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N° 341

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 17 octobre 2022

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 273)
de finances pour 2023

TOME V

OUTRE-MER

 

PAR M. Yoann GILLET,

Député

——

 

 

 Voir les numéros : 292 – III – 32

 


 

En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2022 pour le présent projet de loi de finances. À cette date, 25 réponses au questionnaire, soit 61 %, étaient parvenues à votre rapporteur pour avis.

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION............................................ 2

PremiÈre partiE

Un budget de continuitÉ, sans vision et trÈs insuffisant au regard des enjeux

I. l’Évolution des crÉdits de la mission

II. Les crÉdits du programme 138 « Emploi outre-mer »

III. Les crÉdits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

DeuxiÈme partie

la sÉcuritÉ en outre-mer

I. une situation alarmante

A. les vulnÉrabilitÉs partagÉes des outre-mer face à l’insÉcuritÉ

1. Une situation géographique facteur d’instabilité

a. La proximité géographique de zones instables alimente les flux illégaux

b. Un isolement géographique préjudiciable au déploiement permanent ou exceptionnel de moyens

2. Des territoires globalement défavorisés sur le plan socio-économique

B. Des chiffres inquiÉtants et des problÉmatiques variables d’un territoire À l’autre

1. Des Outre-mer plus exposés aux infractions violentes

2. Les spécificités de chaque territoire

II. prÉvenir, rÉprimer, soutenir : pour une approche intÉgrÉe et un vÉritable engagement fort de l’État

A. Affirmer l’autoritÉ de l’État

1. Rechercher une coopération internationale efficace au service de la maîtrise des frontières

2. Apporter une réponse pénale convaincante

B. soutenir les acteurs de la sÉcuritÉ

1. Encourager la formation et la coopération entre services

2. Rester vigilants sur les moyens matériels et humains

C. encourager la prÉvention et l’insertion professionnelle

1. La prévention

2. La formation et l’insertion professionnelle

Examen en commission

Personnes entendues


 

 


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Mesdames, Messieurs,

Si les Français d’Outre-mer sont confrontés aux mêmes problèmes que les Français de Métropole, et à bien d’autres encore, plus spécifiques, l’éloignement, fait que ces problèmes sont souvent plus marqués et moins bien pris en compte par les pouvoirs publics :

– l’insécurité, faute d’une volonté politique et de moyens, notamment en matière pénale ;

– une immigration hors de contrôle qui déstabilise les sociétés locales et aggrave la délinquance et la criminalité ;

– un pouvoir d’achat insuffisant, inférieur à celui de la Métropole, ce qui constitue une injustice aggravée par la vie chère ;

– un chômage de masse, conséquence d’une absence de politique économique adaptée aux spécificités ultra-marines ;

– une incapacité à maîtriser les frontières, notamment en Guyane et à Mayotte ;

– des crises sanitaires à répétition aux Antilles et à Mayotte.

Le budget des Outre-mer dans le projet de loi de finances pour 2023 illustre le cruel manque d’ambition et de vision du Gouvernement pour ces territoires. Par comparaison avec les crédits votés en 2022, les autorisations d’engagement comme les crédits de paiement stagnent avec une hausse de respectivement 1,15 % et 0,69 %.

Ces chiffres sont insuffisants au regard des enjeux auxquels font face les territoires ultramarins et confirment à minima un désintérêt, pour ne pas dire un mépris, du Gouvernement.

En particulier, au sein du programme consacré au soutien à l’emploi outre-mer, les crédits de soutien aux entreprises diminuent alors que leur niveau en PLF 2022, déjà en baisse, était justifié par la crise sanitaire. D’autres actions importantes, comme « financement de l’économie », « continuité territoriale » ou encore « insertion économique et coopération régionale » ne connaissent aucune augmentation, ce qui, compte-tenu des prévisions d’inflation, constitue en réalité une baisse importante des crédits en euros courants.

Les outre-mer méritent mieux qu’un budget cosmétique ; votre rapporteur appelle ainsi à un vrai choc de moyens à court, moyen et long terme.

Soucieux de dépasser le strict périmètre de la mission « outre-mer », à laquelle les problématiques qui affectent ces territoires ne se réduisent pas, votre rapporteur a choisi de consacrer la deuxième partie de ce rapport à la sécurité dans les outre-mer. 

Ce sujet reste, malheureusement, au cœur de l’actualité. Les données chiffrées établies par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI) illustrent la situation très dégradée qui prévaut dans certains territoires. Vols avec violence, agressions, scènes de guérilla urbaines, sont trop souvent le lot de nos compatriotes ultramarins.

L’incapacité – ou le manque de volonté – du Gouvernement à y apporter une réponse efficace, en dépit de hausses de moyens au cours des dernières années, constitue une trahison de la promesse républicaine à laquelle nul ne devrait se résoudre.

C’est pourquoi votre rapporteur s’attache, à travers le présent, à proposer quelques axes de réflexion. Il appelle également à la mise en place d’un fléchage spécifique des crédits consacrés à la sécurité dans les outre-mer pour disposer d’une vision consolidée.

Enfin, votre rapporteur appelle à la création d’un grand ministère d’État de la France d’Outre-mer et de la politique maritime. Depuis trop longtemps, le peu d’intérêt manifesté par les gouvernements successifs s’est traduit par le déclassement du ministère de l’Outre-mer dans la hiérarchie ministérielle, jusqu’à mettre nos Outre-mer sous la tutelle du ministère de l’intérieur.


PremiÈre partiE

   Un budget de continuitÉ, sans vision et trÈs insuffisant au regard des enjeux

I.   l’Évolution des crÉdits de la mission

La mission « Outre-mer » du projet de loi de finances pour l’année 2023 regroupe les crédits dont dispose le ministère pour la conduite de ses actions dans les territoires ultramarins.

Le projet de loi de finances pour 2023 comprend une mission « Outre-mer » dont la maquette apparaît inchangée par rapport à l’exercice précédent. Elle se compose toujours de douze actions réparties en deux programmes :

– le programme 138 « Emploi outre-mer » regroupe quatre actions respectivement vouées au soutien des entreprises ultramarines, aux dispositifs d’aide à la formation professionnelle, aux moyens de pilotage des politiques publiques ainsi qu’au financement de l’économie afin de pallier les défauts du marché de l’offre bancaire d’investissement dans les outre-mer ;

– le programme 123 « Conditions de vie outre-mer » comprend huit actions : logement, aménagement du territoire, continuité territoriale, dispositifs sanitaires, culturels et sociaux, soutien à l’investissement des collectivités territoriales, coopération régionale, fonds exceptionnel d’investissement et accès au financement bancaire.

Le projet de loi de finances pour 2023 fait apparaître, en euros constants, une stagnation des crédits de la mission « Outre‑mer ». Son budget s’élève à 2,67 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE), soit une hausse de 1,15 % par rapport à l’exercice précédent. Les crédits de paiement (CP) progressent encore plus faiblement, s’établissant à 2,49 milliards d’euros, soit une hausse de 0,69 %.

Le budget 2023 que le Gouvernement souhaite consacrer aux outre-mer est insuffisant. Les outre-mer ont besoin d’un réel choc de moyens et d’une vision à court, moyen et long terme.

Compte-tenu des prévisions d’inflation, les crédits des actions « financement de l’économie », « continuité territoriale » ou encore « insertion économique et coopération régionale » ne connaissent aucune augmentation. De plus, les crédits destinés au soutien aux entreprises (action n°1 du programme 138) sont en recul de 4,19 % alors même que leur niveau en PLF 2022, déjà en baisse, était justifié par la crise sanitaire.


Évolution annuelle des crÉdits de la Mission Outre-mer ([1])

Numéro et titre (programme et action)

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

(millions d’euros)

(millions d’euros)

LFI 2022

PLF 2023

Variation

LFI 2022

PLF 2023

Variation

138

Emploi outre-mer

1 788,6

1758,1

-1,71 %

1777,77

1751,5

1,48 %

1

Soutien aux entreprises

1 478

1416,2

-4,19 %

1478

1416,2

-4,19 %

2

Aides à l’insertion et à la qualification professionnelle

284,2

313,8

10,41 %

274,6

310

12,88 %

3

Pilotage des politiques des outre-mer

2,1

3,8

80,95 %

2,1

3,5

68,39 %

4

Financement de l’économie

24,3

24,3

0,00 %

23,0

21,8

-5,07 %

123

Conditions de vie outre-mer

846,6

907,5

7,2 %

694,6

738

6,24 %

1

Logement

234,6

238,9

1,81 %

201

179,8

-10,57 %

2

Aménagement du territoire

209

211,2

1,03 %

156,2

157,7

0,90 %

3

Continuité territoriale

45

45,0

0,00 %

44,9

44,9

0,00 %

4

Sanitaire, social, culture, jeunesse et sports

5,7

9,7

70,80 %

5,7

9,7

70,80 %

6

Collectivités territoriales

205

238,5

16,36 %

199,5

242,7

21,66 %

7

Insertion économique et coopération régionales

1,0

1,0

0,00 %

1,0

1,0

0,00 %

8

Fonds exceptionnel d’investissement

110,0

110,0

0,00%

63,2

66,1

4,4 %

9

Appui à l’accès aux financements bancaires

36,3

53,3

46,77 %

23,1

36,3

57,04 %

Total Mission

2 635,2

2 665,6

+ 1,15 %

2 472,4

2 489,5

+ 0,69 %

Source : projet annuel de performance relatif à la mission outre-mer, annexé au projet de loi de finances pour 2023.

 

 

Ces évolutions doivent être lues en tenant compte de deux considérations :

D’une part, trois mesures de transfert affectent le périmètre de la mission. La plus importante est le transfert vers la sphère sociale de la compensation aux organismes de sécurité sociale des exonérations de cotisations au titre de l’assurance maladie. Cette mesure représente 264,53 millions d’euros. Par ailleurs, sont transférés au programme 162 « programme d’interventions territoriales de l’État » 3,5 millions d’euros en AE et en CP, consacrés au plan de lutte contre les sargasses, et 0,22 millions pour financer la mise en œuvre de la réforme de la fonction publique territoriale au sein du service d’incendie et de secours de Wallis-et-Futuna. Ainsi, à périmètre constant, les crédits de la mission s’établiraient à 2,9 milliards d’euros en AE et 2,8 en CP (+ 11,5 % environ par rapport à 2022).

Néanmoins, les prévisions d’inflation sur l’année 2023 (+ 4,2 % selon le Gouvernement ([2])) tendent à minorer la hausse du budget en euros courants.

Par ailleurs, votre rapporteur constate que, comme les années précédentes, le niveau des restes à payer demeure élevé, en particulier pour le programme 123 (1,96 milliards d’euros, soit plus du double du total des crédits de ce programme pour 2023). Sont principalement concernées les actions portant des investissements de long terme, comme le logement (action n° 1), les constructions scolaires (action n° 6) ou les projets portés dans le cadre des contrats de convergence et de transformation ou les contrats de développement en Nouvelle-Calédonie (action n° 2). Les restes à payer du programme 138 s’établissent à 46,2 millions.

Le budget 2023 s’inscrit dans une certaine continuité avec les crédits votés pour la mission outre-mer au cours de la législature précédente (exercices budgétaires 2018 à 2022), comme le suggère le tableau ci-dessous ([3]).

Votre rapporteur souligne donc que le budget 2023 que le Gouvernement souhaite consacrer aux Outre-mer est largement insuffisant et n’est pas à la hauteur des enjeux.

CrÉdits de paiement DEMANDÉS ET votÉs pour la mission Outre-mer sur L’ENSEMBLE DE LA QUINZIÈME LÉGISLATURE ET LE DÉBUT DE LA SEIZIÈME (en millions d’euros)

 

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

CP demandés dans le projet de loi de finances initial

2 068

2 491

2 409

2 435

2 467

2 489

CP votés en loi de finances initiale

2 067

2 576

2 372

2 436

2 472

 

Source : commission des Lois, à partir des projets de loi de finances et les lois de finances initiales pour les années 2018 à 2023.

II.   Les crÉdits du programme 138 « Emploi outre-mer »

Le programme 138 « Emploi outre-mer » enregistre un repli en comparaison de l’exercice 2022. Ses crédits s’établissent à 1,76 milliards d’euros en AE (- 1,7 %) et 1,75 milliards d’euros en CP (- 1,5 %). Il s’agit d’une baisse due à une mesure de périmètre affectant l’action n° 1, qui représente 81 % de l’ensemble du programme.

L’action n° 1, Soutien aux entreprises, vise à améliorer la compétitivité des entreprises ultramarines en diminuant le coût du travail. Elle finance les exonérations et allègements de charges sociales spécifiques aux outre-mer en faveur des entreprises et des travailleurs indépendants. On observe en 2023 une baisse des montants alloués (1,41 milliards d’euros en AE comme en CP, soit un repli de 4,19 % par comparaison avec 2021).

L’action n° 2, qui porte sur l’aide à l’insertion et à la qualification professionnelle des jeunes ultramarins, enregistre une hausse de ses AE (+ 10,4 %) comme de ses CP (+ 12,9 %).

Elle devrait en outre bénéficier d’un abondement de fonds européens et d’attributions de produits pour un montant estimé à 35 millions d’euros en AE comme en CP (contre 20 millions en 2022). Si la hausse est à saluer, elle est, elle aussi, encore trop contenue.

Cette action abrite l’enveloppe destinée à la mise en œuvre du service militaire adapté (SMA). Elle comprend aussi les crédits alloués à l’Agence de l’outre-mer pour la mobilité (LADOM) pour la conduite de programmes de formation et de mobilité professionnelle, y compris à l’égard des cadres (programmes « cadres de Mayotte », « cadres pour Wallis-et-Futuna », « cadres Avenir Nouvelle-Calédonie ») et ceux destinés à l’Institut de formation aux carrières administratives, sanitaires et sociales (IFCASS).

 

Du service militaire adapté au SMA2025+ ([4])

Relevant du ministère des Outre-mer, le service militaire adapté (SMA) est un dispositif militaire d’insertion socioprofessionnelle des ultramarins âgés de 18 à 25 ans, créé en 1961 à l’initiative du Premier ministre Michel Debré.

Le SMA vise à développer l’employabilité des jeunes ultramarins, en leur offrant la possibilité d’acquérir des compétences sociales et professionnelles, ainsi qu’un accompagnement médico-psycho-social.

L’année 2022 a vu l’expérimentation à Mayotte du SMA 2025+ autour de 8 axes liés au développement qualitatif des compétences et à l’accueil élargi de publics divers (mineurs décrocheurs, mères célibataires…). Ces axes seront étendus aux autres territoires en 2023.

En 2021, 5 771 jeunes bénéficiaires ont été accueillis dans les régiments du service militaire adapté, soit 96 % de la cible, dans un contexte toujours marqué par la Covid-19. Ce chiffre était de 4 194 en 2020. 30 % d’entre eux sont des jeunes femmes. Le taux d’insertion est de 81 %, dont 60 % d’insertion durable.

La hausse des montants accordés au titre de l’action n° 2 reflète la poursuite du renforcement du SMA, en particulier via l’extension du projet SMA 2025+ après son expérimentation à Mayotte en 2022. Sont notamment en hausse :

– parmi les dépenses de fonctionnement, les dépenses liées à l’alimentation et aux transports sous l’effet de la mise en place des nouvelles compagnies de Mayotte et de Hao, particulièrement isolées géographiquement ;

– parmi les dépenses d’investissement, les constructions (construction d’un bâtiment d’hébergement pour la nouvelle compagnie de Mayotte, poursuite des études pour la construction d’une caserne à Hao), ainsi que la réhabilitation et la réfection des locaux, ou encore les dépenses d’équipement.

L’action n° 3 regroupe les crédits nécessaires au pilotage des politiques publiques outre-mer, notamment du financement les dépenses de fonctionnement du ministère des Outre-mer et de la délégation interministérielle à l’égalité des chances des Français d’outre-mer. Elle connaît une hausse des crédits de 81 % en AE (3,8 millions d’euros) et de 68,4 % en CP (3,5 millions d’euros), correspondant au financement du développement du portail numérique DECIGEOM qui permet de mettre à disposition de l’administration et du grand public des données sur les outre-mer, sous la forme de tableaux ou encore de cartes. Cette hausse n’est donc pas à périmètre comparable. De véritables efforts restent donc à entreprendre.

L’action n° 4 porte sur le financement de dispositifs de soutien à l’économie : les aides au fret (5,9 millions d’euros en CP), le prêt de développement outre-mer (10 millions d’euros), les subventions d’investissement dans le cadre d’appels à projets (4 millions d’euros), le soutien au micro-crédit (2 millions d’euros) figurent parmi ces dispositifs. Si le niveau des AE reste inchangé, les CP sont en repli (- 5,1 %). Cette baisse est inquiétante.

III.   Les crÉdits du programme 123 « Conditions de vie outre-mer »

Les crédits consacrés à l’amélioration des conditions de vie outre-mer apparaissent au sein du programme 123 et connaissent une légère hausse. Ils s’établissent à 907,5 millions d’euros en AE, ce qui représente une augmentation de 7,2 % par rapport aux crédits votés en LFI 2022, et 738 millions d’euros en CP, soit une progression de 6,24 %. Les crédits des actions 4 (sanitaire, social, jeunesse et sport), 6 (collectivités territoriales) et 9 (appui à l’accès aux financements bancaires) sont les plus dynamiques. Là aussi, le retard est tel que ces légères hausses ne peuvent être considérées comme satisfaisantes.

Les crédits de l’action n° 6, consacrée au soutien aux collectivités territoriales, connaissent une progression en AE (+ 16,4 %) comme en CP (+ 21,7 %).

On observe ainsi une hausse des CP dans le cadre :

– du soutien à la collectivité territoriale de Guyane (multiplié par deux, de 20 à 40 millions) ;

– de la rénovation du lycée d’État de Wallis-et-Futuna ([5]), annoncée dès le PLF 2022 (+ 10 millions) ;

– de la dotation spéciale de construction et d’équipement des établissements scolaires à Mayotte (+ 4,1 millions) ;

– de la dotation spécifique pour les îles Wallis-et-Futuna, en particulier pour compenser le surcoût lié à la revalorisation des salaires des fonctionnaires territoriaux (+ 4,86 millions) ;

– de la nouvelle subvention aux collectivités gestionnaires de l’eau et de l’assainissement en Guadeloupe (+ 10 millions).

Ces hausses doivent être mises en parallèle avec le retard incommensurable de ces territoires en termes d’équipements publics. Les crédits supplémentaires octroyés sont encore loin de couvrir ces retards.

Le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe

En réponse à la persistance des problèmes d’approvisionnement en eau en Guadeloupe, la loi n°2021-513 du 29 avril 2021 rénovant la gouvernance des services publics d’eau potable et d’assainissement en Guadeloupe a créé le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe.

Il exerce les missions du service public de l’eau potable et de l’assainissement collectif et non collectif pour l’ensemble de la Guadeloupe, à l’exception de Marie-Galante.

Il associe la région, le département et les cinq communautés d’agglomération couvrant le teritoire (Excellence, Grand Sud Caraïbe, Nord Grande-Terre, Riviera du Levant et Nord Basse-Terre).

L’action porte aussi les crédits du dispositif COROM à hauteur de 10 millions d’euros en CP. Créés par la loi de finances initiale pour 2021, les contrats de redressement outre-mer (COROM) ont été dotés d’une autorisation d’engagement de 30 millions d’euros sur trois ans.

Ils ont donné lieu aux contrats suivants :

 

 

Date de signature du contrat

Installation de l’assistant technique

Montant de la subvention annuelle

Pointe-à-Pitre

22 février 2022

4 octobre 2021

840 000 €

(2,52 M€ AE)

Basse-Terre

22 juillet 2021

2 nov. 2021

840 000 €

(2,52 M€ AE)

Fort-de-France

13 octobre 2021

1 avril 2021

1 320 000 €

(3,96 M€ AE)

Saint-Pierre

3 septembre 2021

2 octobre 2021

240 000 €

(0,72 M€ AE)

Cayenne

27 mai 2021

1er octobre 2021

800 000 € puis 750 000 €

(2,3 M€ AE)

Iracoubo

27 septembre 2021

Appel d’offre infructueux

200 000 €

(0,6 M€ AE)

Saint-Benoit

12 juillet 2021

Novembre 2021

840 000 €

(2,52 M€ AE)

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

L’action n° 9 pour l’appui à l’accès aux financements bancaires connaît une hausse de ses AE (+ 46,8 %) et de ses CP (+ 57 %). Cette évolution reflète la diversification des financements octroyés grâce à cette enveloppe.

L’action finance traditionnellement les prêts à intérêts bonifiés accordés par l’Agence française de développement (AFD) aux collectivités territoriales. En 2023, les crédits permettront également de soutenir :

– le financement des TPE-PME dans les collectivités d’outre-mer du Pacifique, via un soutien de 3 millions d’euros en AE à la société de gestion des fonds de garantie d’outre-mer (SOGEFOM ([6])) ;

– le fonds outre-mer ;

– la lutte contre les effets du changement climatique, grâce à l’initiative Kiwa, qui vise à faciliter l’accès aux financements aux porteurs de projets en ce sens dans les trois collectivités du Pacifique (Polynésie française, Nouvelle-Calédonie, Wallis-et-Futuna) ainsi que dans d’autres États et territoires insulaires du Pacifique sud. La contribution de la mission outre-mer (4 millions d’euros en AE en 2023) s’ajoute à celle de partenaires internationaux et du ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Les crédits de l’action n° 1, qui concourent au financement de la politique du logement (« ligne budgétaire unique ») connaissent une croissance modeste en AE (+ 1,81 %), mais voient leurs CP reculer (- 10,57 %). Cette tendance recouvre des évolutions contrastées selon les postes de dépense : les CP alloués aux études et interventions en ingénierie, ainsi qu’au logement locatif social et au logement locatif social spécifique, sont en baisse. À l’inverse, les aides à l’amélioration de l’habitat accordées aux propriétaires occupants ou encore les fonds régionaux d’aménagement foncier et urbain (FRAFU) voient leurs financements augmenter.

L’action n° 2, relative à l’aménagement du territoire, est affichée comme stable, avec une évolution des AE de 1,03 % et des CP de 0,9 %. La situation inflationniste traduit donc cette stabilité affichée par une diminution des budgets en euros courants. Cette action finance avant tout les actions menées dans le cadre des contrats de convergence et de transformation prévus par la loi dite « ÉROM » ([7]). Elle abrite aussi des actions en faveur du tourisme (400 millions d’euros), la modernisation du quai de croisière de Saint Pierre et Miquelon, les abris anticycloniques en Polynésie française, le plan séisme Antilles, ou encore le fonds mahorais de développement économique, social et culturel.

La progression des crédits de l’action n° 4 relative aux politiques sanitaire, sociale, culturelle, sportive et à destination de la jeunesse a peu d’impact sur le niveau global des crédits du programme, puisque cette action ne représente que 1,1 % du total des crédits du programme. Elle inclut notamment 4 millions d’euros de soutien de l’État à la politique de santé en Polynésie française, accordés dans le cadre de la convention du 14 octobre 2021.

Les crédits de l’action n° 3 (continuité territoriale) et ceux de l’action n° 7 (insertion économique et coopérations régionales) sont stables en euros constants, mais en baissent en euros courants. Les crédits de paiement de l’action n° 8 (Fonds exceptionnel d’investissement) enregistrent une hausse de 4,4 %


   DeuxiÈme partie 

   la sÉcuritÉ en outre-mer

Dans le cadre du premier avis budgétaire de cette XVIème législature, votre rapporteur a souhaité s’intéresser à la sécurité dans les Outre-mer.

Bien qu’elle ne relève pas directement de la mission « Outre-mer », cette problématique est au cœur du champ de compétences de la commission des Lois. La mission Outre-mer porte aussi des crédits qui sont indirectement liés à la question de la sécurité, comme ceux qui financent l’insertion professionnelle des jeunes ultramarins ou certaines actions dans le cadre des contrats de convergence et de transformation.

Par ailleurs, votre rapporteur appelle de ses vœux un fléchage budgétaire propre aux crédits consacrés à la sécurité pour les Outre-mer.

La sécurité en Outre-mer reste, malheureusement, au cœur de l’actualité. En septembre 2022, une opération « île morte » à Mayotte a été organisée en réponse à des affrontements violents et des caillassages de bus scolaires et de véhicules. L’année dernière, à l’automne 2021, les Antilles avaient connu des semaines de chaos marquées par des tirs à balles réelles contre les forces de l’ordre et des destructions et dégradations diverses.

Les données chiffrées établies par le service statistique ministériel de la sécurité intérieure (SSMSI), bien que non fiables totalement, permettent d’objectiver la situation et d’établir des comparaisons avec la France hexagonale. Ces données prouvent que l’insécurité en Outre-mer n’est pas un simple fantasme. Un trop grand nombre de nos compatriotes ultramarins sont affectés fréquemment par les agressions, les vols, les routes bloquées ou même les scènes de guérilla urbaine… Par ailleurs, alors même que la mission Outre-mer comporte des crédits destinés à la promotion du tourisme, votre rapporteur souligne les conséquences potentielles de l’insécurité sur ce secteur et plus généralement sur l’attractivité économique de ces territoires.

Les Outre-mer ne forment pas un bloc homogène et sont diversement affectés par l’insécurité, même s’ils partagent, face à l’insécurité, certaines vulnérabilités. Dans ce contexte, une volonté politique forte et un choc de moyens apparaissent indispensables pour endiguer l’explosion de l’insécurité dans certains Outre-mer. Le présent rapport propose des axes de réflexion en ce sens, dont pourront utilement s’inspirer les personnes de bonne volonté, prêtes à se saisir du problème.

I.   une situation alarmante

Exposés à des flux illégaux et à une situation socio-économique défavorable, beaucoup de territoires ultramarins connaissent une situation sécuritaire globalement dégradée par comparaison avec la France hexagonale. Ce constat étant fait, chaque territoire fait face à des problématiques qui lui sont propres.

A.   les vulnÉrabilitÉs partagÉes des outre-mer face à l’insÉcuritÉ

Les Outre-mer partagent des caractéristiques géographiques et socio-économiques qui les rendent particulièrement vulnérables à l’insécurité, par comparaison avec la France hexagonale.

1.   Une situation géographique facteur d’instabilité

Entre isolement et, pour la plupart, insularité ([8]), les Outre-mer se trouvent dans une situation atypique.

a.   La proximité géographique de zones instables alimente les flux illégaux

En raison de leur proximité avec trois grands producteurs de cocaïne (Colombie, Pérou, Bolivie), les Antilles et la Guyane sont au cœur des grands trafics de stupéfiants entre l’Amérique du sud et l’Europe. Ils sont ainsi utilisés comme « zone de rebond ». La liaison aérienne Paris-Cayenne (Guyane) est une des voies privilégiées de ce trafic. Sur chaque vol commercial de cette ligne, des passagers transportent des stupéfiants en tant que « mules » ou dans leurs bagages ([9]). Un trafic par voie maritime existe aussi grâce aux conteneurs qui permettent le transport de volumes considérables.

Les Outre-mer sont aussi, bien que dans une moindre mesure, des zones de consommation. L’Office anti-stupéfiants (OFAST) fait ainsi état de 267 points de deal en Outre-mer, dont 126 en Guadeloupe, 51 en Martinique, 29 en Guyane, 16 à La Réunion, 2 à Mayotte, 36 en Polynésie française et 4 en Nouvelle-Calédonie ([10]). Ces données démontrent à quel point les services de l’État sont déconnectés de certaines réalités du terrain. En effet, les acteurs de terrain précisent tous que les points de deal sont en réalité plus nombreux.

La Polynésie française est confrontée, depuis quelques années, au succès fulgurant de l’ice ([11]), qui est aujourd’hui la drogue la plus consommée sur ce territoire. Produite au Mexique, elle est exportée via la côte ouest des États-Unis par voie aérienne ou postale. Au-delà des problèmes de santé publique qu’elle pose, il faut relever que de nombreux usagers basculent dans la délinquance pour financer leur consommation très onéreuse : le prix constaté en Polynésie est de 2500 euros le gramme ([12]). En ce qui concerne Mayotte, les données fournies par le ministère de l’Intérieur soulignent que la dépendance engendrée par certaines drogues alimente la délinquance chez les mineurs en suscitant des crises d’agressivité ([13]).

Les données relatives aux saisies de stupéfiants fournissent des informations sur la répartition géographique des différents trafics. Ainsi, la seule Marine nationale, dans le cadre de ses missions de surveillance, a intercepté en 2021 plus de 44 tonnes de stupéfiants dont 26,5 tonnes de cannabis et près de 12 tonnes de cocaïne. Les trois quarts des saisies (soit plus de 32 tonnes) ont lieu dans l’océan Indien.

Les Antilles et la Guyane sont également vulnérables au trafic d’armes en provenance d’Amérique latine. Il apparaît que la large circulation des armes à feu favorise le passage à l’acte, quelles que soient par ailleurs les motivations des auteurs de crimes et délits (altercations de voisinage, violences intrafamiliales, règlements de compte dans un contexte de trafics de stupéfiants…).

Pour prendre l’exemple de la Martinique, selon les données fournies par la police nationale, environ 75 % des homicides et tentatives d’homicides sont commis par armes à feu. La circulation d’armes sur le territoire martiniquais inciterait les habitants à s’armer pour se protéger, ce qui entretient un cercle vicieux de la possession d’armes et de l’insécurité ([14]). Le général William Vaquette, commandant de la gendarmerie de la Martinique, considérait ainsi que « les armes sont le dénominateur commun des différentes formes d’insécurité en Martinique » ([15]).

Les Outre-mer des Antilles et de l’océan indien sont les plus vulnérables à l’immigration clandestine. La voie maritime est l’une des principales portes d’entrée de cette immigration.

Mayotte en est l’exemple le plus marquant, puisque l’île subit des flux migratoires importants en provenance des Comores. Pour la seule année 2021, 8 filières ont été démantelées, 265 kwassa-kwassa ([16]) saisies et 232 passeurs interpellés.

C’est également le cas en Martinique, où 95 % des personnes interpellées pour séjour irrégulier arrivent de quatre pays proches (Haïti, Sainte-Lucie, la République dominicaine et le Venezuela), et en Guadeloupe.

La Réunion est traditionnellement faiblement exposée aux flux migratoires irréguliers, sous réserve de l’arrivée ponctuelle de personnes en provenance du Sri Lanka ([17]) par voie maritime. En ce qui concerne les arrivées par voie aérienne, le développement des liaisons avec les Comores ou le département de Mayotte génère diverses stratégies d’entrées frauduleuses ([18]).

Enfin, la Guyane subit une forte pression migratoire du Suriname, du Brésil, d’Haïti, de Colombie et de République dominicaine, avec des arrivées par la voie terrestre, fluviale ou aérienne.

Les auditions menées avec les acteurs de terrain font clairement apparaître la porosité des frontières comme l’une des sources de la situation sécuritaire dégradée dans les Outre-mer. Ainsi, selon la direction générale de la police aux frontières (DCPAF), à Mayotte, l’entassement de personnes en situation irrégulière dans des bidonvilles crée de l’insécurité et favorise des attaques contre les forces de l’ordre. Selon la gendarmerie, 80 % des homicides en Martinique sont commis par des ressortissants de l’île voisine de Sainte-Lucie. En Guyane, plus de 50 % des détenus seraient étrangers. L’absence de perspectives, le dénuement matériel et parfois les problématiques d’addictions font de ces personnes un terreau favorable pour la délinquance.

b.   Un isolement géographique préjudiciable au déploiement permanent ou exceptionnel de moyens

Au cours de plusieurs auditions, l’attention de votre rapporteur a été attirée sur les conséquences pratiques de cet isolement géographique.

Sur le territoire hexagonal, les forces de sécurité des départements voisins peuvent facilement être envoyées en renfort en cas de crise. Tel n’est pas le cas pour les Outre-mer en raison de leur isolement : l’envoi de renforts ne peut pas être immédiat. Dans le cadre des émeutes observées en Guadeloupe à l’automne 2021, des effectifs supplémentaires ont donc dû être envoyés en renfort depuis la France hexagonale pour faire face aux émeutiers et rétablir le calme.  Au plus fort de la crise, pas moins de six escadrons de gendarmerie mobile ont été projetés en renfort des commandements de la gendarmerie de Guadeloupe et de Martinique.

Cette situation atypique a pu être présentée comme l’un des facteurs rendant nécessaire la réforme de l’organisation de la police nationale dans les outre-mer. Au cours des auditions, le bilan de la réforme a fait l’objet de retours contrastés parmi les personnes concernées ([19]). Il en ressort que ladite réforme ne doit en aucun cas être, pour l’État, une solution pour ne pas avoir à augmenter les moyens humains et matériels pour assurer la sécurité des ultramarins.

Les forces de sécurité dans les outre-mer

Les effectifs de police nationale en outre-mer s’établissent à 5 812 personnes au 31 juillet 2022, et sont en hausse depuis quelques années. Leur organisation a été récemment réformée. Le décret n° 2019-1475 du 27 décembre 2019 a crée trois directions territoriales de la police nationale (DTPN) en Guyane, à Mayotte et en Nouvelle-Calédonie. Le décret n° 2021-1876 du 29 décembre 2021 a créé quatre DTPN supplémentaires en Guadeloupe, Martinique, Réunion et Polynésie. Chaque DTPN rassemble, sous l’autorité d’un directeur unique, les services de la sécurité publique, la police judiciaire, la police aux frontières, le renseignement et la formation.

La hausse d’effectifs de ces dernières années ne doit en revanche pas être une finalité, tant la situation est dramatique. Un véritable choc des moyens doit être engagé.

La gendarmerie en outre-mer est répartie selon des zones auxquelles correspond un commandant de la gendarmerie (COMGEND) : Nouvelle-Calédonie et îles Wallis-et-Futuna, Polynésie française, La Réunion, Mayotte, Guyane, Martinique, Guadeloupe et Saint-Pierre-et-Miquelon. Ses effectifs sont de 4 237 personnes, en hausse sur les dernières années, en particulier à Mayotte (+ 84,2 %) et en Guyane (+ 27,1 %). Au total, la hausse est de 12 % entre 2014 et 2022, soit 453 personnes. Là aussi, cette hausse ne doit pas être considérée comme suffisante, tant la situation continue de se dégrader.

Enfin, la France déploie des forces militaires outre-mer, désignées comme des « forces de souveraineté ». Elles représentent 7 150 hommes et femmes répartis en cinq forces armées régionales (Antilles, Guyane, zone sud de l’océan Indien, Nouvelle-Calédonie et Polynésie française).

Par ailleurs, l’éparpillement des territoires ultramarins parfois peu étendus et faiblement peuplés rend difficile, pour des raisons économiques avancées par l’État, la présence permanente de l’ensemble des services de l’État assurant la sécurité. Pourtant, une telle organisation ne peut que susciter, à terme, une hausse de l’insécurité faute de moyens dissuasifs pour la prévenir et la combattre. Par exemple, la brigade cynophile de Saint-Martin n’est envoyée que ponctuellement à Saint-Barthélemy ; le président de la collectivité, M. Xavier Lédée, n’a pas manqué de faire remarquer le caractère peu dissuasif de cette organisation pour les trafiquants. Ainsi, le risque de perdre le contrôle des peu de territoires qui sont aujourd’hui sous contrôle est une réalité.

2.   Des territoires globalement défavorisés sur le plan socio-économique

La situation défavorable des outre-mer sur le plan socio-économique – même si des disparités existent entre les territoires – doit aussi être prise en compte.

Les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) ([20]) mettent en lumière un niveau de vie dans les départements et régions d’outre-mer (DROM) inférieur à la France hexagonale ([21]).

Ainsi, en 2017, le revenu médian s’établissait à 1 700 euros pour la France hexagonale, contre 1 360 euros en Martinique, 1 310 en Guadeloupe, 1 160 euros à La Réunion, 920 euros en Guyane et 260 euros à Mayotte.

Par ailleurs, en comparant le taux de pauvreté au seuil national et non au seuil local ([22]), un tiers des Guadeloupéens et Martiniquais, plus de la moitié des Guyanais et les trois quarts des Mahorais sont sous le seuil de pauvreté – contre 14 % de la population en France hexagonale. Les diagrammes ci-dessous l’illustrent.

 

revenu mÉdian dans les diffÉrents DROM

et en France hexagonale en 2017

Source : commission des Lois à partir des données de l’INSEE

Taux de pauvretÉ au niveau national dans les diffÉrents DROM

et en France hexagonale en 2017 (en %)

Source : commission des Lois à partir des données de l’INSEE

Les inégalités sont également très marquées, en particulier en Guyane et à Mayotte où les 20 % les plus aisés ont un niveau de vie respectivement 10,5 fois et plus de 80 fois plus élevé que celui des 80 % les plus pauvres (contre 4 en France hexagonale).

Ces considérations sont aggravées par le coût de la vie en Outre-mer, généralement plus élevé qu’en France hexagonale.

Les DROM connaissent en général des taux de chômage bien plus élevés que la France hexagonale. Ils se sont ainsi établis, selon les données officielles, en 2020, à 12,4 % en Martinique, 16,1 % en Guyane, 17,3 % à La Réunion et 17,4 % en Guadeloupe, contre une moyenne de 7,8 % pour la France hexagonale si l’on en croit les chiffres fournis par l’État.

La même tendance s’observe pour une partie des collectivités de l’article 74. Le taux de chômage atteignait ainsi 33,9 % à Saint-Martin (2017), 17,5 % à Wallis-et-Futuna (2018) et 13,3 % en Nouvelle-Calédonie (2020) ([23]).

Comme l’illustre le diagramme ci-dessous, les jeunes ultramarins sont également plus touchés par le chômage qu’en France hexagonale : plus de 40 % d’entre eux sont au chômage en Guadeloupe et à La Réunion, contre 20,3 % en France hexagonale.

Taux de chÔmage (population globale et 15-24 ans) en 2020

Source : commission des Lois, à partir des données de l’INSEE

***

Ces considérations socio-économiques sont doublement pertinentes pour la question de la sécurité :

– d’une part, plusieurs personnes auditionnées ont mis en lumière le lien entre l’absence d’insertion ou de perspectives professionnelles et la délinquance ;

– d’autre part, la pauvreté ou la frustration générée par la confrontation à des inégalités fortes entretient l’attractivité des trafics lucratifs – notamment le trafic de stupéfiants.

Enfin, la problématique de la sécurité dans les Outre-mer doit tenir compte d’autres facteurs structurels dont l’importance ne peut être ignorée. Ainsi, en dépit de niveaux de consommation moyens inférieurs à ceux de la France hexagonale, les pratiques à risque liées à l’alcool seraient plus répandues dans certains territoires, par exemple le « binge-drinking » à La Réunion. Selon les données de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), le pourcentage de personnes mises en cause pour homicide qui étaient sous l’emprise de l’alcool au moment des faits est supérieur en outre-mer : il s’élève par exemple à 42 % à Mayotte et à 58 % à La Réunion.

B.   Des chiffres inquiÉtants et des problÉmatiques variables d’un territoire À l’autre

Le SSMSI met en évidence une surexposition moyenne des Outre-mer à certaines infractions violentes, mais aussi des nuances entre les territoires ([24]) .

1.   Des Outre-mer plus exposés aux infractions violentes

Il apparaît que les Outre-mer sont davantage exposés à la délinquance violente que la France hexagonale. Le nombre de faits constatés pour 1 000 habitants y est en moyenne supérieur en ce qui concerne :

– les coups et blessures volontaires (7,4 pour mille dans les DROM, 9,4 pour mille dans les autres Outre-mer ([25])  et 4,5 pour mille en France hexagonale), dont les violences intrafamiliales (3,5 pour mille dans les DROM, 5,7 pour mille dans les autres Outre-mer  et 2,3 pour mille en France hexagonale), sauf pour Mayotte, et les autres coups et blessures volontaires (3,9 pour mille dans les DROM, 3,7 pour mille dans les autres outre-mer  et 2,2 pour mille en France hexagonale) ;

– les violences sexuelles (1,5 pour mille dans les DROM, 1,3 pour mille dans les autres Outre-mer  et 1,1 pour mille en France hexagonale) ;

Bien que les chiffres ci-dessus soient des moyennes, il faut relever que chacun des cinq DROM, ainsi que la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie ([26]), connaissent des taux supérieurs à ceux de la France hexagonale ([27]).

 


—  1  —

 

Nombre de faits constatÉs pour 1 000 habitants par la police et la gendarmerie nationales en France mÉtropolitaine et dans leS DROM (2021)

Source : SSMSI.

 


—  1  —

 

Depuis 2016, l’évolution de la délinquance dans les DROM est la même que celle observée en France hexagonale ([28]). On constate ainsi une forte hausse des coups et blessures volontaires (+ 29 %), dans et hors du cadre familial, ainsi que des violences sexuelles (+ 80 %). La hausse est toutefois moins marquée dans les DROM qu’en France hexagonale.

À l’inverse, les vols, avec ou sans armes, et les cambriolages de logements seraient en baisse dans les DROM comme en France hexagonale, d’après les statistiques officielles.

2.   Les spécificités de chaque territoire

D’une façon générale, la Guyane – avec Mayotte – est le territoire ultramarin le plus touché par la plupart des infractions violentes : coups et blessures volontaires dans le cadre familial (+ 17 % par rapport à la moyenne des DROM) et en dehors (+ 46 %), violences sexuelles (+ 33 %), vols violents avec armes (+ 260 %), vols violents sans arme (+ 172 %), trafics de stupéfiants (+ 171 %). Le nombre moyen de victimes d’homicides enregistré entre 2018 et 2020 s’établit à 1,3 personnes pour 10 000 habitants. Ce taux est très élevé non seulement par rapport à la France hexagonale (0,1 victimes pour 10 000 habitants) mais aussi par rapport au reste des Outre-mer (0,5 victimes pour 10 000 habitants).

La situation de la Guyane ne peut être évoquée sans référence à l’orpaillage illégal. Véritable fléau sécuritaire mais aussi économique, sanitaire et environnemental, l’orpaillage illégal concourt au développement des trafics et à la délinquance via les affrontements entre groupes rivaux de garimpeiros (orpailleurs illégaux), ou entre ces derniers et les forces de l’opération Harpie. Auditionné par la commission d’enquête de l’Assemblée nationale sur la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane, M. Sébastien Lecornu, alors ministre des outre-mer, déclarait ainsi : « La dangerosité des orpailleurs illégaux vient aussi de leur cohabitation avec des acteurs du grand banditisme se livrant à d’autres trafics, d’armes ou d’immigrés clandestins […] ils restent lourdement armés […], n’hésitant pas à faire couler le sang pour quelques grammes d’or. » ([29])

Mayotte se singularise quant à elle par le niveau de la délinquance d’appropriation (dirigée contre les biens) : vols avec armes (+ 100 % par rapport à la moyenne des DROM), vols violents sans armes (+ 91 %), cambriolages (+ 51 %). Les coups et blessures volontaires hors violences intrafamiliales y sont aussi plus importants (+ 23 %). La récente enquête « Cadre de vie et sécurité » ([30]) fait apparaître aussi un fort sentiment d’insécurité sur l’île. Près de la moitié des personnes interrogées se sentent en insécurité souvent ou de temps en temps, à leur domicile ou dans leur quartier.

En dépit de leur proximité géographique et démographique, la Martinique est moins touchée par les faits de coups et blessures volontaires que la Guadeloupe, de même que par les vols sans violence et les cambriolages. Le taux d’homicide dans ces deux territoires est identique, s’établissant à 0,6 victimes pour 10 000 habitants en moyenne entre 2018 et 2020.

Le général Vincent Lamballe, commandant de la gendarmerie de Guadeloupe, évoquait au cours de son audition par votre rapporteur « une délinquance hors norme » aux Antilles par rapport à la France hexagonale, sur fonds de trafics d’armes. De même, pour le général William Vaquette, commandant de la gendarmerie de Martinique « les armes sont le dénominateur commun des différentes formes d’insécurité en Martinique » ([31]).

À l’automne 2021, dans un contexte de protestation contre la politique vaccinale, ces deux territoires ont connu pendant plusieurs semaines des violences urbaines dans le cadre desquelles se sont produits des attaques contre les forces de l’ordre, des actes de vandalisme et des dégradations de bâtiments publics.

La Réunion se caractérise par des taux d’infractions systématiquement moins forts que dans le reste des DROM, à l’exception des violences intrafamiliales (+ 2,9 % par rapport à la moyenne DROM). Les vols avec armes y sont inférieurs de 90 %, les vols violents sans armes de 54,5 %, les coups et blessures volontaires hors violences intrafamiliales de 31 %.  Les infractions de trafic et usage de stupéfiants sont aussi très inférieurs à la moyenne des DROM. Le taux d’homicide y est parmi les plus faibles de l’ensemble des Outre-mer, s’établissant à 0,2 victimes pour 10 000 habitants en moyenne entre 2018 et 2020.

Les acteurs de terrain ont décrit au cours des auditions une délinquance de proximité sur fonds de consommation d’alcool et de stupéfiants, et quelques violences dites « urbaines » sans commune mesure avec ce qui peut être observé en France hexagonale.

Le tableau ci-dessous présente en détail ces tendances.

Faits constatÉs pour 1 000 habitants par la police et la gendarmerie nationales dans les DROM et en France hexagonale (2021)

 

Guadeloupe

Martinique

Guyane

La Réunion

Mayotte

DROM

France hexagonale

Coups et blessures volontaires

8,4

7,4

9,8

6,4

6,7

7,4

4,5

Violences intrafamiliales

3,8

3,5

4,1

3,6

2

3,5

2,3

Autres coups et blessures volontaires

4,6

4

5,7

2,7

4,8

3,9

2,2

Violences sexuelles

1,3

1,5

2

1,4

1,5

1,5

1,1

Vols avec armes

0,7

0,7

3,6

0,1

2,1

1

0,1

Vols violents sans arme

0,7

0,8

3

0,5

2,1

1,1

0,9

Vols sans violence contre des personnes

6,1

4,2

6,8

3,3

4,6

4,6

8,8

Cambriolages de logement*

4

2,8

11,7

2,2

5,9

3,9

5,2

Vols de véhicules

1,4

1,3

2,9

1,1

1,7

1,5

1,8

Vols dans les véhicules

4,5

2,6

5,6

1,7

1,5

2,8

3,4

Vols d’accessoires sur véhicules

1

0,7

0,4

0,4

0,3

0,5

1,2

Destructions et dégradations volontaires

7,7

6,3

5,4

5,4

6,9

6,1

8,2

Escroqueries

6,4

4,7

3,6

3,1

1,7

3,9

6,3

Trafic de stupéfiants

0,8

1,1

1,9

0,3

0,3

0,7

0,7

Usage de stupéfiants

3,8

3,5

1,3

1,7

0,6

2,2

3,3

Source : SSMSI

Les habitants des collectivités d’Outre-mer (COM) et de la Nouvelle-Calédonie sont, quant à eux, plus exposés aux violences intrafamiliales, aux vols sans violences et aux vols de véhicules. M. Thierry Verres, le directeur de la police territoriale de Saint-Martin, évoquait ainsi au cours de son audition le phénomène des vols de voiture, très répandu dans l’île (400 à 500 faits par an).

Dans les quatre COM les moins peuplées évoquées précédemment, le SSMSI observe que « le nombre de faits enregistrés par habitant est globalement inférieur à celui enregistré [en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie], et dans les DROM », sauf pour Saint-Martin. ([32])

Le tableau ci-dessous présente en détail ces tendances pour la Polynésie française et la Nouvelle-Calédonie.

Nombre de crimes et dÉlits enregistrÉs pour 1 000 habitants, commis en PolynÉsie française, Nouvelle-CalÉdonie et dans les DROM au cours de l’annÉe 2021

 

Polynésie française

Nouvelle-Calédonie

DROM

Coups et blessures volontaires

8,2

11

7,4

Violences intrafamiliales

5,5

6,3

3,5

Autres coups et blessures volontaires

2,7

4,7

3,9

Violences sexuelles

1,3

1,5

1,5

Vols violents

0,3

0,6

2,1

Vols sans violence contre des personnes

4,8

6,5

4,6

Cambriolages de logement

1,2

4,5

1,8

Vols de véhicules

1,5

4,2

1,5

Vols d’accessoires et dans les véhicules

1,4

3,1

3,4

Destructions et dégradations volontaires

3,3

10,7

6,2

Escroqueries

2

2,1

3,9

Source : SSMSI, base des crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie ; Insee, recensement de la population 2018 pour les DROM hors Mayotte ; Institut statistique de la Polynésie française (ISPF), recensement de la population 2017 pour la Polynésie française ; Institut de la statistique et des études économiques (ISEE), recensement de la population 2019 pour la Nouvelle-Calédonie.

 


II.   prÉvenir, rÉprimer, soutenir : pour une approche intÉgrÉe et un vÉritable engagement fort de l’État

A.   Affirmer l’autoritÉ de l’État

Face à l’insécurité, l’affirmation de l’État dans ses fonctions les plus régaliennes – justice, protection des frontières face aux flux qui entretiennent l’insécurité – est indispensable.

1.   Rechercher une coopération internationale efficace au service de la maîtrise des frontières

Le caractère transnational des trafics évoqués ci-dessus, qui sont facteurs de déstabilisation de la sécurité intérieure dans les outre-mer, appelle une coopération avec les États voisins.

Les attachés de sécurité intérieure des ambassades de France dans les pays proches des territoires ultramarins (Haïti, Brésil, Suriname) jouent à cet égard un rôle fondamental.

De nombreux accords de coopération existent par ailleurs :

– dans la zone « océan Indien », un accord de coopération intérieure et un accord relatif à la réadmission et au transit des personnes en situation irrégulière sont en vigueur avec l’île Maurice. Une coopération de fait s’est développée avec Madagascar, en particulier pour lutter contre l’immigration clandestine. La formalisation juridique de cette coopération en matière de sécurité intérieure pourrait être souhaitable, de même que la recherche d’une meilleure application de l’accord de réadmission avec l’île Maurice. Par ailleurs, souvent considérée comme difficile, la coopération avec les Comores paraît en voie d’amélioration et les reconduites à la frontière s’en trouvent facilitées ([33]), mais le seraient d’autant plus avec une réelle volonté politique.

– dans la zone Antilles, une coopération policière opérationnelle est en place avec les îles Sainte-Lucie et Dominique. La mise en place de patrouilles mixtes en mer dans les eaux territoriales de chaque pays constitue une piste d’évolution intéressante qui pourrait voir le jour, de même que la conclusion d’accords de coopération ou d’échanges d’informations avec les îles voisines de la Guadeloupe (Dominique, Montserrat, Antigua-et-Barbuda). En Amérique du sud, la coopération avec le Brésil apparaît plutôt satisfaisante, tant en ce qui concerne la lutte contre l’immigration clandestine que la lutte contre l’orpaillage, même si elle reste perfectible.

– dans la zone Pacifique, une coopération avec l’Australie et la Nouvelle-Zélande s’est développée pour lutter notamment contre le trafic de stupéfiants.

Axe de réflexion n°1 : avoir une réelle volonté de lutter fermement contre l’immigration clandestine et rechercher de nouvelles coopérations diplomatiques, ainsi qu’une meilleure mise en œuvre des accords existants pour reprendre la maîtrise de nos frontières dans les outre-mer.

2.   Apporter une réponse pénale convaincante

Le renforcement de la sécurité dans les Outre-mer ne peut se faire sans une réponse judiciaire adaptée et ferme. Deux axes de réflexion, soulevés au cours des auditions, peuvent ici être développés.

En premier lieu, il est évident qu’un renforcement conséquent des forces de l’ordre et des moyens de police est primordial. Ce renforcement doit s’accompagner de l’octroi de moyens cohérents à la justice. Il s’agit en effet d’assurer une réponse pénale rapide et efficace.

Il ressort des auditions que le taux de résolution des infractions est plutôt élevé. Malgré cela, plusieurs personnes auditionnées, dont les représentants des syndicats de police ([34]) ainsi que M. Didier Laguerre, maire de Fort-de-France (Martinique), ont évoqué un sentiment d’impunité, voire de toute puissance, parmi les auteurs d’infractions les plus violentes comme les attaques contre les forces de l’ordre. Il va de soi que tout doit être mis en œuvre pour que les agressions contre les forces de l’ordre soient sévèrement réprimées, et dans un délai raisonnable.

L’expérimentation récemment mise en œuvre en Guyane illustre bien les conséquences concrètes de l’insuffisance de moyens judiciaires sur la répression. Une note ([35]) du procureur de la République de Cayenne adressée au commandant général de la gendarmerie, au directeur territorial de la police nationale et au directeur régional des douanes mettait en place « à titre expérimental à compter du 1er juillet 2022 » une politique consistant à classer sans suite les affaires concernant moins de 1,5 kg de cocaïne, avec simple interdiction pour la personne de paraître à l’aéroport de Cayenne pendant six mois. Seules les saisies supérieures à 4 kg étaient ainsi susceptibles de donner lieu à traitement du mis en cause « selon les modalités traditionnelles ».

S’il est évident que face à des trafics massifs, les « petits » trafiquants sont d’une importance secondaire, une telle expérimentation ne peut qu’entretenir le sentiment, parmi les délinquants comme parmi la population, que la réponse pénale n’est pas à la hauteur. La note avait, à juste titre, suscité une réponse de M. Gabriel Serville, président de la collectivité territoriale de Guyane, qui y voyait une « mesure qui pourrait gravement porter préjudice à notre territoire et à notre jeunesse » et « un appel d’air en direction de tous les trafiquants du monde qui, face au peu de moyens du système judiciaire en Guyane, mobiliseront davantage de « mules » pour maintenir le niveau de leurs trafics et de leurs bénéfices » ([36]). Cette expérimentation fut par ailleurs une méthode honteuse pour communiquer sur de meilleures statistiques.  

En second lieu, les conditions de détention, la gestion des détenus et les perspectives de réinsertion ne peuvent être écartées de la réflexion sur la sécurité dans les outre-mer. La superficie des Outre-mer rend difficile la gestion des détenus et leur « affectation » dans un quartier adapté à leur profil. De gros problèmes d’absentéisme « injustifié » parmi le personnel du centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly (Guyane) ont été signalés à votre rapporteur au cours de la table ronde consacrée à ce territoire ([37]). Ce phénomène renforce la pénibilité du travail de ceux qui sont présents et diminue l’encadrement des détenus. Enfin, la surpopulation carcérale, le profil psychiatrique parfois fragile des détenus et l’absence de perspectives de formation ou d’emploi limitent les perspectives de réinsertion.

B.   soutenir les acteurs de la sÉcuritÉ

Le soutien aux acteurs de la sécurité est le corollaire indispensable du renforcement de l’autorité de l’État. La coopération entre les services et le renforcement des moyens sur le terrain sont nécessaires.

1.   Encourager la formation et la coopération entre services

Les polices municipales ou territoriales sont des acteurs à part entière de la sécurité et de la lutte contre la délinquance, et votre rapporteur ne peut que saluer les actions de coopération mises en œuvre entre ces dernières et la police nationale. Il s’agit principalement :

–  de formations mises en œuvre par les DTPN au profit des polices municipales. Le service territorial du recrutement et de la formation (STRF) peut être impliqué dans la formation initiale (La Réunion, Nouvelle-Calédonie) ou dispenser des formations continues (Martinique, La Réunion, Nouvelle-Calédonie) ([38]) ;

– de la coopération opérationnelle, via des patrouilles communes en Martinique et à La Réunion (Saint-André et Saint-Pierre), ou encore lors d’opérations nécessitant une coopération spécifique comme la sécurisation d’événements.

D’une façon générale, les différents représentants de la police et gendarmerie auditionnés par votre rapporteur se sont montrés satisfaits de leur coopération, qui prend plusieurs formes :

– mise en place de dispositifs mutualisés afin de faire face à des phénomènes de délinquance particuliers ;

– en matière d’ordre public, bascules d’escadrons de gendarmerie mobile au profit de la police nationale, du fait de l’absence de compagnies républicaines de sécurité (CRS) dans les territoires ultra-marins, intervention sur place du GIGN sollicitées par le commandement local de la gendarmerie ;

– cohabitation des personnels de la gendarmerie et de la police au sein des détachements d’offices centraux (comme l’OFAST) créés dans les outre-mer.

Votre rapporteur souligne néanmoins les difficultés qui ont été les siennes de connaître le point de vue des acteurs de terrain « non gradés », puisque des visites sur le terrain lui ont été refusées par le président de la commission des Lois de l’Assemblée nationale. En dehors des auditions des organisations syndicales et des contacts non officiels en dehors de toute audition, les auditions se sont tenues avec des « gradés », tenant parfois un discours relativement mesuré et « politiquement correct ».

2.   Rester vigilants sur les moyens matériels et humains

Les effectifs de police nationale en Outre-mer sont en hausse depuis quelques années. Les premiers bénéficiaires de ce mouvement sont Mayotte (+ 38,9 %), signe que les pouvoirs publics ont commencé à prendre la mesure du chaos sécuritaire qui règne sur l’île, et La Réunion (+ 21 %), tandis que la hausse est plus modeste dans les Antilles.

Il convient de souligner que ces hausses restent démesurément trop faibles compte tenu de la situation dramatique de ces territoires.

Le tableau ci-dessous résume ces tendances.

Évolution des effectifs de la police nationale dans les outre-mer

 

31/12/2016

31/12/2021

31/07/2022

Évolution déc. 2016-juil. 2022

Guadeloupe

961

1025

1021

+ 6,2 %

Martinique

814

864

848

+ 4,2 %

Guyane

734

809

810

+ 10,4 %

Réunion

1130

1337

1367

+ 21 %

Mayotte

553

783

768

+ 38,9 %

Polynésie française

283

312

306

+ 8,1 %

Nouvelle-Calédonie

541

598

599

+ 10,7 %

Source : police nationale

Votre rapporteur souligne le caractère insuffisant de ces hausses d’effectifs au regard des défis sécuritaires qui se posent dans certains territoires. Par ailleurs, le détail des chiffres doit être analysé avec une certaine circonspection.

– En effet, d’une part, ils masquent souvent des évolutions très disparates entre les différents corps et au détriment du nombre de personnels titulaires sur le terrain.

Les effectifs de police affectés en Martinique ont augmenté de 4,2 % entre le 31 décembre 2016 et le 31 juillet 2022 (soit 34 personnels supplémentaires), mais cette hausse reflète surtout celle des personnels administratifs, techniques et scientifiques, les « PATS » (+ 7,6 %) et des policiers adjoints, contractuels (+ 13,8 %). De même, en Guyane, la hausse de 10,4 % des effectifs sur la même période est surtout due à celle des PATS (+ 24,3 %), tandis que celle des personnels actifs titulaires reste limitée (+ 5,1 %). Tout en saluant l’action des PATS et des policiers adjoints, votre rapporteur déplore que les effectifs titulaires réellement sur le terrain soient quant à eux en baisse. Le renforcement des effectifs ne se traduit pas forcément par une augmentation de la présence policière visible sur le terrain, pourtant essentielle.

Au cours de leur audition, les représentants des syndicats de police ont attiré l’attention de votre rapporteur sur le manque d’attractivité de la Guyane et de Mayotte parmi les policiers qui ne s’y sentiraient pas en sécurité. La question des effectifs est ainsi l’une des problématiques centrales de la sécurité : la dégradation des conditions de travail et les conditions de sécurité insuffisantes des policiers engendrent des refus de mutation, des tensions sur les effectifs et des affectations non souhaitées, qui suscitent à leur tour une dégradation de la sécurité et renforcent les mauvaises conditions de travail des forces de l’ordre.

Axe de réflexion n°2 : engager une réflexion sur les conditions d’installation et de travail des policiers dans les territoires ultramarins, afin de renforcer leur attractivité et de favoriser les affectations longues.

– Par ailleurs, sur un même territoire, l’évolution des effectifs est tout aussi inégale d’un service à l’autre.

En ce qui concerne la police aux frontières, sur l’ensemble des territoires pour lesquels votre rapporteur a pu obtenir des données, seule Mayotte enregistre une hausse, certes salutaire, de ses effectifs depuis 2016. Les effectifs de la PAF de Guadeloupe ont baissé de 10,5 %, ceux de Guyane de 8,1 % avec notamment une chute très marquée pour le poste de St Georges de l’Oyapock (-20,8 %). Les effectifs de la PAF de Fort-de-France (Martinique) ont diminué de près de 30 %. Sur le territoire guyanais, les effectifs de la police aux frontières ne représentent que 35 % du total contre 42 % fin 2016, soit une perte de 25 personnes.

Il semblerait que la crise sanitaire et la baisse des flux qu’elle a entraînée soit en partie à l’origine de ces évolutions ; votre rapporteur appelle néanmoins à la plus grande vigilance, dans un contexte de retour à la normale.

Axe de réflexion n°3 : engager une augmentation des effectifs de la police aux frontières.

Le contexte spécifique ultramarin appelle quelques remarques sur les équipements.

Selon les syndicats de police, certains équipements fournis seraient inadaptés au contexte ultramarin : véhicules inappropriés pour circuler sur des routes difficiles, tenues qui ne tiennent pas compte des températures ou de l’humidité. En ce qui concerne la gendarmerie, les équipements et matériels sont acquis soit de façon déconcentrée, soit de façon centralisée pour les produits ne pouvant pas être achetés localement. La question des délais d’approvisionnement a aussi été soulevée, ces derniers pouvant atteindre un an et demi pour les matériels de gendarmerie commandés de façon centralisée.

Plusieurs autres points soulevés au cours des auditions peuvent ici être présentés :

– Pour accompagner les efforts nécessaires de maîtrise des frontières, le renforcement des moyens de contrôle des côtes et d’interception apparaît indispensable, en particulier dans les Antilles. La DCPAF n’a pas pu à ce jour indiquer quelle suite serait réservée à cette demande. En Martinique, des radars devraient être mis en service d’ici 2025 et permettre une meilleure connaissance du trafic maritime. La question se pose aussi pour les drones qui seraient utilisés dans des missions de recherche et d’assistance dans de nombreux domaines de lutte contre les trafics et de lutte contre les violences urbaines.

D’une façon générale, la maîtrise des frontières apparaît comme une des clefs de la sécurisation des Outre-mer et elle passe par un effort considérable sur les moyens nautiques et technologiques de protection et de surveillance de nos espaces maritimes.

Axe de réflexion n°4 : adapter la protection des approches et espaces maritimes de la France à son statut et à ses ambitions de puissance ultramarine.

– Les équipements légers concourant à la sécurité comme la vidéoprotection ou l’éclairage public ne doivent pas être négligés, d’autant plus que les caméras de vidéosurveillance se dégradent plus vite qu’en France hexagonale en raison des spécificités climatiques. Un récent rapport d’information du Sénat relatif à la sécurité à Mayotte ([39]) souligne que « les conditions d’exercice des missions des forces de la gendarmerie et de la police nationales seraient indéniablement facilitées par le déploiement de certains équipements qui relèvent des collectivités territoriales mahoraises » et appelle l’État à accompagner financièrement les investissements des communes dans ces infrastructures. Le caractère insuffisant des financements destinés à la vidéoprotection a aussi été soulevé par M. Francs Baptiste, maire de Sainte-Anne (Guadeloupe), au cours de son audition.

Votre rapporteur appelle l’État à mettre en place un dispositif puissant de subventionnement de la vidéosurveillance des collectivités, mais aussi des équipements et investissements des polices municipales et territoriales.

C.   encourager la prÉvention et l’insertion professionnelle

La sensibilisation du public ou les actions en faveur de l’insertion professionnelle ne doivent pas être oubliées des politiques destinées à faire face à l’insécurité dans les outre-mer, bien que la répression et la réponse pénale restent les clés de la réussite.

1.   La prévention

La gendarmerie et la police organisent des actions de sensibilisation et de formation sur les thèmes généralistes comme les violences sexuelles ou intrafamiliales, ou encore les risques d’addiction. Des formations plus spécifiques sont aussi proposées selon les problématiques de chaque territoire. Ainsi, à Mayotte, face aux violences commises en milieu scolaire, le dispositif « élèves-pairs » vise à recruter des élèves volontaires pour les former à la médiation scolaire et à la détection des signes précurseurs de conflit dans les établissements scolaires et à leurs abords. En Guyane, des campagnes de sensibilisation sont menées pour faire face au phénomène des « mules ».

Les jeunes recrutés dans le cadre du service civique sont parfois associés à ces actions, comme cela a été signalé à votre rapporteur pour la Guyane et la Nouvelle-Calédonie.

Au titre des actions de prévention, mérite aussi d’être signalée l’opération « Déposez les armes » en Martinique. Les particuliers sont invités à remettre leurs armes à la police ou la gendarmerie en échange de l’assurance qu’aucune sanction, administrative ou judiciaire, ne sera prise à leur encontre. Les particuliers soucieux de se débarrasser d’armes illicites peuvent ainsi le faire sans craindre qu’elles finissent par tomber entre de mauvaises mains.

Dans le domaine plus spécifique de la lutte contre les addictions, la MILDECA soutient et encourage les actions de prévention au moyen d’appels à projets. Au regard du lien, précédemment évoqué, entre usage de stupéfiants ou d’alcool et sécurité, la pertinence de ces actions doit être saluée. Au cours de leur audition, les représentants de la MILDECA ont par ailleurs souligné l’amélioration de l’action locale de prévention grâce à un apprentissage progressif des stratégies qui fonctionnent. Dans ce contexte, la recherche de stratégies locales et l’échange de bonnes expériences entre collectivités pourraient être encouragées.

Diverses actions peuvent aussi être financées dans le cadre du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), tirant ses crédits du programme 216 de la mission « Administration générale et territoriale de l’État ». En 2021, 2,2 millions d’euros ont été consacrés aux outre-mer, dont 413 000 euros à Mayotte, 350 000 euros à la Guyane et 219 000 euros à la Nouvelle-Calédonie. Ces montants consacrés restent néanmoins relativement faibles.

Le cadre réglementaire du FIPD pourrait faire l’objet d’une réflexion en vue d’éventuelles inflexions. En effet, les appels à projets sont souvent réservés en priorité aux quartiers classés prioritaires de la politique de la ville (QPV), ce qui n’apparaît pas forcément adapté aux réalités ultramarines.

2.   La formation et l’insertion professionnelle

En offrant des revenus stables, l’activité professionnelle, en particulier celle des jeunes, apparaît comme un élément d’amélioration de la situation sécuritaire. Le dispositif du service militaire adapté (SMA), présenté dans la première partie de ce rapport, apparaît ainsi comme positif.

Votre rapporteur considère donc que la poursuite de son renforcement pourrait être envisagée pour accueillir un plus grand nombre de jeunes, sous réserve que le vivier potentiel de recrutement ne soit pas épuisé.

Axe de réflexion n°5 : envisager un renforcement du service militaire adapté (SMA) pour permettre à plus de jeunes d’y participer et travailler à son amélioration.


Synthèse des axes de réflexion

Axe de réflexion n°1 : avoir une réelle volonté de lutter fermement contre l’immigration clandestine et rechercher de nouvelles coopérations diplomatiques, ainsi qu’une meilleure mise en œuvre des accords existants pour reprendre la maîtrise de nos frontières dans les outre-mer.

Axe de réflexion n°2 : engager une réflexion sur les conditions d’installation et de travail des policiers dans les territoires ultramarins, afin de renforcer leur attractivité et de favoriser les affectations longues.

Axe de réflexion n°3 : engager une augmentation des effectifs de la police aux frontières.

Axe de réflexion n°4 : adapter la protection des approches et espaces maritimes de la France à son statut et à ses ambitions de puissance ultramarine.

Axe de réflexion n°5 : envisager un renforcement du service militaire adapté (SMA) pour permettre à plus de jeunes d’y participer et travailler à son amélioration.


   Examen en commission

Lors de sa réunion du jeudi 20 octobre 2022, la Commission auditionne M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, chargé des Outre-mer, sur les crédits de la mission « Outre-mer » (M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis).

Lien vidéo : https://assnat.fr/q4NKBV

M. le président Sacha Houlié. Nous poursuivons l’examen pour avis des missions budgétaires relevant de notre commission, en l’occurrence celui de la mission Outre-mer. Nous sommes ravis de vous recevoir, Monsieur le ministre délégué, pour cette deuxième fois en moins d’un mois.

M. Jean-François Carenco, ministre délégué auprès du ministre de l’intérieur et des outre-mer, chargé des outre-mer. Merci de me donner cette occasion de présenter la partie dépenses de la mission Outre-mer du projet de loi de finances (PLF) pour 2023. Pour ce qui est des recettes, le Gouvernement a eu recours au 49.3, ce qui donnera sans doute lieu à une motion de censure. En attendant, il a retenu quelques ajouts à son texte initial qui me semblent aller dans le bon sens.

C’est le cas de l’éligibilité à la défiscalisation du renouvellement de la flotte de pêche pour les navires de douze à quarante mètres à La Réunion – en parallèle, des discussions consacrées au financement du renouvellement se déroulent à Bruxelles, de manière, disons, franche et directe. Je pense aussi au travail sur le livre foncier à Mayotte, nécessaire pour progresser, au duty free aux Antilles, à la prolongation de deux ans du dispositif de défiscalisation pour la rénovation des logements libres en outre-mer, ou encore à la prolongation de 2025 à 2029 des dispositifs de défiscalisation – autant de bonnes nouvelles pour l’ensemble des populations ultramarines.

Le budget consacré à l’outre-mer est tourné vers le quotidien de nos concitoyens ultramarins. J’espère que son incidence sera rapide et visible. Il est bien plus large que la mission Outre-mer proprement dite, et retrace l’effort – certes lent – de la nation au profit de ces territoires. Ce sont en tout 32 missions et 101 programmes qui sont consacrés à l’outre-mer, 20 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 21,7 milliards en crédits de paiement (CP), soit une hausse, dont je me félicite, de 500 millions par rapport à 2022. Certains militent pour que la mission regroupe l’intégralité des programmes concernés. Cela ne me semble pas souhaitable. Mieux vaut qu’elle se concentre sur certains sujets et que chaque ministère puisse, en responsabilité et aussi à l’initiative des parlementaires, pousser des dépenses au profit de ces territoires.

Les principales missions intervenant en outre-mer sont les suivantes : Enseignement scolaire, pour 6 milliards, Outre-mer pour 2,8 milliards, Écologie, développement et mobilité durables pour 2,3 milliards –  y compris la péréquation de l’énergie à Wallis-et-Futuna, Saint-Martin et Saint-Barthélemy, effort collectif de la nation au profit de nos compatriotes de ces trois territoires – Relations avec les collectivités territoriales pour 2,3 milliards, Solidarité, insertion et égalité des chances pour 1,9 milliard et Sécurités pour 1,3 milliard, cette dernière étant en hausse de 1 %.

Autre élément important de l’effort budgétaire en faveur des outre-mer, les dépenses fiscales sont stables, à 6,8 milliards. Il faut relativiser ce montant, qui est pour l’essentiel lié aux taux réduits d’impôt applicables outre-mer, notamment la TVA à taux nul pour les carburants. D’aucuns réclament une TVA à zéro pour les produits de première nécessité, contre 2,1 % actuellement. J’y suis opposé, car l’effet serait immédiatement annulé par les revendeurs. Ce sont des mesures structurelles qui sont nécessaires.

Le reste du champ de la défiscalisation s’élève à 1 milliard, dont 700 millions pour l’investissement productif et 300 millions pour le logement social. Nous travaillons avec le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique pour que cette défiscalisation cible bien l’investissement productif, c’est-à-dire créateur de richesse, et pas simplement « de confort ». J’ai lancé avec Gabriel Attal un travail d’évaluation du champ de l’investissement productif dans la perspective du PLF pour 2024.

Nombre de collectivités ultramarines rencontrent des difficultés financières structurelles, sans pour autant se trouver dans une situation de catastrophe absolue. Elles finissent toujours par régler les entreprises, mais avec des délais de paiement trop longs, ce qui entraîne des conséquences néfastes pour l’emploi. Il faudrait les ramener à 80 ou 90 jours. Nous travaillons avec l’AFD (Agence française de développement) à un système d’affacturage général qui offrirait aux entreprises un bol d’air immédiat.

Il y a lieu de se réjouir de l’achèvement du rattrapage de la dotation d’aménagement des communes et circonscriptions territoriales d’outre-mer (Dacom) dans le PLF pour 2023, conformément à l’engagement du Président de la République. Cette dotation affiche une hausse considérable de 150 millions par rapport à 2016, soit 71 %. Par rapport à 2022, la progression est de 26 millions, soit 11 %, et s’ajoute à celle de la dotation globale de fonctionnement – nous n’avons pas encore les données complètes, mais l’outre-mer aura sa part de l’augmentation de 300 millions constatée au niveau national. Toutefois, les collectivités ultramarines bénéficient d’une péréquation limitée. J’ai entamé avec ma collègue Caroline Cayeux un travail sur ce sujet qui nourrit un débat légitime.

Nous pouvons également nous réjouir de la stabilisation des dotations d’investissement au niveau national. La création d’un Fonds vert de 2 milliards a bien sûr attiré mon attention. Je ferai tout pour que les collectivités ultramarines puissent en bénéficier au maximum : je rencontrerai prochainement Christophe Béchu dans cette optique.

S’agissant de la lutte contre la vie chère, nous avons su nous mobiliser pour apporter des solutions d’urgence. Le paquet « pouvoir d’achat » de cet été a ainsi permis de débloquer 19 millions pour des aides d’urgence aux populations ultramarines – je regrette que la situation l’ait rendu nécessaire. Nous avons aussi lancé, avec Gérald Darmanin, la démarche d’un « Oudinot du pouvoir d’achat ». Elle devrait aboutir le 15 novembre – j’avais été trop optimiste en pensant que ce serait possible pour septembre – avec des engagements locaux et nationaux. Il s’agit d’accroître le nombre de produits figurant dans le bouclier qualité prix (BQP) et de trouver un accord de modération des prix.

Cette démarche a pris la forme de négociations locales conduites par les préfets et regroupant l’ensemble des parties prenantes – les acteurs économiques et, pour la première fois, les collectivités locales. J’ai fermement demandé à ces dernières de participer à cet effort de lutte contre la vie chère, sachant que les recettes de l’octroi de mer sont en nette progression – +11 % au premier semestre 2022. Dans la plupart des cas, elles ont répondu positivement. Quoi qu’il en soit, la vraie réponse à la vie chère passe par des mesures structurelles, par des réformes fortes et par la création de richesse et de valeur dans les territoires ultramarins.

Le Président de la République a souhaité ouvrir le chantier de la réforme de l’octroi de mer, à juste titre puisque ce dispositif est au cœur des politiques économiques : il représente des recettes pour les collectivités locales, mais aussi un moyen de dynamiser et orienter la concurrence et la production locale ainsi qu’un outil en faveur de l’écologie. Mais l’octroi de mer ne peut s’envisager séparément du reste de la fiscalité. Une réflexion de fond sur l’ensemble démarrera donc prochainement en vue d’aboutir à des réformes structurelles et, si nécessaire et sans tabou, institutionnelles.

J’en viens au détail de la mission Outre-mer et de ses programmes 138 Emploi outre-mer et 123 Conditions de vie outre-mer. Les crédits de la mission s’élèvent à 2,9 milliards en AE et 2,8 milliards en CP, en hausse de 11 %, soit 300 millions environ dans les deux cas. Il s’agit d’une hausse significative, puisque l’inflation outre-mer est plutôt légèrement plus faible qu’en métropole. Hors compensation des exonérations sociales patronales, les AE progressent de 8 %.

Quatre priorités sont identifiées.

La première consiste à répondre aux préoccupations quotidiennes des habitants, en particulier sur le plan environnemental. Concernant le Plan eau en Guadeloupe, la mission que j’avais confiée à mon directeur de cabinet Joël Mathurin s’est traduite par neuf engagements partagés par le syndicat mixte de gestion de l’eau et de l’assainissement de Guadeloupe (SMGEAG), la région et le département. J’ai sollicité et budgété une augmentation exceptionnelle de 10 millions pour accompagner le syndicat mixte. Cette somme sera versée en contrepartie d’engagements opérationnels et financiers en matière de gouvernance. Nous avons recruté un directeur « musclé », qui fait consensus. Les engagements seront suivis dans le cadre d’un contrat et d’une gouvernance à quatre – SMGEAG, conseil régional, conseil département et État. Il ne s’agit en rien de placer le SMGEAG sous tutelle mais de rassembler les énergies, chacun dans sa ligne de compétence, afin qu’en matière d’eau la Guadeloupe connaisse un « avant Fiona » et un « après Fiona ».

Par ailleurs, j’ai pu constater à Saint-Martin que la lutte contre les sargasses porte ses fruits. Le ministère contribue au programme Interventions territoriales de l’État à hauteur de 3,5 millions et prendra en charge, en 2023, la totalité des investissements nécessaires aux trois services publics anti-sargasses qu’il a été convenu, État et collectivités réunies, de créer. Nous réglerons ces affaires ultramarines avec un travail d’équipe renforcé, sans état d’âme et en se disant la vérité. Les parlementaires avec qui j’échange régulièrement savent que c’est ce que nous faisons.

S’agissant du logement, nous consommons la LBU (ligne budgétaire unique) depuis deux ans, et je m’en félicite. Les problèmes dans ce domaine ne sont pas financiers, mais liés au foncier et aux normes. Concernant le Fnap (Fonds national des aides à la pierre), Action Logement accepte de reporter les 400 millions qui lui restaient en réserve après son dernier plan d’investissement volontaire sur le suivant. Par ailleurs, nous essayons de développer dans plusieurs territoires – Mamoudzou et Koungou, Fort-de-France, Saint-Laurent du Maroni, Saint-Martin – des procédures particulières, avec des prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) et des opérations d’intérêt national (OIN) d’accords parties. Il nous faut maintenant dépenser l’argent que nous avons, en trouvant le foncier que nous n’avons pas encore mais qui existe. Les opérations seront coordonnées. Je recevrai bientôt à Paris tous les organismes HLM d’outre-mer en vue de constituer une « armée » pour le logement.

Par ailleurs, les moyens en faveur de la continuité territoriale sont maintenus à 45 millions pour le droit commun et à 47 millions pour les dispositifs de soutien à la formation. La continuité territoriale est l’une de mes préoccupations majeures.

Deuxième priorité : la création de valeur sur chaque territoire. La Première ministre a accepté de prolonger d’un an les contrats de plan qui arrivaient à échéance cette année. La contribution du ministère de l’outre-mer est stable, à hauteur de 190 millions.

Les moyens en faveur de la diversification agricole restent modestes mais doublent tout de même, passant de 3 à 6 millions. C’est un signal. Par ailleurs, je négocie à propos du POSEI, le programme européen d'options spécifiques à l'éloignement et à l'insularité. Le ministère de l’agriculture, lui, a accepté de maintenir son effort à hauteur de 45 millions. Enfin, la compensation des exonérations sociales versées par l’État progresse de 203 millions, ce qui signifie certes que l’État s’engage pour l’emploi, mais aussi que l’emploi progresse.

La troisième priorité vise à renforcer l’ambition républicaine pour et grâce aux habitants du territoire. Les projets de service militaire adapté (SMA) sont nombreux, avec une nouvelle implantation à Hao et une autre à Mayotte. Saint-Martin en demande une aussi : c’est bon signe !

Enfin, la quatrième priorité est l’accompagnement des collectivités territoriales. Le fonds outre-mer sera réabondé à hauteur de 10 millions pour poursuivre des actions d’assistance technique. Le projet global que nous déployons en liaison avec l’AFD dans l’océan Indien et l’océan Atlantique permettra de disposer d’un système quasi automatique d’assistance technique. Enfin, les moyens du FEI (fonds exceptionnel d’investissement) sont maintenus. Si une autorisation de programme affectée au FEI ne se concrétise pas, l’argent est perdu. J’invite donc les collectivités locales à ne proposer que des projets qu’elles pensent vraiment réaliser.

M. le président Sacha Houlié. S’agissant de l’eau, vous avez évoqué deux projets essentiels aux Antilles. Le calendrier fixé par la loi du 29 avril 2021 créant le syndicat mixte est-il respecté ? Les investissements que vous avez annoncés permettront-ils d’accélérer le déploiement des réseaux d’eau en Guadeloupe ?

Par ailleurs, le phénomène des sargasses ne diminue pas et pourrait même s’amplifier en fonction du résultat des élections brésiliennes. Vous avez annoncé la création d’un service public partagé entre l’État et la collectivité, à tout le moins pour la Martinique. Les agents seront-ils ceux de l’État, ou directement affectés dans une société nouvellement créée ? Le cas échéant, un partage des tâches et des compétences est-il prévu ?

Enfin, s’agissant du BQP, observez-vous des lignes directrices communes à tous les territoires ultramarins dans les négociations, ou chaque solution dépend-elle du territoire et de ses spécificités ?

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Le budget que le Gouvernement souhaite consacrer aux outre-mer en 2023 est insuffisant. Si les documents budgétaires font apparaître une petite hausse en euros constants, il s’agit en réalité, compte tenu de l’inflation, d’une baisse de budget en euros courants.

Dans mon rapport, j’ai choisi de mettre en exergue le thème de la sécurité, cher à nos compatriotes ultramarins et complémentaire des « conditions de vie », titre de l’un des programmes de la mission.

La sécurité est la première des libertés. Dans un grand nombre de territoires d’outre-mer, la promesse républicaine n’est pas tenue. En septembre, une opération « île morte » a eu lieu à Mayotte en réponse à des affrontements entre bandes ou avec la police. En Guyane, la situation est telle qu’il a fallu convoquer des Assises de la sécurité. Et comment oublier qu’à l’automne 2021, les Antilles ont été le théâtre d’un embrasement social qui a vu les forces de l’ordre essuyer des tirs à balles réelles ?

Au-delà des coups de projecteur médiatiques, les chiffres sont parlants. Les faits de coups et blessures volontaires, par exemple, qui sont de 4,5 pour 1 000 personnes en France hexagonale, atteignent 7,4 en moyenne outre-mer et même 8,4 en Guadeloupe et 9,8 en Guyane. Les conséquences sont directes et quotidiennes pour plus de 2 millions de nos compatriotes. Comment vivre normalement lorsqu’on craint de se faire agresser, ou d’être victime d’un vol violent ? Comment aller travailler si les routes sont bloquées ? Comment assurer une éducation à ses enfants si sa voiture, le car scolaire ou l’école ont été incendiés ? Sans compter les conséquences de l’insécurité pour le tourisme et l’attractivité économique de ces territoires.

Lors des nombreuses auditions que j’ai conduites, les acteurs de terrain, en particulier, m’ont parlé d’impunité et de forces de l’ordre épuisées, de moyens insuffisants et d’équipements pas toujours adaptés. J’ai cherché, dans mon rapport, à rendre compte des principales causes de l’insécurité dans les outre-mer et à attirer l’attention sur des solutions déjà appliquées, à des degrés divers : les outre-mer ont besoin d’un choc de moyens et d’une volonté politique ferme, pour ne pas dire intraitable, face à l’insécurité.

Parmi les principaux facteurs qui alimentent l’insécurité, on trouve notre incapacité à contrôler correctement nos frontières outre-mer. Dans un environnement géographique souvent instable et économiquement défavorisé, cette porosité expose les territoires à tous les trafics – armes, stupéfiants, migrants. S’ensuivent des règlements de comptes, des infractions violentes, des coups de sang, sous l’emprise de stupéfiants ou d’alcool, à proximité d’armes.

Ces territoires connaissent de façon générale une situation socio-économique plus dégradée que le reste de la France, avec des nuances locales. Le chômage, les difficultés familiales et la pauvreté entretiennent l’insécurité mais souvent, le point de départ est la présence de personnes en situation irrégulière, habituées à une violence banalisée et aux trafics ou infractions lucratifs. La situation sécuritaire à Mayotte, submergée par une immigration incontrôlable en provenance des Comores, l’illustre suffisamment.

Les timides hausses d’effectifs des forces de l’ordre ne sont pas à la hauteur. Sans le choc de moyens que j’évoquais, la situation deviendra hors de contrôle. Coopération diplomatique, réponse judiciaire, développement socio-économique, moyens de surveillance et de contrôle aux frontières, présence de forces de l’ordre : tous ces axes doivent être renforcés et mobilisés. Mais surtout, rien ne sera possible sans une volonté politique forte.

Lors des auditions, les représentants des syndicats de police ont dit leur lassitude d’être sans cesse entendus par des parlementaires sans que rien ne change. À ce rythme, la situation deviendra selon eux incontrôlable dans dix ans, en Guyane et à Mayotte notamment. Plus que de la lassitude, nos forces de l’ordre sont en colère – et elles ont raison. Puissent-elles être non seulement écoutées, mais entendues pour que nos compatriotes ultramarins connaissent enfin le cadre de vie apaisé auquel ils ont droit.

M. le président Sacha Houlié. En Guyane, où je me suis rendu avec les ministres, les Assises de la sécurité se sont traduites par l’affectation de près de 150 personnels des forces spécialisées, de gendarmes du Raid et de magistrats supplémentaires pour la lutte contre le trafic de stupéfiants, la pérennisation d’un escadron de gendarmerie mobile et le doublement du nombre de douaniers à l’aéroport.

Nous allons maintenant entendre les orateurs des groupes.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Non, l’augmentation du budget de l’outre-mer n’est pas cosmétique, puisqu’elle est de 8 % compte tenu des effets de périmètre et en particulier des transferts des comptes sociaux. On peut juger que c’est insuffisant, mais pas que c’est une baisse.

S’agissant de la sécurité, le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (LOPMI) consacre plusieurs dispositions spécifiques à l’outre-mer. Le document de politique transversale illustre lui aussi l’effort de l’État en la matière, avec une augmentation de plus de 8 % des crédits pour la justice et de près de 15 millions d’euros pour la police. On peut noircir la situation, mais il faut aussi savoir reconnaître ce que font l’État et les fonctionnaires de la justice et de la sécurité.

Nos onze territoires d’outre-mer sont très divers – trois océans, des univers bien spécifiques – mais ont aussi des points communs, à commencer par une histoire marquée par de profonds déséquilibres et des inégalités criantes, que l’État s’emploie maintenant à réparer. L’effort constant de la majorité depuis la précédente législature se traduit par les contrats de convergence et de transformation (CCT), lesquels seront maintenus pendant encore un an avec environ 190 millions de crédits. Est-ce suffisant pour rattraper une histoire séculaire, avec des fractures et des blessures fortes ? Sans doute pas. Mais l’effort est là, la volonté est affichée et une perspective est donnée.

Sur le plan institutionnel, le rendez-vous du 7 septembre montre que les desiderata des autorités locales sont pris en compte. La restauration des finances communales permet de donner aux territoires les outils de leur développement. Cela soulève nombre de difficultés, et nous devrons essayer d’éviter les effets pervers ou les angles morts pour les communes qui ont signé des contrats de redressement en outre-mer (Corom). Je me réjouis que vous ayez évoqué l’affacturage : j’avais dit, lors de la création de ces contrats, qu’il pouvait assurer un bon équilibre. Il faut demander aux communes de restaurer leurs capacités financières, tout en accompagnant les entreprises qui sont leurs clientes.

La faible évolution du développement régional est décevante, mais les perspectives existent. Nos territoires peuvent être des postes avancés, mais aussi des « petits dragons ».

Par ailleurs, comment dynamiser l’action pour l’habitat indigne ?

Mme Gisèle Lelouis (RN). Monsieur Carenco, l’on savait que vous n’étiez pas Mazarin, de Gaulle ou Félix Éboué et l’on n’attendait rien de vous, mais quand même ! Les Français ultramarins sont déçus, très déçus. Ils espéraient que la mission Outre-mer réponde à leurs attentes et que le PLF pour 2023 soit une révolution. Encore raté ! Comme l’a dit le rapporteur, rien ne change : il n’y a pas d’effort majeur pour mettre en avant ce qui pourrait être notre force ; les axes et les crédits stagnent, le rapport le montre clairement.

Vous nous direz qu’outre-mer tout va bien, qu’il n’y a pas vraiment besoin de plus, que les habitants sont trop loin pour vous embêter. Isolés, ils sont confrontés aux mêmes problèmes qu’en métropole mais en pire, plus spécifiques et moins pris en compte par les pouvoirs publics. Ayez du cœur ! Regardez enfin l’outre-mer, nos compatriotes abandonnés depuis quinze ans et qui manquent de tout, à commencer par le respect d’avoir un ministère qui leur est propre. Vous ne voyez pas large. Peut-on vous en vouloir, puisque vous ne décidez pas vraiment ? La seule, en France, qui voit loin et large, la seule qui défend l’outre-mer, c’est notre « ultra-Marine ».

Afin que ces territoires ne soient pas plus longtemps les oubliés de la République, Marine Le Pen proposait dans son programme présidentiel la création d’un ministère d’État de la mer et de l’outre-mer. Elle souhaitait engager un grand programme pour quinze ans. À la place, nos territoires ultramarins n’ont qu’un secrétariat d’État. Quelle honte, pour tant de potentiel, et de gens qui souffrent ! Pensez-vous que nos compatriotes d’outre-mer doivent continuer à être traités comme des citoyens de seconde zone ? Le deuxième espace maritime mondial ne mérite-t-il pas d’être valorisé ?

C’est notre projet et ce lien qui unit Marine aux outre-mer qui les ont conduits à la hisser en tête partout au second tour de la dernière élection présidentielle. Inspirez-vous de nous et respectez-les ! Votre mission n’est qu’une broutille, alors qu’il faudrait une volonté politique et des moyens en matière pénale pour combattre l’insécurité en Guyane et à Mayotte. La lutte contre le chômage ne pourra se faire qu’en rendant ces territoires plus attractifs, en développant l’économie bleue. Nous répondons à tout, dans notre projet.

Quand seront indemnisées les victimes des essais nucléaires en Polynésie ? Quel est votre plan pour l’école ou pour protéger les écosystèmes en danger ? Comment renforcerez-vous l’unité de la Nouvelle-Calédonie ? Vous manquez d’ambition !

Pas sectaires, nous sommes prêts à travailler avec vous, sur les problèmes d’eau aux Antilles, les problèmes d’immigration à Mayotte, les problèmes de pouvoir d’achat et de manque de soins partout !

Monsieur Carenco, nous sommes inquiets pour l’outre-mer, car nous avons vu ce que la ville de Lyon est devenue lorsque vous étiez préfet du Rhône ; nous avons vu votre bilan face au terrorisme, puisque vous étiez préfet de Paris en 2015. Lorsque vous étiez président de la Commission de régulation de l’énergie (CRE), en 2021, vous avez estimé que la crainte des Français concernant une possible hausse des prix était illégitime et infondée. On voit le résultat, à l’heure où les prix de l’énergie explosent !

Partout où vous passez, c’est la catastrophe. Oui, le groupe RN est inquiet. Les craintes des Français, y compris en outre-mer, sont légitimes. Illégitime, c’est vous qui l’êtes, non élu mais choisi, et qui obéit sagement à M. Darmanin.

M. le président Sacha Houlié (RE). Merci, Madame Lelouis…

Mme Gisèle Lelouis (RN). Walter Raleigh disait « qui tient la mer tient le commerce du monde ; qui tient le commerce tient la richesse ; qui tient la richesse du monde tient le monde lui-même ». Parce que la puissance et le rayonnement de toute la France viendront de la mer, nous devons faire de la mer le cœur de notre projet… (Le président coupe le micro de l’oratrice.)

M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NUPES). Création de richesse dans les outre-mer, dites-vous ? Je m’interroge, comme nous devrions tous le faire, au sujet du terme « outre-mer ». Si, habitant Fort-de-France, je me qualifie d’ultramarin, cela signifie-t-il que je me définis par rapport à un centre, Paris ? Ce terme traduit le maintien d’un lien colonial entre l’Hexagone et nos territoires. Si je suis outre-mer pour vous, vous êtes outre-mer pour moi lorsque je suis en Martinique ! Ces difficultés sémantiques sont un aveu d’incompréhension et un malentendu persistant, qui devra être réglé.

De mandat en mandat, de secrétariat d’État en ministère de plein exercice, de budget en budget, le positionnement des territoires dans l’ensemble français et la prise en compte de leurs réalités semblent décidément bien complexes. Chaque année, en dépit des intentions louables du Gouvernement, et des efforts parfois sincères, le budget qui leur est consacré montre la nette insuffisance des moyens, en quantité et en qualité, pour répondre aux besoins des populations et à leur aspiration à mieux vivre.

Cette année encore, le budget alloué aux territoires dits ultramarins ne sera pas à la hauteur des ambitions légitimes des peuples, bien que la mission soit dotée de 2,665 milliards d’euros en autorisations d’engagement et de 2,489 milliards en crédits de paiement. Cette hausse est relative, puisqu’elle provient pour les deux tiers d’une hausse prévisionnelle et mécanique des compensations d’exonérations de cotisations sociales, après la baisse des années précédentes, dont la majorité est comptable.

Ce budget n’intègre pas les conséquences du mal-développement, et encore moins les effets retard des mesures prises dans la gestion catastrophique du covid dans des domaines clés – économique, environnemental, social et sociétal. Il occulte les grands défis qui nous attendent à moyen terme, comme la politique du grand âge, dans un contexte de vieillissement des populations, l’autosuffisance alimentaire, les pollutions environnementales – quid du service public anti-sargasses promis par le ministre des outre-mer ? – la gestion des ressources ou l’accès à l’eau potable en quantité et en qualité – pas seulement en Guadeloupe.

Ce budget est-il de nature à réduire les trop fréquentes discriminations et inégalités qui minent nos territoires ? Le programme 138 fait la part belle aux exonérations de cotisations au profit des moyennes et grandes entreprises, laissant de côté 90 % du tissu économique. L’approche exclusive par l’emploi des jeunes, qui mise essentiellement sur le service militaire adapté, traduit-elle une volonté de militarisation de notre jeunesse ? Les militaires seraient-ils les nouveaux missionnaires ?

M. Mansour Kamardine (LR). J’aurais pu adhérer au volet relatif à la sécurité du budget, en y apportant une correction concernant Mayotte : même si les moyens ont été renforcés, effort que je salue, ils restent inférieurs aux attentes. Je propose d’ailleurs d’organiser une mission d’information sur Mayotte, pour tous ceux qui ne connaissent la situation qu’à travers des rapports en total décalage avec la réalité. Mais, si un projet de budget traduit la politique du Gouvernement en matière financière et matérialise le passage des mots à l’action, j’ai malheureusement le sentiment qu’il y a ici erreur de traduction.

J’apprécie de travailler avec vous, qu’on vous appelle secrétaire d’État, ministre d’État ou sous-ministre. Depuis votre arrivée, vous avez tenu des propos encourageants qui répondent en partie aux attentes des Ultramarins. Je vous remercie pour cette écoute et votre volonté, que je pense sincère, d’inscrire l’action de l’État dans une coconstruction et un dialogue positif avec les outre-mer. Cependant, la progression des crédits de la mission Outre-mer est principalement portée par l’augmentation mécanique des exonérations des charges patronales, qui représentent les deux tiers de la croissance annoncée et 61 % des CP totaux de la mission.

Les mesures nouvelles se concentrent sur le SMA, dont les crédits augmentent de 28 millions d’euros. Nous nous en félicitons : vous passez incontestablement des paroles aux actes. En revanche, nous craignons que la stabilisation du FEI entraîne, compte tenu de l’inflation, une baisse des capacités d’investissement des collectivités d’outre-mer.

Par ailleurs, le manque de suivi et de pilotage par l’État de l’application des CCT, vertement dénoncé dans un récent rapport de la Cour des comptes, conduit le Gouvernement à les prolonger en 2023. Sur 1,9 milliard d’euros de financement inscrits, seuls 900 millions auront été décaissés fin 2022.

Le budget de la mission Outre-mer acte donc le décalage permanent entre les annonces gouvernementales et la réalité sur le terrain. Dans un contexte de forte inflation, particulièrement pour les transports ou les coûts de construction, il ne permettra ni la croissance du PIB ni l’amélioration des conditions de vie des Ultramarins. En outre, l’examen des crédits globaux consacrés aux outre-mer – la mission n’en rassemble que 13 % – révèle une baisse de l’effort en euros constants.

C’est implicitement admis dans le document de politique transversale : « l’effort global de l’État en outre-mer en 2023 est stable par rapport à 2022, soit 20,1 milliards d’euros en AE ». Or un budget stable en période inflationniste est un budget en baisse. C’est en particulier le cas des crédits dédiés à la promotion d’un aménagement durable et à la transition écologique.

Enfin, il n’est pas commun de chanter l’égalité républicaine lorsque la région la plus pauvre de France, Mayotte…

M. le président Sacha Houlié. Merci, monsieur Kamardine.

Mme Mathilde Desjonquères (Dem). La hausse de 11 % des crédits de la mission, qui s’établissent à 2,9 milliards d’euros, est destinée à concrétiser plusieurs priorités. Le groupe Démocrate sera attentif à la façon dont les objectifs fixés seront remplis.

Les outre-mer, un terme qui recouvre des réalités bien différentes, doivent faire l’objet d’un soutien spécifique de la part de l’État. Parmi les principaux défis de ces territoires, il y a l’accès, à commencer par l’accès à l’eau. La question n’est pas celle du manque d’eau, mais de son acheminement. En Guadeloupe, 60 % de l’eau injectée dans le réseau n’arrive jamais au robinet. Les usagers paient pour l’entretien de canalisations qui cassent faute d’investissement. La députée démocrate Justine Benin et le sénateur Dominique Théophile ont fait un travail remarquable pour rénover la gouvernance du service public de l’eau. Leur loi est une avancée, mais il reste beaucoup à faire. Le PLF prévoit une enveloppe exceptionnelle de 10 millions pour accompagner le SMGEAG : est-ce suffisant pour améliorer structurellement la situation ? Quel est le rôle concret de l’État ?

L’accès aux soins est un autre sujet de préoccupation, face aux inégalités qui traduisent des disparités territoriales et sociales favorisant le renoncement aux soins des personnes précaires ou vivant dans des communes isolées.

Corrélée aux enjeux de la santé, la protection de l’environnement constitue également une priorité. S’agissant de la lutte contre les sargasses dans les Antilles, votre budget abonde à hauteur de 3,5 millions d’euros le programme Interventions territoriales de l’État. L’État prendra en charge la totalité des investissements des services publics anti-sargasses. Il faut continuer dans ce sens.

Quant à l’accès aux biens et aux services, la hausse des prix dans l’Hexagone est décuplée dans les outre-mer, mettant le pouvoir d’achat des habitants à rude épreuve. L’inflation concerne aussi le prix des billets d’avion. La difficulté à rejoindre le continent écorne le principe de continuité territoriale. Des dispositifs sont-ils prévus à ce sujet ?

L’accès à l’emploi doit aussi être une priorité. La réponse passe par des dispositifs spécifiques d’insertion socio-professionnelle. Votre ministère sera doté de 30 millions supplémentaires au bénéfice du SMA, qui a montré toute sa pertinence en la matière. Il faut s’assurer que les jeunes qui en sortent répondent aux besoins du marché de l’emploi.

Enfin, l’accès au logement connaît des spécificités en outre-mer. Votre ministère prend en charge les crédits alloués aux logements sociaux, qui augmentent de 4 millions. Envisagez-vous de lancer un troisième plan Logement outre-mer (Plom), au regard du bilan positif de celui de 2019-2022 ?

Notre groupe votera en faveur des crédits de la mission.

M. Philippe Naillet (SOC). Je vous ai déjà interpellé, monsieur le ministre délégué, sur l’inadaptation du décret relatif au BQP pour les entreprises ultramarines. D’autres l’ont fait également, ainsi que des associations d’élus locaux et la Fedom (Fédération des entreprises des outre-mer). C’est une question de première importance. Les entreprises ultramarines sont dans une situation compliquée, avec une addition des difficultés depuis 2020 – hausse du coût du fret, de l’énergie et des matériaux, allongement des délais de paiement. C’est un enjeu économique, et pour l’emploi, puisque des entreprises ferment. À La Réunion, le taux de chômage atteint 17 à 18 %.

La vie chère est une vraie préoccupation pour nos territoires. L’argument d’une inflation moins forte que dans l’Hexagone est irrecevable, parce qu’il faut aussi prendre en compte la réalité sociale. À La Réunion, 37 % de la population vit sous le seuil de pauvreté et 150 000 personnes ont eu recours aux colis alimentaires en 2021. Je ne suis pas sûr que vous accepteriez d’échanger notre taux de pauvreté avec votre taux d’inflation.

Comment et quand adapterez-vous les critères d’éligibilité au dispositif de soutien, avec l’intégration des dépenses de gazole non routier (GNR) ?

Mme Naïma Moutchou (HOR). Les défis sont immenses pour les territoires d’outre-mer, particulièrement touchés par la crise sanitaire, dont les effets délétères sur le plan économique, social et sanitaire continuent de courir. Ce budget est l’occasion de redire que la représentation nationale est engagée en faveur de nos compatriotes ultramarins, pour améliorer les conditions de vie, définir une stratégie et apporter des réponses adaptées et différenciées.

Cette mission est une réponse. Il y en a d’autres dans le budget de l’État, avec des moyens supplémentaires transversaux dans les domaines de la transition écologique, du pouvoir d’achat, du soutien aux collectivités et de la sécurité – enjeu majeur pour l’outre-mer. En la matière, Monsieur le rapporteur, on ne peut pas dire que rien n’a été fait – mais nous partons de loin !

Ce budget, en hausse, permet de continuer dans la même dynamique que les années précédentes pour répondre aux préoccupations directes des territoires et y améliorer les conditions de vie. Des crédits sont consacrés à l’assainissement de l’eau, à l’accès au logement, à la continuité territoriale, à la formation et à la création de valeur et de richesse. Les moyens alloués à la diversification agricole doublent, en complément de la contribution du ministère de l’agriculture pour renforcer la production locale et relever le défi de l’autonomie alimentaire des territoires ultramarins. Le budget permettra de renforcer la compétitivité des entreprises et aidera à l’insertion et à la qualification professionnelles. L’avenir de la jeunesse est en jeu. Nous ne pouvons pas nous satisfaire d’un taux de chômage deux à trois fois plus élevé que dans l’Hexagone.

Le groupe Horizons et apparentés votera ce budget, qui permettra d’accompagner les territoires au plus près de leurs besoins.

Quid de la stratégie de lutte contre l’immigration, laquelle participe à la paupérisation et à l’insécurité qui touchent les populations plus précaires ?

M. Jérémie Iordanoff (Écolo-NUPES). La situation des territoires ultramarins est très dégradée : pauvreté, vie chère, pollution, chômage, carence des services publics… Le taux de chômage, qui est de 9 % en métropole, atteint 24 % à La Réunion et 38 % à Mayotte. Le décrochage scolaire est deux fois plus élevé outre-mer, de même que, et c’est insupportable, la mortalité infantile. Les services publics sont dans un état de délabrement indécent. Les transports sont plus que lacunaires, les logements insalubres, plus de la moitié de la population ultramarine n’est pas raccordée à internet.

En Polynésie française, la moitié de la population n’a pas l’eau courante ; à Mayotte et en Guyane, le quart ne dispose pas d’eau potable à domicile ou à proximité, et les réseaux d’assainissement sont embryonnaires – certaines communes n’en ont aucun. En Guyane, l’eau des fleuves est contaminée au mercure, du fait de l’orpaillage. En Nouvelle-Calédonie, 7 % de la population n’a pas accès à l’eau potable et le traitement de l’eau n’est pas assuré pour 40 % des foyers de la côte est. En Martinique, le prix de l’eau est le plus élevé de France, à 5,40 euros le mètre cube. En Guadeloupe, certaines localités ne sont pas raccordées à l’eau potable, 60 % de l’eau est perdue à cause du manque d’entretien des réseaux de distribution, les deux tiers des stations d’épuration ne sont pas conformes et les réseaux de collecte des eaux usées ne sont pas étanches. Vous avez annoncé 10 millions pour la Guadeloupe, mais le besoin de l’ensemble des territoires ultramarins est évalué à 1 milliard : on est loin du compte !

Cette situation est intolérable, alors que ces territoires disposent de secteurs de pointe : agroalimentaire, énergies renouvelables, biodiversité, astrophysique, sismologie…

Le budget manque également d’ambition pour la jeunesse. Le service militaire adapté mis à part, qu’est-il prévu pour l’enseignement supérieur et la recherche ? Que proposez-vous pour sortir ces territoires de leur dépendance économique vis-à-vis de la métropole, ou-pour les accompagner dans la dépollution et l’instauration de plans d’alimentation durable ? Formerez-vous les agriculteurs en agroécologie, notamment dans l’exploitation des cannes à sucre et des bananes ? Les 6 millions que vous dédiez à la diversification agricole suffiront-ils à garantir la souveraineté alimentaire ?

Comment comptez-vous garantir la souveraineté énergétique des outre-mer ? Pourquoi ne pas miser sur le potentiel dont ils disposent – la chaleur, le vent, le soleil ? Des investissements dans ce domaine diminueraient à terme la facture énergétique de nos concitoyens. Le fait que ces territoires dépendent encore des centrales thermiques à pétrole ou à charbon, polluantes et coûteuses, est un non-sens.

M. Max Mathiasin (LIOT). J’en ai assez des discours convenus, toujours sur le même canevas, déroulant des caricatures qui au passage minimisent l’action des députés ultramarins. Les outre-mer ne sont pas des coupe-gorge, des territoires dans lesquels rien ne se fait.

Monsieur le ministre délégué, je salue votre effort en faveur du dialogue et de la coconstruction – par le passé, nous avons souvent déploré de n’être jamais consultés. Vous avez été prompt à vous rendre en Guadeloupe après la tempête Fiona, et vous avez pris plusieurs initiatives, par exemple pour le service de l’eau. Cela étant, le sous-développement structurel de mon pays remonte à loin et toutes les mesures conjoncturelles ne suffiront pas pour favoriser un développement structuré et cohérent des territoires d’outre-mer.

Regardons notre histoire en face : le propre de l’économie coloniale est sa déstructuration ; elle est fondée sur la production et l’exportation de denrées dites coloniales comme la canne, la banane, le sucre ou le rhum. Pour dépasser ce modèle, nous devons agir de concert. Un effort redoublé de l’État est indispensable. La prolongation d’un an des CCT est insuffisante. Ces contrats ont été créés par la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer. Mais l’égalité ne peut pas être « réelle » : soit elle est, soit elle n’est pas.

Je veux continuer à travailler avec vous et à vous faire confiance. Nous jugerons sur pièces, et dans les discussions qui doivent venir sur plusieurs sujets. Mais je vous demande davantage d’efforts pour le logement, et aussi sur la situation des agents suspendus – je sais qu’un dialogue est entamé.

M. le président Sacha Houlié. Merci monsieur Mathiasin…

M. Max Mathiasin (LIOT). Je souhaite aussi que vous preniez en compte les amendements qui ont déjà été acceptés. (Le président coupe le micro de l’orateur.)

M. Moetai Brotherson (GDR-NUPES). S’il ne faut pas tomber dans la caricature, il faut aussi admettre que depuis des décennies, les indicateurs socio-économiques de nos territoires sont très éloignés de la réalité hexagonale : chômage, coût de la vie, niveau d’éducation… Tous les ans, nous attendons une révolution budgétaire et politique. Ce que vous nous offrez, c’est une évolution, sachant que votre budget représente 13 % de l’ensemble des crédits dédiés aux outre-mer. S’il semble en augmentation, il est stable ou en recul compte tenu du contexte inflationniste.

La relation entre l’État et nos collectivités doit s’inscrire dans le temps long, avec une vision stratégie qui dépasse le mandat et nous permette de nous projeter. C’est important pour les peuples, pour les acteurs économiques, mais aussi pour l’État.

Mes questions concernent le bassin pacifique. Le BQP s’applique-t-il chez nous ? Dans le cas contraire, que peut-on faire, par voie conventionnelle ou autre ? Par ailleurs, où dans le budget peut-on trouver une concrétisation de la stratégie indo-pacifique dont nous entendons beaucoup parler depuis deux ans ? Enfin, confirmez-vous que le dispositif de défiscalisation sera prolongé – ce dont je vous remercie le cas échéant ?

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Vous avez raison : moi aussi j’en ai assez des caricatures, d’entendre réciter ce que nous avons appris depuis quinze ans. Je ne suis pas content non plus que le rapporteur attaque avec un mensonge.

Vous savez très bien, monsieur le rapporteur, que l’inflation en outre-mer n’est pas de 11 %. Si vous mentez volontairement sur l’évolution du budget, comment croire le reste de votre discours ?

Et vous, madame la représentante du Rassemblement national, je ne répondrai pas à vos questions. Pour ce que vous avez évoqué, j’ai fait condamner le Front national à Lyon – et j’ai reversé l’argent à des associations. Vraiment, ce n’est pas possible : vous répétez des propos pour lesquels vous avez été condamnés, vous mettez la discussion sur le plan politique, alors que nous devons parler de l’outre-mer ! Quand l’avenir de millions de personnes est en jeu, on ne ment pas !

S’agissant de l’accès à l’eau en Guadeloupe, les problèmes ne sont pas financiers, à ce stade, mais organisationnels. Les réunions que nous avons tenues sur place après la tempête Fiona, la venue à Paris du président du SMGEAG et le voyage en Guadeloupe de mon directeur de cabinet ont permis de clarifier les priorités et les questions de gouvernance. La gouvernance appartient clairement au président du SMGEAG, mais avec un comité qui comprend les présidents du conseil régional et du conseil départemental et le préfet. Tout le monde s’est mis d’accord, nous avons recruté un directeur général et planifié les travaux. Il y a de l’eau, même s’il n’y en a pas assez. Il y a des tuyaux d’eau, même s’ils sont percés. Je suis confiant quant à ce nouveau départ, qui était nécessaire.

Concernant les sargasses, nous appliquons la même méthode. Je ne suis pas pour un État colonial. Le ministre n’a pas à décider à la place des élus et de la population – ce n’est ni le souhait du Gouvernement ni celui du Président de la République. Nous sommes dans un schéma de plus forte responsabilisation, un schéma de rupture.

À Saint-Martin, d’où je reviens, le service public anti-sargasses fonctionne. C’était le plus facile, puisqu’il n’y a qu’un interlocuteur. En Guadeloupe, il me semble que nous en sommes parvenus au point où cela va fonctionner. En Martinique, la question est de savoir s’il faut inclure les mairies dans la gouvernance du système. Elle devrait être résolue début novembre, lorsque je me rendrai sur place.

S’agissant du BQP, je ne cherche pas à avoir une cohérence d’ensemble : on ne mange pas la même chose partout ! En revanche, il doit y avoir une cohérence de méthode. Les BQP en vigueur représentent 1,3 à 1,4 % du panier familial de consommation. L’objectif est de les augmenter progressivement, avec un optimum idéal de 5 %. Il faut aussi impliquer les collectivités dans la création de la chaîne de prix. Je l’ai dit, je suis satisfait qu’elles aient répondu positivement. Je veille également à jouer à la fois sur les entreprises locales et sur ce qui vient d’ailleurs : j’ai engagé une discussion avec les grands groupes qui fournissent des produits à l’outre-mer. Enfin, je travaille à la question extrêmement compliquée du transport, qui soulève un problème de prix mais aussi problème de capacité. J’aurai des discussions avec Air France la semaine prochaine pour qu’il y ait de la place dans les soutes pour transporter des marchandises. Pour le reste, les discussions sont en cours et aboutiront le 15 novembre.

S’agissant du développement régional, il est assez simple d’y travailler en Polynésie et en Nouvelle-Calédonie. C’est plus compliqué avec les Antilles, la Guyane, La Réunion, Saint-Pierre-et-Miquelon – en somme, tous ceux qui sont dans le système européen des RUP (régions ultrapériphériques). La Nouvelle-Calédonie pourrait avoir un accord de libre-échange total avec les Fidji ou le Vanuatu, mais l’équivalent n’est pas imaginable pour les collectivités qui font partie de l’Union européenne. Avec l’Europe, il y a des avantages financiers – les fonds européens sont très importants, je n’en ai pas encore parlé, et ils ne sont d’ailleurs pas suffisamment consommés – mais il y a aussi des règles, souvent compliquées. Ainsi, le financement du port de Futuna vient de perdre trois ans à cause d’un changement de méthode, et je ne parle même pas du renouvellement des flottes de pêche. Bref l’inclusion dans l’espace régional doit intervenir à deux niveaux, politique et économique, et il faut tenir compte des règles européennes. Je serai à Bruxelles les 16 et 17 novembre pour la réunion des RUP et nous essaierons de progresser !

J’en viens aux questions sur l’habitat indigne. S’agissant de l’agglomération de bidonvilles de Mamoudzou-Koungou, une mission partira dans les jours prochains avec l’objectif très concret de la création d’une SPLA (société publique locale d’aménagement), pour laquelle j’ai obtenu l’accord de principe du maire de Mamoudzou et du président du conseil territorial. Quant à Saint-Laurent du Maroni et Fort-de-France, je me bats pour récupérer un peu d’argent du Fnap. Il faudrait 50 millions d’euros.

Comme monsieur Nilor, j’ai lu le bel article de Patrick Chamoiseau sur le terme d’ultramarin – je le rencontrerai dans les jours qui viennent. Je suis plutôt d’accord avec vous : l’histoire est là, alors que construit-on maintenant ? Cessons de croire que le budget résume l’action des pouvoirs publics, des collectivités locales et de chaque citoyen ! Le budget ne résout pas tout, et le ministre encore moins : il participe. Nous pourrons rediscuter de ces termes. Je m’occupe d’outre-mer depuis 1988, et l’on me reproche autant de dire « outre-mer » que « métropole ». Ça devient compliqué… Mais ce problème sémantique soulève une question de fond. L’histoire est complexe. On parle de colonisation dans les outre-mer, mais ce qui s’est passé en Polynésie n’a rien à voir avec ce qui s’est passé au Togo, dans les Antilles ou à Mayotte. Essayons de ne pas être binaire, mais parlons-en.

La hausse des remboursements de cotisations sociales signifie que la situation s’améliore – qu’il y a plus de salariés ou qu’ils gagnent plus. On peut considérer que ce n’est pas suffisant, mais j’en suis tout de même heureux.

Les défis existent, mais nous les relevons. C’est le cas avec les sargasses. Quant à l’eau potable, ce n’est pas le ministre qui décide de faire une nouvelle bassine ou une usine de dessalement de l’eau de mer à Mayotte : il influe, mais la décision appartient aux élus locaux. Je discute à leurs côtés avec Vinci ou Bouygues Construction, mais je ne déciderai pas. Ensuite, nous pourrons les aider techniquement, s’ils le demandent.

Un mot à propos de la jeunesse. À Saint-Martin, j’ai été étonné du dynamisme de ce qui se passe. La création de la mission locale date de mai 2022 ; c’est un succès. Quant à la « militarisation » des jeunes, si tous les élus locaux et toute la population souhaitent l’installation d’un régiment du service militaire adapté, ce n’est pas pour avoir des militaires mais parce qu’il s’agit d’un outil de formation efficace. Sur place, j’ai tout simplement été applaudi dans la rue !

Mayotte mérite plus, même si nous faisons déjà beaucoup. Je m’y rendrai à nouveau, et je recevrai cet après-midi l’ensemble des maires, qui sont à Paris. Nous progresserons. Nous devons agir tant en matière de sécurité qu’en matière d’investissements et de responsabilisation. Par exemple, les habitants veulent travailler, mais il faut parfois quatre heures pour y aller le matin et quatre heures pour revenir ! Voilà la réalité de Mayotte, qui me préoccupe autant que l’immigration sauvage. Il faut agir dans les deux domaines.

Quant aux CCT, ce qui m’étonne, c’est la sous-consommation des crédits, mais sachez que nous travaillons sur la question de l’assistance technique. Les prochains CCT présenteront en préambule tous les investissements nécessaires au cours des vingt années suivantes, qui devront être priorisés, puis un relevé des discussions menées avec les départements, les régions et l’État pour faire converger les fonds européens, et enfin, et c’est le principal, une feuille de route économique.

Il faut déterminer ce que l’on veut faire, sur le plan du développement économique, pour les vingt à trente ans qui viennent, mais aussi ce que l’on est capable de réaliser. On ne fera pas à la Martinique des stations touristiques comme à Saint-Domingue : la différence est trop grande en termes de pauvreté. Ce qui m’amène à observer au passage que l’immigration, dans nos territoires d’outre-mer – je mets Mayotte à part – est aussi un signe, même si elle pose de nombreux problèmes, que la République, c’est mieux que le reste. Il faut le dire, de temps en temps !

Madame Desjonquères, c’est en Guadeloupe et à Mayotte qu’on rencontre les principales difficultés d’accès à l’eau. À Mayotte, nous venons de signer une convention en la matière, qui porte sur 411 millions d’euros, ce qui est loin d’être négligeable. Je suis en discussion avec les élus locaux pour que les entrepreneurs agissent vite.

Partout doivent se développer des projets d’Ehpad. Nous travaillons à rassembler les propriétaires et les gestionnaires, mais ces projets appartiennent aux élus locaux. L’État veut les accompagner, mais pas gouverner les territoires à leur place. Le Président de la République a une vision très forte à ce sujet.

La continuité territoriale présente deux facettes, externe et interne. La première concerne tous les territoires ultramarins. Nous avons rencontré un premier succès, en la matière, en sauvant Air Austral. Ce fut difficile, mais nous sommes arrivés, avec Mme Bello, à nous mettre d’accord, y compris pour préserver la desserte de Mayotte. Je cherche à présent la modique somme de 550 millions pour venir en aide à Corsair et Air Caraïbes. Par ailleurs, Air France doit faire un effort sur la fréquence des dessertes – je pense en particulier à Saint-Martin – et les tarifs.

La continuité externe est également maritime. Pour ne citer que les Antilles, je discute avec les directeurs des ports de Fort-de-France et de Pointe-à-Pitre au sujet de l’adaptation aux évolutions en cours dans le monde du transport, notamment l’augmentation de la taille des bateaux et leur verdissement. Il est de l’intérêt de ces ports d’être des hubs d’où partent les liaisons vers les îles de la région. Cela représente pour chacun d’eux un investissement de 200 millions.

La continuité intérieure, elle, relève d’abord des régions et des départements, même s’ils peuvent solliciter le ministère des outre-mer pour obtenir une aide technique ou financière. Une des difficultés actuelles concerne Futuna, que plus aucune compagnie ne dessert à partir de Wallis. Ce sont des sujets difficiles, qui demandent du temps.

En matière de logement, il me semble que le Plom est paralysé par ses procédures de contrôle. J’ai rencontré tous les présidents de collectivités et les maires intéressés. Nous avons déterminé des priorités à Mayotte, à Saint-Laurent-du-Maroni, à Pointe-à-Pitre, pour ne citer que ces collectivités. Il nous faut construire du logement social, mais pas uniquement : loger les fonctionnaires qui font tourner les hôpitaux et les écoles est aussi important, surtout compte tenu du prix du studio à Saint-Barth. La LBU est utilisée pour des actions qui excèdent parfois son périmètre. Nous devons travailler avec les collectivités locales dans tous ces domaines, en créant éventuellement des SPLA ou des OIN. Cela permettrait un engagement supplémentaire de l’Agence nationale de l’habitat et de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine.

Monsieur Naillet, certes l’inflation est plus faible qu’en France hexagonale, mais elle frappe une population qui n’a pas le même niveau de vie.

S’agissant de l’énergie, j’ai beaucoup insisté pour que le bouclier tarifaire s’applique outre-mer. Les tarifs réglementés de vente d’électricité (TRVE) s’appliquent aux entreprises de moins de 1 million d’euros de chiffre d’affaires ou de moins de 10 salariés, soit la très grande majorité des sociétés outre-mer, qui bénéficient du bouclier tarifaire domestique. Par ailleurs, je mène actuellement des négociations, non sans difficulté, au sujet du plafonnement du TRVE pour les entreprises de plus de 1 million d’euros de chiffre d’affaires ou plus de 10 salariés ; cela concerne principalement les services publics, notamment dans le domaine de l’eau.

Madame Moutchou, c’est vrai, le budget n’est pas la seule, ni même la principale réponse aux enjeux de l’outre-mer : ce qui prime, c’est l’engagement collectif.

Les moyens engagés en faveur de la diversification agricole passent de 3 à 6 millions d’euros. En parallèle, nous avons recours au Fonds européen agricole pour le développement rural, et le ministère de l’agriculture accomplit pour sa part un gros effort. Je suis en discussion avec l’Odeadom (Office de développement de l’économie agricole d’outre-mer) et m’efforce d’activer le programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité. Un petit plaisir : on a enfin ouvert l’abattoir de Saint-Martin, dont j’avais émis l’idée il y a vingt ans, lorsque j’étais préfet de Guadeloupe ! Reste à régler les dysfonctionnements qui font que cela a été si long.

Monsieur Iordanoff, s’agissant du logement et des collectivités locales, nous avons tenu les engagements du Président de la République. Nous accomplissons des efforts en matière d’enseignement et de recherche. Il y a une université à Mayotte. Nous travaillons sur le Crous (centre régional des œuvres universitaires et scolaires) de Guyane. Nous rénovons des hôpitaux. Tout ne va pas bien, c’est vrai, mais il faut avoir conscience des efforts collectifs qui sont faits.

J’ai découvert récemment qu’en Guyane, on se connectait fréquemment au réseau surinamien pour avoir la 4G, ce qui est plus onéreux. J’ai déjà rencontré à cinq reprises le président Serville, avec qui nous bâtissons des projets, notamment en matière énergétique.

Ce serait une erreur de supprimer les usines de fabrication fonctionnant au fioul : mieux vaut les convertir au bioliquide. Dans chaque territoire il doit y avoir, même si on souhaite s’en servir le moins possible, une usine productrice d’énergie à partir du bioliquide ou du gaz. Il n’est pas admissible que, dans une zone non interconnectée (ZNI), on ne bénéficie pas d’un système stabilisé offrant une certaine sécurité énergétique. C’est pourquoi la République finance des usines dont l’ambition est de ne pas fonctionner, ou le moins possible – 500 ou 700 heures par an. On ne peut pas laisser les ZNI fonctionner uniquement avec les énergies renouvelables : cela les condamnerait à n’avoir aucune industrie lourde et stable. Ainsi, monsieur Dunoyer, j’espère qu’on arrivera à verdir tout le nickel, mais il faudra tout de même une centrale au gaz si nous voulons être crédibles !

S’agissant du covid, j’ai fait des propositions et j’attends une réponse officielle. Il est naturel que les syndicats en demandent toujours plus, mais l’ensemble du corps médical hospitalier est opposé à la réintégration des soignants non vaccinés. Il faut trouver une voie, même si elle sera étroite. J’ai renoué des discussions personnelles avec Gaby Clavier et Élie Domota, que je connais de longue date. En tout état de cause, je respecterai l’avis de la Haute autorité de santé. La question demeure pour les non-soignants, mais nous avons fait, me semble-t-il, des propositions intéressantes à leur égard.

Monsieur Brotherson, en effet, le BQP ne s’applique pas chez vous. La stratégie indo-pacifique n’a pas uniquement une traduction budgétaire : elle a d’abord pour finalité que la Polynésie vive bien. Enfin, je vous confirme que le dispositif de défiscalisation est prorogé.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je suis d’accord, il faut gommer tout mensonge de nos discours. À cet égard, je constate que les programmes 138 et 123, à périmètre constant, voient leur progression limitée à 1 % – elle est un peu supérieure si l’on considère le champ des lois de finances précédentes. Dès lors, après prise en compte de l’inflation, les crédits sont en baisse. Nos outre-mer méritent mieux : on a accumulé un tel retard qu’il faut engager un vrai plan d’action en leur faveur.

Si l’on veut gommer tout mensonge, il faut dire aussi, monsieur le ministre délégué, que vous n’avez jamais fait condamner le Front national (FN) : vous avez fait condamner une personne qui en avait été exclue bien avant les faits qui lui étaient reprochés. La présidente du FN vous avait d’ailleurs demandé, alors que vous étiez préfet, de ne pas valider la liste que cette personne menait dans le cadre des élections municipales, car elle revendiquait faussement son appartenance au parti.

Monsieur Vuilletet, le projet de Lopmi ne contient aucune mesure spécifique aux outre-mer. Il faut espérer que nos travaux se traduisent par l’adoption de telles dispositions.

Le sentiment communément partagé est que l’on a besoin de davantage de moyens pour l’outre-mer. Plutôt que de verser dans la politique politicienne et de mentir à tout-va, nous ferions mieux de travailler ensemble pour faire avancer les choses. J’en profite, monsieur le ministre délégué, pour vous remettre le programme de Marine Le Pen pour l’outre-mer, cela pourra vous servir.

M. le président Sacha Houlié. Monsieur le rapporteur, ce n’est pas l’objet de notre réunion. On ne fait pas ce genre de choses ici, c’est lamentable. Je vous demande de ranger votre document. Quant à la Lopmi, il faut mieux la lire. C’est la loi de programmation du ministère de l’intérieur et des outre-mer, les affectations budgétaires sont dedans.

Nous en venons aux questions des députés.

M. Philippe Dunoyer (RE). Monsieur le rapporteur, les moyens dédiés à la sécurité en Nouvelle-Calédonie ont été considérablement renforcés depuis cinq ans, qu’il s’agisse de la police, de la gendarmerie ou des forces militaires navales. Cela s’est vu dans la lutte contre l’insécurité routière et les violences intrafamiliales et, plus généralement, dans l’ordre public. Ce n’est jamais assez, évidemment, mais, s’il ne faut pas mentir, il ne faut pas non plus oublier de relever ce qui a été construit.

Au passage, le parallèle à peine voilé qui a été dressé tout à l’heure entre les précédentes fonctions de monsieur le ministre délégué et les attentats de novembre 2015 est intolérable, indécent et injustifiable dans notre assemblée. C’est de la politique politicienne ; cela n’a rien à voir avec la mission Outre-mer.

J’observe que ce sont les députés issus de l’outre-mer qui réagissent le plus calmement. Cela m’inquiète, car la pire des choses serait que les sujets concernant l’outre-mer et, singulièrement, l’avenir institutionnel de la Nouvelle-Calédonie, fassent l’objet d’une instrumentalisation. Aucun budget n’a jamais permis ni ne permettra de régler tous les problèmes d’un seul coup. Les crédits de la mission sont en hausse, même si l’inflation peut amener à tempérer ce constat. Nous nous réjouissons qu’un travail soit conduit l’année prochaine pour revoir le périmètre de la défiscalisation. Par ailleurs, je présenterai un amendement sur la continuité territoriale intérieure, qui est un sujet essentiel en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie. Enfin, je souhaiterais que le service militaire adapté, qui fonctionne très bien, soit un peu plus présent en Nouvelle-Calédonie en 2023.

M. Stéphane Rambaud (RN). Les crédits de la mission Outre-mer sont en augmentation pour 2023. On ne peut que se réjouir de certaines avancées, telles l’inscription de 4 millions d’euros pour la construction d’abris cycloniques en Polynésie française ou l’affectation de 3,5 millions pour la lutte contre les sargasses.

Cela étant, la majeure partie de cette augmentation, pour 200 millions, résulte d’un phénomène mécanique de hausse des compensations des exonérations patronales – d’après les prévisions des organismes de sécurité sociale – sans que le régime soit modifié.

Deuxièmement, on relève un manque de souffle, de vision pour nos outre-mer. Les outre-mer, ce sont avant tout des compatriotes souvent oubliés. Ainsi, même devant des besoins fondamentaux, comme l’accès à l’eau en Guadeloupe, qui n’est pas digne, le budget n’est pas à la hauteur. D’autres aspects de la vie courante sont aussi oubliés, comme la sécurité : les drames s’enchaînent à Mayotte dans l’indifférence de Paris et des autorités locales de l’État.

L’outre-mer offre à la France le deuxième plus grand espace maritime du monde. Où est la vision stratégique française en la matière ? Où sont les moyens de protection de notre espace maritime, à l’heure où la Chine déploie des moyens considérables pour s’affirmer sur un espace maritime pourtant bien plus réduit que le nôtre ?

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NUPES). À La Réunion, l’été arrive, qui offre des conditions propices à la prolifération des moustiques et autres vecteurs de maladies comme la dengue et la leptospirose – qui, rappelons-le, peuvent être mortelles. Il semblerait que, dans ce domaine, deux tiers des emplois aidés n’aient pas été attribués, en raison de la baisse de la prise en charge, décidée en février, concernant l’ensemble des services, et de la disparition du dispositif du parcours emploi compétences (PEC) dédié. Par ailleurs, la durée moyenne de onze mois ne permet pas d’assurer une formation suffisante des bénéficiaires. Monsieur le ministre délégué, seriez-vous favorable à un dispositif spécifique de PEC pour l’outre-mer, en tenant compte de nos différences de situation ?

J’avais proposé un amendement visant à rétablir le congé de solidarité, prévu par la loi d’orientation pour l’outre-mer du 13 décembre 2000, qui a été jugé irrecevable par les services. Êtes-vous favorable au rétablissement de ce dispositif, qui avait permis à La Réunion d’embaucher 2 000 jeunes ?

Enfin, soutiendrez-vous la revalorisation du revenu de solidarité outre-mer pour sortir les bénéficiaires de la pauvreté ?

M. le président Sacha Houlié. Monsieur Ratenon, ce ne sont pas les services qui ont jugé votre amendement irrecevable mais monsieur Coquerel, président de la commission des finances, en application de l’article 40 de la Constitution.

M. Mansour Kamardine (LR). Pour décrire les problèmes de Mayotte en très peu de mots, je dirais : 37 % de chômage des jeunes, des aides sociales 50 % en dessous de celles de l’ensemble du territoire, et 77 % de la population sous le seuil de pauvreté. Pour en sortir, nous souhaiterions que le Gouvernement réfléchisse à l’extension des dispositifs de défiscalisation existant dans les RUP, qui favorisent la création d’emplois. Puisqu’on refuse d’assurer l’égalité sociale entre Mayotte et l’Hexagone, au moins pourrait-on favoriser ce dispositif, qui pourrait du reste être étendu à l’ensemble des départements et régions d’outre-mer (DROM).

M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NUPES). Quelle mouche a piqué La Poste depuis qu’elle est responsable du dédouanement des colis à destination des outre-mer ? Ses nouveaux tarifs ont considérablement renforcé le phénomène de la vie chère !

M. Jean-François Carenco, ministre délégué. Monsieur Nilor, en effet, le prix du port excède parfois la valeur de ce qui est transporté. J’ai voulu voir le directeur des relations institutionnelles de La Poste ; si nos discussions ne débouchaient pas sur une solution satisfaisante, je saisirais le président-directeur général de la société, Philippe Wahl, afin qu’il soit au courant des bêtises qui se font.

Monsieur Ratenon, vous voulez rétablir la préretraite à 55 ans : je ne suis pas sûr que ce soit dans l’air du temps. On a besoin de travailler pour créer de la valeur. Pour notre part, nous essayons plutôt de faire travailler les seniors, parce que ne plus trouver de travail après 50 ans, c’est un vrai drame.

La Réunion est le département qui présente le plus de similarités avec la métropole. Je ne suis donc pas sûr que les systèmes qui s’y appliquent doivent être complétement différents, mais je préfère laisser Gabriel Attal répondre plus en détail sur les sujets que vous avez évoqués.

Monsieur Rambaud, l’augmentation du budget de la mission est en effet due, pour une large part, à la hausse des exonérations de cotisations sociales. C’est un vrai succès : cela veut dire qu’un plus grand nombre de gens travaillent, ou alors pour un salaire supérieur. Il y a tout lieu de s’en satisfaire.

Je n’ai peut-être pas su traduire la vision qui anime mon action et je m’en excuse, mais je peux vous assurer qu’il y en a une, même si elle diffère de la vôtre.

Monsieur le rapporteur, une partie des exonérations de cotisations sociales qui étaient toutes rattachées au budget de l’outre-mer ont été transférées, à hauteur de 265 millions d’euros. Mais en comptant cette somme, qui entre bien dans le périmètre de l’outre-mer, mes chiffres sont justes.

Monsieur Kamardine, le fait que certains territoires soient à la fois des DROM et des RUP favorise l’octroi de financements mais constitue aussi une difficulté pour les relations avec l’extérieur. J’essaie d’enclencher l’article 349 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne pour changer certaines normes qui s’appliquent indistinctement à l’ensemble des territoires européens. Il existe déjà de nombreux dispositifs dérogatoires, que je m’efforce d’amplifier – tel est l’objet de mes discussions avec Bruxelles.

La commission en vient à l’examen pour avis des crédits de la mission « Outre-mer » (M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis).

Article 27 et état B

Amendement II-CL101 de M. Yoann Gillet.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à renforcer les moyens du fonds exceptionnel d’investissement (FEI), lequel apporte une aide financière aux personnes publiques qui réalisent des investissements portant sur les infrastructures dans les outre-mer. Il abonde ainsi de 30 millions l’action 08 du programme 123. Les infrastructures en outre-mer sont trop souvent déficientes ou insuffisantes. Un rapport récent du Sénat sur le FEI a mis en évidence des taux d’équipement significativement plus faibles qu’en France hexagonale pour les structures culturelles – bibliothèques, salles de concerts… – ou sportives et les services d’urgence et d’action sociale. Nos compatriotes ultramarins ont trop souvent, et à juste titre, le sentiment d’être oubliés. Le renforcement des crédits du FEI pourrait ainsi permettre de soutenir un panel plus large de projets ainsi que l’ingénierie des collectivités, laquelle fait cruellement défaut.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Le groupe Renaissance ne soutiendra pas cet amendement. Le FEI a été créé en lieu et place d’un abattement fiscal qui représentait près de 70 millions d’euros. Il a été abondé par le Gouvernement pour être porté à 110 millions, et connaît cette année une progression de 4,4 % en crédits de paiement. Près de 200 millions d’engagements du FEI sont en cours d’exécution. L’urgence n’est pas d’ajouter de l’argent mais d’utiliser les fonds existants pour faire aboutir les projets. Cela demande des efforts d’ingénierie ; c’est pourquoi nous allons accroître les crédits du fonds outre-mer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL102 de M. Yoann Gillet.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à alerter sur la situation très particulière de Mayotte en matière de sécurité, en créant un nouveau programme, Fonds d’équipement et de sécurité à Mayotte, doté de 5 millions d’euros. Ce département subit un climat de violence quotidienne. En 2020, selon les chiffres du service statistique ministériel de la sécurité intérieure, le taux d’homicide moyen y était cinq fois supérieur au taux de la France hexagonale, le taux de coups et blessures volontaires deux fois supérieur, le taux de vols violents trois à quatre fois plus élevé. La situation n’a fait que s’aggraver depuis 2008. Ce fonds permettrait de renforcer l’aide aux collectivités pour l’installation d’équipements comme les caméras de vidéosurveillance ou l’éclairage public. Ce besoin a été mis en lumière par le rapport du Sénat de juin 2021 consacré à la sécurité à Mayotte.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Nous ne soutiendrons pas cet amendement. Ces crédits devraient figurer dans la mission Sécurités du ministère de l’intérieur. Nous ne nions pas les problèmes de sécurité à Mayotte – j’observe que M. Kamardine tient, à ce sujet, des propos équilibrés. Pour faire face à une situation difficile, des efforts ont été faits. Chacun est conscient qu’il faut continuer à agir mais il y a dans cet amendement un effet d’affichage que nous n’approuvons pas.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL100 de Mme Gisèle Lelouis.

Mme Gisèle Lelouis (RN). La grande majorité des exploitations d’or en Guyane sont illégales : on estime que l’orpaillage illégal représente une production de dix à douze tonnes par an, assurée par 6 000 à 10 000 orpailleurs illégaux, tandis que la production annuelle déclarée oscille entre une et deux tonnes.

Mais la lutte contre ce phénomène est semée d’embûches. D’abord en raison d’une porosité entre exploitation légale et orpaillage illégal : tous les opérateurs légaux n’acceptent pas de marquer leurs engins. Par ailleurs, l’installation d’exploitations légales entraîne celle de petits sites illégaux qui entendent tirer parti de la présence prouvée d’or dans le périmètre. Enfin, le recrutement des garimpeiros, les orpailleurs clandestins, s’effectue pour l’essentiel parmi une population brésilienne pour laquelle l’orpaillage constitue un mode de vie.

Dans ce contexte, l’opération Harpie, qui regroupe les forces de sécurité intérieure, les forces armées, les agents du parc amazonien de Guyane, les agents assermentés de l’Office français de la biodiversité et les instances judiciaires locales, est essentielle.

Il est donc proposé que la dotation mise à la disposition du préfet au profit de l’opération Harpie au sein de l’action 06 du programme 123 soit portée à 5 millions d’euros. Cette augmentation sera compensée, pour les besoins de la recevabilité financière de l’amendement, par une baisse du même montant des crédits du programme Emploi outre-mer.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. L’orpaillage illégal est un fléau sécuritaire. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL98 de Mme Gisèle Lelouis.

Mme Gisèle Lelouis (RN). Le coût de la vie à Mayotte est bien plus élevé qu’en métropole et l’inflation n’y est plus supportable. Nous proposons donc d’y augmenter la valeur nominale du chèque alimentaire, destiné aux familles les plus démunies. À cette fin, il est proposé de revaloriser de 3 millions les crédits du programme Conditions de vie outre-mer et de réduire d’autant, pour les besoins de la recevabilité, les crédits du programme Emploi outre-mer.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. L’Insee constatait en juin que les prix avaient augmenté en un an de 6,2 % à Mayotte, contre 5,2 % ailleurs en France. La situation sociale à Mayotte rend cette inflation encore plus intenable. Avis favorable.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Nous ne soutiendrons pas cet amendement. Pour faire face à la vie chère, une somme de 4,8 millions d’euros inscrite dans le projet de loi de finances rectificative est en cours de déploiement à Mayotte, par le biais de bons alimentaires et grâce à l’action des travailleurs sociaux et de la Croix-Rouge – Mansour Kamardine décrirait la situation mieux que moi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL99 de Mme Gisèle Lelouis.

Mme Gisèle Lelouis (RN). L’ouragan Fiona survenu en septembre en Guadeloupe a conduit à la reconnaissance d’un état de catastrophe naturelle, ce qui garantit l’indemnisation des victimes. Le présent amendement a pour objet d’augmenter de 3 millions d’euros les crédits consacrés au fonds de secours, afin de couvrir l’indemnisation des dommages aux biens des particuliers non assurés ou des dégâts provoqués par une cause non reconnue dans l’arrêté constatant l’état de catastrophe naturelle. En contrepartie, les crédits du programme Emploi outre-mer seraient réduits d’autant.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Les taux de couverture assurantielle sont plus faibles outre-mer, pour des raisons de connaissance du système ou de non-assurabilité de certains biens. La solidarité nationale demeure indispensable pour soutenir celles et ceux qui ont tout perdu. Avis favorable.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Par nature, un fonds de secours sert en cas d’événements imprévisibles. En l’occurrence, chaque fois qu’il est saturé – ce qui arrive hélas de plus en plus souvent du fait du changement climatique – l’État est au rendez-vous. Depuis plusieurs années, le fonds est doté de 10 millions d’euros mais chaque fois qu’il a fallu davantage, le Gouvernement a mobilisé des réserves.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL54 de M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NUPES). La politique de l’État en faveur du développement économique des outre-mer ne peut se limiter à des exonérations de cotisations patronales. Pourtant, c’est essentiellement par de tels dispositifs que le programme Emploi outre-mer est censé renforcer la compétitivité des entreprises : ils représentent le premier poste de dépenses du ministère. Il faut aller plus loin face à l’ampleur du chômage dans les collectivités d’outre-mer – au dernier trimestre 2021, la Martinique était classée quatre-vingt-dix-septième sur cent départements pour son taux de chômage, la Guadeloupe quatre-vingt-dix-huitième, la Guyane quatre-vingt-dix-neuvième et La Réunion centième, Mayotte n’étant même pas prise en compte !

Il ne faut plus se contenter de mesures qui n’ont démontré que leur inefficacité. Nous demandons donc la création d’un fonds d’urgence économique afin d’aller à la rencontre de citoyens exclus et désemparés et de les réinsérer sur le marché du travail.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Mansour Kamardine (LR). J’abonde dans le sens de M. Nilor. Je suis élu dans un territoire où 37 % des jeunes sont au chômage, où les aides sociales, pour celles qui existent, sont limitées à 50 % des montants ayant cours dans l’Hexagone, où 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les solutions apportées ici sont bien en deçà de ce qui est attendu. C’est en raison de cette situation que des Mahorais quittent leur territoire pour s’installer en métropole… tandis que d’autres prennent leur place.

Nous avons proposé la création d’une mission qui étudierait, pour l’ensemble des territoires ultramarins, les modalités de dynamisation de l’économie et de création d’emplois. En effet, malgré des décennies de politiques publiques prétendant établir l’égalité économique et sociale dans les départements d’outre-mer, le pouvoir d’achat, l’emploi et la qualité des services de base à la population y demeurent très éloignés des normes nationales. Un changement de paradigme semble donc nécessaire. C’est par l’emploi que nous construirons une véritable citoyenneté.

Un euro de plus pour les pauvres de Mayotte, c’est très bien, mais comment sortir des logiques centralisées et tenir compte des spécificités de nos territoires, pour une vraie égalité, après soixante-dix ans de départementalisation ?

M. Guillaume Vuilletet (RE). Les propos de M. Nilor me plongent dans l’idée de la France insulaire. Même la Guyane est au bord d’une mer, végétale, formée par la forêt amazonienne !

Son amendement est d’appel : 1 million ne suffirait pas au fonds qu’il souhaite créer. Nous ne le soutiendrons pas, mais je rappellerai ce que fait déjà l’État, même s’il reste encore énormément à accomplir : outre les dispositifs de droit commun, l’Agence française de développement va avoir 14 millions d’euros de plus pour contribuer à la dynamisation économique ; et 1,9 milliard du plan de relance a été mobilisé en faveur des outre-mer, après le 1,3 milliard du fonds de solidarité.

Peut-être la question que vous soulevez pourra-t-elle être examinée dans le cadre des contrats de convergence et de transformation qui vont être prorogés pendant un an, mais renégociés. Il s’agira alors de redéfinir une stratégie et la notion même de prospérité et de qualité de vie outre-mer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL96 de M. Guillaume Vuilletet.

M. Guillaume Vuilletet (RE). L’une des principales causes du problème du logement outre-mer est le foncier, dont une partie importante – le tiers environ du foncier disponible à La Réunion comme aux Antilles – est paralysée par le blocage des successions. La loi Letchimy sur les indivisions successorales permet à une coalition majoritaire des héritiers potentiels de vendre les terrains, qui peuvent alors servir à l’aménagement du territoire. Mais cette bonne loi peine à s’appliquer à cause des réticences des notaires.

L’objectif de l’amendement est de permettre aux collectivités qui veulent utiliser ces terrains au nom de l’intérêt général d’entreprendre des recherches successorales, pour amorcer la pompe. Il faut que les notaires entrent dans cette démarche.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Avis favorable – pas de sectarisme !

M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NUPES). Le problème est aussi l’absence d’incitation financière à sortir de l’indivision, qui crée des difficultés pour beaucoup de familles même quand tout le monde est d’accord. Mais c’est un bon amendement, j’espère que la commission le votera.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CL52 de M. Perceval Gaillard.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous souhaitons vous alerter sur la nécessité d’un véritable plan d’urgence pour rendre effectif le droit d’accès à l’eau dans les outre-mer.

Le Gouvernement prévoit 10 millions d’euros pour améliorer la distribution de l’eau et l’assainissement en Guadeloupe, alors que le montant nécessaire pour rénover l’ensemble du système d’eau y est estimé à 1 milliard au moins. Du reste, le problème ne touche pas seulement la Guadeloupe, mais de nombreuses collectivités d’outre-mer.

Les canalisations sont en ruine et une part importante de la population n’a pas accès à l’eau. Le prix d’accès à l’eau atteint 5 euros le mètre cube dans les Antilles, contre 3,8 en moyenne à l’échelle nationale. Enfin, il y a aussi un problème de qualité : 52 % des Réunionnais sont alimentés en eau par des réseaux dont la sécurité sanitaire est insuffisante.

Le droit d’accéder à l’eau potable est reconnu dans de nombreux pays et par des organisations internationales dont la France est membre.

M. le président Sacha Houlié. Cette année, j’ai accepté des amendements qui, comme le vôtre, créent des programmes en les dotant de 1 euro. Pour les prochains projets de loi de finances, je ferai dépendre la recevabilité des amendements d’une vraie proposition de financement de la politique publique nouvelle proposée.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. L’exposé sommaire de l’amendement dit vrai, même si le dispositif n’est pas très concret. Avis favorable, dans l’espoir d’impulser une action future.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Comme tous les amendements d’appel, celui-là vise à ouvrir le débat.

L’audition du ministre délégué a été éclairante quant à l’état d’avancement de la constitution du syndicat mixte, qui apportera enfin des solutions pérennes à la Guadeloupe. Les 10 millions d’euros prévus dans le budget viennent s’ajouter aux 10,5 millions de dotation initiale. Ils financent un premier pas : la création de la structure et la clarification de la situation. Il va falloir continuer à y travailler. En Guadeloupe, sur un litre prélevé, un tiers arrive dans les robinets et un sixième est payé – sachant que ce ne sont pas forcément des particuliers qui ne paient pas ; un bilan à ce sujet serait bienvenu. Il y a donc des problèmes structurels.

Plus généralement, un plan Eau DOM a été lancé en 2016. Des investissements de plusieurs dizaines de milliers d’euros ont été réalisés dans le cadre du FEI, du fonds européen, des contrats de plan État-région et des contrats de convergence et de transformation. C’est un effort réel, qui doit évidemment être poursuivi mais qui témoigne de ce que le Gouvernement a pris la mesure de ce qu’il faut faire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL55 de M. Perceval Gaillard.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NUPES). Il s’agit à nouveau d’un amendement d’appel. Vous avez bien budgétisé 10 millions d’euros pour le soutien à l’ingénierie, mais il est indispensable de créer un institut régional d’administration (IRA) dans chaque territoire d’outre-mer. Cela permettrait de mieux tenir compte de leurs spécificités, pour une plus grande efficacité des politiques publiques.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Avis favorable.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Nous nous abstiendrons lors du vote de cet amendement, car il soulève une vraie question. D’ailleurs, à titre personnel, j’ai formulé la même proposition dans un rapport. Il y a un réel problème d’attractivité des territoires ultramarins pour les cadres administratifs, et les former sur place pourrait bien sûr améliorer les choses. Mme Lebon a rappelé en commission des finances que le seul IRA insulaire est à Bastia. Évidemment, ce n’est pas avec 1 euro de dotation, comme le propose l’amendement, que l’on résoudra le problème, mais mettons-le au moins sur la table.

La commission adopte l’amendement.

Amendement II-CL56 de M. Perceval Gaillard.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NUPES). Dans cet amendement d’appel, nous proposons la création d’une agence dédiée au soutien à l’ingénierie des collectivités ultramarines. Leur défaut de moyens en la matière explique en partie la non-consommation de crédits. Dans un rapport publié en mai dernier, la Cour des comptes expliquait que cela les empêche de réaliser des investissements. Il faut réfléchir à un organe dédié, dont la compétence serait étendue à l’ensemble des collectivités d’outre-mer et qui pourrait contribuer à une mise en commun de leurs compétences.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je partage votre constat, mais le soutien à l’ingénierie est déjà la mission de beaucoup d’acteurs. Il faut les coordonner, et je ne pense pas que cela nécessite la création d’une agence supplémentaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL57 de M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NUPES). Le plan Logement outre-mer (Plom) 2015-2019 a été un échec, et le plan suivant, qui courait de 2019 à 2022, a confirmé les craintes exprimées par les sénateurs dans un rapport de l’été 2021.

Alors que 80 % des habitants des outre-mer sont éligibles au logement social, seuls 15 % en bénéficient. L’objectif de construction de 10 000 logements par an n’a pas été atteint. L’offre est très insuffisante en quantité comme en qualité. Paradoxalement, 120 000 logements sont vacants.

À quand un grand plan pluriannuel adossé à une stratégie de financement à la hauteur, pour en finir avec cette pénurie et ses conséquences humaines ? Il y a urgence.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Il y a bien un problème de logement, mais créer une ligne budgétaire ne sert pas à grand-chose. Il faudrait un soutien massif aux collectivités pour qu’elles puissent agir.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Si le premier Plom a en effet été un échec, on a gagné en efficacité avec le deuxième : on a mobilisé plus de crédits qu’il n’en était inscrit, alors que le taux de consommation était de 76 % seulement au début du programme. Bien sûr, cela ne suffit pas. Le troisième Plom doit être négocié et il y a beaucoup à faire en matière de foncier, de normes, d’ingénierie et de financements. Mais nous ne voterons pas cet amendement.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NUPES). Ce satisfecit à propos du Plom 2 est à relativiser, même si son échec est moins flagrant que celui du Plom 1. Ce n’est pas avec les 5 200 logements construits en 2022 que l’on atteindra l’objectif de la loi de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer, soit 150 000 logements en dix ans.

Monsieur le rapporteur pour avis, il faut bien une planification, pour que l’État puisse aider les collectivités !

M. Ludovic Mendes (RE). Comment construire du logement social rapidement sans terrain à bâtir, et alors que les logements vacants sont aussi nombreux ? Ce que j’ai vu à Mayotte semblait fonctionner. Vous relativisez d’ailleurs vous-même le constat d’échec. Le débat de fond n’est pas financier : il porte sur la gestion des problèmes des propriétaires terriens et sur la motivation des collectivités à créer du logement social alors que 120 000 logements sont vacants. Comment changer cette donne ? Le vrai combat est celui-là.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Outre-mer modifiés.

Après l’article 44

Amendement II-CL59 de M. Jean-Philippe Nilor.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NUPES). Il s’agit de demander au Gouvernement un rapport sur l’état des infrastructures dans nos territoires.

Les infrastructures publiques y présentent des déficits et défaillances qui s’expliquent principalement par l’insuffisance des investissements depuis plusieurs décennies, voire plusieurs siècles, à quoi s’ajoutent les risques naturels, qui nécessitent des normes spécifiques, et les particularités de la topographie.

Les infrastructures de transport sont saturées. Les réseaux d’eau et d’assainissement sont défaillants, et pas seulement en Guadeloupe – les chiffres sont comparables en Martinique, même s’ils ont fait moins de bruit. Ne parlons même pas des équipements scolaires ni de ceux destinés à la petite enfance. Quant aux hôpitaux, leur situation est indigne d’un pays qui se dit développé ; on en a eu la démonstration éclatante lors de la crise sanitaire.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Je partage votre constat, mais tout cela est déjà formalisé dans un grand nombre de contrats et de documents. Je ne vois pas l’intérêt d’un rapport supplémentaire : c’est de l’affichage. Mieux vaudrait consacrer notre temps à donner des moyens et à faire bouger les choses.

M. Guillaume Vuilletet (RE). Il faut toujours examiner avec attention les demandes de rapport au Gouvernement. En l’espèce, je crois davantage à une tension positive liée à la renégociation des contrats de convergence et de transformation et à l’effet des rapports que nous, parlementaires, produirons pour l’accompagner et pour inciter l’État à être plus rigoureux et efficace.

M. Mansour Kamardine (LR). Je suis favorable à cet amendement. Le ministre délégué nous a indiqué que les contrats actuels allaient être prolongés et que cette année serait mise à profit pour préparer de nouveaux contrats sur vingt ans, qui énonceront les besoins d’équipements. Mayotte est le territoire de France où le taux d’équipement est le plus faible. Le rapport demandé permettra au Gouvernement d’être éclairé sur ces besoins et de les faire connaître à la représentation nationale et aux élus locaux.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NUPES). On voit que la démarche est transpartisane et pourrait susciter l’unanimité.

Monsieur le rapporteur pour avis, il ne s’agit pas de faire un rapport pour un rapport mais de préciser les moyens, notamment financiers, nécessaires pour répondre aux besoins et, sinon tendre vers l’égalité réelle, au moins réduire les écarts entre les deux côtés de la mer.

Monsieur Vuilletet, nous pouvons faire nous-mêmes un rapport, notamment dans le cadre de la délégation aux outre-mer, mais nous enverrions un beau signal au Gouvernement en en demandant un dans la loi.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL63 de M. Perceval Gaillard.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NUPES). Cela a été dit, 80 % des habitants des outre-mer sont éligibles au logement social, mais seuls 15 % en bénéficient faute de constructions en nombre suffisant. Les logements indignes et insalubres représentent près de 13 % du parc, contre 1,3 % dans l’Hexagone. La loi dite Letchimy de 2011 contient des dispositions pour résorber l’habitat indigne, mais les crédits sont notablement insuffisants par rapport aux besoins. Plusieurs rapports soulignent le défaut de financement et les coûts de construction.

Nous demandons donc un rapport sur la trajectoire que doit suivre la ligne budgétaire unique (LBU) pour résorber l’habitat indigne.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Le logement outre-mer est un problème central, mais qui a fait l’objet de nombreux rapports récents, comme vous l’avez dit vous-même. Ne serait-il pas préférable de réfléchir à une obligation d’action et de résultat après chaque rapport ? Je ne souhaite pas que le Gouvernement puisse se cacher derrière le rapport pour dire qu’il a fait ce qu’on lui demandait : je voudrais qu’il agisse réellement.

M. Guillaume Vuilletet (RE). La situation n’est pas la même que pour le rapport précédemment demandé sur les infrastructures. Il s’agit ici d’un sujet spécifique, qui ne se réduit pas à un problème de mobilisation d’aide à la pierre, malgré ce que laisse entendre le ministre délégué. Quand, à Saint-Laurent-du-Maroni, on peut voir un bidonville se créer en quarante-huit heures, c’est que les questions de financement ou de normes ne sont pas seules en cause. Les acteurs en jeu sont suffisamment nombreux pour qu’un rapport soit justifié. En attendant la réponse du Gouvernement, nous nous abstiendrons donc lors du vote.

M. Jean-Philippe Nilor (LFI-NUPES). De manière très surprenante, je suis tout à fait d’accord avec cette analyse – au point que je ne comprends pas pourquoi elle vous conduit à vous abstenir. En réalité, vous confirmez le bien-fondé de l’amendement, qui ne porte pas sur la politique du logement en général mais sur la gestion de la LBU. La quasi-totalité des 120 000 logements vacants correspond à de l’habitat indécent ou indigne !

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL61 de M. Perceval Gaillard.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI-NUPES). Il s’agit de demander au Gouvernement de revoir la structuration du document de politique transversale.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Favorable, puisqu’il s’agit simplement de modifier un rapport qui existe déjà.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL95 de M. Mansour Kamardine.

M. Mansour Kamardine (LR). L’État participe au soutien à la filière nickel en Nouvelle-Calédonie, notamment par le biais d’un compte de concours financiers – le programme 878 – et par l’appui aux institutions locales calédoniennes fortement engagées dans le secteur minier, en particulier au sein de la Société minière du Sud Pacifique. Afin d’examiner la situation et d’envisager l’avenir des appuis budgétaires et financiers directs et indirects à la filière, je propose qu’ils fassent l’objet d’un rapport.

M. Yoann Gillet, rapporteur pour avis. Favorable.

M. Guillaume Vuilletet (RE). L’État intervient de manière constante en faveur de la filière nickel depuis les années 2000 et ne s’arrêtera pas. À nous d’évaluer son action : l’évaluation des politiques publiques est une prérogative parlementaire.

La commission rejette l’amendement.

 

 

 


   Personnes entendues

Services et administrations centrales

    Mme Valérie Minne, directrice centrale adjointe

    Mme Maryline Doll, adjointe à la cheffe d'État-major

    M. Renaud Bernhardt, adjoint à la sous-direction des frontières

    Mme Céline Berthon, directrice

    M. Bertrand Chamoulaud, chef du service central du renseignement territorial

    M. Jérôme Léonnet, directeur général adjoint

    M. John Benmussa, conseiller territorial

    M. Hadrien Haddak, conseiller budgétaire

    M. Christian Nussbaum, chef de la mission outre-mer

    Dr Nicolas Prisse, président

    Mme Célia Bobet, chargée de mission Police

    Mme Delphine Scandella, chargée de mission Gendarmerie

    Mme Lucile de Maublanc, chargée de mission Justice

    Mme Stéphanie Cherbonnier, cheffe de l’OFAST

    Mme Laurence Larhant, cheffe du pôle stratégie

    Mme Christine Gonzalez-Demichel, cheffe du SSMSI

    M. Aurélien Poissonnier, chef du bureau des études et statistiques territoriales et sur les relations avec la population (BESTRP)

Tables rondes consacrées aux territoires

    M. Alexandre Rochatte, préfet de la région Guadeloupe

    Général Vincent Lamballe, commandant de la gendarmerie de Guadeloupe

    M. Laurent Chavanne, commissaire divisionnaire, directeur territorial de la police nationale

    M. Edouard Delta, maire de Anse Bertrand

    M. Francs Baptiste, maire de Sainte-Anne

    M. Florent Charin, directeur général des services de Sainte-Anne

    M. José Coco, chef de la police municipale de Sainte-Anne

    M. Yann Ceranton, directeur du service de la vie des quartiers de Sainte-Anne

    M. Thierry Queffelec, préfet de la région Guyane

    Général Jean-Christophe Sintive, commandant de la gendarmerie de Guyane

    M. Frédéric Martinez, directeur territorial adjoint de la police nationale

    Mme Sylvette Antoine, directrice du centre pénitentiaire de Guyane

    M. Cédric Debons, directeur général de la sécurité, de la réglementation et des contrôles

    M. Jérôme Filippini, préfet de La Réunion

    M. Laurent Fraysse, directeur territorial de la police nationale

    M. Pascal Bruneau, chef d'établissement du centre pénitentiaire de Saint-Denis

    M. Jean-Christophe Bouvier, préfet de la région Martinique

    Général William Vaquette, commandant de la gendarmerie de Martinique 

    M. Guillaume Mauger, commissaire divisionnaire, directeur territorial de la police nationale

    M. Joseph Coly, chef d’établissement du centre pénitentiaire de Ducos

    M. Didier Laguerre, maire de Fort-de-France

    M. Xavier Lédée, président de la Collectivité

    M. Olivier Basset, directeur de cabinet

    M. Michel Laplace, directeur général des services

    M. Thierry Verres, directeur de la police territoriale de Saint-Martin

 

 

Syndicats de police

    M. Cédric Boyer, délégué national Outre-mer

    M. Josias Claude, secrétaire départemental Paris et référent Outre-mer

    M. Jean-Yann William, secrétaire départemental aéroports de Paris et référent Outre-mer

    M. Bruno Cossin, secrétaire national du pôle province et Outre-mer

Contribution écrite

La préfecture de Mayotte a également fourni une contribution écrite à votre rapporteur.

    

 


([1]) Chiffres arrondis.

([2]) Source : projet de loi de finances pour 2023, exposé général des motifs.

([3]) L’écart significatif constaté entre 2018 et les années suivantes est dû à la disparition du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) sur l’ensemble du territoire national (), qui avait induit une redéfinition du périmètre des exonérations spécifiques à l’outre-mer dès le 1er janvier 2019, avec pour conséquence une augmentation des crédits de la mission.

([4]) https://www.le-sma.com

([5]) L’enseignement est une compétence de l’État à Wallis-et-Futuna, conformément à la loi statutaire n° 61-814 du 29 juillet 1961 (article 7).

([6]) Cet établissement de crédit apporte « une garantie partielle à des opérations de refinancement engagées par les établissements de crédit en faveur des TPE et PME intervenant dans les collectivités d’outre-mer du Pacifique » (source : PAP 2023).

([7]) Loi n° 2017‑256 du 28 février 2017 de programmation relative à l’égalité réelle outre-mer et portant autres dispositions en matière sociale et économique.

([8]) Trop souvent transformée en île dans les discours politiques, la Guyane, rappelons-le, est bien arrimée au continent américain et partage ainsi 730 km de frontières avec le Brésil et 560 km avec le Suriname.

([9]) Source : OFAST.

([10]) Source : audition menée par le rapporteur.

([11]) L’ice est le nom donné en Polynésie française à la métaamphétamine synthétisée sous forme de cristaux.

([12]) Source : Ministère de l’Intérieur, janvier 2022.

([13]) La chimique désigne un mélange de tabac trempé dans de l’alcool auquel sont ajoutés des cannabinoïdes de synthèse. Son faible prix favorise sa diffusion rapide : environ 10 euros la dose (une ou deux cigarettes).

([14]) Une approche différente a toutefois été exprimée au cours de l’audition « table ronde » menée par votre rapporteur et consacrée à la Guyane, l’un des intervenants estimant que les armes blanches se substitueraient si besoin aux armes à feu.

([15]) Source : audition menée par le rapporteur.

([16]) Nom comorien d’un type de canot de pêche à fond plat.

([17])  Des arrivées en masse ont été observées entre 2018 et 2019, ainsi que plus récemment en juillet et septembre 2022.

([18])  Recours au « look like » à partir de vrais documents, faux rapprochements familiaux, faux documents, détournement d’EVASAN, détournement du droit de séjour…

([19]) Les représentants des syndicats de police ont déploré que cette réforme soit le prétexte pour confier à des effectifs des tâches non prévues pour lesquelles ils ne sont pas correctement formés. Sans surprise, la direction générale de la police nationale a défendu la souplesse offerte par la réforme dans la gestion des effectifs et évoqué le bilan positif effectué par l’IGPN en 2020 dans les premiers territoires concernés.

([20]) Les données présentées ci-après sur les départements et régions d’outre-mer sont issues de l’étude de l’INSEE, « Une pauvreté marquée dans les DOM, notamment en Guyane et à Mayotte », 1er juillet 2020 (lien).

([21]) Les données récentes sont plus difficiles à obtenir pour les collectivités de l’article 74 de la Constitution et la Nouvelle-Calédonie.

([22]) Le seuil de pauvreté national correspond à 60 % du niveau de vie médian en France. Le seuil de pauvreté local correspond à 60 % du niveau de vie médian dans le département considéré. En application du seuil de pauvreté local, les taux de pauvreté vont de « seulement » 16 % (La Réunion) à 42 % (Mayotte).

([23]) Source : IEDOM, « Tableau de bord des outre-mer », données arrêtées au 1er août 2022 (lien). La Polynésie française, Saint-Barthélemy et Saint-Pierre et Miquelon connaissent en revanche des taux plus faibles.

([24]) Sauf mention contraire, les chiffres présentés ci-après sont issus des données transmises directement à votre rapporteur par le SSMSI ainsi que, pour les chiffres relatifs aux homicides, de la fiche thématique « outre-mer » du rapport du SSMSI « Insécurité et délinquance en 2020 : bilan statistique » (lien).

([25]) Collectivités régies par l’article 74 de la Constitution et Nouvelle-Calédonie.

([26]) Les données relatives aux collectivités de l’article 74 qui sont les moins peuplées ne sont pas diffusées par le SSMSI car considérées comme moins fiables. Il s’agit de territoires où sont recensés entre 6 000 habitants (Saint-Pierre-et-Miquelon) et 35 000 habitants (Saint-Martin). Entre les deux, on compte aussi Saint-Barthélemy et Wallis-et-Futuna.

([27])  La seule exception concerne les faits de violences intrafamiliales à Mayotte (2 pour 1000).

([28]) Pour les collectivités d’outre-mer et la Nouvelle-Calédonie les données pour la même période ne sont pas disponibles. Les évolutions 2021/2020, disponibles, sont quant à elles difficilement exploitables en raison de l’impact des mesures sanitaires.

([29]) Rapport n° 4404 du 21 juillet 2021 de MM. Lénaïck Adam, président, et Gabriel Serville, rapporteur, au nom de la commission d’enquête sur la lutte contre l’orpaillage illégal en Guyane (lien).

([30]) Source : INSEE, « Une délinquance hors norme », enquête cadre de vie et sécurité à Mayotte, 8 novembre 2021 (lien).

([31]) Source : auditions menées par le rapporteur.

([32]) Source : SSMSI, « Insécurité et délinquance en 2021 : bilan statistique » (lien).

([33]) En mars 2018, les autorités comoriennes ont décidé de bloquer les réadmissions de leurs ressortissants en situation irrégulière à Mayotte. La France a suspendu la délivrance de visas aux Comoriens et les réadmissions ont pu reprendre à un rythme normal en novembre 2018.

([34]) Ces derniers déplorent que « les gens n’ont plus peur de rien ».

([35]) Cette note, non datée, a été divulguée dans la presse.

([36]) Source : Communiqué de presse de M. Gabriel Serville, jeudi 15 septembre 2022 (lien).

([37])  En 2018, un rapport de visite du contrôleur général des lieux de privation de liberté observait par ailleurs que « les surveillants sont livrés à eux-mêmes, sans contrôle ni soutien » (Rapport de visite : 1er au 12 octobre 2018, 2ème visite, centre pénitentiaire de Rémire-Montjoly (lien)).

([38]) À titre d’exemple, ces formations ont pu porter sur les techniques d’interpellation, l’emploi des armes ou l’entraînement au tir, l’habilitation taser ou l’accueil des victimes de violences intrafamiliales.

([39]) Rapport d'information n° 114 (2021-2022) de MM. François-Noël Buffet, Stéphane Le Rudulier, Alain Marc et Thani Mohamed Soilihi, fait au nom de la commission des lois, déposé le 27 octobre 2021 (lien).