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N° 819

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 janvier 2023.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DE LA DÉFENSE NATIONALE ET DES FORCES ARMÉES SUR LE PROJET DE LOI ( 760)

de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023,

PAR Mme Corinne VIGNON

Députée

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SOMMAIRE

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Pages

introduction

Première partie : Le régime des pensions militaires dans le droit en vigueur : un dispositif fondé sur la singularité militaire

I. La juste reconnaissance de l’État militaire

A. Des sujétions propres à l’état militaire

B. Un engagement opérationnel éprouvant

C. Des primes et bonifications spécifiques pour répondre aux contraintes et exigences d’un environnement professionnel de prise de risque exacerbée

1. La bonification statutaire du cinquième vise à compenser les carrières courtes.

2. Les bonifications spécifiques liées aux services aériens et sous-marins.

3. Les bonifications spécifiques liées aux services en campagne et aux risques afférents

D. La réversion de la pension militaire sans conditions d’âge ni de ressources

II. Un régime adapté à l’impérieuse nécessité de disposer d’un outil de sécurité et de défense efficace au modèle RH spécifique

A. L’impératif de jeunesse voulu par la loi

1. Les limites d’âge

a. Les officiers

b. Les sous-officiers

c. Les officiers sous contrat et les militaires commissionnés

B. La reconversion

C. Deux types de pensions : à jouissance différée et immédiate

1. La pension à jouissance différée

2. La pension à jouissance immédiate

D. L’incitation à l’allongement des carrières à travers les décotes « carrières courtes » et « carrières longues »

1. La décote « carrière longue »

2. La décote « carrière courte » :

seconde partie : Le projet de loi, Une réforme paramétrique qui préserve le régime des pensions militaires

I. Le maintien du régime de la pension à liquidation immédiate, des limites d’âge et des bonifications

II. Les modifications proposées par le projet de loi s’agissant des militaires

A. La suppression de la dégressivité de la bonification du cinquième

B. Les dispositions relatives à la pension à liquidation différée

C. L’application de la réforme « Touraine » : l’accélération de l’augmentation de la durée d’assurance requise pour obtenir une retraite à taux plein

Examen, ouvert à la presse, de l’article 7 du projet de loi, mardi 31 janvier

 


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   introduction

 

Le jeudi 26 janvier dernier, la commission de la Défense nationale et des forces armées s’est saisie pour avis des dispositions de l’article 7 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale qui ont trait aux personnels militaires.

Les caractéristiques propres au régime des pensions militaires sont la traduction d’une politique publique. Ce régime répond en effet à des impératifs de défense, en particulier en matière de gestion des ressources humaines qui relève d’une dynamique de flux plutôt que de stock, contrairement à ce qui prévaut pour la fonction publique. Les règles particulières du régime des pensions militaires sont imposées par la nécessité pour les armées de disposer en permanence d’une ressource humaine jeune, apte à faire campagne et dont la reconversion professionnelle doit être favorisée lorsqu’elle quitte la fonction militaire. Il s’agit d’abord d’attirer des recrues en leur garantissant un revenu de complément en fin de service mais aussi de fidéliser les cadres expérimentés nécessaires à la transmission de l’expérience et des valeurs qu’exige une armée démocratique à forte technicité. Il s’agit aussi d’inciter au départ pour fluidifier la gestion des pyramides de grades et d’expérience en offrant une pension dès l’atteinte de bornes de durée de service. Enfin, ce régime vise à forcer au départ ceux qui atteignent une limite d’âge, pour éviter tout vieillissement excessif des unités de combat.

L’exigence de jeunesse de nos armées se traduit par des limites d’âge relativement basses ainsi que par le droit au bénéfice immédiat d’une pension, une fois accomplie une certaine durée de service.

Le droit à pension immédiate bénéficie aux militaires dont la durée de service est supérieure à 17 ans pour les non-officiers, à 20 ans pour les officiers sous contrat et à 27 ans pour les officiers de carrière. Un droit à pension à liquidation différée bénéficie aux militaires dont la durée de service est supérieure à 2 ans et inférieure à 15 ans pour les militaires engagés depuis 2014 avec une liquidation prévue à l’âge légal de départ à la retraite ainsi qu’aux militaires ayant 15 ans de service sans avoir atteint leur borne de pension à liquidation immédiate avec, dans ce cas, une liquidation à 52 ans. Le maintien d’une possibilité de départ précoce avec jouissance immédiate de la pension de retraite est essentiel pour fluidifer les départs nécessaires à une pyramide des grades conforme aux besoins des forces ; elle assure une garantie de revenu minimum qui facilite la démarche de reconversion de ceux qui quittent tôt le service actif.

Le régime des pensions militaires est aussi un moyen d’assurer la reconnaissance de la Nation. Il est en effet aussi une contrepartie des obligations de l’état militaire, ce qui fait des pensions militaires de retraite un élément consubstantiel de la condition militaire. Ainsi, le régime des pensions militaires reconnaît notamment la singularité de l’état militaire et des exigences du combat au travers de bonifications (pour campagne, de milieu et du cinquième) qui haussent d’autant les montants des pensions.

La réforme qui est présentée au Parlement préserve entièrement le régime des pensions militaires puisque les paramètres propres à ces pensions resteront inchangés.

Les bornes de la pension à liquidation immédiate sont maintenues : 17 ans pour les sous-officiers et les militaires du rang, 20 ans pour les officiers sous contrat et 27 ans pour les officiers de carrière. Les limites d’âge de l’ensemble des corps militaires, qui sont fixées à l’article L. 4139-16 du code de la défense, sont maintenues à l’identique. Les bonifications resteront elles aussi inchangées.

Véritable avancée aux yeux de la rapporteure, le mécanisme de dégressivité de la bonification ([1])  du cinquième après soixante ans est supprimé par le projet de loi. Cela concerne en particulier les commissaires des armées, les officiers des corps techniques et administratifs, les ingénieurs des corps de l’armement, des essences, des infrastructures et, enfin, les officiers et certains sous-officiers du service de santé des armées. L’objectif de cette mesure est de permettre à l’institution de maintenir ces militaires en service jusqu’à leur limite d’âge sans qu’ils en soient dissuadés financièrement.

Le projet de loi prévoit aussi que les militaires se verront appliquer l’accélération de la réforme dite « Touraine » qui portait la durée de cotisation pour prétendre à une retraite à taux plein à 172 trimestres ([2]). Le projet de loi accélère le rythme d’accomplissement de cet objectif afin qu’il soit atteint dès 2027 à hauteur d’un trimestre supplémentaire par an. 

Enfin, le projet de loi maintient le principe d’une pension à liquidation différée en reportant cependant de 52 à 54 ans l’âge de cette liquidation pour les militaires quittant l’institution après 15 ans de service mais avant la durée de service ouvrant droit à pension à liquidation immédiate.

En un mot, les spécificités du régime des pensions militaires de retraite sont préservées par le projet de loi. L’équilibre du système est maintenu et avec lui, le modèle RH de nos armées et le principe de reconnaissance de la Nation qui est au fondement de la condition militaire.


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   Première partie : Le régime des pensions militaires dans le droit en vigueur : un dispositif fondé sur la singularité militaire

Comme celui de la fonction publique, le régime des pensions militaires est fondé sur la durée de cotisations et sur le traitement indiciaire du dernier échelon détenu pendant 6 mois. Par ailleurs, le taux maximal de liquidation de la pension militaire est fixé à 75% (80 % maximum du fait des bonifications définies dans le code des pensions) ([3]).

Le régime des pensions militaires vise la viabilité d’un modèle RH d’armée jeune, en s’appuyant sur des durées de service courtes, une pension à liquidation immédiate et des bonifications particulières prenant en compte les sujétions et risques de l’état militaire. 

I.   La juste reconnaissance de l’État militaire

La pension militaire constitue une rémunération différée visant à compenser la disponibilité totale du militaire, en tout temps et en tout lieu, et l’absence de limitation dans la durée du temps de travail, qui constituent des dérogations exorbitantes du droit commun.  

A.   Des sujétions propres à l’état militaire

Les principes de mobilité fonctionnelle et géographie et de disponibilité des militaires, énoncés à l’article L. 4111-1 du code de la défense ([4]), ont des conséquences majeures sur les conditions de vie des militaires et de leur famille, et notamment une accession à la propriété plus difficile et tardive que pour l’ensemble des Français, un taux d’activité des conjoints plus faible et un revenu moyen des ménages comprenant un conjoint militaire qui est inférieur au revenu moyen des ménages comprenant au moins un fonctionnaire.

B.   Un engagement opérationnel éprouvant

Les militaires payent le prix fort de l’engagement de la France tant pour sa sécurité sur le territoire national que sur les théâtres d’opérations extérieures. Par ailleurs, plusieurs milliers de gendarmes sont blessés en service chaque année à la suite d’agressions, dont nombre d’entre eux dans l’exercice de leur fonction lors d’une agression avec une arme par destination. Enfin, le service de santé des armées prend en charge de nombreux cas de militaires des forces armées présentant des troubles psychiques en relation avec un événement traumatisant. Les militaires sont ainsi éprouvés tant physiquement que psychologiquement par un environnement de travail « abrasif » sans équivalent qui laisse des traces durables et irréversibles et peut contribuer à réduire leur espérance de vie.

C.   Des primes et bonifications spécifiques pour répondre aux contraintes et exigences d’un environnement professionnel de prise de risque exacerbée

Le salaire de référence pour la pension des militaires des armées n’est calculé que sur la partie de leur rémunération correspondant à la solde indiciaire de base ([5]). Le calcul ne tient pas compte des primes et indemnités de toute nature, alors même que celles-ci représentent en moyenne plus du tiers de la rémunération des militaires. Ainsi, la solde prise en compte dans le calcul de la pension correspond en moyenne à 60 % de la rémunération servie en activité. Par conséquent, dès lors que la pension militaire atteint un taux de liquidation maximum 80 % (avec les bonifications), elle atteint au mieux 48 % de la rémunération réellement perçue par le militaire en activité (80 % de la rémunération indiciaire représentant 60 % de la rémunération globale).

Il paraît donc légitime que les conditions particulières d’exercice du métier militaire, qui exige une disponibilité en tout temps et en tout lieu et une forte prise de risque, soient prises en compte à travers les modalités de calcul des annuités requises pour bénéficier d’une pension à taux plein.

1.   La bonification statutaire du cinquième vise à compenser les carrières courtes.

Cette bonification majore d’une année chaque tranche de 5 années de services, de sorte qu’à cinq années de services correspondent 6 années prises en compte pour le calcul de la pension, et ce pendant les 25 premières années de service, mais pas au-delà (donc plafonnée à cinq annuités).

Pour pouvoir bénéficier de cette bonification accordée à tous les militaires, il faut néanmoins avoir accompli au moins 17 ans de services militaires effectifs ou avoir été rayé des cadres pour invalidité. Cette bonification s’accompagne d’un mécanisme de dégressivité : elle est diminuée d'une annuité pour chaque année supplémentaire de service jusqu'à l'âge légal de départ à la retraite.

2.   Les bonifications spécifiques liées aux services aériens et sous-marins.

Ces bonifications pour l’exécution d’un service aérien ou sous-marin commandé (plongées en sous-marin, sauts en parachute ou vols sur avion de  combat) ne bénéficient qu’à peu de militaires et en temps de paix uniquement. Ces bonifications permettent de fidéliser et d’accorder une forme de reconnaissance à des personnels engagés dans des missions particulièrement complexes, risquées et sensibles, à l’instar de la dissuasion nucléaire.

3.   Les bonifications spécifiques liées aux services en campagne et aux risques afférents

La campagne double permet de retenir trois ans dans la liquidation de la pension pour un an de services militaires effectifs. Celle-ci n’est octroyée que pour les « opérations de guerre » et pour certaines OPEX dans le haut du spectre des engagements opérationnels (Afghanistan, Centrafrique, Mali).

La campagne simple permet de retenir deux ans pour un an de services militaires effectifs, notamment pour le service accompli, soit à terre, soit à bord des bâtiments de l’État. C’est le régime de droit commun des OPEX et des stationnements survenus dans des lieux de forte insécurité et insalubrité.

La demi-campagne permet de retenir dix-huit mois dans la liquidation de la pension pour un an de services militaires effectifs (missions de souveraineté).

Enfin, dans la logique d’une gestion de flux des effectifs, ces bonifications facilitent les départs anticipés en permettant d’atteindre un taux plein avant la limite d’âge et/ou de minorer l’impact d’une décote.

D.   La réversion de la pension militaire sans conditions d’âge ni de ressources 

La réversion est attribuée au conjoint marié survivant ou à l’ex-conjoint non remarié d’un personnel militaire décédé ayant obtenu ou qui aurait pu obtenir une pension, afin de garantir son niveau de vie. Aucune condition de ressource ni d’âge n’est exigée mais le mariage et sa durée conditionnent le droit ([6]). Cette réversion est fixée à 50 % de la pension à laquelle s’ajoutent 50 % de la majoration pour enfants sous certaines conditions et 50 % de la retraite additionnelle. Les orphelins ont droit à une pension temporaire jusqu’à l’âge de 21 ans. Chaque orphelin a droit à une pension égale à 10 % de la pension de son père ou de sa mère.

II.   Un régime adapté à l’impérieuse nécessité de disposer d’un outil de sécurité et de défense efficace au modèle RH spécifique

Les pensions militaires sont tout à la fois un instrument de gestion des flux concourant à la jeunesse et au pyramidage des effectifs militaires, une aide à la reconversion et un outil d’attractivité et de fidélisation.

A.   L’impératif de jeunesse voulu par la loi

L’impératif de jeunesse découle des exigences physiques du combat et implique dans les faits des carrières courtes et un recours massif à des agents contractuels (plus de 70% en 2019). Elle se traduit en particulier par des limites d’âge relativement basses, le droit de cumuler pension militaire et revenu d’activité professionnel, ainsi que le droit au bénéfice immédiat d’une pension une fois accomplie une certaine durée de services.

1.   Les limites d’âge

Les limites d’âge sont fixées, selon les corps et les grades, à l’article L. 4139-16 du code de la défense ([7]) .

a.   Les officiers

La limite est fixée à 59 ans pour les officiers des armes de l’armée de terre, les officiers de marine, les officiers spécialisés de la marine, les officiers des bases et officiers mécaniciens de l'air. Dans la gendarmerie, la limite est fixée à 59 ans pour les officiers subalternes, les commandants et les lieutenants-colonels mais à 60 ans pour les colonels de la gendarmerie. Les officiers de l’air atteignent la limite d’âge à 52 ans s’ils sont officiers subalternes ou commandants à cet âge mais à 56 ans s’ils sont lieutenants-colonels ou colonels. Les officiers généraux de l’ensemble de ces corps peuvent être maintenus en première section jusqu’à 63 ans.

Pour les commissaires des armées, les officiers des corps techniques et administratifs, les ingénieurs militaires des essences, les administrateurs des affaires maritimes, les officiers spécialistes de l’armée de terre et les officiers logisticiens des essences, la limite d’âge est fixée à 62 ans. Les officiers généraux de ces corps peuvent être maintenus en première section jusqu’à 64 ans.

Les médecins, pharmaciens, vétérinaires et chirurgiens-dentistes ([8])  ont une limite d’âge à 62 ans et les officiers généraux de ces corps peuvent être maintenus en première section jusqu’à 67 ans.

Les ingénieurs de l'armement, ingénieurs des études et techniques de l'armement, ingénieurs des études et techniques des travaux maritimes, professeurs de l'enseignement maritime, ingénieurs militaires d'infrastructure de la défense et contrôleurs de la défense ont une limite d’âge fixée à 66 ans et les officiers généraux de ces corps peuvent être maintenus en première section jusqu’à 67 ans.

Les officiers greffiers, chefs de musique, fonctionnaires détachés au sein de la poste interarmées, fonctionnaires détachés au sein de la trésorerie aux armées, aumôniers militaires ont une limite d’âge fixée à 66 ans.

La limite d'âge des officiers généraux est celle applicable au grade de colonel, ou dénomination correspondante. Par dérogation, dans le corps des officiers de l'air, la limite d'âge des officiers généraux est fixée à cinquante-neuf ans.

b.   Les sous-officiers

Pour les sous-officiers de carrière de l'armée de terre, de la marine ou de l’air (personnel non navigant), la limite d’âge est fixée à 47 ans pour les sergents et sergents-chefs (et leurs équivalents dans la marine), à 52 ans pour les adjudants, à 58 ans pour les adjudants-chefs et à 59 ans pour les majors.

Les sous-officiers de gendarmerie et les sous-officiers du corps de soutien technique et administratif de la gendarmerie nationale ont une limite d’âge fixée à 58 ans, sauf pour les majors qui peuvent rester en service jusqu’à 59 ans.

Les sous-officiers du personnel navigant de l'armée de l'air et de l'espace ont une limite d’âge fixée à 47 ans jusqu’au grade d’adjudant et de 52 ans pour les adjudants-chefs et les majors.

Les infirmiers en soins généraux et spécialisés, infirmiers anesthésistes des hôpitaux des armées, masseurs-kinésithérapeutes des hôpitaux des armées, manipulateurs d'électroradiologie médicale des hôpitaux des armées, orthoptistes des hôpitaux des armées, orthophonistes des hôpitaux des armées ont une limite d’âge unique fixée à 62 ans.

Les sous-officiers du service des essences des armées ont une limite d’âge fixée à 62 ans.

 

 

 

 

c.   Les officiers sous contrat et les militaires commissionnés

Leurs limites de durée de service sont les suivantes :

 

Officiers sous contrat

20

Militaires commissionnés

17

Militaires engagés

27

Volontaires dans les armées

5

 

B.   La reconversion

L’article L. 4111-1 du code de la défense prévoit que le statut militaire offre à ceux qui quittent l’état militaire les moyens d’un retour à une activité professionnelle dans la vie civile. En effet, compte tenu de la précocité de ses limites d’âge et de durée de services, le statut militaire doit, pour être attractif et garantir la fidélisation de son personnel, disposer de leviers favorisant la reconversion professionnelle.

Les règles de cumul emploi-pension en vigueur aujourd’hui favorisent la reconversion et indirectement l’attractivité des armées. Ainsi, comme les fonctionnaires civils retraités, les militaires peuvent cumuler intégralement et immédiatement leur pension de retraite et le revenu d’une activité salariée du secteur privé ou assimilé ou du secteur public sous certaines conditions ([9]). Par ailleurs, les militaires pensionnés peuvent acquérir de nouveaux droits à la retraite au titre de l’activité professionnelle qu’ils exercent et qui relève d’un autre régime de retraite que celui des pensions militaires.

C.   Deux types de pensions : à jouissance différée et immédiate

1.   La pension à jouissance différée

  Le droit à pension à liquidation différée bénéficie aux militaires dont la durée de services est inférieure soit à 17 ans pour les non–officiers, soit à 20 ans pour les officiers sous contrat, soit à 27 ans pour les officiers de carrière, et à la condition d’avoir effectué au minimum 2 ans ou 15 ans de service selon leur date d’engagement (cf. tableau infra).

Cette pension peut être perçue à compter de 52 ans (pour l’ensemble des militaires ayant accompli 15 ans de services) ou à compter de l’âge légal de départ à la retraite – soit 62 ans pour les militaires engagés après le 1er janvier 2014 dont la durée de services est inférieure à 15 ans mais supérieure à 2 ans (cf. tableau infra).

2.   La pension à jouissance immédiate

Le droit à liquidation immédiate bénéficie aux militaires dont la durée de services est supérieure soit à 17 ans pour les non-officiers, soit à 20 ans pour les officiers sous contrat, soit à 27 ans pour les officiers de carrière.

Le tableau ci-dessous résume les conditions d’ouverture du droit à pension pour motif d’ « ancienneté » ([10]) selon les articles L. 24 et L. 25 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

 

  Source : HCECM, Rapport annuel sur la condition militaire, décembre 2019.

Le maintien d’un départ précoce avec jouissance immédiate de la pension est essentiel aussi bien comme outil de gestion des ressources humaines permettant de réaliser une pyramide des grades conforme aux besoins des forces que comme garantie d’un revenu minimum qui facilite la démarche de reconversion des militaires qui quittent tôt le service actif.

D.   L’incitation à l’allongement des carrières à travers les décotes « carrières courtes » et « carrières longues »

A l’instar des fonctionnaires civils, les militaires ont été incités à allonger leurs carrières par les dernières réformes des retraites qui ont mis en place des mécanismes de minoration du montant des pensions en cas de cessation d’activité avant le franchissement de certains seuils. Ainsi un dispositif de décote de la pension a été organisé en deux volets pour les militaires, afin de l’adapter à leurs durées de carrières : une décote dite « carrière longue », correspondant à celle des fonctionnaires, et une décote spéciale, dite « carrière courte », pour les militaires bénéficiant de la pension à jouissance immédiate. En revanche, à la différence des fonctionnaires, les militaires ne bénéficient d’aucune possibilité de surcote.

1.   La décote « carrière longue »

Elle s’applique aux militaires dont la limite d’âge est supérieure ou égale à 57 ans et qui décident de quitter le service à compter de l’âge de 52 ans et avant la limite d’âge de leur grade. Ces militaires se voient alors appliquer une pénalité par trimestre manquant de 1,25 % du montant de la pension, qui est plafonnée à 20 trimestres (soit une décote au taux maximal de 25 %). De fait un militaire souhaitant partir avant sa limite d’âge devra attendre 57 ans pour se voir annuler l’effet de la décote.

2.   La décote « carrière courte » :

Elle s’applique aux autres militaires que ceux précédemment mentionnés, lorsqu’ils décident de quitter le service soit entre 17 et 19,5 ans de services effectifs (pour un non-officier), soit entre 20 et 22,5 ans (pour un officier sous contrat), soit entre 27 et 29,5 ans (pour un officier de carrière). Ces militaires se voient appliquer une pénalité par trimestre manquant de 1,25 % du montant de la pension, qui est plafonnée à 10 trimestres au plus (soit 12,5 %([11]).

Ce système de décote ne s’applique pas lorsque le militaire est radié des cadres par limite d’âge ou après avoir effectué 10 trimestres (2,5 ans) au-delà de sa limite de durée de services, lorsqu’il est radié des cadres par suite d’infirmité (quelle que soit la durée des services accomplis), lorsqu’il perçoit une pension d’un taux égal à 75 % de sa solde de base, ou encore lorsqu’il perçoit le minimum garanti.

 


   seconde partie : Le projet de loi, Une réforme paramétrique qui préserve le régime des pensions militaires 

I.   Le maintien du régime de la pension à liquidation immédiate, des limites d’âge et des bonifications

L’article 7 du projet de loi tend à augmenter progressivement l’âge légal d’ouverture des droits à pensions fixé par le code de la sécurité sociale – à 62 ans dans le droit en vigueur – pour le porter à 64 ans, à raison de trois mois par génération. Cette règle s’applique à compter de la génération née à partir du 1er septembre 1961. Le nouvel âge légal de départ de la retraite, de 64 ans, sera donc pleinement applicable à partir de la génération née en 1968.

Cet article accélère aussi le calendrier de relèvement de la durée d’assurance pour liquider une pension à taux plein : les 43 annuités devront être atteintes à compter de la génération née à partir du 1er janvier 1965.

Cependant, l’article 7 maintient le régime de la pension à liquidation immédiate des militaires (cf. supra), les limites d’âge établies par l’article L. 4139-16 du code de la défense et le régime de bonification.

II.   Les modifications proposées par le projet de loi s’agissant des militaires

A.   La suppression de la dégressivité de la bonification du cinquième

Le 1° du III de l’article 7 prévoit :

- l’ouverture du bénéfice de la bonification du cinquième applicable aux militaires à ceux qui ne le sont plus au moment où ils liquident leur pension ;

- et la suppression du principe de diminution du montant de la bonification entre l’âge de 59 ans et l’âge de liquidation de la pension.

Ce mécanisme concerne les militaires dont la limite d’âge est supérieure à soixante ans : les commissaires des armées, les officiers des corps techniques et administratifs, les administrateurs des affaires maritimes, les membres du contrôle général des armées, les ingénieurs de l’armement, les ingénieurs des essences, les ingénieurs militaires d’infrastructure de la défense et, enfin, les officiers et certains sous-officiers du service de santé des armées. L’objectif est de faire en sorte que ces personnels ne soient pas dissuadés financièrement de quitter l’institution militaire entre soixante ans et leur limite d’âge. La rapporteure se félicite de cette mesure.

B.   Les dispositions relatives à la pension à liquidation différée

Le 7° du III prévoit un recul de l’âge de versement de la pension à liquidation différée de 52 à 54 ans pour les militaires quittant le service entre 15 ans et la date à laquelle ils auraient pu toucher leur pension à liquidation immédiate ([12]) ou la limite de durée de service.

Quant aux militaires quittant les forces armées au bout de deux à quinze ans de service, ils pourront toucher une pension à liquidation différée à soixante-quatre ans au lieu de soixante-deux ans.

Le 7° du XX fixe l’âge minimal de liquidation de la pension à 52 ans pour les militaires nés avant le 1er septembre 1971 et le passage de cet âge minimal de 52 à 54 ans pour les militaires nés à compter du 1er septembre 1971, à raison de trois mois par génération à compter du 1er septembre 2023

C.   L’application de la réforme « Touraine » : l’accélération de l’augmentation de la durée d’assurance requise pour obtenir une retraite à taux plein

La réforme « Touraine » a porté la durée de cotisation pour prétendre à une retraite à taux plein à 172 trimestres (soit 43 annuités).

Le 3° du XX de l’article 7 prévoit l’accélération du calendrier d’allongement de la durée de cotisation requise pour obtenir une pension à taux plein pour les militaires dont la date de versement de la pension à liquidation immédiate se situe à compter du 1er septembre 2023. L’objectif de 172 trimestres devra être atteint en 2027 et non plus en 2035 (2033 pour les militaires ([13]) ) à hauteur d’un trimestre supplémentaire par an. Sont concernés par cette accélération les militaires qui, au 1er septembre 2023, n’ont pas encore acquis leur droit à pension à liquidation immédiate et qui doivent l’obtenir avant 2033. Ceux-ci devront cotiser un à deux trimestres supplémentaires pour obtenir un taux plein de 75 % selon le rythme suivant :

 

Année d’acquisition de la PLI

Durée d’assurance

requise

AVANT réforme

Durée d’assurance

requise

APRÈS réforme

Nombre

de trimestres

Supplémentaires

requis

2023 (jusqu’au 31 août)

168 trimestres

168 trimestres

0

2023 (à compter du 1er septembre)

168 trimestres

169 trimestres

1

2024

169 trimestres

169 trimestres

0

2025

169 trimestres

170 trimestres

1

2026

169 trimestres

171 trimestres

2

2027

170 trimestres

172 trimestres

2

2028

170 trimestres

172 trimestres

2

2029

170 trimestres

172 trimestres

2

2030

171 trimestres

172 trimestres

1

2031

171 trimestres

172 trimestres

1

2032

171 trimestres

172 trimestres

1

A partir de 2033

172 trimestres

172 trimestres

0

Source : ministère des Armées

Ainsi, selon les informations fournies à la rapporteure, l’augmentation sera limitée :

- à deux trimestres pour les militaires qui acquerront leur pension à liquidation immédiate entre le 1er janvier 2026 et le 31 décembre 2029 ;

- à un trimestre pour les militaires qui acquerront leur pension à liquidation immédiate fin 2023, en 2025, et entre le 1er janvier 2030 et le 31 décembre 2032.

 

 

  Source : ministère des Armées


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   Examen, ouvert à la presse, de l’article 7 du projet de loi, mardi 31 janvier

M. le président Thomas Gassilloud. Mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner pour avis les dispositions de l’article 7 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) relatives aux personnels militaires.

La commission des affaires sociales a été saisie sur le fond et le projet de loi sera examiné dès la semaine prochaine en séance publique. Cette saisine a été motivée par la bonne compréhension du système des pensions militaires de retraites. Notre modèle d’armée est en effet caractérisé par un régime spécifique de pensions militaires. Ce régime ne peut se réduire à une logique d’assurance vieillesse, mais vise aussi de deux grands objectifs. Le premier est un objectif opérationnel de défense, afin de gérer des flux de départ et de recrutement nécessaires à une armée jeune, employable et fortement hiérarchisée. Le deuxième objectif concerne l’expression de la reconnaissance de la nation et une contrepartie aux obligations de l’état militaire. Ce régime de pension constitue à part entière un élément consubstantiel de la condition militaire.

Notre commission est garante de cette condition d’autant plus que les droits syndicaux des militaires sont très réduits. Le statut des civils de la défense est quant à lui le même que ceux des autres fonctionnaires. Il ne s’agit pas d’une saisine de nature thématique mais d’une saisine liée à la singularité militaire qui conditionne notre modèle d’armée.

Il me semble que la réforme est fondée sur un bon équilibre : elle préserve la spécificité de la condition militaire, mais intègre néanmoins une contribution des militaires à l’effort collectif, notamment à travers l’accélération de l’augmentation de la durée d’assurance requise pour acquérir une retraite à taux plein et à travers leur pension civile issue de leur éventuelle seconde carrière, une fois quitté l’état militaire.

Je vous propose à présent de désigner notre rapporteur. J’ai reçu la candidature de Mme Corinne Vignon, qui connaît déjà bien le sujet.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). M. le président, vous avez fait le nécessaire pour que notre commission soit saisie et nous vous en remercions. En revanche, il n’est pas acceptable que vous ayez pu nommer de facto une rapporteure avant même d’avoir consulté notre commission. Celle-ci doit être souveraine dans la désignation de ce rapporteur.

Vous avez pris la décision d’ouvrir un délai de quarante-huit heures pour déposer des amendements sur ce texte, qui était indispensable compte tenu de la technicité du sujet. Je fais savoir à notre commission que je souhaite être rapporteur sur ce texte et présente donc ma candidature. J’ajoute que vous avez cru bon de transmettre aux commissaires une note pour éclaircir le système des retraites des militaires à onze heures aujourd’hui, soit trois jours après la date limite de dépôt des amendements. Nous nous opposons à cette logique de passage en force.

M. le président Thomas Gassilloud. Je vous remercie pour votre candidature, j’en prends bonne note et souhaite vous apporter quelques éléments de réponse. Tout d’abord, la saisine de la commission n’était pas obligatoire ; elle fait suite à une démarche volontaire de ma part. De même, le président de commission n’est pas obligé de transmettre des notes d’analyse à l’ensemble des députés ; cela m’a semblé utile mais c’est quelque chose que j’ai fait en plus.

Je regrette également que les délais soient aussi courts, mais j’ai pris connaissance du texte jeudi dernier alors que j’étais en déplacement à Londres et je ne voyais pas la pertinence de tous vous convoquer vendredi, quand la plupart d’entre vous étaient déjà dans leur circonscription. Lorsque j’ai consulté les administrateurs, ils m’ont indiqué qu’il existait bien une pratique consistant à désigner un rapporteur juste avant l’étude du texte.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). M. Saintoul a bien indiqué notre satisfaction quant à la saisine, même si nous en regrettons les conditions, qui sont aussi liées aux méthodes quasi antidémocratiques du Gouvernement. La pratique de nommer de facto par avance un rapporteur est ambivalente, compte tenu des équilibres politiques au sein de l’Assemblée sous cette mandature. La candidature de M. Saintoul est donc saine pour notre démocratie et nous souhaitons que le vote se déroule à bulletin secret.

M. le président Thomas Gassilloud. Je vous fais observer que le rapporteur n’est pas désigné puisque vous venez de soumettre une candidature. Par ailleurs, je ne souhaite pas que notre commission soit instrumentalisée. Elle doit demeurer un lieu de travail au profit de la défense nationale. Je suis certain que vous saurez être à la hauteur de cette exigence.

Je regrette par ailleurs que vous souhaitiez voter à bulletin secret, car cela va rallonger nos travaux. Mais puisque c’est votre droit, nous allons organiser les modalités de vote à bulletin secret sur les deux candidatures de Mme Vignon et de M. Saintoul.

La séance est suspendue de dix-sept heures quarante-cinq à
dix-sept heures cinquante pour les opérations de vote.

M. le président Thomas Gassilloud. À l’issue du vote, les résultats sont les suivants : dix-huit votes pour Mme Vignon, onze votes pour M. Saintoul, trois absentions et sept bulletins blancs. Mme Corinne Vignon est donc désignée rapporteure. Merci à tous pour votre participation. Je vous précise qu’une suspension de séance est prévue pour le vote des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi relatif à l’accélération de la production d’énergies renouvelables.

Mme la rapporteure Corinne Vignon (RE). Je vous remercie, chers collègues, de m’avoir fait confiance.

Nous examinons cet après-midi les dispositions de l’article 7 du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale qui ont trait aux personnels militaires. Avant de vous les présenter, je souhaite rappeler brièvement les fondements du régime de pension militaire. Leurs caractéristiques sont la traduction d’une politique publique. Ce régime répond en effet aux impératifs de gestion de ressources humaines en flux et non en stock ; contrairement à ce qui prévaut pour la fonction publique.

Les règles particulières de ce régime sont imposées par la nécessité de disposer en permanence d’une ressource humaine jeune et apte à faire campagne et de favoriser la reconversion des personnels lorsqu’ils quittent leur fonction militaire. Il s’agit à la fois d’attirer les recrues en leur garantissant un revenu de complément en fin de service et de fidéliser les cadres expérimentés ; d’inciter aux départs pour fluidifier la gestion des pyramides de grades et d’expériences en offrant une pension dès l’atteinte de bornes de durée de service. Il s’agit enfin de forcer au départ ceux qui atteignent une limite d’âge, pour éviter tout vieillissement excessif des unités de combat.

L’exigence de jeunesse de notre armée se traduit par des limites d’âge relativement basses ainsi que par le droit au bénéfice immédiat d’une pension une fois accomplie une certaine durée de service. Le droit aux pensions immédiates bénéficie aux militaires dont la durée de service est supérieure à dix-sept ans pour les non officiers, à vingt ans pour les officiers sous contrat et à vingt-sept ans pour les officiers de carrière.

Les droits à pension à liquidation différée bénéficient aux militaires dont la durée de service est supérieure à deux ans pour les militaires engagés depuis 2014 ou à quinze ans pour les militaires engagés avant cette date et inférieurs aux bornes de la pension à liquidation immédiate.

Le maintien d’un départ précoce avec jouissance immédiate de la pension de retraite est essentiel, aussi bien comme outil de gestion des ressources humaines permettant d’obtenir une pyramide des gardes conformes aux besoins des forces que comme garantie d’un niveau minimum facilitant la démarche de reconversion de ceux qui quittent très tôt le service actif.

Avec le régime des pensions militaires, il s’agit également d’assurer la reconnaissance de la nation. En ce sens, il est une contrepartie des obligations de l’état militaire. Ainsi, le régime des pensions militaires reconnaît notamment la singularité de l’état militaire et les exigences du combat au travers de bonifications qui haussent le montant des pensions.

La réforme présentée au Parlement préserve le régime des pensions militaires. Les bornes de la pension à liquidation immédiate sont maintenues et les limites d’âge de l’ensemble des corps militaires fixées à l’article L4139-16 du code de la défense sont maintenues à l’identique. Les bonifications resteront donc inchangées.

Ensuite, le mécanisme de dégressivité de la bonification du cinquième est supprimé par ce projet de loi. Pour mémoire, une bonification est un trimestre supplémentaire qui vient s’ajouter gratuitement aux années de service effectif. La bonification du cinquième correspond ainsi au cinquième du temps accompli de service effectif dans la limite de cinq annuités.

Le cumul de l’ensemble des bonifications ne peut augmenter le pourcentage équivalent au taux plein de plus de 5 %. Cette bonification est accordée aux militaires dans la limite de cinq ans, à condition d’avoir accompli au moins dix-sept ans de service militaire effectif ou d’avoir été rayé des cadres pour invalidité. Elle peut être écrêtée d’un an par année de service au-delà de soixante ans. Le projet de loi supprime cette dégressivité de la bonification du cinquième après soixante ans, ce qui concerne donc en toute logique les militaires dont la limite d’âge est supérieure à soixante ans. L’objectif est de pouvoir les garder plus longtemps sans qu’ils soient dissuadés financièrement de rester. J’insiste sur ce point, car plusieurs amendements ont été déposés pour supprimer ce qui m’apparaît être une avancée pour nos militaires.

Le projet de loi prévoit également que les militaires se verront appliquer l’accélération de la réforme dite Touraine. Cette réforme portait la durée de cotisation pour prétendre à une retraite à un taux plein de cent soixante-douze trimestres. Le projet de loi accélère le rythme d’accomplissement de cet objectif afin qu’il soit atteint dès 2027.

Enfin, le projet de loi reporte de 52 à 54 ans l’âge auquel un ancien militaire peut bénéficier d’une pension à liquidation différée pour les militaires quittant l’institution après quinze ans de service, mais avant la durée de service ouvrant droit à pension à liquidation immédiate. L’objectif de cette mesure vise à fidéliser les militaires des corps techniques, qui n’ont aucune difficulté à opérer une reconversion professionnelle dont l’institution cherche à éviter le départ précoce.

Chers collègues, permettez-moi d’insister à nouveau sur le fait que les spécificités du régime des pensions militaires de retraite sont préservées grâce à ce texte. L’équilibre du système est maintenu et, avec lui, le modèle RH de nos armées et le principe de reconnaissance de la nation.

M. le président Thomas Gassilloud. Je propose à présent aux orateurs de groupe d’intervenir.

*

*      *

 

La commission en vient maintenant aux interventions des représentants des groupes politiques.

M. Mounir Belhamiti (RE). L’examen de ce PLFRSS en commission m’apparaît doublement utile. Il est en effet de notre responsabilité d’examiner un texte ayant une incidence sur les personnels qui concourent à notre défense nationale. De plus, les motivations de la réforme éclairent une partie de nos travaux : sans réforme, le fragile équilibre de notre système de retraite par répartition ferait place à un creusement des déficits.

Nous nous sommes engagés devant les Français à agir sans céder à la facilité et nous agissons en conséquence. L’article du texte que nous examinons préserve les spécificités du régime des pensions militaires de retraite dans leurs fondements, comme dans leurs paramètres. Pour autant, comme l’ensemble des actifs, les militaires sont appelés à participer à l’effort collectif, notamment par le décalage de deux ans de l’âge de l’application de la décote dite carrière longue et de l’âge auquel un ancien militaire peut bénéficier d’une pension à liquidation différée.

L’accélération de la réforme Touraine concernera également les personnels des armées, mais sera toutefois limitée, puisqu’elle ne sera jamais supérieure à deux trimestres sur les dix prochaines années.

Mes chers collègues, afin de sauver les retraites, nous assumons de demander un effort aux Français, lequel apparaît soutenable compte tenu des enjeux et dès lors qu’il est associé à des mesures correctrices pour accompagner les situations des plus fragiles. Agir aujourd’hui en matière de retraites permet d’éviter d’être acculé demain à combler un déficit que nous aurions laissé filer sans agir, au prix de coupes sombres dans les services publics et de notre renoncement à mener des investissements d’avenir essentiels.

Mme Caroline Colombier (RN). La saisine de la commission me permet de réitérer la position du Rassemblement national (RN) sur la réforme des retraites, laquelle constitue une régression sociale. Nous nous opposerons à l’adoption de l’article 7 tout en défendant la retraite des conjoints de militaires qui le méritent bien, car ils subissent les affres de mutations régulières et constituent une forteresse morale pour nos soldats, marins et aviateurs.

Le relèvement de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans et l’accélération du calendrier de relèvement de la durée d’assurance prévu par la réforme Touraine de 2014 finissent par réduire les acquis sociaux. Le RN propose à la place un projet réaliste et juste, au service des Français, avec comme élément clef l’avancement de l’âge légal de départ à la retraite pour ceux qui ont commencé à travailler tôt.

Afin d’aider notre outil de défense, il est impérieux de retrouver le dynamisme d’une industrie relocalisée, performante et créatrice de richesse nationale. La retraite constitue avant tout un choix de société, que vous remettez en cause par cette réforme. Les députés du RN continueront de défendre les Français et nos armées en s’y opposant.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Cette réforme est injuste et cruelle. Elle organise la baisse des pensions à grande échelle et les plus pauvres continueront de payer pour les plus aisés. Contrairement aux affirmations du simulateur mis en place par le Gouvernement, la philosophie de cette réforme frappe aussi les militaires et les fonctionnaires civils du ministère des armées. Or il convient de le rappeler : l’essentiel du financement des pensions militaires ne relève pas du système par répartition, mais de l’impôt.

La réforme gouvernementale bouscule le régime de pension des militaires et la représentation nationale devrait a minima bénéficier d’une étude d’impact pour connaître les populations de militaires concernées et le niveau de leur pension. Mme la rapporteure, vous nous devez des chiffres.

À titre d’exemple, un militaire du rang qui aura servi seize ans dans nos forces verra la liquidation de sa pension repoussée de deux ans. De même, le rehaussement de l’âge de départ à la retraite de 57 à 59 ans pour les civils de la défense qui ont servi pendant au moins dix-sept ans est tout autant inacceptable. En outre, il est erroné d’affirmer que le système des bonifications n’est pas touché puisqu’il est plafonné à vingt trimestres.

Au-delà, toute décision sur les retraites des militaires a une conséquence sur la politique de ressources humaines des armées. Dès lors, elles doivent être traitées dans un cadre plus global, qui porte sur le recrutement et la fidélisation des personnels militaires. Mme la rapporteure, quels sont les objectifs en matière de ressources humaines de ce projet ? Ont-ils au moins été chiffrés et analysés ?

M. Jean-Pierre Cubertafon (Dem). La retraite de nos militaires ne doit pas simplement être abordée sous le prisme d’une pension pour accompagner la fin de leur vie, mais comme un outil à part entière permettant la cohésion de nos armées et la réalisation de nos objectifs de défense.

La spécificité de ce modèle contribue à la force de notre système. Alors qu’un militaire devient pensionnaire en moyenne à 45 ans, l’armée apparaît comme un élément de choix pour une génération qui souhaite s’engager tout en développant des opportunités professionnelles variées. Le groupe Démocrate se réjouit de la préservation de ce système unique.

Les changements importants présentés par le Président de la République nous conduiront vers un modèle d’armée moins tournée vers l’expéditionnaire. Dans la droite ligne du PLFRSS, les modifications prévues à l’article 7 visent à garantir la pérennité du système. Cette réforme entend également prendre en compte l’allongement de la durée de vie de nos concitoyens ; et les militaires devront prendre part à l’effort national, compte tenu de l’accélération de la réforme Touraine pour les pensions civiles.

Enfin, la vie de famille de nos militaires, dont les carrières sont difficiles et nécessitent une grande mobilité, doit absolument être prise en considération. Cet enjeu ne relève pas de l’article 7, mais je formule le vœu que le sort de celles et ceux qui partagent la vie de nos militaires puissent être pris en compte. Aussi, le groupe Démocrate votera en faveur de cet article.

Mme Isabelle Santiago (SOC). L’armée de la République est au service de la nation. Sa mission vise à préparer et à assurer par la force des armes la défense de la patrie et des intérêts supérieurs de la nation. Les devoirs et les sujétions auxquels les militaires sont soumis méritent le respect de nos concitoyens et la considération de la nation. De plus, face aux nouveaux enjeux, nous sommes plus que jamais redevables à nos armées.

Alors que le Président de la République a engagé des moyens exceptionnels grâce à la loi de programmation militaire, la réforme des retraites s’apprête à pénaliser un secteur que nous devons prioriser et fidéliser. De fait, le message qu’elle adresse est totalement contradictoire : il est injuste et brutal. Cette réforme entraîne ainsi le recul de deux ans minimum du départ à la retraite des militaires. À l’inverse, la spécificité du régime de pension civile et militaire doit être préservée. Le rapprochement avec le régime général des retraites remet en cause l’impératif de la jeunesse de nos forces et changera donc notre modèle d’armée dans un futur proche.

Dans son dernier discours, le Président de la République a indiqué que les dangers à venir étaient considérables et que notre attention devait donc y être proportionnée. C’est bien là que la réforme pèche. En effet, l’article 7 prévoit notamment le relèvement du nombre de trimestres de cotisation de trois ans pour les militaires actuellement âgés de moins de 57 ans ; le relèvement de deux ans minimum de l’âge de liquidation des pensions ; le relèvement de deux ans de l’âge de départ en la retraite anticipée pour les carrières longues ; la suppression du principe de dégressivité des bonifications.

Pour l’ensemble de ces raisons, le groupe Socialiste se prononce contre cette réforme.

M. Yannick Favennec-Bécot (HOR). Au moment d’examiner dans cette commission l’article 7 de ce projet, il convient de rappeler que l’effort consenti pour rééquilibrer notre système de retraite doit concerner l’ensemble de la nation. Il engage aussi les personnes ayant quitté le cadre militaire pour exercer un métier dans le civil.

L’enjeu est quelque peu différent pour les militaires ayant atteint leur limite d’âge ou pouvant bénéficier de la pension à liquidation immédiate. Pour ces derniers, les paramètres restent largement inchangés, à l’exception de la bonification du cinquième de temps de service accompli, qui voit sa dégressivité supprimée à partir de 59 ans.

En conséquence, le statu quo prévaut largement pour nos armées ; l’aspect paramétrique de la réforme limitant son impact pour nos militaires. Le groupe Horizons et apparentés votera en faveur des dispositions de l’article 7 de ce projet de loi.

M. Julien Bayou (Écolo-NUPES). Cette réforme est injuste et injustifiée. En effet, accorder la même prolongation de temps de travail pour tous revient à méconnaître la profonde inégalité d’espérance de vie en bonne santé. De plus, aucun des arguments que vous essayez de mettre en avant n’est compris par la population.

Votre réforme est fondamentalement idéologique et dogmatique. Certains vont jusqu’à menacer d’une dissolution, dont l’aboutissement pourrait être la victoire de l’extrême-droite. Je vous appelle à refuser cette réforme et cette manière de faire de la politique.

M. François Piquemal (LFI-NUPES). Nos militaires savent que leur engagement au service de la nation est tributaire des décisions politiques prises par les gouvernements successifs. J’en suis extrêmement conscient, en tant que petit-fils de militaire, mais aussi président du groupe d’amitié France-Mali, pays dans lequel nous avons perdu cinquante-huit de nos soldats.

La réforme repoussant l’âge de la retraite aura un impact sur les proches des militaires et s’attaquera au régime singulier qui est le leur. Le système de bonification est également désormais remis en cause. Enfin, le nombre de trimestres de cotisation nécessaire pour un départ à la retraite à taux plein passe de 160 à 172 pour tous les fonctionnaires du ministère des armées.

C’est la raison pour laquelle nous vous demandons de revenir sur cette atteinte aux droits des militaires.

Mme Stéphanie Galzy (RN). Je partage le point de vue de mes collègues du RN sur le caractère injuste de ce projet de réforme, dont l’impact se fera sentir aussi bien pour les militaires que les personnels civils de la défense, qui représentent 25 % des effectifs. À travers cette réforme des retraites, le Gouvernement choisi de les pénaliser : ils seront considérés comme relevant du statut de fonctionnaire et donc concernés par le report de l’âge légal de départ à la retraite à 64 ans. Ce report est injuste et nous nous y opposons fortement.

M. Julien Rancoule (RN). Je tiens à mettre en lumière un sujet important qui n’est pas couvert par ce projet de loi : les retraites des conjoints de militaires, dont 85 % sont des femmes. Elles jouent pourtant un rôle fondamental dans le soutien de nos forces armées tout en pâtissant de cette situation : 73 % d’entre elles sont en activité, mais subissent des carrières discontinues ; 44 % partent à la retraite avec une carrière incomplète et 20 % travaillent jusqu’à 67 ans.

Madame la rapporteure, la vérité est la suivante : la réforme ne propose rien à ces femmes de militaires. Je déplore que l’ensemble des amendements du RN les concernant ait été jugé irrecevable.

M. Aurélien Saintoul (LFI-NUPES). Mme le rapporteur nous a indiqué que rien ne changeait, ce qui est erroné. Ainsi, quatre points sont particulièrement modifiés : le passage de 160 à 172 trimestres ; le plafonnement des bonifications ; le retardement de la liquidation des pensions et le report de l’âge de départ à la retraite des civils de la défense et des militaires qui se sont reconvertis.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Cette réforme aura un impact sur le corps des militaires, qui est leur outil de travail. Souvenez-vous du nombre de kilos de matériel qu’un pompier ou qu’un militaire doit porter lors de chacune de ses interventions. Connaissez-vous les contraintes auxquelles sont soumis les contrôleurs aériens pour avoir simplement le droit d’exercer leur métier ?

M. le président Thomas Gassilloud. Chaque groupe a pu prendre la parole et s’exprimer.

Mme la rapporteure Corinne Vignon. Monsieur Lachaud, vous m’avez interrogée sur l’intérêt RH de cette réforme. Vous savez que le régime de pension des militaires n’est pas vraiment un régime de retraite en soi mais plutôt un mécanisme de gestion des flux pour disposer d’une armée jeune ainsi qu’un outil de gestion pour réaliser la pyramide des grades et offrir une garantie de revenus pour la reconversion.

Vous m’avez également interpellée sur la limitation à vingt trimestres des bonifications. Les militaires qui bénéficient du cinquième ont une limitation à vingt trimestres. Mais s’ils revenaient dans la catégorie active et devenaient par exemple policiers, ils bénéficieraient également du cinquième. En cumulant les deux, une inégalité se ferait jour par rapport aux militaires qui resteraient dans le corps militaire. C’est la raison pour laquelle nous établissons un plafonnement à vingt trimestres.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Je m’interroge sur l’effet RH recherché par cette réforme. S’agissant des bonifications, je vous renvoie à l’article L. 12 du code des pensions civiles et militaires. Tel que modifié par la réforme que vous voulez nous faire voter, son dernier alinéa indique que « les bonifications acquises en application des règles qui les régissent pour services accomplis dans différents emplois classés dans la catégorie active et la bonification prévue au i) peuvent se cumuler dans la limite de vingt trimestres ».

Par conséquent, l’ensemble des bonifications du L.12 est limité à vingt trimestres.

La séance est suspendue pour permettre aux députés de participer à un vote dans l’hémicycle.

Après cette suspension, la commission en vient à l’examen, pour avis, des amendements à l’article 7.

Article 7 : Relèvement de l’âge légal de départ à 64 ans et accélération du calendrier de relèvement de la durée d’assurance

 

M. le président Thomas Gassilloud. Nous en venons à l’examen des amendements aux dispositions de l’article 7 relatives au personnel militaire. Tout le monde aura l’occasion de s’exprimer sur l’ensemble de la réforme dès la semaine prochaine en séance publique.

Amendement DN6 de Mme Isabelle Santiago

Mme Isabelle Santiago (SOC). L’amendement vise à ne pas repousser l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans pour les sergents et sous-officiers de grade équivalent des armées, sauf les pompiers militaires qui font l’objet d’un autre amendement.

Mme Corinne Vignon, rapporteure pour avis. Le projet de loi ne modifie pas l’âge légal de départ à la retraite des personnels visés par votre amendement. Les bornes de la pension de liquidation immédiate ne sont pas modifiées, pas plus que les limites d’âge de l’ensemble des corps militaires ni les bonifications. Votre amendement est donc satisfait. Je vous en demande le retrait, à défaut l’avis sera défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement DN7 de Mme Isabelle Santiago

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il a le même objet que le précédent – j’imagine donc que vous m’apporterez la même réponse –, mais il s’applique aux hommes du rang. Nous aurons l’occasion de confronter nos compréhensions divergentes du texte en séance publique.

Mme Corinne Vignon, rapporteure pour avis. En effet, je vous apporte la même réponse et vous demande de retirer l’amendement.

M. Laurent Jacobelli (RN). Je m’étonne que l’amendement déposé par Marine Le Pen et l’ensemble des députés du groupe Rassemblement national visant à supprimer l’article 7 ait été déclaré irrecevable au prétexte qu’il déborderait l’objet de la saisine. Je m’inscris en faux, d’abord parce que le texte affecte les militaires – le nombre de trimestres nécessaire passe de 160 à 172, le calcul de la bonification et la prise en compte des carrières longues sont modifiés. En outre, en proposant cette mesure de sadisme social qu’est le décalage de deux ans de l’âge légal de la retraite, de nombreuses industries et entreprises de travaux qui interviennent dans le domaine de la défense seront pénalisées. Nous sommes donc dans le cœur du sujet.

On ne peut pas dire que l’on veut fidéliser les personnels et soutenir fortement l’industrie de défense et, en même temps, les livrer à une concurrence déloyale. Dans des métiers techniques et très recherchés, les salaires en France sont plus bas que dans d’autres pays européens ; si, en plus, les conditions sociales se dégradent et s’alignent sur les normes moins protectrices pratiquées ailleurs, alors notre pays n’aura plus aucun avantage comparatif. Il y a bien un lien entre la casse sociale programmée par le Gouvernement, qui touchera certains proches des militaires et l’industrie de défense, et le sujet que nous traitons. Je regrette donc que l’amendement de suppression n’ait pas été déclaré recevable. Il s’agit d’une restriction du débat démocratique qui n’a pas lieu d’être.

M. le président Thomas Gassilloud. La saisine ne couvre que les personnels militaires et non l’ensemble des agents de la défense nationale. Autrement, selon votre raisonnement, toutes les commissions se seraient saisies pour avis du texte – la commission des affaires culturelles et de l’éducation pour les personnels enseignants, la commission des lois pour les personnels du ministère de la justice, etc. La commission de la défense est garante de la condition militaire, mais les fonctionnaires civils du ministère des armées n’ont pas de régime spécial : la saisine n’est donc pas liée au thème de la réforme, mais au statut des militaires.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Les membres du groupe La France insoumise avaient également déposé des amendements de suppression de l’article 7 et ils regrettent de ne pouvoir les défendre. Nous nous étonnons du champ de la saisine car l’article 13 du projet de loi, qui empêche le cumul des pensions d’invalidité et de retraite, affecte les militaires. En effet, un militaire qui perçoit une pension civile et une pension militaire sera pénalisé par cet écrêtement. Nous avons donc l’impression que le champ de la saisine s’accorde avec les intérêts de la majorité.

La commission rejette l’amendement.

Amendement DN8 de Mme Isabelle Santiago

Mme Isabelle Santiago (SOC). Cet amendement est le même que les deux précédents, mais il concerne les pompiers et les pompiers militaires.

Mme Corinne Vignon, rapporteure pour avis. Même amendement, donc même avis.

La commission rejette l’amendement.

Amendement DN11 de Mme Isabelle Santiago

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il vise à ne pas appliquer la réforme aux militaires.

Mme Corinne Vignon, rapporteure pour avis. Une bonification est un trimestre qui s’ajoute gratuitement aux années de service effectif pour augmenter le montant de la pension. La bonification du cinquième correspond à une année supplémentaire dans le calcul de la pension, obtenue après cinq années de service. Elle ne peut s’opérer que cinq fois et ne peut donc couvrir que vingt-cinq ans. Entre 60 et 62 ans, la bonification est dégressive : le projet de loi supprime cette dégressivité et octroie donc un avantage supplémentaire aux militaires. Je suis défavorable à votre amendement, dont l’adoption effacerait une avancée qui réjouit les militaires.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques DN13 de M. Bastien Lachaud, DN26 de Mme Pascale Martin, DN61 de Mme Martine Étienne, DN87 de M. Aurélien Saintoul, DN115 de M. Emmanuel Fernandes et DN141 de M. François Piquemal

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Nous souhaitons maintenir l’intégralité du système de bonification pour tous les militaires qui quittent le service à 59 ans, donc supprimer l’alinéa 18 de l’article, qui, sous couvert de mettre un terme à la dégressivité de la bonification du cinquième, empêche les militaires quittant le service à 59 ans d’obtenir le maximum de bonifications.

Mme Pascale Martin (LFI-NUPES). Nous souhaitons maintenir l’intégralité des bonifications pour tous les militaires qui quittent le service à 59 ans.

Les carrières militaires étant constituées d’années de travail et de sacrifices au service de la nation, il demeure juste et honorable pour le pays de se montrer reconnaissant. Les fins de carrières sont longues et éprouvantes pour tous les militaires et anciens militaires d'active, et le système de bonification compense la pénibilité des dernières années.

Mme Corinne Vignon, rapporteure pour avis. Ces amendements suppriment un avantage, puisque la fin de la dégressivité de la bonification constitue une réelle avancée pour les militaires.

Tous les militaires ne quittent pas le service à 59 ans. Les officiers – commandants ou lieutenants-colonels – partent certes à 59 ans, mais les colonels le font à 60 ans et le personnel médical et paramédical militaire à 62 ans. Avis défavorable.

La commission rejette les amendements.

Amendements identiques DN14 de M. Bastien Lachaud, DN27 de Mme Pascale Martin, DN62 de Mme Martine Etienne, DN88 de M. Aurélien Saintoul, DN116 de M. Emmanuel Fernandes et DN142 de M. François Piquemal.

M. Bastien Lachaud (LFI-NUPES). Notre groupe retire tous ses amendements.

Les amendements du groupe LFI-NUPES sont retirés.

Amendement DN167 de M. Laurent Jacobelli

 

M. Laurent Jacobelli (RN). Pour gagner du temps, nous retirons également tous nos amendements.

Les amendements du groupe RN sont retirés.

Amendement DN10 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Je le retire, je le défendrai en séance publique.

L’amendement est retiré.

Après l’article 7

Amendement DN9 de Mme Isabelle Santiago.

Mme Isabelle Santiago (SOC). Il est également retiré.

L’amendement est retiré.

La commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’ensemble des dispositions dont elle est saisie, sans modification. (Applaudissements parmi les députés des groupes RN, LFI-NUPES et Écolo-NUPES.)

 


([1])  Une bonification est un trimestre supplémentaire qui vient s’ajouter gratuitement aux années de services effectifs afin d’augmenter le montant de la pension. La bonification du cinquième correspond au cinquième du temps accompli de service effectif dans la limite de cinq annuités. Elle est applicable aux militaires, aux policiers, aux sapeurs-pompiers professionnels, aux ingénieurs du contrôle de la navigation aérienne et aux surveillants pénitentiaires. Le cumul de l’ensemble des bonifications ne peut augmenter le pourcentage équivalent au taux plein de plus de 5 %. Cette bonification est accordée aux militaires dans la limite de 5 ans (20 trimestres) à condition d’avoir accompli au moins 17 ans de services militaires effectifs ou d’avoir été rayé des cadres pour invalidité. Elle peut être écrêtée d’un an par année de service au-delà de soixante ans.

([2]) Soit 43 annuités.

([3])  Articles L. 12 et L. 13 du code des pensions civiles et militaires de retraite.

([4])  « L'état militaire exige en toute circonstance esprit de sacrifice, pouvant aller jusqu'au sacrifice suprême, discipline, disponibilité, loyalisme et neutralité. Les devoirs qu'il comporte et les sujétions qu'il implique méritent le respect des citoyens et la considération de la Nation ».

([5]) Aux termes de l’article 131 de la loi n° 83-1179, modifiée, du 29 décembre 1983 de finances pour
1984, les militaires de la gendarmerie bénéficient d’une majoration de pension résultant de
l’intégration de l’indemnité de sujétions spéciales de police (ISSP) dans le calcul de la pension
militaire de retraite, dès l’âge de 50 ans. Ils cotisent à cette majoration de pension avec un taux de
retenue pour pension majoré de 2,2 % par rapport aux autres militaires.

([6])  Ce droit est reconnu dès qu’un enfant est issu du mariage ou si le mariage, contracté avant ou après la cessation d’activité, a duré au moins quatre ans.

([7]) https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000043824345

([8]) Les officiers du service de santé des armées du grade de chef des services qui ne sont pas régis par les dispositions du chapitre Ier du titre IV du code de la défense relatif aux officiers généraux peuvent être temporairement maintenus en activité au-delà de l'âge de soixante-deux ans, pour une durée déterminée en fonction des emplois à pourvoir, sans toutefois pouvoir servir au-delà de l'âge de soixante-sept ans. Dans ce cas, la limite d'âge retenue pour l'application du 1° du I de l'article L. 14 du code des pensions civiles et militaires de retraite correspond au terme de la durée ainsi déterminée.

([9])  Les officiers et les sous-officiers radiés des cadres à 25 ans de services ou plus et n’ayant pas atteint la limite d’âge du grade qu’ils détenaient en activité sont autorisés à cumuler leur pension de retraite et le revenu d’une activité exercée au sein d’une administration de l’État, d’une collectivité territoriale, de l’un de leurs établissements publics ne présentant pas un caractère industriel et commercial, ou d’un établissement public hospitalier, à la double condition que le montant brut des revenus d’activité du secteur public ne puisse, par année civile, excéder le tiers du montant brut de la pension pour l’année considérée et que, lorsqu’un excédent est constaté, cet excédent soit déduit de la pension après application d’un abattement égal à la moitié du minimum garanti. En revanche, à la différence des fonctionnaires civils retraités, certains militaires peuvent cumuler intégralement et immédiatement leur pension militaire de retraite et une rémunération dans le secteur public : il s’agit des militaires radiés des cadres par suite d’infirmités, de ceux ayant atteint leur limite d’âge de grade, de ceux ayant atteint leur limite de durée de services, des non-officiers radiés des cadres avant 25 ans de services et de tous les militaires à partir de 62 ans, dès lors qu’ils disposent de la durée d’assurance nécessaire pour obtenir une pension au taux maximum de 75 %.

([10])  À distinguer du motif d’invalidité par suite d’infirmités.

([11])  Cette décote est également applicable aux non-officiers quittant les armées entre 15 et 17 ans de service exclus avec le bénéfice d’une pension à liquidation différée à 52 ans (PLD), aux officiers quittant les armées avec une PLD entre 15 et 27 ans de service exclus, aux officiers sous contrat (OSC) qui sont rayés des contrôles entre 15 et 20 ans de service exclus, avec le bénéfice d’une pension liquidée à l’âge de 52 ans, et aux OSC qui sont rayés des contrôles par limite de durée de service (20 ans), avec le bénéfice d'une pension à liquidation immédiate.

([12]) Entre 15 et 17 ans de service pour les militaires du rang et les sous-officiers ; entre 15 et 20 ans de service pour les officiers sous contrat ; entre 15 et 27 ans de service pour les officiers.

([13]) Cette réforme s’est appliquée indifféremment aux secteurs privé et public, aux fonctionnaires et militaires. Cependant, les militaires ont profité du principe de « cristallisation des droits » qui a autorisé :

-d’une part que les paramètres de la pension d’un militaire ne soient plus modifiés dès lors que celui-ci a acquis le droit à liquidation immédiate de la pension ;

-et, d’autre part, un étalement plus important de la montée en charge de la réforme. Ainsi, le militaire arrivé à PLI se voit appliquer le même nombre de trimestres qu’un fonctionnaire ou un salarié du secteur privé âgé de 60 ans.

Ce principe, créé par la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites dans son article 5 (dite « loi Fillon »), n’a pas été remis en cause par la réforme Touraine.

Appliquée à la réforme Touraine, la « cristallisation » s’est concrétisée par le fait que n’étaient concernés par la durée de référence de 172 trimestres uniquement les militaires qui devaient acquérir leur droit à PLI à partir de 2033. En outre, elle s’est traduite par une montée en charge particulièrement étalée dans le temps. A cet égard, on pourra retenir, à titre d’exemple, que près de 30 % des pensions militaires liquidées en 2020 étaient encore calculées avec une durée de référence antérieure à la réforme de 2003 (soit 150 trimestres) .

Pour autant, les militaires ayant acquis leur droit à PLI entre 2014 et 2022 ont eux aussi subi une hausse du nombre de trimestres requis pour bénéficier du taux plein mais dans des conditions plus favorables que celles appliquées aux cotisants non-militaires.