusieurs dispositifs de soutien viennent en déduction du coût du remplacement pour les agriculteurs.

Les services de remplacement sont bien installés dans le paysage agricole – 320 associations locales sont réparties sur le territoire – et rencontrent un certain succès, en particulier chez les éleveurs, qui représentent 80 % des adhérents. La part des chefs d’exploitation adhérant à un service de remplacement, de 16 %, est en augmentation depuis vingt ans. On compte 15 000 agents de remplacement, qui effectuent annuellement 4,6 millions d’heures de remplacement.

Le succès des services de remplacement est porté par des dispositifs qui visent à réduire le reste à charge de l’agriculteur. Ainsi le reste à charge pour l’aide au répit et les congés maternité est de 0 euro, il est en moyenne de 11 euros pour les congés paternité, de 60 euros en cas de maladie et de 80 euros pour les congés. Le reste à charge varie selon les accords régionaux pour les remplacements liés au développement agricole et à la formation, ainsi qu’à l’exercice d’un mandat syndical.

Les services de remplacement sont un des outils à mobiliser pour répondre aux défis auxquels l’agriculture est confrontée, puisqu’ils permettent d’assurer la continuité des exploitations, de répondre aux aspirations sociales des jeunes générations, d’agir en prévention du mal-être agricole et d’encourager l’installation.

Cependant, les services de remplacement demeurent sous-mobilisés, puisqu’un agriculteur sur cinq seulement est adhérent. Des difficultés structurelles entravent leur développement : les agriculteurs restent parfois frileux en raison du montant du reste à charge et de freins psychologiques ; les agents de remplacement sont trop peu nombreux pour répondre aux besoins ; le réseau est insuffisamment professionnalisé.

Il est donc essentiel d’agir pour développer les services de remplacement. Trois axes sont prioritaires. Il faut, d’abord, faciliter pour les agriculteurs le recours à ces services. Il convient ensuite de rendre le métier d’agent de remplacement plus attractif. Enfin, il faut accroître l’efficacité du réseau.

Plusieurs leviers peuvent être mobilisés pour améliorer le taux de recours aux services de remplacement. Pour commencer, le reste à charge doit être réduit. Nous devons mobiliser plus fortement le crédit d’impôt pour dépenses de remplacement, créé par la loi n° 2006-11 du 5 janvier 2006 d’orientation agricole. Le crédit d’impôt s’élève à 50 % des dépenses, dans la limite de 14 jours de remplacement pour congé par an. La loi de finances pour 2022 l’a étendu aux remplacements pour arrêt maladie et accident de travail avec dans ce cas-là un taux applicable du crédit d’impôt qui s’élève à 60 %.

Le crédit d’impôt a remporté un franc succès, puisque le nombre de ses bénéficiaires a doublé entre 2006 et 2018. Régulièrement reconduit, il est en vigueur jusqu’au 31 décembre 2024. Les auditions que j’ai menées m’ont convaincu qu’il est nécessaire d’aller plus loin. J’ai déposé, en première partie du PLF, des amendements que je vous invite à soutenir. Je propose que le crédit d’impôt atteigne 70 % des dépenses lorsqu’il s’agit d’un remplacement lié à un congé maladie ou à un accident du travail, pour mieux soutenir les agriculteurs en cas de coup dur. Je propose aussi que le plafond soit relevé à 28 jours, afin qu’un agriculteur puisse bénéficier du crédit d’impôt pour un arrêt maladie, sans que cela n’empiète sur ses congés annuels. Enfin, pérenniser ce crédit d’impôt apporterait plus de visibilité et constituerait une marque de soutien pour les agriculteurs.

L’aide au répit, financée par la MSA, qui prend en charge le remplacement d’un agriculteur entre 10 et 14 jours, doit être maintenue. Les critères de son attribution, trop variables d’une caisse à l’autre, doivent être harmonisés.

Certaines urgences nécessitent un soutien accru de la part de l’État. Les auditions ont fait état d’une expérimentation très positive menée conjointement par les services départementaux et les services de remplacement de l’Orne. Les éleveurs qui se trouvent en difficulté peuvent être remplacés afin que l’exploitation continue de fonctionner et que le bien‑être des animaux soit préservé. Le coût financier est alors pris en charge par les services départementaux. Je propose de généraliser cette expérimentation par un amendement de crédit que je vous présenterai tout à l’heure. L’effort financier est estimé à 735 000 euros. Dans la lignée des travaux de nos collègues sénateurs sur le mal-être dans le monde agricole, j’estime également que le coût d’un remplacement lié au suicide de l’exploitant doit être entièrement pris en charge.

Pour améliorer le taux de recours, il faut aussi mieux communiquer sur l’existence des services de remplacement et des dispositifs permettant de réduire le reste à charge. Cette communication doit être nationale – un plan devrait être lancé par le ministère, en partenariat avec Service de remplacement France (SRF) – mais aussi locale, lors de l’adhésion à un syndicat par exemple.

Il est primordial, pour améliorer les conditions de travail des agents de remplacement, de poursuivre le dialogue social. La convention collective de la production agricole, entrée en vigueur en avril 2021, est une première étape, mais il faudrait envisager un avenant spécifique aux agents de remplacement et se pencher sur la revalorisation des grilles salariales, la priorisation de l’embauche en contrat à durée indéterminée (CDI) et les primes de transport. Une réflexion sur le logement, ainsi qu’un travail partenarial entre les services de remplacement, les chambres d’agriculture et les structures d’hébergement, pourraient être menés.

Il me paraît souhaitable, en complément, de créer une carte professionnelle spécifique. Elle serait un élément de valorisation du métier et permettrait de gagner la confiance des exploitants agricoles.

Dans un contexte où les exigences des agriculteurs vont croissant, il convient de garantir la formation et les compétences des agents de remplacement. SRF met sur pied une nouvelle certification pour remplacer le certificat de qualification professionnelle (CQP) agent de remplacement, qui n’a pas rencontré le succès escompté. Il conviendra de suivre la mise en œuvre de cette certification et de l’évaluer pour s’assurer qu’un équilibre est bien respecté entre la spécialisation des agents de remplacement et leur nécessaire polyvalence.

Par ailleurs, les auditions ont montré qu’il était indispensable d’améliorer le parcours des apprentis en service de remplacement. Il convient de faire évoluer la réglementation en augmentant le nombre d’exploitations, aujourd’hui limité à deux, au sein desquelles un apprenti peut travailler.

Enfin, il est souhaitable de mieux faire connaître le métier et de diversifier les viviers de recrutement. Les relations entre les services de remplacement et les centres de formation agricole doivent se multiplier. Les partenariats avec France Travail doivent se systématiser, pour mieux orienter les demandeurs d’emploi vers les formations adéquates.

Le dernier axe de mon rapport concerne le réseau des services de remplacement, dont il faut renforcer l’efficacité. Si le pilotage du dispositif par les organisations syndicales agricoles est pleinement légitime, l’État doit néanmoins construire une stratégie plus affirmée pour accompagner cet outil, qui pourrait ainsi devenir l’un des fers de lance des politiques de renouvellement des générations et d’installation. Les consultations autour de la future loi d’orientation et d’avenir agricole doivent intégrer cette réflexion.

Le rôle social des services de remplacement doit être pleinement reconnu, ce qui suppose une inscription dans le code rural. En effet, ce ne sont pas des groupements d’employeurs comme les autres ; les banaliser reviendrait à occulter leur utilité et leur savoir-faire en matière d’accompagnement social des adhérents.

Enfin, la démarche de départementalisation et de professionnalisation du réseau doit être poursuivie car elle lui permet de gagner en efficacité. Les personnes que j’ai auditionnées sont plusieurs à considérer que le fonctionnement bénévole, au niveau cantonal, est un frein au développement des services de remplacement. Par ailleurs, ces dynamiques doivent être amorcées dans les départements qui ne possèdent pas encore de service de remplacement – rappelons que, dans les outre-mer, La Réunion est le seul territoire à en abriter un.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Éric Girardin (RE). La crise sanitaire et la guerre en Ukraine ont mis en exergue le rôle essentiel des agriculteurs et la nécessité impérieuse de maintenir la souveraineté de l’appareil productif alimentaire. Le budget que nous examinons ce soir, un moteur pour respecter notre trajectoire, sera conforté en 2023 par la loi d’orientation agricole voulue par le Président de la République.

Alors que les aléas climatiques se succèdent et complexifient l’activité agricole, je tiens à souligner les moyens consacrés au soutien du revenu des agriculteurs. Les crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales augmentent de 30 %. Une partie est consacrée à la mise en œuvre de la réforme de l’assurance récolte et à la pérennisation du dispositif TODE. Une autre partie, je tiens à le souligner, est consacrée à la préparation de l’avenir, et notamment à l’enseignement agricole.

Vous avez montré combien les services de remplacement, un outil de solidarité encore trop peu connu au sein du monde agricole, pouvaient contribuer à lutter contre le mal-être des agriculteurs, qui travaillent énormément et peinent à s’arrêter. Il faudrait développer ces services sur tout le territoire et améliorer le taux de recours. Vous considérez que le crédit d’impôt est un levier efficace. Ne pensez-vous pas qu’à terme, les agents de remplacement pourraient devenir d’excellents agents de transmission ?

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. En choisissant ce thème pour mon rapport, je voulais justement voir en quoi les services de remplacement pouvaient constituer un vivier d’apprentis et de jeunes agriculteurs capables de reprendre une exploitation.

Pour réduire le reste à charge pour les agriculteurs, je propose de relever le crédit d’impôt de 60 % à 70 % des dépenses de remplacement lorsqu’elles sont liées à une maladie ou à un accident et de porter le plafond, actuellement de 14 jours, à 28 jours, afin que les exploitants qui ont dû être remplacés pendant leur maladie n’hésitent pas à prendre d’autres congés.

M. Grégoire de Fournas (RN). L’Union européenne a cassé une jambe à notre agriculture et vous ne proposez à cette dernière qu’une béquille. Mettre au pas la grande distribution, réguler la concurrence étrangère déloyale, favoriser le « produire en France », libérer les agriculteurs de la paperasse administrative, baisser la fiscalité… la plupart de ces réformes structurelles étant interdites par Bruxelles, vous ne les faites pas ! Conscient de cette impuissance mortifère, le Gouvernement s’agite et communique. M. Fesneau affirme que l’augmentation de 20 % de son budget est « le signe de notre engagement et de notre détermination à agir au profit de nos agriculteurs et pour notre souveraineté alimentaire », sans préciser que cette hausse est déjà absorbée par le coût des aléas climatiques et l’inflation.

Vous expliquez que les services de remplacement permettent de répondre à l’enjeu du renouvellement des générations. Mais aucun autre élément, dans ce budget, n’est de nature à relever ce défi. Pire, la majorité a voté contre quatre amendements que j’avais déposés en première partie du PLF pour favoriser fiscalement les transmissions agricoles. Ce texte passe à côté de l’essentiel car, pour la nouvelle génération qui veut s’installer, c’est la rentabilité des exploitations qui compte.

L’impuissance, voilà ce qui caractérise la politique de la majorité ! Où est passé le chèque alimentaire qu’ont annoncé le Président de la République, en décembre 2020, puis Olivia Grégoire, en juin 2022, et enfin Élisabeth Borne, lors de son discours de politique générale en juillet ? Il a été transformé en un improbable chèque inflation. Une nouvelle fois, vous êtes passés à côté de la seule vraie proposition, formulée par Marine Le Pen il y a plusieurs mois : supprimer la TVA sur un panier de cent produits de première nécessité !

Ce budget ne changera absolument rien à la politique agricole catastrophique menée depuis quarante ans. En outre, nous rejetons ce dernier délire qu’est l’agrivoltaïsme, refusant que les agriculteurs aient à assumer financièrement le dérèglement climatique. Nous voulons des réformes structurelles, celles-là mêmes que vous vous interdisez par soumission malsaine à Bruxelles.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. Il ne vous échappera pas que, sans l’Union européenne, il manquerait à l’agriculture 9 milliards d’euros qui sont aujourd’hui directement injectés dans les exploitations. Ce sont ces financements européens qui permettent au secteur d’être performant sur les plans économique, social, environnemental et sanitaire.

Les services de remplacement ne sont qu’un volet de l’extraordinaire éventail proposé aux filières pour rendre les métiers plus attractifs. Les lois Egalim 1 et Egalim 2 ont permis d’agir sur les revenus et le prix des produits agricoles par l’amélioration des conditions de la négociation, la construction du prix « en marche avant » ou encore la signature de plans de filières.

Nous ne partageons pas votre vision sépia de l’agriculture, une agriculture des années cinquante dans des villages en autosuffisance. Nous souhaitons une agriculture compétitive pour que les prochaines générations d’agriculteurs puissent vivre de leur métier et continuent de nourrir, de manière durable, les populations.

Mme Aurélie Trouvé (LFI-NUPES). La mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales est absolument vitale pour le pays car la destruction massive des emplois et des exploitations agricoles continue, la dérégulation des prix et des marchés rend les revenus des agriculteurs de plus en plus instables et leurs dettes augmentent.

Ce n’est pas peu dire que je suis déçue par ce budget. Les rares hausses ne vont pas dans le bon sens puisque le Gouvernement augmente les subventions publiques aux assurances privées, et de façon inconditionnelle. Encore de l’argent public qui n’ira pas aux agriculteurs alors que, pour faire face aux risques climatiques, sanitaires et de marché, les exploitations doivent diversifier leurs productions, adapter les variétés, les races animales aux conditions du milieu, désintensifier les élevages, diversifier les rotations, implanter des haies et des bosquets – en somme, faire de l’agroécologie ! Croyez-moi, il n’y a rien de plus technique et de plus moderne que l’agroécologie, et cela vaut beaucoup mieux que de voir s’envoler des primes destinées à assurer un système insoutenable.

Nous avons un besoin vital de transformer notre agriculture pour la rendre plus résiliente et préserver notre planète. Alors que l’utilisation des pesticides augmente, que les indicateurs de biodiversité dans les champs empirent, qu’un tiers des eaux de surface et souterraines sont polluées par l’agriculture, rien n’est proposé dans le budget. Je ne vois pas d’aide qui augmente en faveur d’une agriculture plus économe et plus autonome, davantage créatrice d’emplois, usant moins de machines, d’engrais, de pesticides ou de concentrés alimentaires.

En revanche, le Gouvernement prolonge d’une année le TODE, un dispositif d’exonérations sur les salaires compris entre 1 et 1,2 Smic, une véritable trappe à pauvreté dont le coût, de 427 millions, plombe le budget et pèse sur l’ensemble des contribuables. Le Gouvernement se fait le chantre de la responsabilité budgétaire mais ces 427 millions équivalent pratiquement au budget de l’action 27 Moyens de mise en œuvre des politiques publiques et gestion des interventions. Ce budget diminue de 12 % : c’est autant de moins pour les techniciens et ingénieurs de l’État, pourtant indispensables à la conduite d’une politique sérieuse – je l’ai constaté durant vingt ans, comme fonctionnaire du ministère chargé de l’agriculture.

Ainsi, nous savons à quel point l’entretien des forêts est crucial pour prévenir les feux – de plus en plus souvent catastrophiques. Mais voilà, 95 postes à l’Office national des forêts (ONF) seront supprimés en 2023. Le Gouvernement peut toujours expliquer que les agriculteurs doivent voir leurs charges baisser pour faire face à la concurrence internationale, je répondrai que ce modèle n’est pas une fatalité et qu’il vaut mieux relocaliser notre alimentation, soutenir massivement les circuits courts et les cantines 100 % bio et locales. Mais protéger nos marchés, ce serait bien sûr refuser le dogme de la libre concurrence européenne…

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. Nous partageons certains des constats que vous venez de faire ; si nous avons voté les lois Egalim 1 et Egalim 2, avec 50 % de produits bio ou sous label dans la restauration collective, c’était bien pour trouver de nouveaux débouchés aux agriculteurs et leur permettre de travailler dans les circuits de proximité.

La réforme de l’assurance récolte était très attendue par un monde agricole qui doit faire face à des aléas climatiques plus nombreux. Je sais que le rapporteur, Frédéric Descrozaille, a fait en sorte d’ériger dans la loi des garde-fous pour prévenir tout enrichissement des compagnies d’assurances.

L’ONF, qui a une nouvelle directrice, repart cette année avec un budget en hausse, qui lui permettra d’assumer ses nouvelles missions. Par ailleurs, des moyens supplémentaires sont mis au service du contrôle sanitaire. Les efforts existent et je considère que nous répondons aux enjeux qui s’imposent à l’agriculture moderne.

M. Julien Dive (LR). Il faut tenir compte, dans nos réflexions, des difficultés d’approvisionnement en carburant auxquelles sont confrontés, aussi, les agriculteurs.

Ce budget s’inscrit dans le contexte plus général de l’érosion de notre souveraineté alimentaire. Celle-ci est due à la perte de compétitivité de l’agriculture française, avec un résultat de la balance commerciale divisé par deux. Mais cette érosion cessera peut-être le jour où nous adopterons de véritables clauses miroirs, comme le montre le rapport sénatorial « Compétitivité : une urgence pour redresser la ferme France ».

Le groupe Les Républicains souscrit à la trajectoire contenue dans ce budget, avec quelques réserves cependant. Quelle est la vision de long terme de cette majorité, compte tenu des conséquences qu’ont pu avoir les décisions en matière de politique énergétique ? Les expérimentations contenues dans les lois Egalim 1 et Egalim 2 – je pense au relèvement de 10 % du seuil de revente à perte (SRP + 10) et à l’encadrement des promotions – seront-elles prolongées ? Enfin, la déclinaison de la PAC, notamment la stratégie Farm to Fork et les ecoschemes, met à mal notre compétitivité et la souveraineté alimentaire européenne.

Considérez-vous, Monsieur le rapporteur pour avis, que les moyens de l’action 21 Adaptation des filières à l’évolution des marchés soient suffisants face à la forte volatilité des cours ? La tonne de blé tendre est aujourd’hui à 360 euros, alors qu’elle était à 400 euros en mai et à 240 euros il y a un an. La fluctuation des prix a aussi des répercussions sur les charges puisque les engrais azotés, dont le prix atteint aujourd’hui 1 000 euros la tonne, étaient moitié moins chers l’an dernier et à 250 euros la tonne en 2020.

En quoi les moyens de l’action 22 Gestion des crises et des aléas de la production agricole sont adaptés à la loi sur l’assurance récolte ? Lorsque vous évoquez la gestion des forêts, incluez-vous les nombreux incendies survenus cet été ?

Enfin, vous avez mentionné le TODE, qui devrait faire l’objet de débats lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS). La pérennisation de ce dispositif, une Arlésienne, devrait être actée une fois pour toutes afin que nous n’ayons plus à le voter chaque année.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. Le TODE est budgétisé et figure dans cette mission. Notre volonté est plutôt de pérenniser ce dispositif puisqu’on voit bien que l’ensemble des producteurs, notamment les filières qui ont recours à des travailleurs saisonniers, le plébiscitent.

En 2025, les moyens consacrés à la gestion des crises atteindront 600 millions. Nous en aurons besoin pour résoudre les difficultés qui découleront des crises climatiques, de plus en plus nombreuses.

Pour atténuer les effets de la volatilité des prix, il faudrait peut-être que les filières contractualisent entre elles – des discussions sont en cours. Mais la meilleure façon de résister aux fluctuations est encore de renforcer la compétitivité. C’est le rôle des mesures de soutien à l’innovation, d’aide au renouvellement des générations et de soutien aux revenus agricoles que de rendre les exploitations plus résistantes.

M. Dominique Potier (SOC). Nous ne pouvons que nous réjouir de la hausse du budget attribué à l’agriculture, qui est l’une des clés de notre souveraineté et de notre puissance. Les crédits supplémentaires concernent essentiellement les provisions liées à l’assurance récolte ainsi que la compensation, bienvenue, de la baisse de la contribution européenne aux ICHN.

S’agissant de l’assurance récolte, nous avions soutenu l’instauration d’un nouveau dispositif tout en faisant part de notre vigilance sur sa mise en œuvre. Nous sommes particulièrement attachés à ce que les filières de l’aval soient couvertes par l’assurance. Nous tenons aussi à ce que les contributions volontaires obligatoires (CVO) soient généralisées et à ce que des exigences en matière de responsabilité sociale et environnementale soient imposées aux opérateurs financiers qui auront à gérer l’assurance.

Monsieur le rapporteur pour avis, discussion budgétaire mise à part, le Parlement sera‑t-il appelé à se prononcer ou les mesures réglementaires suffisent-elles pour mettre en œuvre l’assurance récolte ? Le cadre que nous avons défini doit être précisé et le diable se niche souvent dans les détails.

Mes regrets portent non pas sur ce qu’il y a dans cette mission budgétaire mais sur ce qui n’y figure pas : outre l’absence de décrets d’application de la loi n° 2021-1756 du 23 décembre 2021 portant mesures d’urgence pour assurer la régulation de l’accès au foncier agricole au travers de structures sociétaires, dite « loi Sempastous », les directions départementales des territoires (DDT) ne disposent toujours pas de moyens humains supplémentaires pour réguler le marché foncier ou pour renforcer les opérateurs qui agissent par délégation de service public, en l’occurrence les sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer).

Ensuite, alors que la crise de l’énergie est au cœur de nos débats, rien n’est prévu pour soutenir le recours, à titre expérimental, au biogaz, au photovoltaïque ou à l’éolien dans le monde agricole, en veillant à la question de l’impact sur les sols et des risques pour la sécurité alimentaire.

Enfin, il manque une politique de réduction de notre dépendance aux engrais azotés très consommateurs d’énergie et des mesures de réduction des coûts en matière d’eau.

Deux points me choquent particulièrement : la baisse des moyens de l’ONF, absolument invraisemblable après ce que nous avons vécu cet été, et l’absence de mesures pour accompagner le secteur de la restauration collective alors que tous les acteurs s’inquiètent de ne pas pouvoir atteindre les objectifs fixés par la loi Egalim pour les cantines.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je précise que MM. Dive et Descrozaille travaillent actuellement sur l’application de la loi ayant réformé l’assurance récolte.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. S’agissant de la régulation du marché foncier, nous pourrons certainement en débattre dans le cadre du projet de loi d’avenir agricole que nous aurons à examiner.

Le covid a fait prendre du retard par rapport aux objectifs de la loi Egalim dans la restauration collective.

Quant à l’ONF, des efforts sont faits dans le PLF. Je vous invite à interroger le ministre sur les effectifs mais la trajectoire retenue est conforme au souhait que nous avions tous exprimé lors de l’audition de la nouvelle directrice générale : donner les moyens à l’institution de répondre aux enjeux.

M. Thierry Benoit (HOR). Les crédits en faveur de l’agriculture française, ce sont 3,84 milliards d’euros du budget de l’État mais aussi 9,4 milliards de fonds européens. Je souligne également que 250 millions proviennent du plan de relance et 2,9 milliards de France 2030.

Je me réjouis du maintien du dispositif TODE. Nous avons connu une époque où il fallait batailler ferme pour l’obtenir.

Le fonds Avenir Bio, qui est destiné à encourager les agriculteurs à se convertir à l’agroécologie et à l’agriculture biologique, est doté de 8 millions d’euros pour 2023, contre 13 millions en 2021 et 2022, pour atteindre l’objectif de 18 % de la surface agricole utile (SAU) en bio en 2027. Si nous voulons accentuer la conversion au bio, nous devons, d’ici à la séance, obtenir une hausse de la dotation du fonds, notamment pour structurer les filières.

Quant à l’assurance récolte, où sont passés les 600 millions d’euros annoncés par le Président de la République aux Terres de Jim en réponse aux jeunes agriculteurs ? Seulement 560 millions sont inscrits dans le PLF.

Je souscris à la proposition d’un taux de TVA à 5,5 % pour la filière équine, plus particulièrement pour les chevaux de trait dont certaines races sont en voie de disparition.

Vous avez souligné la nécessité d’améliorer la rémunération des jeunes qui travaillent dans les services de remplacement. Le temps passé dans ces services ne pourraient-ils pas être comptabilisés au titre des acquis de l’expérience en vue d’un projet d’installation ?

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. En ce qui concerne le fonds Avenir Bio, il faut se souvenir qu’en 2017 notre pays comptait 6,5 % de SAU en bio. L’objectif était de la porter à 15 % en 2022. Aujourd’hui, elle est de 10 %. Certes, la dotation passe de 13 à 8 millions d’euros, mais les 5 millions en question avaient été injectés dans le cadre particulier du plan de relance pour soutenir l’agriculture biologique. Par ailleurs, nous avons relevé en 2018 le montant du crédit d’impôt en faveur de l’agriculture biologique, ce qui était très attendu par les agriculteurs.

Les 600 millions d’euros que vous avez évoqués pour l’assurance récolte sont bien prévus à l’horizon 2025 ainsi que le ministre de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire l’a précisé après l’annonce faite par le Président de la République.

Je suis favorable à une TVA de 5,5 % dans la filière équine. Des amendements en ce sens seront discutés dans l’hémicycle. Cette mesure est très attendue par l’ensemble des professionnels, installés en nombre dans votre circonscription comme dans la mienne.

Le fait de travailler plusieurs années dans les services de remplacement devrait, en effet, donner droit à des bonifications pour faciliter l’installation des jeunes et la reprise des exploitations.

M. Max Mathiasin (LIOT). Nous avons eu l’occasion de travailler par le passé de façon très fructueuse. Dans le cadre de la loi Egalim, nous avions abordé les problèmes de structuration de la production et des filières dans les outre-mer et nous étions parvenus à avancer. Aujourd’hui, les choses semblent stagner, mais je ne doute pas que nous puissions reprendre ce travail absolument nécessaire.

En cette rentrée, nos agriculteurs sont particulièrement inquiets : ils subissent de plein fouet les conséquences de la guerre en Ukraine et la flambée des coûts de production. À cela viennent s’ajouter des récoltes insuffisantes, après avoir été fragilisées par les aléas climatiques de cet été. Loin de tenir compte de ces difficultés, la grande distribution ne respecte pas la charte d’engagements signée en avril dans le cadre du comité de suivi hebdomadaire des négociations commerciales, et les prix payés aux producteurs restent faibles, bien trop faibles pour qu’ils puissent vivre décemment de leur travail.

Le PLF a beau prévoir une hausse importante des crédits affectés à l’agriculture, ces derniers restent encore limités au regard des enjeux auxquels sont confrontés nos agriculteurs et ne compenseront jamais le déficit de rémunération.

Cela dit, le groupe LIOT accueille favorablement l’instauration de l’assurance récolte qui était demandée de longue date par le monde agricole. Une interrogation toutefois : pourquoi donc attendre 2025 pour atteindre les 600 millions d’euros promis par le Président de la République ?

De même, mon groupe se réjouit du maintien du dispositif TODE jusqu’au 31 décembre 2023. Nous appelons toutefois à le prolonger au-delà de cette date, car il est indispensable pour maintenir la compétitivité des activités fortement consommatrices de main‑d’œuvre, telles que l’arboriculture.

Je note également le maintien des 45 millions d’euros relevant du comité interministériel des outre-mer (Ciom). C’est un premier pas mais les filières de diversification agricole outre-mer ont besoin de davantage pour développer leur production, favoriser l’agroécologie et tendre vers la souveraineté alimentaire.

Une grande partie des orientations et des aides au monde agricole sont décidées au niveau européen. Le budget de l’État consacré à l’agriculture française n’aura donc de sens et d’efficacité que s’il s’appuie sur une politique agricole commune bien conçue, articulée avec notre ambition nationale et déclinée avec efficacité au niveau local. Nous attendons beaucoup de la régionalisation des aides non surfaciques, qui va dans le sens d’une plus grande adaptation aux besoins de chaque territoire.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. La structuration des filières est un objectif primordial dans les départements et territoires d’outre-mer. Nous avions évoqué la possibilité de créer des marchés d’intérêt régionaux, en Guadeloupe notamment, mais il faut pour cela structurer l’offre dans les différentes filières et trouver des débouchés.

Outre-mer, seule La Réunion dispose aujourd’hui d’un service de remplacement. Pour favoriser l’installation des jeunes et développer l’attractivité des métiers de l’agriculture, la création d’un service de remplacement pourrait aussi être envisagée dans votre territoire. Cela permettrait aux jeunes de se familiariser avec le métier et d’essayer plusieurs filières.

Le ministre a exprimé son intérêt pour le maintien du TODE. Je suis convaincu que les parlementaires intéressés n’hésiteront pas à monter au créneau lors des prochains budgets.

La trajectoire budgétaire pour l’assurance récolte prévoit, je l’ai indiqué, 600 millions d’euros à l’horizon 2025.

 

Article 27 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-CE91 de M. Stéphane Travert.

M. Stéphane Travert, rapporteur pour avis. L’amendement vise à financer la généralisation de la prise en charge par l’État du remplacement d’exploitants agricoles en cas d’urgence.

Les services de remplacement agricole, associations et groupements d’employeurs qui mettent à disposition de leurs adhérents des agents de remplacement, sont parfois amenés à se rendre sur des exploitations non adhérentes et non assurées à la suite de décès, éventuellement sur réquisition du maire ou du préfet.

L’effort budgétaire demandé à l’État paraît mesuré par rapport au bénéfice attendu. Cette mesure permettra de sécuriser le cadre d’intervention des services de remplacement, tout en renforçant leur rôle social auprès des exploitants agricoles.

La commission adopte l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales modifiés.

 

 

 


 —  1  —

   ANNEXE : Graphiques reprÉsentant la rÉpartition des crÉdits nationaux pour l’agriculture ainsi que la rÉpartition des crÉdits au sein de chaque programme de la mission Agriculture, alimentation, forÊt et affaires rurales

rÉpartition DES CRÉDITS NATIONAUX EN FAVEUR DE L’AGRICULTURE pour 2023

(En milliards d’euros)

 

RÉPARTITION DES CRÉDITS DU PROGRAMME 149 « COMPÉTITIVITÉ ET DURABILITÉ DE L’AGRICULTURE, DE L’AGROALIMENTAIRE ET DE LA FORÊT »

(En millions d’euros)

 

RÉpartition des crÉdits du programme 206 « sÉcuritÉ et qualitÉ sanitaires de l’alimentation »

 

(En millions d’euros)

 

rÉpartition des crÉdits du programme 215 « conduite et pilotage des politiques de l’agriculture »

 

(En millions d’euros)

 

 

 


 

   LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

Service de remplacement France

M. Christophe Haas, président

M. Franck Laur, directeur

Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux (Cgaaer)

M. Dominique Tremblay, inspecteur du Cgaaer et co-rapporteur du rapport du Cgaaer sur les services de remplacement en agriculture, publié en 2020

M. Philippe Schnabele, président de section

Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole (Ccmsa) *

Mme Christine Dechesne-Ceard, directrice de la réglementation

M. Christophe Simon, chargé des relations parlementaires

FGTA-FO

M. Guillaume Tramcourt, secrétaire fédéral

M. Richard Roze, secrétaire fédéral

FNAF-CGT

M. Julien Odrat, membre du Bureau fédéral

FGA-CFDT

M. Benoit Delarce, secrétaire national

M. Franck Tivierge, secrétaire national

CFTC-Agri

M. Jean-Pierre Chivoret, secrétaire-général adjoint

Jeunes agriculteurs (JA) *

M. Julien Rouger, membre de bureau

M. Timothée Appert-Colin, membre du conseil d’administration

Mme Inès de Sacy, juriste

Confédération paysanne

M. Emmanuel Marie, secrétaire national

Coordination rurale

Mme Yvette Lainé, secrétaire générale

Mouvement de défense des exploitants familiaux (Modef)

M. Pierre Thomas, président

Mme Sophie Bezeau, directrice

Chambres d’agriculture France

M. Luc Servant, président de la chambre régionale d’agriculture de Nouvelle‑Aquitaine

Fédération nationale des syndicats d’exploitants agricoles (Fnsea) *

M. Luc Smessaert, vice-président, président de la commission fiscale-sociale

M. Jérôme Volle, vice-président, président de la commission emploi

M. Jean-Louis Chandellier, directeur général adjoint, directeur du département entreprises et territoires

M. Morgan Oyaux, directeur du département des affaires sociales

M. Xavier Jamet, responsable des affaires publiques

Ministère de l’agriculture et de la souveraineté alimentaire

Cabinet du ministre

Mme Claire Tholance, conseillère parlementaire

M. Tom Michon, conseiller budgétaire

Mme Dorothée Demailly, conseillère formation, entrepreneuriat, transmission et emploi

Services du ministère

M. Andréas Seiler, sous-directeur des politiques de formation et d’éducation

M. Sébastien Colliat, chef du service des affaires financières, sociales et logistiques

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 


([1]) Communiqué de presse du Gouvernement, « France 2030 : Marc Fesneau, Christophe Béchu et Roland Lescure réunissent le comité ministériel de pilotage France 2030 « Agriculture, alimentation, forêt-bois » », 30 septembre 2022.

([2]) Le plan de relance prévoyait une dotation supplémentaire de 5 millions d’euros pour le Fonds Avenir Bio (programme 362). Ce complément prend fin, dans le cadre de l’extinction prévue de la mission correspondant au plan de relance.

([3]) Répartis entre les programmes 215 (37 ETPT) et 206 (23 ETPT).

([4]) Xavier Cinçon et Agnès Terrieux, « Remplacer les agricultrices : une histoire du congé de maternité en agriculture », Travail, Genre et Sociétés, 2014/1 (n° 31), pp. 123-140

([5]) Le coût de revient moyen présente toutefois d’importantes variations en fonction du type de culture agricole prise en charge par l’agent de remplacement, de son profil et in fine du tarif proposé par l’association locale ou départementale des services de remplacement.

([6]) Voir par exemple : https://alpesdunord.msa.fr/lfp/soutien/ass/service-remplacement-maladie

([7]) Le dispositif est décrit avec plus de précisions infra.

([8]) Selon le rapport du CGAAER de 2020

([9]) Selon les chiffres du recensement agricole de 2020, en 2020, la moyenne d’âge du chef d’exploitation agricole est de 51,4 ans et près de la moitié des exploitations sont dirigées par au moins un exploitant de 55 ans ou plus.

([10]) Voir notamment : Annie Dufour et Christophe Giraud, « le travail dans les exploitations d’élevage bovin laitier est-il toujours conjugal ? », INRA Productions Animales, 2012/25 (n° 2), pp. 169-180.

([11]) Henri Cabanel et Françoise Férat, Rapport d’information n° 451 sur les moyens mis en œuvre par l’État en matière de prévention, d’identification et d’accompagnement des agriculteurs en situation de détresse, fait au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, 17 mars 2021

([12]) Proposition formulée dans les contributions écrites de la CFTC et de FO

([13]) Extrait de la contribution écrite de la CFTC.