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N° 1293

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 31 mai 2023.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES FINANCES,
DE L’ÉCONOMIE GÉNÉRALE ET DU CONTRÔLE BUDGÉTAIRE
SUR LE PROJET DE LOI
d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022 (n° 1268),

 

par M. Michel LAUZZANA,

député

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

Introduction

I. L’article liminaire

II. L’Équilibre gÉnÉral et les recettes

A. Le solde des régimes obligatoires de base pour 2022

B. La gestion de la dette sociale

C. Le bilan des régimes et de leurs satellites

D. Les recettes

1. Un financement encore majoritairement assuré par les cotisations

2. La compensation des allègements par l’État

3. Les transferts

III. Les dÉpenses

A. les dÉpenses de la branche maladie et l’objectif national de dÉpenses d’assurance maladie (ondam)

1. Les dépenses de la branche maladie hors ONDAM

2. Les dépenses relevant du périmètre de l’ONDAM

B. les dÉpenses de la branche Accidents du travail – maladies professionnelles (AT-MP)

C. les dÉpenses de la branche vieillesse

D. Les dÉpenses de la branche famille

E. Les dÉpenses de la branche autonomie

Examen en commission

 


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   Introduction

Le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (PLACSS) pour 2022 est le premier projet de loi de cette nature soumis au Parlement.

La commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire a fait le choix de saisir pour avis de ce texte, de la même manière qu’elle a l’habitude de se saisir pour avis des projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour l’année et de loi de financement rectificative de la sécurité sociale (PLFRSS) qui peuvent parfois être déposés en cours d’année.

● L’approbation du budget de l’État pour l’année précédente a de longue date fait l’objet d’un véhicule distinct de la loi de finances de l’année suivante.

Inspiré par les réflexions du baron Joseph-Dominique Louis et du comte Louis-Emmanuel Corvetto, successivement ministres des finances sous la Restauration, l’article 102 de la loi du 15 mai 1818 prévoyait ainsi que « la loi des comptes est une loi particulière qui sera présentée aux Chambres avant la loi annuelle de finances ».

Le dernier alinéa de l’article 2 de l’ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances puis le I de l’article 37 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF) se sont inscrits dans une ligne analogue en disposant respectivement que « la loi de règlement constate les résultats financiers de chaque année civile et approuve les différences entre les résultats et les prévisions de la loi de finances de l’année, complétée, le cas échéant, par ses lois rectificatives » et qu’elle « arrête le montant définitif des recettes et des dépenses du budget auquel elle se rapporte, ainsi que le résultat budgétaire qui en découle ».

La XVème législature a été l’occasion d’une revalorisation significative des modalités d’examen du projet de loi de règlement (PLR) et de contrôle de l’application des lois de financement de la sécurité sociale, avec l’instauration, par les commissions des finances et des affaires sociales de l’Assemblée nationale, d’un « printemps de l’évaluation », au cours duquel les rapporteurs spéciaux de la première et des députés spécialement désignés de cette seconde accordent, d’une part, une attention renouvelée à la comparaison entre l’autorisation parlementaire et l’exécution budgétaire pour l’État et entre les prévisions de recettes et de dépenses et leur niveau effectif pour les régimes de sécurité sociale puis consacrent, d’autre part, de riches travaux à des politiques publiques choisies. Les conclusions des rapporteurs spéciaux nourrissent l’audition en commission d’un grand nombre de membres du Gouvernement et des débats en séance publique ou la discussion de propositions de résolution.

Traduisant l’attachement renouvelé du Parlement à la lecture de la loi de règlement sous l’angle de la performance plutôt que sous celui des seules constatations des recettes et consommation des crédits – la doctrine ayant pu y voir la volonté de « concilier la logique politique et la logique de gestion » ([1]) –, la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation de la gestion des finances publiques l’a rebaptisée « loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes de l’année ».

● Néanmoins, l’analyse, au premier semestre, des résultats affichés par les organismes entrant dans le champ de la LFSS ne s’appuyait sur aucun texte, l’exercice clos n’étant formellement réglé qu’à la fin du suivant.

En effet, antérieurement à l’entrée en vigueur de la loi organique n° 2022‑354 du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, le I de l’ancien article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale disposait que la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS) de l’année était, depuis la loi organique n° 2005-881 du 2 août 2005, divisée en quatre parties, la première « comprenant les dispositions relatives au dernier exercice clos ».

Dans le rapport de la commission spéciale chargée d’examiner la révision conjointe de la LOLF et de la LOLFSS, ainsi que les deux propositions de loi ordinaire les accompagnant, M. Thomas Mesnier, alors rapporteur général de la commission des affaires sociales, notait que « la première partie est riche d’informations, mais souvent éclipsée par les autres dimensions de la LFSS ».

En pratique, son examen était fort expédient, sans que les membres du Parlement aient alors le temps de prendre connaissance des « programmes de qualité et d’efficience » (PQE) présentant « l’exposé des résultats atteints lors des deux derniers exercices clos », d’ailleurs qualifiés de « rapports d’évaluation des politiques de sécurité sociale » (REPSS) depuis le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2021.

Désireux de fournir aux travaux de contrôle de l’application des LFSS un « point d’aboutissement plus solennel », mais aussi éclairé par les préconisations de rapports publiés par la Cour des comptes ([2]) et une commission ad hoc présidée par M. Jean-Arthuis ([3]), le législateur organique a donc prévu dans le 3° de la nouvelle rédaction de l’article L.O. 111-3 du code de la sécurité sociale que non seulement « ont le caractère de LFSS […] la LFSS de l’année [et] la loi de financement rectificative de la sécurité sociale » (LFRSS), mais aussi, désormais, la « loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale » (LACSS).

Aux termes du nouvel article L.O. 111-3-13 du même code, la LACSS :

– « comprend un article liminaire » centré sur les recettes, les dépenses et le solde des administrations de sécurité sociale (ASSO), ce qui la rapproche de la LFSS de l’année mais la distingue des lois de finances de l’année ou des lois de finances rectificatives (LFR), ainsi que des LFRSS, dont l’article liminaire concerne l’ensemble des administrations publiques (APU), conformément à l’article 1er H de la LOLF, issu d’une réforme du 17 décembre 2012 ;

– « approuve » une série de tableaux sur l’équilibre de chaque branche des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS), des organismes concourant à leur financement et des dépenses relevant de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), ainsi que les montants affectés aux organismes chargés de la mise en réserve de recettes au profit des ROBSS ou de l’amortissement de leur dette ;

– « approuve », via un renvoi au 2° de l’article L.O. 111-4-4 dudit code, le « rapport décrivant les mesures que le Gouvernement a prises ou compte prendre pour l’affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l’occasion » de la clôture de l’exercice et « retraçant la situation patrimoniale » des ROBSS et de leurs satellites.

Outre ce dernier rapport, sept catégories d’annexes sont jointes au PLACSS, dont les REPSS, l’énumération des « mesures de réduction ou d’exonération […] et de réduction ou d’abattement de l’assiette de ces cotisations et contributions » sociales, accompagnée des modalités de leur compensation, les « objectifs pluriannuels de gestion » des caisses gestionnaires des ROBSS et, de manière originale compte tenu du champ des dispositions que la LFSS est susceptible d’accueillir, « l’état des recettes, des dépenses et du solde du régime d’assurance chômage et des régimes de retraite complémentaire légalement obligatoires ».

Quoique constituant en elle-même une novation que le rapporteur pour avis salue ([4]), la LACSS a donc un domaine assez restreint.

● Depuis l’entrée en vigueur de la loi constitutionnelle n° 96-138 du 22 février 1996, la commission des finances s’est saisie pour avis de l’ensemble des projets de LFSS ou de LFRSS.

Il était donc naturel qu’elle examine le PLACSS pour 2022.

Seront successivement abordés l’article liminaire (I) du PLACSS, puis le solde et les ressources (II) et enfin les dépenses (III) constatés pour cet exercice.

*

Nota bene : dans les tableaux et graphiques du présent rapport pour avis, des effets d’arrondis ou de transferts peuvent expliquer que les totaux soient légèrement inférieurs ou supérieurs à l’addition des agrégats qu’ils retracent (il en va singulièrement ainsi du solde de 0,3 % de l’article liminaire).


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I.   L’article liminaire

L’exposé des motifs de l’article liminaire du PLACSS rappelle que les données qu’il comprend sont exprimées au sens de la comptabilité nationale.

En 2022, les ASSO connaissent un excédent de 0,3 % du produit intérieur brut (PIB), soit 9,2 milliards d’euros, avec des recettes et des dépenses atteignant respectivement 27 % et 26,6 % du PIB. Ce résultat est légèrement inférieur à l’estimation figurant dans le PLFSS pour 2023, à savoir 0,4 % du PIB, et nettement dégradé par rapport aux prévisions de la loi n° 2018-32 du 22 janvier 2018 de programmation des finances publiques (LPFP) pour les années 2018 à 2022, dont la caducité face aux conséquences de la crise sanitaire avait certes été relevée par le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) dès son avis sur les sous-jacents communs au projet de loi de finances (PLF) et au PLFSS pour 2021.

PrÉvisions initiales et actualisÉes pour 2022

(en points de produit intérieur brut et en valeur)

 

LPFP
(sur 2022)

LF initiale
pour 2022

LF pour 2023
(sur 2022)

PLR
pour 2022

Solde structurel

– 0,8 %

– 4,0 %

– 4,2 %

– 3,4 %

Solde conjoncturel

+ 0,6 %

– 0,8 %

– 0,6 %

– 1,2 %

Solde des mesures ponctuelles et temporaires

0,0 %

– 0,2 %

– 0,1 %

– 0,1 %

Solde effectif

 0,3 %

 5,0 %

 5,0 %

 4,7 %

Dette au sens de Maastricht

91,4 %

111,9 %

111,6 %

111,6 %

Taux de prélèvements obligatoires (nets)

43,7 %

44,3 %

45,2 %

45,3 %

Dépense publique (hors crédits d’impôts)

51,1 %

57,3 %

57,7 %

57,5 %

Solde des administrations publiques centrales

– 1,8 %

– 5,1 %

– 5,4 %

– 5,1 %

Solde des administrations publiques locales

+ 0,7 %

– 0,1 %

0,0 %

0,0 %

Solde des administrations de sécurité sociale

+ 0,8 %

 0,0 %

+ 0,4 %

+ 0,3 %

Recettes des administrations de sécurité sociale

25,3 %

n. c.

27,0 %

27,0 %

Dépenses des administrations de sécurité sociale

24,5 %

26,6 %

26,6 %

Source : LPFP pour 2018 à 2022 ; article liminaire des lois de finances pour 2022 et 2023 et des PLR et PLACSS pour 2022.

Pour rappel, le projet de loi relative aux résultats de la gestion et portant approbation des comptes (PLR) de l’année 2022 fait état d’un déficit public de 4,7 % du PIB, soit 124,9 milliards d’euros : les APU centrales (APUC) contribuent négativement au solde (– 5,1 %, soit 134,9 milliards d’euros), singulièrement à raison de celui de l’État (– 5,6 %, soit 151,4 milliards d’euros), tandis que les organismes divers d’administration centrale (ODAC) ont un léger excédent (0,5 %, soit 13,5 milliards d’euros) ; les APU locales (APUL) ont une situation positive également (21,3 milliards d’euros).

La position plus favorable des ASSO que des APU dans leur ensemble se maintiendrait sur la période 2023-2027 par le programme de stabilité (PSTAB) : leur excédent passerait ainsi à 0,9 % du PIB d’ici à 2027, à mesure que se poursuivrait le remboursement de la dette (cf. infra) et que la réforme du système de retraites engagée avec la LFRSS du 14 avril 2023 produirait ses effets.

Au même horizon de 2027, le solde public se serait redressé mais resterait négatif à hauteur de 2,7 % du PIB.

DÉcomposition du solde effectif et projetÉ par sous-secteur de 2020 À 2027

(en points de PIB)

Source : programme de stabilité pour les années 2023 à 2027.

Un tel scénario quant aux composantes du solde public est cohérent avec les hypothèses macroéconomiques adressées par le Gouvernement à la Commission européenne. Arrêtée à 2,6 % en 2022, la croissance devrait se stabiliser à 1 % en 2023 avant de retrouver un rythme supérieur à son niveau potentiel.

hypothÈses macroÉconomiques du Gouvernement pour 2022 À 2027

(en pourcentage)

 

2022

2023

2024

2025

2026

2027

Évolution du PIB

+ 2,6 %

+ 1,0 %

+ 1,6 %

+ 1,7 %

+ 1,7 %

+ 1,8 %

Évolution du PIB potentiel

+ 1,35 %

+ 1,35 %

+ 1,35 %

+ 1,35 %

+ 1,35 %

+ 1,35 %

Consommation des ménages

+ 2,7 %

+ 0,2 %

+ 1,9 %

+ 1,9 %

+ 1,9 %

+ 1,9 %

Consommation des APU

+ 2,7 %

+ 1,3 %

+ 0,9 %

+ 1,3 %

+ 1,4 %

+ 1,3 %

Investissement des entreprises

+ 2,3 %

+ 2,1 %

+ 0,9 %

+ 1,8 %

+ 1,1 %

+ 1,3 %

Importations

+ 9,1 %

+ 3,1 %

+ 3,0 %

+ 3,5 %

+ 3,3 %

+ 3,3 %

Exportations

+ 7,1 %

+ 3,5 %

+ 3,6 %

+ 3,9 %

+ 3,9 %

+ 3,9 %

Indice des prix à la consommation

+ 5,2 %

+ 4,9 %

+ 2,6 %

+ 2,0 %

+ 1,8 %

+ 1,8 %

Masse salariale ([5])

+ 9,2 %

+ 6,1 %

+ 3,4 %

+ 3,5 %

+ 3,3 %

3,4 %

Salaire moyen nominal par tête

+ 5,7 %

+ 5,2 %

+ 2,8 %

+ 2,2 %

+ 2,0 %

+ 2,1 %

Source : programme de stabilité pour les années 2023 à 2027.

Saisi en application du VIII de l’article 61 de la LOLF, le HCP a estimé que « les prévisions de croissance [du PSTAB] pour 2023 et 2024 ne sont pas hors d’atteinte, mais semblent optimistes » et que « les prévisions d’inflation, révisées en hausse pour 2023 mais en baisse pour 2024, paraissent un peu sous-estimées ».

Dans ses dernières projections macroéconomiques, la Banque de France envisage des taux de croissance et d’inflation de l’ordre de 0,6 % et de 4,9 % pour l’année en cours, puis de 1,2 % et 2,5 % pour celle à venir.


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II.   L’Équilibre gÉnÉral et les recettes

Pour l’exercice clos, l’article 1er du PLACSS approuve le résultat des cinq branches des ROBSS et de leur principal satellite (A).

L’article 2 du PLACSS approuve, en son 1°, l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (cf. III) puis, en ses 2° et 3°, les recettes affectées au fonds de réserve pour les retraites (FRR) ou mises en réserve par le fonds de solidarité pour la vieillesse (FSV), lesquelles sont nulles et enfin, en son 4°, la dette apurée par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES) (B).

L’article 3 du PLACSS approuve le rapport sur la situation patrimoniale de la sécurité sociale, laquelle a été certifiée par la Cour des comptes (C).

L’annexe 2 du PLACSS, auparavant jointe au PLFSS de l’année, analyse les recettes des régimes et la compensation de certains allègements (D).

A.   Le solde des régimes obligatoires de base pour 2022

Les branches des ROBSS ont en 2022 un résultat négatif à hauteur de 21 milliards d’euros, réduit à 19,6 milliards d’euros en y agrégeant l’excédent du FSV, qui finance des avantages non-contributifs, dont l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) et la validation des périodes non travaillées – chômage, arrêts de travail, apprentissage, stages et activité partielle.

Avec 1,7 et 1,9 milliard d’euros, les branches accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP) et famille conservent leur résultat positif.

La branche autonomie termine son deuxième exercice d’existence avec un excédent de 0,2 milliard d’euros, contrairement au déficit qui était projeté.

En revanche, les branches maladie et vieillesse, dont le déficit projeté était déjà substantiel (respectivement à hauteur de 19,1 et de 3 milliards d’euros) enregistrent un solde dégradé de 1,9 et 0,8 milliard d’euros par rapport à la programmation initiale.

SOlde des branches du ROBSS et du FSV pour 2022

(en milliards d’euros)

 

Prévision 2022
LFSS pour 2022

Rectification 2022
LFSS pour 2023

Approbation 2022
PLACSS pour 2022

Maladie

– 19,1

– 21,9

– 21,0

Accidents du travail et maladies pro.

+ 1,5

+ 2,0

+ 1,7

Vieillesse

– 3,0

– 3,0

– 3,8

Famille

+ 1,9

+ 2,6

+ 1,9

Autonomie

– 1,1

– 0,4

+ 0,2

Régimes obligatoires de base

 19,7

 20,7

 21,0

Fonds de solidarité vieillesse

– 1,7

+ 1,8

+ 1,3

ROBSS + FSV

 21,4

 18,9

 19,6

Source : annexes B des LFSS pour 2022 et 2023 ; article 1er du PLACSS pour 2022.

D’après l’exposé des motifs de l’article 1er du PLACSS, l’amélioration du solde à hauteur de 4,7 milliards d’euros entre 2021 et 2022 s’explique par une « progression des recettes plus marquée que celle des dépenses », grâce à l’effet cumulé de la bonne tenue du marché du travail (assiette) et de l’inflation (volume) sur la masse salariale. La contribution des charges est présentée infra.

Rectifications successives du solde des ROBSS et du FSV pour 2022

(en milliards d’euros)

Source : annexes B des LFSS pour 2019 à 2023 et de la LFRSS pour 2023 ; article 1er du PLACSS pour 2022.

Par rapport à la prévision de la LFSS pour 2022, ce déficit traduit une consolidation de 1,8 milliard d’euros ; en comparaison avec l’estimation de la LFSS pour 2023, conservée par la LFRSS pour 2023, il marque en revanche une dégradation de 0,7 milliard d’euros.

Recettes et dÉpenses des branches du ROBSS et du FSV pour 2022

(en milliards d’euros)

 

Prévision LFSS pour 2022

Approb. PLACSS pour 2022

 

Recettes

Dépenses

Recettes

Dépenses

Maladie

211,0

230,1

221,1

242,1

Accidents du travail et maladies pro.

15,6

14,1

16,2

14,5

Vieillesse

253,6

256,6

259,0

262,8

Famille

51,6

49,7

53,3

51,4

Autonomie

33,4

34,4

35,4

35,2

Régimes obligatoires de base

550,5

570,2

570,3

591,3

Fonds de solidarité vieillesse

17,9

19,6

19,4

18,0

ROBSS + FSV

549,2

570,6

572,0

591,6

Source : annexes B des LFSS pour 2022 et 2023 ; article 1er du PLACSS pour 2022.

L’annexe A du PLACSS fournit des précisions sur le solde d’autres régimes de base que le régime général. La Caisse nationale de retraite des agents des collectivités territoriales et de la fonction publique hospitalière (CNRACL) a un déficit de 1,8 milliard d’euros ; la branche vieillesse du régime des non-salariés relevant de la Mutualité sociale agricole (MSA) est excédentaire pour 0,1 milliard d’euros ; pour leurs prestations de base, la Caisse de retraite et de prévoyance des clercs et employés de notaire (CRPCEN), la Caisse nationale d’assurance vieillesse des professions libérales (CNAVPL) et la Caisse nationale des barreaux français (CNBF) affichent des excédents respectifs de 0,2 milliard d’euros, 0,4 milliard d’euros et 0,04 milliard d’euros. D’autres régimes ont un solde nul, car ils sont équilibrés par la loi de finances : services des retraites de l’État (SRE), Société nationale des chemins de fer (SNCF), Régie autonome des transports parisiens (RATP), Établissement national des invalides de la marine (ENIM), Caisse nationale des industries électriques et gazières (CNIEG), etc.

Solde effectif et projetÉ des ROBSS et du FSV de 2008 À 2026

(en milliards d’euros)

Source : LFSS pour 2008 à 2023 ; annexes B de la LFRSS pour 2023 et du PLACSS pour 2022.

Dans son rapport sur l’application des lois de financement (RALFSS), prévu par le 3° de l’article L.O. 111-4-6 du code de la sécurité sociale, remis à compter de cette année au printemps du fait de la nouvelle rédaction de l’article L.O. 132-3 du code des juridictions financières, la Cour des comptes estime que le déficit pour 2022 ne présente qu’une « amélioration modeste au regard de l’ampleur de la reprise économique ».

En dépit d’un « rebond marqué des recettes », lesquelles atteignent 572 milliards d’euros pour les ROBSS et le FSV (soit 22,8 milliards d’euros de plus que la prévision initiale et 34 milliards d’euros de plus qu’en 2021), les dépenses ont atteint 591,6 milliards d’euros et connu une « hausse rapide » (soit 21 milliards d’euros de plus que la prévision et 24,3 milliards d’euros de plus qu’en 2021), non tant à raison de la prolongation de la crise sanitaire au premier trimestre de l’année que de la revalorisation anticipée de diverses prestations servies par les branches vieillesse, AT-MP et famille (cf. infra) et de la montée en charge des investissements du « Ségur de la santé ».

S’agissant de 2023 et de 2024, la Cour note que la réduction du déficit irait de pair avec l’engagement d’une trajectoire plus favorable pour la dette, mais ne serait que « transitoire », les dépenses des branches maladie et vieillesse croissant car les effets vertueux de la réforme des retraites seraient très progressifs. La Cour rappelle aussi qu’en 2024, « les recettes devraient moins progresser avec le recul de l’inflation et un marché de l’emploi moins dynamique ».

B.   La gestion de la dette sociale

Il convient de rappeler que la récurrence des soldes négatifs au cours des différents exercices a entraîné la constitution d’une dette, répartie entre :

– les déficits portés en trésorerie par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui couvre ses besoins par des emprunts auprès de banques ou de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) et par des émissions de court terme sur les marchés, dans la limite de 65 milliards d’euros en 2022 (avec un encours maximum de 58 milliards d’euros en mars et un taux moyen de – 0,34 %) ;

– la dette reprise en vue de son apurement par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES), établissement public administratif (EPA) géré par l’Agence France Trésor et créé par l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, cette dernière ayant fixé les trois principes suivant lesquels la caisse bénéficie de ressources dédiées, la durée de remboursement est limitée dans le temps et chaque nouveau transfert de dette doit être accompagné de recettes suffisantes.

Endettement financier de la sÉcuritÉ sociale

(en milliards d’euros courants)

Source : annexe 1 du PLACSS pour 2022 – REPSS sur le financement.

● L’ACOSS affiche à la clôture de l’exercice 2022 un endettement net de 12,5 milliards d’euros, en baisse de 19,1 milliards d’euros en un an.

Son besoin de financement de 20,6 milliards d’euros, correspondant au déficit du régime général, dont elle centralise la trésorerie (celle des autres ROBSS, quoiqu’il leur soit possible dans certaines conditions de s’appuyer sur l’ACOSS, est au bilan de leurs propres organismes gestionnaires), est notamment contrebalancé par les versements que la CADES a effectués à son profit, soit 40 milliards d’euros, dans le cadre de la reprise de 136 milliards d’euros de passifs réalisée sur le fondement du II septies de l’article 4 de l’ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996, précitée, tel que rétabli par l’article 1er de la loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie.

Au terme de l’exercice 2023, le solde net de l’ACOSS devrait même devenir excédentaire d’environ 6 milliards d’euros, compte tenu du fait qu’une part des versements de la CADES constitue une avance par rapport aux décaissements qu’elle doit faire au bénéfice des hôpitaux (étalés jusqu’en 2030) et que le déficit du régime général ne devrait être que d’environ 8 milliards d’euros.

La Cour des comptes juge cette situation « temporaire mais bienvenue », car la remontée des taux de la Banque centrale européenne (BCE) a eu pour effet que les intérêts des émissions de l’ACOSS ont atteint 113 millions d’euros pour les trois premiers mois de 2023, contre 62,8 millions d’euros en 2022, en dépit de la substantielle réduction de son déficit.

● En 2022, la CADES a amorti 18,96 milliards d’euros (sur le stock), au-dessus de l’objectif initialement fixé par la LFSS pour 2022 puis rectifié par la LFSS pour 2023, à savoir 18 et 18,6 milliards d’euros.

La reprise de 136 milliards d’euros s’est poursuivie. Pour rappel, trois compartiments doivent être distingués au sein de ces nouveaux flux :

– au plus tard le 30 juin 2021 et dans la limite de 31 milliards d’euros, la CADES devait avoir couvert les besoins de l’ACOSS au 31 décembre 2019, soit 31 milliards d’euros, dont la moitié environ au titre de la branche maladie ;

– à compter de 2021 et dans la limite de 92 milliards d’euros, la CADES doit couvrir les déficits cumulés entre 2020 et 2023 par le régime général, le FSV et la branche vieillesse du régime des non-salariés agricoles ;

– à compter de 2021, la CADES verse à la CNAM les sommes nécessaires pour couvrir un maximum d’un tiers de la charge des emprunts contractés par les établissements publics de santé jusqu’à 2019, soit 13 milliards d’euros.

Un transfert de 40 milliards d’euros a été organisé par le décret n° 2022-23 du 11 janvier 2022 (le décret n° 2022-1724 du 29 décembre 2022 a opéré des régularisations techniques pour tenir compte de la situation nette des trois affectataires, connue dans l’intervalle), dont 32,34 milliards d’euros pour la branche maladie du régime général – en sept versements ([6]) –, 1,46 milliard d’euros pour la branche vieillesse et 1,2 milliard d’euros pour le FSV, auxquels doivent être ajoutés 5 milliards d’euros au titre du soutien par la CNAM du paiement de la charge de leur dette par les hôpitaux.

Pour l’exercice en cours, le décret n° 2023-12 du 11 janvier 2023 a prévu sept versements d’un total de 27,23 milliards d’euros, dont 22,5 milliards d’euros pour les déficits de la branche maladie, 1,7 milliard d’euros pour ceux de la branche vieillesse et 3 milliards d’euros pour les emprunts des hôpitaux.

Répartition par exercice et catÉgories d’opÉrations de la reprise
de passifs par la CADES pour l’application de la loi du 7 aoÛt 2020

(en milliards d’euros)

 

2020

2021

2022

2023

Total

Déficits jusqu’au 31 décembre 2019

20,0

11,2

s. o.

31,2

Déficits pour 2020 (maladie et FSV)

s. o.

23,8

9,1

0,0

32,9

Déficits pour 2021 (maladie)

0,0

25,9

0,2

26,1

Déficits pour 2022 (maladie et vieillesse)

0,0

0,0

24,0

24,0

Dette hospitalière (dotations de la CNAM)

5,0

5,0

3,0

13,0

Total

20,0

40,0

40,0

27,2

127,2

Source : rapport de la Cour des comptes sur l’application des LFSS.

Ainsi, avec 20 milliards d’euros repris en 2020, puis 40 milliards d’euros en 2021 et les montants susmentionnés pour 2022 et 2023, la reprise des déficits du régime général par la CADES est proche de son point de saturation : 8,8 milliards d’euros seulement pourraient encore être repris en l’état actuel de la législation organique, qu’il conviendrait de modifier pour toute prolongation.

Le RALFSS souligne que cette somme couvrirait juste le solde prévisionnel des branches maladie et vieillesse de ce régime, mais qu’une solution devra être trouvée pour les déficits enregistrés depuis 2020 par la CNRACL et pour les futurs passifs qui, sinon, pèseront sur la trésorerie de l’ACOSS. Pour la Cour, « un nouvel allongement de la durée de vie de la CADES au-delà de 2033 » n’est pas exclu.

Pour la seule année 2022, l’annexe 7 du PLACSS et le rapport d’activité de la CADES indiquent que cette dernière a payé des intérêts de 1,25 milliard d’euros, avec le programme suivant :

– 12 émissions à moyen et long termes, dont neuf sous format social ([7]), pour un taux moyen de 1,98 %, ayant permis de lever 38,1 millions d’euros, sept emprunts ayant été faits sur le marché de l’euro (27,5 milliards d’euros), trois sur celui du dollar (9,98 milliards d’euros), un sur celui de la couronne suédoise (0,48 milliard d’euros) et un sur celui du renminbi (0,14 milliard d’euros) ;

– 134 émissions à court terme, pour un taux moyen de – 0,38 %, ayant permis de lever 25,2 milliards de dollars (soit 23,7 milliards d’euros), avec un encours de 1,65 milliard d’euros au 31 décembre, au taux moyen de 1,24 %.

Ses dernières émissions, en date du 21 février puis du 16 mai 2023, représentent 4 milliards d’euros au taux de 3,13 % (maturité de sept ans, avec un livre d’ordre de 25 milliards d’euros pour 240 investisseurs) et 3 milliards de dollars au taux de 3,75 % (maturité de cinq ans, avec un livre d’ordres de 4,5 milliards de dollars et 88 investisseurs).

Ainsi, depuis sa création, les déficits déjà apurés par la CADES et ceux demeurant au passif de son bilan atteindraient 224,3 et 136,2 milliards d’euros en 2022 ; ils s’élèveraient à 242,5 et 145,2 milliards d’euros en 2023.

Par conséquent, auront été repris 360,5 puis 387,7 milliards d’euros de dette à la fin de ces deux années.

Compte tenu des projections qu’elle établit quant à ses ressources – à savoir 8,5 milliards d’euros de CRDS et 9,6 milliards d’euros de CSG d’une part et un versement de 2,1 milliards d’euros par le FRR ([8]) – et des perspectives sur les marchés, la caisse estime, sauf dans l’hypothèse, naturellement, où de nouveaux passifs lui seraient transférés, être en mesure d’éteindre sa dette en 2032 (scénario médian d’une probabilité de 90 %), ou en tout état de cause en 2031 ou 2033 (probabilité respective de 5 %), ce dont le rapporteur pour avis se félicite.

Évolution du cumul de la dette reprise par la CADES

(en milliards d’euros courants)

Source : annexe 1 du PLACSS pour 2022 – REPSS sur le financement.

RÉpartition de l’encours de dette À moyen et long termes de la CADES
Au 31 dÉcembre 2022

(en millions d’euros)

https://www.cades.fr/images/com_osgallery/gal-20/original/repartition-de-lencours-de-dette4A72617D-2025-57B7-607B-9936D50AB918.png

Source : rapport d’activité de la CADES pour 2022.

ÉchÉancier de l’encours de dette À moyen et long termes de la CADES
Au 31 dÉcembre 2022

(en millions d’euros)

Source : rapport d’activité de la CADES pour 2022.

C.   Le bilan des régimes et de leurs satellites

Les comptes nationaux notifiés le 28 mars 2023 à la direction générale des statistiques de la Commission européenne (EUROSTAT) par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) font état d’une dette des ASSO, au sens du traité de Maastricht, de 270,9 milliards d’euros à la fin de 2022.

● Sur le champ plus restreint de la LFSS, c’est-à-dire celui des ROBSS et des organismes concourant à leur financement, affectataires de recettes de leur part ou chargés de constituer des réserves à leur profit, l’annexe A du PLACSS fait état d’un actif et d’un passif de 171,3 milliards d’euros au 31 décembre 2022, contre 179,2 milliards d’euros un an plus tôt.

Situation patrimoniale simplifiÉe de la sÉcuritÉ sociale en 2022

(en milliards d’euros)

Actif

Passif

Immobilisations

7,32

Fonds propres

 99,20

s. o.

dont réserves des ROBSS

10,08

dont investissements du FRR

14,21

dont report à nouveau

 146,89

Provisions pour risques et charges

17,09

Actif financier

57,11

Passif financier

179,79

dont val. mobilières et placements

35,08

dont titres de l’ACOSS

26,12

dont encours bancaire

20,33

dont titres de la CADES

143,56

dont créances financières

1,69

dont dettes bancaires

5,43

Actif circulant

106,92

Passif circulant

73,66

dont créances de prestations

8,49

dont dettes en prestations

39,90

dont créances de cotisations et ITN

12,64

dont charges à payer en cotisations

4,75

dont produits à recevoir

61,38

dont dettes envers des pers. pub.

18,13

dont créances sur des pers. pub.

16,02

dont autres passifs

10,88

Total de l’actif

171,34

Total du passif

171,34

Note : les items précédés du pronom « dont » correspondent aux exemples les plus significatifs d’une catégorie, non à tous les sous-totaux d’un agrégat intermédiaire entrant dans le bilan.

Source : annexe A du PLACSS pour 2022 ; rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale.

La notion de dette appelle des précisions dès lors qu’elle est lue sous l’angle de sa place dans la situation patrimoniale des organismes sociaux.

Entendu, ainsi que l’est celui de l’État, comme le cumul des déficits non remboursés (passifs nets), l’endettement budgétaire de la sécurité sociale est de 99,2 milliards d’euros à la fin de 2022. L’annexe A rappelle que cet indicateur avait « été en recul constant entre 2014 et 2019 », grâce au recul des déficits et à la performance de la CADES et du FRR, avant que le retournement de la conjoncture sanitaire et économique n’inverse la tendance.

Une fois pris en compte non seulement les fonds propres négatifs mais aussi les obligations auprès des marchés et des établissements de crédits, minorées des placements et de la trésorerie, l’endettement financier de la sécurité sociale atteint 122,7 milliards d’euros. Ce paramètre avait connu un premier point bas en 2015, avec 120,8 milliards d’euros, puis avait amorcé une résorption jusqu’à 2019, année au terme de laquelle il n’était plus que de 74,6 milliards d’euros.

● Introduit par le II de l’article 22 de la loi constitutionnelle n° 2008-724 du 23 juillet 2008, l’article 47-2 de la Constitution dispose que « la Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l’action du Gouvernement ; elle assiste le Parlement et le Gouvernement dans le contrôle […] de l’application des lois de financement de la sécurité sociale […] ; les comptes des administrations publiques sont réguliers et sincères ; ils donnent une image fidèle du résultat de leur gestion, de leur patrimoine et de leur situation financière ».

Conformément au 4° de l’article L.O. 111-4-6 du code de la sécurité sociale et à l’article L.O. 132-2-1 du code des juridictions financières, la Cour des comptes a établi un rapport sur les vérifications qu’elle a effectuées concernant les dix jeux de comptes composant les états financiers afférents au PLACSS, à savoir ceux de l’activité de recouvrement, celui de chacune des branches et celui des organismes qui les gèrent : l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) – ou depuis janvier 2021, la caisse nationale des unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (URSSAF) – et les caisses nationales d’assurance maladie (CNAM), d’assurance vieillesse (CNAV), de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et des allocations familiales (CNAF).

Une telle combinaison, qui d’une part ne retraite pas les nombreux transferts entre les branches ou les organismes et d’autre part retrace des opérations dépassant le cadre de la LFSS – par exemple à raison de l’encaissement de produits ou de la prestation de services pour le compte de l’État, des collectivités territoriales ou de régimes tiers aux ROBSS –, explique que la Cour se prononce sur des sommes à la fois plus élevées que celles présentées supra (pour mémoire, 171,3 milliards d’euros d’actif et de passif au sens strict) et déséquilibrées (recettes de 664,8 milliards d’euros et dépenses de 556,2 milliards d’euros).

Après avoir souligné que « chaque opération effectuée ne représente qu’une part réduite, sinon infime, des montants comptabilisés » au profit de 60 millions d’assurés ou d’allocataires et en relation avec 10,7 millions de cotisants particuliers ou professionnels, la juridiction financière a formulé cinquante-quatre observations (onze « anomalies comptables significatives » et quarante-trois « insuffisances d’éléments probants », soit trois de moins et trois de plus que pour 2021).

La Cour des comptes a refusé de certifier le bilan de la branche famille et de la CNAF pour 2022, dont elle estime la situation « préoccupante ».

En effet, « le montant des erreurs liées à des données déclaratives non corrigées, qui affectent […] les primes d’activité versées en 2022, équivaut à près d’un quart des montants versés et cette proportion est de près d’un sixième pour le revenu de solidarité active (RSA) et d’un huitième pour les aides au logement ».

Cinq CAF ont toutefois expérimenté un dispositif de suivi mensuel autorisé par l’article 78 de la LFSS pour 2019 et leur tête de réseau escompte des progrès avec la réforme prévue par l’arrêté du 31 janvier 2023 fixant les libellés, l’ordre et le regroupement des informations figurant sur le bulletin de paie.

En revanche, la Cour a certifié avec réserves les huit autres jeux soumis à son examen ([9]), tout en relevant que :

– compte tenu de l’envoi de nouveaux plans d’apurement aux assurés dans le cadre de la crise sanitaire, « les créances des URSSAF […] sont particulièrement exposées aux risques de non-recouvrement et de prescription » ;

– « certains progrès peuvent être constatés en matière d’estimation de la fraude aux prestations sociales », même si le contrôle interne est affecté par des « faiblesses persistantes » (cf. chapitre VII du RALFSS) et si « une prestation de retraite nouvellement attribuée sur sept [et] une indemnité journalière sur dix sont entachées d’au moins une erreur » ;

– malgré des progrès quant à la fiabilisation des répertoires de la branche vieillesse, les logiciels de liquidation ou de conseil médical de la branche maladie (projets Météore, Arpège et Matis) « connaissent des délais de mise en œuvre qui s’allongent » et, plus largement, « la grande hétérogénéité des systèmes informatiques comptables et leurs limites doivent conduire […] les organismes nationaux du régime général à disposer d’outils communs » ;

– « l’annexe aux comptes de la branche vieillesse, contrairement au compte général de l’État, ne mentionne pas les engagements pluriannuels à l’égard des titulaires d’une pension de retraite et de leurs ayants droit ».

● L’examen concomitant, par la commission des finances, du PLACSS pour 2022 (pour avis) et des projets de loi de règlement pour 2021 et 2022 (au fond), donne l’occasion de s’intéresser brièvement à la créance de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale, en nette réduction au cours de l’exercice clos.

Ces restes à payer du budget général au profit des ROBSS sont en effet passés de 2,88 milliards d’euros en 2021 à 0,11 milliard d’euros en 2022.

Évolution du solde de l’État vis-à-vis de la sécurité sociale de 2004 À 2022

(en millions d’euros)

C:\Users\bchaya-rinnert\AppData\Local\Microsoft\Windows\INetCache\Content.MSO\47DB640C.tmp

Source : exposé général des motifs du projet de loi de règlement pour 2022.

La résorption est répartie comme suit entre les unités de vote :

– 0,39 milliard d’euros au titre de la mission Plan d’urgence face à la crise sanitaire, la créance étant pluriannuelle car elle correspond à des avances sur des exonérations compensées ou des aides au paiement non intégralement déclarées ;

– 2,38 milliards d’euros au titre du reste du budget général, la mission Solidarité, insertion et égalité des chances ayant quasi-intégralement pu solder sa dette de 2,33 milliards d’euros et la différence s’expliquant par des mouvements à la hausse ou à la baisse, mais de faible ampleur, concernant les missions Cohésion des territoires, Travail et emploi, Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales, Gestion des finances publiques et Outre-mer.

D.   Les recettes

Quatre documents éclairent le Parlement dans l’évaluation des recettes des ROBSS : le REPSS sur le financement, l’annexe 2 du PLACSS, le RALFSS et le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS).

La Cour des comptes note que leur progression de 6,3 % en 2022 par rapport à 2021 et de 4,2 % par rapport à la prévision a surtout reposé sur une « évolution très favorable » de la masse salariale, en hausse de 8,7 %, avec une progression du taux d’emploi et du salaire moyen de respectivement 2,7 % et 5,8 %. En effet, les ressources des ROBSS reposent à 81,1 % sur le facteur du travail.

1.   Un financement encore majoritairement assuré par les cotisations

Ainsi que le notait le rapporteur pour avis lors de l’examen du PLFSS pour 2023, « depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, la sécurité sociale était majoritairement (à hauteur de plus de 90 % jusqu’en 1990) financée par des cotisations assises sur le facteur travail, suivant une logique d’inspiration mutualiste parfois qualifiée de bismarckienne ; les trente dernières années ont vu l’affectation croissante d’impositions de toutes natures (ITN) aux ASSO, avec la création de la contribution sociale généralisée (CSG) en 1991 et le transfert successif de prélèvements fiscaux comme la taxe sur les salaires (TS), divers droits d’accises, la contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), etc. ; cet état de fait traduit l’évolution tendancielle vers un système de protection sociale dit beveridgien, même si la nature des recettes des branches varie en fonction du caractère professionnel ou solidaire des risques qu’elles couvrent » ([10]).

En 2022, le montant respectif des cotisations et des impôts s’élève à 330,4 et 218,7 milliards d’euros, soit respectivement 57,8 % et 42,2 % des recettes. Les premières ont crû de 5,7 % en un an ; contre 8,1 % pour la CSG assise sur les revenus d’activité ; 5,3 % pour la taxe sur les salaires ; 22 % pour le forfait social, en raison du dynamisme de l’intéressement ; 4,7 % pour la TVA ; 17 % et 14,2 % pour la CSG assise sur les revenus du patrimoine et celle assise sur les revenus de placement. En revanche, le produit des droits sur les tabacs a reculé de 6,8 %.

La CCSS note que la progression des cotisations a été « freinée par le dynamisme des allègements généraux et le contrecoup de la régularisation qui a majoré celles des travailleurs indépendants en 2021 » tandis que les ITN ont accusé le « contrecoup des mesures nouvelles de 2021 (notamment avec la fin de la contribution exceptionnelle des organismes complémentaire à la prise en charge des dépenses de crise sanitaire) ». Enfin, la Cour des comptes estime que 5 milliards d’euros ont été enregistrés à tort en 2021 alors qu’ils auraient eu vocation à s’imputer en 2022.

Produits nets des ROBSS et du FSV par nature en 2022

(en milliards d’euros ; en pourcentage)

 

2022

2022 (LFSS pour 2022)

2021 (LFSS pour 2023)

 

Prév.

Écart

Réal.

Écart

 

Val.

Vol.

Val.

Vol.

Cotisations sociales

278,90

270,7

+ 8,3

+ 3,1 %

264,0

+ 15,0

+ 5,7 %

Cotisations de l’État

6,90

6,2

+ 0,7

+ 11,3 %

8,1

– 1,2

 14,8 %

Cotis. d’équilibre de l’employeur

44,55

43,7

+ 0,9

+ 2,1 %

42,3

+ 2,3

+ 5,4 %

Impositions de toutes natures

218,69

210,4

+ 9,4

+ 4,5 %

207,1

+ 12,6

+ 6,1 %

dont contrib. sociale généralisée

115,48

109,1

+ 6,4

+ 5,9 %

107,2

+ 8,3

+ 7,7 %

dont autres impôts affectés

104,3

101,3

+ 3,0

+ 3,0 %

99,99

+ 4,3

+ 4,3 %

Majorations et pénalités

0,12

– 2,1

– 0,2

+ 9,5 %

– 0,5

– 1,8

+ 360 %

Charges de non-recouvrement

1,16

Transferts nets

11,36

10,8

+ 0,6

+ 5,6 %

11,2

+ 0,2

+ 1,8 %

Autres produits nets

12,70

9,5

+ 3,2

+ 33,7 %

10,6

+ 2,1

+ 19,8 %

Rectif. travailleurs indépendants

s. o.

– 5,0

+ 5,0

+ 1,3 %

Total

571,95

549,2

+ 22,8

+ 4,2 %

538,0

+ 34,0

+ 6,3 %

Source : rapport de la Cour des comptes sur l’application des LFSS ; rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale pour la deuxième décimale concernant les recettes effectives pour 2022.

Le profil de financement varie selon les risques : la branche AT-MP est encore profondément marquée par une logique d’assurance, quand la cinquième branche, relative à l’autonomie, relève surtout de la solidarité nationale.

Structure des recettes brutes par branche des ROBSS en 2022

(en pourcentage)

Source : annexe 2 du PLACSS pour 2022.

2.   La compensation des allègements par l’État

Il convient d’exposer brièvement les grands principes de la neutralité des relations entre l’État et la sécurité sociale avant d’aborder son schéma en 2022.

● L’article L. 131‑7 du code de la sécurité sociale prévoit que l’État attribue des recettes fiscales ou des crédits à la sécurité sociale afin de compenser :

– toute mesure de réduction ou d’exonération instituée à compter de l’entrée en vigueur de la loi dite Veil ([11]) ;

– toute mesure soit de réduction ou d’exonération de contributions, soit de réduction ou d’abattement d’assiette de cotisations ou contributions instituée à compter de l’entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004 ([12]) ;

– toute mesure de transferts de charges.

Conformément à l’article L.O. 111-3-16 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la réforme de 2022, seules LFSS peuvent créer ou modifier des réductions ou exonérations de cotisations ou de contributions non-compensées aux ROBSS ou établies pour une durée égale ou supérieure à trois ans ([13]).

L’on distingue une compensation dite intégrale, prenant la forme de crédits du budget de l’État, et des affectations de recettes pour solde de tout compte.

 En ne retenant que les exonérations et réductions, c’est-à-dire les minorations de l’assiette ou du taux de tel prélèvement, le montant des allègements généraux et ciblés représente 67,5 milliards d’euros en 2022 (contre 59,6 milliards d’euros en 2021 et 70,8 milliards d’euros prévus en 2023).

Ces mesures ciblées ont été compensées à hauteur de 91 %. Elles ont porté sur la branche maladie pour 35,2 milliards d’euros, sur la branche vieillesse pour 17,3 milliards d’euros, sur la branche famille pour 14,4 milliards d’euros, sur la branche autonomie pour 0,4 milliard d’euros et sur la branche AT-MP pour 0,2 milliard d’euros. Les allègements décidés en réponse à la crise sanitaire ont eu un coût agrégé de 9 milliards d’euros entre 2020 et 2022.

Si l’on ajoute les exemptions d’assiette ([14]), le total des « niches sociales » entrant dans le champ de la LFSS est de 76,2 milliards d’euros en 2022.

CoÛt DES ALLÈGEMENTS GÉNÉRAUX ET CIBLÉS (ROBSS – hors FSV) en 2022

(en millions d’euros)

Allègements généraux et mesures de modulation des taux (1)

58 782

Réduction générale sur la part patronale des cotisations

24 255

Baisse du taux de cotisations d’allocations familiales

8 808

Baisse du taux de cotisations d’allocations familiales (régimes spéciaux)

0

Baisse du taux de cotisations d’assurance maladie (régimes des indépendants)

869

Baisse du taux de cotisations d’allocations familiales (régimes des indépendants)

802

Baisse du taux de cotisations d’assurance maladie (régimes spéciaux)

– 200

Baisse générale du taux de cotisations d’assurance maladie

24 499

dont fraction compensée, par dérogation, sur des crédits budgétaires

253

Exonérations compensées par des missions du budget de l’État ; hors covid-19 (2)

6 170

Travail et emploi

4 033

Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales

387

Outre-mer

1 362

Culture

25

Écologie, développement et mobilité durables

71

Médias, livres et industries culturelles

10

Recherche et enseignement supérieur

278

Cohésion des territoires

4

Sport, jeunesse et vie associative

1

Exonérations compensées par des missions du budget de l’État ; covid-19 (3)

1 257

Plan d’urgence face à la crise sanitaire

1 217

Plan de relance

40

Exonérations non compensées

2 532

Part salariale des heures supplémentaires

2 178

Stages en milieu professionnel

115

Contrats uniques d’insertion ou d’accompagnement dans l’emploi (secteur public)

155

Contrats de sécurisation professionnelle

43

Jeunes chefs d’exploitations agricoles

41

Total des compensations fiscales et budgétaires ; hors covid-19 ; (4) = (1) + (2)

64 952

Total des compensations fiscales et budgétaires ; y. c. covid-19 ; (5) = (1) + (2) + (3)

66 209

Source : annexe 2 du PLACSS pour 2022.

3.   Les transferts

Ainsi que le rappelle la CCSS, « les régimes de sécurité sociale échangent d’importantes masses financières entre eux et avec d’autres organismes ; ces transferts poursuivent différents objectifs : il peut s’agir de transférer le financement d’une prestation d’un organisme à un autre, de prendre en charge des cotisations de catégories particulières d’affiliés, d’assurer l’équilibre comptable de régimes intégrés ou d’apporter des ressources à des fonds de financements ».

En 2022, ces flux ont apporté 56,9 milliards d’euros de recettes aux ROBSS, mais en sens inverse leurs versements ont représenté 49,6 milliards d’euros, dont 27,9 milliards d’euros en interne et 21,8 milliards d’euros à des tiers, tandis que les décaissements analogues du FSV ont atteint 17,9 milliards d’euros, tous externes.

La majeure part des transferts entrants provient de l’État, au titre des subventions d’équilibre versées aux régimes spéciaux de retraite (7,6 milliards d’euros) et d’une subvention en soutien à l’investissement dans les établissements de santé et médico-sociaux (0,7 milliard d’euros).

 


—  1  —

III.   Les dÉpenses

Les dépenses des cinq branches des régimes obligatoires de base de sécurité sociale (ROBSS) sont caractérisées en 2022 par une consommation excédant la prévision initiale de la LFSS (+ 3,7 %), dans des proportions comprises entre 2,3 % et 5,2 % selon les branches, pour atteindre 591,6 milliards d’euros ([15]).

Ces dépenses excèdent également de 24,4 milliards d’euros les dépenses enregistrées au titre de l’année 2021 (+ 4,3 %). Leur croissance semble toutefois amorcer un ralentissement : elle est inférieure de 1,3 point à la croissance des dépenses des ROBSS observée entre 2020 et 2021.

prÉvision et exÉcution des dÉpenses des robss en 2022

(en milliards d’euros et en pourcentage)

 

Réalisation 2021

Prévision LFSS pour 2022

Réalisation
2022

Évolution
entre 2021 et 2022

Écart entre les objectifs initiaux et la réalisation

Maladie

235,4

230,1

242,1

2,8 %

5,2 %

AT-MP

13,9

14,1

14,5

4,3 %

2,8 %

Vieillesse

250,5

256,6

262,8

4,9 %

2,4 %

Famille

48,9

49,7

51,4

5,1 %

3,4 %

Autonomie

32,6

34,4

35,2

8,0 %

2,3 %

Toutes branches
(hors transferts
entre branches)

567

570,2

591,3

4,3 %

3,7 %

FSV

19,3

19,6

18,0

– 6,7 %

– 8,2 %

Toutes branches (hors transferts entre branches)
y compris FSV

567,3

570,6

591,6

4,3 %

3,7 %

Source : commission des finances à partir de la loi n° 2021-1754 du 23 décembre 2021 de financement de la sécurité sociale pour 2022 et du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022.

Au-delà de l’évolution spontanée des dépenses, qui reste le premier contributeur à la croissance des prestations légales (+ 3,1 points de croissance des prestations lui sont dus) deux éléments principaux expliquent la hausse importante et en partie non prévisible au stade du vote de la LFSS pour 2022 :

– les prestations en espèces des différentes branches ont été revalorisées de manière anticipée à hauteur de 4 % le 1er juillet 2022, en application de l’article 9 de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d'achat. L’effet de la revalorisation est particulièrement significatif pour la branche vieillesse en raison de l’importance du volume des prestations servies ;

– des mesures nouvelles sont également venues soutenir le dynamisme des dépenses en 2022. Les principales d’entre elles sont les revalorisations salariales décidées dans le cadre du « Ségur de la santé », qui ont entraîné 2,7 milliards d’euros de dépenses supplémentaires, et la revalorisation de 3,5 % du point d’indice de la fonction publique.

Le rapporteur pour avis souligne néanmoins que si les dépenses liées à la crise sanitaire ont excédé la prévision de la LFSS pour 2022 de 6,8 milliards d’euros pour atteindre 11,7 milliards d’euros, elles sont en nette diminution par rapport aux années 2020 et 2021, années au cours desquelles ces dépenses ont à chaque fois atteint 18,3 milliards d’euros.

A.   les dÉpenses de la branche maladie et l’objectif national de dÉpenses d’assurance maladie (ondam)

Les dépenses de la branche maladie comprennent deux types de dépenses : les dépenses hors ONDAM (A) et les dépenses comprises dans l’ONDAM (B).

Si cet objectif inclut des dépenses assurées par plusieurs branches, une grande partie d’entre elles dépendent de la branche maladie, justifiant son inclusion dans cette partie du rapport pour avis.

Les dépenses de la branche maladie ont atteint 242,1 milliards d’euros en 2022, soit 5,2 % de plus que la prévision de la LFSS pour 2022, mais seulement 2,8 % de plus qu’en 2021, témoignant du reflux de la pandémie de covid-19.

1.   Les dépenses de la branche maladie hors ONDAM

Les dépenses hors ONDAM sont minoritaires au sein de la branche maladie, mais se sont révélées très dynamiques en 2022, progressant de 5,8 %. Elles correspondent à des prestations en espèces non strictement liées au risque maladie.

Il s’agit principalement des indemnités journalières pour congés maternité et paternité (4,1 milliards d’euros en 2022), des pensions d’invalidité qui indemnisent la perte de revenus des personnes ayant perdu tout ou partie de leur capacité de travailler (8,6 milliards d’euros en 2022) et des charges de gestion courante (7,2 milliards d’euros).

Les dépenses de la branche maladie hors ONDAM ont été portées par le dynamisme des indemnités journalières (IJ) de maternité et de paternité, dont le coût a augmenté de 11,4 % en 2022.

Cette croissance significative résulte majoritairement de la hausse du nombre de jours pouvant être pris pour un congé paternité, passé de 11 à 25 jours en juillet 2021.

L’effet de cette mesure en année pleine s’est accompagné de son extension aux professions libérales en 2022.

Les pensions d’invalidité ont également crû pour deux raisons.

Tout d’abord, en application de la loi portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, précitée, une revalorisation anticipée de 4 % a succédé à la revalorisation de 1,8 % du 1er avril 2022, portant la revalorisation annuelle moyenne à 3,4 % ([16]).

En outre, les pensions d’invalidité ont augmenté de 5 % en raison d’une hausse du nombre de bénéficiaires, atteignant ainsi 8,6 milliards d’euros.

2.   Les dépenses relevant du périmètre de l’ONDAM

L’ONDAM est un objectif commun à plusieurs branches : il retrace des prestations légales en nature, des dépenses d’indemnités journalières (sauf maternité et paternité) et les dotations aux établissements de santé et médico-sociaux.

Cet objectif, voté chaque année dans les LFSS, couvre ainsi des dépenses retracées dans les comptes des branches maladie, accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP) et autonomie.

L’ONDAM comprend six sous-objectifs :

– le sous-objectif « soins de ville », correspondant à des dépenses des branches maladie et AT-MP et couvrant les honoraires des professionnels libéraux, les remboursements des produits de santé et les indemnités journalières ;

– le sous-objectif « établissements de santé », également pris en charge par la branche maladie ;

– les deux sous-objectifs médico-sociaux, qui correspondent désormais au financement par la branche autonomie des établissements et services médico-sociaux (ESMS) pour les personnes âgées et handicapées ;

– le sous-objectif « fonds d’intervention régional et soutien national à l’investissement », qui correspond d’une part aux enveloppes déléguées par les agences régionales de santé (ARS) pour le financement d’actions et d’expérimentations dans le domaine sanitaire et d’autre part aux dépenses liées au soutien à l’investissement pour les établissements sanitaires et médico-sociaux, dans le cadre du Fonds pour la modernisation et l’investissement en santé (FMIS) et du plan d’aide à l’investissement (PIA) de la CNSA en faveur des personnes âgées et des personnes en situation de handicap ;

– le sous-objectif « autres prises en charge » qui couvre les dépenses dites de l’ONDAM « spécifique » (dotations aux établissements accueillant des personnes faisant face à des difficultés spécifiques, dont l’addiction, soins des Français à l’étranger…).

composition de l’ondam et des comptes des branches pour l’exercice 2022

Note : les dépenses dans le champ de l’ONDAM sont identifiées par la partie grisée.

Source : annexe 3 « ONDAM et dépenses de santé » du PLACSS pour 2022.

Ainsi, si la majorité des dépenses de l’ONDAM est contenue dans le champ des dépenses de la branche maladie, l’objectif ne résume pas la branche ni ne s’y limite.

● L’ONDAM s’établit en 2022 à 247,2 milliards d’euros, soit 10,4 milliards d’euros de plus que la prévision initiale (236,8 milliards d’euros) et 0,2 milliard d’euros de plus que l’ONDAM rectifié par la LFSS pour 2023 (247 milliards d’euros).

Évolution des dÉpenses de l’ondam en 2022

(en milliards d’euros)

Source : commission des finances à partir du rapport de la Cour des comptes sur l’application des LFSS.

Le dépassement de l’ONDAM par rapport à l’objectif fixé dans la LFSS pour 2022 s’explique tout d’abord par des dépenses hors crise sanitaire supérieures à l’objectif initial pour un montant de 4,9 milliards d’euros.

Les dépenses de soins de ville ont excédé de 1,5 milliard d’euros la prévision.

Au sein de cet ensemble des soins de ville, dont le montant total atteint 107,6 milliards d’euros, les dépenses d’indemnités journalières hors Covid-19 se distinguent par leur dynamisme. Elles ont en effet crû de 7,9 %, alors que la LFSS pour 2022 anticipait une croissance plus modérée de 4,5 %, en cohérence avec la progression annuelle observée entre 2015 et 2019. Cette hausse s’explique en partie par un effet prix substantiel : en raison de la hausse des salaires liée à l’inflation, le coût moyen des indemnités journalières a tendanciellement augmenté en 2022.

Le dépassement de l’ONDAM s’explique également par mesures de compensation de l’inflation, dont le montant a atteint 2,7 milliards d’euros.

mesures de compensation de l’inflation

(en milliards d’euros)

Revalorisation du point d'indice de la fonction publique
et de l'équivalent pour les personnels des établissements privés

1,5

Compensations aux établissements de santé et médico-sociaux
des hausses de charges de fonctionnement dues à l’inflation

0,8

Impact sur le coût moyen des indemnités journalières
des hausses du SMIC et du SMPT

0,3

Impact des hausses tarifaires des transports sanitaires
en raison de la hausse des prix du carburant

0,1

TOTAL

2,7

Source : commission des finances à partir du rapport de la Cour des comptes sur l’application des LFSS.

À ces compensations sont venues s’ajouter 0,7 milliard d’euros de mesures d’urgence visant à renforcer l’attractivité des établissements de santé (majoration des heures supplémentaires et du temps de travail additionnel, sur-majoration des horaires de nuit et de garde des fonctionnaires et agents contractuels de droit public relevant de la fonction publique hospitalière).

Les dépenses liées à l’épidémie de covid-19 ont également dépassé la prévision, à hauteur de 6,8 milliards d’euros, pour atteindre 11,7 milliards d’euros. Il convient toutefois de relativiser ce constat en soulignant que la décrue des dépenses liées à la crise sanitaire est désormais confirmée : elles ont diminué de 36 % par rapport à 2021 et à 2020.

Les tests de diagnostic représentent toujours le principal poste de dépenses en lien avec la crise sanitaire : leur coût pour l’assurance maladie a atteint 4,7 milliards d’euros en 2022.

Ces dépenses supplémentaires ont été partiellement compensées par un « effet de base » au titre de l’année 2021 : il s’agit de l’écart entre les dépenses réelles enregistrées au titre de l’année 2021 hors dépenses liées au covid-19 et l’estimation qui en avait été faite lors de la construction de l’ONDAM pour 2022.

Cet effet de base est estimé à 1,3 milliard d’euros, et s’explique par des honoraires médicaux moins dynamiques que prévu au titre de l’année 2021.

Il convient enfin de noter que les dépenses engagées au titre des mesures nouvelles du « Ségur de la santé » ont été globalement conformes à la prévision, atteignant 12,7 milliards d’euros, dont 10,3 milliards concernent le financement des revalorisations salariales dans les établissements sanitaires et médico-sociaux.

● Ce dynamisme marqué des dépenses comprises dans le champ de l’ONDAM se traduit également par une progression de 2,9 % à périmètre constant par rapport à 2021, année au cours de laquelle elles ont atteint 239,8 milliards d’euros.

Au sein de cet ensemble, les prestations versées par la branche maladie sous ONDAM ont crû de 3,4 %.

Après deux années de croissance très importante de l’ONDAM (+ 9,4 % en 2020 et + 8,6 % en 2021), la progression de l’ONDAM en 2022 témoigne de la modération des dépenses de santé, et notamment de la décrue désormais visible des dépenses liées à l’épidémie de covid-19.

Évolution de l’ondam entre 2021 et 2022

(en milliards d’euros et en pourcentage)

 

ONDAM réalisé en 2021

ONDAM réalisé en 2022

Évolution de l’ONDAM réalisé entre 2021 et 2022 à périmètre constant

Soins de ville

105

107,6

2,4 %

Établissements de santé

96,6

98,4

3,2 %

Établissement et services médico-sociaux

26,8

28,2

4,4 %

Dépenses relatives au FIR

4,3

6,4

8,6 %

Autres prises en charge

7

6,6

11,0 %

ONDAM

239,8

247,2

2,9 %

Source : commission des finances à partir de l’annexe 3 du PLACSS.

Il convient de noter que les dépenses de l’ONDAM hors covid-19 atteignent 235,5 milliards d’euros, soit 14 milliards d’euros de plus qu’en 2021 (+ 6 %).

Cette hausse de l’ONDAM hors dépenses exceptionnelles est donc particulièrement marquée et significativement plus élevée que sa croissance avant crise. Il a en effet progressé en moyenne de 2,3 % entre 2017 et 2019.

Le rapporteur pour avis appelle à maintenir la vigilance sur cet indicateur, afin de distinguer pour les exercices en cours et à venir les dépenses liées à la crise sanitaire et les dépenses non exceptionnelles.

taux d’Évolution de l’ondam en 2020, 2021 et 2022

Source : annexe 3 « ONDAM et dépenses de santé » du PLACSS pour 2022.

 

La maîtrise médicalisée des dépenses de santé : un outil à consolider dans
le respect des besoins des assurés et du principe de liberté des médecins

La croissance marquée des dépenses de l’ONDAM, au-delà des dépenses exceptionnelles liées à la crise sanitaire et au déploiement du « Ségur de la santé », doit inciter à prendre du recul sur l’évolution des dépenses de santé et à desssiner une vision pour la politique de santé du futur.

Trois impératifs doivent guider l’action publique à ce sujet : le besoin croissant de soins à l’heure du vieillissement de la population et du développement des maladies chroniques, l’impérieuse nécessité d’une meilleure répartition des soignants sur le territoire national – le nombre de spécialistes pour 100 000 habitants est deux fois plus élevé dans les départements les mieux dotés que dans les moins bien dotés ([17]) –, et le respect de la liberté des médecins, au fondement de l’organisation libérale mais régulée du système de santé français.

Si ces impératifs ne peuvent être raisonnablement sacrifiés, la maîtrise des dépenses de santé reste un élément important, comme en témoigne le solde systématiquement négatif de la branche maladie. La maîtrise médicalisée est l’un des moyens concourant à cette maîtrise. Il s’agit d’une méthode visant à supprimer les dépenses de soins non pertinentes, car redondantes, inutiles ou inefficaces. Elle s’est matérialisée par une approche fondée sur la performance individuelle des soignants, avec la mise en place par exemple de la rémunération sur objectif de santé publique (ROSP) des médecins et la visite fréquente de représentants de l’assurance maladie dans le but de les aider à améliorer leur pratique.

Les économies attendues de la maîtrise médicalisée sont significatives, autour de 775 millions d’euros par an depuis 2021. L’estimation des résultats, incertaine par nature car les évolutions de pratiques peuvent s’expliquer par une multitude de facteurs, témoigne cependant d’un succès tout relatif du dispositif. En 2018, le taux de réalisation de l’objectif d’économies atteignait 65 %. Ce chiffre a chuté à 51 % en 2019.

La Cour des comptes, dans le rapport portant sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale paru en mai 2023, identifie la sensibilisation et l’action sur les prescripteurs comme le principal axe de travail permettant d’améliorer l’efficacité de la maîtrise médicalisé. Cela pourrait prendre la forme d’un meilleur recours aux référentiels dans le cadre des parcours de soins et d’une amélioration du système d’information permettant de déceler les caractéristiques des prescripteurs de manière sécurisée.

Enfin, la mise à jour de la nomenclature des actes doit être accélérée, afin d’identifier les actes qui ne sont plus pertinents.

Le rapporteur pour avis rappelle toutefois qu’au-delà des mesures ciblées telles que la maîtrise médicalisée, une réflexion structurelle sur le système de santé, envisagé au sens large, doit être menée. La perte de temps médical à l’hôpital et pour les médecins libéraux ainsi que le retard pris sur les avancées technologiques en santé font d’ores et déjà l’objet de mesures prises au cours des dernières années, et elles doivent figurer pour le futur parmi les priorités de la politique de santé.

B.   les dÉpenses de la branche Accidents du travail – maladies professionnelles (AT-MP)

La branche AT-MP verse des rentes d’incapacité permanente (5,4 milliards d’euros), des IJ en cas d’arrêt de travail lié à un accident ou à une maladie professionnelle (4,4 milliards d’euros) – comptabilisées dans l’ONDAM –, des indemnités d’incapacité temporaire au titre des soins (1,2 milliard d’euros) ([18]), ou encore des prestations aux victimes de l’amiante (0,6 milliard d’euros).

Les dépenses de la branche ont atteint 14,5 milliards d’euros en 2022, soit 2,8 % de plus que la prévision initiale et 4,3 % de plus qu’en 2021. Elles représentent toutefois moins de 2 % de l’ensemble des dépenses des régimes de base de sécurité sociale et ses dépenses progressent moins vite que la moyenne des dépenses sociales, en raison de la diminution tendancielle des accidents du travail.

indice de frÉquence
des accidents du travail et des maladies professionnelles

Source : rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale « accidents du travail et maladies professionnelles » annexé au PLACSS pour 2022.

Les dépenses de la branche relevant du champ de l’ONDAM ont contribué à hauteur de 2,7 points à la croissance totale des dépenses et s’avèrent très dynamiques (+ 6,4 % par rapport à 2021). Les indemnités journalières augmentent ainsi de 7,1 %, tirées à la hausse par l’augmentation du SMIC.

Le dépassement de l’objectif de dépenses fixé par la LFSS pour 2022 et la croissance des dépenses de la branche par rapport à 2021 s’expliquent également par l’évolution des dépenses hors ONDAM, et principalement par la double revalorisation des rentes AT-MP mise en place en 2022.

Après une première revalorisation de 1,8 % en avril, la loi portant mesures d’urgence précitée a conduit à leur revalorisation de 4 % en juillet, portant l’effet moyen de l’augmentation à 3,4 %.

Les prestations liées à l’amiante ont au contraire contribué négativement à la croissance des dépenses de la branche : elles décroissent de 7,7 % par rapport à 2021, suivant une tendance structurelle.

C.   les dÉpenses de la branche vieillesse

La branche vieillesse est celle des cinq branches dont les dépenses sont les plus importantes : elles atteignent 262,8 milliards d’euros en 2022 et ont excédé la prévision initiale de 2,4 % et les dépenses de l’année 2021 de 4,9 %.

La croissance des dépenses de la branche entre 2021 et 2022 est ainsi particulièrement marquée : à titre d’illustration, en incluant les dépenses du FSV, elle n’était que 1,8 % entre 2020 et 2021.

Plusieurs facteurs expliquent ce dynamisme.

Tout d’abord et comme pour les autres prestations, la double revalorisation appliquée en 2022 a eu une incidence forte sur les charges de la branche. Après la première revalorisation de 1,1 % le 1er janvier 2022, la revalorisation anticipée de 4 % de juillet 2022 a contribué à la hausse des dépenses de la branche.

Un effet volume s’est ajouté à la double revalorisation : le nombre de retraités percevant une pension du régime général a augmenté de 1,1 % (+ 165 000 personnes) pour atteindre 15 millions.

L’augmentation du nombre des départs à la retraite trouve ses causes dans la démographie, l’atténuation des effets de la réforme de 2010, et, à hauteur de 5 % d’après le rapport de la Cour des comptes portant sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale, l’anticipation de départs à la retraite entraînée par la réforme des retraites annoncée pour 2023.

Au surplus, en raison de l’effet de noria, le montant moyen des pensions servies aux nouveaux retraités est plus élevé que celles servies aux retraités décédés dans l’année, contribuant également à la hausse des dépenses.

Enfin, les charges de gestion courante ont cru de 6,2 % pour atteindre 2,3 milliards d’euros, sous l’effet de l’inflation et en raison de la recrudescence de dépenses qui avaient été modérées durant la crise sanitaire.

La subvention d’équilibre versée par l’État aux régimes spéciaux de retraite :
un élément à part entière du système de retraite qu’il convient de ne pas omettre

Le rapporteur pour avis rappelle que les dépenses de la branche retraite, présentées dans les LFSS successives et par le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale, sont loin de retranscrire l’ensemble des coûts afférents au système de retraite.

Au delà des régimes complémentaires qui n’appartiennent pas au champ des régimes obligatoires de base, il existe des financements publics du système de retraite qui ne sont pas visibles dans les LFSS.

C’est le cas des subventions d’équilibre que l’État verse à des régimes structurellement déficitaires, retracées dans la mission Régimes sociaux et de retraite du budget général. Il s’agit donc de crédits budgétaires, distincts du financement de la branche vieillesse de la sécurité sociale.

Ainsi, l’État contribue au financement de régimes dont la démographie est structurellement déséquilibrée, dont ceux de la SNCF, de la RATP, des marins, ou au fonds spécial de retraite de la caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines. Les dépenses de la mission budgétaire ont atteint 6,08 milliards d’euros en 2022.

Plus encore, la mission budgétaire ne retrace pas l’intégralité des subventions versées par l’État à des régimes de retraite : à titre d’exemple, la subvention d’équilibre versée par l’État aux caisses de retraites de l’Opéra de Paris ou de la Comédie française n’est pas retracée par la mission. Ce n’est pas non plus le cas des régimes financés par des taxes affectées comme celui des salariés des industries électriques et gazières (IEG) ou des clercs et employés de notaire.

Il convient en outre de noter que l’État contribue en tant qu’employeur au financement du régime de la fonction publique de l’État, par le versement de cotisations retracées dans le compte d’affectation spéciale Pensions.

Le taux de contribution employeur est fréquemment ajusté de manière à assurer l’équilibre du financement du compte d’affectation spéciale. Ainsi, le taux de contribution employeur de l’État atteint 74,28 % au titre des pensions civiles, 126,07 % au titre des pensions militaires et 0,32 % au titre des allocations temporaires d’invalidité ([19]).

Le rapporteur pour avis rappelle que ces contributions publiques ne doivent pas être omises dans l’appréhension des dépenses de retraite et du solde du système.

Il salue à cet égard la décision prise par le Conseil d’orientation des retraites (COR) lors de sa séance du 20 avril dernier portant sur la préparation du rapport annuel de 2023 de ne plus utiliser pour ses futurs rapports la convention dite « EEC », pour « effort de l’État constant ».

Cette convention était jusque-là utilisée pour projeter les ressources et le solde du système de retraite selon le présupposé, fictionnel, de stabilisation des ressources affectées par l’État aux régimes de retraite en part de PIB.

Le rapporteur pour avis souligne que cette convention ne reflète en rien la législation en vigueur, selon laquelle l’État assure l’équilibre annuel du régime de la fonction publique de l’État et des autres régimes spéciaux.

C’est bien le cadre juridique en vigueur, et non un cadre purement conventionnel, qui doit être mobilisé dans les projections et pour le débat public lorsqu’il s’agit d’évaluer le solde du système de retraite.


D.   Les dÉpenses de la branche famille

Les dépenses de la branche famille atteignent 51,4 milliards d’euros en 2022, soit 3,4 % de plus que la prévision et de 5,1 % de plus qu’en 2021.

Les prestations de la branche famille relèvent de deux catégories.

Elle assure tout d’abord le financement de prestations familiales légales pour un montant total de 31 milliards d’euros (prestations d’entretien en faveur de la famille, prestation d’accueil du jeune enfant, etc.).

Elle finance également le fonds national d’action sociale (FNAS) de la CNAF à hauteur de 6,1 milliards d’euros en 2022. Les dépenses de ce fonds ont crû de 7,9 % entre 2021 et 2022, en application de la convention d’objectifs et de gestion (COG) 2018-2022.

De la même manière que pour les autres branches, la double revalorisation survenue en 2022 a contribué à la croissance de la charge des prestations : la revalorisation exceptionnelle de 4 % et la revalorisation classique de 1,8 % au 1er avril ont conduit à une augmentation de 3,4 % en moyenne annuelle, appliquée à 80 % des prestations servies par la CNAF. En outre, la revalorisation au niveau du SMIC net de l’allocation journalière de présence parentale pour les parents s’occupant d’un enfant malade ou handicapé a également contribué à cette hausse.

Enfin, la revalorisation du SMIC à hauteur de 5,2 % en moyenne annuelle a conduit à une augmentation du coût de la prise en charge de cotisations des assistantes maternelles et des gardes à domicile, au titre du complément de libre choix de mode de garde (CMG).

Enfin, la branche assure des dépenses d’investissement en faveur de la petite enfance, pour un montant de 0,3 milliard d’euros, en hausse de près d’un tiers par rapport à 2021. Cette augmentation a permis de financement la création de 14 300 nouvelles places en établissements d’accueil du jeune enfant (EAJE).

Il convient également de noter que les transferts nets versés par la branche famille ont crû de 6,6 % en 2022, pour atteindre 11,12 milliards d’euros, soit 21,6 % de ses charges totales.

Le dynamisme des transferts s’explique par l’allongement du congé paternité (cf. supra) et la revalorisation de 4 % en juillet 2021 des prestations au titre des majorations pour enfants versées à la CNAV, dont le montant a atteint 5,2 milliards d’euros.

La dynamique de certaines prestations ne doit cependant pas masquer la baisse tendancielle du nombre de bénéficiaires depuis 2010, expliquée par la baisse de la natalité – 723 000 naissances en 2022 pour 883 000 naissances en 2010 ([20]) – et la baisse du recours à la prestation partagée d’éducation de l’enfant.

E.   Les dÉpenses de la branche autonomie

La loi n° 2020-992 du 7 août 2020 relative à la dette sociale et à l’autonomie a créé une nouvelle branche consacrée à l’autonomie au sein de la sécurité sociale.

Les dépenses de la branche autonomie atteignent 35,2 milliards d’euros en 2022. Le dépassement de la prévision de la LFSS pour 2022 atteint 2,3 %. Si ces surcoûts sont limités en montant (+ 0,8 milliard d’euros), l’ensemble de ses postes de dépenses sont en nette hausse par rapport à 2021 (+ 8 %).

La plus grande partie des dépenses de la branche autonomie (40 %) est comprise dans l’ONDAM : il s’agit des dotations versées aux établissements médico-sociaux d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) et pour les personnes en situation de handicap, dont les montants atteignent respectivement 14,3 milliards d’euros et 13,9 milliards d’euros.

Ces dépenses sont en croissance en raison de l’extension des revalorisations des accords du « Ségur de la santé » à l’ensemble des établissements médico-sociaux (accords dits « Laforcade » dont le coût est de 500 millions d’euros) et aux professionnels de la filière socio-éducative (pour un coût de 400 millions d’euros). La revalorisation du point d’indice de la fonction publique a également contribué à cette hausse.

Ainsi, les prestations relevant des sous-objectifs de l’ONDAM financés par la branche autonomie ont crû de 5,4 %.

Hors ONDAM, la branche finance depuis 2021 l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH), pour un montant total de 1,4 milliard d’euros. Les dépenses de cette allocation sont en nette hausse (+ 12,1 %), en raison de la revalorisation anticipée de 4 % du montant de la prestation et de la croissance du nombre de bénéficiaires.

Enfin, la branche autonomie assure un certain nombre de transferts à d’autres organismes, principalement sous la forme de concours aux départements pour le financement de l’allocation personnalisée d'autonomie (APA) et de la prestation de compensation du handicap (PCH). Les transferts aux départements ont augmenté de 21,6 %, en raison de trois facteurs cumulatifs : la prise en charge de la PCH « parentalité » ([21]) (+ 200 millions d’euros), les soutiens versés par la CNSA aux services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD) venant notamment en compensation de la création d’un tarif plancher en application de l’article 44 de la LFSS pour 2022 (+ 320 millions d’euros) et la prise en compte des hausses de salaire dans les établissements pour personnes en situation de handicap (+ 115 millions d’euros).

Il convient de noter que les dépenses de la branche ne couvrent qu’une partie de l’effort national de soutien à l’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées. Ce dernier atteignait en 2021 80,4 milliards d’euros, dont 31,8 milliards d’euros pris en charge par la branche autonomie de la sécurité sociale.

effort national en faveur de l’autonomie en 2021

Note : les données définitives pour l’année 2022 ne sont pas connues.

Source :  rapport d'évaluation des politiques de sécurité sociale « autonomie » annexé PLACSS pour 2022.


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   Examen en commission

Lors de sa première réunion du mercredi 31 mai 2023, la commission a examiné pour avis le projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022.

M. le président Éric Coquerel. Notre commission s’est saisie pour avis du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale (PLACSS) pour 2022, déposé mercredi dernier sur le bureau de l’Assemblée nationale. Il s’agit du premier exercice pour lequel un projet de loi d’approbation des comptes spécifique, distinct du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour l’année à venir, est déposé. Jusqu’à présent, l’approbation des comptes de l’année écoulée intervenait en effet dans le cadre de l’examen du PLFSS, par l’intermédiaire de l’examen de sa première partie.

J’ai dû déclarer irrecevable un amendement qui visait à demander un rapport car il méconnaissait les exigences de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale. En effet, le champ des propositions d’un PLACSS est beaucoup plus limité que pour un projet de LFSS initiale ou rectificative.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Nous nous retrouvons pour un nouveau rendez-vous autour de l’exécution des finances sociales. Si le budget de l’État est depuis bien longtemps approuvé dans un véhicule juridique distinct, la loi de règlement, à la suite d’un examen par notre commission dans un cadre spécifique, ce n’était pas le cas jusqu’à cette année pour les comptes sociaux.

Nous examinions en effet les recettes et les dépenses des régimes obligatoires de base de la sécurité sociale (ROBSS) et de leurs satellites au titre de l’année précédente dans le cadre de la première partie du PLFSS. Or, il faut bien le reconnaître, cette étape de constat et d’approbation faisait souvent l’objet d’un examen rapide et était concurrencée par les parties suivantes du PLFSS, qui portent quant à elles des mesures pour l’année en cours et celle à venir.

Afin d’accorder à l’analyse et à l’approbation des comptes de la sécurité sociale l’attention qu’elles méritent, la loi organique du 14 mars 2022 relative aux lois de financement de la sécurité sociale, défendue par notre ancien collègue Thomas Mesnier, a introduit une nouvelle catégorie de loi de financement, les lois d’approbation des comptes de la sécurité sociale (LACSS).

Je vous présenterai tout d’abord les principaux constats relatifs au solde, à la dette et aux recettes pour 2022, puis j’en viendrai aux dépenses.

Concernant le champ des administrations de sécurité sociale (ASSO), plus large que celui des régimes sur lesquels je concentrerai mon propos par la suite, nous constatons en 2022 un excédent de 0,3 % du produit intérieur brut (PIB), soit 9,2 milliards d’euros. S’agissant des régimes de base, le déficit pour 2022 s’élève à 21 milliards d’euros. Il résulte d’un déficit de 21 milliards d’euros pour la branche maladie et de 3,8 milliards d’euros pour la branche vieillesse, compensés par un excédent de 1,7 milliard d’euros pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles (AT-MP), de 1,9 milliard d’euros pour la branche famille et de 0,2 milliard d’euros pour la branche autonomie, qui termine son deuxième exercice.

Si l’on y ajoute l’excédent de 1,3 milliard d’euros qu’affiche le fonds de solidarité vieillesse (FSV), nous obtenons un déficit de 19,6 milliards d’euros en 2022. Pour mémoire, il s’établissait à 1,7 milliard d’euros en 2019 avant de plonger à 39,7 milliards d’euros en 2020 et 24,3 milliards d’euros et 2021.

Le déficit doit être analysé parallèlement à la dette. Celle de la sécurité sociale est divisée en deux compartiments, l’un à court terme et l’autre pour les échéances de plus d’un an.

Pour le premier, l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui centralise la trésorerie du régime général, affiche à la fin de 2022 un endettement net de 12,5 milliards d’euros, ce qui représente une très nette amélioration par rapport à 2021, grâce notamment aux reprises faites en application de la loi organique que nous avons votée en août 2020. Cette année, l’excédent de l’ACOSS devrait s’élever à 6 milliards d’euros environ.

Le second volet de la dette est géré par la Caisse d’amortissement de la dette sociale (CADES). En 2022, elle a apuré 19 milliards d’euros, au-dessus de l’objectif initialement fixé à 18 milliards d’euros puis révisé à 18,6 milliards d’euros.

Cela signifie qu’au 31 décembre dernier, elle avait déjà remboursé 224,3 milliards d’euros et que 136,2 milliards d’euros restaient à son bilan, pour des transferts totaux de 360,5 milliards d’euros.

Venons-en aux recettes du régime de base et du FSV. Elles ont atteint 572 milliards d’euros en 2022, contre 538 milliards d’euros en 2021 et une prévision de 549 milliards d’euros. C’est donc une hausse de 6,3 % et de 4,2 % par rapport à ces deux bases, ce qui tient surtout à la progression de la masse salariale de 8,7 %.

Les cotisations de sécurité sociale représentent toujours plus de la moitié des recettes, 57,8 %, soit 330,4 milliards d’euros, et leur hausse a été de 5,7 %.

Du côté des impositions affectées, la contribution sociale généralisée (CSG) progresse de 8,1 %.

J’en viens aux constats et à l’approbation des dépenses des ROBSS pour l’année 2022. Elles atteignent 591,6 milliards en 2022, ce qui est supérieur de 3,7 % à la prévision initiale fixée par la LFSS pour 2022 et surtout de 4,3 % aux dépenses pour 2021.

Cette croissance importante confirme la capacité de notre sécurité sociale à faire face aux enjeux du temps et s’explique par deux raisons principales.

La première est la revalorisation exceptionnelle de 4 % des prestations servies par les différentes branches, votée dans le cadre de la loi du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat. En venant s’ajouter à la revalorisation annuelle traditionnelle et en s’appliquant à un grand nombre de dépenses, par exemple à plus de 80 % des dépenses de la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), cette revalorisation anticipée a concouru très nettement à la croissance des dépenses des ROBSS. L’effet de cette double revalorisation a été particulièrement significatif pour la branche vieillesse, en raison de l’importance du volume des prestations servies. Cette branche est en effet la plus importante en termes de dépenses : celles-ci atteignent 262,8 milliards d’euros en 2022.

Ensuite, plusieurs mesures nouvelles ont soutenu le dynamisme des dépenses de sécurité sociale. Ainsi, les revalorisations salariales décidées dans le cadre du « Ségur de la santé » ont entraîné 2,7 milliards d’euros de dépenses supplémentaires pour la branche maladie.

Concernant l’objectif national de dépenses d’assurance maladie (ONDAM), dont je rappelle qu’il est un agrégat de dépenses assurées par les branches maladie, AT-MP et autonomie, il s’établit pour 2022 à 247,2 milliards d’euros, soit 10,4 milliards d’euros de plus que la prévision fixée par la LFSS pour 2022.

Ce dépassement de l’ONDAM s’explique par le cumul des dépenses de soins de ville, notamment d’indemnités journalières, excédant la prévision, du financement de 2,7 milliards d’euros de mesures de compensation de l’inflation ayant principalement bénéficié aux établissements de santé, et de 700 millions d’euros de dépenses liées à des mesures exceptionnelles visant à renforcer l’attractivité des emplois proposés par ces mêmes établissements. Les dépenses liées au covid-19, si elles sont en net reflux par rapport à 2020 et 2021, ont également excédé la prévision de 6,8 milliards d’euros.

Un élément significatif me semble devoir être souligné : si l’ONDAM, toutes dépenses comprises, a crû de 2,9 % entre 2021 et 2022, l’ONDAM hors dépenses liées à la crise sanitaire a progressé quant à lui de 6 %. Deux conclusions peuvent en être tirées : tout d’abord, c’est la baisse des dépenses liées au covid-19 qui explique le ralentissement de la croissance de l’ONDAM. Ensuite, en excluant ces dépenses, la croissance de l’objectif reste extrêmement soutenue et bien plus rapide qu’avant la crise sanitaire.

Je souhaiterais enfin évoquer les dépenses de la branche autonomie. Si le dépassement de la prévision n’est que de 800 millions d’euros, les dépenses excèdent de 8 % celles enregistrées au titre de l’année 2021. Le financement des établissements sociaux et médico-sociaux a été tiré à la hausse par les extensions successives du « Ségur de la santé » et les financements affectés à l’allocation d’éducation de l’enfant handicapé (AEEH) traduisent les effets de la double revalorisation et de la croissance du nombre de bénéficiaires. Enfin, les compensations versées aux départements pour le financement de la prestation de compensation du handicap (PCH) et de l’allocation personnalisée d’autonomie (APA) sont en hausse, en raison notamment de la création de la PCH « parentalité » et des soutiens versés aux départements en compensation de l’instauration d’un tarif plancher des services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD), votée par nos soins dans le cadre de la LFSS pour 2022.

Ainsi, la branche autonomie, dernière-née de la sécurité sociale, fait d’ores et déjà les preuves de sa capacité à financer et à assurer le pilotage de mesures structurantes pour la politique de l’autonomie.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Je voudrais d’abord remercier notre rapporteur pour son propos très clair sur les finances d’un sous-secteur d’administration publique, celui de la sécurité sociale, dont notre commission est moins familière qu’elle ne l’est des comptes de l’État ou des collectivités territoriales, alors qu’elles représentent 26,6 % du PIB.

Je voudrais ensuite me féliciter à la fois de la tenue de ce nouvel exercice, le PLACSS, et des résultats qu’il traduit pour 2022.

Le PLACSS est une nouvelle séquence importante. Notre commission a l’habitude, depuis 1996, de se saisir pour avis des PLFSS.

Ces textes avaient, comme le notait notre ancien collègue Thomas Mesnier, rapporteur général de la commission des affaires sociales sous la précédente législature, « trois visages » : ils approuvaient les comptes des ROBSS de l’année précédente, ils comportaient des dispositions relatives à l’année en cours et, surtout, ils établissaient les recettes et les dépenses pour l’année à venir.

Bref, la LFSS réunissait une loi de règlement, une loi de finances rectificative et une loi de finances initiale, mais comme le relevait encore Thomas Mesnier, « riche d’informations, la première partie était souvent éclipsée par les autres dimensions » du texte.

À partir de 2017, et à l’initiative de nos collègues Éric Woerth, Joël Giraud et Amélie de Montchalin, nous avons souhaité revaloriser l’analyse de l’exécution et l’évaluation des politiques publiques. C’est le printemps de l’évaluation, auquel nous nous livrons depuis un mois.

La commission des affaires sociales nous a suivis, ce qui est une bonne nouvelle, mais nos collègues ne pouvaient s’appuyer sur aucun texte car, pour la sécurité sociale, l’exercice était justement clos très tard.

Avec la révision de la loi organique relative aux LFSS de 2022, a donc été créée une nouvelle catégorie de loi, spécifiquement dédiée à l’approbation des comptes sociaux.

Cette réforme se traduit aussi par le fait que de très nombreuses annexes sont désormais remises par le Gouvernement ou par des structures de contrôle au premier semestre, notamment par la Cour des comptes qui a la charge de certifier les comptes du régime général. Ses travaux confirment la gestion vertueuse des finances sociales que l’exécutif et notre majorité conduisent depuis six ans avec – je cite la Cour des comptes –, « un déficit légèrement moins important que prévu initialement », notamment grâce à « un rebond marqué des recettes », supérieures de 6,3 % à celles de 2021.

Que nous disent les chiffres du PLACSS pour 2022 concernant le solde et les recettes ?

Le déficit des ROBSS et du FSV atteint 19,6 milliards d’euros en 2022.

Le rapporteur pour avis a détaillé la contribution de chaque branche à ce solde agrégé. Je souhaiterais pour ma part insister sur la consolidation – mesurée, mais avérée – de ce chiffre par rapport aux prévisions de 25,2 milliards d’euros puis de 21,4 milliards d’euros établies au cœur de la crise sanitaire puis dans la LFSS pour 2022.

L’amélioration du résultat tient à la fois au reflux de l’épidémie de covid-19, même s’il nous faut rester prudents, et à la bonne tenue du marché du travail. Nous connaissons le taux de chômage le plus bas depuis 1982, à savoir 7,1 % au premier trimestre 2023.

Parmi les 572 milliards d’euros de recettes des régimes obligatoires de base et du FSV en 2022, l’État est un contributeur de premier ordre. Pourriez-vous, monsieur le rapporteur pour avis, nous donner le chiffre de sa contribution en tant qu’employeur et celui de l’affectation aux régimes relevant de la LFSS d’une fraction du produit de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) ?

J’en viens, pour terminer, à quelques considérations sur les dépenses de la sécurité sociale.

Le rapporteur pour avis l’a dit, elles atteignent 591,6 milliards en 2022, soit 4,3 % de plus qu’en 2021. Ces résultats me permettent de rappeler un fait majeur : oui, l’inflation est forte, mais les dépenses de sécurité sociale permettent d’accompagner les Français durant cette période. Pour un grand nombre de prestations – par exemple, 80 % des prestations versées par la branche famille –, une double revalorisation a été appliquée en 2022 : la revalorisation classique qui intervient en janvier ou en avril bien sûr, mais également une revalorisation anticipée de 4 %, votée l’été dernier. Cette double revalorisation était nécessaire et elle a fortement contribué à la hausse des dépenses sociales.

Monsieur le rapporteur, des mesures de lutte contre l’inflation complémentaires à la revalorisation exceptionnelle de 4 % des prestations sociales ont-elles été prises ou sont-elles envisagées ?

Mme Nadia Hai (RE). L’exercice exigeant auquel nous sommes invités ce matin nous impose d’être rigoureux et transparents, pour assurer la pérennité de notre modèle social.

Ce texte budgétaire inédit, qui constitue une analyse des comptes sociaux de l’année écoulée, est un exercice de transparence et de rigueur budgétaire en ce qu’il met en lumière les avancées réalisées depuis le vote de la LFSS. À ce titre, nous pouvons remarquer la poursuite du rétablissement des comptes sociaux après une crise sanitaire majeure au cours de laquelle la protection sociale et le régime obligatoire ont été mis à forte contribution. Les ROBSS et le compris le FSV ont épongé la moitié de leur déficit, passant à moins de 20 milliards d’euros aujourd’hui alors qu’ils avaient atteint le double il y a deux ans.

Ensuite, les chiffres très positifs de l’emploi favorisent la bonne trajectoire de notre modèle social et assurent sa pérennité. La dynamique positive des recettes est marquante et elle devrait se poursuivre en 2023. N’oublions pas qu’elle est liée à l’emploi. La politique que nous avons menée pour réduire drastiquement le chômage a permis d’augmenter les recettes et nous devons tous nous réjouir de cet effet bénéfique pour les finances publiques. Le travail reste donc le meilleur moyen de réduire le déficit et d’équilibrer nos comptes. La lutte contre le chômage, la réforme de l’apprentissage et de la formation professionnelle sont au cœur de notre politique économique. Certes, les déficits des branches maladie et vieillesse sont importants et c’est pour cette raison que nous avons souhaité trouver une solution rapidement, notamment en réformant les retraites.

Enfin, les mesures ambitieuses annoncées pour lutter contre la fraude sociale augurent une trajectoire de plus en plus sécurisée pour nos finances publiques. Nous luttons contre le travail non déclaré et la fraude aux prestations sociales et de santé. Depuis 2017, les redressements ont augmenté de 35 %.

Le groupe Renaissance votera pour le projet de loi.

M. Frédéric Cabrolier (RN). Je concentrerai mon propos sur l’importance des erreurs qui affectent les prestations versées, ce qui fausse la représentation des comptes des branches.

Commençons par la branche vieillesse. Alors que des progrès avaient été relevés par la Cour des comptes en 2021, sous l’effet d’une mobilisation accrue de la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) et du réseau pour prévenir les erreurs de liquidation des prestations, de nombreuses erreurs continuent d’être commises en 2022 : elles ne concernent pas moins de 15 % des dossiers, en particulier chez les principaux organismes de la branche.

S’agissant de la branche maladie, la fréquence des erreurs portant sur les remboursements de dépenses de santé dépasse 10 % des remboursements. Une prestation de retraite nouvellement attribuée sur sept a été affectée d’au moins une erreur de portée financière en 2022, comme en 2021. C’était également le cas pour une indemnité journalière sur dix.

La Cour des comptes a considéré qu’elle n’était pas en mesure de certifier les comptes de la branche famille. Un quart des montants versés en 2022 au titre de la prime d’activité est affecté d’erreurs non corrigées, neuf mois après leur paiement. Cette proportion approche un sixième pour le revenu de solidarité active et un huitième pour les aides au logement.

Quelles dispositions comptez-vous prendre pour améliorer ces chiffres et réduire les risques d’erreur ?

Nous voterons contre le projet de loi.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). Nous n’approuverons pas les comptes de la sécurité sociale pour 2022 car ce tableau donne à voir que la sécurité sociale va bien dès lors que les libéraux n’y mettent pas les mains. En ce jour si particulier où, dans la salle voisine, des députés s’apprêtent à créer l’un des incidents les plus graves de l’histoire parlementaire de la Vème République, vous justifiez cela au nom d’un déficit des retraites attendu de 12 milliards d’euros d’ici à 2027 – 12 milliards en cinq ans ! – alors que nous avons la preuve, sous nos yeux, qu’en 2022, les exonérations de cotisations sociales ont atteint 67 milliards d’euros ! Pas moins de 17 milliards d’exonérations pour la seule branche vieillesse !

Rappelons également que 136 milliards d’euros de dette sociale accumulée en raison de la crise sanitaire ont été transférés à la Cades. Or le confinement étant un choix de l’État, il appartenait à celui-ci d’en gérer les conséquences politiques et financières. L’État peut faire rouler la dette – c’est-à-dire, n’en payer que les intérêts – tandis que la CADES ou les autres emprunteurs de la sécurité sociale devront payer non seulement intérêts, mais aussi les charges afférentes au capital de la dette. Ce n’est pas parce que vous seriez de mauvais gestionnaires que vous avez pris une décision injuste, c’est pour concrétiser un projet politique pensé, de destruction méthodique des ressources de la sécurité sociale, afin de verser les 800 milliards d’euros de la protection sociale dans les mains du privé.

M. Fabien Di Filippo (LR). En application de la loi organique du 14 mars 2022, nous examinons le PLACSS pour cette même année. Notre modèle social semble de plus en plus déséquilibré : les dépenses sociales représentent 30 % du PIB et la réduction des déficits mise en avant par le rapporteur général est en trompe-l’œil car elle se fonde sur une comparaison avec les années marquées par le covid-19, au cours desquelles la dépense sociale avait explosé ; si on compare les niveaux actuels à ceux des années 2017 à 2019, le tableau change. Surtout, un risque pèse sur l’avenir de l’ensemble des branches.

La démographie est en train de plonger en France ; il y avait 1,8 enfant par femme à la sortie de la crise du covid-19, peut-être qu’il n’y en aura bientôt plus que 1,4 comme chez nos voisins européens. Or le modèle social est bâti sur la solidarité entre les actifs et les inactifs, entre les jeunes et les moins jeunes. Il va donc falloir repenser notre modèle.

Les dernières prévisions gouvernementales faisaient état d’un déficit supplémentaire de 700 millions d’euros par rapport à ce qu’indiquait la loi de financement rectificative de la sécurité sociale (LFRSS) pour 2023 et d’un déficit total arrêté à 19,6 milliards d’euros ; la Cour des comptes a certifié les comptes avec réserves, sauf ceux de la branche famille auxquels elle a opposé un refus de certification. Certains problèmes sont récurrents et datent, pour certains d’entre eux, de nombreuses années. Certaines erreurs tendent également à se répéter. La CNAF a commis des erreurs, dans un sens ou dans un autre, ce qui jette un doute sur l’ensemble de ses comptes : la juridiction calcule que les indus et les rappels représentent 5,8 milliards d’euros.

Comme nous n’avons pas voté le PLFSS pour 2022, nous voterons contre ce projet de loi et invitons tous les collègues à réfléchir à l’ensemble de notre modèle social, à sa générosité et aux modifications qui doivent découler de l’état de nos capacités de solidarité dans les années à venir.

Mme Perrine Goulet (Dem). Nous ne pouvons que nous réjouir d’examiner le premier PLACSS, qui offre, sur le même modèle que celui des lois de règlement du budget et d’approbation des comptes de l’État, un temps parlementaire spécialement dédié à l’examen serein des comptes du dernier exercice, avant la présentation du PLFSS à l’automne. Le travail de contrôle budgétaire du Parlement s’en trouve clarifié et facilité.

Les comptes de la sécurité sociale pour l’année 2022 font apparaître plusieurs constats.

Le solde des ROBSS s’améliore par rapport à 2021 grâce au recul des dépenses liées à la crise sanitaire et au dynamisme des recettes dû au rebond de l’activité économique et de l’emploi. Il est plombé par celui la branche maladie, lequel atteint 21 milliards d’euros du fait notamment des dépenses de la crise sanitaire – les mesures de lutte contre la fraude aux prestations de santé permettront de réduire ce déficit –, et celui de la branche vieillesse, qui s’établit à 3,8 milliards d’euros à cause principalement du vieillissement de la population. Ce dernier déficit, cumulé aux compensations du budget général qui atteignent 11 milliards, confirme l’obligation que nous avions de réformer notre système de retraite pour en assurer la pérennité.

Par ailleurs, le montant de la dette amortie cette année par la CADES, qui atteint 19 milliards d’euros, et celui qui nous reste encore à amortir nous incitent à continuer de réfléchir à des dispositions de résorption durable des déficits des ROBSS.

Rappelons enfin que ces comptes traduisent un exercice marqué par le déploiement de mesures cruciales pour la santé des Français, comme le remboursement de la contraception pour toutes les femmes jusqu’à 25 ans, celui des consultations de psychologie ou encore le renforcement du suivi des périodes précédant et suivant les accouchements.

Comme pour les projets de loi de règlement pour 2021 et 2022 que notre commission a examinés la semaine dernière, il serait regrettable de ne pas adopter ce projet de loi qui constate simplement la situation comptable de l’année passée. Le groupe Démocrate votera en faveur de son adoption.

Mme Félicie Gérard (HOR). Le budget de la sécurité sociale représente chaque année plus de 500 milliards d’euros de dépenses publiques, inscrites dans les LFSS votées à l’automne. Comme pour le budget de l’État, le Parlement a, pour la première fois, l’opportunité de se prononcer sur l’utilisation des recettes.

La situation s’est améliorée en 2022 par rapport à l’année précédente, puisque le déficit de la sécurité sociale s’est réduit. L’exercice 2022 a vu le déploiement d’un ensemble de politiques visant à mieux protéger les Français ; cela se traduit par une progression des dépenses de santé et par des mesures d’augmentation des prestations sociales pour faire face à l’inflation, mais également par de bons résultats sur le marché de l’emploi.

Si la situation de la sécurité sociale se redresse, elle reste néanmoins préoccupante pour les années à venir : il nous faudra donc poursuivre les efforts de réduction des dépenses, afin de baisser durablement le déficit et la dette. Ce constat est l’une des raisons qui nous a conduits à adopter un projet de loi de financement rectificative réformant notre système de retraite. Ces mesures sont essentielles pour revenir à l’équilibre et continuer à protéger les plus fragiles sur le long terme.

La présentation de ce projet de loi rend compte de l’action du Gouvernement, notamment en ce qui concerne la dépense publique. C’est un exercice de transparence auquel le groupe Horizons et apparentés est très attentif ; c’est dans cet esprit de responsabilité qu’il votera en faveur de l’adoption du texte.

M. Michel Castellani (LIOT). Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires votera contre l’adoption du projet de loi : le Gouvernement estime qu’il faut encadrer les dépenses des collectivités territoriales et de la sécurité sociale, alors que l’essentiel réside dans la maîtrise des dépenses globales. Nous regrettons la logique mécanique, similaire à celle du relèvement de l’âge légal de départ à la retraite, suivie dans ce texte ; le Gouvernement ne cherche pas de recettes nouvelles, alors que certaines ne pèseraient ni sur le travail, ni sur les ménages en difficulté.

La logique exclusivement comptable nous dérange également car derrière ce projet de loi se cachent des actions à dimension humaine comme la lutte contre la maladie, la défense des hôpitaux ou la prise en charge du grand âge.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Monsieur le rapporteur général, les cotisations acquittées par l’État en tant qu’employeur ont atteint 6,9 milliards d’euros en 2022. La fraction du produit de la TVA affectée aux ROBSS et au FSV s’est établie à 28 points de pourcentage, ce qui représente 57,4 milliards d’euros. Ce montant a fortement progressé : il ne représentait encore qu’une dizaine de milliards d’euros entre 2013 et 2018, puis il a franchi la barre des 40 milliards d’euros en 2019 et il est estimé à 61 milliards pour 2023. En 2022, les mesures visant à limiter les effets de l’inflation ont atteint des montants importants : ainsi, dans le dépassement de l’ONDAM, 2,7 milliards d’euros s’expliquent par des dispositions de compensation de l’inflation, comme la revalorisation du point d’indice de la fonction publique et de l’équivalent pour les personnels des établissements privés pour 1,5 milliard d’euros, la compensation aux établissements de santé et médico-sociaux des augmentations de charges de fonctionnement dues à l’inflation pour 800 millions d’euros, ou des hausses tarifaires appliquées au transport sanitaire pour environ 100 millions d’euros.

Monsieur Cabrolier, j’ai lu comme vous l’acte de certification publié par la Cour des comptes : il y a en effet des incertitudes et des erreurs, assez nombreuses, que la Cour relève régulièrement. La non-certification concerne la branche famille, mais les CAF ne jouent que le rôle du payeur du revenu de solidarité active (RSA) et des aides au logement, la gestion du RSA relevant des départements et celle des aides au logement de l’État. Les erreurs ne sont donc pas seulement imputables à la CNAF. Pour les gommer, cinq caisses travaillent actuellement à l’amélioration des bases de données.

Monsieur Guiraud, vous nous avez encore accablés d’une tirade politicienne. Sachez que les 60 milliards d’euros d’exonérations sociales sont compensées à 91 % ; quant au montant restant, il finance des politiques publiques adoptées par le Parlement auxquelles il est normal que la sécurité sociale contribue. Dans votre bouche, « libéral » est un gros mot, mais, de mon côté, c’est l’économie de marché qui m’importe ; je la défends contre l’économie administrée et autoritaire : nous n’avons pas la même vision politique et je suis fier de porter celle de notre majorité.

Monsieur Di Filippo, ce projet de loi se contente de constater l’état des comptes de la sécurité sociale à la fin de l’exercice 2022, il ne fixe pas, pas plus que la LFSS d’ailleurs, la politique sanitaire et sociale de la France. Vous avez raison d’insister sur la nécessité de mener une réflexion plus large, mais n’oublions pas qu’un texte rapporté par M. Frédéric Valletoux et portant sur la politique de santé sera bientôt examiné par notre Assemblée ; en outre, nous avons adopté la loi du 19 mai 2023 portant amélioration de l’accès aux soins par la confiance aux professionnels de santé, défendue par Mme Stéphanie Rist, rapporteure générale de la commission des affaires sociales.

Monsieur Castellani, vous voudriez élargir le champ du projet de loi alors que tel n’est pas son office : encore une fois, il ne s’agit pas d’un texte portant sur la politique de santé.

La commission en vient à l’examen des articles du projet de loi d’approbation des comptes de la sécurité sociale pour 2022.

Article liminaire : Recettes, dépenses et solde des administrations de sécurité sociale pour l’année 2022

Amendement de suppression CF1 de M. Philippe Brun.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Je n’ai pas pris la parole tout à l’heure, mais, sans surprise et compte tenu des propos de mes collègues lors de l’examen de la loi organique du 14 mars 2022, le groupe Socialistes et apparentés votera contre l’adoption de ce texte.

L’amendement vise à supprimer l’article liminaire : le PLACSS constitue l’une des innovations de la loi organique qu’avait défendue Thomas Mesnier, mais la valeur ajoutée de ce texte nous semble très limitée car son contenu est essentiellement technique. Ce nouveau texte manque d’ambition et son article liminaire se contente de présenter les recettes et les dépenses de la sécurité sociale en points de PIB. Il aurait été opportun de faire figurer un tableau de bord plus riche et plus détaillé, contenant par exemple des indicateurs sur l’état de la santé de la population en 2022, sur la qualité de notre système de retraite, sur les inégalités de pension entre les femmes et les hommes, etc.

Lors de l’examen de la proposition de loi organique, nous avions avancé des propositions, qui n’ont malheureusement pas été retenues. Nous le regrettons et nous proposons de supprimer l’article liminaire du texte.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. La loi organique impose le dépôt de ce projet de loi, qui présente les comptes de la sécurité sociale, et la présence en son sein d’un article liminaire. Vous regrettez l’absence d’indicateurs, mais personne ne conteste les chiffres de l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) contenus dans le texte ; surtout, plus de 2 000 pages – les dix annexes représentent plus de 1 500 pages, les trois rapports de la Cour des comptes pèsent plus de 600 pages et le rapport de la Commission des comptes de la sécurité sociale (CCSS) est long de 250 pages – ont été jointes au projet de loi : elles portent sur tous les sujets que vous avez évoqués et vous y trouverez tous les éléments que vous recherchez. Mon avis est défavorable.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). On aurait pu avoir à la fois toutes ces annexes et des tableaux synthétiques dans le corps du projet de loi. Par ailleurs, je n’ai pas trouvé votre rapport en ligne, mais peut-être ai-je mal cherché.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Je regrette que l’on fasse de la politique sur une photographie de nos comptes et que l’on ne se réjouisse pas de l’existence de ce nouvel outil à la disposition du Parlement. Vous nous dites, madame Pires Beaune, qu’il ne va pas assez loin, mais sa création représente déjà un progrès.

Monsieur Guiraud, vous nous reprochez dans le même temps d’avoir des comptes de la sécurité sociale en bon ordre et des compensations de l’État insuffisantes. Il est impossible de formuler ce double reproche.

Monsieur Castellani, vous vous plaignez d’une absence de maîtrise globale des comptes, mais il y a deux salles, deux ambiances : pourquoi avez-vous déposé une proposition de loi, actuellement examinée par la commission des affaires sociales, visant à mettre à mal notre système de retraite ? Il faudrait que vous nous répondiez sur cette contradiction.

La commission rejette l’amendement CF1.Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article liminaire non modifié.

Article 1er : Tableaux d’équilibre de l’exercice 2022

Amendements de suppression CF2 de M. Philippe Brun et CF5 de M. Jean-Philippe Tanguy.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Il s’agit également d’un amendement de suppression. Mon collègue Guiraud a évoqué les niches sociales, notamment les exonérations de cotisations sociales qui atteignent des montants très élevés et qui ont progressé de 9 milliards d’euros en deux ans pour s’établir à 71 milliards d’euros en 2023. Ce contournement par le Gouvernement de l’assiette principale du financement de la sécurité sociale au profit de revenus essentiellement défiscalisés et désocialisés ne nous convient pas. Voilà pourquoi nous proposons de supprimer l’article.

M. Frédéric Cabrolier (RN). L’amendement CF5 est défendu.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. La loi organique relative aux LFSS impose également l’adoption de cet article. L’exposé sommaire de votre amendement évoque une aggravation de 700 millions d’euros du déficit de la sécurité sociale en 2022, mais vous ne retenez que les chiffres qui vous arrangent. En effet, si l’on regarde par rapport aux prévisions des LFSS pour 2021 et 2022, on constate une amélioration de 5,6 milliards d’euros et de 1,8 milliard d’euros. Celle-ci est due, en dépenses, à la résorption de l’épidémie de covid-19 et, en recettes, à l’efficacité de notre politique du travail car la bonne tenue de l’emploi augmente les ressources de la sécurité sociale.

La compensation par l’État des allégements de cotisations et de contributions sociales atteint 60,2 milliards d’euros : on ne peut donc pas parler d’un appauvrissement de la sécurité sociale. Je donne un avis défavorable à ces deux amendements.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). On pourrait se dire que compenser 91 % des allégements est une bonne chose, mais 9 % de plus de 60 milliards représentent tout de même un manque de 6 milliards par an pour la sécurité sociale : en deux ans, vous creusez donc le déficit d’un montant équivalent à celui qui justifie votre réforme des retraites.

Quelle ressource finance la compensation ? La TVA. Les Français dépensent des sommes folles au supermarché pour acquérir les produits dont ils ont besoin : l’État gagne ainsi un argent considérable, qui n’alimente plus les politiques de redistribution mais les transferts à la sécurité sociale destinés à compenser les exonérations massives de cotisations sociales que vous avez décidées. À tel point que de 2013 à 2018, le montant de la TVA transféré s’établissait à 10 milliards ; en 2019, il a atteint 40 milliards et 57 milliards en 2022 ; cette année, il devrait être de 61 milliards. Votre politique consiste à faire payer par les Français, notamment les plus modestes qui consomment une part plus importante de leurs revenus, vos exonérations massives de cotisations sociales. Il y a donc un double problème : qui paie et à qui profitent les dépenses ?

M. Mathieu Lefèvre (RE). Monsieur Guiraud, à la fin, entre l’État et la sécurité sociale, c’est le peuple français qui, par son travail et ses impôts, finance les dépenses : il n’y a pas d’un côté la poche de la sécurité sociale et de l’autre celle de l’État, il y a un besoin de financement de 270 milliards d’euros, soit plus d’un milliard par jour ouvré.

On entend beaucoup monter le débat sur la TVA : il ne faudrait pas faire croire aux Français que nous l’avons augmentée ou que l’État s’est enrichi grâce à la crise alors qu’il s’est endetté de plus de 300 milliards pour faire face au covid-19. Vous ne pouvez pas reprocher à l’État à la fois d’avoir été dispendieux et d’avoir gagné de l’argent sur le dos de la crise.

Les recettes de cotisations sociales ont beaucoup progressé l’année dernière ; les exonérations ne résultent pas d’un quelconque contournement du Gouvernement, madame Pires Beaune, mais d’un vote du Parlement, souverain en la matière : ce n’est pas le Gouvernement qui contourne la loi. Pour toutes ces raisons, il faut rejeter l’amendement.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Notre pays opère la plus forte redistribution en Europe : la sécurité sociale y contribue car elle couvre des risques – maladie, accident du travail, etc.

M. le président Éric Coquerel. La fiscalisation des cotisations sociales, lesquelles sont au départ un mécanisme de solidarité entre les travailleurs, est une vraie question que l’on ne peut balayer en disant que les impôts perçus par l’État et les cotisations alimentant la sécurité sociale sont la même chose.

La commission rejette les amendements identiques CF2 et CF5.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 1er non modifié.

Article 2 : Dépenses relevant du champ de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, recettes mises en réserve par le Fonds de solidarité vieillesse et dette amortie par la CADES

Amendement de suppression CF3 de M. Philippe Brun.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Monsieur Lefèvre, nous ne faisons pas croire aux Français que les taux de la TVA ont augmenté, en revanche, les prix ont, eux, subi une hausse, parfois scandaleuse pour certains produits, et nos concitoyens n’ont pas besoin de nous pour s’en apercevoir.

L’amendement vise à supprimer l’article car il entérine une augmentation trop faible de l’ONDAM. La Cour des comptes nous alerte d’ailleurs quant au niveau trop bas de l’ONDAM pour 2023 et les années suivantes. Elle formule plusieurs critiques : elle relève ainsi un écart supérieur à 10 milliards d’euros entre l’ONDAM voté dans la LFSS pour 2022 et celui constaté, à cause notamment de la crise sanitaire. Une telle différence conforte notre position historique sur l’ONDAM : il s’agit d’un outil comptable totalement déconnecté des besoins de santé. La Cour souligne que la croissance de l’ONDAM en 2023 et les années suivantes sera inférieure à l’inflation, ce qui exercera une forte contrainte sur les acteurs de la santé, à commencer par l’hôpital public. La Cour critique l’inaction du Gouvernement sur le pilotage des dépenses de médicaments : les économies potentielles se situeraient entre 10 et 12 milliards d’euros, montant à rapprocher de celui de la réforme qui anime, en ce moment, les débats de la commission des affaires sociales.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Je peux être d’accord avec vous pour reconnaître que l’ONDAM n’est pas un indicateur parfait, mais son niveau a tout de même progressé, hors crise sanitaire, de 6 % : on n’a jamais vu de telle hausse sous de précédentes majorités, dont celle que vous souteniez. Mais encore une fois, ce projet de loi a pour seul objet l’approbation des comptes. J’émets un avis défavorable.

M. Mathieu Lefèvre (RE). Les dépenses en faveur de l’hôpital atteindront plus de 100 milliards d’euros en 2023, un montant inédit. Quand M. François Hollande était président de la République, le Gouvernement que vous souteniez n’a jamais augmenté l’ONDAM de plus de 3 %, alors qu’il a ensuite dépassé ce taux pendant plusieurs années consécutives. Ce même Gouvernement que vous avez appuyé, madame Pires Beaune, est le dernier à avoir augmenté la TVA, donc ne nous donnez pas de leçons à ce sujet.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Il est particulièrement malhonnête de présenter les taux de progression de l’ONDAM sans évoquer ceux de l’inflation. Il faut comparer chaque augmentation d’une prestation avec l’inflation, sinon cela n’a aucun sens. Pendant le quinquennat de M. François Hollande, l’inflation était nulle ! Actuellement, elle dépasse 6 %, cela change tout.

La commission rejette l’amendement CF3.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 2 non modifié.

Article 3 et rapport annexé : Approbation du rapport annexé relatif à la situation patrimoniale des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement, à l’amortissement de leur dette ou à la mise en réserve de recettes à leur profit et décrivant les mesures d’affectation des excédents ou de couverture des déficits

Amendement de suppression CF4 de M. Philippe Brun.

Mme Christine Pires Beaune (SOC). Il est défendu.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Mon avis est défavorable.

M. David Guiraud (LFI-NUPES). L’amendement est intéressant. L’État a fait des choix pendant la crise du covid-19 qu’il fait payer à la sécurité sociale : ce poids est de plus en plus lourd pour elle.

L’État gagne bien de l’argent grâce à la hausse des prix : la Cour des comptes et d’autres organismes officiels soulignent que jamais l’État n’a perçu autant de recettes – elles sont estimées à 323 milliards d’euros pour 2023. Cependant, au lieu de nourrir la redistribution, ces ressources sont transférées à la sécurité sociale ; en outre, vous avez asséché le financement autonome de la sécurité sociale en procédant à des exonérations massives de cotisations sociales : vous opérez des transferts avec l’argent des plus pauvres, puis vous nous expliquez que le système social n’est pas viable car il coûte trop cher et qu’il faut donc réformer les retraites. Tout se tient dans ce raisonnement de destruction de la sécurité sociale auquel nous nous opposons de toutes nos forces.

M. Jean-René Cazeneuve, rapporteur général. Vous condamnez les exonérations avec beaucoup de mépris et de hargne, mais ce sont les Français qui en bénéficient. Quand on exonère les heures supplémentaires, le revenu des salariés progresse.

M. Michel Lauzzana, rapporteur pour avis. Monsieur Guiraud, ce n’est pas l’État qui a fait ces choix, c’est nous, c’est le Parlement ! Vous ne célébrez la démocratie que quand cela vous arrange. Nous avons voté ces exonérations qui alimentent de véritables politiques publiques.

La commission rejette l’amendement CF4.

Elle émet un avis favorable à l’adoption de l’article 3 non modifié.

La commission émet un avis favorable à l’adoption de l’ensemble du projet de loi sans modification.

 


([1]) M. Michel Bouvier et Mme Marie-Christine Esclassan, professeurs des universités, Finances publiques, L.G.D.J., 2022 (21ème éd.), p. 593.

([2]) Cour des comptes, Finances publiques : pour une réforme du cadre organique, 18 novembre 2020.

([3]) Commission constituée à la demande de M. le Premier ministre, Nos finances publiques après le covid-19 : pour de nouvelles règles du jeu, 18 mars 2021.

([4]) Le rapporteur pour avis rejoint la Cour des comptes pour prendre acte avec satisfaction du travail important fourni par la direction de la sécurité sociale (DSS) dans les premiers mois de 2023 pour s’adapter au nouveau calendrier prévu par la loi organique, en anticipant la collecte et le traitement des états des régimes.

([5]) Il s’agit de la masse salariale des branches marchandes non-agricoles (BMNA).

([6]) La CADES a versé cinq fois 5 milliards d’euros à l’ACOSS (respectivement les 18 janvier, 18 mars, 26 juin, 20 juillet, 20 septembre et 18 novembre ) puis lui a réglé un solde de 2,34 milliards d’euros (le 20 décembre).

([7]) D’après l’International capital market association (ICMA), le social bond est une obligation qui finance exclusivement des projets à impact social positif sur la population cible. L’émetteur s’engage à communiquer aux investisseurs des éléments d’évaluation sur les bénéfices attendus.

([8]) À compter de 2024, la fraction de CSG sur les revenus d’activité, de remplacement et du capital affectée à la CADES passera de 0,6 à 0,45 point. À compter de 2025, le versement du FRR passera à 1,45 milliard d’euros.

([9]) Au titre de 2021, la Cour des comptes avait refusé de certifier les états de l’activité de recouvrement en raison d’obstacles à « la comparabilité des produits de cotisations et de contributions sociales des travailleurs indépendants et des résultats de leurs attributaires ». Des « désaccords » subsistent, par exemple en ce qui concerne les remises dues par les entreprises pharmaceutiques.

([10]) Avis n° 336 de M. Michel Lauzzana, au nom de la commission des finances, sur le PLFSS pour 2023, enregistré à la présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2022.

([11]) Loi n° 94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale.

([12]) Loi n° 2004‑810 du 13 août 2004 relative à l’assurance maladie.

([13]) Modifié par la loi organique n° 2010-1380 du 13 novembre 2010 relative à la gestion de la dette sociale, l’ancien IV de l’article L.O. 111-3 est devenu ce nouvel article L.O. 111-3-16 sur le fondement de la loi organique n° 2022-354 du 14 mars 2022, laquelle a également prévu un monopole des LFSS pour les allègements sociaux de plus de trois ans.

([14]) L’annexe 2 du PLACSS définit les exemptions comme les « dispositifs qui dérogent au premier alinéa de l’article L. 136-1-1 du code de la sécurité sociale, selon lequel l’assiette des contributions sociales et, par renvoi de l’article L. 242-1, des cotisations de sécurité sociale du régime général sont composées de toutes les sommes, ainsi que les avantages et accessoires en nature ou en argent qui y sont associés, dus en contrepartie ou à l’occasion d’un travail […], quelle qu’en soit la dénomination ».

([15]) Hors transferts entre branches et y compris les dépenses du fonds de solidarité vieillesse (FSV).

([16]) Entre avril et juin de l’année 2022, les pensions mensuelles versées ont été supérieures de 1,8 % aux prestations versées en janvier 2022. Entre juillet et décembre de la même année, les pensions ont augmenté de 4 % par rapport aux prestations de juin et donc de 5,872 % par rapport aux prestations de janvier. Au total, ramenée sur douze mois, la hausse mensuelle moyenne s’établit donc à 3,39 %.

([17]) Rapport d’évaluation des politiques de sécurité sociale « maladie » annexé au PLACSS pour 2022.

([18]) Ibid.

([19]) Projet annuel de performance pour l’année 2023 du compte d’affectation spéciale Pensions.

([20]) Cour des comptes, op. cit.  

([21]) Depuis le 1er janvier 2021, les parents en situation de handicap qui remplissent les conditions d’accès ont droit à une nouvelle aide à l’exercice de la parentalité nommée PCH « parentalité ». Cette aide comprend une aide humaine à la parentalité et une aide technique à la parentalité, permettant à la personne d’acheter du matériel adapté pour l’aider à s’occuper de son enfant.