Logo2003modif

N° 374

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2022.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2023,

 

 

TOME II

 

 

CULTURE

 

 

 

Par Mme Emmanuelle ANTHOINE,

 

Députée.

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  273, 292 (annexes n° 11 et 12)

 

 


 

SOMMAIRE

___

introduction

I. les CRÉDITS de la mission culture pour 2023

A. les CRÉDITS du programme patrimoines

B. les CRÉDITS du programme crÉation

C. les CRÉDITS du programme transmission des savoirs et dÉmocratisation de la culture

D. les CRÉDITS du programme soutien aux politiques du ministÈre de la culture

II. LA Conservation du patrimoine, une politique publique à rÉÉquilibrer en faveur des territoires

A. la politique de conservation patrimoniale de l’État : un objet trÈs large, des enjeux et des acteurs multiples

1. Le patrimoine monumental : un objet culturel en expansion

a. Le patrimoine monumental : un objet difficilement circonscrit et assorti de différents régimes de protection plus ou moins contraignants

b. Des propriétaires placés dans des situations très inégales

c. Une notion prise dans des enjeux de politiques publiques trop peu concertés

2. La chaîne de conservation du patrimoine : une architecture très dense

a. De multiples acteurs impliqués

b. Des modalités de financement complexes

B. une politique patrimoniale soumise à un dÉSÉquilibre territorial imparfaitement corrigé

1. La répartition des crédits continue de s’opérer au profit des monuments franciliens

2. Des mesures de correction bienvenues ont été introduites permettant de compenser partiellement cette disparité territoriale

a. Des mesures de la stratégie pluriannuelle du patrimoine à conforter

b. Des dispositifs fiscaux en faveur des propriétaires privés de monuments historiques à moderniser

c. Des initiatives éparses qui permettent d’atténuer les disparités territoriales des moyens consacrés au patrimoine

3. Des difficultés persistent néanmoins pour la conservation du patrimoine dans les territoires

a. Une maîtrise d’ouvrage encore trop souvent vécue comme un fardeau

b. La surcharge de travail et le manque de moyens des services déconcentrés

c. Des difficultés renforcées par de nouveaux défis

d. Une faiblesse durable des moyens apportés aux propriétaires privés et collectivités territoriales

Travaux de la commission

I. AUDITION De la MINISTRE

II. EXAMEN DES CRÉDITS

Annexe : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis


— 1 —

   introduction

 

La mission Culture sur laquelle porte le présent avis regroupe les trois programmes Patrimoines (175), Création (131), Transmission des savoirs et démocratisation de la culture (361), ainsi que le programme support Soutien aux politiques du ministère de la Culture (224).

Le budget de la culture pour 2023 est un budget de transition : son montant élevé doit permettre d’absorber les derniers effets de la crise sanitaire, mais il doit également compenser pour partie l’inflation attendue pour l’année 2023, dont les effets, notamment sur les coûts de l’énergie ou les projets immobiliers, auront de profondes conséquences pour nombre d’opérateurs culturels du ministère.

Afin de ne pas faire de doublon avec l’analyse approfondie des crédits effectuée par la commission des Finances, le Bureau de la commission des Affaires culturelles et de l’éducation a décidé que les rapports pour avis sur les crédits budgétaires devraient, après avoir décrit l’évolution des crédits de chaque mission de manière synthétique, aborder à titre principal un thème particulier, lequel fait l’objet de la seconde partie du présent avis. Le choix de la rapporteure pour avis s’est porté sur les disparités territoriales dans la conservation du patrimoine monumental.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues à la rapporteure pour avis qui remercie vivement les services du ministère de la culture pour leur diligence.


— 1 —

I.   les CRÉDITS de la mission culture pour 2023

Avec 3 736 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 3 714 millions d’euros en crédits de paiement (CP) prévus dans le projet de loi de finances pour 2023, les crédits de la mission Culture présenteraient une nette augmentation par rapport au budget 2022 (avec une hausse de 246 millions d’euros, + 7,04 % en AE, et une hausse de 255 millions d’euros, + 7,36 %, en CP).

Or, le montant du budget voté en loi de finances initiale pour 2022 était déjà en hausse de 8 % par rapport à 2021 : on assiste donc ces dernières années à une augmentation structurelle des crédits de la culture qui a conduit à rattraper, puis à dépasser en 2021, le niveau que ces crédits atteignaient en 2010.

Le périmètre de la mission Culture connaîtrait en 2023 deux transferts entrants vers le programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture, en provenance :

– du programme 148 Fonction publique concernant le relèvement de l’indice minimum (130 701 euros en AE et en CP en titre 2) ;

– du programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire, concernant l’inscription en base des mesures reconventionnelles 2022-2023 de la loi de programmation pour la recherche (LPR) pour les personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche dépendant du ministère de la Culture (300 000 euros en AE et en CP en titre 2).

Deux transferts sortants de la mission Culture sont prévus à destination du programme 148 Fonction publique, depuis le programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la culture au titre de l’adhésion du château de Versailles et du Mobilier national à l’action sociale interministérielle (pour respectivement 6 051 euros et 16 488 euros en AE comme en CP).


Les crÉdits de la mission Culture en 2022 et 2023

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Ouverts en LFI 2022

Demandés
pour 2023

Ouverts en LFI 2022

Demandés pour 2023

175 – Patrimoines

1 035

1 111

1 022

1 099

131 – Création

922

1 011

915

1 006

361 – Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

756

801

748

798

224 – Soutien aux politiques du ministère de la Culture

777

813

775

811

Total mission Culture

3 490

3 736

3 460

3 714

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2023.

Bien que la rapporteure pour avis se réjouisse de l’augmentation des crédits accordés à la culture, qui semble s’inscrire dans la durée, elle souligne la grande imprévisibilité entourant l’évolution de la situation économique, qui nimbe ces évolutions d’un halo d’incertitude.

Telle qu’établie par le Gouvernement, la prévision d’inflation pour l’année prochaine figurant dans le projet de loi de finances pour 2023 atteint 4,3 % et reste conditionnée à de nombreux facteurs économiques et géopolitiques à l’évolution tout sauf déterminée. Les augmentations de crédits prévues pour cette année budgétaire ont ainsi vocation à être en grande partie amputées par les effets de l’inflation. À prix constants, le budget de la mission Culture connaîtra donc une augmentation moindre.

Le secteur culturel se trouve confronté à de nombreuses incertitudes dans un contexte de sortie de crise sanitaire à laquelle succède une crise énergétique. C’est dans ce cadre que s’inscrit le projet de loi de finances pour 2023.

Il est incontestable que les deux années budgétaires exécutées en période de crise sanitaire auront paradoxalement, et malgré les difficultés du secteur, permis de rendre un certain souffle au budget de la culture, qu’il s’agisse de l’augmentation régulière des crédits de la mission Culture à proprement parler ou de l’adjonction permise par les crédits de l’action 5 Culture du programme 363 Compétitivité de la mission Plan de relance. À ce titre, l’ensemble des interlocuteurs entendus dans le cadre des auditions ont souligné l’efficacité du soutien de l’État et salué ces augmentations de crédits.

Ce rebond ne doit toutefois pas masquer les situations de grand besoin qui préexistaient : les augmentations de moyens ont largement contribué à un effet de rattrapage et de soutien indispensables, plus qu’ils n’ont permis le développement de nouveaux programmes culturels majeurs (avec un petit nombre d’exceptions toutefois, parmi lesquelles le lancement et la généralisation du pass Culture, ou la réalisation de grands projets tels que les chantiers de Villers-Cotterêts ou du Grand-Palais).

En outre, plusieurs responsables d’établissements culturels, notamment dans le secteur du patrimoine, ont signalé à la rapporteure pour avis l’effet négatif que peut avoir l’évolution erratique des crédits avec des successions d’augmentations et de diminutions, les opérateurs ayant particulièrement besoin de visibilité pour engager des investissements de long terme. L’absence de prévisibilité des crédits conduit à terme à des dépenses plus élevées, en imposant le recours à des restaurations conséquentes qui auraient pu être évitées par un entretien plus régulier et moins dispendieux. La rapporteure pour avis estime ainsi qu’une approche pluriannuelle des crédits en faveur du patrimoine aurait le mérite de mieux appréhender l’entretien dans la durée de notre patrimoine et permettrait une meilleure efficience de la dépense publique.

L’exécution des crédits du Plan de relance qui avaient été engagés lors des années 2021 et 2022, s’achèvera en 2023 : ils ne concerneraient plus que le patrimoine et s’élèveraient à 25 millions d’euros (10 millions d’euros pour le plan cathédrales et 15 millions d’euros pour la restauration des monuments historiques n’appartenant pas à l’État).

Par ailleurs, on constate une diminution continue des effectifs du ministère, de 9 434 équivalents temps plein travaillés (ETPT) en 2022 à 9 109 ETPT en 2023, soit une baisse de 325 ETPT, dont 323 pour les opérateurs rémunérés par le programme. Si la rapporteure pour avis se réjouit que le plafond d’emplois des services régionaux connaisse, lui, une augmentation de 10 ETPT (de 2 388 à 2 398 ETPT) au regard des besoins des territoires, constamment exprimés par la majorité des participants aux auditions réalisées dans le cadre de cet avis, il conviendra de rester attentif à ce que la baisse continue des effectifs en administration centrale et parmi les opérateurs ne finisse pas par empêcher la bonne exécution des missions du ministère ou des organismes placés sous sa tutelle. Depuis 2017, le ministère de la Culture a en effet perdu 1 564 ETPT, soit une baisse d’environ 14 % des effectifs en cinq ans.

Certains corps rattachés au ministère de la Culture souffrent de situations de sous-effectif préoccupantes. Ainsi, alors qu’on dénombrait 52 architectes en chef des monuments historiques (ACMH) en 2005, on n’en compte que 32 à l’heure actuelle et ils ne seront plus que 26 en 2024. Le concours de recrutement prévu pour 2024, qui doit voir l’ouverture de 12 postes, est ainsi particulièrement attendu. En effet, compte tenu de la baisse de leurs effectifs, les ACMH voient leurs circonscriptions s’étendre pour englober un nombre croissant de départements.

Surtout, une attention particulière doit être accordée au corps des architectes des Bâtiments de France (ABF) qui souffre d’une faiblesse structurelle de ses moyens. À cet égard, un effort conséquent de la part du ministère est fortement attendu et nécessaire.

 

La faiblesse structurelle des moyens des architectes des Bâtiments de France (ABF)

Le corps des architectes des Bâtiments de France (ABF) a été créé en 1946.

Les ABF exercent leurs missions sous l’autorité du préfet de département au sein des services territoriaux de l’architecture et du patrimoine (STAP) présents dans chaque département. Ils ont un important rôle de conseil et promeuvent une architecture et une urbanisation de qualité, en tenant compte du contexte dans lequel les constructions doivent s’intégrer harmonieusement. Ils délivrent des avis sur les permis de construire, d’aménager, de démolir, et sur les déclarations préalables de travaux ayant pour effet de modifier les espaces protégés. Ils sont par ailleurs conservateurs des monuments historiques appartenant à l’État.

Les ABF souffrent d’une faiblesse de moyens devenue structurelle. Depuis plusieurs années, ils ne sont effectivement pas en mesure d’être présents sur le terrain pour accomplir l’ensemble de leurs missions – situation qui nécessite selon votre rapporteure pour avis un renforcement de leurs effectifs.

Le rapport d’information sur l’évaluation de la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, déposé le 25 septembre 2019 par la rapporteure pour avis et son collègue Raphaël Gérard pointait déjà cette lacune.

Les ABF sont déployés sur l’ensemble du territoire et apportent une expertise de l’État aux propriétaires de monuments historiques ainsi qu’aux collectivités locales (en particulier les communes). Cet accompagnement est d’autant plus important que de nombreux élus locaux disposent de peu de compétences en matière de patrimoine. Cette expertise recherchée met les effectifs d’autant plus en tension : ceux-ci ne suffisent pas à répondre aux nombreuses sollicitations qui correspondent à des besoins importants dans les territoires.

Il y a actuellement près de 180 ABF dans toute la France soit, en moyenne, 1,8 ABF par département. Toutefois, dans plus de la moitié des départements, on ne compte qu’un seul ABF. L’échelon départemental reste pourtant le plus pertinent en s’inscrivant dans une logique de proximité. L’ABF doit en effet pouvoir se rendre disponible sur le terrain, ce que permet son positionnement institutionnel à cet échelon.

Les chantiers financés par le Plan de relance et l’augmentation des chantiers de particuliers observée en sortie de crise sanitaire ont représenté un important surcroît d’activité pour les ABF.

Par ailleurs, la dématérialisation des procédures immobilières, avec notamment l’application Patronum, a considérablement pesé sur les services des UDAP. Cette application s’est révélée d’une appropriation difficile, ce qui a eu un impact sur les temps d’instruction par les services. Le besoin de temps supplémentaire provoqué par cet ajustement à un nouvel outil informatique n’a fait qu’aggraver les tensions sur l’activité des ABF.

En outre, d’importantes difficultés de recrutement s’observent au sein du corps des ABF, l’ensemble des postes ouverts aux concours ne parvenant pas à être pourvus.

Les corps techniques qui entourent les ABF au sein des unités départementales de l’architecture et du patrimoine (UDAP) sont aussi concernés par ces problèmes de recrutement.

Ces difficultés s’expliquent par différents facteurs. Les ABF sont avant tout des architectes. Or, les rémunérations très attractives dans l’exercice libéral de l’architecture restreignent le vivier de recrutement des ABF. La conjoncture favorise également le secteur privé puisque l’activité y est dynamique. Enfin, le métier d’ABF souffre d’un manque de visibilité et d’un déficit de communication.

La poursuite du plan de rattrapage indemnitaire en direction notamment des ABF, prévue dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, apparaît bienvenue pour renforcer l’attractivité du métier mais reste à amplifier face à l’ampleur des retards accumulés en la matière.

Les difficultés structurelles dans le traitement des dossiers et la réalisation de leur mission de conseil rencontrées par les UDAP pouvant dissuader les candidats, une augmentation notable des moyens des UDAP, passant notamment par des recrutements au sein du corps des ABF apparaît nécessaire pour rendre le métier de nouveau attractif et assurer à ces agents de l’État les moyens de remplir l’ensemble de leurs missions.

Seul un effort conséquent permettrait d’enclencher une dynamique vertueuse permettant de réhabiliter ce métier essentiel à la qualité urbanistique et paysagère au service de la mise en valeur de notre patrimoine. À défaut d’un tel effort, les ABF risquent de devoir se replier sur certaines missions au détriment de leur rôle de conseil, qui pourrait être sacrifié.

 

 


A.   les CRÉDITS du programme patrimoines

Le programme Patrimoines regroupe les crédits relatifs aux musées, aux monuments historiques, à la protection du patrimoine et de l’architecture, aux archives et à l’archéologie. Il est également en 2023 le support de grands projets emblématiques, comme la poursuite de la restauration et de l’aménagement du château de Villers-Cotterêts, la restauration de la cathédrale de Nantes à la suite de l’incendie survenu en 2020, le lancement des études et travaux de restauration du grand cloître de l’ancienne abbaye de Clairvaux, ou encore la contribution de l’État au projet de revalorisation du château de Gaillon porté par l’agglomération Seine‑Eure.

Les crédits du programme Patrimoines inscrits au PLF 2023 s’élèvent à 1 111 millions d’euros en AE et 1 099 millions d’euros en CP, avec des augmentations de 76 millions d’euros en AE (+ 7,3 %), et de 76,8 millions d’euros (+ 7,5 %) en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

Les crÉdits du programme 175 patrimoines en 2022 et 2023

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Action

Ouverts en LFI 2022

Demandés pour 2023

Ouverts en LFI 2022

Demandés pour 2023

Variation des CP

Monuments historiques et patrimoine monumental

449,35

490,45

432,74

466,63

+ 7,8 %

Architecture et sites patrimoniaux

35,10

35,72

35,10

35,72

+ 1,77 %

Patrimoine des musées de France

368,73

387,69

364,49

394,37

+ 8,2 %

Patrimoine archivistique

26,02

29,11

34,57

34,71

+ 0,4 %

Acquisition et enrichissement des collections publiques

9,78

9,78

9,78

9,78

-

Patrimoine archéologique

145,68

157,94

145,55

157,81

+ 8,4 %

Total

1 034,67

1 110,68

1 022,23

1 099,01

+ 7,5 %

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2023.

Cette progression comprendrait 37,40 millions d’euros en CP destinés à tenir compte de la hausse des prix : 17,8 millions d’euros sont prévus en fonctionnement pour les services à compétence nationale et les opérateurs afin de les aider à faire face à l’augmentation considérable des dépenses d’énergie, tandis que 19,6 millions d’euros sont prévus en investissement (8,1 millions d’euros pour les directions régionales des affaires culturelles (Drac), 8,4 millions d’euros pour les opérateurs et 3,1 millions d’euros pour les services à compétence nationale).

Lors de son audition par la rapporteure pour avis, M. Jean-François Hébert, directeur général des patrimoines et de l’architecture, a admis que ces montants ne suffiraient probablement pas à compenser intégralement la hausse des prix. M. Philippe Bélaval, président du Centre des monuments nationaux, a pour sa part relevé durant son audition que les coûts de l’énergie supportés par son établissement public, qui pourraient s’élever à 3 millions d’euros en exécution en 2022 ([1]), devraient augmenter dans une fourchette comprise entre 2 et 3,5 millions d’euros en 2023 selon les différents scénarios prévisionnels de la direction des achats de l’État. L’administrateur général du musée du Louvre, M. Kim Pham, a estimé que la hausse des coûts de l’énergie supportée par cet opérateur devrait représenter un montant de 9 millions d’euros en 2023.

Ces surcoûts dus à la conjoncture sur le marché de l’énergie viennent s’ajouter aux dépenses supplémentaires suscitées par la revalorisation du point d’indice dans la fonction publique. Pour le musée du Louvre, par exemple, celle-ci représente une hausse de 3,5 millions d’euros de la masse salariale.

Des inquiétudes sont par ailleurs évoquées quant à la pérennité des ressources issues du mécénat. Mme Catherine Pégard, présidente de l’établissement public du Château de Versailles, a ainsi observé qu’il est de plus en plus compliqué de convaincre les mécènes. Ces inquiétudes se doublent de la crainte d’un risque d’arbitrage entre des causes jugées plus sociales et le mécénat culturel, au détriment de celui-ci. Mme Célia Verot, directrice générale de la Fondation du Patrimoine, s’est également inquiétée du fait que le contexte d’inflation puisse atteindre la dimension démocratique du don. Elle observe ainsi une diminution en montant et en nombre des petits dons, alors que le mécénat des grands donateurs se maintient. S’exprime par ailleurs la crainte que les mécènes américains se préoccupent d’abord de la situation de leurs propres musées nationaux.

Cette conjoncture défavorable fait suite à l’évolution de la législation encadrant la réduction d’impôt prévue par l’article 238 bis du code général des impôts au profit des entreprises mécènes. En effet, l’article 134 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a abaissé le taux de la réduction d’impôt de 60 % à 40 % pour les versements supérieurs à 2 millions d’euros. Or, selon la présidente de l’établissement public du Château de Versailles, Mme Catherine Pégard, l’impact de ces mesures est loin d’être marginal sur les potentiels mécènes, et il serait erroné de le penser.

Ces inquiétudes sont à considérer avec d’autant plus de sérieux que le mécénat représente une source de financement importante pour le patrimoine. Il constitue la ressource principale de la Fondation du Patrimoine, et 15 millions d’euros pour le musée du Louvre (soit environ 10 % de ses ressources propres pour l’année 2019, qui s’élevaient alors à 151 millions d’euros). Ce sont également 17 millions d’euros qui ont permis de financer, depuis 2008, des travaux sur des monuments historiques appartenant à des propriétaires privés dans le cadre d’une convention signée avec l’association reconnue d’utilité publique La Demeure Historique.

Pour la rapporteure pour avis, il s’agit là de sujets de préoccupation majeure pour la soutenabilité budgétaire des établissements culturels en 2023, qu’il conviendra de suivre attentivement tout au long de l’année.

Au titre des mesures nouvelles, 38,27 millions d’euros de CP sont prévus pour l’exercice 2023, dont 21,8 millions d’euros pour renforcer des dispositifs territoriaux :

– l’abondement du fonds incitatif pour le patrimoine (anciennement fonds incitatif et partenarial), à hauteur de 2 millions d’euros afin de porter ses ressources à 18 millions d’euros, témoigne de la volonté du ministère de conforter cet outil à destination des collectivités territoriales, dont la rapporteure pour avis a pu constater qu’il était considéré comme efficace par les associations d’élus locaux ;

– un montant de 5 millions d’euros supplémentaires pour les fouilles programmées et la valorisation scientifique du patrimoine archéologique dans les Drac ; 2,4 millions d’euros seraient en outre alloués aux 62 collectivités territoriales habilitées à réaliser des diagnostics archéologiques ;

– plusieurs chantiers majeurs bénéficieraient de crédits en région : 5,7 millions de CP supplémentaires pour la cathédrale de Nantes, 2 millions d’euros en CP et 15 millions d’euros en AE seraient destinés à l’abbaye de Clairvaux tandis que 0,7 million d’euros en CP et 5,1 millions d’euros en AE seraient affectés à la revalorisation du château de Gaillon dans l’Eure.

Les opérateurs du programme seraient destinataires de 21,77 millions d’euros supplémentaires afin de les aider à reconstituer leurs moyens de fonctionnement et d’investissement au sortir de la crise sanitaire (dont 5 millions d’euros pour le musée du Louvre et 5 millions d’euros pour le Fonds de modernisation des musées nationaux).

La poursuite des grands projets d’investissements devrait prendre la forme de moyens nouveaux prévus pour les projets suivants :

– 14,7 millions d’euros en AE et 0,9 million d’euros en CP au titre des travaux de mise aux normes des parties communes pour le projet de restructuration, de restauration et de réaménagement du palais de la Cité ;

– 2 millions d’euros en AE et 1 million d’euros en CP au titre de la contribution du ministère de la Culture au financement des études pour le musée mémorial du terrorisme ;

– 2 millions d’euros en AE et en CP pour la contribution du ministère de la Culture au financement du projet de réaménagement et d’agrandissement de l’Institut du monde arabe (IMA).

Les crédits d’acquisition d’œuvres pour les collections nationales sont stables depuis plusieurs années et restent à un niveau très modeste (9,8 millions d’euros). Dans les musées nationaux ayant le statut d’établissement public, d’autres sources de financement viennent heureusement compléter ce budget très réduit : pourcentage des recettes de droits d’entrée réservé aux acquisitions, mécénat, contributions des sociétés d’amis, dons et legs, etc.

Lors de son audition, le directeur général des patrimoines et de l’architecture a souligné l’opportunité unique qu’a constituée le plan de relance pour le patrimoine, dont près de 641 millions d’euros lui ont été consacrés. Ce sont des moyens d’une ampleur exceptionnelle qui ont été mobilisés pour le patrimoine depuis 2020, pour un montant total de 891,2 millions d’euros. Aux 640,7 millions d’euros du plan de relance se sont ajoutés 196,5 millions d’euros d’ouvertures de crédits (27,4 millions d’euros en loi de finances rectificative pour 2020 et 169,1 millions d’euros en loi de finances rectificative pour 2021) et 54 millions d’euros dégagés en gestion (dégel et redéploiements sous plafond du programme 175). Ces moyens ont fait l’objet d’un effort inédit d’engagement selon le directeur général, puisque leur taux de consommation approche, et devrait atteindre pour la fin de l’année 2022, les 100 %.

Source : direction générale des patrimoines et de l’architecture

La rapporteure pour avis salue cet effort de mobilisation de l’État durant la crise sanitaire, mais s’inquiète de la baisse de fréquentation observée dans la plupart des lieux culturels patrimoniaux : si les projections semblent confirmer un retour progressif du public (français mais également étranger), il reste difficile d’affirmer que la fréquentation retrouvera les niveaux d’avant la crise, ce qui ne sera pas sans conséquences sur les ressources propres des établissements culturels. Certains publics (notamment les personnes vulnérables ou âgées) demeurent en effet réticents à revenir dans des lieux pouvant les exposer aux risques sanitaires, tandis que d’autres ont perdu l’habitude des sorties culturelles. Parmi les visiteurs étrangers, certaines nationalités tardent à revenir, en provenance notamment d’Asie ou d’Amérique du Sud, alors même que les tensions géopolitiques créent de nombreuses incertitudes.

Par ailleurs, les établissements culturels sont confrontés à de nouveaux enjeux de taille : au-delà de la hausse conjoncturelle des prix de l’énergie, les impératifs de transition vers des modèles de fonctionnement plus conformes au développement durable supposent non seulement de lourds investissements, mais également de relever un certain nombre de défis techniques (le remplacement des systèmes de chauffage au fioul par des pompes à chaleur, par exemple, nécessitant de disposer de la place suffisante pour les nouvelles installations).

Le patrimoine est par définition durable : le bâti ancien se caractérise effectivement par sa durabilité. La rénovation d’un bâtiment prolonge sa durée de vie et la conservation du patrimoine force à préserver davantage l’existant. Le réemploi de matériaux, dans ce domaine, s’impose comme une évidence. Aussi, les chantiers patrimoniaux mobilisent moins de matériaux que les chantiers de construction. Ils ne provoquent pas d’artificialisation puisque l’empreinte au sol existe déjà depuis longtemps. Le bilan carbone des monuments historiques est en outre excellent.

La vérification de la provenance des biens culturels

Deux lois récentes ont mis en évidence la nécessité de réexaminer les conditions d’acquisition des œuvres présentes dans les collections des musées :

– la loi n° 2020-1673 du 24 décembre 2020 relative à la restitution de biens culturels à la République du Bénin et à la République du Sénégal ;

– la loi n° 2022-218 du 21 février 2022 relative à la restitution ou la remise de certains biens culturels aux ayants droit de leurs propriétaires victimes de persécutions antisémites.

Il ressort des débats parlementaires sur ces textes l’idée qu’il est nécessaire de mieux retracer le parcours des œuvres jusqu’à nos musées, pour pouvoir attester qu’elles proviennent d’acquisitions légales. Mais alors que la provenance des œuvres exposées dans les musées est une préoccupation de plus en plus importante, l’actualité judiciaire a mis en évidence les lacunes qui existent actuellement en matière de contrôle de l’origine des œuvres par le service des musées de France, quelle que soit par ailleurs leur destination.

La récente enquête menée par l’office central de lutte contre le trafic des biens culturels (OCBC) sur les œuvres de provenance douteuse acquises par le Louvre Abu Dhabi a notamment révélé que le service des musées de France ne dispose pas des moyens lui permettant d’assurer la détection de la provenance illégale de certains biens culturels.

La direction générale des patrimoines et de l’architecture relève que les autorisations d’exportation ne sont pas censées, en l’état actuel du droit, attester de la provenance irréprochable des biens ou de leur légalité, mais seulement permettre leur libre circulation dans l’espace européen et que, en tout état de cause, l’absence de pouvoirs de police reconnus au service des musées de France limite de fait les investigations possibles.

Le service dispose en outre d’un délai réglementaire de quatre mois seulement pour délivrer ces autorisations d’exportation (article R. 111-6 du code du patrimoine). Cependant, cette règle selon laquelle « silence vaut acceptation », qui s’applique à ces autorisations, implique qu’à l’expiration du délai imparti à l’administration l’émission du certificat d’exportation est de droit.

Si le logiciel actuellement utilisé par l’administration ne lui permet pas de quantifier le nombre de certificats délivrés en application de la règle « silence vaut acceptation », donc sans contrôle de la part du service des musées de France, il est nécessaire de prévenir ces situations. Celles-ci semblent effectivement survenir de façon récurrente du fait du manque de moyens humains.

La rapporteure pour avis estime ainsi que des moyens d’investigation supplémentaires, en particulier en termes d’effectifs, seraient bienvenus pour assurer un meilleur traitement des demandes d’autorisation d’exportation des œuvres. Ces moyens permettraient de prévenir plus efficacement le blanchiment d’objets pillés que favorisent indirectement les autorisations délivrées automatiquement à l’expiration du délai réglementaire, à l’insu de l’autorité de délivrance : en autorisant l’exportation d’œuvres, le service des musées de France contribuerait à donner une apparente légalité à leur origine.

Interrogée sur ce sujet, la direction générale des patrimoines et de l’architecture, qui comprend la direction des musées de France, avance le chiffre d’un à deux ETPT supplémentaires souhaitable pour un traitement optimisé des demandes dans le délai réglementaire de quatre mois. Elle souligne que la mise en service, fin 2023, du futur outil informatique dédié devrait permettre de réduire les délais de communication entre les demandeurs et l’administration, mais aussi entre le service des musées de France et les conservations chargées de rendre un avis scientifique sur les demandes déposées. Cela devrait contribuer à améliorer la qualité du service rendu.

La rapporteure pour avis prend note de la mise en place d’une mission visant à faire le point sur les procédures applicables en matière de lutte contre le trafic de biens culturels. Cette mission confiée à M. Arnaud Oseredczuk, conseiller-maître à la Cour des comptes, membre du comité de déontologie du ministère de la Culture, Mme Marie-Christine Labourdette, présidente de l’établissement public du château de Fontainebleau et ancienne directrice des musées de France, et M. Christian Giacomotto, président du conseil de surveillance de Gimar & Cie, président du comité d’audit de l’Agence France Museum et membre du conseil artistique des musées nationaux devait rendre ses conclusions et formuler des recommandations à l’été 2022. La restitution de ses travaux est désormais attendue pour la fin du mois d’octobre de cette même année.

Sans attendre les conclusions de cette mission, la rapporteure pour avis estime que des moyens budgétaires supplémentaires peuvent être envisagés dès à présent dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, afin de renforcer les capacités d’investigation.

B.   les CRÉDITS du programme crÉation

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit au titre du programme Création 1 011 millions d’euros en AE et 1 006 millions d’euros en CP, dont 89 millions d’euros en AE et 91 millions d’euros en CP de mesures nouvelles, soit au total une hausse de 9,7 % en AE et de 10 % en CP par rapport aux crédits votés en loi de finances initiale pour 2022.

 

Les crÉdits du programme 131 crÉation en 2022 et 2023

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Action

Ouverts en LFI 2022

Demandés pour 2023

Ouverts en LFI 2022

Demandés pour 2023

Variation des CP

Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant

782,35

818,27

758,1

801,99

+ 5,8 %

Soutien à la création, à la production et à la diffusion des arts visuels

89,36

130,0

106,71

141,45

+ 32,6 %

Soutien à l’emploi et structurations des professions

50,02

62,72

50,02

62,72

+ 25,4 %

Total programme 131 Création

921,73

1 010,99

914,84

1 006,16

+ 9,98 %

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2023.

Les mesures nouvelles s’élèvent à 34,65 millions d’euros pour le soutien aux opérateurs et établissements assimilés, pour des motifs divers :

– accompagner certains d’entre eux dans leur trajectoire de modernisation (notamment l’Opéra national de Paris, qui verrait ses crédits augmenter de 3 millions d’euros) ;

 soutenir des établissements en voie de transformation (le Mobilier national deviendra un établissement public, et devrait recevoir à ce titre 2,3 millions d’euros) ;

 remettre à niveau les subventions pour charges d’investissement d’établissements structurellement sous-dotés au regard de leur parc immobilier et de l’état d’entretien de leurs outils de production (comme l’établissement public du parc et de la grande halle de la Villette, dont la subvention pour charges d’investissement augmenterait de 1,2 million d’euros).

De façon plus générale, la rapporteure pour avis estime qu’il faudra probablement en cours d’année tenir compte de l’érosion des marges de manœuvre des établissements publics dans le domaine du soutien à la création stricto sensu, amplifiée par la forte hausse de l’inflation annonciatrice d’une augmentation des coûts de fonctionnement et de la masse salariale. M. Christopher Miles, directeur général de la création artistique, a ainsi indiqué lors de son audition que les coûts de l’énergie pour l’Opéra de Paris pourraient être multipliés par deux à trois durant la saison.

 

Lancé dans le cadre du plan de relance, le dispositif Mondes nouveaux ([2]) est reconduit pour une phase II et serait doté de 10 millions d’euros supplémentaires pour soutenir la conception et la réalisation de projets artistiques dans tous les domaines de la création (arts visuels, musique, spectacle vivant, écritures, design et arts appliqués). Les éléments transmis par le ministère de la Culture font état d’un fort engouement suscité par l’appel à manifestation d’intérêt (AMI) Mondes nouveaux, avec 3 200 projets déposés, recouvrant la plupart des champs de la création contemporaine : arts visuels, écritures, spectacle vivant, design et arts appliqués. Son comité artistique a retenu 264 projets, dont près de 80 projets étaient collectifs, soit plus de 430 artistes.

La rapporteure pour avis regrette que les modalités de ce nouveau programme ne soient dévoilées qu’en janvier 2023, après l’établissement du bilan de la première phase 2021-2022. Il lui aurait semblé pertinent de disposer d’éléments d’analyse plus complets concernant la première phase avant de se prononcer sur son extension.

Les grands projets d’investissement mobiliseront 14,45 millions d’euros, dont 9,45 millions d’euros en CP pour des projets commencés et/ou validés :

– la poursuite de la rénovation de la salle Jean Vilar au Théâtre national de Chaillot (pour 5 millions d’euros) ;

– la réfection des façades du Centre national de la danse – CND (0,25 million d’euros) ;

– la réhabilitation du hangar de stockage de Sèvres (1 million d’euros) ;

– le relogement du Centre national des arts plastiques et le paiement d’un double loyer (1,2 million d’euros, voir encadré infra) ;

– les travaux relatifs à la Cité du théâtre (2 millions d’euros).

Au sein de cette enveloppe, 5 millions d’euros seront également consacrés aux augmentations tendancielles des frais d’investissement.

 

Le déménagement du Centre national des arts plastiques (CNAP)

Le Centre national des arts plastiques concourt à la création et à la vitalité de la scène artistique française dans le champ des arts plastiques et visuels ainsi qu’à l’enrichissement du patrimoine contemporain national en vue de sa diffusion au public (avec un budget d’acquisition de deux millions d’euros par an en moyenne ces dernières années).

Doté dans le projet de loi de finances pour 2023 de 11 millions d’euros de crédits (AE = CP), le CNAP a, durant les années 2021 et 2022, bénéficié de financements exceptionnels liés à la distribution d’aides transitoires aux artistes :

le fonds d’urgence visant à soutenir les artistes-auteurs face aux pertes de rémunération subies suite aux annulations et aux reports d’expositions ou d’événements (822 artistes-auteurs bénéficiaires pour un montant global de plus d’un million et demi d’euros) ;

– l’aide exceptionnelle ciblée sur les charges en direction des galeries d’art contemporain (94 aides attribuées pour un montant global 2021‑2022 de 598 500 euros) ;

– le fonds exceptionnel de garantie des revenus artistiques, lancé en juillet 2021 (destiné à aider les artistes-auteurs à surmonter les difficultés économiques, le fonds a attribué 1 759 soutiens pour un montant total de 5,36 millions d’euros).

Le CNAP est engagé dans un processus de déménagement s’inscrivant dans le projet de relocalisation à Pantin de l’ensemble de ses réserves et équipes, réparties actuellement sur trois sites de La Défense et Saint-Ouen-L’Aumône. Le bâtiment acheté à Pantin en 2017 devait pouvoir être occupé fin 2022, début 2023 au plus tard. Le retard pris dans les travaux et le dérapage des coûts ont conduit au blocage complet du projet, la directrice de l’établissement, Mme Béatrice Salmon, entendue par la rapporteure pour avis, ne disposant d’aucune visibilité sur une installation prochaine, alors même que 27 865 œuvres ont été traitées (évaluées, parfois restaurées, emballées). La rapporteure pour avis exprime sa forte inquiétude face aux profondes difficultés que génère cette situation pour le CNAP, d’autant plus que le bail récemment renégocié avec l’établissement Paris La Défense-EPLD s’achève sans possibilité de prolongation le 31 août 2024, avec un doublement du loyer à compter d’août 2023 (alors que le bail emphytéotique était jusqu’alors accordé à titre gracieux). La rapporteure pour avis soutient, en outre, l’idée d’une délégation de gestion qui pourrait être attribuée au CNAP pour son personnel afin de lui offrir plus de souplesse.

Enfin, le soutien aux artistes mobilise un montant de mesures nouvelles de 15,7 millions d’euros, parmi lesquelles la réévaluation du fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), pour tenir compte de la dynamique du dispositif et couvrir les besoins réels (7 millions d’euros) ou encore la poursuite de la mise en place du plan artistes-auteurs (pour un montant de 1,7 million d’euros).

La rapporteure pour avis se félicite du volume important des crédits accordés à la création à travers le programme 131, mais ne peut que réitérer son inquiétude face à la baisse de fréquentation des salles de spectacle ([3]) et aux effets délétères d’une augmentation drastique des coûts de l’énergie pour ces établissements culturels. Les professionnels observent en outre une modification des usages, les réservations de billetterie intervenant désormais souvent au dernier moment et se trouvant très dépendantes des réputations acquises sur les réseaux sociaux, ce qui diminue la prévisibilité de la fréquentation sur la saison.

Dans ces conditions, et alors que les difficultés pourraient se révéler, selon le directeur général de la création artistique, de manière encore plus critique au second semestre 2023, un soutien accru à l’emploi des artistes s’avérera sans doute nécessaire au cours de l’année.

C.   les CRÉDITS du programme transmission des savoirs et dÉmocratisation de la culture

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit, au titre du programme 361, 800,68 millions d’euros en AE et 798,18 millions d’euros en CP, dont 44,79 millions d’euros en AE et 50,75 millions d’euros en CP (+7 %) de mesures nouvelles. Du ressort de la délégation générale à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle, de création récente (1er janvier 2021), les crédits retracés dans ce programme sont liés à des priorités essentielles de la politique culturelle de l’État : l’enseignement supérieur de la culture (ESC), la démocratisation et l’éducation artistique et culturelle (EAC), la langue française et les langues de France, et la recherche culturelle et la culture scientifique et technique.

les crÉdits du programme 361
transmission des savoirs et dÉmocratisation de la culture
en 2022 et 2023

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Action

Ouverts en LFI 2022

Demandés pour 2023

Ouverts en LFI 2022

Demandés pour 2023

Variation des CP

Soutien aux établissements d’enseignement supérieur et insertion professionnelle

258,53

294,09

262,46

293,99

+ 12 %

Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle

381,17

385,67

369,35

383,85

+ 3,9 %

Langue française et langues de France

4.22

4,22

4,24

4,24

-

Recherche culturelle et culture scientifique et technique

112,42

116,69

111,86

116,13

+ 3,8 %

Total programme 361

756,35

800,68

747,89

798,18

+ 6,72 %

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2023.

La rapporteure pour avis constate qu’au sein de l’action 2 Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle, les crédits du programme destinés à couvrir les dépenses de fonctionnement et d’investissement de la société par actions simplifiée gérant le pass culture et le remboursement de la part individuelle ([4]) du pass, feraient l’objet pour 2023 d’un accroissement de 9,5 millions d’euros pour s’élever désormais à 208,5 millions d’euros.

Cette somme représente 26 % des montants du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture et 54 % des CP de l’action 2 Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle. Il faut souligner que cette augmentation intervient après une hausse de 140 millions d’euros de crédits pour le pass culture pour l’année 2022, marquée par une étape importante de sa généralisation à un public plus jeune.

Le pass culture représente donc désormais un montant deux fois supérieur au montant consacré à la politique d’éducation artistique culturelle « classique » (dont les crédits s’élèveraient à 104 millions d’euros), qui recouvre des crédits en direction de dispositifs très éclatés : les pratiques artistiques et culturelles en et hors temps scolaire, les actions en faveur de la lecture, les moyens des conservatoires, les partenariats d’EAC avec les collectivités territoriales, l’éducation aux médias, à l’image et à l’information, la formation des acteurs de l’éducation artistique et culturelle.

De plus, les dépenses liées à l’utilisation du pass culture relevant d’une logique de guichet, le montant annoncé reste entouré d’une grande incertitude quant à son exécution. La rapporteure pour avis estime qu’après plusieurs années de montée en charge du dispositif, il serait essentiel qu’existent des données indépendantes sur son usage et ses effets sur l’accès à l’offre culturelle par le jeune public, et qu’un premier bilan public soit réalisé, par exemple dans le cadre de travaux de contrôle parlementaires.

Si la rapporteure pour avis salue l’élargissement de la part collective du pass culture (dont le financement sera pris en charge par le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse) et le développement d’une offre culturelle afférente, elle s’inquiète que cette politique n’en vienne à se substituer progressivement à l’éducation artistique et culturelle dans son ensemble, dont elle devrait rester, à son sens, un outil et un complément. Elle tient également à souligner que le pass culture, outil de référencement, n’est pas créateur d’une offre enrichie, notamment dans les territoires les moins bien dotés : en cela, il reste une politique culturelle passive. En outre, les collectivités territoriales elles-mêmes semblent éprouver des difficultés à être référencées sur la plateforme. Des améliorations seraient donc nécessaires, tant pour étendre l’application du dispositif à l’ensemble des jeunes (notamment non scolarisés) que pour mieux mettre en avant certaines offres culturelles (comme le spectacle vivant, qui ne représente que 3 % des réservations).

Relevant de la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), les dépenses liées aux politiques de la langue française devraient demeurer stables après avoir augmenté de manière substantielle en 2022 (+ 31,3 %). Les liens que pourrait avoir la DGLFLF avec le château de Villers-Cotterêts, dont l’action culturelle sera axée sur la francophonie, restent indéterminés à ce stade.

D.   les CRÉDITS du programme soutien aux politiques du ministÈre de la culture

Introduit en 2021, le programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la Culture regroupe les crédits liés à l’action culturelle internationale du ministère, à ses fonctions de soutien ainsi qu’à sa masse salariale. Ces crédits s’élèveraient à 813,46 millions en AE et 811,53 millions en CP.

Les crÉdits du programme 224
Soutien aux politiques du ministère de la Culture en 2022 et 2023

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

Action

Ouverts en LFI 2022

Demandés pour 2023

Ouverts en LFI 2022

Demandés pour 2023

Variation des CP

1-    Action culturelle internationale

7,4

8,07

7,4

8,07

+ 9 %

2-    Fonctions de soutien du ministère

769,95

805,38

768,03

803,46

+ 4,6 %

Total programme 224

777,34

813,46

775,41

811,53

+ 4,7 %

Source : projet annuel de performances de la mission pour 2023.

Le plafond d’emplois du ministère s’établirait pour 2023 à 9 109 ETPT (soit une diminution de 325 ETPT par rapport à 2022), résultant principalement du solde des transferts entrants et sortants (principalement 338 ETPT transférés vers le programme 131 Création au titre de la délégation de gestion de l’établissement public du Mobilier national – Manufactures des Gobelins, de Beauvais et de la Savonnerie – Ateliers-conservatoires d’Alençon et du Puy-en-Velay).

Par ailleurs, 15,2 millions d’euros seraient consacrés au financement des mesures catégorielles pour les agents du ministère, avec la poursuite du plan de rattrapage indemnitaire en direction des corps de catégorie A+, la mise en œuvre de la revalorisation de la rémunération des agents contractuels, et la mise en place d’un régime indemnitaire pour les enseignants chercheurs des écoles nationales supérieures d’architecture.


— 1 —

II.   LA Conservation du patrimoine, une politique publique à rÉÉquilibrer en faveur des territoires

La conservation du patrimoine bâti national remarquable, qu’il bénéficie ou non de mesures de protection, constitue historiquement l’un des axes majeurs de la politique culturelle française. Le patrimoine monumental, en tant qu’objet commun d’appartenance, a été très tôt investi au service de la construction de l’identité nationale. Aujourd’hui, la politique patrimoniale, principalement assumée par le ministère de la Culture mais susceptible de produire d’importants effets au niveau local ‒ dans le champ de l’aménagement du territoire ou du développement économique et touristique des régions par exemple ‒, recouvre plusieurs objectifs : la sauvegarde et la protection du patrimoine, mais aussi sa transmission et sa découverte au moyen de l’éducation artistique et culturelle, ou encore sa mise en valeur pour améliorer le cadre de vie.

La politique patrimoniale de l’État, qui englobe un ensemble varié de monuments, repose sur des régimes juridiques de protection variés et fait intervenir de nombreux acteurs, ce qui ne facilite pas la conciliation des différents enjeux qu’elle soulève (A).  Si le ministère de la Culture affirme fortement la dimension « partenariale » de cette politique qui mobilise d’importants moyens budgétaires ([5]), celle-ci apparaît encore très centralisée et souffre d’une trop forte concentration des moyens au profit du patrimoine francilien (B).

A.   la politique de conservation patrimoniale de l’État : un objet trÈs large, des enjeux et des acteurs multiples

1.   Le patrimoine monumental : un objet culturel en expansion

Depuis la création, en 1830, d’un poste d’inspecteur général des monuments historiques chargé de recenser les édifices jugés d’intérêt national et de veiller à leur restauration, la notion de patrimoine n’a cessé d’évoluer pour devenir de plus en plus inclusive, jusqu’à intégrer dernièrement le patrimoine sensoriel des campagnes françaises ([6]). Si le champ patrimonial ici considéré se limitera au patrimoine immobilier auquel est reconnu une qualité remarquable justifiant sa conservation, force est de constater que cet ensemble est déjà régi par des formes de protection juridique diversement contraignantes, mises en œuvre par des acteurs nombreux sous le contrôle de l’État.

a.   Le patrimoine monumental : un objet difficilement circonscrit et assorti de différents régimes de protection plus ou moins contraignants

i.   Les monuments historiques

Dès la seconde moitié du XIXe siècle apparaît la préoccupation d’identifier et de soumettre à un régime de protection et de conservation idoine les bâtiments pouvant témoigner d’une certaine valeur historique. Il s’agit de valoriser le patrimoine monumental relevant d’une histoire partagée, au moment où se consolide l’État nation moderne en France.

Cette préoccupation a donné lieu à l’élaboration du régime des monuments historiques, d’abord en 1840 par l’identification de 934 édifices par la commission des monuments historiques créée en 1837 par Prosper Mérimée, puis par l’adoption, le 30 mars 1887, d’une loi en précisant la portée juridique. Après la loi de 1887, qui organisait la procédure de sélection des bâtiments jugés d’intérêt national, la loi du 31 décembre 1913 pour la protection et la sauvegarde de monuments historiques a mieux défini les servitudes entraînées sur les biens protégés classés, posant les bases d’une intervention codifiée de l’État, même en l’absence de consentement des propriétaires.

L’inscription au titre des monuments historiques constitue un second régime de protection créé en 1927 : pensé comme un régime accueillant provisoirement des monuments, avant leur classement au titre des monuments historiques, il a progressivement constitué un régime annexe pérenne, où peuvent demeurer inscrits des biens n’ayant pas vocation à bénéficier d’une mesure de classement.

Ces deux régimes des monuments classés et inscrits aux monuments historiques constituent le socle hiérarchisé de la protection patrimoniale (le classement entraînant des servitudes plus lourdes pour les propriétaires) et sont détaillés aux articles L. 621-1 et L. 621-25 du code du patrimoine. Ils emportent des effets quant aux marges de manœuvre des propriétaires de monuments protégés, sur lesquels la rapporteure pour avis reviendra lorsqu’elle abordera les enjeux de la conservation.

Les procédures de classement et d’inscription

La demande de protection au titre des monuments historiques peut provenir du propriétaire du bien, de l’affectataire, ou de toute personne y ayant intérêt (une collectivité territoriale, ou une association de défense du patrimoine par exemple). Une telle initiative peut aussi émaner des services du préfet de région (direction régionale des affaires culturelles Drac) ou du ministre de la Culture (direction générale des patrimoines et de l’architecture).

Les demandes de classement ou d’inscription d’immeubles au titre des monuments historiques doivent être adressées au préfet de région (Drac). Elles doivent être accompagnées de la description de l’immeuble, d’éléments relatifs à son histoire et à son architecture, ainsi que des photographies et des documents graphiques le représentant dans sa totalité et sous ses aspects les plus intéressants au point de vue de l’histoire ou de l’art.

L’inscription au titre des monuments historiques est décidée par arrêté du préfet de région, après avis de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture.

Le classement au titre des monuments historiques est décidé par arrêté du ministre de la Culture, après avis de la commission nationale du patrimoine et de l’architecture, précédé d’un vœu de la commission régionale du patrimoine et de l’architecture, et au vu de l’accord du propriétaire. En l’absence d’un tel accord, le classement d’un immeuble peut être prononcé par décret en Conseil d’État, mais cette procédure reste exceptionnelle.

Source : ministère de la Culture

Le périmètre des monuments historiques s’est étendu progressivement (les critères d’admission s’élargissant à de nouvelles époques, le seuil d’ancienneté minimum étant désormais établi à 50 ans, et la notion d’intérêt « national » cédant le pas à celle d’intérêt « général »). S’il y eut plusieurs vagues importantes de mesures de protection prononcées dans les années 1970, 1980 et 1990 (à la faveur des lois de décentralisation), qui ont conduit au classement ou à l’inscription de près de 15 000 monuments, on constate pour la période récente une tendance à un certain ralentissement du rythme des décisions de mesures de protection (entre 200 et 300 par an désormais). Le ministère de la Culture recense aujourd’hui 44 769 immeubles protégés au titre des monuments historiques.

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit 490 millions d’euros d’autorisations d’engagement pour les monuments historiques et le patrimoine monumental, mais les dépenses totales engagées au titre de leur conservation sont bien plus conséquentes, puisqu’elles incluent également les financements accordés par les collectivités territoriales (qu’elles soient ou non propriétaires) et les montants engagés par les propriétaires privés.

La Cour des comptes estime ainsi qu’en 2021, la dépense publique en faveur des monuments historiques et des espaces patrimoniaux ([7]) a représenté en exécution 2,02 milliards d’euros. L’absence de présentation consolidée des dépenses publiques en faveur du patrimoine ne permet pas, selon la rapporteure pour avis, de donner à cette politique une lisibilité suffisante, notamment dans la distribution des montants entre les différents échelons territoriaux. En outre, le ministère de la Culture n’est pas seul affectataire des monuments historiques et la consolidation des dépenses de l’État entre les différents ministères n’apparaît pas, là non plus, satisfaisante.

ii.   Les domaines nationaux

Introduits à l’article L. 621-34 code du patrimoine par la loi n° 2016-925 du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine (dite « loi LCAP »), les domaines nationaux constituent une nouvelle classification afin de « garantir l’intangibilité, foncière, historique et paysagère de ces domaines, héritage du peuple français depuis des siècles » ([8]). Ce statut accorde à chaque élément compris dans leur périmètre une protection au titre des monuments historiques : le classement pour les parties appartenant à l’État ou à ses établissements publics ; l’inscription pour les parties devenues propriété privée ou propriété d’une autre personne publique que l’État ou ses établissements publics (sauf pour les parties déjà classées). Les constructions nouvelles sont strictement réservées à l’accueil du public ou à une restitution architecturale, de création artistique ou de mise en valeur. L’exercice de délimitation des domaines nationaux est centralisé en raison de sa sensibilité et prévoit l’arbitrage du Premier ministre ; c’est pourquoi leur nombre ne croît que lentement, pour atteindre 16 domaines nationaux aujourd’hui (depuis les derniers ajouts du décret n° 2022-906 du 17 juin 2022).

iii.   Les sites patrimoniaux remarquables

Autre forme de protection patrimoniale instaurée par la loi LCAP, le classement en « site patrimonial remarquable » concerne « les villes, villages ou quartiers dont la conservation, la restauration, la réhabilitation ou la mise en valeur présente, au point de vue historique, architectural, archéologique, artistique ou paysager, un intérêt public » ([9]). Ce classement a vocation à se substituer, dans une perspective de simplification, aux secteurs sauvegardés, aux zones de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager (ZPPAUP) et aux aires de mise en valeur de l’architecture et du patrimoine (AVAP). La gestion de ces sites s’accompagne de l’élaboration d’un plan de gestion devant constituer un véritable projet urbain qui peut prendre la forme d’un plan de sauvegarde et de mise en valeur (PSMV), document d’urbanisme, ou d’un plan de valorisation de l’architecture et du patrimoine (PVAP), servitude d’utilité publique. Le code du patrimoine et le code de l’urbanisme prévoient explicitement une assistance financière et technique de l’État (ministère de la Culture) pour l’élaboration de tels plans.

Les crédits alloués aux sites protégés ont été progressivement augmentés pour passer de 3,7 millions d’euros en 2016 à près de 9 millions d’euros chaque année depuis 2018. Ces crédits, dont la reconduction est prévue dans le projet de loi de finances pour 2023, sont destinés principalement à la délimitation des sites patrimoniaux remarquables et à l’élaboration de leur plan de gestion (PSMV ou PVAP).

La substitution d’un dispositif unique à l’empilement des dispositifs de protection des sites préexistants constitue incontestablement un progrès. Mais compte tenu de la lenteur de l’adoption des sites patrimoniaux remarquables ([10]), force est de constater qu’à ce stade, ce dispositif unique  s’assimile en réalité à un dispositif supplémentaire, ne faisant dès lors qu’aggraver le problème.

iv.   Les autres labels et qualifications du patrimoine

À ces dispositifs de protection juridique inscrits dans la loi, qui entraînent des mesures d’autorisation préalables en cas de travaux, des protections particulières et des financements publics spécifiques, s’ajoutent un ensemble de labels destinés à promouvoir l’attractivité des territoires, mais qui contribuent également à un paysage du patrimoine complexe : Petites cités de caractères, Plus beaux villages de France, Patrimoine européen, Villes et pays d’art et d’histoire, Jardins remarquables, Maisons des illustres, etc.

Ce foisonnement des appellations, répondant à des critères disparates, contribue à l’apparente dispersion de la valorisation du patrimoine, pour des effets sur l’attractivité des sites qui restent difficiles à évaluer.

v.   La variable inconnue : le patrimoine ne faisant l’objet d’aucune protection

Au-delà des différentes protections législatives et règlementaires évoquées demeure le problème de la connaissance du patrimoine existant susceptible de bénéficier de mesures de conservation. L’inventaire général des monuments et des richesses de la France, créé par le décret n° 64-203 du 4 mars 1964, qui vise à répertorier de façon plus générale le patrimoine monumental national, est, depuis 2004, conduit sous l’égide des régions, sous le contrôle scientifique et technique de l’État. Cette mission est réalisée de façon inégale selon les régions, qui y consacrent des moyens variables, tandis que l’État peine à assurer le contrôle qui lui incombe.

Le constat sévère du rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles et de l’Inspection générale de l’administration daté de janvier 2015 ([11]) souligne notamment l’incapacité de l’État à garantir l’interopérabilité des données collectées, rendant impossible l’établissement de données consolidées au niveau national.

Or, le problème de l’identification du patrimoine par les collectivités locales, notamment les communes, constitue souvent le premier obstacle à la réussite de sa préservation.

Le patrimoine non protégé n’a plus vocation à bénéficier des politiques de conservation du patrimoine conduites sous l’égide du ministère de la Culture, les crédits en ayant été transféré aux départements en vertu de la loi relative aux libertés et responsabilités locales de 2004. Cela suscite de nombreuses inquiétudes quant au devenir, en particulier, du petit patrimoine cultuel (églises, chapelles) qui s’avère fort étendu et relève souvent de très petites collectivités.

Les édifices cultuels

En 2016, la Conférence des évêques de France estimait qu’il existait près de 42 000 églises et chapelles paroissiales en France.

L’État (ministère de la Culture) est propriétaire de 89 édifices affectés au culte catholique ‒ dont 87 cathédrales, ainsi que de grandes abbayes : le Mont-Saint-Michel, Fontevraud, la Grande-Chartreuse, Clairvaux, etc. ‒ tous classés au titre des monuments historiques.

Selon le ministère de la Culture, en 2021, 35 % des édifices religieux ou d’origine religieuse (environ 15 000) étaient protégés au titre des monuments historiques, 12 000 d’entre eux étant des églises paroissiales appartenant aux communes (les édifices du culte catholique construits après 1905 appartenant aux associations diocésaines).

L’état sanitaire des édifices religieux classés et inscrits est connu grâce au contrôle scientifique et technique des conservations régionales des monuments historiques (CRMH) des Drac et fait l’objet de rapports quinquennaux, dont le prochain est attendu pour 2023.

D’après les derniers recensements, 3,5 % des édifices religieux protégés au titre des monuments historiques seraient en état de péril (environ 500). Pour près de 2 000 édifices, l’état sanitaire n’a pas été actualisé récemment.

Le ministère de la Culture, à travers l’action des Drac et de leurs CRMH, participe à l’entretien et à la restauration de ces édifices : plus de la moitié des crédits alloués par les Drac (53 %) est dédiée à la conservation du patrimoine religieux (107,5 millions d’euros sur 202,8 millions d’euros en 2021).

S’agissant de la mission « Patrimoine en péril » (loto du patrimoine), depuis 2018, près de 217 édifices religieux (incluant le patrimoine désacralisé et consacré, protégé et non protégé) ont été sélectionnés sur 745 projets au total (soit près de 30 %). Les crédits spécifiques (issus du dégel du programme 175) ont permis d’abonder les taux de subvention des 165 édifices religieux protégés sélectionnés.

Concernant le Plan de relance, sur les 160 millions d’euros du programme « monuments historiques » (hors Villers-Cotterêts), 104,3 millions d’euros (soit 65 %), ont été consacrés au patrimoine religieux ou d’origine religieuse, dont 78,4 millions d’euros pour les cathédrales.

Enfin, le fonds incitatif et partenarial (FIP), instauré en 2018 par le ministère de la Culture, permet une intervention accrue de l’État (grâce à des taux de subventions majorés) et des régions pour des travaux concernant les monuments historiques dans les territoires ruraux. Entre 2018 et fin 2021, le FIP a permis de financer 576 opérations sur tout le territoire national pour un montant total engagé de 60 millions d’euros, avec une grande majorité d’édifices religieux concernés (82 %), et appartenant pour 90 % d’entre eux à des communes.

Les petites collectivités peuvent se tourner vers des dispositifs d’aide à l’investissement local provenant du ministère de l’Économie ou de la Cohésion des territoires, tels que la dotation de soutien à l’investissement local (DSIL), la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR), le fonds national d’aménagement et de développement du territoire (FNADT). De tels dispositifs sont souvent actionnés au bénéfice du patrimoine religieux non protégé, fréquemment localisé dans de petites communes. Selon la Cour des comptes, 28 millions d’euros ont pu être mobilisés en faveur des monuments historiques et des espaces patrimoniaux par le biais de ces fonds en 2021.

b.   Des propriétaires placés dans des situations très inégales

Parmi les monuments historiques, classés ou inscrits, 51 % appartiennent à des collectivités territoriales, et 43 % appartiennent à des propriétaires privés, l’État étant propriétaire de 3 % des monuments historiques.

La situation de ces différents types de propriétaires face aux enjeux de restauration et de conservation est évidemment très inégale, l’État disposant en son sein d’une expertise technique et d’une puissance budgétaire supérieures à celles des autres propriétaires.

Pour les collectivités territoriales (majoritairement des communes, souvent de petite taille) et les propriétaires privés, la détention de monument historique représente un ensemble de servitudes qui empiète sur la pleine propriété du bien et impose des formalités administratives, souvent complexes, dès lors que l’évolution du bâtiment est en question. Avant de représenter une opportunité d’attractivité touristique ou un objet d’attachement des habitants, le patrimoine peut ainsi être vécu comme une charge d’autant plus lourde que les ressources budgétaires et techniques sont plus rares.

À l’occasion de son audition par la rapporteure pour avis, Mme Karine Gloanec Maurin, co-présidente de la commission des communes et territoires ruraux de l’Association des Maires de France (AMF) a ainsi souligné que « la gestion et la sauvegarde du patrimoine requièrent des moyens techniques et financiers de plus en plus conséquents pour les collectivités, dans un contexte marqué à la fois par la complexité des règles d’urbanisme et de protection, la hausse des coûts, les contraintes budgétaires et les enjeux liés aux transitions énergétique et écologique. »

Pour les propriétaires privés, outre l’accès tout aussi difficile aux ressources d’expertise technique, il s’agit souvent de trouver un modèle de développement du monument historique susceptible de garantir les ressources propres nécessaires à son entretien et à sa restauration. Dans certains monuments très prestigieux, tels que le Château du Clos-Lucé à Amboise, le modèle de la société par actions simplifiée peut permettre de développer une activité très riche de visites, d’évènements, de restauration ou d’accueil de séminaires propres à atteindre cet objectif.

Comme l’a longuement expliqué son propriétaire, M. François Saint-Bris, à la rapporteure pour avis lors de son déplacement à Amboise, la diversification des activités et des ressources (ainsi que différents programmes de partenariats avec des entreprises privées) permet de lisser les revenus du château et de programmer des opérations de restauration sur plusieurs années en concertation avec les services de l’État. La capacité du Clos-Lucé à développer de nouvelles activités repose essentiellement, au-delà du profond investissement familial des Saint-Bris, sur l’exploitation réussie de la figure de Léonard de Vinci ([12]), sur la création d’une marque distinctive susceptible de provoquer l’adhésion et de susciter l’envie du public. S’il faut saluer cette démarche efficace, la mobilisation d’un tel modèle reposant sur un fort élément distinctif n’est pas nécessairement toujours transposable.

Il n’en demeure pas moins que les associations représentant les propriétaires privés s’engagent dans des démarches favorisant l’acquisition de certaines compétences utiles à leurs adhérents pour le développement de tels modèles de gestion dynamiques. Mme Armelle Verjat, déléguée générale de la Demeure historique, témoignait ainsi lors de son audition de l’importance d’une certaine professionnalisation des propriétaires privés dans la gestion (le cas échéant commerciale) de leur bien afin de favoriser la pérennité de leur conservation : alors même que la plupart des 3 000 propriétaires adhérents ne reçoivent, au plus, que 2 000 visiteurs par an, la maîtrise de capacités de communication et de marketing apparaît désormais un outil essentiel dans la promotion de leur monument. La création d’un réseau, « les Audacieux du patrimoine », pour favoriser l’échange de bonnes pratiques et la diffusion de modèles d’exploitation réussie vise à aider les adhérents de cette association en ce sens.

c.   Une notion prise dans des enjeux de politiques publiques trop peu concertés

La conservation du patrimoine s’inscrit dans plusieurs registres de l’action publique, ce qui peut parfois créer des injonctions contradictoires pour les propriétaires des monuments.

S’inscrivant dans un territoire qu’il contribue à caractériser, le patrimoine bâti peut être source de valorisation économique et touristique de celui-ci, mais impose un certain nombre de contraintes dès lors qu’il s’agit de mener des politiques d’aménagement du territoire, en dictant par exemple des conditions spécifiques à la réalisation des travaux aux abords, ou en prévoyant des formalités d’information concernant le patrimoine.

Toute élaboration ou révision de document d’urbanisme engage ainsi une procédure de « porter à connaissance », qui implique une information des communes ou de leurs groupements compétents par le préfet s’agissant du cadre législatif et réglementaire à respecter, ainsi que des projets des collectivités territoriales et de l’État en cours d’élaboration ou existants. Lors de cette procédure, les unités départementales de l’architecture et du patrimoine (Udap) placées sous l’autorité du préfet établissent la liste mise à jour de l’ensemble des protections patrimoniales sur le territoire concerné.

Ces procédures, qui nécessitent une concertation institutionnelle, prennent beaucoup de temps à des services déjà très sollicités, et ne sont pas toujours l’occasion de concilier l’adoption de décisions d’urbanisme et de possibles améliorations à la protection du patrimoine. Comme le souligne par exemple la Cour des comptes ([13]), la transformation du périmètre type de protection de 500 mètres en une délimitation des abords plus adaptée relève souvent de l’occasion manquée, les architectes des Bâtiments de France n’étant sollicités qu’en fin de procédure de modification.

De façon plus générale, le principal acteur de la protection patrimoniale pour l’État, le ministère de la Culture, reste trop peu acteur dans les stratégies urbanistiques qui peuvent être déployées au niveau national, comme le dispositif « Action cœur de ville », qui relève de l’Agence nationale de cohésion des territoires et vise à revitaliser les centres-bourgs. Ces schémas de développement urbain comportent pourtant un fort volet patrimonial. De la même façon, les services déconcentrés du ministère de la Culture sont encore peu associés aux réflexions territoriales sur les réaménagements des espaces patrimoniaux.

2.   La chaîne de conservation du patrimoine : une architecture très dense

a.   De multiples acteurs impliqués

i.   L’État et ses principaux opérateurs

Au niveau central, le pilotage de la conservation et de la restauration du patrimoine repose sur la direction générale du patrimoine et de l’architecture (DGPA) du ministère de la Culture. Plus précisément, au sein du service du patrimoine, la sous-direction des monuments historiques et des sites patrimoniaux a la charge :

        d’élaborer et de suivre la mise en œuvre des lois et règlements applicables ;

        de préparer les mesures de protection et d’en assurer le suivi ;

        de veiller à la qualité architecturale, urbaine et paysagère des projets en contribuant à concevoir la politique d’investissement et en coordonnant la politique d’intervention en matière de travaux ;

        d’assurer la tutelle des opérateurs pour lesquels elle est cheffe de file (Centre des musées nationaux, Établissement public du château de Versailles, Chambord, Établissement public chargé de la conservation et de la restauration de la cathédrale Notre-Dame de Paris, EPIC Mont-Saint-Michel) ;

        de suivre les savoir-faire et les techniques mises en œuvre pour la conservation et la restauration des immeubles bâtis et des jardins.

Ces missions concernent aussi bien les monuments historiques, les sites patrimoniaux remarquables et les biens du patrimoine mondial que les ensembles historiques mobiliers et les jardins historiques ou remarquables.

Au niveau déconcentré, la politique patrimoniale au sein des directions régionales des affaires culturelles (Drac) est assurée par le service de la conservation régionale des monuments historiques (CRMH) et par les unités départementales de l’architecture et du patrimoine (Udap).

La CRMH, composée de conservateurs du patrimoine, d’ingénieurs des services culturels et du patrimoine (ISCP) ainsi que des techniciens des services culturels et des bâtiments de France (TESC et TBF), a pour missions :

        d’instruire les demandes de protection ;

        de conduire le contrôle scientifique et technique (CST) des opérations de conservation autorisées et financées par l’État ;

        d’exercer la maîtrise d’ouvrage des opérations pour les monuments de l’État ;

        de contribuer à la mise en valeur des monuments historiques situés sur son ressort.

Au niveau départemental, les Udap sont placées sous l’autorité hiérarchique de la Drac et sous l’autorité fonctionnelle du préfet de département. Ces équipes pluridisciplinaires sont dirigées par un chef de service architecte des bâtiments de France, qui est également le conservateur des monuments historiques de l’État dans le département.

Exerçant des missions interministérielles, les Udap interviennent dans les sites inscrits ou classés, dans les abords des monuments historiques ainsi que dans les sites patrimoniaux remarquables, en particulier pour leur création, leur extension et les autorisations de travaux demandées par les propriétaires.

Quatre grandes fonctions relèvent des Udap :

        le contrôle et l’expertise des projets menés dans les espaces protégés ;

        le conseil pour la promotion d’un urbanisme de qualité (intégration des enjeux de développement durable, veille pour l’insertion de prescriptions concernant la qualité des constructions et la protection des paysages dans le plan local d’urbanisme des communes) ;

        la conservation des monuments protégés au titre des monuments historiques :

        l’accompagnement des propriétaires de patrimoine non-protégé.

Le constat est aujourd’hui double et largement partagé par les représentants des départements et des communes entendus par la rapporteure pour avis : ces services constituent une ressource précieuse et indispensable, mais ils frôlent la saturation, les moyens humains ne suivant plus les besoins, qui, par endroits, ont considérablement augmenté.

Des architectes-conseils de l’État (au nombre de 155 actuellement) peuvent également être sollicités pour des missions de conseils : sélectionnés par un jury national au regard de leur expérience dans les domaines de l’architecture, du paysage et de l’urbanisme, ils exercent leur activité principale dans le secteur privé de la construction et de l’aménagement, mais interviennent également auprès des ministères, des directions départementales des territoires et de la mer (DDT-M), des directions régionales de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal et Deal en outre-mer) et des directions régionales des affaires culturelles (Drac et DAC en outre-mer), en charge du patrimoine et de l’architecture.

Concernant les principaux opérateurs de l’État : au-delà des cathédrales, propriétés de l’État, la conservation et la restauration du patrimoine des monuments historiques les plus emblématiques appartenant à l’État relèvent de la responsabilité d’établissements publics sous la tutelle du ministère de la Culture. Ces établissements peuvent se confondre avec un monument (château de Versailles, Grand Palais, Palais du Louvre), assurer une gestion mutualisée des monuments (Centre des monuments nationaux – CMN) ou encore une fonction d’opérateur technique (l’Opérateur pour les programmes immobiliers du ministère de la Culture – OPPIC).

Concernant spécifiquement le CMN, sa fonction de conservation du patrimoine n’a cessé de prendre de l’ampleur depuis 2007, année où le centre est devenu maître d’ouvrage. Ceci explique notamment le fait que 14 chantiers de restauration (cité de Carcassonne, château de Pierrefonds, château d’Angers, etc.) lui aient été confiés dans le cadre du plan de relance, en sus de la restauration du château de Villers-Cotterêts entamée depuis 2018.

ii.   Les collectivités territoriales

Au sein des collectivités territoriales, la politique patrimoniale se décline d’abord à l’échelle de la région qui a la charge de l’inventaire général du patrimoine et de la préservation du patrimoine naturel, celle-ci constituant l’un des volets du schéma régional d’aménagement et de développement du territoire (SRADDET). Chaque région a aussi la possibilité de développer sa propre politique de subvention en faveur du patrimoine, qu’il soit protégé ou non.

Les départements conduisent des politiques patrimoniales spécifiques à travers des aides financières à destination des sites patrimoniaux remarquables, des monuments inscrits, classés ou non-protégés ou bien labélisés par le conseil départemental (labels Patrimoine en Isère, Patrimoine rural d’intérêt départemental, etc.). Les départements ont également la charge de la conservation et de la restauration du patrimoine dont ils sont propriétaires (article L. 621-9-1 du code du patrimoine). À cet échelon peuvent être mis en place des conseils d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE), organismes privés investis d’une mission d’intérêt public, pour promouvoir la qualité de l’architecture, de l’urbanisme et de l’environnement dans les territoires. Les CAUE, au nombre de 92 et structurés dans 11 groupements régionaux, sont financés par la fiscalité de l’aménagement et peuvent être sollicités pour une aide gratuite de conseil personnalisé délivrée par des conseillers architectes, paysagistes ou urbanistes.

Les communes et les blocs communaux assurent aussi la conservation du patrimoine qu’ils détiennent (41 % des monuments historiques français appartiennent à des communes) et doivent intégrer la politique patrimoniale dans le plan local d’urbanisme (PLU). L’Atlas régional de la Culture, publié en décembre 2018 par le ministère de la Culture, estimait que les communes et groupements de commune consacraient tous les ans 5 % de leurs dépenses culturelles brutes en faveur du patrimoine, les départements 17,7 % et les régions moins du tiers.

iii.   Les acteurs privés en charge de la politique patrimoniale

La Fondation du patrimoine, créée en 1996 et reconnue d’utilité publique, est un organisme privé qui apporte un soutien financier au patrimoine protégé et non-protégé à travers les actions suivantes :

        le mécénat d’entreprise, grâce au soutien de grandes entreprises ou de PME locales ;

        l’attribution d’aides sur les fonds propres de la Fondation ou par le biais de partenariats avec les collectivités territoriales ;

        la délivrance d’un label, après avis de l’architecte des Bâtiments de France, permettant (sous certaines conditions) aux propriétaires privés de patrimoine non-protégé de déduire les dépenses d’entretien et de réparation de leurs immeubles patrimoniaux de leur revenu global.

Le fonctionnement de la Fondation repose sur 22 délégations dans l’hexagone et outre-mer tout en s’appuyant sur 600 bénévoles et plus de 70 salariés. Pour mener ses missions, la Fondation du patrimoine dispose de ressources privées comme publiques (subventions des collectivités, attribution par l’État d’une fraction du produit des successions vacantes, affectation d’une partie des recettes du « loto du patrimoine »), la somme de celles-ci représentant 52,7 % du budget total de la Fondation qui a investi 84,7 millions d’euros dans le patrimoine en 2021.

Les associations occupent également une place centrale dans la politique patrimoniale et peuvent être de trois types.

Le premier est constitué des associations de propriétaires privés de monuments historiques (La Demeure Historique, Vieilles Maisons Françaises), les propriétaires privés détenant 44 % de ceux-ci. La Demeure historique (DH) représente les propriétaires privés auprès des pouvoirs publics, leur fournit une assistance pratique et assure des missions de sensibilisation auprès du grand public. L’association représente plus de 3 000 monuments répartis sur l’ensemble du territoire. Fondée en 1958, l’association Vieilles Maisons Françaises (VMF) rassemble près de 18 000 adhérents (propriétaires ou non) et soutient ses membres dans leurs requêtes, en particulier pour les demandes de protection.

Les associations de sauvegarde du patrimoine (Maisons Paysannes de France, la Société pour la Protection des Paysages et de l’Esthétique de la France, aussi appelée Sites et monuments de France, la Fondation pour la Sauvegarde de l’Art Français, etc.) mènent aussi des missions de sauvegarde du patrimoine, en étant davantage centrées sur la protection du patrimoine naturel. Le président de l’association Sites et monuments, M. Julien Lacaze, a également évoqué lors de son audition les activités de soutien au contentieux exercées par son association, afin de s’opposer à la destruction de patrimoine remarquable par exemple.

Enfin, les associations de chantiers de bénévoles (Union Rempart, Chantiers Histoire et Architecture médiévales, Club du Vieux Manoir) sont engagées dans la restauration du patrimoine et soutenues par le ministère de la Culture (à hauteur de 500 000 euros en 2020) qui encourage notamment l’organisation de stages de formation.

La chaîne du patrimoine et ses acteurs

Source : Cour des Comptes, La politique de l’État en faveur du patrimoine monumental, juin 2022.

b.   Des modalités de financement complexes

Afin de procéder à des opérations d’entretien ou de restauration patrimoniales, les propriétaires peuvent avoir accès à différents types d’aides financières et de subventions, qui souvent se cumulent et se complètent lors d’un « tour de table financier » faisant intervenir divers acteurs.

Pour les immeubles protégés au titre des monuments historiques n’appartenant pas à l’État, les Drac peuvent subventionner des projets liés à l’étude, à l’entretien, à la réparation et à la restauration. Ces aides sont attribuées sous forme de subvention aux propriétaires publics ou privés d’immeubles et sont prévues dans les crédits de l’action 1 Monuments Historiques et patrimoine monumental du programme 175 Patrimoines.  

Dans le cadre du contrôle scientifique et technique assuré par l’État, toute demande de subvention pour des travaux de réparation ou de restauration est précédée d’un dialogue avec les services de la Drac, à savoir l’architecte des Bâtiments de France au sein des Udap et la CRMH.

Pour les travaux de restauration, le porteur du projet doit avoir défini un programme de travaux et connaître le montant de l’opération, avoir obtenu les autorisations requises par la réglementation en vigueur (permis de construire ou autorisation de travaux). Il doit également avoir établi un plan de financement s’il demande des aides aux collectivités territoriales. Différents acteurs ont alerté la rapporteure pour avis sur les difficultés liées aux délais de traitement des dossiers, qui conduisent parfois à rendre les devis caducs et à complexifier les procédures.

La subvention de l’État n’a pas de caractère obligatoire et peut être attribuée en fonction de plusieurs facteurs : disponibilités budgétaires de l’État l’année considérée, urgence sanitaire de l’opération, capacités contributives du porteur du projet, participations éventuelles des autres collectivités, ouverture ou présentation au public.

Le taux de subvention est variable en fonction de ces critères et du niveau de protection du bien protégé :

        pour les immeubles classés, la subvention peut atteindre jusqu’à 50 % du montant des travaux et est susceptible d’être complétée par les aides du conseil départemental et/ou du conseil régional, le montant total des aides publiques directes attribuées à une collectivité territoriale maître d’ouvrage d’un projet de restauration d’un monument historique ne pouvant excéder 80 % du montant prévisionnel de la dépense, sauf dérogation accordée par le préfet de département ;

        pour les immeubles inscrits, la subvention peut aller de 10 à 40 % du montant des travaux.

En 2021, le taux de subvention de l’État pour la restauration et l’entretien des monuments historiques a été en moyenne de 44 % pour les immeubles classés et de 28 % pour les immeubles inscrits. Dans le projet de loi de finances pour 2023, les crédits inscrits pour les monuments historiques n’appartenant pas à l’État sont de 24,11 millions d’euros en CP pour les travaux d’entretien, contre 23,12 millions d’euros dans la loi de finances initiale pour 2022 (avec un effort exceptionnel en 2023 en faveur du domaine de Chantilly relevant de l’Institut de France). Pour les travaux de restauration, le montant prévu est de 132,6 millions d’euros, soit le même montant depuis 2020 : la rapporteure pour avis ne peut manquer de souligner cette stabilité regrettable au regard d’une augmentation relativement importante des crédits de la mission Culture, d’autant plus dans le contexte d’inflation actuel.

Lors de son audition, Mme Karine Gloanec-Maurin, co-présidente de la commission des communes et territoires ruraux de l’Association des Maires de France (AMF) a tenu à rappeler l’effet de ciseau auquel sont confrontées les communes entre d’une part, une hausse des dépenses liée au contexte de crises successives (sanitaire, inflation, énergétique, etc.) et, d’autre part, la baisse continue des dotations de l’État en direction des collectivités.

La participation minimale de 20 % du montant total des financements publics imposée par l’article L. 1111-10 du code général des collectivités territoriales (CGCT) à la collectivité propriétaire, peut constituer un obstacle important dans le contexte actuel, particulièrement pour les communes de petite taille. La Fondation du patrimoine avance ainsi, dans son droit de réponse au rapport de la Cour des Comptes portant sur la politique patrimoniale de l’État, « qu’afin d’aider les petites communes à conduire davantage de projets en matière de patrimoine, la règle d’autofinancement minimal obligatoire de 20 % du montant des autres financements publics imposée aux collectivités pourrait être simplifiée », au regard d’un mode de calcul jugé trop complexe (le montant minimal d’autofinancement doit être calculé à partir du total des fonds apportés par des structures publiques, y compris celui de la commune).

En outre, cette règle des 20 % « ne comporte pas d’incitation forte à mobiliser plus de financements privés, ceux-ci n’étant pris en compte ni dans la base ni dans l’apport de la commune […] il serait beaucoup plus facile de calculer la proportion de 20 % à partir du montant de travaux et d’inclure dans les financements apportés par la commune les aides qui lui ont été accordées par des mécènes ou donateurs de la Fondation du patrimoine ou d’autres organisations non lucratives ». Une proposition alternative consisterait en la suppression de cette règle pour les plus petites communes rurales, ce qui contribuerait à alléger les tâches de l’administration préfectorale chargée d’instruire des demandes de dérogation.

Outre les aides accordées par l’État, des financements peuvent également être attribués par les collectivités territoriales, comme l’indique l’article L. 1111-10 du CGCT : « Le département peut contribuer au financement des opérations dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par les communes ou leurs groupements » et « La région peut contribuer au financement des opérations d’intérêt régional [...] des communes et de leurs groupements ». Ces contributions demeurent très hétérogènes et soumises aux contraintes que connaissent elles-mêmes les collectivités.

Les subventions accordées par les régions et les départements sont très variables selon les territoires. Ainsi les régions déterminent-elles chacune des modalités spécifiques et plus ou moins restrictives quant à l’attribution de subventions selon l’objet de la demande (études, restauration, conservation préventive…), le porteur de projet (associations, propriétaires privés, petites et moyennes entreprises…), avec des taux de subvention, là aussi, très variables (de 15 à 50 % des dépenses « subventionnables ») selon des plafonds par projet différents.

Cette très grande diversité est évidemment la conséquence de la libre administration des collectivités territoriales, mais la rapporteure pour avis estime que la multiplication des critères de subvention n’aide, ni à la clarté des dispositifs, ni à une véritable égalité des porteurs de projet face au financement des travaux de conservation.

Au-delà de possibles distorsions territoriales induites, demeure dans les faits un déséquilibre en faveur des monuments présents dans la région Île-de-France, que les dispositifs de correction introduits récemment ne sont pas complètement parvenus à corriger.

B.   une politique patrimoniale soumise à un dÉSÉquilibre territorial imparfaitement corrigé

1.   La répartition des crédits continue de s’opérer au profit des monuments franciliens

La politique patrimoniale semble traversée par plusieurs déséquilibres structurels qui défavorisent les territoires non franciliens.

La région francilienne continue en effet de concentrer un important volume de crédits destinés aux opérations de conservation. En exécution, en 2021, la région Île-de-France a ainsi bénéficié de 935,84 millions d’euros de crédits de paiement sur 1 395,28 millions au total pour le programme 175 Patrimoines. La région Île-de-France concentre donc 67 % des crédits exécutés dans le cadre de ce programme.

Si l’on s’intéresse à la répartition géographique des crédits par action, la région Île-de-France reçoit 90 % des crédits consacrés au patrimoine des musées de France. La région francilienne est également la bénéficiaire essentielle, à hauteur de 85 %, des crédits en faveur des acquisitions et de l’enrichissement des collections publiques.

Pour 2023, parmi près de 382 millions de crédits de paiement prévus pour l’entretien et la restauration des monuments historiques, 46 millions d’euros devraient être consacrés aux « grands projets ». Or, au sein de ces 46 millions, seuls 12,7 millions d’euros financeront des projets situés hors de l’Île-de-France : 72 % des crédits réservés aux « grands projets » sont donc destinés à la région francilienne. Cette tendance devrait se poursuivre avec la perspective de l’entrée en travaux, en 2024, du Centre national d’art et de culture – Georges Pompidou dans le cadre de son schéma directeur.

Si l’objectif affiché par le ministère de la Culture dans le cadre du déploiement des crédits du Plan de relance était d’irriguer les territoires, notamment pour répondre aux critiques concernant la concentration des crédits en région parisienne, seuls 34 % de ces crédits ont été effectivement fléchés vers les territoires. L’enveloppe destinée aux 135 opérations prévues dans les territoires a ainsi représenté 304 millions d’euros, sur les 892 millions d’euros mobilisés dans le cadre du Plan de relance.

Surtout, 13 opérateurs franciliens de l’État concentrent à eux seuls 36 % de l’ensemble des crédits de paiement du programme 175 Patrimoines prévus pour 2023. Ce sont, en effet, 395,55 millions d’euros de crédits de paiement sur 1,099 milliard qui leur sont consacrés.

Ces opérateurs franciliens intervenant dans le périmètre de l’architecture et des musées de France représentent 95,25 % des crédits de l’ensemble des opérateurs de l’État intervenant au sein de ce périmètre. Le MuCEM, dernier né de ces opérateurs de l’État est effectivement le seul localisé hors d’Île-de-France.

De fait, de grands opérateurs franciliens bénéficient largement de financements via le budget de l’État, alors même qu’ils disposent par ailleurs de ressources propres importantes. En 2019, lorsque le taux de ressources propres des institutions patrimoniales et architecturales était en moyenne de 43,3 %, il était de 58 % pour le musée du Louvre. Or celui-ci bénéficiera en 2023 de plus de 96 millions d’euros de crédits de paiement soit 8,74 % de l’ensemble des crédits du programme 175.

La rapporteure pour avis estime que le choix de créer des opérateurs culturels hors de la région francilienne pourrait être privilégié à l’avenir. La création du MuCEM fait suite à celles de la Cité de l’architecture et du patrimoine, du musée du quai Branly et du palais de la porte Dorée dans la décennie précédente, tous implantés à Paris. Ces trois opérateurs représentent près de 12 % des crédits de l’ensemble des opérateurs de l’État précités et 45 % de l’ensemble des crédits de paiement du programme 175 Patrimoines.

Les futurs grands musées nationaux pourraient très bien être implantés dans les autres régions. Ce ne sera toutefois pas le cas du musée-mémorial du terrorisme, qui devrait être installé en région parisienne dans les prochaines années.

Concernant les services à compétence nationale (SCN), 70 % des crédits consommés le sont au sein de structures franciliennes. Dix des dix-sept SCN relevant de la DGPA sont en effet implantés dans cette région dont les Archives nationales, qui représentent une partie significative des crédits SCN.

Pour la restauration des monuments historiques appartenant à L’État, 23,49 millions d’euros de crédits de paiement sont par ailleurs prévus, qui devraient concerner des bâtiments situés en région parisienne et dont la maîtrise d’ouvrage est assurée par l’Opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture (OPPIC). Une enveloppe de 3,08 millions d’euros viendrait s’y ajouter au titre de l’inflation.

Le patrimoine francilien concentre ainsi la majorité des crédits du programme 175 Patrimoines.

2.   Des mesures de correction bienvenues ont été introduites permettant de compenser partiellement cette disparité territoriale

L’enjeu d’équité territoriale dans la conservation du patrimoine constitue l’une des priorités affichées depuis l’élaboration de la stratégie pluriannuelle pour le patrimoine de 2018, et régulièrement réaffirmée depuis par le ministère. Celle-ci comportait en effet différents dispositifs visant à rééquilibrer la politique patrimoniale dans les territoires avec notamment une meilleure prise en compte des difficultés et des intérêts propres aux collectivités territoriales et propriétaires privés détenteurs d’un patrimoine nécessitant des actions de conservation.

Cinq ans après le lancement de ces dispositifs, de premiers éléments de bilan sont avancés par les différents acteurs de la conservation : ceux-ci témoignent des effets positifs des mesures mises en œuvre, en dépit des montants relativement modestes déployés, avec d’importants effets de levier. Par ailleurs, des dispositifs fiscaux plus anciens au bénéfice des propriétaires privés gagneraient, eux, à être modernisés.

a.   Des mesures de la stratégie pluriannuelle du patrimoine à conforter

i.   Le fonds incitatif et partenarial

Selon la Cour des comptes, les communes de moins de 2 000 habitants abritent 49,8 % du patrimoine national. Face à l’inadéquation évidente entre cette situation et les moyens financiers dont disposent les collectivités les plus petites, est apparue en 2017 la nécessité de les soutenir de façon plus ciblée. Au-delà de la valeur affective que revêt le patrimoine, était également pris en compte dans la stratégie pluriannuelle du patrimoine l’impact important de celui-ci sur l’emploi, le maintien des savoir-faire, le cadre de vie et l’attractivité économique des territoires.

La stratégie pluriannuelle reposait aussi sur le constat d’un certain désengagement financier de certains départements, pourtant partenaires traditionnels de l’État sur cette politique, en raison des tensions financières pesant sur ces collectivités.

Le mécanisme mis en place devait permettre de financer une intervention plus forte, d’une part de l’État au travers de taux de subventions majorés et, d’autre part, des régions pour des travaux concernant des monuments historiques dans les territoires ruraux. Les objectifs du fonds incitatif et partenarial étaient de susciter de nouveaux projets ou de permettre la réalisation de projets n’ayant pas pu trouver la totalité de leur financement, mais également de faire des régions des partenaires importants des communes en matière de préservation du patrimoine, en les incitant à participer aux travaux de restauration sur des monuments historiques appartenant à des petites communes.

Pour cela, l’État s’engage à majorer le taux de sa participation financière jusqu’à 80 %, voire 90 % dans les outre-mer (contre un taux habituellement compris entre 40 et 50 %) pour les immeubles classés, et jusqu’à la limite légale de 40 % (théoriquement 10 à 20 %) pour les immeubles inscrits, dès lors que sont remplis les critères d’éligibilité.

Les Drac, en étroite relation avec les régions, identifient les projets éligibles aux interventions du fonds et définissent le cas échéant le mode de conventionnement le plus adapté en fonction de différents critères :

        la taille de la commune : moins de 10 000 habitants, avec un ciblage prioritaire vers les communes de moins de 2 000 habitants ;

        le niveau de ressources des communes, les collectivités les plus en difficulté étant privilégiées ;

        l’état des monuments concernés (les monuments en péril ou en mauvais état étant sélectionnés en priorité) ;

        le taux de participation de la région, qui doit être au minimum de 15 %.

Ce fonds a été doté, de 2018 à 2022, de 76 millions d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et de 46 millions d’euros de crédits de paiement (CP). De 2018 à 2021, la consommation des crédits a été très soutenue, malgré le contexte sanitaire : la totalité des AE a été engagée et presque 90 % des CP ont été consommés.

Ce dispositif visant à soutenir en premier lieu les communes de moins de 2 000 habitants remplit cet objectif puisque 76 % des projets appartiennent à cette catégorie. La part de l’État s’élève en moyenne à 47 %, celle des régions à 17 %, celle des départements à 12 %, le reliquat, soit 24 %, correspondant à la part du propriétaire et à des soutiens privés (Fondation du patrimoine, Fondation pour la sauvegarde de l’art français, etc.).

Pour 2023, le fonds incitatif et partenarial (qui serait renommé « fonds pour le patrimoine » d’après les informations communiquées à la rapporteure pour avis par le directeur général des patrimoines et de l’architecture lors de son audition) se verrait doté de 2 millions d’euros supplémentaires, pour atteindre 18 millions d’euros.

Pour nombre d’interlocuteurs rencontrés, ce fonds constitue une réussite, malgré la modestie des moyens engagés.

Il faut toutefois noter que certaines régions ne participent pas à ce dispositif (c’est le cas de la région Normandie, dont le refus a conduit l’État à conclure un protocole ad hoc avec les cinq départements normands) ou ne prévoient pas de financement, soit pour les actions de conservation des monuments historiques détenus par des propriétaires privés (régions Nouvelle-Aquitaine et Centre-Val-de-Loire), soit pour les monuments inscrits (et non classés, comme dans la région Bourgogne-Franche Comté) ce qui prive un certain nombre de bénéficiaires potentiels de l’accès à ce dispositif et crée une véritable inégalité territoriale.

Par ailleurs, l’Assemblée des Départements de France, dont la rapporteure pour avis a auditionné la représentante, Mme Véronique Rivron, déplore que les départements n’aient pas été associés à ce dispositif, alors même que l’échelon départemental permet une bonne connaissance des besoins des communes. Une telle association aurait en effet permis de contrebalancer le désengagement financier des départements précédemment évoqué par une autre forme d’accompagnement, et de renforcer encore le tour de table financier.

ii.   La Mission Patrimoine en Péril et le loto du patrimoine

À l’occasion des Journées européennes du patrimoine (JEP) de 2017, le Président de la République avait confié à M. Stéphane Bern une mission de recensement du patrimoine local en péril et de réflexion sur des financements innovants pour le restaurer.

Dans le cadre de cette mission, intégrée dans la stratégie pluriannuelle du patrimoine, l’article 90 de la loi n° 2017-1775 du 28 décembre 2017 de finances rectificative pour 2017 a prévu qu’un prélèvement soit affecté à la Fondation du patrimoine sur le produit d’un « loto du patrimoine » ainsi que sur des jeux de grattage. La Fondation du patrimoine a institué un fonds destiné à soutenir la restauration, la réhabilitation et la reconversion du patrimoine protégé au titre des monuments historiques et non protégé, alimenté par le produit de ce prélèvement et par des contributions supplémentaires mobilisées par la Fondation du patrimoine, notamment sous forme de mécénat, de dons ou de subventions de personnes publiques ou privées.

Un partenariat pour organiser cette opération a été établi par une convention pluriannuelle entre la Fondation du patrimoine, le ministère de la Culture et la Française des jeux (FDJ) : cette convention a été renouvelée en 2021 pour une durée de quatre ans. Lors des JEP de 2022, le Président de la République a en outre annoncé que le dispositif serait prolongé pour une durée de cinq ans (il paraît donc destiné à demeurer en place au moins jusqu’à 2027).

Une plateforme numérique mise en place par le Gouvernement permet depuis novembre 2017 à tout particulier de signaler un « bâtiment d’intérêt patrimonial en péril ». La Fondation du patrimoine est chargée d’instruire les dossiers et de verser les subventions en fonction du calendrier de mise à sa disposition des fonds par la FDJ. Pour les immeubles protégés au titre des monuments historiques, la Fondation du patrimoine travaille en étroite collaboration avec les services des Drac, ces derniers délivrant les autorisations de travaux et apportant également une aide technique et financière aux propriétaires de monuments historiques, qu’ils soient publics ou privés.

Grâce aux dégels des crédits du programme 175, obtenus annuellement depuis 2018 pour neutraliser les taxes de l’État sur les jeux (perçues sur le loto du patrimoine), les Drac ont augmenté les taux des subventions versées aux propriétaires publics et privés de monuments historiques retenus dans le cadre du loto pour financer les travaux de restauration. Ainsi, les Drac peuvent verser des subventions dont le taux peut atteindre 40 % du montant total du coût des travaux sur les immeubles inscrits au titre des monuments historiques (soit le plafond légal), et jusqu’à 60 % pour ce qui concerne les immeubles classés au titre des monuments historiques.

À titre de comparaison, les Drac pratiquent habituellement un taux de subvention compris entre 10 et 20 % pour ce qui concerne les immeubles inscrits au titre des monuments historiques, et un taux compris entre 30 et 40 % pour ce qui concerne les immeubles classés au titre des monuments historiques.

Là encore, les acteurs auditionnés présentent le loto du patrimoine comme une réussite, notamment pour la publicité favorable qu’il a pu créer pour la conservation du patrimoine et la sensibilisation du public à ces enjeux.

Le loto du patrimoine de 2018 à 2022

L’appel à signalements du grand public, avec 760 signalements nouveaux en 2022 sur la plateforme www.missionbern.fr pour la 5e édition de la Mission Patrimoine, a porté le nombre de sites identifiés à près de 4 800 depuis 2018.

Depuis la première édition, 745 sites ont été sélectionnés (269 en 2018, 121 en 2019, 119 en 2020, 118 en 2021 et 118 en 2022), pour bénéficier du « loto du Patrimoine ». Parmi ceux-ci, 222 chantiers ont démarré et 200 sont d’ores et déjà terminés (soit 67 % des projets sélectionnés lors des 4 premières éditions).

Le succès des jeux Mission Patrimoine semble se confirmer au fil des années : la 4e édition, commercialisée à partir du 30 août 2021, a recueilli la somme record de plus de 28 millions d’euros soit une hausse de 11 % par rapport à l’édition 2020.

Au total, ce sont 199 millions d’euros qui ont depuis 2018 été mobilisés pour la Mission Patrimoine et ses projets, qui se décomposent comme suit :

– 111 millions d’euros de recettes mobilisées depuis 2018 et affectées au fonds Mission Patrimoine géré par la Fondation du patrimoine, dont plus de 100 millions d’euros issus du Loto du Patrimoine ;

– 69 millions d’euros de crédits du ministère de la Culture pour les projets protégés au titre des monuments historiques ;

– 19 millions d’euros de dons, de mécénats d’entreprises et de ressources propres de la Fondation du patrimoine affectés aux projets de la Mission.

Surtout, ce dispositif assure un équilibre territorial certain, puisque chaque année sont retenus un projet par région et un projet par département, assurant ainsi un maillage optimal du territoire.

Il convient de souligner que la convention de partenariat conclue le 22 février 2021 entre le ministère de la Culture, la Fondation du patrimoine et la FDJ comprend parmi ses objectifs celui de privilégier « les zones rurales et petites agglomérations, dans un objectif de revitalisation des territoires et des cœurs de ville ». Cet objectif semble bien atteint, puisque 53 % des projets soutenus sont situés dans des communes de moins 2 000 habitants et 33 % dans des communes comptant jusqu’à 20 000 habitants.

Pour autant, certaines critiques s’élèvent quant au fonctionnement du loto du patrimoine : l’association La Demeure historique relève ainsi que, si l’équilibre semble proche d’être atteint en 2022 parmi les sites sélectionnés entre monuments privés (45 %) et monuments publics (55 %), cet équilibre est en réalité trompeur au vu des différents mécanismes à l’œuvre lors du processus de sélection opéré par la mission Patrimoine en péril, qui répondent à deux modalités différentes. D’une part, 18 projets emblématiques (un projet par région et territoire d’outre-mer), se voient allouer jusqu’à 500 000 euros et bénéficient d’une importante exposition médiatique. D’autre part, 100 projets départementaux, dont la sélection est plus tardive, peuvent recevoir des aides allant jusqu’à 300 000 euros. Or, les sites publics apparaissent surreprésentés au sein des projets emblématiques (ils représentent 13 des 18 projets en 2021 et 16 des 18 projets en 2022), entraînant de fait mécaniquement des dotations pour les monuments appartenant à des propriétaires privés inférieures à celles accordées à des projets publics.

Enfin, M. Julien Lacaze, président de l’association Sites et monuments, évoquait lors de son audition le risque que le succès de ce dispositif ne finisse par faire considérer la Mission patrimoine en péril comme une politique publique se suffisant à elle-même, et non plus comme un outil en faveur d’un dessein plus large. Le fort retentissement médiatique du programme risquerait ainsi d’atténuer aux yeux du public les besoins de soutien plus larges.

b.   Des dispositifs fiscaux en faveur des propriétaires privés de monuments historiques à moderniser

Les aides fiscales relatives aux monuments historiques sont la contrepartie des obligations relatives à leur conservation et à leur mise en valeur pesant sur les propriétaires privés. Ceux-ci possèdent près de la moitié des immeubles protégés au titre des monuments historiques de France.

i.   Deux régimes de déductibilité des charges

En application de l’article 156 du code général des impôts, les propriétaires de monuments historiques peuvent déduire de leur revenu foncier et/ou de leur revenu global tout ou partie des charges foncières qu’ils supportent. Comme le souligne le rapport de la Cour des comptes sur la politique de l’État en faveur du patrimoine monumental, « les deux dispositifs se complètent puisque l’un s’applique aux monuments ne générant aucun revenu et l’autre aux monuments générant des revenus (en distinguant, pour le premier dispositif, les monuments selon leur ouverture au public ou non et, pour le second dispositif, selon qu’ils sont occupés ou non par leurs propriétaires) ».

Le régime de déductibilité des travaux et charges appliqué à la fiscalité des monuments historiques apparaît très avantageux, puisqu’il ne connaît aucun plafonnement, alors que la déduction de droit commun des déficits fonciers est plafonnée à 10 700 euros par an dans les autres cas. En raison précisément de ce caractère avantageux, et en application des dispositions de l’article 156 bis du code général des impôts résultant de la loi de finances pour 2009, la prise en compte des charges foncières supportées est subordonnée depuis cette date aux conditions suivantes :

       l’engagement de conservation de la propriété de l’immeuble concerné pendant une période d’au moins quinze années à compter de son acquisition ;

       la détention directe de l’immeuble, sous réserve d’exceptions concernant les sociétés civiles non soumises à l’impôt sur les sociétés, et applicables sous l’une des conditions suivantes :

       l’absence de mise en copropriété de l’immeuble, sauf si l’immeuble est, en totalité ou en partie, classé ou inscrit au titre des monuments historiques et est affecté, au plus tard dans les deux ans qui suivent la date de la division, à l’habitation pour au moins 75 % de ses surfaces habitables.

Pour les monuments ne générant aucun revenu et devant donc justifier d’une ouverture au public, les conditions d’ouverture à la visite ont été fixées par l’arrêté du 1er mars 1966. Celui-ci précise qu’est considéré comme ouvert à la visite un monument que le public est admis à visiter au minimum : soit 50 jours par an, dont 25 jours non ouvrés, au cours des mois d’avril à septembre inclus ; soit 40 jours, pendant les mois de juillet, août et septembre, qu’ils soient ou non fériés. La condition d’ouverture au public a pu être jugée par les associations de propriétaires privés comme trop restrictive, notamment au regard du critère d’accessibilité du public, considéré comme moins contraignant, que retient la procédure de labellisation fiscale par la Fondation du patrimoine.

Une réflexion a donc été engagée sur l’assouplissement de ce critère, un rapport inter inspections sur l’ouverture au public des monuments historiques ([14]) ouvrant la voie à des discussions avec les associations de propriétaires privés de monuments historiques. À ce jour, les discussions sur l’évolution de ce critère n’ont pas abouti, mais une première modification est intervenue concernant la réception des déclarations d’ouverture des monuments historiques, qui a été transférée des Direccte aux services fiscaux. La Cour des comptes juge que le dialogue insuffisant entre le ministère de la Culture et le ministère de l’Économie des finances sur ce sujet n’est pas de nature à faire évoluer le dispositif dans la voie d’une modernisation.

ii.   Le label fiscal prévu par l’article 156 du code général des impôts

Une autre modalité d’aide aux propriétaires privés d’édifices appartenant au patrimoine de proximité, non protégé au titre des monuments historiques, repose sur une labellisation par la Fondation du patrimoine, après avis de l’architecte des Bâtiments de France et des délégués de la Fondation du patrimoine. Il permet aux propriétaires s’engageant dans des démarches de restauration de qualité de déduire de leurs revenus le montant de la part des travaux restant à leur charge, dans les mêmes conditions que pour les immeubles protégés au titre des monuments historiques.

Le champ du label de la Fondation du patrimoine a été modifié par l’article 7 de la loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020.

Le label peut être attribué :

       aux immeubles non protégés au titre des monuments historiques, bâtis ou non bâtis, situés dans les communes de moins de 20 000 habitants ;

       aux immeubles situés dans les sites patrimoniaux remarquables (SPR) ou dans les sites classés au titre du code de l’environnement ;

       aux immeubles non-habitables caractéristiques du patrimoine rural, sans restriction géographique.

Pour être éligibles au label, les travaux doivent porter sur les parties de l’immeuble visibles depuis la voie publique ou que le propriétaire s’engage à rendre accessibles au public, ainsi que sur les parcs et jardins. Le critère d’accessibilité du public fait, comme celui d’ouverture au public, l’objet d’échanges jusqu’ici non aboutis entre le ministère de l’Économie et des finances et le ministère de la Culture pour apporter les précisions nécessaires à sa bonne mise en œuvre.

Le chiffrage de ces dépenses fiscales fait apparaître dans le projet annuel de performances de la mission Culture pour 2023 une prévision de 18 millions d’euros concernant la déduction du revenu global des charges foncières supportées par les propriétaires d’immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ou labellisés par la Fondation du patrimoine et non productifs de revenus (un chiffre semblable à celui de 2022 mais en augmentation de 6 millions d’euros par rapport à 2021), pour un dispositif bénéficiant à environ 4 300 ménages. Concernant l’imputation sur le revenu global sans limitation de montant des déficits fonciers supportés par les propriétaires d’immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques ou labellisés Fondation du patrimoine (immeubles bâtis), le chiffrage s’établit depuis 2021 à 16 millions d’euros par an.

iii.   L’exonération des droits de mutation à titre gratuit

Les immeubles classés ou inscrits, ainsi que les biens meubles et immeubles par destination qui en constituent le complément historique ou artistique, peuvent être exonérés de droits de mutation à titre gratuit.

Cette exonération est subordonnée à la souscription par les héritiers, légataires ou donataires, d’une convention à durée indéterminée avec le ministère chargé de la culture, après avis conforme du ministère chargé du budget, fixant les modalités d’accès au public et les conditions d’entretien des biens concernés. Ce dispositif est ouvert à des personnes physiques soit isolées, soit regroupées dans une indivision, soit regroupées en société civile immobilière familiale. En pratique, ce dispositif est peu utilisé car jugé peu attractif du fait des lourdes contraintes qui y sont attachées (parmi lesquelles la durée indéterminée de la convention, l’engagement des héritiers à ne pas revendre le bien de leur vivant, l’obligation d’ouvrir le monument au public sans limitation dans le temps). Le montant de cette dépense fiscale reste donc relativement modeste, avec moins d’un million d’euros ces dernières années.

iv.   Le taux réduit de TVA sur les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien

Les propriétaires de monuments historiques bénéficient du taux réduit de 10 % de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) prévu à l’article 279-0 bis du code général des impôts sur les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien.

Pour autant, de nombreux propriétaires de monuments historiques se heurtent à la condition selon laquelle ces travaux doivent porter sur des biens à usage d’habitation. Cela exclut, de facto, du bénéfice de ce taux réduit, les travaux effectués sur des lavoirs, pigeonniers et chapelles ou des monuments ouverts à la visite mais dont l’habitation n’est pas l’activité principale. Le petit patrimoine souffre ainsi de l’application de cette condition, qui crée une véritable inégalité entre propriétaires de monuments historiques.

Ce taux réduit de TVA est pourtant particulièrement bienvenu dans le contexte de forte inflation des matières premières. Il permet de compenser en partie la forte inflation du coût des matériaux.

Il apparaît donc nécessaire de modifier l’article 279-0 bis du code général des impôts sur les travaux d’amélioration, de transformation, d’aménagement et d’entretien, afin que le bénéfice de ce taux de réduit de 10 % de TVA soit applicable aux travaux réalisés par les propriétaires privés de monuments historiques, quelle que soit leur affectation.

c.   Des initiatives éparses qui permettent d’atténuer les disparités territoriales des moyens consacrés au patrimoine

Plusieurs initiatives sont, par ailleurs, à saluer en ce qu’elles permettent de contrebalancer partiellement le déséquilibre territorial des crédits en faveur du patrimoine francilien.

i.   Les mesures nouvelles du projet de loi de finances pour 2023 bénéficient essentiellement au patrimoine dans les territoires

Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit 38,3 millions d’euros de mesures nouvelles en crédits de paiement en faveur du programme 175 Patrimoines hors enveloppe destinée à tenir compte de l’inflation et mesures de transferts.

L’essentiel (environ 36 millions d’euros) de ces mesures nouvelles est fléché en direction des territoires. Le détail de ces crédits est présenté dans la première partie de ce rapport.

Cette volonté affichée d’investir en faveur du patrimoine en région mériterait d’être poursuivie et amplifiée pour compenser la disparité territoriale observée dans la répartition des crédits de l’État en faveur du patrimoine.

ii.   La convention tripartite signée dans le cadre du programme « Petites villes de demain »

Une convention tripartite a été conclue en 2019, entre le ministère de la Culture, le ministère de la Transition écologique et l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT). Celle-ci prévoit que la Fondation du patrimoine décerne son label à 100 immeubles situés dans les « Petites villes de demain », et attribue une subvention égale à 20 % du montant du coût de restauration de ces immeubles labellisés sur des crédits du ministère de la Transition écologique.

Ce sont ainsi 2 millions d’euros qui ont été engagés en faveur du patrimoine dans les territoires dans le cadre de cette convention.

iii.   La fonction d’équilibrage territorial joué par la Fondation du Patrimoine

La Fondation du patrimoine a été créée en 1996 pour répondre aux besoins du patrimoine rural et non protégé. L’équité territoriale est au cœur de son projet. Son organisation s’articule autour d’une structure déconcentrée, avec des délégués régionaux et départementaux.

En 2021, sur les 2 972 projets de patrimoine bâti soutenus, 61 % étaient situés dans des communes de moins de 2 000 habitants (zone rurale) et 84 % relevaient de sites non protégés par l’État au titre des monuments historiques.

Depuis 25 ans, la Fondation a ainsi soutenu 35 000 sites patrimoniaux, soit environ un site tous les 4 kilomètres, maillant l’intégralité du territoire national.

La Fondation du patrimoine joue donc un rôle majeur de rééquilibrage territorial des soutiens en faveur du patrimoine. Avec 84,7 millions d’euros d’aides directes et indirectes engagées en 2021, elle apporte un soutien important aux projets patrimoniaux.

iv.   La mobilisation des grands opérateurs parisiens pour renforcer l’accès aux œuvres sur l’ensemble du territoire

Lors de son audition, Mme Catherine Pégard, présidente de l’établissement public du Château de Versailles, a affirmé qu’il était du devoir des grands opérateurs patrimoniaux parisiens de renforcer leur présence en région. Elle a notamment souligné le fait que la circulation des œuvres représente un coût quasi nul : aucun motif budgétaire ne s’oppose donc à réaliser de telles opérations.

Depuis 2014, l’établissement public du château, du musée et du domaine de Versailles est engagé dans un partenariat avec le Centre des monuments nationaux, qui consiste en des prêts de courte durée d’œuvres issues des collections versaillaises en faveur des établissements gérés par le CMN.

Le musée du Louvre privilégie quant à lui le dépôt d’œuvres, souvent de long terme, dans les musées sur l’ensemble du territoire. Aujourd’hui, autant d’œuvres sont exposées hors des murs du musée du Louvre que dans l’établissement lui-même, soit environ 35 000, et 16 548 de ces dépôts datent de plus de cinq ans.

La politique de prêts du Louvre favorise la circulation des œuvres : en 2021, sur les 1 540 prêts réalisés, 1 047 étaient ainsi destinés à irriguer la programmation muséale de plus d’une vingtaine de musées en région. Depuis 2004, 6 145 œuvres ont en outre été transférées aux musées territoriaux. Ces transferts de propriété de l’État aux collectivités territoriales font suite à la publication de la loi de 2002 relative aux musées de France, qui a fixé le principe du transfert de propriété des dépôts de l’État d’avant 1910 aux collectivités territoriales (art. L. 451-9 du code du patrimoine).

Le Louvre a également noué des partenariats historiques, notamment avec le Petit Palais d’Avignon ou le musée Bonnat-Helleu à Bayonne, dont les collections lui sont étroitement liées.

Le grand établissement public parisien entretient par ailleurs des collaborations ponctuelles ou de long terme, avec des projets de rénovation en région tels que ceux du musée Ingres Bourdelle à Montauban, du musée de Tessé au Mans ou du musée des Beaux-Arts de Dijon. Ces coopérations se concrétisent également dans l’élaboration de nouveaux projets scientifiques et culturels, notamment avec le musée de la romanité à Nîmes ou le réaménagement des galeries égyptiennes du musée des Beaux-Arts de Grenoble.

Citons enfin l’organisation, au cours de l’hiver 2021-2022, de 18 expositions simultanées en région, dans le cadre d’un partenariat entre le musée du Louvre et la Réunion des musées nationaux. Ce programme a mobilisé une enveloppe de 4 millions d’euros, cofinancée par la Caisse des dépôts et consignations et la Banque des territoires.

Bénéficiant d’importantes dotations de la part de l’État, les grands opérateurs parisiens doivent poursuivre et amplifier les initiatives permettant d’irriguer l’ensemble des territoires.

3.   Des difficultés persistent néanmoins pour la conservation du patrimoine dans les territoires

a.   Une maîtrise d’ouvrage encore trop souvent vécue comme un fardeau

i.   Une réforme insatisfaisante et non évaluée

Une réforme importante de la maîtrise d’ouvrage et de la maîtrise d’œuvre des opérations de conservation sur les monuments historiques a eu lieu entre 2005 ([15]) et 2009 ([16]) : si la maîtrise d’ouvrage revenait jusque-là à l’État pour tous les monuments classés au titre des monuments historiques, la maîtrise d’ouvrage des opérations de conservation incombe désormais à leur propriétaire, qu’il s’agisse de collectivités territoriales (51 % des monuments historiques) ou de propriétaires privés (43 %) pour tous les monuments classés et inscrits au titre des monuments historiques. Par ailleurs, la maîtrise d’œuvre a été libéralisée : le recours exclusif à un architecte en chef des monuments historiques (ACMH) ne concerne plus que les biens classés appartenant à l’État.

Cette réforme visait à donner plus de liberté aux propriétaires et à recentrer l’action de l’État sur ses fonctions régaliennes (protection juridique des monuments, contrôle scientifique et technique) et sur l’aide financière apportée, sous forme de subventions ou de déductions fiscales, aux travaux de conservation.

Force est toutefois de constater que la réforme n’a pas produit tous les effets attendus : plus de dix ans après, un examen en profondeur de ses conséquences, par exemple sous la forme d’une mission d’information parlementaire, aurait toute son utilité. La rapporteure pour avis estime que cette réforme doit faire l’objet d’une évaluation, tant il apparaît que ses conséquences n’ont peut-être pas été suffisamment anticipées.  En effet, les collectivités ne sont pas parvenues à mobiliser l’ingénierie nécessaire à l’exercice de cette maîtrise d’ouvrage, et se trouvent souvent désarmées face à des enjeux dont la complexité les dépasse, notamment pour le montage des dossiers administratifs d’autorisation, ou de demande de financement. Concrètement, la maîtrise d’ouvrage suppose pour les communes de mener les études et des consultations préalables aux travaux, d’opérer le choix des architectes, ou encore d’engager des travaux et des avances pour pouvoir toucher des subventions. Les diverses compétences nécessaires à ces missions ne s’avèrent pas toujours disponibles dans les collectivités, particulièrement lorsqu’elles sont de petite taille. Du fait de cette situation, le maître d’ouvrage se trouve dans l’incapacité de réaliser des travaux de conservation des monuments historiques, pourtant nécessaires.

La possibilité pour l’État d’offrir une assistance à maîtrise d’ouvrage, prévue par le décret n° 2009-748 du 22 juin 2009 relatif à l’assistance à maîtrise d’ouvrage des services de l’État chargés des monuments historiques, n’est pas de droit pour les collectivités territoriales ou les propriétaires privés. Inscrite à l’article L. 621-29-2 du code du patrimoine, cette possibilité d’assistance à maîtrise d’ouvrage peut être gratuite ou onéreuse, et est notamment conditionnée à la carence de l’initiative privée.

Cette possibilité est peu exploitée par les collectivités et les propriétaires privés, d’autant plus que le ministère de la Culture n’encourage pas la formalisation de tels services par les Drac, compte tenu de la charge de travail très importante assumée par ces dernières. Lors de leur audition par la rapporteure pour avis, l’Assemblée des départements de France et l’AMF ont souligné que les collectivités n’ont pas toujours connaissance de ces possibilités.

En réalité, en raison des besoins des petites collectivités qui manquent de l’expertise nécessaire, l’assistance à maîtrise d’ouvrage par les Drac tend à s’opérer de façon plus informelle à travers le contrôle scientifique et technique. Mais cet effort ne peut que rester lacunaire au regard des moyens dont disposent ces services. Le rapport de la Cour des comptes (mentionné supra) évoque à cet égard une « assistance à maîtrise d’ouvrage grise » et une situation non satisfaisante.

Selon M. Martin Bécot, secrétaire général de la Compagnie des Architectes en chef des monuments historiques, « le contrôle scientifique et technique exercé par le ministère de la Culture ne peut compenser la lacune » que constitue l’absence de formation spécifique des maîtres d’ouvrages que sont devenus les collectivités territoriales et les propriétaires privés, et qui les pousse à ce que « l’intérêt patrimonial passe au second plan des impératifs de réhabilitation et de programmation ».

La libéralisation de la maîtrise d’œuvre des opérations de conservation des monuments historiques a eu également pour effet une moins bonne continuité de l’entretien des édifices. Du fait des procédures d’appel d’offres, il est parfois recouru à plusieurs architectes pour différentes parties d’un même monument.

Les monuments historiques se singularisent par leur durabilité. Le recours à différents intervenants sur un même monument, au gré des procédures d’appel d’offres ne permet plus un suivi des opérations sur le long terme par un même acteur. Avec la libéralisation, la maîtrise d’œuvre n’est plus spécialisée et les acteurs n’ont pas nécessairement la compétence pour travailler sur le patrimoine. Les architectes qui n’ont pas suivi de spécialisation en matière de patrimoine souffrent d’un manque de compétence et de formation pour des projets de rénovation.

Dans un certain nombre de territoires, en particulier les plus ruraux mais pas uniquement, les élus peuvent ainsi avoir du mal à trouver la compétence technique indispensable. Il y a donc une inégalité entre les territoires face à la compétence.

La rapporteure pour avis estime que cette situation, propre à aggraver les inégalités territoriales, ne peut demeurer en l’état, et appelle au développement d’une véritable assistance à maîtrise d’ouvrage, particulièrement au profit des collectivités les plus démunies d’ingénierie.

Le ministère de la Culture aurait engagé une réflexion afin de renforcer la structuration de l’assistance à la maîtrise d’ouvrage à l’intention des petites communes, notamment dans les situations où une telle ingénierie demeure absente : la rapporteure pour avis suivra avec attention les résultats de cette réflexion.

ii.   Des initiatives locales intéressantes et des outils à solliciter davantage

En matière d’assistance à maîtrise d’ouvrage et d’appui au montage de projets, certaines initiatives locales existent qui pourraient utilement être répliquées dans d’autres collectivités.

Certaines régions ont développé de véritables services d’assistance à maîtrise d’ouvrage : c’est le cas de la Bretagne, souvent cité en exemple, mais aussi des Hauts-de-France et des Pays-de-la-Loire.

Au-delà de l’assistance à maîtrise d’ouvrage, la mise en place de structures de dialogue et de concertation peut également procurer un appui aux collectivités propriétaires et plus de visibilité sur la programmation des financements.

Le département de la Sarthe a ainsi mis en place un comité de pilotage « Patrimoine » réunissant l’ensemble des acteurs locaux – notamment le CAUE et les services de l’État – en vue d’examiner les dossiers sollicitant l’aide financière départementale. Ce temps d’échange et de débat participe à l’émergence d’une véritable culture commune en faveur du patrimoine. Il permet par ailleurs de disposer d’un historique des aides accordées, et de gérer les situations parfois urgentes qui peuvent se présenter.

Dans le Calvados, le département et la préfecture ont signé un programme « Patrimoine du Calvados 2021-2023 ». Dans ce cadre, un comité de revue des projets associant le préfet et les sous-préfets, les services territoriaux de l’architecture et du patrimoine (STAP), la Fondation du patrimoine, la Sauvegarde de l’art Français et le département a été mis en place et constitue une instance de dialogue jugée pertinente et efficace par les acteurs.

b.   La surcharge de travail et le manque de moyens des services déconcentrés

Le constat est connu et a été constamment rappelé à la rapporteure pour avis lors des auditions tant des représentants des associations territoriales, des associations de sauvegarde du patrimoine ou de propriétaires privés que des représentants des associations professionnelles d’architectes des Bâtiments de France ou d’architectes en chef des bâtiments historiques eux-mêmes, qui sont en première ligne dans les services déconcentrés de l’État.

Dans les Drac, l’augmentation des crédits alloués aux projets patrimoniaux lors des années de crise 2020 et 2021, conjuguée aux crédits mobilisés par France Relance et à la hausse des travaux réalisés par les particuliers, a conduit à des phénomènes proches de la saturation dans la délivrance des avis et le traitement des dossiers. Concernant les Udap, la Cour des comptes livre un diagnostic alarmant : elles « connaissent des difficultés en termes de gestion des ressources humaines, sous l’effet conjugué d’une charge de travail grandissante, d’une vacance de postes sensible et d’une pyramide des âges faisant apparaître une proportion très élevée de personnels proches d’un départ à la retraite ».

Les agents des Udap (en moyenne sept par département) sont composés des architectes des Bâtiments de France, des ingénieurs et techniciens des bâtiments de France et d’agents administratifs : ils représentent près de la moitié des effectifs affectés aux monuments historiques et aux sites patrimoniaux du ministère de la Culture. M. Fabien Sénéchal, président de l’Association nationale des architectes des Bâtiments de France, réaffirmait lors de son audition la pertinence de l’échelon départemental de l’action des Udap, qui permet d’être en prise avec les enjeux vécus par les élus locaux, et de bien connaître le patrimoine de ces territoires. La rapporteure pour avis souscrit tout à fait à cette analyse.

Cela rend d’autant plus problématique la surcharge de tâches que connaissent les Udap. La mise en œuvre d’un nouvel outil de dématérialisation des procédures, Patronum (voir infra), destiné à accélérer, à terme, la vitesse de traitement des dossiers a nécessité de lourds investissements et une longue appropriation par les agents, ce qui a conduit paradoxalement à accroître les délais de traitement des dossiers ces derniers mois.

Les missions des ABF, qui constituent donc les premiers garants du contrôle scientifique de l’État et de précieux interlocuteurs pour les élus sur le terrain, sont très nombreuses et portent sur des champs éclatés. Lors de l’audition de l’Association nationale des architectes des Bâtiments de France, sa secrétaire Mme Véronique André indiquait ainsi à la rapporteure pour avis que les ABF sont soumis à dix codes (codes du patrimoine, de l’environnement, etc.) qui alourdissent leur charge de travail et peuvent diluer leur expertise. L’effectif de leur corps est lui aussi touché par une baisse régulière (ils sont à présent 180, soit 1,8 par département, ce qui apparaît trop peu) et le corps peine à recruter lorsque sont ouverts des concours, en raison du défaut d’attractivité de la profession. Le traitement des ABF pâtit de la comparaison avec les émoluments des architectes exerçant dans le domaine libéral, pour un éventail de responsabilités sans équivalent.

Le corps des architectes en chef des monuments historiques (ACMH) est confronté à la même problématique s’agissant de la pyramide des âges et des difficultés de recrutement (ils sont actuellement 32, pour des circonscriptions d’action parfois très larges, ou multiples). Recrutés par la voie d’un concours d’État, avec le statut de fonctionnaires, les ACMH sont chargés de missions de conseil, de surveillance des monuments historiques appartenant à l’État et de la maîtrise d’œuvre des travaux de restauration de ces édifices dans la circonscription administrative qui leur est attribuée. Le prochain concours prévu sera ouvert en 2023-2024 pour le recrutement de 12 nouveaux ACMH. Au moment de leur prise de fonction, le corps des ACMH aura encore perdu six membres (en raison de départs à la retraite), comme l’a indiqué M. Régis Martin, président de la Compagnie des architectes en chef des monuments historiques, lors de son audition.

Les efforts annoncés par le ministère de la Culture dans le cadre du présent projet de loi de finances pour accroître les moyens des Drac apparaissent donc bienvenus, tant ils sont en réalité indispensables et attendus de longue date. La rapporteure pour avis doute toutefois qu’ils soient suffisants, a fortiori si une offre d’assistance à maîtrise d’ouvrage à titre gracieux devait être élaborée, comme elle l’appelle de ses vœux.

Concernant les dépenses de fonctionnement, les crédits déconcentrés destinés à l’entretien des monuments historiques appartenant à l’État restent stables à 18,82 millions d’euros en crédits de paiement. Cette stabilité est à mettre en perspective dans le contexte d’inflation et d’augmentation de 7,5 % des crédits du programme 175 Patrimoines. Concernant les dépenses d’investissement, les crédits de paiement accordés aux Drac s’élèveront à 67,61 millions d’euros.

Le rapport de la Cour des comptes (évoqué supra) témoigne d’une répartition des crédits exécutés entre administration centrale et déconcentrée (Drac) qui révèle une augmentation continue des premiers, laquelle bénéficie avant tout au patrimoine monumental appartenant à l’État, au détriment des seconds, dont dépend le patrimoine local protégé, qui enregistrent une baisse continue depuis 2018. La Fondation du patrimoine pointe cette répartition déséquilibrée et appelle de ses vœux un effort porté sur l’augmentation des crédits dévolus aux Drac afin de renforcer l’action de l’État auprès du petit patrimoine local, en complément de l’aide apportée au patrimoine monumental. La rapporteure pour avis partage cette préconisation.

c.   Des difficultés renforcées par de nouveaux défis

i.   Absorber l’inflation des prix

L’augmentation des prix, et particulièrement des coûts de l’énergie, constitue une préoccupation majeure et transversale dans le champ de la culture : à ce titre, elle concerne le patrimoine comme la création, et a été exprimée par l’ensemble des acteurs du secteur culturel entendus lors des auditions organisées dans le cadre de la préparation de cet avis.

L’inflation entraîne plusieurs conséquences dans le domaine du patrimoine. Elle signifie d’abord une augmentation des coûts des travaux, liée à celle des coûts des matières premières et de l’énergie. L’association La Demeure historique relevait lors de son audition qu’une augmentation du coût des travaux avait déjà eu lieu lors de la période de crise sanitaire, en raison de pénurie pour certains matériaux (l’exemple souvent cité étant celui des ardoises nécessaires au couvert), d’une inflation déjà amorcée et de tensions sur les recrutements, notamment sur les métiers présentant des qualifications techniques tendant à se raréfier.

L’inflation subie actuellement, qui devrait atteindre 4,3 % pour 2023 selon la prévision du projet de loi de finances, succède donc à une dynamique de hausse préexistante.

Au-delà des surcoûts que connaîtra la conservation du patrimoine, des conséquences plus indirectes peuvent être envisagées : la hausse des coûts touchant de multiples champs de l’action publique, les collectivités territoriales (premières propriétaires du patrimoine) auront à effectuer des arbitrages délicats dans la répartition de moyens non extensibles, dont le patrimoine risque fort de ne pas sortir gagnant.

ii.   Aborder de façon ouverte les enjeux de développement durable

Les opérations de conservation du patrimoine concernent fréquemment des éléments de bâti fort anciens, qui s’accommodent souvent mal des exigences environnementales telles qu’elles sont mises en œuvre par les opérations de travaux actuelles. Lors de son audition, M. Julien Lacaze, président de Sites et Monuments, a ainsi expliqué à la rapporteure pour avis que l’isolation par l’extérieur des bâtiments, technique très utilisée ces dernières années pour améliorer leur diagnostic de performance énergétique, conduit pour les bâtiments anciens à araser tous les éléments de décors des façades. Cela réduit immanquablement l’intérêt patrimonial de ces immeubles de façon considérable, d’autant plus que ces modifications apparaissent irréversibles. Les ACMH s’inquiètent également des dangers que fait peser l’effort d’amélioration énergétique sur la conservation du patrimoine. Les normes de lutte contre le réchauffement climatique risquent en effet d’imposer des contraintes inappropriées au bâti existant lorsqu’il est dépourvu de protection spécifique.

M. Régis Martin, président de la Compagnie des architectes en chef des monuments historiques, a rappelé par ailleurs que « la démarche patrimoniale et celle du développement durable ont les mêmes objectifs : la conservation et la pérennité des biens culturels soutiennent la sobriété ». Selon lui « lorsqu’on aborde l’analyse d’un bâtiment historique sur le plan de sa consommation, il est fondamental de raisonner en termes de bilan carbone global, pour lequel il se révèle plutôt vertueux, plutôt que de bilan énergétique ».

iii.   Réhabiliter l’entretien du patrimoine

Enfin, on ne saurait aborder les grands enjeux de la conservation patrimoniale sans insister sur le caractère essentiel que revêt l’entretien du patrimoine, et sans appeler à une véritable « révolution culturelle » sur ce sujet. Par rapport à ses voisins anglo-saxons, la France apparaît à la traîne quant au souci d’entretien régulier du patrimoine, et y consacre des moyens insuffisants. Les crédits de paiement prévus au projet de loi de finances pour 2023 s’élèvent ainsi à 51 millions d’euros pour l’entretien, contre près de 285 d’euros millions pour les crédits de restauration. Il convient de souligner que ces 51 millions se répartissent presque à part égale entre : les crédits destinés aux dépenses de fonctionnement (y compris les crédits d’entretien) des monuments historiques appartenant à l’État à hauteur de 26,39 millions d’euros et les crédits d’intervention pour entretien en direction des monuments historiques n’appartenant pas à l’État à hauteur de 24,11 millions d’euros.

L’écart entre crédits d’entretien et crédits de restauration s’accroît de façon constante depuis 2018. Cette année-là, hors « grands projets », 49,51 millions d’euros étaient prévus pour l’entretien et 231,39 millions d’euros pour la restauration soit un ratio de 21,4 % pour la part consacrée à l’entretien. Cette année, le ratio relatif à la part des dépenses d’entretien par rapport aux dépenses de restauration est tombé à 17,9 %.

Surtout, ces données ne prennent pas en compte les crédits prévus pour les « grands projets » qui consistent en des travaux de restauration de grande ampleur. Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, ce sont plus de 46 millions d’euros qui viennent s’ajouter aux près de 285 millions d’euros évoqués précédemment, pour un total de près de 331 millions d’euros dédiés à la restauration.

En prenant en compte les dépenses pour les « grands projets », le ratio dépenses d’entretien/dépenses de restauration tombe donc à 15,4 %.

Les collectivités territoriales et propriétaires privés, qui détiennent ensemble 94 % des monuments historiques, se partagent donc 47 % des crédits budgétaires de l’État dévolus à l’entretien de ce patrimoine protégé. Les collectivités territoriales peuvent également consacrer des crédits à ces opérations d’entretien, mais ceux-ci relèvent de dépenses facultatives. Les dépenses d’entretien sont donc particulièrement tributaires des moyens budgétaires des collectivités territoriales, qui subiront de plein fouet, en 2023, dans la continuité des tendances observées en 2022, l’inflation des coûts de plusieurs postes majeurs de dépense (au premier rang desquels l’énergie).

Mais la mise au premier plan de l’entretien comme grand objectif de la politique patrimoniale, au motif des gains d’efficacité et d’efficience des coûts engagés qu’il permet, ne passe pas seulement par une augmentation des moyens financiers qui lui seraient consacrés. Les élus doivent également être sensibilisés à l’importance de mener des actions régulières d’entretien. Cela pourrait notamment passer par des actions de formation spécifiques menées par les CAUE ou les Drac, à la condition là encore que les services puissent bénéficier des moyens indispensables à ces missions de conseil. Les actions d’entretien peuvent aussi s’appuyer sur les associations de sauvegarde et de propriétaires du patrimoine, qui connaissent les monuments et disposent souvent d’une information trop peu recueillie par les services de l’État ou des collectivités.

d.   Une faiblesse durable des moyens apportés aux propriétaires privés et collectivités territoriales

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023, 24,11 millions d’euros sont prévus pour les travaux d’entretien des monuments historiques n’appartenant pas à l’État en faveur des collectivités territoriales et des propriétaires privés. Cette enveloppe augmente d’un peu moins d’un million d’euros par rapport à 2022, mais cette augmentation correspond à un effort exceptionnel en faveur du domaine de Chantilly relevant de l’Institut de France.

En dehors de cette intervention exceptionnelle, l’enveloppe reste donc la même, en dépit du contexte d’inflation marquée. Surtout, elle reste bloquée au même niveau depuis 2018. Elle était restée stable de 2010 à 2016 avant d’augmenter en 2017 et 2018 pour se stabiliser à nouveau. En 12 ans, cette enveloppe déjà limitée n’a ainsi augmenté que d’un peu moins de 6,5 %.

Pour ce qui est des dépenses de restauration, une enveloppe de 132,6 millions d’euros en crédits de paiement est prévue pour les collectivités territoriales et les propriétaires privés qui assurent eux-mêmes la maîtrise d’ouvrage. Là encore, cette enveloppe est stable d’une année sur l’autre depuis 2020, en dépit de la charge nouvelle que représente l’inflation. Plus encore, le niveau de cette enveloppe a baissé de 7 millions d’euros en 2020. Elle était de 145,76 millions d’euros en 2012 et a donc connu une baisse de plus de 9 % en 11 ans.

La stabilité des crédits consacrés aux monuments n’appartenant pas à l’État au sein du programme 175 Patrimoines se traduit ainsi en réalité par une baisse de moyens à prix constants pour les collectivités et les propriétaires privés de monuments historiques.

Pire encore, ces crédits accusent une baisse de près de 6,5 % en 11 ans, là où les crédits consacrés aux monuments historiques appartenant à l’État bénéficient dans le même temps d’une augmentation de 2,6 %. Les collectivités territoriales et les propriétaires privés de monuments historiques subissent donc sur le long terme une baisse de moyens conjuguée à un désinvestissement de la part de l’État.

Si l’on analyse par ailleurs la répartition des crédits dédiés aux monuments n’appartenant pas à l’État entre collectivités territoriales et propriétaires privés, on observe qu’elle se fait largement au détriment des seconds. Ces derniers bénéficient effectivement de moins de 10 % de cette enveloppe limitée. En 2019, ils ont ainsi obtenu 34,41 millions d’euros de financements, montant témoignant néanmoins en hausse pérenne compte tenu de la progression constatée depuis 2010, où les montants perçus n’avaient été que de 22,82 millions d’euros en 2010.

Ce sont donc d’abord les collectivités territoriales qui ont subi une importante baisse de moyens et un désinvestissement de l’État au cours de la dernière décennie.

Mais plus encore, on observe au niveau de cette ligne budgétaire réduite et en baisse, une sous-consommation structurelle de ces crédits. En 2019, ce sont effectivement 50,04 millions d’euros qui n’ont pas été consommés soit plus de 30 % de cette enveloppe. Ce taux de non consommation est presque constant au cours de la décennie passée. La rapporteure pour avis souhaite donc qu’une vigilance particulière soit accordée aux moyens permettant de réduire cette situation de sous-consommation structurelle des crédits dédiés aux monuments historiques n’appartenant pas à l’État.

Ensuite, si le fonds incitatif et partenarial représente un dispositif vertueux et que l’augmentation de 2 millions d’euros dont il bénéficie est à saluer, il convient tout de même de remarquer la faiblesse des moyens engagés. Les 18 millions d’euros qui lui sont consacrés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 sont ainsi à mettre en perspective avec l’augmentation, cette année, de près de 9,422 millions d’euros des crédits de paiement au profit du musée du Louvre.

La Fondation du patrimoine estime ainsi que les moyens du FIP apparaissent insuffisants, au regard des dizaines de millions d’euros de travaux que nécessite la restauration du patrimoine local, et des besoins de plusieurs centaines de petites communes.

L’expérience de terrain de la Fondation du patrimoine lui permet de dresser un constat récurrent : les collectivités territoriales de petite dimension, à commencer par les petites communes rurales, manquent structurellement de l’accès à l’information et des moyens financiers et humains à mettre en œuvre afin de concevoir et mener à bien des projets de restauration et de valorisation patrimoniale situés sur leur territoire.

Dans ce contexte, le patrimoine local non protégé souffre particulièrement de ce manque d’accompagnement dans sa conservation et sa restauration, ne pouvant bénéficier de l’aide et des conseils des Drac. La rapporteure pour avis appelle à ce qu’une attention plus importante soit accordée au patrimoine non protégé, qui ne fait par ailleurs l’objet d’aucun inventaire.


— 1 —

Travaux de la commission

I.   AUDITION De la MINISTRE

Lors de sa réunion du mercredi 19 octobre 2022 à 21 heures ([17]), la commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2023 (n° 273  seconde partie), Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Madame la ministre, nous sommes heureux de vous retrouver pour l’examen du premier budget de votre ministère pour cette législature, et de vous entendre plus précisément sur les crédits des missions Culture et Médias, livre et industries culturelles ainsi que sur les crédits du compte spécial Avances à l’audiovisuel public.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la culture. Le budget que nous vous proposons pour 2023 est historiquement haut pour le ministère de la culture. Il progresse de près de 7 % par rapport à 2022, avec 4,2 milliards d’euros de crédits budgétaires hors audiovisuel public. Nous consacrons à ce dernier 3,8 milliards d’euros, soit une hausse de 114 millions d’euros.

S’ajoute à ce budget une somme assez conséquente, d’environ 770 millions d’euros, de taxes et ressources affectées au financement du cinéma, de la musique et du théâtre privé, par le biais de l’Association pour le soutien du théâtre privé. Abondent également les crédits socles du ministère, le loto du patrimoine pour près de 20 millions d’euros chaque année, ainsi que divers crédits d’impôt représentant 2 milliards d’euros. Au total, 11 milliards d’euros sont consacrés à la culture, sans compter les apports de ministères comme le ministère de l’éducation nationale, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche ou le ministère des armées, qui gère plusieurs musées.

La politique culturelle peut se déployer grâce à l’engagement total et passionné des 29 000 agents du ministère de la culture – un peu plus de 9 100 dans l’administration centrale et l’administration déconcentrée, au sein des directions régionales des affaires culturelles (Drac) et des services à compétence nationale –, et presque 20 000 chez les opérateurs.

Le ministère de la culture forme près de 37 000 étudiants dans une centaine d’établissements d’enseignement supérieur. Cette année, j’ai une attention particulière pour les écoles d’architecture, qui représentent un vivier d’environ 20 000 étudiants répartis dans toute la France. Ils sont les bâtisseurs et les penseurs de l’architecture de demain, ce qui est crucial à un moment où la transition écologique doit s’accélérer.

Le présent projet de budget se veut à la fois de résilience et d’action. Malgré les deux dernières années marquées par les soubresauts de la pandémie, l’ensemble des filières de la culture n’ont cessé d’innover. Elles ont maintenu le lien avec les publics et préservé le renouvellement de la création. Pour 2023, nous avons défini sept grandes priorités, de manière à rendre plus visible la répartition des 271 millions d’euros de crédits supplémentaires.

La première priorité est de pousser plus loin l’accès à la culture pour tous, notamment pour les enfants, les adolescents et les jeunes. Cela passe par une politique ambitieuse d’éducation artistique et culturelle aux côtés du ministère de l’éducation nationale, avec des crédits en hausse de 4 millions d’euros ; le déploiement encore plus ambitieux du pass culture dès le collège, grâce à 9,5 millions d’euros supplémentaires, sans compter la participation du ministère de l’éducation nationale ; le maintien de la dynamique de la lecture comme grande cause nationale, avec plus de 100 millions d’euros pour soutenir les bibliothèques, le réseau des librairies et les manifestations littéraires, et pour lancer une nouvelle plateforme accessible à toutes les personnes en situation de handicap et référençant les livres adaptés à chacun des handicaps. Des budgets spécifiques seront versés au Centre national du livre pour inciter les éditeurs à adapter davantage de livres. Des aides seront également mises en place pour faciliter le transport des livres, à hauteur de plus de 1 million d’euros – nous avons en effet relevé des difficultés d’acheminement vers les territoires d’outre-mer et, à l’international, vers les librairies francophones.

La deuxième priorité est la souveraineté culturelle, qui relie les enjeux de la création dans le monde physique et dans le monde numérique – pour moi, ils doivent aller de pair. Continuer à développer notre innovation et à porter la voix de la France dans tous les espaces virtuels, immersifs, de réalité augmentée et du métavers est crucial. Le plan France 2030 nous donnera les leviers pour le faire. Affirmer parallèlement la force de la création et son lien avec les publics dans le monde réel est tout aussi important. Nous allons donc poursuivre le programme inédit de commandes publiques inventé en pleine crise pour repenser sous d’autres formats le soutien aux artistes. Grâce à Mondes nouveaux – c’est son nom –, des projets ont été créés dans les territoires, dans du patrimoine bâti, dans des sites du patrimoine naturel ou dans des lieux proposés par les artistes. Une saison 2 s’ouvrira à partir de 2023, dotée d’une enveloppe de 30 millions d’euros sur trois ans, dont 10 millions d’euros disponibles dès l’année prochaine.

Je souhaite également lancer un plan en faveur des métiers d’art et du renforcement des manufactures. Tous les territoires ont des savoir-faire et des traditions qui se transmettent de génération en génération. Ils ont besoin de lieux pour s’épanouir et de formations.

La souveraineté culturelle recouvre aussi l’enjeu de la langue française et de son développement à travers le monde. Au printemps 2023, ouvrira la Cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts. Vous aurez probablement des questions à ce sujet, ce qui me permettra d’y revenir de manière plus détaillée.

Troisième priorité, le patrimoine : à protéger, à valoriser ou à réinventer quand des usages nouveaux permettent de faire revivre des bâtiments. Les travaux de restauration et de mise en sécurité des cathédrales, qui figurent parmi les priorités du Gouvernement depuis plusieurs années, se verront affecter 22 millions d’euros supplémentaires. Les collectivités territoriales font l’objet d’un vrai effort d’accompagnement à travers le fonds incitatif et partenarial, créé sous le précédent quinquennat et qui permet de grouper nos forces et celles des régions pour préserver le patrimoine local.

Le soutien à l’archéologie sera renforcé par l’augmentation des aides aux collectivités habilitées à réaliser des diagnostics et celle du budget des fouilles programmées. L’archéologie préventive est indispensable pour lancer de nombreux chantiers. Avec le plan de relance, les demandes ont augmenté et nous devons revoir nos subventions.

Bénéficieront également de 20 millions d’euros supplémentaires pour leur rénovation et leur modernisation des établissements culturels dépendant du Centre des monuments nationaux, comme la cité de Carcassonne ou les tours de La Rochelle, ainsi que des grands musées, comme Orsay ou le théâtre national de la danse à Chaillot, qui ont besoin de travaux pour améliorer leurs performances énergétiques.

Notre quatrième priorité se porte sur les médias, leur pluralisme et leur indépendance, car l’accès de nos concitoyens à une information fiable est un enjeu majeur pour l’avenir de notre démocratie. Après tous les débats que nous avons eus cet été au sujet de la suppression de la redevance et de son remplacement par un nouveau canal de financement, nous avons tenu nos engagements : le budget apporte une compensation à l’euro près, à la fois de la redevance et des effets fiscaux liés au changement de financement. Il prend également en compte une large part de l’inflation. L’audiovisuel public bénéficie donc de 114,4 millions d’euros de crédits supplémentaires, soit un total de 3,8 milliards d’euros.

Le budget dédié à la presse et à la radio est également en hausse de plus de 20 millions d’euros. Du fait de la réforme de la distribution de la presse que nous avons engagée pour encourager le développement du portage de préférence au postage, la filière a besoin d’un accompagnement – il s’élève à 17 millions d’euros. Le ministère de la culture est, en outre, très attaché à l’expression radiophonique locale et au pluralisme. Le soutien aux radios associatives, qui existent un peu partout en France, sera augmenté de pratiquement 2 millions d’euros.

Notre cinquième priorité est l’emploi, car notre politique culturelle, pour accompagner les futurs talents, s’appuie sur des compétences. Le ministère de la culture dispose d’un réseau exceptionnel d’établissements d’enseignement supérieur aux enjeux très prioritaires à mes yeux. C’est pourquoi leur budget est augmenté de 32 millions d’euros et une attention particulière est apportée aux étudiants qui se trouvent en difficulté sociale, notamment dans les écoles d’architecture et les écoles d’art. L’enveloppe destinée aux bourses sur critères sociaux augmentera de 7,5 millions d’euros. Le budget prévoit, en outre, 9 millions d’euros pour accompagner le fonctionnement des établissements, par exemple dans la mise en œuvre de réformes organisationnelles, et 15 millions d’euros pour financer des travaux de mise aux normes et d’amélioration des performances énergétiques.

Les moyens humains du ministère seront aussi confortés : la masse salariale augmentera de 38 millions d’euros pour atteindre 532 millions d’euros – la trajectoire des emplois est stable. La transformation numérique du ministère sera poursuivie, avec plus de 4 millions d’euros, de même que notre plan de soutien aux artistes auteurs.

J’ai intitulé la sixième priorité : renforcer l’ancrage territorial du ministère et ses coopérations internationales. Le ministère de la culture doit devenir encore plus agile, rester en lien constant avec les élus locaux et les collectivités, sans perdre de vue la force culturelle de la France dans le monde et la nécessité de développer des projets de coopérations nouvelles pour renouveler le dialogue avec les autres pays et les autres cultures.

Lors de mon audition par votre commission, j’avais évoqué la création d’un fonds d’innovation territoriale pour offrir un nouveau cadre partenarial d’expérimentation avec les collectivités. Destiné à accompagner les projets qui ne remplissent pas les conditions d’attribution des aides habituelles, ce fonds sera doté de 5 millions d’euros en 2023.

Dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, nous avons décidé, avec Amélie Oudéa-Castéra et le comité d’organisation des Jeux, de créer l’Olympiade culturelle. L’objectif est de faire monter une ferveur culturelle et sportive dans le pays au cours des prochains mois. Des projets seront menés un peu partout en France, notamment dans les villes qui accueilleront le passage de la flamme. Le budget sera de 3 millions d’euros en 2023 et au moins autant en 2024. Je pourrai aborder notre politique internationale si vous avez des questions.

Notre dernière priorité – dans mon propos mais pas du tout dans l’ordre de nos préoccupations – est la transition écologique. J’ai, dès mon discours de passation avec Roselyne Bachelot, insisté très fortement sur ce point. Au sein de mon équipe, ma directrice adjointe de cabinet a été désignée pour suivre cet enjeu transversal et des groupes de travail ont très rapidement été mis en place au sein du ministère, notamment pour obtenir des remontées d’informations de la part des établissements culturels.

Dans le budget pour 2023, nous avons pu obtenir 56 millions d’euros pour faire face à l’explosion des coûts de l’énergie dans les établissements publics qui dépendent du ministère de la culture. Nous accompagnerons aussi ceux qui, malgré tous leurs efforts de sobriété, sont de telles passoires thermiques qu’ils se retrouveront dans des situations critiques.

Au-delà de cette enveloppe de 56 millions d’euros, l’accélération de la transition écologique se traduit dans l’ensemble de nos budgets d’investissement. Au total, ceux-ci s’élèvent à 663 millions d’euros en 2023, soit une augmentation de 66 millions d’euros par rapport à l’an dernier. Dans la mesure du possible, les crédits seront fléchés vers des travaux contribuant à l’isolation thermique et à l’amélioration des performances énergétiques des bâtiments. Le Centre national de la musique bénéficiera de 900 000 euros supplémentaires pour aider la filière à investir dans la transition écologique.

En conclusion, notre budget est ambitieux, en hausse et axé sur quelques priorités qui me tiennent très à cœur.

*

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous allons tout d’abord débattre des crédits de la mission Culture.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis (Culture). Après deux années budgétaires 2020 et 2021 marquées par des mesures exceptionnelles, le projet de budget de la culture pour 2023 ne s’inscrit pas encore dans un retour à la normale. Si la réouverture des lieux culturels nous a réjouis et a permis aux Français de retrouver avec bonheur le chemin des musées, des théâtres et des salles de concert, beaucoup d’acteurs du secteur ont le sentiment qu’une crise a chassé l’autre.

En 2022, la fréquentation touristique n’a pas retrouvé son niveau d’avant la crise, ni pour les grands opérateurs comme Versailles ou le Louvre, ni pour les établissements culturels patrimoniaux de taille plus modeste. Les résultats sont toutefois meilleurs qu’espérés. Les touristes étrangers, particulièrement américains, ont commencé à revenir mais ce retour n’est pas encore d’actualité pour les visiteurs chinois et a fortiori russes.

Pour les grands établissements se pose d’ailleurs la question du niveau de fréquentation acceptable. Faut-il vraiment espérer retrouver devant La Joconde une cohue digne du métro parisien aux heures de pointe ? Des réflexions sont en cours pour continuer à lisser les entrées et étendre les plages d’ouverture afin d’améliorer le confort de visite. Cette reprise encore fragile s’accompagnera sans doute de l’apparition de nouveaux usages.

La reprise est aussi relativement lente, et très inégale, pour le spectacle vivant. Les comportements ont été profondément modifiés. Certains publics, plus vulnérables, hésitent à revenir dans des lieux jugés trop densément fréquentés, tandis que d’autres ont simplement perdu l’habitude de quitter leur domicile et privilégient désormais des loisirs plus casaniers, qui avantagent d’autres acteurs. Le rôle des réseaux sociaux, qui peuvent contribuer à remplir rapidement les salles, constitue également un phénomène nouveau. Dans l’ensemble, les professionnels du spectacle observent une forte augmentation des réservations de dernière minute, ce qui complique les prévisions de fréquentation.

Pour faire face à ces nouveaux défis et à de nombreux autres, les crédits de la mission Culture sont en hausse de 7,36 %, à 3,72 milliards d’euros en crédits de paiement (CP). Cette augmentation affichée sera toutefois amputée significativement par les effets de l’inflation.

Le programme Patrimoines s’élève à plus de 1 milliard d’euros, en hausse de 7,5 % par rapport à 2022. Il permet de soutenir les musées, les monuments historiques, l’architecture et le patrimoine des villes et villages.

Le patrimoine monumental bénéficie d’une hausse de crédits de 7,8 % par rapport à 2022. Afin d’investir dans la rénovation et la modernisation des établissements culturels, sont notamment prévus la revalorisation de la subvention d’investissement du Centre des monuments nationaux à hauteur de 3 millions d’euros et le renforcement des capacités d’investissement du musée d’Orsay à hauteur de 1,5 million d’euros.

S’agissant des grands chantiers, la restauration et l’aménagement du château de Villers-Cotterêts se poursuivent pour une ouverture au public prévue au printemps 2023. Ce calendrier pourra-t-il être tenu ? Où en est la définition du projet culturel de ce futur établissement dédié à la promotion de la langue française ?

L’État entend également valoriser le volet territorial de l’action patrimoniale par de grands projets, comme la restauration de la cathédrale de Nantes, de l’abbaye de Clairvaux ou du château de Gaillon.

Ce volet territorial comporte aussi de nouveaux crédits pour le plan Sécurité cathédrales et une augmentation de 2 millions d’euros pour le fonds incitatif et partenarial pour les collectivités à faible potentiel financier, portant ce dernier à 18 millions d’euros. Le patrimoine archéologique bénéficierait de 12 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2022, avec un soutien renforcé à la politique d’archéologie préventive, à travers une hausse des subventions allouées aux soixante-deux collectivités territoriales habilitées à réaliser des diagnostics archéologiques et une réévaluation importante du budget consacré aux fouilles programmées et à la valorisation scientifique du patrimoine archéologique dans les directions régionales des affaires culturelles. Nous ne pouvons qu’être favorables à ces revalorisations, que nous appelions de nos vœux dès 2018, dans le cadre de la mission flash sur le soutien au patrimoine immobilier protégé menée avec M. Raphaël Gérard.

Le programme Création permet de soutenir le spectacle vivant et les arts visuels. De nombreux dispositifs d’urgence et de soutien ont été mis en place pendant la crise par les opérateurs sectoriels, grâce auxquels aucune faillite n’a été à déplorer. Le jeune Centre national de la musique a été extrêmement réactif et, depuis 2020, a largement fait ses preuves. Se pose désormais la question de la pérennité de ses moyens financiers. Qu’en est-il de l’attribution de ressources suffisantes et stables à cet organisme ?

Pour soutenir la création, les artistes et les auteurs, le programme Mondes nouveaux sera reconduit pour une deuxième phase – le premier appel à projets avait donné lieu au dépôt de près de 3 200 dossiers. Avant de prendre une telle décision, il aurait été intéressant de disposer de premiers éléments de bilan. Quels critères ont été privilégiés par le comité artistique ayant sélectionné les projets ? Quelle a été la répartition territoriale des réalisations ?

S’agissant des opérateurs, le projet de déménagement du Centre national des arts plastiques à Pantin semble rencontrer des difficultés. Quelles sont perspectives concernant le calendrier des travaux ? À combien sont estimés les surcoûts occasionnés par le retard ?

Les crédits du programme Transmission des savoirs et démocratisation de la culture augmentent également, ce qu’on ne peut qu’approuver. Je m’interroge sur la pertinence de consacrer autant de moyens au pass culture. Celui-ci représente désormais 208,5 millions d’euros, soit un montant deux fois supérieur à celui consacré à la politique d’éducation artistique et culturelle (EAC), et on pourrait craindre qu’il ne prenne une place hégémonique, au détriment de celle-ci. Quelles garanties pouvez-vous apporter que l’EAC restera un pilier de la politique de transmission des savoirs et de démocratisation de la culture en faveur de notre jeunesse ?

Dans le volet thématique de l’avis budgétaire sur les crédits de la mission Culture pour 2023, j’ai choisi d’interroger les disparités territoriales pouvant exister dans la politique de conservation du patrimoine.

La matière est jugée complexe par les acteurs territoriaux, qui ne sont pas toujours en mesure de mobiliser l’expertise ou les financements nécessaires à sa bonne appréhension. Les interlocuteurs sont nombreux et les instruments juridiques parfois mal maîtrisés.

En 2018, l’État a tenté de proposer une stratégie pluriannuelle destinée à mieux valoriser le patrimoine territorial. En pratique, les acteurs interrogés ont eu du mal à en percevoir directement les effets.

Le loto du patrimoine et le fonds incitatif et partenarial devaient fournir des financements nouveaux aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés de monuments, protégés ou non, et permettre de mieux les accompagner. Malgré des moyens mobilisés relativement modestes, ces deux instruments ont donné satisfaction.

Malheureusement, cette stratégie n’a pas suffi à rétablir un véritable équilibre entre les sommes engagées en Île-de-France et dans les autres régions. La politique de conservation du patrimoine continue de profiter d’abord aux très grands opérateurs proches de Paris. Certes, leur taille et leur rayonnement international sont indéniables, mais il nous revient, en tant qu’élus de la nation, de veiller à ce que tous les territoires soient jugés également éligibles au soutien de l’État.

Ce soutien peut d’ailleurs ne pas être exclusivement financier. Il pourrait notamment passer par de plus amples moyens humains dans les services déconcentrés de l’État. Le ministère défend le principe d’une politique patrimoniale partenariale avec les collectivités territoriales mais celle-ci ne peut être mise en œuvre que si des interlocuteurs existent et sont disponibles sur le terrain. Or, si les représentants des collectivités territoriales louent les qualités des équipes des Drac, des conservations régionales des monuments historiques (CRMH) ou des unités départementales de l’architecture et du patrimoine (Udap), ils déplorent unanimement leur trop faible présence et leur surcharge de travail. Nombre de ces services manquent structurellement de moyens et sont en situation de sous-effectif chronique. Je déposerai d’ailleurs un amendement visant à évaluer les moyens supplémentaires qui seraient nécessaires pour la création de nouveaux postes d’architectes des Bâtiments de France.

Je termine en rappelant que les dépenses de restauration du patrimoine les moins onéreuses sont celles qu’un entretien régulier aura prévenues. Or l’entretien du patrimoine, à toutes les échelles, reste le parent pauvre de la politique du patrimoine. Dans ce domaine, nous avons besoin d’opérer un changement de culture, grâce à une approche pluriannuelle des crédits consacrés au patrimoine et à des schémas directeurs pour les opérateurs.

En conclusion, ce budget comporte indéniablement des avancées mais présente également certaines faiblesses. Pour cette raison, je m’abstiendrai lors du vote des crédits de la mission Culture.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous allons entendre les orateurs des groupes.

Mme Violette Spillebout (RE). Les crédits de la mission Culture forment un budget de transition, qui continue d’atténuer les effets de la crise sanitaire pour les acteurs culturels. Il les accompagne également face à l’inflation et notamment face à la hausse des coûts de l’énergie.

En 2023, le budget de la culture augmentera de 7,4 % par rapport à 2022. Ces moyens supplémentaires permettront de répondre aux priorités que vous avez largement rappelées. Parmi celles-ci, je souhaiterais insister sur quatre points qui nous tiennent à cœur.

En premier lieu, les écoles nationales d’architecture. Nous manquons d’architectes en France. Le système est sélectif et de nombreux étudiants sont obligés de partir en Belgique pour être diplômés. Face aux enjeux actuels et aux besoins liés à la transition énergétique, nous devons nous inquiéter de cette concurrence, lever les numerus clausus et renforcer les moyens de nos établissements.

En second lieu, une attention particulière doit être accordée aux acteurs situés dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Plus que jamais, nos jeunes et leurs familles ont besoin d’ouverture culturelle, de mixité des regards et de lien social.

En troisième lieu, l’évaluation de l’impact de la dépense culturelle, quels que soient les grands événements, doit faire l’objet d’une vigilance accrue.

En quatrième lieu, enfin, l’éducation aux médias nous tient à cœur, car nos jeunes sont chahutés par des informations et des réseaux sociaux qui les abîment.

Pour que la France soit toujours aussi inspirante et rayonnante, le groupe Renaissance votera les crédits de ce budget.

Mme Christine Loir (RN). Le Rassemblement national regrette les nombreux manquements aux intérêts de la culture française qui affectent la mission Culture. Certes, les crédits inscrits au programme Patrimoines traduisent un effort, mais ils restent bien trop faibles. La culture française, sa pérennité, exige l’engagement d’efforts importants.

La répartition des crédits entre les différentes missions manque de cohérence. S’il est primordial de financer les établissements d’enseignement supérieur, il n’est pas normal que les programmes d’échanges mobilisent une part si importante des budgets, alors même que le niveau des études en France baisse. Quand tout le patrimoine français se sera écroulé, qu’apprendrons-nous à nos étudiants ? Il ne nous restera plus qu’à les envoyer à l’étranger, en Erasmus.

L’exemple du patrimoine religieux catholique est frappant. Dans un rapport, le Sénat avait alerté sur la situation, indiquant que 11 % des édifices étaient en souffrance et 4 % en grand péril. Les problèmes de financement par l’État de l’entretien de notre patrimoine sont connus de tous et ne sont pas récents. Les régions, départements ou communautés de communes ne trouvent pas de solutions. Les nombreuses interventions de Stéphane Bern avec la mission patrimoine ne suffisent pas.

Le mécénat privé a servi à pallier un manquement de l’État mais nous devons revenir à la réalité : les églises des petits villages s’effondrent et l’identité de nos citoyens avec elles. Mobilisons les moyens de l’État pour sortir de cette situation ubuesque !

Que nos amendements soient votés est une nécessité pour que nous puissions voter pour le budget de la mission Culture. À défaut, nous serons obligés de voter contre.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Quand je regarde ce budget, je me demande où est la politique culturelle. Une politique culturelle ambitieuse supposerait tellement plus !

Aurélie Filippetti, ancienne ministre de la culture, remarquait que la richesse créée par les secteurs culturels représentait 58 milliards d’euros, soit 3,2 % du PIB français. Leur poids dans l’économie est donc comparable à celui de l’agriculture et de l’agroalimentaire et sept fois supérieur à celui de l’automobile. Serait-ce impensable de leur consacrer 1 % du PIB, comme nous le proposons dans notre programme « L’Avenir en commun » ?

Le budget que vous nous présentez est certes en hausse, mais une hausse en trompe-l’œil. En tenant compte de l’inflation et en analysant la répartition des augmentations, on ne peut que déplorer l’absence d’ambition en matière de service public des arts et de la culture.

Où est la politique de démocratisation culturelle quand 54 % des moyens qui lui sont alloués sont dédiés à un pass culture régi par des algorithmes et devenu une manne pour les grands groupes privés ? Celui-ci ne saurait se substituer à une vraie politique de médiation et d’éducation artistique et culturelle.

Où est la politique de création culturelle quand nos artistes auteurs sont toujours privés de protection sociale, de congé maladie, de congé parental ou de représentation syndicale ? Qu’est-il advenu de la création d’un centre national des artistes auteurs, préconisé par le rapport Racine, enterré sans cérémonie ?

Où est la politique patrimoniale, lorsque seuls quatre des quatorze opérateurs ayant une ligne de crédit bénéficient d’une réelle augmentation de leurs ressources ? Si quelques châteaux sortent gagnants, des institutions comme la Cité de l’architecture et du patrimoine, le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem), le musée du quai Branly ou le centre Georges Pompidou devront faire face à des pertes du fait de l’inflation. Je n’ose mentionner l’état d’asphyxie de toutes les petites structures. Dans les auditions que j’ai pu mener, leur seule question est de savoir comment, alors qu’elles peinent déjà à se remettre de la crise du covid, elles pourront surmonter la crise énergétique de cet hiver.

Avec le groupe LFI, nous avons néanmoins joué le jeu et proposé des amendements. Devant le passage en force auquel nous avons assisté avec l’utilisation de l’article 49, alinéa 3, sur la partie du budget consacrée aux recettes, je vous demande, madame la ministre, si la même méthode sera appliquée pour la partie consacrée aux dépenses. Le jeu démocratique auquel nous nous prêtons ce soir a-t-il une quelconque valeur pour le Gouvernement ?

M. Victor Habert-Dassault (LR). Le PLF pour 2023 confirme le soutien apporté au secteur de la culture, grâce à une augmentation des crédits de 7,4 % par rapport à la loi de finances initiale de 2022.

Toutefois, le programme Patrimoines concentre les aides sur Paris, alors que les petites communes peinent, malgré leurs efforts et celui des associations, à préserver leur patrimoine. Selon la Cour des comptes, dans un contexte d’inflation et de pénurie de main-d’œuvre, il est dommageable que le patrimoine rural et communal soit délaissé par le plan de relance qui a suivi la crise sanitaire.

Nous sommes satisfaits de l’augmentation du budget consacré à la mise en sécurité des cathédrales mais qu’en est-il de la sauvegarde de notre patrimoine religieux ?

Tout en se réjouissant de l’élargissement du pass culture aux collégiens des classes de sixième et de cinquième, le groupe Les Républicains tient à alerter le Gouvernement sur son utilisation dans les territoires. Disposez-vous de chiffres sur l’usage qui en est fait dans les zones rurales ? Ce dispositif s’ajoute aux actions financées par les départements pour favoriser la découverte de la culture locale et accélérer la fréquentation des sites de proximité, comme le contrat départemental de développement culturel (CDDC) mis en place par le département de l’Oise, en partenariat avec l’académie d’Amiens et la Drac Hauts-de-France. Quelle coordination envisagez-vous ?

Nous déplorons également le manque de moyens alloués au développement de la mobilité dans les communes rurales. Pourquoi les subventions attribuées par l’État aux établissements scolaires ne permettraient-elles pas de financer le transport des élèves jusqu’à des lieux culturels relevant notamment du spectacle vivant ? Cette impossibilité limite l’utilisation du pass culture. Comptez-vous y remédier d’ici à la fin de l’année scolaire ?

Le développement de la culture numérique s’intensifie. Il conviendrait de réfléchir à un élargissement du pass culture à ce domaine, afin de lutter contre l’illectronisme.

Le groupe Les Républicains s’abstiendra sur ces crédits.

Mme Géraldine Bannier (Dem). Le groupe Démocrate et apparentés ne peut que se féliciter de la progression des crédits de la mission Culture – en augmentation de 7,4 %, ils atteignent 3,715 milliards d’euros –, car la culture est un vecteur essentiel de cohésion sociale. Elle est « ce qui a fait de l’homme autre chose qu’un accident de la nature », pour citer André Malraux.

Nous saluons particulièrement les 208,5 millions d’euros consacrés au pass culture. Ce dispositif a déjà profité à deux millions de jeunes en France. Les 9,5 millions d’euros de crédits supplémentaires permettront de l’ancrer davantage dans les habitudes et de l’étendre aux collégiens. Avec le renforcement des crédits de l’éducation artistique et culturelle dans le budget de l’éducation nationale se confirme ainsi la volonté de faciliter encore l’accès à la culture pour tous, dès le plus jeune âge.

Le programme Patrimoines reste une priorité, avec une hausse substantielle des crédits de 77 millions d’euros. Cet effort profitera notamment aux territoires avec 2 millions d’euros alloués au fonds incitatif et partenarial pour les collectivités à faible potentiel financier. L’on peut aussi se réjouir de la prolongation du loto du patrimoine, vecteur de financement important pour de nombreux monuments. Le groupe Démocrate salue également la hausse de 3 millions d’euros du budget alloué au Centre des monuments nationaux pour la rénovation et la modernisation des établissements culturels, essentiel pour la préservation des monuments qui font le charme de nos territoires.

Le projet de loi de finances prend en compte la conjoncture économique inflationniste, en prévoyant une hausse des crédits de 8 millions d’euros pour faire face à l’augmentation des coûts dans la rénovation des monuments historiques. Pour toutes ces raisons, nous soutiendrons les crédits de la mission Culture.

J’aurais toutefois une question sur les monuments historiques non classés : quelles actions le Gouvernement prévoit de mettre en œuvre dans ce domaine, particulièrement important dans les territoires ?

M. Inaki Echaniz (SOC). Le budget qui nous est présenté consacre des moyens en augmentation de 7 % par rapport à 2022. Toutefois, le contexte reste très fragile pour le secteur de la culture, qui a été durement impacté par la crise sanitaire et qui peine à retrouver son public, alors que l’inflation et la crise énergétique annoncent des surcoûts importants. À titre d’exemple, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) annonce l’un des pires mois de septembre pour le cinéma depuis 1980.

Nous nous inquiétons de la fin de nombreux plans de soutien qui avaient été mis en place dans le cadre du plan de relance. Ils avaient permis aux acteurs de résister ces deux dernières années, mais leur arrêt pourrait les fragiliser. Le plan de soutien à la filière musicale a permis d’aider les ensembles, orchestres et festivals de musique classique et lyrique, et d’accompagner la montée en puissance du Centre national de la musique (CNM), dont le financement reste trop compliqué. Nous regrettons que les moyens supplémentaires apportés pendant la crise aient été considérés comme temporaires. Il faudrait, au contraire, les pérenniser pour accompagner chaque secteur dans la transformation de notre modèle culturel. Prévoyez-vous un soutien particulier ?

Nous constatons que votre priorité est toujours le pass culture, avec 9,5 millions d’euros de crédits supplémentaires. Pourquoi, dès lors, les indicateurs du bleu budgétaire sont-ils à la baisse, tant au regard de la fréquentation des lieux culturels par les jeunes que du recours à ce dispositif ? Les chiffres semblent traduire l’échec du pass culture.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Permettez-moi tout d’abord de saluer la mémoire de Jean Teulé, qui était un auteur de bandes dessinées, un romancier de grand talent et un cinéaste, et d’avoir une pensée pour sa femme, l’actrice Miou-Miou.

Avec 255 millions d’euros supplémentaires, les crédits de la mission Culture augmentent de 7,4 %, c’est-à-dire autant que ceux des ministères dits régaliens. De fait, je n’en ai pas tout à fait la même perception que nos collègues de La France insoumise.

Cette évolution exceptionnelle témoigne de l’importance accordée à la création, ainsi qu’à la transmission des savoirs, au patrimoine et à la démocratisation. Je salue, en particulier, la progression de 24 % du soutien aux arts visuels, qui s’inscrit dans la lignée d’un plan inédit destiné aux artistes émergents : le programme Mondes nouveaux.

Ayant supervisé la mise en valeur des métiers du chantier de Notre-Dame de Paris, je me réjouis de l’engagement de votre ministère en faveur des métiers d’art. Alliant traditions ancestrales et technologies modernes, ces métiers sont au cœur de notre patrimoine et doivent être préservés, transmis et valorisés.

Je relève également l’attention portée à la protection du patrimoine dans les territoires. Nos cathédrales bénéficieront de plusieurs millions d’euros supplémentaires. Les collectivités seront aidées pour effectuer leurs diagnostics archéologiques et le fonds incitatif et partenarial destiné aux petites communes augmentera de 2 millions d’euros. Enfin, des efforts importants sont consentis en faveur de la transition écologique dans le secteur culturel.

Pour toutes ces raisons, les députés du groupe Horizons voteront les crédits accordés pour ce budget.

J’aurais cependant quelques questions. Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le plan gouvernemental destiné aux métiers d’art ? Le patrimoine de proximité ne reçoit qu’une très petite fraction du budget, alors que ses besoins sont immenses. Comment comptez-vous aider les collectivités locales et les propriétaires privés à mettre en valeur ce patrimoine local et à trouver un modèle économique viable ?

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Ce budget est historiquement haut, mais l’inflation l’est tout autant, comme l’inquiétude dans les milieux culturels, notamment le cinéma et le spectacle vivant. Pour nous, le budget présenté n’est pas à la hauteur de cette inquiétude.

Le pass culture ne correspond pas du tout à la logique que nous souhaitons privilégier, car il repose sur une politique de l’offre, sans médiation. Il est certes étendu aux collèges mais cette mesure est insuffisante, alors que le budget de l’éducation nationale réduit par ailleurs les heures dévolues à des projets artistiques. Pour éviter que ce pass culture ne devienne un bon d’achat profitant à des industries culturelles moins soumises que d’autres à l’inquiétude, voire déjà florissantes, ne faudrait-il pas flécher son utilisation, notamment vers le spectacle vivant ?

Je partage l’interrogation de plusieurs de mes collègues sur la question du soutien aux territoires. Les budgets des collectivités territoriales sont particulièrement difficiles à boucler et, on le sait, les budgets de la culture sont les premiers à être amputés. Le fonds d’innovation est insuffisant mais ne devrait-il pas être cogéré avec le Conseil national des territoires pour la culture CTC ? Ne serait-il pas temps que le fonds de relance soit davantage ancré dans les territoires, moins parisien ? Ne serait-il pas temps que notre politique culturelle marque une nouvelle étape de la décentralisation ?

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). Je veux placer mon intervention sous le signe de l’espoir. Espoir que les espaces de prise de décisions pour le monde de la culture dans les territoires d’outre-mer soient décolonisés, ce qui passe par plus de représentativité et de considération pour les acteurs culturels autochtones. Espoir également que tous les acteurs et actrices du monde de la culture puissent enfin sortir de la crise, dont ils continuent de souffrir.

La culture n’est pas un accessoire des politiques publiques, ni un supplément d’âme. C’est l’interaction de l’homme et de son pays. Elle doit irriguer nos vies au quotidien. Démocratiser l’accès à l’art et à la pratique artistique et culturelle est une première étape, qui demande des moyens importants. Faire tomber la barrière des coûts est indispensable, mais faciliter simplement l’accès à l’offre ne saurait suffire ; il faut qu’en face, la création s’exprime sur tous les territoires.

Les politiques culturelles doivent être adaptées aux spécificités des territoires. À La Réunion, nous n’avons pas les mêmes contraintes que dans l’Hexagone. L’exportation de la musique et d’autres types d’art y est plus difficile, car les coûts sont plus élevés, pénalisant ainsi le développement de notre industrie créative et culturelle.

Le Centre national de la musique doit pouvoir œuvrer depuis une antenne locale au rayonnement de la musique réunionnaise dans la zone indopacifique et dans les bassins des Antilles-Guyane et Pacifique. Le fort besoin de représentativité et d’émancipation culturelle doit trouver à se réaliser dans les conseils d’administration du CNM, de France Télévisions et de toutes les autres institutions nationales présentes dans nos territoires ultramarins : des personnalités qualifiées, titulaires et originaires des outre-mer doivent y siéger. Souvent, les populations et les opérateurs culturels locaux ne comprennent pas les choix qui sont faits, qui pénalisent la promotion de notre identité par les acteurs autochtones. Tout ce qui est fait pour nous sans nous est fait contre nous.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Le secteur de la culture est sans nul doute l’un des plus fragilisés par la crise sanitaire. Il connaît des pertes d’activité considérables, dont il souffrira malheureusement longtemps. Alors que la fréquentation dans les grands établissements publics et les lieux de spectacle vivant peine à se redresser, l’inflation risque d’en éloigner encore les publics les plus modestes. Elle pourrait aussi affecter les dons et le mécénat à destination du patrimoine. C’est pourquoi, avec une inflation estimée à 4,3 % pour l’an prochain, l’augmentation du budget qui nous est présentée doit être relativisée.

Nous saluons la hausse de près de 255 millions d’euros des crédits du programme Patrimoines, non sans rappeler qu’elle vise essentiellement à compenser les coûts de l’énergie et que ce montant risque même d’être insuffisant. Finalement, les hausses de crédits sont en grande partie destinées à atténuer les effets de la crise sanitaire, de l’inflation et de la crise énergétique. À quelques exceptions près, elles n’iront pas au financement de projets culturels d’ampleur.

Au reste, ces derniers restent trop concentrés en Île-de-France. Les efforts consentis pour orienter davantage les crédits de la mission Culture vers les territoires, en particulier ruraux isolés ou ultramarins, restent insuffisants : dans ce domaine, nous partons de loin.

Notre groupe ne s’oppose pas à l’extension du pass culture mais considère que celui-ci ne peut constituer à lui seul une politique culturelle et éducative. L’accent doit être mis sur la découverte des arts et de la culture dès le plus jeune âge, en particulier dans les territoires les moins dotés.

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Madame la rapporteure, je vous remercie pour la précision de votre analyse du budget et pour votre engagement en faveur de la culture dans toutes ses composantes.

Dans la confection de notre budget, nous avons retenu pour l’inflation l’estimation de la Banque de France : 4,7 % pour 2023. Avec une hausse de plus de 7 %, il lui est donc significativement supérieur. Par ailleurs, dès cet été et parfois plus tôt, nous avons procédé au remplacement de certains équipements de sorte à anticiper l’augmentation du coût de l’énergie. Le musée d’Orsay a remplacé ses lampes par des LED, économisant ainsi un tiers de sa facture énergétique. Au château de Versailles, le remplacement des chaudières par des pompes à chaleur entraînera une réduction drastique des dépenses. Des travaux sont également prévus au Louvre, et je pourrais vous citer de nombreux autres exemples.

Une analyse fine des besoins sera conduite dans chaque établissement relevant de l’État, mais les Drac le feront aussi avec tous les partenaires que soutient le ministère de la culture. Pour les bâtiments identifiés comme passoires thermiques, dont la situation est critique, une enveloppe spécifique est prévue. Elle sera probablement insuffisante mais leur permettra néanmoins d’aborder l’année 2023 avec un peu plus de sérénité.

Ce projet de budget fait donc bien mieux que de retrouver le niveau 2019, puisqu’il est supérieur au budget de l’époque. Cela, sans compter les mesures prises pendant la crise en 2020, suivies de celles du plan de relance dédiées à la restructuration et au redémarrage de l’ensemble des filières en 2021 et 2022.

Le confort de visite dans les musées est une préoccupation que nous partageons avec l’ensemble des directeurs. Pour que les visiteurs français et internationaux découvrent les collections dans de meilleures conditions, il faudra revoir légèrement à la baisse certaines prévisions de fréquentation. Les modèles économiques pour les prochaines années doivent prendre en compte cette volonté d’éviter la saturation.

Le château de Villers-Cotterêts devrait ouvrir au public au printemps 2023. Je suis confiante quant au respect de ce calendrier. La définition du projet culturel est en cours, avec un groupe de quatre commissaires scientifiques, composé de l’académicienne Barbara Cassin, de Xavier North, ancien responsable de la délégation à la langue française et aux langues de France au ministère de la culture, de Zeev Gourarier, ancien directeur des collections du Mucem et d’Hassan Kouyaté, directeur du festival des francophonies de Limoges. Ils travaillent sur le parcours permanent de visite et sur un programme d’expositions, de concerts et de films qui viendra l’enrichir. Le site sera doté d’un auditorium et de résidences d’auteurs et d’artistes, avec une douzaine de lieux qui seront mis à leur disposition. Nous espérons également accueillir des entreprises de pointe dans les technologies de la langue, l’apprentissage du français ou la traduction.

Concernant le financement du Centre national de la musique, plusieurs hypothèses, que j’avais évoquées lors de ma précédente audition, restent envisageables mais nécessitent une expertise plus approfondie. La Première ministre a confié au sénateur Julien Bargeton une mission parlementaire sur le financement de la filière musicale et son avenir. Nous aurons donc l’occasion de revenir sur le sujet. Pour l’année 2023, le CNM pourra disposer, outre d’un budget du ministère de la culture en hausse et d’une enveloppe spécifique de 900 000 euros pour accompagner la transition écologique, de reliquats du plan de relance. Ceux-ci, en cours d’évaluation, devraient atteindre 10 à 12 millions d’euros, ce qui laissera au secteur le temps de mûrir sa réflexion et la concertation – sur cette question du financement, la filière reste divisée et le consensus n’est pas simple.

Le programme Mondes nouveaux a suscité beaucoup d’engouement. Plus de 3 000 dossiers ont été déposés et 264 projets ont été retenus. Le comité chargé de cette sélection était composé de personnalités très diverses, dont – je le précise pour répondre à la question de la représentativité en outre-mer – Julien Creuzet. Cet artiste de Martinique a des contacts avec l’ensemble des territoires ultramarins.

Parmi les 264 projets sélectionnés, certains étaient portés par des collectifs d’artistes, ce qui rendait les catégories que nous avions essayé de définir inadaptées à cette nouvelle réalité. Les artistes aujourd’hui travaillent en lien : architectes, danseurs, musiciens, compositeurs ou designers dépassent le cadre des disciplines traditionnelles, créant ainsi une véritable dynamique.

Le comité de sélection a pris en considération à la fois l’originalité des projets mais aussi leur ancrage dans le lieu qui était choisi – site patrimonial ou naturel, ou même Ehpad, université, école ou place publique –, et a cherché à établir un équilibre dans la répartition géographique ainsi qu’entre les champs artistiques et les âges. Certains lauréats ont une vingtaine d’années et sortent à peine des écoles d’art, tandis que d’autres ont plus de 70 ans. Une cartographie des projets est théoriquement en ligne sur le site du ministère de la culture – si elle n’y figure pas, je vous la transmettrai.

Tous les projets ne sont pas complètement aboutis parce qu’ils s’inscrivent dans des temporalités différentes. Il est difficile de comparer le projet d’Hélène Frappat à la basilique de Saint-Denis avec des projets nécessitant des constructions d’architectes ou des chorégraphies avec quarante danseurs, qui ont besoin de plus de temps pour se mettre en place. Nous devons continuer à les accompagner, tout en lançant une nouvelle génération de projets, probablement à la rentrée 2023.

Le déménagement à Pantin du Centre national des arts plastiques (Cnap), qui était prévu en 2024, disposait d’une enveloppe de 68 millions d’euros. Celle-ci devrait être dépassée. Une étude est en cours pour évaluer les potentiels surcoûts et les conséquences sur le calendrier.

S’agissant du pass culture, il n’a jamais été question qu’il soit l’unique politique de l’éducation artistique. D’autres dispositifs existent, comme École au cinéma, Collège au cinéma ou Lycéens et apprentis au cinéma. Nous menons aussi une politique d’éducation artistique à l’école primaire, qui n’est pas concernée par le pass culture. Beaucoup d’actions sont proposées par des structures sociales ou associatives en dehors du temps scolaire.

Nous avons précisément souhaité faire évoluer le pass culture pour créer une meilleure jonction avec notre politique d’éducation artistique, et le déployer au collège et au lycée, en lien avec les enseignants pour soutenir les projets que ceux-ci souhaitent développer pour leurs classes. De la quatrième à la terminale, 25 euros par élève sont consacrés à soutenir des projets collectifs. Cette mesure sera étendue aux classes de sixième et cinquième dès la rentrée.

Les sorties collectives organisées par les enseignants s’orientent prioritairement vers le spectacle vivant, théâtre et cinéma en tête. Il y a là de quoi se réjouir eu égard à la baisse de fréquentation que plusieurs d’entre vous ont mentionnée.

S’agissant du patrimoine, l’État n’a jamais engagé des moyens aussi importants pour sa rénovation, sa restauration et sa valorisation – 1,1 milliard d’euros dans le PLF2023. Le loto du patrimoine apporte également des moyens complémentaires, mais crée en plus une mobilisation citoyenne. Plus de 750 sites ont été sauvés en cinq ans, dont plus de la moitié n’étaient ni classés ni inscrits – pour ceux-là, en application d’une loi de 2004, l’État n’est pas tenu d’intervenir. Grâce au loto du patrimoine, la nécessité d’inscrire ou de classer un monument est parfois mise en évidence, et c’est arrivé à plusieurs reprises.

Des conventions pluriannuelles existent pour le patrimoine. Nous avons, heureusement, une telle vision, notamment avec le « plan cathédrales », mais également dans le cadre du fonds incitatif et partenarial, et de l’ensemble de notre politique de contractualisation.

La baisse de la fréquentation atteint environ 25 % pour l’ensemble des secteurs culturels. La comparaison avec d’autres pays montre toutefois que notre écosystème est plus résilient et que les Français restent avides de culture. En Italie, qui est un grand pays de cinéma, la fréquentation des salles a baissé de 60 % ; elle a reculé de 40 % en Espagne et de 30 % à 40 % aux États-Unis. Certes, le fléchissement peut sembler inquiétant mais notre réseau de salles, de distributeurs et de producteurs de films a permis de maintenir une dynamique.

Ne tirons pas de conclusions à partir des seuls chiffres du mois de septembre, qui est structurellement mauvais pour le cinéma. Je suis certaine que les vacances de la Toussaint vont relancer la fréquentation. Nous lancerons d’ailleurs, le 26 octobre, une campagne de communication pour inciter les Français à retrouver l’émotion du cinéma sur grand écran. Nous la finançons à hauteur de 1 million d’euros, avec la Fédération nationale des cinémas français.

Au passage, le pass culture, encore lui, a permis de financer 2,5 millions de places et d’attirer un public jeune dans les salles. Le public qu’il faut inciter à revenir est principalement celui des plus âgés. Celui-ci va moins au cinéma, peut-être par peur du covid ou à cause des tarifs ou de problèmes de transport.

Notre mobilisation est forte, avec cette campagne de communication, le pass culture ou les dispositifs d’éducation à l’image pour construire les publics de demain. Lors du festival de Deauville, j’ai également annoncé une aide supplémentaire de 4 millions d’euros pour les distributeurs. Avec le CNC, nous maintenons notre soutien à tous les maillons de cette filière cruciale pour nos industries créatives.

Madame Spillebout, vous souhaitez que les écoles d’architectures soient plus nombreuses ou offrent plus de places. Pour 2023, mon action visera d’abord à améliorer le bien-être des étudiants et à venir en aide à ceux qui se trouvent en difficulté, à revaloriser les professeurs et à investir dans les écoles qui ont besoin de travaux. Le budget est en hausse notamment pour répondre à ces enjeux.

Je suis également convaincue de la nécessité de développer l’éducation aux médias, un sujet que nous évoquons régulièrement avec mon collègue Pap Ndiaye. Celui-ci sera abordé dans le cadre des états généraux du droit à l’information. C’est effectivement dès le plus jeune âge que nous devons aider les jeunes générations à trouver les informations et à les décrypter, pour distinguer le vrai du faux.

Je ne partage pas le constat très alarmiste de Mme Loir sur l’état de notre patrimoine, qui serait en train de s’écrouler. Nous avons été très ambitieux dans ce domaine, y compris dans le plan de relance.

J’entends régulièrement que les crédits sont concentrés à Paris – mais j’entends aussi que nous n’aidons pas assez le musée du quai Branly, le Centre Pompidou ou d’autres établissements de la capitale. Dans le « plan cathédrales », l’Île-de-France n’a bénéficié que de 4,4 % des crédits, ce qui signifie que 95,6 % du budget était destiné aux régions. Pour les monuments historiques, la proportion est semblable, avec 11 % pour la première et 88 % pour les autres. Notre politique du patrimoine est donc pleinement tournée vers les territoires. Le loto du patrimoine sélectionne un site par département tous les ans, ainsi qu’un site par région. Aucun département n’est oublié, y compris en outre-mer.

Environ un tiers de nos monuments historiques relèvent du patrimoine religieux. Le plan de sécurisation des cathédrales constitue, pour moi, une priorité. Nous ne voulons pas revivre le drame de la cathédrale de Nantes ou celui, qui est évidemment dans toutes les mémoires, de Notre-Dame de Paris. Des travaux sont engagés dans quatre-vingt-sept cathédrales. Depuis la loi de 1905, celles-ci relèvent de la responsabilité de l’État alors que la plupart des églises sont la propriété des communes. Nous aidons toutefois ces dernières au travers des Drac, qui consacrent plus de 100 millions d’euros par an au patrimoine religieux. Parmi les 576 projets soutenus entre 2018 et 2021 par le fonds incitatif et partenarial, dans lequel nous intervenons avec les régions, 82 % concernaient des édifices religieux protégés au titre des monuments historiques. Et environ un quart des projets financés par le loto du patrimoine appartiennent au patrimoine religieux.

Précisons que le patrimoine religieux s’entend pour l’ensemble des cultes, qu’il s’agisse des temples protestants, des synagogues ou des mosquées. La mosquée de Tsingoni à Mayotte, qui date du XVIe siècle et est la plus ancienne de France, a ainsi bénéficié du loto du patrimoine.

Madame Legrain, vous avez cité Aurélie Filippetti et moi-même, pour comparer le budget pour 2023 avec les chiffres d’il y a dix ans, j’ai pris son premier budget en tant que ministre de la culture, en 2013. Celui-ci était de 3,1 milliards d’euros, en baisse de 138 millions d’euros par rapport à l’année précédente. Je vous laisse mesurer le chemin parcouru et l’ambition dont nous avons fait preuve, avec des crédits en augmentation constante depuis 2017.

En ce qui concerne les coûts de l’énergie, nous apporterons notre soutien aux institutions les plus en difficulté, mais notre priorité est de les accompagner dans la réduction de leurs dépenses. Nous devons apporter des solutions de court terme, pour passer l’automne et l’hiver, mais nos engagements en faveur de la décarbonation de la culture s’inscrivent dans le long terme, avec un phasage des travaux. Nous travaillons en partenariat avec les collectivités, qui sont également soucieuses de mener cette transition écologique.

Monsieur Habert-Dassault, vous sembliez assez nuancé sur le pass culture. J’aimerais un jour vous inviter rue de Valois pour rencontrer des jeunes qui en bénéficient et qui en sont devenus les meilleurs ambassadeurs, en particulier sur les réseaux sociaux. Certains d’entre eux n’étaient jamais allés au cinéma ou à un concert. D’autres ont pu apprendre à jouer de la musique, car le pass culture permet aussi de financer des cours, d’acheter un instrument ou de louer un studio pour répéter. Il est un outil au service du développement des pratiques artistiques.

Le pass culture profite principalement à la lecture et aux livres, et pas uniquement aux mangas, contrairement à un cliché qui circule trop souvent. Les jeunes achètent certes beaucoup de mangas, mais ceux-ci ne représentent pas la majorité des dépenses. Ils plébiscitent aussi les romans, les ouvrages sur le féminisme ou le climat, voire sur la cuisine. Plus de 60 % des jeunes qui entrent dans une librairie pour acheter un manga en ressortent également avec un autre livre, car la magie du libraire est de les ouvrir à d’autres horizons.

Contrairement à l’algorithme, dont le principe est de toujours proposer des expériences similaires, le pass culture agit comme un antialgorithme en orientant les jeunes vers des découvertes artistiques qu’ils ne feraient pas spontanément. Beaucoup d’acteurs culturels se sont engagés pour proposer des expériences singulières, participatives et originales aux jeunes du pass culture. Pour les attirer au musée, pour lesquels la barrière n’est pas tarifaire puisque la plupart leur offrent la gratuité, il faut une programmation un peu atypique, comme la visite nocturne à la lampe torche organisée par le musée des beaux-arts de Caen. Dans le registre du spectacle vivant, l’année dernière, l’Opéra de Paris avait mis en ligne 1 500 ou 2 500 places à destination de ce public : elles ont été écoulées en deux heures.

L’attrait est donc réel pour l’ensemble des champs artistiques concernés par le pass culture, qui est principalement utilisé, dans l’ordre, pour les livres, la musique et le cinéma. Le spectacle vivant est un peu en retrait pour la partie individuelle mais il est majoritaire pour le volet collectif, ce qui permet un rééquilibrage et assure le lien avec notre politique d’éducation artistique.

Je vous rejoins en ce qui concerne la problématique des transports. Pour le pass culture collectif, les collectivités les prennent théoriquement en charge. C’est le cas dans beaucoup de départements, notamment en Bretagne, mais on sent des disparités territoriales. Des réflexions sont donc en cours pour améliorer la mobilité, notamment en zone rurale – forfaits pour les groupes, systèmes de navettes ou encouragement au covoiturage pour les jeunes de 18 ans.

Madame Bannier, j’ai déjà répondu au sujet des monuments non protégés. Le loto du patrimoine constitue notre principal levier de mobilisation et de financement. Depuis la loi de 2004, le budget du ministère de la culture est destiné aux monuments protégés, donc inscrits et classés.

Monsieur Echaniz, vous semblez contester les chiffres du pass culture. Nous disposons de toutes les données et sommes prêts à les partager avec vous en toute transparence. Deux millions de jeunes profitent du pass culture et de plus en plus de structures entrent dans le dispositif.

Monsieur Patrier-Leitus, les métiers d’art concernent également ma collègue Olivia Grégoire, qui est en charge de l’artisanat et des petites et moyennes entreprises et des lycées professionnels. Il y a un enjeu à susciter des vocations assez tôt, car les métiers du patrimoine sont des métiers d’avenir pour notre jeunesse, qui offrent d’importants débouchés. Nous allons travailler sur la formation et l’ancrage territorial de manufactures, comme nous avons commencé à le faire dans le plan de relance. L’innovation est un autre axe à mobiliser, notamment avec le plan France 2030, comme moyen de préserver des savoir-faire. Un projet, dans la région Grand Est, consiste ainsi à numériser les gestes des artisans pour que leur savoir-faire ne disparaisse pas. Nous souhaitons par ailleurs travailler au rayonnement international de ces métiers, y compris dans les domaines du design et de la mode.

S’agissant du patrimoine local et des monuments privés non protégés, le nombre de dossiers déposés chaque année auprès de la mission Bern atteste du succès du loto du patrimoine. Avec 40 000 monuments historiques, le ministère de la culture a déjà de quoi faire, mais nous pouvons ponctuellement être amenés à classer et inscrire des sites qui ont un intérêt patrimonial. Le label Architecture contemporaine remarquable est également un moyen de soutenir des lieux plus récents.

Madame Taillé-Polian, je redis que le pass culture ne résume pas la politique du ministère de la culture en matière d’éducation artistique. Il n’est pas qu’un bon d’achat. Il permet de soutenir les pratiques artistiques et s’inscrit désormais dans une logique collective. Avec sa classe, un professeur peut inviter un auteur en résidence, aller au cinéma ou au théâtre ou mener un projet avec un artiste tout au long de l’année. Un budget de 25 euros par élève, c’est tout de même un apport significatif.

Le pass culture collectif est majoritairement orienté vers le spectacle vivant, ce qui est beaucoup moins vrai pour le pass culture individuel. Je reconnais que des efforts d’incitation restent nécessaires, en particulier pour le théâtre. Des propositions inédites, comme celles du festival d’Avignon qui a organisé des rencontres avec des artistes, la visite des coulisses ou la découverte des répétitions dans la cour d’honneur du Palais des Papes, ont ainsi soulevé un engouement énorme. Il revient donc aussi aux structures du spectacle de diversifier leur offre.

Les crédits de la culture sont en grande majorité déconcentrés. Depuis très longtemps, la politique culturelle de la France repose sur un partenariat entre l’État et les collectivités territoriales, qui apportent environ les deux tiers des ressources. Sans leur engagement, rien ne serait possible. D’ailleurs, en visite hier à Strasbourg, j’ai fait part à la maire de la ville de mon incompréhension face à sa décision de fermer les musées à l’heure du déjeuner et une journée supplémentaire par semaine. Peut-on, au nom de l’écologie, et alors que l’on prône l’accès à la culture de tous les publics, fermer les musées aux heures où les étudiants et les actifs peuvent s’y rendre ? Cela me semble tout à fait en contradiction avec l’engagement que votre couleur politique est censée manifester.

Monsieur Maillot, l’outre-mer est très présent dans l’ensemble de nos actions. Le programme Mondes nouveaux a porté une attention particulière aux artistes de ces territoires et aux projets qui s’y déploient. Nous poursuivons, en outre, le pacte pour la visibilité, lancé par ma prédécesseure, Roselyne Bachelot. Notre attention se porte également, en matière de patrimoine, sur les monuments dans toute leur diversité, y compris sur les sites présentant une dimension mémorielle. Comme vous nous y invitez, nous sommes pleinement mobilisés pour faire tomber les barrières.

Enfin, monsieur Lenormand, je pense avoir apporté des réponses à toutes vos questions sur l’inflation, l’augmentation des coûts de l’énergie et le pass culture.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux questions des députés.

M. Christophe Marion (RE). Votre ambition de développer les métiers d’art se traduit dans le PLF 2023 par un renforcement de 5,5 millions d’euros des moyens alloués aux manufactures nationales et par le financement d’appels à projets dans le cadre du plan France 2030.

Vous avez annoncé récemment vouloir poursuivre ces investissements dans le cadre d’un plan d’action en faveur du développement économique territorial et professionnel de ces filières d’excellence. Le sujet m’intéresse particulièrement, puisque le Vendômois bénéficie de la présence de multiples artisans d’art, rassemblés chaque année au Salon du château de Fretay, et entend mettre en valeur ses talents locaux de renommée internationale, voire développer des filières de formation. Ce plan de soutien vise à renforcer l’attractivité de ces métiers, notamment auprès des jeunes. S’appuiera-t-il sur l’éducation artistique et culturelle, sur l’information fournie par les conseillers d’orientation, sur le renforcement des relations entre les écoles et les entreprises, sur le pass culture ou encore sur la politique de rénovation du patrimoine ?

Mme Angélique Ranc (RN). Votre ministère porte la responsabilité, à travers l’application de la loi Toubon, de la protection du patrimoine linguistique français. Ainsi, des obligations restrictives s’appliquent afin d’indiquer les abus de langage, comme les anglicismes, mais également toute autre forme de déviance du vocabulaire, de la grammaire et de la conjugaison. Ces dernières sont fragilisées depuis des dizaines d’années par le niveau de pauvreté grandissant de l’apprentissage du français, mais également par l’ouverture d’esprit excessive de la société et du Gouvernement. À force de dire oui à tout, sous prétexte de liberté, on se retrouve à lire des livres ou des rapports entièrement raturés et détruits par des idéologies extrêmes telles que l’écriture inclusive.

Quelle est la position exacte du Gouvernement à ce sujet ? Que comptez-vous faire pour rétablir la légitimité et le respect de notre langue, internationalement reconnue ?

M. Quentin Bataillon (RE). Je souhaite évoquer l’accès aux grandes œuvres nationales, voire internationales, dans les musées et établissements culturels non parisiens. C’est à la fois un enjeu de culture pour nos concitoyens, un enjeu d’égalité, un enjeu d’attractivité pour ces établissements, voire, dans certains projets, un enjeu pour la transition énergétique.

Les musées nationaux ont passé des conventions avec les musées situés dans nos territoires. Toutefois, deux importants blocages empêchent nos musées d’accueillir ces œuvres, même temporairement : les frais de transport et les frais d’assurance. Plusieurs dispositifs ont été proposés, notamment par Yves Nicolin, maire de Roanne et ancien député. Comment lever ces deux blocages ? Comment mieux faire circuler ces œuvres ?

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Je vous remercie, madame la ministre, de partager avec nous ce moment kafkaïen, puisque nous ne savons pas trop ce qui restera de nos débats après le troisième recours à l’article 49, alinéa 3, et que nous ignorons même à quel moment il interviendra.

La culture est une condition essentielle de l’émancipation de toutes et tous ; ce n’est en aucun cas un supplément d’âme. J’aimerais vous interroger non pas sur ce qui figure dans le projet de loi de finances pour 2023, mais précisément sur ce qui n’y figure pas. Les collectivités territoriales contribuent pour 70 % à la dépense culturelle publique. Or elles connaissent une flambée des factures énergétiques, que le Gouvernement a refusé de compenser. À Marseille, par exemple, la facture énergétique est passée de 20 millions d’euros à 45 millions d’euros.

En conséquence, depuis quelques mois, les collectivités annoncent les unes après les autres une baisse de leur budget dédié à la culture. L’inquiétude est grande dans le monde culturel : seront-elles en mesure de continuer à soutenir les arts et la culture à un niveau suffisant ? Elles sont soumises à un régime drastique d’économies imposé depuis plusieurs années. Que comptez-vous faire pour que les acteurs culturels ne payent pas la facture de la spéculation sur les marchés de l’énergie et du désengagement des collectivités territoriales ?

M. Alexandre Portier (LR). Le cinéma, fleuron de la culture française, est le grand absent de ce budget. On connaît les particularités de son mode de financement, à travers le CNC. D’après celui-ci, la fréquentation des cinémas français a chuté de 20 % en un an et de 33 % en deux ans. En septembre 2022, elle était à un niveau historiquement bas, le plus bas depuis 1980, année où l’on a commencé à faire des statistiques. Entre la concurrence des plateformes de streaming et la crise sanitaire, la santé économique des salles de cinéma est en plein effondrement. À la frilosité des spectateurs s’ajoute l’envolée de la facture énergétique, qui représente jusqu’à 10 % du chiffre d’affaires de certaines salles, et le coût de la modernisation des projecteurs, jusqu’à 50 000 euros par salle. Il faut donc promouvoir une vraie politique d’investissements.

Comment ce budget peut-il rester muet sur la grave crise que connaissent les cinémas français ? Ne devrait-il pas être assorti d’un plan d’ampleur en leur faveur ?

Mme Véronique Riotton (RE). En ma qualité de présidente du Conseil national de l’économie circulaire, je suis ravie d’entendre votre engagement sur la transition écologique dans le monde de la culture. Je suis une fervente défenseuse à la fois de la culture et de la transition écologique. Toutefois, dans le budget, il existe un sujet qui oppose ces deux mondes : la question de la rémunération pour copie privée. Depuis un certain temps, celle-ci fait l’objet de contentieux, dont l’enjeu s’élève à plusieurs millions d’euros. Les reconditionneurs, notamment, estiment ne pas avoir à inclure cette redevance dans leur prix de vente, puisqu’elle a déjà été payée lors du premier achat. À la grande différence de Back Market, que l’on agite parfois comme un épouvantail, les reconditionneurs sont des TPE et des PME qui réalisent une marge assez faible, notamment si l’on tient compte de la TVA.

Pouvons-nous compter sur vous pour que Copie France abandonne ces contentieux ? Êtes-vous disposée à trouver un autre système qui réconcilie l’économie circulaire et la culture ?

Mme Fabienne Colboc (RE). Parce que la culture est un formidable levier d’émancipation, elle est profondément liée à la jeunesse, qui aspire à la connaissance, à la création, à l’ouverture au monde et aux autres, à la confrontation. Lorsque les enfants participent à la création artistique, nous savons combien ils prennent confiance en eux, aiguisent leur regard, développent leur esprit critique et deviennent des citoyens mieux aguerris.

La jeunesse est au cœur de vos priorités. Vous poursuivez et renforcez les nombreuses actions engagées sous le précédent quinquennat : le pass culture, les politiques d’éducation artistique et culturelle, le plan Lecture, le cinéma, l’accès aux musées, l’éducation aux médias. La culture pour la jeunesse vit aussi grâce aux collectivités territoriales et aux associations culturelles ancrées dans nos villes et nos villages. Avoir une politique culturelle en faveur de la jeunesse, c’est aussi soutenir leur avenir professionnel, les industries créatives et culturelles étant celles qui emploient le plus de jeunes.

Le budget de la culture que vous nous présentez pour 2023 est en augmentation de 7 % par rapport à 2022. Quelle part de ce budget ira à la démocratisation de l’accès à la culture en faveur de la jeunesse ? Quelles politiques culturelles vis-à-vis de la jeunesse souhaitez-vous renforcer ?

Mme Cécile Rilhac (RE). Ce budget pour 2023, une nouvelle fois en hausse, permettra de poursuivre les actions destinées à favoriser l’accès à la culture pour tous, partout sur notre territoire. Vous nous avez dit à plusieurs reprises avoir pour ambition que les projets culturels irriguent les territoires.

Les Micro-Folies sont des musées numériques modulables, que l’on peut installer partout en France dans un espace existant et qui permettent de rapprocher la culture de nos concitoyens. Je tiens à saluer l’investissement de l’État, qui a implanté trois Micro-Folies dans ma circonscription du Val-d’Oise – à Bessancourt, à Montigny-lès-Cormeilles et à Taverny. Si les Micro-Folies visent à toucher un large public, force est de constater qu’il existe encore des inégalités de répartition, dont souffrent particulièrement les QPV et les zones rurales.

Le ministère de la culture s’est lancé dans un plan ambitieux visant à déployer 1 000 Micro-Folies sur l’ensemble du territoire national d’ici à la fin de l’année 2022. Quelles sont les dispositions budgétaires prévues pour poursuivre ce déploiement ? Il s’agit de démocratiser l’accès à la culture, notamment dans les territoires qui comptent peu d’équipements culturels.

Mme Anne Brugnera (RE). Je relève avec satisfaction une hausse tant du budget consacré aux diagnostics archéologiques que des crédits destinés aux Drac pour les fouilles programmées. Élue lyonnaise, je sais l’importance patrimoniale des fouilles et les surcoûts que celles-ci entraînent pour les travaux. À titre d’exemple, le projet Fourvière, qui consiste à réaménager l’esplanade et à rénover les bâtiments classés qui entourent la basilique, a été engagé avec beaucoup de précautions et de nombreuses fouilles se rapportant à Lugdunum. Le projet a bien évidemment bénéficié du soutien de la Drac, et je m’en réjouis. Par contre, les collectivités territoriales – la ville et la métropole – s’en sont retirées, plongeant le projet dans de grandes difficultés financières. Hélas, le cas de Lyon n’est pas unique : la vie culturelle, ses institutions et ses acteurs sont pris dans un ping-pong politique entre région et villes, qui se retirent ou diminuent leurs subventions. Bien sûr, le ministère n’a pas vocation à se substituer aux collectivités territoriales, mais comment peut-il aider nos artistes et nos institutions culturelles ?

M. Bertrand Sorre (RE). Lors de la crise sanitaire de la covid-19, les fanfares et harmonies ont été, elles aussi, lourdement affectées par les restrictions administratives. Or ces formations musicales sont essentielles pour la dynamisation de notre territoire, car elles font partie des pratiques artistiques et culturelles qui permettent de fédérer des personnes de tous âges et de tous horizons, notamment en ruralité. Votre prédécesseure, en lien avec le ministère de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, avait élaboré le plan Fanfare pour cette année 2022. L’État a fait le choix de soutenir ce plan sur deux ans, avec 2 millions d’euros de crédits de fonctionnement.

Près d’un an après son lancement, pouvez-vous faire un bilan d’étape de ce plan et un point sur la consommation des crédits pour l’année 2022 ? Les modalités demeureront-elles inchangées en 2023 ou sont-elles appelées à évoluer ? Entendez-vous poursuivre ce soutien, une fois les crédits consommés ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Merci d’avoir souligné l’importance des Micro-Folies, que j’aurais dû évoquer lorsque j’ai décrit notre action territoriale. Le plan de déploiement est assez intensif. À ce jour, 294 Micro-Folies ont été ouvertes – 135 dans des QPV, 66 dans des territoires Action cœur de ville, 118 dans des territoires ruraux, 92 dans des Petites villes de demain – et 450 sont en cours de déploiement. Le budget pour 2023 s’établit à 3 millions d’euros.

Merci également d’avoir mentionné les fanfares et harmonies. J’étais récemment dans le Nord, à Avesnes-sur-Helpe et à Gommegnies, pour annoncer la reconduction du plan Fanfare, à hauteur de 1 million d’euros par an. Le budget a été intégralement consommé en 2021 et 2022. Nous avons soutenu 514 projets, dont 48 % dans les zones rurales. J’ai pu me rendre compte de l’importance de ces formations, qui fédèrent les générations, qui ont pour certaines une histoire de 150 ou 200 ans et perpétuent des traditions liées, notamment dans le Nord, à l’industrie minière. Les fanfares d’aujourd’hui font preuve d’une réelle vitalité. Les modalités de soutien semblent avoir donné satisfaction, mais je suis à votre écoute concernant d’éventuels ajustements ou améliorations.

Un rapport sera remis très prochainement sur la rémunération pour copie privée. Nous pourrons échanger sur ce fondement.

Bien évidemment, nous n’avons pas oublié le cinéma. Le budget du CNC s’élève à 711 millions d’euros. Connaissez-vous un autre pays dans le monde qui consacre une telle somme au soutien du cinéma ? S’y ajoutent 350 millions d’euros dans le cadre du plan France 2030, affectés au développement des formations pour les talents aussi bien techniques que créatifs – citons entre autres le nouveau site de l’école CinéFabrique à Marseille et un campus de l’école Gobelins – et à la modernisation des infrastructures de production, c’est-à-dire des studios de tournage et de postproduction. Enfin, la campagne que j’ai annoncée sera financée par un budget de 1 million d’euros.

Nous soutenons ainsi, en lien avec les collectivités territoriales, l’ensemble des maillons de la filière : producteurs, distributeurs, exploitants, auteurs, réalisateurs, organisateurs de festivals, infrastructures de production. Je précise que les mécanismes d’aide du CNC ont été assouplis : les salles de cinéma pourront utiliser leur compte de soutien, en principe réservé aux investissements, pour payer leurs factures d’énergie lorsqu’elles flambent.

Je suis tout à fait d’accord avec ce qui a été dit sur les métiers d’art et sur la circulation des œuvres et des expositions.

Après deux ans de ralentissement, nous comptons bien déployer de nouveau des œuvres et des expositions à l’international, en lien avec le réseau culturel français à l’étranger, notamment les résidences d’artistes. C’est parfois par ces résidences que les projets d’expositions se montent. Pour leur part, les musées internationaux préfèrent souvent construire un nouveau projet avec des artistes qu’ils invitent, plutôt que d’accueillir une exposition existante « clés en main ».

S’agissant de la langue française, je préfère évoquer les actions concrètes que nous finançons pour soutenir la traduction, l’édition et la diffusion du livre en français, en particulier dans les pays francophones. Je suis très attachée aux librairies francophones, ayant découvert mon amour pour le français dans l’une d’entre elles, au Liban. Je sais à quel point elles jouent un rôle crucial pour diffuser la culture et la diversité culturelle dans de nombreux pays. Le ministère met en œuvre, avec le Centre national du livre (CNL), un plan de soutien des librairies francophones. Nous avons débloqué un budget de 500 000 euros pour soutenir des librairies en grande difficulté – deux au Liban, une au Mali, une au Brésil. En outre, dans la continuité du Forum des mondes méditerranéens qui s’est tenu à Marseille, nous avons créé le dispositif Livres des deux rives, pour soutenir l’édition francophone, les projets littéraires et la lecture en langue française en Algérie, au Maroc et en Tunisie.

 


— 1 —

II.   EXAMEN DES CRÉDITS

Lors de sa réunion du jeudi 20 octobre 2022 à 14 heures 30, la commission examine pour avis les amendements sur la mission Culture du projet de loi de finances 2023 (n° 273 seconde partie) (Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis)([18]).

Article 27 et État B

Amendement II-AC231 de Mme Sarah Legrain.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous proposons de lancer un plan de recrutement de médiateurs culturels dans les établissements publics, parce que l’éducation artistique et culturelle est le fer de lance du service public de la lecture, et que le pass culture ne saurait s’y substituer en termes de démocratisation de la culture. Nous avons donc besoin de ce plan de recrutement dans les métiers de l’accompagnement culturel et de la médiation culturelle de proximité, qui fasse le lien avec les associations d’éducation populaire. De plus, ce plan de recrutement serait cohérent avec les objectifs donnés au sein de l’Éducation nationale par le parcours d’éducation artistique et culturelle défini par le socle commun de connaissances, qui est obligatoire et qui donne à l’élève – jusqu’au lycée – la possibilité de cultiver sa sensibilité, sa curiosité, son plaisir à rencontrer des œuvres, à les appréhender, en identifiant la diversité des lieux et des acteurs culturels de son territoire. Pour respecter les règles de recevabilité financière, nous proposons de transférer des crédits, mais nous appelons à lever le gage.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Si l’intention d’augmenter les moyens d’éducation artistique et culturelle en direction des élèves me paraît légitime, le montant de 800 millions d’euros consacré au recrutement d’une seule catégorie d’agents – les médiateurs culturels – me paraît hors de proportion, a fortiori si l’on compare ce montant aux 383 millions d’euros que l’État devrait consacrer, en 2023, à l’action Soutien et démocratisation à l’éducation artistique et culturelle.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC233 de Mme Sarah Legrain.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement de repli, nous proposons de jumeler tous les établissements scolaires classés en éducation prioritaire avec des établissements culturels. Notre amendement initial demandait ce jumelage pour l’ensemble des établissements, mais la mesure nous paraît particulièrement prioritaire pour les établissements d’éducation prioritaire. Depuis vingt ans, les plans d’austérité successifs ont coupé, dans les budgets, les effectifs des services publics de la culture, avec pour conséquence directe un creusement des écarts de pratiques culturelles. Alors que ces pratiques furent qualifiées de non essentielles durant la crise sanitaire, les inégalités persistent depuis la réouverture des établissements culturels consécutive à la fin du passe sanitaire. En 2018, les diplômés du supérieur étaient quatre fois plus nombreux que les peu diplômés à avoir visité un musée ou un monument au cours des douze derniers mois. 42 % des 20 % les plus riches déclarent aller au cinéma plus de trois fois dans l’année, contre seulement 17 % des 20 % les plus pauvres. Les pratiques culturelles différenciées en fonction des revenus sont encore plus fortes lorsqu’il s’agit d’assister à un spectacle ou de visiter un site culturel. Nous estimons donc important que l’Éducation nationale pallie cette inégalité d’accès aux pratiques artistiques.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Si je ne suis pas opposée à un partenariat privilégié entre établissements scolaires et culturels, je ne suis pas pour autant convaincue par le cadre trop rigide et onéreux proposé via cet amendement. Je m’interroge également sur la forme que prendrait le jumelage de chaque établissement scolaire avec un établissement culturel, de même que sur son impact sur la démocratisation de l’accès à la culture. Accrocher un établissement scolaire à un unique établissement culturel ne me paraît pas aller dans le sens de la promotion de la diversité culturelle.

Avis défavorable

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC236 et II-AC237 de M. Hendrik Davi.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Cet amendement vise à créer un fonds d’urgence à destination des musées pour couvrir la hausse des dépenses énergétiques. La ministre de la Culture Rima Abdul-Malak avait promis que la sobriété ne devait pas se faire au détriment de l’accès à la culture. Pourtant, faute de pouvoir assumer financièrement la hausse des coûts de l’énergie, la municipalité de Strasbourg a décidé de fermer les musées de la ville durant deux jours. Nous craignons la multiplication de ces fermetures. En effet, le budget 2023 du ministère comprend 56 millions d’euros en fonctionnement et 24 millions d’euros en investissement pour permettre aux lieux culturels de faire face aux dépenses énergétiques, mais la prévision du ministère n’est absolument pas à la hauteur des besoins des musées pour couvrir leurs dépenses et continuer d’accueillir du public sans avoir à réduire leurs jours d’ouverture. Nous proposons donc la création d’un fonds de soutien de 100 millions d’euros pour que la culture continue d’être mise à disposition de toutes et tous. Si ce fonds n’est pas utilisé, il serait toujours possible de réaffecter ces moyens à l’occasion d’un projet de loi de finances rectificative, mais cela éviterait les fermetures préventives.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Le PLF contient déjà des mesures afin de couvrir les évolutions futures des prix de l’énergie des établissements culturels. Cette inflation sera déjà prise en charge par l’enveloppe de 37,4 millions d’euros pour l’ensemble du programme Patrimoines, soit plus des deux tiers de l’inflation déjà couverts par cette enveloppe. Si je vous rejoins sur la probable insuffisance de ces mesures, les besoins devront faire l’objet de réévaluations durant l’année afin d’être évalués au plus juste. Il ne me paraît pas adapté de créer dès à présent un fonds dédié doté d’un tel montant.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements II-AC236 et II-AC237.

Amendement II-AC238 de M. Hendrik Davi.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Cet amendement de repli vise à augmenter seulement la subvention pour charges de service public versée au musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (Mucem) afin de couvrir la hausse des dépenses énergétiques. Le Mucem est l’un des rares musées nationaux hors région parisienne. En tant que Marseillais, je peux témoigner qu’il joue un rôle moteur dans notre ville, où la culture a longtemps été sous-dotée. Or dans le PLF 2023, la subvention pour charges de service public versée à ce musée est de 689 000 euros, ce qui est largement insuffisant. D’abord, le Mucem est l’un des musées dont la subvention augmente le moins fortement. Ensuite, le Mucem et les services administratifs ont annoncé une hausse des coûts de l’énergie de 1,31 million d’euros. Nous proposons donc d’augmenter la subvention pour charges de service public à la hauteur de l’augmentation du coût de l’énergie.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Je vous rejoins sur le constat que les frais d’énergie des établissements culturels devront probablement faire l’objet d’une meilleure compensation par l’État au cours de l’année 2023. Néanmoins, en l’état, je ne suis pas favorable à des augmentations immédiates. Avec une subvention pour charges de service public de 19,32 millions d’euros, l’amendement que vous proposez reviendrait à une augmentation de 6,8 %. Selon moi, l’inflation sera en grande partie prise en compte par l’enveloppe de 37,4 millions d’euros au programme 175.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Cet amendement que je soutiens me paraît d’autant plus nécessaire que les prévisions de charge qui ne sont pas à la hauteur des coûts réels estimés mettent en péril les budgets et les équilibres dans le cadre de conseils d’administration. Le rejet de cet amendement est d’autant plus dommageable qu’il risque de lourdement handicaper le projet Marseille en grand, priorité du Gouvernement, et de freiner les politiques éducatives dans certains établissements de Marseille et de sa région.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC227 de Mme Sarah Legrain.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous proposons de renforcer la place des enseignements artistiques dans les lycées en renforçant le programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture. Marginalisés par le nouveau baccalauréat, les enseignements artistiques sont en train de disparaître au sein du lycée. Les dernières réformes ont institué une école dans laquelle les contenus, les options et les spécialités proposés varient d’un établissement à l’autre, et les enseignements artistiques en font les frais. Les réformes successives du lycée professionnel ont également diminué les heures d’enseignement permettant aux élèves de disposer d’une culture commune. Derrière l’illusion de liberté que confèrent ces réformes de l’enseignement au lycée, les matières jugées moins essentielles ou moins utiles s’en trouvent marginalisées, tandis que l’élève se trouve enjoint à se spécialiser dès le lycée. Dans le cas des options artistiques, il revient au lycée de décider s’il en proposera parmi les parcours d’enseignement. Dès lors, l’option artistique devient un simple bonus, renforçant ainsi les disparités d’accès de la jeunesse à un enseignement aux arts et à la culture. Cette disparition progressive des enseignements artistiques au lycée a pour conséquence directe le renforcement des inégalités d’accès à la culture et donc la perte de démocratie culturelle. Cet amendement propose donc d’augmenter de 50 millions d’euros les moyens de soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle, en appelant à lever le gage.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Vous souhaitez augmenter le soutien à l’éducation artistique au lycée de 50 millions d’euros. Si l’on peut souscrire à votre ambition de revalorisation des enseignements artistiques au lycée, je m’interroge sur ce montant de 50 millions d’euros, qui viendrait abonder les 24 millions d’euros prévus en direction des pratiques culturelles et artistiques en temps scolaire de l’action 02 Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle. Le ministère de la culture est effectivement partenaire des enseignements de la spécialité Arts dispensée au lycée, mais une revalorisation des crédits de 50 millions d’euros me paraît sans doute excessive.

Avis défavorable.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Cette estimation de 50 millions d’euros repose évidemment sur les remontées des auditions menées dans le cadre des groupes politiques que nous représentons. Elle ne vient pas seulement en soutien aux politiques scolaires, mais aussi aux questions éducatives, qui ne se résument pas à l’enseignement dispensé par les enseignants. L’éducation à l’art ne se résume pas à la sensibilisation et aux sorties scolaires, mais aussi à l’apprentissage technique des méthodes éducatives artistiques, qui est parfois dispensé par des associations extérieures ou des partenaires de l’Éducation nationale, au lycée général comme au lycée professionnel, où il existe trop peu. À ce titre, il est nécessaire d’abonder les crédits en ce sens pour permettre aux enfants d’accéder à ces pratiques qui rapprochent par d’autres critères que les simples – sans aucun dénigrement – matières disciplinaires et académiques.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC225 de Mme Sarah Legrain.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous demandons la mise en place d’un véritable plan de lutte contre les violences et le harcèlement sexiste et sexuel et des plans de défense de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les arts et la culture. Si l’intention de mener ce combat est effectivement affichée dans le budget, la volonté politique n’y est pas, puisque les moyens ne sont pas mis en face de cette intention. Après l’éclosion du mouvement #MeTooThéâtre, la parole commence tout juste à se libérer. La cellule audience créée en juin 2020 a reçu plus de 320 appels, mais seulement six appelantes ont déposé plainte au pénal. Les responsables de la cellule constatent que la crainte d’être blacklisté est un vrai sujet, et la plupart des victimes n’osent pas dénoncer ces violences, dans un milieu où tout le monde se connaît. La notoriété de certains auteurs semble être aussi un frein à toute procédure. Or le caractère très masculin de l’environnement de travail – notamment des directions – est un facteur de développement des violences sexistes et sexuelles. De ce côté-là aussi, la culture pêche : sur les dix dernières années, une seule femme – sa nomination est intervenue il y a quelques jours – a dirigé un centre national ; les femmes ne représentent que 37 % des postes de direction des centres d’art dramatique nationaux ; elles ne mettent en scène que 35 % des spectacles programmés dans les théâtres nationaux ; elles n’étaient que 26 % d’autrices présentées dans les théâtres nationaux en 2018-2019. Les chiffres montrent ainsi la nécessité d’une véritable volonté politique, tout comme le demandent les associations en sollicitant 1 milliard d’euros – sur l’ensemble du budget – pour la lutte contre les violences sexistes et sexuelles, à laquelle la culture doit prendre sa part.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Vous souhaitez la création d’un nouveau programme avec un plan de lutte contre les violences sexuelles et sexistes de 30 millions d’euros. Si les enjeux abordés dans cet amendement doivent être pris très au sérieux, et si d’importants efforts restent à faire pour lutter contre ces violences dans le secteur de la culture, je ne suis pas convaincue par l’idée de créer un nouveau programme. À mon sens, l’effort doit porter au plus près des structures. En outre, il nous manque un état des lieux pour chiffrer les moyens à leur accorder pour qu’elles réalisent un travail de prévention et de lutte plus effectif. Le ministère doit certes donner plus de visibilité et d’efficacité à sa lutte contre les violences sexuelles et sexistes et le harcèlement, mais je rendrai un avis défavorable.

Avis défavorable

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Le budget auquel nous faisons référence est bien en deçà du plan ambitieux de 1 milliard d’euros proposé pour cette cause nationale et internationale. Même en intégrant la dimension internationale de cette cause, ce chiffre d’un milliard ne me parait d’ailleurs pas faire justice aux immenses besoins. Durant la période de la covid, le ministère de l’intérieur avait mis en place un numéro vert avec une association de parents d’élèves pour signaler les violences faites aux femmes, qu’il est difficile de faire émerger dans le cadre de l’intimité. À ce titre, il est regrettable que ces violences mises en avant par les personnels artistiques à l’occasion de différents festivals ne trouvent pas les fonds nécessaires pour structurer des institutions et des recours associatifs pour les prendre en compte au-delà du simple affichage et de la simple dénonciation. Cet amendement a bien pour but de structurer cette parole et de l’accompagner.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC223 de Mme Hendrik Davi.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous souhaitons revenir sur l’absence de statut des artistes-auteurs. Commandé par le ministre de la culture en 2019, le rapport Racine était très attendu par la profession. Hélas, de nombreuses recommandations –organisation rapide d’élections professionnelles, définition d’un contrat de commande prenant en compte le travail de création – sont largement restées lettre morte. Dans une tribune publiée dans Le Monde en avril 2021, des artistes écrivaient : « Comme un mauvais roman qui nous tombe des mains, comme une série qu’on abandonne à force de banalités, de répétitions et d’incohérences, la politique du Gouvernement en matière d’art et de culture semble régie par un seul principe : susciter de grands espoirs pour les décevoir presque immédiatement. » Aujourd’hui, les artistes-auteurs ne bénéficient ni d’un statut ni d’une protection sociale ni de représentant élu. Il convient donc d’organiser des élections professionnelles pour qu’ils aient le droit à un dialogue social. Les artistes-auteurs doivent avoir accès à des prestations sociales pour lesquelles ils cotisent. Nous proposons donc 50 millions d’euros pour qu’ils bénéficient de tous ces droits.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Cet amendement fait écho aux politiques gouvernementales défendues dans cette commission par la ministre de la culture. L’on ne peut prétendre lutter contre la production audiovisuelle nourrissant les Gafam et les plateformes numériques et ne pas défendre celles et ceux qui, dans notre pays, développent des productions d’auteur défendant ce que l’on appelait, il fut un temps, l’exception culturelle française. Afficher cette ambition sans disposer des droits et protections idoines – sachant que la France se veut à la pointe de la protection du droit d’auteur par rapport à d’autres pays – contreviendrait à l’affichage mis en avant par la ministre auprès de notre assemblée.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Certaines mesures visant à mettre en œuvre les préconisations du rapport Racine, reprises dans le plan Artistes-auteurs, seront déjà financées en 2023 : l’accompagnement de la recomposition du conseil d’administration de l’organisme de gestion de sécurité sociale des artistes-auteurs, via la désignation de ses membres par une enquête de représentativité ; la mise en place d’un portail numérique rappelant les règles juridiques, sociales et fiscales applicables aux auteurs ; l’amélioration des dispositifs d’aide aux auteurs au sein des différents centres nationaux. Les efforts doivent continuer, mais je ne suis pas favorable à la création d’un programme ad hoc.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC224 de Mme Sarah Legrain.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous proposons la création d’un centre national des artistes-auteurs, évoqué dans le PLF 2021, mais disparu l’année suivante et absent du PLF 2023. Or sans artiste-auteur, pas de culture, et leurs revendications sont multiples. La crise sanitaire a agi comme un révélateur des difficultés spécifiques qu’ils rencontrent. Le soutien en silos, par secteur de diffusion, organisé par le ministère de la culture n’est pas adapté aux artistes-auteurs, qui ont été confrontés à une sous-information et une multiplicité de dispositifs disparates dont la complexité a engendré des inégalités de traitement et de nombreux non-recours. Ce centre national des artistes-auteurs permettrait justement d’unifier et de recueillir leurs besoins spécifiques, par le biais : d’un observatoire ; d’un portail informatif ; d’un service de médiation permettant de dénouer les litiges entre artistes-auteurs et les acteurs de l’aval ; d’un pôle de négociation collective, les artistes-auteurs ayant besoin d’une protection et d’organisations professionnelles pour les défendre ; d’un dispositif de lutte contre les inégalités ; d’un fonds de soutien à la création artistique ; d’un fonds d’aide d’urgence pour endiguer les effets de la crise sanitaire. Bref, il est plus que temps de s’occuper de nos artistes-auteurs.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Comme pour le précédent amendement, je ne suis pas favorable à la création d’un programme ad hoc, d’autant que les mesures progressivement adoptées et mises en œuvre me semblent aller dans le bon sens.

Avis défavorable

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Autant je comprends la logique développée pour le précédent amendement, autant je ne la comprends pas dans le cas présent, puisqu’il s’agit de créer un organisme ayant fait ses preuves par le passé, notamment dans la défense des droits d’auteur et des auteurs brillamment défendus par Sarah Legrain. Soit l’on se dote d’un organisme sous contrôle d’État pour atteindre les objectifs affichés, qui ne sont pas d’ordre technique, soit l’on y renonce. Il ne s’agit pas de créer une institution complémentaire, mais de lutter contre la précarisation et l’ubérisation des métiers d’auteur, qui tendent à réduire les salaires du secteur et à freiner la création et la protection sociale des auteurs, alors qu’ils ne sont pas en marge de notre société au regard de leurs apports à la collectivité et à la République.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC19 et II-AC20 de Mme Sophie Blanc, et amendement II-AC93 de Mme Lisette Pollet

M. Roger Chudeau (RN). Ces amendements visent à abonder le programme Patrimoine, parce que la France compte environ 45 000 monuments historiques, dont un tiers de monuments classés, et parce que le patrimoine bâti est un trésor national. Malgré l’augmentation du budget de cette mission dans l’exercice 2023, le renchérissement des coûts des matériaux et de l’énergie rendront difficiles les travaux de réfection et d’entretien de notre patrimoine bâti. Nous tenons donc à abonder le programme Patrimoine d’au moins 15 millions d’euros. La culture, c’est ce qui reste lorsque l’on a tout oublié. Le patrimoine, c’est ce qui restera lorsque l’écume se sera retirée. Tâchons au moins de les sauver. C’est le sens de ces trois amendements.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Si je vous rejoins sur l’importance du patrimoine pour la vie culturelle et économique de notre pays, je ne suis pas sûre de la destination des 15 millions d’euros de financement demandés au titre de l’amendement II-AC19. Par ailleurs, je suis relativement réservée sur l’augmentation proposée au titre de l’amendement II-AC20, qui est très générale et sans objet spécifique, d’autant que je ne suis pas favorable à la diminution des crédits du programme 224. Enfin, même si je comprends que la baisse des crédits du programme 224 est proposée par nécessité de recevabilité, je suis réservée sur l’augmentation de crédits proposée au titre de l’amendement II‑AC93, qui est de portée générale et sans objectif précis, même si je partage votre souci de la préservation du patrimoine.

Avis défavorable

Mme Fabienne Colboc (Renaissance). Je rappellerai que le PLF prévoit, en matière de soutien au patrimoine : plus de 1 milliard d’euros pour la troisième année consécutive ; la mise en œuvre du loto du patrimoine ; la hausse du fonds incitatif partenarial en faveur des collectivités territoriales ; une augmentation de 7 % des autorisations d’engagement et de 7,5 % pour les crédits de paiement.

La commission rejette successivement les amendements II-AC19 et II-AC20 et IIAC93.

Amendement II-AC272 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Cet amendement vise à accroître de 3,5 millions d’euros le montant des crédits consacrés aux dépenses de fonctionnement et d’investissement pour les monuments historiques non détenus par l’État. Il s’agit d’apporter une aide plus conséquente aux collectivités territoriales et aux propriétaires privés détenteurs de monuments historiques. Afin de respecter les règles de recevabilité financière, la dépense supplémentaire de 3,5 millions d’euros des autorisations d’engagement et des crédits de paiement pour l’action 1 Monuments historiques et patrimoine monumental du programme 175 Patrimoines doit être gagée par une baisse équivalente de 3,5 millions d’euros des autorisations d’engagement et des crédits de paiement au sein de l’action 2 Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle du programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture, sans qu’il ne relève de l’intention de la rapporteure de voir les crédits de ce programme diminuer.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC136 et II-AC119 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Le premier amendement propose de mettre en place un dispositif d’avance remboursable sur cinq ans afin d’aider les entreprises de la filière du théâtre privé. Aujourd’hui, l’Association pour le soutien du théâtre privé (ASTP) constate les difficultés croissantes de la filière, dans un contexte de recul de la fréquentation des publics, impliquant une diminution de ses recettes, mais aussi dans un contexte de spirale inflationniste et d’augmentation des coûts de l’énergie et des matières premières. Afin d’accompagner les acteurs de la filière durant cette période délicate, et de leur donner le temps d’opérer les réformes qui s’imposent, l’ASTP propose de mettre en œuvre un système d’avance remboursable sur cinq ans en faveur des entreprises et associations de la filière, indexé sur la moyenne de leur chiffre d’affaires des exercices 2018 et 2019. Ce plan est estimé à 20 millions d’euros, que l’association pourrait financer à hauteur de 11 millions d’euros à partir des reliquats de crédits relatifs aux dispositifs d’urgence, de compensation et de relance dont elle dispose. 9 millions d’euros de financements complémentaires seraient nécessaires dans cette perspective. Enfin, le second amendement a pour objectif de financer l’ouverture nationale des actions de l’ASTP.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Au titre de votre premier amendement, vous sollicitez la création d’un système d’avance remboursable pour les entreprises du théâtre privé. Lors des auditions, j’ai pu constater que cette filière retrouvait des niveaux de fréquentation très inégaux, l’exposant à des risques pour la pérennité de certaines salles. Un dispositif d’avance remboursable partiellement financé par les reliquats de crédits d’urgence, de compensation et de relance me paraît effectivement adapté au modèle économique du théâtre privé, même s’il semble aujourd’hui difficile d’estimer les besoins futurs et de ne s’appuyer que sur le chiffre avancé par l’ASTP.

Avis de sagesse.

Votre second amendement demande le financement de l’ouverture nationale des aides de l’ASTP. Durant la crise sanitaire, cette association a démontré sa capacité à constituer un relais efficace dans la distribution des aides de l’État, et je vous rejoins sur la nécessité de trouver des financements pérennes pour le prolongement de cette action. Néanmoins, nous attendons des éléments plus précis pour évaluer au mieux les moyens effectivement nécessaires pour ce faire. Je vous demanderai donc un retrait de cet amendement afin qu’il puisse être retravaillé pour la séance. À défaut, j’émettrai un avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement IIAC-136.

L’amendement II-AC119 est retiré.

Amendement II-AC116 de Mme Maud Gatel

M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). Cet amendement dont je suis cosignataire vise à alerter sur la situation des enseignants contractuels des écoles nationales supérieures d’architecture (Ensa). On observe en effet une précarisation croissante des vacataires et des agents contractuels, dont la rémunération est placée au niveau du Smic, sans aucun rapport avec leur haut niveau de qualification, d’expérience ou d’ancienneté. Ces enseignants contractuels représentent pourtant 43 % du personnel éducatif de ces écoles. Leur rémunération est de 640 euros à mi-temps, en contradiction avec le décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l’État, qui prévoit que le montant de la rémunération est fixé en tenant compte des fonctions occupées, de la qualification requise pour leur exercice, de la qualification détenue par l’agent et de son expérience. Cette situation est préjudiciable à la qualité d’enseignement d’une profession si importante et réglementée, qui façonne et répare notre cadre de vie. Cette situation est injuste, car elle conduit à faire cohabiter au sein d’un même établissement, pour des tâches similaires, des rémunérations de catégorie A et des Smic horaires précaires. Cet amendement vise donc à mettre fin à une inégalité affectant le service public de formation des architectes et s’inscrit dans le cadre de la promesse du Président de la République de permettre à tous les enseignants de percevoir un salaire avoisinant 2 000 euros par mois.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Le PLF 2023 inclut déjà des crédits consacrés à la titularisation des enseignants des Ensa. En outre, la réforme statutaire de 2018 a abouti à la publication de plusieurs décrets concernant l’organisation administrative des Ensa et le statut des personnels enseignants, avec la création des corps de professeur et maîtres de conférences. Par ailleurs, la session 2021 du plan de titularisation des enseignants-chercheurs conduit au transfert de 16 équivalents temps plein travaillés (ETPT) depuis le plafond des emplois rémunérés par les écoles vers le plafond des emplois rémunérés par l’État, emplois financés par le titre 2 de l’action 07 du programme 224. La situation des enseignants-chercheurs a reçu l’attention du ministère, et dans le cadre de l’application de la loi pluriannuelle de programmation de la recherche, les carrières des enseignants-chercheurs du ministère de la culture ont été alignées, depuis le 1er septembre 2022, sur celles des enseignants-chercheurs du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, ce qui devrait constituer une amélioration. De plus, l’action 7 Fonctions de soutien du ministère me paraît financer, hors les dépenses de personnel, des dépenses très contraintes, que le ministère sera sans doute amené à réévaluer en cours d’année, notamment les dépenses d’énergie, et qu’il ne me paraît pas opportun de diminuer.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC9 de M. Philippe Ballard

M. Roger Chudeau (RN). Cet amendement a vocation à abonder à hauteur de 5 millions d’euros l’action 3 Langue française et langues de France du programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture. La langue française est un élément essentiel de la cohésion sociale et du rayonnement de la francophonie. Nous souhaitons aider davantage la délégation générale à la langue française et aux langues de France (DGLFLF), qui travaille notamment pour que l’État soit exemplaire dans l’emploi de la langue de la République, qui est souvent attaquée par toutes sortes d’anglicismes et également par l’action rampante de l’écriture inclusive. De plus, la DGLFLF a pour mission de favoriser l’appropriation et la maîtrise de la langue pour améliorer l’insertion dans la vie sociale, professionnelle et culturelle. Enfin, la francophonie – forte de 300 millions de locuteurs – a besoin que nous défendions notre langue commune. Notre amendement est gagé sur un retrait de 5 millions d’euros de l’action 1 Soutien à la création, à la production et à la diffusion du spectacle vivant du programme 131 Création.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Vous souhaitez augmenter les crédits pour la défense de la langue française. Celle-ci constitue évidemment un objectif important de la politique culturelle, et l’on peut regretter que les moyens budgétaires consacrés à cet objet – un peu plus de 4 millions d’euros – restent stables. Une augmentation du budget de cette action de 5 millions d’euros conduirait toutefois à plus que doubler les crédits, ce qui me semble excessif. Sur ce sujet, il conviendra d’être particulièrement vigilant à l’égard du projet pour la langue française et les langues de France que défendra la future cité internationale de la langue française à Villers-Cotterêts.

Avis défavorable

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC109 et II-AC110 de Mme Sophie Mette

Mme Sophie Mette (Dem). L’amendement II-AC109 vise à proposer une nouvelle répartition des crédits de la culture afin d’apporter un soutien au patrimoine linguistique. En effet les langues régionales sont une partie intégrante de notre culture, de notre histoire et de notre patrimoine comme l’indique l’article 75-1 de la Constitution. L’Unesco les jugeant en danger, l’école comme l’ensemble des politiques culturelles devraient être des relais de leur diffusion. Il convient donc d’aider à pérenniser la pratique des langues régionales, qui contribuent à la vitalité de notre territoire en participant à la valorisation de nos traditions et favorisent la transmission d’une mémoire.

L’amendement II-AC110 est un amendement de repli.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Vous souhaitez augmenter les crédits pour les langues de France au détriment du programme 224. Si je partage votre souci quant à la conservation et la protection des langues de France, je ne suis pas favorable à la diminution des crédits pour le programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la Culture. Une augmentation de 1 million d’euros en une année pour l’action Langue française et langues de France correspondrait à une progression de 24 % des crédits, ce qui me paraît trop conséquent.

Avis défavorable.

L’amendement II-AC110, de repli, vise à augmenter de 500 000 euros des moyens consacrés aux langues régionales. La progression des montants proposée est plus conforme à l’évolution générale des crédits de la mission.

Avis de sagesse.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Nous sommes plutôt favorables à cet amendement, car il est important de valoriser les langues régionales. Néanmoins, il est problématique que ces crédits ne soient pas pris au bon endroit. Nous choisirons donc de nous abstenir, mais si le gage était levé ou si les crédits étaient pris ailleurs, nous pourrions voter favorablement en séance.

La commission rejette successivement les amendements II-AC109 et II-AC110.

Amendement II-AC16 de M. Philippe Ballard.

M. Philippe Ballard (RN). Le secteur de la production et de l’ensemble des artistes et techniciens du spectacle vivant est en forte tension depuis plusieurs années, tension qui s’accroît avec l’inflation et une pénurie grandissante de main-d’œuvre. Cette hausse du prix des équipes de production est fortement due au comportement de prédateurs des Gafam, comme Netflix ou Amazon, qui accaparent les techniciens disponibles et accentuent cette tension au détriment des opérateurs français.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Je partage votre avis sur l’augmentation souhaitable du soutien à l’emploi pérenne dans le secteur du spectacle vivant, mais il convient de prendre en compte l’évolution des crédits du fonds national pour l’emploi pérenne dans le spectacle (Fonpeps), à nouveau augmentés en 2023 de 5 millions d’euros, pour atteindre un total de 27 millions d’euros. Autrement dit, une hausse semblable à celle que vous proposez a déjà été prévue. De plus, l’action 7 Fonctions de soutien du ministère me paraît, hors les dépenses de personnel, financer des dépenses très contraintes, que le ministère sera sans doute amené à réévaluer en cours d’année, et qu’il ne paraît donc pas opportun de faire diminuer. Je ne suis pas non plus en faveur de la diminution des dépenses du personnel, les moyens du ministère me paraissant déjà calculés au plus juste

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC271 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Nous constatons tous, dans nos territoires, ces besoins accrus d’expertise patrimoniale, les effectifs des unités départementales de l’architecture et du patrimoine apparaissant insuffisants, tandis que le nombre d’architectes des Bâtiments de France semble décliner progressivement, comme l’attractivité de cette carrière. Le présent amendement vise donc à accroître les autorisations d’engagement et les crédits de paiement de l’action 7 Fonctions de soutien du ministère du programme 224 Soutien aux politiques du ministère de la Culture de 3 millions d’euros afin de renforcer les moyens humains consacrés dans les directions régionales de l’action culturelle (Drac), notamment par le recrutement de nouveaux architectes des Bâtiments de France. L’amendement est gagé sur une diminution de 3 millions d’euros des autorisations d’engagement et des crédits de paiement de l’action 2 Soutien à la démocratisation et à l’éducation artistique et culturelle du programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture. Ne souhaitant pas de diminution des crédits de cette action, la rapporteure pour avis appelle le Gouvernement à lever ce gage.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC226 de Mme Sarah Legrain.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Le partage des savoirs et des qualifications artistiques est crucial, car l’art est essentiel pour l’émancipation de toutes et tous, mais aussi pour la cohésion de notre société. Par cet amendement, nous proposons l’exonération des frais d’inscription des étudiants boursiers dans les écoles supérieures d’art territoriales compensée par un financement de l’État. La diversité sociale et culturelle est l’un des trois axes d’action de l’État pour l’enseignement supérieur et la culture. Or il manque toujours aujourd’hui une action qui devrait précéder toute autre, l’égalité de traitement de tous les étudiants de l’enseignement supérieur public par rapport au remboursement des frais d’inscriptions pour les boursiers. En effet, les dispositifs existants pour les étudiants des universités et des établissements nationaux ne sont pas appliqués aux étudiants des écoles d’art. Le présent amendement vise donc à prévoir 2,5 millions d’euros afin que les écoles supérieures d’art territoriales puissent exonérer les étudiants boursiers des frais d’inscription.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Si je ne suis pas par principe opposée à l’exonération des frais d’inscription des étudiants boursiers dans les écoles d’art territoriales par l’État, il convient de souligner que les trente-quatre écoles d’art territoriales fixent librement leurs frais d’inscription sur décision de leur conseil d’administration, avec des modes de tarification très divers. Il semblerait donc judicieux de disposer de plus d’éléments avant de créer un fonds spécifique à cette exonération, pour mieux évaluer les montants qu’une telle compensation représenterait pour l’État.

Avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC229 de Mme Sarah Legrain.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous proposons de mettre en place un plan de titularisation des contractuels volontaires exerçant des fonctions pérennes au ministère de la culture et dans l’ensemble de ses établissements publics administratifs. Dans ce ministère, la proportion du nombre de contractuels est parmi les plus élevées de la fonction publique d’État. Près de la moitié de ses effectifs sont non titulaires et pourtant ces personnels exercent des missions permanentes pour lesquelles existent des corps de fonctionnaires. Les agents contractuels doivent pouvoir intégrer ces corps de fonctionnaires. Nous ne pouvons plus permettre qu’on condamne ces personnes à une telle insécurité et une telle précarité quotidiennes lorsqu’ils exercent les mêmes fonctions et les mêmes métiers que les personnels sous statut de fonctionnaire. Nous portons donc à votre attention la question de la titularisation des contractuels. Notre intention n’étant pas de baisser les crédits du programme 361, nous appelons le Gouvernement à lever le gage.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. La lutte contre la précarité des contractuels du ministère est un enjeu légitime, mais qui ne passe pas nécessairement par leur titularisation : un ministère doit en effet pouvoir garder une certaine flexibilité dans la gestion de ses emplois. Par ailleurs, des mesures existent dans le PLF, par exemple pour un accroissement de la rémunération d’activité de 4,9 %, hors impact de la revalorisation du point d’indice, pour améliorer les conditions d’emploi.

Avis défavorable.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). La question de la titularisation ne concerne pas seulement la problématique de la précarité. Lorsque la masse des contractuels devient plus importante ou, du moins, aussi significative que la masse des titulaires, nous faisons face à un phénomène structurel de l’embauche, contre lequel nous devons agir ensemble. La question des contractuels devient centrale, tant au niveau du statut et de la reconnaissance que par rapport à la possibilité de changer et d’évoluer dans le métier. Il ne s’agit pas seulement d’une question de rémunération, mais également de la possibilité d’évoluer dans le cadre de la fonction publique, avec un apport supplémentaire des connaissances, savoirs, savoir-faire et expériences cumulés dans un ministère pour en faire bénéficier les autres. Il me semble d’ailleurs que c’est aussi la volonté du Gouvernement d’aller vers cette évolution de carrière au sein de la République.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC111, II-AC112 et II-AC113 de Mme Sophie Mette.

Mme Sophie Mette (Dem). L’amendement II-AC111, auquel s’ajoutent deux amendements de repli, vise à proposer une nouvelle répartition des crédits de la culture afin d’apporter un soutien à l’architecture et aux espaces protégés et plus particulièrement à la revitalisation des centres anciens. Son objectif est de redonner l’envie de fréquenter les centres- bourgs, d’y vivre. Il permettra aussi de participer et de renforcer la politique publique voulue par le plan national « Action cœur de ville ». En effet restaurer l’attractivité des centres-bourgs demande des actions fortes sur l’habitat afin de résorber la vacance et les situations d’insalubrité, mais aussi sur le maintien des commerces et des services de proximité, sur l’offre d’équipements adaptée, sur l’offre culturelle et touristique à travers l’animation culturelle et la valorisation du patrimoine bâti et paysager, sur la mobilité, l’accessibilité, le développement économique, la desserte numérique, ou encore sur le renforcement de centres-bourgs dynamiques et animés, dans les campagnes et les zones périurbaines. Cela passe donc par une action complète et combinée sur tous les leviers qui permettront d’améliorer la qualité de vie des habitants des centres-bourgs, mais également des bassins de vie, de réduire la désertification des centres-villes des territoires ruraux et ainsi contribuer à la cohésion sociale des territoires, à leur mise en valeur et à leur attractivité. L’action « Soutien à l’emploi et structurations des professions » du programme Création, qui est nécessaire, peut être rationalisée pour dégager des fonds.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Je ne partage pas votre constat sur les moyens dévolus au soutien et à la structuration des professions artistiques, dont il me semble que l’augmentation des crédits constatée ces dernières années se justifie pleinement au regard des difficultés rencontrées par les professionnels du secteur. Si l’objectif est de conforter les moyens du plan « Action cœur de ville » dans son volet patrimonial, objectif que je partage, peut-être serait-il plus efficace de proposer une augmentation des crédits gérés par l’Agence nationale de cohésion des territoires, placée sous la tutelle des ministres chargés de l’aménagement du territoire, des collectivités territoriales et de la politique de la ville.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements II-AC111, II-AC112 et II-AC113.

Amendement IIAC-47 de M. Bertrand Pancher.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Cet amendement vise à inscrire dans la mission budgétaire Culture un soutien budgétaire de l’État à l’établissement public de coopération culturelle (EPCC) Mémorial de Verdun-Champ de bataille. La structure d’EPCC est supposée impliquer un partenariat entre État et élus locaux, pourtant le Mémorial de Verdun reste délaissé par l’État, absent sur le plan budgétaire. Les frais courants sont ainsi entièrement supportés par les collectivités territoriales, à hauteur de 85 % par le département de la Meuse et à hauteur de 15 % par la région. Le Mémorial demeure pourtant un lieu particulier pour cette région, pour notre mémoire nationale, aussi un soutien budgétaire de l’État est indispensable. Il pourrait être de l’ordre de 30 % du besoin de financements publics de l’EPCC, soit 300 000 euros par an répartis à 50 % entre la mission Anciens Combattants et la mission Culture.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Je comprends votre préoccupation quant au soutien de l’État à l’EPCC Mémorial de Verdun-Champ de bataille, mais la création d’un nouveau programme au sein de la mission Culture ne me paraît pas l’instrument adapté. Peut-être cette proposition d’augmentation de crédits aurait-elle plus spécifiquement sa place dans l’abondement des transferts aux collectivités territoriales ou aux autres collectivités de l’action 1 Monuments historiques et patrimoine monumental ? Je formulerai donc une demande de retrait pour que l’amendement soit retravaillé d’ici la séance. À défaut, l’avis sera défavorable.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Je ne retire pas l’amendement.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement IIAC-273 de Mme Emmanuelle Anthoine.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Cet amendement porte sur le contrôle à l’exportation des biens culturels exercé au sein du ministère de la culture. Il vise à accroître les moyens consacrés au contrôle des demandes d’autorisation d’exportation des biens culturels. Des moyens d’investigation supplémentaires, en particulier en termes d’effectifs, seraient bienvenus pour assurer un meilleur traitement des demandes d’autorisation d’exportation des œuvres. Ces moyens assureraient un traitement de l’ensemble des dossiers dans le délai imparti de quatre mois et permettraient également de prévenir plus efficacement le blanchiment d’objets pillés auquel participent d’une certaine manière les autorisations d’exportation, à l’insu de l’autorité de délivrance. En autorisant l’exportation d’œuvres illégales faute de disposer des moyens de vérification approfondie indispensables, le service des musées contribue à donner une apparente légalité à leur origine. Pour permettre un traitement amélioré des demandes de certificat en menant des vérifications plus approfondies sur la provenance des biens culturels dans le respect du délai réglementaire de quatre mois, la direction générale des patrimoines et de l’architecture estime actuellement qu’un ou deux ETPT supplémentaires seraient d’un apport très utile.

La commission rejette l’amendement.

Suite à l’avis de sagesse de la rapporteure pour avis, la commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Culture.

 

Après l’article 41

Amendement II-AC55 de M. Esquenet-Goxes.

M. Laurent Esquenet-Goxes. Cet amendement vise à obtenir du Gouvernement un rapport sur les mesures à mettre en œuvre afin d’améliorer le recours au pass culture en zone rurale. Le pass culture est une grande réussite et bénéficie à des millions de jeunes. La proportion de jeunes en zone rurale inscrits au pass est la même que la proportion de jeunes en zone urbaine qui y sont eux-mêmes inscrits, mais avec les difficultés d’accès à la culture, les jeunes ruraux accèdent moins facilement à ce qui est inclus dans ce pass. Un rapport sur le sujet permettrait de disposer de pistes pour mieux mettre en œuvre ce dispositif, les associations proposant plusieurs angles pour renforcer l’accès à la culture – intégration des billets de transport, prise en charge plus globale des frais liés à un évènement. Leur faisabilité doit donc être examinée avec le Gouvernement afin de relever cet enjeu d’égalité des chances.

Mme Emmanuelle Anthoine, rapporteure pour avis. Il serait effectivement intéressant de disposer de plus d’éléments d’information sur l’accès au pass culture en milieu rural, qui semble souffrir d’un déficit d’offre culturelle.

Avis favorable.

La commission adopte l’amendement.

 

*

 

 

 


—  1  —

   Annexe :
Liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis

            Table ronde opérateurs du patrimoine :

 Louvre  M. Kim Pham, administrateur général, Mme Marie Lacambre, directrice juridique, financière et des moyens, et Mme Mathilde Prost, conseillère en charge de l’action territoriale

 Établissement public du château, du musée et du domaine de Versailles  Mme Catherine Pégard, présidente, et M. Thierry Gausseron, administrateur général

 La Réunion des musées nationaux-Grand Palais  M. Chris Dercon, président, et M. Christophe Chauffour, directeur général délégué

          Déplacement à Amboise :

– Château du Clos Lucé – M. François Saint Bris, président du Clos Lucé, et M. Michaël Petitjean, secrétaire général

– Château royal d’Amboise – M. Pierre Laforêt, secrétaire général adjoint

            Table ronde du spectacle privé :

 Syndicat national du spectacle musical et de variété (Prodiss)*  M. Olivier Darbois, président, et Mme Malika Seguineau, directrice générale

 Syndicat des musiques actuelles (SMA)  M. Laurent Decès, président, et Mme Aurélie Hannedouche, directrice

 Syndicat national du théâtre privé (SNDTP)  M. Bertrand Thamin, président, et Mme Isabelle Gentilhomme, déléguée générale

 Syndicat national des cabarets, music-halls & lieux de création (Camulc)  M. Philippe Lhomme, président, M. Daniel Stevens, délégué général

            Union syndicale des employeurs publics du spectacle vivant USEP-SV – Mme Aurélie Foucher, déléguée générale de Profedim, M. Sébastien Justine, directeur des Forces musicales, Mme Laurence Raoul, directrice déléguée du SNSP, et M. Vincent Moisselin, directeur du Syndeac*

            Centre national de la musique  M. Jean-Philippe Thiellay, président, et M. Romain Laleix, directeur général délégué

            Centre national des arts plastiques – Mme Béatrice Salmon, directrice, et Mme Anne-Sophie de Bellegarde, secrétaire générale

            Assemblée des départements de France  Mme Véronique Rivron, première vice-présidente de la Sarthe, présidente de la commission Attractivité culture sport tourisme, de Sarthe Culture et de Sarthe Tourisme, Mme Marion Nahant, conseillère éducation, jeunesse, sports, culture et patrimoine, et M. Brice Lacourieux, conseiller relations avec le Parlement

            Fondation du patrimoine – Mme Célia Verot, directrice générale, et Mme Laure Henicz, responsable des affaires publiques

            Ministère de la culture – M. Noël Corbin, délégué général à la transmission, aux territoires et à la démocratie culturelle au ministère de la culture, M. Bertrand Munin, adjoint au délégué général, sous-directeur de la participation à la vie culturelle et M. Julien Hista, chef du département des affaires générales

            Société en charge du pass culture – M Sébastien Cavalier, président, et M. Maxence Daniel, responsable de la prospective et des relations avec les pouvoirs publics

            La demeure historique Mme Armelle Verjat, déléguée générale, et Mme Alexandra Proust, juriste

            Ministère de la culture – M. Christopher Miles, directeur général de la création artistique, et Mme Carole Robin, adjointe à la sous-directrice des affaires financière et générale

            Association nationale des architectes des Bâtiments de France – M. Fabien Sénéchal, président, Mme Véronique Andre, architecte des Bâtiments de France, secrétaire générale, et M. Henry Masson, ancien architecte des Bâtiments de France, membre de l’association

            Compagnie des architectes en chef des monuments historiques  M. Régis Martin, président, M. Riccardo Giordano, architecte en chef des monuments historiques

            Association des maires de France  Mme Karine Gloanec-Maurin, présidente de la communauté de communes des collines du Perche, conseillère municipale de Couëtron-au-Perche et co-présidente de la commission des territoires ruraux, Mme Nathalie Fourneau, responsable du département aménagement du territoire, et M. Sébastien Ferriby, conseiller culture et éducation

            Association Sites et monuments – M. Julien Lacaze, président

            Direction générale des patrimoines et de l’architectureM. Jean François Hébert, directeur général, M. Ludovic Abiven, Mme Florie Yall, et M. Emmanuel Etienne, collaborateurs 

            Table ronde avec les organismes de gestion collective des droits d’auteurs :

 Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami)*  M. Bruno Boutleux, directeur général-gérant, M. Benjamin Sauzay, directeur de la stratégie et des relations extérieures

 Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (Sacem)* – M. Blaise Mistler, directeur des relations institutionnelles

 Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD)*  M. Guillaume Prieur, directeur des affaires institutionnelles et européennes

            Institut national du patrimoine (INP) – M. Charles Personnaz, directeur

            Centre des monuments nationaux (CMN) – M. Philippe Bélaval, président, Mme Lucile Prévot, directrice administrative, juridique et financière du CMN, Mme Jocelyn Bouraly, administrateur des Tours de la cathédrale de Reims, du Palais du Tau et du château de Haroué, Mme Cécile Rives, administratrice de la Sainte Chapelle, de la Conciergerie et des Tours de Notre-Dame de Paris

 

 

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1])  Initialement prévus à 2,4 millions d’euros, les frais d’énergie du CMN avaient déjà fait l’objet d’un abondement de 600 000 en loi de finances rectificatives en juillet 2022 suite à la faillite d’un fournisseur.

([2])  Dispositif crée dans le cadre du plan de relance, Mondes nouveaux consistait en un appel à manifestation d’intérêt doté de 30 millions d’euros, visant à encourager la conception et la réalisation de projets artistiques, avec une attention particulière portée aux jeunes créateurs.

([3])  Baisse qui pourrait être structurelle et se stabiliser autour d’une perte de 15 % de spectateurs à l’horizon 2023 selon les services de la direction générale de la création artistique.

([4])  51 millions d’euros sont inscrits en projet de loi de finances pour 2023 sur le budget du ministère de l’Éducation nationale pour le remboursement de la part collective.

([5])  Pour rappel, le programme n° 175 Patrimoines représente ainsi plus d’un milliard d’euros de crédits dans le projet de loi de finances pour 2023.

([6])  Loi n° 2021-85 du 29 janvier 2021 visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises.

([7])  Intégrant les crédits de l’État, y compris plan de relance, les dépenses fiscales et les dépenses des collectivités territoriales).

([8])  Exposé des motifs du projet de loi LCAP.

([9]) Art. L. 631-1 du code du patrimoine.

([10]) En raison notamment de l’obligation de passage préalable devant la commission nationale du patrimoine et de l’architecture (CNPA) pour la fixation du périmètre et d’un arrêté ministériel pris avant l’élaboration puis l’approbation du PSMV ou du PVAP.

([11])  Bilan de la décentralisation de l’inventaire général du patrimoine culturel.

([12])  L’inventeur y aurait en effet passé les dernières années de sa vie.

([13])  Cour des comptes, La politique de l’État en faveur du patrimoine monumental, juin 2022.

([14]) Rapport de l’inspection générale des affaires culturelles et de l’inspection générale des finances relatif à la modernisation de la notion d’ouverture au public.

([15]) L’article L. 621-29-2 du code du patrimoine, créé par l’ordonnance n° 2005-1128 du 8 septembre 2005 relative aux monuments historiques et aux espaces protégés, affirme les prérogatives du propriétaire pour assurer la maîtrise d’ouvrage des travaux de restauration des monuments historiques, mettant fin à une interprétation de la loi du 31 décembre 1913 sur les monuments historiques qui autorisait les services de l’État à assurer la maîtrise d’ouvrage des travaux sur les monuments classés quel que soit leur propriétaire.

([16]) Sous la forme de quatre décrets : décret n° 2009-748 du 22 juin 2009 relatif à l’assistance à maîtrise d’ouvrage des services de l’État chargés des monuments historiques, décret n° 2009-749 du 22 juin 2009 relatif à la maîtrise d’œuvre sur les immeubles classés au titre des monuments historiques ; décret n° 2009-750 du 22 juin 2009 relatif au contrôle scientifique et technique des services de l’État sur la conservation des monuments historiques classés ou inscrits et décret n° 2009-751 du 22 juin 2009 relatif aux missions et aux rémunérations des techniciens-conseils agréés pour les orgues protégées au titre des monuments historiques.

([17]) https://assnat.fr/Kb0eh3

([18]) https://assnat.fr/zO5wka