N° 1715

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680),

 

TOME III

 

AIDE PUBLIQUE AU DÉVELOPPEMENT

 

 

PAR Mme Élise LEBOUCHER

Députée

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 Voir le numéro : 1680

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. une stagnation des crédits de paiement, source d’inquiÉtudes quant à L’ATTEINTE des objectifs fixés dans la loi de 2021

A. DEUX grands PROGRAMMES finançant LA POLITIQUE D’AIDE AU DÉVELOPPEMENT

1. Le programme Aide économique et financière au développement

a. L’aide économique et financière multilatérale

b. L’aide économique et financière bilatérale

c. Le traitement de la dette des pays pauvres

2. Le programme Solidarité à l’égard des pays en développement

a. La coopération bilatérale

b. La coopération multilatérale

c. La coopération européenne

3. Le Fonds de solidarité pour le développement

B. deux programmes liés aux règles prudentielles applicables à l’AFD et à la lutte contre la corruption transnationale

1. Le programme Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement

2. Le programme Restitution des « biens mal acquis »

II. un enjeu À resSaisir : La santé maternelle et infantile en Afrique subsaharienne

A. Une prise de conscience nationale et internationale

1. Des objectifs fixés à l’échelle internationale

2. Des priorités inscrites au plan national, mais avec des points d’alerte

B. des progrÈs incontestables

1. Une amélioration des indicateurs de santé maternelle et infantile

2. Une évolution des mentalités et une approche davantage basée sur les droits

C. Un engagement français À saluer

1. L’aide publique française en matière de santé

2. L’action de l’Agence française de développement et d’Expertise France

3. Le Fonds français Muskoka

D. Des défis qui demeurent

1. Des enjeux sanitaires qui restent aigus

a. Des indicateurs de santé toujours critiques

b. Des discriminations et violences persistantes à l’encontre des femmes

2. Des crises qui s’accumulent

a. Les conflits et l’insécurité

b. L’insécurité alimentaire

c. Les conséquences du changement climatique

3. Une organisation à repenser

a. Des systèmes de santé à renforcer

b. Une coordination des acteurs à améliorer

conclusion

Liste des propositions

Travaux en commission

Liste des auditions menées par la rapporteure

Liste des abréviations

 


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   introduction

La mission Aide publique au développement (APD) regroupe les crédits budgétaires consacrés à la politique de développement et de solidarité internationale de la France. Les crédits budgétaires prévus pour cette mission dans le projet de loi de finances pour 2024 s’inscrivent dans un cadre renouvelé.

Sur le plan international, un Sommet pour un nouveau pacte financier a été organisé à Paris les 22 et 23 juin 2023 et a permis des avancées sur un certain nombre de points, tels que l’insertion dans les prêts de clauses de suspension du service de la dette en cas de catastrophe climatique.

Sur le plan national, un conseil présidentiel du développement (CPD) s’est tenu le 5 mai 2023 et a énuméré dix objectifs prioritaires. Le comité interministériel de coopération internationale et de développement (CICID) s’est ensuite réuni le 18 juillet suivant, pour la première fois depuis 2018. Il a notamment acté la suppression de la liste des dix-neuf pays prioritaires, la remplaçant par un objectif de concentration de l’aide sur les « pays les moins avancés » (PMA) : 50 % de l’effort financier bilatéral de l’État devra être dirigé vers ces PMA, ainsi que vers les pays les plus vulnérables aux conséquences des dérèglements climatiques.

La rapporteure pour avis s’étonne que le Parlement ait été aussi peu associé à ces deux rendez-vous. Même si le CPD et le CICID constituent des instances liées à l’Exécutif, il aurait été de bonne politique d’informer et de consulter la représentation nationale préalablement à leur réunion.

En particulier, le remplacement de la liste nominative des dix-neuf pays prioritaires, dont dix-huit africains, par une liste plus vague de pays « moins avancés » et « vulnérables », méritait réflexion et débat. Si l’argument avancé tenant à la nécessité de sortir d’une liste figée et d’une logique trop statique peut s’entendre, ce remplacement a néanmoins l’inconvénient d’effacer le focus spécifiquement africain que le Parlement avait souhaité donner à l’aide française. La loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales dispose, en effet, que « la priorité géographique de la politique de développement solidaire et de lutte contre les inégalités mondiales de la France est accordée aux pays d’Afrique, où convergent tous les défis contemporains ([1]) ». Dans un contexte de tensions géopolitiques avec plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, notamment le Mali, le Burkina Faso et le Niger, l’abandon de la liste des pays prioritaires et du focus sur l’Afrique alerte sur le risque de pouvoir rediriger des fonds de pays bénéficiaires vers d’autres, non sur la base d’objectifs de développement, mais dans une logique d’intérêt et de poursuite d’objectifs d’influence. Les déclarations récentes par l’Allemagne et l’Union européenne envisageant la possible suspension de l’APD vers les territoires palestiniens interpellent également. Une suspension de l’APD risque de fragiliser encore plus des populations particulièrement vulnérables, et elle alerte également sur les risques de faire fluctuer l’allocation de l’APD en fonction des aléas géopolitiques et non des besoins des populations, qui se retrouvent par ailleurs démultipliés dans le contexte de conflits.

Proposition n°1 : Garantir que l’APD soit allouée et maintenue en fonction des objectifs de développement, et non en fonction des aléas géopolitiques. Fournir des garanties.

 

Proposition n° 2 : Clarifier les critères permettant de déterminer la liste des pays vulnérables et fragiles budgétairement, ainsi que leur incidence sur l’allocation des fonds APD.

À ce titre, le changement de dénomination d’une politique d’aide publique au développement vers une politique d’investissement solidaire et durable (ISD) ne peut qu’interroger. L’accent mis sur la promotion des intérêts économiques français, sur le fait de rendre nos instruments bilatéraux plus transactionnels ou encore sur la lutte contre l’immigration clandestine interroge sur le motif réel de l’ISD. Il convient ici de rappeler l’évaluation de la France par le comité d’aide au développement (CAD) de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) en 2018, où le CAD insiste sur la lutte contre la pauvreté comme objectif principal de l’APD, et enjoint la France à « ne pas subordonner l’aide au développement aux seules problématiques de sécurité, de politique intérieure ou de régulation des flux migratoires » ([2]).

S’agissant des montants de crédits de paiement prévus par le projet de loi de finances, ils connaissent cette année une stabilisation, aussi bien pour le programme n° 110 que pour le programme n° 109, après plusieurs années de croissance régulière. Les efforts fournis au cours de la décennie écoulée, qui ont amené l’APD française à 15,3 milliards d’euros en 2022, sont incontestables et méritent à ce titre d’être salués. Cependant, dans un contexte de morosité économique, avec un taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) inférieur à 1 % en 2023, une inflation atteignant 5,8 % en France en 2023 et un endettement public ayant atteint au premier trimestre un record historique, ce maintien des crédits de paiement à un niveau identique à celui de l’année dernière constitue en réalité une baisse. La rapporteure pour avis alerte ainsi sur un certain nombre de signaux négatifs qui imposent de redoubler de vigilance, dans les mois et années qui viennent, quant au respect par la France des engagements pris, notamment dans la loi du 4 août 2021.

Au sein de la politique d’aide au développement, la santé maternelle et infantile occupe une place particulière, et ce à plusieurs titres. Elle touche en effet directement à la vie et à la mort des personnes concernées dans les pays bénéficiaires. La santé est également multifactorielle, reliée aux enjeux de nutrition, de sécurité, d’économie, d’éducation… Ensuite, les moyens financiers mobilisés peuvent avoir un impact concret et immédiatement positif tout en restant relativement modestes par rapport à ceux investis, par exemple, dans les secteurs de l’énergie ou des transports. Enfin, la santé, en particulier maternelle et infantile, et plus globalement les droits et santé sexuels et reproductifs, semblent souffrir encore d’un certain manque de visibilité par rapport à d’autres enjeux qui ont davantage attiré la lumière au cours des années passées.

C’est pourquoi il a paru utile à la rapporteure pour avis de consacrer cette année son avis budgétaire plus particulièrement à cette question, en faisant porter le focus sur l’Afrique subsaharienne, région du monde où la problématique se pose avec le plus d’acuité. La rapporteure pour avis soulignera la prise de conscience indubitable qui a eu lieu en la matière, tant au niveau international qu’au plan national. Elle rappellera les résultats encourageants obtenus, par exemple, en termes de réduction de la mortalité maternelle ou de lutte contre le virus de l’immunodéficience humaine (VIH), et soulignera la grande part que la France a prise à cette action. Elle attirera pour finir l’attention sur l’urgence de ne pas relâcher l’effort, de nombreux indicateurs demeurant très préoccupants et susceptibles d’être aggravés par la conjonction des crises climatique, alimentaire et politique dans les pays concernés.


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I.   une stagnation des crédits de paiement, source d’inquiÉtudes quant à L’ATTEINTE des objectifs fixés dans la loi de 2021

Les moyens consacrés à l’aide publique au développement se sont accrus au cours des dernières années en réponse à un souhait partagé par l’ensemble des forces politiques, qui s’est concrétisé en 2021 par l’adoption à l’unanimité par l’Assemblée nationale du projet de loi de programmation relatif au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales. L’APD française a ainsi dépassé le seuil des 10 milliards d’euros en 2017 et s’est établie à 13,1 milliards d’euros en 2021, puis à 15,3 milliards d’euros en 2022, soit 0,56 % du revenu national brut (RNB), faisant de la France le quatrième bailleur mondial d’aide publique au développement.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, les crédits de paiement (CP) de la mission Aide publique au développement sont fixés à 5,9 milliards d’euros, soit un montant similaire à celui inscrit en loi de finances initiale pour 2023. Pour les années à venir, le Gouvernement prévoit qu’ils seront portés à 6,37 milliards d’euros en 2025 et à 6,9 milliards d’euros en 2026 ([3]). Aux crédits budgétaires s’ajoutent des taxes affectées à hauteur de 0,74 milliard d’euros. Ces crédits et ces taxes affectées ne représentent pas l’intégralité mais approximativement un tiers (correspondant pour l’essentiel aux dépenses dites « pilotables ») de l’APD française, telle qu’elle est comptabilisée selon les critères de l’OCDE ([4]).

La rapporteure pour avis rappelle que, l’année dernière, le Gouvernement avait annoncé des montants prévisionnels de CP à hauteur de 6,25 milliards d’euros en 2024 et de 6,99 milliards d’euros en 2025. S’il convient de saluer la forte augmentation des crédits d’aide publique au développement au cours de la décennie passée, l’inscription dans le projet de loi de finances pour 2024 de montants de crédits inférieurs à ceux annoncés l’année passée n’en représente pas moins un signal préoccupant. La stabilisation du montant des crédits de paiement ne saurait être vue comme satisfaisante dans un contexte d’inflation élevée (la Banque de France prévoyant un taux d’inflation de 5,8 % en France en 2023 ([5])), car elle équivaut in fine à une baisse des crédits.

Le recul par rapport aux chiffres envisagés il y a un an et la stagnation des crédits de paiement, conjugués à l’annonce par le Gouvernement du report à 2030 de l’année‑cible pour atteindre le taux de 0,7 % du RNB consacré à l’APD (en contradiction avec la loi du 4 août 2021 qui mentionnait l’année 2025), constituent un recul sans précédent, et sont propres à alerter la représentation nationale. Le fait de repousser de 2025 à 2030 l’objectif d’atteinte du 0,7 % entraîne, selon les associations de solidarité internationale, un « manque à gagner » de 10,9 milliards d’euros pour le développement international. La rapporteure pour avis tient aussi à souligner l’alerte émise par dix-sept responsables d’organisations de solidarité internationale française dans une tribune parue le 3 octobre 2023, appelant à revenir sur le recul sans précédent des engagements de la France pour la solidarité internationale.

La plus grande attention s’imposera donc, notamment lors de l’examen des projets de loi de finances ultérieurs, pour que la « pause » observée aujourd’hui ne traduise pas en fait une revue à la baisse des ambitions de la France en matière de solidarité internationale. De ce point de vue, la rapporteure pour avis invite urgemment à reconsidérer le report à 2030 de l’objectif d’atteinte de 0,7 % du RNB et à revenir dès que possible au principe d’une cible plus rapprochée.

Proposition n° 3 : Revenir dès que possible à un objectif d’atteinte de 0,7 % du revenu national brut (RNB) consacré à l’APD antérieur à 2030.

A.   DEUX grands PROGRAMMES finançant LA POLITIQUE D’AIDE AU DÉVELOPPEMENT

La mission interministérielle APD se décompose principalement en deux programmes : le programme n° 110 Aide économique et financière au développement, mis en œuvre par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, et le programme n° 209 Solidarité à l’égard des pays en développement, piloté par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE).

1.   Le programme Aide économique et financière au développement

Le programme 110 Aide économique et financière au développement est doté, dans le projet de loi de finances pour 2024, de 2 727,1 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et de 2 337,9 millions d’euros en CP, soit une diminution de 1 109,8 millions d’euros en AE et une reconduction en CP par rapport aux crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2023. Ce programme recouvre trois actions (aide économique et financière multilatérale, aide économique et financière bilatérale, traitement de la dette des pays pauvres).

a.   L’aide économique et financière multilatérale

Le programme 110 comporte d’abord une part importante de crédits destinés à des institutions multilatérales de développement : 681,8 millions d’euros en AE et 1 490,3 millions d’euros en CP sont prévus à ce titre, en baisse de 66 % en AE et de 11 % en CP par rapport à 2023. Cette diminution s’explique principalement par le fait que d’importantes reconstitutions de fonds ont été réalisées en 2023, entraînant mécaniquement un effet de baisse en 2024.

Les principales contributions identifiées pour 2024 concernent le deuxième versement pour le Fonds vert pour le climat (305,9 millions d’euros en CP), un versement de 481,9 millions d’euros pour l’Association internationale de développement (AID), une nouvelle contribution de 120 millions d’euros (en AE et en CP) pour l’assistance macro-financière accordée à l’Ukraine en 2024 et la deuxième échéance de versement au titre de la 16ème reconstitution du Fonds africain de développement (FAD), pour un montant plafond de 181 millions d’euros.

b.   L’aide économique et financière bilatérale

Le programme 110 comprend ensuite des crédits d’aide bilatérale, pour des montants globaux de 2 045,3 millions d’euros en AE et de 734 millions d’euros en CP en 2024, soit une augmentation de 19 % en AE et de 34 % en CP par rapport à 2023. Du fait de cette augmentation, les crédits inscrits au titre des actions bilatérales représenteront, en 2024, 75 % du programme n° 110, contre 45 % en 2023.

Au sein de ces crédits, 1,7 milliard d’euros en AE et 380 millions d’euros en CP sont inscrits pour les bonifications de prêts aux États étrangers. Ces bonifications permettent d’abaisser le taux d’intérêt des prêts octroyés par l’AFD : 120 millions d’euros (en AE et en CP) financeront les « aides budgétaires globales » (ABG) à destination essentiellement des pays et institutions d’Afrique subsaharienne ; 50 millions d’euros en AE et 10 millions d’euros en CP sont par ailleurs prévus pour financer les prêts concessionnels aux pays les moins avancés (PMA). Il est à noter que, dans un contexte de remontée des taux sur les marchés, le poids du financement de ces bonifications s’alourdit mécaniquement pour la France.

Les crédits de cette action permettront par ailleurs de financer le Fonds d’expertise technique et d’échange d’expériences (FEXTE), créé en 2013 pour répondre aux besoins d’expertise technique principalement dans les pays émergents, dans des domaines tels que la croissance verte et solidaire ou la gouvernance économique et financière. Ils financeront aussi, à hauteur de 30 millions d’euros en AE et de 36,9 millions d’euros en CP, le Fonds d’étude et d’aide au secteur privé (FASEP), qui remplit des missions d’études de faisabilité et d’assistance technique, notamment pour les entreprises françaises. Il convient de noter également le financement à hauteur de 33 millions d’euros en CP du Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM), qui contribue principalement sous forme de subventions au financement de projets innovants ayant une finalité de développement économique et social ainsi qu’un impact significatif et durable sur les grandes composantes de l’environnement mondial (notamment la lutte contre le changement climatique, la protection de la biodiversité, la lutte contre la dégradation des terres et la désertification ainsi que la lutte contre la dégradation des eaux terrestres et marines).

c.   Le traitement de la dette des pays pauvres

Le programme 110 finance enfin des annulations de dettes bilatérales et multilatérales : 113,5 millions d’euros sont prévus à ce titre en CP (en diminution de 2 % par rapport à 2023). Les crédits inscrits en 2024 couvrent essentiellement des compensations d’annulation de dettes envers l’AID (83,1 millions d’euros) et le FAD (30,4 millions d’euros). Au total, au cours des trente-cinq dernières années, la France a annulé, sous différentes formes, 26,6 milliards d’euros de dette en faveur des pays d’Afrique subsaharienne.

Dans un contexte d’inflation et de remontée des taux sur les marchés, le traitement de la dette doit rester une priorité à l’agenda. Fin 2022, 25 % des pays émergents et plus de 60 % des pays à faibles revenus étaient en situation de détresse face à leur dette. Le surendettement crée un cercle vicieux pour de nombreux pays en développement, souvent plus exposés au dérèglement climatique, et dans l’incapacité de financer des mesures d’adaptation face au dérèglement climatique. Le Sommet pour un nouveau pacte financier a certes permis de mettre la question à l’agenda, mais des mesures fiscales fortes portant par exemple sur la spéculation financière ou la taxation des transports maritimes sont nécessaires afin de mobiliser les ressources nécessaires à la solidarité internationale.

2.   Le programme Solidarité à l’égard des pays en développement

Le programme 209, piloté par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (MEAE), se voit allouer un budget stable en CP, s’établissant, hors dépenses de personnel, à 3 265,5 millions d’euros. Au total, la dotation du programme 209 atteint 3 409 millions d’euros en AE (–16 %) et 3 435 millions d’euros en CP (stable). Le programme 209 comprend trois actions (coopération bilatérale, coopération multilatérale et coopération communautaire), auxquelles il convient d’ajouter une action relative aux dépenses de personnel.

a.   La coopération bilatérale

La coopération bilatérale est mise en œuvre soit de façon directe par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères (crédits de gestion et de sortie de crise, aide humanitaire et aide alimentaire, Fonds de solidarité pour les projets innovants, les sociétés civiles, la francophonie et le développement humain (FSPI) ([6]), soutien aux dispositifs de volontariats, appui à la société civile et à la coopération décentralisée), soit par l’entremise de divers opérateurs.

La coopération bilatérale est rehaussée, dans le projet de loi de finances pour 2024, de 109 millions d’euros, pour atteindre 2 184 millions d’euros en CP (et 2 251 millions d’euros en AE). Ces crédits financent notamment des organismes tels qu’Expertise France, Canal France International, l’Institut Pasteur, l’IRD ([7]) et le CIRAD ([8]); 98 millions d’euros (en AE et en CP) sont par ailleurs prévus au titre de la rémunération de l’AFD.

La provision pour crises majeures, créée en loi de finances initiale pour 2022, est maintenue à 270 millions d’euros (en AE et en CP). Elle a pour but de répondre en 2024 aux engagements qui n’auront pas été anticipés, principalement dans les domaines de l’humanitaire, de la santé mondiale, la sécurité alimentaire et le climat. Le Fonds d’urgence humanitaire et de stabilisation ([9]) se voit allouer 200 millions d’euros (en AE et en CP), stable par rapport à la loi de finances initiale pour 2023 mais en hausse de 30,5 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2022. Au total, les fonds dédiés à l’aide humanitaire représentent 895 millions d’euros, et devraient atteindre près d’un milliard d’euros en 2025 selon l’objectif acté par le CICID en juillet 2023.

Les crédits de cette action financent aussi, entre autres, l’aide-projet gérée par l’AFD, pour laquelle sont prévus 1 039 millions d’euros en AE et 985 millions d’euros en CP, ainsi que l’aide‑projet gérée directement par le MEAE (187 millions d’euros en AE et 184 millions d’euros en CP). L’aide-projet du MEAE inclut les FSPI mais aussi des dispositifs créés plus récemment, tels que le Fonds Équipe France (FEF), qui finance des projets en Afrique autour du sport, de la jeunesse ou encore de la culture.

Enfin, il convient de noter que 22,9 milliards en AE et CP sont alloués à l’opération budgétaire « contrats de désendettement et de développement ».

b.   La coopération multilatérale

L’action Coopération multilatérale finance les contributions aux organisations internationales et aux fonds multilatéraux de développement. 703 millions d’euros en AE et 796 millions d’euros en CP sont alloués à cette action dans le projet de loi de finances pour 2024, soit une baisse de 4 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Cette diminution s’explique par le fait que d’importantes dépenses réalisées en 2023 présentaient un caractère exceptionnel et ne seront pas renouvelées en 2024, telles qu’un arriéré de contribution au Fonds mondial de lutte contre le syndrome d’immunodéficience acquise (SIDA), la tuberculose et le paludisme (FMSTP) de 70 millions d’euros et un versement de 20 millions d’euros pour la Facilité pour les réfugiés en Turquie.

Les crédits prévus au titre de cette action sont destinés à financer un grand nombre d’organisations dans des secteurs variés. Parmi elles figurent notamment les nombreuses agences ou institutions des Nations Unies telles que le Haut-Commissariat aux droits de l’Homme (HCDH), le Programme alimentaire mondial (PAM), le Haut-commissariat pour les réfugiés (HCR), l’Office de secours et de travaux pour les réfugiés de Palestine (UNRWA), le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), etc. La rapporteure pour avis souligne l’importance, pour la défense des droits et de la santé des femmes et des enfants, de certaines de ces organisations, telles qu’ONU Femmes, l’UNICEF, l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) ou l’Agenda des Nations Unies pour l’identité juridique ([10]).

Ces crédits financent aussi, entre autres, le Partenariat mondial pour l’éducation (PME), les engagements résultants du Forum Génération Égalité, Gavi, le Fonds français Muskoka ou encore le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme (FMSTP) mais aussi, par exemple, l’action en faveur de la francophonie, dont la dotation passera de 20,3 millions d’euros en 2023 à 89,5 millions d’euros en 2024 (soit + 29 %) ([11]).

c.   La coopération européenne

La part du programme 209 consacrée à la coopération communautaire, à travers le Fonds européen de développement (FED), s’élève à 285 millions d’euros (en AE et en CP), soit – 24 % par rapport à 2023. Cette contribution continuera à s’amenuiser au cours des prochaines années. En effet, en 2021, le FED a été fusionné dans l’Instrument de voisinage, de développement et de coopération internationale dit « NDICI ([12]) ». Ce nouvel instrument de coopération européen est financé entièrement par le budget général de l’Union européenne. L’adoption du NDICI entraîne la « budgétisation » du FED au sein de cet instrument unique. La contribution de la France au NDICI pour 2021-2027 se réalisera donc via sa contribution au budget général de l’Union. Néanmoins, les États membres continueront de contribuer au FED jusqu’à épuisement du « reste à liquider ». Leurs contributions devraient a priori s’étendre jusqu’en 2026.

3.   Le Fonds de solidarité pour le développement

Aux ressources du programme 209 et du programme 110 s’ajoutent celles du Fonds de solidarité pour le développement (FSD), créé en 2005 et géré par l’AFD pour le compte de l’État. Doté de 738 millions d’euros, ce fonds est alimenté par une fraction du produit de deux taxes affectées : la taxe de solidarité sur les billets d’avion (TSBA) et la taxe sur les transactions financières (TTF) créée en 2012. Alors même que ces taxes innovantes avaient été créées d’abord pour financer le développement et lutter contre les excès de la mondialisation, les recettes affectées au FSD restent plafonnées à 210 millions d’euros pour la TSBA (depuis 2015) et à 528 millions d’euros pour la TTF (depuis 2017).

En 2024, le FSD poursuivra le financement de plusieurs fonds multilatéraux dans les domaines du climat, de l’éducation (Partenariat mondial pour l’éducation) et de la santé (Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, Unitaid ([13]), contribution française à la Facilité internationale de financement pour la vaccination ([14]) de l’Alliance pour les vaccins GAVI ([15])).

Compte tenu du rendement dynamique de la TTF et des objectifs qui avaient inspiré sa création, la rapporteure pour avis souligne l’incohérence qu’il y a à maintenir, année après année, le plafonnement à 528 millions d’euros de ses recettes affectées au FSD. Elle invite, pour l’avenir, à s’engager sur la voie d’un déplafonnement de la TTF dans son volet portant sur la solidarité internationale, piste qui pourrait d’ailleurs se combiner avec des mesures connexes telles que l’élargissement de son assiette ou le relèvement de son taux.

Proposition n° 4 : Dégager de nouvelles ressources en faveur de la solidarité internationale en s’appuyant sur la taxe sur les transactions financières (TTF).

B.   deux programmes liés aux règles prudentielles applicables à l’AFD et à la lutte contre la corruption transnationale

La mission budgétaire APD est complétée par deux programmes plus récents et de moindre importance, nés d’une part du besoin de renforcer l’AFD en fonds propres, compte tenu des exigences de solvabilité et du ratio de risques auxquels elle doit se plier, et d’autre part de la volonté de restituer les avoirs issus de la corruption internationale aux populations des États en cause, via le financement d’actions de coopération et de développement.

1.   Le programme Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement

Le programme 365 Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement a été créé en loi de finances pour 2021. Mis en œuvre par le ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, il comporte une action unique.

Les crédits du programme 365 visent à doter l’AFD en capital en 2024. Les besoins de fonds propres de l’agence s’expliquent notamment par l’application de règles prudentielles auxquelles elle est soumise en tant que société de financement. Une évolution législative européenne (entrée en vigueur du règlement européen CRR2 ([16])) a introduit une modification de la comptabilisation des fonds propres. Depuis juin 2021, les prêts de « ressources à condition spéciale » (RCS), octroyés dans des conditions très concessionnelles par l’État à l’AFD, ne sont plus pris en compte au titre des fonds propres pour le calcul du ratio « grands risques » auquel l’agence est assujettie. D’un point de vue technique, l’opération se traduit par une conversion des prêts de ressources à condition spéciale en fonds propres de base.

Pour le prochain exercice, ce programme est doté en AE et en CP d’un montant égal aux versements de RCS à l’AFD effectués en 2024, à mesure des décaissements par celle‑ci des prêts concessionnels aux États étrangers adossés à des RCS, soit 150 millions d’euros. Symétriquement, ces prêts seront remboursés de façon anticipée par l’agence sur le programme 853 ([17]), de sorte que l’opération de conversion sera neutre pour le budget de l’État.

2.   Le programme Restitution des « biens mal acquis »

En application de l’article 2 de la loi de programmation du 4 août 2021 ([18]), un programme 370, placé sous la responsabilité du MEAE et comprenant une seule action, a été créé par la loi de finances pour 2022 en vue de la restitution des « biens mal acquis ». Ce programme doit permettre de redonner aux populations concernées, sous forme de projets de coopération et de développement, les recettes issues de la cession par l’Agence de gestion et de recouvrement des biens saisis et confisqués (AGRASC) de ces biens. Auparavant, le produit des biens mal acquis définitivement confisqués par la justice abondait le budget général de l’État français ([19]).

Aucun versement n’est intervenu à ce jour dans ce cadre. La première restitution concernera la Guinée équatoriale. Un premier versement d’environ 6 millions d’euros, issu de la cession de biens dans le dossier Obiang ([20]), fera l’objet de négociations avec les autorités équato-guinéennes portant sur l’allocation de cette somme ; 6,1 millions d’euros sont inscrits à ce titre dans le programme 370.

À ce titre, il serait pertinent que la représentation nationale soit informée régulièrement de l’état d’avancement des procédures judiciaires à même d’abonder le programme 370 sur la restitution des « biens mal acquis ».

Proposition n° 5 : Informer régulièrement le Parlement sur l’état d’avancement des procédures judiciaires à même d’abonder le programme 370 sur la restitution des « biens mal acquis ».

 

Synthèse du budget de l’APD pour 2024

 

Mission interministérielle Aide publique au développement

Autorisations d’engagement : 6 293 millions d’euros (– 21,7 %).

Crédits de paiement : 5 928 millions d’euros (+ 0,08 %).

 

Programme 110 Aide économique et financière au développement (MEFSIN)

Autorisations d’engagement : 2 727 millions d’euros (– 29 %).

Crédits de paiement : 2 338 millions d’euros (stable).

 

Programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement (MEAE)

Autorisations d’engagement : 3 409 millions d’euros (– 16 %).

Crédits de paiement :  3 435 millions d’euros en CP (stable).

 

Cumul des crédits de paiement des programmes 110 et 209 : 5,77 milliards d’euros (Md€) (stable).

 

Fonds de solidarité pour le développement (FSD) : 738 millions d’euros

(financement de fonds multilatéraux dans la santé, l’éducation et le climat).

 

Points saillants concernant le programme 110 :

Stabilité des crédits de paiement.

Fort accroissement de l’aide bilatérale : + 19 % en AE et + 34 % en CP (augmentation du coût des bonifications de prêts du fait de la hausse des taux d’intérêt).

Aide macro-financière à l’Ukraine : 120 millions d’euros en AE et en CP.

 

Points saillants concernant le programme 209 :

Stabilité des crédits de paiement.

Augmentation des fonds dédiés à l’aide humanitaire de 832 millions d’euros en 2023 à 895 millions d’euros en 2024.

Accroissement des crédits de soutien au volontariat international d’échange et de solidarité, portés de 27 millions d’euros en 2023 à 29 millions d’euros en 2024 (en AE et en CP).


II.   un enjeu À resSaisir : La santé maternelle et infantile en Afrique subsaharienne

Aujourd’hui encore, de nombreuses femmes meurent en couches en Afrique subsaharienne. Le taux de mortalité maternelle y demeure bien plus élevé qu’en Europe. La malnutrition affecte tout particulièrement les enfants, entraînant une vulnérabilité aux maladies et des retards de croissance : 87 % des enfants atteints de VIH dans le monde habitent dans la région. Tous ces exemples montrent à quel point la santé maternelle et infantile, et plus largement les droits et santé sexuels et reproductifs constituent plus que jamais un enjeu majeur dans une région qui regroupe vingt-trois pays, dont certains parmi les plus pauvres du monde, et 1,5 milliard d’habitants.

Il est vrai cependant qu’une prise de conscience a eu lieu, tant au niveau international qu’au plan national, concernant les enjeux de santé maternelle et infantile, et que la France a pris une part importante à l’aide apportée dans ce domaine aux pays partenaires. Cette prise de conscience et cette aide n’ont pas été vaines et des progrès réels ont été enregistrés. On le doit, entre autres, à des instruments efficaces tels que le Fonds français Muskoka. Pour autant, la situation sanitaire dans les pays concernés n’en reste pas moins critique à bien des égards, et ce d’autant plus que les crises climatique, alimentaire ou encore politique tendent à s’y additionner. C’est pourquoi, loin des orientations politiques récentes, les efforts engagés jusqu’à présent par la France et ses partenaires doivent impérativement être poursuivis et amplifiés.

A.   Une prise de conscience nationale et internationale

1.   Des objectifs fixés à l’échelle internationale

Depuis deux décennies, la lutte contre la mortalité maternelle et infantile est devenue l’une des priorités internationales en santé, comme en témoigne le lancement en 2000 des huit objectifs du millénaire pour le développement (OMD), dont le quatrième vise à « réduire la mortalité infantile », le cinquième à « améliorer la santé maternelle » et le sixième à « combattre le VIH/sida, le paludisme et la tuberculose » (objectif pour l’atteinte duquel femmes et enfants constituent l’une des cibles prioritaires).

Les dix-sept objectifs de développement durable (ODD) ont pris le relai en 2015, avec comme horizon l’année 2030. Le troisième ODD vise à « permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge » tandis que le cinquième invite à « parvenir à l’égalité des sexes et autonomiser toutes les femmes et les filles ». Ces objectifs sont assortis de cibles. Celles liées à l’ODD n° 3 portent en grande partie sur la santé maternelle et infantile. En particulier, la cible 3.1 demande, d’ici 2030, de « faire passer le taux mondial de mortalité maternelle au-dessous de 70 pour 100 000 naissances vivantes », la cible 3.2 « d’éliminer les décès évitables de nouveau-nés et d’enfants de moins de cinq ans, tous les pays devant chercher à ramener la mortalité néonatale à 12 pour 1 000 naissances vivantes au plus et la mortalité des enfants de moins de cinq ans à 25 pour 1 000 naissances vivantes au plus », la cible 3.3 de « mettre fin à l’épidémie de sida, à la tuberculose, au paludisme et aux maladies tropicales négligées et combattre l’hépatite, les maladies transmises par l’eau et autres maladies transmissibles », la cible 3.4 de « réduire d’un tiers, par la prévention et le traitement, le taux de mortalité prématurée due à des maladies non transmissibles et promouvoir la santé mentale et le bien-être » et la cible 3.7 « d’assurer l’accès de tous à des services de soins de santé sexuelle et procréative, y compris à des fins de planification familiale, d’information et d’éducation, et la prise en compte de la santé procréative dans les stratégies et programmes nationaux ».

Le cinquième ODD, relatif à l’égalité entre les sexes, est également pertinent pour notre analyse. Ce dernier est subdivisé en cibles telles que la cible 5.1 « Mettre fin, dans le monde entier, à toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes et des filles » et la cible 5.6 « Assurer l’accès de tous aux soins de santé sexuelle et procréative et faire en sorte que chacun puisse exercer ses droits en matière de procréation, ainsi qu’il a été décidé dans le Programme d’action de la Conférence internationale sur la population et le développement et le Programme d’action de Beijing et les documents finaux des conférences d’examen qui ont suivi ».

2.   Des priorités inscrites au plan national, mais avec des points d’alerte

La loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales range, dès le 1° de son article 1er, la « santé » parmi les objectifs prioritaires de la politique française d’aide au développement. Annexé à la loi, le cadre de partenariat global fixant les orientations et la stratégie de la France mentionne à de nombreuses reprises la santé, notamment « la santé sexuelle et reproductive », « la santé néonatale, maternelle et infantile, notamment en Afrique de l’Ouest et du Centre », celle « des adolescents » ou encore « la protection contre toutes les formes de violence, dont les mutilations sexuelles ». Le cadre de partenariat global se réfère expressément à la convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), ratifiée par la France en 1990, qui reconnaît en son article 24 « le droit de l’enfant de jouir du meilleur état de santé possible et de bénéficier de services médicaux et de rééducation » et fait obligation aux États parties, en particulier, de « réduire la mortalité parmi les nourrissons et les enfants », « lutter contre la maladie et la malnutrition » et « assurer aux mères des soins prénatals et postnatals appropriés ».

Par ailleurs, parmi les dix objectifs prioritaires fixés par le conseil présidentiel du développement du 5 mai 2023 figurent ceux de « renforcer la résilience face aux risques sanitaires, y compris les pandémies, en investissant dans les systèmes de santé primaires et en appuyant la formation des soignants dans les pays fragiles » et de « promouvoir les droits des femmes et l’égalité femmes-hommes, notamment en soutenant les organisations féministes et les institutions de promotion des droits des femmes ». Ces objectifs ont été confirmés et détaillés par le CICID, réuni le 18 juillet 2023.

Il est cependant préoccupant de constater que les orientations fixées lors du CPD et du CICID ne reprennent pas la priorité donnée aux droits de l’enfant dans la loi de 2021. Ce changement de cap est un signal alarmant, et interroge sur les moyens qui seront donnés à la promotion des droits de l’enfant dans l’APD française. Lors de l’audition avec UNICEF France, la nécessité de développer une stratégie pour la déclinaison concrète des droits de l’enfant dans la politique de coopération et de solidarité internationale, fixant des objectifs et principes clairs, et basée sur une approche holistique et transversale, a été soulignée.

Proposition n° 6 : Développer une stratégie pour la déclinaison concrète des droits de l’enfant dans la politique de coopération et de solidarité internationale, fixant des objectifs et principes clairs, et basée sur une approche holistique et transversale.

B.   des progrÈs incontestables

La prise de conscience, en France comme dans le monde, du caractère essentiel des enjeux de santé, notamment maternelle et infantile, dans le cadre de l’aide au développement est certes encore perfectible. Elle a néanmoins déjà commencé à porter ses fruits.

1.   Une amélioration des indicateurs de santé maternelle et infantile

Depuis le début du millénaire, la situation sanitaire des femmes et des nouveau-nés s’améliore dans le monde. Le taux mondial de mortalité maternelle s’est réduit de 34 % entre 2000 et 2020, passant de 342 décès à 223 décès pour 100 000 naissances vivantes. Des progrès notables ont également été réalisés en termes de taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans puisque celui‑ci a chuté de 50 % depuis le début du siècle (le taux de mortalité des enfants plus âgés et des jeunes a diminué, quant à lui, de 36 %). Ces améliorations sont particulièrement sensibles depuis 2010 dans la région de l’Afrique de l’Ouest et centrale, et notamment dans les neuf pays bénéficiaires du Fonds français Muskoka.

S’agissant par exemple du Bénin, pays où la rapporteure pour avis a effectué un déplacement du 25 au 28 septembre derniers, le taux de mortalité néonatale a été réduit de 33 % entre 1990 et 2020 (passant de 45 décès pour 1 000 naissances vivantes à 29 pour 1 000 naissances vivantes). Le taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans a été, quant à lui, réduit de 51 % entre 1990 et 2020, passant de 173 décès pour 1 000 naissances vivantes à 84 pour 1 000. Pour le taux de mortalité maternelle, deux difficultés sont à noter. Tout d’abord, on constate une évolution contrastée : selon l’OMS, entre 2000 et 2020, nous constatons que le taux de mortalité maternelle a augmenté sensiblement entre 2000 et 2010, passant de 469 à 598 décès pour 100 000 naissances vivantes, avant de décroître entre 2010 et 2020, passant de 598 décès pour 100 000 naissances vivantes à 523. Une deuxième difficulté, relevée par la professeure Martine Audibert, réside dans la difficulté d’estimer précisément le taux de mortalité maternelle. Cela se voit concrètement avec la différence entre les taux de mortalité maternelle avancés par l’OMS et l’UNFPA. L’UNFPA estime le taux de mortalité maternelle en 2017 à 397 décès pour 100 000 naissances vivantes, bien en-dessous des estimations de l’OMS qui se rapprochent plus de 591 décès pour 100 000 naissances vivantes pour cette période.

Proposition n° 7 : Améliorer la collecte de statistiques concernant la mortalité maternelle.

Outre la réduction des taux de mortalité et de morbidité pour les mères, les nouveau-nés et les adolescents, le VIH/SIDA, épidémie mondiale la plus mortelle au début des années 2000, a été efficacement combattu depuis deux décennies en Afrique subsaharienne. Selon ONUSIDA, le libre accès au traitement du VIH a permis d’éviter près de 20,8 millions de décès dans le monde liés au SIDA au cours des trois dernières décennies, et le nombre de décès liés au SIDA a été réduit de 69 % depuis le pic de 2004. Le Botswana, l’Eswatini, le Rwanda, la République‑Unie de Tanzanie et le Zimbabwe, tous situés en Afrique subsaharienne, ont déjà atteint les objectifs 95-95-95 (95 % personnes atteintes de VIH connaissant leur statut, 95 % de personnes connaissant leur statut traitées, et 95 % de personnes traitées avec des antiviraux ayant une charge virale supprimée), et au moins seize autres pays (dont huit en Afrique subsaharienne) sont sur le point d’y parvenir.

2.   Une évolution des mentalités et une approche davantage basée sur les droits

Outre l’amélioration des indicateurs, il est satisfaisant d’observer que le secteur de la santé maternelle et infantile dans les pays du Sud a été marqué par des changements des mentalités et de la législation et par l’émergence d’une approche fondée sur les droits.

Le Bénin, par exemple, a modifié sa réglementation pour rendre le prix des médicaments plus abordable et améliorer ainsi l’accessibilité financière des traitements pour les mères et les enfants. Le pays a posé les premiers jalons d’un projet de couverture santé universelle destiné à permettre, à terme, un accès aux soins de santé à chaque individu, quels que soient son lieu de résidence et ses moyens financiers. À terme, la mobilisation des ressources intérieures pour la santé sera un enjeu crucial (voir partie II.D.3.a). La planification familiale y a, par ailleurs, fait de nets progrès. La prévalence de l’utilisation de la contraception par les femmes y a ainsi augmenté, passant de 10,5 % en 2012 à 17 % en 2022. Pour citer un autre exemple, au Niger, un plan d’action national de planification familiale (2021-2025) a été adopté, avec pour objectif d’atteindre un taux de prévalence contraceptive moderne de 29,3 % en 2025.

C.   Un engagement français À saluer

La part prise par la France dans l’amélioration de la santé des femmes et des enfants, ainsi que l’accès aux droits et santé sexuels reproductifs, en particulier en Afrique subsaharienne, mérite d’être analysée.

1.   L’aide publique française en matière de santé

Avant d’examiner les efforts d’aide publique au développement française en matière de santé, il convient de rappeler quelques caractéristiques de l’APD française.

En effet, la structure de l’aide publique au développement française pose un enjeu en matière de financement des services sociaux de base, et notamment de la santé. Alors qu’une majorité des pays membres du CAD de l’OCDE ont cessé le recours à des prêts, la France continue d’y recourir. En 2019-2021, les prêts représentaient ainsi un peu plus de 28 % de l’équivalent-don de l’APD bilatérale française. Une étude de Coordination Sud estime également que la proportion de prêts est plus importante si l’on raisonne en termes de décaissements bruts, et atteint presque 50 % de l’APD bilatérale sur la période 2018‑2020. Au sein des pays du CAD de l’OCDE, la France se situe ainsi parmi les bailleurs ayant le plus recours à des prêts, en troisième position des bailleurs faisant le plus recours à des prêts, derrière le Japon et la Corée du Sud.

Si le recours aux prêts présente l’avantage de mobiliser des sommes importantes à moindre coût, et donc d’apporter une réponse aux besoins financiers considérables des pays en développement dans un contexte de fortes contraintes budgétaires, il a une incidence sur la ventilation géographique et sectorielle de l’APD française, ainsi que sur la taille des projets financés. Les prêts sont concentrés pour presque 75 % en 2018-2020 sur les pays à revenus intermédiaires, tandis que les subventions s’orientent davantage – mais pas exclusivement – vers les pays les plus pauvres. Ainsi, il est à noter que parmi les 20 principaux bénéficiaires de l’APD bilatérale de la France en 2022, seuls six pays moins avancés y figuraient, dont quatre pays prioritaires de la politique de développement (dont la liste a désormais été abandonnée) : le Sénégal, le Burkina Faso, le Niger et le Tchad. Le recours aux prêts a également une incidence sur la taille des projets financés, les projets financés par des prêts mobilisant, selon Coordination SUD, des montants en moyenne 13 fois plus élevés que les projets financés par dons. Il convient par ailleurs de noter que le CAD de l’OCDE a indiqué dans son évaluation de 2021 que la France devait augmenter sensiblement son aide bilatérale pilotable sous forme de dons.

Enfin, la structure de l’APD française et son recours élevé aux prêts ont un impact sur sa ventilation sectorielle. En effet, la part de l’APD consacrée aux services sociaux de base ne représente que 18 % de l’aide totale selon les ONG Action contre la Faim, Action Santé Mondiale, la Coalition Eau, la Coalition Éducation, ONE, Oxfam France et Solidarité Sida. Le renforcement des services sociaux de base, essentiels à la réalisation des droits fondamentaux de toutes et tous, devrait pourtant être une des priorités de l’APD française. La rapporteure pour avis souhaite ainsi appuyer la recommandation formulée par les ONG susmentionnées que la France s’engage à consacrer a minima 50 % de son aide au développement en faveur des services sociaux de base, notamment la santé, l’éducation, l’eau, assainissement et hygiène (EAH) et la protection sociale.

Proposition n° 8 : Consacrer au moins 50 % de l’aide au développement en faveur des services sociaux de base, notamment la santé, l’éducation, l’eau, assainissement et hygiène (EAH) et la protection sociale.

L’effort qui reste à réaliser en matière d’allocation des financements vers le renforcement des services sociaux de base se reflète également dans l’allocation des financements vers la santé. 8 % du montant de l’APD française a été consacrée en moyenne, entre 2014 et 2019, au domaine de la santé, selon un rapport de la Cour des Comptes de février 2023 ([21]). Selon M. Christophe Guilhou, directeur du développement au MEAE, l’APD française en santé (bilatérale et multilatérale) est passée de 8,51 % de l’APD totale en 2019 à 12,8 % en 2021. Cette évolution est détaillée dans le tableau ci‑après.

Trajectoire de l’APD française en santé

Millions d’euros, brut

2017

2018

2019

2020

2021

APD totale allouée à la santé

883

932

973

1 004

1676,03

APD bilatérale santé

1 108

1078

1 177

1 285

730,63

APD multilatérale santé

730

726

698

620

945,40

Source : Système de notification des pays créanciers, OCDE

La part du secteur de la santé dans les dons effectués aux pays bénéficiaires (à l’exclusion des prêts, par conséquent) est retracée dans le graphique ci-après. Le secteur de la santé a ainsi reçu 9,9 % des dons de l’APD française en 2022.

Répartition des dons de l’APD française en 2022 entre les secteurs prioritaires tels que définis par le CICID

(APD bilatérale en dons bruts, en pourcentage)

Source : Ministère de l’Europe et des affaires étrangères

Dans le domaine spécifique de la santé maternelle et infantile, 66 projets ont été financés en 2022, pour un montant de 360,6 millions d’euros, dans les secteurs de la santé et de la protection sociale.

D’un point de vue budgétaire, les crédits fléchés sur les enjeux de santé, tant aux niveaux bilatéral que multilatéral, sont portés quasi exclusivement par le programme 209. Cela s’explique par le fait que les pays principalement ciblés sur cette thématique sont ceux où les besoins sont les plus aigus, et donc les pays les plus pauvres, si bien que l’instrument des dons paraît en ce qui les concerne le plus approprié. C’est donc au sein du programme 109 que, par exemple, 10,3 millions d’euros sont inscrits, dans le projet de loi de finances pour 2024, pour financer le Fonds français Muskoka. Le programme budgétaire 110 comporte toutefois lui aussi, en 2024, un financement direct en matière de santé, en l’espèce une contribution de 10 millions d’euros au Fonds d’intermédiation financière (FIF) pour la prévention, la préparation et la réponse aux pandémies (PPR).

L’aide de la France passe également par l’action en matière de droits et santé sexuels et reproductifs, ainsi que le soutien aux organisations féministes. Rappelons que la France a adopté officiellement une diplomatie féministe en 2019. Dans un rapport publié en juillet 2023, le Haut conseil pour l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) souligne toutefois que la diplomatie féministe française ne dispose ni d’une définition précise ni d’une doctrine. De forts enjeux persistent en ce qui concerne le portage politique de la Stratégie, l’allocation de ressources humaines dédiées, ou encore la formation des agents. Cela vaut également pour le financement ; le HCE recommande ainsi que la diplomatie féministe soit accompagnée d’une ligne budgétaire sécurisée, pluriannuelle et pérenne, dédiée au pilotage et à sa mise en œuvre. Le HCE recommande ainsi la création d’un poste d’ambassadrice dédiée à la diplomatie féministe dotée de moyens pour agir. Enfin, les associations telles qu’Equipop soulignent la nécessité d’intensifier les efforts pour atteindre les objectifs inclus dans la loi de 2021, qui prévoient 75 % de l’APD bilatérale intégrant une dimension dédiée à l’égalité femmes-hommes (marqueur genre 1 du CAD de l’OCDE), dont 20 % de projets spécifiquement dédiés à la réduction des inégalités femmes-hommes (marqueur genre 2 du CAD).

En 2020, le Fonds de soutien aux organisations féministes (FSOF) a permis la prise en charge de 75 projets et le soutien de 1 000 associations dans près de 70 pays à travers le monde. La France est devenue ainsi, selon le MEAE, le « premier grand pays financeur des organisations féministes ». Le FSOF a été reconduit pour la période 2023-2027 avec un budget de 250 millions d’euros, de nouveaux outils et une meilleure visibilité. La rapporteure pour avis sera particulièrement vigilante au renforcement des ressources financières et humaines dédiées au pilotage du Fonds. De manière générale, le renforcement et la pérennisation du soutien aux associations féministes sont essentiels, alors qu’un rapport d’Equipop et de la Fondation Jean Jaurès démontre que les mouvements anti-droits sont particulièrement organisés, structurés, et financés. La protection des membres des organisations récipiendaires doit par ailleurs rester un impératif, les membres d’associations et mouvements féministes faisant souvent l’objet de pressions et intimidations. Cette protection doit également être accompagnée par une facilitation de l’accès aux visas pour les activistes des organisations récipiendaires, afin de leur permettre une meilleure mise en relation avec d’autres mouvements et de manière générale afin de démultiplier l’impact de leurs actions. Les associations comme Equipop alertent par ailleurs sur les financements qui restent in fine très limités, ainsi que des règles d’octroi particulièrement strictes qui tendent à exclure les plus petites structures, souvent portées par des bénévoles et qui n’ont pour beaucoup pas les moyens d’employer une ou plusieurs personnes à plein temps pour gérer des procédures administratives complexes et exigeantes. La connaissance de terrain de ces petites ONG est pourtant essentielle pour une meilleure appropriation et durabilité des politiques de développement.

De manière générale, ce rapport souhaite réitérer la pertinence d’augmenter les financements d’APD transitant par les ONG. La loi de 2021 prévoit « la progression des montants d’aide publique au développement alloués à des projets mis en œuvre par des organisations de la société civile françaises et issues des pays partenaires, afin de tendre vers la moyenne des pays de l’OCDE et en vue d’atteindre en 2022 le double du montant constaté en 2017 », soit 5,1 %. Or, en 2022, l’augmentation l’APD bilatérale française transitant par la société civile n’atteint que 7,8 %, loin de l’objectif fixé dans la loi de 2021 et bien en deçà de la moyenne des pays de l’OCDE qui est d’environ 15 %. Il convient ainsi d’accélérer la hausse des financements d’APD transitant par les organisations de société civile, qui sont au plus proche des besoins des communautés et permettent de localiser l’aide.

Proposition n° 9 : Créer un poste d’ambassadrice dédiée à la diplomatie féministe dotée de moyens pour agir et dédier un budget spécifique à la diplomatie féministe.

 

Proposition n° 10 : Accélérer les efforts pour atteindre en 2025, conformément à la loi de 2021, les objectifs d’APD genrée, c’est-à-dire 75 % de projets APD marqués 1 et 2, dont 20 % de projets marqués 2.

 

Proposition n° 11 : Renforcer et pérenniser le FSOF. Permettre aux petites ONG d’accéder aux financements du FSOF. Protéger les bénéficiaires des pressions. Faciliter l’accès aux visas pour les activistes des organisations récipiendaires.

 

Proposition n° 12 : Augmenter les financements APD transitant par les organisations de société civile, conformément aux objectifs de la loi de 2021 et en vue d’atteindre la moyenne des pays de l’OCDE.

Au cours des dernières années, l’APD française a marqué une évolution d’une approche démographique vers une approche centrée sur les droits. Cette approche a été concrétisée avec l’adoption d’une première stratégie sur les droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR) en 2016, la dernière stratégie DSSR en date ayant été lancée pour la période 2023-2027. En juillet 2021 à l’occasion du Forum Génération Égalité, la France a annoncé que 400 millions d’euros seraient consacrés aux DSSR et à la santé des femmes sur la période 2021-2025. Il convient cependant de noter que le Collectif Générations Féministes avait appelé à doubler les financements de l’aide publique au développement de la France en faveur des droits et santé sexuels et reproductifs et à les porter à 200 millions par an.

Il convient de noter que la France a doublé ses contributions volontaires à ONU Femmes (5,83 millions d’euros en 2023) et quadruplé celle au Fonds des Nations Unies pour la population (26 millions d’euros) par rapport à 2020. La France figure parmi les quinze principaux contributeurs à ces agences.

Interrogé par la rapporteure pour avis, M. Christophe Guilhou, directeur du développement au MEAE, a insisté sur le fait qu’il n’y avait pas de « concurrence » entre la santé et d’autres enjeux tels que, par exemple, la transition écologique. La France soutient en effet une approche dite « One Health » consistant à prendre en compte de manière globale la santé humaine, animale et environnementale. Un projet tel que le projet Prezode, par exemple, mené conjointement par l’AFD, le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (CIRAD) et l’Institut de recherche pour le développement (IRD), s’inscrit tout à fait dans l’optique « One Health ». Ce projet Prezode vise à prévenir les risques de maladies zoonotiques (c’est‑à‑dire transmises des animaux aux êtres humains), notamment au Cameroun, au Sénégal et en Guinée.

2.   L’action de l’Agence française de développement et d’Expertise France

L’AFD a fait de la santé des mères et des enfants l’une de ses priorités depuis son cadre d’intervention sectoriel en santé de 2007. Les engagements de l’AFD dans ce domaine sont retracés dans les tableaux ci-après.

Engagements financiers de l’AFD (hors initiative OSC) sur la thématique de la santé maternelle et infantile, en Millions d’euros :

Année

Total

dont Afrique

2015

37

29

2016

10,95

10

2017

20

20

2018

12

12

2019

29,8

21

Source : Agence française de développement

Engagements financiers de l’AFD sur la thématique des droits et santé sexuels et reproductifs (DDSR), en millions d’euros :

Année

Opérations

Y compris Initiative OSC

dont Afrique

(Y compris OSC)

2020

62,1

82

64,3

2021

49,8

50,1

49,1

2022

48,1

58,4

58,4

Source : Agence française de développement

Un exemple concret, parmi bien d’autres, de l’engagement des opérateurs français en la matière est celui du projet Temeyouz, mené conjointement par l’AFD et Expertise France en Mauritanie. Ce projet vise à améliorer les soins de santé primaire et de santé maternelle et infantile, à réduire les inégalités femmes-hommes dans l’accès aux soins et à lutter contre les violences faites aux femmes. Dans ce cadre, 70 étudiantes sages-femmes de l’École nationale supérieure des sciences de la santé de Nouakchott ont bénéficié d’un programme de formation spécifique et 5 000 personnes ont été sensibilisées sur l’incidence des fistules obstétricales, la santé sexuelle et reproductive et les violences basées sur le genre.

Il convient également de noter le travail mené par Expertise France, notamment dans le cadre de « l’Initiative ». « L’Initiative » est une facilité bilatérale qui représente 20 % de la contribution française au Fonds mondial de lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme. Dans le cadre de l’Initiative, Expertise France mène des actions d’assistance technique et fournit des appuis financiers catalytiques afin d’aider les pays à lutter contre les épidémies de VIH, de tuberculose et de paludisme. Le renforcement des systèmes de santé et les droits et santé sexuels et reproductifs font en outre partie de ses priorités transversales.

3.   Le Fonds français Muskoka

En matière de santé maternelle et infantile, l’engagement le plus emblématique de la France porte sans doute sur le Fonds français Muskoka (FFM). Celui‑ci est né en 2010, dans le prolongement du sommet des États du G8 tenu dans la ville du même nom, au Canada. Ce sommet s’était donné pour objectif d’accélérer l’atteinte, en 2015, des OMD n° 4 et n° 5 relatifs respectivement à la réduction de la mortalité infantile et à l’amélioration de la santé maternelle.

Le FFM est un mécanisme de coordination, d’appui technique et de mise en œuvre aux niveaux régional et national, qui réunit les mandats complémentaires de quatre agences des Nations Unies : l’OMS, ONU Femmes, l’UNFPA ([22]) et l’UNICEF. Il intervient depuis 2011 en Afrique de l’Ouest et centrale en vue d’améliorer l’accès des femmes, des enfants et des adolescents à des soins de santé de qualité. Il s’attache tout particulièrement à réduire la mortalité maternelle et infantile et à améliorer la « santé reproductive, sexuelle, maternelle, néonatale, infantile, de l’adolescent et la nutrition » (SRMNIA‑N). Le Fonds français Muskoka participe à la santé et au bien-être des mères, nouveaux nés, enfants et adolescents, par la mise en place d’interventions intersectorielles à haut impact contribuant à la réduction de la mortalité et de la morbidité maternelle, néonatale et infanto-juvénile, à garantir l’accès des adolescents et en particulier des adolescentes aux droits et à la santé sexuels et reproductifs, à améliorer la nutrition et promouvoir l’autonomisation des femmes et assurer la continuité des soins.

Le FFM s’inspire de la Déclaration de Paris ([23]) et s’inscrit dans la stratégie mondiale pour la santé de la femme, de l’enfant et de l’adolescent développée par le secrétaire général des Nations Unies (2016‑2030). Il permet de coordonner les stratégies régionales et nationales, d’harmoniser l’appui technique et de mobiliser des partenaires et des fonds dans neuf pays (Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Guinée, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo), couvrant une population d’environ 200 millions d’habitants, dont 45 millions de femmes en âge de procréer.

Les modalités d’utilisation du FFM ont été conçues conjointement par la France et les agences onusiennes autour de trois axes :

– le renforcement des systèmes de santé et la qualité des services de santé maternelle et infantile dans les pays cibles ;

– la création d’un environnement favorable en recourant aux partenariats régionaux (Union africaine, OOAS ([24]), HHA ([25])) pour accroître les leviers financiers, la visibilité et le dialogue politique sur la santé maternelle et infantile ;

– l’appui au suivi, à l’évaluation et à la formation, incluant la documentation des bonnes pratiques et la diffusion des connaissances.

Concrètement, le FFM soutient, par des interventions ciblées, des projets tels que l’équipement des centres de santé (y compris en médicaments), la formation du personnel, la collecte et le traitement des données, la prise en compte des violences basées sur le genre et le soutien aux ministères pour développer des plans d’action. Le FFM a ainsi permis la formation de plus de 70 000 personnels de santé en dix ans.

La qualité des projets financés a permis d’attirer en 2019 et en 2020 un cofinancement du Danemark à hauteur de 3 millions d’euros. Dans le cadre du Forum génération égalité de 2021, la France a annoncé qu’elle renouvellerait son engagement en faveur de la santé maternelle et infantile au travers du FFM pour une période de cinq années (2022-2026), à hauteur de 10 millions d’euros par an. Par ailleurs, les quatre agences précitées des Nations Unies travaillent actuellement à l’élaboration d’une stratégie commune post-2022, dite « 3.0 », qui guidera la conception et la mise en œuvre des interventions du Fonds français Muskoka jusqu’en 2026. Cette stratégie permettra de mener des actions sur des problématiques émergentes telles que la malnutrition et l’impact des questions climatiques sur la santé des mères et des enfants.

Le FFM est un exemple d’une approche multisectorielle, axée sur les droits et agissant sur de multiples facteurs relatifs à la santé (renforcement des systèmes de santé, accès à la contraception, lutte contre les violences basées sur le genre, appui à l’accès à l’éducation et à la nutrition…). Son format permettant de co-construire des plans d’actions avec les pays partenaires, de coordonner les actions d’acteurs différents (quatre agences onusiennes, neuf pays partenaires, des ONG, les communautés) lui confère une capacité de porter des interventions à haut impact. Néanmoins, il est ressorti de plusieurs auditions, notamment avec les agences partenaires du FFM ainsi qu’avec l’UNICEF, que le Fonds français Muskoka restait relativement sous-doté comparativement aux besoins et aux interventions menées dans la région. Les agences auditionnées ont aussi souligné le besoin de doubler les fonds du FFM. Ce doublement permettrait une multiplication des actions du FFM, qui doit se faire en co-construction avec les communautés, élément essentiel qui sera développé un peu plus loin dans ce rapport.

Proposition n° 13 : Doubler les financements alloués annuellement au Fonds français Muskoka.

D.   Des défis qui demeurent

Si des avancées incontestables ont été enregistrées, notamment grâce à l’action de la France, ces progrès se sont toutefois nettement ralentis au cours des dernières années. La crise de la Covid-19, en particulier, a enrayé la dynamique positive engagée, remettant en cause la capacité à atteindre les cibles liées aux objectifs de développement durable de l’Agenda 2030.

1.   Des enjeux sanitaires qui restent aigus

a.   Des indicateurs de santé toujours critiques

Malgré les progrès enregistrés dans les dernières années, on constate que la réduction de la mortalité maternelle ainsi que de la mortalité infantile (néonatale et des enfants de moins de cinq ans) a ralenti depuis 2015, avec des régressions constatées depuis la pandémie de Covid-19. Encore 1,8 milliard de personnes dans le monde (soit 24 % de la population mondiale) vit dans des contextes de fragilité avec des difficultés d’accès à des services de santé essentiels de qualité. Les régions Ouest et centrale de l’Afrique se distinguent toujours, comme l’a souligné le docteur Jean-Marie Yameogo, représentant de l’OMS en Côte d’Ivoire, lors de son audition, par « des indices de santé les plus critiques dans le monde ». Le taux de mortalité maternelle dans la région demeure ainsi de 750 décès pour 100 000 naissances vivantes alors que, pour les pays développés, il est de 12 décès pour 100 000 naissances vivantes. Le taux de mortalité maternelle reste particulièrement critique dans des pays comme le Tchad (tout comme au Soudan ou encore en République démocratique du Congo). Selon le docteur Félicité Tchibindat, directrice régionale UNICEF pour l’Afrique de l’Ouest et du centre, le taux de mortalité maternelle en Afrique Subsaharienne est 2,45 % plus élevé que le taux mondial et plus de 100 fois supérieur au taux européen. La réduction enregistrée entre 2000 et 2020 ne représente qu’un tiers du taux annuel nécessaire pour atteindre l’objectif de 70 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes d’ici 2030.

La rapporteure pour avis a également été alertée sur le cancer du col de l’utérus, une maladie révélatrice des inégalités en santé et des inégalités de genre, car il frappe uniquement les femmes et les filles. Selon Médecins du Monde, le cancer du col de l’utérus est le quatrième cancer le plus fréquent chez les femmes. D’après l’OMS, il tuera en 2030 plus de 443 000 femmes par an dans le monde si aucune action concrète n’est prise d’urgence. Plus de 98 % de ces décès surviendront dans les pays en développement, parmi lesquels 90 % surviendront en Afrique subsaharienne.

Quant au taux de mortalité des enfants de moins de cinq ans dans le monde, il demeure en 2021 de 38 décès pour 1 000 naissances vivantes, dont la moitié concerne les nourrissons. Cinquante‑quatre pays, essentiellement africains, n’atteindront pas la cible de mortalité infanto-juvénile fixée dans les ODD. Les estimations mondiales font état de 30 millions de décès supplémentaires de femmes et d’enfants d’ici 2030.

En 2021, l’Afrique subsaharienne a enregistré 56 % des décès d’enfants de moins de cinq ans et environ la moitié des « mortinaissances » dans le monde (décès d’un bébé avant, pendant ou jusqu’à 28 semaines après l’accouchement). La moitié des décès supplémentaires de femmes et d’enfants d’ici 2030 devrait concerner la région ([26]).

b.   Des discriminations et violences persistantes à l’encontre des femmes

Les violences à l’encontre des femmes, qu’elles soient de nature sexuelle ou non, constituent, par définition, une menace pour leur santé. La Déclaration internationale sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes de 1993 définit les violences à l’encontre des femmes et des filles comme tout acte de violence « dirigé contre le sexe féminin » duquel résulterait « un préjudice ou des souffrances physiques, sexuelles, psychologiques y compris la menace de tels actes, la contrainte ou la privation arbitraire de liberté, que ce soit dans la vie publique ou dans la vie privée ». Pour l’Organisation mondiale de la Santé, ces violences constituent un « grand problème de santé publique ([27]) ».

S’agissant spécifiquement des violences sexuelles, elles peuvent entraîner des grossesses non désirées chez des femmes relativement jeunes, d’où résultent régulièrement des avortements plus ou moins sécurisés, des mariages forcés, des problèmes gynécologiques ou encore des infections sexuellement transmissibles. D’après les données récoltées par l’association AVEGA dans le cadre du Programme d’appui aux personnes infectées, au moins 80 % des femmes séropositives en Afrique subsaharienne ont été victimes de viols. Au Bénin, 14 % des femmes disent avoir subi des violences conjugales au cours des douze derniers mois.

Un type particulier de ces violences concerne les mutilations génitales féminines. En janvier 2023, l’UNICEF estimait à plus de 200 millions le nombre de filles et de femmes qui en ont été victimes. La moitié d’entre elles vivent en Égypte, en Éthiopie et en Indonésie. Dans la zone sahélienne, le Mali n’a toujours pas légiféré sur cette pratique alors que, outre qu’elle constitue une violence en soi, elle fait courir des risques élevés pour la santé des filles et des femmes. Les complications à la suite d’une mutilation peuvent conduire dans certains cas à la mort.

Un autre aspect, relativement méconnu, de ces violences, qui a été signalé à la rapporteure pour avis, consiste dans une forme de maltraitance liée au mauvais accueil et à la brutalité d’une proportion non négligeable de personnels de santé en Afrique subsaharienne. La réalité du phénomène des violences gynécologiques et obstétricales a été confirmée par l’association Equipop lors de son audition.

À cela s’ajoutent les violences économiques faites aux femmes qui rendent plus problématique leur accès à une santé de qualité. Il convient de plus de noter que ces problématiques se conjuguent aux inégalités géographiques au sein des pays, avec des inégalités marquées entre les zones urbaines et rurales.

La rapporteure pour avis appelle, plus que jamais, à lier la lutte contre les violences faites aux femmes à la politique d’aide en santé des femmes.

Proposition n° 14 : Lier la lutte contre les violences faites aux femmes à la politique d’aide en santé maternelle et infantile.

2.   Des crises qui s’accumulent

a.   Les conflits et l’insécurité

Les conflits constituent une réelle menace pour les populations civiles, que ce soit en termes de sécurité ou de développement. Lors des auditions, plusieurs acteurs ont souligné le caractère de « polycrises » de la région du Sahel, marquée non seulement par des conflits et de l’insécurité, mais aussi par les impacts du dérèglement climatique, l’insécurité alimentaire, les déplacements de population. Ces facteurs entravent le développement des pays concernés. Ainsi, la politique d’aide publique au développement ne peut être vue comme isolée des autres politiques étrangères, notamment en ce qui concerne les interventions militaires et la diplomatie.

b.   L’insécurité alimentaire

La malnutrition et la carence en micronutriments chez l’enfant constituent un grave problème de santé publique, du fait de leurs effets sur le développement cognitif et physique des enfants et en termes de vulnérabilité de ceux‑ci aux maladies infectieuses. La faim et la malnutrition chez la femme enceinte sont également associées de manière significative à la mortalité maternelle.

C’est pourquoi la crise alimentaire que traversent plusieurs pays africains tend à y fragiliser la lutte contre la mortalité maternelle et infantile. Selon le dernier rapport disponible des Nations Unies ([28]), 735 millions de personnes ont souffert de la faim en 2022, soit près de 122 millions de personnes de plus qu’en 2019, avant la pandémie de Covid‑19. Si la situation s’est améliorée en Asie de l’Est et en Amérique latine, elle s’est en revanche dégradée en Afrique. Le rapport précise qu’en 2022, sur l’ensemble des enfants de moins de cinq ans à l’échelle mondiale, 148,1 millions (22,3 %) présentaient un retard de croissance. Il montre aussi que l’insécurité alimentaire touche davantage les femmes que les hommes.

Au vu des liens étroits qui existent entre ces deux thématiques, il est essentiel de ne pas dissocier, mais au contraire de mener de manière simultanée et articulée, l’aide en santé maternelle et infantile et la lutte pour la sécurité nutritionnelle et alimentaire.

Proposition n° 15 : Adosser l’une à l’autre la politique de sécurité alimentaire et nutritionnelle et l’aide en santé maternelle et infantile.

c.   Les conséquences du changement climatique

Une approche durable de la santé maternelle, néonatale et infantile et de l’accès aux droits et santé sexuels et reproductifs se doit d’intégrer l’impact du changement climatique sur les populations.

L’UNICEF a étudié, en particulier, la vulnérabilité des enfants face au réchauffement climatique. Dans un rapport publié en 2021, l’agence a montré que les enfants d’Afrique subsaharienne étaient touchés plus durement que les autres par le réchauffement climatique, que ce soit de manière directe ou indirecte. En effet, si les pays de la région sont particulièrement vulnérables aux impacts du changement climatique en raison de leur pauvreté et du développement insuffisant des services de base, les enfants le sont davantage encore, compte tenu de leur moindre résistance physique aux chocs et au stress climatiques, de leur moindre capacité à survivre aux catastrophes naturelles et de leur fragilité physiologique face à la pollution et à la contamination de l’air, de l’eau et du sol ([29]).

Lors d’un déplacement à Genève organisé par Action Santé Mondiale et axé sur la gouvernance de la santé mondiale ainsi que sur l’interaction entre santé et dérèglement climatique, la rapporteure pour avis a pu rencontrer et échanger avec diverses organisations : l’Organisation Mondiale pour la Santé (OMS), le Fonds mondial pour la lutte contre le VIH, la tuberculose et le paludisme, l’Alliance GAVI, Unitaid, le Medicines Patent Pool (MPP), ainsi que des experts du Geneva Global Health Center et du Geneva Health Forum. Les échanges ont permis de souligner l’étroite interaction entre santé et dérèglement climatique. Selon l’OMS, 13 millions de personnes décèdent chaque année de manière prématurée en raison de risques environnementaux évitables connus (pollution de l’eau, de l’air, exposition aux substances chimiques, changement climatique, rayonnement ultraviolet). Les conséquences du dérèglement climatique ont un impact direct sur la santé : la hausse des températures fait évoluer la circulation des moustiques et des maladies que ceux-ci portent, mettant à mal les systèmes de santé. Les déplacements liés au dérèglement climatique exposent les populations à des conditions précaires et à des maladies transmissibles comme la tuberculose ou encore le VIH. Le dérèglement climatique accroît également les vulnérabilités, et les filles et les femmes sont affectées de manière disproportionnée. La résilience des systèmes de santé (conservation des produits de santé et médicaments face à la hausse des températures, enjeux de formation des professionnels de santé) est mise au défi par le changement climatique. En outre, la destruction de l’environnement pose des défis en matière de prévention des pandémies, et implique de prendre des actions pour prévenir le passage d’un virus de l’environnement ou d’un animal à l’humain. Nos systèmes de santé ont aussi un impact sur le climat et l'environnement : fabriquer et transporter des produits de santé émet du dioxyde de carbone (CO2), notamment lorsque ceux-ci consomment beaucoup de plastique. L'enjeu de la transition énergétique est en outre particulièrement crucial quand il s'agit de garantir une énergie fiable et propre pour approvisionner les hôpitaux et centre de santé, par exemple via des panneaux solaires.

Alors que la COP 28 abordera pour la première fois cette année l’interaction entre climat et santé, il est essentiel de croiser les agendas de protection de la santé et de l’environnement de manière systématique, notamment via l’approche « One Health » (« une seule santé »), qui reconnaît l’interdépendance entre environnement, animaux et humains. Si l’AFD a commencé à intégrer une approche « One Health » dans son travail, cette approche doit se systématiser dans nos actions d’aide publique au développement.

Proposition n° 16 : Prendre davantage en compte, dans l’aide en santé, l’impact du changement climatique sur la santé des femmes et des enfants.

 

Proposition n° 17 : Systématiser l’approche « One Health » dans l’aide publique au développement de la France.

3.   Une organisation à repenser

  1.   Des systèmes de santé à renforcer

La santé maternelle et infantile souffre, tout comme les systèmes de santé dans leur ensemble, d’un manque de priorisation vers des actions structurantes, en particulier la formation en nombre suffisant de ressources humaines de santé. On sait que la prévalence de la mortalité maternelle a pour causes principales le manque de ressources humaines qualifiées pour répondre aux complications des grossesses ainsi que les grossesses précoces et non désirées menant à des avortements non sécurisés. Dans les neuf pays Muskoka, par exemple, la densité moyenne des infirmiers et sages-femmes pour 10 000 habitants est de 4,4, soit moins d’un pour 1 000 habitants (contre 11,5 pour 1 000 habitants en France). L’OMS estime à 10 millions, d’ici 2030, la pénurie d’agents de santé dans les pays à bas et moyen revenus. Cette pénurie affectera tout particulièrement l’Afrique subsaharienne. La stratégie française en santé mondiale, qui sera lancée le 12 octobre 2023, sera particulièrement attendue sur ce sujet.

Le renforcement des systèmes de santé implique également une réflexion autour des investissements des pays partenaires dans la santé, ainsi que sur la mobilisation des ressources intérieures. Plusieurs personnes auditionnées, dont les professeurs Martine Audibert et Jacky Mathonnat ainsi que la direction du Trésor ont souligné le manque d’investissements et de dépenses gouvernementales dans les systèmes de santé par les pays partenaires, souvent dû à la faiblesse des ressources intérieures, ainsi que la forte charge financière assumée par les ménages lors des soins. L’assistance à la mise en place d’une couverture sanitaire universelle est déjà une priorité de l’APD française. Elle doit s’accompagner également d’un renforcement des capacités dans la mobilisation des ressources intérieures, telles que l’impôt, pour financer à terme le secteur de la santé.

L’objectif, de ce point de vue, est bien de bâtir une « souveraineté sanitaire » en Afrique, en termes d’infrastructures comme de production d’équipements, de vaccins et de médicaments. Lors de leur audition par la rapporteure pour avis, les organisations non gouvernementales ont fait valoir que 99 % des médicaments utilisés en Afrique provenaient de pays situés hors du continent. Cela concerne aussi la santé des femmes et des enfants, souvent oubliée. Ainsi, les efforts de renforcement de la souveraineté sanitaire ne doivent pas négliger l’accès aux formules pédiatriques des médicaments, aux produits de santé tels que les contraceptifs.

À ce titre, il est urgent de renforcer les efforts de négociation en cours concernant le traité sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies et concernant la révision du règlement sanitaire international de 2005. La négociation d’un texte juste et équitable, notamment en ce qui concerne le partage des bénéfices et le transfert de technologies, doit être une priorité pour la diplomatie française. Le Parlement doit être associé à ce processus, et tenu régulièrement au courant de l’évolution de ces négociations.

Dans ce contexte, la décision du Gouvernement français d’arrêter toute coopération bilatérale avec le Niger, le Mali et le Burkina Faso pose question. S’il est possible de comprendre la volonté de ne pas favoriser des autorités locales arrivées au pouvoir au mépris de la démocratie et le souci de ne pas exposer à des risques la sécurité des ressortissants français, il reste que les premières victimes de cet arrêt de la coopération seront bien les populations civiles. De même, des projets s’étendant sur plusieurs années et ayant mobilisé des investissements coûteux seront paralysés en milieu d’exécution. À tout le moins, cette question aurait mérité des explications et un débat de nature à éclairer le Parlement.

Proposition n° 18 : Œuvrer à la consolidation des systèmes de santé, notamment par la formation de professionnels qualifiés et le renforcement administratif.

 

Proposition n° 19 : Œuvrer à la consolidation des systèmes de santé en renforçant les capacités des partenaires à mobiliser des ressources intérieures, telles que l’impôt, pour financer à terme le secteur de la santé.

 

 

 


 

Proposition n° 20 : Renforcer les efforts de négociation concernant le traité sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies et concernant la révision du règlement sanitaire international de 2005, afin de parvenir à un texte juste et équitable qui permette le renforcement de la souveraineté sanitaire de nos partenaires.

b.   Une coordination des acteurs à améliorer

L’aide en santé souffre enfin d’une coordination insuffisante entre les acteurs.

Une coordination et une mobilisation au sein des acteurs français sont tout d’abord essentielles. Lors de l’audition avec Expertise France, la nécessité d’une architecture claire, intégrant les différents acteurs (MEAE, MEFSIN, agences françaises de santé, groupe AFD, …) a été soulignée. Les enjeux de santé et d’accès aux droits étant particulièrement importants, ceux-ci requièrent la mobilisation de tout l’appareil français et sa coordination. Ceci requiert également une dotation adéquate en ETP, que ce soit au MEAE, au MEFSIN ou à l’AFD, où les auditions ont permis de souligner une forte charge de travail et des moyens qui ne sont pas en adéquation avec les ambitions affichées.

Lors de son audition, le professeur Jacky Mathonnat a souligné que cette coordination était rendue difficile par les intérêts parfois divergents des bailleurs de fonds, des gouvernements locaux, des associations, etc. Au demeurant, ces acteurs apparaissent en nombre excessivement élevé. Dans un rapport consacré à la santé en Afrique, la Banque mondiale a souligné que, au début des années 2010, seuls 150 bailleurs de fonds opéraient localement dans ce domaine alors que, vers la fin des années 2010, ils étaient passés à 250 ([30]).

La France a déjà pris une initiative intéressante en faveur d’une meilleure coordination en créant les « conseils locaux de développement » ([31]) réunissant, sous la supervision de chaque ambassadeur, les services de l’État, les représentants des opérateurs, les organisations de la société civile, les acteurs de la coopération décentralisée, etc. À la fin de l’année 2022, ces conseils avaient déjà été mis en place dans quatorze des dix‑neuf pays prioritaires de la politique française de développement. Cette coordination mériterait d’être amplifiée au vu de la superposition, voire de l’imbrication, de l’engagement des différents acteurs du développement. Il conviendra néanmoins de fournir des garanties permettant le suivi et l’encadrement des évolutions du rôle des ambassadeurs, qui disposent désormais de la possibilité d’ordonner à l’AFD d’instruire un dossier d’APD, mais peuvent également arrêter des projets d’APD en cours.

De manière typique, la rapporteure pour avis a pu observer au Bénin l’action d’ONG locales, soutenues par des ONG internationales ou des agences onusiennes, avec des financements multiples, émanant de l’AFD et d’autres bailleurs. Le moins que l’on puisse dire est que l’aide française y perd non seulement en clarté, mais aussi en visibilité, ce qui est dommageable dans des contextes où la France se voit adresser (parfois à juste titre) de nombreux griefs par les populations, les autorités ou les médias des pays concernés.

Proposition n° 21 : Renforcer la coordination des acteurs en santé maternelle et infantile.

 

Proposition n° 22 : Fournir des garanties permettant le suivi et l’encadrement des évolutions du rôle des ambassadeurs dans l’APD/ISD.

Parmi tous ces acteurs, une place à part doit être faite aux communautés elles‑mêmes. La rapporteure pour avis a pu constater de visu, au Bénin le rôle indispensable joué par les relais communautaires. Qu’il s’agisse de la nutrition, des vaccins ou encore des DSSR, les messages ne peuvent passer et la confiance être instaurée que moyennant l’implication des chefs de villages, des mentors, des femmes, des adolescents et adolescentes, etc.

Proposition n° 23 : Impliquer davantage les populations en privilégiant une approche communautaire.

 

La santé maternelle et infantile au Bénin

Appartenant à la liste des dix‑neuf pays prioritaires de l’aide française au développement et des neuf pays bénéficiaires du Fonds français Muskoka, le Bénin est en même temps un État qui entretient des relations partenariales et d’amitié étroites avec la France. Le Bénin se situe à la 194ème place (sur 228 entités politiques) s’agissant de l’indice de développement humain (IDH), calculé chaque année par le PNUD à partir notamment de l’espérance de vie à la naissance, du niveau d’éducation et du revenu national brut par habitant. Le Bénin a une population très jeune, 42 % des habitants ayant moins de 15 ans et le taux de fécondité des femmes de 15 à 49 ans s’élevant à 4,6 enfants par femme. Le Bénin, avec ses deux saisons pluvieuses et deux saisons sèches au Sud, constitue un pays où le paludisme demeure la principale cause de décès chez les enfants. Il se classe par ailleurs 152ème sur 181 pays en matière de vulnérabilité climatique extrême, avec des inondations fréquentes et l’un des taux d’érosion côtière les plus élevés du golfe de Guinée.

En se rendant au Bénin, la rapporteure pour avis a pu se rendre compte concrètement de l’action en santé menée au plus près du terrain par les acteurs du développement, qu’ils soient internationaux (UNICEF, FNUAP, OMS, CARE ([32]), etc.) ou français (ambassade, AFD, Expertise France, organisations de la société civile, etc.). L’AFD, notamment, est très investie dans le projet « ÉQUITÉ », doté de 11 millions d’euros, qui vise à développer la qualité des soins obstétricaux. L’AFD finance ainsi dans ce cadre, entre autres, la rénovation et les achats de matériel de l’Institut national médico-sanitaire (INMES) de Cotonou.

La rapporteure pour avis a notamment pu observer les résultats obtenus par l’association Ya Tchegbo qui abrite à la campagne des jeunes filles et des jeunes femmes, souvent mères de jeunes enfants et victimes de violences, en général de la part de leur mari ou de leur compagnon. Cette association reçoit un financement de l’ambassade de France au Bénin. Outre la protection qu’elle accorde aux intéressées, elle leur apporte une formation dans différents domaines (coiffure, couture, comptabilité, orthographe, etc.) qui pourra leur permettre, par la suite, de créer leur propre activité. L’association possède par ailleurs un vaste jardin potager qui lui garantit un certain nombre de ressources alimentaires tout en permettant, là aussi, d’occuper et de former les jeunes femmes accueillies. L’association va ouvrir prochainement un centre d’accueil d’urgence pour femmes en danger à Cotonou.

La rapporteure pour avis a pu aussi observer les résultats concrets obtenus par le Fonds français Muskoka dans le département du Zou. Le FFM y agit notamment en faveur de la nutrition des jeunes enfants, sous la supervision de l’UNICEF. La rapporteure pour avis a visité, à cette occasion, la zone sanitaire « Zoboza » (Zogbodomey-Bohiccon-Zakpota), et en particulier une maternité où les femmes sont accompagnées non seulement pour leur accouchement, mais aussi dans la surveillance de la croissance et de la santé des nouveau-nés. La prématurité et le faible poids à la naissance représentent en effet près de 15 % des décès néonataux au Bénin.

Le FFM et l’UNICEF accompagnent aussi l’association Gbewa qui, dans les villages, forme les femmes aux principes d’une nutrition équilibrée des jeunes enfants. Il faut savoir en effet que 31,3 % des enfants de moins de cinq ans, au Bénin, accusent un retard de croissance. Le FFM et l’UNICEF soutiennent encore, dans le même département du Zou, une association qui sensibilise les enfants aux droits et santé sexuels et reproductifs, et notamment à la question des mariages forcés et des grossesses précoces. Le taux de natalité des adolescentes de 15 à 18 ans s’élève en effet à 108 pour 1 000 au Bénin et le mariage avant l’âge de 18 ans touche 31 % des adolescents.

La rapporteure pour avis a encore rencontré, entre autres, l’association Biowa, soutenue par l’AFD et qui œuvre en faveur des DSSR et du renforcement du pouvoir économique des femmes et lutte contre les violences basées sur le genre. Elle insiste ainsi sur l’importance des initiatives de soutien à l’émancipation économique des femmes, qui, selon les retours des concernées, leur ont permis de gagner en reconnaissance au sein de leurs ménages et notamment vis-à-vis de leurs maris et compagnons, mais aussi d’être plus impliquées dans les décisions pour le village.

Elle s’est également rendue à l’Institut de recherche clinique au Bénin (IRCB), situé dans la commune d'Abomey Calavi. Dans cette structure soutenue par le Fonds mondial et appuyée par l’Institut de recherche pour le développement (IRD) travaillent plusieurs chercheurs français, notamment sur des essais portant sur des projets de vaccin contre le paludisme.



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   conclusion

Les crédits de paiement de la mission budgétaire Aide publique au développement connaissent dans le projet de loi de finances pour 2024 une stagnation. Après plusieurs années de croissance régulière, la stagnation de ce montant, qui s’apparente en réalité à une baisse au vu de l’inflation, envoie un signal préoccupant concernant les engagements pris par la France en matière de solidarité internationale. Cette décision, qui résulte d’orientations prises lors du CPD et du CICID, est à rebours des objectifs fixés par la représentation nationale dans la loi de 2021. La rapporteure pour avis recommande donc d’émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission.

Elle réitère les mises en garde formulées au début de cet avis budgétaire. Le choix d’une trajectoire financière inférieure aux prévisions, le report à 2030 de l’objectif d’atteinte de 0,7 % du RNB et la stabilisation des crédits dans un contexte inflationniste constituent autant de signaux d’alerte. Ceux‑ci appellent, de la part de la société civile comme des parlementaires, la plus grande vigilance quant aux décisions qui seront prises par le Gouvernement dans les prochains mois et lors du prochain budget. À cet égard, il est manifeste que le Parlement n’a pas été, au cours des derniers mois, autant associé qu’il aurait dû l’être à la réflexion sur les nouvelles orientations à donner à la politique d’aide au développement. La transmission dès que possible du rapport annuel prévu à l’article 3 de la loi du 4 août 2021 constituerait, de la part du Gouvernement, un signal positif. Plus encore, la mise en place de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, prévue à l’article 12 de la même loi mais toujours en suspens plus de deux ans après l’adoption de celle‑ci, mettrait fin à une anomalie que les députés et les sénateurs ne sauraient admettre.

Proposition n° 24 : Mettre en place la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, prévue à l’article 12 de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

Cette commission d’évaluation pourrait utilement commencer ses travaux en se penchant sur les enjeux de santé maternelle et infantile en Afrique subsaharienne. En effet, si des avancées incontestables ont été enregistrées dans ce domaine, seule une partie du chemin a toutefois été accomplie. Ces pays demeurent très éloignés sur ce point des standards européens et, au rythme actuel, les cibles liées à l’ODD n° 3 seront loin d’être atteintes en 2030. Plus préoccupant encore, les crises politique, sécuritaire, climatique ou encore alimentaire s’amoncellent dans la région. Leur conjonction pourrait non seulement freiner mais faire régresser la situation sanitaire des femmes et des enfants dans les pays concernés et nourrir les violences à leur encontre. C’est pourquoi il est plus impératif que jamais de maintenir et d’amplifier l’engagement de la France au soutien de leur santé et de leurs droits dans toutes ses dimensions.


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   Liste des propositions

 

Proposition  1 : Garantir que l’APD soit allouée et maintenue en fonction des objectifs de développement, et non en fonction des aléas géopolitiques. Fournir des garanties.

Proposition n° 2 : Clarifier les critères permettant de déterminer la liste des pays vulnérables et fragiles budgétairement, ainsi que leur incidence sur l’allocation des fonds APD.

Proposition n° 3 : Revenir dès que possible à un objectif d’atteinte de 0,7 % du revenu national brut (RNB) consacré à l’APD antérieur à 2030.

Proposition n° 4 : Dégager de nouvelles ressources en faveur de la solidarité internationale en s’appuyant sur la taxe sur les transactions financières (TTF).

Proposition n° 5 : Informer régulièrement le Parlement sur l’état d’avancement des procédures judiciaires à même d’abonder le programme 370 sur la restitution des « biens mal acquis ».

Proposition n° 6 : Développer une stratégie pour la déclinaison concrète des droits de l’enfant dans la politique de coopération et de solidarité internationale, fixant des objectifs et principes clairs, et basée sur une approche holistique et transversale.

Proposition n° 7 : Améliorer la collecte de statistiques concernant la mortalité maternelle.

Proposition n° 8 : Consacrer au moins 50 % de l’aide au développement en faveur des services sociaux de base, notamment la santé, l’éducation, l’eau, assainissement et hygiène (EAH) et la protection sociale.

Proposition n° 9 : Créer un poste d’ambassadrice dédiée à la diplomatie féministe.

Proposition n° 10 : Accélérer les efforts pour atteindre en 2025, conformément à la loi de 2021, les objectifs d’APD genrée, c’est-à-dire 75 % de projets APD marqués 1 et 2, dont 20 % de projets marqués 2.

Proposition n° 11 : Renforcer et pérenniser le FSOF. Permettre aux petites ONG d’accéder aux financements du FSOF. Protéger les bénéficiaires des pressions. Faciliter l’accès aux visas pour les activistes des organisations récipiendaires.

Proposition n° 12 : Augmenter les financements APD transitant par les organisations de société civile, conformément aux objectifs de la loi de 2021 et en vue d’atteindre la moyenne des pays de l’OCDE.

Proposition n° 13 : Doubler les financements alloués annuellement au Fonds français Muskoka.

Proposition n° 14 : Lier la lutte contre les violences faites aux femmes à la politique d’aide en santé maternelle et infantile.

Proposition n° 15 : Adosser l’une à l’autre la politique de sécurité alimentaire et nutritionnelle et l’aide en santé maternelle et infantile.

Proposition n° 16 : Prendre davantage en compte, dans l’aide en santé, l’impact du changement climatique sur la santé des femmes et des enfants.

Proposition n° 17 : Systématiser l’approche « One Health » dans l’aide publique au développement de la France

Proposition n° 18 : Œuvrer à la consolidation des systèmes de santé, notamment par la formation de professionnels qualifiés et le renforcement administratif.

Proposition n° 19 : Œuvrer à la consolidation des systèmes de santé en renforçant les capacités des partenaires à mobiliser des ressources intérieures, telles que l’impôt, pour financer à terme le secteur de la santé.

Proposition n° 20 : Renforcer les efforts de négociation concernant le traité sur la prévention, la préparation et la riposte face aux pandémies et concernant la révision du règlement sanitaire international de 2005, afin de parvenir à un texte juste et équitable qui permette le renforcement de la souveraineté sanitaire de nos partenaires.

Proposition n° 21 : Renforcer la coordination des acteurs en santé maternelle et infantile.

Proposition n° 22 : Fournir des garanties permettant le suivi et l’encadrement des évolutions du rôle des ambassadeurs dans l’APD/ISD.

Proposition n° 23 : Impliquer davantage les populations en privilégiant une approche communautaire.

Proposition n° 24 : Mettre en place la commission d’évaluation de l’aide publique au développement, prévue à l’article 12 de la loi du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales.

 


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   Travaux en commission

Au cours de sa réunion du mercredi 11 octobre 2023, la commission examine le présent avis budgétaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les montants inscrits dans le projet de loi de finances pour 2024 au titre de la mission Aide publique au développement (APD) s’élèvent à 5,9 milliards d’euros au total en crédits de paiement. Dans cette enveloppe, les dotations inscrites dans le programme 209, plus particulièrement piloté par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, s’établissent à 3,3 milliards, c’est-à-dire à un niveau équivalent à celui de l’exercice budgétaire en cours.

Vous avez choisi, Madame la rapporteure pour avis, de consacrer la partie thématique de vos travaux à la question de la santé, plus particulièrement sous l’angle de la santé maternelle et infantile et de la santé des femmes dans les pays prioritaires de l’aide au développement de l’Afrique subsaharienne. Il s’agit en effet d’un sujet majeur.

Depuis les années 2000, la lutte contre la mortalité maternelle et infantile est l’une des priorités internationales en santé, comme en témoigne son inscription parmi les objectifs du millénaire pour le développement.

La France a pris un rôle majeur dans cette lutte, mais beaucoup reste à faire. En effet, si le taux mondial de mortalité maternelle s’est réduit de 34 % entre 2000 et 2020, passant de 342 à 223 décès pour 100 000 naissances, nous restons encore loin de l’objectif de 70 décès maternels pour 100 000 naissances – je ne sais d’ailleurs pas pourquoi l’objectif a été fixé à ce chiffre. À cet égard, le taux de mortalité maternelle reste critique dans certains pays comme le Tchad, le Soudan ou, évidemment, la République démocratique du Congo.

De même, si d’indéniables progrès ont été enregistrés pour ce qui concerne la mortalité des enfants de moins de 5 ans, qui a diminué de moitié depuis le début du siècle, cinquante-quatre pays n’atteindront malheureusement pas la cible de mortalité infanto-juvénile fixée dans les objectifs de développement durable : les estimations mondiales projettent même 30 millions de décès supplémentaires de femmes et d’enfants d’ici à 2030.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Au moment de vous présenter les crédits de la mission Aide publique au développement, je tiens à remercier l’ensemble des personnes auditionnées, en France ou au Bénin, pour leur disponibilité et leur engagement.

Alors que les besoins de développement sont au plus haut et que nos sociétés sont toujours plus interdépendantes, la France se doit d’incarner la solidarité et de porter un engagement fort pour le développement. L’horizon 2030 et ses objectifs de développement durable se rapprochent et, malgré les progrès accomplis, nous sommes encore loin des objectifs fixés. J’ai décidé de consacrer la partie thématique de mon rapport à la santé maternelle et infantile, ainsi qu’aux droits et santé sexuels et reproductifs (DSSR). Le message clé de mon rapport est que la France doit amplifier et accélérer son engagement.

La mission APD est composée de deux programmes principaux, le programme 110 Aide économique et financière au développement, mis en œuvre par le ministère de l’économie et des finances, et le programme 209 Solidarité à l’égard des pays en développement, piloté par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères.

Dans le projet de loi de finances pour 2024, les crédits de paiement cumulés de ces deux programmes s’élèvent à 5,9 milliards d’euros, montant en stagnation par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Les crédits de paiement du programme 110 se maintiennent. La France empruntant plus cher sur les marchés et devant maintenir des taux d’intérêt suffisamment concessionnels pour ses prêts, on note toutefois une forte augmentation des crédits de paiement pour l’aide bilatérale. Si l’intention est louable, cette évolution doit nous pousser à nous interroger sur la place que les prêts occupent dans notre APD. Le traitement de la dette doit aussi rester une priorité.

Les crédits de paiement du programme 209 sont également en stagnation. Malgré une augmentation des fonds pour l’aide humanitaire et le relèvement de la coopération bilatérale, les autorisations d’engagement baissent de manière préoccupante.

Pour la première fois, des crédits de 6,1 millions d’euros sont inscrits au programme 370 Restitution des « biens mal acquis ».

Les crédits de la mission APD sont complétés par les recettes du fonds de solidarité pour le développement, à hauteur de 738 millions d’euros, dont 528 millions proviennent de la taxe sur les transactions financières (TTF). Afin de dégager de nouvelles ressources en faveur de la solidarité internationale, et alors que les recettes de la TTF ont fortement augmenté, je recommande un relèvement de son plafond, ainsi qu’un élargissement de son assiette et un relèvement de son taux.

Ce projet de loi de finances s’inscrit dans un contexte particulier, après le conseil présidentiel du développement, le Sommet pour un nouveau pacte financier mondial et le comité interministériel de la coopération internationale et du développement (CICID). Plusieurs signaux me poussent à émettre une alerte. Le premier est la revue à la baisse des aspirations. En effet, voilà un an, le Gouvernement imaginait pour 2024 des crédits de paiement à hauteur de 6,25 milliards d’euros. Ensuite, la stagnation des crédits cette année équivaut, dans un contexte d’inflation, à une baisse des fonds. Enfin, le report de 2025 à 2030 de l’échéance pour atteindre le taux de 0,7 % du revenu national brut (RNB) consacré à l’APD est un recul sans précédent, qui représente un manque à gagner de 10,9 milliards d’euros pour le développement international. J’invite ainsi le Gouvernement à reconsidérer d’urgence ce report et vous encourage à voter les amendements rétablissant une cible plus rapprochée.

Un autre changement préoccupant est la mise à l’écart du Parlement par le Gouvernement pour ce qui concerne l’APD. La commission d’évaluation prévue par la loi de 2021 se fait toujours attendre et le Parlement n’a pas été associé à la préparation du CICID, qui a pourtant apporté des changements majeurs : outre le report de l’objectif de 0,7 %, l’abandon de la liste des dix-neuf pays prioritaires et du focus sur l’Afrique. Dans un contexte de tensions géopolitiques avec plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, ce changement est un signal d’alerte quant au risque que des fonds puissent être redirigés de certains pays bénéficiaires vers d’autres, non sur la base d’objectifs de développement mais dans une logique d’intérêts et d’influence.

Je m’interroge également sur la valeur sémantique du passage d’une politique d’aide publique au développement à une « politique d’investissement solidaire et durable », conçue de manière transactionnelle. Nos boussoles doivent être les besoins des populations en matière de développement et la protection des biens communs. Tous ces signaux négatifs me poussent à émettre un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission.

J’en viens à la santé maternelle et infantile et aux droits et santé sexuels et reproductifs. Au cours des deux dernières décennies, nous avons pu constater une vraie prise de conscience sur ces questions aux niveaux tant international que national. Cela s’est traduit par des progrès avec, en Afrique subsaharienne, une réduction de 34 % de la mortalité maternelle et une baisse de 50 % de la mortalité des enfants de moins de 5 ans. La France a sa part dans ces progrès, et cela doit être souligné, mais elle peut faire bien plus encore. En effet, en raison de son important recours aux prêts, la France n’investit que 18 % de son APD totale dans les services sociaux de base, la santé ne représentant que 8 %. Ces services sont pourtant essentiels à l’exercice des droits fondamentaux. Je recommande donc d’y consacrer au moins 50 % de notre APD.

Vous trouverez dans mon avis budgétaire un résumé des engagements de la France dans le secteur de la santé maternelle et infantile. J’insisterai sur un instrument : le Fonds français Muskoka, qui agit depuis 2011 dans neuf pays d’Afrique de l’Ouest et centrale. Mis en œuvre par l’Agence française de développement (AFD), coordonnant quatre agences onusiennes et co-construit avec les partenaires, le Fonds Muskoka accomplit un travail remarquable sur le terrain. Il reste néanmoins sous-doté au regard des besoins qui se manifestent dans la région.

On ne peut évoquer la santé maternelle et infantile sans parler des droits et santé sexuels et reproductifs. La poursuite par la France, depuis quelques années, d’une approche fondée sur les droits est une évolution positive. Il faut maintenant y mettre les moyens, en dotant la diplomatie féministe d’un pilotage et de moyens adéquats, en renforçant notre APD genrée ou en augmentant notre soutien aux organisations de la société civile et aux organisations féministes.

Si de grandes avancées ont été réalisées, ces progrès se sont toutefois nettement ralentis au cours des dernières années. Les indices de santé en Afrique subsaharienne restent les plus critiques au monde. La région concentre ainsi 70 % des décès maternels et 56 % des décès d’enfants de moins de 5 ans. Le cancer du col de l’utérus représente un autre risque majeur. La persistance des discriminations et des violences sexistes et sexuelles, ainsi que la montée des mouvements anti-droits, représente également une menace. La crise de la Covid, les effets de la guerre en Ukraine, dont l’inflation, et la multiplication des crises sécuritaires, économiques, sanitaires, alimentaires et climatiques pourraient conduire non seulement à un ralentissement des progrès, mais aussi à une régression, les femmes et les enfants y étant particulièrement vulnérables.

Le combat pour la santé maternelle et infantile est donc loin d’être achevé. Il est plus impératif que jamais de maintenir et d’amplifier l’engagement de la France dans ce domaine. J’esquisse dans mon avis plusieurs pistes pour renforcer et améliorer notre aide : consolider les systèmes de santé locaux en formant beaucoup plus de professionnels qualifiés, aider les partenaires à mobiliser des ressources intérieures, construire et renforcer la souveraineté sanitaire de l’Afrique. J’invite aussi à rationaliser et à coordonner l’intervention des très nombreux acteurs du développement dans ce secteur. Enfin, il me paraît fondamental de nous appuyer plus que jamais sur les communautés locales.

Face au danger, nous pouvons et nous devons faire mieux.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Nicolas Metzdorf (RE). Ces derniers mois ont été marqués par des événements internationaux de grande envergure : l’intensification de la guerre en Ukraine, l’offensive militaire de l’Azerbaïdjan dans le Haut-Karabagh, les coups d’État en Afrique, les tensions croissantes en mer de Chine avec Taïwan et, enfin, les récents actes terroristes contre nos amis Israéliens. Tous ces événements nous rappellent l’impératif de renforcer la diplomatie française pour relever les défis à venir.

Nous saluons les moyens affectés au programme 209, qui demeurent stables, à 3,2 milliards d’euros en 2024, ce qui fait de la France le quatrième plus important bailleur d’aide publique au développement dans le monde, comme l’a souligné hier la ministre de l’Europe et des affaires étrangères. La priorité du PLF pour 2023 était claire : renforcer et moderniser l’aide publique au développement. Celle du PLF pour 2024 est de poursuivre nos efforts pour atteindre nos objectifs.

Après avoir réussi à consacrer 0,5 % du revenu national brut à l’aide publique au développement, conformément à la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales, qui date du 4 août 2021, nous nous fixons pour les années à venir l’objectif ambitieux d’atteindre 0,7 %. Cet engagement, soutenu par le président de la République, est clair et sera atteint. Il a renforcé la position de la France en tant qu’acteur majeur du développement à l’échelle internationale. Nous devons reconnaître que les pays les plus vulnérables sont souvent les plus touchés par les crises. Il est donc impératif de les soutenir, afin que ces crises ne s’étendent pas à l’échelle mondiale et ne nous touchent pas à notre tour. Nous ne saurions sous-estimer les conséquences pour la France des bouleversements en cours. Il apparaît donc essentiel de poursuivre le réarmement de notre diplomatie dans un environnement de plus en plus brutal.

En votant en faveur de l’adoption de ces crédits, nous doterons la France des moyens nécessaires pour étendre l’influence de sa diplomatie. C’est ce que le groupe Renaissance fera.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Je souscris à la nécessité de renforcer notre diplomatie. C’est ce que je défends dans mon rapport.

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Ayant été moi-même rapporteure pour avis sur les crédits de cette mission budgétaire l’année dernière, je sais que le sujet est passionnant.

Les crédits de paiement alloués à la solidarité internationale stagnent, ce qui va à l’encontre de la loi d’orientation et de programmation adoptée à l’unanimité voilà deux ans. Cette situation est alarmante, compte tenu des besoins criants qui se manifestent dans les pays les plus défavorisés.

Vous évoquez à ce titre les carences de l’aide publique au développement française en matière de santé maternelle et infantile. En réalité, c’est l’ensemble de l’accès à la santé qui semble lésé par la politique du Gouvernement. Les sommes allouées au renforcement des systèmes de santé ont ainsi diminué, revenant à des montants pré-Covid, comme indiqué à la page 69 du projet annuel de performances qui a été transmis récemment. Il y a là plusieurs centaines de millions d’euros en moins. Cette décision est incompréhensible alors qu’il est de notre responsabilité d’augmenter les ressources pour renforcer les systèmes de santé à travers le monde et nous préparer à gérer les prochaines pandémies, qui sont inéluctables.

Les questions de santé mondiale ne devraient-elles pas faire l’objet de discussions multilatérales plus régulières et voir leurs budgets sanctuarisés ? Cela permettrait de réaliser une sorte de planification et de fixer une feuille de route cohérente face à des enjeux qui concernent l’ensemble des nations, les frontières n’étant pas étanches aux pandémies.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Je ne peux que souscrire à vos propos, qui vont dans le sens de mon rapport. Dans un contexte d’inflation, la stagnation est en réalité une régression. La santé ne représente que 8 % de l’APD française et les questions de santé mondiale doivent absolument être discutées plus régulièrement. Il s’agit là d’un enjeu majeur, qui touche également aux questions du climat et des conflits. Il est donc essentiel que nous nous réunissions plus régulièrement à l’échelle internationale sur ces questions. Il convient également de développer les aides multilatérales en ce sens.

Mme Michèle Tabarot (LR). Madame la rapporteure pour avis, si nous souscrivons à certains de vos constats, nous sommes, en revanche, en désaccord avec plusieurs de vos propositions. C’est notamment le cas pour votre souhait de ne pas prendre en compte les évolutions géopolitiques dans le maintien des aides. Notre groupe soutient la décision de la France d’arrêter les coopérations avec le Niger, le Mali et le Burkina Faso, parce que nous n’avons pas à aider des putschistes. Nous réclamons aussi la suspension immédiate des aides au développement en direction des territoires palestiniens, du moins tant que nous n’aurons pas la certitude qu’elles ne servent pas à financer les crimes barbares des terroristes du Hamas. Nous restons ainsi fidèles aux convictions de notre groupe, de même qu’en demandant que les aides soient subordonnées à la délivrance de laissez-passer consulaires par les pays cibles.

Nous devons, par ailleurs, nous interroger sur les résultats de l’aide au développement. La France, quatrième bailleur mondial d’aide publique au développement, est aujourd’hui affaiblie sur la scène internationale, notamment en Afrique. Nos erreurs sont multiples. Sur le plan stratégique, le pilotage politique est quasiment inexistant. L’AFD s’autogère et son action est déconnectée de notre diplomatie d’influence. En termes de mise en œuvre, nos aides ne sont pas assez efficaces. Vous constatez également, Madame la rapporteure pour avis, que les projets de l’Agence sont dilués dans des projets soutenus par de nombreux autres acteurs et ne touchent pas directement les populations. Je soutiens d’ailleurs un vrai renforcement des moyens mis à disposition des ambassades pour soutenir directement des projets de proximité qui ont une incidence sur la société civile. Nous devons également mieux communiquer sur nos actions, comme le font nos compétiteurs.

Ainsi, le groupe Les Républicains prend acte de l’évolution positive des crédits de l’aide publique au développement. Cependant, vous avez entendu nos nombreuses questions sur l’efficacité de ces aides et leur visibilité. Dans l’attente de réponses, notre groupe fait aujourd’hui le choix de s’abstenir sur les crédits budgétaires de cette mission.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Je souscris à vos remarques relatives à la visibilité et à la transparence, notamment pour ce qui concerne la façon dont l’AFD mène ses projets, avec l’intervention de multiples acteurs dans le domaine du développement et de la solidarité internationale, comme je l’indique dans le rapport et comme cela ressort des auditions auxquelles j’ai procédé.

Vous ne serez toutefois pas surprise que je ne sois pas en accord avec la première partie de votre intervention. Comme je l’ai indiqué hier lors de l’audition de Mme la ministre Colonna, il convient de maintenir les aides multilatérales dans les pays en proie à des conflits car elles bénéficient à la population : il ne s’agit pas de financer les putschistes ! Une suspension des aides n’infléchira pas les positions des élites mais c’est la population qui en paiera le prix.

Pour ce qui est de la perception de la France, ce n’est pas notre peuple qui est montré du doigt mais la ligne politique de la diplomatie française. Nous devons donc maintenir ces aides pour ne pas abîmer plus encore le regard porté sur notre pays.

M. Frédéric Petit (Dem). En tant qu’administrateur de l’AFD, mes observations porteront sur les finances et la gouvernance.

Pour ce qui est des finances, il est un peu réducteur de ne considérer que les crédits de paiement lorsqu’il est question d’actions pluriannuelles. Le vrai signe politique est de donner une autorisation d’engagement : ensuite, les paiements sont simplement effectués ou suspendus en fonction du contrôle que nous exerçons.

Quant à l’assertion selon laquelle l’AFD serait autogérée je rappelle que notre commission est représentée par quatre de nos collègues à son conseil d’administration. Et je vous assure que, lorsque nous siégeons à ce conseil, l’Agence n’est pas autogérée.

Il me semble en outre que votre interprétation de la loi de 2021 est quelque peu réductrice. Cette loi n’est pas seulement une projection dans l’avenir mais une réforme de la gouvernance et du pilotage de multiples actions cohérentes. Certains des indicateurs que nous utilisons n’ont que deux ans et il faut laisser à ces institutions assez importantes le temps de se mettre en place. Ainsi, vous critiquez la suppression de la liste des pays prioritaires et prenez par ailleurs l’exemple du Fonds Muskoka. Mais nous aurions aujourd’hui les plus grandes difficultés à y recourir pour un pays qui ne ferait pas partie de la liste, alors que nous pouvons le faire en adoptant la notion bien moins rigide de pays vulnérables.

Enfin, le fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) est un magnifique outil de contrôle donné aux ambassades et dont elles doivent se saisir.

Le groupe Démocrate soutiendra ce budget.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Les autorisations d’engagement du programme 209 sont en forte baisse. Je rappelle aussi qu’il est nécessaire d’avoir le rapport d’évaluation prévu par la loi de 2021. Cela nous permettrait d’aller plus loin dans nos échanges.

M. Guillaume Garot (SOC). Nous partageons bien des constats faits par notre rapporteure pour avis et nous voterons également contre les crédits de cette mission.

Depuis un an, nous faisons part de nos interrogations sur la trajectoire financière de l’aide publique au développement, qui s’éloigne de plus en plus de l’objectif, inscrit dans la loi du 4 août 2021, de 0,7 % du RNB, que l’on devait atteindre d’ici à 2025. Nos inquiétudes étaient fondées puisque le CICID a fait savoir, au creux de l’été, le 1er août dernier, que la cible est passée de 2025 à 2030. Cela veut dire que le Gouvernement s’assoit sur ce qu’a décidé souverainement le Parlement. C’est non seulement une déception mais aussi un camouflet pour les parlementaires que nous sommes.

Vous me direz qu’il ne s’agissait pas d’un objectif juridiquement contraignant : ce n’était pas pour autant à la convenance du Gouvernement. Il faut revenir à la raison. Comme notre rapporteure pour avis l’a dit, avec un report à 2030, ce sont 10 milliards qui vont manquer au développement international. Je m’étonne de voir le Gouvernement, d’habitude si orthodoxe en matière d’ambitions budgétaires, devenir très dilettante dans ce domaine.

En conclusion, quelles sont les perspectives de l’APD au Sahel dans le contexte actuel ?

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. S’agissant du report de l’objectif de 0,7 %, je ne peux que vous rejoindre.

L’aide publique au développement au Sahel est une grande question, complexe et qui ne dépend pas uniquement de la France. J’estime néanmoins, je l’ai dit, qu’il faut tenter de maintenir autant que possible l’aide aux populations afin d’éviter d’accroître les situations de crise, notamment pour les femmes et les enfants, qui sont les plus vulnérables dans ces moments-là.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous avez souligné à juste titre que la commission d’évaluation de l’APD prévue par la loi du 4 août 2021 n’avait toujours pas vu le jour. Je tiens à dire que ce n’est pas faute d’action de notre part. Je suis en négociation assez constante avec Mme la première ministre : c’est une affaire qui relève d’elle au premier chef, puisqu’elle intéresse à la fois Bercy et le Quai d’Orsay. Je pense que cela progresse mais nous restons tout à fait déterminés à examiner la proposition de loi que j’ai déposée à ce sujet, déjà largement signée par les différents groupes, si le problème n’était pas rapidement réglé. L’enjeu est simple : le décret n’est pas conforme à la loi. Nous ne lâcherons donc pas la main. Le calendrier législatif ne nous permettrait pas d’examiner la proposition de loi avant décembre, mais nous veillerions à ce qu’elle soit inscrite à l’ordre du jour faute d’avancées suffisantes, le cas échéant.

S’agissant du CICID, j’ai été très choqué par les conditions estivales, et discrètes, dans lesquelles les décisions ont été prises. L’indication qui figure dans la loi de 2021 n’est pas un objectif contraignant, en effet, mais elle a été décidée en commission mixte paritaire, par l’Assemblée nationale et le Sénat. À partir du moment où le Gouvernement a décidé de s’en écarter, le moins qu’il pouvait faire était de nous rendre compte de ses raisons, afin qu’un débat ait lieu. Cela n’a pas été possible parce que la décision a été prise en plein été et que le mois de septembre a débuté dans les conditions que vous savez. Mais la question, vous avez eu raison de le souligner, doit être posée au Gouvernement dans des termes très clairs. On ne peut pas changer de cap sans crier gare quand les montants en jeu sont aussi importants.

M. Xavier Batut (HOR). La mission Aide publique au développement revêt une importance particulière pour notre pays : elle concrétise notre engagement en matière de solidarité internationale et renouvelle notre détermination à jouer un rôle actif dans la lutte contre les inégalités mondiales.

Le groupe Horizons et apparentés salue le choix de la stabilité qui prévaut pour ce budget. Cette stabilité permet à notre pays de conserver sa position de quatrième bailleur mondial en matière d’aide publique au développement et de réaffirmer son engagement en matière de solidarité internationale. Cela nous offre également une base solide pour entreprendre la nécessaire transformation de notre politique de développement, afin de prendre en compte les conclusions du Sommet pour un nouveau pacte financier mondial et l’évolution qui fait suite à la redéfinition de nos partenariats en Afrique.

Afin d’assurer une plus grande flexibilité et de mieux cibler nos aides, nous soutenons l’idée d’un remplacement de la liste des dix-neuf pays prioritaires par un indicateur prenant en compte la part des efforts bilatéraux pour les pays les moins avancés et les plus vulnérables aux conséquences du changement climatique. Cela permettra une utilisation plus efficace des aides et une meilleure adaptation aux besoins.

Nous tenons également à exprimer notre soutien aux objectifs fixés lors de la dernière réunion du CICID, en juillet : accélérer la sortie du charbon, protéger les forêts et la biodiversité, investir dans la jeunesse, la santé, les infrastructures stratégiques, les droits humains et la lutte contre l’immigration irrégulière sont des priorités essentielles pour une politique de développement responsable.

Dans cet esprit, nous accueillons favorablement l’engagement de faire chaque année le point, au niveau des ministres concernés, sur l’atteinte de nos objectifs. Nous pensons que la transparence et la responsabilité sont capitales si l’on veut orienter au mieux la politique de développement. Le Parlement a un rôle à jouer à cet égard et c’est pourquoi nous aimerions voir les parlementaires pleinement associés au point annuel qui sera fait, par le biais de la commission d’évaluation de l’aide publique au développement ou de la commission des affaires étrangères.

Convaincu de l’importance de cette mission budgétaire et de son rôle dans la construction d’un monde plus équitable, plus durable et plus sûr pour tous, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur des crédits de la mission.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. La stabilité dont vous parlez est en fait une stagnation, voire une réduction des crédits, comme je l’ai dit.

Le passage à 50 % d’aide pour les pays les moins avancés (PMA) est un signe essentiel, qui est réclamé par les organisations non gouvernementales (ONG). Ce que je demande, c’est de la clarté concernant la définition des pays vulnérables. Il est très important de ne pas abandonner notre engagement en Afrique.

Je vous rejoins en ce qui concerne la transparence, qui commence, entre le Gouvernement et le Parlement, avec la commission d’évaluation dont nous attendons patiemment la création.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Nous sommes réunis pour parler de l’aide publique au développement dans une conjoncture mondiale où les inégalités sont plus fortes que jamais, ce qui nécessite une réflexion profonde de notre part. Nous avons certes consolidé depuis 2017 notre engagement en matière d’aide au développement mais les défis se sont multipliés depuis. L’extrême pauvreté est en augmentation – c’est une première depuis les années 1990 – et, pour la deuxième année de suite, l’indicateur de développement humain est en régression. Tout cela appelle des actions majeures.

Comme Guillaume Garot l’a rappelé, le budget de l’aide publique au développement demeure stable dans ce projet de loi de finances, alors que nous avions pris en 2021 l’engagement, gravé dans la loi, d’y consacrer 0,7 % du RNB en 2025. Nous n’en sommes qu’à 0,56 % et la cible a été repoussée à 2030, ce qui représente une perte de 11 milliards d’euros pour l’aide au développement, ce qui est quand même dramatique.

Par ailleurs, seuls 18 % de notre aide au développement sont consacrés aux services sociaux de base : nous devons aussi nous interroger sur ce point.

S’agissant des recettes, la taxe sur les transactions financières est effectivement un outil très important. Il faudrait en porter le taux de 0,3 % à 0,5 % : ce serait une manière de trouver les milliards manquants. Je rappelle que cette taxe porte uniquement sur les transferts d’actions des grandes entreprises, dont la capitalisation boursière dépasse 1 milliard d’euros : cela concerne 147 entreprises en 2022, dont les superprofits n’ont par ailleurs pas été taxés. Le Royaume-Uni l’a fait : il a fait passer son taux à 0,5 % ; je ne crois pas, pourtant, que la City soit spécialement mauvaise en matière boursière. Réfléchissons-y.

Enfin, je regrette que l’aide au développement soit de plus en plus instrumentalisée sur le plan politique. Les populations du Sahel ont besoin de nous. La suspension ou la coupure des aides n’est pas une bonne chose. Je n’ai pas été très heureux d’entendre que la France n’avait pas beaucoup poussé, en Europe, pour la préservation de l’aide au développement pour les Palestiniens : la catastrophe humanitaire en cours nécessite qu’elle soit maintenue. Je mets en garde contre la politisation de l’aide au développement. Elle est faite pour les peuples, pas pour les gouvernements, qu’ils soient criminels ou pas.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Je vous rejoins pour l’essentiel. La régression de l’indicateur de développement humain pour la deuxième année de suite est effectivement un signal d’alarme majeur, d’où le fait que je ne sois pas satisfaite du budget pour 2024 : la réduction de nos engagements, dans ce contexte, est un contresens.

Je suis, par ailleurs, favorable au relèvement du taux de la TTF. Des amendements ont été déposés en ce sens. Je partage aussi votre regret en ce qui concerne l’instrumentalisation et la politisation de l’APD.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Je ne sais pas comment le vivent les collègues des groupes Renaissance, Démocrate et Horizons, mais la décision prise cet été par le CICID au sujet de la loi de programmation de l’aide au développement me scandalise. C’est faire preuve d’irrespect pour notre travail, pour notre réflexion et pour les garanties qui nous ont été données. Le ministre des affaires étrangères d’alors avait déclaré, la main sur le cœur, qu’on respecterait la trajectoire. Si on nous avait dit que c’était à géométrie variable, qu’il y aurait une renégociation ou que ce serait entre les mains du CICID, nous aurions tous demandé à quoi une loi servait ! On a un peu craché sur le Parlement, et je pèse mes mots. Notre commission, qui est celle qui a examiné le texte, doit réagir avec force. Il faut dénoncer ce qui s’est passé.

S’agissant des peuples du Niger ou du Mali, la réponse de la ministre hier comportait des nuances : on maintient l’aide humanitaire, si j’ai bien compris, mais pour quels montants ? Pourquoi ne transforme-t-on pas les crédits prévus pour l’aide au développement dans ces pays en crédits d’aide humanitaire ? On ne nous a pas expliqué, lorsque nous avons voté la loi de programmation, qu’il existait une enveloppe pour chaque pays et que si une aide n’était plus attribuée, les crédits diminuaient. Pourtant, l’objectif de 0,7 % concerne les sommes disponibles. Je présume qu’on ne répond pas à toutes les demandes, faute d’argent : dès lors, si un pays voit son aide annulée, on peut la répartir au bénéfice d’autres pays. Au nom de quoi réduit-on l’enveloppe ? C’est complètement débile. Il faut dire avec force que nous ne pouvons pas l’accepter.

S’agissant de l’accueil des étudiants, qui a aussi été évoqué par la ministre, et du travail mené dans le domaine culturel, ce sont précisément des politiques qui peuvent contribuer à changer les choses dans des pays qui connaissent une dictature militaire.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Je n’ai pas grand-chose à ajouter. Je suis également ravie des remarques de notre président au sujet du manque de respect qu’a marqué le CICID pour le travail du Parlement.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La chronologie ne nous a pas permis, jusqu’à présent, de traiter cette question comme il faut, c’est-à-dire au centre d’un débat. Il n’est pas du tout normal que de telles décisions aient été prises dans ces conditions.

Nous en venons aux questions individuelles des députés.

Mme Mireille Clapot (RE). Madame la rapporteure pour avis, il faut s’efforcer de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide. Oui, certains signaux sont déplaisants, comme le report à 2030 de l’objectif de 0,7 % du RNB, bien que je ne sois pas une fétichiste de ce critère, ou la faible association du Parlement. Même si je salue la présence active de nos collègues Eléonore Caroit et Frédéric Petit au sein du conseil d’administration de l’AFD, où est la commission d’évaluation de l’APD promise ? Je nous appelle collectivement à exiger une évaluation de la loi de 2021 et à nous saisir de façon proactive de la prochaine loi de programmation.

En ce qui concerne le Fonds français Muskoka, qui œuvre en faveur de la santé maternelle et infantile, vous pointez une sous-dotation, alors que la France est censée avoir une diplomatie féministe. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Enfin, il ne faut pas arrêter l’aide aux populations dans les zones de conflit : ce serait une punition collective et contre-productive.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Oui, je vois le verre à moitié vide, même si je suis d’habitude plutôt optimiste. Nous devons être à la hauteur de l’enjeu, qui est considérable. Il est question de la vie de populations.

Le Fonds Muskoka est un outil très intéressant et qui fonctionne, comme j’ai pu le constater au Bénin. Il y a des manques, parce que les besoins augmentent toujours, même si des progrès ont eu lieu. Afin que la trajectoire reste positive, il faut plus de moyens, notamment pour la formation des professionnels et les structures.

Mme Amélia Lakrafi (RE). Ayant été membre du conseil d’administration de l’AFD pendant cinq ans et représentant une circonscription qui comprend une large partie de l’Afrique, je suis particulièrement sensible à la question de notre aide publique au développement, y compris à sa visibilité.

Il faut rappeler à quel point notre APD a progressé ces dernières années, sous l’impulsion du président de la République. Elle est passée de 10 milliards d’euros en 2017 à 15,3 milliards en 2022. Notre engagement en faveur de la réduction de la pauvreté dans le monde est très clair : il convient de le saluer, même si des questions se posent en matière de décaissement – ce qui s’est passé dans la zone sahélienne y contribue beaucoup.

Vous avez évoqué dans votre rapport les projets menés par des ONG et qui sont financés, mais pour partie seulement, par la France, situation qui ne permet pas aux autorités et aux populations locales d’identifier la contribution de notre pays. Il me semble important que nos agences gagnent en visibilité sur le terrain et favorisent des projets en prise directe avec les populations locales.

Je souligne enfin l’effort réalisé pour le volontariat international d’échange et de solidarité, qui permet à nos jeunes d’exercer des missions à l’étranger auprès des milieux associatifs. Les 3 000 nouveaux postes prévus sont importants.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. J’ai salué les progrès accomplis par la France en matière d’aide publique au développement au cours des dernières années. Néanmoins, la stagnation qui se dessine n’est pas un bon signe pour l’avenir. La France peut se targuer d’être le quatrième bailleur mondial mais les projections nous font craindre une régression dans le classement. C’est pourquoi j’ai lancé une alerte.

M. Michel Herbillon (LR). Le CICID qui s’est déroulé dernièrement, dans les conditions qui ont été rappelées, a acté dans le dos du Parlement la suppression de la liste des dix-neuf pays prioritaires, qui doit être remplacée par une concentration, à hauteur de 50 %, de l’effort financier bilatéral de l’État sur les pays les moins avancés et les pays les plus vulnérables aux conséquences des dérèglements climatiques. Pouvez-vous préciser les contours de ce nouvel indicateur, qui est peu clair, et nous indiquer précisément de quelle manière l’APD deviendra un outil politique efficace au service des intérêts de la France ?

La question qui se pose, en effet, est celle de notre stratégie politique en matière d’aide au développement. Il conviendrait que notre commission aborde ce sujet central en présence des ministres et des personnes concernées. Cela fait de nombreux mois, pour ne pas dire des années, que la question se pose. Pour la résoudre, nous avons voté une loi mais le Gouvernement s’assoit dessus. Je sais que vous veillez aux intérêts de notre commission, Monsieur le président.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Réorienter 50 % de l’aide vers les PMA est une bonne chose – c’est une mesure plébiscitée par les ONG – mais je ne pourrai pas vous apporter une réponse plus claire, parce que les critères sont encore flous. D’après nos auditions, ils sont en cours de construction s’agissant des pays vulnérables. Un PMA, en effet, n’est pas forcément un pays vulnérable et vice-versa. Le travail qui a été engagé devrait aboutir d’ici à la fin de l’année.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La question que pose ce CICID est vraiment très importante. Nous ne pouvons pas accepter un tel escamotage. Je prendrai des dispositions – nous en parlerons dans le cadre du bureau – pour tenir une réunion sur ses conclusions en présence des membres du Gouvernement, même s’il sera peut-être difficile d’entendre à la fois M. Le Maire, Mme Colonna et Mme Zacharopoulou. Nous devons analyser la situation et demander au Gouvernement des explications précises sur cette prise de distance avec les orientations solennellement fixées par nos deux Assemblées, à la suite d’une commission mixte paritaire conclusive.

M. Michel Herbillon (LR). Cela s’inscrit également dans la suite de votre échange de courriers avec le président de la Cour des comptes.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La négociation se poursuit avec Matignon. Si elle n’aboutit pas, nous pourrons faire inscrire à l’ordre du jour, à partir de décembre, la proposition de loi que j’ai évoquée. Les échanges avec Matignon sont relativement détendus et positifs mais ils ne sont pas encore conclusifs.

Mme Laurence Vichnievsky (Dem). J’aurais souhaité poser, hier, une question à Mme la ministre, et je ne sais pas si notre rapporteure pour avis pourra y répondre maintenant. Existe-t-il des mécanismes permettant de s’assurer que notre aide au développement ou notre aide humanitaire parviennent bien à leurs destinataires en cas de conflit ? Je pense aux plus récents comme à d’autres plus anciens.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Je n’ai pas vraiment de réponse. Cela dépend de quels moyens humains on dispose sur place pour suivre ce qui se passe. Ce serait une question à poser à Mme la ministre, qui n’a pas été très claire, en effet, sur ce point hier.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. S’agissant de la suppression ou de la suspension des aides, quelque chose me gêne dans la façon dont agissent les instances internationales, l’Union européenne ou les États. Il faudrait vraiment prendre en compte le décalage de temporalité qui existe : des crises extrêmement aiguës et urgentes peuvent se produire, comme celle, terrifiante, qui est en cours au Moyen-Orient, mais en revanche, les décisions relatives aux aides s’inscrivent dans le long terme. Hormis le cas d’une suspension pour quelques jours parce qu’il devient impossible de les gérer, les décisions fondamentales concernant les aides doivent être prises après mûre réflexion.

Je comprends très bien, par ailleurs, les collègues qui estiment qu’on ne peut pas lier les aides à un agrément politique. Il reste, comme l’a mis en lumière Madame Vichnievsky, qu’on est conduit à agir dans le cadre de filières politico-administratives qui doivent être fiables. Quand un pouvoir se met en place à la suite d’un putsch, on est en droit de s’interroger sur la capacité de ces filières à relayer les aides. Cela ne justifie pas une suppression de ces dernières quand elles sont destinées aux ONG mais on sait que la frontière est ténue. Cela demande beaucoup de réflexion et j’invite donc à éviter les prises de position immédiates, dictées par des conjonctures dramatiques.

Nous en venons à l’examen des crédits. Notre commission a été saisie de quarante‑deux amendements, dont deux ont été déclarés irrecevables au titre de l’article 40 de la Constitution : l’amendement II-AE12, déposé par les membres du groupe LFI-NUPES, et l’amendement II-AE21, des membres du groupe Rassemblement national.

*

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE24 de Mme Marine Hamelet

Mme Marine Hamelet (RN). Cet amendement vise à modifier les autorisations d’engagement pour diminuer la part de l’aide publique au développement allouée, en 2024, à des mesures bilatérales précises : l’aide-projet gérée par l’AFD et par le ministère de l’Europe et des affaires étrangères, en l’occurrence. L’existence de nombreux dysfonctionnements, que la Cour des comptes a rappelés une fois de plus cette année, justifie cette baisse de crédits, en particulier le manque de transparence et de contrôle sur l’attribution des aides, le refus des pays aidés de coopérer avec la France dans d’autres dossiers, notamment migratoires, et le fait que des aides soient versées à des pays tels que la Chine, que l’on ne peut plus considérer comme étant en voie de développement.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Je suis défavorable à votre amendement, qui conduirait, par exemple, à réduire sensiblement les financements du Fonds d’appui à l’entrepreneuriat culturel, alors que les échanges culturels sont un vecteur essentiel des relations entre les pays et de la construction de la confiance entre les peuples. Supprimer de tels financements reviendrait à mener une politique isolationniste qui couperait définitivement des partenariats et acterait in fine un échec de la France en la matière.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE35 de Mme Laurence Robert-Dehault

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). En plus de soixante-dix ans d’existence, notre aide publique au développement a connu quelques belles réussites. La France finance ainsi, depuis 1993, la restauration et la valorisation du site d’Angkor, au Cambodge, qui est classé au patrimoine mondial de l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO). La France y trouve son compte en menant ou en finançant des actions qui font évoluer la recherche et l’innovation.

En revanche, l’argent des contribuables français ne doit pas servir à financer des pays qui rejettent notre pays ou lui sont hostiles. Ce projet de loi de finances entend poursuivre des investissements au Burkina Faso ou au Niger, et les Comores font toujours partie de la liste des pays prioritaires. Nous contribuons donc à apporter de l’aide à des États qui se montrent peu coopératifs : ils refusent, par exemple, de reprendre leurs ressortissants qui se trouvent chez nous en situation irrégulière. D’une manière générale, les résultats de notre politique d’aide au développement sont assez contestables ; elle nécessite donc certains rééquilibrages.

Pour l’heure, il conviendrait de suspendre les aides destinées aux pays qui nous sont hostiles. Cet amendement vise ainsi à revenir sur les augmentations des crédits affectés aux actions d’aide économique et financière bilatérales des programmes 110 et 209.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Contrairement à ce que vous indiquez, la politique de développement solidaire de la France porte ses fruits. Je l’ai montré dans mon avis budgétaire au moyen d’exemples concrets, comme la réduction de la mortalité maternelle et infantile et le recul de certaines épidémies. La réduction des crédits de l’APD ne frappera que les populations locales et non les autorités politiques. Quant aux questions migratoires, je suis hostile par principe à l’idée d’un lien avec l’aide au développement. Il est vain, en particulier, de penser que la réduction de cette aide aura un quelconque impact sur la réadmission dans leur pays des ressortissants en situation irrégulière. S’il est vrai que l’émigration peut être un problème pour les pays concernés, avec le départ de personnes jeunes et qualifiées, c’est en favorisant leur développement qu’on peut penser résoudre le problème. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE23 de Mme Marine Hamelet

Mme Marine Hamelet (RN). Il s’agit de modifier les autorisations d’engagement en diminuant de moitié la part de l’aide publique au développement affectée, en 2024, à des organisations multilatérales. L’augmentation de l’aide de la France aux pays étrangers ne se justifie pas à un moment où l’équilibre des finances publiques se dégrade, sous l’effet notamment de l’inflation et de la politique de hausse des taux directeurs menée par la Banque centrale européenne pour tenter de contenir cette dernière. Les contraintes pesant sur les capacités d’emprunt de l’État ne permettent pas de maintenir de telles hausses de crédits.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Avis défavorable, notamment parce que la quasi-totalité des institutions multilatérales qui interviennent dans le domaine de la santé, comme le Fonds mondial de lutte contre le SIDA, la tuberculose et le paludisme, sont financées par le programme 209 que vous proposez de réduire drastiquement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE22 de Mme Marine Hamelet

Mme Marine Hamelet (RN). Nous souhaitons diminuer les crédits alloués à des dispositifs multilatéraux, dont par exemple le Metac (centre régional d’assistance technique pour le Moyen-Orient) et l’Afritac (centre régional d’assistance technique pour l’Afrique centrale).

L’APD est un gouffre financier dont les objectifs affichés sont depuis des années peu réalistes, trop nombreux et peu hiérarchisés, selon les mots mêmes de la Cour des comptes dans son rapport sur l’AFD et les organisations de la société civile publié en 2023.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE20 de Mme Marine Hamelet

Mme Marine Hamelet (RN). Je le répète : le rythme de croissance de l’APD est insoutenable pour nos finances publiques. L’amendement propose de minorer de 75 millions d’euros les autorisations d’engagement et les crédits de paiement de l’action 01 Renforcement des fonds propres de l’Agence française de développement du programme 365.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Vous proposez de réduire de moitié le montant du renforcement des fonds propres de l’AFD. Comme l’indique l’exposé sommaire, cela implique de réduire drastiquement les crédits du programme 110 Aide économique et financière au développement, afin que l’AFD respecte les exigences de prudence et de solvabilité. Avis évidemment défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE10 de M. Arnaud Le Gall

M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Cet amendement propose de créer un nouveau programme destiné à l’annulation de la dette des pays en voie de développement envers la France.

On sait très bien que la dette publique de ces pays a d’abord été contractée auprès du Fonds monétaire international ou d’États comme la Chine. Les montants concernés par notre amendement sont donc assez faibles mais l’idée est d’envoyer un signal politique.

On compte 3,3 milliards de personnes qui vivent dans des pays où les dépenses annuelles de remboursement de la dette sont supérieures à celles consacrées à la santé et à l’éducation. On peut penser ce que l’on veut de l’origine de cette dette, considérer qu’elle est liée à une mauvaise gestion ou, comme moi, à un système structurellement inégalitaire. Quoi qu’il en soit, cette dette obère toute possibilité de développement économique endogène.

Adopter cet amendement manifesterait notre volonté politique, en lien avec les propositions de l’Assemblée générale des Nations Unies, en faveur d’un règlement collectif de la dette. Cela ne concerne d’ailleurs pas seulement les pays en voie de développement, puisque le cumul de la dette publique avec d’immenses dettes privées est quasiment généralisé sur la planète.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Avis favorable.

Mme Marine Hamelet (RN). Nous considérons que la France réalise déjà beaucoup d’annulations de dettes, pour de nombreux pays. Tout le monde a besoin d’argent, et en France également. Nous voterons contre cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE34 de M. Michel Guiniot

Mme Stéphanie Galzy (RN). Nous ne pouvons pas soutenir des États qui rejettent l’intervention et l’aide de la France et qui ne sont pas prêts à coopérer avec nous pour relever les défis du développement. C’est pourquoi nous proposons de réduire les crédits du Fonds équipe France à hauteur de la part destinée au Burkina Faso et au Niger, soit 1,4 million d’euros. Par esprit de cohérence, l’amendement prévoit de reverser l’intégralité de cette somme à nos organismes de recherche, innovation et évaluation de Clermont-Ferrand et de Paris, qui développent de nouvelles approches et de nouvelles technologies pour répondre aux défis auxquels sont confrontés nos partenaires africains.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Il ne faut pas mettre la recherche et l’innovation en concurrence avec le Fonds équipe France, qui finance des projets en Afrique concernant le sport, la jeunesse ou encore la culture.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE30 de M. Michel Guiniot

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Les attentats perpétrés contre Israël par l’organisation terroriste islamiste du Hamas montrent une nouvelle fois que la paix repose sur un équilibre fragile, même lorsque les tensions semblent apaisées. Ces événements ont été suivis par la riposte légitime israélienne. Tout cela présente le risque d’une escalade de la violence au Proche et au Moyen-Orient si d’autres groupes terroristes islamistes s’en mêlent, comme le Hezbollah.

Les destructions et les atteintes au patrimoine culturel et religieux sont l’une des conséquences désastreuses de la guerre. Elles font partie des campagnes menées par les groupes belliqueux qui ont pour finalité la persécution des individus et des communautés qu’ils considèrent comme des ennemis. La protection du patrimoine culturel dans les zones de conflit mérite ainsi toute notre attention.

L’Alliance internationale pour la protection du patrimoine dans les zones de conflit (Aliph), créée à l’initiative de la France, a pour vocation de protéger ce patrimoine et le pluralisme culturel. Les crédits consacrés à son financement apparaissent trop faibles au vu du contexte international, à seulement 500 000 euros. Dans le même temps, les crédits de la sous‑action consacrée à l’initiative pour la forêt d’Afrique centrale (Cafi), destinée à préserver les forêts du bassin du Congo, ont doublé par rapport à 2023. Cette sous-action constitue en outre un doublon injustifié avec le Partenariat pour les forêts du bassin du Congo.

Afin de mieux protéger le patrimoine culturel et matériel, notre amendement propose de transférer la moitié des crédits prévus en faveur de la Cafi à la sous-action qui finance la préservation de ce patrimoine.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Renforcer la protection du patrimoine dans les zones de conflit est essentiel mais la mettre en concurrence avec la lutte contre la déforestation n’a aucun sens. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE33 de M. Michel Guiniot

M. Jérôme Buisson (RN). Le fonds d’appui à l’entrepreneuriat culturel est actuellement doté de 20 millions d’euros et dix-neuf pays en bénéficient, dont certains qui ont décidé de couper toutes les relations avec la France, comme le Burkina Faso et le Niger. Il est naturel d’arrêter de financer avec les impôts de nos compatriotes les États qui nous sont ouvertement hostiles. Le Niger a séquestré notre ambassadeur. Ces pays nous ont même menacés de représailles militaires. La fin des versements au titre de ce fonds d’appui s’inscrit d’ailleurs dans la ligne de la politique extérieure menée par le Gouvernement à l’égard de ces pays : depuis le 7 août, la France a ainsi suspendu la délivrance de visas aux ressortissants du Mali, du Niger et du Burkina Faso, et a mis fin aux actions de coopération culturelle.

L’amendement propose donc de baisser de 500 000 euros les crédits alloués au fonds d’appui à l’entrepreneuriat culturel, sur un total de 2,1 millions, ce qui correspond à la part versée au Burkina Faso et au Niger. Cela permet d’augmenter à due concurrence les fonds alloués à l’Aliph.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE31 de M. Michel Guiniot

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Cet amendement est destiné à compléter l’amendement II-AE30. Il vise à augmenter d’un peu moins de 1 million d’euros la sous‑action relative à l’Aliph. Pour cela, il diminue les crédits de la sous-action qui retrace la participation de la France au Partenariat pour les forêts du bassin du Congo.

Depuis 2019 en effet, la France intervient déjà pour préserver cette forêt par le biais de la Cafi, qui bénéficie de 6 millions d’euros dans ce PLF. Le million d’euros destiné au Partenariat pour les forêts du bassin du Congo fait donc doublon, sans que cela soit justifié.

Nous pensons que le patrimoine matériel et culturel mérite autant d’être préservé que le patrimoine naturel. C’est pourquoi nous proposons de redistribuer les crédits du Partenariat au profit de l’Aliph.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE32 de M. Michel Guiniot

M. Jérôme Buisson (RN). Cet amendement vise encore une fois à baisser les crédits alloués au fonds d’appui à l’entrepreneuriat culturel, de 1,6 million d’euros, afin de ne pas financer des pays hostiles à la France.

Nous insistons sur le fait que l’aide publique au développement accordée par la France n’est pas un dû mais une contribution volontaire. Elle doit être versée avec parcimonie et suppose que certaines conditions soient respectées, au premier rang desquelles la sécurité physique de notre personnel diplomatique mais aussi l’existence d’une coopération politique et l’absence de toute rhétorique hostile, voire belliqueuse à l’égard de la France.

Cet amendement prévoit, sur les 20 millions d’euros du fonds d’appui à l’entrepreneuriat culturel, d’en réorienter 1,6 million destinés au Burkina Faso et au Niger au profit de la sous-action relative aux recherches pour l’innovation et les évaluations, lesquelles sont menées par la recherche française.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je crois bien, à la lecture de leurs exposés sommaires, que vous avez confondu les amendements II-AE32 et II-AE33 dans vos présentations.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE4 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). Nous souhaitons revenir sur la décision contre-productive prise par le Gouvernement qui consiste à sanctionner le Mali, le Niger et le Burkina Faso.

En 2022 et en 2023, face à la dégradation des relations diplomatiques, les autorités françaises ont suspendu tout versement au titre de l’APD. Utiliser cette dernière comme un outil de chantage diplomatique constitue à nos yeux un dévoiement complet. Les premières sanctionnées sont les populations vulnérables et un certain nombre de projets en cours sont menacés. On met en péril les opérateurs dans ces pays et leur action est complètement balayée.

L’intérêt général humain doit être la principale boussole pour définir notre politique étrangère. L’APD n’a jamais dépendu de la nature des régimes. Si tel était le cas, on ne financerait pas grand-chose. Les peuples n’ont pas à subir les conséquences des vicissitudes des relations entre États. Même dans une optique libérale, la suspension de l’APD ne serait pas raisonnable, puisque cela revient à avoir investi à fonds perdus dans des projets qui varient au gré des relations diplomatiques.

Selon l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), la France a versé 370 millions d’euros aux trois pays précités en 2021. Nous proposons de leur allouer la même somme en 2024.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Avis favorable.

M. Frédéric Petit (Dem). Je suis d’accord, il faut faire une différence entre la doctrine et l’application au cas par cas ; j’ai d’ailleurs posé une question sur ce sujet à la ministre hier. Il faut être très prudent et nous devons mieux contrôler l’action du Gouvernement en la matière.

Mais je suis opposé à l’amendement parce qu’il ne tient pas compte de la manière dont fonctionnent les choses. Nous en avons déjà parlé : il ne faut pas croire que nous pouvons décider aujourd’hui d’envoyer de l’argent quelque part. Les autorisations d’engagement sont déjà utilisées, l’amendement ne peut pas les réduire : c’est dans un ou deux ans que nous verrons des changements dans les crédits de paiement. Cette proposition est complètement inadaptée.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE5 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. La décision prise par le CICID de reporter de 2025 à 2030 l’objectif d’atteindre 0,7 % du RNB consacré à l’APD est contraire aux décisions prises par le Parlement dans la loi de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales du 4 août 2021. C’est préoccupant, alors que les besoins sont au plus haut et que nous sommes encore loin d’avoir atteint les objectifs de développement durable. Cette décision représente une diminution de près de 11 milliards d’euros des crédits qui seront affectés à la solidarité internationale au cours des prochaines années.

Il est donc urgent de revenir sur ces orientations et de rétablir l’échéance de 2025. Pour respecter cette trajectoire, le Gouvernement avait annoncé en 2023 qu’il faudrait inscrire 6,25 milliards d’euros au budget pour 2024. C’est ce que l’amendement propose de faire, tout en demandant au Gouvernement de lever le gage imposé par les règles de recevabilité financière.

Mme Laurence Robert-Dehault (RN). Compte tenu des difficultés que rencontrent actuellement les Français, nous ne souhaitons pas augmenter l’aide versée à l’étranger. Nous voterons contre cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE8 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Si de réels progrès ont été réalisés au cours des dernières décennies, les enjeux et les besoins en matière de droits et santé sexuels et reproductifs sont considérables.

Les femmes en âge de procréer vivent pour 40 % d’entre elles dans un pays où la loi restreint ou refuse le droit à l’avortement. Une femme meurt toutes les deux minutes pendant la grossesse ou l’accouchement. La lutte contre les violences sexistes et sexuelles demeure un véritable enjeu, alors que des groupes structurés et financés montent en puissance et menacent de remettre en cause les droits fondamentaux que représentent les DSSR.

En 2021, le collectif Générations Féministes avait appelé à doubler les financements en faveur des DSSR. C’est ce que fait cet amendement en portant à 200 millions les crédits qui y sont consacrés.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE1 de M. Guillaume Garot

M. Guillaume Garot (SOC). Cet amendement propose de faire transiter une part plus importante des crédits de l’APD par les organisations de la société civile (OSC), qui sont près du terrain et connaissent bien les réalités. C’est aussi un moyen de répondre aux inquiétudes qui s’expriment au sujet des aides versées dans des pays dont les régimes sont hostiles.

Il faut savoir reconnaître ce qui va dans le bon sens. Entre 2017 et 2022, la France a non seulement tenu son objectif de doublement des versements d’APD aux OSC mais elle l’a dépassé : au lieu des 620 millions d’euros prévus, elle en a versé 710 millions. Il faut continuer, puisque l’on sait désormais qu’il s’agit d’une bonne méthode de travail. L’amendement propose d’augmenter de 28,5 millions d’euros les crédits affectés au dispositif Initiative des OSC.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Avis favorable. Le fait d’agir en dehors des canaux traditionnels en passant plus largement par les OSC permet de soutenir des projets qui bénéficient de peu de publicité mais sont souvent fructueux. Les OSC sont plus proches du terrain et ont une connaissance concrète des enjeux et des moyens d’action.

Mme Amélia Lakrafi (RE). Je suis favorable au principe mais cet amendement pose un problème pratique car l’AFD ne dispose pas des effectifs nécessaires qui lui permettraient de gérer l’attribution de petits budgets.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE9 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. La France fait transiter moins de 8 % de son APD par les OSC, ce qui est bien en dessous de la moyenne des pays de l’OCDE, qui se situe à environ 15 %.

La loi de programmation du 4 août 2021 fixe pour objectif de se rapprocher de cette moyenne. Les OSC sont au plus près des besoins des communautés et peuvent mieux affecter l’aide. Il convient donc d’accélérer la hausse des financements de l’APD qui passent par ces organisations.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE40 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Cet amendement veut attirer l’attention sur le fonds de solidarité pour les projets innovants, version rapide (FSPI-R). Cet instrument permet de financer des projets de moindre envergure que le FSPI traditionnel, avec une procédure allégée et un montant de l’aide plafonné à 100 000 euros.

Le FSPI-R a, par exemple, permis de financer le projet « Mauritanie sport 2024 » à hauteur de 72 000 euros. Ce type de financement ciblé, avec des procédures simplifiées, permet de répondre de manière réactive à des besoins spécifiques tout en favorisant la visibilité et l’influence de la France.

Mais les crédits dont dispose le FSPI-R sont très limités, avec seulement 20 millions. L’amendement propose de doubler cette dotation.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. J’y suis plutôt favorable mais il faut être vigilant en ce qui concerne l’encadrement du rôle des ambassadeurs. Il est essentiel que les actions menées soient cohérentes avec les orientations de la politique française d’APD définies par la loi de programmation du 4 août 2021.

M. Frédéric Petit (Dem). Il y a une petite erreur : les crédits du FSPI ne s’élèvent pas à 20 millions, ils ont été augmentés de 20 millions dans ce projet.

Les ambassadeurs ont bien compris l’intérêt et le fonctionnement du FSPI et ils l’utilisent. C’est un problème de déploiement qui se pose. Tous les crédits ne sont donc pas utilisés et il est inutile de rajouter 20 millions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE39 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Cet amendement prévoit d’augmenter de 15 millions d’euros les crédits du programme Solidarité à l’égard des pays en développement, afin de favoriser les actions menées dans le cadre de la francophonie. Une francophonie vivante doit se traduire par des projets locaux, construits sur place avec les différents acteurs : enseignants, entrepreneurs, artistes, associations. De cette manière on fera prospérer cette belle idée qu’est la francophonie, qui mérite d’être un peu revisitée.

C’est ce travail que nous mènerons dans les prochains mois avec Amélia Lakrafi dans le cadre de la mission d’information que la commission nous a confiée.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE42 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Cet amendement propose d’augmenter les crédits alloués au Fonds français pour l’environnement mondial (FFEM). L’APD doit davantage se préoccuper des enjeux de la transition écologique.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE7 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Le Fonds français Muskoka a prouvé son efficacité en matière de réduction de la mortalité maternelle et infantile. Il mène aussi des actions en faveur de la santé reproductive, sexuelle, maternelle, néonatale, infantile et de l’adolescent, ainsi que dans le domaine de la nutrition.

Ce fonds n’est pas suffisamment doté si l’on considère l’ampleur de son mandat et de ses interventions dans neuf pays. Compte tenu des progrès considérables qui restent à accomplir pour atteindre nos objectifs de développement durable, il est urgent d’amplifier l’effort en doublant les crédits destinés à ce fonds, conformément aux demandes été formulées par plusieurs intervenants lors des auditions.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE37 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Cet amendement concerne l’accès aux produits de santé sexuelle et reproductive. Il s’agit d’un droit humain fondamental mais aussi d’un puissant vecteur d’autonomie pour les femmes, et donc d’un catalyseur du développement socio-économique.

L’accès à ces produits est beaucoup trop limité, ce qui entraîne des grossesses non désirées, des avortements dans des conditions risquées et la perpétuation des inégalités de genres. Nous proposons donc d’augmenter les crédits destinés aux actions dans ce domaine.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Avis favorable. Alors que se manifestent des menaces de retour en arrière, il est impératif de renforcer notre engagement en faveur des droits et santé sexuels et reproductifs.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE29 de M. Michel Guiniot

Mme Marine Hamelet (RN). Le Fonds africain de développement a pour objectif de fournir des ressources aux pays africains à faibles revenus, afin de financer des projets engagés par ces derniers. Trente-sept pays en bénéficient, dont le Burkina Faso, le Mali et le Niger. Ces derniers ont reçu 8,1 % des sommes versées par ce fonds.

L’amendement vise à retirer la part des crédits correspondant à ces trois États qui rejettent l’intervention et l’aide de la France. Les sommes correspondantes sont affectées à la direction de la coopération de sécurité et de défense du ministère de l’Europe et des affaires étrangères, notamment pour financer les actions destinées à renforcer la sécurité intérieure dans les pays qui coopèrent avec nous.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement II-AE28 de M. Michel Guiniot.

Amendement II-AE25 de M. Michel Guiniot

Mme Stéphanie Galzy (RN). Cet amendement vise à diminuer les crédits de l’Afritac pour financer le fonds chrétiens d’Orient.

La France ne peut pas soutenir des juntes militaires antidémocratique et hostiles à nos valeurs. Nous ne pouvons pas aider des régimes qui oppriment leur population et qui menacent la paix et la stabilité en Afrique. C’est pourquoi nous proposons de réduire les crédits de l’Afritac d’un montant correspondant à la part qui irait entretenir les régimes du Burkina Faso, du Mali et du Niger. Cela va dans le sens de la responsabilité morale, qui incombe à la France de soutenir les chrétiens d’Orient, victimes de persécutions depuis de nombreuses années. Ce geste leur envoie un message de solidarité et de fraternité.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, elle rejette l’amendement II-AE26 de M. Michel Guiniot.

Amendement II-AE38 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Il s’agit, à travers cet amendement, d’augmenter les crédits du programme Solidarité à l’égard des pays en développement pour venir en aide aux victimes de violences et de crimes sexuels, trop souvent utilisés comme armes de guerre.

Depuis le début de l’invasion de l’Ukraine par la Russie, au moins 208 victimes de violences sexuelles liées à la guerre ont été identifiées. Il s’agit majoritairement de femmes. Il faut prévoir des crédits pour soutenir les victimes de ces actes horribles.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE41 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). C’est la mission Aide publique au développement qui finance la contribution française au Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC).

Les conclusions du GIEC sont malheureusement remises en question par de plus en plus de monde, notamment sur les réseaux sociaux, alors que les scientifiques qui le composent font un travail remarquable depuis des années pour nous alerter sur les conséquences du réchauffement climatique, dont nos dirigeants politiques ne prennent pas suffisamment la mesure.

Cet amendement propose de renforcer l’action du GIEC en augmentant de 600 000 euros les crédits qui lui sont destinés.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE27 de M. Michel Guiniot

Mme Marine Hamelet (RN). Cet amendement propose de diminuer les crédits du Fonds africain de développement du montant correspondant à la part destinée au Burkina Faso, au Mali et au Niger, qui rejettent l’intervention de notre pays.

Cela permettra d’augmenter de 318 000 euros les crédits de paiement destinés à la restauration du temple du Mebon occidental à Angkor. Il s’agit d’investir davantage dans la préservation du patrimoine bâti en renforçant nos liens avec un pays qui accepte notre aide.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE6 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Cet amendement alerte sur la stagnation des crédits de l’APD et invite à les augmenter pour rétablir la trajectoire qui nous permettra d’atteindre 0,7 % du RNB.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE36 de M. Aurélien Taché

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Cet amendement porte sur la restitution des biens mal acquis.

Ces actifs ont été obtenus par des dirigeants étrangers de régimes souvent autoritaires grâce à des pratiques illégales et à la corruption. Les fonds détournés appartiennent légitimement aux citoyens des pays concernés et auraient dû être utilisés pour financer des services publics, des infrastructures ou des projets de développement. En restituant ces biens, nous réparons en partie le préjudice subi par les populations.

La loi de programmation du 4 août 2021 prévoit un mécanisme intéressant mais il faut des crédits pour le faire fonctionner. Alors que des procédures judiciaires sont en cours – notamment en ce qui concerne la famille Bongo, qui a régné sans partage sur le Gabon pendant beaucoup trop longtemps –, il est important que notre Assemblée envoie ce signal de justice pour les peuples.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Puis, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Aide publique au développement non modifiés.

Article 38 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-AE14 de M. Arnaud Le Gall

M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). C’est un amendement d’appel. Le secret des affaires a été opposé à un certain nombre d’enquêtes, notamment journalistiques, portant sur l’utilisation de l’argent public par l’AFD. La substitution du mot « dons » au mot « prêts » à l’alinéa 157 permettrait peut-être d’éviter une telle instrumentalisation de cette notion, pour le moins étonnante s’agissant de l’AFD.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Avis favorable.

M. Frédéric Petit (Dem). Je ne comprends pas le rapport. L’AFD, conformément à la loi du 4 août 2021, révise ses dons et ses prêts. Je ne vois pas ce qu’une telle substitution changerait.

La commission rejette l’amendement.

Après l’article 49

Amendement II-AE2 de M. Guillaume Garot

M. Alain David (SOC). Cet amendement rappelle la nécessité d’atteindre l’objectif de 0,7 % du RNB consacrés à l’aide publique au développement au plus tard à la fin de 2025, conformément à la loi de programmation de 2021.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission adopte l’amendement.

Amendement II-AE3 de M. Guillaume Garot

M. Alain David (SOC). Il s’agit ici de consacrer 50 % du produit de la taxe sur les transactions financières à l’aide publique au développement, afin d’atteindre un niveau de dépense de 0,7 % du RNB.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE11 de Mme Nadège Abomangoli

Mme Nadège Abomangoli (LFI-NUPES). L’indicateur 2.2 « Capacité des fonds multilatéraux à mener avec succès des projets compatibles avec la réalisation de leurs objectifs de développement » révèle qu’en 2022, 46 % des projets soutenus par le Fonds africain de développement n’étaient pas jugés satisfaisants. C’est une anomalie si l’on compare avec d’autres grands fonds multilatéraux, où la cible de 75 % de satisfaction est atteinte. Nous demandons un rapport, afin de connaître les raisons de ce relatif mais durable échec alors que le Fonds, ces dernières années, bénéficiait de versements annuels d’environ 150 millions d’euros.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE13 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Alors que la loi de 2021 consacrait les droits des enfants comme une des priorités de l’APD, le conseil présidentiel pour le développement et le CICID ne consacrent pas un mot à cette question. C’est alarmant.

Les enfants comptent parmi les populations les plus vulnérables. Il est essentiel de développer une stratégie pour la déclinaison concrète des droits de l’enfant dans la politique de coopération et de solidarité internationale, fixant des objectifs et principes clairs fondés sur une approche holistique et transversale.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE15 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Nous demandons un rapport sur les critères définissant les pays vulnérables et fragiles budgétairement et les conséquences de cette définition sur l’allocation des financements APD.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE16 de Mme Élise Leboucher

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Nous demandons un rapport visant à informer le Parlement sur l’état d’avancement des procédures judiciaires abondant le programme sur la restitution des « biens mal acquis ».

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE17 de M. Arnaud Le Gall

M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel vise à demander un rapport sur les conséquences de la dette haïtienne pour le développement de ce pays. Il n’est évidemment pas question de donner 100 milliards d’euros à Haïti mais, dans le contexte de la crise considérable que connaît ce pays, nous avons un devoir de solidarité.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE18 de M. Arnaud Le Gall

M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Nous demandons un rapport visant à informer le Parlement sur l’état d’avancement de la compensation des annulations de la dette multilatérale des pays pauvres très endettés envers la Banque mondiale.

La dette publique, notamment des pays pauvres, ne relève pas seulement d’un problème comptable. Les montants astronomiques de la dette sont liés à des choix politiques et monétaires très anciens – je pense à la désindexation du dollar sur l’or et à la fluctuation des monnaies, qui ont rendu certaines dettes colossales. Nous devons mettre la question de la dette au cœur du débat public, comme le propose l’Assemblée générale des Nations Unies depuis 2015 avec sa résolution visant à établir un règlement collectif de la dette multilatérale. La dette ne doit pas être un motif supplémentaire de conflit.

Contre l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AE19 de M. Arnaud Le Gall

M. Arnaud Le Gall (LFI-NUPES). Cet amendement va dans le même sens que le précédent.

Mme Élise Leboucher, rapporteure pour avis. Avis favorable.

Mme Amélia Lakrafi (RE). En janvier 2022, la France a participé à des initiatives de réduction ou d’annulation de dettes de pays pauvres.

La commission rejette l’amendement.

 

 


—  1  —

 

   Liste des auditions menées par la rapporteure

 

Entretiens menés dans le cadre du déplacement au Bénin (22 au 28 septembre 2023)

 

 


   Liste des abréviations

 

 


([1]) Loi n° 2021‑1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (cadre de partenariat global).

([2]) Examens de l’OCDE sur la coopération pour le développement, France, 2018, p. 18.

([3]) Cf. Ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, Maîtriser la dépense pour investir dans l’avenir, Présentation du projet de loi de finances 2024 et de la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, p. 53 et 63.

([4])  La totalité de cet effort est retracée dans le document de politique transversale intitulé « Politique française en faveur du développement ».

([5]) Cf. Banque de France, Projections macroéconomiques, septembre 2023.

([6]) Les Fonds de solidarité pour les projets innovants (FSPI) sont mis à la disposition des ambassadeurs pour financer des projets de court terme, contrairement aux projets de l’AFD qui s’inscrivent davantage dans le moyen et long terme. Les FSPI sont ainsi des instruments souples qui permettent d’être réactif sur le terrain en complétant ou en anticipant l’action de l’Agence. Très visibles, ils contribuent au renforcement de l’image de la France.

([7]) Institut de recherche pour le développement.

([8]) Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement.

([9])  Le Fonds d’urgence humanitaire et de stabilisation (FUHS) correspond aux crédits du Centre des opérations humanitaires et de stabilisation (COHS) du Centre de crise et de soutien (CDCS) du MEAE.

([10]) Le programme UNLIA (United Nations Legal Identity Agenda) vise à agir contre le fléau des « enfants sans identité », notamment en Afrique.

([11]) Ces crédits doivent financer notamment les contributions statutaires et volontaires à l’Organisation internationale de la francophonie (OIF), ainsi que l’accueil en France en 2024 du 19ème sommet de la francophonie.

([12])  Neighbourhood, Development and International Cooperation Instrument.

([13]) Unitaid est une organisation internationale d’achats de médicaments, chargée de centraliser les achats de traitements médicamenteux, afin d’obtenir les meilleurs prix possibles, en particulier à destination des pays en développement.

([14]) IFFIm.

([15]Global Alliance for Vaccines and Immunization.

([16]Capital Requirements Regulation 2.

([17]) Programme 853 : « Prêts à l’Agence française de développement en vue de favoriser le développement économique et social dans des États étrangers ».

([18]) « Sont restituées, au plus près de la population de l’État étranger concerné, les recettes provenant de la cession des biens confisqués aux personnes définitivement condamnées pour le blanchiment, le recel, le recel de blanchiment ou le blanchiment de recel de l’une des infractions prévues aux articles 314-1, 432-11 à 432-16, 433-1, 433-2, 433-4, 434-9, 434-9-1, 435-1 à 435-4 et 435-7 à 435-10 du code pénal, lorsque la décision judiciaire concernée établit que l’infraction d’origine a été commise par une personne dépositaire de l’autorité publique d’un État étranger, chargée d’un mandat électif public dans un État étranger ou d’une mission de service public d’un État étranger, dans l’exercice de ses fonctions (…) ».

([19]) Sauf si les autorités de l’État d’origine déposaient une demande d’entraide judiciaire auprès des autorités françaises ou introduisaient une action devant les tribunaux français.

([20]) Teodorín Obiang est le vice-président de la Guinée équatoriale et le fils du président du pays. Il a été définitivement condamné par la Cour de cassation en juillet 2021 dans une affaire de « biens mal acquis ». Une vente de ces biens a eu lieu à l’hôtel Drouot en janvier 2023.

([21]) Cour des comptes, 20 février 2023 : L’aide publique au développement dans le domaine de la santé et la présence de la France dans les organisations internationales en santé.

([22]) L’UNFPA est l’agence directrice des Nations Unies en charge des questions de santé sexuelle et reproductive.

([23]) La déclaration de Paris sur l’efficacité de l’aide au développement est une charte rédigée en 2005 sous l’égide du comité d’aide au développement de l’OCDE. Elle formule cinq grands principes directeurs : appropriation, alignement, harmonisation, gestion axée sur les résultats et responsabilité mutuelle.

([24]) Organisation Ouest Africaine de la Santé.

([25]) Le partenariat Harmonisation pour la Santé en Afrique (HHA) est un mécanisme qui fournit un appui régional aux gouvernements des pays africains pour le renforcement des systèmes de santé.

([26])  PMNCH, Key advocacy messages to improve the health of women, children, and adolescents, 76th World Health Assembly, Geneva, Switzerland, 21-30 May 2023.

https://pmnch.who.int/docs/librariesprovider9/meeting-reports/pmnch-messaging-resource-for-wha76.pdf?sfvrsn=1b7a27e_14&download=true

([27]https://www.who.int/fr/news-room/fact-sheets/detail/violence-against-women

([28]) Rapport 2023 sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde.

([29]) Il est permis aussi de renvoyer à cet article récent du 6 octobre 2023 : France 24, Des dizaines de millions d’enfants déracinés par les désastres climatiques. https://www.france24.com/fr/plan%C3%A8te/20231006-des-dizaines-de-millions-d-enfants-d%C3%A9racin%C3%A9s-par-les-d%C3%A9sastres-climatiques

([30]) Banque mondiale, Investir dans la santé en Afrique,

https://documents1.worldbank.org/curated/en/302121467990315371/pdf/441430WP0FRENC1AN10110200801PUBLIC1.pdf

([31]) Cf. loi n° 2021‑1031 du 4 août 2021 de programmation relative au développement solidaire et à la lutte contre les inégalités mondiales (cadre de partenariat global).

([32]) CARE est une association de solidarité internationale d’origine américaine.