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N° 1715

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 11 octobre 2023

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n°1680),

 

 

TOME IX

 

PRÉLÈVEMENT EUROPÉEN

 

PAR Mme Éléonore caroit

Députée

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 Voir le numéro : 1680.


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SOMMAIRE

Introduction

I. Le financement de l’Union européenne

A. Un budget pour réparer les dommages économiques et sociaux causés par la pandémie et faciliter la transition vers une Europe moderne et plus durable

1. Le cadre financier pluriannuel 2021-2027, un budget de long terme

2. Le plan de relance européen

3. Un budget protégé contre les violations de l'État de droit

B. Les ressources de l’Union européenne

1. Les différents types de ressources permettant de financer le budget de l’Union

2. Les conséquences financières du retrait britannique

3. L’évolution des recettes du budget de l’Union

C. Les dépenses de l’Union européenne

1. Les principaux domaines d’action de l’Union européenne

2. Une mobilisation majeure de l’Union européenne tant à destination de l’Ukraine qu’aux États membres touchés par la guerre d’agression russe

a. Le soutien direct apporté à l’Ukraine

b. Le soutien aux économies des États membres de l’UE face aux conséquences de la guerre d’agression menée par la Russie à l’Ukraine

II. Le budget annuel de l’Union européenne pour 2024

A. Un budget encore en cours de négociation et soumis à des incertitudes

1. Les propositions de la Commission pour soutenir la relance de l’Europe et relever les défis d’aujourd’hui et de demain

2. Une approche prudente du Conseil au regard du contexte instable dans lequel l’Union évolue actuellement

B. L’évaluation de la contribution française au budget de l’union européenne pour 2024

1. Une contribution française qui se transforme

2. Une contribution française qui devrait sensiblement baisser en 2024

Conclusion

CONTRIBUTION PRÉSENTÉE AU NOM DU GROUPE socialistes et apparentés

Travaux en commission

Annexe : Liste des personnes auditionnées par la rapporteure pour avis

 

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Introduction

La commission des affaires étrangères s’est saisie pour avis de l’article 33 du projet de loi de finances pour 2024, qui évalue le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au profit du budget de l’Union européenne (PSR‑UE) à 21,6 milliards d’euros.

Le PSR‑UE est estimé en fonction des prévisions de recettes et de dépenses du budget de l’Union européenne pour 2024, des prévisions de recettes issues du comité consultatif sur les ressources propres de mai 2023, ainsi que d’une hypothèse de solde 2023 reporté sur 2024.

Le montant de la contribution de la France au budget de l’Union européenne (UE) enregistre une baisse de 12,1 % par rapport à celui voté en loi de finances initiale pour 2023, qui s’élevait à 24,5 milliards d’euros.

Le budget annuel de l’Union européenne pour 2024 est la quatrième annuité du cadre financier pluriannuel (CFP) portant sur la période allant de 2021 à 2027. Ce cadre financier prévoit un plafond global de dépenses de 1 216 milliards d’euros en crédits d’engagement sur sept ans. Ce montant est revu annuellement en fonction des prévisions de paiement de la Commission européenne et sous l’effet des rehaussements d’engagements introduits par l’article 5 du règlement CFP.

Le CFP 2021‑2027 a permis à l’Union européenne de se doter, pour la première fois, d’une capacité budgétaire propre, bien que temporaire, incarnée par le plan de relance européen, Next Generation EU.

Au risque de fragmentation que le retrait du Royaume-Uni et les conséquences de la crise sanitaire faisaient peser sur l’Union, les Européens ont répondu par la décision d’emprunter en commun, réaffirmant ainsi leur volonté de s’engager solidairement et dans la durée.

Au risque de marginalisation géopolitique et de renoncement à ses valeurs que l’invasion de l’Ukraine a fait peser sur l’Union, les Européens ont répondu par un ferme soutien, qui s’est traduit par la création d’instruments budgétaires nouveaux permettant réactivité et adaptabilité.

Le budget annuel de l’Union européenne pour 2024 aura ainsi un rôle important à jouer dans la définition et la réalisation des objectifs et des priorités politiques à long terme arrêtés par l’Union.


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I.   Le financement de l’Union européenne

A.   Un budget pour réparer les dommages économiques et sociaux causés par la pandémie et faciliter la transition vers une Europe moderne et plus durable

1.   Le cadre financier pluriannuel 2021-2027, un budget de long terme

Aux termes de l’article 312‑1 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), « le cadre financier pluriannuel vise à assurer l’évolution ordonnée des dépenses de l’Union dans la limite des ressources propres. Il est établi pour une période d’au moins cinq années. Le budget annuel de l’Union respecte le cadre financier pluriannuel ». Ainsi, le cadre financier pluriannuel (CFP) définit une programmation pluriannuelle des finances de l’Union européenne et fixe des plafonds annuels maximaux de dépenses juridiquement contraignants.

Ce CFP est adopté au terme d’une procédure législative spéciale, requérant l’unanimité au Conseil, après approbation du Parlement européen qui se prononce à la majorité de ses membres. L’actuel cadre financier pluriannuel couvre une période de sept ans allant du 1er janvier 2021 au 31 décembre 2027. Le cycle de négociation du CFP 2021‑2027, initié le 2 mai 2018 par une proposition de la Commission européenne, a permis d’aboutir à un accord entre les chefs d’État et de gouvernement des États membres lors du Conseil européen des 17‑21 juillet 2020, incluant un plan de relance européen baptisé Next Generation UE en réponse à la crise économique liée à la pandémie de la Covid‑19. Ses modalités de mise en œuvre ont ensuite été discutées entre les deux branches de l’autorité budgétaire, le Conseil et le Parlement européen, avant que ce dernier n’approuve le règlement, conformément à la procédure prévue par le traité, dans le cadre de l’accord interinstitutionnel trouvé le 10 novembre 2020 et adopté formellement le 16 décembre 2020.

Le CFP 2021‑2027 constitue le premier cadre financier pluriannuel à la suite du retrait du Royaume‑Uni de l’Union européenne. Son cadre juridique 2021‑2027 comporte :

-         le règlement du Conseil du 17 décembre 2020 ([1]) fixant le cadre financier pluriannuel pour la période 2021-2027, dit « règlement CFP », qui fixe les montants des plafonds annuels des crédits d’engagement par rubrique de dépenses et du plafond annuel des crédits de paiement ;

-         l’accord interinstitutionnel du 16 décembre 2020 ([2]) entre le Parlement européen, le Conseil et la Commission sur la discipline budgétaire, la coopération en matière budgétaire et la bonne gestion financière, ainsi que sur de nouvelles ressources propres, comportant une feuille de route en vue de la mise en place de nouvelles ressources propres ;

-         la décision du Conseil du 14 décembre 2020 ([3]) relative au système des ressources propres de l’Union européenne, dite « DRP » (décision ressources propres), entrée en vigueur le 1er juin 2021, après approbation par l’ensemble des États membres selon leurs procédures constitutionnelles respectives.

L’accord final adopté prévoit un plafond en crédits d’engagement de 1 074,3 milliards d’euros et de 1 061 milliards d’euros en crédits de paiement en euros constants 2018. Conjugué à l’instrument de relance Next Generation EU doté de 750 milliards d’euros constants 2018, le budget de l’Union européenne doit permettre d’accorder des financements pour un total sans précédent de 1 824 milliards, soit 1,8 % du revenu national brut de l’Union européenne, ce qui constitue un niveau historique dans la mesure où les précédents budgets pluriannuels de l’Union étaient proches de 1 %. Cela reste cependant un volume globalement modeste en comparaison, par exemple, avec le budget fédéral américain, qui représente environ 21 % du produit intérieur brut (PIB) des États-Unis.

Le 20 juin 2023, la Commission européenne a proposé une révision du cadre financier pluriannuel (CFP) 2021-2027, dont l’ampleur est estimée à 66 milliards d’euros (en crédits d’engagement) entre 2024 et 2027.

2.   Le plan de relance européen

  1.   Next Generation UE, un instrument inédit et ambitieux

L’accord obtenu lors du Conseil européen le 14 décembre 2020 prévoit, outre le CFP 2021‑2027, un plan de relance européen Next Generation EU d’un montant de 750 milliards d’euros constants 2018 dont 360 milliards d’euros de prêts aux États membres et 390 milliards d’euros de subventions. Ces crédits seront engagés jusqu’à fin 2023 et déboursés jusqu’en 2026 pour accompagner la matérialisation de la relance dans l’Union et aider cette dernière à relever ses défis de long terme, notamment les transitions écologique et numérique, le renforcement de la compétitivité et de la cohésion sociale et territoriale.

Ce plan est financé par des émissions obligataires de l’Union sur les marchés. Les fonds ainsi empruntés viennent abonder plusieurs programmes portant sur les grandes priorités de l’Union européenne, notamment la recherche, la transition verte et agricole, ainsi qu’un nouvel instrument dédié : la Facilité pour la reprise et la résilience (FRR). Cet instrument a notamment vocation à soutenir les réformes structurelles et les investissements d’avenir orientés vers les transitions écologique et numérique et des projets favorisant la croissance potentielle. En revanche, ces financements ne peuvent être utilisés pour soutenir des dépenses de fonctionnement ou des initiatives pouvant porter atteinte à l’environnement.

Depuis l’entrée en vigueur de la FRR, le 19 février 2021, le Conseil a validé vingt-cinq plans nationaux de relance et de résilience (PNRR) pour un montant total de 490,1 milliards d’euros.

Les Pays‑Bas sont le dernier pays à avoir officiellement déposé leur PNRR auprès de la Commission, le 8 juillet 2022, pour une enveloppe de 4,7 milliards d’euros sur laquelle la Commission a émis une évaluation positive, ouvrant ainsi la voie à un examen du Conseil.

S’agissant de la Hongrie, Budapest a officiellement soumis son PNRR à la Commission le 12 mai 2021 : des éléments complémentaires liés à la question de l’État de droit ont été exigés par la Commission. Tout en suspendant les fonds de cohésion en application du mécanisme de conditionnalité budgétaire (v. infra), le Conseil a finalement adopté le plan de résilience Hongrois en décembre 2022, pour un montant de 5,8 milliards d’euros, en y incluant vingt-sept « super-jalons » concernant la justice, la transparence des marchés publics, ainsi que la lutte contre la fraude, la corruption et les conflits d’intérêts.

Par ailleurs, la Commission européenne a proposé le 18 mai 2022 dans son paquet REPowerEU, qui vise à réduire rapidement la dépendance à l’égard des combustibles fossiles russes et à accélérer la transition écologique, d’abonder la FRR de 20 milliards d’euros pour financer des projets énergétiques dans le cadre de chapitres REPowerEU directement intégrés dans les PNRR. Les modalités exactes du financement de cette enveloppe supplémentaire et la clé d’allocation appliquée font actuellement l’objet de négociations. En outre, sur la question de la crise énergétique, la rapporteure tient à saluer la prise de position de la présidente de la Commission européenne, Mme Ursula von der Leyen, formulée le 14 septembre 2022 lors de son discours sur l’état de l’Union et visant à plafonner les recettes des entreprises qui produisent à faible coût de l’électricité, laquelle a estimé « que les bénéfices doivent être partagés et redirigés vers ceux qui en ont le plus besoin ».

Le Conseil et le Parlement sont parvenus à un accord politique sur le financement de ce plan en décembre 2022, permettant aux pays de l’UE d’ajouter des chapitres spécifiques à leurs plans nationaux pour la reprise et la résilience ; le règlement modificatif a formellement été adopté le 21 février 2023.

Au 19 septembre 2023, la Commission a reçu trente-quatre demandes de paiement de vingt-et-un États membres et a versé 153,4 milliards d’euros pour la réalisation des investissements et des réformes convenus ([4]) .

  1.   La mise en œuvre du plan français pour la reprise et la résilience

Le PNRR français a été adopté par le Conseil en juillet 2021. En août 2021, la France a bénéficié d’un préfinancement s’élevant à 5,1 milliards d’euros – soit 13 % de la somme totale prévue – non soumis à l’atteinte de cibles et jalons.

À plus long terme, et jusqu’en 2026, les fonds de la FRR seront versés selon une logique de performance, en fonction de la concrétisation des mesures figurant dans le PNRR français. La France a présenté à la Commission européenne sa première demande de versement le 26 novembre 2021 pour trente‑huit cibles et jalons. Cette demande a permis le versement de 7,4 milliards d’euros au cours du premier trimestre 2022.

La Commission a reçu, le 1er août 2023, la deuxième demande de paiement de la France, pour plus de 10 milliards d’euros de subventions : elle porte sur seize jalons et trente-neuf cibles. Ces demandes de subventions couvrent des investissements dans les domaines de la rénovation énergétique des bâtiments publics et privés, du soutien aux chemins de fer et de la connectivité numérique.

Au final, le plan global pour la reprise et la résilience de la France sera financé par 40 milliards d’euros de subventions européennes.

3.   Un budget protégé contre les violations de l'État de droit

De manière inédite, le budget de l’Union européenne est désormais protégé contre les violations de l’État de droit, grâce au règlement du 16 décembre 2020 ([5]) relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union, entré en vigueur le 1er janvier 2021.

La création de ce régime vise à ce que, pour la première fois, les fonds de l’Union européenne soient protégés, y compris à titre préventif, contre des violations des principes de l’État de droit. Il permet de suspendre des engagements financiers ou des financements versés au titre du budget de l’Union – y compris de l’instrument de relance Next Generation EU – à un État membre lorsque celui‑ci commet une violation des principes de l’État de droit de nature à porter atteinte à la protection des intérêts financiers de l’Union. Ce n’est pas là un mécanisme punitif mais une procédure ayant pour unique objectif de protéger le budget de l’Union.

En mars 2021, la Hongrie et la Pologne avaient introduit des recours en annulation contre ce règlement en soutenant que le mécanisme ne présentait pas de lien précis avec le budget de l’Union et constituait en réalité un mécanisme de protection de l’État de droit visant à sanctionner certains États membres en contournant, par une procédure plus souple, la procédure prévue à l’article 7 du traité sur l’Union européenne. Dans l’attente de la décision de la Cour de Justice de l’Union européenne (CJUE), la Commission avait adressé, le 19 novembre 2021, des demandes d’information à Budapest et Varsovie portant, entre autres, sur la remise en cause de la primauté du droit de l’Union, le manque d’indépendance de l’autorité judiciaire en Pologne, la faiblesse des règles juridiques encadrant la passation des marchés publics ou encore l’inefficacité des services d’enquête en Hongrie.

Le 16 février 2022, la CJUE a rejeté le recours formé par la Hongrie et la Pologne et validé la légalité du règlement. Le 2 mars 2022, la Commission a publié ses lignes directrices précisant le règlement, étape préalable à la mise en œuvre de ce dernier.

À la suite de l’annonce d’Ursula von der Leyen, présidente de la Commission, devant le Parlement européen, le 5 avril 2022, de la mise en œuvre de ce mécanisme à l’égard de la Hongrie, le collège des commissaires a adressé une lettre de notification déclenchant officiellement la procédure le 27 avril 2022, adoptant ainsi une approche différenciée entre la Hongrie et la Pologne. Cela a entraîné un dialogue qui a abouti à la proposition, par la Hongrie, d’une série de mesures correctives visant à répondre aux préoccupations soulevées par la Commission.

Bien que les mesures correctives présentées en août et septembre 2022 aient été jugées insuffisantes par les services de la Commission, cette dernière a conclu que celles‑ci pourraient, en principe, être de nature à résoudre les problèmes soulevés, à condition qu’elles fassent l’objet de dispositions législatives et de règles pertinentes suffisamment détaillées, et qu’elles soient effectivement mises en œuvre. Dans l’attente, la Commission estime néanmoins qu’il subsiste un risque pour le budget de l’Union à ce stade. Aussi, à la suite d’une réunion exceptionnelle du collège des commissaires, le dimanche 18 septembre 2022, la Commission a émis une décision d’exécution en vue de priver la Hongrie de certains fonds européens via :

-         une suspension de 65 % des engagements au titre de trois programmes opérationnels de la politique de cohésion ;

-         une interdiction de contracter des engagements juridiques avec toute fiducie d’intérêt public dans le cadre de programmes mis en œuvre en gestion directe et indirecte.

Afin d’aboutir à une issue favorable, le gouvernement hongrois s’est lancé dans une procédure accélérée de vote par le Parlement de tout un arsenal législatif. Il correspond à la mise en œuvre d’une partie des dix‑sept engagements répertoriés dans le projet de décision que la Commission a transmis au Conseil le 18 septembre 2022. Ainsi, les 3 et 4 octobre 2022, l’Assemblée nationale hongroise a adopté plusieurs textes dont :

-         une loi sur le contrôle de l’utilisation des fonds de l’Union européenne qui instaure notamment une « Autorité de l’intégrité » ;

-         une loi modifiant le code de procédure pénal révisant les règles de la procédure d’appel en cas de délits graves liés à la corruption, à des détournements de fonds ou des malversations ;

-         une loi renforçant les obligations de consultation publique dans le processus d’élaboration législative ;

-         une réforme de deux lois de 2015 et 2021 concernant la gestion des fondations d’intérêt public les soumettant à l’obligation de passer des appels d’offre publics.

Le 22 décembre 2022, la Commission a finalement approuvé l’accord de partenariat avec la Hongrie pour la politique de cohésion 2021-2027, pour un montant total de près de 22 milliards d’euros. Elle y pose l’indépendance de la justice comme condition horizontale, c’est-à-dire pouvant justifier la suspension de l’ensemble des 22 milliards d’euros prévus dans le programme, et soumet le versement des fonds à la mise en œuvre des vingt-sept « super-jalons » requis dans le cadre du PRR (cf. supra). La Commission a également posé une série de conditions favorisantes spécifiques à certains programmes comme en matière de droits des personnes LGBT et de droit d’asile.

Ainsi, la Hongrie représente un exemple emblématique de la manière dont l’Union européenne peut déployer les différents types de conditionnalité à sa disposition, avec pour l’État membre en question le risque potentiel de perdre un total de près de 30 milliards d’euros d’ici 2027, soit près d’un cinquième de son produit intérieur brut (PIB) annuel.

B.   Les ressources de l’Union européenne

1.   Les différents types de ressources permettant de financer le budget de l’Union

L’article 311 du TFUE stipule que « le budget [de l’Union] est, sans préjudice des autres recettes, intégralement financé par des ressources propres ».

Le financement du budget de l’Union repose actuellement sur plusieurs types de ressources :

-         la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB) versée par les États membres, au prorata de leur part dans le RNB total de l’Union. Créée par la décision du Conseil du 24 juin 1988 ([6]), cette ressource propre consiste en un prélèvement d’un pourcentage unique sur le RNB des États membres fixé dans la procédure budgétaire annuelle. À l’origine, cette ressource qualifiée d’équilibre, ne devait être perçue que si les autres ressources propres étaient insuffisantes pour couvrir les dépenses de l’Union. Cependant elle finance aujourd’hui l’essentiel du budget et constitue ainsi la principale composante des ressources de l’Union et, partant, de la contribution française. Cette ressource a, en effet, triplé depuis la fin des années 1990 et représentait, pour le budget 2023 de l’Union européenne, 64 % des ressources ;

-         les ressources propres dites « traditionnelles » (RPT) constituées des droits de douane. Les administrations nationales agissent en simples intermédiaires en assurant la perception des ressources dues à l’Union. Pour le budget 2023 de l’Union, les RPT représentaient 13 % des ressources ;

-         la ressource fondée sur la taxe sur la valeur ajoutée (TVA), qui est calculée par l’application d’un taux uniforme (0,30 %) à une assiette harmonisée de TVA pour l’ensemble des États membres. Bien que cette ressource ait été prévue par la décision de 1970 ([7]), il a fallu attendre l’harmonisation des systèmes de TVA entre les États membres, en 1979, pour qu’elle soit collectée. La ressource « TVA » représentait, pour le budget 2023 de l’Union, 12 % des ressources ;

-         la nouvelle ressource fondée sur les emballages plastiques non recyclés (ou « ressource plastique »). Il s’agit là de la première nouvelle catégorie de ressources propres introduite le 1er janvier 2021 par la décision de 2020 relative au système des ressources propres. Elle prend la forme d’une contribution nationale sur la base des quantités de déchets d’emballages en plastique non recyclés, avec un taux d’appel uniforme de 0,80 euro par kilogramme. Les contributions des États membres dont le RNB par habitant est inférieur à la moyenne européenne sont réduites d’un montant forfaitaire annuel correspondant à 3,8 kilogrammes de déchets plastiques par habitant. Les recettes générées par cette ressource représenteraient environ 4 % du budget de l’Union en 2023 ;

-         les recettes diverses, qui comprennent notamment les impôts versés par le personnel de l’Union sur ses rémunérations, les contributions de pays tiers à certains programmes de l’Union, le reliquat des contributions du Royaume‑Uni et les amendes payées par les entreprises qui enfreignent les règles de concurrence ou d’autres législations. Ces autres recettes ont représenté 9 % des recettes en 2023, dont 6 % pour le seul reliquat britannique.

2.   Les conséquences financières du retrait britannique

Le Royaume-Uni était, en 2020, le troisième contributeur au budget de l’Union européenne en valeur, derrière l’Allemagne et la France, avec un montant de contribution de 19,7 milliards d’euros et le deuxième contributeur net au budget de l’Union derrière l’Allemagne et devant la France (avec un déficit net comptable estimé à 12,9 milliards d’euros en 2020). La perte pour le budget de l’Union, liée au retrait britannique, a été significative et a été compensée dans le cadre financier pluriannuel 2021-2027 par une augmentation des contributions des autres États membres.

Aussi, les conséquences financières du Brexit ont constitué un aspect crucial des négociations. L’accord de retrait, entré en vigueur le 31 janvier 2020, date à laquelle le Royaume‑Uni est devenu un État tiers, a ouvert une période de transition jusqu’au 31 décembre 2020. Durant cette période, le pays a continué à respecter l’acquis communautaire sans pouvoir participer aux institutions et aux processus décisionnels mais en conservant un accès au marché intérieur et à l’union douanière. Parfois assimilé à tort à une « facture de sortie », le règlement financier a pour objectif de garantir que le Royaume-Uni honore toutes ses obligations financières contractées lorsqu’il était encore membre de l’Union.

Les montants dus par le Royaume‑Uni à l’Union, ainsi que tous les montants dus par l’Union au Royaume-Uni sur le périmètre du budget communautaire conduisent à une créance globale nette pour l’Union européenne de 41,8 milliards d’euros au 31 décembre 2021 (contre 47,5 milliards d’euros au 31 décembre 2020). La contribution globale du Royaume-Uni inclut également les paiements dus par l’Union au titre des corrections et ajustements sur ressources propres antérieures à 2021.

Ces 41,8 milliards d’euros devront être acquittés par Londres sur plusieurs années.

Le règlement financier, prévu par l’article 139 de l’accord de retrait, détermine la part de la contribution britannique à appliquer aux engagements restants. Celle‑ci s’établit à 12,43 % et a été calculée en fonction des ressources mises à disposition par le Royaume‑Uni au cours des années 2014-2020, rapportées à l’ensemble des ressources mises à disposition par les autres États membres aux cours de la même période. Cette clé est ensuite appliquée aux différents engagements restants à liquider : reste à liquider ([8]), passifs se rapportant aux pensions de retraite et aux régimes maladie, sommes dues et liées à des cas contentieux en matière de protection des intérêts financiers de l’Union impliquant le Royaume-Uni, etc. Parmi ces différentes catégories, les sommes les plus élevées concernent le reste à liquider, qui correspond aux paiements restants à décaisser au titre du CFP 2014‑2020 (28,6 milliards d’euros) et les passifs liés aux pensions (14,8 milliards d’euros).

L’Union européenne rend compte deux fois par an au Royaume‑Uni des montants dus et ce dernier les acquitte sur une base mensuelle. Le rapport est mis à jour chaque année sur la base des chiffres réels. Le comité spécialisé de l’accord de retrait sur les dispositions financières se réunit au moins une fois par an pour permettre aux deux parties de discuter des difficultés et des points restants à traiter.

En 2023, le montant versé sera de 8,8 milliards d’euros, contre 10,92 milliards d’euros en 2022. De 2024 à 2027, la contribution britannique devrait représenter entre 4 et 4,5 milliards d’euros par an.

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Source : Direction générale du Trésor.

3.   L’évolution des recettes du budget de l’Union

Sur le long terme, la diminution de la part des ressources « RPT » et de celle de la ressource « TVA » au profit de la contribution « RNB » constitue une tendance de fond. La ressource plastique introduite par la nouvelle décision sur les ressources propres à partir de 2021 ne devrait pas modifier cette tendance, son assiette étant elle‑même décroissante du fait de la diminution annoncée des emballages plastiques non recyclés.

Le tableau ci‑après retrace l’évolution des recettes du budget de l’Union européenne en milliards d’euros entre 2000 et 2023.

Évolution des recettes du budget de l’Union européenne entre 2000 et 2023

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Sources : Commission, comptes consolidés 2022 ; prévisions 2023* annexées au projet de budget rectificatif n° 3/2023.
NB : les recettes à partir de 2021 ne prennent pas en compte les recettes issues de l’emprunt sur les marchés financiers pour le financement de NextGenerationEU.

Il faut, par ailleurs, relever que des mécanismes de compensation sont accordés, par dérogation au régime de droit commun des ressources propres, à certains États membres dont la contribution a été considérée comme excessive au regard de leur prospérité relative, conformément aux conclusions du Conseil de Fontainebleau de 1984. C’est, sous l’empire de la décision relative aux ressources propres 2021‑2027, le cas de l’Allemagne, de l’Autriche, du Danemark, des Pays‑Bas et de la Suède. La France représente le principal contributeur à ces « rabais » et ne bénéficie pour sa part d’aucun mécanisme de compensation. Lors des négociations sur la nouvelle décision sur les ressources propres (cf. infra), en parallèle de celles sur le CFP 2021‑2027, le président de la République a indiqué à plusieurs reprises que la France s’opposait à « tous les chèques, toutes les ristournes, tous les rabais ». Les autorités françaises ont par ailleurs indiqué, au cours de ces négociations et dans le cadre des discussions sur le remboursement du plan de relance européen, qu’elles étaient en faveur de l’introduction de nouvelles ressources propres assises sur des politiques européennes de manière à sortir du débat sur le « juste retour » – retour défini comme les montants perçus nationalement au titre des politiques européennes diminués de la contribution au budget de l’Union – et ainsi mettre un terme aux demandes de corrections de certains contributeurs nets.

Pour la France, État membre ambitieux au niveau européen mais également largement contributeur net et assumant une grande part du financement des rabais, l’introduction de nouvelles ressources propres au profit du budget de l’Union européenne revêt un caractère politique prioritaire. Une telle évolution devrait permettre, notamment, d’éviter que le remboursement du prêt contracté par la Commission dans le cadre du plan de relance européen Next Generation UE ne se traduise, à l’issue du CFP 2021‑2027, par un nouveau ressaut de la contribution nationale française. Malgré la proposition d’introduction de trois nouvelles ressources propres de la part Commission en mai 2018 dans son projet de cadre financier pluriannuel 2021‑2027, le Conseil n’était pas parvenu dans l’accord de juillet 2020 à s’accorder sur la création immédiate de nouvelles ressources propres, à l’exception de la ressource plastique, qui ne constitue toutefois pas à proprement parler une ressource de ce type en ce qu’elle ne demeure qu’une modulation de la ressource RNB.

La Commission a présenté le 22 décembre 2021 une proposition de paquet législatif « ressources propres », dont l’objectif consiste à :

-         mettre en place de nouvelles ressources propres afin d’assurer le remboursement du plan de relance européen entre 2028 et 2058 sans recourir à une augmentation des contributions des États membres conformément aux conclusions du Conseil européen de juillet 2020 et à l’accord interinstitutionnel de décembre 2020 ;

-         financer le futur Fonds social pour le climat (FSC) destiné à compenser l’impact de l’extension du marché carbone européen (ETS) au transport routier et au bâtiment prévue dans le cadre du paquet Climat « Fit for 55 » ;

Sur la forme, la Commission propose deux textes juridiques amendant, d’une part, la décision « ressources propres » et, d’autre part, le cadre financier pluriannuel (CFP) 2021‑2027. La proposition comprend trois nouvelles ressources fondées sur le marché carbone européen (ETS), le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et le pilier I de la réforme de la fiscalité internationale de l’Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) relative à la réallocation des droits à imposer.

S’agissant de l’ETS, 25 % des recettes générées par le système d’échange de quotas d’émission de l’UE – y compris celles tirées du projet d’extension aux secteurs du bâtiment et du transport routier – seraient affectées comme ressources propres au budget européen. Les recettes pour le budget de l’Union sont estimées par la Commission à 9 milliards d’euros par an sur la période 2023-2030 et à 12 milliards d’euros par an sur 2026-2030.

S’agissant du MACF, la Commission propose d’affecter 75 % des recettes générées par le mécanisme au budget européen (soit 0,8 milliard d’euros par an à partir de 2026) et de reverser les 25 % restants aux États membres.

S’agissant du pilier I de la réforme de la fiscalité internationale de l’OCDE relative à la réallocation des droits à imposer, la Commission propose une ressource propre équivalente à 15 % de la part des bénéfices résiduels d’entreprises multinationales réaffectés aux États membres. Les recettes pour le budget de l’Union sont estimées entre 2,5 et 4 milliards d’euros par an.

Conformément à l’accord interinstitutionnel, la Commission a présenté le 20 juin 2023 un second paquet de nouvelles ressources propres, dont l’entrée en vigueur est proposée au 1er janvier 2024.

La Commission estime que sa proposition de nouvelles ressources propres permettrait de générer jusqu’à environ 36 milliards d’euros entre 2028 et 2030, selon la ventilation ci-après :

-         18 milliards d’euros via les recettes générées par la ressource ETS (SEQE, marché carbone) ;

-         1,5 milliard d’euros via les recettes générées par la ressource MACF ;

-         16 milliards d’euros via la ressource statistique fondée sur l’excédent brut d’exploitation.

La Commission estime que ce montant devrait être suffisant pour financer le remboursement de NextGenerationEU et intégrer le Fonds social climat au budget de l’UE.

Une nouvelle catégorie de ressources propres fondée sur les bénéfices des entreprises

La Commission européenne a présenté, le 20 juin 2023, une proposition de nouvelle ressource propre basée sur les bénéfices des entreprises, en plus des flux existants tels que ceux basés sur le système d’échange de quotas d’émission (SEQE) et le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF).

Cette nouvelle ressource est temporaire et sera remplacée par une contribution provenant du cadre pour l’imposition des revenus des sociétés au sein de la directive BEFIT, présentée le 12 septembre 2023. Cette contribution doit correspondre à 0,5 % des bénéfices des entreprises de chaque État membre, calculés sur la base des statistiques d’Eurostat, et devrait rapporter environ 16 milliards d’euros par an à partir de 2024.

Parallèlement, la Commission a proposé des ajustements à certaines propositions faites précédemment concernant les ressources propres. Ainsi, dans le cas du SEQE, la contribution passerait de 25 % à 30 % en raison de l’augmentation du prix du carbone. Cette recette ajustée doit, selon la Commission, générer 7 milliards d’euros par an à compter de 2024, et environ 19 milliards d’euros par an à partir de 2028.

L’exécutif de l’UE a également proposé une modification du calcul du MACF, qui générerait environ 1,5 milliard d’euros par an au total pour le budget de l’UE, à partir de 2028.

Avec la ressource propre sur les bénéfices des entreprises, le paquet de ressources propres fournirait un revenu total d’environ 36 milliards d’euros par an à partir de 2024, selon la Commission.

C.   Les dépenses de l’Union européenne

1.   Les principaux domaines d’action de l’Union européenne

Aux termes de l’article 312 du TFUE : « les catégories de dépenses, d’un nombre limité, correspondent aux grands domaines d’intervention de l’Union ».

Les dépenses de l’Union s’inscrivent, depuis 1988, dans un cadre pluriannuel, où elles sont ventilées en rubriques correspondant aux grands domaines d’action de l’Union européenne et sont assorties de plafonds traduisant les grandes priorités budgétaires définies dans le cadre financier pluriannuel.

Les budgets annuels doivent respecter les limites fixées par le CFP. Comme indiqué précédemment, les dépenses de l’Union pour la période 2021‑2027 s’élèvent au total à 1 824,3 milliards d’euros, dont 1 074,3 milliards d’euros pour le CFP et 750 milliards d’euros pour le plan de relance européen Next Generation UE. Les nouvelles ambitions budgétaires de l’Union européenne visent à soutenir la modernisation de l’Union au moyen de certains programmes phares tels qu’Horizon Europe (programme‑cadre de recherche et d’innovation de l’Union européenne), InvestEU (programme‑cadre de soutien à l’investissement) et le Fonds pour la gestion intégrée des frontières, ainsi que les transitions écologique et numérique par le biais du Fonds pour une transition juste et de Digital Europe (programme‑cadre pour une Europe numérique). La politique agricole modernisée reste la politique la plus importante en termes de dotations budgétaires, suivie de près par la politique de cohésion, toutes deux ayant pour objectif de soutenir les transitions numérique et écologique.

Le cadre financier 2021‑2027 prévoit ainsi une répartition du budget de l’Union en sept rubriques :

- rubrique 1 : marché unique, innovation et numérique ;

- rubrique 2 : cohésion, résilience et valeurs ;

- rubrique 3 : ressources naturelles et environnement ;

- rubrique 4 : migrations et gestion des frontières ;

- rubrique 5 : sécurité et défense ;

- rubrique 6 : voisinage et monde ;

- rubrique 7 : administration publique européenne.

Chaque rubrique est divisée en enveloppes thématiques détaillant les grands domaines d’intervention de l’Union européenne, regroupant les programmes européens y concourant.

La structure du CFP 2021‑2027 pour les crédits d’engagement en montants, ainsi qu’en pourcentages est retracée dans le tableau ci-après.

RÉpartition des montants des crÉdits d’engagement
dans le cadre du CFP 2021‑2027

Source : Commission européenne

 

RÉpartition en pourcentage des crÉdits d’engagement
dans le cadre du CFP 2021‑2027

Source : Commission européenne

 

2.   Une mobilisation majeure de l’Union européenne tant à destination de l’Ukraine qu’aux États membres touchés par la guerre d’agression russe

a.   Le soutien direct apporté à l’Ukraine

Depuis le début de la guerre d'agression menée par la Russie en février 2022, l’UE a mis à disposition de l’Ukraine et de sa population un soutien important et pris des mesures visant à atténuer l’impact économique de ce conflit au sein de l’Union. Ces mesures ont un effet important sur la programmation financière 2021-2027 et concernent la quasi-totalité des rubriques du budget de l’Union.

Au plan militaire, depuis le 28 février 2022, le Conseil a adopté neuf mesures d’assistance au titre de la facilité européenne pour la paix (FEP), pour un montant total de 5,6 milliards d’euros, qui contribuent à renforcer les capacités et la résilience des forces armées ukrainiennes en vue de défendre l’intégrité territoriale et la souveraineté du pays, ainsi que de protéger la population civile contre l’agression militaire en cours. Ces mesures d’assistance financent la fourniture d’équipements et de matériel aux forces armées ukrainiennes, y compris des équipements létaux, et depuis 2023 l’acquisition conjointe de munitions et de missiles auprès d’opérateurs économiques établis dans l’UE ou en Norvège.

Une mission d’assistance militaire (EUMAM) a par ailleurs été instituée le 17 octobre 2022 pour une durée de deux ans afin de dispenser une formation individuelle, collective et spécialisée aux forces armées ukrainiennes et d’assurer la coordination et la synchronisation des activités des États membres destinées à fournir les formations. Cette mobilisation exceptionnelle de la FEP a déjà nécessité la révision du plafond pluriannuel 2021-2027 de l’instrument à deux reprises, passant de 5,7 milliards d’euros sur 2021-2027 à 12 milliards d’euros courants.

La FEP étant un instrument extrabudgétaire, elle est alimentée par des contributions directes des États membres, financées en France par le budget du ministère des Armées et celui des Affaires étrangères, et non par le PSR-UE.

Le 13 juillet 2023, le Service européen pour l’action extérieure (SEAE) a présenté au Comité politique et de sécurité (COPS) un non-papier faisant foi de proposition pour une enveloppe supplémentaire de 20 milliards d’euros dédiée au soutien militaire à l’Ukraine au travers de la FEP (soit 5 milliards d’euros par an sur la période 2024-2027).

L’éventuelle adoption de ce nouvel abondement nécessitera un accord politique au niveau du Conseil (CAE) et un endossement par le Conseil européen.

Au plan humanitaire, l’UE a alloué 733 millions d’euros d’aide humanitaire pour aider les civils touchés par la guerre en Ukraine. Ce montant comprend 685 millions d’euros à destination de l’Ukraine (485 millions d’euros en 2022 et 200 millions d’euros en 2023) et 48 millions d’euros pour les réfugiés et les familles d'accueil en Moldavie. Le 20 avril 2023, l’UE a accru son aide humanitaire en faveur de l’Ukraine d'un montant de 55 millions d’euros, axé sur la préparation de l’hiver prochain afin d’assurer un niveau supplémentaire de protection aux personnes dans le besoin. L’essentiel de ce soutien est financé par la rubrique 6 (« Voisinage et monde ») du budget de l’UE, en particulier les programmes HUMA et NDICI.

Depuis février 2022, l’aide fournie par l'intermédiaire du mécanisme de protection civile de l'UE (RescEU, rubrique 2b, « résilience et valeurs ») s’élève à plus de 670 millions d’euros. L’UE coordonne ainsi la fourniture d'une assistance matérielle à l’Ukraine (matériel médical, groupes électrogènes, matériels pour des abris, équipements spécialisés pour faire face aux risques pesant sur la santé publique, telles que les menaces chimiques, biologiques, radiologiques et nucléaires). L’UE coordonne également les évacuations médicales de patients ukrainiens nécessitant d’urgence un traitement et a ouvert un pôle médical spécial à Rzeszów (en Pologne). En avril 2023, l’Ukraine a adhéré au mécanisme de protection civile de l’UE en tant qu’État participant.

Au plan économique, l’UE a mis à disposition, en 2022, deux mesures d’assistance macrofinancière de respectivement 1,2 milliard d’euros (AMF d’urgence) et 6 milliards d’euros (AMF exceptionnelle) sous forme de prêts. L'objectif est essentiellement de fournir une aide financière à court terme, de financer les besoins immédiats et de soutenir la remise en état des infrastructures critiques de l’Ukraine. En décembre 2022, l’UE a prolongé ce soutien en adoptant un paquet législatif qui permet d'aider financièrement l’Ukraine tout au long de l'année 2023 à hauteur de 18 milliards d’euros (AMF+). Ce prêt, financé par la levée de nouvelles obligations communes émises sur les marchés financiers (« EU bonds »), est garanti par le budget européen. Au 1er octobre 2023, 13,5 milliards d’euros ont été déboursés à l’Ukraine (1,5 milliard d’euros par mois).

S’ajoutent à ces mesures 2,3 milliards d’euros de liquidités et prêts fournis par la Banque européenne d’investissement (BEI) – un financement supplémentaire de l’ordre de 1,3 milliard d’euros a été annoncé par la BEI au printemps 2023 – et un financement de l’ordre de 3 milliards d’euros annoncé par la Banque européenne pour la Reconstruction et le Développement (BERD) sur 2022-2023, dont 1,7 milliard d’euros en 2022.

En janvier 2023, l’UE a lancé la plateforme de coordination des donateurs, qui permet une étroite coordination entre organisations financières et donateurs internationaux. Son objectif est d’assurer, de manière cohérente, transparente et responsable, un soutien financier à court terme, mais aussi une aide à plus long terme pour la phase de reconstruction.

Enfin, des mesures commerciales ont également été prises par l’UE, afin de soutenir l’économie ukrainienne et la sécurité alimentaire en libéralisant temporairement les échanges pour certains produits ukrainiens et moldaves (règlement (UE) 2022/870 du 30 mai 2022).

 

La mise en place d’une « Facilité Ukraine » proposée par la Commission européenne

Le 20 juin 2023, la Commission a publié une proposition de règlement sur la mise en place de la « Facilité Ukraine ». Cette proposition s’intègre dans le paquet législatif dédié à la révision du CFP 2021-2027. Plafonnée à hauteur de 50 milliards d’euros sur la période 2024-2027, cette « Facilité Ukraine » viserait des besoins de court terme (stabilisation et résilience économique) et de moyen terme (reconstruction). Cette proposition va au-delà du soutien macrofinancier en plus en 2022 et 2023 puisqu’il s’agit d’accompagner la reconstruction de l’Ukraine, en lien avec les réformes nécessaires dans le cadre de la candidature de l’Ukraine à l’Union européenne.

Plus précisément, les objectifs généraux (article 3) poursuivis par cette Facilité Ukraine sont de soutenir l’Ukraine aux fins de :

a. traiter les conséquences sociales, économiques et environnementales de la guerre, en contribuant ainsi au redressement, à la reconstruction et à la modernisation du pays ;

b. favoriser la résilience sociale, économique et environnementale et l'intégration progressive dans l'Union et dans l'économie mondiale ;

c. s'aligner progressivement sur l’acquis communautaire dans la perspective d'une future adhésion à l'Union.

Le projet de Facilité se décompose en 3 piliers comme suit :

- Pilier I : Soutien financier sous forme de dons et de prêts à l’Ukraine (constitué de prêts et aides non remboursables), dont le versement sera conditionné à la bonne mise en œuvre par l’Ukraine d’un Plan d’investissements et de réformes (dit « Plan pour l’Ukraine »), s’inscrivant dans la perspective d’adhésion de l’Ukraine à l’UE (acquis communautaire, réformes structurelles, conditionnalités politiques, etc.) ;

- Pilier II : Cadre d’investissement pour l’Ukraine (CIUKR). Les montants d’aide non remboursable dédiés à ce pilier ont vocation à permettre de déployer divers instruments financiers au moyen de garanties pour prendre en charge une part du risque, de subventions pour réaliser des opérations de mixage prêts-dons, de la bonification d’intérêts pour réaliser des financements concessionnels. Ce pilier est destiné à attirer les investissements publics et privés pour la résilience et la reconstruction de l’Ukraine, en ayant recours à toute la palette d’instruments financiers existants ;

- Pilier III : Assistance technique et autres mesures de soutien (aides non remboursables), notamment de l’assistance technique et la prise en charge des intérêts des prêts octroyés dans le cadre du pilier I, pour la période 2024-2027.

Ce plan s’accompagne de plusieurs clauses de sauvegarde et de flexibilité :

- Une précondition tenant au respect des mécanismes démocratiques (article 5) ;

- La possibilité d’un financement exceptionnel en cas de force majeure (détérioration substantielle de la guerre – article 13) ;

La possibilité d’un financement assurant la continuité du soutien au titre du Pilier I si le plan ukrainien n’est pas adopté au 31 décembre 2024 (« bridge financing » - article 24), dans la limite d’un montant de 1,5 Md€ par mois, sur le modèle de l’AMF+.

Les ressources maximales pour la mise en œuvre de la facilité s'élèvent à 50 milliards d’euros pour 2024-2027 sous la forme de prêts et de soutien non remboursable. Les prêts à l'Ukraine du Pilier I seront financés par des emprunts sur les marchés financiers et garantis par la marge sous plafonds des ressources propres (dite « headroom »). L'aide non remboursable et le provisionnement des garanties budgétaires seraient ainsi financés au titre d'un nouvel instrument spécial, intitulé la « réserve pour l’Ukraine », qui fournirait les ressources nécessaires à la facilité pour l'Ukraine au-delà et en dehors des plafonds du CFP.

 

b.   Le soutien aux économies des États membres de l’UE face aux conséquences de la guerre d’agression menée par la Russie à l’Ukraine

Le soutien aux réfugiés s’est traduit par l’activation, le 4 mars 2022, de la directive relative à la protection temporaire. L'objectif est d'alléger la pression exercée sur les régimes d’asile nationaux et de permettre aux personnes déplacées de jouir dans toute l'UE de droits harmonisés (séjour, accès au marché du travail et au logement, assistance médicale et sociale, accès des enfants à l’éducation), de manière immédiate et collective. Ce mécanisme a été initialement déclenché pour une période d'un an et a déjà été prolongé jusqu’au 4 mars 2024.

Dès le mois d’avril 2022, l’Union a adopté deux règlements visant à aider les pays et régions de l’UE pour l’accueil des réfugiés ukrainiens :

Le règlement (UE) 2022/562 CARE (the Cohesion’s Action for Refugees in Europe) permet aux États membres de réorienter les fonds de la politique de cohésion et du FEAD (Fonds européen d’aide aux plus démunis), pour aider les réfugiés ukrainiens. Il porte sur 17 milliards d’euros mobilisables, dont 7 milliards d’euros provenant de la programmation 2014-2020 et 9,5 milliards d’euros de REACT-EU (avec augmentation de la part de préfinancement).

Le règlement (UE) 2022/585 réformant des fonds européens affaires intérieures 2014-2020 et du FAMI 2021-2027 a permis de débloquer jusqu’à 420 millions d’euros en prolongeant d’un an de la mise en œuvre des fonds européens affaires intérieures pour 2014-2020 et des montants non dépensés du FAMI qui avaient été affectés à d’autres objectifs.

L’UE a également adopté le 19 octobre 2022 le règlement (UE) 2022/2039 FAST CARE (Upgrading Cohesion policy - Flexible Assistance to territories) qui offre encore davantage de flexibilités dans les fonds de cohésion, en particulier un préfinancement supplémentaire de 3,5 milliards d’euros en 2022 et 2023 et un taux de cofinancement des fonds européens de 100 % pour les projets promouvant l’intégration économique de ressortissants de pays tiers.

La Commission européenne estime ainsi avoir mis à disposition des États membres, depuis février 2022, une enveloppe de près de 30,9 milliards d’euros pour l’accueil des réfugiés, au titre des rubriques 2 et 4 du budget de l’Union.

S’agissant des conséquences de la crise énergétique, le besoin de sécurisation des approvisionnements énergétiques et l’accompagnement des États membres dans la sortie des hydrocarbures russes ont suscité la mise en place du plan REPowerEU dès la fin d’année 2022.

Des mesures de soutien aux secteurs agricoles et de la pêche ont également été prises par l’UE notamment par l’intermédiaire de la réserve agricole de la PAC prévue à l’article 16 du règlement du 2 décembre 2021 relatif au financement, à la gestion et au suivi de la PAC. Elle est alimentée tous les ans par une ligne budgétaire issue du Fonds européen de garantie agricole (FEAGA), à hauteur de 450 millions d’euros contre 400 millions d’euros sous l’ancien régime.

Les États frontaliers de l’Ukraine concernés par la mise en place de corridors alimentaires afin de faciliter les exportations de biens agricoles ukrainiens ont connu de fortes disruptions sur leurs marchés locaux. En réaction et à la demande des États membres concernés, la Commission a débloqué en deux temps plus de 150 millions d’euros.

La première enveloppe de 56,3 millions d’euros a été décidée en avril 2023 à destination de la Pologne (29,5 millions d’euros), de la Bulgarie (16,7 millions d’euros) et de la Roumanie (10 millions d’euros). La seconde, de 100 millions d’euros, s’est élargie à deux nouveaux États avec la ventilation suivante : Pologne (39 M€), la Roumanie (29,7 millions d’euros), la Hongrie (15,9 millions d’euros), la Bulgarie (9,7 millions d’euros) et la Slovaquie (5,2 millions d’euros).

À ce soutien budgétaire, la Commission a également mis en œuvre au printemps des mesures temporaires pour ces cinq pays sur cinq produits (tournesol, huile de tournesol, blé, maïs, colza) pour soulager la pression sur les marchés locaux.


II.   Le budget annuel de l’Union européenne pour 2024

A.   Un budget encore en cours de négociation et soumis à des incertitudes

Le budget annuel de l’Union européenne fixe l’ensemble des recettes et des dépenses de cette dernière pour une année. Il garantit ainsi le financement des politiques et programmes de l’UE, en application des priorités politiques et aux obligations juridiques de l’Union.

Conformément à l’article 312 du TFUE, chaque budget annuel doit s’inscrire dans les limites des dépenses fixées par le cadre financier pluriannuel, le budget à long terme établi pour sept ans. En pratique, les crédits sont habituellement prévus en dessous des plafonds du CFP, afin de laisser une marge de manœuvre en cas de besoins non anticipés. Par ailleurs, le budget de l’Union doit être obligatoirement équilibré en recettes et en dépenses.

Le projet de budget annuel est proposé par la Commission européenne avant d’être approuvé par le Conseil et le Parlement européen.

1.   Les propositions de la Commission pour soutenir la relance de l’Europe et relever les défis d’aujourd’hui et de demain

La proposition de la Commission du 7 juin 2023 concernant le projet annuel pour 2023 – quatrième budget relevant du CFP 2021-2027 et quatrième année de mise en œuvre de l’instrument de relance européen Next Generation EU – prévoit un budget à hauteur de 189,3 milliards d’euros en crédits d’engagement et 141,1 milliards d’euros en crédits de paiement, auxquels s’ajoute une enveloppe estimée à 113 milliards d’euros sous forme de subvention dans le cadre du plan de relance européen.

Hors instruments spéciaux, les crédits proposés par la Commission sont en hausse de 1,99 % par rapport au budget 2023.

Ce budget annuel vise à piloter la reprise économique en cours et doit permettre de créer des emplois tout en renforçant l’autonomie stratégique de l’Europe. Une part importante devrait être destinée à la lutte contre le changement climatique, conformément à l’objectif de consacrer 30 % des dépenses du budget à long terme.

En outre, la Commission a insisté sur la pleine mobilisation de l’Europe aux côtés de l’Ukraine : elle le « restera aussi longtemps qu’il le faudra ». Le soutien futur à l’Ukraine sera évalué dans le cadre du prochain réexamen de son budget à long terme pour la période 2021-2027.

La Commission propose notamment d’allouer en crédits d’engagement les montants suivants :

-         113 milliards d’euros en subventions de Next Generation EU au titre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), afin de soutenir la reprise et la croissance économiques après la pandémie de coronavirus et de remédier aux problèmes engendrés par la guerre en Ukraine ;

-         53,8 milliards d’euros pour la politique agricole commune et 1,1 milliard d’euros pour le Fonds européen pour les affaires maritimes, la pêche et l’aquaculture, en faveur des agriculteurs et des pêcheurs européens, mais aussi pour renforcer la résilience du secteur agroalimentaire et du secteur de la pêche et mettre en place le champ d’action nécessaire à la gestion des crises ;

-         47,9 milliards d’euros pour le développement régional et la cohésion, afin de favoriser la cohésion économique, sociale et territoriale, ainsi que les infrastructures soutenant la transition écologique et les projets prioritaires de l’Union ;

-         15,8 milliards d’euros pour soutenir les partenaires et intérêts dans le monde de l’Union, dont 11,4 milliards d’euros dans le cadre de l’instrument de voisinage, de coopération au développement et de coopération internationale (IVCDCI — L’Europe dans le monde), 2,1 milliards d’euros pour l’instrument d’aide de préadhésion et 1,7 milliard d’euros pour l’aide humanitaire ;

-         13,6 milliards d’euros en faveur de la recherche et l’innovation, dont 12,8 milliards d’euros pour Horizon Europe, le programme phare de l’Union en matière de recherche, qui comprend le financement du règlement européen sur les semi-conducteurs ;

-         10,3 milliards d’euros pour le capital humain, la cohésion sociale et les valeurs, dont 3,96 milliards pour faire face à la hausse des coûts d’emprunt dans le cadre de NextGeneration UE, 3,7 milliards d’euros pour Erasmus+, 332 millions d’euros pour soutenir les artistes et les créateurs dans toute l’Europe et 215 millions d’euros pour promouvoir la justice, les droits et les valeurs ;

-         4,6 milliards d’euros pour les investissements stratégiques européens, dont 348 millions d’euros pour InvestEU dans le cadre des priorités clés (recherche et innovation, double transition écologique et numérique, secteur de la santé et technologies stratégiques), 2,7 milliards d’euros en faveur du mécanisme pour l’interconnexion en Europe afin d’améliorer les infrastructures transfrontalières et 1,3 milliard d’euros en faveur du programme pour une Europe numérique, afin de façonner l’avenir numérique de l’Union ;

-         2,4 milliards d’euros en faveur de l’environnement et l’action pour le climat, dont 745 millions d’euros pour le programme LIFE, afin de soutenir l’atténuation du changement climatique et l’adaptation à celui-ci, et 1,5 milliard d’euros pour le Fonds pour une transition juste, afin de veiller à ce que la transition écologique profite à tous ;

-         2,1 milliards d’euros pour les dépenses consacrées à l’espace, principalement pour le programme spatial européen, qui regroupera l’action de l’Union dans ce domaine stratégique ;

-         2,2 milliards d’euros en faveur de la protection de nos frontières, dont 1,1 milliard d’euros pour le Fonds pour la gestion intégrée des frontières (FGIF) et 874 millions d’euros pour l’Agence européenne de garde‑frontières et de garde-côtes (Frontex) ;

-         1,7 milliard d’euros pour les dépenses relatives à la migration, dont 1,5 milliard d’euros afin de soutenir les migrants et les demandeurs d’asile ;

-         enfin, 1,6 milliard d’euros pour faire face aux enjeux en matière de défense, dont 638 millions d’euros afin de soutenir le développement des capacités et la recherche au titre du Fonds européen de la défense (FED) et 343 millions d’euros pour soutenir la production de munitions.

2.   Une approche prudente du Conseil au regard du contexte instable dans lequel l’Union évolue actuellement

La position du Conseil qui a été approuvée le 12 juillet 2023 propose un budget annuel pour 2024 comprenant 187 milliards d’euros en crédits d’engagement – soit une diminution de 2,3 milliards par rapport à la proposition initiale de la Commission – et 141,17 milliards d’euros en crédits de paiement, proposition stable, soit une diminution de 0,36 %.

Par rapport au budget approuvé par le Conseil et le Parlement européen pour 2023, il s’agit d’une augmentation de 1,66 % en crédits d’engagement et d’une diminution de 14,82 % en crédits de paiement.

Dans l’ensemble, et selon ses propres termes, le Conseil a adopté une approche « prudente ». Le Conseil a souligné qu’il importe que le budget 2024 continue de montrer la solidarité de l’Union avec la population ukrainienne et permette de réagir aux crises. Il a rappelé le principe de solidarité et a souligné qu’une utilisation efficace du budget de l’UE est à même de renforcer la crédibilité de l’Union auprès des citoyens européens.

Le coût de financement de l’instrument de relance a, par exemple, fait l’objet d’une proposition de baisse à hauteur de 572 millions d’euros, le Conseil jugeant que l’évolution des taux d’intérêt devrait être plus lente que celle estimée au début de l’année 2023.

Le tableau ci‑après présente la position du Conseil sur le projet de budget annuel de l’Union européenne pour 2024 rubrique par rubrique.

 

 

Projet de budget 2024 proposé par la Commission

Ajustements du Conseil par rapport à la proposition initiale de la Commission

Position du Conseil

En M€ courants

CE

CP

CE

CP

CE

CP

1. Marché unique, innovation et digital

21 431

20 916

-230

-8

21 201

20 908

2. Cohésion, résilience et valeurs

74 979

34 186

-612

-572

74 366

33 613

3. Ressources naturelles et environnement

57 388

54 232

-10

-5

57 378

54 227

4. Migration et gestion des frontières

3 896

3 257

-20

-20

3 876

3 237

5. Sécurité et défense

2 304

2 028

-17

-7

2 287

2 021

6. Voisinage et monde

15 830

15 111

117

98

15 947

15 209

7. Administration publique européenne

11 949

11 949

0

0

11 949

11 949

TOTAL

187 780

141 681

-771

-514

187 008

141 167

Source : Commission des affaires étrangères, à partir des documents budgétaires.

 

Dans l’attente de la présentation de la lettre rectificative par la Commission en ce début du mois d’octobre et d’un accord sur la révision du cadre financier pluriannuel 2021-2027, le montant du budget 2024 et partant de la contribution française restent encore estimatifs.

B.   L’évaluation de la contribution française au budget de l’union européenne pour 2024

1.   Une contribution française qui se transforme

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne finance la majeure partie de la contribution française au budget européen. Il comprend les ressources rétrocédées au budget de l’Union, à savoir la ressource relative à la taxe sur la valeur ajoutée (« ressource TVA »), la ressource fondée sur le revenu national brut (« ressource RNB »), et depuis le 1er janvier 2021 la contribution fondée sur la quantité de plastiques non recyclés (« ressource plastique »), ainsi que diverses corrections accordées à certains États membres ou les éventuels intérêts de retard au titre du versement des droits de douane.

La contribution française au budget de l’Union est en nette progression depuis plus de vingt ans et sa part s’accroît dans les recettes fiscales nettes de l’État.

Le montant de la contribution française au profit de l’Union européenne, constituée du prélèvement sur recettes et des ressources propres traditionnelles (RPT) nettes des frais d’assiette et de perception, a été multiplié – en part des recettes fiscales françaises – par plus de deux en quarante ans, passant de 3,7 % en 1982 à 8,4 % en 2023([9]). Ce rapport décroît nettement cette année, puisqu’il devrait être de 6,2 % en 2024([10]), à périmètre constant.

L’introduction d’une contribution assise sur les déchets d’emballages plastiques non recyclés (aussi appelée « ressource plastique ») a un coût net estimé à 334 millions d’euros en 2023 pour le PSR-UE, comparé à une contribution « classique » via la ressource RNB. Selon les réponses obtenues par la rapporteure, cette nouvelle ressource ne devrait pas modifier la place de la France parmi les pays contributeurs au budget de l’Union.

Le tableau ci‑après présente l’évolution de la contribution de la France au budget de l’Union pour la période 2009‑2024.

Source : Direction du budget

La loi de finances initiale (LFI) pour 2023 avait prévu une légère baisse du prélèvement européen, de l’ordre de 1,4 milliard d’euros, par rapport à la LFI pour 2022.

Au 30 septembre 2023, trois projets de budgets rectificatifs ont été présentés par la Commission, respectivement le 16 mars 2023, le 12 avril 2023, et le 3 juillet 2023. Les projets de budgets rectificatifs n° 1 et 2 ont été adoptés par l’autorité budgétaire. Le projet de budget rectificatif n° 3 est actuellement en cours de discussion par l’autorité budgétaire. On relèvera particulièrement que :

-         le budget rectificatif n° 1 (BR n° 1) apporte des ajustements techniques au budget 2023 conformément aux accords politiques conclus sur plusieurs propositions législatives, notamment en ce qui concerne REPowerEU, le mécanisme d’ajustement carbone aux frontières (MACF) et le programme de connectivité sécurisée de l’UE. Il prévoit une augmentation de 52,6 millions d’euros des crédits d’engagement, essentiellement liée au renforcement du programme Space Secure Connectivity, et aucune modification en crédits de paiement.

-         le budget rectificatif n° 2 (BR n° 2) reporte le solde excédentaire de l’exercice 2022 (+ 2 519 millions d’euros en recettes) ;

-         le projet de budget rectificatif n° 3 (PBR n° 3) porte essentiellement sur l’actualisation des prévisions d’assiettes de contributions aux différentes ressources propres (comité consultatif des ressources propres du 25 mai 2023) et sur des ajustements consécutifs aux accords politiques relatifs au règlement ASAP (Act in support of ammunition production) et au règlement Chips Act (investissements pour la production de semi-conducteurs).

Sur la base des différents éléments disponibles à cette date, la prévision de PSR-UE pour l’année 2023 est diminuée de 557 millions d’euros par rapport à la loi de finances initiale pour 2023. Ce montant est susceptible d’être revu d’ici la fin de l’exercice, en fonction des budgets rectificatifs complémentaires que pourrait prochainement présenter la Commission.

2.   Une contribution française qui devrait sensiblement baisser en 2024 

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, l’article 33 évalue le montant de la contribution de la France au budget de l’Union européenne à 21,6 milliards d’euros.

Cette estimation correspond à une diminution de 11,57 % par rapport à l’évaluation révisée pour 2023.

La répartition de la contribution de la France au budget de l’Union européenne entre les différentes catégories de recettes (ressources propres traditionnelles, ressource TVA, ressource RNB, ressource plastique) en 2022 et 2023 est détaillée ci-dessous.

 

 

Ventilation du prélèvement pour 2023 – estimation au 1er septembre

(en millions d’euros)

Ressource TVA

4 153

Ressource plastique

1 564

Ressource RNB (*)

18 720

Dont rabais forfaitaires

1 428

Prélèvement total

24 437

 

Ventilation du prélèvement pour 2024 – estimation au 1er septembre

(en millions d’euros)

Ressource TVA

4 327

Ressource plastique

1 505

Ressource RNB

15 778

Dont rabais forfaitaires

1 512

Prélèvement total

21 610

Source : Direction du budget

En 2023 et 2024, l’Allemagne reste la première contributrice en volume au budget de l’Union, suivie par la France et l’Italie.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, l’article 33 évalue donc le montant de la contribution de la France au budget de l’Union européenne à 21,6 milliards d’euros. Cette estimation correspond à une diminution de 2,83 milliards d’euros par rapport à l’évaluation révisée pour 2023. Cette estimation du PSR-UE s’explique par deux facteurs principaux :

-         d’une part, par la baisse transitoire anticipée sur les paiements de la cohésion, due à un retard dans la mise en œuvre de la politique de cohésion 2021-2027, qui conduit à une baisse conjoncturelle des besoins de paiements par rapport à 2023 ;

-         d’autre part, par les effets de l’inflation sur l’évolution du RNB des États membres, ainsi que sur le produit des droits de douane reversés au budget européen en hausse en raison de la reprise du commerce international, qui contribuent à réduire le niveau de la contribution française.

L’évolution de la contribution française au budget de l’Union dans les recettes fiscales nettes de l’État a logiquement suivi celle du budget européen dans le PNB/RNB des États membres.

Elle a augmenté entre 1982 et 1994, passant de moins de 4 % à environ 6,5 % des recettes de l’État, pour couvrir la forte croissance des dépenses de la politique agricole commune et de la politique de cohésion.

Elle est restée relativement stable entre 1994 et 2007, évoluant dans une fourchette comprise entre 5,5 % et 6,6 %.

Depuis 2008, elle recommence à augmenter, selon un profil plus erratique jusqu’à atteindre environ 8 % des recettes de l’État en 2020.

Enfin, avec le nouveau cadre 2021-2027, cette part a été amenée à augmenter du fait du départ du Royaume‑Uni de l’Union européenne. En 2020 et 2021, la hausse a été particulièrement marquée en raison de la diminution des recettes fiscales nettes de l’État à cause de la crise de la Covid-19. Elle était estimée respectivement à 9,9 % et 9,5 %.

La baisse sensible de la contribution française pour 2024 est expliquée par les deux facteurs précités.

La baisse de la contribution française par rapport aux années récentes est avant tout conjoncturelle, donc temporaire ; des hausses sont possibles à brève échéance, que ce soit du fait d’une nouvelle lettre de cadrage où, plus substantiellement, à l’occasion de la révision du CFP.

 


    

   Conclusion

Le cadre financier pluriannuel 2021‑2027 et ses déclinaisons annuelles constituent la traduction budgétaire des priorités politiques de l’Union européenne au service de ses citoyens. Ces instruments visent à donner à l’Europe les moyens d’influer sur la marche du monde et de relever les défis de long terme que sont notamment les transitions écologique et numérique.

Les évolutions récentes en matière budgétaire, qu’il s’agisse de l’instrument de relance européen, de la mise en place d’une protection contre les violations de l’État de droit ou encore celles à venir concernant la création de nouvelles ressources propres, ont vocation à renforcer notre Union et notre capacité d’action collective dans un monde en crise, que traduit avec force l’important soutien mis en place au profit de l’Ukraine.

Au bénéfice de ces remarques, la rapporteure pour avis se prononce en faveur de l’adoption de l’article 33 du projet de loi de finances pour 2024.

 


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CONTRIBUTION PRÉSENTÉE AU NOM DU
GROUPE socialistes et apparentés

 

L'essentiel du budget de l’Union européenne (UE) provient directement des États membres. Deux tiers environ de ses ressources sont constitués d’une ressource indexée sur le revenu national brut des États membres (RNB). Les autres ressources sont une ressource sur la TVA, qui correspond à un prélèvement de 0,30 % sur une assiette harmonisée pour tous les États membres et une nouvelle ressource créée en 2021 sur les emballages plastiques non recyclés.

Le montant de la contribution française au bénéfice de l’UE a été multiplié par 2 en 40 ans passant de 3,7 % des recettes fiscales françaises en 1982 à 7,9 % en 2020 et ce, à périmètre constant.

D'après le projet de loi de finances pour 2024, la contribution de la France au budget de l’Union européenne est évaluée à 21 610 Md€ contre 21, 337 Md€ il y a quatre ans (référence 2020).

En 2024 le montant de la contribution de la France au budget de l’UE enregistrera une baisse de 12,1 % par rapport à celui voté en loi de finances initiale pour 2023, qui s’élevait à 24,5 milliards d’euros.

En mai 2023 la commission des budgets du Parlement européen a pris en compte l’augmentation du montant des ressources propres autres que le RNB entraînant une diminution de la contribution au titre du RNB de 4,4 milliards d’euros par rapport au PBR nº 2/2023. Selon les données disponibles hors instruments spéciaux, les crédits proposés par la Commission au titre du projet 2024 sont en hausse de 1,99 % par rapport au budget 2023. Il s’agit encore d’un montant estimatif.

L’exercice est pluriannuel s’inscrivant dans le cadre financier pluriannuel (CFP) portant sur la période allant de 2021 à 2027

Sur la qualité de l’information contenue par le projet de budget 2024, le regret d’une insuffisance d’appréciation et de mise en perspective par le gouvernement

La première observation porte sur la qualité des informations transmises aux députés et aux groupes parlementaires via le projet de budget ; celui-ci ne comporte aucune information particulière formant une appréciation sur la nature des prélèvements, leurs montants et leurs évolutions y compris au vu des enjeux européens alors même que l’Union est invitée à en faire davantage dans un nombre croissant de domaines, dont la défense, la santé et le climat et est appelée à conforter ou renforcer son aide à l’Ukraine et sa souveraineté énergétique.

Les députés dans leur ensemble ont pu constater un défaut de partage des informations dont le gouvernement dispose dans le cadre de ses relations avec la commission de l’UE et les autres exécutifs des États membres.

Sur le fond, un budget européen insuffisant

Les socialistes Français et Européens demandent une révision du CFP qui apporte des changements importants, comme le relèvement des plafonds si nécessaire pour préserver l'essence et le financement de la politique de cohésion en s'assurant qu'il y ait suffisamment de souplesse dans le budget pour faire face aux urgences et aux événements inattendus.

Il y a un doute sur ce qu’implique le projet du budget de l’UE tel qu’il est proposé et en creux sur l’effet qui en résulterait à savoir que si l’Europe est défaillante ou insuffisante dans plusieurs domaines, les États membres compléteront. Cela n’apparaît nullement réaliste alors même la réforme des règles budgétaires du Pacte de stabilité et de croissance (PSC) prônée par la commission européenne (UE) n’y incite pas clairement.

Sur le soutien à une économie efficace et sobre en ressources naturelles

La France devrait mettre plus de cohérence entre la politique budgétaire menée par l’Union mène et celle d’accès aux liquidités et crédits que mène la Banque centrale européenne. S’agissant de l’économie et de la transition climatique, il est important d’avoir à l’esprit que l’Union européenne souffre d’une croissance molle, marquée par une incapacité à créer des emplois pour toute la population et à investir significativement pour notre avenir. Dans ce contexte la Banque centrale prête de l’argent à des entreprises dans le cadre de ses achats de titres pour assurer la liquidité dans l’économie, en finançant des entreprises qui ne font rien voire s’opposent à la transition énergétique. D’un côté est refusé l’endettement public pour nous protéger et prévenir les effets dévastateurs du changement climatique et d’un autre côté, la Banque centrale finance l’endettement privé et la poursuite d’activités qui n’ont aucune préoccupation que celles de produire sans souci des ressources communes limitées.

Sur les grandes politiques de l’Union européenne, un focus sur la nécessité d’une politique industrielle

Il faut donner toute sa force à une réelle politique industrielle « de » et « dans » l’UE. Ce serait une façon de créer de la richesse de façon localisée. L’Union doit soutenir la création d’un plus grand nombre d’entreprises et de technologies de classe mondiale, capables de rivaliser partout avec les plus grands, d’offrir des emplois de qualité et de bonnes conditions de travail dans leurs secteurs respectifs tout en se conformant aux engagements et aux ambitions climatiques et environnementaux de l’Europe. Une base industrielle européenne solide ne peut exclusivement reposer sur quelques entreprises multinationales mais elle doit être bâtie en tenant compte du tissu économique dans son ensemble, y compris les PME. Par ailleurs les partenaires sociaux doivent être mieux associés et contribuer à trouver le point d’équilibre entre compétitivité et bien-être.

Sur nos ressources communes

Il faut tenir compte que certaines ressources propres ont disparu et que d’autres ont été grignotées par l’évolution économique – ainsi, les droits de douane ne rapportent presque plus rien – et la ressource principale, qui était un point de TVA, a été rognée, année après année.

Les ressources provenant d’une meilleure taxation des très grandes entreprises et des « très très riches », jouant aujourd’hui de l’optimisation fiscale, permettraient à la fois d’investir dans l’avenir en maintenant l’équilibre entre ressources venant des États et ressources propres de l’Union. À ce titre nous devons avoir pour priorité d’établir puis de consolider la ressource propre sur les bénéfices des entreprises telle que l’UE la porte et doit en améliorer la portée au vu des effets encore à venir.

L’immobilisme budgétaire européen tant en ce qu’il concerne le volume de nos engagements et paiements qu’en ce qu’il vise ses ressources, ne peut être une solution d’avenir. Le débat sur l’avenir des ressources de l’UE doit être posé de façon conjointe par le Parlement européen et les parlements nationaux.

 


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   Travaux en commission

Au cours de sa réunion du mercredi 11 octobre 2023, la commission examine le présent avis budgétaire.

Mme Mireille Clapot, présidente. À titre liminaire, j’observe que la contribution de la France au budget de l’Union européenne (UE) pour 2024 est évaluée à 21,6 milliards d’euros environ, soit une diminution de 12,2 %. Elle prendra, comme chaque année, la forme d’un prélèvement sur les recettes de l’État. Le budget de l’Union européenne connaît trois autres types de ressources : les ressources propres traditionnelles, comme les droits de douane, la ressource assise sur une assiette harmonisée de taxe sur la valeur ajoutée (TVA), et la contribution assise sur la part d’emballages plastiques non recyclés introduite dans le cadre de la programmation 2021-2027.

Ce budget européen est le quatrième du cadre financier pluriannuel (CFP) pour les années 2021 à 2027, dont le plafond global de dépenses se monte à 1 216 milliards d’euros courants en crédits d’engagement.

La contribution de la France au budget signe son appartenance à l’Union. Notre pays tire bénéfice de sa position d’État membre à la fois directement – fonds européens, subventions et prêts – et indirectement – spread de taux d’intérêt maîtrisé. Il est donc essentiel qu’il honore ses engagements.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Nous examinons pour avis l’article 33 du projet de loi de finances pour 2024, qui évalue le montant du prélèvement effectué sur les recettes de l’État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (PSR-UE). Ce montant devrait effectivement atteindre 21,6 milliards d’euros.

Le cadre financier pluriannuel, qui en est à sa quatrième annuité, prévoit un plafond global de dépenses de 1 216 milliards d’euros courants en crédits d’engagement sur sept ans. Ce budget de long terme a permis à l’Union européenne de se doter pour la première fois d’une capacité budgétaire propre, quoique temporaire, qui s’est concrétisée par le plan de relance NextGenerationEU. Le retrait du Royaume-Uni et la crise sanitaire ont provoqué un risque de fragmentation ; l’invasion de l’Ukraine met en cause les valeurs communes et entraîne un danger de marginalisation. En retour, les Européens ont décidé d’emprunter en commun, affirmant leur engagement et leur solidarité. Ils ont ainsi créé et soutenu un nouvel instrument budgétaire, afin de s’adapter aux circonstances. Le budget pour 2024 jouera un rôle primordial pour définir les priorités à long terme de l’Union et lui permettre d’atteindre ses objectifs politiques.

L’article 312 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit que chaque budget annuel s’inscrit dans les limites des dépenses fixées par le CFP. En pratique, le montant prévisionnel des crédits est inférieur aux plafonds du CFP, de manière à conserver une marge de manœuvre en cas de besoin non anticipé. La Commission européenne propose le projet de budget à l’approbation du Conseil et du Parlement européen. La proposition du 7 juin 2023 porte sur un budget pour 2024 de 189,3 milliards d’euros en crédits d’engagement et de 141,1 milliards en crédits de paiement, auxquels s’ajoute une enveloppe de 113 milliards pour financer les subventions du plan de relance européen.

Hors instruments spéciaux, les crédits proposés sont en hausse de 1,99 % par rapport au budget de 2023. Dans la proposition du Conseil, approuvée le 12 juillet 2023, le budget annuel est fixé à 187 milliards en crédits d’engagement – soit 2,3 milliards de moins – et 141,17 milliards en crédits de paiement, ce qui reste stable La Commission présentera ce mois-ci une lettre rectificative et un accord sur la révision du cadre financier pluriannuel 2021-2027. En attendant, le montant du budget pour 2024, et partant celui de la contribution française, reste estimatif.

Le prélèvement sur recettes au profit de l’Union européenne constitue la majeure partie de la contribution française. Il comprend principalement les ressources rétrocédées au budget de l’Union : la ressource relative à la TVA ; la ressource fondée sur le revenu national brut (RNB), désormais majoritaire ; la nouvelle contribution fondée sur la quantité de plastiques non recyclés.

La contribution française, composée du prélèvement sur recettes et des ressources propres traditionnelles, est en nette progression depuis plus de vingt ans et sa part s’accroît dans les recettes fiscales nettes de l’État. Cette évolution a suivi celle de la part du budget européen dans le produit national brut des États membres.

L’article 33 du projet de loi de finances pour 2024 prévoit une contribution de 21,6 milliards d’euros, en baisse de 11,57 % par rapport à 2023. D’une part, le retard d’application de la politique de cohésion entraîne une baisse temporaire des besoins de paiement. D’autre part, l’inflation influence l’évolution du RNB des États membres et fait croître le produit des droits de douane versés au budget européen, déjà en hausse grâce à la reprise. La baisse de la contribution française est donc conjoncturelle : des hausses sont possibles à brève échéance, du fait d’une nouvelle lettre de cadrage ou de la révision du CFP.

Dans un monde en crise, il est essentiel que l’Europe soit puissante. Les récentes évolutions budgétaires – instrument de relance européen, dispositif de protection contre les violations de l’État de droit, création de nouvelles ressources propres, selon le souhait de la France – ont vocation à renforcer l’Union et notre capacité d’action collective. Ainsi, depuis février 2022, début de la guerre d’agression menée par la Russie, l’Union a déployé un soutien important et visible en faveur de l’Ukraine et a pris des mesures pour atténuer l’incidence économique du conflit en son sein. Ces mesures ont un effet d’autant plus significatif sur la programmation financière qu’elles concernent presque toutes les rubriques du budget, puisque les aides accordées sont militaires, humanitaires et économiques. Sur le plan budgétaire, la proposition de règlement de la Commission en date du 20 juin 2023 prévoyant de créer une Facilité spécifique pour soutenir l’Ukraine doit s’intégrer dans le paquet législatif de révision du cadre pluriannuel.

On le voit, les réformes des mécanismes budgétaires européens, qui auront des effets sur la contribution de la France, ne sont que le reflet de notre engagement et de notre volonté de faire de l’Europe une puissance d’équilibre, et surtout protectrice des Européens.

Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous invite à vous prononcer en faveur de l’adoption de l’article 33 du projet de loi de finances pour 2024.

Présidence de M. le président Jean-Louis Bourlanges

M. Hadrien Ghomi (RE). Le cadre financier pluriannuel dans lequel s’inscrit ce projet de budget a permis à l’Union européenne de se doter, pour la première fois, d’une capacité budgétaire propre, incarnée par le plan de relance. Au risque de fragmentation né du retrait du Royaume-Uni et de la crise sanitaire, les Européens ont répondu en décidant d’emprunter en commun, affirmant leur volonté de s’engager solidairement et dans la durée. Cela a rendu l’Europe plus indépendante et plus apte à relancer l’économie, à protéger la santé ou à mettre fin au « far west numérique ». Elle sera également plus verte, grâce au Pacte vert, qui nous engage à atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

Face à l’invasion de l’Ukraine par la Russie, qui porte atteinte à ses valeurs, l’Union a su manifester un soutien ferme et uni au peuple ukrainien. Le monde n’a jamais eu autant besoin d’une Europe puissante, souveraine, indépendante, protectrice et responsable. La France doit rester un moteur de l’Union. L’adoption de ce budget est donc essentielle pour nous donner les moyens d’influer plus efficacement sur la marche du monde et de relever les défis de long terme.

Aussi le groupe Renaissance votera-t-il unanimement l’article 33 du PLF.

M. Jérôme Buisson (RN). La contribution française connaît une augmentation quasi constante depuis sa création. Le développement des politiques européennes, le grand élargissement à l’Est, en 2004 et 2007, et la sortie du Royaume-Uni, qui était le deuxième contributeur net de l’Union, l’ont alourdie par paliers. Elle est passée de 12,8 milliards d’euros en 2000 à 21,6 milliards en 2024. Selon la direction du budget, le PSR est passé de 3,7 % des recettes fiscales en 1982 à 7,9 % en 2020. Pourtant, les fonds européens perçus sont seulement passés de 12,38 milliards en 2000 à 15,85 milliards en 2020. Bref, la France verse 10 milliards de plus qu’elle ne reçoit. Or il s’agit du produit des impôts des Français : nos compatriotes s’interrogent sur la différence et sont en droit de savoir où va leur argent.

Ces milliards financent les institutions européennes, au coût faramineux mais toujours plus éloignées des peuples ; ils financent aussi les infrastructures nécessaires à l’essor de l’Europe centrale et orientale, qui a attiré des pans entiers de notre industrie. Il est insupportable que l’argent de nos compatriotes contribue à la délocalisation. Pendant que les services publics disparaissent de nos campagnes, que les lignes de chemin de fer ferment et que les médecins se font de plus en plus rares, nous finançons leur développement dans d’autres États membres.

Votre majorité appelle de ses vœux l’élargissement de l’Union à neuf nouveaux membres mais cela nous ferait franchir un nouveau cap : une Union européenne à trente-six, c’est une contribution française qui bondit, donc moins de ressources encore pour nos compatriotes. La première ministre pense qu’être patriote, c’est être européen et transférer l’argent des Français dans des pays tiers. Selon nous, l’argent des Français doit profiter principalement aux Français. Nous voterons donc contre l’article 33.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Sans surprise, nous sommes en total désaccord. Les fonds européens profitent à de nombreuses zones de notre territoire, notamment à Dunkerque. Vous trouverez dans mon rapport le détail des dépenses européennes consenties en faveur de la France. Le plan national de relance et de résilience, en particulier, consacre 40 milliards d’euros à l’écologie et à la transformation de l’industrie. Sans l’Union européenne, nous n’aurions pas pu affronter comme nous l’avons fait la guerre en Ukraine, ni la crise sanitaire. L’union fait la force.

M. Pierre-Henri Dumont (LR). Les députés du groupe Les Républicains s’opposeront à l’article 33 du PLF, au moins en commission.

D’abord, la France ne parvient pas suffisamment à défendre ses vues. Quand ses intérêts vitaux sont en jeu, il faut taper plus fort du poing sur la table. L’histoire nous l’a enseigné, par exemple lorsque le général de Gaulle a pratiqué la politique de la chaise vide entre 1965 et 1966 pour maintenir le droit de veto ou préserver la politique agricole commune (PAC).

Quels sont nos intérêts vitaux aujourd’hui ? La taxonomie européenne a suscité un débat massif : un lobby antinucléaire, favorable au gaz, s’est mis en branle dans les institutions européennes pour mettre à mal notre filière nucléaire, donc notre souveraineté énergétique. Heureusement, la raison a prévalu. D’un autre côté, l’État ne pourra plus soutenir les armements de nos marins-pêcheurs, à Boulogne-sur-Mer notamment, parce que l’Union européenne s’oppose à l’aide au carburant. L’argent du prélèvement sur recettes bénéficie aussi à des pays qui préfèrent s’allier à des pays non-membres pour garantir leur souveraineté énergétique, dans le cadre des Balkans occidentaux ou des Nouvelles routes de la soie. La Facilité européenne pour la paix permet aux pays membres d’acheter du matériel d’armement américain. Et je ne dis rien de l’aide au développement.

Notre vote contre est un cri d’alarme. Nous pourrions nous abstenir lors de l’examen en séance, en particulier si le Gouvernement prend nos demandes en considération.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Je souligne, à toutes fins utiles, qu’un rejet de l’article 33 du PLF en séance publique ouvrirait une crise au sein de l’Union européenne.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Je comprends vos réserves, toutefois ne pas voter le budget n’envoie pas le bon signal. D’abord, la contribution est aujourd’hui réduite, même si c’est temporaire. La France a été entendue lorsqu’elle a proposé de renforcer les contributions propres et elle joue un rôle moteur dans le paquet législatif en négociation. Il serait inopportun de refuser le budget pour taper du poing sur la table, alors que ce budget prend en compte plusieurs de nos demandes.

M. Bruno Fuchs (Dem). Le montant du PSR-UE pour 2024 est évalué à 21,6 milliards d’euros, en baisse de 12 %, après vingt ans de progression. La France demeure le deuxième contributeur, derrière l’Allemagne et devant l’Italie.

Les causes de cette diminution sont d’abord conjoncturelles : baisse des besoins de paiement de la politique de cohésion ; effets de l’inflation sur le produit des droits de douane. Mais d’autres facteurs ont joué un rôle, comme le Brexit ou la diminution des recettes fiscales pendant la crise sanitaire, qui avait mécaniquement fait augmenter le poids de notre contribution.

Le groupe Démocrate votera, lui, l’article 33 du PLF. Ceux qui s’interrogent sur le niveau de la contribution de la France pourraient examiner le contre-exemple que nous offre le Royaume-Uni : les atermoiements du parti conservateur concernant le financement des projets d’infrastructures sont directement liés à la sortie des programmes européens, tandis que le Brexit non préparé a démultiplié les problèmes relatifs à l’immigration. Quant à ceux qui mesurent l’intérêt de la participation française à l’aide d’un seul outil comptable, comme on le ferait pour une épicerie, ils négligent le fait que la participation entraîne une croissance qui nous rapporte bien plus que ce que le prélèvement nous coûte. Nous regrettons cependant l’existence des rabais, toujours plus ubuesques.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Le président de la République a rappelé que la France défend la suppression des rabais.

M. Guillaume Garot (SOC). À quoi sert l’Europe ? Qu’apporte-t-elle au quotidien des Français ? Il faut dire à quoi serviront les plus de 21 milliards d’euros prélevés sur les recettes de l’État.

L’aide apportée au peuple ukrainien offre une première réponse. Saluons à ce propos l’unité préservée et la solidarité entre les États, et plus largement la résilience de l’Union, qui a traversé des crises financières et la pandémie de Covid, qui est confrontée à l’urgence climatique et qui répond toujours présent.

Nous disposons certes de nouveaux outils, comme le Pacte vert, mais sans volonté politique, ils sont impuissants. Les membres du groupe Socialistes et apparentés estiment que le financement pourrait être plus juste, plus citoyen, davantage tourné vers la transition écologique et qu’il faudrait imposer des conditions pour éviter les dérives. Pour définir le chemin à accomplir, les élections européennes de l’an prochain joueront un rôle majeur. Mais en attendant, considérant que la balance penche du bon côté, nous voterons l’article 33 du PLF.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. J’entends vos arguments et partage votre avis. Grâce notamment à la planification, le budget européen permet de faire mieux en matière de transition écologique. On sait l’intérêt du plan national de relance et de résilience, et NextGenerationEU a permis d’affronter différentes crises. Désormais, grâce à un mécanisme innovant, les versements européens sont soumis à une condition de respect de l’État de droit. Enfin, la création de la contribution sur les plastiques, qui a par principe vocation à diminuer en même temps que la production de plastique, manifeste sur le plan budgétaire une volonté politique forte.

Les crédits d’intervention de l’Union européenne sont ventilés de manière très transparente entre sept rubriques ; vous trouverez le détail exposé page 29 du rapport pour avis.

M. Xavier Batut (HOR). La participation de la France au budget de l’Union européenne est inscrite dans notre Constitution. En ratifiant les traités européens, les États membres ont librement choisi d’exercer en commun certaines compétences. Il est donc normal qu’un article du budget de notre nation soit consacré au projet européen, qui nous est cher.

Nous profitons financièrement de notre participation à l’Union. Nous sommes ainsi les premiers bénéficiaires de la politique agricole commune ; entre 2021 et 2027, nos régions percevront 18 milliards au titre de la politique de cohésion ; d’ici à 2026, plus de 40 milliards seront alloués à nos programmes de relance nationaux. Surtout, les entreprises et les citoyens jouissent de tous les avantages du marché commun : l’UE compte 450 millions de consommateurs ; entre 2014 et 2020, le programme Erasmus a financé la mobilité de 600 000 personnes.

Au-delà des chiffres, l’Union est un projet pour l’avenir. Les membres de cette commission observent au quotidien la montée des tensions internationales, le retour des puissances, la rivalité croissante qui oppose les États-Unis et la Chine, les nombreuses menaces qui s’exercent contre la souveraineté des pays européens et de nos alliés les plus proches. Une Europe plus forte et plus autonome est essentielle pour relever ces défis et préserver notre souveraineté. Ainsi, les 21,6 milliards du prélèvement sur recettes sont peu de chose au regard de l’immense projet européen. L’Europe a besoin de la force de l’Union pour relever les défis migratoires, technologique, économique et climatique du XXIe siècle.

Les membres du groupe Horizons et apparentés voteront l’article 33 du PLF.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Merci d’avoir rappelé les bénéfices que la France retire de sa participation, en particulier s’agissant de la PAC.

M. Aurélien Taché (Écolo-NUPES). Les membres du groupe Écologiste-NUPES voteront cet article 33 car notre engagement européen reste ferme. Néanmoins, les événements des dernières semaines sont inquiétants et la rencontre du président de la République avec le chancelier allemand n’a rien donné. Même un Européen convaincu peut se demander où va l’Union et quels choix seront nécessaires pour faire évoluer les institutions, le budget ou l’élargissement. Nous serons bientôt trente-six, et l’on sait que vous soutenez, monsieur le président, une intégration plus progressive. Parviendrons-nous à sortir du vote à l’unanimité ? Les défis à relever sont immenses, climatiques et migratoires en particulier : même par temps sombre, il faut soutenir le projet européen, seul capable de les relever.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Vous avez raison. On peut être un Européen convaincu sans être un Européen heureux.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. J’aime votre formule ! En tant que parlementaires, nous devons exercer notre mission de contrôle budgétaire sans priver l’Union des moyens nécessaires pour mener à bien ses politiques en faveur des Européens.

M. Jean-Paul Lecoq (GDR-NUPES). La démocratie est chronophage et la réduction du temps de parole à l’Assemblée nationale enfonce un coin dans son exercice.

L’Europe n’est pas une machine à multiplier les pains : c’est une machine de solidarité. Au moment de sa construction, les communistes soutenaient plutôt une Europe des nations. Nous ne sommes pas devenus davantage favorables aux États-Unis d’Europe : nous préférons des nations qui travaillent ensemble.

Nous aurions voulu que l’Europe ait une politique écologique qui la conduise à refuser le gaz de schiste américain. Les dégâts que son exploitation provoque, au service des Européens, sont inacceptables. J’aurais préféré que le terminal méthanier du Havre serve à autre chose.

Pour les Français, du monde rural en particulier, l’Europe, c’est la politique agricole commune : un soutien à l’agriculture française. Il ne faut jamais oublier cette bonne politique.

S’agissant de la pêche, je citerai la charte de l’énergie ; l’Europe ne doit pas corseter les politiques nationales. L’exception culturelle n’est pas forcément unique. On peut promouvoir une exception énergétique, et d’autres liées à notre histoire : l’Europe des nations le permettait.

Enfin, les communistes refusent de transformer l’Europe en machine de guerre au service de l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN).

À l’énoncé de ces critiques, je vous laisse imaginer quel sera notre vote.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Je suis assez optimiste pour espérer que vous voterez ce budget car, en Européen, vous avez rappelé l’importance de la PAC pour la France, ainsi que celle du paquet REPowerEU, qui vise à permettre aux pays de l’Union européenne de réduire rapidement leur dépendance aux combustibles fossiles russes et d’accélérer la transition écologique. La plupart des paquets et des principales mesures que comporte ce budget vont dans le sens de la souveraineté énergétique et de l’écologie que vous appelez de vos vœux. Mme Ursula von der Leyen, dans son discours du 14 septembre 2022, s’exprimait en faveur d’un plafonnement des recettes des entreprises produisant l’électricité à faible coût, estimant que les bénéfices doivent être partagés et redirigés vers ceux qui en ont le plus besoin. À défaut de changer votre vote, peut-être cette parole vous fera-t-elle réfléchir sur l’aspect social de la redistribution que prévoit le budget que je présente.

M. Nicolas Dupont-Aignan (NI). Nous allons dépenser aujourd’hui un peu plus de 21 milliards d’euros, soit quasiment le budget de la sécurité en France, et – comme toujours – cela se fera très vite, avant un vote à la va-vite, un lundi, à l’Assemblée nationale.

La contribution nette de la France est en très forte augmentation depuis des années, malgré un petit creux observé cette fois-ci, qui tient à des motifs conjoncturels. Selon les années, cette contribution nette se situe entre 5 et 10 milliards d’euros : tout cela pour financer nos concurrents, pour alimenter la délocalisation de nos industries, pour mener une politique énergétique suicidaire, pour financer une facilité européenne dite « de paix » qui ne fait qu’alimenter la guerre pour acheter du matériel américain et pour financer une bureaucratie qui donne à tout le monde des leçons de rigueur mais qui augmente considérablement ses salaires.

Pourquoi prive-t-on les Français de tant d’argent ? Pourquoi leur demande-t-on tant d’efforts pour gaspiller cet argent dans une politique fondamentalement contraire à nos intérêts ?

Il y a pire : dans votre rapport, vous faites croire que la situation va s’améliorer mais, faute d’accord sur les ressources propres lors du sommet qui a décidé du plan de relance, c’est la France qui, au bout du compte, paiera ce plan de relance : car pourquoi y aurait-il accord plus tard ? Cela représente 66 milliards d’euros hors intérêts, sachant que les taux d’intérêt ont augmenté depuis lors, pour recevoir 40 milliards sous condition ; pour être en laisse, donc, comme on l’a vu lors du débat sur la réforme des retraites. Le plan de relance est donc une très mauvaise affaire pour nous et notre pays.

Qui plus est, nous nous sommes fait avoir pour ce qui concerne les rabais, puisque nous payons davantage qu’avant à ce titre depuis le Brexit, tandis que les autres pays ont su se protéger. En un mot, on ne peut être qu’effrayés par le bilan global de votre action.

Chaque année, vous nous dites que, pour être un bon Européen, il faut voter. Ce qui est curieux, c’est que de nombreux pays, qui sont pourtant de bons Européens, ne votent pas ce budget et le négocient parfois âprement. En comparant sur n’importe quel site internet de l’Union européenne les contributeurs et les bénéficiaires de ces sommes, on voit que la France est le dindon de la farce, qu’elle paie énormément alors qu’elle souffre beaucoup, tandis que de nombreux pays accumulent des milliards à nos dépens.

Au lieu donc d’embêter les Français et d’augmenter leurs impôts de manière déguisée, mieux vaudrait réduire cette participation et même la supprimer.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Ma position est diamétralement opposée à la vôtre. La France est loin d’être le dindon de la farce : elle n’est même pas le premier contributeur mais le deuxième et les politiques qui lui bénéficient sont longuement détaillées dans mon rapport. Qui plus est, le montant de la contribution française fait l’objet de nombreuses négociations. Je ne partage en rien votre analyse de l’évolution des ressources du budget de l’Union européenne car il est dans l’intérêt des Françaises et des Français de doter l’Union européenne de moyens forts.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous en venons aux questions individuelles de nos collègues.

M. Pierre Cordier (LR). Je tiens à souligner, d’un point de vue plus technique, la complexité des dossiers de demande de fonds européens, comme le Fonds social européen, le Fonds européen agricole pour le développement rural, le Fonds européen de développement régional ou d’autres instruments destinés à la coopération transfrontalière, et la difficulté de savoir à qui s’adresser dans ces procédures. En termes familiers, c’est un « bordel sans nom » et personne ne s’y retrouve. Pour que l’Europe soit mieux perçue, nous serions bien avisés de simplifier ses procédures.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Cette question excède le cadre de notre analyse du budget mais je pense comme vous qu’il faut plus de simplicité et de lisibilité. Il conviendrait de créer, au niveau national, un guichet unique pour les fonds européens, à l’instar de ce qu’ont déjà fait certaines régions. Il est de notre devoir de députés de nous assurer d’une plus grande lisibilité dans la gestion de ces fonds que, je l’espère, les députés du groupe Les Républicains finiront par voter et qui ont vocation à être redistribués dans nos régions et au profit de nos compatriotes.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Contrairement à ce qui a été dit, nous ne manquons pas de nous défendre âprement à Bruxelles. La détermination des dépenses est en effet un théâtre de confrontation et de coopération assez ardu et les intérêts de la France me semblent y être solidement défendus dans le cadre des Conseils. En revanche, et sans me prononcer sur la question de savoir si l’Union européenne fait bien ou mal les choses – qui relève de chaque groupe de notre Assemblée et de chacun d’entre vous –, je tiens à exprimer ma grande frustration institutionnelle devant le mécanisme d’approbation des ressources propres prévu à l’article 311 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, qui nous impose d’adhérer par un vote à une décision qui nous est soumise et que nous ne pouvons refuser sous peine d’ouvrir une crise fondamentale, dont nous ne voulons pas.

Je maintiens quant à moi, en tant que bon militant européen, que les ressources devraient être décidées autrement. Et du reste, pas par nous mais plutôt, d’un côté, dans le cadre du Conseil des ministres à la majorité qualifiée – comme c’est déjà le cas – et, de l’autre côté, au niveau du Parlement européen. Il n’est pas normal, en tout cas, que nous nous trouvions dans cette situation de blocage institutionnel voulu par les gouvernements : c’est là une question de principe importante.

*

Article 33 : Évaluation du prélèvement opéré sur les recettes de l'État au titre de la participation de la France au budget de l’Union européenne (PSR-UE)

Amendement I-AE1 de M. Jérôme Buisson

M. Jérôme Buisson (RN). Pour la période 2021-2027, l’Allemagne bénéficie d’un rabais de près de 3,6 milliards d’euros sur sa contribution annuelle. Ce rabais est de 1,5 milliard pour les Pays-Bas, de 823 millions pour la Suède, de 287 millions pour l’Autriche et de 222 millions pour le Danemark, soit en moyenne 9 % de la contribution initiale de ces pays.

Notre groupe souhaite voir réduire la différence entre la contribution de la France et le retour des fonds européens. L’argent des Français doit en effet servir ici, sur notre territoire, et non pas dans une caisse d’investissement pour les infrastructures de pays situés à l’autre bout du continent.

L’amendement vise donc à appliquer un rabais de 9 % à la contribution française, avec un effet rétroactif sur les montants déjà versés au titre de la période 2021-2027, c’est-à-dire de réduire le prélèvement sur recettes de 8 milliards d’euros.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Avis défavorable. Notre objectif est d’accroître la lisibilité et de simplifier le budget. La position de la France est, du reste, de s’opposer à ces rabais, tant pour elle que pour les autres États membres.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Le système de rabais a été négocié et la France l’a accepté, même s’il est défavorable. Le vote de l’amendement conduirait à voter contre le rapport car nous ne pouvons pas soutenir en séance publique un projet différent de celui qui nous est proposé, même si cela ne fait probablement pas peur à M. Buisson.

M. Frédéric Petit (Dem). La fiscalité n’est pas de l’épicerie et la notion de « retour » ne s’applique ni entre les régions françaises, ni entre les citoyens français car, lorsque nous votons un impôt, nous votons une politique et non un retour. Présenter systématiquement la différence de montants entre ce que nous payons et ce que nous recevons est un faux calcul, un mensonge, comme cela est apparu dans le Brexit. La fiscalité, c’est une solidarité.

M. Nicolas Dupont-Aignan (NI). Ce raisonnement ne vaut pas car l’Union européenne n’est pas une nation. Si nous défendons nos intérêts, pourquoi n’aurions-nous pas part à cette négociation ? De surcroît, tous les États membres négocient et refusent : la preuve en est que des rabais importants ont été décidés, sauf pour la France. Il faudra bien que, un jour, les Français cessent de payer pour tous les autres.

M. le président Jean-Louis Bourlanges. Ce principe d’équilibre aurait l’énorme avantage de rendre totalement inutile le budget européen : pourquoi voter pour un système dans lequel on retrouve intégralement sa contribution ? La notion même de budget européen suppose l’acceptation de certains déséquilibres.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement I-AE2 de M. Jérôme Buisson

M. Jérôme Buisson (RN). Cet amendement de repli vise à appliquer au seul prélèvement pour recettes de l’année 2024 le rabais de 9 % sur la contribution française. Il vous donne donc l’occasion de corriger votre générosité abusive sans revenir sur la gabegie passée. Cette mesure réduirait de 2 milliards seulement notre contribution, qui passerait ainsi de 21,6 à 19,65 milliards d’euros.

Mme Eléonore Caroit, rapporteure pour avis. Avis défavorable, pour les raisons déjà évoquées.

Suivant l’avis de la rapporteure pour avis, la commission rejette l’amendement.

Elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 33 du projet de loi de finances pour 2024.

 


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   Annexe :
Liste des personnes auditionnées
par la rapporteure pour avis

 

-     M. Benoît Catzaras, secrétaire général adjoint ;

-     Mme Morgane Bastardié, conseillère financière.

 

    

 


([1]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=celex%3A32020R2093

([2]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?uri=CELEX%3A32020Q1222%2801%29

([3]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:32020D2053

([4]) https://commission.europa.eu/publications/recovery-and-resilience-facility-annual-report-2023_fr

([5]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A32020R2092

([6]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:31988D0376

([7]) https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX%3A31970D0243

([8]) Le reste à liquider (RAL ou engagements restant à liquider) est la somme des engagements convenus mais qui n'ont pas encore été convertis en paiements. Étant donné que le budget de l’Union européenne finance des projets pluriannuels, les paiements s’effectuent sur plusieurs années.

([9]) En prévision.

([10]) Ibid.