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N° 364

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ASSEMBLÉE  NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 19 octobre 2022.

 

 

AVIS

 

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2023,

 

 

 

TOME III

 

TRAVAIL ET EMPLOI

 

 

 

PAR M. Pierre DHARRéVILLE,

 

Député.

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  273, 292 (annexe n° 47).

 

 

 


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SOMMAIRE

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  Pages

introduction

PremiÈre partie : unE HAUSSE RÉELLE MAIS RELATIVE des crÉdits de la mission travail et emploi

I. Le programme 102 accÈs et retour À l’emploi

II. Le programme 103 Accompagnement des mutations Économiques et dÉveloppement de l’emploi

III. Le programme 111 AmÉlioration de la qualitÉ de l’emploi et des relations du travail

IV. Le programme 155 Conception, gestion et Évaluation des politiques de l’emploi et du travail

V. l’article 47, rattaché à la mission travail et emploi

SECONDE PARTIE : deux sujets de préoccupation majeure À l’aube de la nouvelle législature

PremiÈre sous-partie : la réforme annoncée du service public de l’emploi

I. Le rapprochement, déjà amorcé, des acteurs de l’accompagnement des privés d’emploi sous la bannière encore floue de « France Travail »

A. Le bilan plutôt positif d’une collaboration renforcée entre pôle emploi et les autres acteurs du service public de l’emploi...

B. ... Qui peut être approfondiE dans le respect des structures existantes

II. Une réforme préparée à l’écart du Parlement suscitant de fortes inquiétudes

A. dans le contexte de la réforme de l’assurance chômage, UnE préfiguration de France Travail à l’écart du parlement

B. Une expérimentation de France Travail centrée sur le suivi des bénéficiaires du Revenu de SolidaritÉ Active et qui ne répond pas aux craintes des acteurs de terrain

SECONDe sous-partie : L’inspection du travail, un service public en crise

I. Une organisation territoriale imparfaite

A. La situation avant l’élaboration du plan « ministère fort »

B. L’architecture issue du plan « ministère fort »

II. Une action orientée autour d’axes prioritaires et d’objectifs chiffrés qui ne font pas l’unanimité

III. Une gestion des ressources humaines défaillante

A. Des effectifs très insuffisants

B. Un plan de transformation des contrôleurs du travail en inspecteurs inabouti

C. Une formation de qualité insatisfaisante

Travaux de la commission

I. Audition DU ministre

II. Examen des crédits

ANNEXE : Liste des personnes ENTENDUEs par lE rapporteur

 


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   introduction

 

 

Travail et emploi. Copieux programme.

Les deux sont au cœur de contradictions et de confrontations intenses. Quels emplois se développent pour y accomplir quel travail ? En somme, dans quelles conditions travaillons-nous ? Que produisons-nous et que devenons-nous dans le travail ? L’humain est-il pleinement respecté dans l’emploi, l’est-il pleinement dans son travail ?

La puissance publique ne saurait se tenir à l’écart de ces enjeux. Et à s’en mêler, elle doit peser dans le bon sens. Mais en a-t-elle les moyens ? Dispose-t-elle des bons outils ? Que ce soit pour l’accompagnement, la formation, l’insertion, la santé, la sécurité, le droit…

La mission Travail et emploi doit matérialiser l’engagement de l’État.

Or, la discussion du projet de loi de finances (PLF) pour 2023 intervient dans un contexte économique et social dégradé en raison de l’inflation que connaît notre pays depuis des mois et de ses conséquences désastreuses sur le pouvoir d’achat, sur le pouvoir de vivre des Françaises et des Français.

Elle intervient, par ailleurs, dans un contexte politique marqué par l’existence d’une majorité fragile d’une part et par la brutalité qui caractérise l’action du pouvoir exécutif à l’égard du pouvoir législatif et des acteurs sociaux d’autre part.

Ironie du calendrier, la commission des affaires sociales a débattu des crédits de la mission Travail et emploi alors que la Première ministre engageait la responsabilité du Gouvernement sur la première partie du PLF aux fins de prévenir un rejet qui aurait condamné l’examen de la seconde partie, sur laquelle le Gouvernement prévoit néanmoins d’engager sa responsabilité dans les jours qui viennent.

Ironie encore, le Gouvernement a lancé une réforme de l’assurance‑chômage pour en faire une variable des politiques de l’emploi et a annoncé une réforme du service public de l’emploi à ce jour nébuleuse.

On ne peut pas dire que les débats en commission aient permis de faire la lumière sur toutes les interrogations des députés. On ne peut que constater qu’ils n’ont pas débouché sur des modifications du budget.

Certes, les crédits de la mission évoluent à la hausse. Mais il faut se garder de tout triomphalisme car l’augmentation doit être relativisée, ainsi que le montreront les développements qui suivent. Et l’effort budgétaire, trop longtemps attendu, ne suffira de toute façon pas à calmer les inquiétudes face aux effets prévisibles des réformes engagées ou annoncées, du détricotage de l’assurance chômage au report de l’âge de départ à la retraite en passant par la redéfinition des modalités d’accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA)...

Il faut maintenant espérer, avec un peu de candeur, que le travail en séance publique permettra de faire bouger les lignes tracées par le Gouvernement.

    


—  1  —

   PremiÈre partie : unE HAUSSE RÉELLE
MAIS RELATIVE des crÉdits de la mission travail et emploi

Les crédits de la mission Travail et emploi augmentent de 4,5 milliards d’euros (+ 28,47 %) en autorisations d’engagement et de 6,2 milliards d’euros en crédits de paiement (+ 42,57 %) pour atteindre 20,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 20,9 milliards d’euros en crédits de paiement en 2023. Cette hausse notable est, d’une part, nécessaire pour assurer le financement de tous les objectifs de la mission – a fortiori au regard de l’inflation jugée « plausible » ([1]) de 4,2 % par le Haut Conseil des finances publiques – et compense, d’autre part, la disparition du programme 364 Cohésion de la mission Plan de relance dont les crédits de paiement s’élevaient en loi de finances initiale (LFI) pour 2022 à 3,7 milliards d’euros.

Au regard des crédits affectés globalement à la mission Travail et emploi, il apparaît que le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 consacre une hausse réelle de moyens à cette mission – une hausse que le rapporteur appelle de ses vœux depuis de nombreuses années.

Ce constat ne doit cependant pas masquer quelques évolutions contrastées des dotations des programmes qui composent la mission.

Le programme 102 voit, en effet, ses autorisations d’engagement et ses crédits de paiement diminuer pour s’établir respectivement à près de 7,6 milliards d’euros (– 5,91 %) et 7,4 milliards d’euros (– 4,82 %).

Le programme 103 voit ses autorisations d’engagement significativement augmenter de 70,84 % tandis que ses crédits de paiement font plus que doubler (+ 107,93 %), s’établissant respectivement à 11,9 milliards et près 12,7 milliards d’euros. Cette hausse est due, pour une très large part, au transfert des crédits dédiés à l’activité partielle qui figuraient, auparavant, dans la mission Plan de relance.

Le programme 111 voit ses autorisations d’engagement croître de 28,49 % pour s’établir à 73,7 millions d’euros et ses crédits de paiement augmenter de 19,51 % pour s’établir à 110,5 millions d’euros. Cette hausse est largement portée par le doublement des crédits consacrés à l’action Renforcement de la prévention en santé au travail introduite en LFI pour 2022.

Le programme 155 voit ses autorisations d’engagement et ses crédits de paiement légèrement augmenter de 3,8 % et atteindre respectivement 686,6 millions et 681 millions d’euros.

RÉCAPITULATION DES CRÉDITS DE LA MISSION tRAVAIL ET EMPLOI PAR PROGRAMME

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programmes

LFI
2022

PLF
2023

LFI
2022

PLF
2023

102 – Accès et retour à l’emploi

8 109,37

7 630,41

7 809,65

7 433,08

103 – Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi

6 964,66

11 898,19

6 084,92

12 652,36

111 – Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations du travail

57,40

73,75

92,43

110,46

155 – Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail

661,68

686,61

656,14

681,08

TOTAL

15 793,10

20 288, 96

14 643, 14

20 876, 97

Source : projet annuel de performances de la mission Travail et emploi annexé au projet de loi de finances pour 2023.

I.   Le programme 102 accÈs et retour À l’emploi

Les crédits du programme 102, qui a pour objectif de favoriser l’accès et le retour à l’emploi des privés d’emploi, en particulier de ceux qui en sont le plus éloignés, sont en baisse de 377 millions d’euros par rapport à la LFI pour 2022 (– 4,82 %). Les autorisations d’engagement suivent la même dynamique et diminuent de 5,91 %.

Cette baisse globale traduit toutefois des mouvements contraires au sein du programme.

● L’action 1 Amélioration de l’efficacité du service public de l’emploi voit ses crédits diminuer de 311 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement (– 9,12 %). L’exécutif explique cette baisse par l’amélioration de la situation du marché du travail ([2]). Il a pourtant porté une réforme de l’assurance chômage visant à abaisser les droits pour les rendre plus « incitatifs ». Il eût été plus juste et plus approprié de maintenir l’effort d’amélioration de « l’efficacité du service public de l’emploi » pour répondre aux besoins d’accompagnement et de recrutement. Ce d’autant que le chômage demeure massif et que la mise en relation des disponibilités et des besoins constitue un enjeu prégnant.

Cette évolution est le produit de deux tendances opposées :

– la baisse de la dotation de la sous-action 1 Indemnisation des demandeurs d’emploi à hauteur de 492 millions d’euros (– 21,03 %). Cette action assure notamment le financement des allocations de solidarité pour les personnes en fin de droit à l’assurance chômage. Or, le PLF pour 2023 se fonde sur l’hypothèse d’une diminution du nombre de bénéficiaires de cette allocation de l’ordre de 80 000 allocataires. Est également anticipée une diminution du nombre de bénéficiaires de l’allocation de professionnalisation et de solidarité (APS). Ces hypothèses sont d’autant plus hasardeuses avec la réforme de l’assurance chômage en cours d’adoption qui aura pour effet des fins de droits plus précoces.

– la hausse de la dotation de la sous-action 2 Coordination du service public de l’emploi, à hauteur de 181 millions d’euros (+ 16,92 %). À rebours de la tendance constatée sur l’ensemble du quinquennat, le montant des crédits versés à Pôle emploi au titre de la subvention pour charges de service public augmente de 136 millions d’euros par rapport à la LFI pour 2022 et s’élève à 1 250,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement contre 1 064,5 millions l’an dernier. Cette hausse est justifiée par « la pérennisation des ETPT accordés à l’opérateur pour la mise en œuvre du contrat d’engagement jeune, ainsi que la poursuite du déploiement du parcours de remobilisation des demandeurs d’emploi, et le maintien de sa mobilisation vers les entreprises dans un contexte de fortes tensions de recrutement » ([3]).

Cette augmentation n’est cependant qu’un léger rattrapage au regard du reflux de la part de l’État dans le financement de Pôle emploi, qui a baissé pendant cinq années consécutives. En 2015, la convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi prévoyait à l’origine un financement de 1 507 millions d’euros ([4]) . Nous en sommes encore loin, sans même compter en euros constants. Par ailleurs, la subvention versée par l’Unédic restera à 11 %. Le ratio entre les deux financeurs pourrait ne pas être fondamentalement affecté par ce choix.

En revanche, le rapporteur note une diminution du plafond d’emplois de Pôle emploi qui s’établit à 48 847 dans le PLF pour 2023 contre 48 878 en LFI pour 2022. Si le Gouvernement évoque une « quasi-stabilité ([5]) » des effectifs, le rapporteur estime que cette diminution, compte tenu des évolutions annoncées du service public de l’emploi, est préjudiciable aux conditions de travail de l’opérateur. Elle est de surcroît à mettre en perspective avec les 50 228 ETPT qui étaient encore financés en 2017. Cette baisse envoie un signal à Pôle emploi qui n’annonce pas une amélioration des conditions de travail des agents, signal d’autant plus problématique au moment où s’engage la mise en œuvre de France Travail.

Le rapporteur souhaite alerter sur la qualité de l’emploi, notamment du fait du plafond en équivalents temps plein. Un établissement comme Pôle emploi se doit d’être particulièrement exemplaire en la matière pour permettre à ses agents d’accompagner au mieux les privés d’emploi. Or, d’après une source syndicale, la proportion de personnel en CDD serait passée de 5 % environ en 2019 à 12 % en 2020 puis à 13 % en 2021, avec de fortes disparités locales, certains sites sensibles pouvant atteindre jusqu’à 50 %.

● L’action 2 Amélioration des dispositifs en faveur de l’emploi des personnes les plus éloignées du marché du travail voit ses crédits croître pour atteindre 4 532,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et 4 304 millions d’euros en crédits de paiement, soit une augmentation respective de 9,92 % et 15,66 %.

Contrairement à la situation qui prévalait dans le PLF pour 2022, cette hausse n’est pas portée par un financement plus élevé des contrats aidés puisque la sous‑action 1 Insertion dans l’emploi au moyen de contrats aidés qui en assure le financement diminue de 7,25 % en autorisations d’engagement et 7,68 % en crédits de paiement. En effet, alors que les contrats aidés avaient été remobilisés dans le contexte de la crise sanitaire, leur nombre diminue de nouveau : 80 000 parcours emploi compétences (PEC) pour le secteur non marchand et 31 150 contrats initiative emploi jeunes (CIE) dans le secteur marchand. Pour rappel, 100 000 PEC et 45 000 CIE étaient financés en LFI pour 2022, un niveau bien en deçà des 459 000 contrats aidés encore observés en 2016 ([6]).

Le rapporteur déplore cette nouvelle baisse au détriment des jeunes qui pourraient ainsi entrer dans l’emploi et craint qu’elle conduise, par ailleurs, à une nouvelle fragilisation du tissu associatif.

La sous-action 2 Accompagnement des publics les plus en difficultés augmente à hauteur de 468,8 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 14,22 %) et 626,6 millions d’euros en crédits de paiement (+ 19,89 %). Elle finance :

– le soutien au secteur de l’insertion par l’activité économique (IAE), par l’intermédiaire du Fonds d’inclusion dans l’emploi pour lequel sont prévus 1 316,3 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une hausse respective de 3,27 % et 1,27 % par rapport à 2022.

ÉVOLUTION DU FINANCEMENT DES MESURES EN FAVEUR DE L’INSERTION
PAR L’ACTIVITÉ ÉCONOMIQUE ENTRE 2022 et 2023

(en millions d’euros)

 

PLF 2022

(en AE et CP)

PLF 2023

(en AE et CP)

Évolution

(en %)

Associations intermédiaires (AI)

31,20

31,90

+ 2,24

Ateliers et chantiers d’insertion (ACI)

861,61

891,08

+ 3,38

Entreprises d’insertion (EI)

208,92

222,59

+ 6,54

Entreprises de travail temporaire d’insertion (ETTI)

83,09

91,88

+ 10,58

Entreprises d’insertion par le travail indépendant (EITI)

5,74

7,85

+ 36,76

Expérimentations

10,19

14,64

+ 43,67

Contrats passerelles

3,28

1,39

– 57,62

Aides à la création d’activité

15,00

25,00

+ 66,67

Fonds de développement de l’inclusion

50,88

30,00

– 41,04

TOTAL

1 269,91

1 316,33

+ 3,66

Source : projets annuels de performances de la mission Travail et emploi annexés aux projets de loi de finances pour 2022 et 2023.

Le rapporteur juge utile de souligner que le financement de 7 000 ETP supplémentaires évoqué par le ministre du travail devant la commission des affaires sociales constitue pour partie une mesure de rattrapage consécutive à l’absence de réalisation de l’objectif fixé pour 2022 ;

– les mesures en faveur de l’emploi des personnes handicapées, étant observé que la quasi-totalité des crédits ouverts, soit 517 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, sont destinés au financement de l’aide au poste dans les entreprises adaptées (497,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement). Ces crédits seront d’ailleurs complétés par une contribution de l’Association de gestion du fonds pour l’insertion des personnes handicapées (Agefiph) d’un montant de 50 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement ;

– les mesures d’accompagnement renforcé des jeunes vers l’emploi à hauteur de 1 818,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 1 829,3 millions d’euros en crédits de paiement.

Cet accompagnement se matérialise, notamment, par des dépenses relatives :

En 2022, les missions locales se sont engagées pour l’accompagnement de 200 000 jeunes bénéficiaires en CEJ ou garantie jeunes dans la continuité de l’objectif afférent au nombre d’entrées en garantie jeunes fixé pour 2021. Pour 2023, les crédits prévus permettront le maintien de cet objectif de 200 000 nouveaux jeunes accompagnés en CEJ par les missions locales ainsi que le maintien de 100 000 jeunes accompagnés en CEJ par Pôle emploi, soit un objectif total de 300 000 entrées en CEJ.

Le rapporteur regrette que ce dispositif reste toutefois sous-dimensionné pour apporter à lui seul une réponse aux 1 500 000 jeunes âgés de 15 à 29 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation ([7]). Il conviendrait de conduire une évaluation partagée de ces dispositifs, notamment sur le contenu des 15 à 20 heures hebdomadaires proposées aux personnes concernées afin de s’assurer que la formule peut s’adapter à tous les profils visés sans formalisme ;

– l’expérimentation territoriale visant à résorber le chômage de longue durée, en hausse continue afin de financer la montée en puissance de l’expérimentation permise par la loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ». En 2023, accompagnant la montée en charge du dispositif et l’augmentation du nombre de territoires concernés, elle s’élèvera à 44,9 millions d’euros contre 33,2 millions d’euros en 2022 et 22,6 millions d’euros en 2021.

Au total, les crédits afférents à la sous-action 2 s’élèvent à 3 765,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3 776,3 millions d’euros en crédits de paiement.

● Sur le programme 102, l’action 3 Plan d’investissement des compétences finance des parcours nationaux d’accompagnement tel que l’appel à projets PIC repérage. La majorité des crédits du PIC sont concentrés dans le programme 103.

Au total, l’enveloppe des crédits du PIC sur le programme 102 est de 30,8 millions d’euros en crédits de paiement.

II.   Le programme 103 Accompagnement des mutations Économiques et dÉveloppement de l’emploi

Les crédits du programme 103 ont pour objectifs d’anticiper et d’accompagner les conséquences des mutations économiques sur l’emploi, de prévenir le licenciement et le reclassement des salariés. Ils visent à améliorer la reconnaissance des compétences et des qualifications à travers le déploiement du plan d’investissement dans les compétences (PIC).

Ce programme connaît une hausse significative, les autorisations d’engagement augmentant de 4 934 millions d’euros, soit une hausse de 70,84 %, tandis que les crédits de paiement augmentent sensiblement de 6 567 millions d’euros, soit une progression de 107,93 %.

● Cette dynamique repose sur l’action 1 Anticipation et accompagnement des mutations économiques sur l’emploi, qui voit ses autorisations d’engagement augmenter de 508 millions d’euros (+ 82,75 %) et ses crédits de paiement croître de près de 332 millions d’euros (+ 53,26 %).

Cette hausse est portée, dans une moindre mesure, par la sous-action 1 Développement de l’emploi en TPE-PME (+ 19,81 % en autorisations d’engagement, + 37,76 % en crédits de paiement) qui contribue au financement :

– de l’appui aux filières, aux branches et aux entreprises pour un montant de 407,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et de 376,9 millions d’euros en crédits de paiement qui se traduit par les engagements de développement de l’emploi et des compétences (EDEC), les prestations de conseil en ressources humaines (PCRH), les marchés d’appui aux mutations économiques, le dispositif « Transitions collectives » et le dispositif Fonds national de l’emploi‑Formation (FNE-Formation) ;

Le projet annuel de performances (PAP) indique que le « FNE-Formation doit permettre de poursuivre l’effort engagé en 2020, 2021 et 2022 afin notamment d’accompagner les entreprises vers la transition écologique, poursuivre la digitalisation et favoriser la souveraineté économique et énergétique [...] » et qu’il « financera les formations des agents de sécurité pour la tenue des jeux olympiques 2024 en France » ([9]). Toutefois, les 300 millions d’euros supplémentaires ouverts en autorisations d’engagement et 95 millions d’euros de crédits de paiement résultent en partie d’un effet de périmètre car les crédits dédiés au financement du FNE‑Formation provenaient du programme 364 Cohésion de la mission Plan de relance en LFI pour 2022 ;

– des emplois francs pour un montant de 299,7 millions d’euros en autorisations d’engagement (– 22,6 %) et de 161,1 millions d’euros en crédits de paiement (– 1,5 %). Généralisée au 1er janvier 2020 à l’ensemble du territoire national ([10]), l’expérimentation a connu une lente montée en puissance pour atteindre 83 070 emplois francs signés au 24 juillet 2022. Le PLF pour 2022 avait fixé une cible de 36 000 entrées qui a été actualisée à 26 000. En cohérence avec cette nouvelle cible, le PLF pour 2023 vise 25 000 entrées.

La sous-action 2 Implication des branches et des entreprises dans la prévention du licenciement et le reclassement des salariés connaît une hausse, à première vue spectaculaire de 1 655,68 % en autorisations d’engagement et 79,18 % en crédits de paiement. Cette hausse est toutefois portée par le rapatriement des crédits dédiés à l’activité partielle au sein du programme 103 alors que ce dispositif était financé par le programme 356 Prise en charge du chômage partiel et financement des aides d’urgence aux employeurs et aux actifs précaires à la suite de la crise sanitaire et 364 Cohésion de la mission Plan de relance en LFI pour 2022. L’activité partielle représente la quasi-totalité de cette sous-action – 400 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement sur les 414,6 millions d’autorisations d’engagement et 418,6 millions d’euros de crédits de paiement que compte la sous-action.

Les crédits restants sont destinés à l’aide à l’embauche « seniors » pour les contrats de professionnalisation (4 millions d’euros), à l’allocation temporaire dégressive (0,8 million d’euros), aux cellules d’appui à la sécurisation professionnelle (2,3 millions d’euros) et aux compensations d’exonérations de cotisations sociales (7,48 millions d’euros).

● L’action 2 Amélioration de l’insertion dans l’emploi par l’adaptation des qualifications et la reconnaissance des compétences atteint 6 746,1 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de 324,19 % par rapport à l’année précédente et 5 548,6 millions d’euros en autorisations d’engagement, soit une hausse de 149,20 %.

La sous-action 3 Reconnaissance des compétences acquises par les personnes finance les dispositifs de validation des acquis de l’expérience (VAE), conjointement avec les conseils régionaux. Comme l’année passée, une dotation de 1 million d’euros est prévue. Le rapporteur s’interroge quant au financement des mesures prises dans le projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi en cours d’examen au Parlement concernant la VAE alors qu’aucune augmentation des crédits n’est prévue pour l’année 2023.

La sous-action 4 Amélioration de l’accès à la qualification par le développement de l’alternance et de la certification assure le financement :

– du secteur de la formation professionnelle, principalement à travers des subventions à des organismes nationaux (dont la subvention pour charges de service public de l’État à l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA), qui s’élève, comme en 2022, à 110 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement). Le montant n’a pas varié depuis 2018. Son chiffre d’affaires est remonté aux environs de 700 000 euros avec un accompagnement de l’État qui ne change pas et une subvention exceptionnelle versée chaque année qui devrait désormais être pérennisée. De même, l’AFPA voit son plafond d’ETP baisser de 61, comme si l’État voulait continuer à marquer une volonté d’austérité à l’égard d’un établissement qui a déjà été beaucoup affecté et dont la situation financière connaît une nette amélioration et mériterait une augmentation du plafond, calibré sur un chiffre d’affaires aux environs de 550 000 euros annuels. Cette situation est paradoxale, alors même que le nombre d’emplois réels qui concourent à son fonctionnement va bien au-delà, avec 1 700 à 1 800 personnes en contrats à durée déterminée, ce qui pèse sur la stabilité de l’offre et sur sa qualité ;

– du centre pour le développement de l’information sur la formation permanente (Centre INFFO), à hauteur de 3,83 millions d’euros ;

– de France compétences, opérateur pivot de la formation professionnelle dont la trésorerie doit être soutenue (1 680 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement). Les principales recettes de France compétences (la contribution unique à la formation professionnelle et à l’alternance – CUFPA) sont assises sur la masse salariale. Toutefois, l’exécutif indique que l’augmentation de la masse salariale anticipée ne suffira pas à couvrir les dépenses prévisionnelles de France compétences en raison du dynamisme de l’apprentissage ([11]). Pour rappel, une subvention exceptionnelle de 2 milliards d’euros lui a déjà été accordée dans le cadre de la loi de finances rectificative (LFR) du 16 août 2022 ([12]) au regard de sa situation de trésorerie, ce qui interpelle le rapporteur quant au caractère chronique du déficit de France compétences, témoignage de la réussite discutable de la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel ([13]).

Les crédits de cette sous-action 4 soutiennent le développement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation. À ce titre, sont financés :

– l’exonération de cotisations sociales pour les contrats d’apprentissage, pour un montant de 1 386,4 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, soit une hausse de 47,7 % par rapport à l’année 2022. Il est précisé que « les exonérations spécifiques de cotisations sociales dont bénéficiaient les contrats de professionnalisation ainsi que les employeurs privés d’apprentis ont été supprimées au 1er janvier 2019, au profit d’allègements généraux, compensés à la Sécurité sociale par voie fiscale » ([14]) ;

– les dispositifs en faveur de l’alternance, à hauteur de 2 336 millions d’euros en autorisations d’engagement et 3 533,1 millions d’euros en crédits de paiement, afin de maintenir la dynamique de l’alternance observée depuis 2019 ([15]). L’augmentation des crédits est en partie due à un effet de périmètre car une partie provenait du programme 364 Cohésion de la mission Plan de relance. Le Gouvernement s’engage à lancer une concertation avec les partenaires sociaux sur les futures modalités de soutien à l’alternance. Il faut, en effet, rappeler que cette dynamique est largement portée par les aides exceptionnelles du plan de relance qui ont un effet accélérateur incontestable sur le recours à l’alternance ;

– des organismes de formation qualifiante (CARIF, OREF, ARACT) dans le cadre des contrats de plan État-région (CPER), pour un montant de 20,1 millions d’euros (– 6,8 %) et 20,6 millions d’euros en crédits de paiement (– 5,3 %) ;

– l’aide à la mobilité des jeunes pour les échanges franco-allemands pour un montant de 0,7 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, comme l’année passée ;

– les écoles de production pour un montant de 10,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement (+ 275 %).

● L’enveloppe de l’action 3 Développement de l’emploi est fixée à 3 642 millions d’euros en crédits de paiement, en hausse de 5,18 %.

Les crédits de cette action financent les dispositifs d’exonérations de cotisations sociales accordées à certains secteurs (services à la personne) et à certains territoires, ainsi que des aides à la création et à la reprise d’entreprises, au développement des nouvelles formes d’emploi ou à des dispositifs propres à l’outre‑mer.

● L’action 4 Plan d’investissement dans les compétences, enfin, voit ses crédits augmenter de 923,1 millions d’euros pour atteindre 1 589,4 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 138,55 %) et 899,8 millions d’euros en crédits de paiement (+ 220,65 %).

Toutefois, au global, les ressources mises à la disposition du PIC sont en baise puisqu’elles atteindront 2,4 milliards d’euros en autorisations d’engagement contre 2,9 milliards en 2022 et 1,7 milliard en crédits de paiement contre 3 milliards en 2022, soit une baisse de 17,24 % en autorisations d’engagement et 42,32 % en crédits de paiement.

RESSOURCES DU PLAN D’INVESTISSEMENT DANS LES COMPÉTENCES EN 2023

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Crédits budgétaires

1 600

1 349

dont programme 102

0

30,74

dont programme 103

1 589,36

130,765

dont programme 155

10,64

10,64

Crédits Fonds de concours

800

400

Total

2 400

1 749,03

Source : projet annuel de performance de la mission Travail et emploi annexé au projet de loi de finances pour 2023.

Le financement du PIC vise à remplir cinq objectifs stratégiques :

– financer des travaux de prospective et la création d’outils d’analyse des besoins en compétences ;

– financer la mise en place d’actions de repérage des jeunes en situation de décrochage qui ne bénéficient aujourd’hui pas de l’accompagnement du service public de l’emploi ;

– financer les parcours de formation, par le biais des pactes régionaux d’investissement dans les compétences (PRIC) et d’autres dispositifs piliers POEC (préparations opérationnelles à l’emploi collectives), POEI (préparations opérationnelles à l’emploi individuel) et HOPE (hébergement, orientation, parcours vers l’emploi des réfugiés) gérés par Pôle emploi ;

– expérimenter et financer la montée en charge de dispositifs expérimentés dans le cadre de précédents appels à projets comme « 100 % inclusion » au bénéfice des jeunes et privés d’emploi peu ou pas qualifiés ou « intégration professionnelle des réfugiés » qui soutient les projets contribuant à l’intégration des bénéficiaires d’une protection internationale (BPI) ;

– développer et assurer l’interconnexion entre les systèmes d’information de la formation professionnelle grâce à différents outils : plateforme Agora, OuiForm (outil dématérialisé d’orientation développé initialement par Pôle emploi en collaboration avec la région Grand Est, aujourd’hui proposé aux missions locales et aux départements).

III.   Le programme 111 AmÉlioration de la qualitÉ de l’emploi et des relations du travail

Les crédits ouverts au titre du programme 111, qui a pour objectif l’amélioration des conditions d’emploi et de travail des salariés du secteur concurrentiel, augmentent de 16,4 millions d’euros en autorisations d’engagement (+ 28,49 %) pour s’établir à 73,7 millions d’euros et de 18 millions d’euros en crédits de paiement, atteignant 110,5 millions d’euros (+ 19,51 %).

Le rapporteur constate que le programme 111 connaît des cycles dans ses besoins de crédits qui correspondent au renouvellement des conventions pluriannuelles et à l’évolution des besoins de financement pour les projets de mesure d’audience, et à la variation des crédits alloués pour la mise en œuvre des réformes.

● L’action 1 Santé et sécurité au travail voit ses crédits diminuer de 2,47 % en autorisations d’engagement pour atteindre 23,7 millions d’euros mais ils restent stables en crédits de paiement à 24 millions d’euros. Ces crédits sont essentiellement consacrés au financement de l’activité de l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (ANACT) (9,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) et de l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) (8,2 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement). La stagnation des crédits de l’ANSES empêche l’agence d’accomplir pleinement le travail qui est attendu d’elle. C’est par exemple le cas pour les études liées aux tableaux des maladies professionnelles, à l’image de celles autour de l’amiante, précieuses mais partielles. Le besoin en études s’exprime fortement autour de ces enjeux sanitaires, tant elles sont le socle d’une action de prévention vigoureuse qui appelle des transformations de nos modes de vie. Il est illusoire de prétendre opérer la transition écologique nécessaire sans se donner les moyens de connaître et d’analyser.

● L’action 2 Qualité et effectivité du droit voit ses crédits croître de 10,43 % pour atteindre 18,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ces crédits sont dédiés au financement :

– du renouvellement des conseillers prud’hommes en 2023 (0,2 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) ;

– de la formation des conseillers prud’hommes (16 millions d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) ;

– des fonctions exercées par les conseillers du salarié et des subventions au bénéfice d’associations conduisant des actions dans le domaine du droit du travail (1,3 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) ;

– des défenseurs syndicaux (1 million d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement contre 3,7 millions en 2022).

● L’action 3 Dialogue social et démocratie sociale, qui traduit la contribution de l’État au dispositif de financement des organisations syndicales et patronales, voit ses crédits évoluer à la hausse. Ceux-ci augmentent en effet de 70,29 % en autorisations d’engagement pour s’établir à 7,7 millions d’euros et de 10,27 % en crédits de paiement pour s’établir à 43,9 millions d’euros.

Cette évolution s’explique par la refonte du projet « MARS » qui permet de recueillir, traiter et collecter les suffrages recueillis par les organisations syndicales au cours des élections professionnelles organisées dans les entreprises de 11 salariés et plus. Les sommes allouées passent de 7,9 millions d’euros en crédits de paiement dans le présent PLF, contre 3,8 millions d’euros en crédits de paiement dans le PLF pour 2022.

L’essentiel de l’enveloppe budgétaire est consacré à l’alimentation du fonds pour le financement du dialogue social, qui contribue au financement des organisations syndicales de salariés et des organisations professionnelles d’employeurs pour leurs activités concourant au développement et à l’exercice de missions d’intérêt général. En 2023, 32,6 millions d’euros en crédits de paiement sont prévus, soit une somme identique à celle prévue pour 2022.

● Comme dans le PLF pour 2022, l’action 4 Lutte contre le travail illégal ne porte pas de crédits. L’ensemble de cette activité est assuré par l’inspection du travail, dont les crédits de rémunération et les moyens de fonctionnement sont inscrits dans le programme 155.

● L’action 6 Renforcement de la prévention en santé au travail, introduite dans le PLF 2022 pour financer les dépenses induites par la réforme intervenue avec la loi du 2 août 2021 ([16]), voit ses crédits substantiellement augmenter : 23,8 millions d’euros en autorisations d’engagement et 24 millions d’euros en crédits de paiement contre 11,8 millions d’euros l’année dernière. 8,2 millions d’euros permettent d’assurer le financement des dépenses de fonctionnement, notamment la subvention pour charges de service public de l’ANACT. 15,6 millions d’euros en autorisations d’engagement et 15,8 millions d’euros en crédits de paiement financent trois postes de dépenses d’intervention :

– 11,5 millions d’euros en autorisations d’engagement et 11,7 millions d’euros en crédits de paiement pour l’accompagnement de la modernisation des services de prévention et de santé au travail (équipements de visioconférence, systèmes d’information pour permettre la portabilité des dossiers médicaux en santé au travail) ;

– 2,1 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement pour l’accompagnement du plan santé au travail (PST4) et des plans régionaux de santé au travail via un fonds pour la mise en œuvre d’actions pilotes, géré par l’ANACT ;

– 2 millions d’euros pour un financement exceptionnel du Fonds pour l’amélioration des conditions de travail (FACT) pour des appels à projets supplémentaires liés à la réforme.

La captation d’une part de ces nouveaux crédits par les services de prévention et de santé au travail, ainsi financés par l’État alors qu’ils doivent surtout l’être par les entreprises, responsables de la santé au travail, interroge d’autant plus que l’incertitude demeure sur les effets de la réforme ainsi mise en œuvre.

IV.   Le programme 155 Conception, gestion et Évaluation des politiques de l’emploi et du travail

Le programme 155 constitue le support des politiques publiques de la mission Travail et emploi. Il prévoit, dans douze actions distinctes, les dépenses de personnel et de fonctionnement du ministère et de ses services déconcentrés, pour un total de 681,1 millions d’euros en autorisations d’engagement, en hausse de 3,8 % par rapport à 2022, et de 686,6 millions d’euros en crédits de paiement. Cette augmentation doit, là encore être rapportée à l’augmentation globale des prix, attendue par la Cour des comptes à 5,4 % pour autant qu’on puisse avoir des certitudes établies au regard de l’instabilité de la situation ([17]) . Elle prend en compte l’augmentation (insuffisante) du point d’indice, qui n’avait pas évolué depuis dix ans.

Le PAP précise que « le PLF 2023 intègre un schéma d’emplois positif pour la première fois depuis plus de 10 ans. Ainsi, le schéma d’emplois est positif à + 60 équivalents temps plein (ETP), dont 49 ETP seront dédiés au renforcement des missions permanentes, et 11 seront destinés à la préparation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. En revanche, le plafond d’emplois est en baisse en 2023, en raison de corrections techniques et de transferts externes. » ([18]). Pour rappel, le plafond d’ETP a diminué de 2 299 emplois entre la loi de finances initiale pour 2013 et le présent projet de loi.

Dans le détail, cette baisse concerne :

– 40 équivalents temps plein annuel travaillé (ETPT) puisque 120 ETPT ont été maintenus sur les 160 accordés en 2022, à titre exceptionnel, pour faire face aux conséquences de la réforme de l’organisation territoriale de l’État (OTE) ;

– 105 ETPT puisque seule la moitié des 210 ETPT accordés en 2022 pour accompagner les restructurations économiques et le plan de relance dans les services déconcentrés sont maintenus ;

– 76 ETPT sont inclus dans des transferts sortants vers le ministère de l’intérieur dans le contexte de la finalisation de la réforme de l’OTE.

Au total, le programme finance, pour 85 % de ses crédits, les dépenses de personnel – le plafond d’emplois de la mission étant fixé à 7 773 ETPT.

Les dépenses de personnel atteignent 583 millions d’euros en autorisations d’engagement et crédits de paiement contre 570 millions en 2022. Cette hausse est due à l’augmentation des crédits accordés aux personnels mettant en œuvre les politiques d’accès et retour à l’emploi (+ 7,84 %) et aux personnels mettant en œuvre les politiques d’amélioration de la qualité de l’emploi et des relations de travail (+ 3,93 %).

Aux dépenses de personnel s’ajoute le financement des dépenses de fonctionnement liées aux études, à la recherche, aux évaluations, à la communication et aux systèmes d’information, représentant 83,6 millions d’euros en crédits de paiement en 2023, soit une hausse de 12,1 millions d’euros par rapport à l’année précédente. Ces moyens supplémentaires seront notamment dédiés au financement de la communication relative à l’emploi des jeunes et à la modernisation numérique du ministère.

V.   l’article 47, rattaché à la mission travail et emploi

L’article 47 du PLF pour 2023, rattaché à la mission Travail et emploi, proroge d’une année, soit jusqu’au 31 décembre 2023, la mise en œuvre de deux expérimentations créées par la loi du 5 septembre 2018 ([19]) :

– le dispositif baptisé « CDD tremplin », qui vise à faciliter la mobilité professionnelle des travailleurs handicapés vers les entreprises relevant du milieu ordinaire ;

– le dispositif de l’entreprise adaptée de travail temporaire (EATT), qui a pour objet de favoriser l’émergence de structures de travail temporaire tournées vers ces mêmes travailleurs.

Le Gouvernement appelle de ses vœux la prorogation de ces deux dispositifs au motif que la crise sanitaire et économique liée à l’épidémie de covid-19 a eu pour effet de « neutraliser une année d’expérimentation en raison de la baisse de l’activité économique » ([20]).

Le rapporteur aurait souhaité disposer de quelques éléments d’évaluation pour pouvoir apprécier le bien-fondé de la proposition gouvernementale. Il regrette, à cet égard, que la question posée en ce sens par son collègue Yannick Monnet soit demeurée sans réponse lors de l’audition du ministre du travail.

 


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   SECONDE PARTIE : deux sujets de préoccupation majeure À l’aube de la nouvelle législature

En ce début de XVIe législature, le rapporteur s’est particulièrement penché sur deux thèmes, dans le vaste champ qui lui était soumis, estimant qu’ils fonderaient une contribution utile au regard de l’information du Parlement et de l’évolution des crédits budgétaires de la mission Travail et emploi.

D’une part, la réforme annoncée du service public de l’emploi soulève de nombreuses questions auxquelles les parlementaires n’ont, à ce stade, que peu de réponses. La transformation de Pôle emploi en France Travail, dont la forme juridique demeure inconnue et les contours trop flous, fait craindre une réforme plus large du service public de l’emploi, couplée à celle de l’assurance chômage, au détriment des privés d’emploi.

D’autre part, la situation de l’inspection du travail apparaît, après quinze années de transformations, très dégradée. La réforme de son organisation a engendré de nombreuses difficultés sur le terrain, renforcées par un manque important de moyens, qui l’empêchent d’accomplir pleinement ses missions sur l’ensemble du territoire.

 


   PremiÈre sous-partie : la réforme annoncée
du service public de l’emploi

I.   Le rapprochement, déjà amorcé, des acteurs de l’accompagnement des privés d’emploi sous la bannière encore floue de « France Travail »

A.   Le bilan plutôt positif d’une collaboration renforcée entre pôle emploi et les autres acteurs du service public de l’emploi...

1.   Pôle emploi, opérateur central du service public de l’emploi

● Depuis la loi du 13 février 2008 ([21]), Pôle emploi est l’opérateur central du service public de l’emploi ([22]) chargé à la fois de l’accompagnement des privés d’emploi et du versement des allocations auxquelles ils peuvent prétendre au titre du régime d’assurance chômage ou du régime de solidarité.

Institution nationale dotée de la personnalité morale et de l’autonomie financière ([23]), Pôle emploi est administré par un conseil d’administration ([24]) composé de représentants de l’État, des salariés, des employeurs et des collectivités territoriales ([25]). Une convention pluriannuelle définit ses objectifs « au regard de la situation de l’emploi et au vu des moyens prévisionnels qui lui sont alloués par l’organisme gestionnaire du régime d’assurance chômage et l’État » ([26]).

L’établissement public administratif est financé à la fois par l’État, qui lui verse une subvention pour charges de service public d’un montant de 1,25 milliard d’euros inscrite dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2023 ([27]), et par une contribution annuelle de l’Unédic fixée par la convention tripartite à 11 % des ressources de l’organisme, soit 4,255 milliards d’euros en 2021 ([28]).

L’État finance par ailleurs le régime de solidarité pour les privés d’emploi qui ne peuvent bénéficier du régime d’assurance chômage, en premier lieu l’allocation de solidarité spécifique, et diverses allocations auxquelles ils peuvent prétendre, pour un montant de 2 milliards d’euros ([29]). D’autres dépenses de transferts sont également inscrites dans le PLF pour 2023 au bénéfice de l’opérateur pour un montant de 390 millions d’euros correspondant notamment aux contrats de sécurisation professionnelle, aux emplois francs ou aux formations effectuées dans le cadre du plan d’investissement dans les compétences.

Dans la continuité des propos tenus par certaines organisations syndicales auditionnées, le rapporteur considère que le désengagement de l’État du financement de Pôle emploi ([30]) doit être clairement stoppé et le niveau de sa contribution revu à la hausse, nécessité que renforce la perspective de la mise en place de France Travail.

● S’agissant de l’accompagnement des privés d’emploi, un suivi spécifique est mis en œuvre par Pôle emploi afin de s’adapter aux différentes catégories de privés d’emploi ([31]). Le nombre de dossiers suivis par chaque conseiller varie ainsi entre 450 pour les personnes autonomes qui effectuent leur recherche d’emploi principalement de manière digitale à 88 s’agissant du suivi renforcé et même 30 dans le cas des contrats d’engagement jeune.

Le manque de dynamisme des effectifs de Pôle emploi dans le même temps que de nouvelles missions vont lui être assignées dans le cadre de la réforme du service public de l’emploi font craindre au rapporteur une dégradation du suivi des privés d’emploi, alors même que des améliorations sont attendues

2.   Le rapprochement avec les autres acteurs du service public de l’emploi

a.   Pôle emploi et Cap emploi, un rapprochement en faveur de l’emploi des personnes handicapées

● Les Cap emploi sont des organismes de placement spécialisés (OPS) exerçant une mission de service public. Au nombre de 98 ([32]), ils sont en charge de la préparation, de l’accompagnement, du suivi durable et du maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap.

Le financement du réseau est assuré par une subvention de Pôle emploi à hauteur de 37 millions d’euros qui s’ajoute aux ressources allouées par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées (AGEFIPH) et le Fonds pour l’insertion des personnes handicapées dans la fonction publique (FIPHFP), pour un total de 150 millions d’euros ([33]).

Les Cap emploi accueillent et accompagnent plus de 220 000 personnes en situation de handicap et plus de 150 000 employeurs chaque année ([34]) en leur proposant différents types de services :

– à l’attention des employeurs, des secteurs privé et public, les conseillers du réseau Cap emploi informent notamment sur les obligations d’emploi des personnes en situation de handicap, aident à identifier les postes et mettre en place des conditions d’accueil adaptées, apportent des aides et conseils pour le recrutement et le maintien dans l’emploi des personnes handicapées ;

– à l’attention des salariés reconnus comme ayant besoin d’un accompagnement spécialisé et renforcé compte tenu de leur handicap, les conseillers du réseau Cap emploi apportent notamment un soutien dans la définition du projet professionnel, la mobilisation des aides financières, l’intégration, le suivi dans l’entreprise et le maintien dans l’emploi.

● À la suite de la signature, le 4 septembre 2020, d’une convention entre l’État, Pôle emploi, les gestionnaires des deux fonds en faveur des personnes en situation de handicap et le Conseil national handicap et emploi des organismes de placement spécialisés (Cheops) ([35]), les Cap emploi et Pôle emploi proposent désormais une offre de services intégrée et adaptée aux besoins des privés d’emploi bénéficiaires de l’obligation d’emploi et des entreprises.

Ce rapprochement a conduit à la mise en œuvre d’un lieu unique d’accueil (LUA) au sein des agences Pôle emploi avec des accueillants des Cap emploi, en fonction des besoins des salariés, et un accès commun aux systèmes d’information.

Trois phases de déploiement ([36]) ont permis une généralisation progressive et tenant compte des retours d’expérience :

– phase pilote : de janvier à décembre 2020, 19 sites pilotes ont travaillé, en lien avec l’équipe nationale, à l’élaboration du socle commun de l’offre de services intégrée, suivant un ou plusieurs modèles d’organisation éprouvés ;

– phase d’extension : à compter de janvier 2021, les enseignements ont été pris en compte et déployés au sein de 233 agences afin de les intégrer au socle commun de l’offre de services ;

– phase de généralisation : après une période de préparation, débutée à partir de juin 2021, l’arrivée des conseillers Cap emploi en agence a été mise en place à partir d’octobre 2021 avec un déploiement jusqu’à septembre 2022.

Au 30 juin 2022, le nombre total d’agences Pôle emploi ayant mis en œuvre les LUA s’élève à 836 ([37]), soit la quasi-totalité des 845 agences sur le territoire national.

b.   Pôle emploi et les missions locales, au service de l’emploi et de l’insertion des jeunes

● Au nombre de 436 ([38]), les missions locales pour l’insertion professionnelle et sociale des jeunes peuvent être constituées entre l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des organisations professionnelles et syndicales et des associations ([39]). Elles prennent la forme d’une association ou d’un groupement d’intérêt public.

Dans le cadre de leur mission de service public pour l’emploi, ces missions locales assurent, pour les jeunes de 16 à 25 ans « des fonctions d’accueil, d’information, d’orientation et d’accompagnement à l’accès à la formation professionnelle initiale ou continue, ou à un emploi » ([40]). Elles disposent d’outils diversifiés, spécifiques aux parcours de formation et d’insertion des jeunes, particulièrement envers ceux éloignés du marché du travail. En 2021, les missions locales ont accueilli 433 696 jeunes pour la première fois ([41]).

● La coordination entre Pôle emploi et les missions locales fait l’objet d’un accord-cadre de partenariat renforcé, dont le dernier a été conclu en 2015 et qui est reconduit par avenant depuis 2018 ([42]), prévoyant notamment la délégation par Pôle emploi à la mission locale du projet personnalisé d’accès à l’emploi (PPAE) ([43]). Celle‑ci se fait en fonction du projet et des besoins identifiés des jeunes selon une logique territoriale afin de coordonner au mieux les deux réseaux.

Ce partenariat se traduit sur le plan matériel par le versement de 49,2 millions d’euros par Pôle emploi aux missions locales pour assurer les missions qui leurs sont déléguées.

Le déploiement depuis mars 2022 du contrat d’engagement jeune (CEJ) ([44]) vient renforcer la coopération entre Pôle emploi et les missions locales. Celui-ci s’adresse aux jeunes de 16 à 25 ans ([45]) en leur proposant un accompagnement individuel et intensif vers un accès rapide et durable à l’emploi. Le parcours peut durer jusqu’à douze mois, voire dix-huit mois pour les jeunes les plus éloignés de l’emploi, avec un minimum de quinze à vingt heures d’activités par semaine tout au long du parcours. Dans ce cadre, ils sont accompagnés afin notamment de construire leur projet professionnel, préparer leurs candidatures, ou créer leur entreprise. Ils bénéficient de l’ensemble des services de Pôle emploi et des missions locales.

Une allocation, qui peut atteindre 520 euros par mois ([46]), leur est versée, sous conditions de ressources.

B.   ... Qui peut être approfondiE dans le respect des structures existantes

1.   Un bilan du rapprochement entre les acteurs du service public de l’emploi globalement salué

● Au cours des auditions menées par le rapporteur, les différents acteurs saluent les rapprochements entre Pôle emploi et les autres opérateurs du service public de l’emploi.

● La création des lieux uniques d’accueil permet un meilleur suivi des personnes handicapées et fait écho aux propositions formulées par le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales de 2017 ([47]) pour décloisonner le fonctionnement « en silo » des opérateurs du service public de l’emploi. Si le rapprochement a conduit à un changement important de méthodes de travail, et notamment pour les conseiller Cap emploi qui sont désormais amenés à travailler au sein des agences de Pôle emploi, les personnels ont accueilli les évolutions de manière globalement positive.

Aujourd’hui, au travers de ses différentes actions et de son partenariat avec Pôle emploi, le réseau Cap emploi accompagne environ 25 % ([48]) des privés d’emploi reconnus travailleurs handicapés, Pôle emploi concentrant son action à l’attention des privés d’emploi ayant un handicap plus léger.

● Du point de vue de l’Union nationale des missions locales, le rapprochement a permis une meilleure coordination entre deux réseaux qui avaient pu connaître des difficultés de collaboration par le passé, particulièrement grâce à la mise en place du CEJ.

Ce rapprochement semble, en outre, apprécié par les acteurs de terrain et une enquête menée par Pôle emploi établit que 81,7 % des jeunes se déclarent satisfaits de leur accompagnement ([49]).

2.   La poursuite de ces rapprochements dans le cadre de France Travail ne doit pas conduire à un effacement des spécificités des acteurs ni à une dénaturation du service public de l’emploi

● Si les modalités du déploiement de France Travail sont encore largement inconnues de l’ensemble des acteurs auditionnés, ils partagent tous le constat que des mises en commun peuvent être encore approfondies dans certains domaines.

Les premiers rapprochements ont donné lieu à une meilleure interopérabilité des systèmes d’information afin que les privés d’emploi soient dirigés plus facilement vers la structure d’accompagnement appropriée.

● En revanche, des inquiétudes fortes ont été relayées au sujet du maintien de la spécificité des structures existantes, qui répond celle des ayants‑droits.

La fusion des différentes entités du service public de l’emploi est jugée inopportune voire impossible à mettre en œuvre par les opérateurs, qui pointent notamment des difficultés liées au statut des personnels, à la gestion des ressources humaines et à la capacité d’adaptation et d’innovation qui leur est propre. Cette option est également rejetée majoritairement par les organisations syndicales entendues.

La perspective d’une contractualisation forcée, à défaut d’une fusion, pourrait également avoir pour conséquence la négation des méthodes de travail et de l’accompagnement proposé par les missions locales et les Cap emploi. La contractualisation ne doit pas être imposée mais au contraire permettre de maintenir la vitalité de ces réseaux qui fondent leur efficacité.

● L’objet France Travail, apparu dans les intentions de l’exécutif au début de la législature était jusqu’alors un objet mystérieux dont on ne connaissait pas le diagnostic fondateur. Il semble que celui-ci ait, a priori ou a posteriori, été dressé. Selon M. Thibaut Guilluy, chargé de la mission de préfiguration de France Travail, cette réforme s’inscrit dans la volonté de simplifier les parcours des privés d’emploi en mettant en commun les informations et les stratégies d’accompagnement, notamment par l’instauration d’un point d’entrée unique dans le service public de l’emploi, pour ne pas laisser des personnes de côté.

Au cours de l’examen en commission des affaires sociales des crédits de la mission, le ministre M. Olivier Dussopt a confirmé au rapporteur que la forme juridique que prendra France Travail est encore inconnue mais il a exclu toute fusion de Pôle emploi avec le réseau des missions locales ou de Cap emploi.

 Le rapporteur reste attentif à ce que cette nouvelle structure ne vienne pas imposer des contraintes inadaptées aux différents opérateurs du service public de l’emploi ni des impératifs financiers incompatibles avec un suivi pertinent des privés d’emploi.

La question du périmètre retenu pour ce nouvel opérateur est également un sujet d’attention du rapporteur, notamment en ce qui concerne les liens avec les agences d’intérim qui souhaiteraient intervenir davantage dans le champ du service public de l’emploi. Ces interrogations font suite à des autorisations d’accès plus étendues aux bases de données qui leur ont été consenties.

● La réorganisation de l’écosystème du service public de l’emploi aura, en outre, pour objectif de mettre en cohérence les politiques menées à différents niveaux, notamment avec celles conduites par les régions et les départements. Celles‑ci ont, par leurs associations nationales, immédiatement candidaté au chef‑de‑filat, ce qui conduirait à un éclatement des politiques d’accompagnement des privés d’emplois. Dans l’esprit du préfigurateur, l’hypothèse d’une régionalisation semble écartée.

Au‑delà, le déploiement territorial de France Travail suscite des craintes, notamment chez les représentants syndicaux, quant à l’instauration d’une différence de traitement d’un territoire à l’autre en matière d’accompagnement des privés d’emploi.

Cette crainte de la territorialisation du service public de l’emploi rejoint celle exprimée au sujet de la réforme de l’assurance chômage ([50]) qui précède les discussions sur France Travail.

II.   Une réforme préparée à l’écart du Parlement suscitant de fortes inquiétudes

A.   dans le contexte de la réforme de l’assurance chômage, UnE préfiguration de France Travail à l’écart du parlement

1.   Des contours de la réforme encore très flous

Au-delà des inquiétudes exprimées par une grande partie des acteurs auditionnés, la concertation menée au sujet de France Travail manque de transparence dans ses objectifs et n’associe pas le Parlement.

Le travail de préfiguration a débuté au mois de septembre sous la responsabilité de M. Thibaut Guilluy, haut-commissaire à l’emploi et à l’engagement des entreprises. Il associe, avec les ministères concernés, « les représentants des collectivités locales à l’échelon régional, départemental et communal, les partenaires sociaux, ainsi que les opérateurs, les acteurs associatifs et les acteurs privés » ([51]).

Pour mener à bien ce travail, M. Thibaut Guilluy s’appuie, conformément à la lettre de mission du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, sur les services du Haut-commissariat à l’emploi et à l’engagement des entreprises et bénéficie de la collaboration de la direction interministérielle de la transformation publique (DITP) et des inspections générales des affaires sociales et des finances ([52]).

Cette mission aboutira à une feuille de route de cette transformation d’ici la mi‑décembre 2022, afin de commencer le déploiement de la réforme à compter de début 2023 pour une entrée en vigueur définitive en 2024 ([53]), le cas échéant après l’adoption d’une loi.

Les différents acteurs auditionnés par le rapporteur ont été associés aux premières étapes de la concertation mais ils ont exprimé, pour la plupart, leurs réserves, estimant le projet encore flou.

S’agissant des députés et des sénateurs, il n’a pas été prévu de les faire participer formellement à la préfiguration, tant sur l’aspect opérationnel de la mise en œuvre de France Travail dans les territoires que sur les éléments que contiendra le futur projet de loi nécessaire à une réforme d’ampleur. La loi d’orientation des mobilités de 2019 ([54]), par exemple, avait été élaborée dans une autre démarche.

La transformation du service public de l’emploi est pourtant présentée par le Gouvernement comme l’une des soixante politiques prioritaires du Gouvernement ([55]) participant, avec cinq autres priorités ([56]), à l’atteinte de l’objectif du plein emploi.

Cette méthode de travail ne fait que renforcer les inquiétudes des acteurs quant aux intentions du Gouvernement et fait craindre au rapporteur que la discussion du futur projet de loi soit fortement contrainte par les décisions déjà prises au cours de la phase de préfiguration.

2.   Un calendrier qui se confond avec celui de la réforme l’assurance chômage et de sa gouvernance

La création de France Travail s’inscrit en outre dans le contexte plus large de la réforme de l’assurance chômage, engagée avec l’examen du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi ([57]) et qui s’achèvera, selon les annonces du Gouvernement ([58]), avec un projet de loi de réforme de sa gouvernance à la suite de négociations avec les partenaires sociaux.

a.   Un projet de loi de reprise en main de l’assurance chômage par l’État

Alors que les concertations sur France Travail s’ouvraient au mois de septembre, le Gouvernement a présenté son projet de réforme de l’assurance chômage consistant en une reprise en main par l’État du régime normalement géré de manière paritaire par les organisations syndicales et les organisations professionnelles d’employeurs ([59]), depuis sa création actée en 1958 ([60]) à l’initiative des partenaires sociaux et du général de Gaulle.

Le projet de loi va au-delà d’une simple prorogation de règles, par ailleurs critiquables et reconduites sans évaluation, en demandant au Parlement d’habiliter le pouvoir réglementaire, pour une durée de quatorze mois, à déterminer l’ensemble des règles de l’assurance chômage en prévoyant une simple concertation avec les partenaires sociaux ([61]) et en affichant la volonté d’une transformation profonde de la philosophie même de l’assurance chômage.

Par ce biais, le Gouvernement entend mettre en œuvre l’une des annonces faites par le Président de la République durant la campagne de l’élection présidentielle, selon laquelle les règles d’affiliation et d’indemnisation de l’assurance chômage pourraient évoluer en fonction de la conjoncture économique.

En définitive, ce projet consiste à la fois en une remise en cause du paritarisme mais aussi en un contournement du Parlement, puisque les débats ont montré que le Gouvernement n’était pas favorable à une évolution du projet de loi, malgré les amendements déposés par l’ensemble des groupes.

Cette réforme semble être une première brique.

b.   La perspective encore floue d’une nouvelle gouvernance de l’assurance chômage et du rôle de France Travail

À plus long terme, le Gouvernement a annoncé qu’une négociation avec les partenaires sociaux ([62]) serait ouverte à la fin de l’année 2022 ou au début de l’année 2023 ([63]) au sujet de la gouvernance de l’assurance chômage, permettant de redéfinir la place respective de l’État et des partenaires sociaux dans son fonctionnement.

Lors de la dernière réforme de la gouvernance de l’assurance chômage par la loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel de 2018 ([64]), le Gouvernement s’était déjà attribué la faculté de contraindre la négociation entre partenaires sociaux par l’envoi préalable d’une lettre de cadrage, avec pour résultat l’échec des négociations qui ont suivi, en 2019 ([65]).

La préoccupation quant à une nouvelle remise en cause du paritarisme au moment de la prochaine réforme de la gouvernance de l’assurance chômage a, en outre, été relayée lors des auditions par l’Unédic mais aussi par les partenaires sociaux, les organisations syndicales comme celles représentatives des employeurs.

Au regard du financement de Pôle emploi, qui relève très majoritairement de l’Unédic, la réforme ne peut être le seul fait du gouvernement. Une reprise en main de l’accompagnement des privés d’emplois et des politiques qui leur sont destinées dans un but adéquationniste à court terme ne tenant aucun compte des besoins à long terme ni des projets personnels, couplée à la réforme de l’assurance chômage, mènerait à une dérive vers un écosystème éloigné de l’esprit de protection qui a présidé à l’édification de ces outils.

B.   Une expérimentation de France Travail centrée sur le suivi des bénéficiaires du Revenu de SolidaritÉ Active et qui ne répond pas aux craintes des acteurs de terrain

● Conformément aux annonces du Président de la République et du Gouvernement, le projet de loi de finances pour 2023 pose le premier jalon d’une réforme de l’accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) en prévoyant une expérimentation en ce domaine.

Le projet annuel de performances de la mission Travail et emploi ([66]) présente, en effet, le dispositif d’accompagnement expérimental comme une « préparation à la mise en place de France Travail ». L’objectif d’un suivi renforcé des allocataires du RSA constitue, par conséquent, l’une des justifications principales de la création de France Travail, quelles que soient par ailleurs les conclusions issues des concertations à ce sujet.

Cette expérimentation traduit la volonté du Gouvernement de lier la réforme du service public de l’emploi à la mise en place d’un contrôle et d’un accompagnement renforcé par Pôle emploi, ou par la structure pilote du service public de l’emploi, des allocataires du RSA.

● Les crédits du programme 102 Accès et retour à l’emploi, prévoient un budget de 20 millions d’euros ([67]) pour le lancement de l’expérimentation dans une dizaine de territoires pilotes sur douze mois.

Sur le modèle du CEJ, mais avec un accompagnement obligatoire et automatique, cette expérimentation vise à proposer un suivi plus intensif des allocataires du RSA d’une durée de 15 à 20 heures par semaine centré sur les projets d’insertion ou de réinsertion professionnelles.

Lors de son audition par la commission des affaires sociales ([68]), le ministre a rappelé que cette mesure visait à améliorer le retour vers l’emploi des allocataires du RSA, dont 50 % sont encore allocataires quatre ans après leur entrée dans le dispositif et 29 % après sept ans. Il s’est également engagé à ce que l’accompagnement soit individualisé et adapté aux contraintes, notamment familiales, des allocataires.

M. Thibaut Guilluy a, pour sa part, indiqué au rapporteur qu’une trentaine de territoires étaient volontaires et que la sélection serait arrêtée au début du mois de novembre. Ces territoires correspondraient des bassins de vie ou d’emploi. Si l’on considère que dans un bassin, en moyenne, 2 000 personnes sont des bénéficiaires du RSA, au total, environ 20 000 personnes seraient concernées. Reste à savoir si les bassins correspondent toujours à une organisation territoriale des différents acteurs.

Il a précisé que les 20 millions d’euros seraient en majorité consacrés à de l’ingénierie, de la mise à niveau des systèmes d’information et de l’animation de réseau. Les personnels supplémentaires nécessaires à l’accompagnement seront pour l’essentiel redéployés afin de permettre le suivi de trente à cinquante dossiers au maximum par conseiller. Cette expérimentation aujourd’hui, et cette réforme demain peuvent-elles vraiment se conduire à moyens constants sur le terrain ? Il est permis d’en douter.

● Le rapporteur s’inquiète de la mise en œuvre expérimentale de cette mesure avant même la clarification des objectifs retenus par le Gouvernement pour la réforme du service public de l’emploi.

Il anticipe également des conséquences négatives sur le suivi des privés d’emploi dès lors que les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2023 ne serviront pas au recrutement de nouveaux conseillers Pôle emploi.

Les documents annexés au projet de loi de finances pour 2023 ne permettent pas, en outre, de bien cerner le périmètre de l’expérimentation, notamment son application aux allocataires du RSA durablement éloignés de l’emploi.

Ils ne permettent pas non plus d’apprécier la façon dont ce nouveau dispositif va coexister, ou aura vocation à se substituer, à d’autres politiques menées à destination des privés d’emploi, en particulier les territoires zéro chômeurs de longue durée. La loi du 14 décembre 2020 ([69]) a effectivement prorogé le dispositif pour cinq années et l’a étendu à 50 territoires supplémentaires. La superposition de dispositifs à la vocation proche et dont la phase d’évaluation n’est pas achevée ne permettra pas de bien en mesurer les effets.

Le rapporteur constate, encore une fois, que le Parlement n’est pas pleinement informé d’une réforme qui touche au cœur du fonctionnement du service public de l’emploi.

 Au-delà de l’expérimentation, le rapporteur regrette que la réforme de l’assurance chômage, comme celle du RSA, ait pour objectif de faire peser sur les personnes privées d’emploi des contraintes supplémentaires qui ne les aideraient pas à trouver leur voie mais viendraient ajouter à leurs difficultés.

À ce stade, le contenu des heures obligatoires de suivi, qui avaient d’abord été présentées comme des heures de travail, effectuées en contrepartie du versement du RSA, n’apparaît pas clairement au rapporteur qui redoute que celles-ci ne constituent une grave entaille dans le droit du travail.

Si tel n’est pas le cas, il convient alors d’imaginer un accompagnement adapté qui ne serait pas une punition pour des personnes qui ne sauraient être infantilisées. C’est pourquoi le retour d’expériences sur le CEJ, en tenant compte du public particulier qu’il touche, serait utile à prendre en compte pour déterminer les bonnes directions à prendre.

En tout état de cause, le rapporteur estime que, si un principe doit être renouvelé, c’est le droit des allocataires à un accompagnement, aux côtés du droit à avoir un emploi. Sans action en ce sens, l’édifice qui se dessine de réforme en réforme pourrait vite se muer en un carcan, pour peu que ne soient poussés plus loin encore les feux de l’offre raisonnable d’emploi.

Par conséquent, on ne peut qu’être d’accord pour dégager du temps d’accompagnement au regard des besoins des privés d’emploi. Celui‑ci devra s’adapter à la diversité des situations. En outre, on semble, d’un côté, vouloir faire porter sur les bénéficiaires du RSA une sorte d’obligation. De l’autre, qu’en est-il des obligations de l’État en la matière ?

C’est pourquoi, penser l’articulation de l’accompagnement vers l’emploi avec l’insertion et la formation n’est pas une idée saugrenue, à condition de ne pas vouloir en faire un grand tout mécanique, appuyé sur un système d’information abritant de savants algorithmes ne sachant rien des personnes humaines qui seraient leurs objets.

L’investissement dans des communs numériques, qui semble être le deuxième axiome de France Travail, ne doit pas prendre le pas, dans une quête illusoire de la solution technologique, sur le nécessaire investissement dans l’humain. Il convient d’insister, à ce titre, sur les remarques d’acteurs considérant que leurs logiciels sont surtout faits pour produire des statistiques et organiser le contrôle, ou encore qu’ils ne correspondent pas à leurs propres besoins et que leurs organismes n’en ont rien décidé.

À rebours des annonces du Gouvernement selon lesquelles l’assurance chômage et les allocations de solidarité seraient des leviers de la politique de l’emploi, le rapporteur considère que des réformes s’avèrent nécessaires pour améliorer la qualité des emplois, le niveau des salaires, la formation ou encore permettre davantage d’égalité professionnelle.


   SECONDe sous-partie : L’inspection du travail,
un service public en crise

À partir du milieu des années 2000, les gouvernements successifs ont engagé une politique de transformation de l’inspection du travail fondée sur la formalisation de ses méthodes de travail, l’inscription de son action dans une démarche plus collective et le renforcement de la spécialisation de ses équipes. Au plan de modernisation et de développement de l’inspection du travail (PMDIT), déployé entre 2006 et 2010, a succédé, à compter de 2015, le plan « ministère fort » (PMF), conçu dans l’optique d’une modernisation de l’inspection du travail dans trois domaines : l’organisation, les missions, les ressources humaines.

Parallèlement, l’inspection a dû s’adapter à plusieurs réformes touchant à l’architecture des services déconcentrés de l’État : la création des directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et de leurs unités départementales au 1er janvier 2010, la fusion des régions de métropole, dont le nombre est passé de vingt‑deux à treize au 1er janvier 2016, la réorganisation, au 1er avril 2021 ([70]), du service public de l’insertion consécutive à la circulaire du Premier ministre en date du 12 juin 2019 ([71]).

Du reste, l’inspection du travail à caractère généraliste et les inspections relevant des secteurs de l’agriculture et des transports ont fusionné au 1er janvier 2009 tandis que l’inspection du travail des mines et des carrières a rejoint cet ensemble le 1er juillet 2021.

Tous ces changements sont intervenus, on le sait, dans le contexte d’une complexification croissante et d’un affaiblissement de la législation ainsi que de l’émergence ou de la montée en puissance de nouvelles formes de travail (travail en lien avec une plateforme de mise en relation par voie électronique, travail détaché, télétravail, etc.).

Le bilan de la politique de transformation lancée il y a maintenant plus de quinze ans est pour le moins mitigé et certains de ses effets sont d’autant plus mal ressentis sur le terrain que les conditions d’exercice des agents se dégradent dangereusement du fait de l’insuffisance des moyens humains et matériels. Il ne faut pas avoir peur de le dire : l’inspection du travail, qui couvre l’activité de plus de 20,5 millions de salariés et de près de 1,9 million d’établissements ([72]), est un service public en crise. Tel est le constat que les personnels dressent invariablement. Telles sont les informations qui parviennent régulièrement aux élus. Telle est la réalité que les pouvoirs publics doivent impérativement regarder en face.

Le rapporteur n’a pas l’intention de procéder à une évaluation exhaustive des actions conduites en vue de faire évoluer l’inspection du travail. Cet exercice ne saurait être réalisé dans le cadre du présent avis. Il souhaite simplement mettre en lumière les principales difficultés identifiées par les acteurs du système et par les observateurs extérieurs, qu’elles découlent directement ou non des plans mentionnés plus haut, et appelle le Gouvernement à en tirer toutes les conséquences dans les plus brefs délais. Il y a, en effet, urgence à agir.

Les missions de l’inspection du travail

Elles peuvent être rassemblées sous quatre grandes catégories.

1.               Contrôler l’application du droit du travail (code du travail, conventions et accords collectifs) dans toutes ses dimensions : santé et sécurité au travail, conditions de travail, fonctionnement des institutions représentatives du personnel, droit syndical, etc.

2. Conseiller et informer les employeurs, les salariés et les représentants du personnel sur leurs droits et obligations ainsi que sur la législation du travail en général.

3.               Faire remonter à l’administration centrale les informations sur les évolutions du travail et les carences éventuelles de la législation.

4. Faciliter la conciliation entre les parties, notamment lors des conflits collectifs.

I.   Une organisation territoriale imparfaite

L’organisation de l’inspection du travail sur le territoire a sensiblement évolué au milieu des années 2010 à la faveur de la mise en œuvre du plan « ministère fort ».

A.   La situation avant l’élaboration du plan « ministère fort »

● Avant le 1er janvier 2015, la section constituait l’échelon opérationnel local de l’inspection du travail. Dotée d’une compétence territoriale et générale, elle se composait d’un inspecteur, de deux contrôleurs et d’un ou deux secrétaires. Au premier revenaient le contrôle des entreprises employant cinquante salariés ou plus et l’exécution de certaines tâches relevant de sa seule compétence en vertu du code du travail, telle l’autorisation de licenciement des salariés protégés. Aux deuxièmes était confié le contrôle des entreprises employant moins de cinquante salariés ([73]). Les derniers assuraient des « tâches d’archivage des travaux, de frappe des rapports et de premier contact avec les usagers, salariés ou entreprises, souhaitant obtenir un renseignement ou rencontrer un agent de contrôle » ([74]).

En 2014, on recensait 772 sections en métropole – ce qui représentait 8 sections par département – et 18 outre-mer ([75]).

Le modèle d’alors présentait des limites aux yeux du pouvoir exécutif : une organisation non adaptée aux fraudes ; une difficulté de pilotage et de coordination des actions prioritaires ; une organisation favorisant l’isolement, en particulier des contrôleurs du travail ; une dualité entre inspecteurs et contrôleurs de moins en moins conforme aux réalités des métiers ; un système d’information insuffisamment utilisé et encore trop peu ergonomique ([76]).

La coopération entre les sections existait mais elle n’était pas systématique et ne procédait que rarement d’une initiative de l’autorité hiérarchique ([77]).

B.   L’architecture issue du plan « ministère fort »

● Avec le plan « ministère fort », la structure locale de base est devenue l’unité de contrôle (UC), à compétence infra-départementale, départementale ou interdépartementale, qui regroupe en principe entre 8 et 12 sections ([78]). Il importe de bien distinguer ces dernières de leurs prédécesseurs. Alors que les anciennes sections employaient généralement entre quatre et cinq personnes, les nouvelles ne comptent plus qu’un seul agent de contrôle, inspecteur ou contrôleur du travail chargé du suivi des entreprises sur un périmètre géographique donné, les agents chargés du secrétariat et de l’assistance au contrôle étant désormais rattachés à l’unité.

À la tête de cette structure se trouve un responsable d’unité de contrôle (RUC), directeur adjoint du travail, dont les missions sont définies à l’article R. 8122-4 du code du travail. « [Il] est chargé, notamment dans la mise en œuvre de l’action collective, de l’animation, de l’accompagnement et du pilotage de l’activité des agents de contrôle. Il peut apporter un appui à une opération de contrôle menée sur le territoire de l’unité dont il est responsable. Il peut en outre, sur décision du directeur régional de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, être chargé d’exercer les fonctions d’inspecteur du travail dans une section relevant de son unité. »

Dans cette nouvelle configuration, la répartition territoriale des unités relève de la compétence de l’administration centrale ([79]) tandis que le nombre et le ressort géographique des sections relèvent de la compétence des services déconcentrés du ministère du travail ([80]).

À ce jour, on dénombre 247 unités de contrôle, dont 18 unités de contrôle à compétence régionale chargées de la lutte contre le travail illégal (URACTI), et 2 052 sections ([81]) contre 2 223 à l’origine ([82]).

● Pour les promoteurs du plan « ministère fort », le regroupement des sections en unité de contrôle devait, pour l’essentiel, réduire l’isolement des agents en les intégrant dans un collectif plus large, faciliter les échanges entre pairs et favoriser l’homogénéité de l’action sur le territoire. Force est de reconnaître que ces objectifs n’ont pas véritablement été atteints.

Avant d’aller plus loin, il n’est pas inutile de rappeler que la réforme est intervenue dans un climat social tendu entre le ministère et les organisations syndicales et que le volet consacré à la nouvelle architecture territoriale a suscité de fortes critiques, voire une opposition, de la part d’une majorité d’entre elles. À l’époque, les contestations ont surtout porté sur la place dévolue au responsable d’UC. « La première tenait à la perte de potentiel humain pour la mission de contrôle car [il] n’était pas, en principe, chargé d’en réaliser. La seconde tenait à la méfiance, culturelle, des agents de contrôle vis-à-vis d’une hiérarchie susceptible de remettre en cause les garanties d’indépendance qui leur sont reconnues par les conventions de l’[Organisation internationale du travail]. » ([83])

Près de dix ans plus tard, les syndicats dressent un bilan négatif de la réorganisation du réseau de l’inspection.

Ils rappellent, à raison, que le recrutement des responsables d’UC (RUC) n’a pas été un long fleuve tranquille, eu égard au manque de volontaires, ce que relève aussi la Cour des comptes dans un rapport publié il y a un peu plus de deux ans. Ils observent, par ailleurs, que la formation qui leur a été dispensée s’est révélée défaillante, « l’administration les ayant en définitive laissés seuls face à leurs difficultés » ([84]), ce qui s’est avéré particulièrement dommageable pour les responsables d’unité possédant une expérience professionnelle limitée, qui n’étaient de toute évidence pas armés pour assumer leur rôle de manager de manière satisfaisante. Ils regrettent, au demeurant, que l’installation des RUC dans leurs nouvelles fonctions se soit faite dans un contexte de diminution globale des effectifs et font valoir que cela n’a pas manqué d’aggraver la situation dans certains départements, inopportunément privés d’agents de terrain.

Le rapporteur veut bien croire que la contestation de la légitimité des RUC se soit un peu estompée et que leur formation se soit améliorée avec le temps. Il n’en considère pas moins que ces derniers n’ont pas réellement trouvé leur place dans le système d’inspection du travail. Nombre d’entre eux souhaiteraient d’ailleurs quitter leurs fonctions dans un avenir proche, d’après les témoignages recueillis. C’est également ce qu’indiquerait un rapport récent de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), qui n’a hélas pas été rendu public à l’heure où ces lignes sont écrites, pour des raisons inconnues.

Dans un registre différent, il semble que le redécoupage des sections, composante du plan « ministère fort », ait engendré un sentiment d’isolement chez les agents, les contrôleurs devenus inspecteurs en particulier, imparfaitement formés à leurs nouvelles missions, sentiment aggravé par la pénurie de moyens humains et matériels dans de nombreux territoires.

Le rapporteur reviendra sur la question des moyens humains ([85]). En revanche, il lui paraît nécessaire de relayer ici les propos tenus par beaucoup de ses interlocuteurs sur les conséquences négatives de la réforme relative à l’organisation territoriale de l’État (OTE) sur l’inspection du travail, qui, selon eux, fait les frais de la mutualisation des moyens entre des directions interministérielles guidées par des logiques différentes. La direction générale du travail (DGT) reconnaît que le regroupement des fonctions « support » (ressources humaines, budget, logistique et informatique) au sein des secrétariats généraux communs départementaux, fonctions sur lesquelles elle n’a pas la main, soulève des difficultés. Matériels insuffisants (équipements de protection individuelle) ou mal entretenus (véhicules de service), ressources documentaires indisponibles, autant de nuisances qui pèsent au quotidien sur l’activité de l’inspection, autant de facteurs de démotivation de ses personnels. En définitive, il est clair que la nouvelle organisation, pensée dans le seul but de faire des économies, ne tient pas suffisamment compte des particularités de l’inspection du travail et pénalise même, dans une certaine mesure, son activité de contrôle.

Le rapporteur constate que les crédits de fonctionnement des services déconcentrés de l’État n’augmentent que de 2 % dans le PLF pour 2023 par rapport à ceux inscrits en LFI pour 2022, afin de tenir compte de l’inflation ([86]). Par conséquent, si les choses restent en l’état, il y a peu de chances que les difficultés se résorbent.

● Au vu de ce tableau pour le moins sombre, on peut légitimement se demander s’il ne faudrait pas faire évoluer de nouveau l’organisation de l’inspection du travail. Une telle évolution devrait être conçue avec retenue tant l’inspection a été éprouvée par des années de transformations successives mal digérées.

La suppression des sections, recommandée par la Cour des comptes, est une piste qu’il convient d’écarter. Il est exact que, « dès lors [que ces dernières] fonctionnent avec un unique agent de contrôle, l’organisation territoriale de l’inspection du travail devient tributaire de l’évolution de son effectif » ([87]). Il n’en reste pas moins que cette organisation permet aux inspecteurs et contrôleurs de disposer d’une connaissance fine du tissu économique local, d’entretenir des liens avec ses acteurs et d’appréhender au mieux ses spécificités. Aussi la suppression des sections, solution unanimement rejetée lors des auditions, risquerait-elle en réalité de les éloigner du terrain et de leur faire perdre une part de leur autonomie. Il est certain que cette suppression présenterait l’avantage de rendre moins visibles les pénuries d’effectifs. Mais pareil argument ne saurait sérieusement servir de fondement à une telle modification, qui, du reste, aurait sans conteste des conséquences néfastes pour les salariés et les entreprises.

Il conviendrait plutôt de sanctuariser le nombre de sections, qui serait fixé par arrêté du ministre du travail, sur le modèle de ce qui prévaut pour les unités de contrôle ([88]), comme cela était le cas antérieurement. Cela impliquerait de revenir sur la rédaction des articles R. 8122‑5 et R. 8122-6 du code du travail. Le fait que la création et la suppression des sections relèvent des directeurs régionaux de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités ([89]) a rendu possible la réduction de leur nombre dans le cadre d’opérations de redécoupage territorial imposé par les vacances de postes ou la nécessité de réaliser des économies budgétaires, ce qui a conduit à une invisibilisation des carences. Cela explique que la Cour des comptes voie dans les sections l’échelon fragile de la nouvelle organisation territoriale.

Enfin, parce que les tensions qui pèsent sur les effectifs laissent peu de place aux tergiversations, ce qui importe, pour le moment, c’est que soit ouverte aux RUC, plus largement qu’aujourd’hui, la possibilité de consacrer une part de leur activité au contrôle des entreprises.

II.   Une action orientée autour d’axes prioritaires et d’objectifs chiffrés qui ne font pas l’unanimité

● L’action de l’inspection du travail est pour partie guidée par des objectifs prioritaires définis par la DGT, à qui la loi du 10 août 2018 ([90]) a confié un rôle plus central dans le pilotage et le contrôle de ce service public. Si ces objectifs préexistaient au plan « ministère fort » ([91]), ils ont pris une autre dimension avec celui‑ci et « la logique de mesure des résultats atteints est aujourd’hui beaucoup plus forte et se traduit par un suivi plus étroit de la part de la chaîne hiérarchique » ([92]).

La démarche s’inscrit dans une perspective pluriannuelle. Ainsi, le plan national d’action (PNA) 2020-2022 ([93]) fixe les orientations des contrôles à réaliser sur la période et la ventilation du nombre d’interventions attendues par secteur et par région.

On compte quatre objectifs prioritaires : la lutte contre toutes les formes de travail illégal, le contrôle du respect du cadre légal du détachement international des travailleurs, l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, la santé et la sécurité au travail. La moitié des interventions – soit 140 000 sur 280 000 en 2022 ([94]) – doit porter sur ces axes.

À cela s’ajoutent d’autres thèmes considérés comme prioritaires, assortis d’un nombre d’interventions obligatoires déclinées à l’échelon régional et départemental, calculées sur la base des effectifs théoriques d’agents de contrôle.

En 2021, 254 384 interventions ont été réalisées au total, parmi lesquelles 112 525 contrôles à proprement parler.

Les suites données aux interventions de l’inspection du travail (2021)

Types de suites à interventions

2018

2019

2020

2021

2022
(1er sem.)

Avis (notamment avis au parquet)

3 790

3 354

2 030

1 344

577

Décision

38 230

39 641

32 266

37 744

18 300

…dont sanctions administratives

1 595

2 245

1 796

2 078

959

Décision d’arrêt d’activité

112

104

72

55

39

Décision de chantier

5 692

7 146

4 801

5 315

3 174

Demande de vérification et de mesurage

830

918

601

731

491

Mémoire en appel / en défense

214

268

201

228

64

Mise en demeure

4 837

5 873

4 070

4 945

2 839

Observations écrites

170 535

182 145

148 625

156 844

77 670

Procès-verbal (PV)

5 002

5 402

4 030

4 609

2 444

Proposition de transaction

495

910

634

722

311

Rapport (en vue d’une sanction ou dans le cadre d’un recours)

8 865

9 681

7 550

8 675

4 215

Référé

33

81

30

29

15

Signalement au parquet

725

705

1 475

1 646

481

Total

239 360

256 228

206 385

222 887

110 620

Source : direction générale du travail.

● Le bilan de ce changement de mode d’organisation du travail est plutôt positif, à en croire la Cour des comptes. Selon elle, « la direction générale du travail a réussi à unifier une grande part de l’activité de l’inspection du travail autour de thèmes fondamentaux et habituels de contrôle, comme les risques de chutes de hauteur sur un chantier, tout en introduisant des sujets liés aux priorités sociétales du moment, tels que l’égalité entre les femmes et les hommes au travail » ([95]).

Le rapporteur ne met pas en cause la réalité de la mobilisation plus collective de l’inspection du travail dans les secteurs jugés prioritaires par les pouvoirs publics et les résultats positifs qu’elle a pu engendrer dans les domaines de la lutte contre le travail illégal ou du contrôle des prestations de services internationales (PSI) notamment.

Pour autant, le bilan évoqué plus haut mérite d’être nuancé.

D’une part, la multiplication des priorités va à l’encontre de la stratégie affichée. Certes, le nombre des grands axes est limité. Mais il faut avoir à l’esprit que « de nombreux sous-objectifs – parfois très éloignés des orientations nationales – s’ajoutent au niveau régional, du département ou de l’unité de contrôle, sans compter les éventuelles commandes ponctuelles de contrôles décidées en cours d’année au niveau central » ([96]). Il est vrai que la DGT s’efforce de rationaliser le dispositif en procédant à la fusion d’objectifs prioritaires. Mais cela n’est pas suffisant. En définitive, ainsi que le relève la Cour des comptes, « [d]u point de vue de la performance collective, [l’]enchevêtrement de secteurs à couvrir et de résultats à atteindre nuit fortement à la clarté des orientations retenues par la hiérarchie, contribue à disperser l’activité du service et amoindrit l’impact recherché » ([97]).

D’autre part, ces priorités sont définies de manière trop verticale. Le code du travail prévoit pourtant que « les agents de contrôle [...] sont associés à la définition des orientations collectives et des priorités d’intérêt général pour le système d’inspection du travail arrêtées, chaque année, par le ministre chargé du travail après concertation avec les organisations syndicales de salariés et les organisations professionnelles d’employeurs représentatives » ([98]). Mais cette disposition revêt une portée assez théorique bien que des progrès aient été enregistrés récemment.

Évidemment, cela ne favorise pas l’adhésion des personnels à la démarche. Dès l’origine, celle-ci a d’ailleurs cristallisé l’opposition de plusieurs syndicats. Et force est de constater qu’elle ne recueille pas plus leur approbation à l’heure actuelle.

Elle porterait atteinte, à leurs yeux, au principe d’indépendance de l’inspection du travail consacré par les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) ([99]) et garanti par la loi ([100]). En d’autres termes, « les priorités nationales seraient de nature à leur imposer des thèmes non concertés en amont, ayant pour conséquence de diminuer leur marge d’appréciation personnelle quant aux contrôles à réaliser sur le terrain » ([101]). Au-delà, elles les détourneraient d’autres actions perçues comme essentielles (prévention, réponses aux sollicitations des employeurs et des salariés, etc.) et les empêcheraient par là même de répondre à la « demande sociale ». Cette critique est souvent revenue à l’occasion des auditions. L’indépendance n’a peut-être pas disparu mais il est indéniable que l’inspection évolue dans un carcan qui ne cesse de se resserrer. Au demeurant, le bilan quantitatif ne décrit que très imparfaitement la qualité de l’action publique. Le nombre d’actes administratifs ne saurait résumer l’action d’un inspecteur du travail.

Le rapporteur n’est pas, par principe, opposé à la définition de priorités nationales mais il estime que le système doit être aménagé. D’abord, il lui paraît nécessaire que le nombre des objectifs soit réduit au strict minimum et que soient écartés « les thèmes d’interventions redondants avec les contrôles les plus courants » ([102]). Ensuite, il tient pour fondamental que les acteurs de terrain soient davantage associés au processus d’identification des priorités d’action.

Le rapporteur veut, pour conclure, insister sur le fait que la « politique du chiffre » mise en œuvre par le ministère du travail est en partie responsable du manque d’adhésion à la démarche évoqué plus haut. Ses interlocuteurs le lui ont dit dans des termes très clairs. Il observe que les sénateurs Emmanuel Capus et Sophie Taillé-Polian ([103]) alertaient eux aussi, dans un rapport publié en 2019 ([104]), sur les effets pervers et contre-productifs de l’approche retenue, entre majoration artificielle du nombre d’interventions, éloignement du terrain et élaboration de stratégies de contournement nuisibles à l’action qualitative. Il constate avec intérêt que la DGT admet que la logique a sans doute été poussée trop loin et se félicite que le prochain PNA (2023‑2025) fasse une place plus réduite aux objectifs chiffrés et une place plus grande aux initiatives locales ([105]). Car c’est aussi à partir de la réalité du terrain telle que la connaissent les agents que doit se construire l’action publique, faute de quoi le risque est grand que celle-ci n’appréhende pas bien les situations critiques.

III.   Une gestion des ressources humaines défaillante

La lucidité commande de reconnaître que l’inspection du travail traverse une crise profonde et que cette crise trouve en partie son origine dans une gestion des ressources humaines défaillante. Une gestion sur laquelle la DGT n’a pas plus la main que sur la logistique.

A.   Des effectifs très insuffisants

● Le plan « ministère fort » est intervenu dans le contexte d’une hausse, à compter de 1999, des effectifs des corps de contrôle affectés à l’inspection du travail. Cette année-là, les inspecteurs et contrôleurs représentaient 1 754 ETP. Quinze ans plus tard, au moment de la réforme, ils représentaient 2 462 ETP (+ 40 %) ([106]). Puis la tendance s’est inversée. En effet, les agents chargés du contrôle des entreprises ne représentaient plus que 1 898 ETP en 2018 ([107]), 1 748 ETP en 2021 et 1 700 ETP au 31 mars 2022 (soit 1 agent pour 12 000 salariés) ([108]). Entre la fin de l’année 2017 et le mois de mars de l’année en cours, la baisse aura donc atteint 250 ETP ([109]). De leur côté, les services de renseignement se « vident irrémédiablement de leurs effectifs du fait des réussites au concours des contrôleurs » ([110]). Quant aux assistants de contrôle, leur nombre aurait chuté d’un tiers en dix ans ([111]).

évolution du nombre d’agents de contrôle (en ETP) entre 2017 et 2022

Source : DGT (Enquête flash effectif).

Note : Agents de contrôle affectés dans les UC-T et UC-R (hors ITS, IET, ITD & RUC inspectant).

La diminution continue des effectifs n’est pas spécifiquement le fruit du plan « ministère fort » ([112]). Ses causes sont à rechercher notamment dans la politique de réduction des effectifs qui touche, depuis des années, l’ensemble des ministères, d’abord, dans l’importance numérique des départs en retraite, ensuite, et dans le défaut d’attractivité d’un service public qui peine à recruter, enfin.

Le constat est unanime : l’inspection du travail souffre actuellement d’un manque de moyens humains préoccupant.

Sur le terrain, ce manque de moyens se traduit par un fort taux de postes vacants au sein des sections de contrôle, qui atteindrait 15 % dans le pays, et même davantage dans plusieurs départements. À l’échelle de la région Provence‑Alpes‑Côte d’Azur, il s’élève à 25 % ([113]). En Corse et en Seine-Saint-Denis, il serait plus important encore. Au total, 376 postes sont non pourvus à ce jour.

Évolution du nombre de sections
et de sections pourvues depuis 2017

 

déc. 2017

déc. 2018

déc. 2019

déc. 2020

déc. 2021

mars 2022

Sections

2 194

2 104

2 074

2 071

2 052

2 048

Sections pourvues

1 870

1 831

1 793

1 787

1 702

1 672

Sections non pourvues

324

273

281

284

350

376

Source : direction générale du travail.

Cette situation n’est tout simplement pas tenable. Elle empêche l’inspection de remplir ses missions en certains endroits du territoire, à tel point que les syndicats dénoncent l’apparition de « zones de non droit du travail », et crée une rupture d’égalité inacceptable dans l’accès au service public. Très concrètement, les salariés et les entreprises n’ont plus toujours d’interlocuteurs réguliers. Voilà des données qui mériteraient de figurer dans les analyses… Certes, le recours à l’intérim dans les sections sinistrées – intérim effectué par des agents affectés à d’autres sections – atténue le manque. Mais ne sont traitées dans ce cadre que les urgences (tels les accidents graves ou mortels) et les demandes dites contraintes (telles les autorisations de licenciement). Certes, le recrutement de contractuels sur des fonctions d’appui et d’aide est autorisé. Il est vrai, dans un autre registre, que des dispositifs d’aide à la préparation du concours d’inspecteur, dont les épreuves ont été modifiées, ont vu le jour afin de le rendre plus accessible. Mais cela n’est pas suffisant. En réalité, la réponse la plus « efficace » au problème semble avoir résidé jusqu’à présent dans la suppression des sections non pourvues dans le but de masquer la pénurie de main‑d’œuvre.

● Il est temps d’agir avec la plus grande détermination.

Il faut, sans attendre, intensifier les recrutements d’inspecteurs, d’assistants de contrôle et d’agents chargés du renseignement aux fins de redonner à l’inspection du travail les moyens de tenir le rôle que la loi lui confie. Il y a là un impératif si l’on veut éviter la réorganisation des services autour d’unités de contrôle au périmètre géographique plus étendu, nécessairement moins proches des acteurs économiques, la réalisation des contrôles en lien avec les risques les plus importants uniquement ou l’abandon pur et simple de certaines tâches, tel le renseignement.

Le rapporteur relève que le volume des postes offerts au recrutement d’inspecteurs par voie de concours est en nette augmentation : 200 postes en 2022 et 2023 contre 100 postes précédemment ([114]). C’est un premier pas dans la bonne direction. Il sait que le recrutement s’opère également par le biais du détachement de fonctionnaires ([115]), qui mérite d’être encouragé (23 en 2021, 58 en 2022) ([116]).

Volume des récentes et prochaines affectations d’inspecteurs-élèves du travail
à l’issue de leur formation

23 inspecteurs du travail recrutés par détachement ont été affectés le 1er juillet 2022.

66 inspecteurs du travail issus de la promotion 2020 ont été affectés le 1er septembre 2022.

58 inspecteurs du travail recrutés par détachement seront affectés le 1er juillet 2023.

85 inspecteurs du travail issus de la promotion 2021 seront affectés le 1er septembre 2023.

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

Il tient néanmoins à souligner que cet effort, si indispensable soit-il, ne résoudra rien si le ministère du travail ne parvient pas à rendre la profession plus attractive. On le sait, le concours attire de moins en moins de candidats et il arrive que les postes ne soient pas tous pourvus.

Aussi, au moins deux grandes actions doivent être engagées.

La première consiste en une majoration des rémunérations des personnels, qui sont plutôt moins élevées que celles proposées ailleurs dans la fonction publique, dans le prolongement de l’effort réalisé en vue de la revalorisation du corps de l’inspection du travail par la modification de la structure des carrières ([117]). Le rapporteur sait qu’une enveloppe de 2,5 millions d’euros est prévue à cet effet dans le PLF pour 2023 ([118]). Toutefois, il regrette de ne pas avoir obtenu plus de détails sur le dispositif ni de réponse à son interrogation sur le montant moyen des hausses de traitement à venir et sur sa répartition entre les personnels en poste.

La seconde consiste en une meilleure promotion des métiers. La DGT y travaille d’ores et déjà. Présence sur les réseaux sociaux, dans la presse généraliste et spécialisée, participation à des forums et salons de l’emploi, désignation d’ambassadeurs chargés d’intervenir dans les universités..., autant d’initiatives positives qui pourront être utilement complétées par un plan de communication du Gouvernement à destination du public le plus large pour accompagner le processus de recrutement.

*

En réalité, la crise que traverse l’inspection du travail, particulièrement aiguë, est une crise qui touche toute la fonction publique. C’est une crise de sens. Le sentiment qu’on ne parvient pas à exercer ses missions ou qu’on ne pourra pas y parvenir est un puissant facteur de cette crise. Les signaux envoyés en différentes occasions aux fins de garantir l’obéissance aux directives centrales, les difficultés à obtenir des suites aux actions conduites et le sentiment d’un manque de soutien se sont conjugués avec un abaissement sévère des droits de celles et ceux qui travaillent. C’est là le troisième défi, un défi politique. Celui de donner à l’inspection du travail toute sa place dans la lutte pour le respect du droit du travail dans l’entreprise et de ce fait dans la lutte pour le respect du travail lui-même alors qu’il connaît une crise profonde, qu’il est tant malmené, dévoyé ou gâché. Ce n’est pas le moindre des enjeux.

B.   Un plan de transformation des contrôleurs du travail en inspecteurs inabouti

La principale mesure de la réforme « ministère fort » touchant aux ressources humaines a résidé dans la transformation des contrôleurs en inspecteurs du travail suivant des modalités dérogatoires aux modalités traditionnelles d’évolution professionnelle. Ce chantier devait être mis en œuvre sur une période de trois ans, à compter de 2013, mais il ne s’est achevé qu’en 2020.

● 1 495 contrôleurs sont ainsi devenus inspecteurs par la voie d’un examen professionnel (EPIT), de 2013 à 2015, puis, les années suivantes, d’un concours réservé (CRIT). Ils ont bénéficié d’une formation de six mois dont la qualité est apparue insuffisante dans l’optique de l’acquisition des connaissances nécessaires à l’exercice de leurs missions, qui plus est dans un contexte de complexification du droit du travail.

Certains contrôleurs n’ont pas souhaité intégrer le corps des inspecteurs, d’autres n’y sont pas parvenus, le jury du concours ayant pu estimer que le niveau des candidats n’était pas suffisamment bon pour pourvoir tous les postes offerts ([119]). « Au fil des promotions, un sentiment d’injustice a pu alimenter une forme de frustration chez les contrôleurs en situation d’échec, partagée par solidarité par leurs collègues. » ([120])

603 contrôleurs sont actuellement en activité. Des syndicats réclament leur intégration automatique dans le corps des inspecteurs mais cette hypothèse paraît peu réaliste. Toujours est-il qu’il serait bon que le ministère du travail clarifie les choses quant aux perspectives offertes à ces personnels jusqu’à l’extinction de leur corps d’appartenance.

● Étonnamment, l’incidence financière du plan de transformation des contrôleurs en inspecteurs n’est pas connue. À cet égard, la Cour des comptes indique, dans son rapport de 2020 déjà cité, que le ministère « n’a pas été en mesure de communiquer les coûts prévisionnels de cette réforme, ni ses coûts réels » ([121]) et, plus surprenant encore, qu’il « ne semble disposer d’aucune information mesurant l’impact financier de ce volet majeur du plan " ministère fort " » ([122]).

La Cour a certes proposé une estimation de ce coût. Mais il serait bon, là aussi, que le ministère du travail sorte de sa réserve et fasse état des conséquences de ce plan pour les finances publiques.

C.   Une formation de qualité insatisfaisante

● La qualité de la formation initiale dispensée par l’Institut national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (INTEFP) est une source de préoccupation depuis plusieurs années.

Dans un référé adressé à la ministre du travail en date du 28 octobre 2019, la Cour des comptes appelait à la refondation de la stratégie, de la gouvernance, du fonctionnement et de la gestion des moyens de l’établissement, au regard des dysfonctionnements constatés de façon répétée, et faisait observer que, « si les évaluations à chaud [reflétaient] la satisfaction des stagiaires, les évaluations à froid [révélaient] des niveaux d’insatisfaction des bénéficiaires de la formation initiale préoccupants, de manière réitérée [...], sans que des études complémentaires aient été conduites pour confirmer ou infirmer, ni analyser ces résultats » ([123]).

Les recommandations de la Cour des comptes aux fins de refonder la stratégie,
la gouvernance, le fonctionnement et la gestion des moyens de l’Institut
national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle

Recommandation n° 1 : (SGMAS) modifier la composition du conseil d’administration de l’Intefp pour que les débats portent sur les activités et le fonctionnement de l’Institut et réinstaller le conseil pédagogique et scientifique ;

Recommandation n° 2 : (SGMAS, Intefp) formaliser une réflexion stratégique, en lien avec le conseil pédagogique et scientifique, sur la politique d’ouverture de l’Institut sur l’extérieur et le niveau de diversification optimal en termes d’origine professionnelle des personnels et des formateurs ;

Recommandation n° 3 : (SGMAS, Intefp) inscrire, dans le prochain document stratégique, une vision prospective partagée et documentée concernant les grands enjeux de la formation des personnels du ministère et l’avenir de l’établissement, y compris en sa qualité d’institut ; s’appuyer sur des indicateurs de résultats permettant une mesure plus exacte de l’efficacité de l’établissement pour l’ensemble de ses missions ;

Recommandation n° 4 : (SGMAS, Intefp) réaliser une évaluation de la formation initiale des inspecteurs du travail et des besoins en formation complémentaire des inspecteurs issus du concours réservé pour l’accès au corps des inspecteurs du travail ;

Recommandation n° 5 : (SGMAS et Intefp) circonscrire le budget de l’établissement aux missions du décret statutaire et renforcer sa cohérence en s’appuyant sur une comptabilité analytique en coûts complets ;

Recommandation n° 6 : (SGMAS et Intefp) améliorer le taux d’occupation des salles et des chambres, en optimisant la programmation des formations et en faisant évoluer la stratégie immobilière au regard de deux scenarii immobiliers (conserver ou céder le campus).

● Ces remarques ne sont pas restées lettres mortes et les recommandations de la Cour (voir encadré ci-dessus) ont trouvé une traduction concrète dans le nouveau contrat d’objectifs et de performance (COP) pour 2022-2024, bâti autour de trois grands axes ([124]) :

– le renforcement de la gouvernance et du pilotage des activités, avec une refonte de la composition du conseil d’administration, la création d’un conseil pédagogique et scientifique, un échange en continu avec la tutelle, la garantie des relations professionnelles et un dialogue social interne de qualité ;

– le développement de la nouvelle stratégie des activités pédagogiques et partenariales, avec le déploiement d’une offre de formation initiale, de prise de poste et de formation continue rénovée à destination de tous les agents, notamment en tirant profit des technologies numériques, et le développement du rayonnement de l’institut en redonnant de la visibilité à ses actions de partenariat ;

– l’optimisation de la performance des fonctions transverses, avec la poursuite et le renforcement de l’amélioration de la démarche qualité à tous les niveaux et dans toutes les activités de l’établissement, le développement d’une démarche de responsabilité sociale en ressources humaines, l’optimisation des installations pédagogiques et hôtelières dans une logique de responsabilité environnementale, et l’optimisation des ressources par le renouvellement et l’adaptation des outils métier aux activités de l’institut tout en améliorant les conditions de travail.

Concrètement, la formation des inspecteurs du travail, d’une durée de dix‑huit mois, est à présent structurée autour :

– d’un tronc commun de douze mois : vingt-huit semaines à l’INTEFP puis seize semaines de stage dans une direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, une direction départementale de l’emploi, du travail et des solidarités ou en entreprise ;

– et d’une période de spécialisation de six mois : dix semaines de stage (sur le poste de pré-affectation et en juridiction) puis dix semaines à l’INTEFP.

Le secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales (SGMAS) explique que « le dispositif de formation est construit sur une approche par les compétences avec une entrée par le geste professionnel » ([125]).

Refonder l’INTEFP était indispensable, améliorer la qualité de la formation primordial, à plus forte raison dans le contexte d’une augmentation du volume d’inspecteurs-élèves à partir de 2023. Il faut espérer que ces changements porteront rapidement leurs fruits. Il faudra naturellement s’en assurer.

*

L’inspection du travail traverse une crise majeure sur fond de bouleversement du droit du travail, abîmé par la majorité présidentielle depuis les premiers temps du précédent quinquennat, d’apparition de nouvelles formes d’emploi, souvent synonymes de précarité, et plus généralement de mutations du paysage socio‑économique. Les développements qui précèdent en attestent même s’ils n’épuisent évidemment pas le sujet.

Les difficultés qui s’élèvent, sur lesquelles il n’est plus possible de fermer les yeux, appellent des réponses fortes. Elles font défaut pour le moment. Les pouvoirs publics ont dépensé beaucoup d’énergie à mettre en œuvre une réforme dont on peut dire aujourd’hui qu’elle ne portait pas si bien son nom, sans en mesurer les effets négatifs. Ils ont récemment engagé, avec retard, différents types d’actions pour améliorer la situation.

Mais il est à craindre que le compte n’y soit pas. Notamment tant que perdureront l’insuffisance des moyens matériels sur le terrain ou les défauts dans l’organisation territoriale, pour ne citer que ces exemples. Il faudra donc redoubler d’efforts dans les années à venir.

Il conviendra de procéder, au cours de la législature, à une évaluation du plan « ministère fort » dans toutes ses composantes et de ne pas avoir peur d’en tirer les conséquences.

Le Parlement devra se montrer à la hauteur de l’enjeu, plus que par le passé.

L’inspection du travail doit et peut de nouveau être l’institution qui permet l’application et la promotion du droit du travail au quotidien et qui permet par-là même de le faire respecter dans sa dimension personnelle comme dans sa dimension sociale.


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   Travaux de la commission

Au cours de sa seconde réunion du mercredi 19 octobre 2022, la commission des affaires sociales procède à l’audition de M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, sur les crédits de la mission Travail et emploi du projet de loi de finances pour 2023 (seconde partie), puis examine les crédits de cette mission (M. Pierre Dharréville, rapporteur pour avis) ([126]).

I.   Audition DU ministre

La commission auditionne M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion.

M. Olivier Dussopt, ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion. Les crédits de la mission Travail et emploi permettent de suivre les huit priorités de la feuille de route que je vous ai présentée le 13 septembre et qui vise à atteindre le plein emploi.

Avec 20,9 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 20,9 milliards en crédits de paiement (CP), ce budget franchit une marche très importante – 6,2 milliards en CP – par rapport à 2022. Cela s’explique très largement par des changements de périmètre : un certain nombre de dispositions jusque-là financées par le plan de relance – prime à l’apprentissage et une partie de l’activité partielle – font désormais l’objet d’un financement de droit commun.

À périmètre comparable l’augmentation est de 1,1 milliard d’euros en CP et d’environ 1 milliard en AE, ce qui s’explique par la dynamique de compensation des exonérations de cotisations, qui représente un peu plus de 600 millions d’euros, par le nombre de créations d’emplois de l’année 2022 et de celles que nous espérons pour 2023, mais aussi par l’inscription de 350 millions au titre de la partie formation du Fonds national pour l’emploi (FNE) et de 50 millions au titre des financements des dispositifs de transition collective, et par quelques autres dispositifs d’un montant moindre.

Ce budget illustre aussi la politique menée en faveur de l’emploi depuis un an et même depuis plusieurs années. Depuis un an, nous avons lancé un plan de réduction des pensions de recrutement qui a permis d’accompagner 380 000 demandeurs d’emploi au niveau national, dont 280 000 de longue durée et 146 000 de très longue durée. Cette diminution du nombre de demandeurs d’emploi de très longue durée explique le principal mouvement à la baisse de ce budget, les crédits de l’allocation spécifique de solidarité (ASS) étant de la sorte en recul de 492 millions d’euros.

Plusieurs priorités sont financées par ce budget, au premier rang desquelles le maintien d’un fort soutien à l’alternance et à l’apprentissage, avec la reconduction de primes importantes pour l’embauche d’apprentis. Nous travaillons, avec Carole Grandjean, ministre déléguée, à ce que le montant de ces aides permette de garantir la dynamique tout en revenant progressivement à des niveaux de dépense plus soutenables. Il s’agit également de soutenir France compétences, dont la santé financière a été dégradée par la forte augmentation du nombre de contrats.

Nous voulons également continuer à soutenir la formation. Principale nouveauté : l’inscription en droit commun de 350 millions d’euros au titre du FNE‑Formation et des dispositifs de transition collective jusque-là financés dans le cadre du plan de relance.

Troisième priorité : nous avons concentré nos efforts sur celles et ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi. Quelques dizaines de millions d’euros ont été inscrits au budget à titre expérimental pour accompagner la structuration de France Travail ainsi que l’amélioration de l’accompagnement des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) dans un certain nombre de territoires d’expérimentation que nous allons prochainement désigner.

Cela passe surtout par le maintien à des niveaux très importants de trois outils. Je pense d’abord au programme d’investissement dans les compétences (PIC), qui bénéficie de 2,5 milliards d’euros, dont 1,6 milliard pour financer le volet régional, conformément aux engagements souscrits, 800 millions à l’échelon national pour financer les actions de formation de portée nationale et 100 millions, soit une augmentation de 25 %, au titre des PIC spécifiques à l’insertion par l’activité économique (IAE), qui garantissent un meilleur accès à la formation des salariés d’entreprises et de structures d’insertion par l’activité économique, car, au-delà de l’activité, la formation est évidemment essentielle.

L’IAE bénéficie d’un budget en hausse, ce qui permettra de tenir le cap du plan « ambition pour l’inclusion » annoncé par le Président de la République en 2019. Les crédits que nous vous proposons d’adopter permettront de financer une augmentation de 7 000 équivalents temps plein (ETP) en structure d’insertion, les effectifs passant de 88 000 à 95 000. Cette augmentation prend en compte celle du Smic, afin qu’elle ne pèse pas sur les finances des structures d’insertion par l’activité économique. Notre objectif est d’atteindre 122 000 ETP en insertion en 2025, soit 240 000 bénéficiaires, les contrats d’insertion étant à temps partiel.

En matière d’IAE, nous avons également fait le choix de multiplier les places disponibles dans les entreprises d’insertion et dans les entreprises de travail temporaire d’insertion, afin de mieux adapter structures et places. Ceci devra être affiné en cours d’année grâce à un pilotage plus précis des crédits.

Nous maintenons aussi notre objectif d’accès des jeunes à l’emploi. Nous vous proposons de renouveler les crédits, qui permettront d’atteindre 300 000 contrats d’engagement jeune (CEJ), 200 000 passant par les missions locales et 100 000 par Pôle emploi. En 2022, nous avons largement franchi le cap des 200 000 et nous pensons terminer l’année avec 280 000 contrats signés : c’est un bon résultat pour une année démarrée le 1er mars. Cela se traduit par l’inscription de près de 1,8 milliard d’euros pour financer la totalité du CEJ, qu’il s’agisse des dépenses d’accompagnement ou des allocations versées aux bénéficiaires. De manière plus indirecte, un peu plus de 630 millions sont inscrits au titre du soutien accru de l’État aux missions locales.

Enfin, en matière d’accompagnement des publics les plus éloignés de l’emploi, les crédits que nous entendons consacrer aux entreprises adaptées pour les personnes en situation de handicap passeront de 465 à 495 millions d’euros pour nous permettre, là aussi, de tenir les trajectoires de prise en compte de la revalorisation du Smic et d’augmentation du nombre de places.

J’ai dit que ce budget permettait de financer la dynamique de la compensation des exonérations de cotisations relevant de cette mission. Il prévoit aussi de financer un nombre significatif d’emplois aidés, des emplois francs, pour un montant légèrement inférieur à celui de 2022. En 2021 et 2022, nous avons porté à un niveau très élevé le nombre d’emplois francs pour faire face aux conséquences de la crise et nous sortons désormais de cette dynamique du plan de relance. Nous vous proposons de financer un peu plus de 31 500 contrats d’insertion économique-contrats aidés dans le secteur privé. Alors que nous rencontrons des tensions de recrutement, il nous paraît logique de limiter le nombre des contrats aidés du secteur économique privé. En revanche, nous proposons d’inscrire 80 000 parcours emploi compétences (PEC), ces contrats aidés du secteur public. Au nombre de 67 000 en 2022, ils avaient été complétés de 10 000 postes supplémentaires au cours de l’été.

Les crédits du ministère relèvent de plusieurs programmes. Ceux que j’ai évoqués sont très importants. Le programme 111, qui concerne la qualité de vie au travail, mérite également l’attention même si les sommes concernées sont moins importantes. Nous augmentons ses crédits de 28 %, soit quelques dizaines de millions d’euros. Il s’agit de l’application scrupuleuse des dispositions votées par le Parlement à l’occasion de l’adoption de la loi 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail et destinées à accompagner les services de prévention et de santé au travail.

Enfin, s’agissant des moyens dont disposent le ministère et son principal opérateur, Pôle emploi, la subvention versée à ce dernier par l’État augmentera de 133 millions d’euros tandis que la contribution Unedic au financement de Pôle emploi progressera d’environ 400 millions du fait de la dynamique de la masse salariale. Par rapport à 2017, Pôle emploi dispose de moyens beaucoup plus importants et d’environ 3 000 ETP de plus pour accompagner les politiques menées.

Le ministère du travail a subi pendant dix ans la suppression de 180 emplois par an, à périmètre constant. Nous vous proposons d’inverser la tendance, en créant 60 emplois nets en 2023, indépendamment des mesures temporaires pour accompagner la nouvelle organisation territoriale de l’État et l’activité partielle. Ces 60 emplois permettront tout à la fois de mieux préparer les Jeux olympiques en matière de droit du travail, mais aussi d’accompagner le développement de la délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP) et d’internaliser un certain nombre d’activités jusqu’à présent confiées à des cabinets de conseil et que nous souhaitons pouvoir exercer en propre.

Je reviendrai tout à l’heure sur les moyens de Pôle emploi : je me suis perdu dans les chiffres que je voulais vous fournir.

M. Pierre Dharréville, rapporteur pour avis. Nous ne savons pas si le Parlement sera autorisé pendant très longtemps par le Gouvernement à discuter le contenu de ce projet de loi de finances (PLF) qui intervient dans le contexte d’une inflation persistante et de défis considérables pour le travail et l’emploi. Qu’à cela ne tienne, profitons du moment...

La hausse du budget de la mission Travail et emploi doit être relativisée : dans ce contexte, elle était très attendue pour financer tous les objectifs – vous venez de l’expliquer aussi par la dynamique des exonérations de cotisations –, et elle résulte largement de la disparition du programme Cohésion de la mission Plan de relance.

Les crédits du programme 102 Accès et retour à l’emploi sont toutefois en diminution, a contrario de la dynamique observée l’an passé. Le Gouvernement explique que cette diminution est due à l’amélioration de la situation. Permettez-moi de trouver cette hypothèse très hasardeuse, a fortiori au regard de la réforme de l’assurance chômage en cours d’adoption, qui aura pour effet de rendre les fins de droits plus précoces. À rebours de la tendance observée au cours du précédent quinquennat, le montant des crédits versés à Pôle emploi au titre de la subvention pour charges de service public augmente. Rappelons toutefois qu’il ne s’agit que d’un léger rattrapage qui fait suite au reflux de l’implication de l’État dans le financement de Pôle emploi.

Le Gouvernement entend diminuer le plafond d’emplois de l’opérateur. Comment justifier cette nouvelle baisse, qui sera nécessairement préjudiciable aux conditions de travail des salariés alors que vous annoncez une reconfiguration du service public de l’emploi qui appellerait plutôt un renforcement des moyens ?

La hausse des crédits du programme 103 s’explique très largement par le rapatriement des crédits dédiés à l’activité partielle               qui figuraient auparavant dans la mission Plan de relance. Ce programme finance également la validation des acquis de l’expérience (VAE). Je m’étonne que la dotation prévue d’un million d’euros soit constante alors que vous venez d’engager au débotté une réforme visant à donner de l’ampleur à la VAE. Comment comptez-vous la financer en 2023 ?

Concernant les crédits du programme 111 Amélioration de la qualité de l’emploi et des relations de travail, pouvez-vous apporter quelques précisions sur l’utilisation concrète qui a été faite en 2022 de l’action Renforcement de la prévention en santé au travail ?

Dans le programme 155 Conception, gestion et évaluation des politiques de l’emploi et du travail, pourquoi les crédits dédiés à la communication bondissent-ils de 3,4 millions d’euros à près de 10 millions, soit une hausse de près de 200 % ? Ne pensez-vous pas que d’autres actions de ce programme auraient mérité une telle augmentation ? Je pense notamment aux crédits destinés à la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), dont les travaux sont précieux dans un monde du travail en mutation profonde. Votre ministère envisage-t-il d’avoir recours à des cabinets de conseil ? Si oui, pour quelles missions et pour quels montants ?

Je braque maintenant le projecteur sur le service public de l’emploi dans un contexte de réforme annoncée. France Travail est un objet encore très flou. Si un préfigurateur a été nommé pour préparer sa mise en place dès 2024, les acteurs que j’ai auditionnés ne disposent d’aucun élément précis sur son périmètre et son contenu. Ils soulignent les efforts déjà entrepris dans le rapprochement des différents acteurs du service public de l’emploi dont France Travail semble être le prolongement. Mais quel est le diagnostic et que peut-on dire de l’ensemble des objectifs poursuivis, sans parler de la forme juridique que prendra France Travail ? Les enjeux sont multiples. Ainsi, quid des jeunes les plus éloignés du travail qui doivent être remobilisés et affrontent des problématiques dites périphériques ? Aucun financement n’est aujourd’hui fléché vers des solutions et les missions locales ont trop peu de leviers.

Autre sujet : il faudrait évaluer les effets des financements publics de l’insertion, entre éparpillement des fonds et financement de majors de l’insertion. Cette réforme interroge d’autant plus que la préfiguration suit le calendrier de la remasterisation de l’assurance chômage par laquelle l’État la dénature et accroît sa mainmise sur la gouvernance. Elle comprend un volet systèmes d’information, ce qui pourrait s’entendre, qui pourrait faire rêver les tenants d’une logique adéquationniste et court-termiste. Comment garantirez-vous aux personnes privées d’emploi le respect de leur parcours et de leurs choix professionnels dans le nouveau service public de l’emploi que vous essayez de dessiner ?

Il est révélateur que la seule mention de France Travail dans le PLF soit liée à une expérimentation de 20 millions d’euros destinée, dans une dizaine de bassins de vie, à l’accompagnement, mais aussi au contrôle accru des bénéficiaires du RSA, qui devront s’engager à un suivi de 15 à 20 heures sans qu’on en sache beaucoup plus à ce stade. Quelle sera l’articulation avec le dispositif « territoires zéro chômeur » et avec les ateliers et chantiers d’insertion qui voient leur plafond en ETP baisser de 6 % alors qu’une augmentation leur avait été annoncée – je n’ai d’ailleurs pas retrouvé dans ce budget, les chiffres que vous avez annoncés pour l’IAE ? Ces ateliers et chantiers d’insertion accueillent pourtant 52 % des bénéficiaires du RSA.

Je m’interroge sur le champ exact de cette expérimentation et sur sa prompte généralisation. Concernera-t-elle tous les allocataires du RSA, y compris ceux qui sont durablement éloignés de l’emploi ? Dans l’affirmative, quelle forme prendra cette nouvelle obligation ?

J’en viens à l’inspection du travail. Eprouvée par une quinzaine d’années de transformations, elle traverse une crise profonde. Cette crise est d’abord une crise de sens. Outre que le ministère a été plusieurs fois critiqué pour son défaut de soutien à ses agents, il a accentué la casse du code du travail qui fonde leur intervention. C’est à se demander si l’affaiblissement de l’inspection du travail ne va pas de pair avec ces réformes alors que le travail lui-même est en crise, trop souvent maltraité et gâché. Nous avons besoin d’une inspection du travail forte pour faire respecter le travail ainsi que celles et ceux qui travaillent.

S’agissant de son organisation territoriale, les unités de contrôle créées par le plan « ministère fort » n’ont pas réellement trouvé leur place, pas plus que les responsables d’unité de contrôle (RUC), que l’administration a peiné à recruter et à former. Le plan de transformation des contrôleurs en inspecteurs du travail pose aussi question. Quelles sont les perspectives offertes aux contrôleurs jusqu’à l’extinction de leur corps d’appartenance ? Par ailleurs, le redécoupage des sections de contrôle a engendré un sentiment d’isolement chez les agents. L’inspection du travail fait aussi les frais de la réforme de l’organisation territoriale de l’État et de la mutualisation des moyens entre les directions interministérielles qu’elle entraîne. Les matériels, tels les équipements de protection individuels, sont insuffisants ou mal entretenus, notamment les véhicules de service. Les ressources documentaires sont souvent indisponibles. Or, relevant d’une mission du ministère de l’intérieur, les crédits de fonctionnement des services déconcentrés de l’État n’augmentent que de 2 %. Si l’effort ne s’accentue pas, il y a peu de chance que ces difficultés se résorbent. Le Gouvernement réfléchit‑il à de nouvelles évolutions de l’organisation de l’inspection du travail. Pouvez-vous nous donner des indications sur le contenu du rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) sur les RUC, qui n’a pas été rendu public pour des raisons que j’ignore ?

Il est nécessaire que le nombre des priorités hiérarchiques de l’action de l’inspection du travail soit limité et que les personnels soient davantage associés à leur définition. La politique du chiffre qui affecte toute la fonction publique est en outre contreproductive, la direction générale du travail elle-même prône son allégement.

Enfin, l’inspection du travail souffre d’un manque de moyens humains très préoccupant. Entre fin 2017 et mars 2022, le nombre des agents chargés du contrôle des entreprises a diminué de 250 ETP. Les services de renseignement se vident de leurs effectifs et les assistants de contrôle auraient perdu le tiers des leurs en dix ans. Sur le terrain, cela se traduit par un fort nombre de postes vacants au sein des sections de contrôle. Le taux de vacance serait en moyenne de 15 %. Cette situation empêche l’inspection du travail de remplir ses missions en certains endroits du territoire, ce qui crée des ruptures d’égalité. La suppression de sections non pourvues n’y change rien.

Il faut impérativement intensifier les recrutements d’inspecteurs, d’assistants de contrôle et d’agents chargés du renseignement. L’augmentation du nombre des postes offerts au recrutement d’inspecteurs par voie de concours ne servira à rien si le ministère du travail ne parvient pas à rendre la profession plus attractive. Pour ce faire, au moins deux grandes actions doivent être entreprises. D’abord, il faut améliorer la rémunération des personnels : je crois savoir qu’une enveloppe de 2,5 millions d’euros est prévue à cet effet, pouvez-vous le confirmer en précisant le montant moyen des hausses de traitement à venir et leurs modalités de distribution. Ensuite, il faut, dans le prolongement des initiatives déjà lancées, mieux promouvoir ces métiers. Évidemment, il convient aussi de mettre un terme à la dérégulation permanente du droit du travail et d’afficher une volonté politique forte en faveur du respect de celles et ceux qui travaillent et de leur travail.

L’inspection du travail a besoin de retrouver de l’indépendance et de la force ; pouvez-vous nous indiquer le montant des crédits qui lui seront affectés en 2023 et leur évolution ?

Mme Michèle Peyron, présidente. Nous en venons aux orateurs des groupes.

M. Didier Le Gac (RE). La mission Travail et emploi a une importance stratégique majeure pour atteindre l’objectif du plein emploi que poursuit le Gouvernement et qui semble d’autant plus accessible que les chiffres du chômage n’ont jamais été aussi bas depuis quinze ans. Je m’en réjouis comme, je pense, tous ceux qui, comme moi, vivent depuis des décennies avec un chômage de masse.

La mission poursuit ainsi son effort financier en faveur de l’emploi et de la formation professionnelle avec un budget en hausse de 4,5 milliards d’euros en AE et de 6,2 milliards en CP, soit un montant total de 20,3 milliards d’euros en AE et de 20,9 milliards d’euros en CP. Ces montants sont sans précédent. Comme l’écrit notre rapporteur, le PLF 2023 consacre donc une réelle hausse des moyens alloués à cette mission. Hors plan de relance, cette augmentation porte aussi sur les aides au développement de l’alternance – 3,5 milliards d’euros –, la dotation à France compétences – 1,7 milliard d’euros – et la poursuite des pactes régionaux d’investissement dans les compétences, financés pour moitié par des crédits budgétaires.

Il n’y a jamais eu autant de crédits pour l’IAE, pour la formation professionnelle ou pour l’alternance. C’est évidemment une excellente nouvelle. S’agissant des emplois aidés, le dispositif a été modifié en 2018, ce dont je me félicite. Souvenez-vous qu’en 2017 nous comptions près d’un demi-million d’emplois aidés qui n’étaient pas financés et n’offraient aucune perspective réelle de pérennisation ou d’évolution au sein de l’entreprise. Recentrés en 2018 autour de l’objectif premier d’insertion professionnelle, ils sont revus à la hausse pour 2023, notamment au sein de la sphère publique où 80 000 contrats aidés pourront être conclus, au bénéfice, entre autres, des collectivités territoriales. Je m’en félicite.

Le PLF 2023 permettra de lancer des actions préfigurant ce que sera France Travail ainsi que des expérimentations en faveur de l’insertion des allocataires du RSA.

Le programme 102 vise trois objectifs majeurs : favoriser l’accès et le retour à l’emploi, améliorer l’efficacité du service rendu aux usagers par Pôle emploi et mobiliser au mieux les outils d’insertion professionnelle en faveur de nos concitoyens. L’exercice 2023 sera marqué par la poursuite et l’amélioration des mesures pour l’emploi des jeunes, dans la continuité du plan « 1 jeune, 1 solution » qui a permis à 4 millions de jeunes de trouver soit un emploi, soit une formation, soit un parcours d’insertion, notamment dans le cadre du CEJ. La mobilisation du réseau des missions locales se prolongera en 2023.

Le programme 102 définit également une politique en faveur des personnes les plus éloignées du marché du travail. Le fonds d’inclusion dans l’emploi (FIE) regroupant les emplois aidés, le dispositif d’IAE et les groupements d’employeurs pour l’insertion et la qualification se voient confortés.

Concernant l’expérimentation territoriale, je souhaite rappeler ici – il y a eu encore aujourd’hui beaucoup de débats – que le dispositif expérimental « territoires zéro chômeur de longue durée » destiné aux publics les plus éloignés du travail est bien prolongé et bénéficie d’une participation de l’État pour 2023 de 44,94 millions d’euros en AE et CP.

Enfin, toujours dans le programme 102, les mesures en faveur de l’emploi des personnes handicapées sont dotées de 517 millions d’euros en AE et CP.

Le programme 103 Accompagnement des mutations économiques et développement de l’emploi vise à soutenir les actifs et les entreprises dans leur phase de transition et de montée en compétences. Les crédits de paiement s’élèvent à 12,6 milliards d’euros, contre 6 milliards dans la loi de finances initiale (LFI) 2022. La principale hausse concerne bien évidemment le soutien au développement des contrats d’apprentissage et de professionnalisation.

Enfin, dans le cadre du programme 111, la protection de la santé des salariés est renforcée avec la mise en œuvre de la réforme de la santé au travail issue de la loi que nous avons votée en 2021. Les questions de santé au travail demeurent à ce titre au cœur du PLF 2023. La pandémie du covid‑19 et ses conséquences nous en ont rappelé l’importance si besoin en était.

M. Matthieu Marchio (RN). Permettez-moi de m’interroger sur l’utilité de cette audition alors que votre Gouvernement s’apprête à activer l’article 49, alinéa 3, de la Constitution sur le PLF et à rejeter la majorité des amendements que nous, députés, avons votés, pour ne retenir que ceux qui lui plaisent. Une nouvelle fois, c’est le signe d’un profond mépris de la Macronie à l’égard du Parlement, donc de la volonté du peuple. À quoi bon débattre puisque vous décidez de tout avec votre minorité parlementaire ? La question du travail et de l’emploi est pourtant fondamentale et mériterait un peu plus d’humilité et d’écoute de votre part.

Vous vous félicitez régulièrement des bons chiffres du chômage. Pourtant, dans le Nord dont les habitants m’ont élu, il n’y a pas de quoi se vanter. La réalité de nombreux territoires comme le mien est celle d’un chômage endémique lié à une désindustrialisation et à des délocalisations désastreuses imposées par votre idéologie ultralibérale et mondialiste. Les Hauts-de-France comptent 9,4 % de chômeurs, soit 2 points de plus que la moyenne nationale – et nous ne parlons que des demandeurs d’emploi de catégorie A. Pour cette France qui souffre, que faites-vous au juste ? Ce PLF est une illustration du non-sens de votre politique. Nous le savons tous, la difficulté qu’il y a à retrouver un emploi est proportionnelle au temps passé au chômage. C’est particulièrement vrai dans mon département où le taux de demandeurs d’emploi de longue durée est élevé. Les services d’aide à ces publics devraient voir leurs moyens renforcés. Vous faites tout le contraire, puisque, dans le programme 102, vous diminuez de 9,2 % les AE et CP alloués à l’amélioration de l’efficacité du service de l’emploi. Où est la cohérence chiffres ?

Concernant France Travail, projet phare du Président de la République, au-delà du marketing entourant le lancement d’un nouvel outil, le flou artistique prévaut. Le rapprochement entre Pôle emploi et Cap emploi favorise certes l’accompagnement des personnes handicapées, ce qui mérite d’être salué, mais le cycle des concertations ouvert depuis septembre laisse les partenaires sociaux profondément dubitatifs. Le secrétaire général de la CFTC, cité par Le Monde, déclare d’ailleurs qu’« on a l’impression qu’ils naviguent à vue ». C’est une habitude chez vous. En l’état, le risque semble réel que France Travail ne soit au mieux qu’un gadget et, au pire, qu’un outil qui dégrade l’existant. Vous mésestimez l’importance qu’il y a à disposer d’un personnel bien formé, motivé et confiant dans son propre avenir professionnel. Comment comptez-vous aider les publics les plus fragiles alors que vous précarisez ceux qui leur viennent en aide ? Dans certaines agences de Pôle emploi, jusqu’à 50 % des personnes accompagnant les demandeurs d’emploi seraient en contrat à durée déterminée (CDD).

Les personnels sont dotés d’outils informatiques qui visent moins à s’adapter aux réalités humaines des demandeurs d’emploi qu’à produire des statistiques et à faire entrer les demandeurs dans des catégories, des cases et des secteurs de recherche d’emploi définis par des algorithmes. Les chiffres viennent avant la qualité des services. Dans ces conditions, les personnels du service public de l’emploi ont bien du mérite à accomplir leur mission avec dévouement. Nous espérons au moins que, pour cette nouvelle structure, vous mobiliserez l’intelligence et la compétence des personnels de grande qualité qui y travailleront plutôt que des cabinets de conseil, qui interviennent à des prix exorbitants pour des prestations souvent hors-sol et que votre Gouvernement a littéralement gavés ces cinq dernières années.

Lorsque nous constatons les dégâts que certaines de leurs propositions ont causés, à l’hôpital public par exemple, il y a de quoi craindre le pire, d’autant que ces cabinets sont extrêmement bien implantés auprès des opérateurs de l’emploi, où ils dégagent du chiffre d’affaires.

Vous avez exclu députés et sénateurs des travaux engagés depuis septembre 2022, alors que, tous ici, quels que soient nos groupes politiques, nous connaissons la réalité de nos territoires pour être confrontés chaque jour à la misère économique et sociale. C’est le signe d’un profond mépris pour ce Parlement. Je doute hélas que cette audition nous apporte des réponses concrètes.

M. Stéphane Viry (LR). Je salue la qualité du rapport pour avis de notre collègue Pierre Dharréville, notamment son analyse des crédits et ses interrogations légitimes sur les moyens réels donnés à la politique de l’emploi et sur les solutions de mise en situation professionnelle. Monsieur le ministre, je vous donne acte des éléments portés à notre connaissance pour apprécier la réalité des données budgétaires. C’est important pour que la parole publique soit crédible et pour que les relations avec nos concitoyens soient confortées. Je souhaite que toutes les administrations centrales soient animées de cette même exigence de célérité et de sincérité.

J’ai la conviction que la politique d’IAE est un des outils les plus pertinents pour remettre des hommes et des femmes en situation durable de travail. Il y a une dynamique dans ce secteur ; certains parcours d’insertion progressent. Je salue la diligence et la réactivité de toutes les structures d’IAE, qui ont été au rendez-vous ces dernières années. Leur action est indispensable si nous voulons collectivement atteindre l’objectif de 7 % de demandeurs d’emploi de longue durée car tel est l’objectif – il sera plus difficile de parvenir à 5 %. Pour ce faire, l’intelligence, mais aussi l’innovation, des moyens, des parcours et des accompagnements socioprofessionnels devront être mobilisés. Il faudra tester des solutions pour aller chercher celles et ceux qui souffrent de freins à l’emploi et qui en sont le plus éloignés. Cela suppose un souffle ; or je m’interroge sur la réelle volonté du Gouvernement.

Quel sera réellement le nombre de postes ouverts en insertion en 2023 ? Ne sera‑t‑il pas, mécaniquement en baisse du fait de l’inflation, ce qui serait une très mauvaise chose pour les demandeurs d’emploi et surtout un très mauvais signal pour les acteurs de l’IAE ? Par ailleurs, certes la progression du budget permet d’innover, de tester, mais encore faut-il que l’on en comprenne l’essentiel. Qu’en est-il concrètement de ces actions, comment vont-elles s’orienter ?

La diminution des ETP dans les crédits dédiés aux personnes en situation de handicap me paraît aussi donner un signal inquiétant. Pouvez-vous préciser le pilotage global de ce système et l’évaluation qui devrait être menée ?

Le dispositif « territoires zéro chômeur longue durée » fait consensus. Nous allons atteindre très prochainement le seuil de cinquante territoires. Or il ne faut pas briser les ailes de celles et ceux qui veulent s’engager dans cette voie. Comment envisagez-vous la suite de ce qu’avait annoncé votre prédécesseure, devenue Première ministre ? Cela va parfois mieux en le disant, voire en légiférant.

Enfin, je nourris beaucoup d’inquiétudes pour France compétences. Les crédits que nous sommes invités à voter pour rééquilibrer ses comptes interrogent sur le fonctionnement et la pertinence de la structure. Il semble nécessaire de mettre beaucoup au pot, pour un résultat mitigé. J’aimerais y voir plus clair.

M. Hadrien Clouet (LFI - NUPES). Les tours de parole ont été un peu inversés. J’espère que cela n’a aucun rapport avec l’atmosphère « 49.3 » qui conduirait à repousser certaines prises de parole. Merci en tout cas de permettre l’examen de cette mission importante.

La présente discussion revêt-elle une dimension politique. S’agit-il de traiter du chômage ou de la privation d’emploi ? Poser cette question implique un choix fort en termes économiques et moraux. Le chômage concerne les personnes qui recherchent un emploi, qui sont disponibles dans l’immédiat et qui n’ont pas exercé une seule heure d’activité. La privation d’emploi renvoie aux citoyens tenus éloignés de l’emploi quels que soient leurs conditions d’existence ou leurs comportements. Il ne s’agit ainsi plus du destin de 2 millions de personnes qui seraient au chômage, mais de 8 millions de nos compatriotes qui sont éloignés de l’emploi, pour qui le 49.3 patronal, c’est tous les jours sur le marché du travail. L’augmentation affichée du nombre d’emplois est largement artificielle : 150 000 emplois sont liés à des microentreprises, 300 000 à des contrats d’apprentissage qui valent aujourd’hui aux entreprises des primes exorbitantes complètement supportées par le contribuable. De la sorte, certains travaillent et paient des impôts qui servent en fait intégralement à payer leur propre salaire.

Dans le même temps, on assiste à un développement du travail gratuit ou quasi gratuit lorsqu’il est rémunéré en dessous du Smic. Je pense évidemment aux apprentis, aux alternants de moins de 16 ans, aux stagiaires, aux personnes en service civique, aux assistantes maternelles, au travail en milieu carcéral ou en établissement ou service d’aide par le travail. Des millions de personnes interchangeables partagent leur poste de travail avec d’autres et sont rémunérées en dessous de ce qui leur assurerait un minimum de dignité. Même les salariés de droit commun – le garagiste, la pâtissière – voient le revenu de leur travail diminuer de 3 %, ce qui représente une perte de 60 euros par mois pour celui qui gagne 2 000 euros : drôle de cadeau de Noël quand on a commencé l’année à 2 000 euros et qu’on la finit à 1 940 euros !

Cette crise des salaires n’affecte pas tous les salariés : elle s’arrête à partir de 2 500 ou 3 000 euros. Selon le rapport remis la semaine dernière par l’Institut de recherches économiques et sociales, 160 milliards d’euros d’aides publiques sont versés chaque année aux plus grandes entreprises du pays. Cela équivaut à un quart des salaires du secteur privé. Autrement dit, toute personne qui travaille paye elle-même un euro sur quatre pour cela. L’usage de l’argent public et la sous-rémunération du travail sont donc dans les faits un seul et même problème.

Dès lors, à quoi sert cette mission Travail et emploi ? Les augmentations évoquées par le ministre sont presque exclusivement liées aux milliards supplémentaires destinés à l’apprentissage, tandis que tout ce qui est socialement utile subit des coupes. Je pense au programme 102 et à la diminution de 5 % des sommes consacrées aux allocations chômage versées par l’État, qui n’est pas liée aux retours à l’emploi, mais traduit une baisse des moyens affectés aux contrats aidés.

Le chiffre de 400 000 CEJ paraît enthousiasmant mais il ne s’agit que du regroupement des 200 000 bénéficiaires de la garantie jeunes en mission locale et des 240 000 bénéficiaires d’un accompagnement intensif de la part de Pôle emploi, soit une perte sèche de 40 000 contrats !

À l’évidence, la remise en cause des droits engagée avec la réforme de l’assurance chômage se poursuit.

À une question écrite relative à l’allongement exceptionnel de la période d’affiliation pour les chômeuses et chômeurs, vos services ont répondu que les allocataires qui s’estiment lésés étaient invités à saisir le médiateur de Pôle emploi. Dois-je comprendre que vous faites voter des lois dont les conséquences doivent ensuite être contestées, avec votre approbation ?

M. Nicolas Turquois (Dem). L’analyse des crédits de la mission Travail et emploi revêt chaque année une importance particulière tant elle renseigne sur la tendance de la politique publique de soutien à l’emploi. Elle se fait cette année dans un contexte globalement positif. En effet, la France connaît depuis plusieurs années un recul continu du chômage, dont le taux devrait s’établir, selon les prévisions de l’Institut national de la statistique et des études économiques, à 7,4 % en fin d’année, chiffre stable par rapport à 2021 malgré le net ralentissement de l’activité lié aux raisons que nous connaissons tous.

Cela nous satisfait, mais nous engage surtout à prolonger les efforts déployés depuis 2017 pour parvenir au plein emploi, car nous restons convaincus que le travail reste un levier d’insertion déterminant dans notre société. Nous nous réjouissons que les crédits de cette mission soient cette année en progression de 4,5 milliards d’euros, soit 28,47 % d’augmentation en AE, et de 6,2 milliards d’euros en CP, soit une hausse de 42,57 %. Cette tendance haussière est indispensable pour mener à bien les réformes qui visent à réduire les inégalités d’accès à l’emploi et à développer les compétences professionnelles de l’ensemble de nos concitoyens. Le programme 102 Accès et retour à l’emploi baisse légèrement, de l’ordre de 5 %, en raison des prévisions de diminution du nombre de bénéficiaires des allocations de solidarité des personnes en fin de droits à l’assurance chômage. Cela est cohérent avec la trajectoire de baisse du nombre de demandeurs d’emploi. Au sein du même programme, nous saluons l’augmentation des crédits du secteur de l’IAE par l’intermédiaire du FIE. C’est un domaine dans lequel notre groupe s’est beaucoup investi au cours de la dernière législature, par l’intermédiaire de notre ancienne collègue Michèle de Vaucouleurs.

Il faut saluer les associations intermédiaires, les entreprises et ateliers d’insertion qui œuvrent au quotidien pour que chacun puisse s’insérer dans notre société et s’y épanouisse.

Le programme 102 voit également la traduction budgétaire du CEJ créé par la dernière loi de finances. Les quelque 800 millions d’euros prévus devront permettre aux missions locales et à Pôle emploi d’accompagner 300 000 jeunes pour l’année 2023, dont 200 000 nouveaux bénéficiaires. Ce dispositif hérité du plan de relance doit continuer de monter en charge afin de permettre aux jeunes les plus en difficulté d’entrer de manière pérenne sur le marché du travail.

Ce programme contient également les crédits destinés à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » récemment prolongée et élargie. Ce dispositif monte ainsi en puissance, avec des crédits doublés par rapport à 2021. Pouvez-vous faire un point d’étape des procédures d’agrément dans les territoires et nous fournir l’évaluation du rapport bénéfices-coûts de ce dispositif ?

L’augmentation substantielle des crédits du programme 103 est satisfaisante, dans la mesure où elle va permettre de prolonger la dynamique observée ces dernières années, notamment dans le déploiement du PIC. Si nous avons conscience du fait que cette augmentation est largement due au transfert des crédits liés à l’activité partielle qui figuraient auparavant dans la mission Plan de relance, nous souhaitons vous interroger sur plusieurs aspects de ce programme.

S’agissant d’abord de l’apprentissage, la dynamique créée par l’emploi pour la liberté de choisir son avenir professionnel a été réelle. Nous devons en être fiers. Toutefois les nombreuses aides versées dans le cadre de la crise sanitaire n’ont pas vocation à être pérennisées. Comment comptez-vous maintenir cette dynamique en revenant à un financement plus classique des contrats d’apprentissage ? Quel dispositif de soutien pourrait être reconduit ?

S’agissant ensuite de la formation professionnelle, nous sommes tous au fait des difficultés de l’opérateur France compétences, qui a bénéficié de transferts de trésorerie exceptionnels en loi de finances rectificative (LFR). Pouvez-vous nous indiquer quelle est sa situation et quels ajustements sont envisagés pour le faire parvenir à l’équilibre budgétaire ? Par ailleurs, la question de la gouvernance de France compétences est toujours épineuse. Qu’en est-il ?

Enfin, nous avons très récemment posé les jalons d’une réforme de la VAE, dans la loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi. Sa traduction budgétaire ne semble pas encore être prévue dans la mission, puisque l’enveloppe reste constante. Pouvez-vous nous indiquer quels moyens seront déployés pour réussir cette réforme ambitieuse et attendue ?

Le groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) salue un budget en augmentation et adapté aux besoins du marché du travail. Il votera donc les crédits de la mission.

M. Arthur Delaporte (SOC). Notre collègue Pierre Dharréville nous invitait à profiter du moment présent – carpe diem quam minimum credula postero, cueille le jour présent sans te soucier du lendemain, nous disait Horace. Il faudrait ajouter « sans te soucier des minutes qui arrivent » puisque la Première ministre, à l’instant, pénètre dans l’enceinte de cette assemblée pour nous imposer le couperet de l’article 49, alinéa 3, qui mettra fin aux discussions budgétaires, tout au moins en partie. Faut-il que je m’interrompe dès maintenant ou bien que je m’engage, au moins quelques secondes, dans une discussion sur la mission qui nous occupe ? Il semble que la Première ministre reste dans sa voiture. Je peux donc continuer mon propos.

Je vous ai bien écouté, monsieur le ministre ; j’ai lu les documents budgétaires qui vantent l’augmentation de 28 % des crédits en AE et de 42 % en CP, soit environ 6,23 milliards d’euros. Cela tient évidemment à l’augmentation du coût de l’apprentissage tandis que d’autres domaines font l’objet de baisses substantielles.

Ce budget, qui finance la politique de l’emploi et de la formation, est révélateur des choix politiques et idéologiques qui sont les vôtres et qui se concrétisent par des régressions, notamment en droit du travail.

La Première ministre est sortie de sa voiture : au moment où elle pénètrera dans l’hémicycle, je demanderai une suspension de séance.

L’aide exceptionnelle à l’apprentissage a profité aux plus diplômés, puisque 51 % des apprentis préparent un diplôme du niveau BTS ou supérieur, alors qu’ils n’étaient que 38 % en 2018.

Par ailleurs, pourquoi finançons-nous des formations au sein d’entreprises de communication, par exemple, qui sont éloignées de l’idée même d’un apprentissage destiné à ceux qui en ont véritablement besoin ? L’augmentation des crédits qui lui sont consacrés ne saurait compenser les baisses budgétaires enregistrées depuis 2017, notamment celle de l’ASS, destinée aux demandeurs d’emploi, en recul de 21 %, ou celle des contrats aidés, en diminution de 7 %. L’augmentation ridicule de 0,9 % des crédits fléchés vers Pôle emploi ne couvrira ni l’inflation ni la réforme de l’assurance chômage, cette usine à gaz qui pénalisera des agents de Pôle emploi déjà surmenés.

Alors qu’il reste 5 millions de chômeurs dans notre pays, vous diminuez de 500 millions d’euros l’action bénéficiant aux demandeurs d’emploi, poursuivant ainsi votre politique d’austérité pour les plus précaires. Soit cette baisse est inexplicable, soit elle est la conséquence directe de vos réformes qui, je le rappelle, devaient viser au plein emploi. Or les demandeurs d’emploi ont besoin d’un accompagnement en faveur de leur réinsertion.

Alors qu’en 2017 chaque conseiller avait en portefeuille 46 demandeurs d’emploi en accompagnement global et 336 en accompagnement suivi, ces chiffres sont aujourd’hui de 53,6 et de 406. Telle est la réalité de Pôle emploi !

S’agissant de France Travail, notamment de l’inspection du travail, notre rapporteur Pierre Dharréville nous alerte sur la qualité de l’emploi et le nombre d’ETP. Un établissement comme Pôle emploi doit être exemplaire pour permettre à ses agents d’accompagner au mieux les privés d’emploi. Or, selon les syndicats, la proportion de personnels en CDD est passée de 5 % en 2019 à 13 % en 2021, avec de fortes disparités locales. Ce n’est pas acceptable. J’espère, monsieur le ministre, que vous n’acceptez pas cette précarisation croissante du service public de l’emploi.

Faute de temps je ne peux traiter d’autres sujets, tel le handicap.

M. François Gernigon (HOR). La mission Travail et emploi traduit les ambitions du Gouvernement en matière d’emploi, de formation professionnelle et de santé au travail. Alors que nous examinons ces crédits pour la première fois de la législature, je souhaite rappeler qu’ils visent à prolonger et améliorer les dispositifs déployés depuis 2017 et qui ont porté leurs fruits : le taux de chômage est au plus bas depuis 2008 et la réforme de l’apprentissage permet aux jeunes d’être mieux armés face au monde du travail, en matière tant de formation que d’accès à l’emploi. Je mentionne également le quatrième plan santé au travail, qui vise à prévenir les risques et à accompagner les entreprises et leurs salariés.

Au nom du groupe Horizons et apparentés, je salue votre travail, monsieur le ministre : avec près de 21 milliards d’euros, les crédits sont en augmentation de près de 43 %. Cet effort montre votre volonté de pérenniser et d’améliorer des mesures ambitieuses.

Nous nous interrogeons toutefois sur l’application concrète du programme dédié à la mutation de l’économie. Comment l’État, au-delà de l’octroi de moyens financiers, souhaite‑t‑il accompagner les entreprises, notamment dans la transition écologique et numérique ?

Nous saluons la volonté de ne laisser personne de côté, de permettre à ceux qui sont le plus éloignés du travail de retrouver un emploi pour construire véritablement une société plus inclusive. Il est en effet impératif de maintenir des efforts ciblés vers le retour à l’activité des plus fragilisés et vers les territoires les plus en difficulté, en transformant le service public de l’emploi.

Enfin, nous nous interrogeons au sujet du déploiement d’actions d’accompagnement des métiers en tension. En effet, dans mon territoire, certains métiers, notamment ceux de l’accompagnement à la personne, souffrent d’un manque d’attractivité alors que les offres d’emploi sont nombreuses. Votre ministère prend sa part des travaux à venir, tel le programme « Bien vieillir » du Conseil national de la refondation, qui devrait apporter des solutions pour ces métiers. D’ici là, comment le Gouvernement envisage-t-il de rendre ces professions plus attractives, par exemple dans la cadre des travaux que vous menez en amont de la réforme de la formation professionnelle avec la création de France Travail ?

Mme Sandrine Rousseau (Ecolo - NUPES). Il est très étonnant de devoir s’exprimer sur quelque chose qui sera éliminé dans les minutes qui viennent.

Le groupe Écologiste - NUPES s’est d’abord réjoui que les crédits de la mission Travail et emploi augmentent. Toutefois, un examen détaillé montre que cela répond d’abord à la nécessité de financer les objectifs de la mission dans un contexte de forte inflation, et, surtout, de compenser la disparition du programme Plan de relance, qui était doté de 3,7 milliards d’euros en CP en 2022.

Nous déplorons que le programme Accès et retour à l’emploi perde plus de 377 millions d’euros. Nous ne comprenons pas le sens de la baisse irresponsable des financements destinés aux allocations de solidarité pour les personnes en fin de droits à l’assurance chômage, alors que les deux dernières réformes de l’assurance chômage rendront ces fins de droits plus précoces. Le budget alloué à ce programme ne permet pas d’enrayer la baisse des ETP de Pôle emploi, où les conditions de travail se sont pourtant fortement dégradées, la multiplication des CDD amenant des personnels précaires à traiter de l’emploi de personnes encore plus précaires. Nous regrettons également l’absence de fléchage de crédits vers la lutte contre le travail illégal qu’assure une inspection du travail en crise faute d’effectifs et de moyens suffisants.

Ce budget marque par ailleurs la poursuite d’une politique massive d’exonérations sans aucune condition sociale et environnementale forte, alors que des dispositifs qui font leurs preuves sur le terrain sont sous-dimensionnés.

Ce budget ne traduit aucune ambition de transformation et d’accompagnement de secteurs concernés par la crise climatique.

Enfin, les jeunes les plus en difficulté sont abandonnés. La baisse du financement des contrats aidés en réduira à 110 000 le nombre de bénéficiaires, contre 145 000 en 2022 et 450 000 en 2016, au détriment des jeunes qui pourraient ainsi entrer dans l’emploi et au prix d’une nouvelle fragilisation du secteur associatif dont les marges de manœuvre budgétaires sont de plus en plus limitées, notamment du fait de la crise financière que connaissent certaines collectivités territoriales. L’accompagnement des jeunes en difficulté ne pourra bénéficier qu’à un maximum de 300 000 individus : c’est bien trop peu au regard des 1 500 000 jeunes âgés de 15 à 29 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation.

Dans le contexte des réformes de l’assurance chômage et du RSA, qui précariseront plutôt qu’elles n’amélioreront le niveau de l’emploi en France, les membres du groupe Écologiste appellent le Gouvernement à reprendre les propositions maintes fois répétées lors de nos débats en séance : abaissement du temps de travail, formation, transformation écologique de notre économie, investissement dans les services publics qui souffrent de difficultés d’embauche faute d’attractivité. Nous proposerons par voie d’amendement plusieurs pistes comme la création d’un véritable service public de l’enfance, le soutien à la formation professionnelle et le renforcement des financements des « territoires zéro chômeur ».

M. Yannick Monnet (GDR - NUPES). Je suis très surpris par la grande satisfaction manifestée par les élus de la majorité sur les questions d’emploi. Lorsque l’on sort des murs de l’Assemblée nationale, le discours des populations est tout autre. Je pense que tel est le cas également dans vos circonscriptions. Votre autosatisfaction vise sans doute à masquer une vraie fébrilité face aux sans‑emploi. Or ce qui peut se dissimuler dans les chiffres ne se cache pas dans la vraie vie.

L’objectif des 5 % de chômeurs n’est pas difficile à atteindre. Il suffit de restreindre les inscriptions et de décourager les personnes concernées d’engager les démarches nécessaires comme vous l’avez fait avec la réforme de l’assurance chômage.

Au motif que la crise sanitaire et économique les a retardées d’une année, l’article 47 du PLF proroge deux expérimentations engagées par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel : le CDD emploi et l’entreprise adaptée de travail temporaire, qui vise à favoriser l’émergence de structures de travail temporaire tournées vers les travailleurs handicapés.

Il ressortait pourtant du rapport d’évaluation de la loi qu’il est encore trop tôt pour dresser le bilan de ces dispositifs. La DGEFP a toutefois indiqué au rapporteur que le nombre de CDD tremplins conclus n’était pas à la hauteur des ambitions initiales.

Le nombre de structures habilitées à mettre en œuvre ces dispositifs et le nombre de bénéficiaires répondent-ils à présent aux attentes du Gouvernement ? Les résultats produits par les deux dispositifs ont-ils fait l’objet d’une évaluation ? Dispose-t-on déjà d’informations sur le parcours professionnel des bénéficiaires une fois sortis de ces dispositifs ?

M. Dominique Da Silva, rapporteur spécial de la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire. Avec une progression de près de 30 % des AE et de plus de 40 % des CP, le cap de la mission est affirmé : il s’agit bien de viser le plein emploi.

Il serait trop long de dresser l’inventaire exhaustif des outils mobilisés au service de cet objectif, mais il est bon de rappeler que sont poursuivis les efforts exceptionnels engagés en faveur des compétences depuis la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel. En cohérence avec le programme présidentiel et l’objectif d’un million d’apprentis par an d’ici 2027, le Gouvernement prolonge une action déterminée en accompagnant la dynamique de l’apprentissage et en soutenant la trésorerie de France compétences à hauteur de 1,7 milliard d’euros.

De nombreux programmes et actions lancés dans le cadre du PIC se poursuivent également, avec une enveloppe de 1,6 milliard d’euros. Le FNE‑Formation dédié à la formation des demandeurs d’emploi, dispositif méconnu, bénéficie de la sorte d’un surcroît de 300 millions d’euros en AE et de 95 millions d’euros en CP. Pouvez-vous nous en dire davantage sur cet outil particulier et sur les résultats obtenus ?

M. le ministre. Même si le Gouvernement a engagé sa responsabilité sur la première partie du PLF, cela n’obère pas la discussion sur la seconde partie.

J’assume totalement la différence de périmètres : le budget dépasse les 20 milliards d’euros, avec un effet de périmètre puisque, je l’ai dit, certaines mesures financées par le plan de relance en 2022 ne le sont plus cette année, qu’il s’agisse du FNE ou des primes d’apprentissage, qui sont réintégrées au budget.

Ceux qui sont attachés à ces dispositifs peuvent s’en féliciter alors que la logique du plan de relance était plutôt de s’éteindre à la fin de 2022. Je pense que nous finançons effectivement des dynamiques autour de la compensation des exonérations. Nous n’ajoutons pas d’exonération – vous l’avez noté, monsieur le rapporteur – mais la dynamique de compensation des exonérations est liée à la dynamique de l’emploi, traduction d’une bonne nouvelle sur ce front. Il est logique que le budget de l’État finance la compensation auprès des organismes de sécurité sociale.

Je suis surpris que l’on puisse s’interroger sur l’évolution du programme 102, alors que les crédits destinés à l’IAE et à d’autres dispositifs sont en hausse. La légère inflexion à la baisse tient à la diminution des crédits consacrés aux ASS, qui est la traduction mathématique du fait que 146 000 demandeurs d’emploi de très longue durée ont retrouvé une activité. C’est une très bonne nouvelle. Souhaiter l’augmentation de ce budget reviendrait à souhaiter une augmentation du nombre de bénéficiaires de l’ASS. Il convient plutôt de se féliciter de leur sortie par l’emploi du dispositif.

Je vous mentirais en affirmant que le ministère du travail n’aura recours à aucun cabinet de conseil. Cela étant, j’appliquerai strictement la circulaire encadrant cette pratique. Nous créons des postes, en particulier au sein de la DGEFP, pour internaliser des actions qui étaient jusqu’à présent confiées à de tels cabinets. Ne restent que des cabinets compétents en matière d’informatique et de systèmes d’information notamment, dont nous ne pourrons pas nécessairement nous passer. Par l’intégration de nouveaux moyens humains, nous respecterons cependant la circulaire et les objectifs de baisse en pourcentage définis par le Gouvernement.

Vous vous interrogez aussi sur les dépenses de communication, dont le poids dans le budget – 10 millions sur un total de 20 milliards d’euros – reste limité. Il reste que nous souhaitons mener des campagnes de communication relatives au lancement de France Travail et d’un certain nombre de réformes qui nécessitent des explications.

J’en viens aux questions relatives à l’IAE. Je vous rassure : les crédits que nous prévoyons pour l’IAE sont en augmentation, par rapport tant à la LFI qu’au réalisé 2022. Ces trois dernières années – le covid‑19 n’y a pas été étranger –, les objectifs n’ont été atteints en matière ni de nombre de places ni de nombre de personnes concernées. 7 000 places supplémentaires sont prévues par rapport au réalisé 2022, tout en tenant compte de l’inflation. Les discussions se poursuivent sur la répartition des fonds entre les différentes structures. Pour les entreprises adaptées, le nombre de places est stable, avec des crédits en augmentation pour accompagner un certain nombre d’évolutions et tenir compte des effets de l’inflation.

La forme juridique que prendra France Travail n’est pas encore définie, mais, je l’ai dit le 13 septembre, ses fonctions correspondront essentiellement à des tâches de coordination. Cette initiative traduit la volonté de disposer d’un diagnostic et d’une orientation partagés. Il ne s’agira en aucun cas de la fusion des acteurs existants : ni celle de Pôle emploi et des missions locales, ni celles d’organismes entre eux, sauf s’ils le souhaitent. Telle n’est pas l’orientation retenue.

S’agissant des territoires zéro chômeur de longue durée, avec un budget qui passe de 36 à 45 millions d’euros, la trajectoire permet de tenir les engagements pris. L’enveloppe finance les soixante territoires autorisés : dix depuis l’expérimentation de 2016 et cinquante de plus depuis 2020. Ce qui devra être fait lorsque les soixante auront été atteints fait l’objet de discussions. Il sera possible de déroger à cette limite par décret en Conseil d’État, mais d’autres questions portent sur l’évaluation que nous devons conduire comme le prévoit la loi d’expérimentation.

Le budget prévoit 300 000 CEJ. Il y aura là aussi un progrès puisque les 300 000 de 2022 intégraient les garanties jeunes qui ont été réalisées.

France compétences rencontre en effet des difficultés. L’État intervient directement, pour la première fois, en LFI à hauteur de 2 milliards d’euros. Habituellement, cela n’avait été traité qu’au travers des projets de LFR et nous aurons probablement l’occasion de revoir ce qui peut être fait en cours d’année, en fonction du niveau des primes d’apprentissage et du niveau de prise en charge des coûts. J’ajoute à cela les travaux relatifs au compte personnel de formation.

Je terminerai, sans avoir été exhaustif, par traiter deux questions évoquées par beaucoup d’entre vous : Pôle emploi et l’inspection du travail. Avant cela, je dirai simplement que, en matière de mutations économiques et d’accompagnement des transitions, nous disposons d’outils. Il s’agit d’abord des crédits de France 2030 – je pense notamment à l’appel à manifestations d’intérêt sur les compétences et métiers d’avenir qui nous permettra de mobiliser des crédits extrabudgétaires, mais aussi à nos actions en matière de transitions collectives et au bénéfice du FNE-Formation. L’objectif est non seulement de former en vue du reclassement de salariés d’entreprises en difficulté, mais aussi de financer l’évolution de compétences de salariés d’entreprises dont les processus technologiques évoluent. J’étais hier, comme certains d’entre vous peut-être, avec les professionnels de l’automobile. Le Groupe Renault évalue à près de 20 000 personnes le nombre de ses salariés qui doivent être formés à de nouvelles technologies – hydrogène, hybride, etc. –, leur formation au fonctionnement des moteurs thermiques n’étant plus adaptée.

Concernant Pôle emploi, les crédits exécutés en 2017 et 2018, hors pactes régionaux d’investissement dans les compétences, s’élevaient en moyenne à 5,26 milliards d’euros. En 2023, ce montant sera de 6,48 milliards d’euros, soit une augmentation nette d’un peu plus de 1,2 milliard hors crédits consacrés aux volets régionaux des PIC. Les moyens humains de Pôle emploi évoluent également. Le nombre des emplois permanents passera de 46 742 en 2017 à 48 847 en 2022, soit une augmentation de 2 100. S’y ajoutent les emplois en CDD ou en apprentissage, au nombre de 3 176 en 2017 et de 3 990 en 2022. Au total, les effectifs passent de 49 918 à 52 837 ETP. En 2023 comme en 2022, les CDD représentent un peu moins de 5 % du total de ces emplois. Nous surveillons de près ce point et nous veillons à ce que les emplois créés à l’occasion de la crise soient, dans leur immense majorité, maintenus, afin d’accompagner le plan de réduction des tensions et l’amélioration et l’intensification de l’accompagnement.

Enfin, s’agissant de l’inspection du travail, le rapporteur pour avis a justement relevé un certain nombre de difficultés. Malheureusement, ce n’est pas avec 15 % de vacances de poste mais avec 16 % que nous devons composer. Ceci renvoie à des difficultés structurelles, qui sont notamment liées à l’attractivité des métiers. Nous essayons d’y répondre. Un certain nombre de revalorisations de grilles sont intervenues. J’ai inscrit 2,5 millions d’euros qui viennent s’ajouter à des crédits pris en gestion sur 2022 pour revaloriser l’indemnisation de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE) de l’inspection du travail. Nous maintenons le dispositif de nomination d’inspecteurs par détachement pour disposer de nouveaux canaux de recrutement. Nous maintenons les possibilités, hors fonctions d’inspection, de recrutement de contractuels pour un apport administratif aux services de l’inspection du travail (SIT) et nous avons augmenté sensiblement les promotions : nous allons ainsi ouvrir 200 postes d’inspecteurs du travail supplémentaires aux différents concours et modes de recrutement.

Nous devons également clarifier l’organisation. Deux mouvements se sont en fait rencontrés. Le premier concernait l’« inspection forte » de 2015, avec le confortement des responsables d’unité, qui peinent effectivement à trouver leur place, tandis que le second correspondait à l’évolution de l’organisation territoriale de l’État, avec l’installation de secrétariats généraux communs qui fonctionnent, quant à eux, selon une logique très horizontale. Nous devons concilier la ligne hiérarchique propre au SIT, qui est régie par la convention de l’Organisation internationale du travail – et le fonctionnement horizontal que j’évoquais. Un certain nombre d’irritants très techniques ont été identifiés, qu’ils concernent les équipements de protection individuels ou les voitures de fonction, qui compliquent la réponse sur les moyens.

Les moyens support ne relèvent pas du programme de l’inspection, mais de programmes généraux interministériels. Nous devons y répondre. Cela compte au nombre des sujets que nous aborderons demain en comité technique ministériel, comme la répartition de l’enveloppe liée à l’IFSE. Un rapport de l’Igas porte sur le rôle des responsables d’unité de contrôle et une réunion de restitution sera prochainement organisée au profit des représentants syndicaux de l’inspection du travail et plus largement du ministère.

Je passe sur les questions relatives aux systèmes d’information et aux difficultés d’interconnexion : je sais les témoignages dont vous avez eu connaissance au cours de vos auditions.

Je dirai, pour finir, qu’au sein du programme 155, les crédits de fonctionnement de l’ensemble des fonctions support seront en augmentation de 18 %. Indépendamment des questions matérielles que j’évoquais, nous souhaitons résorber la vacance. S’il faut que nous adaptions l’organisation pour faire en sorte que l’inspection retrouve sa pleine efficacité en matière de contrôle et de conseil sur le droit du travail, nous le ferons.

 

La réunion est suspendue entre dix-huit heures et dix-huit heures dix.

II.   Examen des crédits

La commission examine ensuite les crédits de la mission Travail et emploi et de l’article 47, rattaché (M. Pierre Dharréville, rapporteur pour avis).

Mme la présidente Fadila Khattabi. Nous en venons à l’examen des amendements.

Article 27 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AS62 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry (LR). L’amendement vise à affecter 150 millions d’euros au programme 12 Accès et retour à l’emploi pour maintenir le nombre et la durée des personnes en parcours emploi compétences (PEC). Il s’agit de favoriser l’insertion de celles et ceux qui sont les plus éloignés de l’emploi.

M. le rapporteur. Alors qu’il avait été fait appel aux contrats aidés pendant la crise sanitaire, leur nombre diminue de nouveau dans ce projet de loi de finances pour 2023 : ils atteignent 80 000 PEC dans le secteur non marchand et 31 500 contrats initiative emploi jeunes (CIE) dans le secteur marchand.

Le PLF 2022 prévoyait de financer 100 000 PEC et 45 000 CIE alors que 459 000 contrats aidés étaient financés avant 2017. La baisse de ces financements se fait au détriment des jeunes qui pourraient ainsi entrer dans l’emploi : elle conduit à une nouvelle fragilisation du tissu associatif.

Avis favorable.

M. Marc Ferracci (RE). Selon les évaluations, les contrats aidés d’ancienne génération ne permettaient pas une insertion durable dans l’emploi mais dégradaient les perspectives d’insertion professionnelle des jeunes qui en bénéficiaient. À partir de 2017, une logique qualitative a été adoptée, pour donner aux PEC un contenu de formation et d’accompagnement plus dense, tout en diminuant leur nombre et leur volume.

M. Didier Le Gac (RE). Parmi les 459 000 contrats aidés de 2017, certains n’étaient pas financés et n’offraient que peu de possibilités d’évolution ou de pérennité au sein de l’entreprise. Dans le secteur associatif, la bérézina que l’on nous promettait n’a pas eu lieu : ces contrats ont été remplacés par des emplois plus qualifiés. Les contrats aidés augmentent pourtant, à 80 000, notamment dans les collectivités territoriales.

M. le rapporteur. Il ne s’agit pas de revenir à la situation antérieure – je ne saurai défendre les choix d’une majorité à laquelle ma famille politique n’a pas participé. Au-delà de la nature de ces emplois se pose la question de leur nombre. C’est pourquoi je continue d’émettre un avis favorable à l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS48 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry (LR). La promesse du plein emploi ne sera tenue qu’à la condition qu’elle profite au plus grand nombre, en particulier aux plus fragiles de nos concitoyens. Dans ce contexte, il faut maintenir la dynamique du pacte d’ambition pour l’insertion par l’activité économique (IAE) : à la fin de juin 2022, 150 000 personnes se trouvaient dans une structure d’IAE telle que les entreprises sociales inclusives – entreprises d’insertion, entreprises temporaires d’insertion, entreprises d’insertion par le travail indépendant. Celles-ci connaissent une croissance de 5 % par mois depuis 2022.

En 2023, il faut modifier les crédits si l’on veut suivre le rythme de l’inflation. Tel est l’objet de cet amendement.

M. le rapporteur. Le budget pour 2023 semble donner un coup d’arrêt à la progression du nombre de personnes employées par les structures d’insertion par l’activité économique – entre 2020 et 2021, le nombre d’entrées dans un parcours d’IAE avait progressé de 41 000. Les crédits affectés à l’IAE n’augmentent que de 3,6 % par rapport à 2022, soit moins que l’inflation.

Augmenter le montant de ces crédits relève du bon sens. Alors qu’il n’est pas certain que la situation du marché du travail s’améliorer de façon durable, les demandeurs d’emploi se trouvent précarisés par les choix politiques de la majorité : les bénéficiaires d’un parcours d’IAE se répartissent presque également entre demandeurs d’emploi de très longue durée, bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA) et jeunes de moins de 30 ans. Les acteurs du secteur, notamment des ateliers et chantiers d’insertion (ACI) s’en inquiètent – et les propos du ministre à cet égard ne sont guère rassurants, puisque les objectifs ont été revus à la baisse.

Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS47 de M. Stéphane Viry

M. Stéphane Viry (LR). L’amendement vise à augmenter le programme Accès et retour à l’emploi d’un montant de 87 millions d’euros.

M. le rapporteur. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS17 de M. Arthur Delaporte.

M. Jérôme Guedj (SOC). L’amendement tend à revaloriser l’aide au poste dans les associations intermédiaires (AI), de 1 486 euros à 4 000 euros, pour un montant total de 54 millions d’euros. Bien que les AI représentent près de 45 % des effectifs de l’insertion par l’activité économique, elles ne captent que 3 % des aides. Elles doivent être davantage accompagnées car elles affichent un des meilleurs taux de sortie dynamique des structures de l’IAE.

M. le rapporteur. Des amendements similaires avaient été déposés l’an dernier. Le Gouvernement avait appelé à les retirer, après avoir indiqué en séance publique qu’une mission chargée d’examiner la situation financière des AI remettrait ses conclusions à la fin de l’année 2021 ou au début de l’année 2022. Ses recommandations devaient servir de base à une évolution du soutien financier à ces structures dès 2022.

En 2023, le montant de l’aide augmentera de 4 %, de 1 486 euros à 1 549 euros. L’Union nationale des associations intermédiaires appelle de ses vœux une revalorisation de 30 % puis sa fixation à 2 700 euros.

À ce stade, l’engagement pris par le Gouvernement l’an dernier ne semble pas satisfait dans le PLF 2023. Il y a donc lieu d’agir dans le sens que proposent les auteurs de l’amendement, afin de couvrir les frais d’accompagnement des personnes confiées aux associations intermédiaires.

Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS101 de M. Arthur Delaporte.

M. Jérôme Guedj (SOC). Il s’agit de revaloriser les salaires des 230 000 postes permanents dans les ACI et les associations intermédiaires, en affectant 81,8 millions d’euros au programme Accès et retour à l’emploi. L’ensemble des acteurs du secteur insiste sur la faiblesse des financements publics eu égard aux enjeux de professionnalisation et d’attractivité. Le secteur a notamment été exclu des mesures de revalorisation salariale des métiers du travail social.

M. le rapporteur. On ne peut en rester à la situation décrite : il faut faire un geste. Les acteurs du secteur sont d’ailleurs en train de se mobiliser pour faire entendre leur voix.

Pour ce qui me concerne, j’émettrai un avis favorable à l’amendement, dans la continuité du précédent.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS50 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry (LR). L’amendement a pour objet d’abonder de 50 millions d’euros le programme Accès et retour à l’emploi en faveur de la formation des personnes en parcours d’IAE et des bénéficiaires des dispositifs d’État.

Les crédits budgétés au titre de l’année 2023 se fondent sur la base de 4 000 structures d’insertion par l’activité économique alors qu’elles sont plus de 6 000. Cela revient à amputer le budget formation d’un tiers par rapport aux besoins.

En séance, j’interrogerai le ministre sur un projet d’expérimentation d’aide à la formation en poste, qui pourrait s’ajouter aux dispositifs d’insertion professionnelle

M. le rapporteur. J’ai également noté une différence d’appréciation dans les chiffres. La formation, y compris la formation qualifiante, permettra à des personnes de se projeter dans un parcours professionnel, d’y évoluer et de trouver leur place au travail. En conséquence, je soutiendrai l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS49 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry (LR). L’amendement vise les opérateurs pouvant être éligibles au portage d’ACI, afin de recentrer les crédits pour ne pas dévoyer celle-ci. Il s’agit d’éviter les effets d’aubaine, où des ACI publics réalisent en régie des chantiers que les structures de l’État ne peuvent pas faire avec leurs ressources humaines habituelles. Les ACI fournissent des compétences et des ressources à bon prix, sans obtenir en contrepartie la montée en compétences et, à terme, des emplois durables.

M. le rapporteur. Le dévoiement ne semble pas aussi massif : les collectivités cherchent surtout à créer des outils dans leur territoire pour accompagner des personnes vers l’emploi. Il faudrait approfondir la question des structures publiques porteuses des ACI, qui bénéficient d’une exonération de certaines cotisations patronales de sécurité sociale pour les embauches réalisées en contrat à durée déterminée dit d’insertion.

Aussi, je vous propose de retirer l’amendement, pour interroger le Gouvernement en séance sur le sujet. À défaut, avis défavorable.

M. Stéphane Viry (LR). L’amendement a pour objet de faire réagir le Gouvernement : je le maintiens et le redéposerai en séance.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS61 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry (LR). L’amendement, rédigé avec l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire, vise à instaurer un volontariat territorial solidaire pour les activités et projets d’utilité sociale, sur le modèle du volontariat territorial en entreprise créé en 2018. Dans un premier temps, 5 000 postes pourraient être créés.

Ce dispositif modeste semble compatible avec ce que la filière de l’économie sociale et solidaire peut proposer pour remettre des hommes et des femmes, notamment des jeunes, en situation d’emploi.

M. le rapporteur. L’intention semble louable, mais le dispositif se superpose à des mesures existantes. L’amendement II‑AS62 visant à étendre le recours aux parcours emplois compétences paraît préférable. Aussi, j’émettrai un avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AS133 de M. Pierre Dharréville, II-AS16 de M. Arthur Delaporte et IIAS118 de M. Hadrien Clouet (discussion commune).

M. le rapporteur. Il s’agit d’augmenter les crédits de Pôle emploi de 430 millions d’euros, pour revenir au niveau de 2017, corrigé de l’inflation.

La subvention pour charges de service public de Pôle emploi, de 1,507 milliard d’euros en 2017, n’est plus que de 1,25 milliard, malgré l’augmentation prévue dans le PLF 2023. Le désengagement continu de l’État s’opère au détriment de l’Unedic, qui doit renforcer chaque année son financement à l’opérateur, alors que le Gouvernement lui confie toujours plus de missions. Dans le contexte de la création de France Travail, Pôle emploi doit ainsi coordonner le service public de l’emploi tout en contrôlant et accompagnant les bénéficiaires du RSA.

Je donne également un avis favorable aux deux autres amendements.

M. Arthur Delaporte (SOC). Les crédits de Pôle emploi, n’étant pas revalorisés, ont baissé compte tenu de l’inflation : la subvention est passée de 1,5 milliard en 2017 ou à 1,25 milliard en 2023. Nous soutenons la hausse des crédits défendue par le rapporteur pour avis, mais proposons un amendement de repli, pour une augmentation de 52 millions.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Par l’amendement II‑AS118, nous demandons l’arrêt de la baisse des moyens accordés à Pôle emploi. Malgré ses grands discours, le Gouvernement n’a cessé de diminuer sa contribution à l’opérateur.

M. Didier Le Gac (RE). Le ministre a rappelé les moyens déployés dans le PLF pour Pôle emploi, soit plus de 1,2 milliard entre 2018 et aujourd’hui. Quant aux effectifs, ils sont passés de 42 000 à 52 000 agents. Cette année, 500 emplois et 2 000 emplois en alternance supplémentaires sont prévus, alors que le nombre de demandeurs d’emploi diminue.

M. Didier Martin (RE). Si je voulais taquiner les oppositions, je dirais : Asinus asinum fricat. M. le ministre a indiqué que les crédits de Pôle emploi étaient en augmentation de 50 millions par rapport à 2022.

M. Arthur Delaporte (SOC). Le « bleu » budgétaire indique bien que le total des crédits fléchés vers Pôle emploi est de 1,508 milliard d’euros en 2017, 1,240 milliard en 2022 et 1,250 milliard en 2023. On peut considérer qu’il y a une augmentation de 10 millions en 2023 mais avec l’inflation, c’est une baisse.

M. le rapporteur. Il ne faut pas confondre les crédits du programme Accès et retour à l’emploi et les crédits de Pôle emploi. Ces derniers sont effectivement en augmentation entre 2022 et 2023, mais la hausse ne permet pas de rattraper ce qui a été perdu depuis 2017.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AS136 de M. Pierre Dharréville.

M. le rapporteur. L’amendement a pour objet de renforcer les effectifs de Pôle emploi en fléchant les crédits alloués à la création de France Travail – 20 millions d’euros sont consacrés aux expérimentations. Pôle emploi aura besoin de moyens pour faire face aux expérimentations. Le ministre n’a pas répondu à mes questions sur ce sujet.

Le Gouvernement doit donner au Parlement des éléments sur les objectifs de ces expérimentations et la forme qu’elles prendront : il est de notre devoir de dissiper le flou.

M. Stéphane Viry (LR). On doit en effet savoir où le ministre souhaite embarquer la France concernant France Travail. Je n’ai pas d’opposition de principe mais je voudrais connaître le chemin, pour ne pas me perdre en route. Il faut à tout prix éviter un France compétences bis, pour lequel on est obligé d’amender les crédits chaque année et de créer des postes, alors que les résultats ne sont pas satisfaisants.

Si l’amendement n’était pas adopté, je vous incite à le redéposer en séance, le cas échéant.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS124 de M. Hadrien Clouet.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). L’amendement vise à augmenter le budget alloué à l’expérimentation du dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », dans la perspective de créer une garantie à l’emploi. Malgré la légère diminution du chômage, les demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi sont toujours plus de 6 millions. Si l’on rapporte ce chiffre au nombre d’emplois vacants, cela représente moins d’un poste pour dix-sept demandeurs d’emploi.

M. le rapporteur. La loi de 14 décembre 2020 a prorogé l’expérimentation de cinq ans et a ouvert la possibilité de l’étendre à cinquante territoires supplémentaires. Ainsi, le Gouvernement n’attend pas de voir une expérimentation porter ses fruits avant d’en engager une nouvelle, cette fois sur le contrôle et le suivi des bénéficiaires du RSA. Pour l’instant, l’articulation des différents dispositifs est floue.

Souhaitant que l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée » soit accompagnée, je suis favorable à l’augmentation de ses crédits.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS111 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry (LR). L’amendement vise à financer 50 postes de chef de projet pour le dispositif « territoires zéro chômeur de longue durée », à hauteur de 2 millions d’euros. Il faut que la collectivité finance ces postes pendant un an afin que le dispositif fonctionne.

M. le rapporteur. Cet amendement est dans le droit-fil du précédent. J’y serai favorable.

Mme Sandrine Josso (Dem). Le dispositif apporte de nombreuses solutions ; son efficacité est impressionnante. C’est pourquoi je soutiendrai l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS112 de M. Stéphane Viry.

M. Stéphane Viry (LR). L’amendement tend à renforcer de 6 millions d’euros les dispositifs de formation professionnelle pour les travailleurs expérimentés.

Parmi les trente‑quatre propositions de la mission d’information que j’ai menée avec Didier Martin sur le sujet, plusieurs pourraient être appliquées par Pôle emploi, afin d’accompagner les demandeurs d’emploi âgés. Pour l’heure, l’organisme mène des actions pour les jeunes et pour d’autres publics, mais pas pour les demandeurs d’emploi qui ont dépassé 50 ans, probablement par manque de moyens humains. Doté de ces ressources, il pourrait ouvrir un poste de chargé d’emploi des seniors dans chaque département.

M. le rapporteur. Avis défavorable.

Vous ouvrez un débat, relatif à notre capacité à proposer de véritables offres d’emploi à des personnes très proches de la retraite, qui dépasse peut-être un peu le cadre de ce budget. S’il s’agit, par ailleurs, de préparer le terrain à une future réforme des retraites qui viserait à reculer l’âge de départ, au motif qu’on est en train de s’occuper des seniors, je ne saurais vous suivre.

Il est vrai que vous posez une véritable question, celle de l’accompagnement des seniors vers l’emploi, mais je ne suis pas très favorable à la création de sous-catégories et de portefeuilles séparés, c’est-à-dire des formes de discriminations, même si ce n’est peut-être pas ce que vous avez, pour votre part, en tête. Tous les seniors concernés ne rencontrent pas les mêmes difficultés et ils n’ont pas tous le même profil. Il me semble que les opérateurs de Pôle emploi peuvent les prendre en charge grâce à la formation généraliste qu’ils ont reçue.

M. Stéphane Viry (LR). Comme notre rapporteur pour avis n’a pas saisi, selon moi, le sens de l’amendement, je le retire pour le redéposer en séance dans une rédaction et avec une motivation différentes.

L’amendement est retiré.

Amendement II-AS25 de M. Arthur Delaporte.

M. Arthur Delaporte (SOC). Cet amendement vise à créer un fonds dédié à la santé mentale des travailleurs, qui serait doté de 100 millions d’euros. Nous en avons déjà parlé lors de l’examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale : les maladies psychiques au travail sont un phénomène de grande ampleur en France, et on n’investit pas assez dans ce domaine. Il faut absolument développer la prévention et l’accompagnement au niveau de la médecine du travail.

M. le rapporteur. La question de la souffrance au travail et, plus particulièrement, des risques psychosociaux est importante. Nous avons en effet besoin de renforcer considérablement l’intervention publique en la matière.

Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS117 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Lorsque nous avons déposé une proposition de loi sur le burn-out, un député macroniste nous a répondu qu’il pouvait nous assurer de la détermination de la majorité à se saisir des maladies professionnelles. Comme pour le reste, que s’est-il passé ? Rien. Nous invitons, par cet amendement, le Gouvernement à agir enfin pour la reconnaissance du burn-out et contre les pratiques managériales mettant en péril la santé des salariés.

M. le rapporteur. Je peux vous assurer de ma détermination sur cette question. Avis favorable.

M. Didier Le Gac (RE). Des mesures ont été prises par le Gouvernement. Une feuille de route de la santé mentale et de la psychiatrie a été adoptée en 2018 et des assises ont eu lieu en septembre 2021. L’État a décidé de poursuivre les efforts de prévention des risques psychosociaux : le quatrième plan Santé au travail est en cours de déclinaison, l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail a mené des travaux visant à permettre aux managers d’identifier et de prévenir les risques liés à la mise en place du télétravail, et enfin, l’État renforce le rôle des services de prévention et de santé au travail, notamment en ce qui concerne les risques psychosociaux et la promotion de la santé mentale, en s’appuyant en particulier sur les cellules de prévention de la désinsertion professionnelle, créées par la loi du 2 août 2021. Nous ne restons pas inactifs.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS121 de M. Hadrien Clouet.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Nous voulons renforcer les moyens accordés à la santé et à la sécurité au travail. Ne pas investir en la matière, c’est oublier les plus de 650 000 victimes annuelles d’accidents du travail et les 1 264 personnes mortes en 2019 au travail, sur leur trajet vers celui-ci ou à cause d’une maladie professionnelle.

Si la crise sanitaire a ralenti la tendance en 2020, elle a remis sur le devant de la scène les conditions effectives de travail. Le confinement et les incertitudes qui l’ont suivi ont modifié profondément la situation, du fait des nouveaux protocoles sanitaires en présentiel et de l’essor du télétravail.

M. le rapporteur. Il est nécessaire de mener une action publique résolue sur les questions de santé et de sécurité au travail. La suppression des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail a déjà commencé à produire des dégâts. Il serait bon de s’interroger sur la manière dont on pourrait créer des instances démocratiques, efficaces et dotées de réels moyens d’action en faveur de la santé et de la sécurité au travail. Je crois pouvoir dire sans trahir un secret qu’une collègue de la majorité souhaitait tout à l’heure interroger le ministre sur le record d’accidents du travail atteint dans notre pays, selon les dernières statistiques. Nous devons redoubler d’efforts dans ce domaine. Vous ne serez donc pas surpris que j’émette un avis favorable.

M. Didier Le Gac (RE). Outre l’action 01 du programme 111, qui vise à la mise en œuvre par le ministère d’une politique de prévention des risques professionnels, des accidents du travail et des maladies professionnelles, mais aussi d’amélioration des conditions de travail, nous maintenons l’action 06 Renforcement de la prévention en santé au travail, créée l’année dernière. Elle bénéficiera de 24 millions d’euros en crédits de paiement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AS114 de M. Hadrien Clouet et II-AS134 de M. Pierre Dharréville (discussion commune).

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Par l’amendement II‑AS114, nous demandons le maintien des financements alloués à la Dares.

M. le rapporteur. Mon amendement prévoit d’augmenter les crédits alloués à la Dares, inscrits à l’action 12 du programme 155, afin de revenir au niveau inscrit dans la loi de finances initiale pour 2017, en tenant compte de l’évolution des prix. En effet, dans un contexte d’instabilité économique et sociale, il est primordial de disposer d’évaluations et d’éléments scientifiques pour éclairer nos débats. Afin d’assurer la recevabilité financière de l’amendement, la hausse de crédits est compensée par une baisse équivalente à l’action 02 du programme 103. J’ajoute que c’est aussi une manière d’interpeller le Gouvernement sur ce sujet.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AS122 de M. Hadrien Clouet et II-AS135 de M. Pierre Dharréville (discussion commune).

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Par l’amendement II‑AS122, nous voulons maintenir les moyens de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail. Cette agence exerce des prérogatives essentielles en matière d’appui scientifique et technique à l’élaboration des politiques de protection de la santé et à l’application des mesures de gestion des risques.

M. le rapporteur. Il convient de renforcer les moyens de cet organisme car nous avons besoin de transformer profondément nos modes de vie, de consommation et de production, de mieux comprendre les phénomènes à l’œuvre et d’apporter de meilleures réponses, y compris à des questions plus territorialisées.

La commission rejette successivement les amendements.

Puis, contre l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement II-AS126 de M. Jean-Hugues Ratenon.

Amendement II-AS125 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Nous souhaitons que l’avenant 43 à la convention collective de la branche de l’aide à domicile puisse profiter davantage aux catégories les moins élevées. Cet avenant permet des hausses de 13 à 15 % des salaires, ce que nous saluons. Seulement, il s’agit d’une moyenne qui cache des disparités entre les différentes catégories. Certains cadres verront leur salaire augmenter de plusieurs centaines d’euros, et les aides à domicile d’à peine une dizaine.

M. le rapporteur. Je souscris évidemment à l’objectif. Il faudra peut-être regarder plus en détail les mécanismes à retenir, mais j’émets en l’état un avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS116 de M. Hadrien Clouet.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Cet amendement permettra le financement, par l’État, d’une aide aux « indépendants » des plateformes numériques qui souhaitent créer une coopérative.

M. le rapporteur. Il est intéressant d’encourager et de soutenir les travailleurs et travailleuses des plateformes qui souhaiteraient s’organiser ensemble, par la création de coopératives, afin de répondre aux besoins.

Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS119 de M. Hadrien Clouet.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Le Gouvernement a créé des aides exceptionnelles à l’apprentissage dans le cadre de la crise sanitaire et, comme on pouvait s’y attendre, le patronat ne peut plus s’en passer. En effet, ces aides lui permettent de bénéficier d’une main-d’œuvre quasiment gratuite grâce à des subventions massives. Le Gouvernement socialise ainsi les coûts salariaux tandis que le privé engrange des profits. Nous proposons de diminuer ces aides et de réaffecter les montants correspondants à l’enseignement professionnel public.

M. le rapporteur. Je crains effectivement qu’on ne soit en train de tuer l’enseignement professionnel. La mobilisation de ses personnels, cette semaine, est un signal d’alarme que nous devons entendre. Je crois à la voie de l’enseignement professionnel, qui est professionnalisante mais permet aussi de donner aux élèves une formation générale qui leur est très utile, y compris pour la suite de leur parcours, et je regrette qu’on ait affaibli le caractère national des diplômes, dont le baccalauréat. Tout ce qui peut encourager l’enseignement professionnel me paraît aller dans la bonne direction.

En conséquence, avis favorable.

M. Didier Le Gac (RE). Nous croyons également que les lycées professionnels doivent être confortés. Nous y sommes très attachés, et nous entendons donc les réformer. Ils sont encore injustement considérés comme une voie de garage, comme l’était d’ailleurs l’apprentissage il y a quelques années, avant de devenir une voie royale. Nous voulons que les lycées professionnels connaissent la même évolution. Néanmoins, nous ne voterons pas cet amendement, car il ne faut pas opposer alternance et lycées professionnels, qui sont complémentaires et concourent tous deux à donner une place et un avenir à des jeunes.

M. Marc Ferracci (RE). Il ne s’agit nullement de remettre en cause les lycées professionnels mais de les conforter. Pour y parvenir, il faut être lucide sur ce que sont les perspectives d’insertion des élèves qui en sortent. À un même niveau de diplôme, selon qu’il est préparé en apprentissage ou en lycée professionnel, le taux d’insertion à un an varie de 30 points. Il est autour de 40 % pour ceux qui ont un diplôme délivré par un lycée professionnel. On peut facilement imaginer le niveau de déception et de frustration de ces jeunes qui ont travaillé pour obtenir leur diplôme. Si on ne regarde pas cette réalité en face, on ne rendra pas service aux lycées professionnels – je crains plutôt qu’on les mette en péril.

Notre philosophie est de concevoir l’apprentissage et les lycées professionnels d’une manière complémentaire. Concrètement, cela implique notamment de développer des classes mixtes à l’intérieur des lycées professionnels et de mieux connecter ces derniers au marché du travail, pour en faire en sorte que les débouchés, en particulier dans les bassins d’emploi locaux, soient mieux identifiés par les équipes pédagogiques. Un des enjeux de la réforme sera de donner aux équipes pédagogiques les moyens d’arriver à le faire. Nous voulons ainsi donner aux 650 000 jeunes en lycée professionnel les mêmes chances qu’à ceux qui bénéficient de l’apprentissage.

M. le rapporteur. Une boutade : lorsque j’avais interrogé le Gouvernement sur l’avenir du lycée professionnel, Jean-Michel Blanquer m’avait répondu que c’était sa priorité. J’étais donc très inquiet... Les annonces qui sont faites renforcent cette inquiétude, car je ne pense pas qu’elles aillent dans la bonne direction. Nous avons besoin de redonner au lycée professionnel toute sa place, contrairement à ce qui a été fait jusqu’ici. Il est important que l’éducation nationale se tienne aux côtés des jeunes qui choisissent cette voie.

Les taux de réussite posent certaines questions. Des jeunes interrompent leur formation parce qu’on leur propose un contrat, assorti d’une rémunération, ce qui peut être tentant quand on vient d’une famille populaire et qu’on a besoin d’un revenu. Je ne prétends pas que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes : il faut essayer de résoudre les problèmes, mais ce n’est pas en envoyant les jeunes des lycées professionnels vers l’apprentissage qu’on le fera correctement. J’ai quatre ou cinq lycées professionnels dans ma circonscription : on y éprouve sentiment d’abandon depuis des années.

S’agissant de la différence de perception qui peut exister chez les employeurs entre les jeunes issus de l’apprentissage et ceux qui viennent des lycées professionnels, je trouve que la qualité des formations dispensées en lycée professionnel devrait être davantage valorisée et qu’il ne faut pas l’amoindrir.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS123 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Cet amendement d’appel vise à alerter le Gouvernement sur la nécessité de procéder à des recrutements pérennes d’animateurs périscolaires.

Le plus souvent, les animateurs et animatrices périscolaires travaillent entre quinze et vingt heures par semaine, avant et après les cours des élèves, parfois durant la pause méridienne. Leurs contrats à temps partiel payés au Smic ne leur permettent pas de dépasser le seuil de pauvreté, alors même que leur amplitude horaire est très large. On fait du bricolage avec des contrats aidés précaires et des bouts de contrats à durée déterminée pour que des animateurs s’occupent, comme ils peuvent, des enfants.

Afin d’assurer un revenu digne aux centaines de milliers d’animateurs et animatrices et de faire en sorte que les enfants bénéficient d’un contenu pédagogique de qualité, il faut sortir ce métier de son extrême précarité. L’État doit concourir à la structuration du secteur et à la pérennité des recrutements, grâce à des contrats stables et à temps plein.

M. le rapporteur. Vous posez, une fois encore, une question sensible. Les animateurs sont employés par les communes, qui ont de plus en plus de mal à faire face à leurs obligations et à mener les projets qu’elles souhaitent, notamment en matière d’accompagnement périscolaire. Compte tenu des annonces budgétaires, certaines communes s’interrogent désormais sur la manière dont elles pourront continuer à exercer cette mission.

Votre amendement crée une nouvelle ligne budgétaire, ce qui est un point de départ, car il ne se passera rien sans moyens, mais je pense qu’il faudrait regarder de quelle façon nous pouvons concrètement améliorer le statut de ces femmes et de ces hommes – ce sont souvent des femmes, mais pas seulement.

Avis favorable, même s’il faudrait prendre des mesures un peu plus larges.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AS93 de Mme Marie-Charlotte Garin.

Mme Marie-Charlotte Garin (Ecolo - NUPES). Quiconque a des enfants ou des petits-enfants, ou en connaît autour de soi, sait à quel point il est difficile de trouver des places de crèche. Notre amendement a pour objet de créer un véritable service public de la petite enfance et de procéder à des recrutements pérennes, notamment d’assistantes maternelles.

Concrètement, nous proposons d’ouvrir 500 000 places de garde adaptées sur cinq ans. Actuellement, le nombre de places disponibles pour l’accueil des enfants de moins de 3 ans est estimé à un peu moins de soixante pour cent enfants. Avec cette évolution, on arriverait à environ 82 %. Nous proposons également de lutter contre les fortes inégalités sociales et territoriales dans l’accès aux places existantes.

La deuxième mesure serait une revalorisation des métiers de la petite enfance. Les arrêts maladie, les démissions et les difficultés de remplacement sont nombreux. Afin d’y remédier, il faudrait augmenter les rémunérations, améliorer les conditions de travail et mieux indemniser la pénibilité.

Nous voulons aussi améliorer les conditions d’accueil des enfants, en partenariat avec les collectivités locales et le tissu associatif et économique. Je rappelle que le nombre maximum de bébés accueillis est passé de cinq à six par professionnel sous le quinquennat de M. Macron, que peu d’établissements proposent un accès à la nature et que la pollution à l’intérieur des crèches est un sujet complètement ignoré. L’ouverture d’une première crèche en plein air à Lyon montre pourtant qu’il est possible d’innover.

M. le rapporteur. Je suis depuis longtemps très favorable à la création d’un service public de l’enfance. Il faudra regarder de près l’articulation à retenir, car cela relève de la compétence de certaines collectivités territoriales.

À l’heure actuelle, quatre enfants sur dix ne bénéficient pas d’une place d’accueil, et j’appelle votre attention sur l’avis du Conseil économique, social et environnemental rendu en mars, à la suite d’une saisine du Gouvernement. Cet avis comporte une quinzaine de propositions afin de remédier aux difficultés et de créer un véritable droit pour les enfants.

La commission rejette l’amendement.

Puis elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Travail et emploi non modifiés.

Article 47 : Prolongation des expérimentations de la loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’article 47 non modifié.

Après l’article 47

Amendement II-AS115 de M. Jean-Hugues Ratenon.

M. Jean-Hugues Ratenon (LFI - NUPES). Nous demandons un rapport sur l’évolution des taux de prise en charge des PEC. Une circulaire de février dernier a fortement réduit leur ambition et celle des contrats d’insertion. Seuls 67 632 PEC sont financés en 2021, alors que l’objectif initial était de 80 000. Dans le même temps, les taux de prise en charge diminuent et les durées ont soudainement évolué. Ce sont autant de facteurs qui risquent de réduire le recours à cette forme de contrats aidés.

La situation est critique dans les outre-mer, notamment à La Réunion. Un arrêté préfectoral a marqué le retour au taux de base de 60 % pour le financement des nouveaux contrats, alors que le PEC LAV – pour la lutte contre les maladies vectorielles, comme la teigne, la leptospirose et le chikungunya –, auparavant financé à 80 %, n’apparaît plus.

Contre l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

 

 


—  1  —

ANNEXE :
Liste des personnes ENTENDUEs par lE rapporteur

(Par ordre chronologique)

 Unedic – Mme Patricia Ferrand, présidente, M. Jean-Eudes Tesson, vice‑président, M. Christophe Valentie, directeur général, M. Rémy Mazzocchi, directeur général adjoint, et Mme Clémence Taillan, cheffe de cabinet de M. Christophe Valentie

– Réseau Cap emploi – M. Jean-Jacques Favre, administrateur de Cheops

     Table ronde d’organisations syndicales de salariés :

 Confédération française démocratique du travail (CFDT)  Mme Chantal Richard, secrétaire confédérale

 Confédération générale du travail (CGT)  M. Denis Gravouil, dirigeant confédéral, Mme Léa Walkowiak, conseillère confédérale, et M. Ian Dufour, dirigeant de l’Union fédérale des syndicats de l’État

– Force ouvrière (FO) – M. Michel Beaugas, secrétaire confédéral en charge de l’emploi et des retraites

 Confédération française de l’encadrement-Confédération générale des cadres (CFE-CGC) – M. Jean-François Foucard, secrétaire national en charge des parcours professionnels emploi formation, et M. Paul-Henri Lutz, conseiller technique en charge de l’emploi

     Table ronde d’organisations patronales :

 Mouvement des entreprises de France (MEDEF) (*) Mme Elisabeth Tome-Gertheinrichs, responsable du pôle affaires sociales, et M. Adrien Chouguiat, directeur de mission affaires publiques

 Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) (*)  M. Jean Michel Pottier, mandataire social emploi formation

 Conseil national de l’inspection du travail (CNIT)  Mme Camille Goasguen, présidente par intérim, et M. Anthony Smith, représentant des inspectrices et inspecteurs du travail

     Table ronde d’organisations syndicales du ministère du travail :

 Syndicat national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle (SNTEFP-CGT)  M. Simon Picou, secrétaire national, et Mme Valérie Labatut, membre du bureau national

 Inspection du travail, de l’emploi, de la formation et administration (UNSA-ITEFA)  M. Serge Parra, président, et M. Daniel Carlier, membre

 SUD travail affaires sociales  M. Loïc Abrassart, membre du conseil national

 Force ouvrière (FO) du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle  M. Vadim Hosejka, secrétaire général, et M. Laurent Lefrançois, secrétaire général adjoint

 Union nationale des missions locales (UNML)  M. Stéphane Valli, président

 Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion  Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (DGEFP)  M. Bruno Lucas, délégué général, M. Fabrice Masi, chef de service adjoint, Mme Myriam Mesclon-Ravaud, directrice de projet accompagnement dans l’emploi, Mme Cécile Charbaut, adjointe à la sous-direction des parcours d’accès à l’emploi, M. Stéphane Lherault, chef du département Pôle emploi, et Mme Véronique Delaure, adjointe au chef du département Pôle emploi

 Pôle emploi  M. Jean Bassères, directeur général, et Mme Charline Nicolas, directrice générale adjointe

 Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion – Direction générale du travail (DGT)  Mme Annaïck Laurent, directrice générale adjointe, Mme Nathalie Vaysse, cheffe de service, Mme Catherine Tindillière, sous‑directrice de l’animation territoriale du système d’inspection du travail, M. David Saffroy, chef du bureau du pilotage budgétaire et du contrôle de gestion, et Mme Christelle Chambarlhac, cheffe du bureau du pilotage du système d’inspection du travail

 Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur  M. Jean François Dalvai, chef du pôle politiques du travail

 Ministère du travail, du plein emploi et de l’insertion  Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) – M. Michel Houdebine, directeur, M. Dorian Roucher, sous-directeur de l’emploi et du marché du travail, et M. Michaël Orand, chef de la mission analyse économique

 Secrétariat général des ministères chargés des affaires sociales (SGMAS)  M. Pierre Pribile, secrétaire général, M. Francis Le Gallou, directeur des finances, des achats et des services, Mme Caroline Gardette-Humez, directrice des ressources humaines, et Mme Anouk Lavaure, cheffe de service du pôle travail et solidarités

 M. Thibaut Guilluy, chargé d’une mission de préfiguration sur France Travail

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

(*) Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1])              Haut Conseil des finances publiques, Avis relatif aux projets de lois de finances et de financement de la Sécurité sociale pour l’année 2023, p. 1.

([2])              Projet annuel de performances de la mission Travail et emploi annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 20.

([3])              Projet annuel de performances de la mission Travail et emploi annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 45.

([4])              Convention tripartite État-Unédic-Pôle emploi 2015-2018, p. 31.

([5])              Réponses au questionnaire budgétaire.

([6])              DARES Résultats n° 076, « Les contrats uniques d’insertion et les emplois d’avenir en 2016 », 27 novembre 2017.

([7])              INSEE Focus n° 229, « Les jeunes ni en emploi, ni en études, ni en formation : jusqu’à 21 ans, moins nombreux parmi les femmes que parmi les hommes », 26 mars 2021.

([8])              Décret n° 2022-199 du 18 février 2022 relatif au contrat d’engagement jeune et portant diverses mesures d’application de l’article 208 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022.

([9])              Projet annuel de performances de la mission Travail et emploi annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 113.

([10])              Décret n° 2019-1471 du 26 décembre 2019 portant généralisation des emplois francs et création d’une expérimentation à La Réunion.

([11])              Projet annuel de performances de la mission Travail et emploi annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 121.

([12])              Loi n° 2022-1157 du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022.

([13])              Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([14])              Projet annuel de performances de la mission Travail et emploi annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 122.

([15])              155,17 millions d’euros de crédits de paiement sont prévus en PLF 2023 sur le programme 364 Cohésion de la mission Plan de relance afin de financer les restes à payer pour ces dispositifs sur les contrats engagés avant le 1er juillet 2022.

([16])              Loi n° 2021-1018 du 2 août 2021 pour renforcer la prévention en santé au travail.

([17])              Cour des comptes, « La situation et les perspectives des finances publiques », juillet 2022, p. 15.

([18])              Projet annuel de performances de la mission Travail et emploi annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 184.

([19])              Articles 78 et 79.

([20])              Exposé des motifs de l’article 47 du projet de loi de finances pour 2023.

([21])              Loi n° 2008-126 du 13 février 2008 relative à la réforme de l’organisation du service public de l’emploi.

([22])              Article L. 5312-1 du code du travail.

([23])              Id.

([24])              Article L. 5312-2 du même code.

([25])              Article L. 5312-4 du même code.

([26]) Article L. 5312-3 du même code.

([27])              Projet annuel de performances de la mission Travail et emploi annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 42.

([28])              Rapport financier de l’Unédic 2021, 5 juillet 2022, p. 54.

([29])              Projet annuel de performances de la mission Travail et emploi annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 77.

([30])              À titre de comparaison, la loi de finances pour 2017 prévoyait une subvention pour charges de service public de 1,507 milliard d’euros et la convention tripartite Unédic-État-Pôle emploi avait retenu une contribution au financement de Pôle emploi à hauteur de 10 % des ressources de l’Unédic.

([31])              Audition de M. Jean Bassères, directeur général de Pôle emploi.

([32])              https://travail-emploi.gouv.fr/ministere/service-public-de-l-emploi/article/cap-emploi.

([33])              Audition de M. Jean-Jacques Favre, ancien directeur de Cap emploi 66, administrateur de Cheops.

([34])              Audition de M. Jean-Jacques Favre, ancien directeur de Cap emploi 66, administrateur de Cheops.

([35])              Convention cadre entre l’État, l’Agefiph, le FIPHFP, Cheops et Pôle emploi, 4 septembre 2020.

([36])              Réponses au questionnaire budgétaire.

([37])              Réponses au questionnaire budgétaire.

([38])              Id.

([39])              Article L. 5314-1 du code du travail.

([40])              Article L. 5314-2 du même code.

([41])              Réponses au questionnaire budgétaire.

([42])              Id.

([43])              Accord-cadre sur le partenariat renforcé entre l’État, Pôle emploi, le Conseil national des missions locales et l’Union nationale des missions locales, 2015‑2017.

([44])              Article L. 5131-6 du code du travail.

(1) 29 ans lorsque le jeune dispose d’une reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé.

([46])              Fixée initialement à 500 euros par l’article D. 5131-19 du code du travail, cette allocation a été revalorisée de 4 % en application de l’article 9 de la loi n° 2022‑1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([47])              Rapport de l’Inspection générale des affaires sociales, Évaluation des Cap emploi et de l’accompagnement vers l’emploi des travailleurs handicapés chômeurs de longue durée, 2017.

([48])              https://www.capemploi.info/qui-sommes-nous/presentation-du-reseau-des-cap-emploi.html.

([49])              Réponses au questionnaire budgétaire.

([50])              Lors de l’examen à l’Assemblée nationale du projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi, le Gouvernement a en effet donné un avis défavorable, en séance publique, à l’amendement n° 320 de Mme Karen Erodi visant à exclure toute modulation des règles de l’assurance chômage en fonction du lieu de résidence ou de travail du privé d’emploi au motif que cela relevait de la concertation avec les partenaires sociaux. À la suite de l’interpellation du rapporteur concernant le caractère exclusif de l’exception faite aux territoires d’outre-mer, le ministre a clairement refusé de lui fermer la porte.

([51])              https://travail-emploi.gouv.fr/actualites/presse/communiques-de-presse/article/olivier-dussopt-ministre-du-travail-du-plein-emploi-et-de-l-insertion-confie-a.

([52])              Audition de M. Thibaut Guilluy, chargé de la mission de préfiguration de France Travail.

([53])              Réponses au questionnaire budgétaire.

([54])              Loi n° 2019-1428 du 24 décembre 2019 d’orientation des mobilités.

([55])              Circulaire n° 6373/SG du 19 septembre 2022 relative aux politiques prioritaires du Gouvernement.

([56])              Améliorer le taux d’emploi des jeunes et des séniors ; réduire les tensions de recrutement ; mieux vivre de son travail ; mieux répondre aux besoins de compétences et préparer aux métiers d’avenir ; renouveler et former une génération d’agricultrices et d’agriculteur.

([57]) Assemblée nationale, projet de loi portant mesures d’urgence relatives au fonctionnement du marché du travail en vue du plein emploi (n° 219).

([58])              Audition par la commission des affaires sociales du ministre du travail, du plein emploi et de l’insertion, M. Olivier Dussopt, mardi 13 septembre 2022.

([59])              Article L. 5422-20 du code du travail.

([60])              Ordonnance n° 59-129 du 7 janvier 1959 relative à l’action en faveur des travailleurs sans emploi.

([61])              Article 1er du projet de loi n° 219 précité.

([62])              En application de l’article L. 1 du code du travail.

([63])              Audition du mardi 13 septembre 2022 précitée.

([64])              Loi n° 2018-771 du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel.

([65])              Le décret n° 2019-797 du 26 juillet 2019 relatif au régime d’assurance chômage fixe, par conséquent, les règles de l’assurance chômage en l’absence d’accord national interprofessionnel.

([66])              Projet annuel de performances de la mission Travail et emploi annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 68.

([67])              Id.

([68])              Audition du 13 septembre 2022 précitée.

([69])              Loi n° 2020-1577 du 14 décembre 2020 relative au renforcement de l’inclusion dans l’emploi par l’activité économique et à l’expérimentation « territoires zéro chômeur de longue durée ».

([70])              Le décret n° 2020-1545 du 9 décembre 2020 a notamment décidé :

– d’une part, la création, à compter du 1er avril 2021, d’un nouveau service déconcentré de l’État – les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) – qui regroupe les missions actuellement exercées au niveau régional par les directions régionales des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi (DIRECCTE) et les services déconcentrés chargés de la cohésion sociale ;

– d’autre part, l’intégration, au niveau départemental, à compter du 1er avril 2021, des unités départementales des DIRECCTE aux directions départementales interministérielles que sont les directions départementales de la cohésion sociale (DDCS) et les directions départementales de la cohésion sociale et de la protection des populations (DDCS-PP) afin de former de nouvelles directions départementales de l’emploi, du travail et des solidarités (DDETS) et directions départementales de l’emploi, du travail, des solidarités et de la protection des populations (DEETS-PP).

([71])              Circulaire du 12 juin 2019 relative à la mise en œuvre de la réforme de l’organisation territoriale de l’État (https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000038599066#:~:text=L’intervention%20de%20l’Etat,toujours%20plac%C3%A9%20dans%20les%20DIRECCTE).

([72])              Réponses au questionnaire budgétaire.

([73])              La répartition des contrôles suivant les effectifs des entreprises relevait de la tradition.

([74])              Cour des comptes, Le bilan de la transformation de l’inspection du travail  Exercices 2014 à 2019, Communication à la commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire de l’Assemblée nationale, mai 2020, p. 22.

([75])              Id.

([76])              Id.

([77])              Ibid., p. 23.

([78])              On parle indifféremment de sections ou de sections territoriales.

([79])              Article R. 8122-5 du code du travail.

([80])              Article R. 8122-6 du code du travail.

([81])              Réponses au questionnaire budgétaire (chiffres au 31 décembre 2021 ; on compte 2 048 sections au 31 mars 2022).

([82])              Cour des comptes, op. cit., p. 23.

([83])              Ibid., p. 27.

([84])              Ibid., pp. 94-95.

([85])              Voir infra, le 1 du C.

([86])                            Projet annuel de performances de la mission Administration générale et territoriale de l’État annexé au projet de loi de finances pour 2023, p. 62.

([87])              Cour des comptes, op. cit., p. 30.

([88])              Article R. 8122‑5 du code du travail.

([89])              Article R. 8122-6 du code du travail.

([90])              Loi n° 2018-727 du 10 août 2018 pour un État au service d’une société de confiance.

([91])              L’introduction d’objectifs chiffrés remonte à la mise en œuvre de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), soit 2006.

([92])              Cour des comptes, op. cit., p. 49.

([93])              Il s’agit du premier plan de ce type.

([94])              Le nombre des interventions a initialement été fixé à 300 000 mais, pour tenir compte de la baisse des effectifs d’agents de contrôle, il a été ramené à 280 000.

([95])              Cour des comptes, op. cit., p. 55.

([96])              Ibid., p. 59.

([97])              Id.

([98])              Article L. 8112-1 du code du travail.

([99])              Article 6 de la convention n° 81 sur l’inspection du travail : « Le personnel de l’inspection sera composé de fonctionnaires publics dont le statut et les conditions de service leur assurent la stabilité dans leur emploi et les rendent indépendants de tout changement de gouvernement et de toute influence extérieure indue. »

([100])              Article L. 8112-1 du code du travail.

([101])              Cour des comptes, op. cit., p. 58.

([102])              Ibid., p. 60.

([103])              Devenue députée du Val-de-Marne en 2022.

([104])              Rapport d’information (              n° 743, session extraordinaire de 2018-2019) fait au nom de la commission des finances sur l’inspection du travail par M. Emmanuel Capus et Mme Sophie Taillé-Polian, enregistré à la Présidence du Sénat le 25 septembre 2019.

([105])              Les priorités de l’action de l’inspection du travail pour la période 2023-2025 ne sont pas encore totalement définies.

([106])              Cour des comptes, op. cit., p. 79.

([107])              Ibid., p. 81.

([108])              Réponses au questionnaire budgétaire.

([109])              Id.

([110])              Cour des comptes, op. cit., p. 90.

([111])              Contribution écrite du Syndicat national du travail, de l’emploi et de la formation professionnelle‑Confédération générale du travail (SNTEFP-CGT). D’après la direction générale du travail, les assistants de contrôle représentaient 692 ETP en décembre 2019 et 596 ETP en décembre 2021 (– 14 %).

([112])              Même si l’installation des responsables d’unités de contrôle a entraîné une diminution du nombre d’agents affectés au contrôle des entreprises.

([113])              Audition de M. Jean-François Dalvai, chef du pôle politiques du travail à la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur.

([114])              Réponses au questionnaire budgétaire.

([115])              Ils sont affectés dans les services après une formation d’une période de neuf mois.

([116])              Réponses au questionnaire budgétaire.

([117])              Décret n° 2022-1093 du 30 juillet 2022 modifiant le statut particulier du corps de l’inspection du travail.

([118])              Il s’agit d’une revalorisation de l’indemnité de fonctions, de sujétions et d’expertise (IFSE).

([119])              Ce fut le cas en 2019.

([120])              Cour des comptes, op. cit., p. 98.

([121])              Ibid., p. 85.

([122])              Id.

([123])              https://www.ccomptes.fr/fr/documents/51196.

([124])              Projet annuel de performances de la mission Travail et emploi annexé au projet de loi de finances pour 2023, pp. 221-222.

([125])              Réponses au questionnaire budgétaire.

([126])              https://videos.assemblee-nationale.fr/video.12324136_634ff2fba23ed.commission-des-affaires-sociales--projet-de-loi-de-finances-pour-2023-seconde-partie--mission-so-19-octobre-2022