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N° 374

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 20 octobre 2022.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2023,

 

 

TOME VI

 

 

RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR

ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR ET VIE ÉTUDIANTE

 

 

Par M. Hendrik DAVI,

 

Député.

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  273, 292 (annexe n° 36).


 


—  1  —

SOMMAIRE

___

 

Pages

introduction

I. Le programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire : une augmentation des crédits insuffisante au regard des besoins

A. L’action 1 : Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence

B. L’action 2 : formation initiale et continue de niveau master

C. L’action 3 : formation initiale et continue de niveau doctorat

D. L’action 4 : Établissements d’enseignement privés

E. L’action 5 : bibliothèques et documentation

F. L’action 13 : diffusion des savoirs et musées

G. L’action 14 : immobilier

H. l’action 15 : pilotage et support du programme

II. Le programme 231 Vie étudiante : une stagnation des moyens dans un contexte de crise sociale

A. l’action 1 : aides directes

B. l’action 2 : aides indirectes

C. l’action 3 : santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives

D. l’action 4 : pilotage et animation du programme

III. Quel bilan tirer de l’autonomie des universités 15 ans après la loi LRU ?

A. Autonomie des universités et précarité étudiante

B. La réussite en licence

C. La loi ORE, la sélection et la croissance de l’offre privée

D. Des emplois et moyens insuffisants

E. Une université à deux vitesses ?

F. Qualité de vie au travail

Travaux de la commission

Annexe 1 : liste des personnes auditionnées par le rapporteur

Annexe 2 : Les programmes d’investissements d’avenir

Annexe 3 : Nombre d’ETP et coût par étudiant


—  1  —

 

   introduction

À la rentrée 2022, selon un décompte provisoire, 2 994 000 étudiants étaient inscrits à une formation de l’enseignement supérieur, soit une augmentation des effectifs de 0,9 % par rapport à l’année précédente. D’après les projections du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, le nombre d’étudiants devrait dépasser trois millions la rentrée prochaine.

évolution des effectifs d’étudiants

(en milliers)

 

Constat

Prévision

Évolution annuelle

Prévision

Évolution annuelle

2019-2020

2020-2021

2021-2022

2022-2023

(en %)

2023-2024

(en %)

Université y compris IUT

1 635,4

1 650,0

1 657,0

1 653,0

- 0,2

1 650,7

- 0,1

dont IUT

121,7

121,7

115,9

113,1

- 2,4

127,4

12,7

Classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE)

85,1

84,9

83,4

81,2

- 2,6

80,3

- 1,1

Sections de technicien supérieur (STS) scolaires et assimilés (hors apprentis)

262,5

267,4

252,0

233,8

- 7,2

228,8

- 2,1

STS apprentis

79,2

109,5

156,8

181,7

+ 15,8

189,2

+ 4,2

Formations d’ingénieurs (hors université)

148,0

154,6

158,0

160,1

+ 1,3

160,1

0,0

Écoles de commerce, gestion et vente

190,2

211,7

230,2

243,5

+ 5,8

251,9

+ 3,5

Grands établissements

43,6

44,0

44,2

44,1

- 0,2

44,2

+ 0,3

Établissements d’enseignement universitaire privés

32,4

35,3

39,0

42,2

+ 8,1

44,3

+ 5,0

Autres formations (1)

328,2

337,1

348,2

354,8

+ 1,9

358,9

+ 1,1

Total

2 804,5

2 894,5

2 968,9

2 994,4

+ 0,9

3 008,5

+ 0,5

(1) Autres formations : formations paramédicales et sociales, écoles d’arts et formations culturelles, CPES, classes passerelles, etc.

Source : Note flash de la sous-direction des systèmes d’information et des études statistiques (SIES) du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche, n° 28, octobre 2022.

L’augmentation du nombre d’étudiants est une tendance de long terme, liée à la croissance de la population et à l’allongement de la durée moyenne de la formation initiale. Si l’élévation du niveau de formation d’une part toujours plus grande de la population constitue un progrès – au regard notamment des qualifications et des compétences dont la société française a besoin pour relever les défis auxquels elle est confrontée –, cette évolution nécessite des moyens humains et matériels nouveaux pour les opérateurs qui la mettent en œuvre.

Les crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur, ainsi que les orientations stratégiques et opérationnelles dont ils sont assortis, constituent le fondement budgétaire de la politique de notre pays en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Au sein de cette mission, les programmes 150Formations supérieures et recherche universitaire – et 231Vie étudiante –, qui constituent le périmètre du présent avis budgétaire, retracent les crédits nécessaires au financement de l’enseignement supérieur français. D’une part, le programme 150 – qui concentre près de la moitié des crédits de la mission – permet le financement des établissements d’enseignement supérieur et de services concourant à la formation des savoirs ou à leurs transmissions, tels que les bibliothèques universitaires et certains musées nationaux ([1]). D’autre part, le programme 231 – qui compte pour un dixième des ressources de la mission – comprend les crédits finançant les aides et services mis en œuvre à l’intention des étudiants. Ainsi, la présentation et l’analyse conjointes de ces deux programmes permettent de mesurer l’effort consenti par les pouvoirs publics en faveur de l’enseignement supérieur et des étudiants.

Les dotations prévues par le présent projet de loi de finances (PLF) se caractérisent, à l’échelle de la mission, par une hausse de leur montant en valeur par rapport à la loi du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 ([2]) comme à la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 ([3]) . Ainsi, aux termes du PLF, le programme 150 serait doté d’environ 15,20 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de quelque 14,90 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 14,16 et 14,21 milliards d’euros dans la loi de finances initiale. Le programme 231 comprendrait 3,14 milliards d’euros en AE et de 3,13 milliards d’euros en CP, à rapprocher des 3,09 et 3,08 milliards d’euros prévus par la LFI pour 2022.

*

Cependant, l’évolution des crédits doit être rapportée à plusieurs faits distincts.

En premier lieu, la loi de finances rectificative (LFR) adoptée durant l’été prévoyait déjà une augmentation des crédits des programmes 150 et 231 par rapport à la loi de finances initiale, à hauteur de 30 millions d’euros et de 85,6 millions d’euros respectivement – en AE et en CP dans l’un et l’autre cas. Ainsi, s’agissant du programme 231, l’adoption du présent projet de loi de finances aboutirait, dans sa rédaction actuelle, à une diminution des crédits par rapport à la LFR, à hauteur de 34 millions d’euros. La prise en compte de la LFR conduit également à relativiser l’augmentation affichée des crédits du programme 150.

Par ailleurs, en présence d’une inflation estimée à 5,3 % en 2022 et à 4,2 % en 2023, il est nécessaire de tenir compte de l’impact de cette dernière sur la valeur réelle des crédits prévus par le projet de loi de finances. En effet, le dispositif du PLF et les documents annexés – en particulier les projets annuels de performances – étant libellés en euros courants, il est difficile de distinguer de prime abord ce qui, dans l’augmentation des crédits affichée, représente la simple compensation – automatique ou discrétionnaire – d’une élévation générale des coûts, de ce qui constitue un véritable investissement supplémentaire en faveur de l’enseignement supérieur et des étudiants. De surcroît, l’indice des prix à la consommation (IPC), qui constitue la mesure usuelle de l’inflation, ne reflète qu’imparfaitement les coûts auxquels les opérateurs des deux programmes sont confrontés. En particulier, l’augmentation du coût de l’énergie pèse sur le budget des opérateurs des deux programmes de façon disproportionnée, en raison des caractéristiques du bâti universitaire et des résidences étudiantes. Le renchérissement des denrées alimentaires frappe aussi tout particulièrement les restaurants universitaires. Aussi, alors même que l’inflation n’affecte pas de manière identique les administrations publiques et les ménages, la comparaison des crédits prévus par la LFI pour 2022 et le PLF pour 2023 en euros constants fournit une mesure approximative de la véritable évolution de la dépense publique en faveur de l’enseignement supérieur et de la vie étudiante.

Variation des crédits des programmes 150 et 231 entre la LFI pour 2022
et le PLF pour 2023

(en euros courants et constants)

 

 

 

Programme 150

Programme 231

Sommes des deux programmes

Crédits LFI 2022

14 160 219 812 (AE)

14 212 837 612 (CP)

3 088 886 116 (AE)

3 079 958 669 (CP)

17 124 105 928 (AE)

17 292 796 281 (CP)

Crédits PLF 2023

15 205 807 643 (AE)

14 907 800 643 (CP)

3 136 414 445 (AE)

3 130 191 945 (CP)

18 342 222 088 (AE)

18 037 992 588 (CP)

Évolution en euros courants

+ 1 045 587 831 (AE)

+ 694 963 031 (CP)

+ 47 528 329 (AE)

+ 50 233 276 (CP)

+ 1 218 116 160 (AE)

+ 745 196 307 (CP)

Évolution en euros constants (1)

+ 450 858 599 (AE)

+ 98 023 852 (CP)

- 79 499 940 (AE)

- 124 334 938 (CP)

+ 498 903 712 (AE)

+ 18 899 269 (CP)

(1) Différence entre les crédits prévus par le projet de loi de finances, libellés en euros courants, et le montant des crédits inscrits dans la LFI pour 2022 en euros constants – hypothèse d’inflation de 4,2 %. PLF 2023 (en euro 2023) – LFI 2022 (en euros 2023).

Source : projet annuel de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur – PLF pour 2023.

En outre, une partie de l’augmentation des crédits résulte mécaniquement de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique à hauteur de 3,5 % à compter du 1er juillet 2022 ([4]). Cette mesure nécessaire – quoique tout à fait insuffisante pour neutraliser la baisse de 20 % de la valeur de ce point au cours des deux dernières décennies écoulées – ne peut être présentée comme un investissement en faveur de l’enseignement supérieur et de la recherche. Il s’agit en effet d’une disposition générale, dont ne bénéficient d’ailleurs pas tous les agents concourant aux missions de service public des opérateurs de la mission. En effet, la rémunération de certains agents contractuels de droit public, comme celle des salariés des établissements publics à caractère industriel et commercial (EPIC), ne dépend pas de la valeur du point d’indice de la fonction publique. À ce stade, le gouvernement, ne s’est d’ailleurs pas engagé à compenser l’augmentation de 3,5 % des salaires dans tous les EPIC.

Enfin, il convient de mettre en perspective les dotations budgétaires prévues par le projet de loi de finances pour 2023 avec le système d’enseignement supérieur qu’elles servent à financer. En effet, outre le niveau des ressources qui lui sont consacrées, le financement de l’enseignement supérieur dépend des modalités de répartition des crédits entre les opérateurs et de leur gestion par ces derniers.

De ce point de vue, deux traits saillants peuvent être mis en lumière d’emblée :

– d’une part, le recours à des instruments extrabudgétaires pour le financement de l’enseignement supérieur et de la recherche s’est développé à la faveur des générations successives de programmes d’investissements d’avenir (PIA 1 à 4), porteurs de crédits attribués au terme d’appels à projets mettant en concurrence les établissements, les unités de recherche et les personnels ;

– d’autre part, l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur – principalement des universités – sous le régime des responsabilités et compétences élargies (RCE) issu de la loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités (LRU) ([5]), assortie d’une réforme de la gouvernance de ces établissements. La dévolution aux universités de la gestion de leur masse salariale a notamment fait porter sur le budget des établissements la prise en charge du glissement vieillesse technicité (GVT) ([6]), réduisant d’autant plus leurs capacités de recrutement et de revalorisation des personnels. De manière analogue, l’absence de corrélation rigoureuse entre le montant de la subvention pour charges de service public (SCSP) et les dépenses de fonctionnement des universités a réduit leurs marges de manœuvre budgétaires. C’est tout particulièrement le cas en présence d’une hausse imprévue de certains coûts en gestion, comme le montre l’effet de l’actuel renchérissement de l’énergie sur le budget et sur le fonctionnement de certains établissements. Plus généralement, le mouvement de différenciation des ressources et des statuts entre établissements a pris la forme d’une mise en concurrence de ces derniers, sur fond d’inégalités d’accès aux financements publics et privés. Nous traiterons en détail de ces aspects dans la seconde partie du rapport.

L’effet combiné des réformes institutionnelles et de l’évolution du niveau et des modalités de financement de l’enseignement supérieur constitue l’objet d’une réflexion thématique complétant la présentation des crédits des programmes 150 et 231, objets des deux premières parties du présent avis budgétaire.

Le rapporteur pour avis attire l’attention sur le fait que le budget de 2023 est en réalité en baisse de 2,15 % en volume (i.e. en euros constants), une fois les 500 millions d’euros dévolus à la revalorisation du point d’indice retranchés et l’inflation prise en compte.

Ce budget 2023 ne redresse donc pas la trajectoire de ces dix dernières années. Les budgets des universités et les recrutements n’ont en effet pas suivi l’augmentation du nombre d’étudiants. Le nombre de postes de maîtres de conférences ouverts au concours a par exemple été divisé par 3 entre 1998 et 2020. Par conséquent, la dépense par étudiant a baissé de près de 10 % et le taux d’encadrement est passé d’un enseignant pour 38 étudiants en 2012 à 1 pour 47 en 2019.

L’université et la recherche souffrent du manque chronique d’investissement public, mais aussi des réformes structurelles qui mettent en compétition tous les acteurs. Or ce budget renforce la différenciation entre établissements et universités avec des financements accrus à l’ANR et le maintien des investissements d’avenir, que nous analyserons dans notre réflexion thématique. La compétition délétère qui en découle conduit à beaucoup de souffrance au travail.

Pour ces raisons, le rapporteur pour avis émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur.

 

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires. À cette date, 88 % des réponses étaient parvenues au rapporteur pour avis.


—  1  —

I.   Le programme 150 – Formations supérieures et recherche universitaire : une augmentation des crédits insuffisante au regard des besoins

Avec environ 15,2 milliards d’euros d’autorisations d’engagement (AE) et quelque 14,9 milliards d’euros de crédits de paiement (CP), le programme 150 est, par le montant des financements qu’il prévoit, le plus important de la mission Recherche et enseignement supérieur. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, ces montants représentent une augmentation de respectivement 7,38 % et de 4,89 %. Il convient cependant de relever que la loi du 16 août 2022 de finances rectificative pour 2022 a entre-temps ouvert 30 millions d’euros d’AE et de CP supplémentaires en faveur de ce programme pour l’exercice en cours. En prenant pour référence les crédits de la mission résultant de la loi de finances rectificative précitée, l’augmentation des crédits par rapport à 2022 ne serait plus que de 7,16 % pour les AE et de 4,67 % pour les CP.

La hausse des crédits du programme 150 atteint, en valeur, 1,04 milliard d’euros en AE et 694 millions d’euros en CP à périmètre courant. Cette augmentation correspond principalement :

– à la compensation, pour un exercice budgétaire complet, de la revalorisation de 3,5 % du point d’indice de la fonction publique, pour un montant de 403 millions d’euros (381,2 millions d’euros hors titre 2 et transferts) ;

– à la poursuite de la mise en œuvre de la loi n° 2020-1674 du 24 décembre 2020 de programmation de la recherche (LPR), à l’origine d’une revalorisation des rémunérations statutaires et indiciaires ainsi que d’un élargissement des voies de recrutements des enseignants et des chercheurs, pour un coût de 148 millions d’euros (141 millions d’euros hors titre 2 et transferts) ;

– à la conclusion et à la mise en œuvre des nouveaux contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP), à raison de 35 millions d’euros ;

– à la pérennisation des places créées dans le cadre du plan de relance, à hauteur de 49,6 millions d’euros ;

– à l’ouverture de places supplémentaires visant à répondre à la hausse de la démographie étudiante lors de la prochaine rentrée, en septembre 2023, pour un coût de 28,1 millions d’euros. Cette somme doit également contribuer au financement de la poursuite de la réforme des études de santé et des Instituts nationaux supérieurs du professorat et de l’éducation (Inspé).

– à la mise en œuvre d’actions en faveur du bien-être des étudiants, par le renforcement des services de santé universitaires et l’application d’un plan de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS), pour un montant de 10 millions d’euros.

La différence entre les montants en AE et en CP s’explique principalement par la comptabilisation des crédits dédiés à la politique immobilière. Ceux-ci augmenteraient ainsi de 380,6 millions d’euros en AE et de 29,9 millions d’euros en CP par rapport à la loi de finances initiale pour 2022.

En volume, pour l’ensemble du programme 150, l’augmentation des AE par rapport à la loi de finances initiale pour 2022 serait de 4 % et celle des CP de 0,7 %. Cette évolution doit être rapportée à la croissance de la population étudiante, qui est de 0,9 % à la rentrée 2022. Une nouvelle diminution de la dépense par étudiant en volume est ainsi attendue.

À cet égard, les réponses au questionnaire budgétaire adressé au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche font apparaître de nettes différences en matière de taux d’encadrement et de dépense par étudiant, dont le projet de loi de finances et ses documents annexés ne rendent pas compte. Ainsi, le rapporteur pour avis considère qu’il serait opportun que le projet annuel de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur comporte, parmi les indicateurs du programme 150, une présentation de la dépense par étudiant et du taux d’encadrement, à tout le moins par filière et par catégorie d’établissement.

taux d’encadrement et dépense par étudiant en 2021

Catégorie d’établissements

Taux d’encadrement, nombre d’étudiants par ETP (1)

Dépense par étudiant
(en euros) (2)

Universités – Lettres et sciences humaines

6,4

5 602

Universités – droit et économie

5,3

5 422

Universités scientifiques et/ou médicales

12,4

12 207

Écoles et formations d’ingénieurs

16

18 482

Universités technologiques

12,8

14 751

(1) Le taux d’encadrement est calculé sur la base des effectifs d’étudiants inscrits pour l’année universitaire 2020-2021 et du plafond d’emploi des établissements. Ce dernier constitue un indicateur approximatif, puisque le taux d’encadrement dépend de la consommation effective de son plafond d’emploi par chaque établissement, qui comprend en outre différentes catégories d’agents (enseignants, personnels administratifs, sociaux et médicaux…).

(2) La dépense par étudiant correspond au rapport entre les effectifs d’étudiants et les coûts de fonctionnement constatés pour l’exercice 2021.

Source : MESR, réponse au questionnaire budgétaire.

L’origine des financements pourrait être également précisée, dans le cadre d’une présentation commune des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur et des principales ressources extrabudgétaires consacrées à des dépenses relevant de son périmètre. Il en irait ainsi, notamment, des PIA successifs, qui ont profondément renouvelé l’organisation de l’enseignement supérieur français et son financement. Il convient de rappeler que les seuls PIA 1 et 2 ont consacré 6,8 milliards d’euros à leur principale action, visant à favoriser l’affirmation de pôles universitaires de rang mondial, qui s’est d’abord traduite par la sélection de huit initiatives d’excellence (IdEx) en 2011 ([7]).

De manière analogue, le lancement du plan France 2030, qui fait l’objet d’une mission budgétaire dédiée, pourrait entraîner l’attribution de moyens nouveaux à l’enseignement supérieur. Il serait sans doute justifié de faire état de l’usage de ces ressources dans le projet annuel de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur, dès lors qu’elles bénéficient à des opérateurs de la mission.

*

Au-delà de ces enjeux de présentation, une partie du contenu des dépenses du programme 150 appelle des observations liminaires du rapporteur pour avis.

En premier lieu, le provisionnement de 35 millions d’euros pour la seule conclusion des nouveaux contrats d’objectifs, de moyens et de performance conduit à s’interroger sur la pertinence et l’efficacité des démarches de contractualisation entre les services de l’État et les opérateurs qui relèvent de leur tutelle. Le dialogue stratégique et de gestion, dont ces contrats constituent le support, apparaît comme le corollaire du repli des capacités de pilotage et de contrôle de l’État vis-à-vis des établissements d’enseignement supérieur, dû à l’autonomie acquise par ces derniers, et que l’établissement de ce dialogue vise à compenser. De ce point de vue, le rapporteur pour avis constate que ni la direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle (DGESIP), ni la direction générale du budget, n’ont apporté la preuve de l’efficacité de l’autonomie des établissements, tant du point de vue de la maîtrise de leurs dépenses que de l’exercice de leurs fonctions en matière d’enseignement et de recherche. Aussi le rapporteur pour avis estime-t-il que les crédits prévus au titre de la démarche de contractualisation entre l’État et les opérateurs seraient plus utilement employés s’ils servaient à l’accomplissement des missions premières des établissements d’enseignement supérieur, par le recrutement d’enseignants et de chercheurs et l’ouverture de nouvelles places dans les formations.

Par ailleurs, le rapporteur souhaite appeler l’attention sur la situation des services de santé universitaires, au renforcement desquels le présent projet de loi de finances consacre 10 millions d’euros. Cette augmentation, qui participe d’un développement indispensable de ces services, n’en apparaît pas moins insuffisante au regard des besoins de consultation de personnels médicaux que connaissent les étudiants. La crise sanitaire et les confinements successifs, en plaçant de nombreux jeunes en situation de vulnérabilité psychologique, ont notamment mis en lumière les limites des capacités d’accueil des services universitaires de médecine en matière de protection de la santé mentale des étudiants. Les auditions conduites par le rapporteur pour avis ont fait état du besoin de multiplier par dix, au minimum, le nombre de psychologues exerçant dans ces services, pour que la France comble son retard sur les pays les plus avancés dans ce domaine, tels que la Nouvelle-Zélande ([8]).

Le rapporteur pour avis regrette l’absence d’engagement clair de la part du Gouvernement en matière de prise en charge des coûts énergétiques croissants auxquels font face les établissements d’enseignement supérieur. Les premières indications fournies par la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche suggèrent que le Gouvernement ne prévoit pas, à ce stade, de compenser ces coûts de façon systématique, et envisage de ne soutenir que les établissements qui, en l’absence de concours supplémentaires de l’État, seraient contraints de réduire leurs dépenses d’investissement et de personnel. Or, l’approche du Gouvernement ne semble pas dissociable d’une estimation des coûts énergétiques largement inférieure à celle fournie par les représentants des établissements. Ainsi, alors que le Gouvernement envisage de mobiliser une somme comprise entre 80 et 120 millions d’euros, qui serait prélevée sur la dotation pour dépenses exceptionnelles, France Universités évalue entre 200 et 400 millions d’euros les coûts supplémentaires supportés par ses membres du fait de la situation du marché de l’énergie. Le rapporteur pour avis entend mettre en lumière la menace que ferait peser sur le fonctionnement normal des établissements l’augmentation rapide des coûts à des niveaux supérieurs à ceux que le Gouvernement semble anticiper. Cette non-compensation risque de se traduire par des fermetures administratives en hiver ou du distanciel imposé, ce qui n’est pas admissible.

Le rapporteur pour avis attire aussi l’attention sur les 3 milliards d’euros de dépenses fiscales sur impôts d’État contribuant au programme de manière subsidiaire. Il lui semble que les justifications de ces dépenses sont insuffisantes et qu’elles mériteraient un rapport dédié.

*

La ventilation des financements au sein du programme 150 est la suivante :

– les actions 1 à 3 comprennent les crédits nécessaires au financement des formations supérieures du baccalauréat au doctorat ;

– l’action 4 correspond au soutien public aux établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (EESPIG) et aux associations assurant la formation initiale des enseignants des établissements scolaires privés ayant conclu un contrat d’association avec l’État ;

– l’action 5 prévoit le financement des bibliothèques universitaires et de la politique en matière de documentation scientifique ;

– l’action 13 retrace des crédits consacrés au fonctionnement de musées scientifiques nationaux et à la numérisation de leurs collections ;

– l’action 14 a trait à la politique immobilière des opérateurs du programme ;

– enfin, l’action 15 concerne les dépenses liées aux fonctions de support et de pilotage.

Il convient de rappeler que l’action 17, relative à la recherche universitaire publique, est rattachée au périmètre de l’avis budgétaire sur la recherche.

Par ailleurs, le rapporteur pour avis s’interroge quant à la pertinence de la distinction opérée entre les crédits des actions 1 à 3. En effet, l’autonomie de gestion dont disposent les établissements sous le régime des responsabilités et compétences élargies leur confère une grande liberté pour répartir leurs ressources entre les différents postes de dépenses et les formations qu’ils proposent. Ainsi, un établissement hébergeant à la fois des licences et des masters – ce qui est le cas de la plus grande partie des universités – est susceptible d’opérer des réallocations de moyens en gestion entre des formations de niveaux distincts.

En outre, la répartition des crédits de chaque action entre les différents titres budgétaires fait apparaître une nette domination des dépenses de fonctionnement, du fait de la prépondérance des subventions pour charges de service public dans le financement des établissements d’enseignement. Si cette présentation n’est que la conséquence de l’autonomie de gestion dont disposent ces derniers, force est de constater qu’elle ne favorise pas la lisibilité de la répartition des dépenses par nature. Aussi le rapporteur pour avis estime-t-il que cette présentation globale devrait être assortie d’une évaluation indicative de la ventilation des crédits par titre sur la base des documents budgétaires de chaque établissement, compilés à l’échelle nationale.

A.   L’action 1 : Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence

L’action 1 du programme 150 rassemble les moyens budgétaires dédiés aux formations du baccalauréat à la licence – soit le premier cycle des études supérieures. L’objectif affiché par le projet annuel de performances est de conduire 50 % de chaque classe d’âge à l’obtention d’un diplôme supérieur, toutes filières du baccalauréat confondues. Plus précisément, la justification par action du programme 150 fait état, pour l’action 1, d’un objectif de qualification professionnelle correspondant à des fonctions de technicien supérieur ou de cadre intermédiaire, pour les étudiants qui ne poursuivent pas d’études de niveau master au terme du premier cycle. Dans le cas inverse, le but des formations de niveau licence est de préparer l’entrée des étudiants dans le deuxième cycle.

Le projet annuel de performance prévoit l’attribution de 3 882 millions d’euros en AE et en CP à l’action 1 du programme 150. La plus grande partie de ces crédits – 3 835 millions d’euros en AE et en CP – correspond aux subventions pour charges de service public versées aux opérateurs du programme. Les crédits restants – soit quelque 47,6 millions d’euros – correspondent à des dépenses de personnel imputées au titre 2 (soit la partie des dépenses de personnel constituée de rémunérations versées par l’État).

Cette répartition du budget dans laquelle les dépenses de fonctionnement sont nettement majoritaires découle de l’autonomie des établissements d’enseignement supérieur, qui entraîne la gestion directe par ces derniers de leur masse salariale. Ainsi, la grande majorité – 3,62 sur 3,88 milliards d’euros – des financements prévus au titre des subventions pour charges de service public constituent des crédits de masse salariale.

Par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, le projet de loi de finances pour 2023 prévoit 169 millions d’euros de moyens nouveaux de masse salariale. La ventilation de ces crédits par catégorie de dépenses serait la suivante :

– 104,4 millions d’euros seraient alloués au titre de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique ;

– 26,6 millions d’euros seraient dédiés à la poursuite de la mise en œuvre de la loi de programmation de la recherche ;

– 24 millions d’euros financeraient le maintien des places supplémentaires dans les formations de l’enseignement supérieur ouvertes par le plan de relance ;

– 5,1 millions d’euros seraient consacrés au développement de formations médicales, par la création d’un nouveau site de la faculté de médecine de l’université des Antilles et l’ouverture de six nouvelles facultés d’odontologie ;

– 4,9 millions d’euros permettraient la revalorisation indemnitaire et indiciaire de certaines catégories de personnels administratifs, sociaux et de santé, ainsi que l’évolution de la protection sociale complémentaire dans la fonction publique ;

– 3,9 millions d’euros viseraient à prendre en charge l’augmentation de la démographie étudiante, dont le dynamisme impose l’ouverture de nouvelles places.

Le rapporteur pour avis souhaite d’abord attirer l’attention sur la modicité de la réponse budgétaire à la croissance des effectifs d’étudiants en premier cycle. En effet, pour un nombre de néo-bacheliers inscrits dans l’enseignement supérieur estimé à 568 000 à la rentrée 2023 – soit 8 000 de plus qu’en 2022 –, le projet de loi de finances ne consacre que 3,9 millions d’euros supplémentaires au premier cycle pour la prise en charge de la démographie étudiante. Les crédits prévus pour l’accueil de ces nouveaux bacheliers ne s’élèvent ainsi qu’à 1 462,50 euros par étudiant en rythme annuel ([9]). Par comparaison, en prenant pour base les effectifs de l’année universitaire 2021-2022 et les crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2022 pour l’action 1 du programme 150, la dépense moyenne par étudiant s’élève actuellement, pour le premier cycle, à environ 3 030 euros par an ([10]).

effectifs de néo-bacheliers entrant dans l’enseignement supérieur

 Filières

 

2021

2022

Évolution 2022/2021

2023

Projections

Projections

Effectifs

(en %)

Projections

Universités hors IUT

227 700

230 000

2 300

1,0

234 000

Droit

39 100

37 300

-1 800

-4,6

37 000

Sc. économiques, AES

24 500

26 100

1 600

6,5

27 000

Lettres, Sc. humaines

80 400

80 000

-400

-0,5

81 000

Sciences

38 000

38 200

200

0,5

39 000

STAPS

16 800

18 400

1 600

9,5

19 000

Santé

26 000

27 300

1 300

5,0

28 000

Ingénieurs universitaires

2 900

2 700

-200

-6,9

2 800

IUT

48 600

49 600

1 000

2,1

51 000

CPGE (hors CPES)

39 500

40 500

1 000

2,5

41 000

STS

158 300

164 000

5 700

3,6

165 000

Sous statut scolaire

103 700

105 800

2 100

2,0

105 000

En apprentissage

54 600

58 200

3 600

6,6

60 000

Ensemble des filières principales

474 100

484 100

10 000

2,1

491 000

Autres filières

76 200

75 900

-300

-0,4

77 000

Écoles de commerce, gestion, vente (champ partiel)

14 000

13 800

-200

-1,4

14 000

Formations d’ingénieurs - prépa intégrées

12 000

12 000

0

0,0

12 000

Formations culturelles et artistiques

5 500

5 500

0

0,0

6 000

Grands établissements

3 600

3 500

-100

-2,8

3 400

Établissements d’enseignement universitaire privés

7 600

7 500

-100

-1,3

8 000

Autres formations (1)

33 500

33 600

100

0,3

34 000

Ensemble des néo-bacheliers

550 300

560 000

9 700

1,8

568 000

(1) Autres formations : formations paramédicales et sociales, écoles d’arts et formations culturelles, CPES, classes passerelles, etc.

Source : Note d’information du SIES, avril 2022.

Plus généralement, la grande majorité des moyens nouveaux prévus par le présent projet de loi de finances ne concerne pas le recrutement de personnels supplémentaires susceptible d’améliorer le taux d’encadrement des étudiants par les enseignants. À l’exception d’une partie des crédits prévus pour la mise en œuvre de la LPR et des moyens dédiés à la prise en charge de l’évolution de la démographie étudiante, l’augmentation des ressources par rapport à la précédente loi de finances se contente d’améliorer la rémunération des personnels existants et cela de façon insuffisante. En outre, face à une inflation supérieure à 5 % en 2022 et à 4 % en 2023, l’effet conjoint des augmentations de revenus liées à la revalorisation du point d’indice et aux différentes mesures indemnitaires et indiciaires propres à chaque corps de la fonction publique ne suffira pas à éviter une baisse de la valeur des rémunérations des personnels de l’enseignement supérieur et de la recherche. Par conséquent, le rapporteur pour avis estime que ni la nécessaire amélioration du taux d’encadrement, ni la revalorisation des revenus des personnels, ne seraient atteintes si le projet de loi de finances était adopté dans sa rédaction actuelle.

L’attribution de moyens inférieurs à ceux nécessaires au simple maintien de la dépense par étudiant à son niveau actuel est cohérent avec le choix de sélectionner, par le biais de la plateforme Parcoursup, les étudiants au moment de leur entrée en premier cycle. En effet, le sous-investissement dans l’enseignement supérieur public impose une stabilisation des effectifs d’étudiants, à tout le moins dans les filières en tension. Dans ce contexte, la sélection à l’entrée dans l’enseignement supérieur est la conséquence du manque de places dans les formations délivrées par les établissements publics, au détriment du droit à la poursuite d’études et de l’élévation du niveau général des qualifications. Le rapporteur pour avis déplore cette orientation, que confirme le présent projet de loi de finances.

B.   L’action 2 : formation initiale et continue de niveau master

L’action 2 du programme 150 retraces des crédits destinés aux formations de niveau master – soit le deuxième cycle des études supérieures. Aux termes du projet annuel de performances, ces moyens visent à former des « cadres supérieurs nécessaires au développement social, économique, scientifique et culturel du pays ». Les formations correspondantes sont censées se situer à l’articulation des « mondes de la recherche et de l’entreprise ».

Le projet de loi de finances consacrerait 2 675 millions d’euros en AE et en CP à cette action, contre 2 539 millions d’euros en loi de finances initiale pour 2022. L’essentiel de ces crédits seraient destinés au financement de la masse salariale des opérateurs du programme, à hauteur de 2 495 millions d’euros.

Comme pour l’action 1, la plus grande partie de l’augmentation des crédits de l’action 2 aurait trait à la masse salariale, pour 136,6 millions d’euros en AE et en CP. La décomposition de cette hausse par nature de dépense serait proche de celle prévue pour l’action précédente :

– la revalorisation du point d’indice de la fonction publique compterait pour 71,6 millions d’euros ;

– le maintien des places créées dans le cadre du plan de relance se verrait affecter 25,6 millions d’euros ;

– la poursuite de la mise en œuvre de la LPR mobiliserait 18,2 millions d’euros ;

– la réforme de la formation des enseignants au sein des INSPE impliquerait une dépense de 12,8 millions d’euros ;

– la prise en charge des coûts liés à la croissance de la démographie étudiante représenterait 2,6 millions d’euros ;

– la réforme du second cycle des études de santé compterait pour 2,4 millions d’euros ;

– le lancement de mesures de revalorisation indemnitaire et indiciaire de certaines catégories de personnels administratifs, sociaux et de santé, ainsi que l’évolution de la protection sociale complémentaire dans la fonction publique, mobiliseraient 3,4 millions d’euros.

Ces crédits supplémentaires abonderaient les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs du programme que sont, pour l’essentiel, les établissements d’enseignement supérieur. Là encore, le rapporteur pour avis souligne que si la hausse des crédits pourrait accroître la dépense par étudiant en valeur, elle n’en demeurerait pas moins insuffisante pour améliorer significativement le taux d’encadrement, en particulier dans les formations universitaires.

En outre, le lancement de la plateforme « Trouver mon master » laisse craindre un renforcement de la sélection des étudiants à l’entrée en master, solution préférée à l’ouverture de nouvelles places dans les filières en tension sur l’ensemble du territoire national. Le rapporteur pour avis alerte sur le fait qu’il est impossible de gérer les places en master en recherchant une parfaite adéquation à l’échelle nationale du nombre de places proposées et du nombre d’étudiants souhaitant s’inscrire. Le master sanctionne un niveau de diplôme élevé, qui nécessite une forte motivation de l’étudiant. Il n’est pas souhaitable de contraindre un étudiant souhaitant s’inscrire en psychologie à Lille à étudier la philosophie analytique à Aix-en-Provence.

Le rapporteur pour avis déplore le choix qui est fait de reproduire, pour la régulation de l’accès au deuxième cycle, la mise en concurrence des établissements, des étudiants et des formations déjà à l’œuvre, pour le niveau post-baccalauréat, dans le cadre de Parcoursup.

C.   L’action 3 : formation initiale et continue de niveau doctorat

L’action 3 comprend les crédits nécessaires au fonctionnement de 275 écoles doctorales. Au cours de l’année universitaire 2021-2022, celles-ci ont accueilli 71 500 doctorants.

Le présent projet loi de finances prévoit l’attribution de 453,5 millions d’euros en AE et en CP à ces structures, soit 51,4 millions d’euros de plus que la loi de finances initiale pour 2022. L’augmentation des crédits prévue est, en proportion, la plus importante enregistrée par une action du programme 150 en AE et en CP – soit une croissance de 12,84 % des crédits en valeur. Cette hausse revêt la forme de moyens nouveaux de masse salariale, dont 10,7 millions d’euros au titre de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique et 40 millions d’euros pour la mise en œuvre de la LPR, la création et la revalorisation de contrats doctoraux.

Après une période de baisse ou de stagnation du nombre d’inscriptions en première année de thèse, d’obtentions du doctorat et des effectifs de doctorants au cours de la décennie écoulée et plus particulièrement à partir de 2017, une inflexion de cette tendance a été observée pour ces deux derniers indicateurs. Après être passé sous le seuil de 12 500 en 2020, le nombre de thèses soutenues a atteint 13 590 en 2021 – ce qui est toujours inférieur au niveau de 2017. On peut y voir l’effet de la prolongation de contrats doctoraux durant la crise sanitaire, qui a permis à leurs bénéficiaires de terminer leur thèse. Cette analyse est confortée par la relative stagnation des effectifs de primo-inscrits, proche de 16 400 en 2021.

Évolution du nombre de doctorants, d’inscriptions en première année de thèse et de docteurs entre 2010 et 2021

Source : MESR-SIES, « Repères et références statistiques sur les enseignements, la formation et la recherche », actualisation du 4 août 2022.

 

Le rapporteur pour avis estime que la combinaison de plusieurs mesures permettrait d’accroître le nombre de thèses soutenues :

– de donner la possibilité aux doctorants qui le souhaitent d’allonger d’un an la durée de leur contrat doctoral. En effet, en 2020, près de 60 % des doctorants achevaient leur thèse plus de 40 mois après le début de leurs recherches. La durée moyenne des doctorats diminue, mais au prix d’une plus grande souffrance des étudiants en fin de thèse ;

– une amélioration de la rémunération des doctorants. À cet égard, le rapporteur pour avis préconise notamment la prise en compte de l’inflation dans la trajectoire de revalorisation des contrats doctoraux arrêtée en 2021 ([11]) ;

– une augmentation de la part de thèses financées, qui est actuellement de 77 %. Cette donnée générale masque cependant d’importantes disparités selon les disciplines. En particulier, moins d’une thèse sur deux (49 %) en sciences humaines et sociales est aujourd’hui financée. Le rapporteur pour avis appelle à ce qu’il soit mis fin à ces disparités, par l’augmentation de la part de thèses financées ;

– L’exonération, pour les doctorants, du versement de frais de scolarité à leur établissement d’inscription. Le rapporteur pour avis estime en effet que de jeunes chercheurs qui concourent le plus souvent, par des activités d’enseignement et de recherche, au fonctionnement de leurs structures d’accueil ne devraient pas s’acquitter de frais d’inscription auprès de ces dernières.

De façon générale, les associations de jeunes chercheurs ont fait part au rapporteur pour avis de la grande précarité de leur situation ([12]). Leurs représentants ont souligné, outre les difficultés matérielles liées au montant et à la durée des financements dont ils disposent, les limites de l’encadrement dont ils bénéficient dans la préparation de leur thèse. Le rapporteur pour avis estime ainsi qu’un meilleur accompagnement des doctorants devrait être mis en œuvre.

D.   L’action 4 : Établissements d’enseignement privés

L’action 4 est consacrée au soutien public en faveur de certains établissements d’enseignement supérieur privés. Le présent projet de loi de finances prévoit pour cette action 94,9 millions d’euros en AE et en CP, soit exactement un million d’euros de plus que la loi de finances initiale pour 2022.

 

 

Les subventions correspondantes sont réparties entre deux catégories de structures :

– les associations de gestion des établissements d’enseignement supérieur privé d’intérêt général (Eespig) ;

– les associations concourant à la formation initiale des enseignants des établissements scolaires privés ayant conclu un contrat d’association avec l’État.

Créée par l’article 68 de la loi du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche ([13]), la qualification d’Eespig bénéficie à des établissements à but non lucratif participant aux missions du service public de l’enseignement supérieur. Elle est accordée au terme d’une évaluation par une instance nationale, pour une durée maximale de cinq ans.

Au-delà du soutien financier à une catégorie déterminée d’établissements privés, le rapporteur souhaite souligner l’effet du fonctionnement de Parcoursup sur le développement de formations privées, délivrées par des établissements poursuivant des objectifs de rentabilité marchande, et dépourvues de reconnaissance universitaire et professionnelle. En effet, les critères d’intégration à la liste des formations accessibles via Parcoursup étant moins exigeants – en particulier au regard du critère de non lucrativité – que celles ouvrant droit à la qualification d’Eespig, le fonctionnement de la plateforme offre une visibilité accrue aux établissements qui proposent de telles formations. Dans un contexte marqué par les difficultés que rencontrent les établissements publics pour accueillir l’ensemble des étudiants qui en forment le vœu, la possibilité offerte par Parcoursup de postuler à une formation privée très onéreuse joue pratiquement le rôle de subvention implicite au bénéfice de ces structures.

De manière analogue, ces dernières tirent parti des financements publics consacrés au développement de l’apprentissage. Le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche l’indique lui-même dans l’une de ses réponses aux questions du rapporteur pour avis : « la croissance démographique et la politique de soutien à l’apprentissage sont les leviers de croissance » des établissements privés à but lucratif, qui bénéficient des « cotisations des entreprises et des aides de l’État » ([14]).

Le rapporteur pour avis appelle ainsi le Gouvernement à renforcer le contrôle de l’accès au catalogue des formations visibles sur Parcoursup, selon des critères de qualité scientifique des enseignements plus rigoureux. Il suggère qu’il soit mis fin à toutes les formes de soutien public aux établissements d’enseignement qui ne les respectent pas.

E.   L’action 5 : bibliothèques et documentation

L’action 5 est consacrée au financement des politiques documentaires du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche. Elle serait dotée de 474,6 millions d’euros en AE et en CP, contre 461,2 millions d’euros aux termes de la loi de finances initiale pour 2022. L’augmentation des crédits atteindrait ainsi 2,90 % en valeur.

– la plus grande partie de ces ressources, à hauteur de 342 millions d’euros, permettraient le financement de la masse salariale des bibliothèques et des services de documentation des opérateurs du ministère.

– 90 millions d’euros prendraient la forme de dotations récurrentes destinées aux opérateurs et à certaines structures et dispositifs directement rattachés à l’administration centrale du ministère. Parmi ces derniers, on peut citer l’Agence bibliographique de l’enseignement supérieur (Abes), soutenue à hauteur de 22,1 millions d’euros, dont 18,5 millions d’euros au titre de l’acquisition d’une licence pour l’accès aux collections de l’éditeur scientifique Elsevier.

– les 13 millions d’euros de crédits supplémentaires par rapport à 2022 seraient entièrement consacrés au financement de charges nouvelles en matière de masse salariale. Parmi ces derniers, 10 millions d’euros porteraient sur la revalorisation du point d’indice de la fonction publique et 2,5 millions d’euros concerneraient la poursuite de la mise en œuvre de la LPR.

Le rapporteur pour avis souhaite ici rappeler que chaque année, les dépenses en ressources électroniques s’élèvent à 29 millions d’euros pour les organismes de recherche, dont 10,9 millions d’euros au titre de la Freedom collection d’Elsevier. Rapportée au nombre de chercheurs titulaires, cette enveloppe représente entre 1 014 à 1 596 euros par an. Les laboratoires prennent parfois des abonnements à leur niveau à hauteur de 1,6 million d’euros auquel il faut rajouter 1,8 million d’euros pour les publications payantes. Les éditeurs scientifiques font par ailleurs des bénéfices colossaux. Le marché mondial de la publication scientifique était estimé pour en 2020 à 28 milliards de dollars. Les profits générés par ces éditeurs dans le secteur de l’information scientifique et technique peuvent dépasser les 30 %, sans que les montants demandés soient justifiés par les coûts réels liés au processus de publication lui-même.

Le rapporteur pour avis souligne tout l’intérêt que l’État et les différentes catégories d’usagers trouveraient à la constitution sur le long terme d’un véritable service public de l’édition scientifique, qui permettrait de réduire les coûts liés à l’achat de licences et de faciliter l’accès aux données de la recherche.

F.   L’action 13 : diffusion des savoirs et musées

L’action 13 vise d’abord à financer le fonctionnement de trois musées scientifiques nationaux : le Muséum national d’histoire naturelle, le Musée des arts et métiers du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), ainsi que le Musée du quai Branly-Jacques Chirac. L’informatisation et la mise en réseau des collections de ces établissements et de celles des muséums d’histoire naturelle régionaux constitue un autre objectif de cette action, de même que le subventionnement d’un petit nombre d’autres structures (l’Office de coopération et d’information muséales, les Observatoires de Paris et la Côte d’Azur, l’École normale supérieure de Lyon et l’Institut de physique du globe de Paris).

Aux termes du présent projet de loi de finances, les crédits de l’action 13 atteindraient environ 131,1 millions d’euros en AE et en CP en 2023, contre 128,9 millions d’euros en 2022, soit une augmentation de 1,74 % en valeur. Les moyens nouveaux seraient principalement consacrés à la prise en charge de la revalorisation du point d’indice de la fonction publique (1,5 million d’euros) et à l’application de la LPR (0,4 million d’euros).

Le rapporteur pour avis estime qu’au vu de l’importance de ces trois musées pour la transmission de la culture artistique et culturelle, ces hausses de budget sont loin de compenser l’inflation.

G.   L’action 14 : immobilier

L’action 14 est dédiée au financement de la politique immobilière du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche et de ses opérateurs. Le projet de loi de finances prévoit l’attribution de 1 543 millions d’euros en AE et 1 245 millions d’euros en CP à cette action, auxquels s’ajouteraient 10 millions d’euros en AE et 23,7 millions d’euros en CP au titre des fonds de concours et des attributions de produits.

L’augmentation des autorisations d’engagement par rapport à 2022 atteindrait 34,78 %, quand la hausse des crédits de paiement ne serait que de 3,98 %. Cette croissance des dotations et l’écart entre les montants d’AE et de CP tiendraient notamment au lancement d’une nouvelle génération de contrats de plan État-région (CPER) pour la période 2022-2027, alors même que se poursuit le paiement des opérations entreprises au titre des CPER 2015-2020 et des contrats de convergence et de transformation (CCT) des territoires ultramarins.

Dans un contexte de renchérissement des dépenses énergétiques et face aux exigences de la transition écologique, le rapporteur pour avis souhaite appeler l’attention sur l’état du bâti universitaire. D’une surface utile brute (SUB) de 15 millions de mètres carrés, le patrimoine immobilier des établissements d’enseignement supérieur est en grande partie, selon l’expression du projet annuel de performance, « vétuste et énergivore ». L’immobilier universitaire compte 33 % de bâtiments dans un état « pas ou peu satisfaisant », selon les données publiées par le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche.

Le rapporteur pour avis juge ainsi nécessaire le lancement d’un grand plan de rénovation thermique du bâti universitaire.

H.   l’action 15 : pilotage et support du programme

Les crédits inscrits à l’action 15 sont consacrés au financement de dépenses de pilotage et de support du programme 150. Aux termes du présent projet de loi de finances, ceux-ci atteindraient 1 726 millions d’euros en AE et en CP, contre 1 626 millions d’euros en 2022 – soit une hausse de 6,15 %.

Ces crédits concernent aussi bien la tutelle des établissements d’enseignement supérieur exercée par le ministère que les fonctions de support internes à ceux-ci, couvrant les dépenses d’administration ainsi que de gestion des ressources humaines et financières. Certaines catégories d’établissements, tels que les écoles normales supérieures ou de grands établissements (Conservatoire national des arts et métiers, École des hautes études en sciences sociales, Muséum national d’histoire naturelle et Université Paris-Dauphine), perçoivent aussi des crédits de fonctionnement récurrent au titre de cette action. Le Conseil national des universités (CNU) et le Haut Conseil de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres) sont également inclus dans le périmètre de cette action.

L’augmentation des crédits de cette action tient notamment à un accroissement de la masse salariale, à hauteur de 92,7 millions d’euros, qui découle à titre principal de :

– la revalorisation du point d’indice de la fonction publique, à raison de 38 millions d’euros ;

– la mise en place de contrats d’objectifs, de moyens et de performance (COMP), pour un coût de 35 millions d’euros ;

– l’application de la LPR, pour un montant de 9,7 millions d’euros.

À cet égard, le rapporteur pour avis souhaite d’abord mettre en évidence le coût de la démarche de contractualisation des rapports entre le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche. Il estime que les crédits correspondants devraient être consacrés au financement des formations supérieures. À tout le moins, le rapporteur pour avis appelle le Gouvernement à faire preuve de la plus grande transparence quant au contenu de ces nouveaux contrats d’objectifs et de moyens, et à s’engager à fournir à la représentation nationale un bilan de leur efficacité tant au regard de la gestion de leurs ressources par les établissements que de l’accomplissement de leurs missions.

En outre, le rapporteur pour avis voudrait attirer l’attention sur la situation du Haut Conseil de la recherche et de l’enseignement supérieur. Aux termes de l’article L. 114-3-1 du code de la recherche, ce dernier est chargé d’émettre, « à l’attention des acteurs publics, de leurs partenaires et des publics intéressés, des appréciations motivées sur la qualité des résultats obtenus par les établissements et les structures » d’enseignement et de recherche. Le rapporteur pour avis estime que les activités de recherche et d’enseignement sont, par nature, l’objet d’une évaluation constante effectuée par les pairs. Au regard notamment du coût du Hcéres (environ 22 millions d’euros en 2022), il considère que cette structure devrait être supprimée et ses moyens attribués aux acteurs de la recherche et de l’enseignement supérieur publics. Les modalités de l’évaluation des formations et des unités de recherche doivent redevenir la prérogative des établissements et universités.

 

*

*     *


II.   Le programme 231 – Vie étudiante : une stagnation des moyens dans un contexte de crise sociale

Le programme 231 de la mission Recherche et enseignement supérieur constitue la traduction budgétaire du soutien de l’État en faveur de l’amélioration des conditions de vie des étudiants. Le projet de loi de finances pour 2023 prévoit une augmentation limitée de ses crédits, qui atteindraient 3 136 millions d’euros en AE et 3 130 millions d’euros en CP, contre respectivement 3 088 millions d’euros et 3 079 millions d’euros aux termes de la loi de finances initiale pour 2022.

Cependant, il convient de rappeler que la loi du 16 août 2022 de finances rectificative a ouvert 85,6 millions d’euros de crédits supplémentaires en faveur de ce programme au titre de l’exercice budgétaire en cours, afin de financer notamment l’augmentation de 4 % du montant des bourses versées par les centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (Crous). Aussi, en tenant compte des crédits issus de la LFR pour 2022, la dotation du programme 231 baisserait en 2023 d’environ 38 millions d’euros en AE et de 35,4 millions d’euros en CP.

Cette diminution en valeur du financement de la vie étudiante interviendrait de surcroît dans un contexte inflationniste, se traduisant par une érosion encore plus grande des dotations en volume. Aussi bien le budget des opérateurs du programme – notamment celui du Centre national des œuvres universitaires et scolaires, ou CNOUS – que le niveau de vie des étudiants se verraient affectés par cette baisse.

*

La structure interne du programme pour la répartition indicative des crédits est la suivante :

– l’action 1 comprend les aides financières directes versées aux étudiants titulaires de bourses ;

– l’action 2 inclut les aides indirectes en faveur des étudiants, en particulier l’action du réseau des œuvres universitaires et scolaires en matière de logement et de restauration ;

– l’action 3 rassemble les crédits visant à l’amélioration de la santé des étudiants et de leurs activités associatives, culturelles et sportives ;

– l’action 4 porte des crédits de support et de pilotage, principalement destinés au réseau des œuvres universitaires et scolaires (Cnous et Crous).

 

A.   l’action 1 : aides directes

L’action 1 est constituée d’aides financières en faveur des étudiants. Ses crédits atteindraient 2 541 millions d’euros en AE et en CP, contre 2 534 millions d’euros aux termes de la loi de finances initiale pour 2022 – soit une quasi-stabilité des crédits en valeur.

Les bourses sur critères sociaux versées par les Crous constituent la plus importante de ces aides, tant par leur volume financier (2 355,2 millions d’euros) qu’au regard des effectifs d’étudiants concernés (731 952 en 2022-2023, selon les estimations qui figurent dans le projet annuel de performances de la mission). S’y ajoutent notamment :

 

– les aides spécifiques (48,8 millions d’euros), attribuées à des étudiants connaissant des difficultés particulières, de façon ponctuelle – tous les étudiants y étant éligibles – ou sur une base annuelle – auquel cas l’aide est réservée à des étudiants qui, tout en ne remplissant pas les critères de délivrance des bourses sur critères sociaux, n’en rencontrent pas moins des difficultés pérennes ;

– les aides au mérite (42,8 millions d’euros), d’un montant de 900 euros par an, versées, pour une durée maximale de trois ans, aux titulaires d’une bourse sur critères sociaux ayant été reçus au baccalauréat avec la mention « très bien » ;

– les aides à la mobilité internationale (28,9 millions d’euros), qui bénéficient aux étudiants boursiers à l’occasion d’un programme d’échange universitaire à l’étranger ;

– les aides à la mobilité dans le cadre de Parcoursup (10 millions d’euros), d’un montant de 500 euros, qui participent à la couverture des coûts liés à l’entrée dans une formation de l’enseignement supérieure située hors de l’académie de résidence du bachelier ;

– les aides à la mobilité des étudiants en master (7,2 millions d’euros), d’un montant de 1 000 euros, qui bénéficient aux titulaires d’une licence et inscrits en première année de master en dehors de la région académique dans laquelle ils ont obtenu leur diplôme de premier cycle.

Le reste des crédits de l’action vise à abonder les subventions pour charges de service public versées aux opérateurs du programme. 32,5 millions d’euros sont ainsi prévus au titre de la rémunération des personnels administratifs et sociaux responsables de la gestion des aides directes au sein des Crous. 2,3 millions d’euros supplémentaires seraient également consacrés à la revalorisation du point d’indice de la fonction publique, ainsi qu’à l’augmentation de la rémunération indemnitaire et indiciaire de certaines catégories d’agents. Enfin, 2 millions d’euros seraient dédiés au recrutement de 40 nouveaux assistants sociaux et assistantes sociales.

 

Le rapporteur pour avis s’interroge quant à la stabilité en valeur des crédits de l’action par rapport à la loi de finances initiale pour 2022, alors même que les taux annuels des bourses sur critères sociaux ont été revalorisés de 4 % à la rentrée. De surcroît, le projet annuel de performances de la mission indique une croissance de 0,54 % du nombre d’étudiants boursiers par rapport à l’année universitaire 2021-2022. Par ailleurs, la justification des crédits de l’action repose sur une « évolution prévisionnelle du nombre de boursiers […] relativement stable » entre les années universitaires 2022-2023 et 2023-2024 ([15]). Or, le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche prévoit une nouvelle hausse des effectifs d’étudiants de 0,5 % à la rentrée 2023. À niveau de prestations inchangées, et en l’absence de changement dans la répartition des bourses entre les différents échelons du barème d’attribution de celles-ci, il semble donc que les crédits de l’action 1 aient vocation à être réévalués à la hausse en gestion.

En outre, le projet annuel de performances fait état d’une augmentation de 3 millions d’euros de la dotation au titre des aides à la mobilité internationale, en lien avec l’objectif de voir la moitié de chaque classe d’âge séjourner durant au moins six mois dans un autre État européen avant d’avoir atteint vingt-cinq ans. Le rapporteur pour avis souligne le caractère limité de cette hausse au regard de l’ambition affichée.

Plus profondément, alors qu’une concertation préalable à la réforme du système des bourses vient d’être engagée, le rapporteur pour avis entend rappeler les limites de ce dernier. Ses travers le plus communément mis en évidence sont bien connus : fondé sur les ressources des parents, le barème de versement des bourses repose sur les revenus de l’année précédant celle de la demande de bourse ; le nombre relativement limité d’échelons (neuf, en comptant les niveaux 0 et 0bis) favorise les effets de seuil ; les points de charge censés refléter les coûts liés à la distance et à la composition du foyer n’apportent qu’une mesure imparfaite des dépenses engagées par les étudiants.

Outre ces observations apparemment consensuelles, le rapporteur pour avis souhaite rappeler l’intérêt qu’aurait la création d’une garantie d’autonomie, qui prendrait la forme d’un versement inconditionnel d’un montant supérieur à celui du seuil de pauvreté – soit 1 083 euros par mois pour une personne seule –, pour mettre fin à la précarité dont souffrent un nombre croissant d’étudiants. Le rapporteur pour avis estime qu’il est impossible de se satisfaire d’une situation qui voit 47 % des étudiants contraints de travailler pour financer leurs études, au détriment du bon déroulement de celles-ci – tandis que les difficultés que rencontre une partie toujours plus importante d’entre eux pour se loger et se nourrir ont été crûment mises en évidence au cours de la récente crise sanitaire.

Aussi le rapporteur pour avis préconise-t-il, à court terme, une revalorisation de 10 % du montant des bourses sur critères sociaux et l’universalisation progressive de leur versement, avant de pouvoir mettre en œuvre à plus long terme une véritable garantie d’autonomie.

B.   l’action 2 : aides indirectes

L’action 2 est essentiellement consacrée au financement des résidences et des services de restauration universitaires. Elle serait dotée de 407,1 millions d’euros en AE et de 400,9 millions d’euros en CP, contre 380,9 et 371,9 millions d’euros respectivement aux termes de la loi de finances initiale pour 2022. Les mesures en matière de rémunération des agents – dont la revalorisation du point d’indice de la fonction publique – expliquent notamment cette augmentation à hauteur de 19 millions d’euros.

C.   l’action 3 : santé des étudiants et activités associatives, culturelles et sportives

L’action 3 retrace en premier lieu des crédits destinés au financement d’actions en faveur de la santé des étudiants, par la prise en charge d’une partie des coûts de fonctionnement des services de santé universitaires et interuniversitaires (SUMPPS). Elle permet également le soutien aux services universitaires et interuniversitaires d’activités physiques et sportives (Suaps) et à la Fédération française du sport universitaire (FFSU). Elle comprend aussi le financement d’aides individuelles et de dispositifs partagés tendant à rendre l’enseignement supérieur plus accessible aux étudiants en situation de handicap ou à besoins particuliers.

Si le projet de loi de finances pour 2023 était adopté en l’état, les crédits de cette action atteindraient 80,5 millions d’euros en AE et en CP, contre 72,8 millions d’euros en 2022. L’augmentation des crédits s’explique essentiellement, à hauteur de 7,5 millions d’euros, par le développement d’actions en faveur des étudiants en situation de handicap (embauche de preneurs de notes, transcription en braille des cours et des copies d’examen…). C’est une bonne nouvelle, au vu des besoins en accessibilité.

D.   l’action 4 : pilotage et animation du programme

L’action 4 comprend la couverture des dépenses de personnel et de fonctionnement du réseau des œuvres universitaires et scolaires, ainsi que celles de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE). Le projet de loi de finances prévoit l’attribution de 107,1 millions d’euros en AE et en CP à ces structures, contre 100,9 millions d’euros en application de la loi de finances initiale pour 2022. Les moyens nouveaux de masse salariale participent de cette croissance de la dotation en valeur, à raison de 3,8 millions d’euros.

Le rapporteur pour avis souhaite attirer l’attention sur la situation financière du réseau des œuvres universitaires. En effet, certaines mesures bienvenues – gel des loyers dans les résidences gérées par les Crous, stabilité des tarifs dans les restaurants universitaires et mise en place de repas à 1 euro, effet de la loi Egalim ([16]) imposant une part minimale de produits biologiques et locaux dans la restauration collective – ont engendré des coûts supplémentaires qui n’ont pas été entièrement compensés. De surcroît, le renchérissement des denrées alimentaires et l’augmentation des coûts énergétiques frappent tout particulièrement les restaurants et les résidences universitaires, sans qu’une compensation intégrale de ces dépenses supplémentaires n’ait été, à ce stade, annoncée par le Gouvernement.

III.   Quel bilan tirer de l’autonomie des universités 15 ans après la loi LRU ?

La loi du 10 août 2007 relative aux libertés et responsabilités des universités ([17]) (LRU) avait trois objectifs. Le premier était de rendre « l’université attractive » en diminuant le taux d’échec en premier cycle. Le second était de renforcer la gouvernance des universités avec un pilotage accru des présidents d’université. Le troisième était de « rendre la recherche universitaire plus visible à l’échelle internationale », notamment pour grimper au classement controversé de Shanghai.

La LRU est la suite logique de la loi de programme du 18 avril 2006 pour la recherche ([18]), qui est à l’origine de la création notamment de l’Agence nationale de la recherche (ANR) et s’inscrit aussi dans des politiques européennes. La création d’un espace européen de l’enseignement supérieur via le processus de Bologne, visait à faciliter les réformes structurelles nationales, mais aussi l’autonomie financière.

La LRU transfère la gestion du budget aux universités, notamment la part dévolue à la masse salariale. Par conséquent, grâce à la fongibilité asymétrique permise par la loi organique relative aux lois de finances (LOLF), les universités peuvent diminuer les crédits affectés aux dépenses de personnel pour les attribuer à un autre type de dépenses, mais elles ne peuvent pas effectuer l’opération inverse.

Le processus d’autonomie et de transformation du paysage de l’enseignement supérieur et de la recherche (ESR) s’est poursuivi avec les réformes suivantes. La loi n° 2013-660 du 22 juillet 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche ([19]) (« loi Fioraso ») a mis en place des rapprochements d’établissements sur un territoire donné au sein d’une « coordination territoriale organisée par un seul établissement d’enseignement supérieur », rapprochements qui peuvent prendre trois formes : fusion, communauté, association. La loi Fioraso a aussi accordé à des personnalités extérieures le droit de vote pour l’élection à la présidence des universités. Ensuite, l’ordonnance du 12 décembre 2018 relative à l’expérimentation de nouvelles formes de rapprochement, de regroupement ou de fusion des établissements d’enseignement supérieur et de recherche ([20]), a notamment permis la création d’établissements publics expérimentaux (EPE).

Ces réformes successives ont profondément transformé le paysage de l’ESR et les pratiques des acteurs. Il est donc légitime, quinze ans après le début du processus d’autonomie des universités, de l’évaluer à l’aune des objectifs initiaux, mais aussi des enjeux actuels de production de connaissances et de qualifications pour relever les défis auxquels nous faisons face comme la transition écologique ou la révolution du numérique.

A.   Autonomie des universités et précarité étudiante

Entre 2010 et 2022, le nombre d’étudiants inscrits à l’université est passé de 1,5 million à 1,7 million ; dans les autres établissements post-bac, il est passé de 800 000 à 1,2 million. Ce sont surtout les licences universitaires et les sections de technicien supérieur (STS) qui ont vu leurs effectifs croître fortement. Pour les STS en apprentissage, les effectifs ont triplé, passant de près de 50 000 à plus de 156 000. A contrario, le nombre de doctorants a connu une baisse inquiétante de 16 % entre 2010 et 2019.

L’augmentation continue du nombre d’étudiants dans les universités et l’enseignement supérieur français est une tendance lourde depuis les années 1960. Celle-ci est allée de pair avec une ouverture sociale graduelle de ces formations. À l’université Paris-Diderot (Paris-VII), par exemple, la part d’étudiants boursiers est passée de 22 % à 28 % entre 2009 et 2017, tandis que la part des bacheliers des voies technologiques et professionnelles en première année de licence s’est accrue, passant de 8 % à 13 %.

Cette massification s’est aussi accompagnée d’une dégradation des conditions de vie des étudiants, qui ont notamment été touchés de plein fouet par le renchérissement des loyers. La précarité étudiante est par conséquent de plus en plus préoccupante. Les files d’attente d’étudiants pour l’aide alimentaire pendant la pandémie de covid-19 ont marqué les esprits. Selon l’Union nationale des étudiants de France (Unef), le coût de la vie a augmenté de 6,47 % pour les étudiants entre juillet 2021 et juin 2022 ([21]). Certains d’entre eux vivent aujourd’hui dans leur voiture, dans des campings, parfois même dans une tente installée en pleine rue, comme à Toulouse, ou dans des foyers d’hébergement d’urgence, comme à Bourg-en-Bresse.

Par ailleurs, seulement un peu plus de la moitié des 60 000 logements étudiants promis dans le plan logement pour 2017 à 2022 ont été construits à ce jour. Le gouvernement explique ce retard par l’effet combiné de la crise sanitaire, du manque de disponibilité du foncier et de la difficulté à mobiliser les différents acteurs entre le monde universitaire, le réseau des œuvres, les collectivités et les bailleurs sociaux. L’autonomie des universités et le plan campus n’ont pas rempli leurs objectifs concernant cet aspect.

La santé des étudiants est aussi source d’inquiétude. L’étude de l’Observatoire de la vie étudiante (OVE) de novembre 2021 ([22]) a révélé que 60 % des étudiants avaient souffert d’épuisement. Il ressort également de cette même étude que 43 % des étudiants présentaient les signes d’une détresse psychologique. Il n’y a qu’un psychologue pour 15 000 étudiants, soit 10 fois moins que les recommandations internationales et il manque de vrais centres de santé sur les campus.

Le système de bourses actuel n’est pas suffisant pour endiguer cette précarité. Seuls 38 % des étudiants en bénéficiaient durant l’année universitaire 2020-2021. De nombreux syndicats revendiquent une allocation d’autonomie pour tous les étudiants. L’emploi étudiant au sein de l’université ne constitue pas une alternative, il est demeuré très faible malgré l’autonomie des universités. Rappelons que l’article L. 811-2 du code de l’éducation, issu de la loi LRU, fixe les conditions d’emploi des étudiants au sein des établissements publics d’enseignement supérieur et des Crous. Les études réalisées montrent que l’emploi étudiant en établissement représente une fraction très modeste (1,4 %) des activités rémunérées des étudiants. Par ailleurs, ces emplois étudiants en établissement sont souvent des contrats précaires avec très peu d’heures par semaine, souvent payés 2 à 3 mois plus tard. Enfin, rappelons, que le fait qu’un étudiant sur deux occupe un emploi salarié est une des raisons de l’échec en licence. Les étudiants sont donc en grande souffrance, ce qui conduit certains à renoncer à poursuivre des études qui se rallongent.

B.   La réussite en licence

Les réformes menées depuis quinze ans sont toujours légitimées par l’échec en licence. Certains chercheurs auditionnés ont contesté ce point de départ. En réalité, les taux de redoublement et d’abandon sont constants depuis les années 1960 : en moyenne 30 % des étudiants abandonnent, 30 % redoublent et 30 % passent en seconde année. Par ailleurs, l’abandon dans un cursus signifie souvent la réorientation dans un autre, avec un grand nombre de réussites à l’issue. Le premier cycle peut être considéré dans ce cas-là comme un cycle de découverte. Si l’on examine le devenir des étudiants six ans après leur inscription en licence, le système français n’est pas aussi inefficace que n’aurait pu le laisser suggérer l’examen du seul « taux d’échec » en licence. En 2008, 30 % des étudiants des pays de l’OCDE entrant dans le supérieur ne terminaient pas leurs études, alors que ce chiffre n’était que de 20 % en France, qui était le quatrième meilleur élève selon ce critère.

Par ailleurs, il semble que les réformes successives aient échoué à améliorer significativement la réussite en licence. Parmi les bacheliers 2014, 63 % ont obtenu un bac+3 six ans après leur baccalauréat, mais 28 % des étudiants sont sortis sans diplôme. Au début des années 2000, ce taux d’échec était inférieur de 8 points.

Les données fournies par le ministère confirment que ce taux de réussite en licence en 3 ou 4 ans n’a que très peu augmenté en passant de 46,7 % pour les étudiants inscrits en 2007 à 50,15 % pour ceux de 2015. Il a néanmoins progressé d’un point entre la cohorte entrée en licence en 2015 et celle entrée en 2016, en lien sans doute avec l’aménagement des modalités de passation des examens dans le contexte de la crise sanitaire.

Le bilan demeure insatisfaisant malgré les réformes successives, puisque 24,2 % des étudiants inscrits pour la première fois en première année de licence en 2019-2020 ont abandonné l’université, sans réorientation. L’absence de progrès en termes de réussite en licence est probablement due à la baisse du taux d’encadrement. On sait que le taux de réussite en licence est corrélé à la dépense par étudiant.

taux de réussite par filière en fonction de la dépense par étudiant

Source : État de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation en France, n° 14 ; MESRI‐DGESIP/DGRI‐SIES, SCOLARITÉ. Cohortes 2015‐2016. Taux de réussite CPGE : poursuite d’étude à + 2 ans.

C.   La loi ORE, la sélection et la croissance de l’offre privée

La permanence de l’échec en licence a justifié la mise en place progressive de la sélection à l’entrée de l’université, en contradiction avec le droit à la poursuite des études. Cette sélection est en réalité aussi une réponse au manque de moyens, de personnels académiques à tous les niveaux et de locaux. En effet, nous savions que nous attendions 361 000 inscriptions d’étudiants de plus dans l’ensemble de l’enseignement supérieur entre 2015 et 2025. Les investissements et les recrutements nécessaires n’ayant pas eu lieu, les universités n’ont pas pu les accueillir.

La sélection a été renforcée par la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants ([23]) (dite « loi ORE »), qui a instauré Parcoursup. Avant Parcoursup, les conditions d’accès en premier cycle universitaire étaient définies par l’article L. 612-3 du code de l’éducation, aux termes duquel :

« Le premier cycle est ouvert à tous les titulaires du baccalauréat et à ceux qui ont obtenu l’équivalence ou la dispense de ce grade en justifiant d’une qualification ou d’une expérience jugées suffisantes conformément à l’article L. 613-5. Tout candidat est libre de s’inscrire dans l’établissement de son choix. Il doit pouvoir, s’il le désire, être inscrit en fonction des formations existantes lors de cette inscription dans un établissement ayant son siège dans le ressort de l’académie où il a obtenu le baccalauréat ou son équivalent ou, en cas de dispense, dans l’académie où est située sa résidence. Lorsque l’effectif des candidatures excède les capacités d’accueil d’un établissement, constatées par l’autorité administrative, les inscriptions sont prononcées, après avis du président de cet établissement, par le recteur chancelier, selon la réglementation établie par le ministre chargé de l’enseignement supérieur, en fonction du domicile, de la situation de famille du candidat et des préférences exprimées par celui-ci. Les dispositions relatives à la répartition entre les établissements et les formations excluent toute sélection ».

La loi ORE a profondément transformé cet article en disposant que « l’inscription peut, compte tenu, d’une part, des caractéristiques de la formation et, d’autre part, de l’appréciation portée sur les acquis de la formation antérieure du candidat ainsi que sur ses compétences, être subordonnée à l’acceptation, par ce dernier, du bénéfice des dispositifs d’accompagnement pédagogique ou du parcours de formation personnalisé proposés par l’établissement pour favoriser sa réussite ». Cela ouvre ainsi la voie à la sélection et renforce la logique d’individualisation des parcours.

Ces logiques ont fortement déstabilisé les familles et les étudiants, surtout les plus éloignés de la culture scolaire. Une enquête IPSOS de 2021 a démontré que 80 % des utilisateurs trouvaient la plateforme « stressante ». Sa création a par ailleurs entraîné une augmentation du nombre de contestations et de recours.

Au final, pour la session 2022, sur l’ensemble des candidats, plus de 810 730 candidats, soit 86,6 % d’entre eux, ont reçu une ou plusieurs propositions d’admission. Plus de 640 262 candidats ont accepté une proposition d’admission, soit près de 79 % de ceux qui ont reçu une proposition d’admission. À première vue, ces chiffres pourraient sembler satisfaisants, mais le rapporteur pour avis pointe qu’en réalité aucune formation n’a été proposée à 125 000 étudiants et que près de 300 000 n’ont pas obtenu la formation de leur choix.

De nombreux acteurs auditionnés voient dans Parcoursup un outil de communication, qui s’est avéré utile pour les écoles d’ingénieurs notamment, et non un outil d’orientation, comme c’était prévu. Les premières études cinq ans après la mise en place de la plateforme mettent au contraire en lumière un nombre croissant de réorientations en cours de licence. De plus, la transparence de l’information est insuffisante. Par exemple, elle ne permet pas aux familles d’apprécier les coûts de scolarité sur toute la durée.

Par ailleurs, plusieurs acteurs, dont la Conférence des Grandes Écoles, ont alerté le rapporteur pour avis sur une dérive. Sur Parcoursup sont maintenant proposées des formations privées avec des frais de scolarité élevés, qui proposent des formations ne débouchant pas sur de vrais savoir-faire. Elles captent des financements publics en multipliant les formations en apprentissage, ce qui leur permet de verser de généreux dividendes à leurs actionnaires.

L’augmentation de près de 10 % en un an du nombre d’étudiants dans le privé fait craindre une privatisation à grande vitesse du secteur de l’ESR, comme avant ceux de la formation continue ou de l’édition scientifique, avec les mêmes dérives.

Le secteur privé hors contrat est aujourd’hui dominé par quatre groupes (Galileo Global Education, Omnes, Eureka et Ionis) dont trois sont pilotés par des fonds d’investissement internationaux dont la finalité est à but lucratif. La croissance démographique et la politique de soutien à l’apprentissage sont les leviers de la croissance de ces écoles privées, leur permettant d’élargir leur clientèle : les frais d’inscription, oscillant majoritairement entre 7 000 et 10 000 euros (mais pouvant s’élever, dans certains cas à plus de 50 000 euros), sont en effet pour partie pris en charge par les cotisations des entreprises et les aides de l’État. Parmi ces écoles, beaucoup se targuent d’être « reconnues par l’État », argument avancé pour convaincre les familles. Il s’agit le plus souvent d’une certification inscrite au répertoire national des certifications professionnelles (RNCP), visant un diplôme précis et non l’école dans sa globalité. Ces certifications sont délivrées par le ministère du Travail sur des critères de taux d’employabilité, et non de contenu pédagogique.

Certains de ces acteurs, connus pour être de vrais prédateurs à l’étranger, bénéficient par ailleurs des investissements de la Banque publique d’investissement (Bpifrance), ce qui conduit à s’interroger sur la stratégie de l’État en la matière.


D.   Des emplois et moyens insuffisants

Depuis l’entrée en vigueur de la LRU, les crédits exécutés sur le programme 150 ont augmenté de 3 305 millions d’euros (+ 32 %), passant de 10 313 millions d’euros en 2007 à 13 618 millions d’euros en 2021. S’agissant des emplois, le nombre d’ETPT notifiés aux établissements a augmenté de 7 279 ETPT, passant de 165 644 ETP en 2007 à 172 923 ETP en 2021.

Mais les budgets des universités et les recrutements n’ont pas suivi l’augmentation du nombre d’étudiants. S’agissant du recrutement d’enseignants, il a diminué sur le long terme, avec une division par 2,5 du nombre de postes de professeurs offerts aux candidats entre 1998 et 2020, et une division par trois du nombre de postes de maîtres de conférence offerts sur la même période. Par conséquent, la dépense par étudiant a baissé de près de 10 % et le taux d’encadrement est passé de 1 enseignant pour 38,4 en 2012 à 1 pour 47,3 en 2019.

La LRU n’a pas diminué la précarité. Le manque de perspectives d’emplois stables explique en partie la baisse du nombre de doctorants et la souffrance des jeunes chercheurs précaires, dont beaucoup sont contraints d’abandonner la recherche. Aujourd’hui, sans compter les vacataires, près de 22 % des personnels sont contractuels et certains dans des situations parfois dramatiques. La loi LRU a entraîné une augmentation du nombre d’enseignants contractuels et une explosion de celui des vacataires, avec une augmentation de 20 % entre 2012 et 2019. Les établissements de l’ESR public ont fait appel à 120 615 vacataires pour effectuer des heures d’enseignement en 2019-2020. Ce recours aux vacataires varie fortement selon les universités. À Lille par exemple, ils sont 1,7 fois plus nombreux que les titulaires et leur nombre a augmenté de près de 70 % depuis 2012.

Pour recruter, il faut avoir de la visibilité sur le long terme, ce qui n’est pas le cas avec la LPR, donc les établissements préfèrent ne pas s’engager avec des recrutements de personnels permanents.

Cette dynamique est visible dans les chiffres donnés par la DGESIP. L’écart entre le plafond d’emplois fixé par l’État et la consommation de ce plafond s’établissait en 2021 à 9 779. Les effectifs des personnels titulaires des bibliothèques, ingénieurs, administratifs, techniciens, sociaux et de santé (BIATSS) en activité dans les établissements d’enseignement supérieur ont baissé de 3,7 % depuis 2018.

Depuis l’adoption de la loi LRU, la maîtrise de la masse salariale et des emplois est l’un des enjeux financiers majeurs et constitue l’un des axes de dialogue entre le ministère et les établissements. La manière dont les établissements anticipent et financent le glissement vieillesse-technicité (GVT) est depuis de nombreuses années sujet de débats. Les syndicats et l’ex-Conférence des présidents d’université (CPU), rebaptisée France Universités, ont souvent accusé le gouvernement de ne pas compenser le GVT, dont le coût déséquilibre le budget des universités.

Depuis 2019, le GVT ne fait plus l’objet d’un financement spécifique au sein de la subvention pour charges de service public. Néanmoins, le dialogue stratégique et de gestion, mis en œuvre par la DGESIP depuis 2018, intègre une enveloppe de crédits de 5 millions d’euros ayant vocation à être pérennisée sous conditions, allouée pour répondre aux difficultés structurelles que rencontrent certains établissements, en raison notamment de tensions sur la masse salariale et, en particulier, sur le GVT. En 2022, selon la DGESIP, 14 établissements bénéficient de ce soutien en contrepartie de la mise en œuvre de mesures structurelles leur permettant de maîtriser leur masse salariale. Le rapporteur pour avis s’interroge sur le fait que cette aide est conditionnée à d’éventuels efforts de maîtrise de la masse salariale. Le volume du GVT dépend avant tout de la pyramide des âges et il n’y a pas de raison qu’une université ayant une pyramide des âges défavorable soit contrainte de réduire les recrutements.

Ce manque de moyens et la précarité d’un nombre accru d’enseignants a entraîné une baisse dans la qualité des formations, selon les syndicats étudiants comme enseignants. Par ailleurs, nous pouvons être inquiets pour le futur, si un plan de recrutement massif n’est pas décidé. En effet, les prévisions de départ à la retraite pour les enseignants sont importantes, puisque ces départs devraient passer de 1 200 enseignants-chercheurs en 2021 à près de 2 000 en 2030.

E.   Une université à deux vitesses ?

Le projet d’autonomie visait un changement radical de philosophie, avec un objectif de différenciation des universités. Ce processus de différenciation a conduit à des inégalités accrues entre établissements.

Il est possible de classer les universités selon leur niveau d’ouverture aux classes populaires (ouverture sociale) et les disciplines. Le processus d’autonomie d’une part et les financements dits « d’excellence » liés au grand emprunt (IdEx, I‑SITE, plan Campus) d’autre part, ont augmenté les disparités entre universités, en abondant plutôt les regroupements qui étaient les plus sélectifs. Ce choix politique est d’ailleurs assumé par le ministère qui souhaite une « signature » plus forte des établissements avec la possibilité que certains d’entre eux puissent être des leaders dans la compétition mondiale initiée, dont le classement de Shanghai est l’emblème.

 

répartition des établissements selon l’ouverture sociale et les disciplines enseignées

Note : l’ouverture sociale est estimée via la composante principale d’une analyse des populations étudiantes des établissements, qui tient compte de la profession des parents, les échelons de bourse et le type de baccalauréat.

Source : table-ronde rassemblant des enseignants-chercheurs à l’initiative du rapporteur pour avis ; audition réalisée le 20 septembre 2022.

Ces disparités entre universités se traduisent par des taux d’encadrement différents. Ils varient du simple au triple avec par exemple à Nîmes 4,21 enseignants pour 100 étudiants, contre 14,39 à l’université Paris-Saclay. De même, la dotation pour charges de service public varie de 1 à 7 selon les établissements : elle est à Nîmes de 4 259 euros par étudiant contre 14 369 euros à Saclay ou 30 276 euros à l’École nationale supérieure de chimie de Paris.

Ces disparités existent aussi entre filières au sein de chaque université. Par exemple, le taux d’encadrement est en moyenne de 3 enseignants pour 100 étudiants en sciences et techniques des activités physiques et sportives (STAPS).

Compte tenu de son effet structurant, le déploiement du programme d’investissements d’avenir (PIA, voir annexe 1) est un élément important des stratégies de site.

Concernant le PIA1, dans le cadre de la mission Recherche et enseignement supérieur, les ressources extrabudgétaires dont bénéficient les établissements représentent sur la durée complète des projets une ressource mobilisable de 13,5 milliards d’euros. L’action la plus structurante, dotée de 6,8 milliards d’euros et dédiée aux établissements, vise à créer des pôles universitaires à visibilité mondiale : université de Bordeaux, Paris Sciences et Lettres (PSL), UNISTRA (Strasbourg), AMIDEX (Aix-Marseille), SUPER (Sorbonne Université), Université Sorbonne Paris Cité (USPC), Université Paris Saclay et UNITI (Toulouse). Les initiatives d’excellence s’articulent en région avec les projets scientifiques et de formation des autres actions du PIA avec 171 « laboratoires d’excellence » (LABEX), 36 « initiatives d’excellence pour la formation innovante » (IDEFI), 12 IDEFI-N (formations innovantes numériques), 93 « équipements d’excellence » (EQUIPEX), 6 instituts hospitalo-universitaires (IHU), ainsi que 70 projets sur la santé et les biotechnologies. Le PIA 2, d’un montant de 6 milliards d’euros pour l’ensemble des actions relevant de la mission Recherche et enseignement supérieur, se déploie entre 2014 et 2025. Il prolonge des actions engagées dans le premier PIA et les complète par l’introduction de deux volets destinés respectivement aux Instituts Convergences ([24]) et au calcul intensif. Le tout constitue selon les différents acteurs un écosystème pour le moins complexe.

Les disparités entre universités existaient avant le processus d’autonomie des universités, mais il y a eu une amplification de ces inégalités avec la LRU, les PIA et la LPR. La part des ressources propres des universités a atteint 19,2 % en 2021, en progression de 2,3 points depuis 2018. L’ANR, PIA, Région et Europe contribuent à hauteur de 30 % de ces ressources propres. Et ce taux de ressources propres varie entre 6 % pour Toulouse 2 à plus de 26 % pour Mulhouse, Poitiers ou Bordeaux, ce qui amplifie bien les disparités entre établissements.

Pour certains acteurs, le calcul des subventions pour charges de service public n’est d’ailleurs pas transparent. Certaines universités sont sous-dotées par rapport à d’autres sans aucune justification claire. Il n’est pas sûr que les contrats d’objectifs, de moyens et de performance que la ministre souhaite mettre en place soient de nature à résorber ces disparités. Lors de son audition par le rapporteur pour avis, la direction du budget a confirmé que les dotations versées par l’État aux établissements ne tenaient pas compte des autres financements (ANR, PIA, Union européenne). La conséquence est que les étudiants issus des établissements expérimentaux et qui viennent de milieux plus favorisés bénéficient de conditions d’études plus favorables et d’un investissement plus fort de l’État. 

Cette dichotomie progressive de l’enseignement supérieur pose aussi des problèmes d’égalité d’accès selon les territoires. En effet, la proximité de la formation est un sujet important. De nombreux étudiants n’ont pas les moyens matériels d’aller étudier dans les grandes agglomérations. D’autre part, l’éloignement des étudiants de leurs familles ou de leurs conjoints est source de souffrances psychologiques. Les relations familiales et amoureuses constituent les premières causes de souffrance des étudiants selon l’association Nightline. Nous avons donc besoin de plus d’offres de formation de proximité, ce qui n’est pas forcément compatible avec la logique de construction de mastodontes internationaux.

Concernant la course à l’excellence, de nombreux acteurs s’interrogent sur la pertinence des classements internationaux. Le savoir n’est pas une marchandise. Les étudiants clients qui cherchent à l’international la meilleure formation, quitte à la payer très cher, constituent une très faible minorité. De plus, il n’est pas évident que la signature des établissements français et leur renommée aient beaucoup progressé avec les multiples fusions.

L’autonomie des universités a aussi comme conséquence la fin du cadrage national des diplômes avec à la clé d’énormes disparités sur le contenu même des qualifications, ce qui ne simplifie pas le recrutement dans le privé comme dans le public.

F.   Qualité de vie au travail

De nombreux acteurs auditionnés ont relevé que le choc de simplification qui devait aller de pair avec l’autonomie n’a pas eu lieu. Au contraire, il n’y a jamais eu autant de bureaucratie et le cycle des décisions n’a pas été simplifié. Cette complexité bureaucratique a conduit au développement d’entreprises de conseil privées d’abord pour le dépôt de dossiers au titre du crédit d’impôt pour la recherche (CIR), puis maintenant pour l’Agence nationale de la recherche ou les projets européens.

Concernant, la qualité de vie au travail, les alertes ont été nombreuses de la part des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Dans l’avis du 21 juillet 2022 du CHSCT ministériel, il est écrit par exemple que « non seulement l’organisation actuelle du travail à l’université Sorbonne Nouvelle rend malades ses personnels, mais elle met en péril son fonctionnement et ses missions d’enseignement et de recherche. La mainmise de l’administration sur la politique de l’établissement montre ses limites et place de facto l’université dans une situation dangereuse pour sa pérennité et la réalisation de ses missions de service public ». Paris-Saclay est un autre exemple où les regroupements ont généré des désorganisations, elles-mêmes causes des souffrances au travail, comme le révèle le rapport du cabinet de conseil en santé et conditions de travail Degest ([25]).

Les personnels « font tourner la machine » au-delà même du raisonnable, selon les mots des représentants du personnel, avec des effets en cascade. Plus il y a de burn-out et d’arrêts de travail, plus la charge des autres personnels s’accroît. Ces alertes remontent de nombreux établissements, mais le phénomène est renforcé dans ceux qui ont connu deux ou trois restructurations. Les CHSCT sont par ailleurs sous-dimensionnés dans des établissements dont les périmètres ont augmenté.

Enfin, la vie démocratique a été fragilisée par le processus d’autonomie. La volonté de rapprocher les écoles des universités a conduit à calquer le fonctionnement des conseils d’administration (CA) des nouveaux établissements sur ceux des grandes écoles, avec à la clé une baisse de la représentativité des organisations syndicales de salariés et d’étudiants. Les grands établissements expérimentaux ont ainsi réduit la part des membres élus à moins de 40 %. Les problèmes de gouvernance des IHU ont aussi été pointés lors du rapport commun de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche sur l’IHU Méditerranée Infection ([26]).

*

L’autonomie n’est jamais une fin en soi. Il est nécessaire de la replacer dans un contexte global. La loi LRU et le processus d’autonomie des universités ont été accompagnés de nombreuses réformes sur la recherche et sur le parcours des étudiants. Dans ce rapport, nous avons donc dû regarder comment ces autres réformes ont aussi interagi avec le processus d’autonomisation.

Ce processus s’est déroulé d’abord dans un contexte de manque d’investissements dans l’enseignement supérieur et la recherche en France au regard des enjeux scientifiques d’une part et de la croissance de la population étudiante d’autre part. Dans leurs rapports qui préfiguraient la LPR ([27]), les rapporteurs, parmi lesquels figurait l’actuelle ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, écrivaient :

« Face à la montée en puissance de grands pays émergents comme la Chine, les pays meneurs doivent consolider leur position. Tout près de nous, l’Allemagne a pleinement pris la mesure de ces enjeux : l’État et les régions viennent d’y conclure un accord (en mai 2019) pour intensifier leurs investissements dans la recherche et l’enseignement supérieur. Pas moins de 160 milliards d’euros supplémentaires seront ainsi consacrés à ces secteurs au cours des 10 prochaines années. A contrario, la France a perdu du terrain, et le niveau de financement public et privé de la recherche reste très en dessous de ce qu’il devrait être. En 2016, les dépenses engagées s’élevaient à 49,5 milliards d’euros, soit 2,22 % de la richesse nationale : c’est moins que la moyenne des pays de l’OCDE, et loin de l’objectif de 3 % fixé au début du 21ème siècle par la stratégie de Lisbonne. »

Le second rapport, sur l’attractivité des emplois et carrières scientifiques rappelait que « le salaire annuel brut d’entrée moyen des chercheurs en France représentait, en parité de pouvoir d’achat, 63 % du salaire moyen d’entrée perçu par les chercheurs en Europe et dans les pays de l’OCDE ».

Les conséquences de ce manque de moyens sont multiples. Nous connaissons un appauvrissement de secteurs entiers de l’ESR, du côté des structures de base des établissements (scolarité, services techniques, bâtiments) comme des étudiants. Plus du tiers des locaux des universités sont en mauvais état, selon un rapport récent de la Cour des comptes ([28]).

Le processus d’autonomie des universités a donc été marqué par ce manque de moyens. Mais cette autonomie a aussi été profondément impactée par la volonté de faire entrer la France dans la compétition mondiale pour la production et le partage des savoirs. Le processus d’autonomie des universités a donc aussi été marqué par la volonté de mise en concurrence du privé avec le public, des universités entre elles, des unités de recherche entre elles et au bout de la chaîne des étudiants et des enseignants-chercheurs entre eux. L’idée sous-jacente de ce projet est de faire des opérateurs de l’enseignement supérieur des acteurs en concurrence entre eux pour attirer les étudiants.

Cette mise en compétition des acteurs et la marchandisation sous-jacente de ce secteur a été accompagnée par un renforcement de la bureaucratie, liée à la multiplication des procédures, des lieux de décision et des modes de financement, qui détourne les enseignants et les chercheurs de leurs métiers.

Un argument souvent employé est le nécessaire alignement du système français sur les autres expériences internationales. Malheureusement, les autres systèmes ne sont pas forcément plus vertueux. Par exemple, les universités anglaises dépendent aujourd’hui des droits d’inscription des étudiants étrangers, ainsi que des placements boursiers des universités. Avec les aléas financiers ou sanitaires, ce qu’on nous présentait comme la solution au déséquilibre des finances publiques pour financer l’enseignement supérieur s’est avéré être un piège : les moins-values des placements contraignent les universités à faire des choix budgétaires au détriment de la continuité du service public. Enfin, partout dans le monde, la baisse des investissements publics et la hausse des frais d’inscription, se sont accompagnés d’une baisse de la dépense par étudiant

Rappelons que ces réformes, qui s’inscrivent dans la stratégie de Lisbonne, ont partout suscité des résistances : en France et en Grèce en 2007, en Italie à l’automne 2008, en Espagne, au Danemark, en Finlande, en Autriche, en Allemagne, au Royaume-Uni en 2009. Cette année 2009 a fini sur une mobilisation en Croatie pour la gratuité de l’enseignement supérieur. Cet exemple sera suivi par les étudiants serbes en 2011. La libéralisation s’est doublée ensuite de politiques d’austérité dans les pays les plus touchés par la crise, avec des augmentations des frais d’inscription, contestées en Angleterre et en Espagne d’abord, puis en Californie en 2010, en Colombie et au Chili en 2011, et enfin en 2012 lors de l’impressionnant « printemps érable » au Québec.

À la suite de ce rapport, le rapporteur pour avis exprime six recommandations pour redonner à l’ESR les moyens de ses missions :

– Une augmentation du nombre d’enseignants statutaires pour retrouver le taux d’encadrement qui prévalait en 2010 et la résorption de la précarité en titularisation les contractuels ;

– Une revalorisation des salaires des personnels d’au moins 20 %, pour rattraper le retard de leur rémunération par rapport aux autres pays de l’OCDE ;

– La refonte complète du système de bourses, voire la mise en place d’une allocation autonomie, comme le demandent des syndicats étudiants ;

– La réinscription dans la loi du droit à la poursuite des études, ce qui impliquent la refonte des plateformes Parcoursup et TrouveMonMaster ;

– La résorption des inégalités de moyens entre universités en réaffectant une partie des moyens de l’ANR et des initiatives d’excellence vers les subventions pour charges de service public des établissements, ce qui permettra de redonner des moyens sur le temps long aux acteurs par l’octroi de crédits récurrents et de limiter le recours aux appels aux projets ;

– Le renforcement d’universités de proximité pour rapprocher ce service public essentiel des lieux de vie dans les territoires.

 

 


—  1  —

   Travaux de la commission

L’ordre du jour de la Commission prévoyait l’examen pour avis des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur le mercredi 2 novembre 2022, à 17 heures.

 

La première ministre ayant engagé la responsabilité du Gouvernement sur la seconde partie et l’ensemble du projet de loi de finances pour 2023 avant le début de cette réunion, l’examen de ce projet de loi a été interrompu et les crédits de la mission n’ont pas été examinés.

 

La Commission a néanmoins auditionné Mme Sylvie Retailleau, ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, sur le budget de son ministère pour 2023.

Cette audition est accessible sur le portail vidéo du site de l’Assemblée nationale à l’adresse suivante : https://assnat.fr/EGUnwl

Le compte rendu de cette audition est disponible à l’adresse suivante : https://assnat.fr/OD3owk

 

 

 


—  1  —

   Annexe 1 :
liste des personnes auditionnées par le rapporteur

     Ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche  direction générale de l’enseignement supérieur et de l’insertion professionnelle  Mme Anne Barthez, directrice générale, M. Philippe Burdet, sous-directeur du financement de l’enseignement supérieur, M. Pierre-Olivier Legris, chef du département de la synthèse budgétaire, et M. Géraud de Marcillac, chef du service de la stratégie de contractualisation, du financement et de l’immobilier

     Centre national des œuvres universitaires et scolaires (CNOUS) Mme Dominique Marchand, présidente, et M. Clément Cadoret, directeur général délégué

     Table ronde réunissant les syndicats d’enseignants de l’enseignement supérieur :

 Syndicat national de l’enseignement supérieur – Fédération syndicale unitaire (Snesup FSU)  M. Hervé Christofol, membre du bureau national du SNESUP-FSU, et M. Philippe Aubry, secrétaire général adjoint

 Fédération de l’éducation, de la recherche et de la culture (FERC sup CGT)  Mme Frédérique Bey et M. Vincent Martin, membres

 Syndicat général de l’éducation nationale – CFDT (SGEN-CFDT)Mme Françoise Lambert, membre de la commission exécutive, et M. Christophe Bonnet, secrétaire fédéral

     Conférence des grandes écoles (CGE)*  M. Hugues Brunet, directeur général de la CGE, et M. Maxime Vesselinoff, directeur conseil Rivington

     Table ronde réunissant les organisations de représentation étudiante :

– Fédération des associations générales étudiantes (FAGE)*  M. Etienne Matignon, vice-président chargé des affaires académiques, et Mme Laura Lehmann, première vice-présidente en charge de la stratégie d'influence

 Union nationale des étudiants de France (UNEF)*  Mme Imane Ouelhadj, présidente, et Mme Pauline Lebaron, vice-présidente en charges des affaires universitaires

 Union nationale-interuniversitaire (UNI) M. Remy Perrad, délégué national

 L’Alternative  Union syndicale et associative  M. Naïm Shili, secrétaire national, et Mme Éléonore Schmitt, secrétaire nationale

     Confédération des jeunes chercheurs – Mme Julie Crabot, présidente, M. Antonin Marquant et Mme Pauline Bennet, membres

     Association Nightline France  M. Erkan Narmanli, président, et Mme Nathalie Roudaut, déléguée générale

     Table ronde réunissant des enseignants-chercheurs, sur le thème de l’organisation de l’enseignement supérieur en France :

– M. Cédric Hugrée, chargé de recherche au CNRS, Centre de recherches sociologiques et politiques de Paris

 M. Romuald Bodin, professeur des universités à Nantes Université

 M. Joël Laillier, maître de conférences à l’université d’Orléans

 M. Christian Topalov, directeur de recherche honoraire au CNRS

 M. Hugo Harari-Kermadec, maître de conférences à l’ENS de Paris-Saclay

– Mme Adèle B. Combes, docteure en neurosciences

 Mme Annabelle Allouch, maître de conférences à l’université de Picardie-Jules Vernes

     Direction du Budget  sous-direction des budgets de l’enseignement scolaire, de la recherche, de l’enseignement supérieur et de l’industrie  M. Alban Hautier, sous-directeur

     France Universités* – M. Manuel Tunon de Lara, président, et M. Kevin Neuville, conseiller relations institutionnelles et parlementaires

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité de transparence pour la vie publique s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


—  1  —

   Annexe 2 :
Les programmes d’investissements d’avenir

 

Les programmes d’investissements d’avenir (PIA), piloté par le secrétariat général pour l’investissement (SGPI), ont été mis en place par l’État pour financer des investissements innovants et prometteurs sur le territoire, afin de permettre à la France d’augmenter son potentiel de croissance et d’emplois.

De l’émergence d’une idée jusqu’à la diffusion sur le marché d’un produit ou service nouveau, le PIA intervient sur tout le cycle de vie de l’innovation et fait le lien entre la recherche publique et le monde de l’entreprise. Le PIA repose sur un double principe d’effet de levier et de partage des risques : l’investissement de l’État dans un projet d’innovation est la plupart du temps cofinancé par des partenaires privés ou publics. Depuis le lancement du PIA, l’État a ainsi cofinancé plusieurs milliers de projets pour préparer l’avenir.

Le premier PIA a été lancé en 2010. L’ensemble des PIA mobilise 57 milliards d’euros. Les gouvernements successifs ont investi, à hauteur de 35 (PIA 1), 12 (PIA 2), 10 (PIA 3) et 20 milliards d’euros (PIA 4).

 


—  1  —

   Annexe 3 :
Nombre d’ETP et coût par étudiant

LIBELLÉ TIERS

Taux d’encadrement (1)

Coût/étudiants sur la base des charges de l’établissement au CF 2021 (2)

BORDEAUX III

6,34

6 429 €

LYON II

5,75

5 585 €

MONTPELLIER III

5,55

5 424 €

PARIS III

7,48

nd

PARIS VIII

6,57

6 371 €

PARIS X

6,84

6 503 €

RENNES II

5,67

5 525 €

TOULOUSE II

7,24

6 817 €

LYON III

4,79

4 653 €

PARIS I

5,84

5 879 €

PARIS II

4,92

5 175 €

TOULOUSE I

5,22

5 721 €

LYON I

11,27

11 074 €

PARIS

12,72

12 443 €

PARIS-SACLAY

14,39

14 369 €

RENNES I

10,60

10 885 €

TOULOUSE III

13,28

12 333 €

ARTOIS

8,76

8 091 €

AVIGNON

9,06

9 076 €

BRETAGNE SUD

8,36

9 086 €

CHAMBERY

7,88

8 522 €

CORTE

15,29

15 875 €

CUFR MAYOTTE

9,18

nd

CY CERGY PARIS

9,18

10 566 €

EVRY-VAL D’ESSONNE

8,67

8 723 €

GUSTAVE EIFFEL

15,26

18 799 €

INU JEAN-FRANCOIS CHAMPOLLION

5,71

2 269 €

La ROCHELLE

9,25

10 142 €

LE HAVRE

10,22

10 063 €

LE MANS

8,95

9 201 €

LITTORAL

9,15

8 931 €

MULHOUSE

9,15

10 627 €

NIMES

4,21

4 259 €

NOUVELLE-CALÉDONIE

7,02

9 579 €

ORLEANS

10,32

10 044 €

PAU

8,68

10 367 €

PERPIGNAN

8,81

8 826 €

POLYNÉSIE FRANÇAISE

8,31

11 561 €

TOULON

7,93

7 984 €

UPHF

10,79

10 299 €

AIX-MARSEILLE

10,35

11 050 €

AMIENS

7,82

8 155 €

ANGERS

6,26

6 721 €

ANTILLES

8,75

9 669 €

BORDEAUX

10,07

11 775 €

BRETAGNE OCCIDENTALE

9,07

9 231 €

CAEN

8,65

8 247 €

CLERMONT AUVERGNE

9,37

9 232 €

CÔTE D’AZUR

8,85

9 745 €

DIJON

8,72

8 329 €

GRENOBLE ALPES

10,67

11 292 €

GUYANE

7,52

10 671 €

LA RÉUNION

6,32

8 151 €

LILLE

9,57

9 584 €

LIMOGES

9,29

9 789 €

LORRAINE

10,20

10 469 €

MONTPELLIER

9,60

9 628 €

NANTES

9,15

9 778 €

PARIS XII

8,29

8 553 €

PARIS XIII

8,81

8 341 €

POITIERS

9,79

9 139 €

REIMS

9,46

8 824 €

ROUEN

7,81

7 805 €

SAINT-ÉTIENNE

8,08

8 344 €

SORBONNE UNIVERSITÉ

15,06

15 263 €

STRASBOURG

9,24

10 730 €

TOURS

8,07

8 179 €

VERSAILLES-SAINT-QUENTIN

8,19

8 994 €

BESANÇON

10,49

9 572 €

PSL

20,50

63 677 €

CENTRALE LILLE INSTITUT

13,39

17 583 €

CENTRALE SUPELEC

16,76

23 919 €

EC LYON

15,45

18 089 €

EC MARSEILLE

14,11

16 957 €

EC NANTES

11,79

18 310 €

ENI BREST

13,24

5 374 €

ENI TARBES

13,03

17 704 €

ENSAIT

22,51

8 908 €

ENSAM

16,27

17 324 €

ENSC MONTPELLIER

25,59

29 310 €

ENSC PARIS

24,75

30 277 €

ENSC RENNES

15,77

18 975 €

ENSEA CERGY

13,12

6 797 €

ENSI CAEN

16,69

23 940 €

ENSI IE

10,30

12 112 €

ENSMM

16,63

8 633 €

INP BORDEAUX

13,71

7 318 €

INP CLERMONT AUVERGNE

13,76

17 197 €

INP GRENOBLE

20,36

23 828 €

INP TOULOUSE

18,93

24 907 €

INSA CENTRE VAL DE LOIRE

10,72

12 303 €

INSA LYON

19,59

22 568 €

INSA RENNES

19,57

20 444 €

INSA ROUEN

15,87

19 446 €

INSA STRASBOURG

10,01

11 550 €

INSA TOULOUSE

16,37

20 844 €

INSA HAUTS-DE-FRANCE

4,69

6 816 €

ENSMA

20,19

24 423 €

SUPMECA

15,25

6 515 €

UT BELFORT-MONTBELIARD

13,38

13 902 €

UT COMPIÈGNE

15,05

15 829 €

UT TROYES

9,49

14  049 €

(1) Le taux d’encadrement désigne le nombre d’étudiants par ETP toutes catégories de personnel confondues.

(2) Le calcul du coût par étudiant ne tient pas compte des sources de financement autres que les dotations de l’État (PIA, CPER, UE, ANR).

Source : réponse au questionnaire budgétaire.


([1]) En particulier le Muséum national d’histoire naturelle (MNHN), le Musée des arts et métiers et le Musée du Quai Branly-Jacques Chirac.

([2]) Loi n° 2021-1900.

([3]) Loi n° 2022-1157.

([4]) Décret n° 2022-994 du 7 juillet 2022 portant majoration de la rémunération des personnels civils et militaires de l'État, des personnels des collectivités territoriales et des établissements publics d'hospitalisation.

([5])  Loi n° 2007-1199.

([6])  Le glissement vieillesse technicité désigne l’évolution de la masse salariale à effectif constant, liée à la composition de celle-ci. L’avancement des agents publics s’accompagne en effet d’une augmentation de la composante indiciaire – et, éventuellement, indemnitaire – de leur rémunération. Le GVT positif désigne ainsi la croissance de la masse salariale liée à l’élévation mécanique du niveau de rémunération des agents. À l’inverse, le GVT négatif désigne la diminution de la masse salariale due au remplacement d’agents qui présentent un niveau d’avancement et des traitements élevés par d’autres moins expérimentés. Le GVT solde désigne la résultante de ces deux effets de structure.

([7]) Les IdEx consistent en un label attribué, au terme d’une sélection opérée par un jury international sur la base de candidatures d’établissements, à des universités jugées capables d’acquérir une position éminente dans un large spectre de disciplines à l’échelle mondiale. Aux côtés d’autres démarches de labellisation apparues au gré des générations successives de PIA (notamment les laboratoires d’excellence, ou LabEx, et les Initiatives-Science-Innovation-Territoires-Économie, ou I-SITE), les IdEx participent d’une différenciation des financements entre établissements d’enseignement supérieur et de recherche.

([8]) Audition de l’association Nightline, réalisée le 19 septembre 2022.

([9]) En tenant compte du fait que les 3,9 millions d’euros prévus par le PLF ne seraient consommés qu’à partir de septembre 2023 et répartis entre 8 000 nouveaux étudiants, on obtient une dépense moyenne de 487,50 euros/étudiant durant les quatre derniers mois de l’exercice 2023. Pour une année pleine, cette somme équivaut à 487,5 * 3 = 1 462,50 euros.

([10]) Le projet annuel de performances de la mission mentionne, pour le périmètre de l’action 1 du programme 150, 1 225 200 étudiants en 2021-2022. La LFI pour 2022 prévoyait 3,7 milliards d’euros pour cette action. Le rapport entre ces deux nombres fournit une mesure approximative de la dépense par étudiant pour le premier cycle, mais ne tient pas compte des concours d’autres programmes.

([11]) Arrêté du 11 octobre 2021 modifiant l'arrêté du 29 août 2016 fixant le montant de la rémunération du doctorant contractuel.

([12]) Audition de la Confédération des jeunes chercheurs, réalisée le 20 septembre 2022.

([13]) Loi n° 2013-660.

([14]) Réponse au questionnaire budgétaire.

([15]) Projet annuel de performances de la mission Recherche et enseignement supérieur, p. 165.

([16]) Loi n° 2018-938 du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous.

([17]) Loi n° 2007-1199.

([18]) Loi n° 2006-450.

([19]) Loi n° 2013-660.

([20]) Ordonnance n° 2018-1131.

([21]) Enquête sur le coût de la vie étudiante, n° 18, 2022.

([22])  « Une année seuls ensemble », OVE infos, n° 45.

([23]) Loi n° 2018-166 du 8 mars 2018 relative à l’orientation et à la réussite des étudiants.

([24]) L’action « Instituts Convergences » du PIA 2 visait à favoriser la constitution de sites hébergeant des structures de recherche pluridisciplinaires.

([25]) Rapport remis au CHSCT de l’université Paris-Saclay le 9 avril 2021, portant sur les conséquences des transformations de l’établissement.

([26]) « Contrôle de l’IHU Méditerranée Infection », rapport commun de l’IGAS et de l’IGESR, août 2022.

([27])  Trois groupes de travail avaient été constitués en février 2019 pour formuler des orientations en vue de l’élaboration d’une loi de programmation pluriannuelle de la recherche. Leurs travaux devaient porter respectivement sur le financement de la recherche, l’attractivité des emplois et des carrières scientifiques et la recherche partenariale et l’innovation. Leurs rapports respectifs avaient été remis à la ministre de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, Mme Frédérique Vidal, le 23 septembre 2019. L’actuelle ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, Mme Sylvie Retailleau, faisait partie du groupe de travail « Financement de la recherche », en sa qualité de présidente de l’université Paris-Saclay.

([28])  Cour des comptes, L’immobilier universitaire, octobre 2022.