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N° 285

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 octobre 2022.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2023 (n° 273)

TOME V

ÉCONOMIE

ÉCONOMIE SOCIALE, SOLIDAIRE ET RESPONSABLE

PAR Mme Sophia CHIKIROU

Députée

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 Voir les numéros : 273 (Tome III, Annexe 22).


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SOMMAIRE

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Pages

introDuction

premiÈre partie : Une programmation budgÉtaire sans rapport avec les ambitions affichÉes

I. un effort en faveur de l’ess difficilement perceptible À l’Échelle du projet de loi de finances POUR 2023

1. Des crédits spécifiquement consacrés au soutien à l’économie sociale et solidaire en progression mais demeurant limités

2. Une évolution contrastée de lignes budgétaires susceptibles de concourir au développement des structures de l’ESS dans leur diversité

II. une reconduite sans inflexion des orientations antÉrieures

1. Développement de l’ESS : une sous-action 1 globalement ajustée à la baisse dans ses ressources malgré des changements de périmètre

2. Des ressources nouvelles pour l’affermissement du dispositif local d’accompagnement (DLA)

3. Une sous action spécifique mais pas de ressources nouvelles pour le développement des pôles territoriaux de coopération économique

SECONDE PARTIE :  le soutien public aux structures coopératives et associatives de l’ess

I. un tissu coopératif et associatif DYNAMIQUE MAIS dÉstabilisÉ PAR UN CERTAIN DÉSENGAGEMENT DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES

A. Des structures capables de promouvoir un autre mode de développement mais non dénuées de fragilités

1. Des activités florissantes ou résistantes dans un environnement économique incertain

a. Un essor durable et soutenu des coopératives

b. Une dynamique renouvelée du mouvement associatif ?

c. Des structures néanmoins affectées par les conséquences de chocs économiques récents

2. Des questions sociales déterminantes pour l’attractivité de l’ESS

a. La gestion des carrières et la qualité de vie au travail

b. Le niveau des rémunérations

c. La pérennité de l’engagement associatif

B. UN RENOUVELLEMENT des modalités de SOUTIEN public peu FAVORABLE AUX coopératives et AUX associations

1. Une évolution des subventionnements directs source d’incertitude

2. Le développement problématique de nouvelles modalités de sélection dans l’accès aux financements publics

a. Une place croissante accordée à des procédures assimilées à de la commande publique

b. Des procédures aux effets délétères

II. UN STATUT À ÉTAYER POUR LA PLEINE AFFIRMATION D’UN TIERS-SECTEUR À DOMINANTE NON LUCRATIVE

A. Un cadre juridique suffisamment adapté aux spécificités de l’économie sociale et solidaire ?

1. Un régime légal novateur appelant des mises en cohérence ?

a. Du point de vue du statut légal

b. Du point de vue de l’accès aux aides aux entreprises

c. Du point de vue du traitement fiscal

2. Une supervision institutionnelle à renforcer

a. Une capacité d’impulsion incertaine de l’État et des collectivités territoriales

b. Des instances à outiller pour l’accompagnement des coopératives et des associations

B. Des modes de financement innovants à promouvoir, une régulation prudentielle à renouveler

1. Assurer l’efficacité des outils des lois relatives à l’ESS et aux coopératives

2. Parfaire l’organisation d’une véritable « épargne solidaire réglementée » au bénéfice des coopératives et des associations relevant de l’ESS

3. Accroître l’investissement de la Banque des Territoires et de la Banque publique d’investissement dans le champ de l’ESS

4. Intégrer des normes comptables extra-financières dans la comptabilité des coopératives et des associations

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES auditionnÉes


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   introDuction

Votre Rapporteure tient à remercier l’ensemble des acteurs auditionnés, ainsi que ceux qui ont apporté leur contribution à ses travaux par l’apport direct de leur expérience et de leurs témoignages (régies de quartiers, Mouvement ES, etc.). En revanche, elle déplore qu’en sa qualité de secrétaire chargée de l’Économie sociale et solidaire et de la Vie associative, Madame Marlène Schiappa n’ait pas donné suite à la demande qui lui avait été adressée afin qu’elle puisse répondre par elle-même à de légitimes interrogations sur la « feuille de route » ministérielle.

Le présent avis porte sur les ressources dégagées dans le cadre du projet de loi de finances initiale pour 2023 (PLF 2023) en faveur du soutien à l’économie sociale, solidaire et responsable. D’un strict point de vue budgétaire, ces moyens correspondent aux crédits demandés pour l’action 04 du programme 305 « Stratégie économique », dont la gestion relève, depuis juillet 2020, d’un secrétariat d’État.

Consacrée par le législateur avec la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, l’économie sociale et solidaire (ESS) s’impose aujourd’hui comme un modèle économique alternatif au alternatif au modèle capitaliste, intervenant dans la quasi-totalité des secteurs d’activité de services et de production. Ce modèle économique se distingue du modèle capitaliste par ses finalités écologiques ET sociales, par sa gouvernance transparente et démocratique, et par sa gestion solidaire des richesses. L’économie sociale et solidaire représente 10 % du produit intérieur brut national et 14 % de l’emploi privé ; elle compte avec la contribution de 12 millions de bénévoles et 2,4 millions de personnes salariées.

En conclusion du dernier avis budgétaire de la XVe législature, Mme Barbara Bessot Ballot avait estimé que « l’ESS avait un rôle éminemment à jouer dans le monde de l’après-Covid, par sa capacité à promouvoir des modèles n’opposant pas des considérations économiques à la poursuite de buts d’utilité sociale, au respect d’enjeux éthiques et à la valorisation des territoires ». Votre Rapporteure partage volontiers cette conviction. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle elle ne peut que déplorer la faiblesse des moyens mobilisés pour l’ESS tout au long de ces cinq dernières années, en dehors du secours providentiel apporté par Urgence ESS au plus fort de la crise provoquée par la Covid 19.

À bien des égards, le PLF 2023 encourt les mêmes critiques. Le niveau et la ventilation des crédits demandés pour l’action 04 du programme 305 ne signifient – ni plus, ni moins – qu’une reconduction de l’existant. Dès lors, la programmation budgétaire n’offre pas le levier qui permettrait à l’ESS d’exprimer tous ses potentiels et prendre en charge les besoins existentiels. Elle ne parait pas de nature à contribuer à la réalisation des préalables nécessaires à son déploiement et au renforcement de sa structuration. Elle ne prend pas non plus en compte les besoins pourtant criants d’anticipation en matière de recrutement, de conditions de travail et de formation professionnelle dans les secteurs essentiels du médico-social et sanitaire. Enfin, elle ignore les besoins d’accompagnement et de financement indispensables pour la valorisation et la reconnaissance des projets d’innovation sociale. Il en va tout particulièrement ainsi dans le champ du développement durable : alors que les structures de l’ESS se trouvent à l’origine de tant d’initiatives d’avant-garde dans l’agriculture, la distribution et l’alimentation en énergie, le transport collectif ou le réemploi, la programmation budgétaire ne dégage aucun moyen qui permette au secteur de prendre sa place dans le grand chantier que représente la bifurcation écologique. Alors que la secrétaire d’État relève du Première ministre qui est chargée de la transition écologique, l’ESS ne se voit confier aucun rôle dans la planification écologique.

C’est pour toutes ces raisons que votre Rapporteure émet un avis défavorable sur les crédits de l’action 04 du programme 305 « Stratégies économiques ».

Après les affres de la crise de la covid-19, l’économie sociale et solidaire a plus ou moins retrouvé son niveau de fin décembre 2019 mais de façon contrastée selon les secteurs d’activité. Il importe donc de maintenir une vigilance et de soutenir de façon spécifique le modèle économique des structures de l’ESS Cette exigence vaut en particulier pour les coopératives et les associations qui sont parmi les principales catégories des familles de l’ESS.

Aussi, votre Rapporteure a résolu d’examiner dans la seconde partie de son rapport les conditions du soutien public qui leur était apporté. Ce travail d’évaluation ne prétend ni dresser un tableau exhaustif, ni parvenir à des conclusions définitives car la diversité des modèles ne saurait être appréhendée aisément. Il n’en incite pas moins à la vigilance quant à l’état de l’ESS et l’évolution des modes d’actions publiques à son égard.

 


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   premiÈre partie :
Une programmation budgÉtaire sans rapport avec les ambitions affichÉes

De fait, la programmation budgétaire pour 2023 s’inscrit dans la stricte continuité des choix affirmés depuis 2020 dans le pilotage et le financement du soutien apporté à l’économie sociale et solidaire. Elle ne reflète pas en tant que telle les objectifs proclamés à l’occasion de la présentation de la feuille de route ministérielle sur l’économie sociale et solidaire, à la suite du séminaire gouvernementale en août 2022.

Un premier indice de ce qui pourrait être qualifié d’immobilisme réside dans la maquette budgétaire qui structure les crédits demandés. Celle-ci résulte du transfert en 2021 des crédits dévolus au soutien de l’ESS inscrits à l’action 14 du programme 159 « Expertise, économie sociale et solidaire, information géographique et météorologie » de la mission « Écologie, développement et mobilité durables », vers la nouvelle action 04 du programme 305 « Stratégies économiques » de la mission « Économie ». La seule modification apportée à l’architecture héritée de l’ancienne action n° 14 précitée consiste en l’affichage d’une troisième sous-action consacrée au développement des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE).

I.   un effort en faveur de l’ess difficilement perceptible À l’Échelle du projet de loi de finances POUR 2023

Suivant un constat établi, le soutien apporté par l’État à l’économie sociale et solidaire ne saurait être mesuré à l’aune de la seule ligne que lui consacre expressément la nomenclature budgétaire. Au regard de la diversité des structures et des activités, le développement de ce modèle économique singulier soulève des enjeux qui, nécessairement, intéressent beaucoup de politiques publiques. Ces enjeux peuvent nécessiter l’intervention conjointe de ces politiques.

Toutefois, la dispersion des crédits ne facilite pas le pilotage et la lisibilité de l’action de l’État. C’est la raison pour laquelle votre Rapporteure préconise l’établissement d’un document budgétaire susceptible de retracer l’effort de l’État en faveur de l’économie sociale et solidaire. Il s’agit là d’une nécessité pratique alors que l’examen des programmes et actions susceptibles de soutenir la réalisation de cet objectif conduit à douter de la pertinence du projet de loi de finances pour 2023.

1.   Des crédits spécifiquement consacrés au soutien à l’économie sociale et solidaire en progression mais demeurant limités

Le projet de loi de finances pour 2023 propose de porter le montant des crédits affectés à l’action 04 du programme 305 à 19,22 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 20,69 millions d’euros en crédits de paiement (CP). Par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, ces sommes représentent une hausse de 0,093 % des AE et de 7,50 % des CP.

Comme le montre le tableau ci-après, la progression se révèle ainsi plus mesurée en comparaison des crédits demandés dans le cadre du PLF pour 2022 (+ 9,72 % pour les AE et + 9,69 % pour les CP). Néanmoins, les AE et CP demandés s’établissent à un niveau élevé et dépassent les inscriptions de la loi de finances initiale pour 2020. Ce faisant, le projet de loi de finances initiale pour 2023 assure une certaine constance des moyens spécifiquement alloués au soutien de l’économie sociale et solidaire, nonobstant les évolutions apportées à la maquette budgétaire.

Du reste, il convient de prendre en considération le montant des reports de crédits susceptibles d’être opérés sur l’exercice 2023, soit 3,5 millions d’euros en AE et CP (d’après les informations recueillies auprès du pôle « Financement de l’économie sociale et solidaire et investissements à impact – PESSII »).

ÉVOLUTION DES crÉdits de l’action 04-ÉCONOMIE SOCIALE, solidaire et responsable en 2021 et 2022

(En millions d’euros)

 

 

LFI

2020 ([1])

(exec.)

PLF

2021

 

LFI

2021

PLF 2022

PLF 2023

▲PLF

2023/

PLF 2022

Sous-action 1 Développement de l’économie sociale et solidaire

AE ([2])

 

nd

8,75

 

 

7,3

 

 

5,54

 

‑ 24,11 %

CP ([3])

nd

8,80

 

7,95

7,01

‑ 11,82 %

Sous-action 2

Dispositif local d’accompagnement

AE

nd

10,4

 

11,9

11,45

‑ 3,78 %

CP

nd

10,4

 

11,3

11,45

+ 1,33 %

Sous action 3

Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE)

AE

SO

SO

SO

SO

2,23

SO

CP

SO

SO

SO

SO

2,23

SO

TOTAL

AE

19,152

(16,734)

19,152

17,502

19,203

19,22

+ 0,093 %

CP

19,152

(18,368)

19,196

17,546

19,246

20,69

+ 7,50 %

Source : d’après les projets annuels de performances pour 2022 et 2023.

2.   Une évolution contrastée de lignes budgétaires susceptibles de concourir au développement des structures de l’ESS dans leur diversité

Le PLF 2023 ne comporte pas en effet d’augmentation nette des crédits relevant de programmes et d’actions budgétaires qui, sans avoir pour objet exclusif le développement de l’économie sociale et solidaire, peuvent procurer des financements utiles à certaines de ses structures ou activités. On constate en réalité des mouvements disparates suivant l’objet des dépenses. Il en va ainsi pour :

– le programme 163 « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » : le projet de loi de finances initiale pour 2023 propose de ramener les crédits de l’action n° 1- Développement de la vie associative de 58,99 millions d’euros en AE et CP à près de 52,686 millions d’euros, soit un niveau inférieur à celui de la LFI 2021 (55,082 millions d’euros) ;

le programme 102 « Accès et retour à l’emploi » de la mission « Travail et emploi » : le projet de loi de finances initiale pour 2023 propose une hausse modérée du total des crédits de paiement (de 3 149,67 millions d’euros à 3 776, 30 millions d’euros) ; les crédits consacrés au soutien des structures qui opèrent dans le champ de l’insertion par l’activité économique (IAE) passe de 1 300 millions d’euros à 1 316,33 millions d’euros, soit une quasi stabilité après les fortes hausses réalisées en 2021.

la mission « France Relance » : le programme 305 ne devrait recevoir formellement aucun crédit de la part de cette mission.

II.   une reconduite sans inflexion des orientations antÉrieures

Le projet de loi de finances initiales pour 2023 tend en effet à confirmer les priorités d’actions qui sous-tendent l’équilibre des dépenses entre les deux sous‑actions qui structurent désormais la maquette budgétaire.

1.   Développement de l’ESS : une sous-action 1 globalement ajustée à la baisse dans ses ressources malgré des changements de périmètre

Le montant des crédits prévus pour la sous-section 1 est ramené à 5,54 millions d’euros en AE (contre 7,3 millions d’euros dans le PLF 2021) et à 7,01 millions d’euros en CP (contre 7,9 millions d’euros en 2021). La baisse de cette enveloppe globale poursuit un mouvement engagé dans le PLF pour 2020 : elle apparaît très relative car elle traduit essentiellement un ajustement et un redéploiement des financements en fonction de l’évolution des dispositifs.

● Ainsi, le projet de loi de finances initiale pour 2023 poursuit la baisse des dépenses de fonctionnement sans réelle portée à l’échelle de l’action : les crédits demandés sur le titre III passent de 0,20 million d’euros à 0,09 million d’euros (en AE et CP). Le poste de dépenses ainsi minoré porte sur :

– les frais de fonctionnement du réseau des correspondants régionaux de l’ESSR (déplacements, conférences régionales de l’ESSR et communication) ;

– la participation de l’État à certaines manifestations (conférences et événements) destinés à la promotion et au développement de l’ESSR ;

– le coût d’études destinées à l’évaluation de certains projets à impact social financés via les contrats à impact (CI) ;

– certaines dépenses engagées pour la dématérialisation du dispositif de l’agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale » (ESUS).

● Les dépenses d’intervention prévues, soit 5,45 millions d’euros en AE et 6,92 millions d’euros en CP, accusent une nouvelle baisse par rapport aux montants demandés dans le PLF 2022 (7,1 millions d’euros en AE et 7,95 millions d’euros en CP).

Pour l’essentiel, le recul des crédits demandés sur le titre VI résulte de trois facteurs de deux facteurs :

– la stabilisation des ressources accordées aux investissements à impact social (1,1 million d’euros en AE et 1,7 million d’euros en CP). Il convient toutefois de rappeler que le financement des contrats à impact social relève du ministère de tutelle du secteur concerné, ce qui explique que certains crédits n’apparaissent pas dans l’action ESS.

D’après les documents budgétaires, la programmation 2023 vise toujours à assurer le paiement de la contribution annuelle de l’État pour les contrats déjà engagés et à initier l’exécution de nouveaux contrats d’investissement. En outre, l’État poursuivra son soutien à l’accompagnement des projets bénéficiant des fonds d’amorçage. Ces fonds ont vocation à favoriser l’émergence et le développement d’entreprises à impact social sur l’ensemble du territoire français, par des actions de formation, de mises en relation et de financement.

Du point de vue de votre Rapporteure, cet engagement renouvelé en faveur des contrats à impact peut être questionné. D’après les éléments recueillis au cours des auditions, le dispositif paraît présenter un intérêt très relatif pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire, compte tenu de la lourdeur du protocole. Du reste, il ressort des éléments apportés par le PESSI que le financement des contrats à impact social se trouve à l’origine de crédits non consommés d’un montant relativement important (soit 3,5 millions d’euros), du fait de la difficulté à formaliser des objectifs et à structurer des contrats.

– le retraitement des crédits consacrés au développement des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), objet d’une nouvelle sous-action et qui mobilisait dans la programmation budgétaire pour 2022 la somme de 2,5 millions d’euros (en AE et CP).

– En revanche, les crédits dévolus au soutien apporté aux structures de l’ESS (hors DLA) bénéficient d’une légère revalorisation, fixée à 5,09 millions d’euros en AE et CP (contre 3,25 millions d’euros en AE et CP dans le PLF 2022). Entrent dans le champ de ce financement les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CRESS), les organismes de recherche, les têtes de réseau et les organismes fédérateurs de l’ESSR, au titre de leurs actions de promotion du secteur, de structuration de ses acteurs et d’accompagnement des entreprises et des porteurs de projet.

La Rapporteure estime que cette augmentation des crédits paraît cohérente, tant au regard de l’étendue des missions confiées au CRESS par la loi du 31 juillet 2014 que des besoins identifiés de promotion et de structuration de l’ESS ([4]).

Accessoirement, on notera l’ajustement mineur opéré sur la ligne « Développement européen et international », dotée de 0,135 million d’euros (contre 0,3 million d’euros en AE et CP en 2022). Ces crédits ont pour objet le financement des dépenses obligatoires relatives à la représentation de la France auprès de l’Organisation internationale du Travail (OIT) et de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), ainsi que celles afférentes au volet ESS qui figure au programme de la présidence française de l’Union européenne au premier semestre 2022.

2.   Des ressources nouvelles pour l’affermissement du dispositif local d’accompagnement (DLA)

Au-delà des autorisations d’engagement, le montant des crédits demandés pour la sous-action 2 apparaît consolidé, fixé à 11,45 millions d’euros.

D’après les documents budgétaires, la programmation budgétaire 2023 poursuit l’objectif d’un renforcement des dispositifs à l’échelle régionale et départementale. L’État participera également au financement du DLA national et des différents centres de ressources DLA (culture, financement, sport, médico-social, numérique et transition écologique).

Votre Rapporteure ne peut qu’appeler à la vigilance sur le niveau des ressources consacrées aux DLA, au regard de l’importance du rôle joué par ce dispositif à l’échelle locale, ainsi que de la contribution essentielle apportée au plus fort de l’actuelle crise sanitaire, notamment en tant qu’acteurs essentiels du déploiement du dispositif de secours de l’ESS (DSESS).

3.   Une sous action spécifique mais pas de ressources nouvelles pour le développement des pôles territoriaux de coopération économique

● La véritable nouveauté de la programmation des dépenses d’intervention réside dans le financement accru des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), avec 2,5 millions d’euros prévus en AE et CP.

D’après les réponses au questionnaire budgétaire, ces crédits visent à permettre un soutien direct de l’État à une quinzaine de PTCE, à hauteur de 1,5 million d’euros (en AE et CP) en 2022, sachant qu’il existe aujourd’hui près de 200 structures à l’échelle du territoire national. Un appel à manifestation d’intérêt (AMI) permanent « PTCE émergents » a parallèlement été lancé dans le but de sélectionner les structures éligibles à ce bouquet de services (107 bénéficiaires en 2021), et parmi elles, à financer l’émergence de 15 nouveaux lauréats PTCE.

La ligne devrait également contribuer à la création d’un bouquet de services à destination des PTCE, à hauteur de 1 million d’euros (en AE et CP). Ces services reposeraient notamment sur des centres de ressources auxquels l’ensemble des PTCE éligibles (plus d’une centaine) pourront faire appel. D’après les réponses au questionnaire budgétaire, les 15 PTCE désignés devraient bénéficier, chacun, d’un financement de 0,1 million d’euros sur une période de deux ans, en plus de l’offre du bouquet de services précédemment évoqué.

Si cette mesure a le mérite d’exister, on remarquera qu’elle ne représente pas un effort nouveau puisque les ressources ainsi budgétées correspondent aux crédits relevant précédemment de la sous-action 1. Du point de vue de votre Rapporteure, une attention particulière doit être portée au développement des PTCE, compte tenu de l’intérêt qu’ils présentent pour les acteurs de l’ESS :

– en premier lieu, offrir un cadre pour une mise en commun de ressources et des coopérations entre les diverses structures du secteur (associations, coopératives, tiers lieux), les entreprises et les collectivités publiques ;

– en second lieu, un changement d’échelle pour la réalisation des projets favorisant la mobilisation d’autres ressources que les micros-financements ou les subventions.

En dernier lieu, votre Rapporteure tient à déplorer la disparition de la ligne intitulée « Soutien territorial à l’innovation sociale » depuis le projet de loi de finances initiale pour 2022. La programmation 2021 avait affecté 1 million d’euros (en AE et CP), avec pour finalité la labellisation de collectifs territoriaux et l’accompagnement de projets dans le cadre du programme « French impact territoires ».

 


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   SECONDE PARTIE :
le soutien public aux structures coopératives et associatives de l’ess

En pratique, l’ESS regroupe une très grande diversité de structures et d’activités, qui se répartissent dans les cinq grandes « familles » que constituent les associations, les fondations, les coopératives, les mutuelles et les sociétés commerciales à finalité sociale. D’après les dernières statistiques disponibles, on dénombre près de 221 325 structures labellisées ESS ([5]), 222 331 établissements employeurs et 1 707 entreprises agréées Entreprises d’utilité sociale (ESUS), catégorie qui comprend les structures historiques de l’économie sociale et solidaire (entreprises d’insertion, entreprises de travail temporaire d’insertion, associations intermédiaires, ateliers et chantiers d’insertion, etc.) ([6]), les sociétés commerciales, les bénéficiaires de plein droit, les organismes de financement, les établissements de crédits.

EFFECTIFS DES STRUCTURES DE L’ess par catÉgorie

CATÉGORIES

UNITÉS LÉGALES EMPLOYEUSES

ÉTABLISSEMENTS EMPLOYEURS

Associations

154 567

185 145

Coopératives

8 747

27 250

Mutuelles

755

8 368

Fondations

471

1 568

Sociétés commerciales

350 ([7])

ND

Source : ESS France, Atlas national de l’ESS, édition 2020.

On le voit : même s’il se distingue par l’importance fondamentale accordée au respect d’exigences éthiques et à la promotion d’une utilité sociale, le secteur comporte bien des activités qui doivent composer avec des considérations et contraintes économiques. Ce constat vaut tant pour les associations – qui représentent selon les statistiques près de 82,6 % des structures de l’ESS – que pour des opérateurs tels que les coopératives, les mutuelles et les fondations.

Dans l’enracinement d’un tiers secteur ouvrant la voie à un autre mode de développement économique et social, les coopératives et les associations auront à jouer un rôle essentiel, compte tenu de la place qu’elles occupent d’ores et déjà au sein de l’économie sociale et solidaire. La réalisation de cet objectif ne va toutefois pas de soi et suppose de prendre la mesure des aléas que peut comporter un changement de paradigme dans les rapports avec les collectivités publiques, ainsi que de l’intérêt d’une rénovation du cadre légal.

I.   un tissu coopératif et associatif DYNAMIQUE MAIS dÉstabilisÉ PAR UN CERTAIN DÉSENGAGEMENT DES COLLECTIVITÉS PUBLIQUES

En raison de l’histoire et des évolutions de leurs statuts juridiques, le monde des coopératives et celui des associations présentent il est vrai une assez grande hétérogénéité qui impose de la nuance. Il n’en demeure pas moins que ces deux catégories ont en commun un même défi : celui de maintenir leur modèle dans une conjoncture difficile et alors que la puissance publique tend à imposer sa vision libérale notamment par la mise en concurrence.

A.   Des structures capables de promouvoir un autre mode de développement mais non dénuées de fragilités

À n’en pas douter, l’économie sociale et solidaire répond à la fois à des exigences éthiques et à des besoins essentiels par le poids acquis dans la production de richesse et de bien-être. De fait, elle représente aujourd’hui 10 % du produit intérieur brut national et 14 % de l’emploi privé ; elle compte 12 millions de bénévoles mais également 2,6 millions de salariés.

Cette force indéniable ne doit cependant pas conduire à occulter l’impact des crises récentes et des contraintes nouvelles auxquelles doivent répondre les coopératives et les associations.

1.   Des activités florissantes ou résistantes dans un environnement économique incertain

Sur un plan statistique, la vitalité de l’ESS se mesure d’abord au dynamisme de ses activités et de l’emploi des structures coopératives et associatives.

a.   Un essor durable et soutenu des coopératives

● Ainsi que le montre le graphique ci-après, les coopératives peuvent revendiquer une hausse ininterrompue et régulière de leur activité depuis plus de dix ans. D’après les dernières statistiques publiées par Coop Fr ([8]), le chiffre d’affaires s’élevait ainsi à 329,3 milliards d’euros en 2020, en progression de 14,34 % par rapport à 2010. Il apparaît supérieur de 1,7 % par rapport au résultat global constaté à l’issue de l’exercice 2018.

 

 

 

Évolution du chiffre d’affaires dans les coopératives françaises et leurs filiales depuis 2010

(en milliards d’euros)

Source : Coop.fr, Panorama des entreprises coopératives, édition 2022.

Si l’on prend en considération le secteur, le chiffre d’affaires global des coopératives provient essentiellement de trois types d’entité : en premier lieu, les coopératives de commerçants (44,3 %) ; en second lieu, les coopératives bancaires (25,3 %) ; en dernier lieu, les coopératives agricoles (14,6 %), lesquelles représentent près de 61 % des structures coopératives.

Toutefois, ces chiffres ne sauraient occulter la force de structures coopératives qui, en proportion, occupent une place moins significative au sein de l’économie sociale et solidaire. Au contraire, le panorama des structures coopératives met en effet relief la contribution significative de certaines d’entre elles à l’activité de leurs branches.

Si l’on prend en considération le statut juridique, deux types de structures se singularisent par une progression soutenue de l’activité et des emplois : en premier lieu, les sociétés coopérative et participative (SCOP) ; en second lieu, les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC). D’après les données communiquées par les représentants de la Confédération générale des SCOP (CGSCOP), le chiffre d’affaires des coopératives a bondi de 40 % en cinq ans.

S’agissant des SCOP, les statistiques disponibles pour 2020 font état d’un chiffre d’affaires de 6,7 milliards d’euros. L’importance de ce montant s’explique notamment par les résultats d’entreprises aussi importantes que Up (qui commercialise le « chèque-déjeuner ») ou encore Acome (premier producteur de câbles électriques en France. À cette même date, les effectifs employés s’élevaient à 65 552 salariés.

Pour leur part, les SCIC ont comptabilisé en 2020 un chiffre d’affaires de 837 millions d’euros et employaient 10 140 salariés (y compris dans les filiales). Du bilan établi pour 2021 par la Confédération générale des SCOP, il ressort en outre un très fort accroissement du nombre des structures, en hausse de 88 % sur les cinq dernières années ([9]).

Au terme des travaux de votre Rapporteure, les éléments recueillis ne permettent nécessairement d’établir les raisons de l’inégalité de développement entre les deux structures. Au-delà des avantages et inconvénients propres à chacun des statuts, on peut sans doute émettre l’hypothèse que la branche d’activités conditionne très sensiblement les résultats économiques. De fait, un état des lieux sommaires tend à montrer des différences significatives du point de vue des secteurs dans lesquels les SCOP et les SCIC évoluent.

Les SCOP et les SCIC : Structures et implantations sectorielles

 

– En 2020, on dénombrait 2 666 Sociétés coopératives et participatives (Scop). Les coopératives possédant le statut se trouvent d’abord dans les activités de services (43,8 %). Viennent ensuite les secteurs de la construction (19,4 %), de l’industrie (14,9 %) et, en dernier lieu, les activités d’éducation, de santé et d’action sociale (8,6 %).

– À cette même date, 1 084 structures relevaient par leur statut de la catégorie des sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC). Elles évoluent très majoritairement dans les activités de services (58,0 %). Pour le reste, les SCIC se répartissent de manière assez équilibrée entre les secteurs : du commerce (11,7 %) ; de l’éducation, de la sa santé et l’action sociale (11,3 %) ; enfin, dans l’énergie et l’environnement (7,0 %).

Source : Réponses au questionnaire budgétaire pour le projet de loi de finances initiale pour 2023.

● Sur le plan de l’emploi et des structures, le secteur des coopératives compte aujourd’hui près de 28 062 entreprises ([10]), contre 20 622 en 2017. Il emploie 1,265 million de salariés, soit 5 % de l’emploi salarié en France.

En comparaison du chiffre d’affaires des entreprises coopératives, la croissance des effectifs salariés se révèle dans l’ensemble plus modérée sur la période récente, avec une hausse de près de 4,10 % sur la période 2014-2020. Ce chiffre revêt toutefois un caractère global et certaines catégories voient leurs effectifs croître de manière plus spectaculaire.

Il en va ainsi des SCOP et des SCIC. Selon les statistiques évoquées par les représentants de la Confédération générale des SCOP, les effectifs auront connu une croissance de 30 % en cinq ans. Le bilan établi par ESS France pour l’exercice 2021 montre une progression de 1,4 % du nombre des emplois pour l’ensemble des structures coopératives (soit 2 243 postes). Le mouvement concerne tout particulièrement le commerce, l’immobilier, le transport ou les services aux entreprises ([11]). Ce chiffre marque une reprise de l’activité après l’intermède provoqué par la crise sanitaire liée à l’épidémie de la Covid-19.

L’Évolution des emplois dans les entreprises coopÉratives depuis 2014

Source : Coop.fr, Panorama des entreprises coopératives, édition 2022.

b.   Une dynamique renouvelée du mouvement associatif ?

Au premier trimestre 2022, on dénombrait en France 1 103 204 associations relevant de l’ESS ([12]). Parmi elles, on recense 155 000 structures employeuses qui emploient 1 769 000 personnes ([13]), soit 9,2 % de l’emploi privé.

Comme le montre le graphique ci-après, la création d’associations ne faiblit pas. Ainsi, on recense 66 487 structures créées (contre 65 268) entre juillet 2021 et juin 2022. Quoiqu’en retrait par rapport aux chiffres atteints entre 2013 et 2019 et même si l’on ne peut déterminer la part occupée par l’ESS, le niveau des créations demeure élevé.

Évolution de la création d’associations depuis 2010

(en unités)

Source : Recherches et solidarités, La France associative en mouvement, 20ème édition, octobre 2022, p.7.

Toutefois, ces chiffres peuvent être relativisés dans la mesure où ils ne rendent pas compte d’un phénomène nouveau sur lequel on peut s’interroger : la concentration du secteur associatif. Certes, les éléments recueillis par votre Rapporteure au terme de ses travaux ne permettent pas de le quantifier. Toutefois, l’état des lieux dressés par certains observateurs, dont les représentants du Mouvement associatif, donne à penser que le rapprochement entre structures constitue une tendance émergente depuis une quinzaine d’années.

Mme Frédérique Pfrunder, déléguée générale du Mouvement associatif, y voit la conséquence d’une fragilisation des structures employeuses, en conséquence des nouveaux rapports financiers établis entre les associations et les collectivités publiques ([14]). Y participe sans doute également la stratégie menée par certains opérateurs du champ de l’économie sociale et solidaire afin de préserver leur capacité de développement face à des entreprises de l’économie conventionnelle.

Le groupe SOS en offre l’exemple qui aujourd’hui compte en son sein près de 600 associations et services, dont certaines ont rejoint la structure compte tenu de difficultés mettant en cause leur pérennité. D’après la position défendue par M. Jean-Marc Borello, fondateur et président du directoire de SOS, un tel mode de croissance peut se justifier par la nécessité de soutenir la concurrence de groupes lucratifs, tels que par exemple Orpéa, Korian ou Ramsay santé dans le champ des établissements médico-sociaux et des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD).

c.   Des structures néanmoins affectées par les conséquences de chocs économiques récents

En 2021, le taux de pérennité des coopératives après cinq ans atteignait 73 %. Il s’agit là d’un ratio nettement supérieur à celui de l’ensemble des entreprises françaises pour la même période (61 %), qui plus est en nette progression dans le cas des SCOP et des SCIC (de sept points entre 2016 et 2021) ([15]).

S’ils fournissent l’indice d’une certaine solidité, ces chiffres ne sauraient occulter l’exposition des associations et des coopératives aux aléas de la conjoncture. De fait, l’ensemble des éléments recueillis par votre Rapporteure mettent en relief l’impact par deux crises majeures dans l’histoire économique récente.

● La crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19 constitue un premier vecteur de déstabilisation pour les coopératives et les associations relevant de l’économie sociale et solidaire.

À l’instar de nombreux opérateurs de l’économie conventionnelle, les premières ont pu pâtir d’une suspension de leur activité, parfois de ruptures dans le fonctionnement des chaînes d’approvisionnement et l’organisation du travail. Pour les secondes, la crise sanitaire a pu produire des effets très différents suivant la branche d’activité. Ainsi que l’a rappelé la déléguée générale du Mouvement associatif, certaines ont été confrontées à des demandes de prestations ou d’accompagnements très supérieures à l’ordinaire et excédant parfois leurs capacités : il en va ainsi des associations qui opéraient dans les domaines médico-sociaux, sanitaires ou de protection de l’enfance. D’autres ont vu au contraire leur activité s’effondrer ou disparaître, en conséquence des restrictions ou interdictions de déplacement ou de regroupement applicables dans le cadre des confinements décidés par la puissance publique : c’est le cas des secteurs de la culture, du sport et de l’éducation populaire.

Suivant un constat largement partagé, les mesures de soutien prises par l’État et les collectivités territoriales ont concouru à la sauvegarde du tissu de l’ESS. Les signalements recueillis par votre Rapporteure donnent à penser que dans l’ensemble, les coopératives et les associations ont pu avoir accès aux dispositifs mis en place à cet effet tels que notamment le fonds de solidarité ([16]), la prise en charge du chômage partiel ([17]) ou le prêt garanti de l’État ([18]). Selon Mme Fatima Bellaredj, délégué général de la Confédération générale des SCOP, le succès de ces mesures peut expliquer la quasi-absence de défaillance parmi les coopératives pendant la période 2020-2021. Moyennant quelques ajustements et circulaires interprétatives, les « quoi qu’il en coûte » aura préservé globalement les équilibres du monde associatif antérieur à l’épidémie.

À bien des égards, les effets de la crise sanitaire semblent avoir été surmontés. Ainsi que l’a relevé M. Sébastien Darrigand, directeur général de l’Union des employeurs de l’économie solidaire (UDES), l’ensemble de l’ESS a effacé au début de 2022 les pertes enregistrées pendant cette période sur le plan de l’emploi (avec 66 141 postes créés par rapport à la fin 2021). En hausse de 3,2 % sur un an, le nombre des postes dépasse le niveau d’avant crise (+ 47 000).

Il n’en demeure pas moins une situation encore très contrastée selon les familles de l’ESS. Parmi les coopératives, certains secteurs ont fait montre d’une capacité de résistance et ont bénéficié d’une reprise plus soutenue de leur activité. Selon l’analyse développée par la déléguée générale Confédération générale des SCOP, il en va ainsi pour la branche du bâtiment et des travaux publics (BTP) : le taux de défaillance se limite à 7 % au sortir de la crise sanitaire (contre 14 % dans l’économie en général).

Pour sa part, l’examen de l’état du monde associatif révèle sans doute davantage de disparités et une capacité de rebond plus hétérogène.

Si les activités de sports et loisirs enregistrent une hausse des emplois (+ 17 709) ([19]), la reprise des pratiques antérieures ne va pas de soi dans le domaine amateur. Au-delà d’une possible évolution des mentalités qui éloignerait les individus des activités collectives et les porterait à une attitude plus consumériste, c’est la question du coût des licences et des équipements qui semble constituer un véritable frein. Dans une certaine mesure, des interrogations similaires persistent dans le champ de la culture et de l’éducation populaire.

● Le second facteur de déstabilisation pour les modèles associatifs et coopératifs réside dans la poussée inflationniste observée depuis le dernier trimestre de l’exercice 2021.

En septembre 2022, l’INSEE estimait l’inflation en France à 5,6 % en glissement annuel (contre 2,2 % en septembre 2021 ([20])). Nettement perceptible depuis le début du troisième trimestre 2021, la hausse accélérée de l’indice des prix à la consommation représente aujourd’hui une menace pour les équilibres de l’ESS.

D’après une enquête récente évoquée par Mme Manuella Pinto, administratrice en charge du développement territorial de l’UDES, 73 % des employeurs interrogés expriment une inquiétude face à la situation économique actuelle ; 83 % craignent qu’elle n’affecte les relations de travail avec les salariés.

De fait, suivant un mécanisme à l’œuvre dans l’économie conventionnelle, les coopératives et les associations se trouvent confrontées à un « effet ciseau » : d’une part, elles subissent un renchérissement de leurs dépenses de fonctionnement et de leurs coûts de production, à raison d’une hausse des cours de l’énergie, des matières premières, voire des rémunérations ; d’autre part, elles disposent d’une capacité inégale à répercuter sur le prix des biens et services fournis l’augmentation de leurs charges. Cette situation prévaut en particulier dans le champ du sanitaire et du médico-social, compte tenu de la part des prestations soumises à un tarif fixé par les collectivités publiques dans le cadre d’une délégation de service public, d’un appel à projet ou d’un conventionnement.

Comme observé par Madame Eugénie Bardin, responsable des affaires publiques d’Enercoop, la perspective catastrophique d’une explosion des tarifs d’approvisionnement en énergie comporte un autre risque : celui de distorsions de concurrence entre les entreprises, suivant leur capacité à négocier en janvier 2023 le renouvellement des contrats avec les fournisseurs.

2.   Des questions sociales déterminantes pour l’attractivité de l’ESS

Du point de vue de votre Rapporteure, la situation des coopératives et associations ne peut être appréhendée à l’aune des seuls résultats économiques et équilibres financiers. L’avenir de ces modèles se révèle en effet tout aussi tributaire de la capacité des structures à disposer des ressources humaines nécessaires à l’accomplissement de leurs activités et missions.

Or, les travaux réalisés en vue du présent rapport tendent à montrer l’acuité des défis démographiques que les secteurs coopératifs et associatifs pourraient devoir relever à plus ou moins brève échéance. En pratique, la question posée porte d’abord sur la capacité de recrutement. D’après les données fournies par M. Sébastien Darrigan pour l’ensemble des structures employeuses de l’ESS, le nombre des emplois non pourvus pourrait être estimé à 50 000 postes ; les délais de vacance se situeraient dans une fourchette comprise entre trois et six mois.

a.   La gestion des carrières et la qualité de vie au travail

Dans des structures qui promeuvent le principe de non-lucrativité, la qualité de la vie professionnelle constitue un des fondements de l’engagement des salariés. Or, les signalements portés à la connaissance de votre Rapporteure fournissent l’indice de besoins sans doute insuffisamment satisfaits sur deux aspects essentiels pour le développement et la pérennité des modèles : en premier lieu, la formation professionnelle ; en second lieu, la qualité de vie au travail.

● Sur le plan de la formation, il apparaît qu’à une échelle globale, l’économie sociale et solidaire se distingue par l’effort fourni en faveur de la formation des salariés.

D’après les statistiques évoquées par les représentants de l’UDES, la contribution versée par les entreprises au titre de la participation à la formation professionnelle représente 2,3 % de la masse salariale dans la branche des métiers du lien, ratio supérieur à l’obligation légale (soit 1 %). S’il convient de se garder de toute généralisation en l’absence de données exhaustives, un tel chiffre parait en rapport avec la culture historique d’éducation populaire et permanente, ainsi que de promotion sociale qui anime les familles de l’ESS.

Toutefois, suivant l’état des lieux dressés par plusieurs personnes auditionnées, on ne peut écarter l’hypothèse de sensibles disparités dans l’accès à la formation, au détriment des structures de taille réduite.

Cette analyse fait écho au constat établi en 2020 par ESS France ([21]) en ce qui concerne les structures de moins de 50 salariés affiliées à l’opérateur de compétences (OPCO) réunissant les entreprises du domaine de la cohésion sociale. Dans ce champ d’activités, le taux d’accès à la formation allait de 14,83 % pour les branches du tourisme social et familial à 59,42 % pour les missions locales. Il s’élevait à 50,36 % pour les coopératives HLM, avec une moyenne de 35,94 %. Les inégalités peuvent être observées aussi bien entre les branches que du point de vue du nombre de salariés couverts ou encore du nombre d’heures de formation financées.

En dehors des ressources pouvant être dégagées par les structures elles-mêmes et de la spécificité des métiers, les inégalités d’accès à la formation professionnelle invitent sans doute à examiner la politique suivie par les OPCO.

À la suite de la réforme de la formation professionnelle réalisée en 2018 ([22]), les structures de l’ESS se sont réparties entre opérateurs de compétences : l’OPCO Cohésion sociale-Uniformisation ; l’OPCO Santé qui intègre le secteur social et médico-social propre à l’ESS, ainsi que les organisations privées de la santé ; l’OPCO du spectacle, des arts vivants et des médias (AFDAS).

Au vu du peu d’éléments recueillis au cours de ses travaux, votre Rapporteure n’entend pas ici porter une appréciation sur la bonne structuration du champ de la formation professionnelle pour l’ESS en général et, en particulier, pour les coopératives et les associations employeuses. Aussi, elle estime qu’il conviendrait d’examiner les résultats des restructurations opérées en conséquence de la réforme de 2018 afin de déterminer la nécessité d’un renforcement des obligations des OPCO. Une bonne anticipation des besoins pourrait par ailleurs nécessiter l’établissement de nouveaux plans de gestion prévisionnelle des compétences.

Proposition n° 1 : Évaluer les résultats de la réforme de la formation professionnelle dans le champ de l’ESS et la politique d’accompagnement des opérateurs de compétence – Examiner la nécessité d’établir de nouveaux plans de gestion territoriale des compétences.

● Sur le plan de la qualité de travail, l’état des lieux dressés par votre Rapporteure incite pour l’essentiel à une vigilance accrue à propos de la situation des secteurs médico-sociaux et sanitaires.

Ainsi que l’avait établi l’Observatoire de l’ESS en 2020 ([23]), on peut considérer que dans l’ensemble, il existe une réelle satisfaction au travail au sein de nombreuses structures de l’ESS. D’après l’édition 2019 du baromètre Chorum, la très grande majorité des salariés et des dirigeants déclarent apprécier la variété de leurs tâches (respectivement 89 % et 95 %), ainsi que le sens donné à leur travail (respectivement 85 % et 96 %). Ces indicateurs de qualité de vie dépassent assez sensiblement la moyenne dans les coopératives (avec respectivement 94 % et 93 % sur les deux items) et dans les associations (91 % sur les deux critères).

En soi, de tels ratios de satisfaction peuvent aisément s’expliquer. S’agissant des coopératives, la qualité de sociétaire se confond en principe avec celle de salarié, ce qui favorise un phénomène d’appropriation et un rôle important dans la gouvernance. En ce qui concerne les associations, ainsi que l’ont relevé plusieurs personnes auditionnées, le travail au sein des structures participe souvent d’un engagement militant et/ou d’un attachement à la réalisation d’un projet collectif.

Toutefois, ce tableau général ne saurait occulter une dégradation des conditions de travail qui jurent avec les principes de l’économie sociale et solidaire dans des secteurs sanitaires et médico-sociaux.

Ainsi que l’ont rappelé plusieurs intervenants, dont les représentants de l’UDES, on observe aujourd’hui le développement de difficultés de recrutement et de pénuries de personnel dans le champ du soin à la personne, de la petite enfance, de la protection de l’enfance ou de l’aide à domicile. D’après l’estimation fournie par M. Sébastien Darrigand, les vacances d’emplois atteindraient aujourd’hui la barre des 50 000 postes. En outre, on constate une usure professionnelle à l’origine de nombreux départs dans plusieurs secteurs des métiers du lien.

Devant cette situation plus que préoccupante, votre Rapporteure ne peut qu’appeler les pouvoirs publics à une action vigoureuse afin de revaloriser des métiers en tension. Au regard de la dégradation des conditions de travail, la réponse de l’État ne saurait se limiter à une revalorisation des rémunérations mais doit créer les conditions d’une relance de l’emploi dans ces secteurs.

b.   Le niveau des rémunérations

L’évolution des salaires et avantages pécuniaires constitue un enjeu pour l’attractivité de l’ESS dès lors qu’une forme de concurrence s’insinue entre ses structures et celles de l’économie plus conventionnelle.

Il ressort des données compilées par l’Observatoire de l’ESS ([24]) , les salaires bruts en équivalents temps plein par champ sont plus faibles que ceux perçus dans le reste du secteur privé et du secteur public. Ce constat global dissimule toutefois des réalités très diverses selon l’activité des familles de l’économie sociale et solidaire : les salariés des coopératives et des mutuelles perçoivent des rémunérations plus élevées que la moyenne du secteur, ainsi que du secteur privé au contraire des ceux travaillant dans les associations et les fondations qui se révèlent plus faibles. Au-delà, le tableau ci-après met en lumière des écarts parfois substantiels de rémunération entre les femmes et les hommes.

 

 

le Salaire annuel moyen brut dans l’ess,

le secteur privÉ et le secteur public en 2016

(en équivalents temps plein)

Secteur

Salaire moyen

Femmes

Hommes

Écart femmes-hommes (équivalent temps plein)

Associations

28 145

27 501

29 521

7 %

Coopératives

39 616

36 691

42 122

15 %

Mutuelles

39 375

35 320

50 344

43 %

Fondations

32 511

30 942

36 616

18 %

Total ESS

30 645

29 115

33 546

15 %

Privé hors ESS

37 988

33 483

40 827

22 %

Public

33 116

31 247

36 150

16 %

Source : Atlas commenté de l’économie sociale et solidaire, édition 2020.

Le niveau et la progression des rémunérations au sein de l’ESS soulèvent des questions nouvelles dans un contexte marqué par la poussée inflationniste.

Ainsi que l’ont souligné plusieurs personnes auditionnées, la hausse de l’indice des prix exerce une pression insoutenable pour les structures associatives mais mieux gérée par les structures coopératives. Pour les entreprises et les associations dont les tarifs font l’objet d’un agrément ou conventionnement des collectivités publiques, l’inflation signifie une baisse importante de leurs marges de manœuvre : à l’instar de celles qui opèrent dans le champ du médico-social et du sanitaire, de la protection de l’enfance ou de l’aide à la personne, elles ne disposent pas de la maîtrise de leurs tarifs et, par conséquent, ne peuvent compenser une revalorisation des rémunérations par l’accroissement de leurs ressources.

Du reste, il s’avère que les ajustements automatiques du SMIC réalisés par les pouvoirs publics depuis le dernier trimestre 2021 relativisent progressivement la portée des minima de branches de certains secteurs de l’économie sociale et solidaire. Suivant le témoignage du directeur général de l’UDES, la hausse des rémunérations plancher convenue dans le cadre d’un amendement à la convention de branche applicable à l’aide à domicile a ainsi été effacée par le relèvement automatique du 1er octobre 2021.

Du point de vue de votre Rapporteure, la situation appelle aujourd’hui, pour l’ensemble des structures de l’économie sociale et solidaire, un dialogue social exigeant. C’est la raison pour laquelle, sans méconnaître le rôle des partenaires sociaux, elle préconise la tenue de nouvelles négociations de branche afin de revaloriser les rémunérations.

Proposition n° 2 : Procéder à la revalorisation des salaires dans le cadre de nouvelles négociations de branche. Envisager une conférence salariale nationale de l’ESS.

L’affaiblissement des structures de l’ESS opérant dans les secteurs sanitaire et médico-social, de l’aide à la personne, de la petite enfance, de l’aide à domicile ou de la réinsertion nécessite un réengagement de l’État.

Certes, des mesures prises à la suite du Ségur de la Santé ont pu aboutir en 2021 à des revalorisations des salaires dans les champs médico-sociaux et sanitaires. Pour ce qui concerne l’aide à domicile du secteur associatif, l’augmentation des salaires applicables depuis le 1er octobre 2021 repose sur une aide de l’État aux départements et au secteur de l’aide à domicile. Cette aide vise à compenser 70 % du surcoût que représenterait la hausse des salaires pour les collectivités ([25]). Toutefois, la compensation se limite à 50 % à compter de 2022. Du reste, l’aide se limite à une incitation.

Aussi, à défaut d’une évaluation sur l’impact réel de la mesure, votre Rapporteure estime qu’il conviendrait de relever le tarif applicable aux prestations agréées par les départements.

Dans cette même logique, il peut paraître souhaitable de poursuivre la revalorisation de l’aide aux postes versées aux structures d’insertion par l’activité économique. Par un arrêté du 21 décembre 2021 ([26]), le Gouvernement a établi un nouveau montant socle et une part modulée en fonction des résultats à compte. L’arrêté en date du 5 juillet 2022 ([27]) prévoit deux revalorisations : de 0,90 % entre le 1er janvier et le 30 avril 2022 ; de 2,65 % à compter du 1er mai 2022. À l’évidence, de telles hausses sont sans rapport avec l’inflation que supportent les structures de l’insertion par l’activité économique.

Dans le cadre du PLF 2023, le Gouvernement propose du reste une quasi-stabilité des crédits consacrés au financement du secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE) : les crédits de paiement demandés s’élèvent à 1 316,33 millions d’euros (contre 1 300 millions euros dans le PLF pour 2022). Du point de vue de votre Rapporteure, cette orientation ne peut être tenue pour acceptable au regard des besoins dont les structures de l’IAE font état. Aussi, elle prône un relèvement de l’aide au poste pour les structures d’aide à la réinsertion.

Proposition n° 3 : Examiner les moyens d’un relèvement du tarif des prestations conventionnés dans le secteur médico-social et de l’aide au poste pour les structures d’aides à l’insertion.

c.   La pérennité de l’engagement associatif

Le monde associatif doit pour sa part également répondre à une autre exigence fondamentale : celle du renouvellement de la participation des bénévoles au fonctionnement de ses structures et à la conduite de ses activités.

Cette exigence résulte d’abord de considérations démographiques. Comme précédemment indiqué, les structures employeuses occupent une place très minoritaire au sein de l’ESS. D’après les dernières statistiques parues ([28]), la France comptait en 2021 près de 12,5 millions de bénévoles, dont 5 millions exerçant une activité hebdomadaire régulière. 90 % des associations fonctionnent uniquement sur le bénévolat et sur base de réciprocité. Dans les associations employeuses, les bénévoles constituent des ressources humaines essentielles.

Le renouvellement des bénévoles constitue également une préoccupation dans la mesure où le maintien de leur engagement ne va pas de soi.

D’une part, la population des bénévoles se compose, pour une part prépondérante, de personnes âgées de plus de soixante ans. Selon les données de l’INJEP ([29]), près de 41 % des présidents d’association étaient âgés de 60 ans et plus.

D’autre part, l’impact de la crise sanitaire provoquée par la Covid-19 suscite aujourd’hui encore des appréciations divergentes quant à l’évolution des mentalités et la propension à s’engager dans le cadre associatif. De fait, le tableau de la France associative en mouvement ([30]) comporte des constats contradictoires. Si une enquête IFOP fait état d’une diminution du nombre des bénévoles de l’ordre de 15 % en janvier 2022 (par rapport à janvier 2019), d’autres études et le signalement de certains réseaux concluent à l’arrivée de nouveaux bénévoles au cours de la crise sanitaire ; ils mettent aussi en lumière un retour progressif des bénévoles qui s’étaient mis en retrait ponctuellement et par prudence.

De telles incertitudes soulèvent la question de l’impact des instruments déployés par l’État afin de stimuler l’engagement et l’emploi associatifs.

Cette interrogation existe s’agissant du compte d’engagement citoyen (CEC). Créé par la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 ([31]), le dispositif vise à reconnaître et à valoriser l’engagement, notamment le bénévolat et le volontariat, à travers l’octroi d’heures de formation citoyenne ou professionnelle, adossées au compte personnel de formation (CPF). Il s’insère dans le compte personnel d’activité (CPA).

Des analyses développées au cours des auditions à son propos, il ressort que le dispositif suscite un accueil très mitigé. Plusieurs observateurs expriment des réserves quant à son apport pour le renforcement du tissu des associations et l’engagement des bénévoles. Du point de vue de Mme Frédérique Pfrunder, déléguée générale du Mouvement associatif, le CEC présenterait d’abord un intérêt pour le suivi de formations répondant à des besoins individuels mais pas nécessairement à ceux des structures. Il existe par ailleurs des doutes quant à son effet attractif, notamment sur les retraités ([32]).

On relèvera toutefois que selon les informations communiquées par les représentants de la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA), les demandes d’inscriptions augmentent.

Plus fondamentalement, l’évolution des moyens alloués aux emplois aidés et au soutien aux postes associatifs se révèle problématique et doit être reconsidérée.

Les éléments recueillis par votre Rapporteure accréditent ainsi l’idée que le recours aux « parcours emplois compétences » ([33]) (PEC) ne répondent pas nécessairement aux besoins du monde associatif. Remplaçant les emplois aidés depuis 2018, les PEC se caractérisent par un taux de prise en charge du coût des emplois sensiblement inférieurs en moyenne par rapport à ceux prévalant dans le cadre de l’ancien dispositif ([34]). Par ailleurs, ainsi que l’ont souligné les représentants du Mouvement associatif et de l’UDES, la gestion du dispositif donne lieu à une évolution assez erratique du nombre des contrats financés, lequel semble devoir fluctuer au gré de la conjoncture sur le marché du travail et des objectifs politiques de l’État. De ce point de vue, la programmation budgétaire pour 2023 ne semble pas échapper à la règle : après l’effort relatif fourni pendant la crise sanitaire, le projet annuel de performance prévoit de recentrer le dispositif des PEC, avec un effectif prévisionnel de 80 000 contrats (contre 100 000 prévus dans la LFI 2022).

Dans une certaine mesure, l’usage du Fonds de coopération Jeunesse et Éducation Populaire (FONJEP) peut justifier des critiques similaires.

Même s’il contribue à la pérennisation des structures, certains acteurs entendus au cours des travaux mettent ainsi en cause son dimensionnement et le niveau des aidées apportés aux associations par ce biais. Les réserves exprimées portent en effet moins sur le nombre des postes couverts par le dispositif que sur le montant des subventions versées afin de participer à la rémunération d’un salarié associatif.

De fait, la programmation budgétaire pour 2023 comporte une nouvelle hausse de 14,40 millions d’euros de la subvention versée par le FONJEP (hors vie associative locale). D’après les documents budgétaires ([35]), la hausse des crédits vise à assurer le financement des 2 000 postes supplémentaires budgétés en 2021 et 2022 dans le cadre du Plan de relance. Toutefois, la subvention ne s’élève qu’à 7 164 euros par poste. Ainsi que l’a observé la déléguée générale du Mouvement associatif, ce montant correspond à celui fixé en 2014. Or, dans le contexte créé par la poussée inflationniste, une revalorisation pourrait se révéler nécessaire.

Proposition n° 4 : Revaloriser le montant de la subvention versée par le FONJEP aux associations.

B.   UN RENOUVELLEMENT des modalités de SOUTIEN public peu FAVORABLE AUX coopératives et AUX associations

De nombreuses auditions réalisées par votre Rapporteure, il ressort que tout un pan de l’économie sociale et solidaire connaît depuis quelques années une évolution majeure dans l’équilibre de ses ressources : alors qu’ils pouvaient reposer pour une part significative sur l’apport de financement public, les modèles économiques apparaissent désormais tributaires de la hausse de leurs revenus d’activités.

Si ce constat s’applique d’abord aux structures associatives, il traduit des choix dans les instruments de soutien à l’économie sociale et solidaire qui peuvent être jugés contestables dans la mesure où ils précarisent un tiers secteur dont l’ancrage territorial, la finalité non lucrative et l’implication citoyenne constituent pourtant un levier efficace pour les politiques publiques, sociales mais aussi pour la planification écologique.

1.   Une évolution des subventionnements directs source d’incertitude

En l’absence de chiffres consolidés, rien ne permet de mesurer un recul de l’enveloppement global des subventions versées aux coopératives et aux associations. Toutefois, ainsi que les analyses développées devant votre Rapporteure en fournissent l’indice, le recours aux financements directs des structures ne semble plus aller de soi parmi les collectivités publiques.

● Il en va ainsi en ce qui concerne le soutien public aux coopératives.

Ainsi que l’a rappelé le Gouvernement dans les réponses au questionnaire budgétaire, l’État n’apporte pas de soutien direct au financement des structures coopératives : il se borne au versement de subventions aux fédérations professionnelles de cette branche d’activité, à savoir Coop FR et la confédération générale des SCOP et des SCIC, dite CG Scop.

S’agissant des collectivités territoriales, il n’existe pas de statistiques centralisées permettant de quantifier le volume des financements directs accordés aux coopératives sous la forme de subventions ou de prêts. Toutefois, au vu des éléments recueillis par votre Rapporteure, on peut formuler l’hypothèse que des instruments d’intervention plus indirects peuvent être privilégiés. Il convient notamment de citer la garantie d’emprunt, les cofinancements dans le cadre de fonds (pour l’amorçage ou le soutien conjoncturel) ou encore la prise de parts sociales (jusqu’à 50 % du capital des coopératives ([36])).

Sur ce point, les réponses au questionnaire budgétaire donnent à penser que les collectivités territoriales utilisent relativement fréquemment les dispositions légales autorisant leur participation au capital. Il en va ainsi notamment des communes. D’après les statistiques communiquées par le Gouvernement, près de 7 SCIC sur 10 ayant une ou plusieurs collectivités dans leur capital ont associé une commune. 42 % associent une intercommunalité. En revanche, les régions et les départements prennent moins part à la gouvernance de ce type de coopératives (présentent dans respectivement 22 % et 9 % des SCIC associant des collectivités).

Par ailleurs, la loi autorise les collectivités territoriales à soutenir le développement coopératif par deux instruments :

– l’aide aux salariés pour acquérir des parts sociales, sous la forme d’abondement des parts payées en propre aux salariés ;

– le versement de fonds en compte courant bloqué ([37]).

● En ce qui concerne les milieux associatifs, l’évaluation du recours aux subventions appelle des jugements nuancés compte tenu là encore d’incertitudes statistiques et de réalités contrastées.

Ainsi que l’ont suggéré certaines personnes auditionnées, le choix d’autres modes de soutien que la subvention peut participer d’un choix en opportunité dicté par la recherche d’économies budgétaires. Du point de vue de votre Rapporteure, un tel choix peut être discuté. Au-delà de l’intérêt qu’elle présente en termes de prévisibilité, la subvention fait pleinement partie des instruments prévus par la loi du 31 juillet 2014 pour le développement de l’économie sociale et solidaire.

C’est pourquoi du point de la vue de votre Rapporteure, le recours à cet instrument ne doit pas être écarté par principe dans le soutien apporté aux coopératives et aux associations. Dans cette optique, il importe que suivant les situations et besoins locaux, les collectivités publiques préservent les ressources nécessaires à ce type d’intervention.

Proposition n° 5 : Renforcer et « pluriannualiser » le niveau des subventions publiques aux structures de l’économie sociale et solidaire, en particulier non lucratives.

Au-delà des moyens financiers que possèdent les collectivités publiques, l’usage des subventions aux structures de l’ESS soulève également des questions juridiques relatives à l’application du droit de la concurrence.

Pour ce qui concerne les coopératives telles que les SCOP et les SCIC, le cadre en vigueur peut être jugé relativement clair dès lors que par leurs activités, ces entités s’assimilent à des opérateurs économiques. La chose va moins de soi s’agissant des associations.

À l’instar de Mme Frédérique Pfrunder, déléguée générale du Mouvement associatif, certains acteurs estiment d’ailleurs que la réticence supposée des collectivités territoriales à verser des subventions pourrait résulter d’une surinterprétation des textes relatifs à l’interdiction des aides d’État. Or, le droit européen écarte l’application de ce régime à certaines conditions.

Ainsi que l’établit une circulaire du Premier ministre en date du 29 septembre 2015 ([38]), au sens de l’article 107 §1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), ne relève pas d’une aide d’État :

– une subvention publique versée à une association qui n’exerce pas d’activité économique ou destinée à un projet qui ne relève pas du domaine économique ;

– ou une subvention publique d’un montant inférieur aux seuils de minimis jugés trop faibles pour affecter la concurrence entre les États membres.

Par ailleurs, le traité reconnaît la comptabilité d’une subvention publique versée à une association qui exerce une activité de services d’intérêt économique général (SIEG) à certaines conditions.

 Il s’agit donc de rappeler le droit existant et d’écarter toute interprétation de nature à créer des contraintes sans rapport avec sa juste interprétation. Cet objectif pourrait être atteint soit par un travail de pédagogie à l’intention des services instruisant des demandes de subventions, soit par la diffusion d’une nouvelle circulaire.

Proposition n° 6 : Dissiper les incertitudes juridiques quant à la capacité des collectivités publiques de verser des subventions de fonctionnement aux structures associatives de l’ESS, compte tenu des exigences du droit européen de la concurrence.

2.   Le développement problématique de nouvelles modalités de sélection dans l’accès aux financements publics

Si les données manquent à ce stade afin de mesurer l’importance du phénomène, les analyses développées au fil des auditions mettent tout de même en lumière un véritable changement de paradigme. Les procédés auxquels recourent l’État et les collectivités territoriales tendent à en effet à modifier les conditions dans lesquelles les acteurs de l’économie sociale et solidaire, au premier chef les associations, peuvent prendre part à la réalisation d’objectifs d’intérêt général.

a.   Une place croissante accordée à des procédures assimilées à de la commande publique

Le renouvellement des modalités du soutien public se traduit en premier lieu par un recours accru aux appels d’offres. Défini à l’article
L. 2124-2 du code de la commande publique, l’appel d’offres désigne la procédure par laquelle l’acheteur choisit l’offre économiquement la plus avantageuse, sans négociation, sur la base de critères objectifs préalablement portés à la connaissance des candidats. Le code donne à l’acheteur la faculté de choisir librement entre : un appel d’offres ouvert ou restreint.

D’après les éléments recueillis au cours des travaux, l’appel à projet constitue la seconde procédure dont le recours va croissant. Il s’agit d’un procédé contractuel par lequel une personne publique met en concurrence des opérateurs publics ou privés sur la base d’un document contenant des objectifs à atteindre, tout en leur laissant une importante marge d’initiative et de créativité quant à la détermination de leur contenu et leur mise en œuvre. Sur le principe, l’appel à projet ne constitue pas un marché public mais peut être requalifié comme tel si la personne publique se trouve à l’initiative du projet et si la subvention correspond à un prix versé en contrepartie de la satisfaction d’un besoin qui lui est propre.

L’appel à projets doit être distingué de l’appel à manifestation d’intérêt. Défini à l’article 37 du décret du 25 mars 2016 ([39]), il s’agit d’un mode de présélection de candidats dans le cadre de procédures du type appel d’offres restreint ou procédure concurrentielle avec négociation.

b.   Des procédures aux effets délétères

En réalité, le développement des appels d’offres et des appels à projets comportent deux écueils susceptibles d’affaiblir le tissu de l’économie sociale et solidaire sans gain véritable pour l’action publique.

Le premier écueil découle de la logique de mise en concurrence inhérente à ces procédures. De fait, l’appel d’offres et l’appel à projet peuvent contraindre les structures de l’ESS à rivaliser avec des opérateurs de l’économie conventionnelle à but lucratif. Or, il n’est pas rare que le prix des biens et services occupe une part prépondérante dans les critères d’appréciation des dossiers et que les procédures aboutissent à la désignation du moins-disant. En cela, le recours à l’appel d’offres soulève la question de l’accès à la commande publique et comporte le risque de potentielles inégalités de chances entre opérateurs lucratifs et opérateurs non lucratifs, voire entre petites et grandes structures de l’ESS.

Une possible remise en cause de la capacité d’innovation des structures de l’ESS constitue le second écueil. Dans leur principe, les appels d’offres et, à un moindre degré, les appels à projets confèrent aux collectivités publiques un rôle premier et central dans la définition de besoins dont la satisfaction peut relever de l’intérêt général. À l’instar des représentants du Mouvement associatif ou d’organismes d’insertion par l’activité économique, certains acteurs de l’ESS y perçoivent le risque de projets définis de manière plus verticale, avec une moindre participation citoyenne.

Compte tenu des aléas que comportent de telles procédures pour le dynamisme des coopératives et des associations, votre Rapporteure juge nécessaire un usage plus proportionné des appels d’offres et des appels à projets. Dans cette optique, il conviendrait sans doute d’examiner les modifications législatives et réglementaires que pourrait nécessiter l’établissement de critères appropriés aux spécificités de l’économie sociale et solidaire.

Proposition n° 7 : Limiter le recours aux appels d’offres et appels à projet et établir des critères adaptés aux caractéristiques de l’ESS.

II.   UN STATUT À ÉTAYER POUR LA PLEINE AFFIRMATION D’UN TIERS-SECTEUR À DOMINANTE NON LUCRATIVE

En soi, la réalisation d’un tel objectif n’implique pas l’alignement des structures coopératives et associatives sur les standards du secteur marchand ou du secteur public. Du point de vue de votre Rapporteure, l’économie sociale et solidaire peut proposer un véritable modèle de développement alternatif entre le secteur public et le secteur privé lucratif. Toutefois, il importe de tirer les leçons de l’expérience : les spécificités qui font l’identité et la valeur des coopératives et des associations ont pu, par le passé, dresser des obstacles injustifiés à leur développement.

Aussi, dans l’esprit qui sous-tendait l’élaboration de la « loi Hamon », huit ans après, il est impératif aujourd’hui d’examiner les moyens et les outils nécessaires à la consolidation d’écosystèmes qui ont un rôle à jouer dans l’économie et dans la société. Une telle démarche suppose d’évaluer la pertinence de l’environnement juridique et financier dans lequel évoluent les coopératives et les associations.

A.   Un cadre juridique suffisamment adapté aux spécificités de l’économie sociale et solidaire ?

Ce questionnement découle très naturellement du constat des difficultés éprouvées par l’ESS en 2020, au plus fort de la crise sanitaire provoquée par l’épidémie de Covid-19. Si les administrations publiques ont su faire preuve de réactivité et de souplesse dans la mise en œuvre des mesures de soutien, la période a également mis en relief la distance qui pouvait séparer les structures de l’ESS des catégories de droit commun.

Cette situation résulte de la spécificité des statuts mais aussi de la structuration de ce tiers secteur au plan institutionnel. Mais elle invite également à réfléchir à la complexité du régime légal et à la qualité de la supervision institutionnelle.

1.   Un régime légal novateur appelant des mises en cohérence ?

a.   Du point de vue du statut légal

La première question posée porte sur les règles qui régissent le fonctionnement et l’activité des coopératives et des associations membres de l’économie sociale et solidaire.

Pour l’essentiel et suivant leurs caractéristiques, le statut des coopératives procède de trois textes fondamentaux :

– la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération : de portée générale, le texte décrit notamment les formes commerciales et les règles encadrant la gouvernance, les conditions de créations, etc ;

– la loi n° 78-763 du 19 juillet 1978 portant statut des sociétés coopératives de production ;

– la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire : ce texte fondateur de l’ESS affirme : le principe de « lucrativité limitée ; l’impossibilité de placement de parts du capital social sur les marchés boursiers ; le principe « une personne, une voix » ; de la nécessité d’un projet social.

S’agissant des associations, deux textes encadrent les structures : la loi du 1er juillet 1901 et la liberté d’association ; la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 précitée.

Aucun des éléments recueillis par votre Rapporteure ne permet de caractériser des problèmes de fonctionnement ayant pour origine l’articulation des textes ou la précision de leurs règles. Néanmoins, nombre d’acteurs de l’ESS auditionnés ont pu convenir des incompréhensions et des méconnaissances qui pouvaient entourer le secteur. Dans le cas particulier des opérateurs économiques, cette difficulté semble trouver sa source dans le caractère parfois innovant des modèles d’affaires ou de l’objet des activités.

Rien n’assure cependant que la diversité des formes commerciales et des statuts qu’autorise la loi du 31 juillet 2014 ne concourt à l’illisibilité dont pâtit l’économie sociale et solidaire en général et, peut-être, les structures coopératives. Aussi, votre Rapporteure estime qu’il pourrait être à propos d’évaluer la pertinence du cadre normatif et de mesurer la nécessité d’un toilettage de la loi du 31 juillet 2014.

Proposition n° 8 : Examiner la pertinence du statut des coopératives et des associations dans le champ de la loi n 2014-856 du 31 juillet 2014 et envisager les conditions de la révision et mise en cohérence des textes applicables.

b.   Du point de vue de l’accès aux aides aux entreprises

La question se pose pour les coopératives. Les éléments recueillis par votre Rapporteure au terme de ses travaux ne caractérisent pas une incapacité de principe à bénéficier des dispositifs généraux ouverts aux très petites et moyennes entreprises (TPE/PME). Les seules difficultés portées à sa connaissance renvoient aux premiers temps de la crise sanitaire provoquée par la Covid-19. Du reste, le bilan dressé par l’ensemble des personnes auditionnées donne à penser que les difficultés initiales ont pu être surmontées moyennant l’ajustement des conditions de mise en œuvre des dispositifs.

En revanche, on ne peut exclure des incompatibilités ponctuelles entre les caractéristiques juridiques de certaines coopératives et les critères d’éligibilité à certains dispositifs d’aide ou à certains outils de financement.

Il ressort en effet des réponses aux questionnaires budgétaires que certaines formes sociales interdisent l’utilisation des outils de financement mis à disposition des entreprises coopératives. Il en va ainsi des sociétés par actions simplifiées (SAS) qui ne peuvent bénéficier des titres participatifs. Cette asymétrie d’accès a pu être constatée dans la mise en œuvre de mesures de soutien plus ponctuel : par exemple, les entrepreneurs en coopérative d’activité et d’emploi (CAE) n’ont pas pu accéder au fonds de solidarité pendant la crise sanitaire.

En dernier lieu, les coopératives peuvent également pâtir de la divergence entre les facultés offertes en droit national et les conditions fixées par le droit de l’Union européenne. Comme l’observe le Gouvernement dans les réponses au questionnaire budgétaire, les SCIC détenues à plus de 25 % par des personnes publiques se voient ainsi interdire l’accès aux aides de l’Union destinées aux PME. Or, la possibilité offerte aux collectivités territoriales de prendre jusqu’à 50 % du capital social des coopératives peut être considérée comme un progrès de la loi ESS.

Il s’avère en outre que les coopératives éprouvent des difficultés à obtenir des dérogations à l’application du régime des aides d’État, faute d’une reconnaissance du statut de service d’intérêt économique général (SIEG).

c.   Du point de vue du traitement fiscal

Dans ce domaine, le soutien public aux coopératives et aux associations relevant de l’ESS accorde une large place à des dispositifs d’exonération fiscale.

Ainsi, outre les incitations fiscales au don, les associations placées sous le statut de la loi du 1er juillet 1901 ne sont en principe pas soumises aux impôts commerciaux.

Quoiqu’assujetties en leur qualité d’opérateurs économiques, les coopératives bénéficient également d’exonérations de l’impôt sur les sociétés suivant la nature de leur activité. Tel est le cas pour les coopératives artisanales, les coopératives de transports ou les coopératives maritimes. Le droit fiscal accorde un avantage de cette nature aux SCOP pour la fraction des bénéfices distribuée aux salariées et celle mise en réserve pour la constitution de provision pour investissement. Les SCOP sont par ailleurs exonérées de contribution économique territoriale (CET). En revanche, la loi prévoit un assujettissement partiel pour certaines opérations (par exemple, pour celles réalisées par les coopératives artisanales, maritimes ou de transport avec non-sociétaires) ou actes (l’émission de certificats coopératifs d’investissement). Les coopératives deviennent redevables de l’IS dès lors qu’elles perdent leur statut, en application de l’article 25 de la loi précitée du 47-1775 du 10 septembre 1947.

En soi, les règles d’imposition expriment deux objectifs : d’une part, créer les conditions d’un développement des coopératives par un régime particulier ; d’autre part, prévenir des distorsions de concurrence entre opérateurs économiques.

Toutefois, l’équilibre du traitement fiscal réservé aux coopératives ne paraît pas nécessairement satisfaisant. Au-delà des inquiétudes manifestées par plusieurs intervenants à propos de l’impact de la réduction des impôts de production engagée depuis 2020, le régime d’imposition des coopératives mérite sans doute examen afin de prévenir toute incohérence préjudiciable à leur développement.

De ce point de vue, le récent rapport de l’Inspection générale des Finances et l’Inspection générale des Affaires sociales([40]) invite à examiner la possibilité d’accorder à certaines coopératives le bénéfice des règles fiscales applicables aux organismes à but non lucratif. D’après cette analyse, une telle évolution pourrait se justifier dans le cas des SCIC, dans la mesure où leur statut les prive tant des avantages des associations et que de ceux réservés aux sociétés commerciales alors que certaines réalisent des activités non lucratives.

Proposition n° 9 : Veiller à l’équité du traitement fiscal des coopératives susceptibles d’être qualifiées d’organismes à but non lucratif.

2.   Une supervision institutionnelle à renforcer

Il s’agit en l’occurrence de déterminer l’appui que peuvent trouver les coopératives et les associations dans leurs rapports avec les collectivités publiques, ainsi qu’auprès des organismes développés pour la structuration de l’ESS dans le cadre de la mise en œuvre de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014. Dans une certaine mesure, les travaux de votre Rapporteure conduisent à réitérer des doutes existants quant à l’impulsion donnée par l’État et les collectivités territoriales et aux ressources destinées à l’accompagnement de l’économie sociale et solidaire.

a.   Une capacité d’impulsion incertaine de l’État et des collectivités territoriales

● S’agissant de l’État, les interrogations portent sur la capacité des instances et services ministériels dont les compétences touchent à l’économie sociale et solidaire à peser sur l’élaboration des politiques de l’État destinées à son développement.

Depuis juillet 2020 et la nomination du premier gouvernement de M. Jean Castex, l’architecture ministérielle comprend un secrétariat d’État à l’économie sociale, solidaire et responsable ([41]). Devant votre Rapporteure, l’ensemble des acteurs de l’ESS ont exprimé la satisfaction de voir ainsi pérenniser une fonction longtemps demeurée sans titulaire de rang gouvernemental ([42]). De leur point de vue, l’existence du secrétariat d’État marque une reconnaissance du secteur et offre la possibilité de disposer un interlocuteur et d’un relais parmi les décideurs publics.

En réalité, l’influence réelle du secrétariat d’État paraît fondamentalement tributaire de son positionnement dans le processus décisionnel, ainsi que des ressources mises à sa disposition aux plans administratif et budgétaire.

Ainsi que le soulignait M. Benoit Hamon, en sa qualité d’ancien ministre et d’artisan de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014, le décret d’attribution détermine pour beaucoup la capacité d’action au sein du Gouvernement ([43]). De fait, ce texte fixe les administrations et services sur lequel un membre du Gouvernement peut exercer son autorité ou dont il peut disposer. Dans cette optique, l’intérêt du placement auprès de la Première ministre depuis juillet 2022 peut être relativisé. Certaines personnes auditionnées y voient l’opportunité de promouvoir un traitement interministériel des questions relatives à l’ESS, la secrétaire d’État se trouvant par exemple en position d’exercer une vigilance quant aux textes élaborés. D’autres intervenants estiment que le rattachement au ministère de l’Économie et des Finances comportait l’avantage de donner accès à des ressources matérielles et d’une proximité avec les politiques publiques touchant aux intérêts essentiels de l’économie sociale et solidaire.

Compte tenu du délai court qui sépare le présent rapport de l’installation du Gouvernement, votre Rapporteure n’entend pas trancher ce débat. Elle estime d’abord nécessaire que le Parlement puisse examiner régulièrement les actions du secrétariat d’État. En outre, il importe que les administrations sur lesquelles reposent les politiques menées en faveur de l’ESS soient dotées des ressources nécessaires au développement du secteur. Au plan pratique, cela pose la question des effectifs du Pôle de l’économie sociale et solidaire et de l’investissement à impact (PESSI) au sein de la direction du Trésor, ainsi que de la Direction de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA).

● S’agissant des collectivités territoriales, les éléments recueillis montrent des rapports très inégaux avec les collectivités territoriales.

De manière générale, il existe une certaine proximité et connaissance avec les associations de la part des municipalités. En revanche, l’intérêt et le soutien des coopératives paraissent devoir fluctuer suivant l’importance prise par l’ESS dans le tissu économique, ainsi que du fait des cultures locales. Si la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 charge les représentants de l’État et les conseils régionaux d’organiser tous les deux ans d’une conférence régionales de l’économie sociale et solidaire ([44]), certaines collectivités régionales se distinguent par les initiatives prises en ce domaine.

D’après M. Jérôme Saddier, Président d’ESS France, il en va ainsi de la Bretagne et de la région Auvergne Rhône-Alpes. En revanche, une collectivité comme la région Ile-de-France peut être considérée comme quelque peu « en arrière de la main », notamment du point de vue de sa capacité à institutionnaliser des rapports avec l’écosystème de l’ESS et à dégager des ressources utiles au financement de projet comportant une dimension d’innovation sociale.

b.   Des instances à outiller pour l’accompagnement des coopératives et des associations

De fait, l’examen de la situation des coopératives et des associations souligne un besoin persistant de capacités d’ingénierie, soit en conséquence d’effectifs trop restreints, soit faute de compétences adéquates et renouvelées. De tels manques exposent les structures à plusieurs problèmes majeurs : en premier lieu, une difficulté à suivre et à appliquer le droit en vigueur ; en second lieu, une capacité inégale à monter des projets et satisfaire sans mobilisation excessive des ressources à l’obligation de rendre compte des prestations réalisées et des résultats obtenus, en particulier dans le cadre d’appels d’offres ou d’appels à projets ; en dernier lieu, la nécessité d’un effort disproportionné pour présenter des candidatures à l’obtention d’un marché public ou obtenir des financements.

Sur ce plan, l’accès aux ressources des fonds européens ([45]) se révèle problématique, en particulier pour les associations. D’après l’ensemble des interlocuteurs interrogés dans le cadre des présents travaux, l’organisation de la gestion des fonds peut revêtir un caractère dissuasif en ce qu’elle comporte au moins deux écueils : premièrement, la complexité des formalités à accomplir et le suivi des procédures, qui nécessitent un travail important et parfois sans rapport avec les subsides obtenus ; deuxièmement, le délai entre, d’une part, l’acception des dossiers et l’accomplissement des prestations, et d’autre part, le versement des aides, ce qui pèse sur les trésoreries. Dans ces conditions, le recours aux fonds européens peut ne pas présenter d’intérêt pour de petites structures de l’économie sociale et solidaire.

Comme d’autres observateurs, votre Rapporteure ne peut qu’encourager les pouvoirs publics à examiner les voies d’une simplification de la gestion de ces ressources. Si la complexité souvent ressentie peut trouver son origine dans les obligations fixées par les règlements communautaires, elle tient peut-être aussi aux procédures formalisées par la France dans le cadre de la décentralisation de l’administration des fonds européens.

Au-delà, répondre aux besoins d’ingénierie des coopératives et des associations suppose de donner pleine efficacité aux dispositifs destinés à structurer et à implanter l’économie sociale et solidaire à l’échelle locale dans le cadre fixé par la « loi Hamon ».

● Cette exigence vaut, en premier lieu, pour les dispositifs locaux d’accompagnement (DLA), structures perçues comme utiles mais qui se heurtent à un manque de ressources.

En application du décret n° 2015-1103 du 1er septembre 2015 ([46]), les DLA ont pour finalité « la création, la consolidation, le développement de l’emploi et l’amélioration de la qualité de l’emploi par le renforcement du modèle économique de la structure accompagnée, au service de son projet et du développement du territoire ». Principalement destinées aux associations, les actions proposées consistent en des missions d’ingénierie sur leurs projets stratégiques, leur organisation et leurs compétences internes, leur modèle économique, leurs projets de regroupements et de partenariats.

À l’échelle du pays, le dispositif se compose de 103 DLA départementaux, 17 DLA régionaux, 7 centres de ressources en appui des DLA nationaux ([47]) et un animateur national (fonction portée par l’AVISE ([48]) ). Les ressources proviennent d’un cofinancement entre l’État, la Banque des territoires, les fonds européens, les conseils régionaux, les conseils départementaux, ainsi que d’autres collectivités et acteurs.

L’ensemble des acteurs interrogés dans le cadre des présents travaux s’accordent sur la capacité des DLA à proposer un accompagnement utile aux coopératives et structures de l’ESS. Toutefois, ils estiment que les moyens disponibles ne permettent que des interventions relativement limitées au regard des besoins.

De fait, les documents remis par ESS France ([49]) font état de 5 612 structures accompagnées en 2021, effectifs en progression de 3,47 % par rapport à 2020 ([50]). Le nombre des prestations d’ingénieries (prestations externes) connaît une croissance de 14,5 % sur un an (avec 2 539 prestations réalisées en 2021 contre 2 171 en 2020). Ces dernières consistent pour l’essentiel en des prestations d’ingénierie individuelles (1 910 prestations contre 629 prestations d’ingénierie collectives).

En comparaison, on notera que le montant des financements accordés aux DLA (toutes structures confondues) augmente de 7,1 % (représentant un budget de 26,66 millions d’euros en 2021, contre un peu moins de 25,130 millions d’euros en 2020). L’effectif total des effectifs salariés des structures DLA s’élevait à 210 personnes en 2021 (dont 165 équivalents temps pleins dans les DLA départementaux, 23 ETP dans les DLA régionaux, 16,8 ETP dans les centres de ressources). D’après plusieurs témoignages des personnes auditionnées, on observerait dans certaines structures une assez forte rotation parmi les personnels, à raison du caractère répétitif des missions et du niveau des salaires.

Conformément aux appréciations portées sur la programmation budgétaire 2023, votre Rapporteure estime qu’il importe d’accorder aux DLA des moyens en rapport avec leur rôle, ce qui suppose un effort de chacun des cofinanceurs. Alors que le montant de la contribution de l’État a crû de 22,5 % pour les DLA départementaux et de 28,4 % pour les DLA régionaux, on observe une évolution plus contrastée des financements apportés par d’autres partenaires. S’agissant de la Banque des Territoires, la contribution allouée aux DLA départementaux recule de 3,9 % entre 2020 et 2021 pour s’établir à 4,65 millions d’euros, soit un niveau inférieur à celui observé en 2019. Dès lors, il importe de réviser la contribution de chacun des partenaires.

Proposition n° 10 : accroître les ressources allouées par l’État aux DLA et financer un centre ressources « innovation sociale » ainsi qu’un centre ressource « transformation, reprise et création de coopératives ».

● Dans une certaine mesure, les chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (CRESS) font face à des difficultés analogues compte tenu de leurs ressources.

Instituées par la loi Hamon ([51]), elles assument une fonction de représentation et de défense des intérêts relatifs au développement des entreprises de l’ESS. À ce titre, elles se voient confier l’accomplissement de six missions ainsi définies par le législateur :

Or, les éléments recueillis par votre Rapporteure suggèrent que nombre de chambres régionales ne peuvent jouer pleinement leur rôle de structuration d’un tissu des opérateurs économiques de l’ESS. Suivant M. Sébastien
Chaillou-Gillette, directeur général de la CRESS d’Île-de-France, le champ de la prospection économique et de la cartographie du tissu des entreprises de l’économie sociale et solidaire resterait ainsi encore largement inexploré.

En soi, les difficultés rencontrées par les CRESS semblent résulter de facteurs à la fois financiers et organisationnels.

D’une part, les ressources allouées aux chambres peuvent être jugées assez insuffisantes. D’après les données évoquées par son directeur général, le budget de la CRESS d’Ile-de-France s’élève à environ 1 million d’euros, dont 0,1 million d’euros versé par l’État et 0,2 million d’euros accordés par la région). Un rapport spécial sur la loi de règlement pour 2020 notait déjà que « les CRESS disposent d’environ 50 fois moins de ressources que les chambres de commerce et d’industrie ou que les chambres de métiers, avec seulement 7 à 15 salariés » ([52]).

D’autre part, les chambres régionales ne bénéficient pas d’un statut institutionnel leur permettant de revendiquer un rôle équivalent à celui des chambres de commerce et d’industrie ou les chambres des métiers. En droit, la loi Hamon spécifie en effet que les CRESS exercent leurs prérogatives, « sans préjudice des missions des organisations professionnelles ou interprofessionnelles et des réseaux locaux d’acteurs ». Au plan pratique, il en résulte qu’elles ne prennent pas nécessairement part à des procédures d’immatriculation ou à des circuits d’information qui leur permettraient de jouer un véritable rôle auprès des opérateurs économiques de l’ESS.

Du point de vue de votre Rapporteure, la situation des CRESS nécessite a minima une revalorisation des financements assis sur les crédits du budget général de l’État. Rien n’interdit néanmoins d’envisager des mesures plus structurelles, telles que l’établissement d’une coopération institutionnelle entre CRESS et CCI, voire l’organisation du financement de certaines missions sur le modèle des ressources procurées aux chambres consulaires.

Proposition n° 11 : Accroître les crédits budgétaires accordés aux chambres régionales de l’économie sociale et solidaire – Examiner la possibilité d’une coopération institutionnelle avec les chambres de commerce et d’industrie ou le financement de certaines missions sur le modèle des chambres consulaires.

● Dans une même démarche d’accompagnement des associations relevant de l’économie sociale et solidaire, il pourrait être envisagé de relancer la création de fonds territoriaux de développement associatif.

Prévues par la loi Hamon ([53]), ces structures ont pour objet le financement par les associations d’actions communes, de programmes mutuels de recherche et de développement ou encore de cours de formation. Au terme de ses travaux, votre Rapporteure ne dispose pas d’information sur l’état des fonds existant. Toutefois, le dispositif ne paraît pas sur le principe dépourvu d’intérêt dans la mesure où il offre un cadre souple de mutualisation des moyens.

Dans l’esprit de votre Rapporteure, cela ne dispense pas pour autant l’État d’assumer les responsabilités qui sont les siennes dans le financement des actions de formation et de soutien à la vie associative portées par le Fonds de développement pour la vie associative (FDVA).

Proposition n° 12 : Améliorer les conditions d’information des structures associatives de l’ESS, par le biais d’une relance des fonds territoriaux de développement associatif.

B.    Des modes de financement innovants à promouvoir, une régulation prudentielle à renouveler

Le propos n’est pas ici d’explorer les voies d’un développement du secteur privé au financement de l’économie sociale et solidaire. Aux yeux de votre Rapporteure, contribuer à l’émergence d’un tiers secteur relève d’une nécessité d’ordre public qui justifie l’investissement de l’État et des collectivités territoriales.

Il s’agit de donner aux coopératives et aux associations les moyens de surmonter les difficultés pratiques auxquelles les expose un modèle économique singulier mais qui comportent ses exigences. De fait, l’investissement en capital constitue un premier obstacle au développement des coopératives et l’accès des associations à des modes classiques de financement et à l’endettement ne va pas de soi. Dans ces difficultés, les caractéristiques de l’organisation des structures, ainsi que la nature de leur activité et de leur ressource peuvent entrer en ligne de compter et peser sur l’appréciation sur la valeur dégagée par les coopératives et les associations. Ce constat a pu conduire le mouvement coopératif à créer ses propres fonds d’investissement, à l’exemple des instruments proposés par France Active. Mais il existe aussi des biais de perception d’ordre culturel et des imperfections de marché.

Aussi, apparaît-il nécessaire d’explorer les voies et moyens qui permettraient aux coopératives et aux associations de prétendre à des modalités de financement en rapport avec leurs spécificités et leurs moyens. Dans cet esprit, le rapport présente quatre orientations complémentaires.

1.   Assurer l’efficacité des outils des lois relatives à l’ESS et aux coopératives

La première orientation consiste à utiliser pleinement les instruments conçus dans le cadre de la « loi Hamon » et de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 afin de conforter les fonds propres et autoriser le financement des coopératives et associations. À cet effet, ces textes prévoient :

– la mise en place de fonds de développement coopératif ([54]) : aux termes de la loi, leur mission est de soutenir la création de sociétés coopératives, de prendre des participations dans des sociétés coopératives et de financer des programmes de développement et des actions de formation ;

– l’émission de titres participatifs ([55]) : ouverts aux coopératives, ces titres offrent une rémunération qui comporte une partie fixe et une partie variable ; ils ne sont remboursables qu’en cas de liquidation de la société ou, à son initiative ; ils constituent donc des quasi-fonds propres ;

– l’émission de certificats coopératifs d’investissement ([56]) : titres comportant des droits pécuniaires attachés à une part de capital et librement négociables, ils ne donnent pas de droit de vote et sont émis pour la durée de la société ; ils offrent une rémunération déterminée chaque année par l’assemblée générale en fonction des résultats de l’exercice ;

– des obligations ou titres associatifs ([57]) : les associations qui exercent une activité économique effective depuis au moins deux années peuvent émettre deux types d’obligations : des obligations de forme classique, remboursables à l’initiative du prêteur ou à une échéance convenue ; des titres associatifs dont le remboursement peut intervenir à l’initiative de l’émetteur ou « à une échéance conditionnée à la constitution, depuis la date de l’émission, d’excédents dépassant le montant nominal de l’émission, nets des éventuels déficits constitués durant la même période » ([58]).

Des auditions, il ressort que deux limites peuvent restreindre l’intérêt de ces titres pour un investisseur en quête exclusive de rendement.

Il s’agit, en premier lieu, des modalités et du niveau de rémunération. S’agissant des titres associatifs, l’article L. 213-9 du code monétaire et financier plafonne la rémunération due aux souscripteurs éventuels des obligations et des titres associatifs. Le taux d’intérêt stipulé dans le contrat d’émission des titres associatifs ne peut être supérieur au taux moyen du marché obligataire du trimestre précédant l’émission, majoré d’une rémunération fixée par arrêté du ministre chargé de l’économie, dans la limite de trois points pour les obligations et de 2,5 points pour les titres associatifs. En application d’un arrêté du 15 octobre 2021 ([59]), la majoration maximale pour les titres associatifs a été portée de 200 à 250 points.

Cependant, la remontée des taux d’intérêts pourrait rendre ce type de placements moins attractifs. Par ailleurs, le titre associatif est un outil de financement adapté pour les associations de taille importante et qui ont une visibilité sur leur activité à moyen et long terme. Il s’agit d’associations qui ont un modèle économique et dépendent marginalement de subvention.

En second lieu, il convient de considérer les contraintes qui peuvent entourer le remboursement des titres. Pour certains d’entre eux, la restitution des fonds investis ne peut intervenir qu’à l’échéance de sept années ou dépend de la capacité de la structure bénéficiaire à dégager des excédents.

Du point de vue de votre Rapporteure, un relèvement de la rémunération des titres ne représente pas nécessairement une option souhaitable ou crédible, tant au regard des finalités des modèles coopératifs et associatifs que des exigences de rentabilité qu’impliquerait une telle mesure. En revanche, on peut envisager les moyens de mieux garantir les investissements réalisés, selon des modalités à définir.

Proposition n° 13 : Améliorer les garanties de remboursement des titres de financement prévus pour les associations et les coopératives.

2.   Parfaire l’organisation d’une véritable « épargne solidaire réglementée » au bénéfice des coopératives et des associations relevant de l’ESS

● Explorée par plusieurs acteurs de l’économie sociale et solidaire, cette orientation peut être justifiée par le constat du développement assez soutenu de ce que l’on appelle la finance solidaire. De manière usuelle, ce vocable désigne l’ensemble des placements destinés à financer des structures ou actions ayant pour objet la défense d’une cause ou la réalisation d’un projet à finalité éthique et/ou social. Les buts poursuivis se révèlent très variés, de la promotion des énergies renouvelables en passant par le développement du commerce équitable, le soutien à des structures de logement social ou d’insertion.

D’après les statistiques publiées par l’association FAIR, l’encours total placé dans l’épargne ou la finance solidaires atteignait 24,5 milliards d’euros en 2021 contre 20,347 milliards d’euros en 2020. Ce montant correspond à une croissance de 26,6 % sur un an, soit un rythme de progression à peine moins soutenu que celui mesuré entre 2020 et 2021 (+ 33 %). L’essor de la finance solidaire date du début de la décennie 2010 et a connu une certaine accélération. Les fonds récoltés auront généré 690 millions d’euros de financement solidaire et permis de verser 4,3 millions d’euros aux associations sous forme de dons.

On notera toutefois, l’encours de la finance solidaire ne représente que 0,41 % de l’épargne financière de la population française. Quoiqu’il enregistre une hausse de 13,8 %, ce ratio invite en soi à s’interroger sur les moyens de stimuler le développement d’une ressource qui pourrait être utile au soutien des associations voire des coopératives.

 La réalisation de cet objectif suppose à l’évidence des circuits financiers efficaces et transparents.

De fait, il existe aujourd’hui un certain nombre de produits financiers destinés à permettre l’investissement dans la finance ou l’épargne solidaire et qui s’adressent aux particuliers, aux entreprises et aux salariés.

Citons en particulier les fonds dits « 90/10 », lequel permet de consacrer 10 % des sommes placées à la souscription des produits participant de l’épargne solidaire et 90 % à des investissements dans des titres plus conventionnels. Depuis la loi n° 2001-152 du 19 février 2001 ([60]), les salariés disposent d’un accès à des fonds dits « 90/10 » par le biais des mécanismes d’épargne salariale. Les personnes physiques ou morales peuvent aussi y investir par le biais des comptes titres, des PEA ou des contrats d’assurance-vie. Le fonds 90/10 suit alors le fonctionnement propre au type de placement choisi.

Suivant une logique analogue, les sommes épargnées sur les livrets de développement durable et solidaire (LDDS) ([61]) peuvent servir à effectuer un don à une entreprise de l’économie sociale et solidaire. Les établissements bancaires doivent proposer chaque année aux souscripteurs une liste d’au moins 10 entreprises de l’économie sociale et solidaire en vue d’un versement direct aux organismes.

La « loi PACTE » ([62]) de 2019 comporte deux dispositions susceptibles d’apporter des ressources nouvelles ou une meilleure visibilité au bénéfice de l’économie sociale et solidaire :

– l’obligation de proposer aux souscripteurs d’une assurance-vie, à compter de 2022, des produits comportant au moins une unité de compte (UC) labellisée « investissement socialement responsable » (« label ISR »), une UC destinée à financer la transition énergétique (« label TEEC ») et une UC « solidaire » (pouvant être orientée notamment par le « label Finansol » et par l’agrément Esus) ;

– l’obligation d’une meilleure information des souscripteurs sur la part réelle de leur épargne allouée à la transition écologique et/ou solidaire.

Si ces outils peuvent être jugés utiles, l’importance des sommes dégagées au bénéfice de l’ESS n’en apparaît pas moins aléatoire, tributaire des opérations de placement réalisées, ainsi que du degré d’information des investisseurs. Aussi il paraît plus expédient d’envisager la modification du système des livrets d’épargne réglementés afin de contribuer au financement direct des coopératives et des associations, sous réserve de garanties à définir. L’association FAIR préconise ainsi d’étendre la faculté du don solidaire au livret A, le plus répandu, ce qui permettrait une centralisation auprès de la Caisse des Dépôts et consignation et de donner plus de sens à l’épargne déposée sur le livret A.

Proposition n° 14 : Modifier le dispositif des livrets d’épargne réglementée afin contribuer au financement des coopératives et des associations de l’ESS. Étendre la faculté du don solidaire au livret A.

3.   Accroître l’investissement de la Banque des Territoires et de la Banque publique d’investissement dans le champ de l’ESS

L’affirmation de cet objectif découle du constat qu’en l’état, la contribution effective de la Banque des Territoires et de la Banque publique d’investissement (BPI France) présente un caractère sans doute perfectible.

Certes, les deux entités publiques ou de statut parapublic mobilisent des ressources susceptibles de concourir au développement de ces deux familles de l’économie sociale et solidaire.

Ainsi, l’action de la Banque des territoires, ancien service de la Caisse des Dépôts et consignations, repose sur l’utilisation d’outils financiers destinés à stimuler l’investissement dans leurs structures et à renforcer le « haut de bilan ». On y trouve notamment : des prêts subordonnés ou participatifs ; des prises de titres associatifs ou participatifs, d’obligations ; des obligations convertibles, de comptes courants d’associés ; des investissements dans les contrats à impact ; des investissements intermédiés par le biais de fonds d’impact et de fonds de partage.

Les interventions de « BPI France » consistent pour l’essentiel en :

– l’apport de garanties, notamment avec le relais de France active : pour l’exercice 2023, BPI France est ainsi amenée à élargir son offre de garantie « relance » afin d’augmenter le volume des engagements financiers pris par les investisseurs au profit des structures de l’ESS, surtout les associations employeuses.

– l’investissement dans des fonds intermédiés, tels que le fonds d’innovation sociale FISO 2 ([63]), le fonds à impact coopératif ([64]) ou le fonds à impact ([65]).

D’après le tableau dressé par M. Stéphane Hayez, directeur adjoint des partenariats, de la création et de l’action territoriale, l’établissement propose aussi des prêts sur l’honneur.

Cela étant, même si les instruments employés peuvent exercer des effets de levier important, le soutien apporté à l’économie sociale et solidaire peut être considéré comme assez relatif. D’après les chiffres communiqués au cours des auditions, les montants investis par BPI France dans les fonds à impact s’élèvent à 250 millions d’euros en dix ans. Depuis le plan de relance engagé en 2020, la Banque des territoires se fixe l’objectif d’investir, de manière directe et indirecte, 100 millions d’euros par an dans l’économie sociale et solidaire en général, au-delà d’engagements contractuels avec l’État.

Du point de vue de votre Rapporteure, un tel bilan soulève deux types de questionnements. Le premier questionnement porte sur le positionnement de la Caisse des Dépôts et de BPI France vis-à-vis de l’économie sociale et solidaire. Plusieurs déclarations de leur représentant donnent en effet à penser que le développement du secteur ne fait pas en tant que tel partie des objectifs poursuivis.

Ainsi, la Banque des territoires investit surtout en considération des objectifs généraux que lui assigne le Gouvernement dans cinq domaines d’intervention : la santé et le médico-social ; l’inclusion numérique et administrative ; l’éducation et la formation ; l’économie de proximité (tiers lieux, insertion par l’activité économique) ; la transition alimentaire.

Pour leur part, les représentants de la BPI ont rappelé que leur établissement demeurait assujetti au cadre prudentiel et normatif applicable aux banques et qu’ils appréciaient sur cette base les dossiers qui leur étaient présentés.

Le traitement presque indifférencié des structures de l’ESS et l’intervention indirecte dans leur financement expliquent peut-être une certaine inadaptation des financements proposés. Suivant une observation réitérée devant votre Rapporteure, l’offre assurée par la BPI peut présenter deux défauts au regard des besoins exprimés : en premier lieu, des montants trop élevés s’agissant des opérations couvertes pour financement ; en second lieu, des critères de solvabilité et des garanties demandées pas nécessairement pertinentes étant donné le statut et « le modèle économique ».

C’est la raison pour laquelle votre Rapporteure préconise une évolution des missions et objectifs assignées ou convenus entre l’État d’une part, et d’autre part la Caisse des Dépôts et BPI France.

Proposition n° 15 : Inscrire le soutien aux coopératives et aux associations de l’ESS parmi les missions légales de la Banque publique d’investissement et les objectifs poursuivis par la Banque des Territoires. Réviser les conditions d’intervention.

Le second questionnement concerne la proximité que la Banque des territoires et BPI France peuvent entretenir avec les enjeux du développement de l’économie sociale et solidaire. Certes, la Caisse des dépôts a historiquement pris part à la création d’acteurs majeurs comme France active ou à l’installation de structures financières spécifiques comme les fonds d’épargne salariale solidaire. De même, la BPI travaille avec des réseaux d’accompagnements à la création.

Toutefois, il ressort également des déclarations de leurs représentants qu’il n’existe pas à proprement parler, au sein des organisations, d’équipes ou d’interlocuteurs, spécialement chargé du suivi des questions touchant à l’économie sociale et solidaire. Cette situation ne paraît pas illogique dès lors que l’économie sociale et solidaire fait l’objet d’un traitement indifférencié. Du point de vue de votre Rapporteure, elle constitue une lacune.

Proposition n° 16 : Inciter la Caisse des Dépôts et consignation et la Banque publique d’investissement à dédier des personnels formés à l’ESS et aux enjeux de son financement.

4.   Intégrer des normes comptables extra-financières dans la comptabilité des coopératives et des associations

Dans un contexte où le dérèglement climatique et la crise énergétique exercent une pression sur les ressources naturelles, les aspirations à l’harmonie entre les hommes entre eux et avec les natures, renouvellent les besoins sociaux. Nature et humanité, impacts écologiques et impacts sociaux, font partie intégrante de la richesse. C’est dans cette logique d’avenir qu’il importe de prendre en considération l’ensemble des externalités positives et négatives qui peuvent entourer les activités humaines. C’est tout l’esprit des travaux destinés à concevoir une comptabilité ne reposant pas exclusivement sur des critères financiers.

À l’évidence, une telle démarche peut prêter à débat et se heurter à des écueils méthodologiques, mais des travaux récents montrent que des avancées sont possibles.

Ainsi, les établissements bancaires d’importance systémique procèdent actuellement à une revue de leurs engagements, en considération des exigences du développement durable et de la transition écologique. Cette démarche répond à une demande adressée en 2021 par la Banque centrale européenne. Elle vise à déterminer dans quelle mesure la valeur des entreprises et actifs financés pourrait être affectée par la réalisation de risques climatiques. D’après M. Stéphane Hayez, ses travaux ouvrent aujourd’hui la perspective de la mise en place d’un appareil méthodologique et de critères pour déterminer ce qui peut être financé. L’application de nouveaux standards dans l’appréciation du risque exigerait cependant une adaptation de la loi bancaire.

Du point de vue de votre Rapporteure, cette possible évolution ne rend que plus crédible et souhaitable une réflexion tendant à une meilleure appréciation au plan comptable des spécificités des coopératives et associations.

Proposition n° 17 : Travailler à l’établissement de normes comptables susceptibles de mieux rendre compte de la valeur des coopératives et des associations au regard des externalités positives produites par leur modèle.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 12 octobre 2022, la commission a procédé à l’examen pour avis, sur le rapport de Mme Sophia Chikirou, des crédits du programme « Économie sociale et solidaire » de la mission « Économie ».

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. Mon rapport concerne le financement de l’économie sociale et solidaire (ESS), porté, depuis 2021, par l’action 04 du programme 305. L’action 04 ne reflète pas, néanmoins, l’ensemble de l’effort budgétaire fourni pour le secteur, car d’autres missions et programmes peuvent contribuer à son développement. Afin de mener à bien ma mission, j’ai pu compter sur de nombreux acteurs de l’ESS, des têtes de réseau, des acteurs de terrains, des responsables de banque, des financeurs, des personnalités éminentes comme l’ancien ministre Benoit Hamon, des représentants d’administration et de syndicats de travailleurs. Malheureusement, je n’ai pas pu auditionner la secrétaire d’État chargée de l’économie sociale et solidaire et de la vie associative, Mme Marlène Schiappa.

C’est d’autant plus regrettable qu’il semble que, parmi les acteurs auditionnés, aucun – sauf M. Jean-Marc Borello – n’ait été consulté par la secrétaire d’État ou son cabinet pour établir la feuille de route ministérielle dédiée à l’ESS. C’est donc – ironie du sort – M. Borello et le pôle chargé du financement à la direction générale du Trésor qui m’ont permis de comprendre et d’analyser la volonté du Gouvernement.

Les choix opérés sont très inférieurs aux besoins et ne suffiront pas à relever les défis.

À l’action 04 sont inscrits 20,69 millions d’euros en crédits de paiement pour accompagner et développer l’ESS en 2023. La vérité oblige à dire que la programmation 2023 reflète un manque d’ambition pour l’ESS, voire l’absence de prise en compte des situations d’urgence. Si les crédits ont augmenté de 7,5 % par rapport à 2022, c’est en réalité parce que les orientations intérieures ont été reconduites. Le financement des dispositifs locaux d’accompagnement (DLA) stagne, tout comme celui des têtes de réseaux. La création d’une sous-action ne se traduit par aucun moyen supplémentaire pour les pôles territoriaux de coopération économique. Dès lors, la programmation budgétaire 2023 est une tacite reconduction des budgets antérieurs : l’inflation n’est pas prise en compte, non plus que les attentes des bénéficiaires, qui ont déjà du mal à mener à bien les missions qui leur sont confiées par la loi.

La programmation budgétaire fait l’impasse sur trois défis décisifs. Premièrement, elle ne prend pas en compte la nécessité impérieuse d’anticiper les recrutements, d’améliorer les conditions de travail, de renforcer la formation professionnelle dans des secteurs aussi essentiels que le médico-social et le sanitaire. Tous les acteurs auditionnés s’inquiètent de l’insuffisance des salaires, de la pénibilité de certains métiers, de la précarité des carrières et du vieillissement des personnels, qui sont autant de freins à l’attractivité de l’ESS.

Deuxièmement, elle ignore le défi des besoins d’accompagnement et de financement, indispensables pour valoriser et reconnaître les projets d’innovation sociale.

Troisièmement, en matière de planification écologique, comment se fait-il que l’ESS, pourtant à l’avant-garde des initiatives en matière d’agriculture, de réemploi, de distribution, d’énergie renouvelable, de transport collectif, ne se voie confier aucun rôle ni attribuer aucun budget dans un plan national pour l’écologie ? Le secrétariat d’État est pourtant rattaché à la Première ministre en charge de la planification écologique.

L’insuffisance des moyens programmés, l’impasse faite sur des sujets d’avenir pour l’ESS m’amènent à émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits de l’action 04 du programme 305.

L’économie sociale et solidaire est une économie territoriale – la très large majorité des emplois ne sont pas délocalisables –, innovante d’un point de vue écologique et social, et citoyenne, car utile au plus grand nombre. Ceux, ici, qui siègent dans des collectivités territoriales connaissent l’importance de l’ESS. C’est dans cette optique que j’ai choisi comme thème de mon rapport le soutien public apporté aux coopératives et aux associations.

Les coopératives et les associations représentent plus de 2 millions d’emplois, c’est‑à-dire autant, voire plus, que le tourisme. Les personnes que j’ai auditionnées m’ont alertée sur le recours abusif à la commande publique via les appels à projets, les appels d’offres ou les appels à manifestation d’intérêt (AMI). En pratique, cette situation a des effets délétères. Ce recours a explosé dans des domaines qui, pourtant, ne devraient pas être soumis à la concurrence, comme la protection de l’enfance, les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), les centres de soins ou les centres d’accueil d’urgence. Tous les acteurs que j’ai entendus ont dénoncé une mise en concurrence inégale, au profit d’organismes lucratifs qui tirent les prix vers le bas et profitent de la prime au moins-disant. Personne n’y gagne : ni les collectivités, ni l’État, ni les citoyens. La prime devrait être plutôt donnée à des projets qui ont, de par le statut même d’association ou de coopérative, une finalité sociale.

Je recommande donc de limiter le recours aux appels d’offres et aux appels à projets et d’établir des critères adaptés aux caractéristiques de l’ESS.

Je recommande aussi de dissiper les incertitudes juridiques quant à la capacité des collectivités publiques de verser des subventions de fonctionnement aux structures associatives de l’ESS, compte tenu des exigences du droit européen. Je pense qu’il y a, en la matière, une surinterprétation des textes. J’insiste sur ce point car, lors de la crise sanitaire, c’est bien par des subventions de fonctionnement que l’État et les collectivités ont soutenu les structures de l’ESS. Cela a permis à ces dernières de bien fonctionner et de limiter les défaillances. Aujourd’hui, la poussée inflationniste fragilise les coopératives et les associations, qui se trouvent confrontées à un effet ciseau.

Je plaide aussi en faveur d’un relèvement du tarif des prestations conventionnées dans le secteur médico-social, pour pouvoir augmenter les salaires et rendre plus attractifs ces métiers. Je plaide aussi pour une augmentation de l’aide au poste pour les structures d’aide à l’insertion. J’appelle à une revalorisation globale des salaires, et même à la convocation d’une conférence salariale dans le secteur de l’ESS.

Le second enseignement de mes travaux, c’est qu’il faut rénover les statuts pour qu’un secteur tiers, à dominante non lucrative, s’affirme pleinement. La France a joué un rôle pionnier en fixant un cadre adapté au développement des coopératives et des associations, mais la diversité des formes commerciales et des statuts pourrait bien contribuer, aujourd’hui, à l’illisibilité dont l’ESS pâtit. Il pourrait être utile d’examiner la pertinence du statut des coopératives et des associations dans le champ de la loi Hamon, en vue d’une mise en cohérence et d’une révision éventuelles des textes. Un même travail pourrait s’avérer nécessaire dans le champ fiscal, afin de prévenir toute incohérence à l’égard des organismes à but non lucratif.

Sur le plan institutionnel, la priorité doit être accordée au développement de points d’appui et de relais locaux. J’ai exprimé tout à l’heure mon regret concernant la faiblesse des ressources accordées aux dispositifs locaux d’accompagnement (DLA). Ces dispositifs, qui existent depuis une vingtaine d’années, peuvent proposer un accompagnement utile aux structures de l’ESS. Mais leurs moyens ne permettent que des interventions relativement limitées au regard des besoins. C’est pourquoi je prône un accroissement des ressources allouées par l’État aux DLA, pour un effet levier auprès des collectivités et des autres financeurs.

Il conviendrait aussi de financer un centre de ressources pour l’innovation sociale ainsi qu’un centre de ressources pour la transformation, la reprise et la création des coopératives.

J’alerte sur la situation des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (Cress). Ces acteurs pourtant moteurs sont confrontés à une situation désolante à bien des égards. La vérité, c’est que les Cress sont pauvres, qu’elles n’ont pas les moyens suffisants pour mener à bien leurs missions, pourtant définies par la loi. Cela résulte de facteurs institutionnels et financiers. Je préconise donc d’accroître les crédits budgétaires accordés aux Cress et d’établir une coopération institutionnelle avec les chambres de commerce et d’industrie (CCI). Je n’écarte pas l’hypothèse d’un financement de certaines missions des Cress sur le modèle des chambres consulaires.

Les auditions que j’ai menées me permettent de dénoncer les obstacles illégitimes au financement des structures de l’ESS. En effet, les coopératives et les associations se heurtent à une surestimation de leur risque financier et, surtout, à une mauvaise connaissance de leur modèle économique. Je propose donc de veiller à l’efficacité des instruments de financement qui existent déjà, comme les titres associatifs et les titres participatifs. Je propose aussi de parfaire l’organisation d’une véritable épargne solidaire réglementée.

En dernier lieu, je tiens alerter sur le fait que les deux financeurs publics que sont la Banque des territoires et BPIFrance ne sont pas en mesure de répondre aux attentes et aux besoins du secteur de l’ESS. BPIFrance avait, dans ses missions, le financement de l’ESS ; ce n’est plus le cas depuis 2014. L’organisme traite désormais de façon indifférenciée les structures de l’ESS et leur propose des offres de prêts ou de garanties, soit surdimensionnées, soit inadaptées aux besoins. Je propose donc deux mesures : inscrire le soutien aux coopératives et aux associations de l’ESS parmi les missions légales de BPIFrance et les objectifs de la Banque des territoires ; réviser les conditions d’intervention.

Enfin, une grande ambition, mais aussi un chantier d’ampleur, serait d’établir une comptabilité extrafinancière. Celle-ci permettrait de mieux valoriser l’utilité sociale et écologique des coopératives et des associations. Je vous remercie de votre attention.

 

Présidence de M. Guillaume Kasbarian, président de la commission.

 

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Alexis Izard (RE). Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit de porter le montant des crédits de l’action 04 du programme 305 à 19,22 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) – en hausse de 0,093 % – et à 20,69 millions en crédits de paiement (CP) – en hausse de 7,5 %. Vous avez l’honnêteté de le reconnaître, Madame la rapporteure, les crédits s’établissent à un niveau élevé et dépassent les inscriptions de la loi de finances pour 2020. Comme en 2022, les priorités seront le soutien aux structures de l’ESS, le soutien à l’investissement à impact social (IIS) et le développement international de l’ESS.

Par ailleurs, le dispositif des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) sera pérennisé, consécutivement au lancement de la seconde phase de l’appel à projets, fin 2022.

Le soutien apporté par l’État à l’ESS ne saurait être mesuré à l’aune de cette seule action. En effet, ce modèle économique singulier regroupe à la fois des entreprises, des associations ou encore des coopératives agricoles dans des secteurs aussi différents que les sports et loisirs, l’hébergement et la restauration ou les activités financières. Il convient ainsi de noter que le programme 163 Jeunesse et vie associative de la mission Sport, jeunesse et vie associative concerne aussi l’ESS, puisqu’il octroie 58 millions d’euros en AE au développement de la vie associative. Je note aussi que les CP du programme 102 Accès et retour à l’emploi de la mission Travail et emploi sont en hausse modérée. Par ailleurs, la loi de finances pour 2022 a confié au Fonds pour le développement de la vie associative (FDVA) la responsabilité d’attribuer aux associations une part des fonds anciennement versés au titre de la réserve parlementaire. Ils atteindront 15 millions d’euros en 2023.

Je salue la création de la sous-action 03 Pôles territoriaux de coopération économique. Les PTCE permettent d’associer différents acteurs – organismes de formation, entreprises, citoyens ou associations – pour élaborer et porter un projet local, créer des emplois non délocalisables. Au nombre de 120, ils revitalisent bon nombre de territoires. Nous souhaitons passer à l’échelle supérieure avec le financement de quinze PTCE leaders, chargés d’accompagner les PTCE émergents.

Le groupe Renaissance votera en faveur de l’adoption des crédits et s’opposera à l’ensemble des amendements.

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. Dans mon rapport, je propose justement qu’un document budgétaire permette d’identifier tous les crédits qui financent l’ESS – tous les crédits associatifs ne participent pas à son financement. Je propose aussi la création d’un centre de formalités des entreprises (CFE) qui permettrait de distinguer les structures qui relèvent de l’ESS de celles qui n’en relèvent pas. Ainsi, les entreprises à mission sont comptabilisées comme appartenant à l’ESS par la Caisse des dépôts et absorbent des crédits normalement dévolus à l’ESS.

Mme Géraldine Grangier (RN). La crise actuelle est révélatrice des échecs, des insuffisances, des inégalités sociales et environnementales et des menaces stratégiques. L’ESS lui oppose un certain pouvoir de transformation. Elle constitue une alternative nécessaire pour entreprendre, fondée sur une économie fonctionnant à l’énergie citoyenne, centrée sur des besoins d’intérêt collectif, engagée dans l’atténuation des inégalités et la transition écologique.

L’ESS se veut à l’avant-garde des mutations que doit engager le monde des entreprises, s’il veut assumer un rôle plus politique au service de la cité. Les structures de l’ESS, entreprises à finalité démocratique et à utilité sociale se répandent dans toute la société. Elles sont fondées sur deux grands principes, la gouvernance partagée et le partage de la valeur.

L’ESS interroge la finalité même de l’entreprise et sa responsabilité face aux crises sociale et économique. Ce sont plus de 2,6 millions de salariés et 12 millions de bénévoles qui composent l’ESS. Elle regroupe un peu moins de 10 % des entreprises et représente 10 % du PIB. L’ESS est présente dans l’ensemble des secteurs d’activité. Elle produit autant de biens que de services à partir de structures d’activités telles que les associations, les fondations, les coopératives, les mutuelles, les sociétés commerciales à finalité sociale.

Les associations et les coopératives jouent un rôle essentiel au sein de l’ESS et, malgré la crise sanitaire, la création d’associations ne faiblit pas. Toutefois, avec l’inflation de 5,6 %, la hausse accélérée de l’indice des prix à la consommation représente une menace pour les équilibres de l’ESS. Les coopératives et associations se retrouvent en difficulté : les coûts de production et les dépenses de fonctionnement connaissent une hausse qu’elles ne peuvent pas forcément répercuter sur les prix des biens et des services proposés, puisque ceux-ci dépendent le plus souvent de tarifs fixés par les collectivités publiques.

Selon Eugénie Bardin, responsable des affaires publiques d’Enercoop, une explosion des tarifs de l’énergie pourrait entraîner une distorsion de concurrence entre les entreprises, selon leur capacité à négocier leur contrat avec leur fournisseur. Le Gouvernement envisage‑t‑il de soutenir les entreprises de l’ESS face à la montée des prix de l’énergie ?

Il ressort des données de l’Observatoire national de l’ESS (Oness) que les salaires des employés des associations et des fondations sont plus faibles que ceux perçus dans le secteur privé et le secteur public, avec des écarts notables de rémunération entre les femmes et les hommes. Cette situation est inquiétante, d’autant que le désintérêt pour les métiers du sanitaire et du médico-social est réel. Ne pensez-vous pas qu’il faille procéder à une revalorisation des salaires de ce secteur afin que la belle vitrine de l’ESS ne se fendille pas ?

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. Je n’ai pas pu interroger Mme Marlène Schiappa sur le soutien que le Gouvernement entendait apporter aux structures de l’ESS mais la question d’un fonds d’urgence se pose très sérieusement : des défaillances risquent de survenir au cours de l’année 2023. Les collectivités territoriales vont faire des économies et ce sont les associations et les coopératives qui en pâtiront.

Côté salarial, les inégalités entre femmes et hommes sont flagrantes parce que les métiers de l’ESS sont souvent dans le médico-social ou dans la protection de l’enfance. Ce sont des métiers que les femmes exercent en majorité, mal considérés, avec des horaires et des conditions de travail très précaires. C’est bien évidemment anormal. Je souhaite la convocation d’une conférence salariale et j’appelle à une revalorisation des salaires.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Votre rapport souligne finement les enjeux de l’ESS comme mode de production au service des territoires, dont l’objet fait prévaloir l’humain sur le profit, avec pour priorité la réalisation d’un projet collectif. Au passage, nous regrettons que la secrétaire d’État Marlène Schiappa n’ait pas répondu à votre invitation.

Le groupe de La France insoumise votera contre l’adoption de ces crédits. Même s’ils sont en augmentation, ils ne répondent pas aux urgences pour ce secteur. Comme vous l’avez souligné, les crédits manquent de lisibilité, faute d’un pilotage cohérent au niveau interministériel.

Loin de vous limiter à l’examen des crédits, vous faites des propositions en faveur d’un secteur qui subit, certes, des difficultés liées à la situation économique, mais pâtit aussi de la faiblesse du soutien des pouvoirs publics. Et pourtant, il répond à des besoins essentiels, crée des emplois non délocalisables et représente 10 % du PIB.

Vous dénoncez la précarisation des acteurs, une situation antinomique avec les valeurs mêmes de l’ESS. Ce secteur souffre de problèmes de recrutement du fait du caractère pénible des métiers – dans les domaines de l’aide à la personne, de la petite enfance, de l’aide à domicile, de la réinsertion sociale. L’État a la responsabilité de revaloriser les salaires de ces métiers de première ligne, qui ont fait tenir notre pays durant l’épidémie de covid.

Vos préconisations vont dans le sens d’un soutien accru des pouvoirs publics. Aujourd’hui, l’État sacrifie l’ESS et les collectivités se montrent, faute de ressources, largement défaillantes. Ce secteur pallie pourtant très clairement le désengagement de l’État et l’absence d’initiatives privées, alors que l’on constate un soutien massif aux entreprises du CAC40. Comment justifier ce « en même temps » ? Un soutien plus fort comprendrait un accès facilité à l’épargne et au financement et une hausse des moyens pour les DLA et les Cress.

Par ailleurs, ce secteur ne doit pas être soumis aux règles de concurrence qui pénalisent les capacités d’innovation sociale, par une logique de moins-disant social et environnemental. Alors qu’il devrait être le fer de lance de la transition écologique, il demeure à la traîne, faute de planification.

Enfin, des outils publics existent pour promouvoir le financement de ce secteur d’activité : comment expliquez-vous que la Banque des territoires et BPIFrance soient aussi peu mobilisées ?

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. Les auditions ont montré que la Caisse des dépôts, la Banque des territoires et BPIFrance ne comprennent pas ce modèle économique, et surtout, ne sont pas missionnées pour financer l’ESS. À BPIFrance, vous ne trouverez pas un seul salarié qui connaisse le secteur : les entreprises de l’ESS sont donc traitées comme toute autre entreprise et doivent répondre aux mêmes exigences de rentabilité. Résultat des courses, ces structures sont sous-financées ; le développement est ralenti pour cause d’effort public mal calibré.

Je préconise que le financement de l’ESS fasse clairement partie des missions de BPIFrance, comme c’était le cas en 2012.

M. Jérôme Nury (LR). Je partage votre regret, Madame la rapporteure pour avis, concernant la faiblesse des crédits dédiés à l’accompagnement par l’État de l’ESS. Il faut rappeler que l’ESS regroupe 221 000 structures, qui emploient 6 millions de salariés. Consacrer 20 millions d’euros à ce pan entier de l’économie paraît effectivement bien peu !

Je regrette aussi la fin du dispositif de soutien territorial à l’innovation sociale, qui signe aussi la fin de l’accompagnement de projets d’investissement et d’initiatives en faveur de la réinsertion et du retour à l’emploi. Ce dispositif permettait d’imaginer de nouvelles coopérations, une approche plus vertueuse – je pense au ramassage des déchets et à l’incitation au tri sélectif.

En revanche, je ne vous suis pas lorsque vous parlez du désengagement des collectivités locales. Les situations peuvent être différentes. Je constate que de nombreux conseils départementaux sont, au titre de leur compétence sociale, des partenaires fidèles et importants de l’ESS, notamment grâce aux plans départementaux d’insertion (PDI). Les intercommunalités, au titre de leur compétence environnementale, collaborent souvent étroitement avec les chantiers d’insertion – sur les espaces verts, pour l’entretien des chemins de randonnée, l’aménagement de voies vertes, le maraîchage bio et local pour alimenter la restauration collective, l’alimentation des chaufferies bois.

Je ne pense pas qu’on puisse parler de désengagement des collectivités, d’autant que le code des marchés publics, que vous fustigez, permet d’adapter la commande publique et de privilégier le local, la proximité et la dimension sociale des prestations. On ne saurait dire la même chose de l’État, dont le soutien manque d’énergie et de tonicité.

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. Je ne parle pas de désengagement des collectivités, mais d’un risque, dans un contexte d’économies ces prochains mois, de baisse des subventions. Dans la mesure où il n’existe pas, au niveau national, de suivi et de consolidation des crédits territoriaux fléchés vers l’ESS, il n’est pas facile de mesurer l’effort public.

Cependant, les disparités entre communes ou régions apparaissent clairement. Ainsi, la Bretagne investit énormément dans l’ESS et est très en avance : le secteur y représente près de 15 % de l’emploi. Dans d’autres régions, les efforts sont inférieurs à ce qu’ils devraient être. Mais vous avez raison, les collectivités territoriales connaissent bien l’importance de l’ESS et il faut rappeler que les associations sont essentiellement financées par les communes.

M. Jérôme Nury (LR). Les situations sont, en effet, très diverses. Les conseils départementaux sont aussi très engagés, au titre des PDI, qui offrent des services mais sont aussi un soutien massif à l’ESS.

M. Éric Martineau (Dem). Le groupe Démocrate approuve la hausse des crédits alloués à l’ESS. Le budget présenté par la secrétaire d’État s’inscrit dans le cadre d’une feuille de route ambitieuse. Nous saluons la volonté du Gouvernement de créer un guichet unique pour les demandes de subventions des associations et de faciliter les démarches de validation des acquis de l’expérience (VAE) pour les bénévoles.

Les crédits de la sous-action 03 seront en partie consacrés au financement de quinze nouveaux PTCE. Ceux-ci permettront de développer des projets coopératifs économiques, innovants et solidaires, à l’échelle d’un territoire, en réunissant entreprises, collectivités, associations et citoyens autour d’un objectif local d’intérêt général. Ainsi, le PTCE du Pays du Mans travaille avec les entreprises sarthoises, les collectivités et les entreprises d’insertion pour améliorer le recyclage des déchets. Grâce à ce budget, des initiatives semblables pourront émerger.

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. Vous saluez des actions qui ne sont pas nouvelles ! Le guichet unique ou les PTCE ont été créés par la loi Hamon. Certes, on identifie bien les 2,5 millions d’euros des PTCE, mais je déplore le manque d’ambition de ce budget alors que, vous avez raison, les PTCE peuvent s’avérer extrêmement efficaces et très utiles dans la gestion prévisionnelle des emplois.

M. Éric Martineau (Dem). Nous soutenons ce dispositif et la volonté de le maintenir dans une logique de guichet unique.

M. Dominique Potier (SOC). Je vous félicite pour votre avis budgétaire et regrette que vous n’ayez pu obtenir un entretien avec la secrétaire d’État. C’est pour le moins étonnant. Où est le respect du Parlement ?

Je suis étonné par la modération de votre avis. Il faut le répéter, l’économie sociale n’est pas un modèle parmi d’autres ; c’est un modèle de référence pour l’économie de demain, à travers le respect des écosystèmes et le partage de la valeur. Elle est le prototype de ce que devrait être l’économie, au service du bien commun.

Or, ce modèle est maltraité. En particulier, les entreprises de l’économie sociale et solidaire n’ont pas accès au crédit d’impôt recherche. Nous plaidons pour qu’elles y accèdent à hauteur de 2 % minimum – ce qui permettrait de dégager de l’ordre de 200 millions d’euros.

En outre, dans le secteur médico-social notamment, la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) va créer une distorsion de concurrence avec les acteurs privés qui vont en bénéficier – le même phénomène s’était produit il y a dix ans, sous François Hollande, avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE). C’est un scandale.

Enfin, les services de l’État n’utilisent pas pleinement les potentiels de régulation de l’agrément d’entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus), créé par la loi Hamon. Je regrette qu’un amendement du groupe socialiste, visant à lier les financements publics au score Esus des acteurs des secteurs sanitaire et social
– comme Orpea et Korian, par exemple –, ait été déclaré irrecevable. C’est incompréhensible s’agissant d’un amendement qui contribuerait à assainir le financement public.

Les potentiels énormes ouverts par les marchés publics dans la loi « Climat et résilience » ont été limités par la majorité du fait de la focalisation sur les seuls critères environnementaux – et non sociaux. Or, ces derniers permettraient de différencier les offres des Esus des autres.

Pour conclure, grâce à sa notation Impact Score, le Mouvement impact France vise à reconnaître les performances sociales et environnementales des entreprises, dans un souci de transparence vis-à-vis des citoyens. Il est regrettable que le Gouvernement n’ait pas engagé des crédits dans ce combat.

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. Vous avez raison, j’aurais pu aborder le sujet du crédit d’impôt recherche et du financement des structures de l’ESS. Je propose l’affectation des fonds d’un livret d’épargne dédié, car les ressources existent : près de 25 milliards d’euros d’épargne solidaire ne sont pas utilisés par l’ESS, car ils ne lui sont pas réservés.

M. Charles Fournier (Écolo-NUPES). Je partage votre constat, comme celui de notre collègue Dominique Potier. L’ESS n’est pas un secteur de niche : elle a une vocation à transformer l’économie et doit être une référence. Or, elle souffre de n’être ni du côté du financement public, ni de celui des financements classiques du monde de l’entreprise. Cet entre-deux l’affaiblit.

Vous avez raison : il faut mieux accompagner les chambres de l’économie sociale et solidaire dans leurs missions d’ingénierie et de mise en réseau. Cela permettrait aux acteurs de l’ESS de répondre à des marchés publics, ce qui est encore extrêmement difficile pour beaucoup, du fait d’une concurrence déloyale.

Il faut aussi faire évoluer les instruments financiers et les dispositifs d’emploi. Ainsi les coopératives, sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) et sociétés coopératives de production (SCOP), sont-elles en difficulté alors qu’elles sont parfois des quasi-services publics.

Les contrats à impact social (CIS) m’inquiètent, car il s’agit d’une forme de financiarisation de l’aide apportée aux structures de l’ESS, qui aboutit à une mise en concurrence. Les expériences en cours ne sont pas qualitatives. Je crains que l’intervention publique ne soit progressivement remplacée par ce type de dispositif, alors qu’il faudrait préserver ce secteur qui réalise des missions de service public et est utile pour transformer l’économie. Évaluons les effets des CIS et imaginons d’autres réponses !

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. Je partage vos réserves sur les CIS, qui sont difficiles à formaliser et dont les crédits sont très faiblement consommés – ce qui explique leur révision à la baisse. Ils font, en outre, peser un risque sur les structures. Lors des auditions, on nous a indiqué qu’ils ne sont pas adaptés au modèle économique de l’ESS, d’où leur succès très limité. Les premiers CIS datent de 2018 et vont donc être évalués en 2023. Nous verrons.

M. Paul Molac (LIOT). L’ESS représente 10 % du PIB, 14 % des emplois privés et 200 000 entreprises. Chez nous, en Bretagne, les coopératives sont partout, dans l’agroalimentaire, le secteur bancaire, les services à la personne avec le réseau ADMR, les assurances avec les assurances mutuelles agricoles, etc.

Les deux banques les plus actives en Bretagne sont le Crédit Agricole et le Crédit Mutuel de Bretagne. Heureusement qu’elles sont là ! Sans elles, l’activité économique souffrirait énormément. C’est notre marque de fabrique et la façon dont les paysans se sont pris en charge dans les années 1950 et 1960.

La maquette budgétaire qui nous est présentée manque de lisibilité. Nous regrettons qu’aucun programme ne soit spécifiquement consacré à l’économie sociale et solidaire. Certes, on note quelques avancées – le dispositif local d’accompagnement, les PTCE – mais, nous partageons votre constat, Madame la rapporteure pour avis, elles sont parcellaires. L’ESS a un rôle structurant en zone rurale et elle mérite beaucoup mieux !

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. Effectivement, la Bretagne a une grande culture de l’économie sociale et solidaire. C’est historique, mais cela a aussi été accompagné par la volonté politique de la région Bretagne, qui a soutenu le développement des coopératives. Ainsi, le nombre des SCIC a augmenté de 56 % en deux ou trois ans, et plus d’un tiers ont été créées grâce à des collectivités territoriales. Ces structures sont celles qui répondent le mieux à la désertion par le privé de secteurs non rentables, de zones rurales ou de quartiers de la politique de la ville, et à la faiblesse, voire à l’absence, du secteur public. Alors que la crise sanitaire a révélé les limites du secteur privé, dans les Ehpad par exemple, la volonté politique devrait être davantage au rendez-vous afin d’encourager la création de SCIC, de SCOP et d’associations, à même de prendre en charge les besoins.

M. Paul Molac (LIOT). Les assurances mutuelles agricoles sont nées en Bretagne à l’époque où les agriculteurs travaillaient avec des chevaux. Comme ils n’avaient pas forcément les moyens d’en acheter d’autres quand ceux-ci mouraient, ils ont voulu les assurer. Aucune compagnie d’assurances ne se montant intéressée, ils ont créé les assurances mutuelles agricoles. C’était une réponse concrète à un besoin bien identifié !

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux questions individuelles des députés.

M. Dino Cinieri (LR). Je voudrais relayer les vives inquiétudes des responsables des centres sociaux de la Loire à la suite des annonces de réduction des contrats aidés en parcours emploi compétences (PEC). Cette décision a été prise sans concertation préalable avec les représentants du monde associatif. Elle menace la pérennité des centres sociaux, des structures d’animation à la vie sociale et des associations qui concourent au développement social local. Les emplois proposés dans le cadre des PEC correspondent à des missions d’intérêt général à destination de la petite enfance et de l’enfance. Ils participent à l’encadrement des jeunes dans les territoires et permettent le développement de services de proximité, comme l’accueil au sein des maisons France Services et des actions de lutte contre l’isolement et la précarité numérique des aînés.

Dans votre avis budgétaire, vous écrivez que les parcours emploi compétences ne répondent pas nécessairement aux besoins du monde associatif, et qu’ils doivent être revus. Mais cela ne peut se faire brutalement, sans concertation ni mesure d’impact.

M. André Villiers (HOR). Je regrette qu’au début de la précédente législature, on ait fait disparaître, au nom de la transparence de la vie publique, la réserve parlementaire. Dans l’Yonne, département rural comptant cinq parlementaires, ce sont 3,5 millions d’euros qui échappent au territoire, autant de crédits qui permettaient précisément d’aider le monde associatif, socle de l’économie sociale et solidaire. La transparence de la vie sociale devrait s’imposer dans nos réflexions.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Les services d’aide à la personne en milieu rural permettent le maintien à domicile des personnes âgées, là où elles ont leurs repères et où elles sont bien. Les salariés du secteur participent à l’aménagement du territoire, en conservant un lien social indispensable, notamment avec les personnes isolées. Or, dans certains territoires, ces services risquent de disparaître parce qu’ils manquent cruellement de personnels, à cause des salaires trop faibles et des frais kilométriques trop peu remboursés. Que proposez-vous pour soutenir et pérenniser les services d’aide à la personne ?

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. Vous avez raison, M. Ciniéri : on annonce la baisse de 100 000 à 80 000 du nombre de contrats PEC, et le taux de prise en charge, se limite à 52,5 %. La durée moyenne de ces contrats aidés est souvent inférieure à huit mois. Au vu des dernières évolutions réglementaires envisagées sur le marché du travail, cela signifie qu’ils ne permettront ni de renouveler ni d’acquérir des droits au chômage. D’où mon plaidoyer pour une révision du dispositif à plusieurs niveaux, notamment s’agissant du taux de prise en charge, qu’il faut rendre dégressif, les structures de l’ESS devant bénéficier d’un taux bien supérieur à 52,5 %.

Le FDVA est censé compenser la suppression de la réserve parlementaire mais, vous avez raison, seulement partiellement et de manière pas aussi territorialisée. Malgré tout, les associations se félicitent que la réserve parlementaire soit venue abonder le budget du FDVA.

Il est important de revoir à la hausse les tarifs conventionnés des services à la personne, notamment en milieu rural. Je pointe du doigt les appels d’offres et les appels à projets, qui ne correspondent ni la structuration des entreprises et associations, ni aux réalités locales – un chantier d’insertion ou une association intermédiaire (AI) ne sont pas structurés pour répondre à un appel d’offres.

Il faut encourager le développement des coopératives d’activité et d’emploi (CAE) dans le secteur des services à la personne, car elles permettent des regroupements et la mutualisation, dans une forme de solidarité qui permet de casser la solitude des personnels, qui travaillent souvent seuls, avec leur propre véhicule. Il faut également revaloriser ces services, car l’énergie coûte cher. Pour l’instant, nous sommes face à un mur…

Article 27 et État B

Amendement II-CE79 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. Il s’agit de créer, au sein de l’action 04 Économie sociale et solidaire et responsable, une sous-action consacrée à l’accompagnement à l’innovation sociale. Cela répondra à la demande de M. Izard, qui pourra donc voter l’amendement !

La commission rejette l’amendement II-CE79.

Amendement II-CE80 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. Est ici visée la création, au sein de la même action, d’une sous-action consacrée au financement de l’accompagnement à la transformation, la reprise et la création de coopératives.

Il s’agit de financer l’ingénierie permettant de soutenir la reprise d’entreprises sous forme coopérative, la création de coopératives ou la transformation d’associations en coopératives.

La commission rejette l’amendement II-CE80.

Après l’article 43

Amendement II-CE83 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. En conséquence de la crise sanitaire et de l’inflation, de nombreuses structures de l’ESS ont des difficultés de trésorerie et de remboursement de leurs dettes. Les défaillances d’entreprises ont atteint un niveau record ce mois-ci. Évitons que cela ne se produise dans l’ESS.

L’étalement du remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) sur dix ans constituerait un levier de financement indirect et de soutien sur la durée.

La commission rejette l’amendement II-CE83.

Amendement II-CE84 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. Nous souhaitons un rapport sur les crédits mobilisés par l’État et les collectivités territoriales pour le développement et le soutien à l’économie sociale et solidaire. En l’absence d’un document budgétaire et d’un centre de formalité des entreprises (CFE) spécifique à l’ESS, il est difficile, voire impossible, de prendre la mesure des politiques publiques ayant un impact sur l’ESS.

La commission rejette l’amendement II-CE84.

Amendement II-CE85 de Mme Sophia Chikirou.

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. Le Haut Conseil à la vie associative déplore que le FDVA ne consacre plus que 25 % de ses moyens à la formation des bénévoles, contre 75 % il y a quelques années. Ce manque de formation des bénévoles est problématique à un moment où il faut relever le défi démographique dans les associations.

Il ne s’agit pas de minimiser l’intérêt que représentent les fonds consacrés à la recherche par le FDVA, mais de souligner le manque de moyens de ce dernier. L’amendement vise donc à appeler le Gouvernement à abonder le Fonds, afin de lui redonner des moyens pour la formation des bénévoles.

La commission rejette l’amendement II-CE85.

Mme Sophia Chikirou, rapporteure pour avis. J’émets un avis défavorable sur les crédits de la mission Économie au titre de l’économie sociale et solidaire.

Après avoir examiné les cinq avis budgétaires se rattachant à la mission Economie, la commission a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de cette mission lors de sa réunion du mardi 18 octobre 2022.

 


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   LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

Confédération française démocratique du Travail (CFDT)

M. Loïc Le Noc, Secrétaire de la Fédération Santé-Sociaux

Mme Bérengère Faveaux, Secrétaire confédérale, assistante politique chargée des relations avec le Parlement

Confédération générale du Travail (CGT)

M. Sandy Penne, référent Économie sociale et solidaire

M. Pierre-Yves Chanu, conseiller confédéral

France active

M. Denis Dementhon, directeur général

Mme Marie Castagne, responsable du plaidoyer

Mouvement associatif

Mme Frédérique Pfrunder, déléguée générale

M. Baptiste Ménard, responsable Plaidoyer

Caisse des Dépôts et Consignations

Mme Marianne Faucheux, adjointe au Directeur de la cohésion sociale et territoriale, Direction de l’investissement de la banque des territoires ;

Mme Patricia Blanchandin, conseillère relations institutionnelle.

COORACE

M. Adrien Rivière, chargé de plaidoyer

Fédération des entreprises d’insertion 

M. Mamadou Touré, vice-président

M. Guillaume Labbe, chargée de mission Filières et Développement économique de la fédération

Réseau COCAGNE

M. Julien Adda, directeur

Confédération générale des SCOP

Mme Laurence Ruffin, vice-présidente

Mme Fatima Bellaredj, déléguée générale

Association « Les Licornes »

M. Jérôme Du Boucher, secrétaire général

Chambre régionale de l’Économie sociale et solidaire d’Île-de-France

M. Sébastien Chaillou-Gillette, directeur général

Banque publique d’investissement (BPI France)

M. Stéphane Hayez, directeur adjoint des partenariats, de la création et de l’action territoriale

M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles

M. Benoit Hamon, ancien ministre délégué à l’Économie sociale et solidaire et à la Consommation

Haut conseil à la vie associative (HCVA)

Mme Chantal Bruneau, secrétaire générale du Haut Conseil à la vie associative

Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (UDES)

M. Sébastien Darrigrand, directeur général

Mme Manuella Pinto, administratrice en charge du développement territorial

Direction de la Jeunesse, de l’Éducation populaire et de la Vie associative (ministère de l’Éducation nationale et de la Jeunesse)

M. Yves Boero, directeur de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative, délégué interministériel à la jeunesse, par intérim

M. Christophe Castell, sous-directeur des politiques interministérielles de jeunesse et de vie associative

M. Charles-Aymeric Caffin, chef du bureau du développement de la vie associative

Service du financement de l’Économie (Direction du Trésor - ministère de l’Économie, des Finances et de la Relance)

M. Jean-Baptiste Bernard, chef du pôle « Financement de l’économie sociale et solidaire (ESS) et investissement à impact » - PESSII

M. Arnaud Boulanger, chef adjoint du Pôle de l’économie sociale et solidaire et de l’investissement à Impact PESSII

M. Laurent Hou-Hen-Pen, adjoint au chef du pôle économie sociale et solidaire et investissement à impact

Mme Elisabeth Millard, Adjointe au chef de pole du PESSII

Groupe SOS

M. Jean-Marc Borello, président du directoire

M. Thomas Verduzier, chef de cabinet du Président

Chambre française de l’Économie Sociale et Solidaire (« Ess France »)

M. Jérôme Saddier, président

M. Antoine Detourne, délégué général

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) La colonne relative à l’exercice 2020 retrace les crédits inscrits sur l’action 14-Économie sociale et solidaire du programme 159 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

([2]) Y compris fonds de concours et attributions de produits.

([3]) Y compris fonds de concours et attribution de produits.

([4]) Article 6 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.

([5]) Les statistiques produites portent sur l’exercice 2015.

([6]) Article L. 3332-17-1-I du code du travail.

([7]) Au 1er janvier 2020.

([8]) Les entreprises coopératives (« Coop France »), Panorama des entreprises coopératives, Édition 2022.

([9]) https ://www.les-scop.coop/chiffres-cles.

([10]) Sur la base d’une extraction de la liste des entreprises de l’ESS tenue par ESS France, arrêtée au 31 mai 2022 (https://www.ess-france.org/fr/la-liste-des-entreprises-de-less)

([11]) ESS France, « Conjoncture : les niveaux d’emplois dans l’ESS à la fin de l’année 2021 dépassent ceux d’avant la crise sanitaire », communiqué de presse publié le 30 juin 2022.

([12]) Réponses au questionnaire budgétaire pour le projet de loi de finances pour 2023, sur la base des données de la liste des entreprises de l’ESS tenue par ESS France. D’après les données issues du Répertoire national des Associations (RNA) et les enregistrements réalisés auprès des tribunaux d’Alsace-Moselle, le nombre total des associations actives se situe entre 1,4 million et 1,5 million sur le territoire.

([13]) Réponses au questionnaire budgétaire pour le projet de loi de finances pour 2023, sur la base du relevé du premier trimestre 2022 réalisé par l’URSSAF(hors Mutualité sociale agricole –MSA).

([14]) Cf infra pp. 28-32.

([15])  https ://www.les-scop.coop/chiffres-cles.

([16]) Ordonnance n° 2020-317 du 25 mars 2020 portant création d'un fonds de solidarité à destination des entreprises particulièrement touchées par les conséquences économiques, financières et sociales de la propagation de l'épidémie de covid-19 et des mesures prises pour limiter cette propagation.

([17]) Article 11 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19.

([18]) Article 6 de la loi n° 2020-289 de finances rectificative pour 2020 du 23 mars 2020.

([19]) ESS France, « Conjoncture de l’emploi dans l’ESS en 2021, infographie des principales tendances observées » (https://www.ess-france.org/system/files/inline-files/Infographie_conjoncture%20ESS%20%C3%A0%20fin%202021_ESS%20France.pdf).

([20]) Insee, « En septembre 2022, les prix à la consommation augmentent de 5,6 % sur un an », indice des prix à l consommation –résultats provisoires (IPC) », Informations rapides, 30 septembre 2022, n° 256.

([21]) Observatoire national de l’ESS, Atlas commenté de l’économie sociale et solidaire, édition 2020, Dalloz, Juris édition, août 2020, p. 144.

([22]) Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([23]) Observatoire national de l’ESS, Atlas commenté de l’économie sociale et solidaire, édition 2020, Dalloz, Juris édition, août 2020, pp. 136-139.

([24]) Observatoire national de l’ESS, Atlas commenté de l’économie sociale et solidaire, édition 2020, Dalloz, Juris édition, août 2020, pp. 105-110.

([25]) Décret n° 2021-1155 du 6 septembre 2021 relatif à l'aide aux départements versée par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie en application de l'article 47 de la loi n° 2020-1576 du 14 décembre 2020 de financement de la sécurité sociale pour 2021.

([26]) Arrêté du 21 décembre 2021 fixant les montants des aides financières aux structures de l'insertion par l'activité économique, aux dispositifs d'insertion implantés en milieu pénitentiaire et à Mayotte.

([27]) Arrêté du 5 juillet 2022 fixant les montants des aides financières aux structures de l'insertion par l'activité économique, aux dispositifs d'insertion implantés en milieu pénitentiaire et à Mayotte et fixant le montant de l'aide financière versée au titre du contrat passerelle conclu par une entreprise d'insertion ou un atelier et chantier d'insertion.

([28]) Recherches et solidarités, La France associative en mouvement, 20ème édition, octobre 2022.

([29]) Institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire, Les chiffres clé de la vie associative 2019, juillet 2019.

([30]) Recherches et solidarités, La France associative en mouvement, 20ème édition, octobre 2022, p.14.

([31]) Loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.

([32])Rapport n° 4597 tomes VI - Avis de M. Bertrand Pancher sur le projet de loi de finances pour 2022 (n°4482), octobre 2022, page 7.

([33]) Les contrats « parcours emplois compétences » (PEC) désignent des contrats de droit privé par lequel un employeur du secteur non marchand s'engage à offrir un accompagnement à une personne engagée dans une démarche d’insertion professionnelle en contrepartie d’une aide financière. Les PEC doivent faire l’objet d’’une prescription par le service public de l’emploi (Pôle emploi, mission locale, Cap emploi).

([34]) Pour l’exercice 2023, le projet annuel de performance du programme 102 « Accès et retour à l’emploi » prévoit un taux d’aide moyen de 55,5 % en 2021 et de 52,3 % en 2022 pour les PEC tous publics, de 73 % pour les PEC quartiers politique de la ville/zones de revitalisation rurale (QPV/ZRR) et de 64 % pour les PEC jeunes. Une majoration du taux de prise en charge était autorisée en 2022 pour les renouvellements de PEC QPV ZRR et de PEC jeunes prescrits en 2021 aux taux respectifs de 80 % et 65 %.

([35]) Projet annuel de performance du programme n° 163 « Jeunesse et vie associative », p. 29.

([36]) En application de l’article 33 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire. Avant la modification de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération, la loi ESS, la participation pouvant être prise par les collectivités se limitait à 20 %.

([37]) En application de l’article 221 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale.

([38]) Circulaire du Premier ministre n° 5811/SG du 29 septembre 2015, Les nouvelles relations entre les pouvoirs publics et les associations : déclinaison de la charte des engagements réciproques et soutien public aux associations.

([39]) Décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics.

([40]) Hélène Pelosse, Louis de Crevoisier, Christine Branchu, Aude Muscatelli, Les sociétés coopératives d’intérêt collectif (SCIC) et les coopératives d’activité et d’emploi (CAE), rapport conjoint de l’Inspection générale des Finances et de l’Inspection générale des Affaires sociales, mai 2021.

([41]) Ont exercé la fonction de secrétaire d’État à l’économie sociale et solidaire : Mme Olivia Grégoire, AVEC le titre de secrétaire d’État auprès du ministre de l'Économie, des Finances et de la Relance, chargée de l'Économie sociale, solidaire et responsable (26 juillet 2020- 20 mai 2022) ; Mme Marlène Schiappa, en tant que Secrétaire d'État auprès de la Première ministre, chargée de l'Économie sociale et solidaire et de la Vie associative (depuis le 4 juillet 2022).

([42]) Pour la période récente, les gouvernements successifs ne comprenaient pas de ministres ou de secrétaires d’État chargé de l’économie sociale et solidaire dans leur titulature de 2002 à 2012 et entre 2017 et 2020.

([43]) Décret n° 2022-1059 du 29 juillet 2022 relatif aux attributions de la secrétaire d’État auprès de la Première ministre, chargée de l'économie sociale et solidaire et de la vie associative.

([44]) Article 8 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.

([45]) Les structures coopératives relevant de l’économie sociale et solidaire (ESS) peuvent en principe bénéficier des ressources provenant de plusieurs instruments européens de financement, notamment les subventions des fonds européens structurels et d’investissement (FESI), plus particulièrement le Fonds social européen+ (« FSE+ ») ou le Fonds européen de développement régional (FEDER). Par ailleurs, les structures coopératives relevant de l’ESS ont accès aux fonds directement gérés par la Commission européenne tel que l’« EaSI » (programme de la Commission européenne pour l'emploi et l'innovation sociale). Il s’agit d’un des volets du FSE+ destiné à développer l’accès au microfinancement et l’entrepreneuriat social.

([46]) Décret n° 2015-1103 du 1er septembre 2015 relatif au dispositif local d'accompagnement.

([47]) Les centres de ressources couvrent sept domaines : la culture ; la transition écologique et solidaire ; le sport ; l'insertion par l’activité économique ; le financement ; le numérique.

([48]) L’avise est une association créée en 2002 par la Caisse des dépôts et consignations et les acteurs représentatifs de l’économie sociale et solidaire afin de soutenir le développement et les performances des entreprises du secteur.

([49]) www.info-dla.fr.

([50]) D’après ces statistiques, 94 % des structures accompagnées sont des associations et représentent 3,3 % des associations employeuses du pays.

([51]) Article 6 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.

([52]) Rapport n° 4195 annexe 22 – Rapport de M. Philippe Chassaing sur le projet de loi de règlement du budget et d’approbation des comptes, après engagement de la procédure accélérée, de l’année 2020 (n° 4090), p. 25.

([53]) Article 68 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire.

([54]) Article 23 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.

([55]) Loi n° 83-1 du 3 janvier 1983 sur le développement des investissements et la protection de l'épargne.

([56]) Articles 19 sexdécies et suivants de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération.

([57]) Article 70 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l'économie sociale et solidaire.

([58]) Dans cette hypothèse, les titres associatifs constituent des créances de dernier rang et ne sont remboursables qu’à l’issue d’un délai minimal de sept ans.

([59]) Arrêté du 15 octobre 2021 fixant la majoration maximale de rémunération des titres associatifs.

([60]) Loi n° 2001-152 du 19 février 2001 sur l’épargne salariale.

([61]) Article L. 221-27 du code monétaire et financier.

([62]) Loi n° 2019-486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises.

([63]) Le fonds FISO 2 vise à apporter les financements nécessaires à l’émergence de projets d’innovation sociale viables au plan économique et portés soit par des entreprises de l’économie sociale et solidaire, soit par des entreprises plus classiques.

([64]) Le dispositif visait à soutenir les coopératives par l’apport de fonds propres nécessaires à leur croissance.

([65]) Le fonds à impact finance l’émergence de gestionnaires combinant performance financière et performance sociale, avec pour objectif d’accompagner la structuration du marché de l’investissement dit « à impact ».