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N° 286 rect.

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÉME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale le 5 octobre 2022.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DU DÉVELOPPEMENT DURABLE ET DE L’AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2023 (n° 273)

TOME IX

COHÉSION DES TERRITOIRES

 

AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE

PAR M. Henri ALFANDARI

Député

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 Voir le numéro : 273


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION

premiÈre partie : prÉsentation gÉnÉrale du programme 112 « impulsion et coordination de la politique d’amÉnagement du territoire »

I. Des crÉdits en baisse par rapport aux financements accordÉs dans le budget de l’annÉE 2022

II. L’ÉVOLUTION DE LA POLITIQUE CONTRACTUELLE DE L’État dans les territoires : un oUTIL DE DÉCENTRALISATION EN MUTATION

A. Les contrats de plan État-région : un outil au service de la mise en œuvre de la politique de l’État en France

1. Les contrats de projet État-région 2007-2014 et les contrats de plan Étatrégion 2015-2020)

2. La conclusion des contrats de plan État-région 2021-2027

a. Une nouvelle méthode d’élaboration

b. Des signatures encore en cours

3. La mise en application des contrats dans les territoires d’Outre-mer : le cas de Mayotte

B. Déclinaison infrarégionale des CPER et des CCT, les contrats de relance et de transition écologique ont vocation à rassembler les contrats préexistants

1. Les CRTE, des « mini-CPER »

2. Modalités de financement des CRTE

3. État d’avancement des CRTE : un outil qui doit encore faire ses preuves

deuxiÈme partie : Des programmes de revitalisation des territoires efficaces mais dont la lisibilitÉ doit s’accroÎtre

I. Le programme action cœur de ville vise à développer l’attractivité des villes moyennes

A. Les crédits consacrés au programme Action cœur de ville ont contribué au dynamisme des centres-villes, notamment via la revitalisation artisanale et commerciale

B. Une sélection des projets ayant conduit l’État à proposer des alternatives aux villes non retenues

II. Petites villes de demain : un programme au service du dynamisme des territoires

A. Un programme d’accompagnement à la redynamisation des petites villes

B. Une offre de service partenariale, multithématique et à la carte

III. Le programme territoires d’industrie

A. sélection des projets, gouvernance et mobilisation financiÈre

B. Un programme contribuant au dynamisme du tissu économique local

IV. L’action de Business France en faveur de l’aménagement du territoire

A. Présentation générale et ressources de Business France

B. L’action de Business France en faveur de l’attractivité du territoire national

1. L’accompagnement des projets d’investissement des entreprises françaises à l’étranger

2. L’accompagnement des projets d’investissements étrangers en France

V. propositions d’outils pour renforcer la lisibilité et la prévisibilité des programmes d’aménagement du territoire

A. le constat : Des programmes peu lisibles et peu prévisibles

B. Le souhait de programmes aux critères de sélection objectivés et aux crédits accordés dans une logique pluriannuelle

1. Objectiver les critères déterminant l’éligibilité aux programmes

2. Inscrire les programmes d’aménagement du territoire dans une programmation pluriannuelle de cinq ans

troisième partie : le programme 162 « interventions territoriales de l’État »

I. Un outil budgétaire atypique permettant la mise en avant de politiques publiques interministérielles au périmètre géographique limitÉ

II. Le plan d’investissement pour la Corse

A. Le programme exceptionnel d’investissement, moteur du développement économique depuis 2002

B. Un soutien financier ayant permis le développement du territoire

C. Le PEI a étÉ remplacÉ par le plan de transformation et d’investissement pour la Corse

III. Le fonds interministÉriel pour la transformation de la guyane

A. Les engagements de l’État en 2017

B. Le contrat de convergence et de transformation de la Guyane du 8 juillet 2019

C. Les objectifs du fonds interministériel pour la transformation de la Guyane

IV. LES AUTRES ACTIONS DU PROGRAMME 162

Examen en commission

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 


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   INTRODUCTION

Au sein des crédits du budget général de l’État, la mission « Cohésion des territoires » couvre l’ensemble des actions mises en œuvre par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires et par le ministère de l’intérieur en faveur du développement et de l’aménagement du territoire, du renouvellement urbain, de la solidarité entre les territoires, du logement, de l’hébergement et de l’habitat durable. Elle représente dans le projet de loi de finances pour 2023 un montant total de 17, 94 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) (+ 3,74 % par rapport aux AE ouvertes pour 2022) et de 17,85 milliards d’euros de crédits de paiement (CP) (+ 3,90 % par rapport à 2022).

Ces crédits ne sont pas les seuls relatifs à l’aménagement du territoire : une politique interministérielle est en effet indispensable pour réduire les fractures territoriales. Ainsi, au sein du budget de l’État, ce sont vingt-neuf programmes rattachés à différentes missions et donc à plusieurs ministères qui comportent des crédits constituant la contribution de l’État à l’aménagement du territoire.

Si la mission « Cohésion des territoires » réunit une très grande variété d’actions, toutes concrétisent la dimension partenariale et contractuelle de la politique d’aménagement du territoire, selon la méthode qu’avait préconisée la Conférence nationale des territoires de juillet 2017 : l’État fixe le cap et accompagne les collectivités locales volontaires dans le respect de leurs compétences.

La mission « Cohésion des territoires » comporte six programmes. Le présent rapport porte, compte tenu des compétences de la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, sur deux d’entre eux : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et le programme 162 « Interventions territoriales de l’État ».

Dans le cadre de son avis budgétaire, votre rapporteur pour avis a choisi de porter une attention particulière au déploiement des contrats de plan État-région (CPER) et à trois programmes dédiés à la revitalisation des territoires : Action cœur de ville, Petites villes de demain et Territoires d’industrie. Les actions de Business France en faveur de la promotion de l’attractivité du territoire national ont également retenu son attention.

S’agissant du programme 162, le présent rapport met l’accent sur deux actions mises en œuvre hors du territoire métropolitain : d’une part, le plan d’investissement pour la Corse et d’autre part, le fonds interministériel pour la transformation de la Guyane.

Votre rapporteur pour avis invite la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire à émettre un avis favorable sur la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2023.


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   premiÈre partie :
prÉsentation gÉnÉrale du programme 112
« impulsion et coordination de la politique d’amÉnagement du territoire »

Le programme 112 de la mission « Cohésion des territoires » a pour objet la préparation et la mise en œuvre des décisions du Gouvernement en matière d’aménagement et de compétitivité des territoires. Il se caractérise par une forte dimension interministérielle dans les actions engagées. Il vise à concourir à la réalisation de trois objectifs : soutenir la compétitivité et l’attractivité des territoires, renforcer la cohésion sociale et territoriale et enfin renforcer les capacités stratégiques et techniques des collectivités territoriales et des acteurs dans les territoires. Les programmes et interventions qu’il finance concernent donc à la fois l’attractivité des territoires, leur développement économique et l’accessibilité des services publics aux usagers. Il est notamment l’outil budgétaire du développement du numérique.

Pour atteindre ces objectifs, le programme 112 prévoit l’accompagnement des collectivités par l’État au travers de contrats territoriaux pluriannuels. L’État accompagne également les transformations territoriales au travers du déploiement de grands programmes : le programme France Services, l’Agenda rural, le programme Petites villes de demain, le programme Nouveaux lieux, nouveaux liens, le programme Territoires d’industrie, le plan Action cœur de ville. Participent également à cette action les plans France très haut débit et le New deal mobile, pilotés par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) ainsi que Business France.

Ce programme était mis en œuvre, jusqu’en 2019, par le Commissariat général à l’égalité des territoires (CGET). Depuis le 1er janvier 2020, c’est l’ANCT qui est désormais le principal opérateur de ce programme en mettant à disposition des élus l’ingénierie des services de l’État dans les territoires afin de soutenir leurs projets.

Le programme 112 comporte un outil budgétaire transversal, le Fonds national pour l’aménagement et le développement du territoire (FNADT). Créé par la loi du 4 février 1995, il a vocation à soutenir, en investissement comme en fonctionnement, les actions qui appuient les choix stratégiques de la politique d’aménagement du territoire et intervient en complément des fonds publics et privés mobilisés pour ces opérations. Il comporte deux sections : l’une, générale, pour des projets d’envergure issus de programmes nationaux d’État, notamment inscrits au sein des CPER, ou des demandes locales adressées par les préfets de région ; l’autre, locale, gérée de manière déconcentrée par les préfets, finançant certaines opérations des CPER et des opérations non contractualisées.

I.    Des crÉdits en baisse par rapport aux financements accordÉs dans le budget de l’annÉE 2022

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit pour le programme 112 un montant de 329,42 millions d’euros en AE et 323,09 millions d’euros en CP. Les crédits prévus pour le PLF 2023 baissent de 18,9 millions d’euros en AE et 60 millions d’euros en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, soit une baisse de 5 % en AE et de 19 % en CP.

 

Montant total (euros)

Programme 112 en LFI 2022

AE

348 335 164

CP

323 090 195

Programme 112 en PLF 2023

AE

329 421 467

CP

262 448 144

Évolution 20222023

AE

- 18 913 697

CP

- 60 642 051

S’agissant de l’action 11 « FNADT section locale », l’enveloppe des crédits en AE est stable mais connaît une baisse de 20 % en CP. S’agissant des AE, la stabilisation constatée s’explique principalement par le rebasage des annuités des CPER et des contrats de plan interrégionaux État-région 2021‑2027 à la suite de l’achèvement du plan France relance. S’agissant des CP, la diminution s’explique par l’apurement des restes à payer au titre des précédentes générations de CPER (2007‑2014 et 2015‑2020).

S’agissant de l’action 12 « FNDAT section générale », la diminution du niveau d’AE et de CP (de respectivement - 32 % et - 30 %) s’explique par la fin des dispositifs « Fabriques de territoires » et des programmes portés par l’ANCT dans le cadre de l’Agenda rural financés sur les crédits du plan de relance.

Concernant l’action 13 « Soutien aux opérateurs », le niveau d’AE et CP reste identique à celui de la loi de finances initiale pour 2022 du fait de la stabilisation de la subvention pour charges de service public (SCSP) à l’Agence nationale de la cohésion des territoires après l’obtention de 10 millions d’euros supplémentaires en 2021 permettant de répondre aux besoins d’ingénierie de l’agence. Un rebasage de la SCSP de l’ANCT conduit à un transfert depuis le programme 147 « Politique de la ville » de 2 632 000 euros en AE et en CP.

Enfin, concernant l’action 14 « Prime d’aménagement du territoire, pacte État-métropoles et contrats de ruralité », qui porte uniquement des restes à payer à la suite de la fin du dispositif de la prime d’aménagement du territoire (PAT), les crédits en CP baissent de 65 % du fait de la diminution des restes à payer pour l’ensemble des dispositifs.

II.    L’ÉVOLUTION DE LA POLITIQUE CONTRACTUELLE DE L’État dans les territoires : un oUTIL DE DÉCENTRALISATION EN MUTATION

A.   Les contrats de plan État-région : un outil au service de la mise en œuvre de la politique de l’État en France

Les CPER sont des outils de cadrage pluriannuel visant à coordonner les politiques publiques de l’État et des régions. En donnant de la visibilité aux ambitions partagées, ils permettent de jouer un rôle de catalyseur pour les investissements liés aux transitions écologique, numérique, productive et démographique des territoires.

1.   Les contrats de projet État-région 2007-2014 et les contrats de plan État‑région 2015-2020)

Les contrats de projet État-région 20072014, ont permis l’engagement global de 29,5 milliards d’euros, dont 11,2 milliards d’euros portés par l’État.

Au 31 décembre 2021, 9,73 milliards d’euros de crédits de paiement avaient été exécutés, dont 77,53 millions en 2021. Selon la direction générale des collectivités locales, 76,85 millions d’euros de crédits de paiement relatifs à la génération 2007‑2014 seront versés en 2022 et 169,07 millions d’euros après 2022. Si l’on tient compte des crédits de paiement qui seront versés en 2022 et après 2022, le montant total des crédits versés pour la génération 2007‑2014 de CPER serait de 9,97 milliards d’euros, soit un taux d’exécution des CPER 2007-2014 de 89 %. L’écart par rapport aux engagements de crédits initiaux s’explique par des retraits d’engagements consécutifs à des abandons d’opérations ou intervenus à la suite de clôtures à moindre coût d’opérations financées.

Les contrats de plan État-région 2015-2020 ont été construits autour de six thématiques selon une maquette commune aux régions métropolitaines : la mobilité ; l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation ; la transition écologique ; les filières d’avenir et l’usine du futur ; le numérique ; l’emploi. Un volet territorial local prend en compte la diversité des situations locales justifiant un effort particulier de solidarité. Douze contrats interrégionaux (CIPER) ont également été conclus, à l’instar du CIPER du bassin de la Loire.

Les régions se sont engagées à hauteur de 15 milliards d’euros et l’État a contractualisé 12,6 milliards d’euros (hors crédits de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine) dans les CPER et CPIER du territoire métropolitain.

Les crédits budgétaires de l’État consacrés à la mise en œuvre de ses engagements contractuels dans le cadre des CPER ne proviennent pas principalement de la mission « Cohésion des territoires » mais sont issus de neuf missions budgétaires différentes. La majeure partie des crédits engagés par l’État provient de la mission « Écologie, développement et mobilités durables » (notamment du programme 203 « Infrastructures et services de transport » et du budget des agences de l’eau).

2.   La conclusion des contrats de plan État-région 2021-2027

De nouveaux contrats de plan État-région ont été établis pour la période 2021‑2027.

a.   Une nouvelle méthode d’élaboration

Dans le cadre de la préparation de la génération 2021‑2027 de CPER, le Gouvernement a souhaité faire évoluer en profondeur la méthode d’élaboration de cet outil en adoptant une démarche plus ascendante et différenciée selon les territoires. Si trois thématiques sont présentes dans tous les CPER, (à savoir l’emploi ; la transition écologique ; l’enseignement supérieur, la recherche et l’innovation), des thématiques nouvelles et spécifiques aux territoires y ont été intégrées.

La détermination des priorités a également été établie en articulation étroite avec les fonds européens 2021‑2027 et le plan de relance 2021‑2022.

Afin de bien saisir les enjeux relatifs à l’adoption de cette nouvelle génération de contrats, votre rapporteur pour avis a souhaité s’entretenir avec M. François Bonneau, président du conseil régional de la région Centre-Val de Loire. Le contrat de plan État-région y a été signé le 7 mars 2022 par Mme Régine Engström, préfète, et M. François Bonneau. D’un montant de 1,4 milliard d’euros, le contrat s’articule autour de trois axes : le renforcement de l’attractivité du territoire, le renforcement de la cohésion territoriale et sociale et l’accélération de la transition écologique et énergétique.

Si la logique nationale affichée était celle d’une démarche partenariale fondée sur une association des collectivités territoriales de la région dans l’élaboration des contrats via l’établissement d’un diagnostic partagé, les élus des collectivités infrarégionales ont fréquemment regretté leur faible association à l’établissement des CPER dans l’identification des axes prioritaires des contrats. Ce constat, partagé par plusieurs élus locaux lors des auditions, comme l’Association des maires de France, tend à nuancer la pertinence des CPER.

Par ailleurs, les échanges avec M. François Bonneau ont permis de mettre en lumière l’absolue nécessité d’un dialogue constant des régions avec les différents ministères dans le cadre de l’élaboration des contrats. Ces échanges permettent une remontée effective des besoins spécifiques du territoire régional, permettant ainsi la rédaction d’une lettre de cadrage plus ciblée au Préfet de région.

b.   Des signatures encore en cours

Si la conclusion des CPER a été ralentie par la crise sanitaire et le calendrier électoral, une majorité de régions disposent aujourd’hui d’un accord.

Région ayant signé un CPER

Date de signature du CPER 2021-2027

Grand-Est

22 février 2022

Bourgogne-Franche-Comté

23 février 2022

Pays-de-la-Loire

25 février 2022

Centre-Val de Loire

7 mars 2022

Bretagne

15 mars 2022

Sud (Provence-Alpes-Côte-D’azur)

6 avril 2022

Île-de-France

6 juillet 2022

Occitanie

20 octobre 2022

Plusieurs CPER doivent encore être signés :

– le CPER de Nouvelle-Aquitaine, adopté par le conseil régional le 21 mars 2022 ;

– le CPER des Hauts-de-France, adopté par le conseil régional le 23 juin 2022. Les délibérations des conseils départementaux et des métropoles, signataires du CPER, s’échelonneront jusqu’en octobre ou novembre 2022 ;

– le CPER d’Auvergne-Rhône-Alpes, sur lequel le conseil régional devrait délibérer les 20 et 21 octobre 2022.

La finalisation des procédures réglementaires permettra la signature de l’ensemble des contrats d’ici la fin 2022, à l’exception des régions Corse et Normandie.

En Normandie, les négociations, longtemps bloquées sur le sujet de l’immobilier pour l’enseignement supérieur, ont repris au printemps 2022. Un protocole d’accord État-région doit être soumis à la délibération du conseil régional le 17 octobre 2022. Il devrait être signé dans la seconde quinzaine d’octobre ou au début du mois de novembre. La signature du CPER est envisagée pour le premier trimestre 2023.

En Corse, la signature du CPER a été retardée par les tensions qu’a connues l’île en mars 2022. L’audition de la préfecture de Corse a mis en lumière le maintien de points d’achoppement avec la Collectivité de Corse relatifs à la langue corse, au développement économique et à la gestion des déchets. Les négociations ont repris au printemps 2022 en vue d’une possible signature du CPER début 2023.

Pour la période 2021‑2027, les volumes de crédits correspondant à l’engagement de l’État devraient être en très forte augmentation par rapport aux CPER précédents.

Selon l’ancienne ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, Mme Jacqueline Gourault, en 2021, l’État devait contractualiser 32 milliards d’euros au total (en incluant les crédits du plan de relance). La part des régions devait s’élever à 31 milliards d’euros. Fin septembre 2022, d’après les CPER signés et les maquettes financières des projets de CPER et de CPIER, la part de l’État s’élève à 30,8 milliards d’euros si l’on tient compte des accords régionaux de relance (19,8 milliards d’euros hors crédits de relance). Les volumes de crédits correspondant à l’engagement de l’État sont donc en très nette augmentation par rapport aux précédents CPER.

3.   La mise en application des contrats dans les territoires d’Outre-mer : le cas de Mayotte

Dans le cadre de ses travaux, le rapporteur a souhaité ne pas limiter sa réflexion sur l’aménagement du territoire à l’espace métropolitain. Il a ainsi souhaité s’intéresser à la déclinaison ultramarine des CPER. Dans les territoires ultramarins, les CPER 2015‑2020 ont été clos de manière anticipée au 31 décembre 2018. Ils ont été remplacés par les contrats de convergence et de transformation (CCT) 2019‑2022 prévus par la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle Outre-Mer (EROM), dont le contenu doit être mieux adapté aux caractéristiques des territoires ultramarins. Le suivi des cinq CCT est assuré par le ministère des Outre-mer.

Ainsi votre rapporteur a-t-il étudié la situation de Mayotte. D’un montant d’1,7 milliards d’euros, le contrat de convergence et de transition mahorais constitue la traduction budgétaire des engagements de l’État et des collectivités pris dans le cadre du livre bleu Outre-mer et du plan pour l’avenir de Mayotte. Il vise à pallier les difficultés identifiées lors du mouvement social du premier semestre 2018 qu’a connu le territoire.

La grande majorité des fonds prévue par le CCT sera dédiée à la construction d’infrastructures scolaires (477,5 millions d’euros), à la mise au niveau des routes et des transports (260 millions d’euros), aux logements et à la requalification urbaine (220 millions d’euros) et aux investissements dans le secteur de la santé (216 millions d’euros). En réponse à la crise de l’eau de 2017, le CCT de Mayotte vise également à assurer un meilleur accès à l’eau et à développer les capacités d’assainissement pour un montant de 120 millions d’euros.

Conformément à la loi n° 2017-256 du 28 février 2017 EROM, le CCT mahorais aurait dû constituer un nouveau mode de contractualisation entre l’État et les collectivités de Mayotte via l’association du conseil départemental et des établissements publics de coopération intercommunale des îles. Les échanges avec les représentants de la collectivité territoriale de Mayotte ont toutefois mis en lumière la faible association des différents échelons de collectivités dans l’établissement du CCT et la difficulté des acteurs locaux à identifier des projets mâtures d’aménagement du territoire. La faible exécution des crédits prévus par la CCT, en particulier par le département, semble s’expliquer par un défaut de stabilité de l’administration, ne permettant pas le suivi actif de la mise en œuvre du contrat.

Plus largement, votre rapporteur pour avis souhaite rappeler que les territoires d’Outre-mer constituent des champs d’opportunités extraordinaires en dépit des grandes difficultés qu’ils connaissent. À l’instar de Mayotte, ces territoires concentrent les défis auxquels le territoire métropolitain devrait faire face ces prochaines années. Votre rapporteur pour avis souhaite également rappeler que les spécificités de ces territoires imposent une différenciation accrue de nos cadres administratifs et institutionnels, en favorisant par exemple le recours aux expérimentations.

B.    Déclinaison infrarégionale des CPER et des CCT, les contrats de relance et de transition écologique ont vocation à rassembler les contrats préexistants

1.    Les CRTE, des « mini-CPER »

Les CPER sont étroitement articulés aux contrats de relance et de transition écologique (CRTE) qui, conformément à la circulaire du Premier ministre du 20 novembre 2020, constituent la déclinaison territoriale des CPER.

Ces « mini CPER », selon les termes du cabinet de l’ancienne ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales Mme Jacqueline Gourault, lient l’État aux territoires, à l’échelle intercommunale ou supra-intercommunale. Lors de l’établissement des CRTE, trois objectifs étaient affichés : d’abord, la mise en œuvre du plan de relance dans les territoires en impliquant toutes les collectivités locales ; ensuite, la concrétisation du projet de territoire de chaque collectivité sur la durée du mandat municipal et enfin, la simplification du paysage contractuel. Les CRTE regroupent en effet de nombreux contrats préexistants dont la lisibilité faisait défaut. Selon la circulaire du 20 novembre 2020, les CRTE étaient « appelés à remplacer progressivement et de manière pragmatique les dispositifs de contractualisation existants de droit commun et thématiques » et à « intégrer les programmes d’appui mis en œuvre par le Gouvernement au profit des territoires ».

Face à la démultiplication des contractualisations, l’annonce d’un contrat global a été perçue comme un gage de lisibilité accrue de l’action publique locale.

Votre rapporteur pour avis salue ainsi la possibilité offerte par les CRTE de flécher des crédits dans une démarche de planification lorsqu’un projet de territoire est établi. Le CRTE permet effectivement de prioriser les projets de certaines communes dans une logique de phases et ainsi de concrétiser une vision de long terme du territoire.

2.   Modalités de financement des CRTE

Il n’existe pas d’enveloppe dédiée aux CRTE, qui du fait de leur vocation très largement interministérielle ont vocation à bénéficier de la plupart des crédits de droit commun dédiés à la mise en œuvre territoriale des politiques publiques.

Les CRTE disposent en effet de financements, pour la part État, issus, d’une part, du plan de relance (dotation de soutien à l’investissement et dotation de soutien à l’investissement des départements, rénovation thermique, fonds friches, conseillers numériques France Services, Ségur de la santé) et d’autre part, des crédits dits de « droit commun », qu’ils soient ou non portés par le ministère de la transition écologique et de la cohésion des territoires. Ainsi, en 2021 :

– 66,1 millions d’euros ont été attribués au titre de la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL)en soutien à 516 projets inscrits dans le cadre de CRTE ;

– 112,4 millions d’euros ont été attribués au titre de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) en soutien à 1 480 projets inscrits dans les CRTE ;

– Plus de 18 millions d’euros ont été ciblés sur 180 projets CRTE (dont le financement de certains chefs de projet) au titre des crédits du FNADT contractualisés dans les CPER 2021‑2027, soit 12 % de l’enveloppe du FNADT dédiée aux CPER.

L’enveloppe de la DSIL a également été abondée de 303 millions d’euros en loi de finances pour 2022 au titre du soutien aux projets qui confortent les centralités dans le cadre des CRTE.

Conformément à la circulaire du 4 janvier 2022, les crédits contractualisés dans le cadre du volet territorial des CPER 2021‑2027 pourront être utilisés pour les projets des CRTE. Cette disposition est de nature à renforcer, pour les collectivités, la visibilité pluriannuelle sur les financements.

3.   État d’avancement des CRTE : un outil qui doit encore faire ses preuves

La circulaire du 20 novembre 2020 prescrivait que les premières versions des CRTE soient disponibles au 30 juin 2021 pour signer a minima un protocole d’engagement. Ce dernier devait décrire la gouvernance locale du contrat, les projets matures pouvant être éligibles au plan France relance et les grandes lignes du projet de territoire.

La grande majorité des CRTE ont été signés au cours du second semestre 2021. En 2021, près de 400 territoires ont bénéficié d’un accompagnement pour l’élaboration de leur CRTE, dont 227 par l’ANCT, 62 par le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (Cerema) et 110 par l’Agence de la transition écologique (Ademe).

Au 31 août 2022 :

– 847 périmètres de CRTE ont été définis, dont 678 portés à l’échelle d’un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre et 169 à l’échelle de groupements d’EPCI à fiscalité propre ;

– 834 territoires ont signé au moins un document (CRTE ou protocole d’engagement vers un CRTE), soit 98 % des territoires engagés dans la démarche ;

– 828 CRTE ont été signés, soit un taux d’avancement de 98 % ;

– 538 protocoles de préfiguration ont été signés, dont 528 ont abouti à la signature d’un CRTE ;

– 11 territoires n’ont pas encore signé de document.

Dans le cadre des discussions avec les élus locaux, votre rapporteur pour avis a pu constater une appréciation contrastée sur les CRTE. Alors que leur élaboration devait permettre de constituer ou réviser un projet de territoire concerté avec les communes, leur préparation, souvent à la hâte, a souvent été perçue comme l’agrégation « fourre-tout » des politiques menées sur le territoire. Dans ce contexte, plusieurs élus ont émis des réserves sur la plus-value du CRTE, d’autant plus dans un contexte d’extinction du plan de relance. L’Association des maires de France les qualifie ainsi « d’outils dont la valeur ajoutée reste à démontrer ».

Les échanges menés par votre rapporteur pour avis lors des auditions ont mis en lumière le regret d’une absence de démarche réellement contractuelle avec l’État. Les élus rencontrés ont soulevé la difficulté à mener à bien les projets formulés dans les CRTE en l’absence d’engagement financier de la part de l’État et de visibilité pluriannuelle sur les crédits.

Votre rapporteur pour avis regrette le manque de souplesse constaté dans l’exécution des CRTE. L’impossibilité de sortir du cadre des projets contractualisés en cas d’évolution du contexte, et notamment du coût, génère un manque de souplesse dommageable à l’intérêt du territoire.

 


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   deuxiÈme partie :
Des programmes de revitalisation des territoires efficaces mais dont la lisibilitÉ doit s’accroÎtre

I.   Le programme action cœur de ville vise à développer l’attractivité des villes moyennes

Lancé en décembre 2017 après une expérimentation visant à agir sur la revitalisation des centres-bourgs, Action cœur de ville est un programme national destiné à renforcer et développer l’attractivité des villes dites « moyennes », en faisant le choix d’investir prioritairement dans les centres-villes. Transversal, le programme requiert une mobilisation de l’ensemble du champ des politiques urbaines sur cinq axes : habitat, commerce et développement économique, mobilités et connexions, patrimoine et espace public, accès aux services et à l’offre culturelle et de loisirs.

Le programme se fonde sur une logique déconcentrée : les choix d’opportunité ainsi que les décisions de subvention et d’investissements sont confiés aux échelons déconcentrés de l’État et des opérateurs qui sont les partenaires financiers nationaux : préfets, puis directions régionales de la Banque des territoires et d’Action Logement.

A.    Les crédits consacrés au programme Action cœur de ville ont contribué au dynamisme des centres-villes, notamment via la revitalisation artisanale et commerciale

Le programme prévoyait initialement l’engagement de 5 milliards d’euros d’ici le 31 décembre 2022, même si les conventions-cadre avec les 234 villes retenues peuvent, elles, courir plus longtemps. En 2022, 4,39 milliards d’euros ont été engagés sur les 5 milliards prévus sur cinq ans (dont 409 millions d’euros pour l’État).

Cette somme s’est déjà matérialisée au travers de plus de 6 000 actions concrètes qui ont été lancées depuis 2018 : 56 820 logements ont bénéficié de subventions de l’Agence nationale de l’habitat, 71 666 logements ont bénéficié de MaPrimeRenov’ et 269 opérations de co-investissement ont été portées par la Banque des territoires.

Une large part des projets retenus concerne l’axe 2 du programme Action cœur de ville consacré à la promotion d’un « développement économique et commercial équilibré » entre le centre-ville et les périphéries. Par exemple, dans la commune de Blois dans le Loir-et-Cher, le programme pallie le manque de commerces de proximité en centre-ville, lié au développement de la grande distribution dans la périphérie. Les crédits d’Action cœur de ville contribuent ainsi à la création d’une maison de santé pluridisciplinaire dans la zone Blois-Vienne et au développement d’un pôle commerçant, le « Carré Saint-Vincent ».

Le 8 juillet 2021, à l’occasion d’un déplacement au congrès annuel de Villes de France à Blois, le Premier ministre a annoncé la prolongation d’Action cœur de ville jusqu’en 2026. En 2022, de premières consultations sur les orientations de l’acte II d’Action cœur de ville ont été menées auprès des élus des territoires du programme. L’acte II devrait prendre en considération les attentes formulées par les élus locaux afin de pallier les faiblesses observées lors de l’acte I.

B.   Une sélection des projets ayant conduit l’État à proposer des alternatives aux villes non retenues

Le programme a été pensé dans une logique décentralisée : il se fonde sur une sélection des projets portés par les collectivités, auxquels l’État apporte un cadre et des moyens financiers. Sur les 600 villes candidates, 234 ont été retenues.

Si le programme se veut universel en s’adressant à l’ensemble des villes moyennes, certains territoires ne sont pas éligibles. Ainsi les villes moyennes appartenant au périmètre d’un EPCI métropole ne sont pas éligibles car il a été estimé que la revitalisation territoriale dans les métropoles relevait de la solidarité métropolitaine en premier lieu, et parce que ces villes n’exercent qu’une polarité secondaire, après la grande ville métropolitaine, sur leur territoire.

De nombreuses villes, de dimension démographique plus réduite, ou faisant partie d’une métropole, ont fait part de leur souhait de bénéficier d’un accompagnement pour un projet de revitalisation. C’est l’un des objets de la création des « opérations de revitalisation du territoire » (ORT) par la loi dite « Elan » en 2018. Une ORT permet d’organiser un projet de revitalisation autour du centre-ville, mais aussi d’autres secteurs stratégiques, en y associant des partenaires publics et privés et en bénéficiant de facilitations réglementaires.

II.    Petites villes de demain : un programme au service du dynamisme des territoires

Le programme Petites villes de demain a été annoncé par le Premier ministre le 19 septembre 2019 lors des assises de l’association des petites villes de France. Lancé en octobre 2020, il constitue l’une des mesures phares de l’Agenda rural.

Trois milliards d’euros sont prévus pour le programme, au travers de crédits de droit commun et de crédits de relance sur la période 2021-2026. Depuis le lancement du programme, 700 millions d’euros ont déjà été engagés, soit 23 % des financements prévus.

A.   Un programme d’accompagnement à la redynamisation des petites villes

Petites villes de demain vise à accompagner les villes de moins de 20 000 habitants ayant des fonctions de centralité dans le projet de redynamisation de leur territoire. Il s’appuie sur l’expérience capitalisée dans le cadre d’Action cœur de ville, tout en adaptant les outils aux centralités de taille intermédiaire. Conçu pour six ans (2021‑2026), le programme doit permettre d’accélérer la transformation des collectivités pour répondre aux enjeux de transition écologique, démographique, numérique et productive. 1 642 communes ont ainsi été labellisées Petites villes de demain.

Comme pour Action Cœur de ville, le déploiement du programme comprend deux phases :

– une phase d’initialisation : la convention d’adhésion, approuvée par délibération du conseil municipal et du conseil communautaire, officialise l’engagement de la collectivité dans la définition de son projet stratégique de revitalisation et prévoit un délai maximal de dix-huit mois pour le finaliser. Cette convention permet à la collectivité de bénéficier sans attendre des premières mesures d’accompagnement (recrutement du chef de projet, lancement des premières études d’assistance à maîtrise d’ouvrage, élaboration de l’ORT, etc.) ainsi que de bénéficier des premières aides à l’investissement. Fin juin 2022, 99,6 % des communes Petites villes de demain ont signé leur convention d’adhésion ;

– une phase de contractualisation : la convention d’adhésion « Petites villes de demain » est complétée par une convention-cadre qui prévoit le détail du projet de revitalisation, défini par la collectivité et approuvé par l’État, ainsi que sa déclinaison en plan d’actions pluriannuel. Cette convention constitue l’ORT du territoire concerné. Une annexe financière annuelle fixe les contributions respectives de chaque partenaire, au regard des budgets disponibles et des priorités définies par le comité local de projet, coprésidé par le maire et le préfet.

Au niveau régional, le comité des financeurs regroupe les partenaires régionaux du programme sous le pilotage du préfet de région (Banque des territoires, Cerema, conseil régional…) et examine les demandes de financement des actions. Le préfet de département demeure l’interlocuteur unique des villes du programme.

Le déploiement du label Petites ville de demain dans la commune de Ligueil en Indre-et-Loire a renforcé l'attractivité de la commune, favorisant ainsi l'installation de nouveaux habitants et entreprises.

B.   Une offre de service partenariale, multithématique et à la carte

L’offre de services est à ce jour organisée en trois piliers :

  1.           Donner aux collectivités les moyens de définir et mettre en œuvre un projet de revitalisation à l’échelle intercommunale, notamment par un soutien à l’ingénierie via le financement d’un poste de chef de projet. 838 chefs de projet recrutés sur les 930 prévus ont pour le moment été recrutés ;
  2.           Accéder à l’appui thématique répondant aux problématiques de chaque territoire (habitat, commerce, patrimoine, équipements et espaces publics) par les différents ministères et opérateurs partenaires du programme ;
  3.           Offrir aux collectivités les outils, les formations, les partages d’expériences et les échanges entre pairs, leur permettant d’améliorer la qualité et l’exécution de leur projet (Club « Petites villes de demain »).

Dans cette perspective, le programme rassemble les moyens de multiples partenaires susceptibles d’accompagner les collectivités dans leur projet de revitalisation. À titre d’illustration, la Banque des territoires mobilise 250 millions d’euros d’ingénierie dédiée au programme « Petites villes de demain », dont 45 millions d’euros pour le soutien au financement des chefs de projet.

III.    Le programme territoires d’industrie

Lancé par le Premier ministre à l’occasion du Conseil national de l’industrie du 22 novembre 2018, le programme Territoires d’industrie est une stratégie nationale de reconquête industrielle par les territoires. Le programme vise à accompagner la reconversion des friches industrielles, l’acquisition de foncier, les projets d’aménagement et de transition écologique ainsi que la sécurisation des chaînes d’approvisionnement.

A.    sélection des projets, gouvernance et mobilisation financiÈre

146 territoires d’industrie sont labellisés à ce jour au niveau national, regroupant plus de 530 intercommunalités.

Carte de France par région des 146 Territoires d'industrie

La quasi-totalité de ces territoires d’industrie se sont organisés dans le cadre d’une gouvernance locale dédiée, mobilisant un binôme composé d’un élu et d’un industriel référents à l’échelle du territoire d’industrie ou des EPCI le composant. Près de 80 % des territoires d’industrie sont dotés d’un technicien chef de projet, en charge de l’animation.

Les régions assurent l’animation du programme au niveau régional et mobilisent également leurs dispositifs de soutien régionaux en faveur des territoires d’industrie, notamment en matière de formation, de soutien aux filières, d’aides aux entreprises et d’ingénierie.

Sur les cinq ans du programme, 1,3 milliard d’euros sont mobilisés par l’État et ses opérateurs (hors plan de relance) qui mettent à disposition des territoires un panier de services afin de répondre aux besoins. La mission « Cohésion des territoires » pour le programme 112 et la mission « Relation avec les collectivités territoriales » pour le programme 119 contribuent au financement des actions des territoires d’industrie : 35 millions d’euros ont été mobilisés au total au titre de ces crédits, dont 4 millions d’euros par le Fonds national d’aménagement et de développement du territoire pour le cofinancement de 50 postes de chefs de projet.

B.    Un programme contribuant au dynamisme du tissu économique local

L’industrie apparaît comme un vecteur de développement et de cohésion des territoires dans la mesure où près de 70 % de l’emploi industriel est localisé hors des métropoles.

Afin d’assurer la mise en œuvre opérationnelle de ces projets, les partenaires des territoires d’industrie mobilisent des moyens humains et financiers et facilitent les processus administratifs. Près de 2 000 fiches actions ont ainsi été produites par les territoires depuis le lancement du programme.

Les projets construits concernent notamment :

– l’axe « recruter » qui porte sur les enjeux de formation, de compétences, d’emploi et d’insertion (comme la mise en place de parcours de formation aux métiers industriels, de centres de formation des apprentis dans l’industrie, d’écoles de production…) ;

– l’axe « attirer », avec des projets qui concernent notamment l’immobilier d’entreprise, le recyclage foncier, la revitalisation de friches industrielles, la réhabilitation de bâtiments industriels ;

– l’axe « innover », notamment en matière de transition écologique et transition numérique.

Le programme a été prolongé pour la période 2022‑2026, c’est-à-dire jusqu’au terme du mandat des exécutifs municipaux et régionaux.

Les échanges avec les élus ont permis de mettre en lumière le sentiment d’une articulation difficile, voire contradictoire, du programme Territoires d’industrie avec d’autres obligations législatives et réglementaires qui s’imposent aux collectivités. En particulier, l’objectif de zéro artificialisation nette (ZAN) d’ici 2050 inscrit dans la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets semble complexe à concilier avec le développement d’une activité industrielle.

IV.    L’action de Business France en faveur de l’aménagement du territoire

A.    Présentation générale et ressources de Business France

Business France est un établissement public industriel et commercial (EPIC) issu de la fusion, au 1er janvier 2015, de l’Agence française pour les investissements étrangers et d’Ubifrance. Business France a plusieurs missions principales : faciliter le développement international des entreprises, en particulier les PME et les ETI implantées en France, développer des investissements étrangers en France et promouvoir l’image économique de la France et de ses territoires à l’international.

Placée sous la tutelle des ministères chargés de l’économie, des affaires étrangères et de l’aménagement du territoire, l’agence Business France perçoit trois subventions pour charges de service public pour un montant total de 92,8 millions d’euros au budget initial 2022. Ces subventions, qui prennent la forme d’un versement globalisé destiné à couvrir indistinctement les dépenses de personnel et de fonctionnement de l’opérateur, représentent environ 25 % des ressources de l’établissement.

Au titre du programme 134 « Développement des entreprises et régulations », Business France reçoit 84,7 millions d’euros. Par ses missions, l’établissement contribue à l’action n° 7 du programme 134 « Développement international des entreprises et attractivité du territoire » qui vise à l’information et au soutien des PME et ETI françaises en vue de leur internationalisation, à la prospection d’investissements étrangers, à la promotion du territoire français auprès des investisseurs étrangers et à la mise en œuvre d’une stratégie de communication pour améliorer l’image de la France à l’international.

Pour le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », Business France bénéficie d’une subvention pour charges de service public de 4,7 millions d’euros. Cette subvention est stable depuis 2020 après une baisse de 17 % entre 2018 et 2020. Les crédits contribuent au soutien à la compétitivité et à l’attractivité des territoires.

Dans le cadre du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de la forêt, de la pêche et de l’aquaculture », Business France reçoit 3,4 millions d’euros. Cette contribution finance l’accompagnement à l’international des entreprises du secteur agricole et agroalimentaire.

B.   L’action de Business France en faveur de l’attractivité du territoire national

Dans le cadre du présent rapport, les travaux du rapporteur pour avis se centrent sur les projets menés par Business France en lien avec l’aménagement du territoire. Selon la directrice générale déléguée de l’établissement, Mme Marie‑Cécile Tardieu : « l’attractivité commence et termine dans les territoires ».

D’un point de vue budgétaire, les crédits versés par le programme 112 n’ont pas vocation à financer des projets spécifiquement menés au titre de l’aménagement du territoire. Néanmoins, le versement d’une subvention pour charges de service public à Business France au titre du programme 112 est justifié par la participation de l’agence à la politique d’aménagement du territoire.

1.   L’accompagnement des projets d’investissement des entreprises françaises à l’étranger

Dans le cadre de la « Team France Export » (TFE), des guichets uniques ont été créés en région afin de regrouper autour de Business France et des chambres de commerce et d’industrie, plusieurs acteurs de l’export comme les agences régionales de développement, les sociétés d’accompagnement et de commerce international et les acteurs du financement export (Bpifrance et opérateurs privés). Cette logique de guichet unique vise à répondre de manière coordonnée aux besoins des entreprises. À ce jour, toutes les régions métropolitaines, Mayotte, La Réunion, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane ont signé une convention « Team France Export ».

Business France assure l’accompagnement de territoires considérés comme « prioritaires », après sélection conjointe avec l’ANCT.

Au titre du « socle de base », les territoires accompagnés peuvent bénéficier de prestations comme la réalisation d’ateliers d’attractivité, l’élaboration d’une stratégie de promotion à l’international, la détection d’investisseurs étrangers susceptibles de reprendre des entreprises en difficulté ou la promotion des sites clés en main.

Au titre de l’accompagnement « intensif », l’agence doit proposer à un à cinq territoires prioritaires par an un appui pour la construction d’une stratégie d’attractivité à l’international et pour la définition d’un plan d’actions, dont la coordination est assurée par un directeur de projet Business France.

Les modalités de l’accompagnement à l’attractivité des territoires prioritaires ont été redéfinies par la lettre de partenariat signée en février 2021 avec l’ANCT. La liste des prestations éligibles a été rénovée et précisée, le périmètre des territoires éligibles a été étendu au-delà des seuls territoires d’industrie et un pilotage dédié a été mis en place.

En 2021, Business France a accompagné quarante territoires prioritaires, dont cinq à titre intensif. Au cours du premier semestre 2022, quarante-et-un territoires prioritaires ont été accompagnés, dont eux à titre intensif (Lacq‑Pau‑Tarbes et Vallée du Loir‑Châteaudun).

Business France assure l’accompagnement à l’international, sur le volet export, des PME et ETI localisées dans les territoires prioritaires. En 2021, la Team France Export a accompagné 7 917 PME et ETI Sur les 3 843 entreprises accompagnées situées dans les territoires prioritaires, près de 2 800 étaient localisées dans un territoire d’industrie.

2.   L’accompagnement des projets d’investissements étrangers en France

Business France promeut auprès des investisseurs étrangers l’attractivité et les atouts de la France en renseignant les investisseurs sur l’environnement social et fiscal du pays. L’établissement met à disposition une information synthétique relative aux réformes structurelles mises en place en France en matière de fiscalité : réduction de l’impôt sur les sociétés, allègement des impôts de production ou soutien à la recherche & développement via le crédit d’impôt recherche.

La documentation disponible insiste également sur les simplifications récentes de l’environnement administratif des entreprises en évoquant les dispositions des lois n° 2019‑486 du 22 mai 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises (Pacte), n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance (Essoc) et n° 2020-1525 du 7 décembre 2020 d’accélération et de simplification de l’action publique (Asap).

Face au choc de la crise sanitaire, Business France s’est efforcé de rassurer les investisseurs en valorisant les actions d’urgence et le plan de relance mis en place pour soutenir et accompagner les entreprises et salariés touchés par les conséquences de l’épidémie.

Business France facilite par ailleurs l’installation des entreprises via des actions spécifiques, comme le dispositif de sites industriels clés en main lancé en janvier 2020 par le Gouvernement et porté par Business France, la Banque des Territoires, la direction générale des entreprises et l’Agence nationale de la cohésion des territoires. Ce module cartographique, en accès libre, identifie plus d’une centaine de sites rapidement disponibles en raison de l’anticipation des procédures et des études relatives à l’urbanisme, à l’archéologie préventive et à l’environnement. Il propose une information détaillée sur le foncier industriel disponible, les services associés sur site (utilités, bâtiments…) et à proximité (grands équipements, instituts de recherche…). Les filtres cumulatifs facilitent la recherche et suggèrent ainsi les lieux d’implantation dans des écosystèmes compétitifs et attractifs pour les entreprises, répondant aux besoins du projet d’investissement.

Preuve de l’impact des actions de Business France, le territoire national jouit d’une attractivité croissante en matière d’investissements internationaux. Les investisseurs étrangers sont sensibles aux réformes pro-business adoptées tout au long du précédent quinquennat et au processus de transformation, à horizon 2030, qui guide la sortie de la crise du Covid-19.

La France est devenue le premier pays d’Europe pour les investissements directs étrangers. En 2021, la France a accueilli 1 607 projets d’investissement international qui ont permis la création ou le maintien de 45 008 emplois (chiffres Business France). Cette dynamique historique devrait se poursuivre : près de 6,7 milliards d’euros d’investissement ont été annoncés à l’occasion de la cinquième édition du sommet « Choose France » en juillet 2022. Ces investissements d’ampleur témoignent de l’attractivité du pays pour accueillir les projets structurants dans les nouvelles technologies et les secteurs stratégiques. L’audition de Business France menée par votre rapporteur pour avis a toutefois mis en lumière les récentes difficultés de la France à rester compétitive face au plan de soutien mis en place aux États-Unis, dit « Plan Biden ».

V.    propositions d’outils pour renforcer la lisibilité et la prévisibilité des programmes d’aménagement du territoire

Les auditions menées par votre rapporteur pour avis permettent de témoigner d’un ressenti positif envers ces différents programmes d’aménagement du territoire. Les divers acteurs rencontrés, élus locaux et services de l’État, constatent des progrès en matière de revitalisation des territoires et saluent la dynamique partenariale engagée. Toutefois, l’ensemble des bénéficiaires s’accordent sur un certain nombre d’écueils dont souffrent ces programmes.

A.    le constat : Des programmes peu lisibles et peu prévisibles

Ces labels sont d’abord marqués par un manque de lisibilité relatif aux critères d’éligibilité et aux modalités de sélection des territoires concernés. La participation à ces programmes dépend des services déconcentrés de l’État dont les choix et les orientations peuvent parfois sembler dépendre de critères non objectifs et non uniformes sur le territoire. Les auditions d’élus locaux menés par votre rapporteur pour avis ont mis en lumière un sentiment de frustration de certains maires sur l’opacité des critères permettant de sélectionner les projets. M. Marc Angenault, maire de la ville de Loches, a ainsi regretté que sa ville n’ait pu bénéficier d’Action Cœur de ville du fait de son trop faible nombre d’habitants et d’un taux de vacance commerciale plus faible que dans les autres villes retenues.

Plusieurs fois, le regret d’un avantage implicite accordé aux villes disposant déjà de l’ingénierie nécessaire pour répondre aux appels à projet a été souligné. Certains territoires ne bénéficient effectivement pas des ressources nécessaires pour constituer rapidement des dossiers en mode projet.

Ces programmes ont ensuite souffert d’un manque de lisibilité sur la nature des crédits accordés. Ainsi les élus ont-ils pu croire que les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain leur donneraient accès à des enveloppes dédiées, sous forme de subventions aux projets des communes. Or, la majorité des aides sont en réalité des prêts, des prises de participation et des aides aux bailleurs privés. Ainsi, les dotations de l’État dans le cadre d’Action cœur de ville ne représentent que 600 millions d’euros sur les 5 milliards d’euros de l’enveloppe du programme.

Le défaut de prévisibilité des crédits a également été souligné. Les collectivités souffrent du manque de visibilité pluriannuelle des financements, ce qui entrave leur capacité à mener de véritables projets de long terme, faute de certitude sur le montant des crédits futurs.

B.    Le souhait de programmes aux critères de sélection objectivés et aux crédits accordés dans une logique pluriannuelle

Face à ces constats, votre rapporteur pour avis souhaite formuler deux recommandations principales.

1.   Objectiver les critères déterminant l’éligibilité aux programmes

L’objectivation des critères éviterait la distorsion due à l’interprétation des services déconcentrés de l’État d’un territoire à un autre. Disposer de critères objectivés d’éligibilité aux programmes Action cœur de ville, Petites villes de demain et Territoires d’industrie permettrait de mettre à disposition du porteur de projet une check-list de critères. Cette check-list diminuerait l’iniquité en matière d’ingénierie des porteurs de projet. Elle donnerait surtout une visibilité au porteur de projet en lui permettant d’identifier en amont le niveau d’intervention de l’État au titre du programme d’aménagement du territoire. Cela éviterait par ailleurs une confusion avec la dotation de soutien à l’investissement local et la dotation d’équipement des territoires ruraux.

2.   Inscrire les programmes d’aménagement du territoire dans une programmation pluriannuelle de cinq ans

L’aménagement du territoire est par essence une œuvre de planification. Instaurer la pluriannualité dans les programmes d’aménagement du territoire donnerait corps au nécessaire pacte de confiance entre l’État et les territoires.

Instaurer la pluriannualité éviterait les effets de goulot d’étranglement et les effets inflationnistes. Les porteurs de projets ne se présenteront plus simultanément auprès des collectivités, évitant ainsi les problèmes de recrutement, de manque de soumissionnaires aux appels d’offres et d’effet inflationniste sur les prix des marchés.

L’introduction d’une logique de pluriannualité permettrait enfin de sortir de l’indicateur de consommation budgétaire annuelle selon lequel l’entière consommation d’une enveloppe de crédits constitue un indicateur de bonne gestion. Les fonds non consommés de l’année n devraient être reportés sur l’année n + 1 sans préjudice de l’enveloppe de l’année n + 1.


— 1 —

   troisième partie :
le programme 162 « interventions territoriales de l’État »

I.    Un outil budgétaire atypique permettant la mise en avant de politiques publiques interministérielles au périmètre géographique limitÉ

La loi organique relative aux lois de finances (LOLF) a prévu un système vertical de gestion des crédits, dans lequel chaque programme est rattaché à un ministère et les crédits sont transférés vers des budgets opérationnels (BOP) déconcentrés. Ce système vertical peut entraîner, en pratique, des retards importants dans la conduite de grands programmes intégrés mobilisant plusieurs ministères ou opérateurs de l’État et pouvant également nécessiter de conclure des partenariats avec d’autres acteurs ou de solliciter des fonds européens.

Au regard du système vertical de gestion résultant de la Lolf, le programme 162 « Interventions territoriales de l’État « (Pite), est un dispositif atypique. Le Pite regroupe des actions régionales ou interrégionales, de nature interministérielle et territorialisée, caractérisées par la nécessité d’une rapidité d’action de l’État ou d’accélération d’un plan complexe. Il permet ainsi de mettre en avant des politiques publiques interministérielles ayant un périmètre géographique spécifique et non une dimension nationale. Le Pite ne crée pas de dépenses supplémentaires pour le budget de l’État : il est financé par des contributions issues de programmes de différents ministères, rendus fongibles au niveau de chaque action. Le Pite mutualise ainsi des moyens déjà consacrés par chaque ministère à la réalisation de l’action et non à la création de nouvelles lignes de crédits.

Si les crédits dévolus au Pite demeurent relativement faibles, la logique retenue permet de répondre à certaines problématiques locales complexes, sur lesquelles l’État souhaite mettre l’accent. La gestion par les services du ministère de l’intérieur pour le compte de la Première ministre traduit une volonté d’approche souple et territorialisée.

Les crédits fixés par la loi de finances, répartis en autant d’enveloppes que d’actions du programme, sont délégués aux préfets de région pour être dédiés à une intervention précise, ce qui assure leur sécurisation et permet concrètement d’avoir un interlocuteur unique. La grande souplesse de gestion des crédits, permise par la fongibilité, constitue en effet un avantage pour les gestionnaires. Le Pite garantit également aux acteurs locaux une visibilité accrue des engagements de l’État sur le territoire.

Lors de la création du Pite en 2006, plusieurs actions budgétaires existantes y ont été regroupées, notamment le programme exceptionnel d’investissement (PEI) pour la Corse. En 2021, l’action portant sur le marais poitevin a été définitivement clôturée et une nouvelle action, dédiée aux services d’incendie et de secours à Wallis-et-Futuna, a été créée.

Le Pite comporte huit actions pour le budget de l’année 2023. Outre la poursuite des sept actions existantes, une action nouvelle est créée afin de lutter contre la prolifération des sargasses dans les Antilles françaises.

Le montant total des autorisations d’engagement demandées pour 2023 pour ce programme représente 85,8 millions d’euros et le montant des crédits de paiement s’élève à 61,5 millions d’euros (hors fonds de concours).

Évolution par action des crédits du programme 162
« Interventions territoriales de l’État »

(en euros)

 

 

LFI 2022

PLF 2023

FDC attendus en 2023

02 – Eau - Agriculture en Bretagne

AE

1 967 481

1 967 481

0

CP

1 964 489

1 964 489

04 – Plan d’investissement pour la Corse

AE

72 997 894

50 000 000

5 894 940

CP

67 684 844

30 652 138

20 195 723

08 – Volet territorialisé du plan d’action chlordécone

AE

4 292 355

4 450 000

0

CP

4 426 794

4 450 000

09 - Plan littoral 21

AE

5 917 993

10 000 000

0

CP

4 426 794

4 426 794

10 – Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane

AE

11 915 330

12 115 330

42 800 000

CP

11 947 018

12 147 018

63 923 544

11 – Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire

AE

59 491

59 491

0

CP

693 403

693 403

12 – Service d’incendie et de secours à Wallis-et-Futuna

AE

1 270 091

2 158 091

0

CP

1 270 025

2 158 025

13 – Plan Sargasses II

AE

 

5 070 000

0

CP

 

5 070 000

Source : projet annuel de performance de la mission « Cohésion des territoires » du projet de loi de finances pour 2023.

*

Pour l’exercice 2023, le rapporteur pour avis a choisi de centrer ses travaux sur l’action 04 qui finance le plan d’investissement pour la Corse et l’action 10 consacrée au fonds interministériel pour la transformation de la Guyane.

II.    Le plan d’investissement pour la Corse

L’action 04 du programme 162 porte les crédits du plan de transformation et d’investissement de la Corse ainsi que les crédits des dernières opérations du plan exceptionnel d’investissement (PEI).

A.   Le programme exceptionnel d’investissement, moteur du développement économique depuis 2002

Instauré par l’article 53 de la loi n° 2002‑92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse et initialement prévu pour une durée de quinze ans (2002-2017), le PEI pour la Corse visait à « aider la Corse à surmonter les handicaps naturels que constituent son relief et son insularité », et à « résorber son déficit en équipements et services collectifs ».

Le PEI a vu sa durée d’exécution prolongée à deux reprises, d’abord par la loi n° 2015-991 du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (Notre) puis par la loi n° 2018‑1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (Elan). La loi Elan a prorogé le PEI jusqu’à la fin 2022 en permettant l’engagement de crédits jusqu’en 2022.

Par convention-cadre signée le 22 avril 2002, l’État et la collectivité territoriale de Corse ont fixé les grandes orientations et les masses financières du premier PEI (2002‑2006) qui a programmé 481,2 millions d’euros d’investissements, pour un financement de l’État de 291 millions d’euros.

La deuxième convention, signée en mai 2007 pour les années 2007‑2013, prévoit 992 millions d’euros, dont un financement par l’État de 545,5 millions d’euros.

Le PEI a connu un ralentissement sur la période 2014‑2016 (PEI 3) qui s’est manifesté par une moindre consommation des crédits et par une baisse de la programmation. La capacité d’autofinancement des collectivités locales, notamment de la collectivité territoriale de Corse, a constitué un facteur limitant. En effet, dans le contexte de fin des programmes européens 2007‑2013, l’autorité de gestion et les maîtres d’ouvrage ont porté leurs efforts sur la consommation des fonds européens afin d’éviter le dégagement d’office.

La programmation du PEI 4 a été beaucoup plus soutenue et marquée par une augmentation des besoins d’AE et de CP, dont les enveloppes de crédits alloués sont consommées en totalité. Seuls les crédits du fonds de concours versés par l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (Afit France) donnent lieu à des reports de crédits en raison notamment du retard pris dans la réalisation d’importantes opérations routières (déviation de Propriano, tunnel de Bastia, création d’une route à deux voies entre Bastia et Furiani) et du volume conséquent des restes à payer relatifs aux mesures routières, ferroviaires et portuaires du PEI.

Les dernières opérations ont été engagées en 2022 ; une prévision de décaissement de crédits lissée permettra de solder l’ensemble des opérations inscrites au PEI d’ici 2026, terme fixé pour les paiements.

Depuis la loi de finances pour 2022, l’objectif de remise à niveau des équipements structurants de la Corse, adossé à l’action 04 est supprimé car le gain de temps de parcours n’évoluera pas au cours des prochaines années dans la mesure où les deux dernières opérations, qui permettront un gain total de 25 minutes sur les grands axes routiers, ne seront mises en service qu’en 2026.

Conformément à l’article 53 de la loi n° 2002‑92 du 22 janvier 2002 relative à la Corse, la contribution de l’État au coût total du programme représentait environ 70 % du coût des projets (64 % en moyenne de subvention, auxquels s’ajoute le remboursement excédentaire du fonds de compensation de la TVA, soit un taux global moyen de 70 %). Elle provenait de plusieurs cofinanceurs, notamment l’Afit France pour l’ensemble des investissements routiers, ferroviaires et portuaires ; l’Office français de la biodiversité via l’agence de l’eau Rhône-Méditerranée- Corse pour l’eau potable et l’assainissement et l’Agence de la transition écologique (Ademe) pour la gestion des déchets.

Les contributions complémentaires sont portées par les maîtres d’ouvrage publics de l’île, notamment la collectivité de Corse.

Source : Préfecture de Corse.

B.   Un soutien financier ayant permis le développement du territoire

Les crédits alloués au PEI ont un effet accélérateur sur les investissements pour le développement de la Corse et la mise en valeur du territoire insulaire. Des équipements publics structurants de l’île ont notamment pu être mis à niveau :

– les réseaux d’approvisionnement en eau via la mise aux normes des principales stations d’épuration ;

– le déploiement du haut débit via le raccordement à la fibre optique ;

– le renforcement du réseau routier : création de la 2 x 2 voies Borgo‑Vescotato, la déviation de Bocognano ;

– le développement d’équipements culturels comme la construction du complexe bibliothèque‑centre culturel‑administration de l’Université de Corse à Corte.

En dépit d’un rattrapage en faveur de la Corse du Sud ces dernières années, un déséquilibre territorial dans la répartition des opérations financées par le PEI subsiste : entre 2002 et 2020, la Haute Corse a bénéficié de 990 millions d’euros, contre 722 millions d’euros pour la Corse du Sud. Cette différence s’explique notamment par les poids démographiques distincts des deux territoires.

C.   Le PEI a étÉ remplacÉ par le plan de transformation et d’investissement pour la Corse

Annoncé par le Président de la République lors de sa venue en Corse en avril 2018, le plan de transformation et d’investissement pour la Corse (PTIC) prend la suite du PEI. Il vise à « forger l’avenir de l’île dans le bassin méditerranéen ».

Le passage du PEI au PTIC marque une évolution dans la gouvernance. Là où la détermination des projets retenus dans le cadre du PEI était le fruit d’une codécision entre l’État et la Collectivité de Corse, le choix est désormais entièrement à la main de la préfecture de région. Pour déterminer l’octroi des crédits, le préfet de Corse sélectionne les « projets structurants », portés par la Collectivité de Corse ou le bloc communal. Ce changement de paradigme devrait, selon les services de l’État, assurer davantage d’efficacité dans la procédure de sélection et accélérer la programmation d’opérations portées par le bloc communal.

Le PTIC vise à poursuivre le soutien de l’État aux investissements sur le territoire et contribuer au développement durable de la Corse en intégrant les enjeux de transition écologique et de lutte contre les effets du changement climatique. Il se concentre sur un nombre limité de projets d’intérêt public majeur, qui feront l’objet d’une contractualisation spécifique entre l’État et chacun des maîtres d’ouvrage concernés.

Fin 2019, un diagnostic territorial commun au PTIC et à la nouvelle génération de CPER 2021‑2027 a été établi en tenant compte du bilan du PEI. Sur cette base a été établi un premier recensement des opérations d’investissement susceptibles d’intégrer le plan. Le PTIC comporte ainsi trois grands axes principaux :

– le développement et l’aménagement des principaux centres urbains de l’île ;

– la modernisation et le développement des grandes infrastructures de transport ;

– l’amélioration de la résilience du territoire dans un objectif de développement durable.

Le PTIC fournit une offre d’ingénierie renforcée aux maîtres d’ouvrage pour concrétiser leurs projets, qui passe par l’ANCT, et par les établissements qui y seront associés, comme le Cerema ou l’Ademe.

Dans la lignée du PEI, l’engagement financier de l’État atteint au minimum 70 %. Conformément aux annonces du Premier ministre M. Édouard Philippe de juillet 2018 à Bastia, le taux de subvention peut s’élever à 80 % pour certains projets, notamment en cas d’absence de recettes ou en cas d’intérêt majeur pour l’île. Lors de son audition, la préfecture de Corse évoquait ainsi la possibilité d’atteindre les 80 % pour un projet de centre de surtri des déchets à Monte en Haute‑Corse. Afin de limiter le tonnage d’enfouissement dans les prochaines années, ce centre vise à réceptionner des déchets déjà triés à la source pour les « surtriés » afin de mieux les valoriser. La question des déchets est effectivement prégnante en Corse où la production globale devrait augmenter de 27 % d’ici 2033. La quantité totale de déchets enfouis dans l’île, estimée à 1 064 850 tonnes en 2018, devrait ainsi atteindre 1 235 700 tonnes en 2027, et 1 347 200 tonnes en 2033 (Collectivité de Corse).

Au lancement du PTIC, l’engagement de près 70 millions d’euros par an était prévu. Il apparaît toutefois que la consommation des crédits peine à être effective.

En 2021, qualifiée « d’année de transition » par les services de la préfecture de Corse, seulement 11 millions d’euros ont été dépensés dans le cadre de contrats de projet avec le bloc communal.

L’exercice 2022 souffre également de difficultés pour la consommation des crédits. Du fait des tensions du mois de mars, aucun projet structurant n’a encore pu être engagé avec la Collectivité de Corse. En 2023, les services de la préfecture aspirent à atteindre la cible de 70 millions d’euros.

III.   Le fonds interministÉriel pour la transformation de la guyane

L’action 10 « fonds interministériel pour la transformation de la Guyane » est dotée de 12,11 millions d’euros en AE et 12,14 millions en CP. En dehors des crédits de droit commun, l’action bénéficiera également de crédits issus de l’Afit France, de l’OFB, de l’Ademe et d’un transfert en gestion de 200 000 euros du ministère chargé de l’égalité entre les femmes et les hommes.

La création de l’action 10 traduit plusieurs engagements budgétaires de l’État envers le territoire ultramarin : d’une part, les engagements dans le cadre de l’application des accords de Cayenne du 21 avril 2017 et de la visite du Président de la République en Guyane d’octobre 2017 et d’autre part, le contenu du contrat de convergence et de transformation 20192022 pour la Guyane.

La réunion de la majorité des financements pour la Guyane dans un programme unique répond aux exigences de la circulaire du Premier ministre du 28 janvier 2018 portant nouvelle organisation des services de l’État en Guyane.

A.   Les engagements de l’État en 2017

Motivées par un sentiment de défiance voire d’abandon de la République envers la Guyane, les manifestations historiques de 2017 à Cayenne et Saint‑Laurent‑du‑Maroni menées par le collectif « Pou Lagwiyan Dékolé » ont conduit l’État à apporter des solutions aux problèmes soulevés.

Le plan d’urgence d’avril 2017 a permis de mettre en œuvre un ensemble de mesures en faveur du développement de la Guyane, notamment une subvention exceptionnelle de 36 millions d’euros au titre de la compensation du revenu de solidarité active, la transformation d’un prêt de 53 millions d’euros de l’AFD et de la Caisse des dépôts et consignations en subvention et le versement d’une subvention annuelle de 50 millions d’euros par an pour rénover ou accroître la capacité d’accueil des établissements scolaires existants du second degré.

B.   Le contrat de convergence et de transformation de la Guyane du 8 juillet 2019

Le contrat de convergence et de transformation (CCT) de la Guyane a été signé le 8 juillet 2019 entre la collectivité territoriale de Guyane et les quatre établissements publics de coopération intercommunale de la Guyane. Adopté en remplacement du contrat de plan État-région 2015-2020, conformément à la loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 relative à l’égalité réelle outre-Mer (Erom), le CCT vise à réduire les écarts de développement de la Guyane avec la métropole en palliant les difficultés économiques, sociales, sanitaires et environnementales que connaît le territoire.

Le CCT comprend cinq volets, qui constituent les cinq axes de l’action 10 : cohésion des territoires, mobilité multimodale, territoires résilients, territoires d’innovation et de rayonnement ainsi que cohésion sociale et employabilité.

Plusieurs opérations relevant du plan de relance, intégrées au CCT de la Guyane et financées par des crédits issus du fonds de concours de l’Afit France sont portées par l’action 10 en projet de loi de finances pour 2023.

C.   Les objectifs du fonds interministériel pour la transformation de la Guyane

L’axe 1 vise à renforcer la cohésion des territoires de la Guyane via l’aménagement durable et la revitalisation de certains espaces. Le programme « Action cœur de ville » est ainsi mis en place à Cayenne et Saint-Laurent-du-Maroni.

L’axe 2 assure le développement des mobilités multimodales via une contribution de l’AFITF. Ces crédits permettent le financement des travaux de modernisation du port, notamment la reconstruction des quais ainsi que les investissements routiers et fluviaux qui faciliteront le transport et l’acheminement des déchets.

Le troisième axe du plan interministériel pour la transformation de la Guyane « territoires résilients » contribue à la gestion et à la valorisation des déchets en Guyane via la modernisation des unités de traitement ainsi qu’à l’accompagnement des collectivités dans les opérations d’assainissement et d’alimentation en eau potable. L’axe 3 bénéficie également d’une contribution de l’OFB destinéeà assurer la préservation des ressources naturelles.

L’année 2023 sera une année de transition permettant la conclusion d’un nouveau contrat pour les années 2024 et suivante.

IV.   LES AUTRES ACTIONS DU PROGRAMME 162

● L’action 02 « Eau agriculture en Bretagne »

Depuis 2006, l’action 02 contribue aux actions d’amélioration de la qualité de l’eau dans la région Bretagne. La prolifération massive d’algues vertes qui affecte depuis plusieurs décennies de nombreux sites de la côte bretonne a en effet des conséquences importantes en termes de santé, de coûts, de dommages causés aux écosystèmes et d’image pour les zones concernées et l’ensemble de la région.

L’action 02 contribue au financement du plan de lutte contre les algues vertes mis en œuvre sur la période 2011‑2015, renouvelé pour la période 2017‑2021 puis prolongé dans le CPER 2021‑2027 de la région.

Le plan de lutte contre la prolifération des algues vertes se veut évolutif et construit autour de trois axes : un volet préventif visant à faire évoluer les pratiques et systèmes agricoles pour réduire les flux de nitrates dans les cours d’eau, un volet curatif axé sur la sécurité des personnes grâce au ramassage et au traitement des algues échouées sur les plages et un volet scientifique visant à renforcer la connaissance du phénomène, via le suivi de la concentration moyenne des eaux en nitrates des bassins versants.

Le Pite prévoit 1,9 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement en pour l’action 02 en 2023.

● L’action 08 : le volet territorialisé du plan chlordécone

L’action 08 constitue une réponse à l’impact sanitaire de la dispersion du pesticide chlordécone, utilisé pour la culture des bananes, dans les milieux terrestres et aquatiques de Martinique et de Guadeloupe. Depuis 2008, quatre plans chlordécone successifs ont été mis en œuvre : le premier sur la période 2008-2010, le deuxième de 2011 à 2013, le troisième de 2014 à 2020 et le quatrième sur la période 2021-2027.

Depuis le lancement du plan chlordécone IV en février 2021 par le Gouvernement, les crédits de l’action 08 sont en augmentation. Pour le budget 2023, l’action 08 est dotée de 4,45 millions d’euros en AE et en CP, soit une hausse de 0,15 million d’euros par rapport aux crédits prévus pour 2022.

Doté de 92,6 millions d’euros sur la période 2021-2027, le nouveau plan prend en compte la majorité des recommandations formulées par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale en novembre 2019 sur l’utilisation du chlordécone ([1]). Plus de 31 millions d’euros seront financés par le Pite.

Plusieurs mesures prévues par le plan sont mises en œuvre dans le Pite, notamment concernant l’axe communication, l’axe recherche, l’axe santé‑environnement-alimentation, l’axe socio-économique, l’axe santé-travail et l’axe formation et éducation. Parmi les actions opérationnelles, figure le dispositif d’analyses de sang gratuites, des analyses de sols gratuites, des aides aux agriculteurs pour décontaminer leur cheptel, des contrôles accrus des denrées alimentaires et un accompagnement renforcé des jardiniers qui consomment leurs productions.

Face aux critiques pointant le défaut de coordination entre les ministères chargés de l’agriculture, du développement durable et de la recherche, une déléguée interministérielle a été nommée en 2021 afin d’améliorer le pilotage du plan.

Votre rapporteur pour avis salue les actions prévues par le nouveau plan chlordécone ainsi que la hausse progressive des montants alloués. Face aux enjeux de santé publique que connaissent la Martinique et la Guadeloupe, il regrette toutefois que les crédits prévus paraissent en deçà des besoins exprimés.

● L’action 09 « Plan littoral 21 »

L’action 09 « Plan Littoral 21 » a été lancée en 2018 en région Occitanie pour une durée de dix ans. Elle vise à participer au financement du plan de reconversion du littoral de la région Occitanie à l’horizon 2050, dans le cadre de la stratégie nationale pour la mer et le littoral portée conjointement par l’État, les régions et la Caisse des dépôts et consignations. Destiné à répondre au vieillissement des stations touristiques, à l’inadaptation des infrastructures et aux conséquences de l’urbanisation qui menacent l’intégrité des espaces naturels, le dispositif comporte trois orientations.

La première, « pour une vitrine française de la résilience écologique et de la valorisation patrimoniale », a permis par exemple de financer l’équipement de 1 000 postes d’amarrage à Port Camargue ou de mener une étude sur le suivi des risques littoraux. La deuxième orientation, « pour une économie globale portée par l’innovation qui irrigue tout le territoire », a notamment financé l’aménagement du front de mer de Port la Nouvelle ou la construction d’un plan d’actions pour la promotion d’une offre œnotouristique durable. Le troisième axe « pour un littoral symbole d’attractivité, d’accueil et de cohésion républicaine » a par exemple permis de requalifier le port de Béziers.

Les crédits du programme 162 contribueront à la mise en œuvre de ce plan, en 2023, à hauteur de 10 millions d’euros en AE et de 4,26 millions d’euros en CP.

● L’action 11 « Reconquête de la qualité des cours d’eau en Pays de la Loire »

L’action 11 résulte du contrat d’avenir des Pays de la Loire signé en février 2019 par l’État et la région. Elle vise à remédier à la dégradation de la qualité des eaux et à ses conséquences en permettant à l’État de poursuivre et d’intensifier son action face aux enjeux écologiques, économiques et d’aménagement du territoire liés à la qualité dégradée des eaux ligériennes. Elle permet concrètement d’accompagner les maîtres d’ouvrage porteurs d’actions de restauration des milieux aquatiques et la transition agro-écologique des exploitations agricoles. L’action finance également des études destinées à améliorer les connaissances et le suivi de la qualité de l’eau. Les montants inscrits au programme 162 pour le projet de loi de finances pour 2023 sont identiques aux montants consacrés à cette action en 2022 : environ 59 000 euros en AE et 693 000 euros en CP.

● L’action 12 « Service d’incendie et de secours à Wallis-et-Futuna »

L’action 12 a été créée en 2021. Elle porte les crédits permettant aux deux centres de secours de l’archipel d’assurer les interventions courantes et les missions de gestion des crises d’un territoire exposé à des aléas naturel d’une intensité extrême. L’État a délégué de manière transitoire, par une convention signée le 20 janvier 2021, sa compétence en matière de sécurité civile jusqu’au 31 décembre 2023. Des crédits sont inscrits au programme 112 pour verser une subvention à l’établissement public créé spécialement pour la gestion du service d’incendie et de secours de Wallis-et-Futuna.

Les montants inscrits au programme 162 pour 2023 sont proches des montants consacrés à cette action à sa création : 1,28 million d’euros en AE et en CP pour 2023, contre 1,27 million d’euros en 2021 et 2022.

● L’action 13 « Plan sargasses II »

Il s’agit d’une nouvelle action du programme 162, destinée à mettre en place le Plan Sargasses II (2022‑2025). Elle vise à rassembler les crédits destinés à la lutte contre la prolifération des sargasses dans les Antilles françaises, dont les conséquences sanitaires, économiques et sociales sont de plus en plus importantes.

L’action 13 est dotée de 5,1 millions d’euros en AE et en CP pour 2023. Elle est cofinancée par trois ministères : le ministère de l’intérieur et des outre-mer (1 million), le ministère de la transition écologique (3,9 millions) et le ministère de la prévention et de la santé (0,2 million). Le recours au Pite est justifié par Gouvernement par la nécessité de mettre en place des actions dans un cadre pluriannuel.

 

 


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   Examen en commission

Après avoir entendu Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales, le jeudi 13 octobre 2022, la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire a examiné, sur le rapport pour avis de M. Henri Alfandari, les crédits relatifs à l’aménagement du territoire de la mission « Cohésion des territoires », le mardi 18 octobre après-midi.

M. Henri Alfandari, rapporteur pour avis. L’attractivité est le principal défi à relever pour nos territoires, notamment ruraux, afin de maintenir et de développer l’activité économique et les services aux populations qui sont nécessaires à leur revitalisation. Comme l’a souligné Mme Marie-Cécile Tardieu, directrice générale déléguée de Business France, lors de son audition, « l’attractivité commence et se termine dans les territoires ». C’est dire l’importance d’une politique d’aménagement équilibrée, durable et concertée. L’aménagement du territoire constitue l’une des deux jambes de notre commission et, en tant qu’élu local, c’est un sujet qui me tient particulièrement à cœur.

La mission « Cohésion des territoires » comporte six programmes. Mon avis budgétaire porte sur les deux qui relèvent de notre commission : le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et le programme 162 « Interventions territoriales de l’État ».

Le programme 112 sera doté en 2023 de 329 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 323 millions d’euros en crédits de paiement (CP). Il concourt à la réalisation de trois objectifs : le soutien à la compétitivité et à l’attractivité des territoires, le renforcement de la cohésion sociale et territoriale, et le renforcement des capacités stratégiques et techniques des collectivités territoriales.

Derrière ces grands principes se trouvent plusieurs programmes bien connus des élus locaux : Action cœur de ville, Petites villes de demain ou encore Territoires d’industrie. Le programme 112 finance aussi les contrats de plan État-région (CPER) et les contrats de relance et de transition écologique (CRTE), dont la conclusion fut un enjeu majeur des années 2021 et 2022 dans nos territoires.

Le programme 162, plus modeste, est doté de 85 millions d’euros en AE et de 61 millions d’euros en CP. Il permet de mener huit politiques publiques interministérielles ayant un périmètre géographique spécifique et non une dimension nationale, comme le fonds interministériel pour la transformation de la Guyane et les plans d’investissement pour la Corse, sur lesquels j’ai choisi de centrer mes travaux.

Lors de mes auditions, j’ai rencontré non seulement des acteurs institutionnels habitués aux couloirs de l’Assemblée nationale mais aussi et surtout des acteurs locaux – des maires et des présidents d’intercommunalité ou de région, issus du territoire métropolitain comme de l’outre-mer. Nous avons ainsi reçu des représentants de la collectivité territoriale de Mayotte. Il s’agissait de faire un bilan du fonctionnement des dispositifs, de réfléchir à leur efficacité et de proposer le cas échéant des évolutions.

Le premier point que les auditions ont permis de mettre en lumière concerne la politique contractuelle de l’État dans les territoires.

Les CPER sont des outils de cadrage pluriannuel qui visent à coordonner les politiques publiques de l’État au sein des régions. Après les contrats 2015-2021, le Gouvernement a souhaité faire évoluer en profondeur la méthode d’élaboration de la nouvelle génération, qui couvre la période 2021-2027, afin d’avoir une démarche plus ascendante et différenciée selon les territoires. Trois thématiques sont présentes dans tous les CPER, l’emploi, la transition écologique et l’enseignement supérieur, mais des thématiques nouvelles et spécifiques aux territoires ont également été intégrées.

Toutes les régions disposent aujourd’hui d’un CPER, à l’exception de la Normandie et de la Corse. Les échanges avec la préfecture de Corse ont permis d’élucider les raisons de ce retard, qui tiennent largement aux tensions que l’île a connues en mars 2022.

À l’échelle infrarégionale, la politique contractuelle de l’État a récemment été rénovée par l’établissement des CRTE. Ces « mini-CPER », pour reprendre l’expression de Mme Jacqueline Gourault, avaient vocation à rassembler l’ensemble des contrats préexistants. Dans la mesure où ils se fondent sur un projet de territoire concerté, ils permettent d’établir des priorités en matière d’investissement et de développement. Toutefois, les CRTE ont parfois pu agréger toutes les politiques d’un territoire dans un « fourre-tout », surtout lorsqu’un projet de territoire n’avait pas été établi en amont. Par ailleurs, les élus que j’ai rencontrés ont souligné à plusieurs reprises la difficulté de mener à bien les projets formés dans le cadre des CRTE en l’absence d’engagement financier de la part de l’État et de visibilité pluriannuelle des crédits.

Je me suis également intéressé à la politique contractuelle de l’État dans les territoires ultramarins. Depuis 2017, les CPER y ont été remplacés par les contrats de convergence et de transformation. Les auditions m’ont alerté sur les défis auxquels Mayotte fait face en matière d’aménagement, de besoin de différenciation mais également de climat, du fait des conséquences dramatiques qu’aura la montée du niveau des eaux. Je suis néanmoins convaincu que si les difficultés sont nombreuses dans ce territoire, les potentialités y sont tout aussi importantes.

J’en viens aux programmes d’aménagement du territoire – Action cœur de ville, lancé en 2017, Territoires d’industrie, mis en œuvre à partir de 2018, et Petites villes de demain, qui date de 2020. Le constat est quasiment unanime : ces programmes ont contribué à la revitalisation des territoires en accompagnant les collectivités dans leur transformation écologique, démographique et productive. Ils ont ainsi participé au dynamisme du tissu économique local.

Près de 234 municipalités labellisées Action cœur de ville et 1 642 communes labellisées Petites villes de demain ont bénéficié de crédits pour réhabiliter un quartier et développer leur attractivité – une majorité d’entre vous doit en connaître. Preuve de son succès, le programme Action cœur de ville devrait être prolongé jusqu’en 2026.

Toutefois, ces programmes souffrent d’un certain nombre de faiblesses qui ont presque systématiquement été évoquées lors des auditions.

La première est le manque de lisibilité des critères d’éligibilité et des modalités de sélection. La participation aux programmes dépend des services déconcentrés de l’État, dont les choix et les orientations peuvent parfois sembler dépendre de critères non objectifs et non uniformes sur le territoire. Cela crée un sentiment de frustration chez les élus locaux, qui s’engagent financièrement et personnellement dans la constitution des dossiers.

Par ailleurs, la logique d’appel à projets conduit à avantager, implicitement, les villes disposant de l’ingénierie nécessaire pour répondre aux appels. Quelle petite collectivité pourrait avoir les ressources nécessaires pour constituer rapidement un dossier en mode projet ?

Le défaut de lisibilité concerne également la nature des crédits accordés. Les élus ont pu croire que les programmes Action cœur de ville et Petites villes de demain leur donneraient accès à des enveloppes dédiées, sous forme de subventions aux projets. Or les dotations de l’État dans le cadre d’Action cœur de ville ne représentent que 600 millions d’euros sur les 5 milliards de l’enveloppe.

Face à ces constats, que beaucoup d’entre vous partagent, j’appelle votre attention sur la nécessité d’une réforme incluant une objectivation des critères d’éligibilité. Cela permettrait, pour les programmes Action cœur de ville, Petites villes de demain et Territoires d’industrie, de mettre à disposition des porteurs de projet une check-list. Il serait également plus facile pour eux d’identifier en amont le niveau d’intervention de l’État, et cela éviterait une confusion avec la dotation de soutien à l’investissement local et la dotation d’équipement des territoires ruraux, fréquemment relevée par les élus locaux.

Une autre faiblesse est liée au fait que les collectivités souffrent d’un manque de visibilité pluriannuelle sur les financements. Cela entrave leur capacité à mener de véritables projets de long terme, faute de certitude sur le montant des crédits futurs.

L’aménagement du territoire est par essence une œuvre de planification. L’introduction de la pluriannualité dans les programmes donnerait corps au nécessaire pacte de confiance entre l’État et les territoires, et éviterait également des effets inflationnistes. Les porteurs de projets ne se présenteraient plus simultanément auprès des collectivités, ce qui éviterait des problèmes de recrutement et de manque de soumissionnaires aux appels d’offres. Enfin, la logique de pluriannualité permettrait de sortir de l’indicateur de consommation budgétaire annuelle, selon lequel l’entière consommation d’une enveloppe de crédits constitue un indicateur de bonne gestion. Les fonds non consommés de l’année n devraient ainsi être reportés sur l’année n+1 sans remettre en cause l’enveloppe initialement prévue.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous allons entendre les orateurs de groupes.

Mme Sandrine Le Feur (RE). Nous ne ferons pas la transition écologique sans cohésion dans nos territoires : il n’y a pas d’écologie sans solidarité. Cela doit se traduire par des moyens adéquats pour assurer l’efficacité des transformations dans nos territoires.

Je salue les augmentations de crédits prévues, de plus de 3 %. Je remercie également notre rapporteur pour avis d’avoir mis l’accent sur la collaboration interministérielle indispensable pour faciliter la mise en œuvre des actions de cette mission budgétaire, qui se caractérise par sa transversalité. Sa dimension contractuelle avec les territoires est également importante : si l’État donne le ton, les collectivités doivent adapter les lignes directrices aux spécificités locales.

En tant que finistérienne, je souhaite insister sur une action en particulier, celle relative à la qualité de l’eau en Bretagne, qui vise principalement à lutter contre la prolifération des algues vertes. Suite à sa condamnation en 2001, l’État œuvre pour préserver les niveaux de nitrate en deçà des seuils réglementaires. Les crédits alloués à cette action seront-ils suffisants ?

M. Jean-Pierre Taite (LR). Les collectivités font face à une explosion de leurs charges de fonctionnement. Qu’on ne s’y trompe pas : le véritable enjeu pour 2023 est la baisse de leur capacité d’investissement. Une présence forte de l’État à leurs côtés est souhaitable pour les aider à développer leurs projets.

Les mesures prises par le Gouvernement pour parer, à court terme, à la crise ne sont ni suffisantes ni pertinentes. L’augmentation partielle de la dotation globale de fonctionnement (DGF) cet été, à un niveau inférieur à celui de l’inflation, ne satisfait pas vraiment les communes et les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI), qui sont confrontés à la hausse mécanique de leurs charges de personnel pour l’année prochaine. De même, l’extension du bouclier tarifaire à l’ensemble des collectivités qui, certes, était absolument urgente au vu du doublement, voire triplement des factures, n’est qu’une mesure transitoire et coûteuse pour les finances publiques. On peut aussi regretter qu’avec la suppression sans concertation de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et l’ajustement des bases locatives, ce soit aux redevables de la taxe foncière qu’il revienne de compenser l’insuffisance de la hausse des dotations et la suppression de la taxe d’habitation engagée en 2017 par M. Emmanuel Macron.

La transition écologique ne se fera pas sans les territoires, et encore moins contre eux. Un rapport publié la semaine dernière par l’Institut de l’économie pour le climat a ainsi établi que les collectivités devront investir 12 milliards d’euros par an d’ici à 2030 pour permettre à notre pays d’atteindre les objectifs fixés dans le cadre de la stratégie nationale bas-carbone. C’est deux fois plus que ce que nous dépensons aujourd’hui. La solution ne peut donc passer par une baisse toujours plus forte des moyens et de l’autonomie des collectivités, ni par ces béquilles illusoires que sont les contrats régionaux ou les fonds verts, qui ne font que valoriser les politiques de l’État au lieu de permettre aux collectivités de pleinement réaliser leurs projets.

Notre groupe exprimera, pour ces raisons, un avis défavorable aux crédits relatifs à l’aménagement du territoire au sein de la présente mission budgétaire.

M. Hubert Ott (Dem). L’aménagement du territoire est notre meilleur outil pour atteindre nos objectifs environnementaux. Désartificialiser les sols, aménager les friches, adapter l’offre de transports collectifs, rénover le bâti ancien : dans tous ces domaines, les collectivités restent les meilleurs experts de leur territoire et de leurs besoins. L’État a multiplié les initiatives et je salue une nouvelle fois tout le travail réalisé par Mme Jacqueline Gourault : c’est encore du fruit de son action que nous débattons aujourd’hui.

Action cœur de ville, dont bénéficie la ville de Guebwiller, Petites villes de demain, dont bénéficient Munster et Rouffach, mais aussi contrat de plan État-région, plan de relance des territoires, programme Territoires d’industrie, CRTE, opérations de revitalisation de territoire, programmes relevant de la loi Elan ou dispositif Denormandie… Les élus ont l’embarras du choix pour projeter leurs villes dans un futur dynamique tout en respectant nos engagements environnementaux.

Afin de remettre dans son contexte l’étude de ce budget, je rappelle que les crédits de la mission « Cohésion des territoires » augmentent de 3,74 % pour les autorisations d’engagement et de 3,9 % pour les crédits de paiement. Cela traduit la volonté du Gouvernement de continuer à développer la politique d’aménagement du territoire et d’accompagner les collectivités locales volontaires, dans leurs diverses compétences. Comme le rapporteur pour avis l’a souligné, les crédits attribués aux programmes 112 et 162 seront, quant à eux, en baisse en 2023. Cela s’explique facilement par la diminution des restes à payer, conséquence de la fin de différents dispositifs, conformément au cycle habituel de vie des projets.

Le groupe Démocrate rejoint la position du rapporteur pour avis et salue la politique menée par le Gouvernement depuis 2017 pour le développement et la cohésion de nos territoires.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Notre avis est, au contraire, défavorable. La suppression de la CVAE, qui remet en cause la libre administration des communes et leur liberté en matière de fiscalité locale, est une attaque sans précédent contre un pilier de notre République. Par ailleurs, l’austérité qui va continuer à être imposée aux collectivités, malgré le rejet de nombreux articles du projet de loi de programmation des finances publiques, se traduira par des baisses des dépenses publiques au niveau local qui vont à l’encontre de la défense des services publics, de l’urgence des investissements au service de la bifurcation écologique et du bouclier social.

J’appelle en particulier votre attention sur une urgence sociale absolue : le Gouvernement s’apprête à supprimer 14 000 places d’hébergement d’urgence, alors que près de 2 000 enfants scolarisés sont issus de familles sans logement. Ce n’est absolument pas le moment de supprimer ces 14 000 places. L’annonce d’une politique en faveur du logement d’abord, malgré la baisse des moyens alloués aux aides à la pierre, ne saurait occulter la nécessité de maintenir ces places d’hébergement tant que la politique de production de logements sociaux ne permet pas de répondre aux urgences.

S’agissant de la bifurcation écologique, je ne prendrai qu’un seul exemple : alors qu’il faudrait qu’au moins 700 000 logements par an bénéficient d’une réhabilitation thermique, le rythme réel n’était que de 2 500 sous la précédente législature ! Par ailleurs, il convient de ne pas faire peser la charge de cette réhabilitation sur les locataires et je regrette qu’un amendement à cette fin ait été jugé irrecevable.

M. Stéphane Delautrette (SOC). Le rapport pour avis souligne à juste titre le manque de visibilité et de lisibilité des politiques actuelles en matière d’aménagement du territoire. Ces dernières années, le Gouvernement a beaucoup communiqué sur des programmes s’adressant à des catégories de territoires spécifiques, comme Action cœur de ville, axé sur les villes moyennes, Petites villes de demain ou Territoires d’industrie. Mais peut-on véritablement parler d’une politique d’aménagement du territoire quand tout est ainsi segmenté ? Il nous semble qu’il manque une vision globale.

Il manque aussi des financements. Les élus ont pu croire que ces programmes leur donneraient accès à de nouvelles subventions alors que la vaste majorité des aides sont en réalité des prêts, des prises de participation et des aides aux bailleurs privés. Ceux qui sont véritablement avantagés sont des territoires ayant déjà la capacité de répondre à des appels à projets et correspondant aux critères opaques, et parfois discutables, fixés par les services déconcentrés de l’État.

C’est exactement l’inverse de ce que nous devrions faire : une politique nationale cohérente, fondée sur la péréquation financière et la solidarité entre les territoires, avec une forme de planification pluriannuelle qui assurerait la visibilité et l’exhaustivité de l’ensemble. Dans beaucoup de domaines – services publics, déploiement des énergies renouvelables, infrastructures de transport… – la planification est le seul moyen de résorber les inégalités territoriales et d’organiser une transition écologique juste et solidaire.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Monsieur le rapporteur pour avis, votre excellent travail répond bien à ce que nous souhaitons : observer le terrain, aller au plus près des acteurs et formuler des propositions quand cela semble nécessaire, en faisant remonter non seulement les problèmes mais aussi les bonnes pratiques en matière d’aménagement du territoire.

Car la transition écologique et énergétique passera par les territoires ; il faut donc les accompagner, les soutenir et les faire prospérer. La trajectoire proposée dans cette mission budgétaire, et plus particulièrement dans les programmes que nous examinons, va dans ce sens. Le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire », doté de 329 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 260 millions d’euros en crédits de paiement, et le programme 162 « Interventions territoriales de l’État », qui bénéficiera de 85 millions d’euros en AE et de 61 millions d’euros en CP, reflètent la volonté du Gouvernement de prolonger les ambitions du précédent quinquennat et même d’aller plus loin.

Ainsi, 5 milliards d’euros auront été engagés d’ici à la fin de l’année pour le programme Action cœur de ville. On peut faire pire, en matière d’austérité… Avec Petites villes de demain et Territoires d’industrie, ce sont des programmes qui ont des bilans très positifs. Vous avez néanmoins souligné plusieurs faiblesses, en particulier le défaut de visibilité des programmes et le manque de prévisibilité des crédits. Vous recommandez une programmation pluriannuelle sur cinq ans. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur ce que vous envisagez en la matière ?

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Le programme 112 regroupe des dispositifs structurants en matière d’aménagement du territoire et de rééquilibrage : Petites villes de demain, Nouveaux lieux, nouveaux liens – pour les manufactures de proximité – Territoires d’industrie, Action cœur de ville…

Les CPER et les CRTE, qui constituent la majorité du budget de ce programme, pourraient être des outils intéressants pour la planification écologique de l’aménagement du territoire. Nous avons en effet besoin de dispositifs puissants pour engager les territoires dans une mutation vers la sobriété énergétique mais aussi territoriale – je pense notamment à la limitation de la consommation d’espace, domaine dans lequel il importe vraiment d’accompagner les communes – ainsi que vers l’aménagement numérique du territoire, dont on ne parle encore que trop peu.

Néanmoins, selon le rapport, les CRTE sont des fourre-tout des politiques menées dans les territoires et manquent de souplesse en cas de changement du contexte. Quant aux CPER, leur élaboration associe peu les élus à l’identification des axes prioritaires. De plus, l’augmentation de l’enveloppe allouée aux CPER masque la réduction des dotations des collectivités et la suppression de leurs leviers fiscaux – d’abord la taxe d’habitation et maintenant la CVAE. Nous croyons aussi que l’amplification de la contractualisation ne fait que renforcer la reprise en main des collectivités par l’État : il faut tout négocier avec le préfet pour obtenir des fonds, et celui-ci peut refuser certains projets s’ils ne correspondent pas aux orientations du moment du Gouvernement.

Par ailleurs, le temps de l’élaboration et de la mise en œuvre des CPER est long. Les réponses qu’ils apportent aux enjeux territoriaux sont donc déjà périmées. Il n’est plus d’actualité, par exemple, de construire des autoroutes puisqu’elles n’auront sûrement plus d’utilité dans dix ou quinze ans. Il vaudrait mieux investir massivement dans le train, en particulier du quotidien, ou le vélo.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). La ministre déléguée Mme Caroline Cayeux nous a dit, il y a quelques jours, que l’État devait être accompagnateur et non prescripteur. Il faut donc laisser des marges de manœuvre aux élus locaux et leur garantir des moyens suffisants. Or on se heurte à deux écueils, au moins, avec ce projet de loi de finances. Le premier est la restriction de l’autonomie financière des collectivités. Vous avez décidé, pour des raisons qui peuvent s’entendre, de réduire la CVAE et donc l’autonomie des collectivités. Vous avez également décidé d’augmenter la DGF : c’est une bonne chose en soi, mais on sait que ce sera insuffisant face à ce que vont vivre les collectivités. Quelques éléments vont donc dans le bon sens, il faut le reconnaître, mais ils ne sont pas à la hauteur des besoins.

Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur pour avis, des dispositifs qui présentent séparément un intérêt, mais souffrent de difficultés d’articulation et d’un manque de pluriannualité. En effet, les élus locaux ne peuvent rien projeter s’ils doivent craindre que les dispositifs qu’on met à leur disposition disparaissent d’un jour à l’autre.

Je regrette aussi la différence entre la méthode suivie pour les CPER, qui descendent jusqu’aux territoires sans discussion, et celle qui vaut pour les CRTE : ces derniers peuvent constituer une bonne base de travail pour la suite.

Enfin, et même si le logement n’entre pas directement dans le champ de cette réunion, je tiens à dire notre déception en la matière, notamment pour ce qui est du secteur de la construction et de l’accompagnement des bailleurs sociaux.

Notre avis sur ces crédits est, sinon immédiatement défavorable, du moins très réservé.

M. le président Jean-Marc Zulesi. Nous en venons aux questions.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Monsieur le rapporteur pour avis, vous estimez qu’il est nécessaire d’objectiver, au moyen d’une check-list, les critères déterminant l’éligibilité aux programmes de revitalisation des territoires, afin de diminuer l’iniquité en matière d’ingénierie du côté des porteurs de projets et de leur donner de la visibilité, en leur permettant d’identifier, en amont, le niveau d’intervention de l’État. Il en va de même pour les CPER. Quels sont les critères de choix des projets qui y sont inscrits, et surtout, quels devraient-ils être ? La transition écologique est censée faire partie des thématiques communes à tous les CPER, au lieu d’être inscrite uniquement dans les CRTE – elle devrait être partout. Comment intégrer dans les CPER des critères plus ambitieux en matière de transformation écologique des territoires, en cohérence avec l’accord de Paris et les propositions de la Convention citoyenne pour le climat ?

M. Henri Alfandari, rapporteur pour avis. Pour ce qui est des algues vertes, madame Le Feur, les crédits du plan de lutte sont en hausse, et s’établissent à 1,9 million d’euros. Les objectifs sont la réduction des flux de nitrates, le ramassage des algues et une meilleure connaissance du phénomène.

Madame Simonnet, je ne peux pas vous répondre car vos questions ne portent pas sur les programmes soumis à notre examen. Vous avez évoqué le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », qui relève de la commission des affaires économiques, et la mission « Relations avec les collectivités territoriales ».

De même, monsieur Saint-Huile, la question de la CVAE relève de la mission « Relations avec les collectivités territoriales ». J’entends ce que vous dites, mais ce n’est pas l’objet de la présente réunion.

Madame Belluco, vous vous demandez en quoi une check-list pourrait aider. Les personnes auditionnées ont souvent fait part d’un mécontentement concernant les villes sélectionnées, notamment dans le cadre d’Action cœur de ville. Une partie de celles qui n’ont pas été retenues ont été réorientées vers Petites villes de demain. Il y a eu de réelles disparités dans la manière dont les communes ont été sélectionnées, ce qui a suscité un sentiment d’injustice. Or il n’y a pas de raison de ne pas avoir partout les mêmes critères de sélection.

Une check-list peut aussi permettre de bien identifier les éléments qui sont intéressants dans Action cœur de ville et dans Petites villes de demain, puisque ces programmes ne sont pas cumulables. Dans une logique de planification écologique, une liste de critères objectifs serait la base sur laquelle les préfets se fonderaient pour caler l’intervention de l’État et sur laquelle les acteurs construiraient leurs projets, pour voir où ils vont.

S’agissant des CPER, les auditions ont plutôt fait ressortir le souhait d’un meilleur dialogue au niveau ministériel, afin que l’État définisse correctement ses stratégies et que le dialogue infrarégional puisse être mieux géré, grâce à des lettres de cadrage et à des feuilles de route plus en adéquation avec le projet régional.

M. Mickaël Cosson (Dem). Étant maire depuis neuf ans d’une commune qui subit beaucoup d’échouages, je voudrais revenir sur le volet curatif qui figure désormais dans le plan de lutte contre les algues vertes. S’agissant du ramassage en mer, qui n’a pas beaucoup progressé, nous attendons les résultats des tests prévus pour le début de l’été. Les échouages sont plutôt modestes cette année, mais nous aurons encore perdu une saison. Allons-nous faire mieux en 2023 ?

M. Antoine Armand (RE). Un certain nombre de communes, y compris dans mon département, se félicitent du programme Petites villes de demain. La contractualisation arrive à son terme, les conseils municipaux ont approuvé une convention d’adhésion pour définir leur projet de revitalisation et les premières mesures d’accompagnement – principalement, le soutien à l’ingénierie – s’appliquent. Viendra ensuite une phase permettant de détailler les projets et les conventions. Toutefois, des élus dont je suis s’inquiètent de la suite qui leur sera donnée en termes d’accompagnement et de financement. Pourriez-vous nous en dire un peu plus ?

M. David Taupiac (LIOT). Une partie de la dotation d’équipement des territoires ruraux est fléchée pour les territoires labellisés Petites villes de demain, ce qui risque de pénaliser les autres communes. Cela soulève la question de l’orientation de l’enveloppe globale.

Mme Huguette Tiegna (RE). Le programme Petites villes de demain fonctionne très bien. Des travaux ont d’ailleurs été inaugurés dans ma circonscription, à Lacapelle-Marival. Mais face à Action cœur de ville, à destination des villes moyennes, et à Petites villes de demain, les communes de moins de 3 500 habitants se demandent si elles auront un dispositif spécifique de l’État en leur faveur, en plus du soutien de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT).

M. Henri Alfandari, rapporteur pour avis. Je reviens un instant sur la question des algues vertes. Nous avons choisi d’en rester aux éléments du projet de loi de finances pour 2022. Les crédits augmentent et les priorités sont inchangées : préventif, curatif, science.

Le programme Petites villes de demain est en quelque sorte la suite d’Action cœur de ville. La continuité est assurée, le Gouvernement s’y est engagé. Ce qui est essentiel, c’est de déterminer des critères, ce qui soulève la question des liens entre centre et communes périphériques. L’aménagement du territoire suppose une stratégie, une planification, des attentes : nous devons indiquer des pistes à travers ces critères.

La programmation pluriannuelle de cinq ans à laquelle M. Thiébaut a fait allusion relève pour l’essentiel du domaine du règlement ou de la circulaire. C’est par un dialogue continu avec le ministère qu’elle sera assurée.

Article 27 et état B

Amendement II-CD90 de M. William Martinet.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Cet amendement vise à pointer les limites du dispositif MaPrimeRénov’, ce qui est parfaitement dans notre sujet, monsieur le rapporteur pour avis.

Les moyens consacrés à la rénovation thermique des bâtiments sont insuffisants. De plus, le dispositif n’est plus prioritairement destiné aux ménages les plus modestes puisque depuis janvier 2021, tous les propriétaires occupants y ont accès, quels que soient leurs revenus. Le résultat est qu’il est principalement utilisé pour des travaux simples – changement de chaudières, isolation des fenêtres – et ne favorise pas les rénovations globales.

Il faut aider bien plus les familles en situation de grande précarité afin de lutter contre les passoires thermiques.

Nous proposons de puiser dans le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » 4,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et autant en crédits de paiement, plus précisément dans l’action 13 « Soutien aux opérateurs », correspondant au financement de Business France.

M. Henri Alfandari, rapporteur pour avis. Nous partageons l’objectif de rendre possible la rénovation énergétique des logements pour l’ensemble des ménages. Au passage, je rappelle que vous n’avez pas voté la loi de programmation des finances publiques alors que MaPrimeRénov’ est financé à 70 % par l’Union européenne dans le cadre du plan de relance : le dispositif pourrait être remis en cause.

L’opérateur Business France bénéficie de trois subventions pour charges de service public : 84 millions d’euros au titre du programme 134 « Développement des entreprises et régulations », 4,8 millions d’euros au titre du programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » et 3,4 millions d’euros au titre du programme 149 « Compétitivité et durabilité de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt ». La subvention du programme 112 est justifiée par la participation de l’agence à la politique d’aménagement du territoire.

Les auditions ont montré le rôle essentiel de Business France dans le soutien à l’attractivité des territoires, l’accompagnement des projets d’investissements et le soutien aux projets d’investissements étrangers en France. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD89 de Mme Danielle Simonnet.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel propose que le reste à charge soit nul pour les travaux de rénovation thermique effectués par les ménages les plus précaires. Nous défendrons une proposition de loi en ce sens dans notre niche parlementaire du 24 novembre.

Le coût des rénovations thermiques globales est prohibitif pour de nombreux foyers. Il faut faire en sorte que ce ne soit pas un obstacle à la rénovation énergétique globale des logements, afin d’atteindre au plus vite l’objectif d’au moins 700 000 logements par an.

M. Henri Alfandari, rapporteur pour avis. Il convient en effet d’accélérer les travaux de rénovation thermique, surtout pour les logements considérés comme des passoires.

Vous proposez un reste à charge nul pour les ménages précaires, mais de nombreux dispositifs existent déjà : MaPrimeRénov’, dont le montant est calculé en fonction des revenus, l’éco-prêt à taux zéro, et le dispositif « Coup de pouce économies d’énergie ».

Demande de retrait.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Si l’on veut que les familles les plus précaires procèdent à des travaux de rénovation énergétique, le reste à charge doit être nul. Nous maintenons notre amendement.

Mme Lisa Belluco (Écolo-NUPES). Nous le voterons. Le coût restant à la charge des ménages, notamment les plus précaires d’entre eux, est l’un des principaux freins à la rénovation globale. J’ajoute qu’un tel amendement permettrait de remplir un peu les carnets de commandes des petites entreprises et des artisans du bâtiment avant la probable récession qui s’annonce.

M. Henri Alfandari, rapporteur pour avis. Je comprends vos arguments, vous pourrez les faire valoir lors de la journée de niche du groupe LFI.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD165 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin (RN). Cet amendement vise à soutenir les projets de contrat de plan entre l’État et les collectivités afin d’encourager le déploiement de la fibre. La France n’est certes pas le plus mauvais élève en la matière mais les opérateurs considèrent que l’installation de la fibre n’est pas rentable dans les zones rurales, où les zones blanches sont très nombreuses – elles doivent bien représenter 20 % ou 30 % de ma circonscription. Ce débat mérite d’avoir lieu.

M. Henri Alfandari, rapporteur pour avis. Je partage avec vous la nécessité d’encourager le développement de la fibre dans nos territoires ruraux, ambition soutenue par le Gouvernement à travers notamment l’ANCT.

L’accès à une connexion internet rapide et stable est doublement nécessaire, pour assurer l’égalité entre l’ensemble de nos concitoyens, ruraux et urbains, et pour garantir l’attractivité de nos territoires dans une logique de développement économique. C’est tout l’enjeu du plan France très haut débit lancé au printemps 2013 qui vise à garantir l’accès à la fibre d’ici 2025.

Des progrès sont encore nécessaires, je vous l’accorde, mais l’État fait sa part. Tout dépend également des politiques qui sont menées sur le terrain. Vous proposez de prendre ces crédits sur le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables ». La situation des plus précaires ne saurait justifier ce transfert. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

L’amendement II-CD166 de M. Pierre Meurin est retiré.

Amendement II-CD28 de M. Guy Bricout.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Cet amendement d’appel propose de renforcer l’accompagnement et le conseil en mobilité sur tout le territoire en dotant les maisons France Services de cette compétence. C’est dans la logique de la mission d’information flash de notre commission sur l’accompagnement social des zones à faibles émissions, qui propose de « mettre en place des permanences de « coaching mobilité » dans chaque quartier » pour informer sur les aides existantes. Ces dernières sont encore trop méconnues.

M. Henri Alfandari, rapporteur pour avis. La tentation est grande de confier toujours plus de missions aux maisons France Services. Depuis la loi d’orientation des mobilités, les EPCI se dotent d’un plan de mobilité. Les régions accompagneront ceux qui parmi eux ne se sont pas saisis de cette compétence. Je vous invite donc à retirer cet amendement.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). La réponse est habile mais rien de cela ne répond aux difficultés rencontrées pour accompagner les ménages.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD93 de Mme Danielle Simonnet.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel vise à réaffirmer notre opposition au projet Montagne d’or en Guyane, vivement contesté depuis son origine. À rebours de l’urgence écologique, il prévoit un déboisement total de 1 513 hectares, dont un tiers de forêt primaire. Plus de 2 000 espèces végétales et animales sont menacées par l’utilisation de milliers de tonnes d’explosifs et de cyanure et de millions de litres de fuel.

De plus, une étude de novembre 2018 sur le développement économique durable de la Guyane démontre la non-pertinence économique de l’industrie minière : « le secteur extractif est le secteur marchand qui dispose des plus faibles effets d’entraînement sur le reste de l’économie locale, notamment parce que ce secteur importe à hauteur d’environ 75 % les biens et services dont il a besoin ».

Lors de la législature précédente, je me suis rendu avec plusieurs collègues en Guyane afin d’avoir une idée précise de la situation économique de ce territoire, le premier de notre pays en matière de biodiversité. Plusieurs secteurs sont bien plus viables, sur un plan économique, que celui de l’extraction : l’exploitation des ressources halieutiques, aujourd’hui pillées par des pêcheurs étrangers, et des ressources forestières – production de bois et tourisme – mais aussi le secteur des téléservices à la métropole, qui pourrait tirer bénéfice du décalage horaire.

Nous proposons de puiser 4,8 millions en autorisations d’engagement et en crédits de paiement dans le programme 112 au profit du programme 162 et plus particulièrement son action 10 « Fonds interministériel pour la transformation de la Guyane ».

M. Henri Alfandari, rapporteur pour avis. Je comprends la valeur symbolique de cet amendement. Vous le gagez cependant en puisant dans les crédits dévolus à Business France, dont j’ai rappelé l’importance. Demande de retrait.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Nous le maintenons afin que le Gouvernement réponde clairement à la question que nous posons : quelles garanties avons-nous quant à l’arrêt de ce projet ? Les tergiversations durent depuis des années, le Conseil constitutionnel a rendu des décisions !

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CD94 de M. William Martinet.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Cet amendement vise à réaffirmer la nécessité, tant d’un point de vue social qu’environnemental, de changer de modèle agricole. Le problème des algues vertes en est un exemple.

Les risques des algues vertes sont désormais bien connus : plages polluées et désertées, émissions de gaz dues à leur putréfaction, pollution des cours d’eau et des terres. Résultat d’un recours massif aux nitrates, elles sont le symbole des conséquences sanitaires et environnementales désastreuses du modèle agricole productiviste.

Tout cela ne conduit pas le Gouvernement à mener une lutte drastique contre les algues vertes et en faveur d’un modèle agricole plus respectueux de l’environnement. L’énième plan de lutte contre les algues vertes a été contesté avant même d’être dévoilé. Le 2 juillet 2021, la Cour des comptes a dressé des constats inquiétants sur les actions menées : baisse de 73 % des contrôles dans les exploitations depuis 2021, absence d’objectifs quantitatifs sur le volume d’algues, manque d’implication des acteurs locaux.

Nous proposons donc d’abonder le programme 162 et plus particulièrement l’action 02 « Eau-Agriculture en Bretagne ».

M. Henri Alfandari, rapporteur pour avis. Depuis 2006, l’action 02 du programme 162 contribue aux actions d’amélioration de la qualité de l’eau dans la région Bretagne. Près de 2 millions d’euros sont inscrits pour 2023. Vous proposez de prendre ces crédits sur la dotation de Business France. Pour les mêmes raisons que précédemment, demande de retrait.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Même si nous avons toutes les raisons d’en vouloir à Business France, ce n’est pas le problème : vous pouvez changer le gage si vous le souhaitez. Mais il faut faire preuve d’un plus grand volontarisme !

M. Jimmy Pahun (Dem). Bien des efforts ont déjà été accomplis. La Bretagne est la seule région d’Europe qui a amélioré la qualité de ses eaux. Il y a soixante ans, elle s’est développée grâce au secteur agroalimentaire parce qu’elle n’avait que ça, mais elle s’est vraiment saisie de ce problème à bras-le-corps. Nous avons voté la semaine dernière un budget très important pour lutter contre les algues vertes. Les retirer à coups de bennes à chaque grande marée n’est certes pas une solution, il faut aller au-delà, et c’est ce que nous faisons.

Mme Sandrine Le Feur (RE). La région Bretagne a effectivement discuté la semaine dernière d’un troisième plan algues vertes ambitieux, auquel les agriculteurs sont associés. Ils ont déjà fait beaucoup d’efforts et ils continuent, car l’on sait que les derniers nitrates sont les plus difficiles à éliminer. Ne doutez pas de notre volonté.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Je m’associe évidemment à ce plaidoyer pour la Bretagne et les richesses de sa biodiversité. Nous savons que les acteurs locaux sont volontaires mais, je le répète, le plan prévu est insuffisant. Il a été dénoncé par l’association Eau et rivières de Bretagne, dont le directeur, M. Arnaud Clugery, a jugé que l’État ne mène pas une politique à la hauteur des enjeux.

Nous maintenons donc notre amendement, pour les riverains, le tourisme, les élus locaux et les agriculteurs qui eux aussi sont mécontents de la situation.

M. Vincent Thiébaut (HOR). Je m’interroge tout de même sur cet amendement qui ôte 4,8 millions d’euros au programme « Impulsion et coordination de la politique d’aménagement du territoire » après avoir rappelé que les collectivités pâtissent de l’austérité et qu’elles ne sont pas accompagnées. Quel décalage entre le discours et les faits ! Nous voterons bien sûr contre cet amendement.

M. Loïc Prud’homme (LFI-NUPES). Ne soyez pas de mauvaise foi ! Vous connaissez parfaitement la mécanique budgétaire et vous savez qu’il faut bien un gage. Trouvez le bon, et aidez-nous à améliorer la situation !

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD96 de M. William Martinet.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel vise à réaffirmer la nécessité d’allouer davantage de moyens au plan chlordécone.

Selon Santé publique France, 90 % de la population adulte en Guadeloupe et en Martinique est contaminée par ce pesticide qui a été utilisé massivement dans les bananeraies des Antilles de 1972 à 1993. L’Organisation mondiale de la santé l’a classé comme pesticide hautement toxique en 1979 mais l’État français a fait primer l’économie sur notre santé. Pendant des décennies, le chlordécone a infiltré les sols et les a pollués durablement, ainsi que l’eau. Les Antillais souffrent d’ailleurs beaucoup plus de cancers que le reste de la population.

Bien qu’il soit le plus emblématique, le chlordécone n’est pas le seul pesticide dangereux pour la vie humaine et l’environnement, puisqu’on retrouve quarante-sept à quarante-neuf produits phytosanitaires dans les cours d’eau en Guadeloupe et en Martinique, avec un risque important d’effet cocktail. C’est pourquoi nous réaffirmons la nécessité de sortir du modèle agricole productiviste consommateur de pesticides.

Le gage est symbolique. Nous proposons en l’occurrence d’abonder le programme 162 et plus spécifiquement son action 08 « Volet territorialisé du plan national d’action chlordécone ».

M. Henri Alfandari, rapporteur pour avis. Il importe en effet de lutter contre les effets néfastes du chlordécone pour la santé et l’environnement. L’action 08 est dotée de 4,45 millions d’euros en AE et en CP, soit une hausse de 0,15 million par rapport aux crédits prévus pour 2022. J’aurais bien aimé donner un avis favorable à votre amendement, mais pour les mêmes raisons que précédemment, ce n’est pas possible.

Mme Clémence Guetté (LFI-NUPES). L’État a été reconnu coupable de « négligences fautives » dans l’utilisation de ce produit. Un geste budgétaire serait fortement apprécié par des populations qui restent traumatisées. Nous pouvons faire mieux et plus.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD158 de M. Pierre Meurin.

M. Pierre Meurin (RN). Je suis élu d’une zone rurale, et je considère que leur abandon est une injustice. Depuis des années, des millions d’euros sont déversés dans la politique de la ville pendant que les campagnes perdent leurs services publics et de santé et se trouvent de plus en plus enclavées. Cet amendement vise à créer un nouveau programme, « Politique de la ruralité », qui bénéficierait du même budget que celui consacré à la politique de la ville.

M. Henri Alfandari, rapporteur pour avis. Je partage d’autant plus votre volonté de soutenir les territoires ruraux, où vivent près du tiers de nos concitoyens, que je suis moi-même ancien maire d’une commune rurale. Néanmoins, de nombreuses actions sont d’ores et déjà menées : Action cœur de ville, Petites villes de demain, Territoires d’industrie, plan France très haut débit, maisons France Services, Agenda rural... Ces engagements ont été salués lors des auditions. Le but du jeu, ce n’est pas de créer un nouveau programme mais de mieux utiliser les crédits des programmes existants, de mieux définir et articuler leurs critères et de donner de la visibilité aux élus pour qu’ils puissent les déployer le mieux possible. Avis défavorable.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). S’il est louable d’accompagner la ruralité, cela ne peut se faire au détriment de la politique de la ville. De plus, tous les territoires ruraux ne sont pas uniformes. Certains peuvent avoir une dominante rurale tout en intégrant des quartiers relevant de la politique de la ville. C’est d’ailleurs là que se concentrent les pauvretés, au sens strict noble du terme. Votre amendement, dont je conteste la logique, remet en cause la capacité de la République à accompagner les populations les plus fragiles, dans des territoires qui sont parfois montrés du doigt.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CD103 de Mme Mathilde Hignet.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Le poêle à granulés ayant été présenté comme un moyen de chauffage économe et vertueux, un grand nombre de ménages ont sauté le pas et remplacé leur chauffage électrique, au gaz ou au fioul. Au premier trimestre 2022, le dispositif MaPrimeRénov’ a soutenu l’installation de plus de 38 000 de ces appareils. Or le prix des pellets de bois s’envole et rien n’a été anticipé : contrairement aux utilisateurs d’énergies fossiles, les 1,5 million de foyers concernés doivent faire face à une augmentation indécente des prix sans bouclier tarifaire. À défaut de pouvoir bloquer les prix des granulés de bois, nous proposons la mise en place d’une aide exceptionnelle, en abondant de 150 millions un nouveau programme intitulé « Aide exceptionnelle pour les particuliers utilisant des granulés de bois ».

M. Henri Alfandari, rapporteur pour avis. Il est vrai que les granulés de bois subissent une forte hausse des prix, et que nous avons très fortement incité les ménages à utiliser ce type d’énergie : en 2021, les installations ont progressé de 43 % pour les poêles à granulés et de 120 % pour les chaudières à granulés.

Néanmoins, un chèque énergie exceptionnel de 100 euros a été attribué en décembre 2021 à 5,8 millions de ménages. Utilisable jusqu’au 31 mars 2023, il permet de régler des factures d’électricité, de gaz, de fioul ou d’autres combustibles. C’est pourquoi l’aide exceptionnelle que vous proposez n’apparaît pas nécessaire.

Par ailleurs, les mesures adoptées dans le cadre du plan France 2030 permettront d’augmenter les capacités de séchage des produits de bois et donc de production de granulés. L’Agence de la transition écologique a contribué au financement de quatorze chaufferies liées à la fabrication de granulés, ce qui représente une production annuelle de 850 000 tonnes.

Enfin, vous proposez de financer ce nouveau programme en ponctionnant 150 millions d’euros de crédits de paiement sur le programme « Politique de la ville ».

Pour toutes ces raisons, j’émets un avis défavorable.

M. Jimmy Pahun (Dem). Nous avons évoqué ce sujet ce matin en réunion de groupe, et le ministre délégué chargé des comptes publics, qui était présent, était lui-même horrifié par l’augmentation du prix des pellets de bois. Il envisage de demander à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes d’enquêter sur la situation dans l’est de la France, plus précisément dans le département du Jura.

Mme Danielle Simonnet (LFI-NUPES). Si vous constatez vous-même que les prix ont explosé et qu’il y a un vrai problème, vous devez aller au-delà du chèque énergie. Les restes à charge sont énormes.

Vous savez bien que nous sommes obligés de prévoir un gage : c’est la règle du jeu, mais vous imaginez bien que nous sommes attachés à la politique de la ville et que nous inviterons le Gouvernement à lever le gage ! Ce n’est pas sur cela que votre avis doit porter, mais sur la cohérence de notre proposition. Puisque nous avons encouragé des familles à recourir aux granulés de bois et que vous refusez tout blocage des prix de l’énergie – une solution que nous défendons depuis le début – nous devons absolument instaurer des aides adaptées pour faire face à l’explosion des prix de ce produit.

Mme Huguette Tiegna (RE). Nous avons tous conscience que l’inflation a joué dans l’augmentation du prix des pellets. Pour autant, partout des réflexions sont en cours afin de trouver des solutions locales. Tous les produits que nous faisons venir de l’extérieur sont susceptibles de poser un jour problème. Le bois est un matériau plébiscité tant pour la construction que pour le chauffage. Oui, le Gouvernement a encouragé l’utilisation des poêles à bois, mais personne n’est capable d’anticiper une conjoncture comme celle que nous vivons. Réfléchissons donc à la façon de valoriser le bois produit dans nos territoires. Tout ne peut pas être résolu par des financements !

Mme Danielle Brulebois (RE). Effectivement, l’explosion du prix des pellets met nos concitoyens en difficulté, mais c’est largement dû à de la spéculation. Il n’y a pas assez de granulés produits. Or le Jura est un département couvert à 50 % de forêts, où beaucoup de bois se perd. Nous devons donc gérer autrement les forêts et développer la filière des granulés de bois. Les collectivités, les scieries et les forestiers s’y emploient : c’est eux que nous devons soutenir.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » modifiés.


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Mme Françoise Gatel, sénatrice d’Ille-et-Vilaine

Conseil départemental de Mayotte

M. Salime Mdéré, premier vice-président

M. Amir Ahmed, directeur général adjoint « Aménagement du territoire et du développement »

Table ronde d’acteurs locaux

M. Vincent Louault, président de la communauté de communes « Autour de Chenonceaux Bléré Val de Cher » (Indre-et-Loire)

M. Thierry Boutard, maire d’Amboise

M. Emmanuel François, maire de Saint-Pierre-des-Corps

Mme Tatiana Lorilleux, directrice de la communication de la ville de Saint-Pierre-des-Corps

Caisse des dépôts

M. Michel François Delannoy, directeur du département « Appui aux territoires, responsable du pilotage des programmes nationaux » (Banque des territoires)

M. François Blouvac, responsable du programme « Territoires d’industrie » (Banque des territoires)

Mme Giulia Carré, conseillère « Relations institutionnelles »

Association des maires de France (AMF)

Mme Constance de Pélichy, maire de la Ferté St Aubin

Mme Pauline Delaere-Papin, responsable « Eau-environnement »

Mme Charlotte de Fontaines, responsable des relations parlementaires

Assemblée des Communautés de France

M. Fabien Verdier, maire de Châteaudun et président du Grand Châteaudun

Mme Charlotte Sorrin-Descamps, directrice générale adjointe d’Intercommunalités de France

Mme Montaine Blonsard, responsable des relations avec le Parlement

Préfecture de Corse

M. Alexandre Patrou, secrétaire général pour les affaires de Corse

M. Vincent Arsigny, secrétaire général pour les affaires de Corse adjoint

Mme Laetitia Gayraud, chargée de mission au secrétariat général pour les affaires de Corse

Mme Caroline Cayeux, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales

Business France *

Mme Marie-Cécile Tardieu, directrice générale déléguée à l’attractivité

M. Quentin Geevers, chef de cabinet du directeur général

M. Philippe François, sous-préfet de Loches

Conseil régional du Centre-Val de Loire

M. François Bonneau, président

M. Marc Angenault, maire de Loches

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique.

 


([1]) Rapport de la commission d’enquête sur l’impact économique, sanitaire et environnemental de l’utilisation du chlordécone et du paraquat comme insecticides agricoles dans les territoires de Guadeloupe et de Martinique, sur les responsabilités publiques et privées dans la prolongation de leur autorisation et évaluant la nécessité et les modalités d’une indemnisation des préjudices des victimes et de ces territoires (n° 2440, novembre 2019).