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N° 285

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 5 octobre 2022.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273)

TOME VI

ÉCOLOGIE, DÉVELOPPEMENT ET MOBILITÉ DURABLES

ÉNERGIE

 

PAR M. Philippe BOLO

Député

——

 

 Voir les numéros : 273 (Tome III, annexe 17).


  1  

SOMMAIRE

___

Pages

INTRODUCTION

premiÈre partie : analyse des crÉdits

I. Un programme 345 « Service public de l’Énergie » fortement influencÉ par la crise des prix de l’Énergie

1. Le poids des boucliers tarifaires

2. Une charge des boucliers tarifaires atténuée par la quasi-neutralisation du coût des énergies renouvelables pour le budget de l’État

II. un programme 174 « ÉNERGIE, climat et aprÈs-mines » plus que jamais orientÉ sur l’accompagnement de la transition ÉnergÉtique

1. Un chèque énergie complété pour faire face à la crise de l’énergie

2. La poursuite du développement de MaPrimeRénov’

3. Des aides à l’acquisition de véhicules propres qui se diversifient

III. Un Compte d’affectation spÉciale « Financement des aides aux collectivitÉs pour l’Électrification rurale » sous tension malgrÉ sa reconduction (programmes 793 et 794)

SECONDE partie : Poids et Évolution de la « fiscalitÉ » de l’ÉlectricitÉ et du gaz dans les prix de ces Énergies

I. Des contributions aux logiques diffÉrentes

A. Des tarifs d’utilisation des rÉseaux dÉfinis en fonction des besoins

1. La définition des tarifs par la CRE

a. Les tarifs d’utilisation des réseaux d’électricité

b. Les tarifs d’utilisation des réseaux de gaz

2. Des contributions essentielles aux missions des gestionnaires de réseau

a. Des recettes qui doivent assurer le financement de l’entretien des réseaux comme leur adaptation à la transition énergétique

b. Un mécanisme d’estimation des tarifs d’utilisation qui n’oublie pas de rendre aux utilisateurs les trop-perçus qu’il peut générer

B. Des taxes qui profitent aux recettes de l’État, sans Être flÉchÉes directement vers le financement de la transition ÉnergÉtique

1. Trois taxes payées par les consommateurs d’électricité et de gaz

2. Des recettes généralement non affectées

3. Des recettes insuffisantes à elles seules pour couvrir le financement intégral de la transition énergétique

C. Des taxes et des tarifs pesant, chacun, pour environ le tiers des factures d’avant crise

II. DEs allÈgements ciblÉs au service de grands enjeux

A. La prÉservation de la compÉtitivitÉ des entreprises Énergo-intensives

B. Le soutien du dÉveloppement des EnR

C. La protection du pouvoir d’achat face À l’irruption de la crise ÉnergÉtique

D. Quelles Évolutions seraient souhaitables une fois la crise passÉe ?

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES auditionnÉes


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   INTRODUCTION

Depuis le second semestre 2021, l’Europe est confrontée à une crise énergétique majeure, dont l’ampleur, aujourd’hui, peut être comparée aux chocs pétroliers des années soixante-dix. L’intensité de la reprise économique mondiale après la crise sanitaire, dans un premier temps, puis les tensions créées par la guerre en Ukraine et l’arrêt progressif de l’alimentation de l’Europe en gaz russe ont provoqué une hausse vertigineuse des prix du gaz et, par répercussion, de l’électricité sur les marchés européens. Cette crise du gaz s’est conjuguée en France avec une crise de la production électrique par affaiblissement de nos capacités de production hydroélectrique, consécutif à la sécheresse, et la mise à l’arrêt de trente‑deux réacteurs nucléaires – début septembre – sur les cinquante-six que compte le parc français.

Dès 2021, avec le bouclier tarifaire, le Gouvernement a pris des mesures de protection des consommateurs français qu’il a complétées et amplifiées tout au long de l’année 2022. Conjuguant gel des tarifs réglementés du gaz (TRVg), plafonnement à 4 % des hausses des tarifs réglementés de vente de l’électricité (TRVe), baisse de la fiscalité sur l’électricité, augmentation du volume d’électricité nucléaire vendue à un prix régulé, chèque énergie exceptionnel et autres dispositifs, les moyens mobilisés sont sans équivalent en Europe et ont permis d’atténuer sensiblement l’impact de la crise énergétique sur le pouvoir d’achat des Français, sur la perte de compétitivité des entreprises nationales et sur l’inflation en général.

Mais les causes de la crise perdurant, les prévisions annoncent la poursuite de cette course folle des prix en 2023. Tout en œuvrant au niveau européen pour que soient mises en place des mesures de régulation communautaires, le Gouvernement affiche, par le présent projet de loi de finances, sa volonté de maintenir une protection active des consommateurs français, particuliers et professionnels, pendant cette crise, sans renoncer à accélérer la transition énergétique de notre pays.

Le projet de budget pour 2023 envisage en effet de mobiliser des moyens renforcés pour accompagner nos compatriotes tant dans cette crise brutale que dans l’évolution de leurs consommations. Car s’il est raisonnable de croire que la crise des prix de l’énergie aura une issue, la crise climatique ne cesse de s’amplifier avec son cortège d’impacts négatifs, qu’ils soient sociaux, environnementaux ou économiques. Réagir à ces impacts, tout en assurant à la France un approvisionnement énergétique suffisant et fiable, est une entreprise de longue haleine. Les bouleversements climatiques rappellent désormais quotidiennement l’urgence de s’y atteler fermement. Le projet de budget pour 2023 est au rendez‑vous, au-delà même des montants affichés.

Le programme 345 « Service public de l’énergie » affiche ainsi 8,9 milliards d’euros (Md€) de compensations au titre du plafonnement des TRV (action n° 17) en 2023, mais ces dépenses s’élèveraient en réalité à 18,96 Md€, sans compter les 10 Md€ de pertes de recettes liées à la minoration de l’accise sur l’électricité, ou les nouveaux chèques énergie qui sont à l’étude pour un montant qui mobilisera très vraisemblablement près de 2 Md€. Si, en parallèle, le projet de budget ne prévoit aucun crédit en 2023 pour le soutien au développement de l’électricité renouvelable en métropole (action n° 9), en raison de prix des marchés qui suffisent aujourd’hui à couvrir les coûts de production de ces installations, les projets continueront d’être fortement encouragés.

Quant aux dotations du programme 174 « Énergie, climat et après‑mines » consacrées aux aides à la rénovation énergétique des logements (action n° 02) ou à l’acquisition des véhicules propres (action n° 03), elles devraient significativement progresser, de près de 700 millions d’euros (M€) pour MaPrimeRénov’ et d’environ 790 M€ pour la mutation du parc automobile. Le programme mobiliserait donc près de 1,5 Md€ supplémentaires pour la transition énergétique, complétés au surplus par les reliquats du Plan de relance ainsi que par des crédits du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » de la mission « Cohésion des territoires ».

De tels efforts budgétaires motivent l’avis favorable que votre rapporteur donne au projet de budget consacré à l’énergie en 2023 ; même s’il est plus critique sur les dotations prévues pour le compte d’affectation spéciale « Fonds d’amortissement des charges d’électrification rurale » (dit FACÉ). Votre rapporteur regrette en effet que les dotations au FACÉ soient simplement reconduites à leur niveau habituel, sans tenir compte de l’augmentation prévisible des besoins, qu’il s’agisse de remédier aux dégâts causés par les grands incendies de l’été ou, plus structurellement, d’adapter les réseaux à la multiplication des installations de production d’énergie renouvelable et de recharge des véhicules électriques. Ces développements sont indispensables pour optimiser la montée en puissance des énergies décarbonées et accompagner l’électrification des usages. Une trajectoire d’accroissement du FACÉ se justifie enfin par la prise en compte de l’augmentation des coûts des travaux.

Enfin, votre rapporteur a consacré la partie thématique de son avis à la place de la « fiscalité » dans les factures d’électricité et de gaz. Les contributions publiques se décomposent plus précisément en deux catégories : les tarifs d’utilisation des réseaux de transport et de distribution et les taxes appliquées aux consommations finales.

Les premiers correspondent aux revenus accordés aux gestionnaires de ces réseaux. Pour neutraliser l’avantage que pourrait leur donner leur situation de monopole, il revient à la Commission de régulation de l’énergie de définir les niveaux de tarifs permettant de couvrir, de manière juste, leurs charges d’exploitation et d’investissement. Les secondes ont plutôt un objectif « de rendement », visant à donner à l’État les moyens de financer ses politiques publiques.

Dans les deux cas, les autorités peuvent décider de moduler ces dispositifs pour envoyer des signaux tarifaires qui incitent les clients à faire évoluer leurs consommations vers plus de sobriété ou des achats plus verts. Toutefois, malgré la proportion importante des contributions publiques dans les factures énergétiques, la plupart des experts auditionnés ont observé le peu d’effet qu’avaient leurs modulations dans un contexte d’énergie abondante et relativement peu chère. D’autant que ces contributions font, dans le même temps, l’objet d’allègements en faveur des entreprises qui consomment le plus, les énergo-intensives.

L’envolée des prix des énergies est venue ajouter un nouvel enjeu, celui de la préservation du pouvoir d’achat des ménages. Ainsi, une des mesures du bouclier tarifaire a été de de réduire les factures en abaissant l’accise sur l’électricité au plus bas niveau autorisé par l’Europe. Cette stratégie a rééquilibré la taxation de l’électricité par rapport à celle du gaz, jusqu’alors plus favorable. Le retour à une tarification « normale », une fois la crise passée, devra s’accompagner d’une réflexion sur l’équilibre global que l’on voudra viser. Le sujet traité par votre rapporteur dans le volet thématique de son avis souligne l’importance qu’il faudra accorder à cette réflexion sur les contributions publiques sur les énergies dans les années à venir. Elles sont en effet impactées par la transition énergétique, autant qu’elles peuvent contribuer à l’orienter.


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   premiÈre partie :
analyse des crÉdits

Le présent avis porte sur les programmes 174 et 345 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » et sur les programmes 793 et 794 du compte d’affectation spéciale « Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale », qui concentrent les crédits durablement consacrés à la politique énergétique ([1]).

I.   Un programme 345 « Service public de l’Énergie » fortement influencÉ par la crise des prix de l’Énergie

Pour répondre à l’envolée des prix du gaz et de l’électricité que subissent l’Europe et notre pays depuis l’automne 2021, le Gouvernement a pris plusieurs mesures exceptionnelles, qui continueront à impacter les dépenses et recettes de l’État en 2023. En parallèle toutefois, ces hausses de prix sont également venues alléger les charges de service public qui incombent à l’État au titre du soutien aux énergies renouvelables (ENR), lui apportant même des recettes inattendues. Cet état de fait conjoncturel remodèle radicalement les équilibres financiers de 2023 au sein du programme 345 « Service public de l’énergie ».

1.   Le poids des boucliers tarifaires

Afin de protéger le pouvoir d’achat des consommateurs français et la compétitivité de nos entreprises, le Gouvernement a mis en place des « boucliers tarifaires » visant à limiter l’augmentation de leurs factures de gaz et d’électricité.

● S’agissant du gaz, il a gelé les tarifs réglementés de vente (TRVg), d’abord par un décret du 23 octobre 2021 puis par la loi de finances pour 2022, au bénéfice des clients résidentiels et des petites copropriétés.

En contrepartie, l’État a prévu une compensation des pertes subies par les fournisseurs concernés, à savoir les fournisseurs historiques qui appliquent les TRVg mais également, sous certaines conditions, ceux qui proposent des contrats indexés sur ces tarifs réglementés. Cette compensation est imputée, depuis la loi de finances pour 2022, sur une nouvelle action du programme 345, l’action n° 17 « Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs », comme une charge de service public de l’énergie (CSPE).

En avril 2022, le bouclier tarifaire a été étendu aux logements chauffés par un chauffage collectif au gaz ou par un réseau de chaleur urbain utilisant du gaz naturel, ainsi qu’aux résidences à caractère social, sous forme d’une aide demandée par les fournisseurs pour le compte des copropriétés et résidences, qui la répercutent sur les charges de leurs occupants. Cette aide est aussi financée au titre des CSPE.

Le gel des TRVg a été prolongé à diverses reprises, notamment le 16 août 2022 avec la loi de finances rectificative pour 2022, qui prévoyait que la date de fin pouvait être fixée entre le 1er janvier et le 30 juin 2023. Afin de tenir compte de l’échéance de la fin des tarifs réglementés au 30 juin 2023 et de l’arrivée à échéance des contrats à prix fixes qui protégeaient les consommateurs de la hausse de prix sur les marchés de gros, la compensation a été étendue à tous les nouveaux contrats signés à partir du 1er septembre 2022.

Pour les manques à gagner de 2021-2022, un premier acompte des compensations a été versé en février 2022 et un prochain devrait l’être fin novembre 2022. Mais l’essentiel restera à payer aux fournisseurs concernés en 2023.

En outre, le Gouvernement a annoncé maintenir un bouclier tarifaire sur le gaz en 2023 en plafonnant la hausse des TRVg à 15 % en janvier 2023.

La hausse des prix limitée à 15 % restera très inférieure à ce qu’elle aurait dû être en l’absence de mesures de protection, avec des prix du gaz qui ont augmenté de plus de 215 %. Selon les calculs du Gouvernement, l’augmentation moyenne sera de 25 euros sur une facture de gaz, alors qu’elle aurait dû atteindre 200 euros.

Une compensation continuera à être assurée aux fournisseurs. Plus de 3 milliards d’euros (Md€) sont ainsi inscrits sur la sous-action  17.02 « Mesures à destination des consommateurs de gaz » du programme 345 pour couvrir le solde des charges de 2022 et celles de 2023. Cette dotation ne représente cependant qu’une partie des montants réellement prévus : elle est en effet affichée « en net », diminuée d’une partie des économies réalisées sur les autres charges de service public de l’énergie (voir infra). Selon le projet annuel de performances, le coût brut pour l’État est estimé à 6,24 Md€ en 2023.

● S’agissant de l’électricité, le Gouvernement joue sur une combinaison de trois mesures depuis février 2022 (mesures fiscales, tarifaires et de volume d’électricité nucléaire livré aux fournisseurs alternatifs) :

– la loi de finances pour 2022 avait prévu la minoration de la fraction d’accise sur l’électricité (ancienne taxe intérieure sur la consommation finale d'électricité, dite TICFE – cf. partie II). Elle a été ramenée au taux minimum autorisé par l’Europe pour toute l’année 2022, soit 1 €/MWh pour les clients résidentiels et assimilés (au lieu de 25,6875 €/MWh) et 0,50 €/MWh pour les autres consommateurs (hors ceux qui bénéficiaient déjà de taux réduits ou d’une exonération de cette taxe).

Cette réduction fiscale représente un manque à gagner de 8 milliards d’euros (Md€) pour l’État sur 2022, mais elle a permis une baisse des factures individuelles de l’ordre de 15 % à 20 % TTC.

INCIDENCE sur les recettes perçues par l’État DE LA minoration de l’accise sur l’ÉlectricitÉ, comparativement À l’accise sur le gaz

Sources : DGDDI, valeurs prévisionnelles pour 2022

L’article 6 du projet de loi de finances – article sur lequel la commission s’est saisie pour avis – prévoit de prolonger la mesure fiscale jusqu’au 31 janvier 2024, pour un manque à gagner pour le budget de l’État évalué à environ 10 Md€ ([2]) en faveur de tous les consommateurs. La taxe communale sur la consommation finale d’électricité (TCCFE) est par ailleurs intégrée à l’accise sur l’électricité à compter du 1er janvier 2023, ce qui accentue la diminution de la fiscalité sur l’électricité pour les ménages, les TPE et les PME, pour un coût additionnel de 1,5 Md€ pour l’État qui s’est engagé à compenser les pertes de recettes fiscales qui auraient dû être versées aux communes et, indirectement, aux autorités organisatrices de la distribution d’énergie (AODE) dont elles dépendent ; ([3])

– la loi de finances pour 2022 a également permis aux ministres chargés de l’économie et de l’énergie de s’opposer à une hausse de plus de 4 % TTC ([4]) en moyenne des tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVe) pour les clients résidentiels et les « microentreprises » (dont les collectivités) employant moins de 10 salariés et réalisant moins de 2 millions d’euros (M€) de chiffres d’affaires en métropole continentale, ainsi que pour tous les consommateurs des zones non interconnectées. Sans ce blocage, les augmentations prévues selon les calculs de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) auraient été supérieures à 35 %.

Ce plafonnement des TRVe s’est accompagné, comme dans le cas du gaz, de la création d’un mécanisme de compensation des pertes de recettes pour les fournisseurs d’électricité et les entreprises locales de distribution, en-dehors d’EDF ([5]), afin de s’assurer que tous les clients résidentiels pourraient en bénéficier ([6]).

À l’occasion de la présentation de son projet de budget pour 2023, le Gouvernement a annoncé remonter le plafond de revalorisation des TRVe à un maximum de 15 % (TTC) en janvier 2023, pour les mêmes (clients résidentiels, petites collectivités et microentreprises). Mais cette progression restant très en-deçà des hausses des prix des marchés, qui oscillent entre + 160 et + 177 %, l’important manque à gagner continuera d’être compensé au titre des CSPE du programme 345.

Au total, le cumul des compensations restant à payer pour 2022 et des compensations à venir en 2023 est estimé, par le projet annuel de performances, à 12,72 Md€ en 2023mais affiché à 5,89 Md€ sur la sous-action n° 17.01 « Mesures à destination des consommateurs d’électricité » du programme 345 ;

– en complément de ces deux premières mesures, l’État a rehaussé de 20 TWh supplémentaires le volume d’électricité livrable en 2022 par EDF à ses concurrents dans le cadre du dispositif de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (ARENH), au prix régulé de 46,20 €/MWh (à comparer aux 550 €/MWh actuellement demandés sur les marchés). Ce mécanisme a contribué à modérer les hausses de prix pour tous les consommateurs, particuliers, collectivités et professionnels dont les fournisseurs en ont fait la demande, en particulier pour ceux qui ne bénéficient pas des TRVe. Les 8 Md€ que représente ce gain pour les consommateurs ont un impact sur les comptes d’EDF qui doit, notamment, et dans le contexte d’une production de son parc électronucléaire réduite par l’arrêt d’un nombre important de réacteurs, acheter des électrons au prix de marché.

Pour les entreprises qui ne peuvent bénéficier des TRVe, un dispositif européen d’aide d’urgence, dit « Ukraine », avait, en outre, été mis en place par un décret du 1er juillet 2022 dans l’objectif de compenser les surcoûts de dépenses en électricité (et en gaz) pour les entreprises dont la facture d’énergie représente au moins 3 % de leur chiffre d’affaires (et qui a doublé depuis 2021). Les conditions pour en bénéficier s’étant avérées trop contraignantes, seuls 50 M€ ont été consommés sur l’enveloppe prévue de 3 Md€. Le Gouvernement a signalé ces difficultés à la Commission européenne et annonce aujourd’hui que ces exigences vont être assouplies, et le niveau des aides renforcé, au bénéfice des PME. Il en finalise les nouvelles modalités avec la Commission européenne et espère pouvoir les appliquer à partir du 1er novembre. S’il est encore en négociation s’agissant des entreprises énergo-intensives, elles ont toutefois bénéficié d’un acompte de 150 M€ en 2022 sur la compensation des coûts indirects du CO2 dans l’électricité que le budget de l’État leur verse par ailleurs ([7]).

Enfin, lors de ses auditions, votre rapporteur a appris :

– que, ne pouvant rétablir un tarif de vente réglementé de l’électricité pour les entreprises de plus de dix salariés, l’État envisage de créer une garantie des impayés pour renforcer leur protection face à la violence de la crise énergétique.

– qu’est à l’étude la mise en place d’un bouclier tarifaire pour le chauffage électrique collectif, à l’instar de ce qui existe pour le chauffage au gaz collectif, qui pourrait coûter environ 1 Md€ supplémentaire au titre du programme 345 ;

● Les prévisions 2023 pour l’ensemble de l’action 17 s’établissent ainsi, en net (après déduction des remboursements sur les autres charges de service publié), à 8,9 Md€ ; mais, exprimées en réel, elles s’élèveraient à 18,96 Md€.

Pour compléter ces boucliers tarifaires, le Gouvernement met au point un nouveau chèque énergie « exceptionnel » pour aider les ménages les plus modestes, à l’instar de ce qu’il avait fait en fin d’année 2021. Cette mesure s’imputera sur le programme 174 examiné plus loin.

Enfin, un nouveau relèvement du plafond règlementaire de l’ARENH est à l’étude pour le guichet de novembre (qui répartit les volumes à livrer en 2023) ([8]). Volume auquel sera appliqué un tarif réglementé relevé à 49,50 €/MWh, au lieu de 46,20 €/MWh, à la suite de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

En revanche, le Gouvernement a annoncé que l’aide par litre de carburant à la pompe, mise en place en avril 2022 et dont le coût total est estimé à 7,6 Md€, ne sera pas reconduite en 2023. Aucun crédit n’est donc inscrit au budget de l’État pour l’année prochaine, même si le ministre chargé de l’économie a précisé, lors de son audition par la Commission des affaires économiques que le Gouvernement jugera d’une éventuelle prolongation « si le prix du baril reste à un niveau mesuré, de l’ordre de 85 ou 90 dollars, ou si des événements extérieurs le font flamber » ([9]). En 2022, ces dépenses ont été imputées, d’abord, sur le programme 345 puis sur le programme 174.

Le coût réel total des boucliers de fin 2021 à 2023 est estimé à 45 Md€ (en additionnant les aides déjà versées, celles qui restent dues au titre de 2022 et celles qui sont prévues en 2023), soit 11 Md€ pour le bouclier gaz et 34 Md€ pour le bouclier électricité selon les informations données par le ministère de la transition énergétique. À l’effort budgétaire de ces boucliers, il convient d’ajouter les dépenses non encore budgétées pour les futurs chèques énergie exceptionnels.

volumÉtrie comparative des principales dÉpenses prises pour la protection du pouvoir d’achat face À l’envolÉe des prix des Énergies

Grâce aux économies dégagées sur les CSPE relatives au soutien des énergies renouvelables en métropole (voir ci-après), les compensations dues aux fournisseurs d’électricité et de gaz ne pèseraient sur le programme 345, en net – et à cette heure –, que 8,9 Md€ mais représenteraient tout de même plus de 74 % des crédits du programme, doté de 12 Md€ en 2023, et 51 % du total des trois programmes examinés dans cet avis.

2.   Une charge des boucliers tarifaires atténuée par la quasi-neutralisation du coût des énergies renouvelables pour le budget de l’État

Pour rappel, le programme 345 regroupe le remboursement de ce que l’on appelle les « charges de service public » supportées par les entreprises des secteurs du gaz et de l’électricité ([10]).

 

 

 

 

Évolution des crÉdits du programme 345

(En millions d’euros)

 

AE

LFI 2022

AE

PLF 2023

CP

LFI 2022

CP

PLF 2023

Variation des CP

09 Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole continentale

4 738,3

0

- 17 476,5 en réel

4 738,3

0

- 17 476,5 en réel

-

09.01 Éolien terrestre

1 174,6

0

- 9 988 en réel

1 174,6

0

- 9 988 en réel

-

09.02 Éolien en mer

75,7

0

- 2 188 en réel

75,7

0

- 2 188 en réel

-

09.03 Solaire photovoltaïque

2 719,4

0

- 2 500 en réel

2 719,4

0

- 2 500 en réel

-

09.04 Bio-énergies

574,4

0

- 1 200 en réel

574,4

0

- 1 200 en réel

-

09.05 Autres énergies

194,2

0

- 1 600 en réel

194,2

0

- 1 600 en réel

-

10 Soutien à l’injection de biométhane

712,9

34,3 *

343 en corrigé

712,9

34,3*

343 en corrigé

- 52,0 %

en corrigé

11 Soutien dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain

2 163,6

2 478,1

2 163,6

2 478,1

+ 14,5 %

11.01 Soutien à la transition énergétique dans les ZNI

670,3

748,2

670,3

748,2

+ 11,6 %

11.02 Mécanisme de solidarité avec les ZNI

1 493,3

1 729,9

1 493,3

1 729,9

+ 15,8 %

12 Soutien à la cogénération au gaz naturel et autres moyens thermiques

646,1

376,7

646,1

376,7

- 41,7 %

13 Soutien aux effacements de consommation

40,0

72,0

40,0

72,0

+ 80,0 %

14 Dispositions sociales pour les consommateurs en situation de précarité énergétique

30,9

43,9

30,9

43,9

+ 42,1 %

15 Frais divers

117,5

73,3

117,5

73,3

- 37,6 %

17 Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs

-

8 921,6

18 960 en réel

-

8 921,6

18 960 en réel

 

17.01 Mesures à destination des consommateurs d’électricité

-

5 879,5

12 720 en réel

-

5 879,5

12 720 en réel

 

17.02 Mesures à destination des consommateurs de gaz

-

3 042,2

6 240 en réel

-

3 042,2

6 240 en réel

 

18 Soutien hydrogène

0

0

0

0

-

Total

8 449,3

12 000 **

8 449,3

12 000 **

+ 42 %

Sources : projet annuel de performances 2023.

* La dotation indiquée dans les tableaux de synthèse est erronée. La justification au premier euro indique en fait des prévisions de 343 M€ en 2023. ** Non corrigé de l’erreur précédemment signalée.

Les propositions budgétaires pour les actions n° 09 à n° 17 du programme 345 sont fondées sur les prévisions de la Commission de régulation de l’énergie (CRE) – en l’espèce, sur sa délibération du 13 juillet 2022 –, modulées par le Gouvernement en fonction des évolutions des prix des marchés.

Les dotations du programme 345 devraient croître de 42 % entre 2022 et 2023 (+ 3,6 Md€), pour atteindre 12 Md€ en autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP) – voir le tableau ci-après.

L’essentiel de cette progression est dû aux mesures de bouclier tarifaire déjà évoquées et à leurs compensations pour les fournisseurs d’électricité et de gaz, financées par la nouvelle action n° 17, dotée de 8,9 Md€.

En dehors de l’action n° 17, trois autres actions du programme devraient également progresser :

– L’action n° 11 « Soutien dans les zones non interconnectées au réseau métropolitain » verrait ses dépenses s’alourdir de 14,5 % (+ 315 M€), malgré un léger allègement des CSPE dues au titre de la production d’électricité renouvelable, en raison vraisemblablement de l’alourdissement du coût de leurs importations d’énergies fossiles. Ces dotations couvrent en effet le manque à gagner que représente la péréquation tarifaire dont bénéficient les consommateurs locaux d’électricité par rapport aux surcoûts de production structurels constatés dans ces territoires ;

– La croissance des dotations pour le dispositif de « Soutien aux effacements de consommation » (action n° 13) s’accélère, passant de 40 M€ à 72 M€, soit une progression de 80 %. Ces prévisions sont établies sur la base des déclarations de Réseau de transport d’électricité (RTE). Elles traduisent la stratégie de mobilisation des recours potentiels aux effacements en cas de tension sur les approvisionnements énergétiques en réponse aux menaces de rupture l’hiver prochain ;

– L’action n° 14 « Dispositions sociales pour les consommateurs en situation de précarité énergétique » augmenterait de plus de 42 % (+13 M€), avec une sous-action n° 14.02 dotée de près de 7 M€ supplémentaires, qui traduit l’accélération du déploiement des compteurs dits « intelligents » Linky et Gazpar, qui doivent aider les ménages à mieux piloter leurs consommations Elle reflète aussi l’aggravation des difficultés pour ces ménages à travers la progression de 7 M€ de la contribution aux fonds de solidarité logement.

En revanche, les actions n° 15 « Frais »,  12 « Soutien à la cogénération de gaz naturel et autres moyens thermiques », qui poursuit sa décroissance, et n° 10 « Soutien à l’injection de biométhane » reculeraient sensiblement.

S’agissant de cette dernière, la diminution devrait être moindre que celle annoncée dans le tableau de synthèse. Le projet annuel de performances prévoit en effet une dotation 343 M€ en 2023, et non 34,30 M€. Cela traduirait néanmoins une baisse de plus de la moitié. La justification au premier euro n’explique pas ce recul, faisant valoir au contraire une croissance rapide de la production de biométhane (qui passerait de 6,4 TWh PCS/an à 8,9 voire 11,9 en 2023) et des intentions d’achat des fournisseurs. Il s’explique sans doute par un moindre écart des coûts de production par rapport aux prix du marché et par suite une baisse des CSPE incombant à l’État.

Votre rapporteur insiste sur l’importance stratégique du biométhane, et plus globalement des autres gaz verts. Le développement de leur production apparaît comme une réponse pertinente aux difficultés actuelles d’approvisionnement en gaz ainsi qu’à l’urgence de réduire nos consommations d’énergies fossiles. Le soutien budgétaire aux gaz verts doit donc faire l’objet d’une planification stratégique visant la souveraineté en gaz de la France, une meilleure valorisation de nos déchets organiques et le soutien d’une filière structurante pour l’agriculture française et les territoires ruraux.

On relèvera également qu’aucun crédit n’est inscrit sur la nouvelle action n° 18 « Soutien hydrogène ». La France s’est bien engagée dans le développement de la production d’hydrogène décarboné, en accord avec l’objectif européen de réduire de 55 % les émissions de gaz à effet de serre en 2030 par rapport à 1990 et avec sa propre stratégie de décarbonation nationale. Le plan de relance puis France 2030 financent déjà plusieurs appels à projets (« Écosytèmes territoriaux hydrogène », « Briques technologiques et grands démonstrateurs ») ; la France compte également s’appuyer sur le Projet important d’intérêt européen commun « Hydrogène » pour développer des projets plus structurants. Elle a par ailleurs ouvert des dispositifs de soutien pour compenser les coûts d’exploitation de l’électrolyse, sensiblement plus élevés que ceux de l’hydrogène fossile, dont un mécanisme d’aide par appels d’offres pour soutenir cette production d’hydrogène décarbonée. C’est ce dispositif qui sera imputé sur l’action n° 18. Les appels d’offres sont prévus en 2023, mais ils n’impacteront le programme 345 qu’à partir de 2024.

L’évolution du programme 345 la plus notable est la remise à zéro de l’action n° 09 « Soutien aux énergies renouvelables électriques en métropole ».

La flambée des prix de l’électricité a eu pour effet d’effacer la plupart des surcoûts induits par les productions d’électricité renouvelable que soutient l’État à travers des contrats d’obligation d’achat (à un prix de référence théorique en principe supérieur au prix du marché) ou des contrats conclus au prix du marché avec un complément de rémunération (permettant de couvrir des coûts de production plus élevés) ([11]).

L’action n° 09 vise à compenser les surcoûts pour les fournisseurs qui ont contractualisé avec les producteurs d’EnR. Mais l’importante hausse des prix des marchés depuis 2021 a annulé les charges prévisionnelles sur 2023, qui deviennent négatives ([12]) à hauteur de – 19,2 Md€ (selon les projections de la CRE ajustées par le ministère) et génère également 20 Md€ de régularisation sur les charges prévues pour 2022. Ces 39 Md€ de moindres dépenses et de recettes supplémentaires permettent donc de n’inscrire aucun crédit sur l’action n° 09 et de minimiser d’autres dépenses, en particulier celles de l’action n° 17 (boucliers tarifaires).

volumÉtrie comparative des charges ÉvitÉes
en raison de l’augmentation des prix des Énergies

Cela ne met pas fin aux engagements pris par l’État au titre des contrats pluriannuels passés. La compensation reprendra si les prix des marchés reviennent à un niveau inférieur à leurs prix de référence ([13]). Au 31 décembre 2021, les engagements de l’État étaient évalués à hauteur de 148 Md en euros courants, dont 102 Md€ de soutien aux EnR électriques en métropole. Mais le volume de ces restes à payer variera en fonction des nouvelles mises en service et des évolutions des prix de marché.

Cela ne signifie pas non plus que les productions d’énergie renouvelables (EnR) ne poursuivront pas leur développement en 2023.

Les prévisions établies par la CRE d’après les projets en cours et les mécanismes de soutien envisagés donnent l’évolution suivante :

la production d’ÉlectricitÉ renouvelable soutenue entre 2021 et 2023

Filières

Puissance installée atteinte fin 2021

Puissance attendue fin 2022

(en cumulé)

Puissance visée fin 2022

(en cumulé)

Charges prévisionnelles en 2023 (1)

(en M€)

Éolien terrestre

18,8 GW

20,6 GW

23,0 GW

- 9 988

Éolien en mer

-

480,0 MW

2,4 à 2,7 GW

- 2 188

Photovoltaïque

13,5 GW

17,1 GW

19,5 GW

- 2 500

Bio-énergies

nc

nc

708,0 MW

- 1 200

Autres énergies

nc

Parc hydraulique soutenu : 2,0 GW

Filière incinération d’ordures ménagères soutenue : 192,0 MW

Géothermie : 32,0 MW

nc

- 1 600

(1)   Prévisions de la CRE. Source : projet annuel de performances 2023

II.   un programme 174 « ÉNERGIE, climat et aprÈs-mines » plus que jamais orientÉ sur l’accompagnement de la transition ÉnergÉtique

Portées à près de 5,1 Md€ en AE et à 4,9 Md€ en CP, les dotations du programme 174 progresseraient de, respectivement, 1 469,5 et 1 663,2 millions d’euros en 2023 par rapport à 2022 ([14]).

Après les accroissements réguliers et significatifs des précédentes lois de finances, l’augmentation des crédits totaux du programme 174 représenterait de nouvelles hausses de 40,6 % en AE et 52 % en CP.

Trajectoires d’Évolution des crÉdits du programme 174 sur 2017-2023 intÉgrant le transfert du compte d’affectation spÉciale
« transition Énerg1tique » en 2021

Sources : projets annuels de performances de 2017 à 2022.

Évolution des CrÉdits du programme 174

(En millions d’euros)

Actions

AE

LFI  2022

AE

PLF 2023

CP

LFI 2022

CP

PLF 2023

Variation des CP

01. Politique de l’énergie

104,5

117,3

111,9

141,4

+ 26,4 %

02. Accompagnement transition énergétique

2 658,1

3 349,0

2 227,5

3 095,5

+ 39,0 %

03. Aides à l’acquisition de véhicules propres

506,0

1 295,4

506,0

1 295,6

+ 156,0 %

04. Gestion économique et sociale de l’après-mines

302,8

270,3

302,8

270,3

- 10,8 %

05. Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air

47,4

56,4

47,4

56,7

+ 18,8 %

06. Soutien

1,5

1,4

1,5

1,3

- 7,0 %

Total

3 620,2

5 089,7

3 197,3

4 860,6

+ 52,0 %

Source : projet annuel de performances 2023.

Quatre des actions du programme varieraient à la hausse tandis que deux régresseraient :

– L’action n° 01 « Politique de l’énergie » gagne environ 13 M€ en AE (+ 12,3 %) et 29,50 M€ en CP (+ 26,4 %). L’essentiel des dotations est alloué à diverses études, mais aussi à l’accompagnement social des salariés des centrales à charbon dont l’emploi est supprimé. La principale évolution vient de l’augmentation de 20 M€ de l’enveloppe consacrée aux études de la direction générale de l’énergie et du climat (DGEC), notamment pour la réalisation de cartographies des zones potentiellement favorables au développement de l’éolien.

Votre rapporteur relève avec satisfaction que, si la subvention versée au Médiateur de l’énergie, qu’il a auditionné, sera reconduite à l’identique, le Gouvernement a autorisé le relèvement de son plafond d’emplois de 3 emplois à temps plein travaillé (ETPT) pour lui permettre de faire face à l’alourdissement de ses missions ;

– L’action n° 04 « Gestion économique et sociale de l’après-mine » recule tendanciellement de 32,50 M€ en AE et en CP (- 10,8 %) avec la diminution du nombre des bénéficiaires des mines fermées. Votre rapporteur souligne l’importance d’assurer en 2023, comme les années suivantes et jusqu’à l’extinction du régime avec le dernier survivant, un budget en capacité de garantir le maintien des prestations sociales du régime ;

– L’action n° 05 « Lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air » progresse, pour sa part, de près de 9 M€ en AE et en CP (+ 18,8 %). Elle regroupe les financements de plusieurs dispositifs participant à la lutte contre le changement climatique et pour la qualité de l’air, tels les contrôles des certificats d’économie d’énergie et le soutien aux associations agréées de surveillance de la qualité de l’air (AASQA) ;

– Enfin, l’action n° 06 « Soutien » participe aux efforts de rationalisation des frais de fonctionnement de la DGEC en diminuant de 7 %.

Les évolutions les plus significatives concernent les actions n° 02 et n° 03 qui financent les dispositifs centraux de la politique d’accompagnement des citoyens dans la transition énergétique.

L’action n° 02 « Accompagnement de la transition énergétique » sera augmentée de 690,9 M€ en AE et 868 M€ en CP pour financer le chèque énergie et la prime de transition énergétique (MaPrimeRénov’). L’effort financier pour l’action n° 03 « Aides à l’acquisition de véhicules propres » progresse quant à lui de 789,4 M€ en AE et CP. L’action n° 02 mobilisera ainsi 65,8 % des dotations du programme 174 et l’action n° 03, 25,4 %.

1.   Un chèque énergie complété pour faire face à la crise de l’énergie

Remplaçant les tarifs sociaux de l’électricité et du gaz depuis 2018, le chèque énergie est la principale aide aux ménages les plus modestes, qui peuvent l’utiliser pour régler leurs factures d’énergie ou des travaux d’efficacité énergétique.

La ligne budgétaire dédiée recule de 6,2 % en AE, à 899 M€, et de 5,1 % en CP, à 795 M€. De fait, contrairement aux projections de la loi de finances pour 2022, le nombre des bénéficiaires potentiels est resté stable à 5,8 millions depuis l’extension du chèque énergie aux résidents d’établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (répondant aux conditions de revenus) ([15]). Cela explique ces moindres prévisions de dépenses, et ce, même si le ministère espère une amélioration du taux d’usage à 87,5 % en 2022 et 88 % en 2023, au lieu des 81,5 % constatés en 2021, grâce à des campagnes de relance et à un nouveau traitement des plis non distribués. Votre rapporteur insiste sur l’importance de maximiser la proportion des bénéficiaires qui utilisent effectivement le chèque énergie qui leur a été attribué.

Votre rapporteur souligne également que ces montants ne reflètent pas la réalité des aides qui seront apportées aux ménages les plus fragiles.

En effet, la direction générale de l’énergie et du climat lui a indiqué qu’un nouveau chèque exceptionnel sera adressé cet hiver aux 40 % des ménages aux revenus les plus modestes, soit environ 12 millions de foyers – rappelons que celui de 2021 était réservé aux deux premiers déciles des revenus fiscaux de référence. En 2023, le montant de ce chèque atteindra 200 € pour les deux premiers déciles et 100 € pour les deux suivants. Le principe sera soumis au Parlement en loi de finances rectificative pour 2022 pour pouvoir envoyer le chèque dès le début de l’année 2023. Il n’est donc pas encore pris en compte dans le projet de budget pour 2023, mais coûterait jusqu’à 1,8 Md€.

Il viendra compléter le chèque énergie « de droit commun » ([16])  et le chèque énergie exceptionnel voté cette année, à hauteur de 230 M€, pour aider les ménages des cinq premiers déciles se chauffant au fioul, lequel pourra être sollicité à compter de novembre.

Le ministère a enfin indiqué étudier un chèque énergie « bois » qui, s’il est confirmé, sera créé par une loi de finances rectificative.

Votre rapporteur se réjouit de ces futures aides qui sont les bienvenues pour les ménages particulièrement impactés par la crise actuelle. Il regrette cependant la multiplication des chèques, qui altère leur lisibilité et affecte potentiellement leur utilisation. Il regrette également la variabilité de leurs conditions d’éligibilité, qui restent conditionnées au revenu fiscal de référence, sans prise en compte de la réalité des dépenses énergétiques.

2.   La poursuite du développement de MaPrimeRénov’

La prime de transition énergétique, dite MaPrimeRénov’, remplace l’ancien crédit d’impôt transition énergétique (CITE) depuis 2020. Initialement réservé aux seuls propriétaires occupants aux revenus modestes et très modestes ([17]), le dispositif a été ouvert aux autres propriétaires occupants en 2021, puis aux propriétaires bailleurs en juillet 2021 en contrepartie de leur engagement à louer ce logement à titre de résidence principale pendant au moins cinq ans. Il a également été étendu aux copropriétés. Il prend la forme d’une subvention versée aux ménages qui engagent des travaux de rénovation énergétique. Cette prime varie en fonction des travaux et des ressources des ménages. Elle est bonifiée si les travaux qu’elle finance permettent une rénovation performante ou sortent les logements des catégories F et G (passoires thermiques) et peut être cumulée avec les primes du dispositif des certificats d’économie d’énergie (CEE).

Grâce à sa simplicité d’accès, à la lisibilité de son montant et à la rapidité de son versement, MaPrimeRénov’ connaît un grand succès et a un fort effet de levier sur l’engagement des travaux de rénovation. Dans un « audit flash » rendu en septembre 2021, la Cour des comptes avait salué sa réussite mais recommandait un financement stable pour la consolider.

Votre rapporteur signale cependant des remontées négatives concernant la praticité du site internet de dépôt des dossiers. Les complexités de l’interface poussent une partie des demandeurs à se retourner vers les maisons France services qui n’ont pas les capacités pour répondre aux sollicitations qui leur sont adressées.

S’agissant du financement de MaPrimeRénov’, le projet de budget pour 2023 annonce une reconduction en 2024 et 2025 des prévisions budgétaires de 2023 pour le programme 174, reconduction qui permet d’espérer une dynamique de long terme. De surcroît, les dotations annoncées marquent une importante progression des crédits par rapport aux prévisions pour 2022 : la ligne budgétaire devrait ainsi augmenter de 750 M€ en AE (+ 44,1 %) et de 910 M€ en CP (+ 65,5 %) pour atteindre 2,45 Md€ en AE et 2,3 Md€ en CP, soit près de la moitié du programme 174 en cohérence avec un succès qui ne se dément pas.

En outre, il ne s’agit pas des seuls crédits destinés à la rénovation des logements : il faut ajouter les 213 M€ de CP qui restent sur le Plan de relance pour le financement des aides aux syndicats de copropriété éligibles à MaPrimeRénov’Copro et pour la réhabilitation de logements relevant de MaPrimeRénov’ Sérénité. Ce dernier dispositif, qui succède à l’ancien programme « Habitat mieux » de l’Agence nationale de l’habitat (ANAH), est consacré à la rénovation énergétique globale des logements, réservé aux ménages modestes. Il est également financé par les crédits du programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat » de la mission « Cohésion des territoires ».

En termes de résultats, on observe une réelle accélération de la mobilisation de MaPrimeRénov’ : du 1er janvier au 31 juillet 2022, les montants cumulés des primes de transition énergétique payées dépassaient le million d’euros et le nombre de dossiers ayant abouti à l’attribution d’une prime s’établissait à 369 397, soit plus que sur la période du printemps 2020 à l’automne 2021.

Les bénéficiaires restent majoritairement des ménages aux ressources très modestes et modestes : sur l’ensemble des bénéficiaires, ils représentent respectivement 46 % et 22 % des dossiers aidés.

Enfin, en 2021, les estimations provisoires des économies conventionnelles d’énergie associées à MaPrimeRénov’, par l’Observatoire de la rénovation énergétique (ONRE), atteignaient 5,6 MWh/an par logement aidé, soit une augmentation de 30 % par rapport aux économies d’énergie associées au CITE en 2019.

Votre rapporteur se réjouit de cette montée en puissance ; il s’inquiète cependant de certaines contraintes qui peuvent la contrarier, voire réduire l’efficacité des investissements publics : la capacité des professionnels du bâtiment à répondre à une demande croissante, la difficulté pour les particuliers d’identifier les travaux nécessaires pour une rénovation performante sans accompagnement et le besoin d’un contrôle actif du bon usage de ces aides afin d’éviter que des escrocs ne les détournent sans résultat réel sur les économies d’énergie. Au regard des crédits budgétaires mobilisés, il est plus impératif que jamais de traiter ces difficultés.

3.   Des aides à l’acquisition de véhicules propres qui se diversifient

Cette action regroupe les crédits relatifs à la prime à la conversion, incitant au retrait des véhicules les plus anciens au profit de véhicules moins polluants, et au bonus écologique qui est une aide à l’achat de véhicules neufs.

Le projet de budget pour 2023 annonce deux nouvelles enveloppes budgétaires : l’une devant financer un dispositif, encore en construction, de leasing social, qui permettra aux ménages aux revenus modestes de louer un véhicule électrique et l’autre destinée à soutenir l’acquisition de véhicules lourds.

Le Plan de relance avait consacré 100 M€ pour financer sur deux ans un bonus pour l’achat d’un véhicule professionnel lourd fonctionnant à l’électricité ou l’hydrogène, ainsi qu’un appel à projets, lancé en mars dernier, pour soutenir ces acquisitions et l’installation de bornes de recharge adaptées à cet usage.

Le projet annuel de performances ne précise pas si ces dispositifs en faveur des véhicules lourds seront prolongés au-delà de décembre 2022. Il ne détaille pas non plus le dispositif du leasing social, ni la ventilation des crédits entre les différentes aides inscrites sur cette action. Mais la totalité de l’action n° 03 devrait s’élever à 1,3 Md€, en hausse de 789,40 M€ par rapport à la loi de finances pour 2022, soit une progression de 156 % !

Votre rapporteur salue cet effort budgétaire même s’il regrette un manque de lisibilité sur les dispositifs en question.

III.   Un Compte d’affectation spÉciale « Financement des aides aux collectivitÉs pour l’Électrification rurale » sous tension malgrÉ sa reconduction (programmes 793 et 794)

En 2023, l’enveloppe totale du compte d’affectation spéciale « Fonds d’amortissement des charges d’électrification rurale » (dit FACÉ) sera reconduite au niveau voté les années précédentes, de 360 millions d’euros. Elle a vocation à soutenir les collectivités territoriales rurales qui financent et exercent la maîtrise d’ouvrage des travaux de développement et d’adaptation de leurs réseaux de distribution d’électricité.

Une redistribution des dotations entre les deux programmes sera opérée à la marge : 2 M€ seront ainsi pris sur le programme principal (programme 793 « Électrification rurale ») qui est ramené à 351,50 M€ en 2023, au profit du programme 794 « Opérations de maîtrise de la demande d’électricité, de production d’électricité par des énergies renouvelables ou de production de proximité dans les zones non interconnectées » – qui s’adresse en particulier aux sites isolés des territoires d’outre-mer – afin de doubler ses actions n° 07 « Transition énergétique » et n° 08 « Appels à projets innovants ».

Votre rapporteur comprend l’intérêt de ces renforcements, mais ne saisit pas l’arbitrage budgétaire réalisé au détriment des actions n° 04 « Extensions des réseaux » et n° 10 « Intempéries » du programme 793 alors que le contexte actuel appelle des efforts budgétaires supplémentaires sur ces deux sujets.

En effet, le développement des énergies renouvelables (EnR) nécessitera, vraisemblablement, une démultiplication des extensions permettant de raccorder les nouvelles installations de production.

Par ailleurs, les grands incendies de l’été dernier ont détérioré des réseaux, qui devront être rétablis. S’agissant des incendies, votre rapporteur signale qu’ils sont de plus en plus fréquents et qu’ils sont de nature à endommager gravement les réseaux de distribution d’électricité. Il soutient ainsi le principe selon lequel les crédits du FACE soient dimensionnés pour une participation aux travaux de rénovation des portions de réseaux détruites par le feu.

Votre rapporteur relève que le FACÉ fait aujourd’hui l’objet d’interrogations sur sa pérennité, malgré les indéniables services qu’il apporte à la péréquation et à la qualité des réseaux dans les territoires ruraux qui vont devoir accueillir une part déterminante de la puissance installée en matière d’électricité renouvelable.

Les menaces sur son existence sont d’autant plus discutables que le FACÉ est financé par une ligne du TURPE (tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité) perçu par les gestionnaires des réseaux de distribution sur les prix acquittés par les consommateurs. S’il venait à être supprimé, il serait alors légitime de s’interroger sur le devenir du financement du développement des réseaux de distribution dans les territoires ruraux, tout comme sur l’utilisation des sommes ainsi « économisées ».

La Cour des comptes lui a consacré une partie de son rapport annuel. Dans ses observations définitives, délibérées le 13 mai dernier, elle lui reproche avant tout un certain manque d’évaluation de l’efficacité des travaux financés et une rationalisation insuffisante des choix d’investissements.

Mais elle souligne aussi l’absence de critère permettant d’apprécier le niveau réel des besoins d’investissements des communes et la capacité du FACÉ à y répondre, d’autant plus que ses dotations n’ont pas été revalorisées depuis 2012 malgré le renchérissement des coûts des travaux, alors que ses crédits ont été réduits de 17 M€ chaque année depuis 2018 pour rattraper un déficit financier dont a hérité le FACÉ à sa création.

La Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR) a indiqué à votre rapporteur que lorsque EDF a rendu la gestion du fonds en 2012, elle n’y a pas intégré les crédits de paiement correspondant aux engagements restant à honorer, faute d’avoir constitué des provisions dédiées. Le compte d’affectation spéciale s’est ainsi retrouvé avec des restes à payer pour la période précédant sa création sans les ressources adéquates.

Depuis, la FNCCR conteste le prélèvement annuel des 17 M€ considérant que les collectivités ne devraient pas être pénalisées par la « dette » imputable à la gestion d’EDF et, in fine, payée par les consommateurs d’électricité via le TURPE prélevé sur leurs factures.

La FNCCR considère plus largement que l’enveloppe globale du FACÉ devrait être revalorisée significativement au regard des besoins croissants de renforcement et de renouvellement des réseaux, en lien avec le développement des EnR, l’électrification des usages et le renchérissement des coûts des travaux.

Se fondant sur l’annonce par ENEDIS d’une hausse de près de 600 M€ par an des investissements d’ici à 2035, les autorités organisatrices de la distribution d’énergie (AODE), qui participent à hauteur de 20 % environ aux investissements sur les réseaux de distribution, estiment qu’il leur faudrait accroître leurs propres investissements dans une proportion équivalente, ce qui représenterait une augmentation d’environ 120 M€ par an de leurs besoins de financement.

La Cour des comptes souligne également l’ampleur des enjeux financiers pour les réseaux électriques : « ENEDIS et RTE estiment les investissements nécessaires pour assurer [la transition énergétique] d’ici à 2050 entre 2 et 4 Md€ par an, qui s’ajouteraient aux 2 Md€ annuels d’investissements de renouvellement et de modernisation du réseau. Les 377 M€ destinés au FACÉ, financés par des contributions des GRD (gestionnaires de réseau de distribution) et compensés à travers le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité, c’est-à-dire in fine le prix acquitté par le consommateur, paraissent insuffisants à l’aune de ces enjeux. »

De son côté, ENEDIS, principal contributeur du FACÉ (à hauteur de 355 millions d’euros), défend le dispositif de financement, qui a été créé pour assurer la péréquation entre les territoires urbains et ruraux dans le déploiement des réseaux électriques et leur renouvellement et a participé, entre 2015 et 2020, au financement de 9 % du total des investissements réalisés sur l’ensemble du réseau de distribution d’électricité. « D’un point de vue global, [ENEDIS] soutient la pérennité du FACÉ, en tant qu’instrument concourant à l’aménagement du territoire, à la solidarité territoriale et à la péréquation tarifaire, sous réserve d’amélioration de l’efficacité, du contrôle et de la programmation des investissements et d’un recentrage progressif (ou d’une priorisation) des investissements sur le réseau vu les enjeux à venir. »

Il conviendrait notamment, selon le distributeur et la Cour des comptes, de mieux flécher les communes réellement rurales. Il considère également, pour sa part, qu’il serait nécessaire de recentrer l’usage du fonds sur les actions prioritaires de renforcement et de sécurisation des réseaux nécessitées par le développement des EnR.

S’agissant de la définition des communes rurales, votre rapporteur insiste sur l’importance des critères retenus pour les caractériser. Ils doivent en particulier être adaptés à la situation des communes nouvelles. En effet, ces regroupements de communes ne modifient en rien leur caractère rural. Le critère du nombre d’habitants, de nature à les faire basculer en communes urbaines, n’apparaît donc pas adapté. Une évolution des critères pour les communes nouvelles doit être envisagée, par la voie législative, d’ici aux prochaines élections municipales, en juin 2026. 

En tout état de cause, ENEDIS « estime que tant que le pilotage de l’efficience du dispositif de gestion des aides à l’électrification rurale n’est pas renforcé, il n’y a pas lieu d’envisager une augmentation du budget du CAS ».

 


  1  

   SECONDE partie :
Poids et Évolution de la « fiscalitÉ » de l’ÉlectricitÉ et du gaz dans les prix de ces Énergies

Votre Rapporteur a choisi de consacrer la partie thématique de son avis aux contributions publiques – tarifs d’utilisation des réseaux et taxes – qui entrent dans la composition des prix de l’énergie, leur poids pour les consommateurs et leur évolution face aux grands enjeux d’aujourd’hui (transition énergétique, lutte contre les gaz à effet de serre, pouvoir d’achat et ressources publiques).

Cette étude se concentre sur les contributions pesant sur les consommations finales d’électricité et de gaz à usage de combustible (mais non de carburant ([18])).

Elle ne s’attache pas à la fiscalité pesant directement sur la production de l’électricité (ou du gaz) en France, tels les impôts sur la production, la taxe sur les installations nucléaires de base ou les impositions sur les productions d’énergies renouvelables (EnR). Elle écarte également l’impact sur les prix de l’énergie des quotas de CO2 (même s’il est de plus en plus sensible) qui correspond à un marché dont les modalités sont définies au niveau européen.

L’étude de ces contributions publiques impose en revanche de distinguer les modalités qui s’appliquaient avant la crise des prix de l’énergie, d’une part, de celles héritées de cette crise et des mesures prises depuis l’automne 2021 pour faire face à l’envolée des prix, d’autre part.

La définition des règles « d’un retour à la normale » à la sortie de cette crise majeure aura sans doute un rôle à jouer pour la conduite de la politique énergétique.

I.   Des contributions aux logiques diffÉrentes

Tout d’abord il convient de bien distinguer les taxes qui abondent le budget de l’État ou de certaines collectivités territoriales des tarifs de réseau qui sont acquittés pour rétribuer l’usage des réseaux publics de transport et de distribution et qui sont directement intégrés à la facture des consommateurs.

A.   Des tarifs d’utilisation des rÉseaux dÉfinis en fonction des besoins

1.   La définition des tarifs par la CRE

Les entreprises chargées de gérer les réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz sont des monopoles. Le code de l’énergie confie à la Commission de régulation de l’énergie (CRE) la mission de définir le niveau correct des tarifs : trop cher le consommateur final serait lésé, trop peu cher la qualité du service se dégraderait, tout en réduisant les capacités d’investissement dans les réseaux.

Ainsi, les tarifs de réseau doivent être à même de couvrir l’ensemble des coûts des gestionnaires de réseau « dans la mesure où ces coûts sont ceux d’un opérateur efficace » (article L. 341-2 du code de l’énergie).

On entend par « coûts » les charges d’exploitation, nécessaires au bon fonctionnement et à la sécurité des réseaux et des installations, ainsi que les charges de capital et d’investissement (amortissement et rémunération des actifs nécessaires à leurs missions) des gestionnaires de réseau. La CRE s’appuie pour cela sur de nombreux audits et des incitations à la performance.

Le processus de fixation et d’évolution des tarifs de réseaux par la CRE

Tous les quatre ans la CRE fixe les tarifs d’accès aux infrastructures régulées : elle s’appuie pour cela sur un dossier de demande transmis par l’opérateur et sur des audits ou benchmark externes. Pour mener ses analyses, elle se base en particulier sur le bilan des tarifs précédents (niveau des charges réellement constaté, indicateurs de qualité de services, etc.) et consulte largement les utilisateurs du réseau, notamment afin de cibler la régulation incitative appliquée aux gestionnaires de réseaux sur leurs besoins prioritaires.

La CRE s’attache à assurer la plus grande transparence sur ces travaux d’élaboration des tarifs.

Pendant la durée de vie d’un tarif, la CRE suit la mise en œuvre de ce dernier, essentiellement au moment de l’exercice d’évolution annuelle : elle fait alors le bilan des charges de l’année précédente et mesure la performance des opérateurs sur les différents mécanismes de régulation incitative, afin de déterminer le coefficient d’évolution annuel, conformément aux formules fixées dans le tarif.

Si à l’occasion de cet exercice (ou à l’occasion de tout autre échange avec les opérateurs ou les utilisateurs du réseau), la CRE constate que les mécanismes de régulation sont manifestement mal calibrés, elle peut décider de les faire évoluer sans attendre le tarif suivant. Elle l’a notamment fait récemment pour fixer des cibles de qualité de service plus ambitieuses ou encore pour amender des éléments de la régulation non robustes au contexte de crise actuel.

a.   Les tarifs d’utilisation des réseaux d’électricité

Le tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité (TURPE) vise à financer l’acheminement de l’électricité des lieux de production à ceux de consommation, à savoir les entreprises, les collectivités ou chez les particuliers. Il existe deux TURPE :

– le TURPE HTB (haute tension B) pour les utilisateurs raccordés au réseau de transport, basé sur les coûts du gestionnaire des lignes à haute et très haute tension, RTE ;

– le TURPE HTA-BT (haute tension A, basse tension) pour les utilisateurs raccordés au réseau de distribution, basé sur les coûts du gestionnaire des lignes de moyenne et basse tension, ENEDIS, même s’il bénéficie également aux entreprises locales de distribution (ELD) – qui assurent la distribution sur 5 % du territoire.

Méthodologiquement, la CRE se fonde sur les grands principes suivants :

– la péréquation tarifaire : le coût d’accès au réseau supporté par les consommateurs finals d’électricité est le même sur tout le territoire français, y compris dans les zones non interconnectées (ZNI) ;

– le « timbre-poste » : le tarif d’acheminement reste identique pour tous les consommateurs, quelle que soit la distance entre le site d’injection et le site de soutirage ;

– la non-discrimination : la tarification doit refléter les coûts générés par chaque catégorie d’utilisateurs indépendamment de l’usage final qu’ils font de l’électricité. Concrètement, le TURPE change selon la puissance du compteur et la tension de raccordement ;

– et l’horosaisonnalité : le tarif varie en fonction des périodes de l’année, des jours et des heures. C’est le système des heures creuses et heures pleines par exemple.

Il s’agit en particulier d’envoyer aux clients des signaux tarifaires pertinents en matière d’utilisation du réseau (pour limiter les consommations aux heures de pointe) et d’investissements (dans les équipements performants, les dépenses d’efficacité énergétique, etc.).

La CRE doit aussi prendre en compte la politique énergétique prévue par les autorités publiques, en termes de renforcement et de développement des réseaux notamment.

L’élaboration du TURPE repose sur la définition, pour la période tarifaire à venir, du revenu autorisé du gestionnaire de réseau et sur la définition d’une trajectoire prévisionnelle de l’énergie soutirée et injectée ainsi que des puissances souscrites par les utilisateurs raccordés sur le réseau.

Il s’agit également d’arrêter comment sont répartis les coûts entre les utilisateurs.

 

 

 

 

La structure tarifaire correspond à la façon dont les coûts de réseaux sont affectés auprès des différents types d’utilisateurs, au travers de différentes composantes tarifaires. Cette allocation vise à faire payer à chaque utilisateur les coûts qu’il engendre par son utilisation des réseaux d’électricité. En cherchant à réduire et à optimiser sa facture, l’utilisateur réduit aussi les coûts qu’il génère pour le réseau, à court et à long terme.

La tarification à la puissance souscrite incite chaque utilisateur à limiter sa pointe individuelle et permet ainsi de limiter la pointe de réseau. En ce sens, elle apparaît adaptée aux spécificités du réseau français. Toutefois à puissance de pointe égale, ceux présents le plus longtemps pendant les périodes les plus chargées génèrent plus de coûts de réseau que ceux présents pendant seulement une partie de ces dernières, ce qui est reflété dans la tarification à l’énergie soutirée. Un des enjeux de la structure tarifaire consiste à trouver le juste équilibre entre tarification à la puissance et à l’énergie.

Les coûts des réseaux sont répercutés aux utilisateurs de réseaux selon un ensemble de composantes tarifaires, différenciées par niveau de tension, qui sont les suivantes :

– des composantes fixes, qui couvrent les coûts de gestion et de comptage. Ces coûts ne dépendent pas de l’usage du réseau, mais du type de service apporté par les gestionnaires ;

– une composante de soutirage, qui couvre notamment les coûts d’infrastructure ;

– une composante d’injection, qui ne s’applique qu’à certains cas ;

– et des composantes liées à certains services spécifiques : dépassements de la puissance souscrite, alimentation complémentaire et de secours, etc.

Les TURPE 6 sont entrés en vigueur au 1er août 2021 et devront être à nouveau définis en 2024. Ils évoluent au 1er août de chaque année.

Le TURPE fixe également un cadre de régulation qui vise :

– d’une part, à limiter le risque financier pour le gestionnaire et/ou les utilisateurs découlant des écarts entre les charges et les produits réellement constatés et les charges et les produits prévisionnels sur certains postes ;

– et, d’autre part, à encourager le gestionnaire à la maîtrise de ses dépenses et à l’amélioration de la qualité du service rendu à ses utilisateurs au travers de mécanismes incitatifs de primes ou de pénalités.

b.   Les tarifs d’utilisation des réseaux de gaz

Côté gaz, la CRE fixe, selon des modalités similaires, les divers tarifs d'accès des tiers aux réseaux :

– les tarifs ATRT des deux gestionnaires de réseaux de transport (GRTgaz et Téréga) ;

– un tarif ATRD pour chaque gestionnaire de réseaux de distribution (25 GRD). Ils font l’objet d’une péréquation à l’intérieur de la zone de desserte de chaque opérateur, sauf pour les nouvelles zones de desserte concédées ;

– le tarif d’utilisation des terminaux méthaniers d’Elengy (ATTM) ;

– et depuis 2018 le tarif d’utilisation des stockages souterrains de gaz naturel (ATS) de Storengy, Téréga et Géométhane.

L’ATRT 7 de GRTgaz est entré en vigueur au 1er avril 2020, l’ATRD 6 de GRDF au 1er juillet 2020 et celui des ELD au 1er juillet 2022. Ils sont fixés pour 4 ans, avec une révision annuelle.

2.   Des contributions essentielles aux missions des gestionnaires de réseau

a.   Des recettes qui doivent assurer le financement de l’entretien des réseaux comme leur adaptation à la transition énergétique

Les enjeux et, par suite, les besoins de fonctionnement et d’investissements des réseaux énergétiques sont multiples et appelés à s’accroître notablement dans les prochaines années.

De manière générale, la qualité d’alimentation et la qualité de service des réseaux énergétiques sont des facteurs d’attractivité économique majeurs pour un pays.

Aux besoins découlant de l’entretien des réseaux, de leur renforcement et de leur adaptation aux évolutions démographiques et économiques des territoires, s’ajoutent désormais les indispensables investissements dans leur sécurisation et leur renouvellement pour suivre le développement des EnR et l’électrification des usages. L’accélération de la transition énergétique et écologique se traduira en effet par une augmentation massive de la production renouvelable à raccorder et par la multiplication des bornes de recharge. Il s’agira non seulement d’étendre les réseaux mais aussi de consolider et même augmenter leurs capacités à recevoir, gérer, répartir et distribuer des puissances supplémentaires.

Ces efforts d’investissements sont massifs ; ils sont désormais accentués par la reprise de l’inflation et l’envolée des coûts des matériaux.

Notons que si ces futures charges seront encore plus lourdes dans les zones non interconnectées où les coûts de la production et du réseau sont plus élevés, l’État devrait compenser ces surcoûts via les CSPE (voir partie I).

Pour faire face à ces obligations d’adaptation des réseaux, leurs gestionnaires bénéficient de plusieurs types de ressources : les contributions payées au moment du raccordement, les recettes des prestations annexes, les subventions, etc. Mais l’essentiel est composé des recettes tarifaires, c’est-à-dire des revenus procurés par les tarifs d’utilisation dans les limites autorisées par la CRE (on parle de « revenus autorisés »). Celles-ci ont évolué comme suit :

Les recettes tarifaires des gestionnaires de rÉseau

(En millions d’euros)

 

RTE

ENEDIS

GRDF

ATRT 7

(GRTgaz et Terega)

ATS2

(Storengy, Terega, Géométhane)

TTM6

(Elengy)

2017

4 168

13 071

3 223

nc

nc

nc

2018

4 299

13 503

3 248

nc

nc

nc

2019

4 278

13 583

3 287

nc

nc

nc

2020

4 072

13 708

3 166

2 076,0

682,3

248,0

2021

4 338

14 665

3 399

2 026,7

666,5

214,6

2022

nc

14 424

3 274

2 000,5

715,3

214,1

Source : CRE.

Par construction, les recettes tarifaires suffisent, en principe, pour couvrir les frais des gestionnaires de réseau et leur donnent les moyens de mener à bien leurs missions de service public.

Néanmoins, les perspectives font dire aux gestionnaires de réseau électriques auditionnés par votre rapporteur que « les efforts d’investissements nécessaires à la transition énergétique couplés aux charges en hausse devraient peser à la hausse sur les tarifs des réseaux d’électricité dans les années à venir ». Néanmoins, « à long terme, la hausse de la consommation d’électricité devrait, à l’inverse, contribuer à limiter la hausse des tarifs réseaux » – en raison d’une assiette de répartition plus large.

On a vu précédemment (en partie I) qu’ENEDIS et RTE estimaient devoir mobiliser entre 2 et 4 Md€ par an d’ici à 2050 pour assurer la transition énergétique, qui s’ajouteraient aux 2 Md€ annuels d’investissements de renouvellement et de modernisation du réseau électrique.

Déjà, sur la période TURPE 6 (2019-2024), le niveau moyen des charges à couvrir de RTE, par exemple, qui s’élève à 4 387 M€/an en moyenne, évolue de + 2,4 % en moyenne par an, sous l’effet des hausses de ses charges d’exploitation (et d’une baisse de ses recettes d’interconnexion, la France exportant moins et important davantage ces dernières années).

Lors de son audition, RTE a rappelé à votre rapporteur la nécessité d’une forte augmentation des investissements dès la période du TURPE 6 afin de permettre le raccordement de la production d’électricité renouvelable, le renouvellement de ses actifs, le maintien d’un haut niveau de qualité d’alimentation et le développement et la modernisation de son système d’information : les investissements devraient ainsi passer de 1,5 Md€/an en moyenne sur la période du TURPE 5 à 2,2 Md€/an en moyenne sur la période du TURPE 6. La CRE a pris en compte ses besoins croissants pour le TURPE 6. Cependant, malgré ces avancées, RTE s’estime encore sous-couvert sur certains besoins (les surcoûts induits par la flambée des prix de l’électricité et des matières premières), ce qui donne lieu à des échanges avec la CRE. Une délibération est attendue pour la fin de l’année 2022.

RTE salue en revanche la perspective de la suppression de la CVAE et espère la poursuite de la baisse des impôts de production. Ceux-ci ont pesé plus de 500 M€ en 2021 et sont intégralement répercutés dans les tarifs réglementés, en application du principe de couverture intégrale des charges.

Quant à ENEDIS, le TURPE 6 a bien permis une augmentation de son revenu autorisé (qui représente 92 % de ses ressources) de près de 0,5 Md€ par rapport à TURPE 5, pour tenir compte de la hausse importante de ses investissements.

Mais l’entreprise est confrontée à une situation exceptionnelle qui devrait avoir des impacts significatifs, notamment en 2023. Chaque année, elle achète 25 TWh d’électricité pour couvrir « les pertes réseau ». Or le coût de ces achats est en très forte augmentation : il pourrait atteindre 12 à 18 Md€ sur 2022-2024, soit un surcoût estimé à date compris entre 8 et 15 Md€ par rapport aux prévisions retenues pour le TURPE 6 (de 3,5 Md€ sur la même période). Non seulement ces surcoûts finiront par être répercutés sur le TURPE, mais, à court terme, cette situation entraîne un déséquilibre financier d’ENEDIS et l’augmentation de sa dette.

Cela étant, l’entreprise considère qu’en-dehors le sujet des « pertes réseau », « les trajectoires d’investissements nécessaires pour réaliser la transition énergétique sont soutenables pour le pouvoir d’achat ».

b.   Un mécanisme d’estimation des tarifs d’utilisation qui n’oublie pas de rendre aux utilisateurs les trop-perçus qu’il peut générer

Les tarifs d’utilisation des réseaux sont fixés à partir d’hypothèses sur le niveau prévisionnel des charges et des recettes des gestionnaires. Un mécanisme de régularisation a posteriori prend toutefois en compte tout ou partie des écarts entre les charges et les produits réellement constatés, le compte de régularisation des charges et des produits (CRCP). Son solde est généralement utilisé pour augmenter ou diminuer les revenus autorisés– modérant par répercussions les hausses annuelles de tarif – ainsi que pour le versement d’incitations financières à améliorer la qualité de leur service.

Dans certains cas, il peut être rendu directement aux utilisateurs.

C’est ainsi que RTE a proposé de restituer de manière anticipée, en début d’année prochaine, plus d’un milliard d’euros correspondant à un excédent exceptionnel prévu pour 2022 sous l’effet des tensions sur le marché de l’électricité. Ces recettes inhabituelles proviennent notamment des droits d’accès payés par les importateurs et exportateurs d’électricité pour pouvoir utiliser les interconnexions transfrontalières exploitées par RTE. Le niveau très élevé des prix de l’électricité a engendré pour RTE des surcoûts mais, dans le même temps, le creusement des écarts de prix entre la France et ses voisins a entraîné une croissance considérable des recettes liées aux interconnexions transfrontalières.

Ainsi, près d’un tiers du tarif payé en 2022 par les utilisateurs du réseau public de transport, notamment les grands sites industriels, devrait leur être rendu.

B.   Des taxes qui profitent aux recettes de l’État, sans Être flÉchÉes directement vers le financement de la transition ÉnergÉtique

1.   Trois taxes payées par les consommateurs d’électricité et de gaz

Les livraisons d’électricité et de gaz sont actuellement soumises à trois taxes :

– L’accise sur l’électricité et sur le gaz (anciennement TICFE et TICGN, voir ci-après), définie par un tarif en €/MWh appliqué aux volumes consommés. Elle est acquittée par les fournisseurs après avoir été répercutée sur les factures des consommateurs finals.

À noter que l’accise sur l’électricité – précédemment appelée taxe intérieure de consommation finale d’électricité (TICFE) – continue à être désignée dans les factures d’électricité par l’acronyme « CSPE » en rappel de la « contribution au service public de l’électricité » qui fut intégrée à la TICFE en 2016. Malgré la similitude, cette CSPE ne se confond pas avec les CSPE ou « charges de service public de l’énergie » portées par le programme 345 (cf. partie I).

Les taxes intérieures de consommation des énergies sont renommées « accise sur les énergies » depuis l’ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021 et codifiées aux articles L.312-1 à L.312 107 du nouveau code des impositions sur les biens et services.

Due uniquement pour les usages en tant que carburant ou combustible des produits mentionnés au L. 312-1, ainsi que sur l’électricité (L. 312-2), il existe cinq fractions d’accise :

– la fraction perçue sur l’électricité (nouvelle dénomination de la TICFE) ;

– la fraction perçue sur les gaz naturels (ancienne TICGN) ;

– la fraction perçue en métropole sur les produits énergétiques, autres que le gaz naturel et le charbon (ancienne TICPE) ;

– la fraction perçue en outre-mer sur les produits énergétiques, autres que les gaz naturels et les charbons (anciennement Taxe spéciale de consommation applicable dans les 5 départements et régions d’outre-mer) ;

– la fraction perçue sur les charbons (anciennement TICC).

L’accise sur l’électricité était jusqu’alors complétée par des taxes locales, les TDCFE et TCCFE ([19]) qui représentent environ 10 €/MWh. La composante communale (TCCFE) doit être intégrée à l’accise à compter du 1er janvier 2023, après l’intégration de la composante départementale en 2022.

Si ces taxes locales n’existent pas pour le gaz, une majoration régionale est appliquée en outre-mer, en Corse et en Île-de-France ;

– La contribution tarifaire d’acheminement (CTA), assise sur la part fixe du tarif d’utilisation des réseaux publics d’électricité et de gaz ;

– La taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui s’applique à l’ensemble des éléments de la facture, y compris la CTA et les accises en application de la directive européenne relative au système commun sur la valeur ajoutée dans l’Union européenne.

Le ministère et la CRE ont confirmé qu’il n’y a pas de différence de régime fiscal entre les tarifs réglementés de vente et les prix libres en offres de marché proposés par les fournisseurs. De même, le poids des taxes dans la facture est le même en métropole et dans les zones non interconnectées en vertu du principe de péréquation tarifaire. Quant aux volumes d’énergie importée, ils sont pareillement taxés sur la base des quantités livrées aux consommateurs finals.

Hormis la TVA, ces taxes sont modulées en fonction du type d’énergie et de la catégorie d’utilisateurs ([20]).

Les tarifs normaux * en vigueur ou prÉvus avant la crise

 

Électricité

Gaz naturel (à usage de combustible)

Fraction d’accise

– ménages > 250 kVA ou activités économiques < 36 kVA :

26,6875 €/MWh en 2022 puis 32,0625 en 2023

– 36 < PME < 250 kVA :

23,5625 €/MWh puis 25,6875 en 2023

– > 250 kVA : 22,50 €/MWh

Taux normal : 8,41 €/MWh

CTA

– 10,11 % pour les consommateurs raccordés au réseau public de transport ou à un réseau public de distribution de tension supérieure ou égale à 50 kvolts

– 21,93 % pour les autres consommateurs raccordés aux autres réseaux publics de distribution

 4,71 % pour les prestations de transport

 

– 20,80 % pour les prestations de distribution

TVA

– Pour une puissance souscrite inférieure ou égale à 36 kVA :

5,5 % sur l’abonnement HT et sur la CTA

20 % sur le prix de l’énergie et les autres taxes

- Pour une puissance > 36 kVA : 20 % sur toute la facture

– 5,5% sur l’abonnement

 

– 20% sur la consommation

* Les entreprises électro-intensives et quelques autres consommateurs bénéficient de taux ou tarifs aménagés (voir II.B).

2.   Des recettes généralement non affectées

● Depuis 2016, seule la CTA a une finalité définie. Elle permet de financer les droits à l’assurance vieillesse des personnels des entreprises de réseaux de transport et de distribution d’électricité et de gaz naturel pour les droits passés (acquis avant l'adossement au régime général le 1er janvier 2005). Les taux de la CTA sont fixés par arrêté ministériel.

On notera que la CRE a demandé à plusieurs reprises que le taux de CTA soit revu à la baisse, s’agissant de l’électricité, pour prendre en compte les évolutions de structure du TURPE et la baisse des besoins réels de financement de la Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG). « Dans un contexte de crise sans précédent sur les marchés de l’énergie et de hausse spectaculaire de nombreux postes de charges, cette révision semble essentielle afin de veiller à ce que toutes les composantes de la facture d’énergie supportée par les consommateurs finals soient fixées au niveau le plus juste possible, pour éviter toute dégradation additionnelle de celle-ci ».

● Sans surprise la TVA revient au budget général de l’État. On parle alors de « taxe de rendement », dont la nature est d’apporter des ressources à l’État pour assurer ses missions et mener ses politiques publiques.

C’est également le cas des accises – en dehors des majorations prélevées pour le compte des collectivités territoriales qui leur sont ensuite versées.

Le produit de l’accise sur le gaz (antérieurement TICGN) est toujours revenu directement au budget général de l’État. De même que celui de l’accise sur l’électricité (anciennement TICFE). Jusqu’en 2015, les consommateurs finals payaient, en plus de la TICFE, une contribution au service public de l’électricité (CSPE) qui couvrait les charges de service public de l’énergie. La loi de finances rectificative pour 2015 a réformé le financement de ces charges en les inscrivant au budget de l’État (programme 345) et en fusionnant la CSPE avec la TICFE. Les régimes d’exonération de CSPE ont parallèlement été remplacés par des taux réduits accordés à certains types d’utilisation de l’électricité.

Dans son guide sur la fiscalité de l’énergie, le ministère de la transition énergétique explique que, de 2017 à 2020, les énergies renouvelables électriques et gaz n’ont plus été financées par la CSPE – ou TICFE –, ni par la TICGN, mais par la TICPE et la TICC, via l’affectation d’une partie de leurs recettes (à hauteur de 6,9 Md€) au compte d’affectation spéciale « Transition énergétique ».

Ainsi, seuls les produits énergétiques carbonés finançaient la transition énergétique, et non plus l’électricité, largement décarbonée en France.

Depuis le 1er janvier 2021, ce compte d’affectation spéciale a été supprimé et les charges de services publics de l’énergie sont désormais financées directement par le budget général de l’État.

3.   Des recettes insuffisantes à elles seules pour couvrir le financement intégral de la transition énergétique

On pourrait s’étonner que le produit des taxes sur l’énergie ne serve pas à financer spécifiquement les besoins en matière d’énergie, au regard notamment des investissements massifs que suppose la transition énergétique de notre pays. Certains pourraient y voir une condition au consentement des contribuables : s’ils savent à quoi servent ces taxes, ils comprendront mieux pourquoi ils les payent et pourquoi elles pourraient être amenées à augmenter…

Toutefois votre rapporteur rappelle que la non-spécialisation des recettes publiques assure généralement leur meilleur usage car elle permet d’adapter la répartition des moyens en fonction de l’évolution des besoins et des priorités politiques. C’est ce même principe qui permet de prendre des moyens d’autres sources (telles la TICPE) pour financer une politique dont les besoins sont vraisemblablement supérieurs aux recettes des taxes sur l’électricité et le gaz.

En effet, comme le montre le tableau ci-après, le produit des accises sur les produits non pétroliers a atteint, dans le meilleur des cas ces dernières années, un peu plus de 10,6 Md€.

Évolution des recettes des accises sur l’Énergie

(En millions d’euros)

 

2019

2020

2021

2022 (prévis.)

Accise sur l’électricité (TICFE)

7 837,5

7 354,3

7 377,2

~200,0

(taux minimum)

Accise sur les gaz naturels (TICGN)

2 411,4

2 190,3

3 302,7

2 441,0

Accise sur les charbons (TICC)

14,3

9,9

9,7

9,0

TOTAL sur produits non pétroliers

10 263,2

9 554,5

10 689,6

2 650,0

Accise sur les produits énergétiques autres que les gaz naturels et les charbons (TICPE)

33 320,7

28 451,5

31 991,1

-

dont collectivités territoriales

10 872,7

5 226,5

5 751,5 (départements)

-

dont État

21 485,6

14 156,9

19 386,9

18 365,2

dont nouvelle régionalisation avant répartition entre État et Régions

Non disponible

8 737,8

4 497,0

-

Accise sur les produits énergétiques autres que les gaz naturels et les charbons (TICPE) – outre-mer

554,2

501,6

533,3

-

TIRUERT (sur les transports)

2,8

0.6

1,4

-

Sources : DGDDI et DGEC

On ignore à combien s’élèvent les recettes de TVA sur la livraison de ces mêmes produits. Mais quand bien même elles doubleraient les montants disponibles, ils resteraient encore en-deçà des besoins à venir. Selon les projections pour 2023, les dépenses directement allouées à la transition énergétique sur le programme 174 représenteraient plus de 3,9 Md€. Quant aux crédits mobilisés pour le développement des EnR en métropole sur le programme 345, ils auraient pu s’élever à 19 Md€, selon le projet annuel de performances, si la hausse des prix de l’énergie n’avait neutralisé ces dépenses (voir partie I) – sans parler des dépenses fiscales et des dotations en faveur des ZNI, de l’injection du biométhane, etc. et, bientôt, du futur nucléaire.

Depuis 2020, un document budgétaire annexé au PLF, le jaune « Rapport sur l’impact environnemental du budget de l’État », retrace l’ensemble des financements de la transition écologique et notamment énergétique. L’édition pour 2023 n’est pas encore disponible.

Une interrogation demeure toutefois : au fur et à mesure du remplacement des véhicules thermiques par des véhicules électriques, les recettes fiscales ne diminueront-elles pas en raison de la différence de rendement entre la TICPE et l’accise sur l’électricité ? L’accroissement des recettes de l’accise sur l’électricité, par l’élargissement de son assiette, suffira‑t-il à compenser la contraction de la TICPE et, donc, la réduction des moyens d’action de l’État ? S’il est trop tôt pour y répondre, la question ne doit être ni éludée, ni reportée à une échéance trop lointaine.

C.   Des taxes et des tarifs pesant, chacun, pour environ le tiers des factures d’avant crise

L’observatoire des marchés de détail de la CRE ([21]) publie des séries statistiques sur les postes de coûts couverts par la facture au tarif réglementé de vente en électricité et en gaz naturel.

Il apparaît ainsi qu’avant la crise COVID, en 2019, la répartition de ces postes s’établissait comme suit :

Postes de coÛts couverts par la facture aux TRV d’ÉlectricitÉ et de gaz pour un client rÉsidentiel au 31 mars 2019

TRV électricité

100 %

Fourniture (production et commercialisation)

34 %

Tarifs d’utilisation des réseaux

dont transport

31 %

8 %

CTA

3 %

TVA

15 %

TCFE

5 %

Accise sur l’électricité (ex TICFE), dénommée CSPE

13 %

Sous-total des taxes

35 %

TRV gaz

100 %

Fourniture (importation et commercialisation)

40 %

Tarifs d’utilisation des réseaux

dont transport

dont stockage

dont distribution

34 %

6 %

4 %

24 %

CTA

3 %

TVA

13 %

TICGN

10 %

Sous-total des taxes

26 %

Source : CRE, observatoire des marchés de détail.

On observe que les ordres de grandeur sont comparables pour les factures des offres de marché.

Parts des différents postes de coûts couverts par les factures TRVe et TRVg en mars 2019

Source : CRE, observatoire des marchés de détail.

Votre rapporteur regrette certaines insuffisances dans la lisibilité des tarifs et des taxes sur les factures des consommateurs de gaz et d’électricité. En dépit de l’arrêté du 12 avril 2022 encadrant la présentation des factures d’énergies, leur bonne compréhension se heurte toutefois à des informations absentes et imprécises.

Une première absence concerne le manque de transparence dans le chiffrage du montant à payer au titre des tarifs d’utilisation des réseaux (le montant n’apparait pas explicitement sur les factures des particuliers alors que l’information est plus détaillée sur les factures des plus gros consommateurs). La compréhension des tarifs d’utilisation est d’autant plus importante qu’une confusion sémantique peut s’installer avec la CTA (Contribution Tarifaire d’Acheminement). Une imprécision concerne le flou sur le calcul du montant de cette CTA. Enfin, le recours à une terminologie instable (CSPE, TICFE et accise sur l’électricité) ne contribue pas à faciliter la bonne compréhension des taxes sur les quantités consommées. La TICFE a remplacé la CSPE le 1er janvier 2016 (mais le terme CSPE est toujours la référence mentionnée sur les factures des consommateurs). Depuis le 1er janvier 2022, le terme de TICFE est remplacé par celui de fraction d’accise sur l’électricité.

Lors de son audition, le Médiateur national de l’énergie a insisté sur l’importance de la lisibilité et de la loyauté des informations présentes sur les factures d’énergies. Le sujet est important dans une période de renchérissement des factures. La bonne compréhension de ce qui est payé est importante dans le consentement à payer taxes et tarifs associés à l’usage du gaz et de l’électricité.

Les tarifs d’utilisation des réseaux ont été plutôt stables ces dernières années. S’agissant par exemple du transport du gaz :

II.   DEs allÈgements ciblÉs au service de grands enjeux

A.   La prÉservation de la compÉtitivitÉ des entreprises Énergo-intensives

Avant la crise, le prix de l’électricité en France était plus avantageux que dans le reste de l’Europe grâce à une production électronucléaire et hydroélectrique largement amortie.

Avec un approvisionnement abondant et de qualité, un accès aux TRVe pour les microentreprises et l’effet modérateur de l’ARENH sur les contrats des fournisseurs aux tarifs du marché, les entreprises françaises bénéficiaient d’un avantage compétitif sur leurs concurrents européens et internationaux. Dans ce contexte, le poids des contributions publiques dans les prix de l’électricité ou du gaz n’était pas, ou peu, un sujet pour les acteurs économiques, à l’exception de certains secteurs d’activités protégés (les activités agricoles, forestières et montagnardes) ou des grands consommateurs d’énergie (pour lesquels les articles L. 312-42 à L. 312‑72 du code des impositions sur les biens et services – CIBS – prévoient des tarifs réduits d’accise).

Les entreprises grandes consommatrices d’énergie sont souvent des industries aux processus très énergivores, telles la sidérurgie, la fonderie, l’automobile, la verrerie, la chimie et beaucoup d’autres. Maîtriser et minimiser la part de l’énergie dans leurs coûts de production est vital pour ces entreprises. Leur maintien en activité sur le territoire national est un enjeu crucial pour l’emploi, l’activité économique, la balance commerciale de notre pays, sans oublier l’indépendance stratégique de la France et donc sa souveraineté.

Ces enjeux étant pleinement partagés au niveau européen, l’Union européenne a autorisé ses États membres à aider leurs entreprises grandes consommatrices d’énergie afin d’éviter qu’elles ne soient tentées de se délocaliser hors du continent, a fortiori depuis la mise en place du système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre (EU-ETS) en 2005. Notons que le fait de relever du marché carbone européen est un critère d’éligibilité à des réductions des taux d’accise français (articles L. 312-74 et suivants).

La notion d’entreprise grande consommatrice d’énergie est précisée à l’article 17 de la directive 2003/96/CE : il s’agit d’entreprises dont les achats d’énergie atteignent au moins 3 % de la valeur de la production ou dont les taxes énergétiques annuelles représentent plus de 0,5 % de la valeur ajoutée.

Le droit français vise directement un certain nombre de procédés industriels ou d’activités économiques déterminés ou se réfère à une notion d’intensité énergétique précisée aux articles L. 312-43 à L. 312-46 du CIBS et déclinée dans ses différents dispositifs de réduction.

C’est ainsi que les installations considérées comme grandes consommatrices d’énergie (car présentant un niveau d’intensité énergétique au moins égal à 3 % en valeur de production ou 0,5 % en valeur ajoutée) et qui sont soumises au régime des quotas d’émissions de gaz à effet de serre du dispositif EU‑ETS ou exercent une activité considérée comme fortement exposée à la concurrence internationale bénéficient de tarifs réduits d’accise sur le gaz consommé comme combustible. Ces dépenses fiscales représenteraient un manque à gagner pour l’État de, respectivement, 432 M€ et 98 M€ en 2023 selon le projet annuel de performances pour 2023.

Mais ce sont surtout les entreprises électro-intensives (EI) qui disposent d’un régime très complet d’aides publiques. Elles sont juridiquement définies en fonction du rapport entre la consommation annuelle d’électricité et la valeur ajoutée produite ainsi que de leur degré d’exposition à la concurrence internationale. En pratique, leur approvisionnement en électricité représente entre 15 et 50 % de leurs coûts de production.

Outre un accès direct au dispositif de l’ARENH si elles participent au consortium Exeltium, les EI implantées sur notre territoire bénéficient de trois dispositifs qui soutiennent leur compétitivité face à la concurrence internationale :

– Le plafonnement de l’accise sur l’électricité (TICFE) : les entreprises électro-intensives jouissent historiquement d’un taux réduit de TICFE, variant selon leur niveau d’électro-intensité. Avant la crise, il s’établissait comme suit :

C:\Users\michel.marbaix\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.MSO\2576FF3C.tmp

Le taux était même fixé au minimum européen, de 0,50 €/MWh, pour les sites hyper-électro intensifs, c’est-à-dire dont l’électro-intensité est supérieure à 6 kWh/€ de valeur ajoutée et le taux d’exposition à la concurrence internationale supérieur à 25 % (soit un niveau minimal d’électro-intensité égal à 13,5 %).

Le montant cumulé de ces dépenses fiscales n’est pas indiqué par le projet de budget.

Certains reprochent à ces taux réduits de ne pas inciter les entreprises concernées à rechercher l’efficacité et la sobriété énergétiques. À cette critique, l’Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN), qui représente les grands consommateurs d’énergie, répond que la décarbonation de leurs installations suppose souvent des investissements massifs pour lesquels ils ont besoin de marges financières suffisantes.

Par ailleurs, l’industrie serait le secteur ayant déjà fait le plus d’efforts en la matière : selon l’ADEME, l’industrie manufacturière française aurait diminué de 38 % ses émissions de CO2 et de 41 % son intensité énergétique depuis 1990. Selon l’UNIDEN, cela concernerait particulièrement les entreprises énergo‑intensives pour lesquelles les dépenses énergétiques sont stratégiques et « qui sont dans une démarche d’amélioration continue de l’efficacité énergétique, notamment via les plans de performance énergétique ou la certification ISO 50001 de management de l’énergie ».

L’UNIDEN fait enfin valoir que les importations de produits présentent un bilan carbone toujours supérieur à la fabrication en France de ces mêmes produits. « Maintenir une industrie performante énergétiquement contribuera à mieux maîtriser notre empreinte carbone » ;

– Un abattement sur le TURPE : la loi pour la transition énergétique et la croissance verte de 2015 a accordé des réductions tarifaires aux sites de consommation directement raccordés au réseau de transport. Il n’y a pas de disposition équivalente pour les sites raccordés au réseau de distribution.

Le décret n° 2021‑420 du 10 avril 2021 a redéfini leurs modalités, selon le tableau suivant :

Tableau de la modification des taux de réduction pour l'abattement du TURPE

À ce jour, environ 200 sites sont éligibles.

Si cet abattement de TURPE a pour objet de réduire leurs coûts, il est également la contrepartie du rôle joué par ces sites industriels dans la stabilité du réseau en raison de leurs consommations prévisibles et anticycliques. Ces sites peuvent également apporter une flexibilité utile en cas de menace sur l’équilibre de l’approvisionnement en électricité. De fait, ils sont souvent les premiers sollicités dans les dispositifs d’ajustement et d’interruptibilité, pour lequel ils sont d’ailleurs rémunérés.

La perte de recettes pour RTE est directement intégrée au TURPE et est donc financée par la collectivité. Le coût devrait s’élever entre 220 et 230 M€ par an.

– Le troisième dispositif d’aide sort du champ de la présente étude puisqu’il vise à compenser l’impact du coût européen du CO2 sur le prix de l’électricité ([22]).

B.   Le soutien du dÉveloppement des EnR

● Les taxes sur l’énergie prévoient quelques réductions en faveur de la production ou de la fourniture d’énergie renouvelable : accise à 0,00 € pour l’électricité d’origine renouvelable produite par de petites installations et consommée par le producteur ; minoration de l’accise sur le gaz au titre des quantités de biométhane injectées dans les réseaux de gaz naturel ; TVA à 5,5 % pour la fourniture par réseaux d’énergie d’origine renouvelable (qui coûterait 66 M€ à l’État).

● En sus de leur droit à l’injection dans les réseaux publics, les producteurs d’EnR bénéficient également d’un allègement sur les tarifs d’utilisation des réseaux. Le dispositif de « réfaction » leur permet de ne financer qu’une fraction du coût des installations nécessaires à leur raccordement au réseau. Initialement fixé à 40 %, le taux de réfaction a été porté à 60 % par la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, ne laissant donc que 40 % des frais à la charge des producteurs, autant pour les producteurs de biogaz que pour les producteurs d’électricité renouvelable si leur puissance est inférieure à 500 kW.

La CRE critique toutefois cette augmentation significative du taux de réduction et l’élargissement progressif du périmètre des acteurs éligibles. Elle observe que cela n’encourage pas les producteurs à modérer leurs coûts de raccordement et rappelle que le manque à gagner doit ensuite être reporté sur la collectivité des utilisateurs des réseaux, par l’intermédiaire des tarifs d’utilisation.

Le développement des EnR est un objectif majeur pour la lutte contre le changement climatique et l’avenir de notre pays. La mutualisation des coûts par le réseau facilite, de fait, le déploiement de ces installations diffuses, la valorisation et le partage de leur production avec le reste de la collectivité. Cette solidarité entre les territoires est absolument nécessaire et constitue une des clés de réussite de la transition énergétique.

Il importe cependant de faire attention aux transferts de charges sur les autres consommateurs qu’entraînent les réfactions de TURPE ou d’ATR.

Ces questions mériteraient d’être débattues au vu des sommes en jeu et de leur impact futur sur les prix de l’énergie. C’est en particulier le cas de l’éolien en mer, qui ne finance pas ses raccordements, contrairement à l’éolien terrestre, et dont les coûts pour la collectivité seront massifs. Selon RTE, les investissements pour les réseaux en mer sont évalués à 390 M€ pour l’année 2022, 900 M€ pour la période 2021-2025 et 15 Md€ pour la période 2025‑2035.

● La nécessité de préserver la péréquation entre territoires comme entre consommateurs, assurée par les tarifs d’utilisation des réseaux, est aussi interrogée par le développement de l’autoconsommation et celui des communautés énergétiques Ces nouveaux modes de consommation (et de production) revendiquent souvent des réfactions sur leur coût de raccordement aux réseaux, en arguant de leur autonomie d’approvisionnement.

En réponse, les gestionnaires des réseaux soulignent qu’en dehors des particuliers qui suffisent à leurs besoins énergétiques et ne revendent pas leurs surplus de production, les autres configurations continuent de solliciter le réseau pour les périodes de consommation forte ou de production locale faible – ou surabondante – et donc ne réduisent en rien les coûts de développement et d’entretien de ce réseau.

C’est d’autant moins le cas de l’autoconsommation collective ou des communautés énergétiques puisque les différents sites impliqués ont besoin du réseau de distribution pour être mis en relation. ([23])

On pourrait également soulever un problème d’équité car ces nouvelles configurations ne sont accessibles qu’aux ménages capables de financer les investissements nécessaires. En s’extrayant du mécanisme de péréquation des coûts des réseaux, ils feraient peser une charge proportionnellement plus lourde sur les ménages plus modestes qui n’ont pas les capacités d’investir dans des installations de production autonomes.

Enfin, en prélevant moins d’énergie, les autoconsommateurs payent moins de tarif d’utilisation sur leurs factures.

C.   La protection du pouvoir d’achat face À l’irruption de la crise ÉnergÉtique

La première partie du présent avis a rappelé les mesures exceptionnelles prises par le Gouvernement depuis octobre 2021 pour soutenir le pouvoir d’achat des ménages français et l’équilibre économique des entreprises nationales, ce qui a permis de limiter les dégâts causés par un emballement inédit des prix de toutes les énergies.

L’une de ces mesures a été d’abaisser l’accise sur l’électricité au taux minimum autorisé par l’Europe de 1 €/MWh (0,001 €/kWh) pour les clients résidentiels et assimilés et de 0,50 €/MWh pour les consommateurs professionnels (hors ceux qui bénéficiaient déjà de taux réduits ou d’une exonération de cette taxe). Cette réduction a pris effet au 1er février 2022 et devrait être prolongée jusqu’au 31 janvier 2024.

● Cela revient à diviser par 26 l’accise due par les ménages en 2022 – et par 33 si l’on se réfère au tarif initialement prévu pour 2023. Sous l’effet de cette baisse, le pourcentage des taxes est passé de 35 % à 21 % dans la facture des consommateurs résidentiels.

L’accise sur le gaz n’a pas été modifiée, mais l’alourdissement du coût de l’approvisionnement a fait passer la part des taxes de 26 à 21 %.

La CRE observe que la mise en place du bouclier tarifaire a sensiblement modifié les équilibres de la taxation de l’électricité et du gaz. Ainsi, avant la crise, l’électricité était nettement plus taxée que le gaz. Aujourd’hui, si les tarifs d’accise divergent toujours, leurs fiscalités respectives pèsent dans les mêmes proportions.

Il n’en reste pas moins que les représentants des consommateurs particuliers ont indiqué à votre rapporteur que la fiscalité de l’énergie n’est pas la première préoccupation des ménages. S’ils n’y sont pas totalement insensibles, comme l’ont montré les réactions sociales à la création de la taxe carbone, les consommateurs n’y prêtaient guère attention dans un contexte d’énergie abondante et peu chère. Aujourd’hui, la réduction de l’accise sur l’électricité permet de réduire la facture globale. Cependant, pour les consommateurs, le problème de fond est le prix de la matière première et son mode de fixation.

● Pour les électro-intensifs interrogés par votre rapporteur, cette mesure est la bienvenue, mais elle n’est pas la plus déterminante. C’est le rehaussement du plafond de l’ARENH qui a significativement permis d’amortir la hausse des prix, même s’il s’avère insuffisant pour contrer la concurrence des pays comme la Norvège, l’Islande, la Chine, le Canada, les USA et les pays du Golfe, qui ne sont pas ou très peu impactés par la crise énergétique actuelle.

L’UNIDEN appelle donc à une refonte en urgence du dispositif temporaire d’aide d’urgence « Ukraine », adopté par la Commission européenne en juillet 2022, dont les critères d’éligibilité et d’attribution sont beaucoup trop restrictifs.

Le Comité de liaison des entreprises consommatrices d'électricité (CLEEE), association de grands consommateurs industriels et tertiaires français d'électricité et de gaz, a signalé à votre rapporteur que l’explosion du marché de l’électricité va aboutir, en moyenne, à une multiplication par 2 ou 3 (selon le volume d’ARENH qui sera retenu en novembre) des factures d’électricité de ses membres entre 2022 et 2023, après une hausse qui fut déjà de 75 % entre 2021 et 2022. Une telle situation pourrait entraîner des arrêts de production, des fermetures temporaires de sites, voire des délocalisations car les entreprises ne sont pas toutes en mesure de répercuter ces surcoûts sur leurs clients, d’autant qu’ils s’inscrivent dans un contexte d’inflation généralisée.

Le représentant du CLEEE a indiqué lors de son audition que « dans ce contexte, il est indispensable de maintenir une TICFE réduite à 0,5 €/MWh pour l’ensemble des entreprises en 2023, même s’il est vrai que la réduction, de 0 à 22 €/MWh selon les entreprises, représentera moins d’un dixième de la hausse des prix de marché ».

D.   Quelles Évolutions seraient souhaitables une fois la crise passÉe ?

Votre rapporteur s’est attaché à interroger ses différents interlocuteurs sur les enjeux de l’après-crise, les questions à soulever, les options stratégiques à envisager.

En sus des points précédemment évoqués, certains auditionnés ont porté des interrogations ou des alertes plus globales.

La problématique du rééquilibrage de la fiscalité entre l’électricité et le gaz a été soulevée par plusieurs acteurs.

Avant la crise, en effet, les deux énergies étaient soumises à un niveau d’accise très différent : chaque kilowattheure d’électricité consommé par les clients résidentiels était taxé à un taux de 26,6875 €/MWh, lequel devait passer à 32,6 €/MWh à compter de 2023, contre 8,41 €/MWh pour le gaz. Ce différentiel résultait de l’intégration de la CSPE dans la TICFE, mais il n’a jamais été ajusté et a eu pour conséquence de favoriser le gaz alors qu’il s’agit d’une énergie encore largement fossile.

Se réjouissant de la convergence de poids (à défaut des tarifs) entre les accises du gaz et de l’électricité opérée par le bouclier tarifaire, la Commission de régulation de l’énergie recommande de profiter de la sortie de crise pour faire évoluer leurs grilles tarifaires dans un sens plus conforme aux priorités qui nous sont imposées par la dérive climatique.

Pour sa part, EDF suggère que le rééquilibrage de la fiscalité se fasse clairement en faveur de l’électricité pour encourager l’électrification des usages et satisfaire aux ambitions de la France en matière d’émission de gaz à effet de serre.

L’UNIDEN considère que, dans le contexte énergétique critique d’aujourd’hui, la fiscalité de l’énergie apparaît comme un outil de pilotage à moyen et long termes. Elle réclame avant tout la prolongation en 2023 et 2024 des modalités actuelles en matière d’accise sur l’électricité.

Mais à plus long terme, la décarbonation de l’industrie demandera une trajectoire lisible de la fiscalité du gaz et de l’électricité, non pas tant pour inciter les énergo-intensifs à changer de comportement, car leurs besoins sont structurellement si élevés que le levier fiscal est peu influent – en outre, ils n’ont pas attendu la crise pour s’engager dans la sobriété –, que pour consolider leur compétitivité.

Étant donné les perspectives de triplement de la consommation d’électricité de l’industrie selon certains scenarii de RTE, l’UNIDEN suggère de profiter de l’élargissement de l’assiette pour appliquer à l’électricité des taux plus modérés – voire incitatifs pour les premiers temps, pour le CLEEE. Quant au gaz, l’UNIDEN comprend qu’il soit nécessaire de renforcer sa taxation, mais en conservant des aménagements pour les acteurs les plus consommateurs sans possibilité de substitutions.

Pour votre rapporteur, il sera difficile de remonter l’accise du gaz au niveau antérieur de l’électricité. Il n’est pas forcément souhaitable non plus d’abaisser l’accise de l’électricité en-deçà du niveau du gaz, au regard des investissements publics dans la transition énergétique à venir. Mais il conviendra en effet de réfléchir aux niveaux de taxation, et plus largement au signal prix que l’on vise, pour concilier pouvoir d’achat, compétitivité (pour les entreprises qui ne bénéficiaient pas déjà de réduction ou d’exonération de la taxe) et incitation à l’efficacité et à la sobriété énergétiques.

Le niveau de TVA appliqué à l’électricité a également été questionné. Plusieurs acteurs ont rappelé que l’article L. 121-1 du code de l’énergie identifie l’électricité comme un « produit de première nécessité ». Ils s’étonnent en conséquence que l’on applique un taux de 20 % sur les consommations, en limitant au seul abonnement le taux minimal autorisé en Europe pour les biens de première nécessité, de 5,5 %.

Le problème de la répartition « équitable » des coûts d’adaptation des réseaux au défi de la décarbonation industrielle a par ailleurs été posé. Celle-ci pourrait en effet multiplier par deux ou trois, sur les vingt prochaines années, la consommation d’électricité dans les territoires où se concentre l’industrie manufacturière. Or, le réseau de ces zones date souvent de la fin des années 1960 et a peu évolué depuis. Il faudra rapidement relancer des investissements significatifs. Et parmi les diverses contraintes que RTE aura à gérer, se posera la question du partage de leurs coûts avec les industriels concernés, un partage qui ne serait pas si clairement défini.

La question du partage de la valeur avec les riverains des projets EnR a enfin été évoquée : l’instauration d’une taxation spécifique, ou le partage des recettes des taxes actuelles en faveur des territoires concernés et de leurs habitants, pourrait être une piste pour favoriser l’acceptation locale de ces installations.


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   EXAMEN EN COMMISSION

 

Au cours de ses réunions du mardi 11 octobre 2022 à 18 heures et 21 heures 30, la commission a procédé à l’examen pour avis, sur le rapport de M. Philippe Bolo, de la mission « Écologie, développement et mobilité durables » en ce qui concerne l’énergie.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. L’énergie est au cœur de l’actualité et des préoccupations des ménages et des entreprises. La sortie de la crise sanitaire, la guerre en Ukraine et les arrêts de nos centrales nucléaires ont mis en évidence l’impact de la hausse du prix de l’énergie sur le pouvoir d’achat, sur les entreprises, les collectivités territoriales et les associations, ainsi que son lien avec notre souveraineté économique. Cela a, bien entendu, des conséquences budgétaires.

Seuls les programmes 174, Énergie, climat et après-mines, et 345, Service public de l’énergie, ainsi que le compte d’affectation spéciale (CAS) Financement des aides aux collectivités pour l’électrification rurale (Facé), font l’objet du rapport pour avis que je vais vous présenter.

Le programme 345 permet de soutenir le développement des énergies renouvelables électriques – éolien terrestre et maritime, photovoltaïque – et gazières – injection de biométhane. Il apporte également un soutien aux zones non interconnectées, à la cogénération, aux effacements de consommation, à l’hydrogène.

Mais surtout, cette année, l’action 17 finance la compensation des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs d’électricité et de gaz. Depuis juillet 2022, la compensation des 15 puis 25 centimes d’euros hors taxes d’aide à la pompe n’est plus financée par le programme 345. Je n’en parlerai donc pas.

Pour 2023, le programme 345 s’élève à 12 milliards d’euros en autorisations d’engagement, soit 42 % d’augmentation par rapport à 2022. Les trois quarts, soit 8,9 milliards d’euros, sont affectés à l’action 17, pour soutenir le pouvoir d’achat des consommateurs. C’est une partie de ce qu’on appelle communément le bouclier tarifaire : 3 milliards d’euros pour le gaz et 5,9 milliards d’euros pour l’électricité, afin de compenser aux fournisseurs le gel de la hausse des tarifs réglementés de vente (TRV) à 4 % jusqu’au 31 décembre 2022. La hausse sera limitée à 15 % ensuite. Cette hausse de 11 points doit être comparée aux 215 % d’augmentation des prix sur le marché du gaz – 170 % dans le cas de l’électricité.

En outre, les entreprises bénéficient de dispositifs spécifiques européens, qui sortent du périmètre de mon rapport.

Une précision : 8,9 milliards d’euros, c’est le montant net de la compensation du gel des TRV. Le montant brut s’élèverait à 18,9 milliards d’euros – 12,7 milliards pour l’électricité et 6,2 pour le gaz. D’où vient cet écart ? Il s’agit d’une conséquence positive de l’augmentation du prix des énergies. En général, les producteurs d’énergies renouvelables perçoivent des aides par le biais de l’action 09 du programme 345 quand ils produisent l’énergie à des coûts supérieurs à ceux du marché. En l’état du marché, ils produisent à des coûts beaucoup plus favorables. En conséquence, certaines aides n’ont pas été versées en 2021 et 2022, pas plus qu’elles ne le seront en 2023 – on estime la baisse à 19 milliards d’euros en 2023, 20 milliards n’ayant pas été consommés depuis la fin 2021. Cette marge de manœuvre, de 39 milliards d’euros de moindres dépenses, explique le différentiel entre la compensation brute et nette.

Le bouclier tarifaire ne se limite pas aux seules mesures prévues par l’action 17. J’évoquerai donc également la minoration de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), devenue droit d’accise selon les dernières modifications réglementaires.

La TICFE, qui était de 26 euros en 2022, devait passer à 32 euros en 2023. Elle a été abaissée au minimum autorisé par la réglementation européenne, soit 1 euro par mégawattheure (MWh) pour les ménages et 0,50 euro par MWh pour les autres consommateurs. Cela représenterait en 2023 un manque à gagner de 10 milliards d’euros pour les caisses de l’État, mais aussi une baisse de la facture des consommateurs de l’ordre de 15 à 20 %.

N’oublions pas non plus les 20 térawattheures (TWh) additionnels d’électricité produits par EDF et ouverts à ses concurrents dans le cadre de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), ainsi que le nouveau chèque énergie, sur lequel je vais revenir à propos du programme 174.

Ce programme, relatif à l’énergie, au climat et à l’après-mines, vise à aider à l’acquisition de véhicules propres, à accompagner la transition énergétique et à gérer l’après‑mines. En 2023, les autorisations d’engagement représentent 5,1 milliards d’euros, soit 41 % d’augmentation par rapport à 2022. Cette trajectoire haussière l’est sans discontinuer depuis 2017 – le programme s’élevait alors à 500 millions d’euros.

Je me focaliserai sur le chèque énergie, MaPrimeRénov’ et la gestion économique et sociale de l’après-mines.

Le budget alloué au chèque énergie est en recul de 6,2 %, ce que je regrette. Lors de l’examen des amendements, je questionnerai les critères d’attribution : doit‑on uniquement considérer le revenu fiscal de référence des ménages, qui ne reflète pas leur consommation énergétique ? Pourquoi ne pas fusionner nouveaux et anciens chèques et augmenter leur montant ? Comment améliorer leur taux d’utilisation ?

MaPrimeRénov’ représente 2,45 milliards d’euros en autorisations d’engagement pour 2023, soit une hausse de 750 millions d’euros, ou de 44 %, par rapport à 2022. C’est 50 % des crédits du programme. Cela résulte du succès du dispositif, également souligné par la Cour des comptes, et de son accélération, ainsi que de la typologie des bénéficiaires : des ménages aux revenus très modestes, pour 46 % d’entre eux, et, pour 22 %, aux revenus modestes.

Que recouvrent les crédits de l’après-mines ? On parle en général peu de ce budget qui finance le régime de retraite des anciens mineurs. Les crédits sont en baisse, en cohérence avec la diminution de la population des bénéficiaires, mais leur maintien jusqu’au dernier survivant est indispensable, car il convient de protéger les anciens mineurs, qui ont contribué au succès de l’ère industrielle française, source de fierté.

Enfin, les crédits du Facé sont de même niveau que les années précédentes, à 360 millions d’euros. Ils sont indispensables à l’électrification rurale. Dans un contexte d’électrification croissante de nos usages, ils doivent contribuer à l’amélioration de la qualité de l’électricité en milieu rural et participer à la péréquation.

Mon avis est centré sur la fiscalité de l’électricité et du gaz. Il faut garder en tête qu’en temps ordinaire, 34 % des factures d’électricité correspondent à la fourniture et à la commercialisation, 31 % aux tarifs d’utilisation des réseaux et 35 % à des taxes – TICFE, contribution tarifaire d’acheminement (CTA) et taxes locales. Pour le gaz, les taxes – taxe intérieure sur la consommation de gaz naturel (TICGN) et CTA – représentent 26 % des factures, les tarifs d’utilisation des réseaux 34 % et la fourniture, 40 %.

Que recouvrent ces tarifs d’utilisation des réseaux, définis par la Commission de régulation de l’énergie (CRE) ? Ils visent à arrêter les meilleurs tarifs possibles dans une situation monopolistique de gestion des réseaux. Seule difficulté, ils ne sont absolument pas lisibles sur les factures. C’est un peu regrettable car cela aurait une vertu pédagogique pour le consommateur.

À partir du 1er janvier 2023, la TICFE, ancienne contribution au service public d’électricité (CSPE), devenue droit d’accise, va englober la taxe communale sur la consommation finale d’électricité. Outre qu’il conviendrait de mettre un terme à ces changements récurrents de dénomination, il ne faudrait pas que, à cause de la baisse de la TICFE à 1 euro, l’État s’exonère de restituer aux communes leur part de taxe et qu’elles deviennent victimes à la fois de l’augmentation du prix des énergies et de cette non-compensation.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous poursuivrons la discussion ce soir.

*

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous poursuivons l’examen pour avis des crédits relatifs à l’énergie au sein de la mission Écologie, développement et mobilité durables. La parole est aux orateurs des groupes.

Mme Annaïg Le Meur (RE). Vos travaux, Monsieur le rapporteur pour avis, portent sur des programmes qui concentrent des crédits durablement consacrés à la politique énergétique. La crise des prix de l’énergie a profondément modifié la structure de la mission budgétaire Écologie, développement et mobilité durables.

Concernant les dépenses, la compensation des pertes subies par les fournisseurs qui proposent des tarifs réglementés, ou indexés sur les tarifs réglementés, représente une dépense nette de 3 milliards d’euros pour le gaz et de 6 milliards pour l’électricité, soit 9 milliards en tout. Le Gouvernement va instituer un nouveau chèque énergie exceptionnel pour aider les ménages les plus modestes, comme il l’avait fait à la fin de l’année 2021. Ce chèque ne sera pas comptabilisé dans le présent projet de loi de finances (PLF) mais dans un projet de loi de finances rectificative (PLFR).

Le chèque énergie exceptionnel qui sera adressé cet hiver aux 40 % de foyers les plus modestes, soit 12 millions de Français, devrait représenter une dépense de l’ordre de 1,8 milliard d’euros. Le ministère envisage également d’introduire un chèque énergie bois dans la prochaine loi de finances rectificative.

La crise de l’énergie a modifié les perspectives de recettes. La hausse des prix de l’électricité a allégé, contre toute attente, les charges de service public qui incombent à l’État au titre du soutien aux énergies renouvelables. Les prix de gros ont, en moyenne, dépassé le tarif garanti par l’État dans les contrats de soutien aux énergies renouvelables électriques. Ainsi, ce qui constituait, les années précédentes, une charge pour le budget de l’État devient pour la première fois une ressource pour les finances publiques. Les producteurs d’énergies renouvelables doivent en effet rembourser la différence entre le tarif garanti et le prix de gros. Pour 2023, les recettes attendues au titre de ce mécanisme sont estimées à 17 milliards d’euros.

Les contrats à prix fixe sont en général conclus pour une durée de quinze à vingt ans mais rien n’empêche les producteurs qui y souscrivent de les résilier. Les prix de l’électricité s’envolent mais les producteurs d’énergies renouvelables sont toujours rémunérés à un tarif fixe, en dessous des prix de marché actuels, et ils voient s’envoler une manne inespérée, ce qui a conduit de nombreux énergéticiens à résilier leur contrat avec l’État. Comment éviter des résiliations massives de contrat ? Les contrats à prix fixe ont-ils un avenir ?

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Il faut aussi rappeler ce qui se passait auparavant. Il y a quelques années, les prix de marché étaient inférieurs aux coûts pour les producteurs d’énergies renouvelables issues de l’éolien, du photovoltaïque ou de la méthanisation. Nous ne pouvons prédire l’avenir, concernant les prix de l’énergie, mais il faudra trouver un équilibre car c’est à cette seule condition que les contrats ne seront pas résiliés.

Mme Yaël Menache (RN). Quand on est face à un dilemme cornélien, le parti pris idéologique cherche toujours à l’emporter. L’impératif de transition écologique, sous-tendu par l’obsession du toutes énergies renouvelables qui vous caractérise, est devenu votre seul horizon. Vos œillères ne peuvent pourtant pas occulter les conséquences catastrophiques de votre politique. Devons-nous survivre aujourd’hui ou demain ? Le pragmatique répond aujourd’hui, l’idéologue demain, peut-être. Aurez-vous le courage de remettre en question votre politique au regard de ses conséquences désastreuses ? Nous sommes las des stratégies d’évitement, des néologismes fumeux, de la complication permanente d’une situation pourtant simple. Le pragmatisme s’impose au législateur au vu de la souffrance humaine et de la destruction de notre tissu agro-industriel causées par vos idéaux.

Le coût de l’énergie électrique atteint 1 000 euros par kilowattheure, ce qui constitue une hausse insupportable de 350 % pour les exploitants agricoles. Les conséquences sont graves pour toutes les filières énergivores, notamment celle des endiviers qui représente 4 000 emplois dans ma région et pourrait disparaître d’ici à la fin de l’année. Ce coût délirant de l’électricité est le résultat d’une politique malsaine où l’idéologie l’emporte sur le réalisme. On connaît la recette de cette cuisine indigeste : la fermeture des centrales nucléaires et le greenwashing, qui jettent notre souveraineté énergétique et notre souveraineté agricole au fond de l’ornière.

Vous agitez aux yeux du public l’utopie de la réindustrialisation pour acter la destruction des filières existantes. Quand on pense aux endiviers, cela fait sourire. Il est temps de faire machine arrière, d’interrompre la fermeture des centrales, de sortir du marché européen de l’électricité, de mettre un terme au tout-renouvelable dont l’intermittence et le coût nous renvoient vers le fossile. Aujourd’hui, les exploitants préfèrent alimenter un groupe électrogène plutôt que de consommer une énergie trop chère. C’est un contresens symptomatique du primat de l’idéologie sur la réalité. Nous n’admettons pas les arguments du Gouvernement pour poursuivre sa politique de l’autruche. Ni la crise ukrainienne ni la solidarité européenne ne sauraient justifier la mise à mort de notre souveraineté énergétique et agricole. Rien ne justifie jamais le sacrifice de la souveraineté.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Votre question est à cheval sur les avis budgétaires portant sur l’agriculture et sur l’énergie. Je me concentrerai sur ce dernier volet.

Les énergies renouvelables sont un atout et une chance pour notre agriculture puisqu’elles permettent aux territoires ruraux de participer à la production d’énergie et d’entretenir un nouveau lien avec les espaces urbains en leur fournissant de l’électricité ou du gaz. C’est aussi l’occasion pour les exploitants agricoles de compléter leurs revenus, par exemple par la méthanisation des déchets organiques. Les territoires ruraux doivent donc rester favorables au développement des énergies renouvelables.

Mme Yaël Menache (RN). Votre réponse me scandalise d’autant plus que, dans ma circonscription, des agriculteurs se voient refuser l’autorisation d’installer des panneaux photovoltaïques, pour d’obscures raisons ! Et quand ils le peuvent, le système ne fonctionne pas !

M. le président Guillaume Kasbarian. Admettez tout de même que nombre d’agriculteurs sont heureux de participer à la production d’énergies renouvelables.

M. Matthias Tavel (LFI-NUPES). Parce que la situation énergétique marque une rupture avec les années précédentes, nous serions en droit d’attendre un budget de rupture qui nous permette de rattraper le retard que nous avons accumulé par notre manque de sobriété, notre inaction, la faiblesse des investissements, l’absence de planification de la part des gouvernements et le développement insuffisant des énergies renouvelables, sans parler de l’abandon au marché de la politique énergétique. Même un esprit aussi libéral que le président du Medef, M. Geoffroy Roux de Bézieux, a estimé, dans un entretien accordé aux Échos et paru ce matin, que nous étions en guerre mais que le marché ne fonctionnait pas en économie de guerre. Il a ajouté que la Commission européenne devrait prendre acte de cette réalité et suspendre les mécanismes de marché, avant de regretter, pour finir, une forme de dogmatisme dans certains pays.

Ce budget illustre précisément le dogmatisme que dénonce le président du Medef lui‑même. À défaut de remettre en cause le marché, vous êtes contraints de le perfuser en accordant des subventions pour atteindre les objectifs que vous vous êtes fixés sans pour autant vous en donner les moyens. Vous en arrivez à supprimer la ligne de crédit de soutien aux énergies renouvelables et à en renforcer une autre pour aider les consommateurs. Encore ce soutien n’est-il qu’indirect, par l’entremise des fournisseurs, qui doivent répercuter à leurs clients les effets de votre politique. Vous espérez ainsi que, les consommateurs pouvant régler leurs factures d’énergie, le financement des énergies renouvelables sera assuré. C’est kafkaïen. On pompe d’un côté pour redonner de l’autre sans jamais se demander pourquoi !

Vous feriez mieux de sortir du marché européen, de retourner aux tarifs réglementés de vente pour tout le monde et de bloquer les prix, au lieu de matraquer une hausse de 15 % sur le gaz et l’électricité. Vous aurez compris que nous portons un avis très défavorable sur la politique énergétique du Gouvernement.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Je vous invite à étudier de plus près les tableaux qui présentent les programmes 174 et 345 dans mon rapport. Libre à vous, bien sûr, de ne pas approuver les actions menées, mais vous ne pouvez pas considérer que les montants sont négligeables. Le programme 345 représente ainsi 12 milliards d’euros d’autorisations d’engagement, à côté des moyens accordés aux dispositifs du chèque énergie et de MaPrimRénov’. Par ailleurs, les crédits accordés au programme 174 sont en hausse continue. Les autorisations d’engagement sont passées de 500 millions d’euros en 2017 à 5 milliards aujourd’hui.

S’agissant des énergies renouvelables, même si nous n’avons peut-être pas atteint le niveau que vous espériez, il en existe en France… Compte tenu de l’augmentation des prix de marché de l’énergie, les dotations ne sont plus dues, ce qui explique le chiffre de zéro. Quant au marché européen, je suis d’accord avec vous, il participe aux difficultés que nous rencontrons aujourd’hui.

M. Jérôme Nury (LR). Ce budget a le mérite de prévoir la prolongation du bouclier tarifaire – l’augmentation des prix sera contenue. En revanche, nous sommes inquiets pour nos concitoyens qui se chauffent au fioul. En 2022, nous avons voté en loi de finances rectificative une enveloppe de 230 millions d’euros pour envoyer aux ménages qui en ont besoin un chèque énergie. Hélas, cette aide n’est pas reconduite en 2023 alors que la moitié des 3 millions de foyers se chauffant au fioul y avait droit et que les prix resteront élevés. Comment pourront-ils se chauffer ?

D’autre part, le biofioul, à base de végétaux, est autant taxé que le fioul fossile. Ne conviendrait-il pas de prendre des mesures pour inciter les consommateurs à préférer le biofioul, moins polluant ?

Les utilisateurs de gaz en citerne, qui sont nombreux dans les territoires ruraux, ne sont pas protégés par un bouclier tarifaire. De même, ceux qui font brûler des granulés de bois – autrement appelés « pellets » – subissent un doublement voire un triplement des tarifs. Enfin, le dispositif du bouclier tarifaire reste complexe et très difficile à activer par les petites et moyennes entreprises (PME) ainsi que par les entreprises de taille intermédiaire (ETI).

Quant à la filière du biométhane, vous avez beau en avoir rappelé l’importance stratégique dans votre rapport, elle est en danger car les producteurs qui doivent renégocier leurs contrats subissent une multiplication par sept, huit ou dix du prix de l’électricité. Ils en arrivent à utiliser des groupes électrogènes pour faire tourner les méthaniseurs. C’est une aberration écologique que de carboner ainsi une énergie censée être décarbonée.

La politique énergétique du Gouvernement n’est pas sans inquiéter nombre de nos concitoyens qui ne se sentent pas vraiment protégés par l’État à court terme, en raison des trous dans le bouclier tarifaire, et à long terme, à cause d’une stratégie peu lisible et faite d’atermoiements, notamment pour ce qui concerne le nucléaire. C’est bien regrettable.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Une enveloppe de 230 millions d’euros a été votée pour envoyer un chèque énergie fioul à partir de novembre. Nous verrons si cette mesure suffit mais n’oublions pas qu’un chèque énergie exceptionnel, dépendant du revenu fiscal de référence, sera également versé. Il n’est pas donc exclu que les bénéficiaires du chèque énergie fioul puissent aussi profiter du chèque énergie exceptionnel.

Concernant le chauffage au bois, la création d’un chèque est envisagée dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative, d’ici à la fin de l’année. Quant aux entreprises, la plupart bénéficient de la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE), qui est passée depuis le 1er janvier de 26 euros à 1 euro par mégawattheure. S’agissant de la méthanisation, je regarderai ce qu’il en est.

Mme Anne-Laure Babault (Dem). Je salue le travail que Philippe Bolo a consacré aux crédits budgétaires affectés à l’énergie, qui permettront de protéger le pouvoir d’achat des Français et de favoriser la transition écologique. Le Gouvernement a mobilisé 45 milliards d’euros pour plafonner la hausse du prix de l’électricité et du gaz. Sans cette mesure, les factures d’électricité des Français auraient été multipliées par 2,5 et celles du gaz par 3.

D’autre part, ce budget reflète notre volonté d’accélérer le développement des énergies renouvelables. Nous devons saisir cette opportunité écologique et économique. En effet, pour la première fois, les producteurs d’énergie renouvelable, grands gagnants de la hausse des prix, reverseront ou économiseront à l’État plus de 39 milliards d’euros, en vertu des contrats signés. Cet argent permettra de financer les mesures de soutien au pouvoir d’achat.

Le gaz que nous consommons est essentiellement fossile et nous dépendons des importations. Or l’Agence de la transition écologique (Ademe) considère que notre pays pourrait couvrir la totalité de ses besoins en produisant du gaz renouvelable à partir des déchets organiques, aujourd’hui non valorisés. Nous pourrions ainsi décarboner, de manière souveraine, notre consommation d’énergie.

La filière de la méthanisation est actuellement en difficulté en raison de l’évolution des prix. Il conviendrait que le ministère de la transition énergétique mène une politique conjointe avec celui de l’agriculture pour favoriser son développement. Nous devons y associer les agriculteurs pour qu’ils puissent valoriser leurs déchets sans recourir aux cultures dites énergétiques, produites pour alimenter les seuls méthaniseurs. Des mesures fiscales pourraient être prises en faveur du gaz renouvelable. Un découplage entre la fiscalité sur le gaz fossile et la fiscalité sur le gaz renouvelable pourrait-il être utile ?

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Votre question me permet de souligner qu’il est plus facile, quand on est confronté à une crise, de gérer une énergie quand on la produit. On voit bien la différence entre l’électricité et le gaz, que nous importons.

Il serait intéressant, en effet, de différencier la fiscalité du gaz vert de celle du gaz fossile, pour avoir un signal prix. Le gaz vert contient, certes, du carbone, mais il est issu d’un cycle court. L’enjeu est aussi territorial puisque les espaces ruraux pourront ainsi approvisionner les espaces urbains en contribuant au développement des énergies renouvelables. Enfin, nous pourrions renforcer notre souveraineté car il vaut mieux acheter du gaz à nos agriculteurs plutôt qu’à des pays qui ne nous veulent pas forcément du bien.

Différentes technologies permettent de produire du gaz vert : la méthanisation, la méthanation ou la pyrogazéification. Il reste à déterminer lesquelles sont les meilleures et comment nous pourrions les combiner.

Mme Marie-Noëlle Battistel (SOC). Comment le dispositif du bouclier tarifaire s’appliquera-t-il à compter du 1er juillet 2023, lorsque nous ne bénéficierons plus des tarifs réglementés de vente du gaz ? Ni Mme Agnès Pannier‑Runacher, ni M. Bruno Le Maire ne m’ont répondu.

On peut lire dans le bleu budgétaire, au sujet de l’action 17 du programme 345 : « Toutefois, en insensibilisant les consommateurs aux prix des marchés de gros de l’énergie, une prolongation des boucliers n’incite pas à modérer les consommations alors que les tensions sur l’approvisionnement sont fortes. C’est pourquoi les prévisions sur cette action intègrent l’hypothèse d’un ressaut des niveaux de tarif réglementé de vente tant sur le gaz que sur l’électricité. » Cela signifie-t-il que le Gouvernement a prévu d’augmenter des tarifs réglementés au-delà des 15 % annoncés en cas de baisse insuffisante, à ses yeux, de notre consommation énergétique ?

J’en viens à l’impact de la décision de relever le plafond de l’accès régulé à l’électricité nucléaire historique (Arenh), dont le coût pour EDF aura dépassé 8 milliards d’euros en 2022. Trouvez-vous normal que l’un des principaux bénéficiaires de l’Arenh soit TotalEnergies, dont nous connaissons les superprofits au premier semestre, et que Gazprom puisse éventuellement en bénéficier ? La Commission de régulation de l’énergie (CRE) vous a-t-elle transmis la liste des bénéficiaires et le volume d’électricité qui leur a été attribué ?

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Si ni la ministre de la transition énergétique, ni le ministre de l’économie n’ont pu vous répondre, ce n’est pas un simple rapporteur pour avis qui pourra vous éclairer. Attendons peut-être de voir la suite des événements.

N’oublions pas que la TICFE est un droit d’accise, ce qui signifie qu’elle porte sur la quantité de mégawhattheures consommée et non sur le prix. En réduisant la consommation, il est possible de baisser le montant de la taxe. Le dispositif du bouclier tarifaire peut donc garder un caractère incitatif quand il s’agit d’un droit d’accise.

Quant à la liste des bénéficiaires de l’Arenh et aux volumes d’électricité concernés, je n’ai pas pensé à poser la question aux représentants de la CRE que nous avons auditionnés.

M. Sébastien Jumel (GDR-NUPES). Le Gouvernement s’est récemment couché devant les capitaux hollandais. Des navires appartenant à des armateurs hollandais continuent à utiliser dans notre bande côtière la technique de la senne démersale, qui lamine les fonds, vide la mer de ses poissons et tue la pêche artisanale. Nous aurions bien aimé disposer d’un bouclier tarifaire aussi efficace que ce filet-là. Or votre mécanisme, non content d’avoir des trous, est très coûteux : 45 milliards d’euros alors que les pauvres n’en profiteront pas vraiment. Remarquons au passage que la ministre ne parle plus de « pauvres » mais de « gens à sobriété subie ». Voyez quel vocabulaire emploient les libéraux pour qualifier les pauvres lorsqu’ils sont frappés par l’uppercut de l’inflation ! Les pauvres continueront à payer plein pot leurs factures : 20 euros de plus par mois pour le gaz, et 25 euros de plus par mois pour l’électricité.

Parallèlement, le relèvement du plafond de l’Arenh coûtera 8 milliards à EDF. Tant qu’on ne remettra pas en cause la logique libérale qui s’empare de l’énergie comme d’une marchandise alors qu’elle est un bien de première nécessité, les comptes d’EDF continueront d’être siphonnés, avec le renoncement à notre souveraineté et à notre capacité à prendre soin des gens que cela implique. Vous vous contentez de leur donner des « chèquounets », qui coûtent cher mais ne changeront rien au drame que vivent nos concitoyens.

Je me rendrai en séance dans un instant pour voir à quelle sauce sont mangés les collectivités locales et les bailleurs mais je ne me fais pas d’illusions. Il suffit de voir les doses homéopathiques que vous prévoyez pour le Fonds de solidarité pour le logement : ce n’est pas à la hauteur des défis auxquels les bailleurs devront faire face pour amortir le choc.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Si je vous comprends bien, vous auriez préféré que l’on concentre davantage les aides sur ceux qui en ont le plus besoin au lieu de disperser les crédits. Nous avons prévu diverses solutions, afin de venir en aide à un nombre plus important de personnes. La couverture n’est peut-être pas maximale pour les foyers les plus modestes mais elle en concernera davantage. Surtout, l’enveloppe allouée au dispositif du bouclier fiscal représente, si l’on se réfère aux chiffres de 2020, l’équivalent du budget de la défense et dépasse même le montant du remboursement des intérêts de la dette. Les tarifs réglementés de vente (TRV), l’Arenh, la réduction de l’accise sur l’électricité, les chèques énergie et MaPrimRénov’ sont autant de mesures de soutien destinées au plus grand nombre et pour lesquelles nous avons mobilisé beaucoup d’argent.

M. Max Mathiasin (LIOT). Nous traversons une crise sans précédent depuis le choc pétrolier de 1973. La violente hausse des prix de l’énergie qui en découle ainsi que les risques de pénurie de gaz pèsent sur le pouvoir d’achat et affectent lourdement l’économie. Dans ce contexte, il était nécessaire de prendre des mesures pour protéger les consommateurs français et la compétitivité de nos entreprises. Le bouclier tarifaire joue ce rôle important. S’il a réussi à contenir l’inflation à 5,4 %, contre 10 % dans le reste de l’Union européenne, il demeure perfectible.

S’agissant ainsi de son périmètre, certaines entreprises de moins de dix salariés, très consommatrices d’énergie, ne sont toujours pas éligibles au bouclier tarifaire pour peu que leur consommation dépasse 36 kilovoltampères. Je pense aux boulangers, aux fleuristes, aux bouchers. Ces mêmes entreprises, ces petits artisans, sauvés par le principe du « quoi qu’il en coûte » lors de la crise sanitaire, pourraient à présent être terrassés par la hausse des prix de l’énergie.

M. Bruno Le Maire a annoncé de nouvelles mesures dans la journée : nous veillerons à ce que les nouveaux critères incluent l’ensemble des PME, d’autant plus qu’il y a des marges de manœuvre. Le bouclier tarifaire coûtera, certes, 45 milliards d’euros mais seuls 8,9 milliards restent à la charge de l’État. Le reste est financé par les montants reversés par les énergéticiens – une nouvelle preuve de l’utilité des énergies renouvelables dans notre mix énergétique. La même remarque vaut pour les zones non interconnectées dont les dépenses s’alourdissent sous le poids des importations d’énergies fossiles. Il est urgent de diversifier la production d’énergie afin d’atteindre une forme de souveraineté énergétique.

Enfin, nous accueillons favorablement la hausse des crédits alloués à MaPrimRénov’ mais ces moyens supplémentaires ne suffisent pas à gommer les défauts du système : un reste à charge trop important pour les plus modestes, un manque d’incitation aux rénovations globales et un manque d’adaptation aux spécificités territoriales – les règles décidées à Paris ne tiennent pas compte, en général, des réalités ultramarines.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Les énergies renouvelables ont permis d’éviter des dépenses, nous donnant ainsi une marge de manœuvre supplémentaire pour le bouclier fiscal.

L’aide aux entreprises grandes consommatrices d’énergie ayant été insuffisamment consommée, elle a été adaptée pour s’adresser à des catégories d’entreprises plus petites. Il reste peut-être des trous dans la raquette, mais les TRV sont accessibles à certaines professions, notamment des boulangers, et la baisse de la TICFE contribue également à alléger la facture de nombreuses entreprises. En outre, une garantie pour impayés sera accordée aux entreprises qui auraient du mal à trouver un contrat d’énergie en raison des réticences des fournisseurs.

L’action 11 du programme 345 consacrera près de 2,5 milliards d’euros au soutien aux zones non interconnectées à la métropole afin de tenir compte de la spécificité des réseaux des outre-mer et de leur mix énergétique tout à fait particulier, les électrons coûtant parfois plus cher à produire là-bas.

 

Article 27 et état B : Crédits du budget général

 

Amendements II-CE53, II-CE55 et II-CE54 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune).

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement II-CE53 vise à majorer de 1,8 milliard d’euros les crédits dévolus au chèque énergie en vue de financer une augmentation du niveau de ce chèque et une indexation de sa valeur faciale sur les tarifs réglementés de vente. Selon un rapport de l’Observatoire national de la précarité énergétique, publié en 2018, le montant nécessaire pour réduire l’écart des factures énergétiques des ménages précaires par rapport à la moyenne était de 710 euros par an : nous sommes encore loin du compte.

L’amendement II-CE55 tend à majorer de 15 % les crédits budgétaires prévus pour le chèque énergie afin de tenir compte de l’impact de l’actualisation des tarifs réglementés de vente au début de l’année 2023.

L’amendement II-CE54 permettra d’actualiser les seuils d’éligibilité au chèque énergie, qui dépendent du revenu fiscal de référence, en tenant compte de l’inflation prévisionnelle pour 2023, soit 4,2 %, comme nous l’avons fait pour les seuils du barème de l’impôt sur le revenu.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Je sais que la procédure budgétaire impose de gager les amendements mais, en l’occurrence, vos propositions conduiraient à minorer de 47 % les autorisations d’engagement du programme 203 Infrastructures et services de transports.

Vous soulevez, par l’un de vos amendements, la question de la pertinence des critères d’attribution des chèques énergie. À revenu fiscal de référence identique, on peut occuper ou non une passoire thermique. Par ailleurs, nous ne parvenons pas à améliorer le taux de recours au chèque énergie - 12 % à 15 % des chèques ne sont pas utilisés. Plutôt que de réduire le budget prévu en 2023 pour le chèque de base, on pourrait envisager de répartir les crédits qui n’ont pas été utilisés en 2022 entre les 85 % de ménages qui l’utilisent. Nous pourrons continuer à travailler sur ces questions pour faire évoluer le dispositif.

Cela étant, je tiens à souligner que l’effort budgétaire en faveur des chèques énergie supplémentaires est considérable : nous faisons preuve d’une véritable et forte ambition. Je vous demande donc de retirer vos amendements ; sinon j’émettrai un avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je rappelle que le budget du chèque énergie est en recul de 6,2 %. Je propose trois solutions pour financer ces amendements : soit le Gouvernement lève le gage, soit on prélève l’argent sur le produit de la taxe sur les superprofits, soit on le prend sur les charges de service public non versées cette année, qui sont colossales.

M. Grégoire de Fournas. Nous nous interrogeons sur notre soutien à ces amendements. Plutôt que d’adopter des solutions d’appoint, qui ne sont que des rustines financées par la dette, nous devrions nous atteler à résoudre le véritable problème : le découplage du prix de l’électricité de celui du gaz. Puisque nous sommes tous d’accord, quand allons-nous le faire ? C’est la seule question que nous devrions nous poser.

M. le président Guillaume Kasbarian. Même si nous votions dans ce sens, une telle décision n’appartient pas à notre commission.

M. Sébastien Jumel. S’agissant du découplage, pour l’instant, le Président de la République s’est couché devant les Allemands.

Il faut rehausser les sommes consacrées au chèque énergie parce que le compte n’y est pas. Nos concitoyens n’arrivent plus à faire face aux dépenses de la vie courante. Et pourtant, je vous assure que, dans les familles populaires, on n’a pas attendu les consignes des bourges pour porter des cols roulés ou pour éteindre la lumière : on a été élevé comme ça. Ces conseils vestimentaires sont des humiliations de classe. Je souscris aux amendements de ma collègue socialiste, même s’il ne s’agit que de pis-aller.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Le chèque énergie exceptionnel pour les deux premiers déciles représentera 200 euros par foyer et 100 euros pour les deux déciles suivants. Cela correspond peu ou prou au montant de l’un de vos amendements. S’il faut encore travailler sur le dispositif, notamment les critères d’attribution et le taux d’utilisation, le budget proposé répond à une partie de vos propositions.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CE51 et II-CE50 de Mme Marie-Noëlle Battistel (discussion commune).

Mme Marie-Noëlle Battistel. L’amendement II-CE51 vise à tripler les crédits dévolus à MaPrimeRénov’ en cohérence avec un autre amendement imposant une condition de performance énergétique et en vue d’arriver à un reste à charge nul pour les ménages modestes. La grande majorité des fonds de MaPrimeRénov’ ont été alloués à des gestes uniques, alors que l’on sait bien que c’est le multigeste qui est efficace pour changer d’échelle dans la performance énergétique des bâtiments. La question du reste à charge est extrêmement importante car elle rebute un certain nombre de foyers modestes. Les amendements suivants auront pour objet d’améliorer le ciblage du dispositif.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. L’amendement II-CE51 vise à supprimer 1,5 milliard d’euros dans le programme 203 Infrastructures et services de transports, soit 39 % des sommes inscrites en autorisations d’engagement. Cela étant, le sujet que vous soulevez est pertinent : comment s’assurer de la meilleure efficience des euros investis dans les travaux de rénovation énergétique des bâtiments, notamment les passoires thermiques ?

En revanche, nous avons une différence d’appréciation sur les résultats de MaPrimeRénov’. Ce dispositif connaît une accélération et un réel succès. La Cour des comptes donne un avis positif et insiste sur le fait qu’il faut maintenir ce budget sur le long terme. Par ailleurs, une part non négligeable des dossiers émane de ménages modestes et très modestes – de l’ordre de 40 % pour les premiers et de 20 % pour les seconds. Je vous demande donc de retirer vos amendements ; à défaut, l’avis sera défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Je sens que le rapporteur est quasiment de mon avis mais qu’il ne peut pas faire autrement !

La commission rejette successivement les amendements.

 

Amendement II-CE52 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement vise à créer une aide spécifique à la rénovation conditionnée à l’atteinte d’un niveau bâtiment basse consommation (BBC) ou équivalent, et ciblée sur les propriétaires bailleurs privés d’un logement de la classe F ou G dont le niveau de revenus est compris entre les premier et quatrième déciles. Cette prime additionnelle versée par l’Anah, l’Agence nationale de l’habitat, leur permettrait de bénéficier d’un reste à charge zéro.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Au-delà des aides financières que l’on peut apporter aux propriétaires privés à faibles revenus, il convient déjà de les accompagner et de les orienter vers les dispositifs existants. Par ailleurs, vous estimez le coût de votre amendement à 1 milliard d’euros, ce qui est loin d’être négligeable, alors qu’il y a déjà beaucoup d’argent sur la table. Demande de retrait, sinon avis défavorable.

Mme Marie-Noëlle Battistel. On peut mettre en rapport le milliard que vous évoquez avec les 19 milliards d’économies réalisées cette année sur les charges de service public.

M. Matthias Tavel. À en croire le rapporteur, il faudrait se satisfaire des dispositifs existants alors qu’ils n’ont pas permis à notre pays de se montrer à la hauteur de l’enjeu de la rénovation énergétique. Il est regrettable de renoncer à atteindre des objectifs plus ambitieux. Le milliard que cela coûterait serait largement compensé par les économies ainsi obtenues. C’est donc un amendement de bon sens que notre commission gagnerait à adopter.

M. Sébastien Jumel. On subit une double ou triple peine quand on habite en milieu rural. Parce qu’il n’y a pas de transports en commun – vous avez notamment flingué les gares et les lignes de vie – et qu’on n’a pas les moyens de s’acheter une Tesla, on paye l’essence plein pot. De plus, comme on a des petits salaires et que vous refusez de les augmenter, on ne peut se payer que de vieilles bagnoles qui consomment.

Alors que, au niveau national, 7,8 % des logements sont classés F et 2,7 % sont classés G, ces taux atteignent 11,8 % et 4,4 % dans mon beau territoire du nord de la Seine-Maritime. Il est nécessaire de mettre le paquet sur la rénovation thermique de ces logements, sans reste à charge pour les habitants concernés. C’est aussi dans ce domaine qu’il faut combler le retard.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE6 de M. Sébastien Jumel.

M. Sébastien Jumel. Cet amendement d’appel vise à mettre l’accent sur l’insuffisance des crédits prévus au titre des mesures exceptionnelles de protection des consommateurs de gaz et d’électricité. Les nouvelles dispositions du bouclier tarifaire exposeront les ménages à une augmentation moyenne des factures de l’ordre de 25 euros par mois pour les ménages qui se chauffent au gaz et de l’ordre de 20 euros par mois pour les ménages se chauffant à l’électricité. Les augmentations seront plus importantes encore dans les logements mal isolés, au détriment des plus précaires de nos concitoyens.

L’amendement vise, en conséquence, à majorer les autorisations d’engagement et les crédits de paiement de l’action 17 Mesures exceptionnelles de protection des consommateurs du programme 345 Service public de l’énergie. J’ajoute qu’il n’y a aucune garantie sur la persistance des tarifs régulés l’année prochaine.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Vous considérez que les crédits ne sont pas suffisants ; pour ma part, je pense qu’ils le sont – la vérité est peut-être entre les deux. N’oublions pas que 8,9 milliards d’euros sont consacrés à l’action 17 du programme 345. Il faut aussi compter les 10 milliards de manque à gagner de la TICFE, les 230 millions du chèque énergie fioul, le 1,8 milliard du chèque énergie exceptionnel, et je pourrais continuer la liste. Tous ces crédits bénéficient à de nombreux Français et répondent aux enjeux actuels. Avis défavorable.

M. Matthias Tavel. Le dispositif existant nous paraît insuffisant, voire absurde dans la mesure où il ne s’attaque pas aux causes de la hausse du prix de l’énergie. Quand on annonce + 15 % pour le tarif réglementé et beaucoup plus pour ceux qui n’en bénéficient pas, l’insuffisance est patente. La solution proposée dans cet amendement n’est pas parfaite mais une hausse de 15 % n’est pas acceptable, car vous allez plonger des ménages dans la détresse et aggraver la situation économique.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. J’entends votre remarque mais si nous n’avions pas adopté cette limite, la hausse aurait été considérablement plus élevée. Le dispositif joue donc son rôle d’amortisseur.

La commission rejette l’amendement.

 

 

Amendement II-CE69 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Il s’agit de plafonner, en 2023, le prix de vente aux particuliers des granulés, ou pellets, de bois à 300 euros par tonne et à mettre corrélativement en œuvre un dispositif de compensation pour les producteurs, sur le modèle de celui prévu par le Gouvernement dans le cadre du bouclier tarifaire avec le gel de l’évolution des tarifs réglementés de vente du gaz et de l’électricité. Vous avez toutes et tous reçu nombre de courriers sur cette question : je ne vois pas comment cet amendement pourrait être rejeté.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Un chèque « bois » est à l’étude et sera examiné dans le cadre d’un projet de loi de finances rectificative d’ici à la fin de l’année. Plafonner l’évolution des prix sur un marché qui n’est pas global et structuré comme ceux du gaz et de l’électricité semble difficilement praticable. De plus, il n’existe pas de prix de référence pour les granulés de bois : je ne vois pas bien comment définir la compensation pour les fournisseurs. Avis défavorable.

M. Sébastien Jumel. Cet amendement est très pertinent. Des personnes ayant cru à la parole publique ont investi dans ce mode de chauffage. Or non seulement les prix ont triplé mais les difficultés d’approvisionnement se multiplient, provoquant colère et incompréhension. Plafonner les prix de vente pour ce mode de chauffage me semble être la moindre des choses. Si on veut réconcilier les gens avec la République, il faut ce genre de symboles forts.

M. Dominique Potier. J’ai interrogé Bruno Le Maire sur cette question, qui est tout sauf anecdotique. Sa réponse est que ce chauffage écologique a été rendu accessible aux classes populaires grâce aux aides et à la promotion qui en a été faite. Chacun sait que l’inflation que subit ce matériau n’a rien à voir avec la réalité du marché : il y a des comportements spéculatifs. Si on avait la solution pour les contrer en amont, il faudrait le faire mais, à court terme, il faut accompagner ceux qui, ayant fait un choix écologique et rationnel, se sentent aujourd’hui lésés. Il s’agit d’un amendement de soutien du pouvoir d’achat et d’un mode de chauffage écologique.

M. Julien Dive. Il y a dix-huit mois, un sac de 15 kilogrammes de pellets de bois valait 5 euros ; il en vaut quasiment 15 euros aujourd’hui. Cette inflation est due à la spéculation pratiquée par certains fournisseurs, qui font du stockage. Tout l’argent que nous consacrerons à la compensation de l’inflation ne servira qu’à enrichir ces spéculateurs. Je ne l’accepte pas : il faut casser cette logique de marché.

La commission rejette l’amendement.

 

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Écologie, développement et mobilité durables non modifiés.

 

Après l’article 42

 

Amendement II-CE49 de Mme Marie-Noëlle Battistel.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement ne coûte aucun euro. Il vise à rendre plus exigeantes, sur le plan de la performance énergétique, les conditions d’accès aux aides de l’Anah en matière de rénovation énergétique, notamment à MaPrimeRénov’, en imposant un gain énergétique minimal de 35 % et l’atteinte de la classe D pour les logements moins bien classés. L’objectif est d’être beaucoup plus performant en évitant de disperser les aides de l’Anah sur des gestes qui n’entraîneraient pas des gains énergétiques suffisants.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Vous voulez aligner MaPrimeRénov’ sur MaPrimeRénov’ Sérénité, qui va plus loin, pour obtenir une meilleure performance. Les règles ne sont pas les mêmes dans ces deux dispositifs, et un alignement total nous ferait perdre sur certains aspects. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

 


  1  

   LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

Direction générale de l’énergie et du climat (DGEC)

M. Laurent Michel, directeur général de l’énergie et du climat

Commission de régulation de l’énergie (CRE)

Mme Emmanuelle Wargon, présidente

M. Dominique Jamme, directeur général

Mme Olivia Fritzinger, directrice de la communication et des relations institutionnelles

Médiateur de l’énergie

M. Olivier Challan Belval, Médiateur

M. Frédérique Feriaud, directrice générale

M. Pierre-Laurent Holleville, chargé de mission rattaché à la direction générale

Réseau de transport d’électricité (RTE) *

M. Laurent Martel, directeur des finances

Mme Claire Roussel, attachée au directeur des finances

Mme Claire Ponty, directrice adjointe des relations institutionnelles

GRDF *

Mme Catherine Leboul-Proust, directrice stratégie et membre du Comex

M. Jean-François Béligon, chef de projet stratégie et relations parlementaires

GRT gaz

Mme Catherine Brun, secrétaire générale,

M. Philippe Madiec, directeur stratégie régulation

Mme Agnès Boulard, responsable des relations institutionnelles

ENEDIS *

Mme Corine Fau, membre du directoire, directeur Finances, achats, assurances

M. Pierre Guelman, directeur des Affaires publiques

Fédération nationale des collectivités concédantes et régies (FNCCR)

M. Pascal Sokoloff, directeur général

M. Charles-Antoine Gautier, directeur général adjoint

M. David Beauvisage, secrétaire général des services

UFC-Que choisir

Antoine Autier, responsable adjoint du service des études

Lucile Buisson, chargée de mission énergie/environnement

Confédération de la consommation et du cadre de vie (CLCV, association de consommateurs et d’usagers) *

M. Jean-Yves Mano, président

M. Adrien de Chazeaux, chargé de mission énergie

Union des industries utilisatrices d’énergie (UNIDEN, les électro-intensifs) *

M. Nicolas de Warren, président

M. Fabrice Alexandre, Communication & institutions

Comité de liaison des entreprises consommatrices d'électricité (CLEEE, association de grands consommateurs industriels et tertiaires français d'électricité et de gaz)

M. Frank Roubanovitch, président

Union française de l’électricité (UFE) *

M. Mathias Laffont, directeur usages et territoires, directeur des études

M. Rudy Cluzel, responsable des relations institutionnelles France

EDF *

M. Yannick Bouchilloux, directeur fiscal et douane du groupe

Mme Marjorie Breuil, responsable fiscale à la direction fiscalité du groupe

Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


([1]) Hors les crédits mobilisés pour le fonds « Chaleur » de l’ADEME au sein du programme 181.

([2]) Votre rapporteur rappelle l’incertitude de ces évaluations en raison de leur sensibilité aux fluctuations des consommations (dont la diminution est par ailleurs recherchée et incitée par la stratégie de sobriété portée par le Gouvernement pour assurer la résilience du système électrique français lors de l’hiver 2023). Ces évaluations seront sans doute amenées à être réévaluées en fonction des évolutions de la conjoncture.

([3]) Par des versements de la mission « Avances aux collectivités territoriales ».

([4]) En tenant compte de la baisse de la fraction d’accise sur l’électricité.

([5]) S’agissant d’EDF, l’article 181 de la loi de finances pour 2022 ne prévoyait pas de compensation, mais un rattrapage du gel sur les tarifs 2023. Ces dispositions seront ajustées compte tenu de l’annonce de la poursuite du bouclier.

([6]) Les offres de marché des fournisseurs alternatifs pour les microentreprises ont toutefois été écartées du mécanisme de compensation pour éviter une requalification des compensations en aides de l’État.

([7]) Les quotas carbone exigés par le système européen d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre leur sont remboursés par l’action 23 du programme 134 de la mission « Économie ».

([8]) Dans la nouvelle limite légale de 120 TWh.

([9]) Audition du 14 septembre 2022.

([10]) Ces charges correspondent à des surcoûts supportés par les entreprises des secteurs de l’électricité et du gaz qui sont compensées par l’État. Ces surcoûts découlent des mécanismes de soutien aux énergies renouvelables et à la cogénération, de l’obligation d’injection de biométhane dans les réseaux de gaz naturel, de la péréquation tarifaire dans les zones non interconnectées, de l’application de dispositifs sociaux bénéficiant aux ménages en situation de précarité énergétique et du gel des tarifs réglementés de vente d’électricité et de gaz.

([11]) Ces contrats sont passé par les fournisseurs historiques, ou des organismes agréés, avec les producteurs d’énergie renouvelable éligibles dans le cadre de guichets ouverts ou d’appels d’offres.

([12]) Non seulement l’État n’a pas à compenser de surcoûts mais il récupère les bénéfices excédant les prix de référence prévus par les contrats d’achat. Ce mécanisme ne concerne que les producteurs d’électricité.

([13]) Prix fixés par les guichets ouverts ou les appels d’offres.

([14]) Des crédits complétés par plus de 4,5 milliards d’euros de dépenses fiscales rattachées au programme 174 – sans compter le taux réduit de TVA s’appliquant aux équipements de performance énergétique et quelques autres allègements fiscaux liés à la rénovation thermique rattachés à d’autres programmes.

([15]) Loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique

([16]) Dont le montant moyen est de 149,42 € en 2022, mais de 223,05 € pour les ménages dont le revenu fiscal de référence par unité de consommation est inférieur à 5 600 € par an.

([17]) Ces catégories varient également en fonction du nombre de personnes qui composent le foyer fiscal : en 2022, le plafond des revenus annuels pour un célibataire modeste est de 19 565 €, ou 25 714 € annuels en Île‑de‑France. Cette limite monte à 40 015 € pour un ménage de 4 personnes, ou 52 925 € en Île-de-France.

([18]) Les problématiques des carburants se rattachent aux sujets de la mobilité, qui relèvent de la compétence de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire.

([19]) La TDCFE est la taxe départementale sur la consommation finale d’électricité. La TCCFE est la taxe communale sur la consommation finale d’électricité.

([20]) Pour le détail se reporter au Guide 2022 sur la fiscalité des énergies édité par le Ministère de la transition écologique et accessible sur son site.

([21]) https://www.cre.fr/Documents/Publications/Observatoire-des-marches

([22]) Dans le cadre de la phase 3 du système européen d’échange de quotas carbone, la directive 2009/29 du 23 avril 2009 a ouvert la possibilité pour les États membres de compenser les coûts indirects du CO2 passés dans les prix de l’électricité. Sont éligibles à cette compensation les industriels des secteurs dont l’électricité représente une part très significative de leurs coûts de production et qui sont fortement exposés à la concurrence internationale. Cette compensation a été mise en œuvre en France à partir de 2016. L’État, via son programme 134 de la Mission « Économie », prend ainsi en charge une partie du coût du carbone inclus dans le prix de l’électricité consommée par ces entreprises. En 2023, cette dépense est estimée à 856 M€.

([23]) Au reste, s’il n’y a pas de tarif spécifique pour l’autoconsommation, il existe néanmoins quelques aménagements tarifaires à la marge.