N° 1715

ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n°1680),

 

 

TOME IV

 

  

DÉFENSE

 

 

PAR M. Alexis JOLLY

Député

——

 

 

 

 

 

 

 

Voir le numéro :  1680.


 

 


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SOMMAIRE

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 Pages

introduction

I. UN BUDGET en hausse mais qui devra être réajusté aux besoins des forces armées

A. Une Exécution budgétaire toujours confrontée à des surcoûts OPEX et MISSINT

B. un budget conforme À une programmation militaire perfectible

1. La LPM 2024-2030 : une augmentation des crédits incontournable après des années d’abandon de nos forces armées

2. Un engagement budgétaire pluriannuel qui ne répond pas à tous les enjeux

C. présentation des crédits par programme

1. Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense

2. Le programme 178 Préparation et emploi des forces

3. Le programme 212 Soutien de la politique de défense

a. Les dépenses de titre II

b. Les dépenses hors titre II

4. Le programme 146 Équipement des forces

II. la remise en cause des régimes de maîtrise des armements : un défi pour notre diplomatie et nos armées

A. des régimes juridiques dépassés par le contexte international

1. Les régimes historiques de maîtrise des armements

a. Sur le plan nucléaire

b. Sur le plan conventionnel

2. Une crise sans précédent

a. Sur le plan nucléaire

b. Sur le plan conventionnel

B. réinventer la maîtrise des armements : un objectif de long terme pour la france

1. Une multiplication des enjeux en matière de maîtrise des armements

2. Perspectives : préserver les régimes à court terme, les réinventer à long terme

TRAVAUX DE LA COMMISSION

annexe  1 : Liste des personnes auditionnées par le rapporteur POUR AVIS

Annexe  2 : crédits allouéS à la mission défense par le projet de loi de finance pour 2024, par programme

annexe n° 3 : SURCOûts OPEX-MISSINT ET financements mobilisés de 2018 À 2022 en millions d’euros

Annexe n° 4 : DOTATIONS par pays pour les principaux types de matériels militaires, en 2022

 


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   introduction

La commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis sur les crédits de la mission Défense du projet de loi de finances (PLF) pour l’année 2024.

Cette mission comporte quatre programmes : le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, le programme 178 Préparation et emploi des forces, le programme 212 Soutien de la politique de la défense et le programme 146 Équipement des forces.

Le PLF 2024 prévoit une augmentation générale des crédits de la mission de 3,3 milliards d’euros, conforme à la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire (LPM) pour les années 2024 à 2030. Toutefois, si cette loi a permis d’engager une transformation des armées françaises, elle ne leur donne pas encore toutes les garanties nécessaires à leur réussite. En conséquence, il conviendra de réajuster les moyens qui leur sont dédiés, sans attendre l’année 2030. La France risque en effet le déclassement si elle n’adapte pas rapidement et profondément son modèle d’armées.

Dans la partie thématique de cet avis budgétaire, le rapporteur a souhaité étudier les enjeux liés à la maîtrise des armements.

Les régimes juridiques de maîtrise des armements subissent aujourd’hui une crise sans précédent : les traités et accords internationaux sont souvent directement dénoncés par les États et les négociations, bloquées. En parallèle, on constate un réarmement des grandes puissances, notamment la Chine, et une instabilité stratégique.

Dans un tel contexte, notre diplomatie et nos états-majors devront proposer une stratégie de long terme pour réinventer la maîtrise des armements, lorsque la situation apparaîtra plus favorable


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I.   UN BUDGET en hausse mais qui devra être réajusté aux besoins des forces armées

A.   Une Exécution budgétaire toujours confrontée à des surcoûts OPEX et MISSINT

En 2022, l’exécution de la mission Défense a été marquée par des surcoûts liés aux opérations extérieures (OPEX) et aux missions intérieures (MISSINT) : ces derniers se sont élevés à 1,545 milliard d’euros alors que la dotation budgétaire inscrite en loi de finances initiale (LFI) prévoyait 1,2 milliard. L’insuffisance des provisions pour ce type de surcoûts, systématique depuis plusieurs années, pose question en matière de sincérité budgétaire.

Pour l’année 2023, le ministère des armées fait face à trois surcoûts majeurs, non prévus en loi de finance initiale :

-         des surcoûts directement liés aux OPEX/MISSINT (réorganisation du dispositif et des missions françaises en Afrique, stabilité du dispositif Chammal au Grand-Levant) ;

-         des surcoûts liés à la crise ukrainienne (cessions à l’armée ukrainienne de matériels militaires français qui devront être remplacés, renforcement du déploiement français sur le flanc oriental de l’Alliance atlantique) ;

-         des surcoûts liés à l’augmentation du prix de l’énergie (produits pétroliers, gaz, électricité).

Le rapporteur pour avis n’a pas obtenu d’estimation de la part du ministère des armées sur l’étendue de ces surcoûts, ce qu’il regrette. Leur montant sera consolidé au quatrième trimestre 2023 puis sera couvert « selon des modalités [qui restent] à définir dans le cadre des travaux de fin de gestion », selon les éléments qui lui ont été communiqués. Outre l’utilisation de la provision OPEX/MISSINT de 1,2 milliard d’euros votée en LFI 2023, les principaux leviers mobilisables sont les redéploiements de crédits internes à la mission Défense et une loi de finances rectificative (LFR) en fin d’exercice budgétaire pour obtenir des ressources interministérielles complémentaires. La LFR peut également réorienter des crédits de la mission Défense prévus initialement pour d’autres dépenses, dont des crédits d’équipement, en utilisant la technique de l’annulation de crédits.

Le tableau en annexe 3 en témoigne : ces différentes méthodes ont été utilisées systématiquement depuis 2018. Le rapporteur pour avis plaide pour une planification budgétaire plus sincère et pour éviter les annulations de crédits.

 

B.   un budget conforme À une programmation militaire perfectible

En 2024, le montant du budget de la défense sera conforme à la nouvelle loi de programmation militaire, puisqu’il augmentera de 3,3 milliards d’euros par rapport à la LFI 2023 (hors pensions civiles et militaires de retraite). Toutefois, cette programmation pluriannuelle ne permet pas de répondre à tous les enjeux.

1.   La LPM 2024-2030 : une augmentation des crédits incontournable après des années d’abandon de nos forces armées

Dans son précédent avis sur la mission Défense du projet de loi de finances pour 2023, le rapporteur avait démontré que les armées françaises avaient subi de telles ruptures de capacités pendant les deux premières décennies du XXIe siècle, que les augmentations prévues par la LPM 2019-2025 étaient insuffisantes. Elles ne permettaient pas de « réparer » les forces armées, leur objectif.

Dans un tel contexte, l’augmentation des crédits et des effectifs était urgente. C’est pourquoi le Rassemblement national s’était opposé au calendrier proposé par le Gouvernement dans son projet de loi de programmation militaire 2024-2030, qui faisait porter l’essentiel des augmentations budgétaires à partir de 2027 ([1]). Il faut se réjouir que la commission mixte paritaire ait réussi à modifier le calendrier, même si les augmentations les plus importantes sont encore prévues après 2027. Le budget de la défense augmentera de 3,3 milliards d’euros en 2024 et 2025, de 3,2 milliards d’euros en 2026 et 2027 et de 3,5 milliards d’euros en 2028, 2029 et 2030.

ressources budgétaires affectées par la lpm 2024-2030

à la mission défense, hors pensions

Note : montants en milliards d’euros courants.

Source : article 4 de la LPM 2024-2030.

 

En outre, le Parlement a sécurisé 13,3 milliards d’euros de recettes extra-budgétaires ([2])([3]).

L’inflation semble néanmoins largement sous-évaluée par le texte (30 milliards d’euros sur sept ans), même si l’administration du ministère a garanti au rapporteur qu’elle disposait de dispositifs protecteurs en cas de hausse supérieure aux estimations de la LPM.

2.   Un engagement budgétaire pluriannuel qui ne répond pas à tous les enjeux

Si la LPM 2024-2030 ouvre une période de transformation pour les armées françaises, notamment du fait de l’engagement budgétaire important qu’elle représente, elle ne permet pas de répondre à toutes les lacunes capacitaires. En termes d’effectifs, ce texte ne prévoit, par exemple, que 6 300 créations de postes ([4]). De plus, des matériels indispensables ne sont pas prévus ([5]) et de nombreux programmes à effets majeurs font l’objet de décalages par rapport au plan Ambition 2030 (programme Scorpion, Rafale, Leclerc rénovés, etc.).

Or, la France doit absolument éviter le déclassement capacitaire, dans un contexte international marqué par une forte instabilité et un réarmement des grandes puissances.

Les deux tableaux ci-dessous comparent les budgets de défense des principales puissances militaires, exécutés et intégrant les pensions. Il est intéressant de noter que la Chine dispose d’un budget plus de six fois supérieur au budget français et l’Inde plus trois fois supérieur. En parité de pouvoir d’achat, le budget de la défense français représentait toujours moins de 2 % du produit intérieur brut (PIB) en 2022, contre 2,2 % au Royaume-Uni, 2,4 % en Inde, 2,7 % en Corée du Sud, 3,4 % aux États-Unis ou encore 4,1 % en Russie. Ce chiffre a sensiblement peu augmenté depuis 2017, puisqu’il s’établissait alors à 1,8 %.

 

 

 

 

les budgets de défense des principales puissances mondiales

en milliards d’euros

 

Notes : 1) Pour une meilleure comparaison, les budgets sont convertis aux taux de parité de

pouvoir d'achat (PPA) France, avec des prix et taux de change constants 2021.

2) * Données estimées.

3) N.D. : non disponible.

Sources : ministère des armées (Observatoire économique de la Défense) à partir du communiqué de presse de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) du 7 juillet 2023 pour les pays de l’Alliance atlantique, et des estimations de la base de données Military Expenditure du Stockholm International Peace Research Institute (avril 2023) pour les pays non-membres de l’OTAN.

 

les budgets de défense des principales puissances mondiales,

en pourcentage du produit intérieur brut (PIB)

 

Notes et sources : idem.

En 2022, alors que la Chine comptait plus de 2 millions de militaires, l’Inde 1,46 million et les États-Unis 1,4 million, la France n’en avait que 201 000 ([6]) (chiffres exprimés hors réservistes et hors civils). Ce dernier chiffre a même diminué récemment, puisqu’ils étaient 206 000 en 2021. Même si ces effectifs sont importants au regard de la population française et qu’ils ne prennent ni en considération la qualité de la formation, ni celle des équipements, cette comparaison reste éclairante.

Au niveau européen, les armées françaises conservent leur première position en termes d’effectifs et de moyens opérationnels, mais d’autres pays ont nettement augmenté leurs capacités. Le budget de défense allemand devrait ainsi passer de 44,3 milliards d’euros en 2019 à 66,1 milliards en 2024 et le budget polonais, de 22,3 à 36,5 milliards d’euros, soit 1,8 % du PIB en Allemagne en 2024 et 3,3 % en Pologne (contre respectivement 1,2 % et 2,2 % en 2019) ([7]).

Pour les équipements, le tableau en annexe 4 témoigne d’écarts importants au niveau mondial, bien qu’il ne permette pas d’évaluer l’impact de la dissuasion nucléaire, un atout majeur pour notre pays. La France ne possède que 230 avions de combat, contre 300 en Turquie, 1 500 en Russie, 2 070 en Chine et 3 350 aux États-Unis.

Dans un tel contexte international, il conviendra de relever notre ambition pour les armées françaises, dès que nécessaire et sans attendre 2030.

Les moyens de contrôle des parlementaires ont été renforcés et seront utilisés à bon escient par le groupe Rassemblement national. Ce dernier étudiera notamment avec attention deux rapports qui seront présentés annuellement par le Gouvernement : le rapport de bilan d’exécution de la programmation militaire (avant le 30 avril) et le rapport sur les enjeux et les principales évolutions de cette programmation (avant le 30 juin). Surtout, la LPM devra être actualisée d’ici 2027, ce qui permettra de mieux l’ajuster aux besoins de nos forces armées.

C.   présentation des crédits par programme

Pour chacun des quatre programmes de la mission Défense du PLF pour 2024, la répartition des autorisations d’engagement (AE) et des crédits de paiement (CP) est donnée en annexe 4.

1.   Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense

Le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense regroupe les crédits permettant au ministère d’analyser l’environnement stratégique présent et futur, afin d’orienter les politiques de défense. En 2024, les crédits du programme 144 s’élèvent à 2,198 milliards en AE et 1,967 en CP, soit une progression de 10,48 % en AE (+ 208,6 millions d’euros) et de 3,22 % en CP (+ 61,4 millions d’euros) par rapport à la LFI 2023. Ces crédits supplémentaires seront notamment affectés au renseignement, avec l’augmentation des moyens de la direction générale de la sécurité extérieure (DGSE) et le démarrage du projet de nouveau siège sur le site du fort neuf de Vincennes.

Au sein de l’action Prospective de défense, les crédits de paiement destinés aux études amont augmentent seulement de 0,05 % pour atteindre 1,017 milliard d’euros, en conformité avec la programmation pluriannuelle. Le Rassemblement national propose de les faire passer à 1,5 milliard d’euros.

répartition des crédits des études amont par domaine

 

Source : ministère des armées.

Le rapporteur pour avis se réjouit de la hausse des crédits consacrés aux études amont dans le domaine « aéronautique et missiles » ([8]), même si cette hausse ne rattrape pas la baisse prévue par la LFI pour 2023. Le rapporteur constate la forte baisse des crédits consacrés à l’espace (- 29,2 % en CP), une baisse qui serait regrettable si elle s’installait dans la durée, alors que l’espace représente un enjeu majeur pour notre souveraineté. L’expertise technique de l’État et de la base industrielle et technologique de défense doit être constamment renforcée dans ce domaine.

Comme pour l’année 2023, pour l’action Relations internationales et diplomatie de défense, le rapporteur pour avis note une forte augmentation des crédits dédiés au fonctionnement de l’Agence européenne de défense (8,2 millions d’euros en CP, soit + 9 % par rapport à la LFI 2023), ce qu’il regrette. Dans la configuration actuelle, l’Agence participe à la mise en place d’une Europe de la défense dans le cadre d’une politique d’intégration visant à la dissolution des armées nationales pour aboutir à la constitution d’une armée européenne, et non une politique de coopération entre les Nations.

2.   Le programme 178 Préparation et emploi des forces

Le programme 178 Préparation et emploi des forces agrège les crédits relatifs à la conduite des opérations et à la préparation des forces terrestres, navales et aériennes. Le PLF 2023 prévoit une augmentation des crédits de ce programme de 14,2 % en AE et 8,4 % en CP, ces derniers atteignant respectivement 16,584 et 13,577 milliards d’euros.

Pour des raisons de confidentialité, les indicateurs du programme 178 ont été modifiés pour l’année 2024. Si le rapporteur ne dispose plus de l’indicateur disponibilité des matériels par rapport aux exigences des contrats opérationnels, il rappelle qu’il avait constaté dans le projet annuel de performance (PAP) pour l’année 2023, une baisse de la cible de disponibilité pour 13 des 21 types de matériels analysés, par rapport PAP de la LFI 2022. Parmi les matériels concernés, figuraient notamment les canons Caesar ([9]), les chars Leclerc, les flottes de chasse ou encore les systèmes sol-air. Cette baisse de la disponibilité résultait des cessions de matériels, de nouveaux déploiements français à l’étranger, mais aussi plus généralement du manque d’investissement en matière de maintenance et d’achat d’équipements pendant les deux dernières décennies.

Lors d’une visite réalisée auprès du 93ème régiment d’artillerie de montagne (93ème RAM) sur la base de Varces-Allières-et-Risset, le rapporteur a pu constater que celui-ci ne disposait que de 4 canons Caesar sur les 16 que le format du régiment exigerait ([10]). De plus, une partie du matériel était vieillissante (en particulier les véhicules de transport de troupes et les véhicules de transport de munitions) et présentait un taux de disponibilité faible, du fait notamment de la difficulté à obtenir des pièces détachées pour les réparations. 

Le rapporteur constate que les cinq premières actions du programme connaissent des augmentations : Planification des moyens et conduite des opérations (+ 27,43 % en CP, pour atteindre 1,034 milliard d’euros) ; Préparation des forces terrestres (+ 16, 47 % en CP ; 2,193 milliards d’euros) ; Préparation des forces navales (+ 11, 62 % ; 3,447 milliards d’euros) ; Préparation des forces aériennes (+ 21,52 % ; 3,493 milliards d’euros) ; Logistique et soutien interarmées (+ 10,39 % ; 2,8 milliards d’euros). La hausse des crédits est notamment portée par l’entretien programmé des matériels (EPM), afin de soutenir l’activité et la disponibilité des matériels : le montant dédié à celui-ci augmente de 14 % en CP par rapport à la LFI pour 2023 pour l’armée de l’air et de l’espace, de 19 % pour l’armée de terre et de 6 % pour la marine.

Le rapporteur tient à souligner l’importance de l’amélioration des infrastructures terrestres. Le 7ème Bataillon de chasseurs alpins (7ème BCA) disposera de 29 véhicules Serval d’ici la fin de l’année 2023. S’il a obtenu un hangar adapté pour conserver ces véhicules à l’abri des intempéries et éviter ainsi leur vieillissement prématuré, ce n’est pas encore le cas pour les prochaines livraisons. Les 35 prochains véhicules pourraient être conservés dans un hangar non fermé.

Enfin, le programme 178 comprend également les surcoûts générés par les OPEX et les MISSINT. Le rapporteur pour avis a déjà exprimé des remarques sur la méthodologie utilisée pour budgéter ces coûts puis pour les financer (cf. I.A).

Pour les missions intérieures, la dotation spécifique s’élèvera pour l’année 2024 à 30 millions d’euros ([11]). Or, cette dotation financera à la fois les missions permanentes – dont la mission SENTINELLE – et la sécurisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024. Cette enveloppe apparaît donc largement sous-évaluée.

3.   Le programme 212 Soutien de la politique de défense

Les crédits du programme 212 Soutien de la politique de la défense atteignent 24,687 milliards en AE et 24,64 milliards d’euros en CP pour l’année 2024, soit des progressions respectivement de 3,12 % et 3,64 % par rapport à la LFI pour 2023 (y compris OPEX-MISSINT et Compte d’affectation spéciale ˗ CAS ˗ relatif aux pensions).

a.   Les dépenses de titre II

Le programme 212 Soutien de la politique de la défense regroupe les crédits de personnel de l’ensemble du ministère des armées. Pour l’année 2024, ils s’élèvent à 23,205 milliards en AE et en CP, soit une hausse de 3,5 % par rapport à la LFI pour 2023 (y compris OPEX-MISSINT et CAS pensions).

Le tableau suivant présente les effectifs du ministère prévus en 2024, par catégories d’emplois.

 

 

 

 

 

 

plafonds d’emplois prévuS pour l’année 2024, par catégorie

 

Nb : ETPT : équivalent temps plein ; SIAé : service industriel de l’aéronautique.

Source : mission Défense, projet annuel de performances (PAP) en annexe du PLF 2024.

L’augmentation des crédits de personnels permettra notamment de financer la création de 456 nouveaux postes prévus en 2024, qui comprendront majoritairement des emplois qualifiés. Il est important de noter que ce nombre de postes représente un écart avec la LPM qui prévoyait une cible de 700 effectifs supplémentaires en 2024. Le projet annuel de performances justifie cet écart « par un souci de réalisme au regard des difficultés de recrutement et de fidélisation que rencontre actuellement le ministère ».

De plus, le rapporteur note une diminution du plafond des emplois autorisés en 2024, par rapport à l’année 2023, avec une baisse de 719 ETPT.

Évolution des emplois en 2024

Source : idem.

Cette année encore, le rapporteur pour avis souhaiterait que le ministère s’engage davantage pour rendre les carrières militaires plus attractives, afin d’attirer de nouveaux personnels et de fidéliser ceux qui sont déjà en poste. Une armée ne peut exister sans ses troupes.

Parmi les mesures d’urgence sollicitées par le rapporteur figurent une nouvelle augmentation des salaires et des incitations financières plus fortes à la prise de responsabilités. Si des mesures catégorielles ont été prises (474 millions d’euros en 2024 dont 263 au titre de la « nouvelle politique de rémunération des militaires », NPRM ([12])), l’effort devra s’inscrire dans la durée. De nombreux personnels quittent encore le ministère chaque année. Selon le tableau précédent, plus de 30 000 personnes partiront en 2024, hors départs en retraite. Le ministère peine notamment à fidéliser les jeunes recrues, attirées par les salaires et les conditions de travail du secteur privé.

Dans son rapport pour avis sur la mission Défense du PLF pour 2023, le rapporteur pour avis notait que certaines missions à l’étranger, telles que la mission Aigle en Roumanie qu’il avait étudiée ([13]) , ne sont pas considérées comme des OPEX mais comme des missions opérationnelles (MISSOPS). En conséquence, elles ne donnent pas droit aux mêmes avantages pour les personnels qui y participent, notamment en matière de calcul des droits à la retraite. Pourtant, ces personnels ont les mêmes contraintes pour leur vie familiale que lors d’autres missions qualifiées d’OPEX. Le rapporteur a soulevé ce problème auprès du ministère mais, cette année encore, il n’a pas obtenu de retour sur la possibilité de transformer ces MISSOPS en OPEX.

b.   Les dépenses hors titre II

Hors titre II, le programme 212 rassemble les financements des fonctions de soutien mutualisé (finances, ressources humaines, expertise juridique, achats hors armement, systèmes d’information, d’administration et de gestion, accompagnement des restructurations) et des politiques transverses du ministère (logement familial, politique immobilière et d’aménagement du territoire, politique environnementale et politique culturelle). Ces crédits s’élèvent à 1,436 milliards d’euros en CP.

En matière de politique d’aide au logement, le programme 212 se concentre principalement sur le financement des infrastructures liées aux conditions de vie et de travail des personnels et des familles : logement familial, hébergement en enceinte militaire, ensembles d’alimentation, immeubles d’administration générale, action sociale.

Le rapporteur constate que le niveau d’AE diminue par rapport à la LFI pour 2023 (-75 millions d’euros) sur l’action 4 Politique immobilière ([14]) . Le PAP justifie en partie cette baisse par une hausse des paiements pour l’exécution du contrat « Ambition Logement », signé en 2022, qui prévoit la rénovation du parc de 36 000 logements du ministère des armées et la construction de 2 800 logements d’ici 2030. Dans une réponse écrite, l’administration du ministère indique néanmoins également que « cette inflexion résulte d’une baisse des engagements sur le plan hébergement (-33 millions d’euros) qui, après plusieurs années à des montants particulièrement élevés, rejoint un niveau annuel, conforme à l’ambition de la nouvelle LPM 2024-2030. »

Le rapporteur pour avis rappelle que de nombreux personnels du ministère n’ont pas accès à un logement ou, lorsqu’ils y ont accès, ce dernier s’avère souvent vétuste. Il appelle donc le Gouvernement à s’assurer d’une amélioration forte et constante du parc de logements, en y consacrant les crédits suffisants. La politique d’aide au logement est une contrepartie aux obligations de disponibilité et de mobilité des militaires.

La dotation des crédits de l’action sociale est quant à elle de 133,61 millions d’euros en CP, en augmentation de 35,82 millions d’euros par rapport à 2023. Cette forte croissance est principalement portée par la première annuité du « Plan famille 2 », qui prévoit notamment la création de places de crèche et la rénovation de lieux destinés aux familles. À l’occasion de sa visite de la base de Varces-Allières-et-Risset, le rapporteur a pu constater l’importance de ce type de financements pour le moral des personnels. Le précédent Plan famille (2018-2023) avait en effet permis la rénovation du foyer, qui est un espace de convivialité essentiel pour les personnels et leurs proches.

4.   Le programme 146 Équipement des forces

Le programme 146 Équipement des forces rassemble les crédits relatifs aux armements et matériels nécessaires à la réalisation des missions des armées. Les crédits s’élèvent à 24,392 milliards d’euros en AE et 16,56 milliards en CP, soit respectivement des hausses de 3,73 % et 7,87 % par rapport à la LFI 2023.

Parmi les matériels livrés en 2024 figurent le troisième satellite d’observation Composante spatiale optique (CSO), deux avions de transport militaire A400M, 13 Rafale, 10 Mirage 2000D rénovés, 12 canons Caesar (camion équipé d’un système d’artillerie), 21 chars de combat Leclerc rénovés, 282 véhicules blindés du programme Scorpion ([15]) ou encore 8 000 fusils d’assaut HK416 et le troisième sous-marin nucléaire d’attaque (SNA) du programme Barracuda.

Des engagements sont également prévus pour l’achat de nouveaux équipements (première capacité d’action dans l’espace Égide, 11 stations de communication satellitaires Syracuse IV, 395 véhicules blindés ([16]), 8 000 nouveaux fusils d’assaut HK416 Scorpion, 1 lot de missiles MICA NG, etc.)

Le rapporteur se réjouit de ces commandes d’armements et de matériels. Une partie des matériels est aujourd’hui vieillissante, notamment les véhicules terrestres, avec une difficulté à trouver des pièces détachées et une disponibilité technique très basse. En outre, ces commandes jouent un rôle essentiel pour le moral des troupes. Sur la base militaire de Varces-Allières-et-Risset, le rapporteur a en effet pu remarquer que l’arrivée des véhicules du programme Scorpion, hautement technologiques, était très appréciée par les militaires, et notamment les jeunes recrues. A contrario, le rapporteur a également constaté que le manque de canons Caesar du 93ème RAM posait un réel problème capacitaire et empêchait les jeunes de s’approprier suffisamment le matériel. Le rapporteur appelle donc à un remplacement plus rapide des matériels cédés ou vendus à l’Ukraine.

Le rapporteur pour avis souhaite également exprimer son inquiétude au sujet des différents projets de programmes d’armement commun avec l’Allemagne, en particulier le char de combat MGCS (Main-Ground Combat System ou système principal de combat terrestre) et le Système de combat aérien du futur (SCAF). La France ne doit ni perdre sa souveraineté, ni prendre un retard conséquent dans la course aux programmes du futur, au profit d’un partenaire qui ne partage pas les mêmes intérêts pour son industrie de défense.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

II.   la remise en cause des régimes de maîtrise des armements : un défi pour notre diplomatie et nos armées

Les régimes internationaux de maîtrise des armements (« arms control » en anglais), souvent hérités de la guerre froide, sont aujourd’hui fortement remis en cause, soit directement par certains États qui dénoncent les traités, soit indirectement par le réarmement massif de nombreux pays, qu’il s’agisse d’armes conventionnelles ([17]) ou non conventionnelles ([18]).

Pourtant, la maîtrise des armements est considérée comme un pilier de la sécurité collective car elle réduit les risques de multiplication des armes conventionnelles ou de destruction massive (la « course aux armements ») et les incompréhensions susceptibles de conduire à la guerre. Les traités qui en fixent le cadre cherchent en effet à maintenir un équilibre stratégique qui introduit de la prévisibilité entre les adversaires, notamment à travers les mesures de transparence et la limitation voire l’interdiction de certains types d’armes. La maîtrise des armements peut alors utiliser le « désarmement », un autre concept qui consiste à diminuer le nombre ou la qualité des armes.

Le rapporteur a auditionné les diplomates français spécialistes de la maîtrise des armements à Paris, à Genève (en visioconférence) et à Vienne, ainsi que des représentants du ministère des armées et des chercheurs.

A.   des régimes juridiques dépassés par le contexte international

1.   Les régimes historiques de maîtrise des armements

a.   Sur le plan nucléaire

La maîtrise des armements nucléaires a connu un véritable essor pendant la guerre froide, grâce à la signature d’accords bilatéraux entre les États-Unis et l’Union des républiques socialistes soviétiques (URSS).

Les deux parties ont pris conscience de leur vulnérabilité mutuelle et de la nécessité de trouver une forme d’équilibre ne reposant pas uniquement sur le rapport de force, en particulier après la crise de Cuba de 1962. Les accords de maîtrise des armements ont été vus comme une occasion d’obtenir de la prévisibilité et de la retenue dans les relations entre les deux superpuissances.

Dès 1963, le traité de Moscou a interdit les essais nucléaires non souterrains entre les deux grands. Les traités SALT I et SALT II sur la limitation des armes stratégiques (« Strategic Arms Limitation Talks »), signés respectivement en 1972 et 1979, ont ensuite limité les arsenaux nucléaires offensifs à des plafonds ; et le traité ABM (« Anti ballistic missile ») signé en 1972, a restreint le déploiement de système antimissiles balistiques à un seul site (dans sa version modifiée de 1974) ([19]). Puis, après un regain de tensions à la fin des années 1970 et au début des années 1980 (crise dite des « euromissiles »), la fin de la guerre froide a été marquée, en 1987, par la signature du traité de Washington, qui prévoit l’élimination des forces nucléaires à portée intermédiaire (dites « FNI », soit les missiles sol-sol de portée comprise entre 500 et 5 500 kilomètres).

En 1991, les deux États ont également décidé unilatéralement de réduire leur stock d’armes nucléaires tactiques, c’est-à-dire à charge explosive plus faible et de moindre portée.

L’année 1991 a également été marquée par un tournant majeur, avec le premier accord de désarmement nucléaire stratégique : le traité START I (« Strategic arm reduction talks »). Ce dernier, entré en vigueur de 1994 à 2009, a limité l’arsenal stratégique ([20]) des deux grands à 1 600 vecteurs et 6 000 têtes nucléaires. Il a été complété par le traité SORT (« Strategic offensive arms reduction treaty ») signé en 2002, qui prévoyait un plafond de 1 700 à 2 200 têtes nucléaires déployées par chacune des parties ([21]). Enfin, le traité New START, signé en 2010, est entré en vigueur en 2011 pour dix ans. Il limite le nombre de têtes nucléaires déployées à 1 550 et le nombre de vecteurs déployés à 700. Prolongé en 2021 pour cinq ans, ce traité prendra fin le 5 février 2026.

Alors que les arsenaux nucléaires américain et soviétique cumulés dépassaient les 60 000 armes dans les années 1980, ces traités ont permis de considérablement les réduire.

Ces avancées bilatérales ont été complétées par des accords multilatéraux qui, en imposant des contraintes complémentaires dans des domaines différents, ont contribué à réduire les arsenaux nucléaires mondiaux. C’est le cas des instruments de lutte contre la prolifération nucléaire, dont la pierre angulaire est le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) ([22]), ouvert à la signature en 1968 et entré en vigueur en 1970. Ce traité à vocation universelle cherche à limiter le nombre d’États possédant l’arme nucléaire. Il reconnaît cinq États dotés ([23]) et instaure un système de garanties exigeant, décliné par l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), et comprenant des inspections locales.

En complément, un traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE) a été ouvert à la signature en 1996 mais n’a pas encore obtenu toutes les ratifications nécessaires à son entrée en vigueur. Une organisation est néanmoins en place pour assurer son respect, l’OTICE. De plus, les cinq États dotés ont adopté un moratoire sur les essais nucléaires.

b.   Sur le plan conventionnel

En Europe, aux États-Unis et en Russie, le désarmement conventionnel a découlé de la régionalisation de la sécurité collective confiée à la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE), créée en 1975 et qui permettait d’héberger des discussions entre les pays du Pacte de Varsovie et de l’Alliance Atlantique. En 1995, la CSCE est devenue l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont le siège se situe à Vienne.

Trois instruments majeurs ont été adoptés et sont encore en vigueur aujourd’hui :

-         le traité sur les forces armées conventionnelles en Europe (FCE), signé en 1990 entre les États membres de l’OTAN et ceux du pacte de Varsovie, qui impose des limitations quantitatives sur le matériel lourd ([24]) pouvant être déployé dans la zone qu’il couvre. Il prévoit la conduite d’inspections et l’échange annuel d’informations militaires. Selon le ministère des armées français, ce traité a permis la destruction de près de 52 000 équipements militaires majeurs dès 1995 sur toute la zone d’application ;

-         le traité Ciel Ouvert (TCO), signé en 1992 et entré en vigueur en 2002, qui autorise les vols non-armés d’observation au-dessus du territoire des États parties, afin de contrôler les installations stratégiques et les mouvements militaires. Plus de 1 500 vols ont été réalisés depuis 2002 ;

-         le document de Vienne, signé en 1990 et dont la dernière version date de 2011, qui a pour objectif d’améliorer la confiance entre les États parties en prévoyant des échanges d’informations, la conduite d’inspections sur site et la notification des activités militaires dépassant un certain seuil.

Au niveau mondial, la convention sur certaines armes classiques (CCAC), signée en 1980 et entrée en vigueur en 1983, est le principal texte onusien de désarmement conventionnel à des fins humanitaires. Cette convention interdit ou restreint l’usage de certaines armes dont l’utilisation causerait des souffrances inutiles ou injustifiables aux combattants, ou qui frapperaient sans discrimination des populations civiles non impliquées dans les hostilités.

De plus, d’autres conventions jouent également un rôle central dans la maîtrise des armements conventionnels, telles que la convention sur les mines anti-personnel, dite « convention d’Ottawa » (1997), et à la convention sur les armes à sous-munitions, dite « convention d’Oslo » (2008).

2.   Une crise sans précédent

La crise de la maîtrise des armements se manifeste aussi bien pour les armements conventionnels que nucléaires et les dispositifs juridiques sont parfois directement dénoncés par les gouvernements dans leur discours officiel.

Cette situation s’inscrit dans un contexte plus général de compétition stratégique affirmée entre grandes puissances et de remise en cause du multilatéralisme.

a.   Sur le plan nucléaire

Dans le domaine nucléaire, plusieurs grands traités issus de la guerre froide ont été dénoncés par les États-Unis ou la Russie, qu’il s’agisse des traités bilatéraux, ou même multilatéraux.

Les États-Unis sont sortis du traité sur les forces nucléaires intermédiaires (FNI) en août 2019, en réponse aux violations par la Russie des dispositifs de ce traité ([25]). Le texte est devenu caduc, ce qui a modifié les équilibres stratégiques en Europe puisque la Russie a désormais la possibilité de développer et de déployer des missiles sol-sol de portée comprise entre 500 et 5 500 kilomètres.

En outre, au mois de février 2023, le traité New START, dernier traité bilatéral imposant des plafonds sur les arsenaux nucléaires stratégiques russe et américain, a été suspendu par la Russie, dans le contexte de la guerre en Ukraine ([26]). L’administration russe a affirmé qu’elle continuerait à respecter la limite imposée par le traité jusqu’à la fin effective de celui-ci en 2026.

La Chine continue quant à elle de développer significativement son arsenal nucléaire et ne donne aucune indication sur sa doctrine. En 2023, elle disposerait de 410 têtes nucléaires déployées (contre 350 en 2022 ([27])) et pourrait en posséder 1 000 d’ici 2030. La Chine se rapprocherait alors de la parité avec les États-Unis et la Russie, son objectif.

Dans ce contexte, les États-Unis se disent prêts à s’engager dans un dialogue avec la Russie et avec la Chine « sans précondition », afin d’envisager de nouveaux instruments permettant d’encadrer la compétition stratégique. Toutefois, les deux autres États lient la tenue de discussions sur la maîtrise des armements à une amélioration du contexte sécuritaire global.

La Russie a par ailleurs refusé d’adopter la déclaration finale de la 10ème conférence de réexamen du traité de non-prolifération (TNP), en août 2022, et annoncé envisager de retirer sa ratification au traité d’interdiction complète des essais nucléaires (TICE), le 6 octobre 2023, pour s’aligner sur la position américaine. Le 17 octobre dernier, la Douma a approuvé en première lecture un projet de loi révoquant cette ratification.

Au-delà même de la question de la ratification russe, le TICE est loin d’entrer en vigueur, puisqu’il lui manque la ratification de huit États : l’Arabie saoudite, les États-Unis, la Chine, l’Égypte, l’Inde, Israël, l’Iran et le Pakistan. Le sujet des essais nucléaires reste politisé, les États-Unis accusant en effet la Russie et la Chine de ne pas respecter la notion d’essai sans dégagement d’énergie (« zero-yield »), contrairement à un engagement pris en ce sens par les cinq États dotés de l’arme nucléaire (moratoire sur les essais) allant dans le sens des engagements imposés par le TICE ([28]).

Enfin, un risque de prolifération nucléaire continue de peser fortement sur l’Iran. Le pays poursuit en effet son programme nucléaire et a restreint les capacités de contrôle de l’AIEA.

b.   Sur le plan conventionnel

Bien que les trois principaux instruments de maîtrise des armements conventionnels en Europe continuent d’être appliqués aujourd’hui par la plupart des États parties, leur efficacité est remise en cause.

En effet, la Russie a annoncé son retrait du traité sur les forces conventionnelles en Europe (FCE) en mai 2023, après en avoir suspendu l’application dès 2007, réduisant mécaniquement l’efficacité de ce traité basé sur la réciprocité. Son retrait sera effectif le 7 novembre 2023 ([29]).

De même, les États-Unis se sont retirés du traité ciel ouvert en 2020, suivis par la Russie en 2021.

Enfin, si le document de Vienne, appliqué par l’ensemble des États membres de l’OSCE, continue de garantir une forme de transparence entre les États qui l’appliquent, les détournements de Moscou et son refus de le moderniser en limitent les bénéfices.

Plus généralement, l’essentiel des travaux de l’OSCE en matière d’armements conventionnels est bloqué depuis une dizaine d’années.

B.   réinventer la maîtrise des armements : un objectif de long terme pour la france

Si des avancées significatives semblent improbables en matière de maîtrise des armements à court ou moyen termes, la France doit néanmoins continuer à défendre cet idéal et ce d’autant plus que de nouveaux défis s’ouvrent dans le domaine. L’objectif est d’éviter un réarmement sans limite, qui alimenterait l’insécurité, tout en préservant ses intérêts stratégiques.

Pour y parvenir, la France doit éviter que les forums existants, et notamment l’OSCE, disparaissent. De plus, elle doit éviter une « trilatéralisation » du débat (États-Unis, Chine et Russie), pour que sa voix continue à peser.

1.   Une multiplication des enjeux en matière de maîtrise des armements

Les enjeux en matière de maîtrise des armements sont aujourd’hui très différents de ceux de la guerre froide, qui avaient inspiré les traités historiques.

Alors que la Chine possède un arsenal nucléaire et conventionnel capable de remettre en cause les intérêts occidentaux, ses ambitions ne sont pas limitées par les traités de maîtrise des armements. Elle s’oppose même à l’édiction de toute mesure contraignante.

Plus généralement, de nombreux pays disposent aujourd’hui de systèmes d’armes conventionnels sophistiqués ˗ notamment des missiles ˗ dont les effets sont potentiellement stratégiques compte tenu de leurs caractéristiques (portée, précision, nombre). La prolifération de tels systèmes représente un enjeu de sécurité mondiale.

En outre, de nouveaux champs de rivalité stratégique permanente, voire de conflictualité, se développent. C’est le cas du cyberespace et de l’espace extra-atmosphérique, où l’on constate une forme complexe d’arsenalisation autour de capacités souvent duales et de modes d’action ne permettant pas toujours d’attribuer les attaques.

Plus généralement, les changements technologiques (intelligence artificielle, armes autonomes, hypersoniques, etc.) pourraient modifier profondément les capacités militaires. La maîtrise des armements ne pourra alors plus passer par une simple logique paritaire quantitative : l’aspect qualitatif devra être davantage pris en considération.

2.   Perspectives : préserver les régimes à court terme, les réinventer à long terme

La maîtrise des armements découle toujours d’un contexte stratégique favorable. Ainsi, la France doit d’abord rechercher un apaisement des tensions sur la scène internationale, avant d’espérer convaincre les autres États des bénéfices de la maîtrise des armements, pour favoriser la sécurité mondiale, mais également pour pouvoir rester une puissance nucléaire de premier plan.

Mais cette situation ne justifie pas l’inaction. À court terme, la France peut contribuer à préserver et à améliorer les régimes de maîtrise des armements qui existent encore. En parallèle, elle doit aussi se doter d’une stratégie de long terme pour relancer et réinventer la maîtrise des armements, lorsque le contexte international le permettra.

La France doit tout d’abord continuer à proposer des normes de droit souple, c’est-à-dire non contraignantes, qui sont plus facilement acceptées par les autres États dans le contexte international actuel. Elle a par exemple proposé le lancement de discussions sur les systèmes d’armes létaux autonomes (SALA) dans le cadre de la CCAC. Depuis 2017, un groupe d’experts gouvernementaux (GEG) sur l’intégration de l’intelligence artificielle aux systèmes d’armes a été créé au sein de la CCAC.

La France propose aussi des programmes d’assistance au désarmement pour les pays volontaires. Le ministère des armées envoie par exemple des instructeurs spécialisés en déminage à l’École régionale de déminage humanitaire au Liban et au Centre national pour les forces de maintien de la paix (National centre for peace keeping forces) au Cambodge.

Malgré les difficultés rencontrées, la France continue également à promouvoir des textes contraignants, tels que le TICE, et défend un projet de traité sur l’interdiction de production des matières fissiles destinées aux armes (FMCT), même si ce texte est bloqué à la Conférence du désarmement, dont le fonctionnement repose sur la règle du consensus.

Mais la France doit aussi se tenir prête à négocier de nouveaux traités, dès que cela deviendra possible. Certains traités existants, notamment ceux qui concernent les armements conventionnels, sont largement obsolètes et nécessitent une profonde modernisation.

Or, pour que les négociations soient un jour possibles, il apparaît nécessaire de préserver les enceintes telles que l’OSCE. Elle est un espace unique de discussion, rassemblant notamment l’Europe, les États-Unis et la Russie, dans le domaine de l’armement. Elle est aussi un réservoir de bonnes pratiques et un centre de réflexion sur la maîtrise des armements. Elle pourrait donc s’avérer d’une utilité majeure en cas de déblocage.

Pourtant, la France semble se désinvestir de cette enceinte. L’équipe de la représentation permanente auprès de l’OSCE n’est pas en cause, le rapporteur a pu constater sa motivation et son engagement sur la thématique. Mais ses effectifs sont peu nombreux (12 agents, dont seulement 5 diplomates, 2 militaires et 1 gendarme du ministère de l’intérieur ([30])). L’OSCE ne semble pas être une préoccupation du président de la République, qui préfère développer d’autres formats de négociation tels que le sommet de la Communauté politique européenne. La France sera pourtant présidente du Forum pour la coopération en matière de sécurité de l’OSCE en 2026, une occasion qu’il conviendrait d’utiliser véritablement.

L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE)

L’OSCE est composée de cinquante-sept États, originaires de trois continents différents (États-Unis, Canada, pays européens Russie, Caucase, Asie centrale), et entretient des relations avec onze États partenaires. Ses origines remontent à l’Acte final d’Helsinki de 1975 et à la Charte de Paris de 1990.

L’OSCE se distingue par son approche globale traitant trois dimensions de la sécurité : politico-militaire, économique et environnementale, et humaine.

Les principales discussions ont lieu au Conseil permanent et au Forum pour la coopération en matière de sécurité (FCS), qui se réunissent chaque semaine.  La prise de décision fonctionne sur la règle du consensus.

L’OSCE met également en œuvre plusieurs opérations de terrain dans les Balkans occidentaux, dans le Caucase du Sud et en Asie centrale. Ces missions ont vocation à appuyer les pays hôtes dans la mise en place des engagements contractés dans le cadre de l’OSCE et dans le développement de capacités locales. 

En raison des dynamiques évoquées dans le rapport et de la guerre en Ukraine, l’OSCE est victime d’une crise institutionnelle. Son budget n’a d’ailleurs pas été adopté depuis deux ans, faute d’accord entre les États. Cette organisation reste néanmoins un espace de discussion unique.

Plus généralement, la France pourrait être encore plus présente dans les enceintes multilatérales (P5, ONU) et communiquer davantage sur les actions réalisées. Cela nécessiterait des moyens diplomatiques supplémentaires ([31]). Le rapporteur a pu constater que les représentations permanentes de la France auprès de la Conférence du désarmement à Genève et auprès des Nations unies et des autres organisations internationales à Vienne, disposaient de moyens limités. Il propose une hausse des moyens déployés dans ces représentations permanentes et demande également le maintien, voire le renforcement, des postes de correspondants « affaires stratégiques » dans les ambassades ([32]).

De même, la France doit continuer à être présente dans toutes les enceintes de vérification des armements et préserver ses compétences en la matière, pour s’assurer de la bonne application des traités.

Enfin, pour ne pas dépendre de la bonne foi des autres États, la France doit disposer de moyens de renseignement suffisants pour pouvoir évaluer la réalité des arsenaux et éviter tout risque de prolifération d’armes de destruction massive.

 

 


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   TRAVAUX DE LA COMMISSION

Lors de sa réunion du 25 octobre 2023, la commission a examiné le présent avis budgétaire.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. En ces moments dramatiques, il est bon que cette commission se réunisse, qui plus est sur des sujets un peu techniques qui nous permettent de reprendre notre souffle, puis de prendre les responsabilités politiques que nous estimons, chacun dans nos groupes, devoir prendre. Nous achevons aujourd’hui l’examen de nos différents avis budgétaires sur le projet de loi de finances 2024.

Nous nous prononcerons donc aujourd’hui sur trois missions budgétaires : Défense, Écologie, développement et mobilité durable et Économie, commerce extérieur et diplomatie économique. Le fait que le Gouvernement ait engagé sa responsabilité, sur le fondement de l’article 49, alinéa 3, de notre Constitution, sur la première partie du projet de loi de finances n’emporte pas pour conséquence que la deuxième partie soit réputée adoptée elle aussi. Dans la perspective des débats en séance publique sur le volet « dépenses » du projet de loi de finances (PLF), nous devons nous prononcer sur les crédits des missions dont nous nous sommes saisis pour avis.

Le contexte du débat budgétaire et l’hypothèse désormais envisageable d’un recours du Gouvernement à l’article 49.3 sur la seconde partie du PLF n’en rendent nos débats que plus essentiels : ils permettront d’éclairer nos concitoyens et nous-mêmes sur les positions des uns et des autres sur les différents volets du budget qui intéressent notre commission.

Examen pour avis et vote des crédits de la mission Défense (M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis)

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le premier avis budgétaire à examiner aujourd’hui porte sur la mission Défense, sur le rapport de M. Alexis Jolly. L’année 2024 sera la première de la période couverte par la loi de programmation militaire (LPM) du 1er août 2023, sur laquelle notre commission s’est prononcée au printemps dernier. Les dotations de la mission Défense sont portées à un peu plus de 56,8 milliards d’euros, soit une augmentation de plus de 3 milliards d’euros.

Eu égard au contexte international, il me semble que nous pouvons nous féliciter de cet effort très substantiel en faveur de nos armées, qui bénéficiera particulièrement au renouvellement et à l’entretien de leur matériel. Notre rapporteur pour avis a choisi de consacrer la partie thématique de ses travaux à la maîtrise des armements.

La France est partie à des conventions internationales majeures telles le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP) de 1968, qu’elle a signé seulement en 1992, la convention d’Oslo sur les armes à sous-munitions, la convention d’Ottawa sur les mines anti-personnel et le traité sur le commerce des armes de 2014. S’y ajoute le cadre normatif communautaire qui impose lui aussi des obligations fortes. La guerre en Ukraine place évidemment la question du contrôle des armements sous un jour nouveau.

L’agression de l’Ukraine, État souverain, par une puissance nucléaire, au mépris des principes de la charte des Nations Unies, a conduit au réveil de bien des nations quant à la nécessité d’une défense crédible. Les dépenses d’équipement et les achats de munitions sont repartis à la hausse. Le sujet choisi par notre rapporteur pour avis est donc d’une grande actualité.

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. Il me revient aujourd’hui de vous présenter les crédits de la mission Défense qui figurent dans le projet de loi de finances pour 2024. Cette mission comporte quatre programmes : le programme 144 Environnement et prospective de la politique de défense, le programme 178 Préparation et emploi des forces, le programme 212 Soutien de la politique de la défense et le programme 146 Équipements des forces.

L’année 2024 sera la première année d’exécution de la nouvelle loi de programmation militaire qui porte sur la période 2024-2030 et, d’un point de vue strictement budgétaire, le PLF 2024, conformément à la trajectoire fixée par la LPM, prévoit une hausse de 3,3 milliards d’euros des crédits. Si cette loi engage une transformation réelle de nos forces armées, elle présente néanmoins encore des manques.

Par exemple, de grands programmes, notamment le programme Synergie du contact renforcée par la polyvalence et l’infovalorisation (Scorpion), subissent des décalages par rapport au plan Ambition 2030, alors qu’ils sont très attendus par nos militaires. De même, les augmentations d’effectifs prévues restent insuffisantes. Nos forces armées ont été dépouillées pendant vingt ans et, au regard de ce constat, la LPM doit encore être consolidée pour mieux s’adapter aux besoins, dans un contexte de regain des tensions et compte tenu des enjeux de souveraineté et de capacité d’engagement de la France.

Les quatre programmes de la mission Défense sont fort heureusement en hausse mais des anomalies budgétaires persistent cette année encore. Ainsi, la dotation pour les frais de fonctionnement des opérations intérieures, dont Sentinelle, s’élève à seulement 30 millions d’euros. Cette enveloppe est très clairement sous-évaluée : d’une part, nos militaires voient leur engagement dans Sentinelle renforcé par l’accroissement de la menace terroriste ; d’autre part, ils devront également assurer la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024. Se pose donc là un problème de sincérité budgétaire.

Je souhaite principalement évoquer deux programmes, à commencer par le programme 212 Soutien de la politique de la défense qui regroupe l’ensemble des dépenses de personnel du ministère. Ces crédits augmentent mais l’objectif de recrutement se limite seulement à 456 postes supplémentaires, contre 700 annoncés dans la LPM. Cet objectif paraît de surcroît peu réaliste au regard des difficultés rencontrées par le ministère pour recruter et fidéliser le personnel. Le ministère doit s’engager davantage pour rendre l’ensemble des carrières plus attractives, des militaires du rang aux officiers et des civils de catégorie C aux civils de catégorie A+. La base militaire de Varces, en Isère, que j’ai pu visiter, manque tout simplement de cuisiniers ; en effet, les salaires qu’elle propose ne peuvent concurrencer ceux du secteur privé. Cet exemple pourrait paraître anecdotique mais la situation pose de véritables problèmes au quotidien.

Le second programme que je souhaite évoquer est le programme 146 Équipement des forces. Les matériels utilisés par nos armées sont pour partie vieillissants, notamment les véhicules terrestres, qui offrent une disponibilité technique très faible. Les commandes et livraisons sont fort heureusement en augmentation. J’ai pu monter dans l’un des véhicules Serval qui viennent d’être livrés au 7e bataillon de chasseurs alpins basé à Varces. Il s’agit d’un véhicule blindé doté de nouvelles fonctionnalités, notamment en termes de combat collaboratif, et qui offre une bien meilleure sécurité et un bien meilleur confort à nos militaires que les véhicules de l’avant blindé (VAB) qui seront remplacés. Ce type de véhicule de haute technologie permet également de fidéliser les jeunes recrues.

Cependant, des livraisons ont été décalées et de nombreux matériels cédés ou vendus à l’Ukraine n’ont pas encore été remplacés. Le 93e régiment d’artillerie de montagne, basé à Varces, m’a présenté un canon Caesar, le meilleur canon du monde, fabriqué par l’industriel français Nexter. Actuellement, ce régiment n’est doté que de quatre de ces canons, alors qu’il pourrait en accueillir seize. Les possibilités d’entraînement de nos militaires et nos capacités d’engagement en cas de conflit posent question ; or les matériels constituent un enjeu plus important que jamais dans un contexte de réarmement global.

Ce sujet me permet de faire le lien avec la partie thématique du rapport, à savoir la maîtrise des armements, considérée comme un pilier de la sécurité collective en ce qu’elle réduit le risque de course aux armements et les incompréhensions susceptibles de mener à la guerre.

Historiquement, elle est passée par de grands traités, décrits dans le rapport.

En matière nucléaire, le dernier grand traité bilatéral entre les États-Unis et la Russie a été signé en 2010 et reste en vigueur jusqu’en 2026. Il s’agit du traité New Start, qui limite à 1 550 le nombre de têtes nucléaires déployées et à 700 le nombre de vecteurs déployés. Les avancées bilatérales entre les deux « grands » ont été complétées par un instrument multilatéral majeur, le TNP, signé en 1968 pour une entrée en vigueur en 1970. Il reconnaît cinq États « dotés » et vise à empêcher la prolifération des armes nucléaires.

En matière d’armes conventionnelles, les avancées importantes en Europe sont le fruit de la régionalisation de la sécurité collective au travers de la Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe (CSCE) créée en 1975 et remplacée en 1995 par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), dont le siège se situe à Vienne. L’OSCE réunit aujourd’hui 57 États membres, dont les États-Unis, le Canada, les pays européens au sens large, la Russie, le Caucase et l’Asie centrale ; elle a permis l’adoption de trois instruments majeurs : le traité sur les forces armées conventionnelles en Europe (FCE), signé en 1990, le document de Vienne, également signé en 1990, et le traité « Ciel ouvert », signé en 1992 et entré en vigueur en 2002.

Cependant, depuis une vingtaine d’années et dans un contexte de hausse de la conflictualité et de crise du multilatéralisme, les régimes juridiques de maîtrise des armements sont en crise, qu’il s’agisse des armes nucléaires ou des armes conventionnelles. Cette crise s’est accentuée depuis la guerre en Ukraine. Sur le plan nucléaire, la Russie a par exemple suspendu sa participation au traité New Start en février 2023 et, sur le plan conventionnel, les États-Unis puis la Russie se sont retirés du traité « Ciel ouvert », respectivement en 2020 et 2021. La Russie s’est également retirée du traité FCE en mai 2023.

J’ai pu me rendre à Vienne et j’y ai parfois entendu des mots assez durs, notamment au sujet de l’OSCE, qui serait « complètement bloquée depuis plus d’une dizaine d’années » et « totalement incapable d’avancer sur des sujets politico-militaires ». Certains m’ont même parlé de « chaos total », d’une situation « pire que la guerre froide ». Un possible départ de la Russie de l’OSCE est même envisagé, ce qui serait une catastrophe puisque, aujourd’hui, il s’agit de l’une des seules fenêtres de discussion possibles dans le cadre du conflit ukrainien.

Pourtant, les enjeux en matière de maîtrise des armements se multiplient à l’échelle mondiale. Ainsi, la Chine n’est liée par aucun texte contraignant alors qu’elle augmente son arsenal nucléaire et conventionnel. En 2023, elle disposerait de 410 têtes nucléaires déployées, contre 350 en 2022, et viserait 1 000 têtes nucléaires d’ici 2030. Elle se rapprocherait alors de la parité avec les États-Unis et la Russie, ce qui est son objectif. La Chine ne donne aucun élément sur sa doctrine et s’oppose à toute mesure qui pourrait contraindre ses ambitions.

En outre, de nouveaux champs de rivalité stratégique permanente, voire de conflictualité, se développent : cyberespace, espace extra-atmosphérique, avec des capacités souvent duales.

Plus généralement, les changements technologiques – intelligence artificielle, armes autonomes, hypersonique, etc. – pourraient modifier profondément les capacités militaires.

La maîtrise des armements ne pourra donc plus passer par une simple logique paritaire quantitative ; l’aspect qualitatif devra être davantage pris en considération.

Dans un tel contexte, la France doit éviter un réarmement sans limite. Compte tenu du contexte international, il semble illusoire d’espérer obtenir à court ou moyen terme la signature de nouveaux traités par les grandes puissances militaires mais il importe de préparer l’avenir. Les textes hérités de la guerre froide sont souvent obsolètes ; il faudra un jour en proposer de nouveaux. Deux axes doivent être poursuivis : préserver les régimes existants à court terme et se doter d’une stratégie à long terme pour relancer et réinventer la maîtrise des armements lorsque le contexte international y sera favorable.

Pour y parvenir, la France doit éviter la disparition des forums existants, notamment l’OSCE. Elle réunit encore l’Europe autour d’une même table et, si elle disparaissait, il serait probablement impossible de la reconstruire. Pourtant, cela ne semble pas être aujourd’hui une priorité du président de la République.

La France doit également éviter une tri-latéralisation du débat qui verrait les États-Unis, la Chine et la Russie discuter ensemble, laissant la France sur la touche. La France est une grande puissance nucléaire, membre du Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations Unies (ONU) : sa voix doit peser sur cette thématique en toute indépendance, comme l’exige sa position traditionnelle de non-alignement et de souveraineté diplomatique, conformément à ce que souhaitait le général de Gaulle pour la Ve République.

Après vous avoir présenté les enjeux et les perspectives liés à la maîtrise des armements, je reviens en conclusion aux aspects budgétaires pour souligner l’augmentation des crédits de la mission Défense. Elle reste certes insuffisante par rapport aux besoins de nos forces armées mais cela n’en constitue pas moins une bonne nouvelle, raison pour laquelle je rends tout de même un avis favorable.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. La parole est à présent aux orateurs des groupes.

Mme Eléonore Caroit (RE). Le PLF 2024 porte la mission Défense à 47,2 milliards d’euros. Il prévoit une augmentation de 3,3 milliards d’euros, soit une hausse de 7,5 % par rapport au budget de l’année dernière. Cette hausse conséquente s’inscrit dans la dynamique de réparation et de transformation de nos armées françaises initiée en 2017. Trois décennies de désinvestissement budgétaire avaient conduit nos armées au bord de l’effondrement. Notre majorité est celle qui a mis un terme au sous-investissement et à l’érosion de nos armées.

En rupture avec la politique menée jusqu’en 2017, nous avons su renverser la tendance afin d’attribuer à nos forces armées les moyens qu’elles méritent. Pour la septième année consécutive, le budget des armées françaises est en hausse. De 2017 à 2024, il aura ainsi augmenté de 46 %. L’augmentation prévue au PLF 2024 est la plus importante depuis 2017. C’est aussi la première étape de la planification budgétaire prévue par la LPM promulguée le 1er août 2023. Cette loi, portée par notre majorité, transcrit une vision claire de la France, de sa place dans le monde et de l’importance accordée aux armées françaises.

Elle permettra à la France de faire face aux nouvelles menaces, de préparer nos armées en cas de conflit de haute intensité et de confirmer notre pays au rang des puissances mondiales. Nous connaissons le contexte international et géopolitique complexe auquel la France doit prendre part. Le budget 2024 correspond à ces problématiques géopolitiques et tient compte de l’incertitude générée par la poursuite du conflit en Ukraine, la reconfiguration du dispositif en Afrique, la compétition stratégique accrue en Indo-Pacifique et les enjeux migratoires, environnementaux et énergétiques.

Dans votre rapport cependant, vous mettez l’accent sur un certain nombre d’insuffisances, notamment le nombre insuffisant de canons Caesar.

Lors d’une audition à l’Assemblée nationale, le ministre des armées, Sébastien Lecornu, a justement tenu à rappeler qu’il ne servirait à rien d’avoir des centaines de canons Caesar sur étagère si nos armées ne disposent pas de moyens cohérents et suffisants. C’est précisément ce que prévoit ce budget 2024, qui privilégie la cohérence optimale de notre modèle d’armée au caractère spectaculaire des commandes de masse dans les secteurs les plus visibles. Vous reconnaissez l’effort inédit de la politique menée par le Gouvernement depuis 2017 mais vous préférez vous en tenir à une position de posture et rester dans une forme de critique.

Pour ma part, je ne retiendrai que les chiffres, qui reflètent le vote de l’Assemblée nationale et la mise en œuvre de la LPM 2024-2030 et qui permettent d’attribuer à nos armées des moyens dignes des missions qui leur incombent, de leur savoir-faire, leurs compétences et des situations qu’elles doivent affronter. Pour toutes ces raisons, le groupe Renaissance votera ces crédits.

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. Il est vrai que depuis vingt ou trente ans, 60 000 postes ont été supprimés au sein des forces armées, qui étaient « à l’os ». Face à la recrudescence des conflits mondiaux, il a donc bien fallu se réarmer, d’abord militairement pour rehausser notre capacité militaire. Le PLF prévoit effectivement le recrutement d’un certain nombre de militaires, dans des proportions insuffisantes au regard de ce qu’annonçait la LPM, mais cela va dans le bon sens. Quant au manque de matériels, ce sont les militaires eux-mêmes qui considèrent que leurs régiments sont en capacité aujourd’hui d’accueillir davantage de matériels, comme les canons Caesar. Il en résulte une certaine inquiétude chez nos militaires qui d’abord se sentent un peu oubliés, même s’ils reconnaissent que de nombreux efforts ont été accomplis pour davantage doter les armées en équipements.

J’ai rencontré Thierry Carlier qui nous a détaillé les programmes de livraison des nouveaux matériels. De ce point de vue, le Gouvernement a respecté sa parole de mieux armer les armées. Mais si ce renforcement cherche à combler le déficit de moyens mis en en œuvre par les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt ou trente ans, il reste insuffisant. Aujourd’hui, pour motiver encore davantage nos militaires et pour nous réarmer face aux menaces mondiales, cet effort doit être poursuivi tant du point de vue humain que matériel.

M. Kévin Pfeffer (RN). Le Rassemblement national a soutenu la LPM 2024-2030, même si nous contestions, d’une part, son calendrier qui reporte la majeure partie des efforts budgétaires à l’après-2027 et, d’autre part, certaines de ses orientations. Nous attendions sa traduction dans la mission Défense du PLF 2024. L’augmentation de 3,3 milliards d’euros, bien qu’insuffisante pour répondre à tous les enjeux, est conforme aux prévisions. Cette bouffée d’oxygène financière permettra d’engager une transformation de nos armées mais ne leur offrira pas toutes les garanties nécessaires à leur réussite, tant les ruptures de capacités ont été importantes ces trente dernières années et tant les défis à relever sont inédits et nombreux, d’autant que nous observons, particulièrement depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron au pouvoir, un délitement de notre diplomatie, un délitement du rôle que la France devrait jouer au regard de ses liens historiques et stratégiques, un effacement de la voix française autrefois non alignée et un affaiblissement de sa force armée souveraine. Ce qui s’apparente de plus en plus à un sectarisme diplomatique, dénoncé à maintes reprises par notre présidente, Marine Le Pen, fait peser un danger croissant sur les Français à mesure que s’allonge la liste de ceux avec lesquels nous ne parlons plus.

Cette perte d’influence de la France dans le monde se traduit par un alignement de plus en plus fréquent sur les seules positions des États-Unis – alignement qui contribue à l’instauration d’un trilogue entre États-Unis, Chine et Russie, qui mènent tous une course à l’armement avec des répercussions directes sur la sécurité et la stabilité du monde. Nous ne devons fermer les yeux ni sur le développement rapide et hors de tout traité de la puissance nucléaire chinoise qui renforce son arsenal, ni sur le risque de prolifération nucléaire toujours présent en Iran. Cette course aux armements s’accentue alors même que les accords historiques visant à les maîtriser semblent affaiblis, voire obsolètes, et que la Russie et les États-Unis se sont retirés récemment de différents traités, remettant ainsi en cause leur efficacité.

Ainsi que vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, la maîtrise des armements semble donc être un enjeu d’avenir pour préserver la voix de la France et la sécurité du monde. Selon vous et d’après vos auditions, notre nation se donne-t-elle véritablement les moyens diplomatiques d’en définir les nouveaux contours et de peser dans cette course que nos concurrents alimentent à coups de centaines de milliards d’euros ?

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. La France est une grande puissance nucléaire mais elle est un peu mise sur la touche par les grands États comme la Russie, les États-Unis ou la Chine. Il ne s’agit pas simplement d’une question de nombre de têtes nucléaires, il s’agit également d’une question de positionnement diplomatique. Lors de mes différentes auditions, j’ai ainsi appris que la Chine englobait les têtes nucléaires françaises et britanniques dans l’arsenal des États-Unis, ce qui démontre d’ailleurs une sorte d’assimilation de notre État, de notre stock nucléaire, à celui des États-Unis. Il me semble important aujourd’hui que la France retrouve une voix singulière de non-alignement pour disposer d’un vrai poids dans les discussions diplomatiques. Cet exemple en est une illustration criante.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous avez raison mais je crois que l’Union des Républiques socialistes soviétiques (URSS) a toujours tenté d’assimiler la force nucléaire de dissuasion française aux forces atlantiques et c’est une constante de la diplomatie française que de refuser bec et ongles cette assimilation.

Mme Élise Leboucher (LFI-NUPES). L’examen de la mission Défense s’inscrit dans un cadre particulier. Le Parlement s’est prononcé sur la LPM 2024-2030 en juin dernier. Ce texte, présenté de manière précipitée, avant la fin de l’exercice de la LPM 2018-2025, manquait de vision politique à long terme et n’anticipait pas les immenses enjeux sécuritaires, climatiques et financiers. En ce qui concerne les crédits budgétaires pour le PLF 2024, notre groupe salue la hausse globale du budget de la mission Défense, laquelle risque cependant d’être réduite à néant du fait d’une inflation pouvant atteindre jusqu’à 10 % dans certains secteurs. À l’occasion des débats sur la LPM 2024-2030, notre groupe avait ainsi alerté le Gouvernement sur la sincérité de son budget face au poids de l’inflation.

Sur le plan social, notre groupe demande plus de précisions sur le contenu des mesures catégorielles visant à renforcer l’attractivité auprès des publics cibles et leur fidélisation, ainsi que sur la pérennisation de ces mesures.

Enfin, des questions subsistent sur la capacité du ministère à remplir ses contrats en matière de politique immobilière et de rénovation des bâtiments, compte tenu de la baisse de 118 millions d’euros des autorisations d’engagement en la matière. Des alertes subsistent par ailleurs autour de certains programmes et de leur exécution. C’est notamment le cas du programme franco-allemand Main Ground Combat System (MGCS) ou « char du futur ».

Depuis six ans, ce projet patine avec un dernier revers en septembre, lorsque Berlin s’est engagé dans le programme européen Future Main Battle Tank (FMBT), sans implication de la France. Les crédits de paiement prévus pour le MGCS, qui s’élèvent seulement à 98 418 euros pour 2024, semblent également refléter la frilosité du Gouvernement à trop investir dans un programme qui paraît voué à l’échec et qui fait peser des menaces sur nos capacités industrielles.

Le dernier point à clarifier concerne les missions Aigle et Lynx, traitées comme des missions opérationnelles et ne bénéficiant à ce titre d’aucun encadrement juridique clair à l’inverse des opérations extérieures (Opex) ; ces missions n’ont ainsi fait l’objet d’aucun vote du Parlement ces deux dernières années. Il convient pourtant de noter qu’elles sont financées par des surcoûts liés aux Opex. Il sera donc essentiel que la représentation nationale clarifie le cadre juridique de ces missions ainsi que leurs moyens de financement. Dans la même logique que celle qui a prévalu pour la LPM, le groupe LFI votera contre ces crédits.

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. Vous avez raison, l’armée éprouve aujourd’hui de grandes difficultés à fidéliser ses militaires. Ces difficultés concernent en réalité l’ensemble de la fonction publique. L’armée travaille à la fidélisation de son personnel, que ce soit par des augmentations de salaire pour certaines catégories de militaires ou par des campagnes publicitaires mais cela reste laborieux, comme en attestent les démissions de gendarmes et de militaires. C’est la raison pour laquelle l’objectif de 700 recrutements en 2024 n’est pas respecté. Peut-être est-ce lié aux conditions des militaires, à un état d’esprit qui serait en décalage avec la société aujourd’hui, notamment le fait de devoir déménager, de recevoir des ordres… Pour certains, ces conditions peuvent paraître difficiles. Vous avez également raison de souligner que les crédits qui devraient être alloués à la rénovation des logements sont insuffisants, ce qui est problématique pour les militaires. Les familles de militaires rencontrent des difficultés à se loger, notamment en région parisienne.

Enfin, pour ce qui est des missions Lynx et Aigle, elles ne sont pas considérées comme des Opex et je crois que, aujourd’hui, nous ne connaissons toujours pas les raisons de cet état de fait, bien que nous ayons posé plusieurs fois la question au cours de nos auditions. Cette situation paraît assez injuste pour les militaires envoyés en Roumanie ou en Estonie, qui partent plusieurs mois et ne sont pas considérés comme en Opex, ce qui a des conséquences sur leur rémunération et leurs cotisations retraite notamment.

Mme Michèle Tabarot (LR). Je remercie le rapporteur pour son travail très intéressant sur la maîtrise des armements. S’agissant maintenant des crédits de la mission Défense, conformément à la LPM, leur hausse sera de 3,3 milliards d’euros en 2024. C’est une première satisfaction, puisque je rappelle qu’elle aurait dû être de 3,1 milliards d’euros. Nous avons obtenu des marges plus importantes grâce à notre engagement à l’Assemblée nationale, au Sénat puis en commission mixte paritaire (CMP). Nous nous en réjouissons, même si nous aurions souhaité une montée en charge plus rapide. Les livraisons d’équipements annoncées, parmi lesquelles les treize Rafale, le sous-marin nucléaire, la frégate de défense et d’intervention (FDI) et les douze canons Caesar, constituent un autre motif de satisfaction. Par ailleurs, sous l’impulsion du ministère des armées, notre base industrielle et technologique de défense (BITD) augmente ses capacités de production pour reconstituer son stock.

Ces points positifs ne nous font pas oublier que ce budget doit aussi traduire l’engagement de la France face aux menaces qui pèsent sur notre sécurité. Il est inquiétant de constater que la France n’atteindra pas cette année l’objectif des 2 % du produit intérieur brut (PIB) consacré à la défense alors que onze pays de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) y parviennent désormais et que ce taux est considéré aujourd’hui comme un plancher et non un plafond. Les Opex, dont les crédits sont en baisse de 30 %, constituent une autre source d’inquiétude. Le désengagement du Sahel peut l’expliquer mais il n’est pas possible d’ignorer ce qui se passe ailleurs dans le monde, notamment au Proche-Orient, alors que le chef de l’État vient d’appeler à une coalition contre le Hamas ; nos casques bleus au Liban seraient en première ligne en cas d’élargissement de ce conflit et nous devons donc prévoir les moyens de faire face à ce risque. Les sujets sont nombreux ; je pourrais évoquer l’évolution des effectifs, l’inflation, les difficultés des projets MGCS et Système de combat aérien du futur (SCAF).

Pour terminer, je voudrais aborder le fonds de soutien à l’Ukraine, dont les 200 millions d’euros seraient consommés. Conformément à la LPM, ce fonds n’apparaît plus dans le budget de la défense. Pour autant, nous devons nous poser la question de sa relance et de son financement. Nous espérons que le ministre pourra nous rassurer rapidement à ce sujet.

Ces observations étant faites, le groupe LR dit sa satisfaction de voir l’évolution positive des crédits de la défense. Même si nous appelons à amplifier les efforts, nous voterons les crédits de cette mission dans la continuité du soutien apporté à la LPM.

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. Effectivement, il est dommage que la France n’atteigne pas l’objectif de 2 % du PIB consacrés au budget de la défense. Un certain nombre de pays y parviennent, ayant pris conscience, depuis le conflit en Ukraine, d’une nécessité de réarmement de leur nation. C’est le cas de l’Allemagne qui a annoncé de nombreux investissements, de la Corée du Sud dont le budget défense représente 2,7 % du PIB, de l’Inde également. La France est encore un peu en retard de ce point de vue mais, par rapport aux cinq, voire aux dix dernières années, la tendance est à l’amélioration. C’est en tout cas ce que ce que je souhaite retenir de ce budget même si, encore une fois, ce n’est pas suffisant. De mémoire, le Rassemblement national proposait en 2017 et en 2021 un budget de 2,5 % du PIB.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Lors des débats sur la LPM, nous avions proposé un amendement visant cette cible plus tôt. Cette commission l’avait voté mais l’Assemblée ne nous a pas suivis lors de la discussion en séance publique.

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. Pour ce qui est des 200 millions d’euros consacrés à l’Ukraine, ils ne sont pas budgétés ici. C’est la réponse que je peux vous apporter pour le moment.

M. Frédéric Petit (Dem). Ce projet de loi de finances est en conformité avec la loi de programmation militaire, ce qui est très important à nos yeux. Le plan « famille 2 » revêt également pour nous une importance particulière. Au sujet de l’Ukraine, notre groupe portera, peut-être avec d’autres, un amendement visant à budgétiser l’aide à l’Ukraine.

Je souhaiterais formuler deux remarques techniques.

Premièrement, concernant les Opex, vous décrivez dans votre rapport un mécanisme en place depuis 2018 qui vise à les sortir de la planification. Cette majorité s’était justement battue pour la mise en place de ce mécanisme car c’est lorsque les Opex étaient soumises au régime de planification que se posait un problème de sincérité. Par définition, il est préférable de ne pas planifier une Opex. Nous avions donc obtenu que les Opex soient gérées exactement selon le mécanisme que vous décrivez dans votre rapport, de façon à ce qu’elles soient prises en charge en fonction des besoins.

Deuxièmement, il est normal qu’une loi de programmation commence par renforcer la BITD. Des marges trop hautes nous imposeraient de nous fournir à l’extérieur, ce qui remettrait en cause notre souveraineté.

Ma question porte sur votre idée de la souveraineté. Vous prononcez un panégyrique de l’OSCE et du multilatéralisme, ce qui me convient mais me surprend quelque peu car j’avais cru comprendre que vous défendiez une voix française. La charte de Paris pour une nouvelle Europe et l’évolution de l’OSCE après la chute du mur et la fin de l’Union soviétique vont dans le sens de la défense des minorités nationales, de la défense des tiers pour régler les conflits, de la coopération énergétique et environnementale entre tous les participants, de la réduction de l’écart de niveau de vie entre l’Afrique et l’Europe. Vous attaquez la tri-latéralisation mais vous n’adhérez pas au principe que l’OSCE doive adopter une forme qui s’apparente à celle de la Communauté politique européenne (CPE). J’y vois une contradiction dans votre préparation dans la mesure où une OSCE qui tendrait vers la CPE, c’est l’OSCE sans la Russie et les États-Unis, que vous appelez justement à ne pas suivre.

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. Je n’ai pas tout à fait saisi le sens de votre question. Nous défendons la voix de la France dans toutes les institutions, dans tous les organes internationaux dans lesquels nous siégeons. La France doit avoir une voix qui porte et c’est la raison pour laquelle nous défendons une souveraineté, une diplomatie forte pour que la France pèse dans ces institutions.

L’OSCE, ce n’est pas uniquement ce que vous décrivez et dans lequel vous vous reconnaissez ; nous soutenons l’OSCE parce qu’elle porte la voix de la France à travers l’Europe et il est très important aujourd’hui que sa voix ne disparaisse pas car elle a été mise à mal par la gauche que vous représentez très bien.

M. Guillaume Garot (SOC). Sur le plan comptable, le cadre fixé par la LPM est respecté et cette hausse de 3,3 milliards d’euros est conséquente. Cependant, lorsque la représentante du groupe Renaissance prétend que jusqu’en 2017, notre armée était « au bord de l’effondrement » – si j’ai bien retenu ses termes –, elle se livre à une forme de caricature qui n’a pas sa place ici. Nous adresserons ce commentaire à Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense jusqu’en 2017, et même à Emmanuel Macron, alors membre du gouvernement de Manuel Valls.

Je salue des inflexions bienvenues dans ce projet de budget pour nous adapter aux défis de demain. Je pense à l’innovation, au cyber, à l’efficacité opérationnelle recherchée pour nos forces. Il faut saluer ces efforts et nous en prenons acte.

Mais au-delà, le gouvernement renonce à se saisir des problématiques que nous, parlementaires, avons mises en avant depuis plusieurs mois, si ce n’est plusieurs années. Je note en particulier le non-respect des objectifs de recrutement pour nos armées. La LPM 2019-2025 prévoyait 1 500 équivalents temps-plein (ETP) en 2024. La LPM 2024-2030 ne prévoit plus que 700 ETP pour 2024 et le PLF que nous examinons ne prévoit que 456 ETP pour l’année prochaine. Comment les augmentations de crédits, dont tout le monde semble se réjouir ce matin, pourront-elles devenir réellement opérationnelles si les ressources humaines ne suivent pas ? Ces cibles d’effectifs doivent en effet notamment nous permettre de faire face à de nouveaux risques, à de nouvelles menaces.

Entre ce problème de recrutement, le manque d’informations quant au redéploiement de nos forces au Sahel, la présentation plus que parcellaire des crédits liés aux programmes européens, en particulier vis-à-vis de l’Ukraine, je ne suis pas certain que le rôle de contrôle du Parlement soit respecté. Nous nous abstiendrons.

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. Au risque de me répéter, je tire en effet la sonnette d’alarme : le recrutement pose vraiment problème aujourd’hui pour toute l’armée française, qui n’arrive plus à attirer de nouveaux profils, en tout cas à fidéliser des militaires qui, nous expliquent-ils, s’engagent plus pour prendre le pouls, se donner des frissons en testant ces métiers. Même dans des métiers très particuliers, voire uniques, autour par exemple des technologies ou du renseignement, qui nécessitent des capacités particulières et qui n’existent pas ou très peu dans le civil, l’armée peine à fidéliser ses recrues. Ces dernières vont préférer partir dans le civil ou à l’étranger, où elles seront mieux payées et peut-être mieux considérées. Nous devons trouver une solution pour attirer de nouveaux profils mais surtout fidéliser ceux qui s’engagent dans l’armée pour y faire carrière. Mon père est militaire ; il a fait quarante ans de carrière mais, aujourd’hui, ce modèle du jeune qui s’engage à 16 ans et qui fait toute sa carrière dans l’armée jusqu’à 60 ans n’existe plus, et c’est problématique.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les remarques de M. Garot sont très intéressantes. Nous rencontrons manifestement un problème important de recrutement mais s’agit-il d’abord, selon vous, d’un problème d’argent, c’est-à-dire que les dotations budgétaires prévues ne permettent pas d’atteindre les chiffres de la loi de programmation, ou s’agit-il d’abord d’un problème d’attractivité ? Selon moi, il ne s’agit pas seulement d’un problème de fidélisation ; il s’agit également d’un problème de recrutement initial. D’après ce que me disent les responsables militaires que je rencontre, il est devenu très difficile d’attirer des candidats. Il y a un problème d’affection plus encore que de budget.

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. Comme je le soulignais, les salaires ne sont peut-être pas assez élevés, les avantages ne sont peut-être pas suffisants. Il faudra probablement se pencher sur cette question, qui pourrait faire l’objet d’une prochaine étude de la commission des affaires étrangères.

M. Xavier Batut (HOR). Je tiens à exprimer notre profonde satisfaction quant à l’augmentation substantielle et sans précédent du budget alloué à nos armées. Cet accroissement budgétaire est en parfait accord avec les objectifs définis par la LPM. Tout d’abord, il constitue un pas significatif vers la transformation de nos armées en un modèle complet, capable de répondre aux défis présents et sur l’ensemble du spectre des champs de conflictualité. Ce budget renforce nos capacités dans tous les domaines prioritaires identifiés par la LPM.

Nous allouons ainsi des ressources considérables à l’innovation, à l’espace, à la défense sol-air, aux drones et aux robots, au cyber, aux forces spéciales, au renseignement et à la souveraineté, autant d’investissements essentiels pour soutenir notre sécurité nationale et notre rôle sur la scène internationale.

Ce budget permet également de renouveler l’engagement de la France pour une collaboration étroite avec ses partenaires européens et l’Alliance atlantique. À ce titre, nous nous félicitons du maintien du soutien financier de l’État aux programmes de coopération bilatérale et européenne en vue du développement de nouvelles technologies d’armement.

Nous approuvons également notre participation renouvelée aux exercices multinationaux sur le flanc Est de l’Europe, ce qui fait de la France une puissance incontournable au sein de l’OTAN. Le renforcement de notre dissuasion nucléaire est fondamental car il constitue le pilier de notre souveraineté nationale et une garantie supplémentaire de l’autonomie stratégique de l’Europe, laquelle sera encore renforcée grâce aux nouveaux équipements et infrastructures qui seront livrés pour nos forces armées sur terre, en mer, dans le ciel et dans l’espace.

Enfin, nous ne devons pas oublier le caractère profondément humain de l’action du ministère des armées. Nous nous réjouissons des moyens dédiés à la modernisation des infrastructures et des lieux de vie des militaires, ainsi que des efforts du ministère des armées en matière de logement, d’environnement et de culture. Convaincu que ces ressources sont essentielles pour garantir la sécurité de notre nation, pour renforcer notre position sur la scène internationale et soutenir nos militaires et leurs familles, le groupe Horizons et apparentés votera en faveur des crédits de la mission Défense.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). Le budget de la défense ne nous convient pas car il est le premier de la nouvelle loi de programmation militaire contre laquelle nous avons voté. Cette LPM projette un budget de 413 milliards d’euros d’ici 2030, ce qui entraînerait le plus que doublement du budget militaire entre 2017 et 2030, de 32 à 70 milliards d’euros. Ce budget sans commune mesure va peser très lourd sur le budget de l’État. Il s’agit d’un choix politique et symbolique que nous ne soutenons pas car ce budget sera, d’ici 2028, pour la première fois plus important que celui de l’éducation.

Ce budget a été pensé pour remobiliser notre armée, alors qu’elle a surtout besoin de remonter en puissance dans des domaines spécifiques, reposant sur des choix politiques forts, et non pas de devenir une armée « échantillonnaire », potentiellement performante dans tous les domaines mais disposant de toutes petites capacités. Pourquoi maintenir une armée de projection ? Pourquoi ne pas privilégier les armes défensives et les futurs secteurs comme la défense cyber et le spatial ? Pourquoi garder coûte que coûte les armes nucléaires qui, en plus d’être illégales du point de vue international, sont dangereuses et inutiles, et qui grèvent le budget militaire de sommes pharaoniques ? Aujourd’hui, nous dépensons près de 20 millions d’euros par jour pour ces armes nucléaires : est-ce véritablement utile ?

Les bombes nucléaires, qu’elles soient américaines, britanniques ou françaises, sont toutes orientées dans la même direction ; il est donc juste de les additionner.

Ce grave manque de réflexion politique en matière de stratégie militaire nous coûte cher. Notre armée tente d’être partout et elle déçoit finalement tout le monde. Or l’objectif budgétaire de l’armée devrait être la défense de nos très grandes frontières maritimes pour lutter contre la piraterie et le pillage de nos ressources de pêche. Les outre-mer disposent de trop peu de moyens dédiés à la surveillance et au contrôle des eaux territoriales.

Enfin, le budget serait mieux employé si une plus grande part était utilisée pour améliorer le matériel du quotidien des militaires, leurs conditions d’entraînement, pour faire remonter en puissance les services de soins aux armées ou encore pour améliorer les plans de carrière comme le plan « famille 2 ». Les choix du Gouvernement ne sont pas satisfaisants et notre groupe votera contre ce budget.

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. Je ne suis pas là pour défendre le Gouvernement mais nous avons un point de vue divergent sur ce que doit être l’armée française aujourd’hui. Il existe des menaces très importantes dans le monde entier et la grande nation qu’est la France doit se doter d’une puissance militaire à la hauteur des intérêts que nous devons défendre. Vous parliez de l’interdiction des armes nucléaires ; je constate qu’en réalité, les grandes nations sont en train de se réarmer avec des armes conventionnelles et nucléaires. La France doit également être dotée de capacités nucléaires suffisantes, dans un esprit de dissuasion nucléaire. Il ne s’agit pas d’aller faire la guerre aux uns et aux autres, il s’agit de considérer la dimension dissuasive de ces armes et de ne pas être à la traîne des autres grandes puissances nucléaires. Ce ne sont pas des armes illégales. Le traité de non-prolifération encadre justement les États dotés de l’arme nucléaire.

Votre vision de l’armée française est différente de la nôtre. Si la vôtre s’appliquait, je pense qu’elle mettrait davantage en difficulté l’armée française, notre diplomatie et la voix que nous portons dans le monde.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Les groupes se sont tous exprimés et nous en venons à présent aux questions individuelles.

M. Michel Herbillon (LR). Le PLF 2024 marque la première année de mise en œuvre de la LPM 2024-2030 promulguée cet été. Le groupe Les Républicains a soutenu cette loi. Les crédits présentés aujourd’hui étant conformes à la nouvelle LPM, nous voterons donc en leur faveur.

Vous exprimez votre inquiétude au sujet des différents projets d’armement communs avec l’Allemagne, notamment le « char du futur » MGCS et le système de combat aérien du futur (SCAF), qui ont récemment connu des ajustements. Vous estimez, page 19, que « la France ne doit pas prendre un retard conséquent dans la course aux programmes du futur au profit d’un partenaire qui ne partage pas les mêmes intérêts militaires ». Sans nier les difficultés entre la France et l’Allemagne, nos deux pays sont tout de même engagés dans ces projets d’armement en commun et sont deux pays piliers de l’Union européenne. Or vous suggérez que l’Allemagne n’a pas les mêmes intérêts militaires que la France. Pourriez-vous nous préciser la signification de cette phrase, qui n’est pas anodine, mais au contraire lourde de sens ?

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. Il s’agit ici des intérêts pour son industrie de défense, nous le préciserons davantage dans le rapport. L’Allemagne défend son industrie allemande et surtout, elle entretient des liens beaucoup plus importants avec les États-Unis. Dans le cadre de ses achats d’armes pour son armée, elle se tourne plus facilement vers les États-Unis que vers la France. Ce contrat prévu avec la France n’est pas suffisant au regard du constat qui s’impose d’une armée allemande davantage équipée en matériels américains qu’en matériels français.

M. Thibaut François (RN). Ma question porte sur la dissuasion nucléaire française. Dans le monde, neuf puissances disposent de l’arme nucléaire : les États-Unis, la Russie, le Royaume-Uni, la Corée du Nord, Israël, la France, l’Inde et le Pakistan. Aucune augmentation des stocks n’avait été enregistrée depuis 1986 mais cette année, la course à l’armement semble relancée.

D’après le rapport annuel 2023 du Stockholm International Peace Research Institute (SIPRI), les puissances disposent de 9 576 têtes nucléaires opérationnelles, contre 9 490 en 2022. La Chine relance la course en augmentant son arsenal nucléaire de manière significative : 60 des 86 ogives élaborées dans le monde au cours de l’année dernière l’ont été en Chine. Notre pays qui, quant à lui, possède 290 ogives et ne prévoit pas d’augmenter sa capacité mais de la moderniser. La mission Défense du PLF 2024 prévoit une hausse des crédits de plus de 768 millions d’euros. L’objectif est de renforcer les moyens contribuant aux exigences d’une dissuasion nucléaire qui soit robuste et crédible, ainsi qu’un développement de la coopération capacitaire européenne.

Dans ce contexte et celui de la relance de la course à l’armement, notamment face à la puissance chinoise, je m’interroge donc sur la stratégie de notre pays et je souhaiterais connaître votre avis sur la stratégie de la France, telle que prévue dans le PLF 2024. Est-elle adaptée pour répondre à cette nouvelle course à l’armement ?

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. La question chinoise est une grande source d’inquiétude. Il y a une course à l’armement plus qu’au désarmement. Les grandes nations s’équipent de plus en plus de l’arme nucléaire et la Chine a prévu de se réarmer de manière très significative, sans aucune contrainte, sans aucun contrôle, ce qui me paraît aujourd’hui être le plus inquiétant.

À l’issue de la série d’auditions que j’ai menées, je ne connais pas la position de la France vis-à-vis de la Chine. La France – et elle a raison – souhaite appliquer tous les traités auxquels elle est partie mais je ne sais pas quelle est sa position vis-à-vis de la Chine, quelles sont les discussions, quels sont les échanges que nous pouvons avoir avec cette nation pour tenter de la contraindre a minima ou de connaître l’objectif qu’elle poursuit à travers cette augmentation de son arsenal nucléaire.

Nous assistons à une augmentation de l’arsenal nucléaire chinois sans aucun contrôle. Son objectif est d’atteindre un arsenal équivalent à celui des États-Unis et de la Russie. La France devra porter sa voix diplomatique, nécessaire au milieu de ces trois grands États, dotés d’une telle puissance nucléaire. Cela me paraît essentiel et je pense que nous aurons l’occasion d’en reparler dans les prochaines années car c’est un sujet qui, personnellement, m’inquiète.

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Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AE114 de M. Thibaut François

M. Thibaut François (RN). L’objectif de cet amendement est une augmentation de crédits visant à renforcer notre maîtrise des fonds marins et à être en capacité de faire face aux nouveaux champs de conflictualité telles, par exemple, la recherche de nouvelles sources énergétiques fossiles ou encore la lutte contre les espionnages par câbles sous-marins et pipelines. L’objectif est évidemment de rattraper notre retard en la matière par rapport aux puissances étrangères auxquelles nous faisons face. Cet amendement est capital pour garantir notre sécurité nationale.

M. Alexis Jolly, rapporteur pour avis. Il est en effet nécessaire de garantir la protection de nos intérêts stratégiques et la liberté d’action de nos forces face aux nouveaux champs de conflictualité des fonds marins, tout en renforçant notre autonomie et notre indépendance stratégique. Ainsi, bien que le plan d’investissement France 2030 porte une stratégie pour l’ambition française dans le domaine des grands fonds marins, il est nécessaire d’avancer plus vite et les engagements prévus pour 2024 ne prévoient pas assez de livraisons permettant à la France de rapidement faire face à la concurrence. Une augmentation des crédits dédiés serait donc bienvenue, raison pour laquelle je suis favorable à cet amendement.

La commission rejette l’amendement.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. J’interroge à présent la commission sur les crédits de la mission Défense qui ont recueilli un avis favorable du rapporteur.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Défense non modifiés.

 


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   annexe n° 1 :
Liste des personnes auditionnées par le rapporteur POUR AVIS

 

 

En visioconférence

S.E. Mme Camille Petit, ambassadrice, représentante permanente de la France auprès de la Conférence du désarmement à Genève

M. Guillaume Ollagnier, directeur des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement (DGP/ASD)


À Vienne, en Autriche

 

S.E. Mme Fatène Benhabylès-Foeth, ambassadrice, représentante permanente de la France auprès de l’OSCE

M. Antoine Gosset, représentant permanent adjoint

Mme Sylvie Crouzier, conseillère pour les aspects politico-militaires de la sécurité

 

S.E. Mme Delphine Hournau-Pouëzat, ambassadrice, représentante permanente de la France auprès de l’Office des Nations unies et des organisations internationales à Vienne

Mme Émilie Sancet, représentante permanente adjointe

 

 

 

À Paris

Ingénieur général de classe exceptionnelle de l’armement Thierry Carlier, directeur général adjoint de la direction générale de l’armement (DGA)

M. Corentin Brustlein, délégué prospective de défense à la direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS)

Capitaine de vaisseau Hugues Vallette, sous-directeur lutte contre la prolifération de la DGRIS

 

À Varces-Allières-et-Risset

 

Colonel Cédric Germa, chef de corps du 93ème régiment d’artillerie de montagne

 

Colonel Vincent Lazerges, chef de corps du 7ème Bataillon de chasseurs alpins

 

 

À Vienne

Lieutenant-Colonel Juliette Debroucker, conseillère militaire

 

À Vienne

 

M. Shawn Decaluwe, directeur de l’unité de soutien du Forum pour la coopération en matière de sécurité de l’OSCE

 

 

 

À Paris

Mme Héloïse Fayet, chercheuse et coordinatrice du programme Dissuasion et prolifération, Centres des études de sécurité de l’Institut français des relations internationales (IFRI)

À Vienne

M. Loïc Simonet, chercheur auprès de l’Institut autrichien des relations internationales, auditeur du programme ACONA (Arms Control Negotiation Academy) de l’université d’Harvard sur la maîtrise des armements

 


   Annexe n° 2 : crédits allouéS à la mission défense par le projet de loi de finance pour 2024, par programme

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : ministère des armées.

 

   annexe n° 3 :
SURCOûts OPEX-MISSINT ET financements mobilisés de 2018 À 2022 en millions d’euros

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Source : ministère des armées.

   Annexe n° 4 :
DOTATIONS par pays pour les principaux types de matériels militaires, en 2022

Source : ministère des armées à partir de : Military Balance IISS 2023, SIPRI Yearbook 2023.

 


([1]) L’article 3 du projet de loi de programmation militaire prévoyait initialement une augmentation du budget de défense de 3,1 milliards d’euros en 2024  ; 3 milliards d’euros en 2025, 2026 et 2027 et 4,3 milliards d’euros en 2028, 2029 et 2030.

([2]) En cas d’insuffisance, des crédits supplémentaires seront alloués à la mission Défense en loi de finances.

([3]) Dans un avis publié le 5 avril 2023, le Haut Conseil des finances publiques notait que le projet de loi de programmation militaire établissait à 413,3 milliards d'euros le montant des besoins programmés pour la période 2024-2030, alors qu'il n'identifiait que 400 milliards d'euros de crédits budgétaires pour les financer (avis n° HCFP-2023-2 relatif au projet de loi de programmation militaire pour 2024-2030).

([4]) Cet objectif est comparable à celui de la précédente LPM (2019-2025), qui prévoyait 6 000 créations de postes. Or, le ministère des armées a perdu 63 250 emplois entre 2008 et 2019, soit 20 % de ses effectifs. Rapport de la Cour des Comptes La LPM 2019-2025 et les capacités des armées, publié en mai 2022.

([5]) La France ne dispose pas, par exemple, d’hélicoptères de transport lourd.

([6]) Ces chiffres sont issus du Rapport Social Unique 2022 du ministère des armées. Parmi ces militaires, 113 619 étaient dans l’armée de terre, 39 511 dans l’armée de l’air, 35 057 dans la marine et 13 377 dans les « autres forces ». On comptait également 68 800 réservistes et 61 908 civils de la défense.

([7]) Ces chiffres sont établis à partir de prix et de taux de change constant 2021. Ils proviennent du ministère des armées à partir de la base de données Jane’s Defence Budget (version du 11 juillet 2023).

([8]) Il comprend les projets de technologies de défense (PTD) des domaines combat aérien et frappe air-sol, frappe dans la profondeur et aéromobilité.

([9])  Camion équipé d’un système d’artillerie.

([10]) Avant la guerre en Ukraine, il n’en avait déjà que 6..  

([11]) L’action 7 Surcoûts liés aux opérations intérieures finance les contrats d’externalisation et les surcoûts de fonctionnement liés directement au déploiement des MISSINT (dépenses d’alimentation du personnel, de déplacement et de condition du personnel, de carburant pour les véhicules, de télécommunications sécurisées).

([12]) La NPRM, engagée depuis 2017, comprend la mise en œuvre progressive de quatre nouvelles indemnité : l’indemnité d’état militaire, l’indemnité de garnison des militaires, la prime de parcours professionnel et la prime de compétence spécifique. Cette réforme a été achevée en 2023.

([13]) Les missions effectuées sur le flanc de l’Europe sont des MISSOPS : Aigle en Roumanie (armée de terre), Lynx en Estonie (armée de terre), Gerfaut en Pologne (armée de terre), Noble Shield (marine), Brilliant Shield (marine), Air policing (armée de l’air et de l’espace).

([14]) Cette action comprend les crédits liés aux infrastructures de défense non opérationnelles, à la transition énergétique, aux dépenses de loyers été les crédits de fonctionnement et de soutien du Service infrastructure de la Défense (SID).  

([15]) 33 Jaguar, 103 Serval et 138 Griffon.

([16]) 45 Jaguar, 97 Serval et 253 Griffon.

([17]) Les armes dites « conventionnelles » sont des armes classiques, conformes aux conventions internationales régissant les guerres (conventions de La Haye, de Genève, etc.).

([18]) Les armes dites « non conventionnelles » sont les armes nucléaires, radiologiques, biologiques et chimiques (NRBC) ou des armes spéciales, généralement de destruction massive.

([19]) Ce traité a pris fin en 2002 avec le retrait des États-Unis.  

([20]) Les armes nucléaires stratégiques ont une portée supérieure à 5 000 kilomètres. En France, elles sont fondamentales pour la doctrine de la dissuasion.

([21]) Le traité SORT était en vigueur de 2003 à 2011. Il ne disposait pas d’un système de vérification propre, contrairement à START I.

([22])  La non-prolifération désigne les activités visant à empêcher l’augmentation du nombre d’États possesseurs d’armes ayant une dimension déstabilisante en matière de paix et de sécurité.

([23]) Ceux ayant réalisé un essai nucléaire avant le 1er janvier 1967 : dans l’ordre chronologique, ce sont les États-Unis, l’URSS, le Royaume-Uni, la France et la Chine. Outre les dispositions relatives à la non-prolifération, le TNP garantit dans son article IV le « droit inaliénable de toutes les parties de développer la recherche, la production et l’utilisation de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques » et intègre dans son article VI un objectif de désarmement général et complet sous contrôle international strict et efficace.

([24]) Chaque camp a droit au même nombre d’équipements répartis en cinq catégories (20 000 chars, 30 000 véhicules blindés de combat, 20 000 pièces d’artillerie, 6 800 avions de combat, 2 000 hélicoptères d’attaque).

([25])  La Russie a développé un missile de croisière sol-sol, le 9M729, soupçonné par les États-Unis d’avoir une portée supérieure à 500 kilomètres, soit une arme interdite par le traité FNI. La Russie, a finalement reconnu l’existence de ce missile tout en niant une violation du traité. Elle n’a pas fourni d’éléments techniques pour appuyer sa thèse.

([26])  Moscou avait suspendu les inspections de ses sites nucléaires par les États-Unis dès le mois d’août 2022.

([27]) SIPRI Yearbook 2023, 12 juin 2023.

([28])  Il convient toutefois de rappeler que même si le TICE n’est pas en vigueur, le système de vérification associé au traité est déjà en fonctionnement et est utilisé notamment à des fins civiles (détection de séismes par exemple) ou de surveillance de la prolifération.

([29])  Le traité étant construit sur une structure géographique, il n’aura plus de sens avec le départ de la Russie.

([30]) Avec ce format, la France ne peut pas détacher d’agent auprès de l’OSCE, ce que font d’autres pays (Allemagne, États-Unis, Italie).

([31]) La direction générale des relations internationales et de la stratégie (DGRIS) du ministère des armées, qui participe également à de nombreux sommets et événements sur la thématique, semble quant à elle suffisamment dotée.

([32])  Ces correspondants sont en lien direct avec la direction des affaires stratégiques, de sécurité et du désarmement, qui fait partie de la direction générale des affaires politiques et de sécurité (DGP/ASD) du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Ce dispositif de correspondants dans les ambassades sur les questions stratégiques a inspiré le Royaume-Uni, qui pourrait suivre l’exemple français et s’en doter prochainement.