N° 1723

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2023.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680)

TOME III

COHÉSION DES TERRITOIRES

LOGEMENT ET URBANISME

PAR Mme Annaïg Le Meur

Députée

——

 

 

 

 

 Voir les numéros : 1680, 1723 (Tome III, annexe 7).


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SOMMAIRE

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  Pages

Introduction

PremiÈRE PARTIE : des crÉdits en hausse, OrientÉs vers la transition Écologique

I. LE PROGRAMME 109 « AIDE À L’ACCÈS AU LOGEMENT »

II. LE PRogramme 135 « urbanisme, territoires et amÉlioration de l’habitat »

III. Les autres programmes contributeurs

1. La refonte des aides à la rénovation énergétique

2. Le soutien à la réduction de la consommation foncière

SECONDE PARTIE : face À la carence de logements et À ses impacts rÉcessifs sur l’emploi et la croissance, rÉinvestir le lien emploi-logement

I. la carence de logements crÉE des difficultÉs DE recrutement, qui pèsent sur l’emploi et la croissance

1. Le logement, un facteur d’attractivité de l’emploi au sein d’un triptyque logement-emploi-transport

2. En zone tendue, la carence de logements abordables complique l’atteinte du plein-emploi

3. La carence de logements exerce un effet récessif mesurable sur la croissance de l’économie

II. les dispositifs de logement des employÉs, une stratÉgie d’attractivitÉ majeure dans certains secteurs

A. la mise À disposition directe d’un logement par l’employeur

1. Décider et financer un parc propre, une prérogative des grands employeurs

2. La concession de logement, un modèle présentant des caractéristiques intéressantes

a. Un loyer modéré, pris en compte par le régime des avantages en nature

b. Des modalités d’attribution encadrées et un bail spécifique

3. La réservation de logements dans le parc locatif social

B. La prise À bail de logements avec sous-location aux salariÉs de l’entreprise

1. La prise à bail dans le parc locatif intermédiaire

2. La prise à bail dans le parc locatif privé

3. La prise de places dans les Crous, internats et foyers de jeunes travailleurs

C. la mise en œuvre d’autres DISPOSITIFS D’ACCOMPAGNEMENT financier DES SALARIÉS

1. L’aide au paiement du loyer

2. L’aide à l’accession à la propriété

III. renforcer les missions d’action logement et repenser nos outils fiscaux pour amÉliorer la disponibilitÉ locative

A. ACTION LOGEMENT, UN MODÈLE HISTORIQUEMENT EFFICACE ET PERTINENT QUI DOIT ÊTRE RECENTRÉ SUR SON CŒUR DE MISSION

1. L’attribution des logements du parc d’Action Logement

a. Un problème de lisibilité et une participation des employeurs qui ne suffit pas à répondre à l’entièreté du besoin des entreprises

b. Un recentrage devant permettre de rétablir l’équité dans l’accès au logement pour toutes les entreprises

2. Les aides financières proposées par Action Logement aux salariés

a. La garantie Visale permet aux jeunes travailleurs d’accéder plus facilement au parc locatif privé

b. Action Logement met en place d’autres aides consacrées aux salariés

3. Accompagner le logement intermédiaire, notamment par le soutien d’Action Logement

B. diffÉrents outils À REPENSER POUR associer les employeurs au logement

1. Mobiliser les branches professionnelles pour faciliter l’accompagnement des salariés

a. Un modèle d’ores et déjà efficace pour les intérimaires

b. Permettre aux branches volontaires d’offrir une réponse collective à des problèmes partagés

2. Soutenir le développement de l’offre de logements par les leviers fiscaux

a. Rendre plus attractif l’investissement locatif de longue durée

b. Faciliter l’investissement institutionnel dans le logement employeur

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉes

LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 


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   Introduction

Depuis un an, l’économie du logement est marquée par des difficultés et des tensions particulièrement prononcées. La rareté foncière préexistante – qui est structurelle et non pas conjoncturelle ([1]) – constitue un terreau propice au resserrement des conditions financières de la construction, dans une période de remontée des taux d’intérêt.

Les taux directeurs de la Banque centrale européenne, longtemps situés autour de zéro entre 2012 et 2022, sont en effet remontés brutalement à partir de l’année 2022, jusqu’à atteindre une fourchette située entre 4 % et 4,75 % en septembre de cette année. Il est possible que cette dynamique de remontée n’ait pas vocation à se poursuivre trop fortement dans l’année à venir.

Corridor des taux d’intérêt à court terme en zone euro

Source : Banque de France, note, septembre 2023.

Dans ce cas de figure, le secteur immobilier est systématiquement parmi les premiers à être affectés. Le coût d’investissement de tous les constructeurs augmente, ce qui comprime l’opportunité des nouvelles opérations. Pour les organismes de logement social, dont le financement principal résulte des produits d’épargne populaire et en particulier du Livret A, la hausse de leur taux réglementé, du fait des ajustements pris en conséquence de l’inflation, engendre une hausse du coût de l’emprunt qui, s’il est plus maîtrisé, n’en suscite pas moins un besoin majoré d’auto-financement.

Aujourd’hui, le taux du Livret A est fixé à 3 %. Malgré une situation financière globalement saine, la capacité des bailleurs sociaux à mener de front leur activité de réhabilitation de leur parc de logements et la construction de nouveaux logements sociaux qui est réduite. Comme le souligne le dernier numéro de la revue Perspectives de la Banque des territoires, financeur du logement social, les organismes devront, pour tenir compte de la conjoncture, réduire leurs investissements et arbitrer entre les opérations de construction et de réhabilitation.

Du côté de la demande, les Français rencontrent de plus en plus de difficultés à se loger. Certains territoires particulièrement tendus connaissent un déficit fort en logements abordables sur le marché locatif. La primo-accession se complique du fait de la hausse de taux, de même que la mobilité résidentielle pour ceux qui ont accédé à un crédit au cours de la dernière décennie.

Sur le plus long terme, le bâtiment continue d’être affecté par la tendance haussière, amorcée en 2020, des prix de la construction, qui augmentent de 7,99 % sur un an au deuxième trimestre 2023. C’est un défi particulièrement central à une époque où nous faisons de l’habitat et du cadre de vie des leviers cruciaux de notre transition écologique : car nous révisons collectivement nos ambitions à la hausse, en exigeant des pratiques de recyclage urbain plutôt que d’étalement, de la réglementation environnementale 2020 (RE 2020) et des matériaux plus efficaces et moins dommageables pour l’environnement. Ces exigences engendrent nécessairement, elles aussi, des hausses des coûts de production du logement.

Indice du coût de la construction (ICC)

Source : Insee, septembre 2023, Information rapides, n° 244.

Ces défis à la fois sur l’offre et sur la demande, couplés à l’inflation, ont des répercussions importantes en matière de pouvoir d’achat pour les Français, car le logement est le premier poste de dépenses chez nos concitoyens, représentant 26,7 % de la consommation finale des ménages. Ainsi, en 2022, la progression des dépenses en logement a contribué pour 11 % à la croissance de l’ensemble des dépenses de consommation des Français ([2]). Il est donc d’autant plus important que notre politique soit à la hauteur des enjeux.

Part du logement dans la dépense totale
de consommation des ménages (%)

Source : Insee, Comptes nationaux 2023.

Face à ces difficultés, le présent projet de loi de finances vise à apporter des réponses concrètes et opérationnelles.

Sur le plan fiscal, c’est un budget d’aide à l’accession, comme en témoignent l’élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) à une nouvelle catégorie de ménages et la hausse de son taux de prise en charge, de 40 à 50 %. C’est aussi un budget de soutien à la construction, dans un contexte d’équilibre budgétaire : soutien au logement locatif intermédiaire, exonération en faveur de la « seconde vie » dans le parc social, nouveaux abondements sur les plus-values de cession foncières pour encourager à la cession des terrains en zone tendue.

En ce qui concerne les aides au logement, qui constituent la plus grande partie de la dépense budgétaire consentie par l’État à destination du logement, le Gouvernement a souhaité accompagner les locataires les plus vulnérables en ajustant les aides sur l’inflation. Cette revalorisation se traduit par une augmentation du programme 109, « Aide à l’accès au logement », de plus de 500 millions d’euros de crédits, pour atteindre 13,9 milliards d’euros, et ceci en dépit de l’économie significative générée par la réforme du versement de l’APL en temps réel, réforme à la fois de justice et d’efficacité, qui est chiffrée à plus d’un milliard d’euros.

De façon plus structurelle, ce budget accompagne les efforts financiers considérables du Gouvernement et de cette majorité en faveur de la transition écologique dans l’urbanisme et dans l’habitat. Ce sont ainsi plus de 3,7 milliards d’euros qui sont consacrés à la prime de transition énergétique « MaPrimeRénov’ » par les différents programmes contributeurs. C’est une augmentation de plus de 30 % sur une année, alors même que le budget a déjà plus que doublé dans les deux années qui viennent de s’écouler. Cela se traduit par une hausse de 88 % des crédits du programme 135, « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », qui progressent pour s’établir à 1,5 milliard d’euros. Une part de ces crédits supplémentaires résulte toutefois d’un redéploiement de fonds à partir du programme 174 de la mission Écologie.

L’adaptation du bâti au changement climatique motive également l’adoption d’une enveloppe spécifique consacrée à la rénovation thermique et à la réhabilitation lourde dans le parc social, qui est un levier essentiel de transition dans le bâtiment, car les bailleurs sociaux ont la compétence et l’expertise pour mener massivement des travaux ambitieux et de qualité. Déjà abondée de 187 millions d’euros au titre du programme 362 « Écologie » de la mission Relance, cette action a encore été rehaussée par l’annonce du ministre chargé du logement quant à l’abondement, sur trois ans, d’engagements de l’ordre de 1,2 milliard d’euros pour la rénovation du parc social.

Cet investissement est indispensable si l’on espère tenir les objectifs que le législateur a définis en matière de rénovation énergétique des logements dans la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, objectifs qui doivent être maintenus et élargis pour concerner également l’immobilier de tourisme.

Les dotations de la mission Cohésion des territoires sont complétées en matière d’urbanisme par celles de la mission Écologie, et en particulier du programme 380 « Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires ». Ce « fonds vert » regroupe en effet des actions essentielles en matière de transformation urbaine, comme par exemple la rénovation des bâtiments publics, le « fonds friches » qui rémunère 1 385 projets lauréats pour le recyclage de 3 370 hectares de friches, ou encore le fonds de renaturation des villes, est reconduit cette fois-ci à hauteur de 2,5 milliards d’euros, ce qui représente une hausse de 20 % de son budget sur une année.

Enfin, le programme 135 porte aussi le lancement de la prime d’adaptation du logement « MaPrimeAdapt’ » au 1er janvier 2024. Cette aide, pilotée par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), est abondée de 67 millions d’euros pour accompagner les ménages dans l’adaptation des logements au vieillissement. Car nous mettons tous les moyens en œuvre pour mieux activer le potentiel résidentiel du parc existant.

*

Après quinze ans de recul systématique, le marché locatif privé connaît en effet une attrition très marquée. Celle-ci est particulièrement prononcée dans certains territoires, qui ont connu une véritable explosion immobilière ces dernières années, notamment les zones littorales et insulaires, à l’image de la Bretagne, de la Corse ou encore du Pays Basque. Cette attrition s’est faite au profit de la vacance des logements, qui représente 8 % du parc, des résidences secondaires qui sont 10 % du parc, et au profit du développement de l’immobilier touristique.

C’est ce parc existant qu’il faut avant tout chercher à remobiliser. Nous devons ramener sur le marché locatif les biens qui l’ont quitté. Nous devons réinciter à la location de longue durée, par exemple en rééquilibrant la fiscalité des locaux de tourisme par rapport à celle de la location de longue durée, et en réfléchissant plus largement à une refonte globale de la fiscalité locative.

Cet avis vise à montrer le coût économique majeur de cette carence en logement. Il étaye le constat, confirmé auprès des dizaines d’entreprises contributrices, selon lequel le manque de logements pèse lourdement sur l’emploi et la croissance de nos territoires, et constitue un frein à la réindustrialisation.

Toutes les entreprises implantées dans les zones tendues interrogées ont fait part de leurs difficultés croissantes à attirer et à retenir les profils dont elles ont besoin, et ceci quel que soit le secteur, du fait du manque de logements disponibles et de leur caractère inabordable. Des études statistiques montrent le coût économique durable de l’insuffisance d’offre de logement sur un territoire, et le présent avis présente les différents leviers responsables de cet impact.

Le rapport vise ainsi à susciter une réflexion sur le coût que nous payons collectivement pour une politique, notamment fiscale, qui incite à faire autre chose que du logement productif avec le parc résidentiel, en encourageant notamment de manière déséquilibrée la location touristique de courte durée. Lorsque nous prenons des mesures incitatives pour encourager la croissance d’autres pans de l’économie, nous devons nous interroger sur les conséquences économiques et sociales qu’elles ont sur les habitants qui résident à l’année, et à plus forte raison sur notre tissu économique.

Le rapport explore également les différents mécanismes les entreprises peuvent mettre en place pour faire face à ces difficultés de logement. La création d’un parc de logements en propre pour l’entreprise par exemple est surtout le fait de grandes entreprises avec de fortes capacités d’investissement et des exigences en matière de disponibilité de localisation. C’est le cas d’EDF, qui loge dans son parc un tiers des salariés de sa filière de production nucléaire et la moitié des salariés de sa filière hydraulique.

Mais EDF n’est nullement représentatif : la majorité des entreprises choisissent plutôt, lorsqu’elles en ont les moyens, d’accorder des primes ou des avantages de salaire pour accompagner leurs salariés dans la recherche de logement. Certaines filières, comme les intérimaires, par le biais du Fonds d’action sociale pour le travail temporaire, organisme paritaire, servent d’intermédiaires auprès des propriétaires particuliers afin de garantir les profils des salariés logés et parfois de leur apporter une caution.

Certains employeurs accompagnent également leurs employés sur le marché de l’accession, ce qui constitue à la fois une aide au logement et un moyen de fidéliser les salariés sur le long terme. La Société de financement de l’accession à la propriété (Sofiap) propose aini des prêts bonifiés à l’accession en partenariat avec La Poste et d’autres employeurs.

Pour encourager la contribution financière des employeurs au logement des employés, des pistes intéressantes ont été proposées afin de mieux mobiliser l’épargne salariale par exemple, à travers des plans d’épargne retraite complémentaire. De tels dispositifs sont déjà mis en œuvre dans certains secteurs, mais ils pourraient être amplifiés, notamment en direction du logement locatif intermédiaire (LLI). Celui-ci pourrait du reste être davantage orienté vers certaines filières en tension, en permettant éventuellement un adossement du bail au contrat de travail, comme on le fait déjà dans le cas de la concession de logement.

L’effort essentiel continue toutefois à ce jour de se faire par le biais du groupe Action Logement, dont le modèle même a été pensé pour externaliser et mutualiser les besoins en logement des salariés. Depuis soixante-dix ans, le système paritaire du « 1 % logement », assis sur la masse salariale des entreprises continue de fonctionner et de produire. Les entreprises qui cotisent bénéficient en retour de réservations dans le parc des filiales d’Action Logement Immobilier, afin d’y loger leurs salariés.

Si Action Logement représente aujourd’hui un cinquième du parc social, c’est du fait de la stabilité de ce système, de son financement et de cette vision de long terme, et il faut s’en réjouir. À côté de son activité traditionnelle, le groupe déploie également une capacité d’innovation encourageante, comme l’illustre par exemple le modèle de la « résidence hôtelière à vocation d’emploi », qui permettrait aux employeurs de réserver des logements à destination de leurs employés pour de courtes durées.

Les missions d’Action Logement doivent toutefois être recentrées, afin que le groupe puisse se consacrer exclusivement à son cœur de métier qui est, et doit rester, le logement des salariés.

 

 


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   PremiÈRE PARTIE :
des crÉdits en hausse, OrientÉs
vers la transition Écologique

I.   LE PROGRAMME 109 « AIDE À L’ACCÈS AU LOGEMENT »

Le programme « Aide à l’accès au logement » finance les aides accordées directement ou indirectement aux personnes qui rencontrent des difficultés pour accéder à un logement décent ou s’y maintenir durablement. En 2024, le programme devrait contribuer à hauteur de 13,9 milliards d’euros (Md€) de crédits budgétaires à cette politique publique dont le financement comprend, outre les financements de l’État, une participation des employeurs et les aides des collectivités territoriales en faveur de l’accès et du maintien des ménages dans leur logement. Ces crédits abondent le Fonds national d’aide au logement (Fnal), qui perçoit également environ 3,6 Md€ d’autres sources.

Le programme 109 porte une dépense d’intervention qui représente 0,5 % du PIB. En tant que complément de ressource, il est sensible aux fluctuations monétaires. En 2024, la hausse de plus de 500 M€ prévue au titre des aides personnelles s’explique principalement par une hausse des versements due à l’inflation.

(en euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

ÉCART

ÉCART

AE=CP ([3])

AE=CP

AE=CP

%

Action 01 – Aides personnelles (Fnal)

13 362 000 000

13 892 000 000

+ 530 000 000

+ 3,97 %

Action 02 – Information sur le logement et accompagnement des locataires
(dont Anil et réseau Adil)

9 300 000

9 400 000

+ 100 000

 

TOTAL PROGRAMME 109

13 371 300 000

13 901 400 000

+ 530 100 000

+ 3,96 %

Source : Projet de loi de finances pour 2024, projet annuel de performances de la mission « Cohésion des territoires ».

Après les deux réformes majeures qui ont marqué la période 2017-2022 (la mise en œuvre de la réduction de loyer de solidarité et la réforme du versement contemporain des APL), quatre évolutions moindres sont à noter, pour l’action 01, au titre de l’exercice en cours :

– dans les départements et régions d’outre-mer, les logements-foyers ont été ouverts au conventionnement APL, permettant le versement à leurs locataires de l’aide personnalisée au logement, qui présente dans ce type de logements un barème plus favorable que celui de l’allocation de logement familiale (ALF) et de l’allocation de logement sociale (ALS), seules aides versées auparavant en outre-mer ;

– la limite spécifique à l’outre-mer de six personnes à charge pouvant être prises en compte dans le calcul du droit à l’APL a été supprimée par un arrêté du directeur de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages ([4]), après l’adoption, par notre commission des affaires économiques, d’un amendement II-CE12 de M. Stéphane Peu (GDR) appelant à une évolution réglementaire en ce sens lors de l’examen du PLF pour 2023 ;

– en conséquence de l’adoption de la loi portant réforme des retraites du 14 avril 2023 ([5]), les allocataires bénéficiaires d’une pension de retraite antérieurement au 1er septembre 2023 bénéficient d’une garantie de non-diminution de leur APL du fait de la revalorisation du minimum contributif majoré ; de la même façon, les avantages du barème en faveur des personnes âgées de plus de 62 ans sont maintenus malgré le décalage de l’âge de départ à la retraite ;

– en conséquence de l’adoption de la « loi Kasbarian » du 27 juillet 2023 ([6]), le rôle de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex) évolue : elle décide désormais du maintien ou non de l’APL en cas d’impayés de loyer, en lieu et place de l’organisme payeur, qui est, selon le cas, la caisse d’allocations familiales (Caf) ou la mutualité sociale agricole (MSA) compétente. Ce nouveau rôle doit permettre une prise de décision collégiale, équivalente à celle dont disposaient antérieurement en la matière les commissions départementales des aides publiques au logement (CDAPL). L’accompagnement social et budgétaire des ménages en situation d’impayés, qui sera effectué par les Caf et les MSA, est également renforcé.

II.   LE PRogramme 135 « urbanisme, territoires et amÉlioration de l’habitat »

Le programme « Urbanisme, territoires et amélioration de l’habitat », qui regroupe les crédits relatifs au logement, à la construction, à l’urbanisme et à l’aménagement, est un des outils majeurs de la mise en œuvre opérationnelle des politiques du logement et de l’urbanisme. Il comporte notamment les crédits d’aménagement et d’accompagnement des collectivités pour un développement durable des territoires, les crédits dits d’aides à la pierre, dont l’utilisation fait intervenir le Fonds national des aides à la pierre (Fnap), et les crédits d’aide à l’amélioration et à la rénovation énergétique des logements, via les programmes de l’Agence nationale de l’habitat (Anah). Ces crédits sont complétés par des aides fiscales ciblées.

Au total, les crédits du programme connaissent une hausse significative, aux alentours de 50 %, principalement due à une hausse des crédits de l’Anah (voir tableau ci-dessous).

(en euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

ÉCART

ÉCART

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Action 01 – Construction locative et amélioration du parc (dont Fnap)

42 988 760

17 988 760

14 988 760

34 788 760

- 28 000 000

+ 16 800 000

- 65,1 %

+ 93,4 %

Action 02 – Soutien à l’accession à la propriété

4 100 000

4 100 000

4 200 000

4 200 000

+ 100 000

+ 100 000

+ 2,44 %

+ 2,44 %

Action 03 – Lutte contre l’habitat indigne

15 500 000

15 500 000

15 500 000

15 500 000

-

-

-

-

Action 04 – Réglementation, politique technique et qualité de la construction
(dont Anah)

455 303 800

455 303 800

1 179 473 800

1 179 473 800

+ 724 170 000

+ 724 170 000

+ 159 %

+ 159 %

Action 05 – Soutien

35 308 401

33 008 401

39 000 000

39 000 000

+ 3 691 599

+ 5 991 599

+ 10,46 %

+ 18,15 %

Action 07 – Urbanisme et aménagement

249 874 909

254 874 909

259 698 909

265 698 909

+ 9 824 000

+ 10 824 000

+ 3,93 %

+ 4,25 %

Programme 135

803 075 870

780 775 870

1 512 861 469

1 538 661 469

+ 709 785 599

+ 757 885 599

+ 88,38 %

+ 97,07 %

Source : Projet de loi de finances pour 2024, projet annuel de performances de la mission « Cohésion des territoires ».

La mise en œuvre du programme 135, si elle est pilotée par la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP), est largement déconcentrée, s’appuyant sur un grand nombre d’opérateurs, dont certains perçoivent également des financements provenant d’autres programmes.

En dehors des évolutions qui concernent l’Agence nationale de l’habitat (Anah), détaillées plus loin, les autres opérateurs qui relèvent du programme 135 connaissent une stabilité de leurs crédits, notamment les établissements publics d’aménagement (EPA), les établissements publics fonciers (EPF) de l’État, la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS), l’Agence nationale de contrôle du logement social (Ancols).

Outre son action en matière de rénovation énergétique, et dans l’objectif de viser les approches globales de rénovation de l’habitat privé, l’Anah assurera également, au 1er janvier 2024, sur les crédits du programme 135, le lancement du dispositif « MaPrimeAdapt’ » (67 millions d’euros [M€]), une aide à destination des ménages modestes consacrée à l’adaptation des logements à la perte d’autonomie.

III.   Les autres programmes contributeurs

1.   La refonte des aides à la rénovation énergétique

L’exercice 2024 est marqué par une refonte de la gestion des aides à la rénovation énergétique de l’habitat qui affecte les crédits du programme en conduisant facialement à leur doublement. Il s’agit en réalité d’un redéploiement de fonds, la rénovation énergétique relevant conjointement des missions Cohésion des territoires et Écologie.

Le programme 135 verse à l’Anah une subvention pour charge de service public qui prend en charge ses dépenses de fonctionnement et de personnel, ainsi qu’une partie des primes qu’elle verse aux ménages. L’Agence nationale de l’habitat (Anah) est un opérateur du programme 135, placé sous la tutelle de la direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (ministère de la transition écologique). Elle déploie, dans le cadre de son mandat historique, un grand nombre d’actions en faveur de la requalification de l’habitat dégradé, à l’instar des opérations programmées d’amélioration de l’habitat (OPAH), ou encore le conventionnement du logement locatif en faveur des personnes modestes. La refonte doit voir l’articulation du système des aides énergétiques autour de deux piliers :

– un pilier « performance », principalement financé par le programme 135, à destination de tous les propriétaires et ciblé sur des projets de rénovations performantes et globales. Les projets de rénovation aidés dans ce cadre bénéficieront d’un accompagnement systématique des ménages par le biais du dispositif « Mon Accompagnateur Rénov’ », et l’agence valorisera elle-même les certificats d’économie d’énergie (CEE) générés par les opérations qu’elle finance, la recette issue de cette valorisation étant répercutée dans le niveau d’aide des ménages ;

– un pilier « efficacité », financé par le programme 174 de la mission « Écologie », qui ciblera les changements de mode de chauffage ou d’eau chaude sanitaire au profit de systèmes décarbonés dans les logements aux performances énergétiques correctes (excluant les logements dont le diagnostic de performance énergétique est classé F ou G, afin de mieux les orienter vers un parcours de rénovation globale), ouvert à tous les ménages à l’exception de ceux aux ressources supérieures.

Total des crÉdits de l’Agence nationale de l’habitat

(en euros)

 

LFI 2023

PLF 2024

ÉCART

ÉCART

 

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

P 174 – Action 02 – ligne MPR « efficacité »

2 450 000 000

2 300 000 000

2 697 000 000

2 065 000 000

+ 247 000 000

- 235 000 000

+ 10 %

- 10 %

P 135 – Action 04 – ligne SCSP Agence nationale de l’habitat et MPR « performance »

369 000 000

369 000 000

1 038 300 000

1 038 300 000

+ 669 300 000

+ 669 300 000

+ 181 %

+ 181 %

P 362 – Action 01 – ligne MPR

-

982 577 080

-

682 607 086

-

- 299 969 994

-

- 62 %

Total des crédits

2 819 000 000

2 882 000 000

3 735 300 000

3 785 907 086

+ 916 300 000

+ 134 330 006

+ 32 %

+ 4,6 %

Source : Projets de lois de finances pour et 2023 et 2024, projets annuels de performance des missions « Écologie, développement et mobilité durables », « Cohésion des territoires » et « Plan de relance ».

2.   Le soutien à la réduction de la consommation foncière

L’orientation stratégique nationale en matière d’urbanisme et d’aménagement du territoire repose sur une politique de consommation foncière cohérente avec la protection de la biodiversité et des terres naturelles et agricoles.

Le programme 380 « Fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires » de la mission « Écologie », dit « Fonds vert », participe largement à cette orientation. Ce programme, lancé en 2021, a vu ses financements pérennisés et renforcés. Doté de 2 Md€ en 2023, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit de porter son budget à 2,5 Md€.

En particulier, le fonds vert prolonge le soutien au recyclage des friches mis en place dans le cadre du Pan de relance (programme 362) sur la période 2021-2022, pour répondre aux objectifs de redynamisation des territoires et de maîtrise de l’étalement urbain, en cohérence avec la trajectoire de sortie de l’artificialisation nette des sols adopté par le législateur. Les friches représentent en effet, d’après les estimations du Cerema, un stock de 170 000 hectares (ha), par rapport à une consommation foncière annuelle totale de l’ordre de 23 000 ha sur les années 2011-2021, avec une cible de 12 500 ha par an d’ici 2031.

Les crédits du fonds friches peuvent financer des études pré-opérationnelles, des acquisitions foncières, des travaux de démolition, de dépollution ou d’aménagement, relatifs à l’action de recyclage d’une friche. Compte tenu des types de projets ciblés, il est ouvert aux collectivités, aux opérateurs et aménageurs publics, ainsi qu’aux acteurs privés qui viennent en appui aux collectivités locales sur ces projets particuliers.

 

Les axes du fonds vert

Le fonds vert continuera en 2024 à soutenir des projets concrets dans les territoires, selon trois axes qui ont chacun leur pertinence du point de vue de l’urbanisme et du logement :

– action 01 « Performance environnementale » : cette action vise à encourager la rénovation énergétique des bâtiments publics locaux, particulièrement les écoles, la collecte et la valorisation des biodéchets, la modernisation de l’éclairage public ;

– action 02 « Adaptation des territoires au changement climatique » : cette action prolonge un ensemble de mesures destinées à la prévention des risques naturels, comme les inondations, incendies de forêt, risques émergents en montagne ou dans les outre-mer (cycloniques). Elle a également pour objectif d’aider à l’adaptation des territoires au changement climatique (recul du trait de côte, renaturation en ville pour la lutte contre les îlots de chaleur urbains) ;

– action 03 « Amélioration du cadre de vie » : cette action soutient des projets de sobriété en matière de mobilité (covoiturage), de foncier (recyclage des friches, restructuration des locaux d’activité), ainsi que le déploiement des zones à faibles émissions (ZFE). Le fonds portera également des actions consacrées au financement du programme « Territoires d’industrie » (100 M€), et de soutien aux autorités organisatrices de la mobilité en milieu rural (30 M€).

Source : Projet de loi de finances pour 2024, projet annuel de performances de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

Le projet annuel de performances fixe un objectif de 1 200 ha de friches recyclées pour le fonds vert en 2024. La mesure vise également à renforcer la résilience des territoires au changement climatique, 17 % des projets lauréats concernant des opérations de renaturation de friches. Le document prévoit aussi que ces sites permettront de répondre aux besoins de logements (60 700 logements programmés en 2023), d’industrie (59 sites), et aux besoins logistiques (42 sites) ou commerciaux (324 sites), dans un contexte marqué par l’encouragement à la réindustrialisation des territoires.

À mi-juillet 2023, le ministère rapporte que 1 250 dossiers ont été déposés, représentant des demandes de subventions de plus de 1,3 Md€, et 127 dossiers acceptés, pour près de 100 M€ de subventions accordées, confirmant ainsi l’attractivité du dispositif à la suite du plan de relance. Dans le même temps, il est indiqué que l’Agence de la transition écologique (Ademe) poursuit son accompagnement des projets inscrits sur les anciens sites d’installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE), miniers ou industriels.

Il est souhaitable que les critères de sélection des projets fassent en 2024 l’objet d’une adaptation pour répondre aux orientations en vue de l’accueil de nouvelles activités économiques.

(en euros)

 

LFI 2022

PLF 2023

Écart

P 362 – Action 02 – Biodiversité, lutte contre l’artificialisation – ligne Densification et renouvellement urbain

523 387 656 CP

30 000 000 CP

+ redéploiement

156 000 000 CP

 

P 380 – Action 02 – Adaptation des territoires au changement climatique – ligne Renaturation des villes

-

100 000 000 CP

 

P 380 – Action 03 – Amélioration du cadre de vie – ligne Recyclage des friches

non précisé

non précisé (A 03 :

865 000 0000 AE

436 440 329 CP)

 

Source : Projet de loi de finances pour 2024, projets annuels de performance des missions « Écologie, développement et mobilité durables », « Cohésion des territoires » et « Plan de relance ».

 

 


—  1  —

 

   SECONDE PARTIE :
face À la carence de logements et À ses impacts rÉcessifs sur l’emploi et la croissance,
rÉinvestir le lien emploi-logement

Le secteur du logement traverse actuellement une phase d’inadéquation et de désappariement particulièrement prononcés entre l’offre immobilière et la demande. Après plusieurs années de recul, le marché locatif privé connaît une attrition particulièrement marquée dans certains territoires, au profit de la vacance des logements (8,3 % du parc de logements ordinaires en 2022 ([7])), des résidences secondaires (10 % du parc), notamment dans les zones non métropolitaines ayant connu une inflation particulièrement soutenue des prix immobiliers au cours des cinq dernières années, et de l’immobilier touristique, notamment dans les métropoles et les zones littorales, de montagne et insulaires.

Dans ce contexte, il semble utile de mettre en évidence l’incidence économique négative majeure, en matière à la fois d’emploi et de croissance, de la carence de logements, et de trouver des solutions pour relancer l’engagement des employeurs quant au logement de leurs salariés, afin d’optimiser la contribution du parc immobilier existant au logement des actifs.

I.   la carence de logements crÉE des difficultÉs DE recrutement, qui pèsent sur l’emploi et la croissance

Si le logement relève de la compétence de la commission des affaires économiques, c’est qu’en plus du rôle social qu’il revêt, il constitue un levier de croissance. En l’occurrence, les échanges menés par votre rapporteure montrent que la carence de logements abordables en France, en particulier dans les zones tendues, affecte durablement les capacités de recrutement des entreprises, empêchant le plein-emploi, et occasionne de ce fait une pression récessive importante sur la croissance. En particulier, elle constitue un frein important à la dynamique de réindustrialisation qu’il est impératif d’enclencher.

Une politique d’accessibilité du logement et de réinvestissement du lien entre l’emploi et le logement est donc un impératif pour accéder au plein-emploi et renforcer la croissance potentielle du pays.

1.   Le logement, un facteur d’attractivité de l’emploi au sein d’un triptyque logement-emploi-transport

Les capacités de logement et les conditions d’accessibilité en transport sont des éléments déterminants de l’implantation des entreprises. Le logement et l’emploi sont ainsi deux volets d’un triptyque, réunissant aussi la mobilité, qui représentent une part importante des usages et des coûts de la vie quotidienne des salariés. Comme le fait remarquer la CGT dans sa contribution écrite aux travaux de votre rapporteure, « depuis les années 2000, le renchérissement des coûts dans les grandes villes, la gentrification des quartiers centraux et la relégation des classes populaires vers la périphérie contribuent mécaniquement à accroître les temps de trajet domicile-travail ». Ainsi, quelle que soit la densité du lieu de résidence, la distance médiane domicile-travail a augmenté considérablement de 1999 à 2019, de 35 % en milieu urbain et de 62 % en milieu rural, constituant toujours davantage un facteur à prendre en compte dans la considération d’une offre d’emploi.

L’ensemble des acteurs entendus par votre rapporteure considèrent que l’absence de logement abordable est un frein à l’attractivité de l’entreprise. C’est la raison pour laquelle certaines d’entre elles ont historiquement fait d’une politique active en faveur du logement de leurs employés un élément central de leur « marque employeur ». Ainsi, pour le groupe La Poste, « la politique sociale en faveur du logement des personnels de La Poste reste un levier important de notre politique sociale, en particulier dans les zones tendues, où les loyers sont élevés et l’accès au parc social difficile ». Le groupe précise en effet que « malgré sa politique volontariste, La Poste rencontre différentes difficultés, en fonction des territoires, les principales difficultés étant liées au manque de logements abordables pour les emplois qui ne peuvent pas être assurés en télétravail : facteurs, opérateurs en centre de tri, agents en bureaux de poste ». Le groupe considère que les difficultés sont les plus fortes dans trois types d’espaces : Paris, les zones frontalières, et les zones côtières et insulaires.

C’est ce que rapporte aussi la CFDT, qui évoque « les difficultés d’accès pour les travailleurs précaires ou dits de deuxième ligne », qui « constituent un frein à la mobilité professionnelle et géographique, avec un allongement des trajets domicile-travail et des enjeux de conciliation vie privée-vie professionnelle ».

Le groupe RATP rapporte que sa politique de logement, particulièrement active au regard du nombre de salariés dits « essentiels », « renforce l’attractivité du groupe, notamment pour les métiers en tension en Île-de-France et pour lesquels la qualité du recrutement et de l’intégration dans le groupe sont tout aussi essentiels ». De la même façon, le groupe SNCF fait état d’un « enjeu d’attractivité et de fidélisation de ses salariés dans un contexte de forts recrutements principalement concentrés dans des zones urbaines denses et tendues ».

Quant à lui, le groupe Adecco, leader français de l’emploi intérimaire, dans une contribution écrite aux travaux de votre rapporteure, rapporte que « disposer d’une politique de logement spécifique représente une plus-value importante pour nos collaborateurs, tant en termes d’attractivité que de fidélisation, notamment pour les collaborateurs connaissant des difficultés personnelles/administratives… Se doter d’une politique logement permet de favoriser le lien emploi/logement, notamment d’aider à la mobilité professionnelle, d’attirer les compétences sur les lieux où il y a des besoins et ainsi répondre aux tensions de recrutement ».

Ce problème concerne l’ensemble du tissu économique. Ainsi, le Club des ETI de Bretagne a détaillé les populations touchées : « faute de logements, il est difficile d’attirer des talents : les personnes visées, ne trouvant pas de logement, déclinent une offre en CDI. C’est la même chose pour les saisonniers, les CDD, les alternants et même les stagiaires, car il n’y a pas ou peu de logement saisonnier ou temporaire ». L’association a énuméré une dizaine de cas récents de refus de prise de poste, que ce soit à Saint-Malo, à Rennes, à Quimper ou dans des villes plus petites, et ce alors même que les entreprises concernées ont mis en œuvre des politiques salariales attractives pour parer aux difficultés constatées.

Même au niveau des cadres, cette question continue de se poser, et d’autant plus pour les jeunes salariés. Ainsi, selon la Banque de France dans sa contribution écrite aux travaux de votre rapporteure, « la question du logement se pose principalement pour les salariés recrutés en Île-de-France à l’issue de leur parcours académique, donc à un niveau de salaire plus faible et le plus souvent sans résidence dans cette région, marquée par des loyers plus élevés et une recherche de logements plus complexe. Le logement constitue aussi un frein à la mobilité en cours de carrière, les postes offerts dans les grands sites franciliens de la Banque recueillant peu (ou pas) de candidatures d’agents affectés en province ».

2.   En zone tendue, la carence de logements abordables complique l’atteinte du plein-emploi

Dans la lutte contre le chômage engagée depuis 2017, les progrès sont évidents, puisque le taux de chômage de l’Hexagone s’établit au deuxième trimestre 2023 à 6,9 % (7,2 % en France hors Mayotte), là où il était de 9,2 % (9,5 %) au deuxième trimestre 2017 ([8]). Toutefois, pour baisser encore ce taux, il est nécessaire d’agir sur les leviers restants.

L’évolution des attentes en matière d’implication de l’employeur dans le logement

Les modèles historiques en matière de rapport entre le logement et l’emploi ont évolué pour des raisons parfois autant culturelles qu’économiques. Ainsi, l’incitation contemporaine à la mobilité, perçue comme vecteur d’épanouissement personnel et d’autonomie, change la donne. Les travaux de sociologie des entreprises montrent notamment que « alors que l’instabilité de la main-d’œuvre ouvrière a longtemps été un souci pour les entreprises qui tentaient d’immobiliser les travailleurs, les mobilités professionnelles et géographiques se sont récemment imposées comme une modalité de gestion des salariés » ([9]).

Cette évolution amène nécessairement un changement substantiel dans le lien que l’employeur peut entretenir avec le logement de son salarié. Ainsi, la France était dotée jusque dans les années 1960 d’un modèle à dominante ouvrière, avec des travailleurs habitant en proximité immédiate du lieu de travail, sur le modèle des cités ouvrières. Comme l’observe l’urbaniste Jean-Pierre Orfeuil, « les grandes entreprises industrielles (houillères, sidérurgie) logent leur personnel, ou interviennent dans la vie de la cité pour que des logements soient construits à proximité de leurs implantations (grands ensembles), ou encore organisent des circuits de ramassage (industrie textile, industrie automobile, etc.) » ([10]). Le développement de l’économie post-industrielle, notamment à partir des années 1980, incite les entreprises à réduire le lien au territoire, et notamment à s’extraire de l’investissement direct dans le logement de leur effectif ([11]).

La question du rapport entre l’emploi et le logement, dans une période marquée par un accent mis dans la sphère publique sur les besoins en logement, n’est pas récente. En 2016, une importante étude réalisée à la demande de la CFDT ([12]) faisait remarquer que la question salariale dans le rapport au logement avait fait l’objet d’une forme d’éclipse politique : « les salariés ne constituent en effet plus une catégorie pertinente de l’action publique du fait du glissement progressif amorcé pendant cette période, de l’approche “universaliste” adoptée après-guerre vers un modèle d’intervention dit “résiduel” qui conduit à mettre l’accent en priorité sur les besoins des personnes défavorisées ». Cette approche reprend notamment l’analyse fondatrice développée par Michael Harloe, qui pointe la transition entre le « modèle du logement social de masse », dominant durant les Trente Glorieuses dans les pays fondés sur le développement de l’État-providence et visant à la fois la classe ouvrière et les classes moyennes, et le « modèle résiduel », visant exclusivement les plus pauvres ([13]).

Le même rapport faisait valoir que l’approche résiduelle n’était plus adaptée à une époque qui avait vu une nette croissance des populations concernées par « l’émergence de nouveaux risques sociaux au croisement de l’emploi et du logement ». « Parmi ces risques, certains ont à voir avec la diminution de la liberté de choix des ménages qui s’observe depuis une à deux décennies en relation avec le décrochage des salaires par rapport aux prix immobiliers et aux loyers dans les zones de “marché tendu” : augmentation du budget logement aux dépens des dépenses non contraintes, allongement des distances domicile-travail, renforcement des inégalités sociales au détriment des non-propriétaires ». Cette observation, déjà vraie en 2016 dans un grand nombre de territoires, l’est encore davantage en 2023, après plusieurs années de hausse des prix et un renchérissement de l’accès au crédit depuis 2022.

 

En l’occurrence, le déficit d’attractivité suscité par les difficultés de logement et le moindre recrutement qui en résulte emportent des incidences négatives sur l’emploi, bien que les études économétriques sur ce point manquent en France. Les auditions menées par votre rapporteure et les propos rapportés plus haut corroborent de ce point de vue une tendance déjà observée dans plusieurs études, notamment américaines, par exemple une étude de 2017, établissant que 67 % des entreprises sondées de la région de Boston perçoivent un impact baissier des prix du logement et des coûts de la location sur leur capacité à recruter des candidats qualifiés ([14]).

Le renchérissement spectaculaire du logement observé dans les zones dites « tendues » dans les années 2010 explique le réinvestissement de la question du « lien emploi-logement » au cours de la même période. Cette notion figure ainsi au cœur de la série d’accords nationaux interprofessionnels conclus depuis 2011 par les partenaires sociaux sur la question du logement.

Dès 2012, le Medef commande une note au Centre de recherches pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc), intitulée « Les problèmes de logement des salariés affectent 40 % des entreprises » ([15]). Une autre étude réalisée un an plus tôt analyse « Les répercussions directes et indirectes de la crise du logement sur l’emploi » ([16]) . Cette étude rapporte les difficultés de recrutement rencontrées par les entreprises, liées au refus de postes occasionnées par la hausse de l’effort financier en direction des dépenses de logement. La hausse des coûts du logement depuis 1998 expliquerait, d’après le rapport, la diminution de la mobilité résidentielle observée au cours des années 2000 ([17]).

Cette tendance est observée aussi bien dans le secteur public que privé. Comme le faisait déjà remarquer un rapport publié à cet effet en 2016, « les réorganisations récentes de l’État et des hôpitaux, la nouvelle carte régionale conduisent à la relocalisation des équipes tant à Paris, en petite couronne, ou dans de grandes métropoles régionales, dans des zones où le logement est souvent très tendu. La contrainte pesant sur la capacité des agents à se loger à des loyers abordables, à des distances et/ou durées de transports domicile-travail acceptables, n’est pas desserrée, bien au contraire. Les employeurs publics créent un besoin durable de “key workers” (infirmières, aides-soignantes, gardiens de la paix, agents de la propreté, enseignants du second degré, etc.) en zones tendues et très tendues » ([18]).

En ce sens, à l’occasion d’une contribution aux travaux de votre rapporteure, le syndicat CFE-CGC analyse « un effet ciseau devenu de plus en plus prégnant : la mobilité demandée aux salariés par un marché du travail qui bouge très rapidement s’oppose à l’immobilisme de l’immobilier ». La série de réformes menées autour de la collecte et de l’utilisation de la participation des employeurs à l’effort de construction à partir des années 2016 n’a pas résolu ces problématiques.

Tout comme la carence en logements peut constituer un facteur majeur de perte d’attractivité pour un territoire, ce facteur affecte fortement l’attractivité des emplois proposés. Cela est d’autant plus vrai qu’une grande partie des emplois, tout particulièrement dans le secteur tertiaire, se concentre majoritairement dans les grandes métropoles où le logement privé est devenu inaccessible du fait du renchérissement immobilier intervenu au cours des dix (Bordeaux, Lyon, Lille) ou vingt dernières années (Paris).

3.   La carence de logements exerce un effet récessif mesurable sur la croissance de l’économie

Cette situation emporte des conséquences non négligeables pour le reste de l’économie. Les coûts économiques de ce déficit de recrutement sont connus, bien que peu étudiés dans la littérature économique française ([19]). La mauvaise « allocation spatiale du travail » entre les villes et les territoires résulte en premier lieu, selon les analyses de Hsieh et Moretti, de la restriction de l’offre de logement, qui affecte directement le nombre de travailleurs qui ont accès aux « zones de haute productivité » comme New York, la baie de San Francisco, ou, en France, l’Île‑de‑France. Cette étude en déduit une baisse de la croissance agrégée de l’économie de 36 % entre 1964 et 2009 ([20]).

Ces conclusions sont soutenues également par une étude des cent premières aires métropolitaines des États-Unis, où se concentrent les gains de croissance, qui conclut, en étudiant, à l’aide d’une modélisation statistique, l’évolution du taux d’emploi local et du PIB par tête en fonction de l’évolution dans le coût du logement, que la carence en logement abordable « affecte négativement le PIB », avec « des effets significatifs de la carence en logement locatif abordable sur la croissance économique (p < 0,02) » ([21]).

Plusieurs leviers, de nature différente, expliquent selon les différentes études citées le déficit de croissance constaté en cas de carence durable de logements :

– une dégradation de la rentabilité de l’entreprise, identifiée dans la deuxième étude citée comme le levier le plus important sur le long terme, qui s’explique par le levier du coût du travail. L’étude montre en effet que les entreprises, afin de compenser la faible attractivité géographique qui résulte de la carence en logement, adaptent leurs offres d’emploi pour inclure un avantage salarial sous forme de prime ou de grille majorée ([22]) ;

– le coût de la « dépense non réalisée » en biens de consommation et en investissement, qui résulte de la dépense excédentaire consentie en faveur du logement, calculée par rapport au « seuil de sortie du caractère abordable », évalué à 30 % des ressources ([23]) ;

– des effets locaux et keynésiens liés au déficit de nouveaux résidents consommateurs de services, qui crée une tendance récessive pour les commerces et services de proximité ;

– des effets liés à la carence d’activité dans le BTP, du fait de l’absence de création d’offre nouvelle par transformation de l’existant ou par construction neuve.

Ces effets négatifs de la carence de logements peuvent être partiellement compensés par l’amélioration du transport. En effet, plusieurs études montrent que la mise en œuvre d’un réseau de transports en commun efficace permet de drainer un bassin d’emploi plus large et de réduire les disparités territoriales en matière de productivité ([24]).

À cette réserve près, ces études permettent de conclure à un lien très fort entre la disponibilité de logements en quantité nécessaire d’une part, et le dynamisme de l’économie territoriale, d’autre part.

Cette observation interroge particulièrement lorsqu’elle est mise en regard des causes de l’attrition du logement accessible. La « secondarisation » d’une partie du parc et sa substitution par l’offre touristique en sont les facteurs les plus clairement observés ces dernières années. Comme le relèvent les travaux d’une récente mission interministérielle, « les études économiques démontrent que le développement rapide des locations de meublés de tourisme accentue les déséquilibres sur les marchés locaux du logement » ([25]). Globalement, cette tendance est due au déport vers le marché touristique d’une partie des biens précédemment destinés au logement : le même rapport évoque « une réduction de l’offre de résidences principales en zones tendues » et « l’augmentation des prix de l’immobilier d’autant plus que l’offre de logement est par construction inélastique à court terme ».

Que l’explosion des locations de courte durée intermédiées par des plateformes numériques ait contribué à la raréfaction de l’offre locative de longue durée, et que celle-ci ait en retour suscité une baisse notable de la capacité de recrutement des zones tendues, correspond à un constat relayé à plusieurs reprises par les acteurs rencontrés par votre rapporteure.

Une telle évolution, dont les retombées bénéfiques ne sont pas évidentes à retrouver, emporte une perte économique nette pour le territoire et le pays. En dépit des arguments parfois présentés en sens contraire, cette perte est loin d’être compensée par le surcroît d’activité engendré par la multiplication des meublés touristiques, l’activité en question ne présentant du reste pas le même profil de soutenabilité que les activités de logement et d’emploi remplacées.


II.   les dispositifs de logement des employÉs, une stratÉgie d’attractivitÉ majeure dans certains secteurs

Les travaux de votre rapporteure mettent en lumière une forte inventivité des employeurs lorsqu’il s’agit d’accompagner leurs salariés dans le logement afin d’améliorer l’attractivité de leurs métiers. Le soutien de l’employeur au logement des salariés peut prendre différentes formes, qui sont globalement catégorisables en trois classes : l’accompagnement des salariés par un service consacré expressément au logement au sein de l’établissement, la mise à disposition d’un logement, et l’avantage financier visant à compenser le surcroît de dépense lié à ce poste. Bien que ce rapport présente successivement ces solutions, il est rare qu’un employeur n’en investisse qu’une seule : au contraire, les employeurs ont tendance à utiliser différents leviers d’accompagnement en fonction des profils salariés, des besoins et des capacités financières.

Le cas de la Banque de France est représentatif de cette tendance, puisque son accompagnement compte « un petit parc locatif appartenant à la Banque, directement ou via une filiale, des droits de réservation auprès de deux bailleurs sociaux (Action Logement et la Régie immobilière de la Ville de Paris), des prestations d’aide au logement et des prêts immobiliers ». Le groupe ADP, de la même façon, rapporte avoir « développé ces dernières années plusieurs partenariats vers lesquels nous orientons nos salariés en fonction des besoins : Association des entreprises pour le logement (AEPL), Action Logement (plateforme AL’in pour le logement social et Inli pour le logement intermédiaire) ainsi qu’avec le Comité Habitat ».

A.   la mise À disposition directe d’un logement par l’employeur

Du fait des difficultés liées au recrutement ou à la fidélisation des salariés détaillées plus haut, les employeurs dans les territoires tendus cherchent souvent à mettre à la disposition de leurs employés un hébergement ou un logement afin de combler un manque qu’ils pensent pouvoir se révéler préjudiciable aux capacités de production.

Ainsi, dans un modèle datant du XIXe siècle et souvent qualifié de « paternaliste », de nombreuses entreprises ont historiquement développé un parc propre pour pouvoir le mettre à disposition de leurs salariés, assurant ainsi à la fois l’attractivité de leurs métiers et la fidélisation des effectifs recrutés. Les logements disponibles peuvent ainsi être proposés aux salariés qui en font la demande ou pour lesquels le poste nécessite une certaine réactivité, et donc une proximité à leur lieu de travail.

1.   Décider et financer un parc propre, une prérogative des grands employeurs

Les travaux de votre rapporteure ont permis de s’assurer de la grande difficulté pour l’employeur, à la fois administrative et financière, de l’engagement direct sur la création d’un parc de logements pour ses salariés, ce qui en a fait historiquement un mode de fonctionnement privilégié par les acteurs à forte capacité d’investissement, souvent à tradition publique, sans que ce mode de fonctionnement, qui présente des avantages importants, ne puisse y être réduit. Quelques grands employeurs se distinguent ainsi par un parc de logements propre et réservé à leurs salariés. C’est par exemple le cas de l’État, des collectivités territoriales, ou de grandes entreprises publiques ou anciennement publiques comme la SNCF, la RATP, EDF, ou La Poste.

Le modèle EDF

Le groupe EDF, qui a des caractéristiques de production très spécifiques, considère, dans une contribution transmise à votre rapporteure que la fourniture d’un logement aux salariés éligibles constitue à la fois « un instrument de la politique industrielle et de facilitation de la mobilité ». Dans la logique de l’impératif de service, le groupe considère que ce fonctionnement « permet de disposer du personnel nécessaire à l’exploitation des centrales existantes et constitue une nécessité pour réussir les projets de futures centrales à proximité de communes sans parc de logement suffisant pour répondre à la demande à venir ». Toujours dans cette logique impérative, l’entreprise précise que « les salariés des sites de production considérés comme travailleurs essentiels se voient proposer un logement au parc EDF ».

Cette pratique est inhérente à l’activité de production d’électricité et remonte à la création des ouvrages. Dans l’hydraulique, dès le début du XXème siècle, l’entreprise a compris la nécessité de loger ses salariés à proximité des barrages étant donné que ces derniers sont isolés en fond de vallée et loin des agglomérations. Le développement du tourisme dans certaines stations de montagne ou zones touristiques a eu pour conséquence l’acquisition de logements pour pallier la pression immobilière. Ce dispositif a été poursuivi jusqu’à aujourd’hui ; 1 860 logements sont ainsi mis à disposition des salariés.

Les territoires corse et ultramarins sont également concernés par la problématique de la pression touristique et EDF a également fait le choix de proposer une offre de logements pour quelques salariés y travaillant (47 logements répartis sur la Corse, la Guadeloupe, Saint Barthélémy, la Martinique, la Guyane et la Réunion).

La sujétion de service (sécurité des personnes et des biens + sûreté nucléaire) et la nécessité afférente d’habiter à proximité immédiate des centrales (moins de 30 minutes) ont aussi justifié cette politique.

En 2023, un tiers des salariés des sites de production nucléaire et la moitié des salariés des usines et ateliers de maintenance hydrauliques sont logés dans le parc de l’entreprise.

Source : contribution écrite du groupe EDF aux travaux de la rapporteure.

Au sein du groupe EDF, par exemple, le logement des employés a toujours été considéré comme crucial pour permettre d’assurer les fonctions de production. Ainsi, dès la construction des barrages hydroélectriques – avant la nationalisation – puis avec le lancement des centrales électronucléaires à compter de 1978, le groupe a-t-il dû systématiquement « construire un parc de logements en même temps que la centrale, afin d’accueillir des employés dans des zones forcément éloignées des bassins de logement ». Pour cette raison, EDF met en œuvre une politique de logement qui doit accompagner les salariés conduits à déménager dans le cadre de leur recrutement. Le groupe propose systématiquement des logements aux salariés travaillant sur les sites de production, ce qui répond aussi à des nécessités de service.

Concernant le parc de production nucléaire, des cités entières ont été bâties entre les années 1970 et le début des années 1990 pour accompagner la construction puis l’exploitation des centrales. Ces travaux se poursuivent aujourd’hui, le groupe ayant lancé en 2012 un programme de construction de 3 600 logements pour héberger les futurs agents du parc nucléaire. 8 300 logements sont ainsi mis à disposition. C’est par exemple le cas en ce qui concerne les sites ayant accueilli les plus récents réacteurs : ainsi Civaux, qui a vu la mise en service en 1997 et 1999 de deux réacteurs de type N4, accueillait encore, ainsi que les communes voisines, plusieurs nouvelles cités pour plus de 150 constructions. Ce dispositif est de nouveau envisagé sur les nouveaux projets EPR 2.

À la RATP, « c’est la nécessité de pouvoir loger les travailleurs essentiels du groupe, constituant 76 % de l’effectif, à proximité de leurs lieux de travail, afin qu’ils puissent assurer leurs services en dehors des heures de desserte des transports en commun (conduire les premiers métros, bus, RER et tram, ouvrir les stations…) qui a prévalu à l’engagement de l’entreprise sur ce sujet ». Le groupe explique que, dès les premières années de l’entreprise, cet engagement s’est concrétisé par la création d’un service logement en 1953 et par celle d’une filiale bailleur social en 1959 (Logis Transport, renommé aujourd’hui RATP Habitat).

Pour la SNCF, les « cités cheminotes » ont permis, pendant plus d’un siècle, le logement de milliers de cheminots. Dès la nationalisation, la SNCF a poursuivi en l’amplifiant cette politique en faveur du logement de ses employés, par le biais de programmes de reconstruction. En 1957, la SNCF a créé son groupe ICF Habitat, actuellement propriétaire de 100 000 logements, dont 84 % sociaux. Sur ce parc, 25 000 logements sont susceptibles de bénéficier aux salariés et retraités de la SNCF.

 

 

 

 

Le modèle SNCF

Le parc comprend des logements dans les secteurs social, intermédiaire et libre, accessibles à l’ensemble des 140 000 salariés des cinq sociétés filiales du groupe SNCF : Réseau (dont sa filiale Gares & Connexions), Voyageurs, Rail Logistics Europe, Geodis, Keolis, dès lors qu’ils sont en contrat à durée indéterminée ou au statut. Un accès à des dispositifs d’hébergement temporaire est offert aux alternants et aux salariés en contrat à durée déterminée.

À fin 2022, le parc reposait sur 22 539 logements réservés auprès de la filiale ICF, dont 22 % de logements libres. Les 17 607 logements sociaux sont principalement financés en prêt locatif à usage social (PLUS), ou de façon plus marginale, en prêt locatif social (PLS).

PARC ICF RÉSERVÉ SNCF PAR TYPOLOGIE ET MODE DE FINANCEMENT

En ce qui concerne l’occupation des logements ICF, près de 60 % des logements réservés SNCF dans le parc social sont occupés par des agents en activité ou des pensionnés. Le taux de logements vacants à fin 2022 était faible et stable à 2 % du parc social.

Au 31 décembre 2022, environ 13 000 agents dits « actifs » étaient logés par SNCF sur le parc ICF, majoritairement en Île-de-France. 410 salariés ont bénéficié en 2022 d’un logement par le biais de la participation des employeurs à l’effort de construction versée à Action Logement mais le groupe ignore s’ils sont encore locataires.

Le lien entre contrat de travail et bail dépend du logement occupé. Pour les logements sociaux, il s’agit d’un bail social sans lien avec le contrat de travail – ce qui affecte la réactivité du parc, puisque les agents y demeurent même après avoir cessé de travailler pour l’entreprise. Pour les logements libres, un accessoire au contrat de travail est signé entre SNCF, le salarié et le bailleur. Pour les logements intermédiaires, il s’agit d’un bail loi de 1989, sans accessoire au contrat de travail.

Source : contribution écrite du groupe SNCF aux travaux de la rapporteure.

Des acteurs de taille plus réduite peuvent aussi utiliser cette possibilité. C’est le cas par exemple de la Banque de France : « le parc locatif de la banque et de sa filiale comportait au 31 décembre 2022 un peu plus de 800 logements, en quasi-totalité situés en région parisienne (Paris et petite couronne), c’est-à-dire proche des grands sites d’activité que sont le siège, l’ACPR, la direction régionale de l’Île-de-France et le centre de Paris-La Courneuve. Ces logements sont attribués par une commission, eu égard à des critères de revenus et de composition familiale ». Les agents qui se voient attribuer un logement du parc locatif de la Banque bénéficient d’une réfaction sur le loyer correspondant au prix de marché.

Cette perspective est attractive pour les employés mais minoritaire (19 % des agents affectés en Île-de-France sont logés, mais ce pourcentage concerne aussi les réservataires). Du point de vue de l’employé, ces capacités offrent aussi l’avantage considérable de la transparence : comme le rapporte la Banque de France, « les agents affectés dans les autres régions peuvent bénéficier de l’offre Action Logement, beaucoup plus modeste et qui n’est pas portée à notre connaissance ».

Un autre acteur de taille intermédiaire que votre rapporteure a rencontré et qui a choisi d’investir le logement de ses salariés est la société Axon’Cable. Dans ce cas, la problématique est plus proche de celle que rencontre EDF, et opposée à celles que connaissent la majorité des acteurs interrogés. En effet, il s’agit, au siège de l’entreprise à Montmirail (Marne), de compenser le manque de logements dans la commune afin de ne pas nuire à l’attractivité de l’entreprise, qui résulterait, non du caractère trop onéreux du logement disponible, mais de l’indisponibilité de logement. Pour un recrutement moyen de 60 personnels par an, les « classes en entreprise » et les stages constituent des moyens de recrutement importants. L’entreprise a donc fait le choix peu fréquent, dans un souci d’attractivité, d’acheter des pavillons complets, divisés en logements qui sont ensuite mis en location auprès des stagiaires.

La plupart des acteurs font toutefois preuve de réserves lorsqu’il s’agit d’étendre les modèles d’investissement employeur dans la construction de logements neufs. Ainsi le groupe SNCF répond-il : « le temps de l’entreprise est par nature plus court que celui des biens immobiliers : cette possibilité pourrait s’envisager mais est-ce le rôle de l’entreprise SNCF d’investir dans de la construction de logements neufs alors même que se développent de nouveaux modes d’organisation du travail où la mobilité des salariés impacte les besoins en logements et leur localisation ? Accompagner et soutenir les salariés est un levier plus cohérent avec les nouveaux modes d’organisation du travail et – pour SNCF – l’évolution de l’activité à l’aune de la concurrence ».

2.   La concession de logement, un modèle présentant des caractéristiques intéressantes

Le modèle du logement de fonction, expressément lié à la notion d’impératif de service, qui sert à justifier son octroi et ainsi à limiter les abus, n’est pas généralisable. Au contraire, une tendance impulsée dans les années 2000 a visé – peut-être aussi toutefois pour des raisons budgétaires – à revoir globalement les modalités d’attribution de ces logements, qui peuvent inciter à des pratiques de favoritisme. Il s’agit là de questions qui reviennent systématiquement lorsqu’il s’agit de lier de plus près l’emploi et le logement, l’employeur acquérant dès lors une forme de deuxième pouvoir sur l’employé.

Toutefois, bien qu’il ne soit pas possible d’universaliser les considérations de service, trois notions peuvent, d’après votre rapporteure, retenir notre attention : le mode de rémunération avec compensation par le régime des avantages en nature, l’encadrement des modalités d’attribution et le lien entre le contrat de travail et le contrat de bail.

Du reste, les chiffres concernant les logements de fonction dans le secteur public ne sont pas facilement accessibles. En dépit de la recommandation d’un groupe de travail en ce sens, le recensement des logements de fonction dans la fonction publique territoriale n’est pas réalisé à ce jour. En 2003, près de 5 000 établissements hospitaliers, sanitaires et sociaux étaient concernés par des concessions de logement, la plupart du temps pour ce qui concerne leurs directeurs, responsables comptables ou administratifs, un rapport estimant le nombre de bénéficiaires entre 10 000 et 15 000. En y ajoutant les bénéficiaires par « utilité de service », autour d’une dizaine par établissement, le rapport faisait à cette époque l’hypothèse de « 20 000 à 30 000 agents de la fonction publique hospitalière disposant d’avantages de logement en nature ». À la même époque, un logiciel GIDE identifiait 95 000 occupants de logements détenus par l’État ([26]).

Des acteurs de droit privé mettent aussi en œuvre cette possibilité. En 2023, La Poste met ainsi 138 chambres à la disposition de ses salariés. Cela permet de venir en aide aux postiers qui peinent à trouver un logement, d’autant que les non‑bénéficiaires d’aides publiques sont prioritaires. Ces logements ne sont pas conventionnés et la redevance d’occupation est fixée par La Poste.

Deux types de concession de logement, liés aux nécessités de service

Dans le secteur public, l’État, les collectivités territoriales et les établissements relevant de la fonction publique hospitalière ont la possibilité d’attribuer des logements de fonction à leurs personnels. Le logement de fonction n’est pas régi par la loi du 6 juillet 1989 mais par une réglementation spécifique, au titre du code général de la propriété des personnes publiques. Ce régime a été modifié à l’occasion du décret n° 2012-752 du 9 mai 2012 portant réforme du régime des concessions de logement, qui a donné une nouvelle définition à la concession de logement par nécessité absolue, et a remplacé la notion de « concession pour utilité de service » par celle de « convention d’occupation précaire avec astreinte », plus restrictive. Les bénéficiaires potentiels et les conditions d’attribution ainsi que les avantages concédés doivent être fixés par les organes délibérants des pouvoirs publics compétents ([27]). Deux cas peuvent se présenter :

 la concession par nécessité absolue de service : au sens de l’article R. 2124-64 du code général de la propriété des personnes publiques, « une concession de logement peut être accordée par nécessité absolue de service lorsque l’agent ne peut accomplir normalement son service, notamment pour des raisons de sûreté, de sécurité ou de responsabilité, sans être logé sur son lieu de travail ou à proximité immédiate […] ». La notion de « nécessité absolue » recouvre trois critères auxquels l’agent est tenu dans le cadre de l’exercice de ses fonctions : la présence permanente, un service de jour et de nuit, et la détention d’une responsabilité importante ;

 la convention d’occupation précaire avec astreinte : au sens de l’article R. 2124-68 du code général de la propriété des personnes publiques, « lorsqu’un agent est tenu d’accomplir un service d’astreinte mais qu’il ne remplit pas les conditions ouvrant droit à la concession d’un logement par nécessité absolue de service, une convention d’occupation précaire avec astreinte peut lui être accordée ».

Les agents dont l’occupation n’est pas liée à l’une ou l’autre de ces catégories ne rentrent pas dans le régime des concessions de logement. Par conséquent, seuls les agents tenus à une nécessité absolue ou à un service d’astreinte peuvent en bénéficier.

a.   Un loyer modéré, pris en compte par le régime des avantages en nature

Contrairement à la concession par nécessité absolue de service, qui comporte la gratuité de la prestation du logement nu (mais non des charges), l’occupant précaire avec astreinte s’acquitte d’une redevance d’occupation, qui est au moins égale à 50 % de la valeur locative réelle, qu’il s’agisse d’un logement domanial ou pris à bail. Cette redevance est actualisée chaque année, sur la base de l’indice de référence des loyers (IRL).

Le caractère modéré ou gratuit, selon le cas, de la redevance, doit s’analyser comme une compensation de la sujétion forte créée par l’exigence de disponibilité dans des zones parfois caractérisées par la distance aux zones habitées. Ainsi, dans le cas des centrales d’EDF, le groupe rapporte-t-il que « les salariés d’astreinte doivent résider dans une zone le plus souvent définie non pas en distance mais en temps de transport (20 à 30 minutes) par rapport au site de production. Pour les salariés hors astreinte, le bénéfice d’une aide au logement est subordonné à la résidence en zone d’habitation définie par chaque unité, en général au maximum une heure pour un aller simple ».

D’un point de vue fiscal, l’octroi d’un logement s’assimile à un avantage en nature, ce qui signifie que cet avantage est soumis à l’impôt sur le revenu, tandis que les charges telles que l’eau ou l’électricité sont à la charge de l’occupant.

L’État attribue en priorité les concessions de logement dans les logements domaniaux existants. Toutefois, si aucun logement domanial n’est disponible, l’État prend un logement à bail dans le parc privé. Si le logement attribué appartient au parc locatif, le loyer pris en charge par l’État ne peut excéder le coût équivalent à une superficie de 80 mètres carrés (20 mètres carrés supplémentaires par personne à charge, hors conjoint). Le loyer correspondant à la surface excédentaire est pris en charge par l’occupant ([28]). Le cas échéant, c’est un bail tripartite qui doit être convenu – État, occupant, propriétaire privé –, lequel détaille les surfaces et le loyer associé pris en charge par chacune des parties.

L’avantage en nature

Les unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d’allocations familiales (Urssaf) définissent les avantages en nature comme « des biens ou des services fournis aux salariés de l’entreprise gratuitement par l’employeur ou moyennant une participation inférieure à leur valeur réelle. Les salariés font l’économie de frais qu’ils auraient dû normalement supporter. L’avantage consenti est dès lors soumis à cotisations » ([29]).

Les avantages en nature doivent figurer sur la fiche de paie, au niveau du salaire brut. Ils sont déduits du salaire net à verser au salarié après la détermination du salaire net imposable. En tant qu’élément de rémunération, l’avantage est donc soumis au même régime social que la partie fixe du salaire et est pris en compte dans l’assiette de l’ensemble des cotisations sociales (à la charge du salarié et de l’employeur, à la charge unique de l’employeur, à la charge unique du salarié). Fiscalement, il est soumis à l’impôt sur le revenu au titre des traitements et salaires.

Pour ces besoins, les avantages peuvent être évalués en fonction de leur valeur réelle ou de manière forfaitaire. Aussi, d’après l’article D. 3231-11 du code du travail, « pour les salariés auxquels l’employeur fournit le logement, cette prestation en nature est évaluée par convention ou accord collectif de travail. À défaut, le logement est évalué à 0,02 euro par jour. »

b.   Des modalités d’attribution encadrées et un bail spécifique

En matière d’attribution, un effort est entrepris par l’État afin d’assurer, d’une part, un meilleur appariement des logements avec les demandeurs et, d’autre part, une meilleure transparence sur les allocataires de ces concessions. Des critères ont été établis pour permettre de faire correspondre la taille du logement avec la situation familiale des bénéficiaires ([30]), tout en offrant une localisation optimale à un quart d’heure du lieu de travail.

Au terme de l’exercice des fonctions, le logement doit être libéré. La fin du contrat de travail soulève un ensemble d’interrogations étant donné que le sort du logement de fonction n’est pas encadré par la loi du 6 juillet 1989 sur les baux d’habitation.

Le bail du logement de fonction

Le code général de la propriété des personnes publiques est très clair sur ce point. Aux termes de l’article R. 2124-73, « les concessions de logement et les conventions d’occupation précaire avec astreinte sont, dans tous les cas, accordées à titre précaire et révocable. Leur durée est limitée à celle pendant laquelle les intéressés occupent effectivement les emplois qui les justifient et dans les conditions fixées par l’arrêté mentionné à l’article R. 2124-72. Elles prennent fin, en toute hypothèse, en cas de changement d’utilisation ou d’aliénation de l’immeuble.

« Elles ne peuvent être renouvelées que dans les mêmes formes et conditions.

« Lorsque les titres d’occupation viennent à expiration, pour quelque motif que ce soit, l’agent est tenu de libérer les lieux sans délai sous peine de se voir appliquer les sanctions prévues à l’article R. 2124-74 ».

Le logement étant lié à l’activité professionnelle, le fait de quitter l’emploi s’accompagne de l’obligation de quitter le logement concédé. Ce principe a été confirmé par la Cour de cassation : « Le bénéfice d’un logement de fonction est un avantage en nature accessoire au contrat de travail et prend fin en même temps que lui » ([31]). S’il n’existe aucune obligation, l’employeur peut décider de mettre en place un préavis (généralement d’une durée d’entre un et trois mois). Certaines entreprises mettent en place des mesures protectrices qui autorisent par exemple la famille d’un salarié défunt à conserver le logement pendant une période pouvant aller jusqu’à six mois.

La concession de logement apparaît comme une mesure intéressante dans un contexte de forte tension locative et de difficultés de recrutement. En permettant un meilleur accompagnement des salariés, elle peut être un outil à la main des employeurs pour rendre leurs métiers plus attractifs. Le régime du bail attaché au contrat de travail permet d’éviter le plus souvent les litiges locatifs, bien que la généralisation de ce modèle, dans des corps souvent dotés d’un statut et donc peu concernés par le licenciement ou la rupture conventionnelle, occasionnerait probablement une hausse de la sinistralité dans ce domaine.

3.   La réservation de logements dans le parc locatif social

Les organismes HLM peuvent, en contrepartie d’un apport de terrain, d’un financement ou d’une garantie financière accordé en faveur de la construction de logements sociaux, contracter des obligations de réservation, au profit de personnes morales qui pourront présenter des candidats à l’attribution de ces logements lors de leur mise en location initiale ou ultérieure ([32]).

Une convention de réservation doit obligatoirement être signée par le bailleur et le réservataire à l’échelle du département, sauf pour les collectivités territoriales. Elle établit les modalités de mise en œuvre des réservations des logements locatifs sociaux. La convention doit obligatoirement être conforme à la politique d’attribution définie par l’intercommunalité et à l’objectif national de logement des publics prioritaires.

Les réservations prévues à la convention portent sur un flux annuel de logements libérés, exprimé en pourcentage sur le patrimoine locatif social du bailleur, à certaines exceptions près. Les réservataires sont informés avant le 28 février de chaque année du nombre prévisionnel de logements soustraits du calcul du flux de l’année en cours et de leur affectation par catégorie d’opération. Les réservations s’exercent dès la première mise en location des logements et au fur et à mesure qu’ils se libèrent.

Les bénéficiaires des réservations de logements peuvent être l’État, les collectivités territoriales, leurs établissements publics, les EPCI, les employeurs, la société Action Logement Services et les « organismes à caractère désintéressé » ([33]).

De cette façon, par exemple, un établissement public de santé peut conclure des conventions de réservation avec un bailleur social en acquérant des droits de réservation ([34]). L’AP-HP a ainsi signé plusieurs conventions de réservation avec différents bailleurs sociaux pour un nombre total de 1 114 logements réservés, essentiellement construits sur des parcelles qu’elle a cédées ([35]). Les conventions sont limitées dans le temps et s’éteignent progressivement.

Ces logements sociaux sont consacrés au personnel éligible de l’AP-HP, c’est-à-dire aux personnes employées qui remplissent les conditions de ressources ou de vulnérabilité prévues par la loi. L’AP-HP devient ainsi réservataire et dispose d’un contingent, ou quota, de logements sociaux, dont elle gère l’attribution et l’instruction des demandes. Toutefois, comme les contrats de location dans les logements réservés ne peuvent pas comporter de clause de fonction, en 2010, 40 % des locataires n’étaient pas ou plus agents de l’AP-HP. Cette statistique permet de mesurer le problème de rotation dans le parc social, qui rend plus difficile l’établissement d’un lien étroit entre l’emploi et le logement.

La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l’aménagement et du numérique (ELAN) modifie le mode de gestion des conventions de réservation, et prévoit, à partir de 2020, la transmission d’un bilan annuel des logements proposés et attribués par l’organisme bailleur au réservataire.

Le modèle AP-HP

L’Assistance publique – Hôpitaux de Paris est le premier employeur d’Île-de-France (89 900 ETP) et le premier établissement de santé d’Europe. une cinquantaine d’emplois sont consacrés à la gestion immobilière.

D’après un rapport de la chambre régionale des comptes réalisé en 2021 ([36]), les logements gérés par l’AP-HP relevaient de plusieurs régimes juridiques :

– des logements au sein des hôpitaux (domaine public) pour les personnels de garde et d’astreinte (nécessité absolue de service ou utilité de service) ;

– des logements hors hôpitaux (domaine privé) d’une part pour les agents de garde et d’astreinte (nécessité absolue de service), d’autre part attribués sur critères sociaux, mais dont une partie est occupée par des tiers extérieurs à l’AP-HP ;

– des droits de réservation auprès des bailleurs tiers, attribués sur critères sociaux par ces bailleurs ;

– enfin, un immeuble est loué pour loger des agents (20 logements depuis 2006).

PATRIMOINE PRIVÉ DE L’AP-HP AU 1ER JANVIER 2021 ([37])

L’AP-HP dispose également d’« hébergements d’urgence », à la discrétion des directeurs de groupes hospitaliers, qui sont principalement d’anciennes chambres de garde aménagées en studios et qui permettent, dans le cadre d’une convention de mise à disposition de quelques mois, d’accompagner la situation individuelle difficile d’un agent. Le siège ne dispose ni de recensement, ni de suivi de ces chambres. Pourtant, la chambre régionale des comptes rapporte avoir constaté des durées d’occupation par des agents jusqu’à trois ans.

Au 31 décembre 2019, l’AP-HP disposait de 9 207 logements (occupés ou non). Ce nombre connaît une baisse régulière (- 19,4 % depuis 2010) en raison des opérations de cession réalisées dans l’objectif de rationaliser la gestion du domaine privé et de valorisation. En outre, le parc immobilier n’a pas suivi les évolutions des sites hospitaliers. Désormais un logement sur six est à plus de 40 minutes d’un centre hospitalier.

 

B.   La prise À bail de logements avec sous-location aux salariÉs de l’entreprise

Votre rapporteure a interrogé les acteurs pour connaître leurs comportements en matière de location de logements pour leur compte propre, avec sous-location successive auprès de leurs salariés. Plusieurs possibilités existent en la matière, selon que les logements en question se situent dans le secteur conventionné (hors logement social, abordé dans la section III) ou privé.

1.   La prise à bail dans le parc locatif intermédiaire

L’article L. 442-8 du code de la construction et de l’habitation interdit la sous-location des logements des organismes HLM qui ont bénéficié d’une aide publique au financement. Des dérogations à ce principe existent s’agissant des logements locatifs sociaux, mais elles restent limitées à des acteurs à vocation sociale, des publics spécifiques (personnes âgées, handicapées, étudiants, etc.) ou à des solutions de logement ou d’hébergement temporaires ([38]).

Par dérogation, l’article 81 de la loi dite « 3DS » du 22 février 2021 a octroyé aux employeurs personnes morales la possibilité de louer eux-mêmes des logements intermédiaires gérés par des bailleurs sociaux, afin de les sous-louer à leurs personnels, sous réserve que les conditions de ressources et de loyer prévues au titre du logement intermédiaire demeurent respectées. La disposition est récente et inspirée d’une disposition existante pour les établissements de santé.

Les acteurs interrogés ne mettent pas massivement en œuvre cette possibilité. Adecco, qui n’a pas recours directement à ce dispositif mais peut en bénéficier par le biais de Soli’AL, a expliqué qu’il s’agit d’une solution pour les salariés en rupture de logement, assez peu utilisée à part dans les cas d’extrême urgence (et pour de très courtes périodes). Pour EDF, son recours au dispositif reste « anecdotique ». Le groupe RATP a utilement développé les raisons pour lesquelles il ne souhaite pas utiliser cette possibilité :

– en Île-de-France, les loyers des logements intermédiaires ne correspondent pas aux capacités financières de la majorité des familles de demandeurs de logement de la RATP ;

– un dispositif d’aide au loyer de ces logements intermédiaires pourrait être envisagé par le paiement d’une subvention au bailleur mais la démarche n’a pas été retenue, parce que cette aide au loyer constituerait un avantage en nature soumis à cotisations sociales et à déclaration fiscale, et que son existence pourrait avoir des effets indirects sur le montant du loyer proposé à l’entreprise ;

– en cas de vacance du logement, l’employeur, étant locataire, sera redevable du loyer : la gestion des fins de contrats pourrait ainsi poser problème ; il en va de même en cas d’impayés du sous-locataire ;

– la question de l’équité de la politique RH pourrait être posée en associant ce dispositif avec celui des logements sociaux : comment choisir entre les deux dispositifs et justifier ce choix ?

2.   La prise à bail dans le parc locatif privé

Lorsque l’État doit doter un agent d’un logement de fonction mais n’en dispose pas dans son parc propre, il est en capacité d’en louer dans le parc privé pour le mettre à la disposition de son salarié.

Le groupe EDF est le seul parmi les acteurs interrogés qui semble mettre en œuvre une telle pratique, de façon résiduelle. Ainsi indique-t-il à propos des logements pris à bail qu’il en existe « quelques centaines auprès de particuliers, la majorité du parc étant louée à des personnes morales (Safran qui a repris le parc cédé à Deutsche Bank en 2000 et CDC Habitat pour la majeure partie des logements construits entre 2013 et 2017) ».

3.   La prise de places dans les Crous, internats et foyers de jeunes travailleurs

Enfin, certains employeurs déploient des solutions dans des structures de logement accompagné. Par exemple, la SNCF prend des réservations auprès de l’Association Parme pour des hébergements temporaires en résidences sociales ou libres partout en France (6 800 logements). L’association Parme propose des solutions d’hébergement meublé destinées au logement temporaire des jeunes actifs, des salariés en mobilité géographique ou des stagiaires en formation.

L’article 123 de la loi LEC

L’article 123 de la loi du 27 janvier 2017 relative à l’égalité et à la citoyenneté a ouvert, pour quatre années et à titre expérimental, la possibilité pour les gestionnaires de résidences universitaires qui ne sont pas totalement occupées après le 31 décembre de chaque année de louer les locaux vacants pour des séjours d’une durée inférieure à trois mois s’achevant au plus tard le 1er septembre, notamment à des publics prioritaires au sens de l’article L. 441‑1 du code de la construction et de l’habitation.

Le rapport d’évaluation de cette expérimentation, remis par le Gouvernement au Parlement le 25 mai 2021, a fait état d’un taux de vacance des résidences étudiantes pouvant atteindre 40 à 50 % lors des mois de juillet et août.

Ce dispositif, qui permet aux gestionnaires des résidences de mieux équilibrer leurs exercices et, partant, de mieux se projeter dans l’avenir, est globalement bien accueilli. Il permet de répondre à de nombreuses demandes de courts séjours, notamment de la part de jeunes actifs tels que les saisonniers, les stagiaires, ou les jeunes en service civique.

Le dispositif a été pérennisé et codifié au code de la construction et de l’habitation à l’occasion de la loi « 3DS » du 21 février 2022 ([39]).

C.   la mise en œuvre d’autres DISPOSITIFS D’ACCOMPAGNEMENT financier DES SALARIÉS

Outre la mise en place de différents dispositifs de logement au profit des salariés, ces derniers peuvent également bénéficier d’aides, qui revêtent des formes variées et qui peuvent être proposées par les employeurs, Action Logement ou encore les branches professionnelles. Ces aides s’ajoutent aux aides personnelles au logement (APL) financées par le Fonds national d’aide au logement (FNAL), auquel contribuent notamment les employeurs (voir crédits du programme 109).

Chez beaucoup d’employeurs, on trouve des dispositifs d’information et d’accompagnement des employés, qui témoignent de l’importance de la question du logement dans la « marque employeur » des entreprises, et nécessitent le plus souvent le déploiement d’au moins un ETP, si ce n’est d’un service entier consacré à la question.

Parmi les acteurs interrogés, nombreuses sont les entreprises qui mettent en place des aides au logement à destination de leurs salariés. Par contraste avec l’avantage salarial, intégré aux grilles et devant trouver une application uniforme, l’aide au logement permet à l’employeur de faire varier le niveau d’accompagnement en fonction du territoire d’accueil.

1.    L’aide au paiement du loyer

En premier lieu, les employeurs peuvent offrir à leurs salariés des aides financières annuelles ou mensuelles et/ou des primes destinées à aider les salariés à payer leur loyer. Selon un sondage Opinion Way réalisé pour The Boost Society en avril 2023, pour un actif sur deux, l’aide au logement est l’avantage le plus attractif que les entreprises peuvent proposer à leurs salariés. Ces aides revêtent différentes formes. Les auditions conduites par votre rapporteure ont permis de fournir quelques exemples significatifs.

L’État employeur propose une série de mécanismes destinés à l’accompagnement des salariés dans le logement. Ainsi, dans le cadre de l’action sociale interministérielle, la direction générale de l’administration et de la fonction publique assure des réservations de logements sociaux pérennes, propose des dispositifs de logement temporaire et verse une aide à l’installation des personnels (AIP). L’État employeur attribue aussi des aides salariales pour le logement, dont les principales sont l’indemnité de résidence et la prime spéciale d’installation ([40]).

Parmi les acteurs auditionnés par votre rapporteure, EDF consacre un effort important à des dispositifs d’aides financières pour les salariés qui ne bénéficient pas d’un accès à son parc de logement. Elles sont principalement destinées à deux publics. En premier lieu, les salariés à l’embauche : ainsi, 563 salariés ont perçu une aide lorsqu’ils ont dû déménager pour se rapprocher de leur lieu de travail ou pour quitter le domicile familial. Les cadres peuvent ainsi bénéficier d’un versement forfaitaire au déménagement de 9 123 euros en Île-de-France. Les salariés en mutation sont également éligibles à une aide logement qui est versée sur trois ans et dont le montant dépend notamment du coût locatif et de la composition familiale. 612 salariés en ont bénéficié en 2022.

En second lieu, les alternants peuvent bénéficier d’une prise en charge d’une partie de leurs coûts de logement, dans la limite de 400 euros par mois, dès lors que leur lieu de formation est éloigné de leur domicile ou lorsque leur lieu de travail est éloigné des deux premiers cités. Sur les quelques 3 450 alternants accueillis par l’entreprise en 2022, 2 253 d’entre eux ont perçu cette aide. Les paramètres de cette aide prennent en compte la situation de chaque employé (collège, lieu de travail, enfants).

Les aides proposées aux nouveaux employés sont particulièrement développées et proposées par de nombreux employeurs. C’est également le cas de la Banque de France qui offre une prime d’installation et de la SNCF qui confiait en audition procéder à un même mécanisme d’aide.

Les employeurs peuvent également cibler leurs aides au logement sur les salariés qui sont les plus en difficulté. C’est sous condition de ressources que la Banque de France offre une « prestation bénévole de logement » (PBL) mensuelle dont le montant moyen est de 150 euros. En 2022, 45 % des agents en ont bénéficié. SNCF propose des aides sur quittance, dont le montant annuel représente 1 million d’euros pour le groupe.

Les entreprises peuvent également faire varier ces aides en fonction de la situation familiale de l’occupant : c’est le cas du groupe ADP, qui rapporte avoir développé une « prime logement », attribuée à certains salariés comme « aide à la mobilité ». Le montant de cette prime varie en fonction de la composition familiale. Cette prime ciblée représente entre 1 500 euros et 3 125 euros mensuels, et le groupe rapporte que cinq salariés en ont bénéficié en 2022.

2.   L’aide à l’accession à la propriété

Une autre forme d’aide très développée vise à favoriser l’accès à la propriété des salariés. Cette aide est particulièrement attendue par les salariés, comme en témoigne un sondage Opinionway réalisé à la demande de la Sofiap et de Virgil, dont il ressort que 74 % des jeunes actifs urbains estiment que leur employeur devrait les aider à devenir propriétaires.

Les aides à l’accession, qui prennent le plus souvent la forme d’un prêt bonifié, complémentaire d’autres sources de financement, sont le fait, presque exclusif, des grands groupes, comme la RATP. Votre rapporteure a également eu l’opportunité d’échanger avec la Société financière pour l’accession à la propriété (Sofiap), qui est le partenaire bancaire de plusieurs d’entre eux tels que La Poste, SNCF ou EDF. L’aide à l’accession présente l’avantage d’une fidélisation renforcée, dans la mesure où il s’agit d’un engagement salarial sur toute la durée du prêt.

Logiquement, la remontée des taux depuis 2022 devrait susciter une forte demande de la part des salariés pour ce type d’accompagnement.

Afin d’inciter les employeurs à offrir davantage ce type d’accompagnement, il pourrait être pertinent de réfléchir à une exonération, fût-elle partielle, des charges sociales et fiscales pour les entreprises qui proposent à leurs salariés un dispositif complémentaire tel que le prêt subventionné, aujourd’hui soumis à fiscalité en raison de son statut d’avantage en nature.

Le prêt immobilier subventionné de la Sofiap

La Société financière pour l’accession à la propriété (Sofiap), filiale de la Banque Postale et du groupe SNCF, est un acteur historique du prêt immobilier subventionné par l’employeur. Celui-ci a pour vocation, en favorisant l’accession à la propriété des collaborateurs, d’alléger les coûts supportés par ces derniers tout en assurant une forme de fidélisation. Par ce dispositif, l’entreprise, après signature d’une convention avec la Sofiap, s’engage à prendre en charge, en partie ou en totalité, les intérêts du prêt immobilier de ses collaborateurs.

Pour la mise en œuvre des obligations prudentielles imposées par le Haut Conseil de stabilité financière, le montant pris en charge par l’entreprise vient en déduction de la mensualité du prêt. Le mécanisme permet donc aux salariés de disposer d’un budget plus élevé pour leurs projets immobiliers.

Les prêts principaux offerts par la Sofiap sont les suivants :

– pour les salariés de SNCF, un prêt de 20 000 euros (en région) à 40 000 euros (Île‑de‑France), sur dix ans, à 50 % du taux du prêt complémentaire ;

– pour les salariés statutaires de EDF, RTE et Engie, un prêt de 25 000 euros à 125 000 euros, au taux du marché -0,75 % pour une durée entre 5 et 25 ans ;

– pour les salariés de Safran Power Units (filiale de Safran), une subvention de l’employeur de 1 % ou 0,75 % (en fonction des ressources du demandeur) sur une tranche de 100 000 euros en capital, sur une durée maximale de 300 mois ;

– pour les salariés de TotalEnergies, un prêt de 21 000 euros à 66 000 euros, majoré de 33 000 euros pour les salariés de moins de 35 ans et 5 500 euros par enfant à charge, avec une prise en charge de 50 % des intérêts par l’employeur.

 

 


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III.   renforcer les missions d’action logement et repenser nos outils fiscaux pour amÉliorer la disponibilitÉ locative

Les initiatives individuelles des entreprises, notamment celles de grande taille, pour parer aux difficultés de logement de leurs salariés et améliorer ainsi leur propre attractivité, bien qu’elles soient riches et intéressantes, ne constituent pas une réponse généralisable pour répondre aux besoins constatés notamment dans les zones tendues. En outre, comme l’ont relayé nombre d’acteurs, du salariat comme du patronat, ce n’est pas un rôle qu’il revient naturellement à l’entreprise d’assumer. Sauf dans de rares cas, l’entreprise n’a pas à se substituer à un gestionnaire de biens, et doit plutôt se concentrer sur son modèle d’affaires.

Les travaux menés par votre rapporteure ont ainsi souligné la pertinence de l’externalisation de la fonction du logement auprès d’acteurs spécialisés dans ce secteur complexe, à commencer par le groupe Action Logement dont c’est le rôle historique. Un recentrement des moyens d’Action Logement et une réflexion sur les instruments fiscaux à mettre en œuvre afin de faire revenir les biens résidentiels existants dans le marché locatif s’imposent à cet effet.

A.   ACTION LOGEMENT, UN MODÈLE HISTORIQUEMENT EFFICACE ET PERTINENT QUI DOIT ÊTRE RECENTRÉ SUR SON CŒUR DE MISSION

L’essentiel de l’effort en direction du logement des travailleurs est aujourd’hui le fait du groupe Action Logement, successeur historique du « 1 % logement ». Parfois critiqué, le modèle de la participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC) a structuré la production de logements sociaux depuis les années 1940.

La participation des employeurs à l’effort de construction (PEEC)

Cette participation est une contribution obligatoire créée en 1953 afin d’apporter une aide à l’effort de construction. Bien qu’encore couramment désignée sous l’appellation « 1 % logement » ou « 1 % patronal », elle représente depuis 1992 un montant de 0,45 % de la masse salariale.

La PEEC était initialement versée par les entreprises du secteur privé d’au moins 20 salariés et était collectée par les comités interprofessionnels du logement (CIL) jusqu’à leur disparition en 2017, au profit d’Action Logement Services.

Aujourd’hui, la PEEC est obligatoire pour toutes les entreprises du secteur privé de 50 salariés ou plus. Il est à noter que la participation de l’employeur à la construction peut revêtir d’autres formes que le versement à Action Logement Services. Il peut, en lieu et place de la contribution, investir directement en faveur du logement de ses salariés ou leur octroyer des prêts à taux réduit pour le financement de la construction de leur résidence principale.

L’idée d’une structure unifiée qui est un pôle de compétence, en capacité de produire massivement et de manière efficiente, en générant des économies d’échelle, des logements pour les salariés, tout en ayant une notion fine et territorialisée des besoins à pourvoir, reste pertinente aujourd’hui. Elle souffre toutefois de la multiplication des missions et de l’attrition des moyens du groupe, autant que d’une certaine opacité sur la méthodologie d’attribution des logements en son sein.

1.   L’attribution des logements du parc d’Action Logement

Les entreprises qui avaient historiquement déployé une offre de logements ont évolué, avec la création du 1 % logement, vers un modèle basé en premier lieu sur les réservations de logements sociaux.

Par cette participation à l’effort de construction, les employeurs facilitent l’accès au logement social pour leurs employés. Action Logement Services reçoit les fonds des entreprises au titre de la PEEC et fournit en contrepartie des aides et services destinés aux salariés. Être salarié d’une entreprise redevable de la PEEC permet d’accéder à certaines aides spécifiques telles que le prêt à l’accession proposé par le groupe (détaillé dans la section II).

La politique d’attribution des logements sociaux doit en effet répondre à de nombreux enjeux prioritaires parmi lesquels figurent le niveau de ressources, l’éloignement du lieu de travail et la mobilité géographique liée à l’emploi. Selon Jules-Mathieu Meunier, « conçu historiquement pour loger les “travailleurs vivant principalement de leur salaire”, le logement social demeure aujourd’hui l’un des principaux leviers favorisant l’accès des salariés au logement » ([41]).

Surtout, le salarié pour qui l’entreprise délègue sa politique du logement à Action Logement se voit automatiquement attribuer des points dans le cadre de son système de cotation pour l’accès au logement locatif social. Cette politique de priorisation est un atout pour les salariés et un élément-clef de la stratégie de recrutement et de fidélisation de l’entreprise. Votre rapporteure considère, toutefois, qu’il pourrait être pertinent de réinterroger le lien entre le logement attribué et le contrat de travail qui en a justifié l’attribution, par exemple au moyen de l’introduction dans le bail locatif d’une clause d’engagement auprès de l’employeur. Cette clause serait de nature à attacher le salarié au poste qui lui a permis d’accéder à un logement social, et donc à encourager davantage de mobilité dans le parcours résidentiel et professionnel.

La majorité des entreprises rencontrées par votre rapporteure sont contributrices de la PEEC. Cela permet de prioriser leurs salariés dans la procédure d’attribution d’un logement social.

La Poste, premier contributeur de la PEEC, verse près de 30 millions d’euros chaque année à Action Logement. L’entreprise dispose d’un patrimoine de près de 6 000 réservations de logements en « droit de suite » et en « désignation unique ». Lorsque les logements sont réservés sous forme d’un droit de suite, cela signifie qu’ils font l’objet d’attributions successives pendant une durée déterminée. Au contraire, la désignation unique correspond à l’attribution ponctuelle d’un logement.

En 2022, ce dispositif a permis à 2 500 postiers d’accéder à un logement social. Toutefois, les baux signés entre les bailleurs sociaux et les collaborateurs ne sont pas liés au contrat de travail. Un employé qui quitte son emploi n’est donc pas contraint de quitter simultanément son logement, ce qui distingue ces droits de réservation du régime des concessions de logement.

À titre d’exception, la SNCF est directement collectrice d’une part de la PEEC. Sa filiale ICF Habitat collecte en effet la majeure partie de la PEEC, soit 18 millions d’euros. Le groupe verse également 5 millions d’euros de PEEC annuelle à Action Logement afin d’ouvrir à ses salariés l’offre de logements du bailleur. Les demandes de logement social sont ensuite étudiées par les équipes de la SNCF selon un système de cotation qui prend en compte la situation du demandeur. À la fin de l’année 2022, on dénombrait près de 22 539 logements réservés auprès d’ICF, parmi lesquels 17 607 logements sociaux, spécifiquement des logements PLUS et PLS. Le bail conclu par les salariés est un bail social. Il n’existe donc pas de lien entre celui‑ci et le contrat de travail à la différence des logements libres qui sont qualifiés d’accessoire au contrat de travail et des logements intermédiaires qui obéissent à un bail classique.

De la même façon et en application des dispositions législatives concernant la réservation réglementaire ([42]), afin de loger les fonctionnaires et agents de l’État, le préfet du département peut réserver directement 5 % des logements dont la construction ou la réhabilitation a été subventionnée par l’État.

Pour l’attribution des logements, Action Logement a mis en place son propre système de cotation, avec une liste détaillée de critères :

– être salarié d’une entreprise cotisante ;

– avoir moins de 30 ans ;

– le nombre de points octroyés par l’entreprise ;

– être en mobilité professionnelle ;

– se rapprocher de son lieu de travail ;

– vouloir un logement situé dans la commune du lieu de travail ;

– situation de handicap ;

– situation de violences familiales ;

– nombre de positionnements AL’in non retenus ;

– avoir été proposé mais non retenu en commission d’attribution des logements et d’examen de l’occupation des logements (Caleol).

Les candidatures sont d’abord étudiées selon le nombre de points récoltés via le système de cotation d’Action Logement, ce qui permet de répondre à l’enjeu prioritaire de mixité sociale. Les candidats sont ensuite classés selon une cotation territoriale fondée sur les objectifs prioritaires définis par l’intercommunalité. Ce double système vise à garantir le respect des priorités à la fois du réservataire et du territoire.

Les droits de réservation sur les logements sociaux sont donc un moyen important pour les entreprises d’offrir des solutions de logement à leurs salariés, pour autant qu’ils en remplissent les conditions d’éligibilité. Toutefois, le processus d’attribution du logement locatif social dilue le lien direct entre le logement et l’emploi qui a permis au demandeur de l’obtenir. Il est nécessaire de déposer une demande en ligne ou au guichet – d’un bailleur, d’un service de l’État – qui s’accompagne de la délivrance d’un numéro unique. Les dossiers de demande sont ensuite instruits par les bailleurs ou les réservataires qui décident de présenter en Caleol trois dossiers par logement. La Caleol se compose de représentants de l’organisme bailleur, du préfet ou de son représentant, du président de l’EPCI et du maire de la commune d’implantation du logement. Elle veille à appliquer les priorités nationales et locales et est informée de la cotation des candidats. Le logement est attribué de manière nominative et les refus doivent être justifiés.

Il résulte de ce mode de fonctionnement que le choix du locataire appartient en dernière analyse au bailleur. De ce fait, cette procédure de sélection peut être vue par les entreprises cotisantes comme contraignant les modalités d’attribution des réservations pour lesquelles elles cotisent, expliquant ainsi une partie des critiques entendues par votre rapporteure, auprès de laquelle une partie des sociétés auditionnées ont confié leur sentiment de « ne pas en avoir pour leur argent ».

a.   Un problème de lisibilité et une participation des employeurs qui ne suffit pas à répondre à l’entièreté du besoin des entreprises

Si le rôle d’Action Logement en matière de logement des salariés et de viabilité du lien entre l’emploi et le logement est déterminant, il ressort des auditions conduites que la PEEC souffre d’un déficit de lisibilité et que la possibilité offerte aux entreprises de « surcotiser » en échange de garanties de réservations, crée de fait une distorsion dans la répartition de l’offre de logements entre entreprises de taille différente.

Déjà en 2019, l’Agence nationale de contrôle et du logement social (Ancols) déplorait son « schéma organisationnel non abouti, conjugué avec l’utilisation de systèmes d’informations disparates pour traiter les activités, [qui] empêchent toute optimisation et sécurisation des activités ainsi que l’homogénéisation des pratiques » ([43]). Les auditions conduites par votre rapporteure font également état, quatre ans après, d’un problème de lisibilité dans le fonctionnement d’Action Logement et d’un flou autour de la réalisation de ses objectifs. Comme le rapporte un des acteurs auditionnés par votre rapporteure, « on fait la promotion d’Action Logement mais ce n’est pas lisible, alors qu’Action Logement aurait pu investir en dur ».

Nombre d’acteurs rapportent ainsi un sentiment de frustration quant à l’inadéquation perçue entre le montant de leur cotisation et le nombre d’employés placés dans un logement du groupe. La politique conduite par le groupe présente donc des zones d’ombre susceptibles de freiner la confiance que peuvent lui accorder les employeurs, et donc de nuire à l’attractivité et l’efficience du dispositif.

Dans le même temps, Action Logement laisse ouverte aux employeurs la possibilité de surcotiser – notamment par le biais de la prise de capitalisations dans les filiales d’Action Logement Immobilier – afin d’obtenir davantage de droits de réservation pour leurs salariés. C’est le cas de la RATP qui a confié à votre rapporteure contribuer davantage que la PEEC pour accéder au parc d’Action Logement. La Poste verse quant à elle près de 30 millions d’euros chaque année au bailleur au titre de la PEEC et dispose également d’un budget complémentaire de 6,7 millions d’euros par an pour acheter des réservations de logements sociaux.

Cette pratique avantage surtout les grands groupes, les petites et moyennes entreprises et entreprises de taille intermédiaire soumises à la PEEC qui ne disposent pas des mêmes capacités financières se trouvant de fait désavantagées.

b.   Un recentrage devant permettre de rétablir l’équité dans l’accès au logement pour toutes les entreprises

La disparité dans l’accès à l’offre de logement selon la capacité des entreprises à verser davantage que la PEEC nuit à l’équité du système. Votre rapporteure estime que le logement des salariés de toutes les entreprises contributrices doit être réaffirmé comme priorité d’Action Logement Groupe, et bénéficier à l’ensemble des entreprises contributrices. À cet effet, il est nécessaire qu’Action Logement mette en œuvre une meilleure démarche de suivi des demandes des entreprises cotisantes, notamment les petites et moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire, qui ne sont pas en mesure de prendre en charge la question du logement de leurs salariés, et ont donc particulièrement besoin du soutien d’Action Logement pour mener à bien leur politique de recrutement.

Le groupe Action Logement a été atteint dans sa capacité d’agir efficacement par une attrition et une dispersion de ses moyens. D’une part, ses marges financières ont été rognées par la réduction de l’assiette des entreprises cotisantes, lors de la sortie de la PEEC des entreprises de moins de 50 salariés en 2018, et par les prélèvements budgétaires opérés sur la trésorerie en 2019 et 2020, justifiés par des besoins sur d’autres missions. D’autre part, son effort est de plus en plus dispersé, à mesure que ses orientations d’investissement se diversifient. Ainsi, depuis le plan d’investissement volontaire de 2018, est-il demandé au groupe un effort croissant en faveur de l’Agence nationale pour la rénovation urbaine ou encore des programmes de l’Agence nationale de la cohésion des territoires, qui ne sont plus directement liés au logement des salariés.

Bien que l’apport de l’expertise du groupe soit précieux sur d’autres missions, il est nécessaire de recentrer Action Logement sur sa mission première, qui reste le logement des salariés.

2.   Les aides financières proposées par Action Logement aux salariés

Action Logement est un acteur de référence en matière de logement social en France, qui fait de la synergie emploi-logement l’essence de son action : entre 2018 et 2022, ce sont 6,2 Md€ d’aides aux ménages qui ont été délivrées par Action Logement, représentant 3,3 millions de ménages accompagnés. Sa mission prioritaire étant de faciliter le logement afin de favoriser l’emploi, il est utile de revenir dès à présent sur les différentes aides proposées par le groupe.

a.   La garantie Visale permet aux jeunes travailleurs d’accéder plus facilement au parc locatif privé

Le visa pour le logement et l’emploi, appelé « garantie Visale », est un dispositif de sécurisation des bailleurs dont l’effectivité est de plus en plus reconnue par les acteurs du secteur, à mesure que sa notoriété se renforce. Le Fonds d’action sociale du travail temporaire (FASTT) et la Confédération des petites et moyennes entreprises ont cité le rôle positif de cette garantie pour rassurer les bailleurs, et l’accès facilité des jeunes demandeurs au logement.

Visale visait, dès sa création en 2015, à agir sur le lien emploi-logement en permettant de « sécuriser les salariés entrant dans un emploi par tout contrat de travail, y compris mission d’intérim, ou par promesse d’embauche, hors contrat à durée indéterminée (CDI) confirmé, d’une entreprise du secteur dit assujetti (secteur privé hors agricole) et entrant dans un logement du parc locatif privé ». Ce dispositif bénéficie initialement à l’ensemble des salariés de moins de 30 ans du secteur assujetti, ainsi qu’aux ménages accompagnés dans le cadre d’une intermédiation locative via un organisme agréé à la maîtrise d’ouvrage d’insertion.

Le mécanisme a fait l’objet de trois élargissements successifs :

– en 2016, à l’ensemble des jeunes de moins de 30 ans, salariés ou non, hormis les étudiants non boursiers rattachés au foyer fiscal de leurs parents ; et aux salariés du secteur privé agricole ou d’organismes du secteur non assujetti à la PEEC, en échange de contributions financières ;

– en 2018, à tous les étudiants sans distinction (notamment en incluant les publics non boursiers et rattachés au foyer fiscal de leurs parents, dans tous les parcs de logement) ; aux titulaires d’un « bail mobilité » et bénéficiaires du dispositif de mobilisation des logements vacants du parc privé « Louer pour l’emploi », aux salariés de plus de 30 ans en double mobilité professionnelle et résidentielle, y compris ceux en CDI confirmé ;

– en 2021, aux salariés de plus de 30 ans sous conditions de ressources.

ÉVOLUTION DU NOMBRE DE CONTRATS VISALE ÉMIS PAR PUBLIC
AU 1ER JANVIER 2023 (EN CUMULÉ)

Source : Action Logement. NB. Les salariés figurent en pointillé car ils constituent une sous-catégorie répartie dans l’ensemble des publics.

Le dispositif Visale prend la forme d’un contrat de cautionnement dans lequel Action Logement s’engage à payer au bailleur les loyers et charges récupérables non payées par son locataire, dans la limite d’un plafond fixé à 1 500 euros de loyer en Île-de-France et 1 300 euros pour le reste du territoire. Pour les étudiants et alternants sans justification de ressources, le loyer maximum est fixé à 800 euros en Île-de-France et 600 euros dans le reste du territoire. La couverture comprend 36 mois de loyers maximum dans le parc privé, et 9 mois dans le parc social. Visale couvre par ailleurs les dégradations locatives pour les logements relevant du parc locatif privé. Les frais de remise en état, en cas de dégradations imputables au locataire, sont couverts jusqu’à deux mois de loyer et charges inscrits au bail, après déduction du dépôt de garantie (sauf pour le bail mobilité qui n’autorise pas de dépôt de garantie).

Ce dispositif est distribué directement et gratuitement par le réseau Action Logement. En outre, Action Logement est en charge du recouvrement des créances auprès des locataires en impayés, par voies amiable et contentieuse.

b.   Action Logement met en place d’autres aides consacrées aux salariés

L’avance Loca-Pass est un prêt destiné à aider le futur locataire à verser le dépôt de garantie au propriétaire. Ce prêt est accordé par Action Logement et est exempt d’intérêts ou de frais de dossier. Il est en revanche réservé aux personnes de moins de 30 ans, ou aux salariés du secteur privé ou aux étudiants. Ce prêt ne peut être octroyé que dans le cas où le logement constitue la résidence principale du locataire. Le montant maximum de l’avance Loca-Pass est de 1 200 euros et le remboursement s’étale sur 25 mois maximum.

L’aide Mobili-Jeune est une subvention permettant de prendre en charge une partie du loyer, pour une durée maximale d’un an. Son montant varie entre 10 et 100 euros par mois. Elle est destinée aux personnes de moins de 30 ans qui sont sous contrat d’apprentissage ou de professionnalisation. Cette aide est versée par Action Logement.

Action Logement propose également un prêt à l’accession qui doit permettre d’aider les personnes désireuses d’acquérir leur résidence principale. Ce prêt, dont le montant maximal est de 30 000 euros, bénéficie d’un taux réduit à 1 %.

En 2022, Action logement a accordé 262 075 aides et services à des salariés en situation de mobilité ou de recrutement (dont l’aide Mobili-Jeune) et 325 627 aides en faveur de la sécurisation locative (Loca-Pass et Visale) ([44]). Votre rapporteure salue la diversité des offres proposées par Action Logement, dont certaines ont sans doute inspiré les pratiques des employeurs.

3.   Accompagner le logement intermédiaire, notamment par le soutien d’Action Logement

Le logement intermédiaire est mis en avant b par plusieurs interlocuteurs comme étant une piste intéressante afin de mieux orienter l’offre de logements vers la demande salariée. Ainsi, le groupe ADP précise que concernant le recrutement de ses contrats en contrat à durée indéterminée, « nos salariés dépassent bien souvent les conditions de ressources pour des logements sociaux. Des offres de logements intermédiaires seraient appréciées et nous permettraient d’offrir plus d’opportunités ». En effet, dans les zones tendues, les prix sont tellement élevés que les populations qui ne sont pas éligibles au logement social ne peuvent pas trouver à se loger et nécessitent un accompagnement spécifique.

Votre rapporteure estime notamment que l’initiative « Louer pour l’emploi » était intéressante et espère voir prospérer prochainement les efforts d’Action Logement pour la remettre en activité. Présenté au printemps 2018, l’initiative expérimentale « Louer pour l’emploi » avait vocation à offrir un ensemble de services et d’offres afin d’aider les salariés en mobilité à trouver un nouveau logement. Ce dispositif devait répondre aux préoccupations des bailleurs et des locataires :

– pour les salariés locataires ([45]) : la concrétisation du projet de mobilité professionnelle ;

– pour les propriétaires bailleurs : la sécurisation de l’investissement immobilier.

Ce dispositif offrait la possibilité aux bailleurs privés de confier la mise en location de leur bien à Action Logement en contrepartie de plusieurs avantages. Deux « paquets » étaient proposés aux propriétaires :

– le « pack sécurisation » offrait plusieurs bénéfices aux propriétaires en contrepartie d’un contrat les engageant à plafonner leur loyer pendant trois ans et à louer leur bien à un locataire proposé par Action Logement. Ils avaient accès à des candidats certifiés et pouvaient sécuriser leurs revenus locatifs en ayant recours à une garantie loyers impayés et un recouvrement des loyers impayés. Grâce à Visale, les propriétaires devaient également éviter la vacance locative et bénéficier d’une prise en charge des dégradations ;

– le « pack rénovation », plus complet, engageait les propriétaires à plafonner leur loyer pendant 6 ans et à louer à un locataire proposé par Action Logement pendant la durée du contrat. Il permettait, outre les avantages, de bénéficier d’une subvention pour la rénovation énergétique – d’un montant maximum de 15 000 euros – et d’un prêt pour rénover leur bien – d’un montant maximum de 30 000 euros – avec un taux de 1 %.

Le locataire bénéficiait dès lors d’un accès facilité au parc privé et spécifiquement à un logement à proximité de son emploi et à prix plafonné. Il pouvait également avoir recours aux différentes aides proposées par Action Logement, notamment Visale, Loca-Pass et Mobili-Jeune.

En associant le parc privé, Action Logement entendait faire profiter les salariés d’un meilleur taux de rotation des logements et d’une plus grande réactivité à leurs besoins. De nouvelles modalités doivent être fixées pour la poursuite de ce dispositif expérimental, aujourd’hui inactif.

B.   diffÉrents outils À REPENSER POUR associer les employeurs au logement

Votre rapporteure estime que des mesures complémentaires, notamment fiscales, s’imposent afin de privilégier le marché du logement consacré à l’économie réelle.

1.   Mobiliser les branches professionnelles pour faciliter l’accompagnement des salariés

a.   Un modèle d’ores et déjà efficace pour les intérimaires

En matière de logement, les intérimaires peuvent bénéficier des aides et des services offerts par le Fonds d’action sociale du travail temporaire (FASTT), organisme paritaire de la branche du travail temporaire. Toutes les entreprises de la branche sont en effet redevables d’une contribution à hauteur de 0,146 % de la masse salariale intérimaire. Le FASTT accompagne les intérimaires dans la mise et dans le maintien à l’emploi ce qui comprend – entre autres – la question du logement.

Comme évoqué par le FASTT lors de l’audition conduite par votre rapporteure, il est nécessaire d’accompagner les intérimaires dont le statut est souvent associé à la précarité. Cela est d’autant plus important que les intérimaires sont nombreux : 3 millions de personnes ont exercé au moins une mission d’intérim en 2022, ce qui équivaut à 800 000 emplois à temps plein.

Cet accompagnement vise à permettre aux salariés intérimaires d’accéder à une solution de logement locatif. Il consiste en la mise à disposition d’outils d’aide à la recherche de logement (accompagnement numérique, assistance téléphonique) et la conclusion d’un partenariat avec l’entreprise Bien’ici. Une équipe spécifique au sein de l’organisation est également chargée de la relation avec les bailleurs, avec l’objectif de mettre en avant les dossiers des intérimaires. Enfin, le FASTT a également mis en place un service de paiement des loyers à date certaine, ce qui permet de parer à l’appréhension des bailleurs quant au retard dans le paiement du loyer.

L’action du FASTT est centrée sur l’accès au parc privé, jugé plus réactif, mais les intérimaires sont tout de même invités à suivre les offres des bailleurs sociaux et notamment d’Action Logement, dont ils sont des ayants droit. Des partenariats sont également conclus avec des foyers de jeunes actifs et structures équivalentes. Il est en revanche plus difficile, de l’aveu de ses représentants, d’accompagner les intérimaires dans l’accès à la propriété.

En 2022, 41 260 intérimaires ont été accompagnés sur leur projet de logement tandis que 3 000 d’entre eux sont devenus locataires grâce à un accompagnement jusqu’à la signature du bail.

b.   Permettre aux branches volontaires d’offrir une réponse collective à des problèmes partagés

Ce modèle, fondé sur l’accord de branche, fonctionne bien et gagnerait à être généralisé à d’autres filières professionnelles volontaires exposées à des risques de logement. L’accord permet d’apporter une réponse commune – et donc plus forte – aux problèmes de logement rencontrés par les travailleurs.

Plus encore, votre rapporteure estime qu’il serait pertinent d’octroyer au FASTT, et à tout acteur équivalent, le statut d’acteur du logement social afin qu’il puisse agir comme un mandataire pour les demandes de logement. Cela permettrait de lutter contre le non-recours et d’offrir une aide en matière de procédures.

Votre rapporteure tient à rappeler que le système de filières permet d’ores et déjà d’orienter des offres d’Action Logement vers des publics spécifiques, par secteur d’activité notamment. Il est utile de renforcer et de pérenniser cette possibilité, dont les employeurs se saisissent peu.

D’autres acteurs doivent s’impliquer davantage sur cette thématique centrale. Les chambres de commerce et d’industrie (CCI), par exemple, qui ont pour mission de contribuer au développement économique et à l’attractivité des territoires ([46]), se sont pleinement engagées sur la question du foncier et de l’immobilier disponible pour les activités industrielles et productives. Toutefois, le logement des salariés associés demeure trop peu pris en compte à ce jour, alors même que les chambres pourraient avoir les compétences et les moyens de contribuer au traitement de cette question, au niveau des bassins d’emploi.

2.   Soutenir le développement de l’offre de logements par les leviers fiscaux

a.   Rendre plus attractif l’investissement locatif de longue durée

Afin de remettre sur le marché locatif « économique » les logements dispersés dans la vacance ou le marché touristique, un effort est nécessaire en faisant appel aux deux leviers principaux que sont la sécurisation et la rentabilité.

1/ La sécurisation des bailleurs par une prise en charge accompagnée et rapide des litiges locatifs, et une meilleure prévention des dégradations, travail déjà entamé par la création de la garantie Visale précitée et, plus récemment, par l’adoption de la « loi Kasbarian » du 27 juillet 2023.

Deux craintes principales caractérisent les bailleurs sur le marché locatif : la crainte de la dégradation, et la crainte de l’impayé. Outre la rentabilité et le confort d’utilisation, l’attrait pour les particuliers du placement Airbnb résulte ainsi de la sécurisation du bailleur par deux pratiques absentes dans le locatif traditionnel : la cotation des locataires par le système des étoiles, qui éloigne la crainte de la dégradation locative, et la facturation préalable, qui éloigne la crainte de l’impayé.

Il ne peut s’agir d’importer ces pratiques dans le fonctionnement du marché locatif traditionnel. Toutefois, pour parer à ces évolutions, votre rapporteure salue certains des dispositifs innovants mis en œuvre par le groupe Action Logement, qui gagneraient à être massifiés. Il est nécessaire de rassurer les bailleurs sur le moindre risque d’impayé, d’où un rôle à jouer par l’entreprise ou l’organisation de branche. De ce point de vue, le dispositif des résidences hôtelières à vocation d’emploi, par exemple, peut être prometteur (cf. encadré).

Les résidences hôtelières à vocation d’emploi (RHVE)

Filiale du groupe Action Logement consacrée au logement intermédiaire, In’li Sud-Ouest développe le modèle des résidences hôtelières à vocation d’emploi. Il est inspiré des résidences hôtelières à vocation sociale (RHVS), qui constituent une alternative aux hôtels meublés classiques pour les personnes en difficulté.

Comme ses représentants l’ont partagé avec votre rapporteure, In’li a constaté que les problèmes d’accès au logement pour les saisonniers se traduisait par un meilleur taux d’acceptation de l’offre d’emploi lorsque celle-ci est adossée à une offre de logement adapté.

Pour répondre à cette problématique, In’li a conçu des projets d’hébergement où le séjour est lié à un motif d’emploi, et où les employeurs ont la possibilité de réserver des logements pour leurs salariés. Le locataire et un occupant temporaire en bail mobilité, avec une durée maximale de dix mois. Ces résidences ont vocation à accueillir les stagiaires, les alternants, les intérimaires, les personnes en contrat à durée déterminée et les saisonniers. Elles ne sont pas ouvertes au tourisme et ne proposent pas de nuitée.

Deux projets sont actuellement en cours de construction : plus de 130 logements à Montpellier et près de 150 à côté de Biarritz. Le rendement du loyer perçu est de 4 % et ces résidences ne se font pour le moment que dans le neuf.

2/ La hausse, au moins relative, de la rentabilité du placement immobilier sur le marché locatif peut résulter, au moins dans un premier temps, de la baisse relative de la rentabilité des placements touristiques par une réglementation et une fiscalité entièrement refondues. C’est ce qui est proposé par la proposition de loi transpartisane visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, déposée par votre rapporteure au printemps dernier ([47]), et qui a vocation à être inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale au début du mois de décembre.

Plus largement, il est impératif de revenir sur les différences de traitement entre les locations de court et de long terme, en opérant une refonte de la fiscalité locative qui permette un meilleur équilibre entre les différents usages. Les débats entamés en commission des finances autour de la réduction de l’abattement fiscal dont bénéficient les meublés de tourisme lorsqu’ils sont au régime dit « micro-BIC » vont dans ce sens, même si des avancées sont encore nécessaires.

b.   Faciliter l’investissement institutionnel dans le logement employeur

Face au retrait de longue date des investisseurs institutionnels du logement, le lien emploi-logement constitue une façon de les intéresser à l’investissement dans le logement.

On l’a vu, le problème principal est d’ordre financier. La volonté d’investir dans le logement des salariés nécessite des capacités financières importantes, puisqu’il s’agit pour l’employeur de réserver une part de sa capacité d’investissement à une immobilisation à montant élevé et à finalité improductive. C’est pourquoi elle a pu être favorisée par la stratégie d’investissement des acteurs institutionnels, notamment les fonds de pension. Certains investisseurs avaient cherché à diversifier leur portefeuille d’actifs, notamment pendant la période des taux directeurs inférieurs ou égaux à 0 % (2012‑2022), marquée par des rendements obligataires très faibles.

Cette préoccupation était notamment partagée par les organismes de retraite complémentaire de la fonction publique, tout particulièrement l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP), qui dispose d’un actif de 38,2 Md€ en valeur au 31 décembre 2022, et de cotisations d’un montant de 2,06 Md€. L’ERAFP alloue ainsi 12,7 % de son actif boursier à des valeurs immobilières, dans le cadre d’une contrainte réglementaire qui plafonne cette part à 15 %. Une partie de cette allocation se fait au profit d’opérations à destination des salariés.

Ainsi, depuis janvier 2017, du fait notamment de l’investissement de l’ERAFP au profit du logement des agents publics et dans le cadre d’un partenariat avec CDC Habitat du fait de sa fonction historique de logeur des agents publics, les agents de la fonction publique de l’État peuvent bénéficier d’un accès exclusif à une offre de logements intermédiaires, avec un loyer de 10 % à 20 % inférieur au prix du marché, en complément de l’offre de logements sociaux. Pour être éligibles, les candidats locataires doivent justifier de ressources inférieures ou égales au plafond d’accès aux logements financés en prêt locatif social, qui varie en fonction de la composition familiale et du secteur géographique. Ces offres de logements sont publiées sur le site de CDC Habitat.

La Caisse nationale de prévoyance de la fonction publique (Préfon) et l’Institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l’État et des collectivités (Ircantec) ont des politiques immobilières similaires.

Pour soutenir cette tendance, des idées sont actuellement proposées qui méritent d’être débattues. Une proposition de loi de M. Dominique Da Silva mettrait ainsi en place un « usufruit locatif employeur » ([48]). La synergie entre l’employeur et le bailleur social qui le sous-tend est à l’image des filiales de logement développées par les grands groupes et offrirait cette possibilité de logement à une nouvelle catégorie d’employeurs.

La proposition consiste à créer les conditions pour que les employeurs puissent se saisir de l’opportunité de loger leurs salariés dans des logements produits selon les modalités de l’usufruit locatif social (ULS). Une telle possibilité revient pour l’employeur, selon l’exposé des motifs de la proposition de loi, à acheter la nue-propriété d’un immeuble avec une décote de 40 % par rapport au prix du marché, à condition que l’usufruit soit acquis par un bailleur social qui assure la gestion des logements. À la fin de l’usufruit, l’entreprise récupère la pleine propriété du bien.

D’autres pistes proposées à votre rapporteure au cours des auditionnées qu’elle a menées consistent à mieux mobiliser le plan d’épargne retraite complémentaire (PERCO) afin d’en favoriser la liquidation pour l’accès à la résidence principale.

Les prêts à l’accession complémentaires proposés par l’employeur pourraient également permettre de bénéficier d’allégements de cotisations sociales.

 

 

L’offre de logements aux agents publics

En 2015, la ministre de la décentralisation et de la fonction publique avait confié à M. Alain Dorison une mission visant à proposer des mesures permettant de favoriser l’accès au logement des agents publics ([49]). Après un travail de recensement des besoins en matière de création de logements et des biens publics pouvant faire l’objet d’opérations de construction dans le cadre de cessions ou de baux, le rapport proposait de conjuguer l’apport de foncier par les personnes publiques grâce à des instruments juridiques adaptés, comme le bail emphytéotique, avec les capacités de financement d’investisseurs extérieurs.

Concernant le financement, le rapport de la mission proposait notamment la création d’un fonds consacré prioritairement au logement des agents publics réunissant l’Établissement de retraite additionnelle de la fonction publique (ERAFP), dont les conditions d’investissement immobilier seraient assouplies, et d’autres investisseurs institutionnels. Les rapporteurs de la récente mission de la commission des finances sur les dépenses fiscales en faveur du logement, MM. Charles de Courson et Daniel Labaronne ([50]) , ont estimé que des expérimentations de ce modèle pourraient être engagées avec les ministères volontaires dans les communes en tension.

Si certains dispositifs existent déjà au bénéfice du logement des agents de l’État, comme la prestation individuelle d’aide à l’installation des personnels de l’État (AIP) ainsi que les dispositifs de logement temporaire et de réservation des logements conventionnels, une réflexion est aujourd’hui menée par le ministère de la transformation et de la fonction publique en faveur d’une politique interministérielle de l’accès au logement des agents publics. Ainsi, l’axe du logement est un des six engagements du programme « Fonction Publique + ». Parmi les pistes d’actions à l’étude, sont identifiées notamment une amélioration de l’appariement entre l’offre et la demande dans le cadre de dispositifs existants (par exemple la bourse au logement des agents de l’État ou « Balaé »), une réflexion sur des baux destinés aux agents publics, soumis à clause de fonction, enfin le renforcement de partenariats permettant de mobiliser davantage de foncier à destination des agents publics.

Le 10 juillet 2023, le ministre de la transformation et de la fonction publiques a annoncé quatre premières mesures portant sur le logement des agents publics :

– la mise en place d’une plateforme d’offres de logements consacrée aux agents publics, regroupant les aides et les informations à leur disposition ;

– la signature d’une convention entre l’État, l’USH et la Fédération nationale des coop’HLM afin d’accompagner les agents dans leur parcours d’accès à la propriété ;

– une mission portant sur « les outils à mobiliser pour améliorer l’accès au logement des agents publics », confiée au député M. David Amiel ;

– la construction de 500 logements en Île-de-France.


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mercredi 25 octobre à 15 heures, dans le cadre de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de Mme Annaïg Le Meur, les crédits du programme « Cohésion des territoires », en ce qui concerne le logement et l’urbanisme.

M. le président Guillaume Kasbarian. Il nous reste à délibérer sur le rapport pour avis concernant le logement et l’urbanisme rédigé par Mme Annaïg Le Meur. Notre rapporteure s’est particulièrement penchée sur le lien entre emploi et logement, un sujet très important dont j’espère que notre commission aura prochainement à traiter à l’occasion d’un texte législatif. Nous devrons ensuite nous prononcer sur soixante amendements.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Mes chers collègues, comme l’an dernier à la même période, le contexte actuel continue d’être marqué par des difficultés et des tensions sur le logement. Les taux directeurs de la Banque centrale européenne, qui étaient restés autour de zéro entre 2012 et 2022, sont remontés brutalement jusqu’à atteindre une fourchette située entre 4 % et 4,75 % en septembre de cette année.

Comme toujours lorsque les taux remontent, en particulier dans un contexte de rareté foncière, le secteur immobilier est parmi les premiers touchés. Le coût d’investissement des constructeurs a fortement augmenté, ce qui comprime l’opportunité des nouvelles opérations. Pour les bailleurs sociaux, malgré une situation financière globalement saine, c’est leur capacité à mener de front leur activité de réhabilitation de leur parc de logements et la construction de nouveaux logements sociaux qui est réduite.

Du côté de la demande, les Français rencontrent de plus en plus de difficultés à se loger. La primo-accession se complique, de même que la mobilité résidentielle pour ceux qui ont accédé à un crédit au cours des dernières années.

Sur le temps plus long, le bâtiment continue d’être affecté par une tendance haussière sur les prix de la construction. C’est un défi central à une époque où nous faisons de l’habitat et du cadre de vie des leviers cruciaux de notre transition écologique. Nous révisons collectivement nos ambitions à la hausse en exigeant des pratiques de recyclage urbain plutôt que d’étalement, en imposant la réglementation environnementale 2020 (RE2020) et des matériaux plus efficaces et moins dommageables pour l’environnement. Ces exigences engendrent nécessairement des hausses de coûts de production.

Cette crise de l’offre et de la demande, couplée à l’inflation, a des répercussions importantes en matière de pouvoir d’achat pour les Français, car le logement est le premier poste de dépenses chez nos concitoyens. Il est donc d’autant plus important que notre politique soit à la hauteur des enjeux.

Face à cela, le budget sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer apporte des réponses concrètes et opérationnelles. Sur le plan fiscal c’est d’abord un budget d’aide à l’accession, comme en témoignent l’élargissement du prêt à taux zéro (PTZ) à une nouvelle catégorie de ménages et la hausse de son taux de prise en charge. C’est aussi un budget de soutien à la construction, dans un contexte d’équilibre budgétaire : soutien au logement locatif intermédiaire, exonération en faveur de la « seconde vie » dans le parc social, nouveaux abondements sur les plus‑values de cession foncières pour encourager à la cession des terrains en zone tendue.

En ce qui concerne les aides au logement, qui constituent la majeure partie de la dépense budgétaire consentie par l’État à destination du logement, le Gouvernement a souhaité accompagner les locataires les plus vulnérables en ajustant les aides sur l’inflation. Cette revalorisation se traduit par une augmentation des crédits du programme 109 de plus de 500 millions d’euros, pour atteindre 13,9 milliards d’euros, et ceci en dépit de l’économie significative générée par la réforme du versement de l’APL en temps réel, qui est chiffrée à plus d’un milliard d’euros.

De façon plus structurelle, ce budget accompagne nos efforts financiers considérables en faveur de la transition écologique dans l’urbanisme et dans l’habitat. Ce sont ainsi plus de 3,7 milliards d’euros qui sont consacrés à la prime de transition énergétique « MaPrimeRénov’ » pas les différents programmes contributeurs. C’est une augmentation de plus de 30 % sur une année, alors même que le budget a déjà plus que doublé dans les deux années qui viennent de s’écouler – nous en avons débattu notamment ce matin. C’est sans compter l’enveloppe spécifique consacrée à la rénovation thermique et à la réhabilitation lourde dans le parc social, qui est un levier essentiel de transition dans le bâtiment, tant les bailleurs sociaux ont la compétence et l’expertise pour mener massivement des travaux ambitieux et de qualité. Déjà abondée de 187 millions d’euros au titre de la mission « Relance », cette action a encore été rehaussée par l’annonce du ministre chargé du logement quant à l’abondement d’un fonds de 1,4 milliard d’euros pour la rénovation du parc social.

Je veux à nouveau combattre ici l’idée, assez facile et très répandue dans les amendements qui viendront plus tard, que nous n’allons pas assez loin dans la rénovation énergétique. C’est, je le rappelle, cette majorité qui a adopté la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, avec son calendrier des rénovations obligatoires. C’est aussi cette majorité qui a triplé l’effort budgétaire en faveur de la transition écologique dans le logement.

En outre, le « fonds vert », qui regroupe des actions essentielles en matière de transformation urbaine, comme par exemple la rénovation des bâtiments publics, le « fonds friches » ou le fonds de renaturation des villes, est reconduit cette fois-ci à hauteur de 2,5 milliards d’euros, ce qui représente une hausse de 20 % de son budget sur une année.

Enfin, le programme 135 porte aussi le lancement de la prime d’adaptation du logement « MaPrimeAdapt’ » au 1er janvier 2024. Cette aide, pilotée par l’Agence nationale de l’habitat (Anah), est abondée de 67 millions d’euros pour accompagner les ménages dans l’adaptation des logements au vieillissement. Car nous mettons tous les moyens en œuvre pour mieux activer le potentiel résidentiel du parc existant.

Après quinze ans de recul systématique, le marché locatif privé connaît en effet une attrition très marquée. Celle-ci est encore plus forte sur certains territoires, qui ont connu une véritable explosion immobilière ces dernières années, notamment les zones littorales et insulaires, à l’image de mon territoire de Bretagne, de la Corse ou encore du Pays Basque. Cette attrition s’est faite au profit de la vacance des logements pour 8 % du parc, des résidences secondaires pour 10 % du parc et au profit du développement de l’immobilier touristique.

Les rapports disponibles sont formels et notre commission elle-même y a récemment consacré un travail, que j’ai mené avec notre collègue Vincent Rolland : ces dynamiques limitent notre capacité à répondre aux besoins de logement des populations.

 

C’est donc ce parc existant qu’il faut avant tout chercher à remobiliser. Nous devons ramener sur le marché locatif les biens qui l’ont quitté. Nous devons réinciter à la location de longue durée, par exemple en rééquilibrant la fiscalité des locaux de tourisme par rapport à celle de la location de longue durée, et en réfléchissant plus largement à une refonte globale de la fiscalité locative. Nous menons collectivement cette réflexion avec plusieurs d’entre vous et de manière transpartisane, et j’ai la ferme intention de poursuivre cet effort dans les prochains mois.

Dans cet avis, j’ai voulu montrer le coût économique majeur de cette carence en logement. J’ai rencontré et sollicité par écrit de nombreuses entreprises pour étayer le constat selon lequel le manque de logements pèse lourdement sur l’emploi et la croissance de nos territoires, et constitue un frein à la réindustrialisation.

Toutes les entreprises implantées dans les zones tendues que j’ai interrogées m’ont ainsi fait part de leurs difficultés croissantes à attirer et à retenir les profils dont elles ont besoin dans tous les secteurs, du fait du manque de logements disponibles et de leur caractère inabordable. Par ailleurs des études statistiques menées à grande échelle dans notre pays, mais aussi aux États-Unis, montrent le coût économique durable de l’insuffisance d’offre de logement sur un territoire. Une étude de 2019 évalue ainsi à 36 % sur trente ans la perte agrégée de croissance pour l’économie américaine en raison d’un manque de logements accessibles dans les zones dites à haute productivité. Ces mêmes dynamiques sont à l’œuvre en France et doivent nous préoccuper. Les leviers qui mènent d’une carence de logements à un recul de la croissance sont détaillés dans le rapport.

Une telle situation doit susciter chez nous une réflexion sur le coût que nous payons collectivement pour une politique, notamment fiscale, qui incite à faire autre chose que du logement productif avec le parc résidentiel, en encourageant notamment de manière déséquilibrée la location touristique de courte durée. Lorsque nous prenons des mesures incitatives pour encourager la croissance d’autres pans de l’économie, nous devons nous interroger sur les conséquences économiques et sociales qu’elles ont sur les habitants qui résident à l’année, et à plus forte raison sur notre tissu économique.

Pour l’élaboration de mon rapport, j’ai aussi voulu savoir quels mécanismes les entreprises peuvent mettre en place pour faire face à ces difficultés de logement. La création d’un parc de logements en propre pour l’entreprise par exemple est surtout le fait de grandes entreprises avec de fortes capacités d’investissement et des exigences en matière de disponibilité de localisation. C’est le cas d’EDF, qui loge dans son parc un tiers des salariés de sa filière de production nucléaire et la moitié des salariés de sa filière hydraulique.

Mais la majorité des entreprises accordent plutôt des primes ou des avantages de salaire pour accompagner leurs salariés dans la recherche de logement. Certaines filières, comme les intérimaires, par le biais du Fonds d’action sociale pour le travail temporaire, organisme paritaire, servent d’intermédiaires auprès des propriétaires particuliers afin de garantir les profils des salariés logés et parfois de leur apporter une caution. Nous ne pouvons qu’encourager ce type de pratique. Certains employeurs accompagnent également leurs employés sur le marché de l’accession, ce qui constitue à la fois une aide au logement et un moyen de fidéliser les salariés sur le long terme. Nous avons ainsi rencontré la Société de financement de l’accession à la propriété (Sofiap), qui propose des prêts bonifiés à l’accession en partenariat avec La Poste et d’autres employeurs, comme je le détaille dans mon rapport, qui mériteraient d’être encouragés plus largement.

Pour encourager le financement par les employeurs, des pistes intéressantes ont été proposées afin de mieux mobiliser l’épargne salariale par exemple, à travers des plans d’épargne retraite complémentaire. De tels dispositifs sont déjà mis en œuvre dans certains secteurs mais ils pourraient être amplifiés, notamment en direction du logement locatif intermédiaire (LLI). Celui-ci pourrait du reste être davantage orienté vers certaines filières en tension, en permettant éventuellement un adossement du bail au contrat de travail, comme on le fait déjà dans le cas de la concession de logement, modèle que je détaille aussi dans le rapport.

Mais le gros de l’effort continue à ce jour à passer par Action Logement, dont le modèle même a été pensé pour externaliser et mutualiser les besoins en logement des salariés. Depuis soixante-dix ans, le système paritaire du « 1 % logement », assis sur la masse salariale des entreprises continue de fonctionner et de produire. Les entreprises cotisantes bénéficient en retour de réservations dans le parc des filiales d’Action Logement immobilier afin d’y loger leurs salariés.

Si Action Logement représente aujourd’hui un cinquième du parc social, c’est du fait de la stabilité de ce système, de son financement et de cette vision de long terme, et il faut s’en réjouir. Le groupe déploie également une capacité d’innovation encourageante, comme j’ai pu le voir à travers le modèle de la « résidence hôtelière à vocation d’emploi », qui permet aux employeurs de réserver des logements à destination de leurs employés pour de courtes durées. Ce modèle présente aussi une vive agilité. Les capacités d’Action Logement doivent toutefois être confortées et ces missions recentrées, afin que cet organisme puisse se consacrer exclusivement à son cœur de métier qui est, et doit rester, le logement des salariés.

J’en termine en remerciant vivement les nombreux acteurs que j’ai auditionnés ou sollicités par écrit, notamment l’ensemble des entreprises, que ce soit lors de rencontres à l’Assemblée nationale ou sur le terrain, qui ont bien voulu m’éclairer sur leur pratique dans cette matière importante.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je vous propose sans plus attendre d’entendre les orateurs de groupe.

M. Antoine Armand (RE). Permettez-moi d’abord de saluer le travail de notre collègue Annaïg Le Meur. Le lien entre emploi et logement est absolument déterminant et montre toutes les conséquences d’une politique du logement sur notre capacité à mener une politique économique efficace.

La rapporteure a également conduit un travail transpartisan sur l’attrition du marché locatif dans les zones tendues, en travaillant avec Vincent Rolland mais aussi avec notre collègue Inaki Echaniz.

Cette mission « Cohésion des territoires » est au cœur de la stratégie du Gouvernement et de notre stratégie budgétaire pour le logement, l’hébergement, l’insertion des personnes vulnérables et l’aménagement de nos territoires – la politique du logement est aussi une politique d’aménagement du territoire.

Je n’oublie pas la rénovation énergétique. Je salue la hausse de près de 8 % des crédits de cette mission, tant en autorisations d’engagement qu’en crédits de paiement : cette hausse est largement portée par l’augmentation de près de 88 % du programme 135, ce qui est notamment dû aux efforts en matière de politique de rénovation énergétique. Ces derniers s’inscrivent dans le cadre de la politique gouvernementale. Je pense notamment à la création du dispositif « Ma Prime Adapt », qui permettra aux ménages modestes d’adapter leur logement à la perte d’autonomie, ce qui est une urgence de solidarité et une urgence sociale. Pour cette raison, le groupe Renaissance votera ces crédits qui soutiennent des mesures à la fois importantes et nécessaires.

Pour autant, tous les acteurs de terrain que vous avez rencontrés soulignent l’urgence et l’ampleur de la crise que nous connaissons. Force est de constater que nous avons encore besoin de présenter une réponse globale à cette question et qu’à date, le compte n’y est pas encore.

Nous voterons donc bien sûr ces crédits car nous sommes favorables à l’adoption de ces mesures. Pour autant, le groupe Renaissance proposera des mesures supplémentaires à la hauteur du défi écologique, social et économique.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je vous remercie de l’attention que vous avez pu avoir pour les travaux que nous avons menés dans cette commission, notamment au sujet des meublés de tourisme. La multiplication de ces meublés au détriment du logement paralyse les mobilités des salariés et engendre d’autres problématiques : certains salariés doivent se loger à 60 kilomètres de leur lieu de travail, et ne participent donc plus à la vie sociale locale. J’ai eu dernièrement l’occasion de voir à quel point beaucoup de constructeurs dans le BTP étaient gênés par un changement de modèle, qui s’oriente plus vers de la rénovation que vers la construction. Ils ont des difficultés à recruter et à s’adapter aux normes. Bien sûr, nous construisons ensemble un nouveau modèle, mais cette action prend du temps et, dans l’attente, le système en place est déstabilisé. J’espère que de nouvelles possibilités s’ouvriront pour mener en proximité des politiques cohérentes avec les besoins de nos territoires.

M. Frédéric Falcon (RN). La crise du logement que traverse la France est inédite. Si le Gouvernement se retranche derrière l’inflation des matières premières et la remontée des taux d’intérêt, sa responsabilité demeure entière dans cette crise qui touche les Français. Nous déplorons le manque total de vision du Gouvernement, qui fait du logement une simple ligne comptable de sa politique budgétaire.

Depuis 2017, les PLF successifs ont raboté de plus de 15 milliards d’euros les budgets affectés à la politique du logement par la réduction des aides personnelles au logement (APL), la quasi-suppression de l’ « APL accession », le dispositif d’investissement au rabais qu’est le Pinel – qui du reste prendra prochainement fin – un PTZ sans ambition – et j’en passe.

Certes la politique du logement coûte près de 37 milliards d’euros par an, mais elle stimule un secteur qui rapporte plus de 80 milliards d’euros de rentrées fiscales. S’ajoute à ces coupes budgétaires la multiplication des normes environnementales ou thermiques, imposées de façon brutale. La politique en faveur de l’absence de toute artificialisation nette des sols (« zéro artificialisation nette » ou ZAN) a aggravé la pénurie du foncier disponible, la norme RE 2020 fait grimper les coûts de construction, amplifiant un peu plus chaque jour la crise du logement.

Depuis le 1er janvier 2023 vous imposez des normes thermiques drastiques au parc ancien, interdisant progressivement la location d’un logement présentant un diagnostic de performance énergétique (DPE) classé G, F, puis E, alors qu’en pleine crise, près d’un logement sur deux ne sera bientôt plus louable sans travaux en Île‑de‑France. Malgré cela, le Gouvernement persiste à appliquer ces normes selon un calendrier qui est, selon nous, intenable.

Ce Gouvernement porte la pleine responsabilité d’une double crise. Il est coupable d’une crise sociale qui impacte des millions de Français peinant à se loger. Il est coupable d’une crise de l’immobilier, en faisant le choix de sacrifier une industrie, un secteur essentiel de notre économie qui pèse près de 11 % du PIB et représente 2,3 millions d’emplois non délocalisables, dont 300 000 sont aujourd’hui directement menacés. Ce Gouvernement ne veut plus que les Français soient propriétaires, avec un recul inédit de l’accès à la propriété. Par idéologie, il refuse aux Français les plus modestes l’accès à la maison individuelle, qui devrait être désormais réservée à une petite élite. Alors, face à l’écologie punitive, à l’approche collectiviste de la gauche ou à la volonté de la majorité de financiariser la propriété immobilière, le Rassemblement national souhaite que l’accès à la propriété soit un droit pour tous et non un privilège de nantis.

Madame la rapporteure, alors que les acteurs du logement sont unanimes pour dénoncer les conséquences sociales et économiques désastreuses de cette politique et après tant d’errements, pensez-vous franchement et sincèrement que le PLF 2024 sauvera les Français de la crise du logement à laquelle ils font face ?

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je vois que vos discours sont principalement dirigés contre l’écologie ! Vous êtes contre le ZAN, contre la protection de nos terres agricoles. Que vais-je dire demain à nos agriculteurs ? Venez donc chez moi sur mon territoire. Leur ressource principale, c’est encore l’agriculture, avec des entreprises de l’agroalimentaire qui peinent à recruter des salariés et qui ont besoin de logements, mais qui doivent aussi préserver l’équilibre dans l’usage des terres. Je vois bien que vous avez une vision de court terme : quand on vous parle d’écologie, vous répondez qu’il en faut, mais pas maintenant. Je ne peux pas aller dans votre sens. J’ai l’impression que vous n’avez pas conscience qu’il est nécessaire de ne plus attendre demain et que nous avons réellement besoin d’agir maintenant, sans se dire que c’est impossible.

Du reste, vous parlez des salariés du secteur de la construction mais vous n’avez pas cité celui de la rénovation, qui recrute énormément à l’heure actuelle. Nous avons mis en œuvre une autre vision du logement : plutôt que de laisser le parc tomber en désuétude avec ses passoires thermiques, nous avons besoin de le reconquérir. Cela crée des emplois et cela génère du pouvoir d’achat à long terme : si vous luttez contre les passoires thermiques – et contre les « bouilloires », pour reprendre le nouveau terme parfois utilisé – cela génère des économies pour les salariés qui gagnent donc en pouvoir d’achat. Je ne partage donc pas votre constat.

M. William Martinet (LFI-NUPES). Madame la rapporteure, en tant que députée, vous avez de l’influence en matière de logement au sein de la Macronie. Quand vous menez le combat avec nous pour raboter la niche fiscale « Airbnb », nous aimerions même que vous ayez encore plus d’influence au sein de cette Macronie.

Mais en lisant la partie de votre rapport qui porte sur le lien entre logement et emploi, on s’inquiète et on espère que vous aurez le moins d’influence possible. J’ai lu ce rapport attentivement et je suis en radical désaccord avec sa philosophie. On peut la résumer ainsi : au nom de la crise du logement, il faudrait que votre employeur devienne votre bailleur. Je le dis très clairement, pour nous députés de La France insoumise, c’est non ! Être salarié, c’est déjà avoir un lien de subordination et une dépendance économique. Ce que vous proposez rendra les salariés encore plus vulnérables. Perdre son emploi, ce sera perdre son salaire et son logement : rupture de contrat de travail égale rupture de bail ! Ce qui fait la gravité de vos propositions, c’est qu’elles dépassent le traditionnel logement de fonction pour nécessité de service. Votre proposition concerne des centaines de milliers de familles qui font une demande de logement social auprès d’Action Logement, le collecteur de l’ex « 1 % patronal ». Cela représente 85 000 attributions de logements sociaux par an – c’est énorme.

Au sujet d’Action Logement, je cite votre rapport : votre rapporteure considère qu’il pourrait être pertinent de « réinterroger le lien entre le logement attribué et le contrat de travail qui en a justifié l’attribution, par exemple au moyen de l’introduction dans le bail locatif d’une clause d’engagement auprès de l’employeur ». Autrement dit, la proposition que vous faites aux salariés est la suivante : non seulement vous attendrez des années pour vous voir attribuer un logement social mais en plus ce bail sera précaire : changer de boulot, c’est perdre son logement ! Il faut se rendre compte de la régression que cela représente. Imaginez les conséquences de cette mesure pour des salariés en situation de souffrance au travail qui subissent un harcèlement moral ou sexuel ou qui tout simplement ne se font pas payer leurs heures supplémentaires. Ils seront condamnés à se taire, à rester dans l’entreprise par peur de se retrouver à la rue.

Cette proposition est grave mais malheureusement il faut reconnaître qu’elle est tout à fait compatible avec le logiciel macroniste. Après tout, chez vous, tout doit être flexible et mobile, c’est-à-dire précaire et instable, pour s’adapter au marché. On comprend que le logement est un magnifique terrain de conquête. Voilà un secteur où il reste encore des droits à détruire pour que l’individu soit parfaitement soumis aux exigences du marché. Eh bien, chers collègues, nous avons pour notre part une autre vision du monde. Nous pensons que les Français ont besoin de solidité et de stabilité pour pouvoir s’épanouir, et la première des stabilités, c’est un logement digne et durable qu’on ne risque pas de perdre au bon vouloir de son employeur. Ce sera d’ailleurs le fil conducteur de nos amendements dans cette discussion budgétaire. Face à l’instabilité du marché, il faut un retour de l’État pour apporter de la stabilité. Un État qui investit pour que malgré la conjoncture économique, les logements sociaux dont nous avons besoin soient construits. Un État qui finance la rénovation thermique pour que, quelles que soient les hésitations des investisseurs, nos engagements écologiques soient tenus. Un État qui régule les prix des loyers et du foncier pour que malgré la spéculation immobilière, le logement reste un bien accessible à tous.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur.  Dans mon rapport, je souligne qu’Action Logement a permis de mutualiser les moyens pour créer du logement pour les travailleurs au sens large. Les entreprises que j’ai pu rencontrer m’indiquaient qu’elles ne connaissaient pas les critères d’attribution et qu’elles ignoraient pourquoi leurs salariés n’arrivaient pas à se loger : ce manque de transparence est problématique.

Vous n’avez pas cité une donnée contenue dans le rapport et qui est importante pour en comprendre l’argumentation : 40 % des logements de l’AP-HP ne sont pas aujourd’hui occupés par des agents de l’AP-HP. Ils ne sont pas attribués à des fonctionnaires. J’ai été professionnelle de santé à l’AP-HP pendant plusieurs années et effectivement, nous n’avions pas accès au logement de l’AP-HP, ce qui pose question.

Quant au renforcement de la relation entre le logement et le contrat de travail, j’ai pu échanger au cours de mes travaux pour cet avis avec notre collègue Dominique Da Silva, qui est porteur d’une proposition de loi en ce sens. Vous soulevez une réelle problématique : qu’adviendrait-il de ceux qui perdraient leur contrat de travail à la suite d’une démission ou d’un licenciement, ou à la suite d’une faillite de leur employeur ? Je reconnais l’existence de cette problématique

M. Romain Daubié (DEM). Nous sommes en période de discussion budgétaire et il s’agit de voir comment être les plus efficaces possible, sachant que l’argent public n’est pas une matière première illimitée. Nous nous intéressons plus particulièrement aux crédits relatifs au logement et à l’urbanisme de la mission « Cohésion des territoires ». J’ai lu avec attention votre rapport et j’aimerais saluer le vrai travail de fond sur cette question qui nous concerne tous. Objectivement, des crédits supplémentaires ont été déployés : 1,6 milliard d’euros. Un effort est donc consenti au niveau national sur les thématiques du logement et de l’urbanisme.

Je me félicite de certains points que vous avez mentionnés, à commencer par l’extension des zones d’application du PTZ. Dans ma circonscription notamment, certaines zones qui en étaient exclues deviendront éligibles, ce qui permettra éventuellement à certains d’accéder plus facilement à la propriété. J’ai également noté que des ressources supplémentaires étaient prévues pour tout ce qui est lié à la lutte contre les passoires énergétiques et « MaPrimeRenov’ ». Nous en revenons aux débats que nous avons eus ce matin avec M. Nury, rapporteur pour avis des crédits relatifs à l’énergie de la mission « Écologie » : il s’agirait de veiller à simplifier les démarches administratives pour que ces crédits puissent être consommés. Nous devrons parfois faire attention aux effets de trésorerie. J’ai reçu dans ma permanence des personnes qui, pour des questions de date de devis, avaient perdu le bénéfice d’aides. Nous devons prévoir le mécanisme le plus efficace possible afin que les crédits soient consommés pour tout le monde.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Pour rebondir sur votre dernier point, j’étais hier avec le ministre Bruno Le Maire et effectivement, une réflexion – l’énième ! – est lancée à propos de la simplification des procédures administratives. Il s’agit effectivement d’un frein pour que les citoyens puissent bénéficier des aides que nous avons votées.

M. Inaki Echaniz (SOC). Malgré de nombreuses alertes issues des concertations organisées à l’initiative même de l’exécutif, comme la commission pour la relance durable de la construction de logements, dite « commission Rebsamen » ou encore le Conseil national de la refondation consacré au logement (« CNR logement »), la politique du logement du Gouvernement souffre d’un manque de vision et d’un manque d’ambition cruels. Cette inertie a aujourd’hui de lourdes conséquences sur le quotidien des Français. Elle va même à l’encontre des objectifs affichés d’amélioration du pouvoir d’achat ou de plein emploi.

Comme vous le rappelez, Madame la rapporteure, le manque de logements freine le développement économique des territoires et la création d’emplois. Dans les zones les plus tendues, et je peux en témoigner, des travailleurs et des fonctionnaires dorment dans leur voiture. Cette situation est intolérable en 2023. Si nous devons remédier aux difficultés des salariés à se loger, et je partage les alertes de mon collègue Martinet sur la difficulté d’une relation de subordination comprise dans le bail, il en va de même pour toute la population. Je pense notamment aux étudiants, dont 12 % abandonnent leurs études à cause de la crise, et plus largement aux personnes en situation difficile dont quatre millions souffrent du mal-logement.

Alors que le programme 135 consacre une large part de ses nouveaux crédits à la rénovation énergétique et à l’amélioration de la qualité de l’habitat, la création de nouveaux logements dans le parc social et privé est aussi indispensable et mériterait un signal fort. La commission Rebsamen pointait en 2021 la nécessité de créer 500 000 nouveaux logements par an ; en 2022, seulement 375 000 ont vu le jour. À ce titre et alors que 100 000 logements privés de moins devraient être produits en 2023 par rapport à 2017, nous proposerons plusieurs amendements dont un mécanisme d’aide à la primo-accession neuve à la propriété par une prise en charge d’une partie des intérêts du prêt immobilier.

Nous proposerons aussi le rétablissement de l’ « APL accession », et des crédits supplémentaires afin d’atteindre un objectif de production annuelle de 150 000 logements sociaux financés au moyen de prêts locatifs à usage social (PLUS) ou de prêts locatifs aidés d’intégration (PLAI) pour rattraper, sur la décennie à venir, les retards accumulés. Pour rappel, 2,4 millions de ménages sont encore sur liste d’attente pour un logement social. L’absence de volonté de l’État est à contre‑courant des demandes de nos concitoyens en matière de logement. Nous devons faire plus pour encourager la construction mais aussi pour soutenir le logement à vocation résidentielle. Je partage ainsi votre analyse concernant la croissance dangereuse des meublés de tourisme, face à laquelle une majorité de députés réclament une régulation, notamment à travers un amendement à la fiscalité locative. Mais le 49-3 étant passé par là, nous y reviendrons.

Dans ce contexte exceptionnel, le législateur doit orienter ses politiques publiques vers les besoins les plus urgents et ce n’est pas ceux du futur public des Jeux olympiques. Ce projet de loi de finances mérite des financements à la hauteur pour éloigner le risque de bombe sociale dont nous avons tous conscience. Le groupe Socialistes et apparentés ne votera donc pas les crédits de cette mission.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je ne peux que partager vos constats dans la mesure où nous avons beaucoup travaillé ensemble et que nos territoires présentent des similitudes. Nous voyons effectivement de plus en plus de salariés rencontrer des difficultés de logement. Vous avez insisté sur le besoin de construction supplémentaire, mais il nous faut également construire au bon endroit, tout en limitant l’artificialisation des sols. Nous faisons face à une grande complexité : il ne s’agit pas de construire dans des zones où n’existe aucun réel besoin de nouveaux logements… L’objectif est d’arriver à capter du foncier, et de revoir aussi les constructions existantes. La loi « Élan » du 23 novembre 2018 contenait des dispositions sur la division des logements qui n’ont pas été complètement mises en œuvre. La demande de logements est particulièrement forte pour les T1 et T2 et cette phase de réhabilitation du parc social pourrait être l’occasion de repenser l’aménagement des logements, ce qui nécessite une ingénierie quelque peu différente. Ce n’est pas possible partout mais nous réfléchissons à la question.

Nous réfléchissons aussi à la densification. Pourquoi ne pas bâtir à l’arrière d’un terrain sans avoir besoin d’un permis de construire, procédure lourde ? Cela permettrait de construire plus vite. Nous explorons donc diverses pistes.

Quant à l’allongement de la liste des demandeurs de logements sociaux, vous savez qu’il est dû en partie au fait que le parc privé n’est plus accessible à une certaine frange de la population en raison du niveau des loyers ou de la pénurie de logements sur le marché.

Mme Cyrielle Chatelain (Écolo-NUPES). Je ne reviendrai pas sur le constat déjà dressé par mes collègues d’une crise profonde du logement, tant en termes d’accessibilité que de maintien dans le logement compte tenu des conséquences de l’inflation sur le budget des ménages. En revanche, nous sommes divisés quant à la nature des réponses à apporter.

Tout d’abord, l’effort budgétaire de l’État s’est très clairement amoindri. Il n’a jamais été aussi bas. Il est passé de 2,2 % du PIB en 2010 à 1,5 % du PIB en 2021. Nous avons donc affaire à un désengagement sur une longue période qui aboutit aujourd’hui à une situation critique. Elle est critique car elle a commencé par toucher le logement social. Comme vous le savez, certains bailleurs sociaux sont confrontés à un effet ciseaux catastrophique : ils subissent la baisse des APL décidée lors du mandat dernier dans le cadre de la réduction de loyer de solidarité (RLS), une mesure qui leur coûte 1,3 milliard d’euros par an, et simultanément leur encours de dette a très fortement augmenté sous l’effet de la hausse du taux du Livret A. Cela affecte leur capacité à construire et leur capacité à rénover.

Vous avez donc fait des économies sur les plus pauvres et puis après, comme il fallait continuer à économiser, vous avez supprimé le dispositif Pinel et vous avez recentré le PTZ. Nous pourrions trouver un accord sur le Pinel. Le problème actuel est que nous avons affaire à une politique de réduction économique et je ne vois pas de politique du logement qui chercherait à massifier la rénovation ou à faire redémarrer la construction. Bien sûr, il faut densifier l’habitat là où c’est nécessaire. Mais comment densifier et construire des logements à des prix abordables pour les habitants ? J’ai bien compris que le logement était une manne d’économies budgétaires, mais aujourd’hui je n’ai pas de réelle vision sur la politique de l’État en faveur du logement.

Concernant la rénovation thermique, nous avons entendu des annonces positives – même si nous aurions préféré qu’elles aillent encore plus loin. 4,5 milliards d’euros ont été annoncés par la Première ministre mais pour l’instant, les autorisations d’engagement ne représentent que 3,7 milliards d’euros. On nous avait pourtant garanti que l’intégralité des fonds serait convertie en autorisations d’engagement. Les crédits de paiement eux-mêmes n’atteignent pas les 4,5 à 5 milliards d’euros annoncés. Nous aimerions comprendre d’où vient la différence.

Pour en revenir aux bailleurs sociaux, des annonces ont eu lieu quant au fait de débloquer 1,3 milliard d’euros sur trois ans pour la rénovation des logements sociaux. Cette somme fait-elle partie du « package » global qui avait été annoncé ? Elle est du reste inférieure au 1,5 milliard d’euros qui sont préconisés dans le rapport récemment rendu sur la rénovation thermique.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je vous rappelle que la volonté, à travers la réforme du financement du logement social menée en 2018 par le biais de la loi Élan et de la réduction de loyer de solidarité, était de pousser les bailleurs sociaux à se restructurer. Sur certains territoires, ils ont ainsi fusionné pour être plus efficaces. Sur mon territoire, cela a plutôt été une réussite, sans endommager les capacités financières des locataires, mais au contraire en les préservant.

J’ai eu peur que vous n’évoquiez pas les efforts déployés au sujet de « MaPrimeRenov’ ». Ils ne sont peut-être pas suffisants à vos yeux, mais nous avons tout de même triplé en cinq ans le budget lié à la rénovation. D’autres fonds sont également impliqués : le « fonds vert », un plan de rénovation énergétique sur trois ans doté de 1,2 milliard d’euros, la rénovation des bâtiments publics, etc. Tous ces programmes cumulés représentent un effort important.

M. David Taupiac (LIOT). La France s’enfonce dans la crise du logement. Ce constat n’est pas nouveau. Nous avons tous entendu les alertes des acteurs du secteur : celle des associations qui s’alarment du nombre toujours croissant de personnes sans domicile fixe (SDF), celle des bailleurs sociaux qui évoquent des listes d’attente à rallonge pour leurs logements, celle des promoteurs qui constatent l’effondrement des statistiques de construction. Mais le Gouvernement reste sourd. Il s’entête dans une politique qui fait du logement le premier contributeur à la réduction du déficit public.

Après avoir mis fin aux « APL accession » et porté atteinte au dispositif Pinel, il propose un recentrage du prêt à taux zéro. Vous me direz sans doute que le reclassement de 154 communes en zone tendue et la révision des barèmes et plafonds viennent tempérer cette mesure. C’est pour nous un semblant de compromis puisqu’il confirme l’exclusion de 93 % du territoire du dispositif pour le logement neuf.

Pas de changement de cap en vue non plus concernant le logement social. Après avoir acté une baisse de 5 euros des APL en 2018, vous avez demandé aux bailleurs sociaux d’amortir le coût de cette mauvaise décision pour les locataires, réduisant d’autant les loyers. Cette réduction de loyer de solidarité dit RLS pèse chaque année à hauteur de 1,3 milliard d’euros sur les finances des bailleurs sociaux et obère leur capacité d’investissement. Ce projet de loi de finances pour 2024 était l’occasion de revenir sur cette décision pernicieuse. Ce n’est malheureusement pas le choix qui a été fait.

On nous annonce deux projets de loi sur le logement : l’un avant la fin de l’année sur l’habitat insalubre, l’autre au printemps sur la décentralisation de la politique du logement. Sans présager de leur contenu, je peux d’ores et déjà dire qu’il est trop tard pour redresser la barre et que sans mesures financières, il y a peu de chances que cela suffise à remettre à flot un secteur en déclin.

Concernant l’hébergement, nous nous associons à la déception des associations. Les 29 millions d’euros supplémentaires par an ne suffiront pas à faire face à la paupérisation croissante et au plus de 330 000 personnes qui restent sans domicile.

Que dire enfin de la politique de la ville ? Alors que les émeutes de juin dernier appelaient une réponse politique forte, ce projet de loi de finances ne met aucune solution sur la table. Une augmentation des crédits affectés à la rénovation urbaine ne peut pas être la seule réaction face aux mal-être des quartiers prioritaires. Certains sujets ne peuvent plus attendre, au premier rang desquels la réforme du zonage des quartiers prioritaires de la politique de la ville.

En l’état, ce projet de loi ne nous semble pas en mesure de créer les points nécessaires pour réduire les fractures qui minent nos territoires et de redonner tout son sens au mot de cohésion.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je ne dirai pas qu’il est trop tard. Les maires et responsables de collectivités que je rencontre fréquemment ne se contenteraient pas d’un discours disant : « Oui, c’est trop tard, on arrête là. » Je n’arrêterai pas de vouloir progresser et je suis de ceux qui pensent qu’il n’est pas trop tard. Il va falloir effectivement s’attacher à mener des politiques de décentralisation, car la dynamique du logement est différente d’un territoire à l’autre. Nous attendons tous cette politique de décentralisation et il faudra prévoir les moyens pour nous adapter à nos territoires. Et je sais combien vous êtes attaché au vôtre.

Nous allons devoir construire des logements là où nous en avons réellement besoin et pas forcément de façon éparse. Nous avons mis fin au Pinel parce que les logements n’étaient pas construits là où se situait la demande. Il ne répondait donc pas aux besoins des citoyens. C’était juste un outil de défiscalisation.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en avons terminé pour les orateurs de groupe. Nous passons aux interventions des députés.

M. Aurélien Lopez-Liguori. Dans ma circonscription se trouve la ville où j’habite, Sète, une ville touristique en zone tendue qui compte un nombre alarmant d’annonces Airbnb (42 pour 1 000 habitants), un chiffre qui ne cesse d’augmenter d’année en année. Le résultat est dramatique : depuis cinq ans, les prix de l’immobilier à Sète ont bondi de 19 %, les jeunes ménages sétois ne peuvent plus se loger dans leur propre ville. Ils sont obligés d’aller chercher ailleurs un toit qui ne leur coûterait pas une fortune. Comme si ce n’était pas suffisant, ces plateformes ne paient quasiment pas d’impôts dans notre pays, et donc en plus de vampiriser nos économies locales, Airbnb ne contribue en rien ou presque à l’économie nationale.

Madame la rapporteure, des villes se meurent. L’accès au logement est un parcours du combattant dans des villes comme Sète. Vous évoquez rapidement ce sujet dans votre rapport mais que préconisez-vous ? Des règles existent aujourd’hui pour les zones tendues mais de nombreux maires refusent de les appliquer, considérant que ces mesures sont trop coercitives pour les bailleurs. Est-ce que vous avez des pistes de réflexion ?

M. William Martinet. Je me permets d’insister sur une question qu’a posée ma collègue Cyrielle Chatelain et à laquelle Mme la rapporteure n’a pas eu le temps de répondre. Le ministre chargé du logement a annoncé, lors du congrès HLM, 400 millions d’euros par an pour le financement de la rénovation thermique des logements. Il se murmure – nous n’avons pas d’informations fiables – que ces 400 millions d’euros par an à destination des organismes HLM sont en fait prélevés sur l’enveloppe de 1,6 milliard d’euros qui avaient été attribués à MaPrimeRenov’. Est-ce que cette rumeur qui circule est vraie ? Cela voudrait dire que ces 400 millions d’euros annoncés pour le logement social ne seraient pas un réel investissement mais qu’en réalité le Gouvernement aurait décidé de déshabiller Pierre pour habiller Paul.

M. Inaki Echaniz. J’aimerais rebondir sur les propos de notre collègue RN qui me laissent dans l’incompréhension. Il semble découvrir aujourd’hui la difficulté que nous pose Airbnb, sachant que nous proposions un amendement qui était porté par de nombreux groupes pour agir sur la fiscalité trop avantageuse des locations de courte durée et pour inciter à la location de longue durée. Mais ses collègues commissaires des finances de son groupe n’ont pas voté cet amendement. Ils n’ont pas permis qu’il soit adopté par la commission des finances. Posez donc d’abord la question à vos collègues de votre groupe au sein de cette commission qui ont fait obstacle à la régulation d’Airbnb avant de venir nous donner des leçons !

M. Frédéric Falcon. Cette fiscalité est extrêmement sensible. Si vous touchez à la fiscalité qui concerne Airbnb, vous touchez aussi à celle des résidences services pour les seniors et pour les étudiants. Si Airbnb pose un réel problème dans notre pays, nous ne souhaitons pas que l’équilibre d’autres pans de l’économie soit affecté par une mesure dirigée contre cette plate-forme.

Mme Virginie Duby-Muller. Madame la rapporteure, merci pour votre travail qui met en exergue les crédits visant à favoriser l’accès au logement pour nos compatriotes. Notre pays fait face à une crise du logement, une réalité que nous vivons très concrètement en Haute-Savoie. Frontalière avec la Suisse, ma circonscription est voisine de l’agglomération genevoise et nous disposons de nombreuses opportunités économiques d’attractivité en termes d’emploi. Cela a cependant aussi un coût, la vie est plus chère qu’ailleurs et se loger est une véritable difficulté. On recense plus de 27 000 personnes en attente d’un logement social en Haute‑Savoie. Cette situation est particulièrement palpable pour les fonctionnaires. Le ministre Stanislas Guerini est récemment venu en Haute-Savoie pour annoncer la création d’une prime de vie chère. Cette mesure est bien évidemment un élément positif. Plus de 30 000 agents seraient concernés dans mon département. Le député David Amiel anime une mission qui concerne tout particulièrement les zones urbaines mais est-il prévu de s’intéresser aussi aux zones frontalières, qui présentent des spécificités ?

M. Antoine Armand. Notre commission se veut animée par une volonté transpartisane. Le Groupe Renaissance souhaite avancer sur la fiscalité des meublés de tourisme. Madame Duby-Muller, je salue à nouveau le travail que vous avez réalisé en tant que députée d’Annecy et en tant que députée d’un territoire en zone tendue. Il est indispensable que nous trouvions un équilibre entre le pouvoir d’achat et la philosophie initiale d’Airbnb – sans la stigmatiser comme d’autres ont pu le faire. Nous devons être simultanément capables de mener une politique d’aménagement du territoire qui donne aux élus locaux qui le souhaitent – comme les élus de Saint-Malo, Annecy, Nice – les moyens pour avancer concrètement en matière fiscale mais aussi en matière de régulation de ces plateformes et de ces logements.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur.  Monsieur Martinet et Madame la présidente Chatelain, je n’ai pas la réponse à votre question. J’espère comme vous qu’il s’agit de crédits supplémentaires et non pas de crédits réaffectés. Je vais me renseigner. J’espère aussi que cette somme n’est pas ponctionnée sur « MaPrimeRénov’ ».

Un précédent rapport, que j’ai réalisé avec Vincent Rolland sur la cherté du logement en zone tendue, montrait aussi les problématiques des zones frontalières et des zones de montagne. Il mettait en évidence les difficultés que Mme Duby-Muller a relatées : des difficultés de logement pour les habitants, certains vivant dans leur voiture. Avec Inaki Echaniz, nous avons imaginé une proposition de loi que nous souhaitons voir accompagnée d’un amendement fiscal dans le présent PLF.

Nous savons que la fiscalité n’est pas la seule solution et que nous avons notamment besoin de fournir des outils aux collectivités locales. Seules les communes de plus de 200 000 habitants jouissaient jusqu’à présent d’une certaine autonomie, garantie par des outils de changement d’usage, et pourquoi pas des outils de compensation : nous voudrions que tous les maires puissent en bénéficier. Nous sommes à l’écoute de vos propositions d’outils qui vous sembleraient utiles. Nous réfléchissons aussi à des outils permettant de déterminer des zones de résidence principale dans les documents d’urbanisme.

Nous espérons que vous nous soutiendrez cette fois-ci dans cette démarche, car nous pensons que nous n’aiderons pas nos collectivités locales à lutter contre ce phénomène d’attrition uniquement avec des mesures fiscales. Ce phénomène fait que des logements qui seraient occupables à l’année ne sont occupés qu’une partie de l’année. Cela crée des « lits froids » sur nos territoires et cela génère une forte tension entre les citoyens. Par exemple, chez moi, en Bretagne, des maisons du territoire sont taguées et des voitures sont rayées car des citoyens n’arrivent plus à se loger.

Les zones frontalières sont assez particulières. Les habitants obtiennent parfois des revenus plus importants en passant la frontière. Nous avons toujours eu une attention particulière pour ces régions lors de nos travaux.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je profite de l’occasion pour renouveler mon soutien aux travaux que vous aviez réalisés à l’époque avec Vincent Rolland. Je soutiens entièrement la proposition de loi transpartisane que vous avez déposée, Madame la rapporteure et Monsieur Echaniz. Cette proposition a recueilli l’assentiment majoritaire de notre bureau pour être considérée comme étant transpartisane. J’ai porté le message auprès de la Présidente de l’Assemblée en Conférence des présidents. Je compte sur Mme la présidente Chatelain et sur tous les présidents de groupe pour porter cette proposition de loi visant à un rééquilibrage entre le meublé touristique et le meublé traditionnel. J’avais déjà porté le message une première fois en Conférence des présidents, mais malheureusement, d’autres priorités avaient été retenues. Une nouvelle discussion aura lieu bientôt et j’espère que nous pourrons tomber d’accord pour que ce dossier soit en haut de la pile. J’ai réécrit à la Présidente de notre Assemblée la semaine dernière pour lui redire qu’il s’agissait d’un projet transpartisan et qu’il fallait étudier ce texte.

Mme Cyrielle Chatelain. Nous avions soutenu l’inscription à l’ordre du jour de cette proposition de loi. Nous le referons. Si nous avons des désaccords sur de nombreux sujets, sur celui-ci ce n’est pas le cas. Je vous avais remerciés pour votre initiative.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je vous propose d’entamer à présent l’examen des crédits alloués à la mission « Cohésion des territoires ». Nous sommes saisis de 46 amendements de crédits se rattachant au logement et à l’urbanisme.

 

La commission examine l’amendement CE164 de M. Inaki Echaniz et les amendements identiques CE186 de M. William Martinet et CE233 de M. Inaki Echaniz.

M. Inaki Echaniz. Cet amendement vise à mettre en œuvre un plan de relance du logement locatif en fléchant le 1,3 milliard d’euros d’économies qu’a réalisées le Gouvernement sur le dos des bailleurs sociaux et de leurs locataires via la réduction de loyer de solidarité (RLS). Cette mesure serait destinée à financer la production de nouveaux logements sociaux. Depuis 2018, environ 6 milliards d’euros ont été économisés. Je ne reviendrai pas sur les objectifs de construction qui n’ont pas été atteints.

Pour répondre à Mme la rapporteure qui faisait état du besoin de construire au bon endroit, je citerai l’exemple de ma commune. Je travaille sur la construction de nouveaux logements sociaux parce que nous en avons besoin. Nous avons reçu un certain nombre de bailleurs sociaux qui sont intéressés par les propositions. Il ne s’agit pas d’augmenter l’artificialisation des sols mais d’exploiter des biens en rénovation ou en friche. Les bailleurs sociaux manquent malheureusement de moyens pour investir, notamment dans les milieux ruraux. Afin de retrouver le niveau de production de logements sociaux antérieur et conforme aux objectifs que le Gouvernement s’est lui-même fixés, de 125 000 logements sociaux par an, et afin de permettre aux bailleurs sociaux de s’implanter sur tous les territoires, notre groupe propose plusieurs mesures de soutien, dont le retour d’un taux de TVA réduit à 5,5 % pour l’ensemble des opérations relevant du logement social et la présente mesure de fléchage du montant budgétaire correspondant à l’économie générée par la RLS.

Ce mécanisme de soutien en financement des projets de production de logements neufs par les bailleurs sociaux pourrait être conditionné, dans le cadre de conventions, au respect d’objectifs en matière de typologie et de catégorie de logement. La Fondation Abbé Pierre rappelle que le financement des PLS a triplé depuis 2001 alors que celui des logements en PLUS ou en PLAI n’a augmenté que de 50 %. Dans les zones les plus tendues, ces logements demeurent inaccessibles à la majorité des demandeurs. Si depuis 2021, cette production s’est rééquilibrée, seulement 32 % des logements sociaux produits sont financés en PLAI alors que 70 % des demandeurs y sont éligibles. Il est donc nécessaire de réadapter le dispositif.

M. William Martinet. Dans la continuité de celui de mon collègue Echaniz, cet amendement propose l’affectation d’un milliard d’euros à un plan de relance de la production de logements sociaux. La production de logements sociaux s’est absolument effondrée. Nous avons malheureusement atteint un plus-bas historique. C’est dramatique pour les demandeurs. Nous avons dépassé les deux millions de demandeurs d’un logement social, et certains attendent depuis des années qu’un logement leur soit attribué malgré la gravité et la précarité de leur situation.

Si on ne construit plus de logement social, on peut en imputer la faute au Livret A, à l’augmentation des prix des matières premières mais si ces phénomènes y contribuent certainement, la responsabilité portée par la politique du logement telle qu’elle est menée depuis 2017 mérite aussi d’être pointée. C’est en réalité d’une politique anti logement social qu’il s’agit de la part d’Emmanuel Macron. On peut citer la RLS, la hausse de la TVA, l’arrêt du financement de l’aide à la pierre par l’État. Toutes ces coupes budgétaires ont fragilisé les bailleurs sociaux, ce qui explique la situation actuelle.

En termes de production, les associations, dont la Fondation Abbé Pierre, estiment que nous aurions besoin de construire environ 150 000 logements sociaux par an. Le Gouvernement lui-même s’est fixé il y a deux ans un objectif de 120 000 constructions par an. Malheureusement, cette année, nous serons probablement en dessous de 90 000. C’est pour dire la gravité de la situation. D’ailleurs, aujourd’hui, le Gouvernement n’annonce plus d’objectifs de construction. Il est en train de préparer un message selon lequel il ne serait finalement peut-être plus souhaitable de construire autant de logements. On voit bien que c’est une excuse pour masquer l’échec de sa politique.

Avec cet amendement, nous vous proposons d’inverser la tendance. Il faut investir pour produire du logement social et dans cette période de crise, ce serait une action contracyclique tout à fait bienvenue.

M. Inaki Echaniz. Il s’agit de mener des politiques de relance en fléchant ces financements. Cela permettrait de redynamiser la production de logements sociaux, de rééquilibrer la composition du parc au regard du profil des demandeurs tout en soutenant l’activité économique du secteur du BTP. Nous connaissons tous les risques de licenciements dans ce secteur alors que votre Gouvernement veut tendre vers le plein emploi. En outre, ce dispositif permettrait de minorer sensiblement le coût net pour les comptes publics. Il s’agit d’une dépense en tout état de cause plus en phase avec les attentes des Français. L’urgence sociale appelle la remise en cause des cadeaux fiscaux octroyés à Airbnb, notamment l’exonération de la TVA et des mesures fiscales. Nous appelons le Gouvernement à lever le gage sur les coûts qu’engendrerait ce fléchage.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. J’émettrai un avis défavorable même si je suis consciente de l’issue du vote, vu la mobilisation de cet après-midi… Vous avez pointé la nécessité d’accompagner les bailleurs sociaux, afin que leurs moyens de financement soient sécurisés. Cela nous semble évident. J’aimerais rappeler ce qui a été fait en la matière, dans la mesure où vous avez surtout insisté sur les mesures qui vous semblaient dommageables.

Des moyens importants ont été déployés pour accompagner les bailleurs sociaux. Dans le présent PLF, environ 3 milliards d’euros de dépenses fiscales sont consacrés à la politique de soutien du logement social, dont environ 0,9 milliard d’euros à l’exonération d’impôt des sociétés et environ 2 milliards d’euros par l’application de taux réduit de TVA de 5,5 et 10 %. Des exonérations diverses de taxe foncière sur les propriétés bâties qui bénéficient aux bailleurs sociaux sont également prévues, pour un milliard d’euros en 2022. En complément de ces dépenses fiscales, dont le montant global avoisine les 4 milliards d’euros, des dépenses budgétaires conséquentes sont également prévues avec notamment une enveloppe spécifique de 187 millions d’euros pour les opérations de rénovation lourde des logements sociaux. Le PLF prévoit également une exonération des taxes foncières et équivalentes à celles qui existent en faveur de la construction neuve dans le cadre d’un dispositif fiscal dit « seconde vie » pour les opérations de requalification globale et performante dans le parc social.

Toutes ces mesures représentent un apport financier très important au logement social, ce qui montre que le sujet ne se réduit pas uniquement à la RLS. Plusieurs mesures cumulées apportent également des ressources aux bailleurs sociaux. J’entends que vous estimiez que nous aurions besoin de mobiliser un milliard d’euros mais pour l’instant, en avons-nous réellement les moyens ?

M. William Martinet (LFI, NUPES). Vous avez essayé, et c’est de bonne guerre, de citer toutes les initiatives que vous considériez comme favorables de la part du Gouvernement à destination du logement social. Je vous propose de choisir un arbitre. Nous avons énoncé toutes les coupes budgétaires qui ont été réalisées, vous avez cité des mesures favorables, et la Banque des territoires pourra jouer le rôle d’arbitre. Elle a réalisé une étude qui prenait en compte le modèle économique des bailleurs sociaux. Elle a estimé combien de logements pourront être produits et combien pourront être rénovés. La Banque des territoires en conclut qu’avec ce modèle économique, nous pourrons au mieux produire 80 000 logements sociaux par an et rénover 60 000 logements sociaux par an. Cela ne répond pas aux besoins sociaux ni aux besoins écologiques.

 

L’amendement CE164 étant adopté, il fait tomber les deux autres amendements dans la discussion commune.

 

La commission examine l’amendement CE197 de M. William Martinet.

 

M. William Martinet. Dans la liste des mauvais coups du Gouvernement à destination du logement social, il y a le fait que l’État ne finance plus directement le Fonds national d’aide à la pierre (Fnap). Il n’accorde plus que des aides indirectes à travers certaines réductions fiscales et un taux favorable du Livret A. La seule somme versée récemment au Fnap a été ponctionnée sur Action Logement. C’est une stratégie devenue habituelle de la part du Gouvernement : lorsqu’il ne souhaite pas déployer des moyens, il va les récupérer chez les autres. En l’occurrence, Action Logement en a fait les frais ces dernières années.

Le problème est que ponctionner Action Logement n’est pas une solution pérenne et à l’horizon 2025, le Fnap ne recevra plus aucun financement national. Nous proposons, plutôt que de ponctionner je ne sais quel organisme, que l’État assume ses responsabilités et alimente le Fonds national d’aide à la pierre à hauteur de 300 millions d’euros par an.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je pense qu’avec l’amendement précédent, nous avons répondu en partie à votre demande. Les fonds sont déjà élevés et il ne nous semble pas opportun d’abonder encore davantage en faveur du Fnap. Avis défavorable.

 

L’amendement CE197 est adopté.

 

La commission examine l’amendement CE218 de M. Inaki Echaniz.

 

M. Inaki Echaniz. Il va falloir sortir le carnet de chèques… Cet amendement est proposé par la Fédération des acteurs de solidarité. Il vise à favoriser la production de 60 000 logements sociaux financés en prêt locatif aidé d’intégration (PLAI) en augmentant de 20 % le montant moyen de subvention apporté par l’État pour contribuer à l’équilibrage des opérations et au maintien de loyers accessibles au plus grand nombre et aux demandeurs les plus modestes.

La crise économique dans laquelle la France se trouve depuis plusieurs années s’est accompagnée d’une crise d’envergure du logement qui affecte l’accès au logement des ménages et particulièrement des plus précaires, ce qui fait peser une tension sur le parc d’hébergement. Cette situation s’explique notamment par la réduction de l’offre de logements sociaux, par une rotation en baisse dans les logements mais également par une augmentation significative de la demande de logement social, qui a progressé deux fois plus vite que le nombre de logements sociaux.

Les mesures successives décidées par le Gouvernement afin d’agir sur la crise du logement demeurent insuffisantes. Ainsi au regard du contexte, il apparaît nécessaire d’amplifier la dynamique de production de nouveaux logements en réalisant un effort particulier sur les logements les plus sociaux. En ce sens, la Fédération des acteurs de solidarité se joint aux autres organisations afin de demander le retour de la participation de l’État au Fnap. Cette participation pourrait être attribuée en premier lieu au PLAI, un mode de financement des logements locatifs très sociaux, et pourrait également améliorer les modalités de financement des opérations en PLAI adapté.

Par ailleurs, face au renchérissement sensible sur le coût des projets, il serait nécessaire d’augmenter le montant des subventions par logement pour équilibrer les opérations notamment en zone tendue. Une augmentation des aides à la pierre qui s’accompagne d’une augmentation concomitante des objectifs de production sans augmentation de la subvention par logement ne permettrait pas de faire décoller la production de logements locatifs très sociaux.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je vais employer des arguments analogues à ceux que j’ai déjà utilisés. Nous estimons qu’il n’est pas opportun d’abonder encore plus ce type de dispositif, qui est déjà conséquent et suffisamment doté à nos yeux au regard des moyens actuels de l’État. J’émets donc un avis défavorable.

M. William Martinet. Monsieur le président, je vois bien votre tentation de nous faire passer pour des irresponsables du point de vue budgétaire, qui feraient pleuvoir les milliards d’euros sur le logement social. Je vous vois avec votre calculette…

Je souhaite apporter un argument qui me paraît sérieux. Aujourd’hui, les dépenses publiques consacrées au logement représentent 1,5 % du PIB. Ce taux n’a jamais été aussi bas depuis les années 1970. Pourquoi ? Du fait de la politique d’Emmanuel Macron, une politique d’austérité, de coupes budgétaires, contre le logement social en particulier et contre le logement en général. Si nous votons donc l’attribution d’un milliard d’euros au logement social et j’espère bientôt un autre milliard pour les résidences Crous et quelques milliards pour la rénovation énergétique des logements, nous ne faisons que rééquilibrer la politique d’austérité que vous avez menée ces dernières années.

M. le président Guillaume Kasbarian. Je vais effectivement compter tous les milliards qui vont être votés cet après-midi. Je vous donnerai la somme tout à l’heure. Je ne doute pas qu’elle sera très élevée. Je trouve assez savoureux de parler d’austérité alors que le déficit budgétaire atteint 4,5 %, que nous avons 3 013 milliards d’euros de dette publique, et que nous n’avons pas connu de budget excédentaire en France depuis 1974, tandis que certains pays européens ne se contentent pas de réduire leur déficit mais redeviennent même excédentaires. Ce ne sont d’ailleurs pas des pays considérés comme ultra-libéraux.

J’évoquerai par exemple le Portugal, l’Irlande ou encore le Danemark. Je veux bien passer pour le pire des thatchériens, le pire des reaganiens, le pire des extrêmes libéraux. Appelez-moi comme vous le voudrez, mais je trouve savoureux de me coller l’étiquette de Père la rigueur dans un contexte où la France continue à être en déficit, et en réalité dépense chaque année plus pour les Français que ce qu’elle récolte à travers les recettes fiscales. Et donc oui, je continuerai à compter les milliards qui partent et je continuerai à défendre ce que je crois être juste, c’est-à‑dire un minimum de sérieux budgétaire. Oui, l’objectif est de réduire l’endettement et le déficit. Nous avons le droit de ne pas être d’accord. D’aucuns considèrent que le déficit et la dette ne sont pas graves, ou que les déficits peuvent être comblés en multipliant les surtaxations. Je continuerai à afficher un discours selon lequel nous ne pouvons pas lâcher milliard après milliard. Mais nous ne sommes pas pour autant en situation d’austérité : si nous l’étions, nous serions en excédent budgétaire, comme d’autres pays européens.

M. Antoine Armand. À force d’employer des mots-valises, on en perd le sens des propos. Je rappelle que ce programme voit ses crédits augmentés de presque 10 %. J’ignore comment vous définissez l’austérité, mais je souligne qu’une progression de 10 % des dépenses, dans la plupart des contextes macroéconomiques de n’importe quel pays du monde, représente une très forte augmentation. Vous pouvez juger qu’elle est insuffisante, mais quand vous dites que nous pratiquons une politique d’austérité, vous troublez la sincérité de nos débats. Vous donnez l’impression que nous appliquons une politique avec un signe « moins » alors que nous appliquons une politique avec un signe « plus ». Vous pouvez à nouveau la juger insuffisante, mais quand vous troublez la sincérité du débat, il devient difficile d’avancer.

Je me permettrai également de souligner que si le taux des dépenses publiques en faveur du logement est tel que vous l’avez indiqué (1,5 % du PIB), ce taux reste parmi les plus élevés au sein de l’OCDE. Peut-être avez-vous un référentiel différent et où l’austérité économique est définie autrement, mais vous ne servez pas le débat ni votre propre cause en déformant la réalité.

 

L’amendement CE218 est adopté.

La commission, suivant l’avis de la rapporteure, rejette ensuite l’amendement CE172 de Mme Anaïs Sabatini.

 

La commission aborde l’examen, en discussion commune, des amendements identiques CE187 de M. François Piquemal et CE234 de M. Inaki Echaniz, et de l’amendement CE177 de Mme Anaïs Sabatini.

 

M. François Piquemal. 60 %, c’est la part de leur budget que les étudiants consacrent à leur logement. Notre pays compte plus de 2,7 millions d’étudiants aujourd’hui. Il y en avait environ 300 000 dans les années 1960. Cette augmentation est liée à la hausse démographique de notre pays. On aurait pu s’attendre dès lors à voir le nombre de logements étudiants progresser dans la même mesure étant donné qu’aujourd’hui, 700 000 étudiants sont boursiers. Or, en 2017, seulement 7 000 logements étudiants ont été produits et, en 2022, on n’en compte plus que 2 990. La courbe est donc inversée par rapport à la démographie. Aussi, il nous semble important de réinvestir massivement dans le logement étudiant, d’autant plus que sur le marché privé, les loyers augmentent, et que la saturation du parc HLM dont nous venons de parler est une réalité.

Cet amendement vise à permettre la création de 15 000 logements étudiants entre 2024 et 2028.

M. Inaki Echaniz. La crise du logement frappe de plein fouet les étudiants, qui sont les premiers à subir la disparition de logements dans le parc privé et qui sont également confrontés au manque cruel de places en Crous. Je rappellerai la promesse du candidat Macron en 2017, qui était de construire 60 000 logements avant 2022. Le compte n’y est pas aujourd’hui et c’est pour cela que nous demandons de mobiliser ces milliards-là pour atteindre vos propres objectifs. Nous vous rendons donc « service » en quelque sorte.

Pour faire suite aux propos de notre président, je vous invite aussi à calculer le nombre de milliards d’exonérations d’impôts et de réduction d’impôts que nous accordons au plus riches. Ce sont quelque 57 milliards d’euros que nous offrons aux plus riches de notre pays. Nous ne considérons donc pas qu’il soit excessif de reverser quelques-uns de ces milliards pour le logement social et pour le logement en général.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous verrons ce que « quelques‑uns » veut dire tout à l’heure !

M. Inaki Echaniz. Je suis sûr que nous n’arriverons pas à 57 !

M. le président Guillaume Kasbarian. Tout est possible…

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Sans vouloir minorer les besoins, je rappelle que, dans la continuité du plan « 40 000 logements étudiants » porté par la majorité précédente de 2012 à 2017, notre majorité a lancé, en 2018, un plan pour la création de 60 000 logements étudiants. Plus de 30 000 ont été réalisés à ce jour avec un ralentissement notable pendant la crise sanitaire. Simultanément, une rénovation massive du parc des quelque 175 000 logements du Crous a été menée, concernant l’écrasante majorité du parc. 4 000 rénovations sont en cours avec 8 000 rénovations supplémentaires prévues d’ici 2027. Enfin les loyers des Crous sont gelés depuis quatre ans et nous avons aussi augmenté les APL pour suivre l’inflation et gelé les droits d’inscription et de restauration à titre de complément au pouvoir d’achat.

Pour amplifier la création de logements, des mesures nouvelles ont été mises en œuvre, notamment sur la base du rapport que notre commission a consacré à cette question en 2021. Une expérimentation est par exemple menée pour permettre l’ouverture au financement en PLAI en Île-de-France, là où se situe une grande partie des besoins. Par ailleurs le ministère chargé de l’enseignement supérieur mène actuellement une mission sur l’activation du patrimoine universitaire.

Ces mesures démontrent notre engagement visant à permettre aux étudiants de se loger dans de bonnes conditions. J’émets donc un avis défavorable aux propositions budgétaires que vous présentez.

M. Antoine Armand. Pour rejoindre les propos de Madame la rapporteure, et sans minimiser la situation et la détresse même de nombreux étudiants sur notre territoire, il ne faudrait pas donner l’impression, par un misérabilisme assez déplacé, que cette majorité n’a pas fait avancer les sujets de précarité étudiante et n’a pas accompagné les étudiants. Je pense notamment aux repas à un euro dans les Crous et à la réforme des bourses. Voilà trente à quarante ans que les majorités successives parlaient de réformer le système des bourses, perçu comme complexe et peu transparent. La réforme prévue sera accompagnée de moyens qui permettront d’augmenter sensiblement les bourses pour les étudiants les plus précaires. C’est une des solutions. Et donc plutôt que de vouloir traiter la problématique uniquement par le prisme de la construction de logements qui seraient spécifiquement accordés aux étudiants, nous avons intérêt à considérer le sujet dans sa globalité et de reconnaître en toute honnêteté les progrès qui ont été accomplis et les euros qui restent dans la poche des étudiants, dont nous reconnaissons aussi les difficultés actuelles.

 

Les amendements identiques CE187 et CE234 sont adoptés, faisant tomber l’amendement CE177.

 

La commission examine l’amendement CE163 de M. Inaki Echaniz.

 

M. Inaki Echaniz. Cet amendement vise à rétablir une aide aux maires bâtisseurs dotée de 175 millions d’euros de crédits, soit le même montant que le dispositif d’aide à la relance de la construction durable qui était prévu dans France Relance.

S’il est un domaine où l’échec de la politique d’Emmanuel Macron et de sa majorité est patent, c’est celui du logement. D’août 2022 à juillet 2023, 397 600 logements ont été autorisés à la construction soit 117 300 de moins que lors des douze mois précédents et 13,6 % de moins qu’au cours des douze mois précédant la pandémie de covid-19. Entre le troisième trimestre 2022 et troisième trimestre 2023, les ventes de logements neufs aux particuliers chutent de 44 %. Ce sont ainsi au moins 100 000 logements privés de moins qui devraient être produits en 2023 par rapport à 2017, une catastrophe pour les accédants, les locataires, les acteurs économiques du secteur et l’emploi. Près de 30 000 emplois pour être détruits en 2024 dans le BTP la promotion immobilière.

Parmi les mesures de relance du logement préconisées par notre groupe le présent amendement propose le retour de cette prime aux maires bâtisseurs, permettant le versement d’une aide aux communes à hauteur de 5 000 euros par logement autorisé à la construction au-delà de la moyenne des logements autorisés sur la période triennale précédente. Cette aide serait réservée aux logements qui ne sont pas construits en artificialisation – et donc, pour vous faire plaisir, Madame la rapporteure, en cohérence avec les objectifs du ZAN – et les communes carencées au regard de la loi Solidarité et renouvellement urbain (SRU) en seraient exclues à l’exception de celles ayant conclu un contrat de mixité sociale.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je vous remercie de saluer l’efficacité de dispositif que nous avons mis en place pendant la crise sanitaire. Une aide conjoncturelle avait été déployée dans le cadre de la réponse à cette crise. Cette aide a été effectivement salutaire pour la bonne santé du secteur.

Votre argumentaire me semble participer d’un d’esprit axé sur la création massive de logements avec des objectifs purement quantitatifs, réaliser 500 000 logements par an, sans prendre en compte des considérations de qualité, de localisation ou d’acceptabilité environnementale. C’est ce genre de politique du chiffre qui a engendré la mise sous perfusion du secteur du logement depuis les années 1980. La majorité socialiste que vous citez en exemple a surtout vu la création de beaucoup de logements Pinel en zone non tendue où il n’y avait pas de besoin.

L’aide aux maires bâtisseurs – je vous remercie d’en saluer l’utilité – a été rendue nécessaire pour réveiller un secteur très fortement atteint par l’arrêt de la construction du fait de la crise sanitaire de 2020. Une telle subvention sur du long terme n’est pas justifiée dans cette période. J’émets donc un avis défavorable.

Mme Cyrielle Chatelain. La construction s’effondre et les acteurs du logement nous réclament donc des objectifs plus ambitieux de réalisation de logements. Telle est la motivation de cet amendement.

Bien évidemment, nous devons garder à l’esprit la qualité des logements. Cela doit être examiné au niveau des territoires avec les schémas de cohérence territoriale (SCoT), les plans locaux d’urbanisme (PLU) et les plans locaux d’urbanisme intercommunaux (PLUi). Il s’agit alors de prendre en compte la non‑artificialisation des sols, la qualité des logements, leur hauteur, l’imperméabilité des sols, etc. Nous pouvons donc afficher des objectifs quantitatifs forts qui seraient inscrits dans les documents d’urbanisme tout en menant un accompagnement sur la qualité et en préservant les zones naturelles et agricoles.

 

L’amendement CE163 est adopté, et la commission entame l’examen de l’amendement CE165 de M. Inaki Echaniz.

 

M. Inaki Echaniz. Le présent amendement vise à apporter une double réponse à la crise de la production de logements et à la difficulté accrue d’accès à la propriété des primo-accédants, en créant une aide à la primo-accession neuve à la propriété. Il propose donc un mécanisme d’aide qui prendrait la forme d’une prise en charge des intérêts du prêt immobilier à la hauteur de 200 points de base sur les 100 000 premiers euros empruntés sur la base d’un emprunt de vingt ans au taux moyen du marché à la date de dépôt de cet amendement, soit 4,37 %. Le bénéfice du dispositif abaisserait ce taux à 2,37 %, ce qui permettrait de faire passer le coût total du prêt, sur cette tranche, de 51 000 euros à 32 000, soit un gain de 19 000 euros et une réduction de la mensualité afférente de 654 à 552 euros, soit un gain mensuel de 102 euros.

Outre le gain de pouvoir d’achat permis par un tel dispositif, celui-ci permettra à des dossiers qui sont au-dessus de la limite du plafond de taux d’endettement de redevenir finançables, libérant nombre de ménages de la classe moyenne de la situation parfois humiliante qu’ils subissent aujourd’hui face au refus de leur banque.

Avec l’ambition de financer 100 000 logements afin de revenir au niveau des productions de logement privé de 2016, le coût du dispositif serait donc de 1,9 milliard d’euros. Si nous étions dans une configuration habituelle de la commission, je vous dirais qu’il est raisonnable et que vous pouviez le soutenir, mais vu que nous allons gagner une nouvelle fois le scrutin je m’arrêterai là…

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je répète le montant des crédits concernés : 1,9 milliard d’euros. Je vous rappelle que nous avons agi de façon décisive au niveau du PTZ, notamment pour élargir le nombre de bénéficiaires sans pour autant contribuer à une artificialisation des sols.

Ainsi, le PTZ fait l’objet de plusieurs élargissements dans ce PLF : 209 communes en zone tendue supplémentaires sont ajoutées à ce périmètre, les plafonds de ressources pour l’éligibilité vont être augmentés, une nouvelle catégorie de ménages devient éligible avec des revenus nets inférieurs à 30 000 ou à 50 000 euros selon les zones. La prise en charge peut atteindre jusqu’à 50 % de l’achat plutôt que les 40 % précédemment, et cela grâce à un amendement de notre collègue Lionel Causse adopté en commission des finances, qui avait reçu un avis favorable. Le PTZ dit « vente HLM » est doublé, passant de 10 % à 20 % de l’achat. Le PTZ est maintenu sur l’ensemble du territoire pour les opérations d’accession sociale à la propriété. Je considère que c’est un double effort important en faveur de la primo-accession à la propriété et j’émettrai donc un avis défavorable à cet amendement de 1,9 milliard d’euros.

M. Antoine Armand. Je pense que le désemparement des oppositions face à ces amendements votés est assez évocateur. Au fond vous vous fichez pas mal de la cohérence entre les amendements qui sont adoptés : un fonds d’aide à la pierre renforcé, une aide aux maires bâtisseurs, une ligne spécifique pour les logements étudiants, une autre sur les taux d’intérêt réduits. On pourrait se demander quelle est la vision sous-jacente globale et quelle politique vous porteriez. D’une certaine manière, c’est comme si vous aviez compté sur la responsabilité de la majorité pour ne vous accorder qu’un seul de vos amendements, les uns et les autres formant ensemble plutôt un embrouillamini de mesures très dispendieuses mais pas forcément coordonnées.

M. Inaki Echaniz. Je précise que cette mesure est deux fois moins chère et mieux ciblée que le Pinel. Je ne vois donc pas de raison de s’y opposer. Elle établit un équilibre parfait dans nos mesures. Pour répondre à M. Armand, si votre majorité était davantage mobilisée et qu’elle s’intéressait aux débats parlementaires plutôt que de faire autre chose en ce moment parce qu’elle sait très bien que le 49-3 va arriver en séance, peut-être que nous aurions assisté à d’autres débats avec moins de victoires de notre côté. Ne nous rejetez donc pas la faute si nous arrivons à faire adopter un nombre conséquent d’amendements. Vous n’avez qu’à appeler vos collègues !

M. le président Guillaume Kasbarian. Vu la mobilisation globale, j’ignore s’il est souhaitable de s’aventurer sur ce terrain-là. Nous avons en effet affaire aujourd’hui à une très faible mobilisation, toutes sensibilités politiques confondues. Peut-être le groupe Socialiste affiche-t-il le taux de présence le plus élevé dans cette commission, mais j’insiste sur le fait que nous ne sommes que dix dans la salle.

 

L’amendement CE165 est rejeté, et la commission examine l’amendement CE162 de M. Inaki Echaniz.

 

M. Inaki Echaniz. Cet amendement vise à financer une prime bas carbone de 20 000 euros par foyer pour les familles les plus modestes en parcours d’accession sociale à la propriété. Aujourd’hui l’écart de prix entre une construction traditionnelle et une construction respectant la réglementation environnementale RE 2020 est de l’ordre de 15 %. Cet amendement répond à la nécessité d’encourager l’utilisation de matériaux de l’écoconstruction et d’obtenir un bilan bas carbone des constructions neuves pour les ménages modestes en accession sociale à la propriété. Cette prime pourrait bénéficier à 5 000 logements neufs en accession sociale par un pendant cinq ans.

En outre, cette aide, plus pertinente qu’une baisse de TVA dont l’effectivité sur la baisse des prix peut être aléatoire, pourrait encourager la structuration d’une filière de matériaux d’écoconstruction et à terme, faire baisser leur coût. Il est souhaité que le Gouvernement lève le gage je tiens à préciser que cet amendement a été travaillé avec le Comité ouvrier du logement (COL), qui fait un excellent travail sur nos territoires. Vous vous doutez donc de l’utilité et la pertinence de cet amendement.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Comme je viens de le rappeler, le PTZ a vu le périmètre de ses bénéficiaires élargi et il a été maintenu sur tout le territoire pour les opérations en accession sociale. Le PTZ bénéficie à 78 % aux ouvriers, employés et professions intermédiaires.

Je ne partage pas la philosophie d’apporter, en plus d’un prêt à taux zéro, une subvention gratuite à un particulier en accession alors même que cela abonde son patrimoine privé. Les subventions existent à destination des seuls organismes de logement social et j’estime qu’il faut maintenir ce principe. J’émets donc un avis défavorable.

M. William Martinet. Je suis favorable à cet amendement. J’en profite pour rebondir sur les propos tenus par le collègue macroniste tout à l’heure. Il nous est reproché de faire adopter toute une série d’amendements qui seraient incohérents. Vous avez dressé une liste à la Prévert : de l’argent pour construire des logements en Crous, de l’argent pour les maires bâtisseurs, de l’argent pour le logement social, etc. Mes chers collègues, ce n’est absolument pas incohérent. La cohérence, c’est le retour de l’État dans la politique du logement pour répondre à la crise et cette politique, nous l’assumons et nous la défendons. C’est en effet l’opposé de ce que vous avez fait, de la politique d’austérité que vous avez menée depuis 2017. Les chiffres sont têtus, chers collègues : nous sommes passés de 2,2 % du PIB consacré à la politique du logement en 2010 à 1,5 % aujourd’hui. Vous pourrez citer tous les chiffres que vous voudrez du PLF, vous avez contracté la part du budget de l’État qui est consacrée au logement. Vous avez appliqué l’austérité. Nous avons une autre vision ; nous pensons que l’État a un rôle important à jouer.

M. le président Guillaume Kasbarian. Pour citer quelques chiffres – j’aime bien les chiffres – l’État consacre 42 milliards d’euros à la politique du logement. Cela représente la deuxième somme la plus importante parmi les pays européens en points de PIB. J’ignore si l’on peut qualifier une telle politique d’austère.

M. Antoine Armand. Lorsque le PIB augmente, les moyens augmentent à due proportion. Depuis 2017, la France affiche l’un des taux de croissance les plus élevés de la zone Euro, et c’est plutôt grâce à la politique économique que nous menons qu’à celle que vous auriez menée.

Je reviens sur cet amendement, qui me donne une occasion probablement unique dans cette commission : celle de doubler la NUPES par la gauche ! Cet amendement est finalement une prime à des capitalistes ! Il s’agit de subventionner des personnes qui détiendront un capital et qui seront des rentiers immobiliers. Mes chers collègues, vous avez donc complètement perdu votre boussole. Vous êtes là pour soutenir un achat qui va créer des inégalités, que par ailleurs vous voulez faire perdurer jusqu’à la mort puisque vous proposez des taux sur les successions qui vont faire que les personnes qui ont accumulé ce capital vont le perdre d’un coup. Au fond, je suis un peu désolé d’être le socialiste de service dans cette salle aujourd’hui, mais je me permets de vous dire que votre amendement va susciter des inégalités en accroissement.

 

L’amendement CE162 est adopté.

 

La commission aborde l’examen, en discussion commune, des amendements identiques CE167 de M. Benjamin Saint-Huile et CE266 de M. Inaki Echaniz, et de l’amendement CE183 de M. William Martinet.

 

M. David Taupiac. Cet amendement concerne l’APL accession. Cette dernière vise à aider les ménages les plus modestes. Elle permet, en cohérence avec la stratégie du Gouvernement et des objectifs de la loi Élan, d’accroître la mobilité dans le parc social et de faciliter la vente de logements HLM à leurs locataires. Ainsi cet amendement a-t-il pour objet de rétablir l’APL accession pour tout logement, neuf ou ancien, sur l’ensemble du territoire. L’hypothèse retenue est de 30 000 nouveaux logements aidés pour un coût annuel pour les finances publiques de 50 millions d’euros.

M. Inaki Echaniz. Effectivement, l’APL accession est une aide ciblée sur les ménages les plus modestes. Cette aide contribue à faciliter l’accès au crédit pour les primo-accédants et à favoriser l’accession sociale. Sur l’hypothèse de 30 000 nouveaux ménages aidés, le coût annuel pour les finances publiques serait de 50 millions d’euros : c’est quelque chose d’assez raisonnable et puis je sais très bien que, parmi vos rangs, beaucoup regrettent la fin de cette APL accession. Ce serait donc une bonne chose de la remettre sur les rails pour tenter de répondre à cette crise du logement.

M. William Martinet. Il y a un énorme problème dans l’accession à la propriété pour les classes populaires et les classes moyennes ces derniers mois, problème dont on sait qu’il vient de l’augmentation des taux d’intérêt, laquelle a provoqué une perte de pouvoir d’achat immobilier de l’ordre de 20 à 30 %, et qui vient aussi de la spéculation immobilière, qui a très fortement augmenté le prix du foncier, et qui vient enfin de l’augmentation du coût des matériaux. Tout cela étant dit, les classes populaires et les classes moyennes ont des difficultés pour accéder à la propriété pour être propriétaires occupants, c’est-à-dire être propriétaires du toit sous lequel ils vivent. Je ne parle pas là de rente locative ni de stratégie spéculative, financière ou autres.

Face à ce problème, il nous faut prendre des mesures sans pour autant que l’argent public n’arrose le sable. Il ne faut pas non plus que l’argent public favorise la spéculation. D’où l’intérêt de rétablir l’APL accession, qui nous paraît être une aide extrêmement ciblée sur le bon public pour l’accession sociale à la propriété. Finalement, le point de divergence entre notre amendement et celui de nos collègues, c’est que nous prônons l’APL accession dans le cadre exclusif du bail réel solidaire (BRS), afin d’être sûrs et certains de ne pas entretenir la spéculation immobilière. En tout cas, la logique est la même et nous voterons les amendements de nos collègues comme nous espérons qu’ils voteront le nôtre.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je suis défavorable à ces amendements. Je souligne que depuis que l’APL accession a été supprimée, nous assistons à un débat récurrent au sujet de son rétablissement. La dépense de l’APL est d’ores et déjà très dynamique, passant cette année à 13,9 milliards d’euros de crédits pour la contribution de l’État au Fonds national d’aide au logement (Fnal) contre 12 milliards d’euros en PLF de 2019. Il est utile de rappeler cet ordre de grandeur quand on nous accuse constamment de sabrer les APL.

Par ailleurs, ce projet de loi de finances prévoit une augmentation du PTZ et son prolongement pour l’année 2024 avec un montant maximum qui va passer de 80 000 à 100 000 euros. Est également prévue une ouverture à l’éligibilité du PTZ aux classes moyennes dont les revenus sont compris entre 2 500 et 4 500 euros par mois. L’État prévoit près de 850 millions d’euros pour le financement de ces nouvelles mesures en 2024.

 J’en profite pour rappeler qu’Action Logement propose un prêt social location accession (PSLA), qui permet aux ménages, sous condition de ressources, de devenir propriétaires de leur résidence principale à un prix maîtrisé, notamment pour les locataires accédants.

Je tenais quand même à souligner le dernier amendement de M. Martinet, qui signe une maîtrise budgétaire ! Avec un euro seulement, l’effort est compris au niveau des dépenses de l’État ! Je voulais aussi souligner que nous soutenons activement le déploiement du BRS, et ce de façon constante depuis la loi Élan. Une proposition en ce sens de notre majorité a été retenue dans les différents rapports que j’ai pu établir, notamment avec Vincent Rolland. Le BRS reste une solution à développer sur nos territoires. Il commence à être pris en charge par différentes collectivités comme j’ai pu le constater à Bayonne dernièrement lors d’une mes visites.

 

Les amendements CE167 et CE266 sont adoptés, et font tomber l’amendement CE183.

 

La commission aborde l’examen de l’amendement CE220 de M. Benjamin Saint-Huile.

 

M. David Taupiac. Cet amendement concerne le PTZ. Le Gouvernement entend restreindre le champ d’application du PTZ pour l’achat d’un logement neuf ou un logement dans un bâtiment d’habitation collectif en zone tendue. En comparaison avec les droits actuels, cela revient à supprimer la possibilité de recourir au PTZ pour l’achat dans le neuf en zone détendue et dans le neuf individuel en zone tendue.

Le rapport du Conseil général de l’environnement et du développement durable (CGEDD) et de l’inspection générale des finances (IGF) d’octobre 2019 sur le PTZ estimait que la production de maisons individuelles neuves avait baissé de 77 % en 2012 et 47 % 2018 après la réforme de 2018. Surtout, l’analyse a montré que la moitié des logements individuels neufs construits avec l’aide d’un PTZ sont en zone C – donc détendue. Dès lors, l’argument qui estime que la disposition du PLF 2024 réduira significativement le nombre de PTZ sur le neuf individuel en zone non tendue n’est pas vérifié. N’oublions pas les difficultés induites par la forte remontée des taux d’intérêt ces derniers mois et des problématiques de pouvoir d’achat avec l’inflation, qui rendent difficile l’accès à la construction.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Nous avons déjà débattu sur le PTZ et je vais donc maintenir mon avis. Je ne souhaite pas redévelopper tous les arguments liés à l’élargissement du PTZ et à son refléchage. J’émets donc un avis défavorable sur votre amendement.

 

L’amendement CE220 est adopté, et la commission aborde l’amendement CE243 de M. Frédéric Falcon.

 

M. Frédéric Falcon. Cet amendement vise à renforcer les crédits alloués à l’accession à la propriété. Nous avons affaire à une véritable problématique avec la politique d’accession à la propriété sous Emmanuel Macron. Aujourd’hui, le taux de propriétaires stagne à 58 % ; il est même en érosion. C’est peu par rapport à d’autres pays comme en Europe de l’Est ou en Europe du Sud. Cet amendement vise également à soutenir le secteur du BTP qui est en crise. Madame la rapporteure, vous m’avez fait l’éloge des emplois qui seraient créés dans le cadre de la transition énergétique mais toujours est-il que les professionnels du secteur sont unanimes pour décrier la politique du Gouvernement, qui risque de sacrifier 300 000 emplois. Mon amendement vise également à élargir le PTZ, c’est-à-dire supprimer les zonages en intégrant bien entendu la maison individuelle, qui est honnie par ce Gouvernement. C’est un idéal auquel nous sommes attachés.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Vous avez déjà entendu mes arguments tout à l’heure à l’occasion de votre prise de parole. Vous affichez la volonté de construire partout, pas forcément là où il y en a besoin, et notamment sur les terres agricoles et naturelles. J’émets donc un avis défavorable, sachant que ce zonage porte une vision d’aménagement du territoire : le maintenir, c’est contribuer à construire aux bons endroits.

M. Frédéric Falcon. Nos visions sont effectivement diamétralement opposées. Nous ne tomberons pas d’accord. Cette forme de collectivisation à marche forcée de l’habitat dans des logements collectifs ne nous convient pas. Nous sommes attachés à l’idéal de la maison individuelle, qui est plébiscité par un certain nombre de Français, et nous avons vraiment du mal avec cette opposition « écologie / anti‑écologie ». Ce n’est pas parce que nous avons une vision différente de la vôtre que systématiquement, nous sommes contre l’écologie ou contre le progrès. C’est simplement que tout ce que vous imposez à marche forcée ne convient pas à tout un tas de Français. L’idéal de la maison individuelle reste un rêve pour beaucoup d’entre eux. C’est un projet de vie, c’est une sécurité, et nous entendons rétablir les possibilités d’accéder à ce rêve pour un certain nombre de nos compatriotes.

 

La commission rejette l’amendement CE243 et examine, en discussion commune, les amendements CE188 de M. William Martinet et CE221 de M. Benjamin Saint-Huile.

 

M. William Martinet. Cet amendement vise à revenir sur ce qui est le péché originel de la Macronie en termes de logement social, c’est-à-dire cette fameuse RLS, la très mal nommée « réduction de loyer de solidarité », dont je rappelle ici pour tout le monde qu’elle consiste à faire baisser le montant des APL, ce qui permet à l’État d’économiser de l’argent, et oblige les bailleurs à baisser leur loyer d’autant afin que ce soit relativement neutre pour les locataires, mais évidemment avec un impact sur le financement des bailleurs sociaux. Il faut donc absolument revenir sur cette mesure. Il faut donner des marges de manœuvre budgétaire aux bailleurs sociaux, que ce soit pour la rénovation ou pour la production.

Le logement social dans le moment de crise que nous vivons, est indispensable, parce que d’un point de vue macroéconomique, il permet d’avoir une activité contracyclique : au moment où les investisseurs privés ne veulent pas investir, le bailleur social, si on lui en donne les moyens, est capable de le faire. Je rappelle que derrière tout cela, il s’agit des personnes qui vivent dans ces logements et à l’intérieur du logement social, on trouve les travailleuses et les travailleurs de première et deuxième lignes, autrement appelés les « essentiels ». Ce sont ceux qui se lèvent tôt le matin pour aller travailler et faire tourner le pays et qui méritent d’avoir un toit en bon état au-dessus de la tête. Il y a plein d’endroits sur le territoire où c’est le logement social qui peut le mieux répondre à ce besoin.

M. David Taupiac. Mise en œuvre depuis 2018 pour compenser la baisse de 5 euros des APL, la réduction de loyer de solidarité concerne le parc social des organismes HLM et des sociétés d’économie mixte (SEM). Cette mesure budgétaire pèse sur les bailleurs sociaux à un moment où le contexte macroéconomique est très défavorable à la construction. La RLS constitue donc un handicap croissant pour atteindre les objectifs de construction neuve et de rénovation. Fixé à 250 000 logements sociaux sur deux ans par le précédent Gouvernement, l’objectif en termes d’agréments devrait difficilement atteindre 180 000 alors que 2,2 millions de demandes sont enregistrées.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. J’ai déjà argumenté sur ce sujet tout à l’heure. La RLS était aussi une mesure de recherche d’efficacité au niveau des bailleurs sociaux, en les incitant à se regrouper pour monter en efficacité et faire des économies d’échelle. Existait par ailleurs un objectif de neutralité au niveau du reste à charge pour le locataire : l’opération était complètement neutre pour lui. Nous maintenons cet objectif d’efficience : c’est dans ce sens que la mesure a été prise. Nous ne cherchions pas à appauvrir les organismes et d’ailleurs, les regroupements se déroulent bien sur certains territoires. J’émets donc un avis défavorable.

M. Antoine Armand. J’aimerais dénoncer un flagrant délit ! Le premier amendement que nous avons adopté tout à l’heure avec les voix de La France insoumise était celui de M. Echaniz pour un plan d’urgence de 1,3 milliard d’euros. Cet amendement prévoyait que ce 1,3 milliard d’euros étaient fléchés : ils venaient précisément de la RLS. Voici donc un flagrant délit de l’incohérence des amendements que vous adoptez. Vous avez déjà utilisé tout à l’heure le 1,3 milliard d’euros de la RLS pour un nouveau plan et voilà que vous voulez supprimer la RLS et donc utiliser deux fois le 1,3 milliard d’euros. Dépenser deux fois le même montant, c’est de l’irresponsabilité budgétaire…

M. Inaki Echaniz. Il y a mégarde, Monsieur Armand ! J’ai dit tout à l’heure que le Gouvernement avait économisé 6 milliards d’euros depuis 2018 sur le logement social, donc si on calcule 6 milliards moins 1,3 milliard d’euros, il en reste suffisamment pour financer ces amendements de mes collègues.

 

L’amendement CE188 étant adopté, il fait tomber l’amendement CE221, et la commission aborde l’amendement CE182 de M. William Martinet.

 

M. François Piquemal. Je vais citer quelqu’un qui est connu pour avoir parfois des coups de sang et qui avait dit : « C’était une connerie sans nom » – c’est ainsi qu’il s’était exprimé. Je veux parler d’Emmanuel Macron. Il parlait de la coupe de cinq euros des APL qui avait été mise en place. Vous savez que cela avait fait grand bruit, que cela avait touché beaucoup de nos concitoyens. Nous vous proposons de revenir sur cette injustice et par-là même de faire moins de peine à Emmanuel Macron comme il en a eu à l’époque, vu ses déclarations. C’est une mesure qui coûte 29 millions d’euros, vous pouvez l’ajouter sur votre calculette, mais surtout dans le budget de 5,8 millions de ménages c’est quelque chose qui est important et qui n’est pas minime.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je vois que vous êtes très soucieux de rendre heureux notre Président ! Je ne vais pas reprendre le débat sur les cinq euros, me contentant de mentionner que l’économie budgétaire occasionnée par la baisse des cinq euros des APL a été largement compensée par l’augmentation de l’APL intervenue depuis, notamment à l’occasion de la revalorisation de 3,5 %, voire de 4 % de certains de ces paramètres, du fait de la loi du 16 août 2022 de protection du pouvoir d’achat. Et surtout, je ne voudrais pas que cela fasse oublier ce qui a été fait pour les étudiants, comme la suppression de la cotisation forfaitaire de 217 euros à la Sécurité sociale, le repas à un euro, le chèque psy ou encore la revalorisation des bourses sur les critères sociaux. J’émettrai donc un avis défavorable.

M. William Martinet. Je souhaite apporter une contradiction à un argument qui a été donné il y a quelque temps. On nous expliquait sommairement que la France était un pays socialiste et que du coup, il était impossible de pratiquer une politique d’austérité en matière de logement. Je vais vous citer d’autres pays qui apparemment sont encore plus socialistes que nous. Le Danemark consacre 0,7 % de son PIB aux aides au logement. C’est plus que la France. En Allemagne, c’est aussi 0,7 %, toujours plus que la France. En Finlande, 0,8 % du PIB sont consacrés aux aides au logement, et même, pays socialiste d’entre les socialistes, au Royaume-Uni, c’est 1,4 % du PIB qui est consacré aux aides au logement ! Qu’est-ce que j’essaie de démontrer ? Contrairement à ce que vous voulez nous faire croire, que les milliards pleuvent et que les locataires sont aidés par tous les bouts, eh bien ce n’est pas vrai. En France, nous n’aimons pas suffisamment les locataires et encore moins depuis que vous avez pratiqué toutes ces coupes dans les APL, dont notamment le rabotage de cinq euros dont mon collègue Piquemal a très bien parlé tout à l’heure.

M. le président Guillaume Kasbarian. Puisque nous citons des exemples internationaux, je tiens à préciser que le Danemark est aujourd’hui – en tout cas il l’était en 2022 – en excédent budgétaire de 3,3 % du PIB, c’est-à-dire que l’État danois dépensait beaucoup moins que ce qu’il récoltait en termes de recettes. Le jour où nous aurons réalisé autant d’économies que le Danemark et que nous serons repassés un excédent budgétaire, les poules auront des dents !

M. Antoine Armand. Cet amendement, dont on peut entendre qu’il a une visée polémique, me donne l’occasion de rappeler que l’augmentation de 3,7 % de l’APL qui est intervenue au 1er octobre 2023 est significative, si l’on considère que le montant moyen de l’APL est supérieur à 200 euros. C’est supérieur à l’augmentation de cinq euros que vous demandez. Nous aurions presque tendance à considérer que votre amendement est satisfait.

Cela me donne surtout l’occasion de soulever un argument beaucoup plus important que cette polémique sur les cinq euros. Nous avons mené la réforme du versement contemporain des APL. Cela permet de faire en sorte que les APL correspondent aux revenus touchés l’année même et non pas deux ans auparavant. C’est donc une mesure de justice sociale et de solidarité. C’est ça qui compte, beaucoup plus qu’une polémique sur les cinq euros.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. J’aimerais ajouter qu’en comparaison avec les pays que vous avez cités, il ne faut pas oublier qu’en France, cinq millions de ménages sont aidés, notamment par le logement social, au-delà des subventions qu’ils perçoivent.

 

L’amendement CE182 est adopté, et la commission aborde l’examen des amendements CE262 de M. Inaki Echaniz et CE289 de M. Aurélien Taché, en discussion commune.

 

M. Inaki Echaniz. Cet amendement, proposé par l’Union sociale pour l’habitat (USH), vise à revenir sur certaines des économies réalisées sur les APL par le Gouvernement en majorant de 250 millions d’euros – ce n’est pas grand-chose au regard de tout ce qu’on a voté jusqu’à présent – les crédits des aides au logement pour supprimer le mois de carence pour l’ouverture de ce droit. La mesure de contemporanéisation des ressources représente à la fois une modernisation et une économie importante. Il serait donc parfaitement justifié, dans le cadre d’une simplification et d’une modernisation du dispositif, et pour plus d’équité bien évidemment, de supprimer une mesure source d’incompréhension et de colère par les ménages modestes qui s’installent dans un nouveau logement. Certes, cette mesure représente un coût supplémentaire, mais largement inférieur à l’économie permise par la mesure de contemporanéisation et tout simplement, c’est quelque chose de logique : nous sommes tous confrontés à cette interrogation des ménages à propos du mois de carence. Cet amendement de 250 millions vise donc à remettre un peu d’ordre dans les attributions des APL.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Comme vous l’avez précisé, le mois de carence a été créé notamment pour que les organismes gestionnaires aient le temps de mener à bien les transformations et de gérer les dossiers.

En, réalité, votre amendement est en partie satisfait. Le code de la construction de l’habitation dispose que l’aide est due à compter du premier jour du mois civil au cours duquel les conditions d’ouverture du droit sont réunies pour les personnes hébergées par un organisme logeant à titre temporaire des personnes défavorisées ou pour une association agréée. Les personnes dont le logement a fait l’objet d’un arrêté d’insalubrité ou de péril notamment peuvent également bénéficier de cette dérogation. Les personnes les plus fragiles ont donc déjà la possibilité d’avoir accès aux droits APL dès le premier jour.

Pour cette raison, j’émettrai un avis défavorable à votre amendement.

 

La commission rejette l’amendement CE262.

 

Elle aborde l’examen des amendements identiques CE262 de M. Inaki Echaniz et CE290 de M. Aurélien Taché.

 

M. Inaki Echaniz. Cet amendement, également proposé par l’USH, vise à supprimer le seuil de non-versement des APL. Cela représente à la fois une modernisation et une économie importante. Il serait parfaitement justifié, dans le cas d’une simplification, de revenir sur ce seuil. L’automatisation des traitements ne justifie plus cet argument aujourd’hui. Certes ces mesures représentent un coût supplémentaire mais très largement inférieur à l’économie réalisée par les mesures de contemporanéisation. En effet, cette mesure de justice ne représenterait annuellement que moins de 1 % des économies réalisées depuis que l’APL est calculée en temps réel.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. J’émets un avis défavorable sur ces amendements. Le seuil de non-versement, je vous le rappelle, correspond au seuil en deçà duquel le coût de gestion de l’aide est supérieur à la somme versée. Ce seuil est fixé à 10 euros depuis le décret du 28 septembre 2017 relatif aux aides personnelles au logement et au seuil de versement des allocations de logement. Il ne relève donc pas de la compétence des parlementaires de modifier ce seuil. Toutefois, je tiens à préciser que si l’automatisation des traitements se généralise progressivement, elle ne s’accompagne pas de la disparition simultanée des agents de la caisse d’allocations familiales (Caf) : ce sont aujourd’hui 36 000 salariés qui sont répartis dans les 101 Caf et qui veillent à accompagner tous les allocataires. Par ailleurs, le 1er octobre 2023 a vu les paramètres de dépenses de logement être revalorisés de 3,5 %, ce qui correspond à l’évolution de l’indice de référence des loyers du deuxième trimestre 2023.

 

La commission rejette les amendements CE263 et CE290, avant d’examiner les amendements identiques CE264 de M. Inaki Echaniz et CE294 de M. Aurélien Taché.

 

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement nous est également proposé par l’USH. Il vise à éviter que la mise en œuvre de la RLS n’entraîne une perte de transmission des données entre la Caf ou la caisse de mutualité sociale agricole (CMSA) et le bailleur social pour les ménages dont l’APL est faible. En effet, pour les ménages bénéficiaires de l’APL, c’est la Caf ou la CMSA qui établit l’éligibilité à la RLS en fonction des revenus et qui transmet au bailleur le montant de la RLS à appliquer, ainsi que le montant d’APL correspondant, une fois déduite la fraction de 98 % de la RLS. Pour quelques milliers de ménages éligibles à la RLS mais dont l’APL est d’un faible montant, la déduction de 98 % réduit à zéro le montant d’APL auquel ils ont droit. Dans cette situation complexe, les ménages ne sont plus considérés comme des bénéficiaires de l’APL, ce qui a pour conséquence qu’il n’y a pas de flux d’information transmis par la Caf ou la CMSA au bailleur les concernant. Nous proposons, pour s’assurer que le bailleur soit bien destinataire de l’information concernant la RLS à appliquer pour ces ménages, qu’une APL d’un montant d’un euro soit maintenue.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je comprends la pertinence d’assurer une bonne communication entre les organismes comme la Caf et les bailleurs, mais la méthode que vous proposez ici n’est pas envisageable pour moi. S’il existe un seuil de non-versement de l’APL, c’est parce que dans certains cas le coût de la gestion de l’aide est supérieur à la somme devant être versée aux allocataires. En l’espèce l’octroi d’une somme d’un euro mobiliserait trop de personnels et de moyens pour être soutenable. J’émets donc un avis défavorable sur cette mesure.

M. Antoine Armand. Quand on soutient la solidarité nationale, on veille à ce que chaque euro du contribuable soit utilisé le mieux possible. C’est quand même le fondement du socialisme. Et donc si le fait de verser une somme au titre des APL coûte plus cher que le montant de l’aide versée, c’est un mauvais usage de cet argent. Il faudrait trouver d’autres canaux. Là où je vous rejoins, et c’est l’objet du chantier du versement à la source mené par notre majorité et la ministre des solidarités, c’est qu’il est important d’avoir une bonne communication entre ces acteurs. C’est ce qui nous permettra d’y arriver. En revanche, mettre en place des seuils pour s’assurer que nous ne perdions pas d’argent en en distribuant à nos concitoyens et que les ressources soient distribuées de manière beaucoup plus efficace, c’est indispensable.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Madame la rapporteure, vous avez dit que le problème était entendable, mais vous considérez que ce n’est pas la bonne solution. Que proposez-vous à la place ?

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je pense que ce travail doit avoir lieu au niveau des Caf, mais pas forcément à travers un dispositif à un euro, tel que vous le proposez. Pour l’instant je n’ai pas d’autres dispositifs à proposer mais nous pourrons en reparler.

 

Les amendements CE264 et CE294 sont adoptés.

 

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE184 de M. William Martinet, CE300 de M. Aurélien Taché et CE265 de M. Inaki Echaniz.

 

M. François Piquemal. Cet amendement consiste à doubler le forfait charges des APL. Les loyers des logements n’ont cessé d’augmenter ces dernières années, avec une hausse prévisible entre octobre 2022 et avril 2024 atteignant 3,5 %. À cela s’ajoutent les prix de l’énergie alors que le bouclier tarifaire entérinait des hausses successives jusqu’à + 15 %, notamment en février 2023, et que les tarifs réglementés de vente de gaz ont pris fin le 1er juillet 2023. Puisque vous avez votre calculette, je vous rappelle que lors du précédent quinquennat, ce sont neuf milliards d’euros qui ont été économisés sur les aides au logement. Aussi, il nous semble assez juste de doubler le forfait charges. C’est l’objet de cet amendement.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement va dans le même sens. Nous suggérions une augmentation un peu moindre, ce qui faisait un montant de moitié moins important pour les fonds à rajouter à la calculette. Quoi qu’il en soit, les raisons pour lesquelles nous déposons cet amendement sont les mêmes que celles que M. Piquemal a défendues à l’instant.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Ces amendements portent effectivement sur des montants différents. Nous partageons le constat que les charges locatives des ménages ont été fortement affectées par l’inflation généralisée que nous avons connue cette année et que nous connaissons encore. Plusieurs dispositifs de soutien ont été développés et ont fait la preuve de leur efficacité, à commencer par le bouclier tarifaire gaz-électricité, qui a été prolongée pour l’année 2023 avec une hausse des tarifs limitée à 15 % à compter du 1er janvier 2023. En 2022, ce bouclier tarifaire calculé sur la base d’un tarif réglementé de vente d’électricité avait permis de limiter à 4 % la hausse des tarifs pour les clients éligibles. Par ailleurs, les ménages sont également éligibles au chèque énergie dont le montant varie entre 48 et 277 euros.

Je rappelle aussi que l’évolution du forfait charges est indexée sur l’indice de référence des loyers tel qu’il est défini à l’article 17-1 de la loi du 6 juillet 1989. En 2022 il a connu une hausse de 3,5 % de son montant, ce qui est bien plus que les années précédentes. Par ailleurs, nous sommes pleinement engagés dans la rénovation thermique des logements, ce qui doit permettre d’abaisser de manière durable les charges qui pèsent sur les locataires. Ce PLF témoigne de ce volontarisme, avec l’octroi de 1,6 milliard d’euros supplémentaires pour financer la rénovation des logements, comme nous avons d’ailleurs eu l’occasion d’en débattre ce matin et comme nous aurons l’occasion de le faire avec d’autres amendements à venir.

Pour toutes ces raisons je suis défavorable à ces amendements.

M. Antoine Armand. Je sais que l’insouciance budgétaire de certains peut prêter à confusion mais j’ai quand même une petite interrogation quand je lis les amendements de mes collègues : je vois qu’augmenter le forfait charges de 12,5 % coûte 500 millions d’euros, puis je vois que de le doubler, c’est-à-dire l’augmenter de 100 %, coûte un milliard… Je ne veux pas mettre en cause l’un ou l’autre, mais en tout cas je signale l’incohérence manifeste entre ces amendements et donc je présume que l’un d’entre vous n’a pas mesuré les conséquences budgétaires réelles de ces amendements, ce que je ne peux que déplorer.

M. le président Guillaume Kasbarian. Effectivement j’ai remarqué cette différence… Si la proportionnalité que vous donnez est bonne et si l’une des mesures représente 500 millions d’euros, cela signifie que l’autre coûterait bien plus qu’un milliard… Je m’inquiète donc pour ma calculette… Mais peu importe, nous allons mettre successivement aux voix ces amendements, en commençant par M. Martinet pour un milliard d’euros mais peut-être plus !

 

L’amendement CE184 est adopté, et les autres amendements tombent en conséquence.

 

La commission examine, en discussion commune, les amendements CE190 de M. William Martinet et CE236 de M. Inaki Echaniz.

 

M. François Piquemal. Nous souhaitons créer un Fonds national d’aide à la quittance afin de permettre l’attribution de logements sociaux aux personnes aux ressources modestes et défavorisées. Cette proposition a été travaillée avec la Fondation Abbé Pierre. Nous souhaitons que ce fonds permette d’éviter toute expulsion locative sans relogement en raison d’impayés de dépenses de logement comprenant le loyer et les charges locatives dans le parc social.

Mme Marie-Noëlle Battistel. Cet amendement est identique à celui qui a déjà été bien défendu par notre collègue. Je voulais simplement dire à notre collègue M. Armand qu’il n’a pas à s’inquiéter, car cette fois-ci nous sommes bien sur la même base : 200 millions d’euros. Nous n’avons donc pas fait d’erreur de calcul sur les besoins pour ce Fonds national d’aide à la quittance, destiné à permettre l’attribution effective de logements sociaux aux personnes aux ressources les plus modestes et défavorisées.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je tenais tout d’abord à rappeler l’existence d’un fonds de solidarité pour le logement, le FSL, dans chaque département. Il a été créé par la loi Besson et il est toujours reconduit. En 2022, sa dotation totale était de l’ordre de 210 millions d’euros. La contribution des départements est partiellement compensée par l’État au titre de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Les FSL ont accordé 185 000 aides aux ménages en 2022. Ces FSL ont vocation à prendre en charge les aides complémentaires en cas de difficultés conjoncturelles à assurer la quittance. Ce que vous proposez est différent, je l’entends, mais cela revient à accorder aux demandeurs des logements dont les loyers sont par définition trop élevés au regard de leurs capacités financières. Cela ne paraît pas être une réponse raisonnable aux difficultés actuelles et ce d’autant plus qu’il existe d’ores et déjà des outils qui permettent de baisser les quittances. J’en veux pour preuve la production de logements subventionnés en PLAI et les APL, qui constituent une aide importante au paiement des loyers, y compris pour les occupants du parc social, et dont les dépenses sont dynamiques en 2022. J’émets donc un avis défavorable.

M. Antoine Armand. Cela fait écho au débat que nous avons eu lorsque vous avez porté, monsieur le président, votre proposition de loi sur les sur les expulsions locatives qui a permis de clarifier un certain nombre de positions. Cet amendement est un amendement de mépris social. C’est comme si nous devions financer uniquement pour les personnes modestes qui ne respectaient pas leurs engagements et comme s’il n’y avait pas d’autres propositions. C’est comme s’il fallait que l’État anticipe, assume, accepte et organise le fait qu’on pourrait, quand on est en situation plus modeste que d’autres, ne pas payer son logement tandis que ceux qui habiteraient des logements intermédiaires oui qui seraient un peu moins modestes ne bénéficieraient pas de cette aide publique au non-paiement de ces loyers. C’est donc considérer que les personnes les plus modestes ne sont pas responsables et ne sont pas en mesure d’acquitter leurs responsabilités locatives.

M. Inaki Echaniz. J’allais justement exprimer un propos de compréhension envers M. Armand en lui disant qu’il devait sûrement se sentir comme un mouton entouré d’une meute de loups, mais au vu de son propos je vais surtout lui dire que son expression est assez dénigrante vis-à-vis de la Fondation Abbé Pierre, avec qui nous avons travaillé sur le sujet. S’il y a bien une association qui défend les plus précaires et qui fait en sorte qu’ils puissent avoir un habitat digne et surtout une vie digne, c’est bien la Fondation Abbé Pierre. Je l’invite donc à rencontrer Christophe Robert et Manuel Domergue. Christophe Robert a d’ailleurs été le copilote du CNR, et a donc la confiance du Président de la République et de la Première ministre. Je l’invite donc à lui répéter ses propos.

 

L’amendement CE190 est adopté, et l’amendement CE236 tombe.

 

La commission aborde l’examen de l’amendement CE179 de M. William Martinet.

 

M. le président Guillaume Kasbarian. Là, c’est du sérieux ! Nous sommes sur du 12 milliards d’euros ! Je laisse M. Piquemal le présenter… Vous voyez au passage que nous pourrions dépasser les neuf milliards que vous évoquiez tout à l’heure…

M. François Piquemal. Il y a des chiffres symboliques, le « 49 » et le « 3 » en font partie… Le nombre « 12 » est d’ailleurs utilisé dans divers récits mythologiques. Il se trouve que 12 milliards d’euros pour la rénovation thermique, c’est ce que nous avions voté l’année dernière lors du précédent PLF. C’était une victoire pour la transition écologique et puis un autre chiffre moins mythologique et glorieux, le 49-3, était passé par là.

Douze millions de Français se trouvent en précarité énergétique. Une récente étude montre que ce nombre a augmenté. D’une part, les logements sont mal isolés et on n’en rénove pas suffisamment et d’autre part, beaucoup de Français sont confrontés à la stagnation des salaires et à l’inflation et font donc le choix de ne plus se chauffer. Il nous semble important d’investir massivement dans la rénovation thermique des logements et votre calculette ne le verra pas mais c’est un investissement de long terme. Il apportera des bénéfices, y compris économiquement, en réduisant la consommation d’énergie. Ce sera aussi un bénéfice pour la santé publique puisque quand on a froid ou trop chaud, on tombe malade et on va à l’hôpital, ce qui génère des dépenses de santé.

Par ailleurs, j’ai récemment calculé qu’au rythme de chantiers financés par « MaPrimeRénov’ », il faudrait deux mille ans pour rénover tous les logements qui en ont besoin – il faudrait remonter jusqu’à l’époque de Jésus-Christ ! Avec ma propre calculette, sachant que 5,2 millions de logements sont des passoires thermiques (en catégorie F ou G), j’ai divisé ce nombre par 2 500, c’est-à-dire le nombre de logements pris en charge réellement par « MaPrimeRénov’ ». Cela nous ramène à 57 avant Jésus-Christ, à l’époque de la Guerre des Gaules. Je pense qu’il est temps de passer à la guerre de la rénovation thermique des logements et c’est le sens de notre amendement.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Cet amendement résulte d’une vision purement comptable. Je vous rappelle qu’une planification est nécessaire, notamment en termes de recrutement de professionnels pour cette rénovation, et de programmation sur plusieurs années. On parle actuellement de quatre milliards d’euros par an. Cela ne va pas se faire du jour au lendemain et cela traduit la volonté politique de notre Gouvernement, qui est soutenue par l’ensemble de la majorité au Parlement. Ces dernières années, nous avons vu les crédits alloués à la rénovation énergétique des logements, sociaux comme privés, se massifier. Nous avons aussi besoin à présent de trouver les bons outils pour débloquer les problématiques d’organisation concrètes des travaux. Les règles de vote dans les copropriétés sont à revoir. Il faudrait améliorer la fiabilité des DPE, permettre aux personnes de mener des parcours de rénovation sans avoir à déménager le temps des travaux. Je ne peux pas entendre que nous ne ferions rien sur le sujet. La planification est à mes yeux à la hauteur de l’enjeu.

M. Antoine Armand. M. Piquemal parlait de chiffres symboliques. Pour ma part, j’aimerais en évoquer un autre : zéro ! Zéro euro, c’est le montant qu’auraient eu les Français pour financer la rénovation énergétique de leur logement s’ils avaient dû attendre le vote de La France insoumise pour un budget écologique et responsable pour le pays. Zéro euro, c’est ce qu’aurait eu chaque ménage du fait de votre opposition à chaque budget, à chaque projet de loi rectificative au budget que nous avons voté et qui a permis aux Français d’avoir des chèques énergie, des aides sur le gaz, le bénéfice du bouclier tarifaire, etc. Je pense qu’en termes de symboles, vous n’avez pas beaucoup de leçons à nous donner !

M. Matthias Tavel. C’est une dépense très importante, c’est vrai. Au demeurant, c’est ce que l’Assemblée avait voté il y a un an avant que ce ne soit balayé par le 49-3. Je constate, dans la réponse de la rapporteure, les mêmes arguments que ceux qui nous avaient été opposés il y a un an : il n’y a pas assez de professionnels formés, il faut travailler sur l’accès aux procédures, etc. C’est étonnant, parce que soit rien n’a été fait depuis un an et c’est grave, soit quelque chose a été fait depuis un an et alors vous ne défendez pas le bilan de l’action gouvernementale. Cela ne pose pas de problème de notre point de vue mais du vôtre, c’est sans doute plus délicat…

Vous nous dites que 12 milliards d’euros, c’est une dépense excessive. C’est tout simplement ce qui est nécessaire pour faire face aux enjeux climatiques et écologiques. Je ne crois pas que face à ces enjeux, il y ait d’excès. Ce qui est excessif, c’est d’accumuler le retard et non pas d’y répondre. Et enfin ce ne sont pas 12 milliards jetés par les fenêtres, ces 12 milliards d’euros serviront à financer des travaux, à faire vivre des PME et des artisans, à développer l’emploi dans le secteur de la construction et de la rénovation énergétique des logements. C’est donc une dépense d’investissement qui se retrouvera intégralement dans l’activité du pays et dont l’État verra ensuite le retour par la TVA, l’impôt sur le revenu et toutes ces recettes fiscales qu’il tirera de ce surcroît d’activité.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Nous devons considérer certaines nuances. Nous voulons améliorer la situation progressivement quand vous voulez basculer de l’un vers l’autre. L’objectif est tellement éloigné que nous devons passer par des phases intermédiaires. Ma différence avec vous, c’est que je considère le possible et non pas l’impossible.

M. le président Guillaume Kasbarian. C’est un amendement à 12 milliards d’euros qui, s’il venait à être adopté, nous amènerait à 16,9 milliards d’euros dépensés depuis le début de l’après-midi. Cela ferait passer le déficit de la France au‑delà des 5 %. Une fois ces informations données, nous allons passer au vote sur cet amendement.

 

L’amendement CE179 est rejeté, et la commission aborde l’examen de l’amendement CE169 de M. Benjamin Saint-Huile.

 

M. David Taupiac. Le financement de « MaPrimeRénov’ » est réparti entre plusieurs programmes budgétaires en 2024. Si nous faisons la somme des actions sur les différents programmes, nous arrivons à un total d’un peu plus de 900 millions d’euros. Pourtant le Gouvernement revendique une augmentation de 1,6 milliard d’euros en 2024, ce qui nous fait un écart de 700 millions d’euros. Il ne s’agit donc pas de dépenser 700 millions de plus mais juste de les retrouver, puisque cette mesure a été annoncée par le Gouvernement. Nous vous proposons donc, dans cet amendement, d’identifier clairement ces 700 millions d’euros en autorisations d’engagement au titre de l’action 04.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Nous revenons sur le débat de ce matin. Je vais me contenter de vous rappeler les différentes lignes budgétaires. Nous avons environ 2 milliards d’euros du programme 174 pour le pilier « efficacité », un milliard du programme 135 pour le pilier « performance », 213 millions du programme 362 pour « MaPrimeRénov’ Copropriétés » et « MaPrimeRénov’ Sérénité ». À cela s’ajoutent d’autres crédits : 187 millions d’euros au titre de la rénovation énergétique et de la réhabilitation lourde du parc social (outil du programme 362), 520 millions d’euros au titre des bâtiments publics, également dans le cadre du programme 362 ; 1,2 milliard d’euros supplémentaires au titre des bâtiments publics des collectivités, financés par l’action 01 du programme 381 du fonds vert… Je pourrais en de nombreux autres exemples. Des sommes importantes ont été déployées mais elles sont réparties entre différents programmes. L’effet total est que l’action est déjà menée.

M. Antoine Armand. Je suis un peu peiné de devoir m’opposer à cet amendement soutenu par M. Taupiac alors qu’il n’est que de 700 millions d’euros, mais j’ai peut-être une suggestion : ce serait de regarder si dans les 5 milliards d’euros supplémentaires que nous venons de voter, on ne pourrait pas envisager d’en utiliser une partie pour la rénovation, histoire de ne pas voir notre dette dépasser les 5 % du PIB très prochainement.

 

L’amendement CE169 est adopté.

 

La commission aborde l’examen de l’amendement CE241 de M. Frédéric Falcon.

 

M. Frédéric Falcon. Dans la continuité de cette commission surréaliste, nous proposons de provisionner les fonds alloués à « MaPrimeRénov’ » pour améliorer le plafond d’éligibilité à ce dispositif, en augmentant les crédits de 10 %, ceci afin d’élargir le dispositif aux classes moyennes. On insiste également sur une clarification de ce dispositif qui est assez illisible et notamment sur les potentielles dérives avec du démarchage commercial assez agressif, employé par certaines entreprises spécialisées.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Cet amendement propose de relever les plafonds de ressources des ménages éligibles à « MaPrimeRénov’ ». Je rappelle que l’aide est déjà d’ores et déjà divisée en quatre niveaux. On trouve les foyers très modestes, qui bénéficient de « MaPrimeRénov’ Bleu », les foyers modestes avec « MaPrimeRénov’ Jaune », les foyers aux revenus intermédiaires avec « MaPrimeRénov’ Violet » et les foyers avec les revenus les plus élevés avec « MaPrimeRénov’ Rose ». Le dernier palier est accessible pour les personnes seules avec des ressources jusqu’à 39 000 euros ou 67 000 euros pour les foyers comptant trois personnes. Cela me semble suffisamment élevé et j’émettrai donc un avis défavorable.

M. Antoine Armand. Ce qui est surréaliste, ce n’est pas le déroulement de cette commission, c’est qu’un parti qui prétend défendre la souveraineté nationale contribue pendant cette commission à ruiner notre souveraineté financière, qu’un parti qui se prétend patriote se soit abstenu, complice, et ait voté plus de 5 milliards d’euros au travers d’amendements qui contribueront à faire exploser le déficit de la France et donc à faire perdre à la France son rang dans le monde.

M. Frédéric Falcon. Chers collègues, vous savez très bien que ce débat est vain, que toutes ces mesures votées ici seront annulées par le 49-3 qui interviendra sans doute ce soir. Donc laissez‑nous un peu rêver !

M. le président Guillaume Kasbarian. Monsieur Falcon, sur toutes les dépenses que nous venons d’examiner, soit vous avez voté pour, soit vous vous êtes abstenus. Le Rassemblement national est en quelque sorte associé à ce vote, qui aboutit à 5,6 milliards d’euros de dépenses supplémentaires. C’est ce que nous avons pu observer tout à l’heure.

 

L’amendement CE241 est rejeté.

 

La commission aborde l’examen de l’amendement CE178 de Mme Clémence Guetté.

 

M. François Piquemal. Nous parlons beaucoup de « MaPrimeRénov’ » et de son mécanisme à couleurs variables. On entend aussi des qualificatifs tels que » MaPrimeRénov’ Sérénité », qui rendent tout de suite plus sereins ceux qui sont atteints par la fracture numérique et qui n’ont malheureusement pas accès à « MaPrimeRénov’ » puisque la demande s’effectue en ligne. La Défenseure des droits a d’ailleurs reçu plus de 500 signalements de ce dysfonctionnement. Depuis que c’est public, il y en a eu plus de 900. Ce que nous demandons à travers cet amendement, c’est que l’Anah soit dotée de davantage d’employés pour pouvoir être au service des personnes qui pourraient être intéressées par « MaPrimeRénov’ » autrement qu’à travers les guichets électroniques.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je ne reviendrai pas sur le choix des couleurs. Vous attirez l’attention sur une problématique importante que nous prenons à cœur. En effet, l’ensemble des dispositifs portés par l’Anah n’a cessé de s’élargir et s’élargira encore en 2024 ; notamment avec le lancement de « MaPrimeAdapt’ » pour l’adaptation des logements au vieillissement de la population. Globalement, la dépense de gestion de l’Anah a été multipliée par sept en cinq ans, passant de 18 millions d’euros en 2018 à 120 millions d’euros en 2022.

L’augmentation des dépenses de fonctionnement s’explique par deux raisons : les coûts de gestion et de sécurisation de « MaPrimeRénov’ », mais aussi les coûts liés à la mise en place de « France Rénov’ ». Les dépenses de personnel progressent également en cohérence avec le rehaussement du plafond d’emploi. En effet, le plafond d’emploi de l’Anah a plus que doublé depuis 2019, passant de 115 emplois à 232 emplois aujourd’hui. Le présent PLF poursuit sa dynamique ambitieuse en prévoyant 55 emplois supplémentaires l’an prochain. Pour moi, votre amendement est satisfait et j’en demande le retrait, ou alors ce sera un avis défavorable.

Mme Julie Laernoes. J’ai déposé ce matin un amendement qui était légèrement différent dans le cadre de notre examen des crédits de l’énergie. Mon collègue Piquemal souligne un point important, qui est la complexité du dispositif de « MaPrimeRénov’ ». La rénovation globale d’un habitat nécessite un accompagnement libre, indépendant et gratuit. C’est ce qui a été répété par les différents acteurs de la rénovation lors de nos différentes auditions dans le cadre de la mission d’information que j’ai conduite récemment avec Mme Meynier-Millefert et donc, nous avons besoin de rehausser et de stabiliser les crédits liés à l’accompagnement. C’est dans ce sens qu’il est nécessaire d’ouvrir une discussion sur l’accompagnement. Les dossiers les plus rentables sont privilégiés tandis que ceux qui sont les plus compliqués, émanant des ménages les plus précaires, sont mis de côté. Les ménages qui ont un dossier simple, qui comprennent comment fonctionnent les aides et qui comprennent les conseils qui leur sont donnés bénéficient d’un traitement plus rapide. D’autres dossiers nécessitent en revanche un accompagnement renforcé. En vertu du principe d’égalité devant le service public, j’émettrai donc plutôt un avis favorable sur cet amendement. En tout cas je considère que nous devons consacrer des moyens suffisants à l’accompagnement.

M. Antoine Armand. C’est effectivement un sujet important. Nous ne sommes pas ici uniquement pour faire de la politique politicienne. Il faut donc aussi rappeler les ambitions et les objectifs du Gouvernement. Il s’agit tout d’abord de la création de « Mon accompagnateur rénov’ », qui répond à cette logique d’accompagnement individualisé pour avoir des rénovations plus globales et performantes. J’aimerais par ailleurs souligner que les espaces de France Services pourront maintenant accueillir directement les personnes porteuses de dossiers « MaPrimeRénov’ », ce qui représente un progrès considérable pour répondre à la question que vous soulevez, qu’il s’agisse d’illectronisme ou de difficulté d’accès à Internet, considérant par ailleurs que ces dispositifs s’adressent avant tout aux plus précaires. Je rappelle au passage que 80 % des bénéficiaires de « MaPrimeRénov’ » sont des ménages modestes et que donc c’est déjà un dispositif qui bénéficie aux plus modestes.

Certains dossiers posent problème. Vous avez mentionné 900 dossiers. Certaines de ces personnes vivent dans ma circonscription. J’ai cependant calculé que cela représentait moins de 0,07 % des dossiers et que globalement, « MaPrimeRénov’ » est un succès, y compris chez les utilisateurs finaux.

 

L’amendement CE178 est adopté.

 

La commission aborde l’examen, en discussion commune, de l’amendement CE261 de Mme Julie Laernoes et des amendements identiques CE180 de M. François Piquemal et CE237 de M. Inaki Echaniz.

 

Mme Julie Laernoes. Certes les montants augmentent, mais cela s’inscrit dans la droite ligne de la lutte contre la précarité énergétique et de la montée en puissance de la filière du bâtiment sur les rénovations y compris des bâtiments collectifs – ce qui est encore un défi. Nous savons que l’argent public qui sera débloqué servira directement à la rénovation des logements sociaux. Au dernier Congrès HLM qui s’est tenu à Nantes au début du mois, le ministre Pascal Vergriete a annoncé – et nous saluons ce geste – la création d’un fonds consacré à la rénovation énergétique doté de 1,2 milliard d’euros, soit 400 millions d’euros par an.

Les remontées très concrètes des bailleurs sociaux indiquent que cela ne sera pas suffisant. Nous l’avons pointé avec ma collègue du groupe Renaissance, Marjolaine Meynier-Millefert, dans un récent rapport d’information. Il nous faudrait une stabilité dans les aides. Les bailleurs sociaux qui ont inventorié leur parc savent quels travaux doivent être réalisés. Plutôt que de faire des travaux permettant de monter dans la classe du DPE immédiatement supérieure, faute de fonds propres suffisants pour des rénovations globales, il s’agirait d’allouer une enveloppe de 1,5 milliard d’euros chaque année pour les bailleurs sociaux. Cela permettra d’atteindre trois objectifs majeurs : réduire la précarité énergétique, faire en sorte de diminuer notre impact et nos émissions de gaz à effet de serre et enfin soutenir la filière du bâtiment puisque ces travaux leur apporteront des perspectives stables. Cela les rendra plus robustes face au défi de la massification progressive de la rénovation des bâtiments.

Voilà les raisons pour lesquelles, même si la somme peut sembler importante, elle est étayée, réfléchie et portée de manière transpartisane. Il me semble donc essentiel que nous puissions y donner un avis favorable.

M. François Piquemal. Je viens d’apprendre que la structure chargée de la mise en place de « MaPrimeRénov’ » est « Mon accompagnateur rénov’ ». Monsieur Armand, je pense que, pour cette séquence, on peut vous accorder le titre de « Mon marcheur rénov’ » voire même « Mon marcheur innov’ » car vous faites preuve de beaucoup d’innovation pour essayer de tenir le débat.

Pour en revenir à cet amendement, un proverbe malien dit qu’« une promesse est une dette ». Or au Congrès HLM, le ministre chargé du logement a dit qu’il allait abonder le budget de 1,2 milliard d’euros sur trois ans sur la question de la rénovation thermique des logements sociaux. Sommes-nous bien d’accord ? Il se trouve que nous connaissons une petite association qui s’y connaît un tout petit peu dans le logement, qui s’appelle la Fondation Abbé Pierre. Elle considère que c’est mieux que rien mais qu’il faudrait 1,8 milliard d’euros. C’est donc le sens de cet amendement qui est suggéré notamment par la Fondation Abbé Pierre.

M. le président Guillaume Kasbarian. Elle préconise donc de rajouter 600 millions d’euros…

M. François Piquemal. Tout à fait. Je constate que vous faites dans la décroissance quand il s’agit de rénovation thermique des logements.

M. le président Guillaume Kasbarian. Pas vraiment, non !

M. François Piquemal. Ou alors le rythme est très lent.

M. le président Guillaume Kasbarian. Ce n’est pas le style de la maison !

M. François Piquemal. Il serait bon d’accélérer le rythme et de ralentir sur d’autres sujets.

M. le président Guillaume Kasbarian. M. Echaniz propose le même amendement…

M. Inaki Echaniz. Il a été très bien défendu par mes deux collègues mais j’aimerais vous rassurer pour votre calculette. Les prélèvements sur le secteur immobilier ont dépassé les 90 milliards d’euros en 2021, deux fois plus qu’en 2004, et les aides au logement ont tendance à stagner depuis cette période. Nous sommes aux alentours de 38 milliards d’euros. Il nous reste donc de la marge.

Mme la rapporteure écrit d’ailleurs elle-même, dans son rapport, que « la carence de logements exerce un effet récessif mesurable sur la croissance de l’économie ». Les milliards que nous investissons aujourd’hui dans cette commission des affaires économiques rapporteront encore plus à l’État et réduiront donc le déficit que vous avez peur d’augmenter aujourd’hui, monsieur Kasbarian. Ne soyez pas peiné de cet argent public investi dans le logement car c’est un euro de misé pour deux voire trois euros de retours positifs pour l’économie. Tout va bien. Cela correspond à votre vision libérale des choses que de réduire le déficit de l’État. C’est ce que nous faisons pour le bien de nos concitoyens.

M. le président Guillaume Kasbarian. Monsieur Echaniz, nous n’avons pas les mêmes bases en matière économique. J’ai peut-être une vision libérale et vous avez peut-être une vision socialiste de l’économie, ce qui est votre droit… Si on suit votre logique, vous avez trouvé une façon de créer de l’argent indéfiniment. On pourrait dépenser cent, deux cents, trois cents, mille milliards d’euros supplémentaires, vous avez trouvé une formule magique qui permettrait, en dépensant autant d’argent du contribuable, d’obtenir encore plus de retours. Mais ne vous arrêtez pas en si bon chemin, Monsieur Echaniz ! Vous avez déjà fait exploser le compteur à près de six milliards d’euros en quelques heures. Pourquoi ne pas aller carrément à cent milliards, deux cents milliards, trois cents milliards de plus ? Nous n’avons vraiment pas les mêmes fondamentaux économiques.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. La phrase de mon rapport que vous avez citée était liée à une comparaison entre le logement de tourisme et le logement nu classique. Elle n’appuyait pas une thèse selon laquelle produire plus de logements apporterait plus de ressources. L’idée était de construire des logements là où ils pourront accueillir des salariés et contribuer à l’économie réelle. Vous avez détourné cette phrase par rapport à l’argumentation initiale.

Le montant de 1,2 milliard d’euros qui a été annoncé me semble raisonnable. J’entends que vous suggériez qu’il soit amélioré, mais en l’occurrence je vous propose d’en rester là à ce jour. Je donnerai un avis défavorable.

M. le président Guillaume Kasbarian. Dans la mesure où plusieurs personnes souhaitent intervenir, la discussion est ouverte à l’ensemble des groupes.

M. Matthias Tavel. Je soutiens évidemment cet amendement, qui participe comme beaucoup d’autres d’une logique d’accélération. Vous nous avez expliqué au début de ce mandat qu’il fallait accélérer dans le déploiement des énergies renouvelables et du nucléaire. Nous ne partageons pas les moyens mis en œuvre par la loi d’accélération des renouvelables mais là, nous proposons des amendements d’accélération de la rénovation énergétique et je m’étonne que vous vous y opposiez.

Vous nous dites qu’il s’agit là de dépenses importantes. C’est vrai mais je voudrais simplement rappeler que le bouclier tarifaire a coûté 40 milliards d’euros, notamment parce que nous n’avons pas réalisé les dépenses d’investissement de rénovation énergétique qui auraient dû avoir lieu il y a longtemps et qui nous auraient évité d’avoir à subventionner ou à protéger les consommateurs rendus vulnérables par les prix de l’énergie mais aussi par la mauvaise isolation thermique de leur logement. En investissant dans la rénovation énergétique, nous économisons des dépenses de type bouclier tarifaire pour l’avenir.

Enfin, quand la puissance publique investit un euro, l’effet sur l’économie est supérieur et in fine, la puissance publique récupère davantage qu’un euro en recettes fiscales, en surcroît d’activité, etc. C’est la règle de base du multiplicateur keynésien. Vous n’êtes pas keynésien, nous l’avons bien compris, vous êtes libéral. En outre, notre argument supplémentaire est que nous avons affaire à des investissements non délocalisables. Vous n’irez pas faire rénover votre logement à Shanghai à Hong Kong ou je ne sais où. C’est souvent le type d’arguments que l’on nous oppose face à notre vision économique. En l’espèce, votre critique n’est pas opérante. Vous devriez donc plutôt soutenir cet amendement de bon sens et d’accélération.

Mme Julie Laernoes. Cette enveloppe qui vous paraît peut-être élevée aujourd’hui nous permettra en réalité de dépenser moins plus tard. Cela permet de passer directement d’une classe F ou G à une classe B plutôt que de procéder à des travaux moins coûteux faute de moyens suffisants, se contentant alors de descendre d’une seule classe pour se conformer simplement à la loi. Les rénovations successives qui seront alors nécessaires représentent un gâchis d’argent public puisque le coût total sera beaucoup plus élevé.

Par ailleurs, le DPE est calculé non seulement en fonction de la qualité thermique du bâtiment et du logement mais aussi du type d’énergie employé pour le chauffage. Je vous donne un témoignage en provenance des bailleurs sociaux de Nantes Métropole que j’ai obtenus grâce à l’USH. Du fait de leur politique volontariste consistant à raccorder les logements sociaux à des réseaux de chaleur à partir d’énergie de récupération et renouvelables, ils n’ont pas de logements en classe F ou G alors que la qualité des bâtiments n’est pas toujours bonne. Ils n’ont donc aucun fonds propre pour réaliser les travaux alors qu’ils ont la capacité d’ingénierie et la volonté de s’engager. Ce qui leur manque aujourd’hui, c’est uniquement l’enveloppe financière. C’est extrêmement frustrant. Je pense que cet argent pourrait être directement transformé et même susciter de l’innovation au sein de la filière du bâtiment, dans laquelle les projets expérimentaux sont très marginaux. Nous pourrions donner une impulsion supplémentaire en allouant une somme fixe.

M. Antoine Armand. Je souhaitais réagir au proverbe malien cité par M. Piquemal, parce que le Mali est une grande nation de pastoralisme et en tant que co‑président du groupe d’étude sur le pastoralisme j’y suis sensible. J’aimerais vous répondre avec un proverbe d’une autre nation qui s’illustre dans le pastoralisme depuis longtemps, qui est la Mongolie ; « riche est celui qui n’a point de dettes » ! Vos promesses ne sont que des dettes. Vous ne serez riches que de vos dettes et vous nous appauvrirez chaque jour davantage si nous continuons à voter ses amendements !

M. le président Guillaume Kasbarian. Monsieur Falcon, peut-être pour un nouveau proverbe…

M. Frédéric Falcon. Non, mon intervention sera très sobre. Nous sommes favorables à tous ces investissements qui visent à améliorer l’isolation thermique des logements. Petite nuance tout de même : nous avons connaissance de plusieurs rapports, y compris celui que j’ai entre les mains produit par l’université de Cambridge en janvier 2023, qui nuancent dans la durée la performance de ces travaux et qui réduisent à quatre ans le bénéfice des travaux d’isolation thermique par l’extérieur (ITE) et à deux ans l’isolation des combles. Nous sommes en train d’engager des milliards d’euros dans la rénovation énergétique, mais peut-être que nous devrions prendre un peu de recul par rapport à ces bénéfices, qui sont peut-être réduits dans le temps. Il sera temps d’avoir cette discussion un jour.

M. Inaki Echaniz. Je pourrais répondre aux proverbes cités par « itza-itz », une philosophie du Pays Basque qui fait référence à l’engagement de la parole donnée. Il se trouve qu’aujourd’hui, la commission des affaires économiques s’engage sur des dépenses importantes pour relever le défi de la rénovation énergétique mais aussi de la crise du logement en général. Je fais donc confiance à Mme la rapporteure pour défendre tous ces amendements vendredi en commission des finances avec la même vigueur que nous les portons aujourd’hui, afin que ces amendements soient repris dans les débats en hémicycle avant l’arrivée potentielle d’un 49-3. Nous affichons une politique volontariste qui fait presque l’unanimité, donc itza-itz ! Tenons notre parole jusqu’au bout !

M. le président Guillaume Kasbarian. Le groupe LIOT ne souhaitant pas s’exprimer, nous sommes éclairés. Comme le dit un proverbe togolais, « on n’écoute pas le chant d’un seul oiseau » ! Nous avons eu la possibilité d’entendre la totalité des groupes politiques.

 

L’amendement CE261 est adopté, et fait tomber les autres amendements en discussion commune.

 

La commission examine, en discussion commune, des amendements CE173 de Mme  Anaïs Sabatini et CE242 de M. Frédéric Falcon.

 

M. Frédéric Falcon. Cet amendement vise à doubler les aides allouées à l’Anah pour améliorer l’habitat indigne pour les propriétaires occupants et propriétaires bailleurs. C’est une petite enveloppe de seulement 10 millions d’euros. Ce n’est rien par rapport aux milliards qui ont été votés aujourd’hui et j’espère que cet amendement pourra passer, notamment dans un contexte d’inflation et de hausse du coût des matières premières. Nous prenons les crédits sur la politique de la ville, qui a largement montré son inefficience selon nous.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Deux amendements ont été présentés, l’un à 30 millions et l’autre à 10 millions d’euros. Je partage, comme beaucoup dans cette salle, votre préoccupation pour l’éradication de l’habitat indigne. C’est un élément central dans le programme pour le logement de notre majorité. Je rappelle qu’en matière de résorption de l’habitat indigne dans le parc privé, le préfet met en œuvre un pouvoir de police simplifié, amélioré par une réforme importante en 2021 mais que, or expropriations, les travaux restent en premier lieu à la charge des propriétaires.

En 2022, l’Anah a apporté 63 millions d’euros de subventions aux travaux d’office et autres opérations de traitement de l’habitat indigne. Les montants de subventions mobilisés sont en hausse de 12 % par rapport à l’année précédente du fait du coût des travaux plus élevés. Un financement complémentaire de 15,5 millions d’euros vise à financer les activités revenant au préfet en cas de carence du propriétaire (diagnostic et contrôle après travaux, travaux d’office réalisés en cas de carence de propriétaire, hébergement des occupants en cas de défaillance des propriétaires).

J’en profite pour rappeler que nous avons mené une réforme importante de l’habitat indigne dans le cadre de la loi Élan avec les mesures suivantes ; renforcement des sanctions sur les marchands de sommeil – nous avons beaucoup insisté là-dessus et beaucoup travaillé sur ce sujet, notamment avec le ministre –, peine complémentaire systématique, astreinte administrative renforcée, poursuite automatique par l’administration et par l’administration fiscale.

Votre amendement est selon moi satisfait. J’en demande donc le retrait et à défaut j’émettrai un avis défavorable.

M. Antoine Armand. J’aimerais tout d’abord dénoncer la stigmatisation de la politique de la ville de la part du Rassemblement national – qui est toujours prompt à dénoncer. Je souligne en outre l’hypocrisie de cet amendement, puisqu’il y est question de potentiellement 450 000 logements indignes. Avec le premier amendement, cela ferait 66 euros d’aide par logement indigne et avec le deuxième amendement cette somme tomberait à 22 euros. On voit bien qu’il ne s’agit pas là d’un amendement qui vise à répondre à une quelconque situation d’insalubrité.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les amendements CE173 et CE242.

 

La commission examine, en discussion commune, les amendement CE224 et CE238 de M. David Taupiac.

 

M. David Taupiac. Ces amendements portent sur les associations qui réalisent de la maîtrise d’ouvrage d’insertion (MOI). Ces associations remplissent une œuvre d’intérêt public qui entre en résonance avec de nombreux objectifs fixés par la puissance publique dans le cadre de la transition écologique. Elles sont ainsi un peu plus de deux cents sur le territoire national à produire une offre de logements locatifs dits très sociaux à destination des publics les plus précaires, réhabilitant des habitats délabrés ou insalubres. Leur action coïncide de fait avec une triple finalité qui figure dans les objectifs que s’est fixé l’État : opérer une transition énergétique ambitieuse dans l’habitat en isolant massivement des passoires thermiques, offrir des logements abordables pour des publics en grande précarité et, enfin, participer à la rénovation des centres-bourgs et des villages dont l’habitat se dégrade. À bien des égards, l’action de ces associations paraît donc salutaire. Pour autant, les associations responsables de MOI sont subventionnées par l’Anah et elles sont aujourd’hui confrontées à des contraintes qui menacent la pérennité de leur activité à très court terme, notamment en lien avec l’augmentation du coût des matières premières.

L’amendement CE224 consiste à abonder les fonds de 100 millions d’euros. Aujourd’hui, l’enveloppe destinée à accompagner ce type d’initiatives est fixée à 8 millions d’euros pour l’ensemble du pays, et compte tenu de l’explosion du coût des matières premières et des très gros investissements, on arrive à rénover à peine cent logements à l’échelle du pays. La France rurale souffre d’un délabrement progressif de son parc immobilier du fait du manque de croissance de la population et des effets du « zéro artificialisation nette », qui contraignent fortement la construction de nouveaux logements. Nous devons redoubler d’efforts pour la rénovation thermique des logements de ce fait.

L’abandon des associations réalisant la maîtrise d’ouvrage d’insertion constitue un paradoxe incompréhensible.

Le second amendement que j’ai déposé concerne le plafond qui est appliqué aux travaux de rénovation. Actuellement, les associations bénéficient d’un taux de subventions de 60 % avec un plafond de 1 250 euros hors taxes par mètre carré réhabilité. Ce plafond est inchangé depuis 2013 et en dix ans, le coût des matériaux augmentant, les associations restent bloquées.

Le présent amendement vise donc à porter le plafond de subventions de l’Anah à destination de la MOI à hauteur de 1 850 euros hors taxes du mètre carré, de manière à permettre l’utilisation complète de l’enveloppe destinée à ce type d’ouvrages par l’agence.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Vous avez voulu porter notre attention sur un sujet complexe, celui de la maîtrise d’ouvrage d’insertion. Je me permets de revenir sur le sujet pour que chacun puisse l’appréhender. La maîtrise d’ouvrage d’insertion (MOI) est une action publique qui relève de plusieurs programmes budgétaires. Au premier chef, figure le programme 177 « Hébergement », qui a été porté de 1,7 milliard d’euros en 2017 à 2,9 milliards d’euros aujourd’hui, soit une augmentation de 70 % dans le cadre du Plan logement.

Je rappelle qu’un logement d’insertion est destiné à des personnes en difficulté, associant une offre immobilière accessible, une gestion locative sociale et, le cas échéant, un accompagnement social. Le parc de logements d’insertion peut être soit produit par des organismes MOI dans le diffus ou en logement collectif, soit mobilisé auprès des bailleurs dans le cadre d’une intermédiation locative.

Pour financer leurs opérations, les organismes MOI peuvent, en fonction de leur projet, mobiliser deux circuits de financement distincts et non cumulatifs.

Le premier circuit est celui du financement en PLAI, qui peut être complété par un financement « PLAI adapté » permettant de financer aussi bien l’acquisition du bien que les travaux d’amélioration. Il est privilégié pour les opérations d’acquisition-amélioration avec un coût foncier important et pour les opérations de construction neuve. À cet égard, l’une des réussites du programme « Logement d’abord » a été la hausse de la production de PLAI adaptés, portée par les organismes agréés pour la maîtrise d’ouvrage d’insertion. Les PLAI adaptés ont ainsi atteint en 2022 8 % de la production totale des logements en PLAI contre 2,5 % en 2017. Cette progression témoigne de notre attachement à ce sujet.

Le deuxième circuit consiste en un financement par l’Anah de la réalisation des travaux de réhabilitation. Si l’Anah dispose en effet, comme vous l’indiquez, d’un régime d’aides spécifiques pour les organismes MOI, ces derniers peuvent aussi solliciter le régime d’aide classique de l’Anah en direction des propriétaires bailleurs en fonction des caractéristiques du projet. Les primes « Habiter mieux » et les primes de réservation peuvent éventuellement s’ajouter au financement. Les crédits alloués à la MOI ont donc déjà été sensiblement augmentés, que ce soit à travers l’augmentation des crédits du programme 177 (« Hébergement ») ou à travers celle des crédits de l’Anah.

Votre amendement est selon moi déjà satisfait et j’en demande le retrait ; à défaut j’émettrai un avis défavorable.

 

L’amendement CE224 est adopté et fait tomber l’amendement CE238.

 

La commission aborde l’examen de l’amendement CE168 de M. Benjamin Saint-Huile.

 

M. David Taupiac. Le présent amendement vise à augmenter les crédits attribués à la prévention des expulsions locatives, largement sous-dotés au PLF 2024 avec seulement 6,9 millions d’euros. Cette ligne budgétaire est importante à au moins quatre titres. D’abord, le renforcement de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives permettra la mise en œuvre de la politique afin d’indemniser davantage les propriétaires. Ensuite, cette politique est un maillon essentiel pour éviter les ruptures dans le parcours vers le logement des personnes vulnérables. En outre, le succès du plan « Logement d’abord 2 » dépend pour une large part de la réduction du flux de personnes en situation de sans-abrisme. Enfin, L’inflation et la persistance d’un chômage de longue durée augmentent le risque qu’un ménage déjà en situation de précarité ne soit plus en mesure de payer son logement.

Pour toutes ces raisons, il est demandé une augmentation des crédits destinés à la prévention des expulsions locatives à hauteur d’un million d’euros.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Cet amendement présente des similarités avec celui que nous examinerons ensuite, qui a été déposé par M. Echaniz. Ils n’ont pas été inscrits en discussion commune mais mon argumentaire s’applique aux deux.

La loi « Kasbarian » du 27 juillet 2023 prévoit en effet une évolution des missions de la commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (Ccapex), puisque c’est à elle qu’il revient de décider du maintien ou non des APL du locataire en situation d’impayé de loyers plutôt qu’à la Caf ou à la MSA.

Pour rappel, siègent notamment au sein de la Ccapex, le préfet et son représentant, le président du département, le président de l’EPCI, un représentant des organismes payeurs et les représentants des bailleurs sociaux et privés. Il s’agit d’abord d’une commission de concertation et de pilotage. Elle n’a pas vocation à assurer un accompagnement direct.

En revanche, l’article 12 de la même loi prévoit bien un renforcement de l’accompagnement social et budgétaire des ménages en situation d’impayé, qui est à la charge des Caf ou des MSA, ces dernières en assurant le suivi. Ces structures sont déjà outillées à cet effet, notamment dans le cadre du PLFSS.

Ainsi à mes yeux vos amendements ne sont pas opérants. J’émets donc un avis défavorable.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE168 et aborde l’examen de l’amendement CE267.

 

M. Inaki Echaniz. Cet amendement vise à renforcer les moyens des Ccapex et des équipes mobiles de prévention des expulsions locatives pour les porter à 10 millions d’euros en prévision de la hausse sensible des besoins du fait de la mise en œuvre de la fameuse loi « Kasbarian » de lutte contre l’occupation sans droit ni titre des logements et autres locaux. Outre les effets de cette loi sur la charge de ces commissions et équipes mobiles, il s’agit d’assurer également un rattrapage, tenant compte de la charge de travail et de raccourcir les délais de traitement et de prise en charge. Je ne doute pas que notre président de commission sera satisfait de cet amendement et le votera des deux mains !

M. le président Guillaume Kasbarian. Je m’inquiète surtout pour la calculette…

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Comme je l’ai déjà expliqué précédemment, l’accompagnement est à la charge des Caf et des MSA et non pas de la Ccapex.

M. Inaki Echaniz. L’un n’empêche pas l’autre…

M. François Piquemal. C’est un très bon amendement. Puisque nous citions des proverbes, la devise des Lannister dans Game of Thrones est : « Un Lannister paie toujours ses dettes ». Le problème est que votre loi n’a pas fait l’objet d’une évaluation financière. Les expulsions locatives ont vocation à se multiplier, puisque vous les avez facilitées. Pour pouvoir procéder à une expulsion, il faut un huissier, un procès, des déménageurs, des agents de police et un lieu pour stocker les affaires de la personne qui est expulsée. Aucune étude n’ayant eu lieu sur le coût d’une expulsion locative – ce n’est pas faute de l’avoir réclamé à l’occasion de l’examen de votre projet de loi – nous sommes obligés de nous appuyer sur la seule étude existante, celle du Conseil national des associations familiales laïques (Cnafal), qui estime ce coût à 4 000 euros.

Or en 2022, 17 500 ménages ont été expulsés de leur logement. À raison de 4 000 euros par expulsion, cela représente un coût de 70 millions d’euros. Vous pouvez donc déjà soustraire cette somme sur votre calculette !

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous ne reprendrons pas le débat de l’examen de la loi « Kasbarian », qui a été adoptée largement, promulguée et qui est appliquée. Elle a été adoptée et promulguée le 27 juillet, et un premier contrôle de son application à six mois est prévu prochainement. Il faudra attendre trois ans pour être capables d’effectuer une évaluation globale. Toutes les lois que nous votons sont évaluées succinctement au bout de six mois et de manière plus approfondie au bout de trois ans d’application. Vous pouvez toujours poser des questions au Gouvernement entre-temps et exercer vos moyens de contrôle auprès du Gouvernement pour vous renseigner sur les coûts.

 

L’amendement CE267 est rejeté.

 

La commission aborde l’examen de l’amendement CE223 de Mme Christine Engrand, qui est défendu. Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement.

 

La commission aborde l’examen, en discussion commune, des amendements CE246 de M. Frédéric Falcon et CE222 de Mme Christine Engrand.

 

M. Frédéric Falcon. Je vais défendre mon amendement et considérer que celui de ma collègue est défendu, ce sera plus simple. Cet amendement vise à connaître le taux de logements sociaux attribués à des ménages sans domicile dont l’un des membres et de nationalité française. Cet indicateur territorialisé permettra d’orienter les politiques du logement.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je suis bien entendu défavorable à ces deux amendements, qui visent à appliquer au parc locatif le principal – si ce n’est le seul – leitmotiv du RN. Les raisons du refus sont les suivantes : qu’en est-il des ménages mixtes, des enfants français dont les parents sont étrangers ? Ce sont des mesures démagogiques. Il n’y a pas de raison de faire de la citoyenneté un facteur d’adaptation de la politique du logement social. J’émets donc un avis défavorable.

M. François Piquemal. Je ne connais pas la part de personnes de nationalité française qui sont parmi les demandeurs de logements sociaux mais ce qui est certain, c’est qu’il y a de la discrimination dans l’attribution des logements sociaux. Plusieurs études sérieuses en attestent, notamment pour les personnes étrangères ou présupposées comme telles.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette successivement les deux amendements.

 

Avant l’article 50

 

La commission aborde l’examen de l’amendement CE232 de M. Inaki Echaniz.

 

M. Inaki Echaniz. Cet amendement, proposé par la Fondation Abbé Pierre, vise à appliquer le droit commun de l’astreinte administrative dans le cadre du droit au logement opposable (Dalo) en prévoyant qu’elle est en principe versée en requérant. Les ménages reconnus prioritaires par une commission de médiation et auxquels aucune proposition de logement n’a été faite peuvent saisir le juge administratif afin d’enjoindre le préfet à respecter son obligation. L’injonction est le plus souvent assortie d’une astreinte qui alimente le Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement, sans bénéficier au requérant alors qu’il est bien celui qui a le plus intérêt à ce que l’État agisse et qu’il est victime d’une situation de mal-logement à laquelle l’État aurait dû remédier. Ainsi la procédure Dalo déroge au droit commun, qui prévoit que l’astreinte est en principe versée au requérant, le juge pouvant décider d’en affecter une part seulement au budget de l’État sans aucune justification particulière.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Si je comprends bien la logique de votre amendement, plusieurs raisons m’empêchent d’y donner un avis favorable, et notamment l’article L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l’habitation, qui dispose en effet que le produit de l’astreinte est versé au Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement (FNAVDL). L’astreinte n’est donc pas versée directement au requérant. Si cela peut poser question eu égard au droit commun, le Conseil d’État a pourtant jugé en 2016 que ce dispositif n’était pas incompatible avec la Convention européenne des droits de l’homme.

Par ailleurs, le juge administratif, lorsqu’il ordonne au préfet de reloger un ménage prioritaire Dalo sous astreinte, peut également ordonner que dans l’attente de ce relogement, le demandeur soit accueilli en hébergement ou en logement de transition. Surtout, le demandeur dont la demande a été reconnue prioritaire et urgente mais qui n’a toujours pas été relogé, peut être indemnisé des préjudices subis. Enfin, j’ai utilisé précédemment le terme « directement » à dessein, puisque l’astreinte est versée au Fonds national d’accompagnement vers et dans le logement, dont la mission est de financer les projets des associations et des bailleurs sociaux qui portent sur des actions d’accompagnement social pour faciliter l’accès et le maintien dans le logement des personnes en difficulté. Autrement dit, les requérants sont susceptibles de bénéficier des projets financés par le fonds précédemment cité et donc par extension, de l’astreinte administrative versée.

J’émettrai donc un avis défavorable.

M. le président Guillaume Kasbarian. J’ouvre la discussion aux groupes.

M. François Piquemal. Mon collègue Echaniz et la Fondation Abbé Pierre vous proposent un amendement de bon sens. Monsieur le président, votre calculette ne calcule pas tout. Elle ne tient pas compte, par exemple, du fait que 112 000 recours ont été déposés au titre du Dalo et du droit à l’hébergement opposable (Daho). Tout cela engendre des frais judiciaires. Savez-vous combien le non-respect des procédures Dalo coûte à l’État ? En Haute-Garonne, de nombreuses familles sont reconnues éligibles mais attendent pourtant toujours d’obtenir un hébergement. Je ne parle même pas de la politique d’hébergement actuelle, qui consiste à payer des nuitées hôtelières très onéreuses parce que nous n’investissons pas assez dans la construction de centres d’hébergement. Je ne parle pas du fait que, sur les 2,4 millions de demandeurs HLM, il y en a 73 % qui sont éligibles au PLAI et que trop peu de ces logements sont construits. Du coup, les centres d’hébergement d’urgence et du parc privé se retrouvent saturés.

Il y a autre chose que votre calculette ne calculera pas. Plus de 300 000 personnes sont actuellement sans abri, 4,1 millions de personnes sont mal ou très mal logées et plus de 10 millions de personnes sont dans une situation de logement précaire. Cela engendre un coût important, notamment pour la santé. Je pense donc que vous devriez intégrer cela à votre champ de réflexion à propos de cet amendement.

M. Inaki Echaniz. Je profite de l’occasion qui m’est donnée ici pour rapporter des difficultés sur mon territoire. Je mentionne le cas de M. Dupont, qui a reçu un congé pour vente de l’appartement dont il est locataire depuis dix-huit ans. Il a toujours payé ses loyers correctement et il ne trouve pas de solution de relogement étant donné qu’il n’est pas en capacité de suivre l’inflation et la spéculation des loyers sur son territoire. La plupart des biens loués sur son territoire sont d’ailleurs des meublés de tourisme. J’en reviens à ma question du Dalo : M. Dupont a dû attendre un an avant de pouvoir y recourir du fait de son avis d’expulsion. Il serait peut-être temps de réfléchir à une amélioration du dispositif de manière transpartisane afin qu’une personne dans cette situation puisse faire appel au Dalo dès réceptions de son avis de congé pour vente, sans avoir besoin d’attendre de recevoir son avis d’expulsion. Sur mon territoire, le délai pour obtenir un logement social est de trois ans. M. Dupont va devoir dormir dans sa voiture pendant deux ans alors que s’il avait pu saisir le Dalo dès le début de son congé pour vente, nous aurions pu éviter ce genre de situation.

 

Suivant l’avis de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE232.

 

La commission examine les amendement CE191, CE193 et CE192 de M. François Piquemal.

 

M. François Piquemal. Le premier amendement vise à s’assurer que, lorsqu’une opération de rénovation urbaine est prévue dans le cadre du nouveau programme national de renouvellement urbain (NPNRU), une reconstitution exacte du nombre de logements sociaux démolis soit réalisée. Ce n’est pas le cas aujourd’hui. Nombre de ces opérations – elles sont prévues pour cela – se traduisent par de l’accession à la propriété. Le problème est que de nombreux ménages n’ont pas les moyens de retrouver un logement dans le parc privé, que ce soit en raison du loyer ou de la typologie des logements disponibles. Nous souhaiterions donc qu’un nombre équivalent de logements sociaux en PLAI soit reconstruit par rapport à ceux démolis. Sur ce sujet, je vous invite tous à aller voir le film Bâtiment 5 du réalisateur Ladj Ly, qui avait obtenu la Palme d’or pour Les Misérables.

L’amendement CE193 porte toujours sur la rénovation urbaine. Il s’agit de mettre un peu d’ordre et d’autorité là où il y en a si peu c’est-à-dire de faire en sorte que les maires voyous qui s’exemptent d’appliquer la loi SRU – je pense aux maires de Nice et de Cannes notamment – soient rappelés à l’ordre et que l’État ne leur accorde pas de financement sur le NPNRU s’ils ne font pas les efforts nécessaires pour appliquer la loi, c’est-à-dire construire du logement social.

Un rapport a été produit par un maire, qui montre que si la loi SRU avait été respectée par tous les maires, nous aurions 600 000 logements supplémentaires aujourd’hui.

Le troisième amendement concerne toujours la rénovation urbaine et son volet écologique. Nous savons que le secteur du bâtiment représente 25 % de l’empreinte carbone. Un mètre carré de bâtiment démoli représente 300 kg de CO2. Un mètre carré de bâtiment construit représente 1,5 tonne de CO2. Or avec les grands projets de rénovation urbaine, nous avons énormément démoli et reconstruit et cela un impact carbone important. On pouvait dire il y a vingt ans que nous n’étions pas forcément au courant de la catastrophe climatique qui nous guette mais ce n’est plus le cas aujourd’hui et c’est pour cela que nous demandons que le projet le mieux‑disant du point de vue écologique soit retenu.

Je cite un exemple local, monsieur Kasbarian et madame la rapporteure, pour essayer de vous convaincre du bienfait de cet amendement. Je suis député de Toulouse et le quartier du Mirail y est concerné par un projet de rénovation urbaine. Plus de mille logements sociaux vont être démolis L’enquêteur public a déclaré que ce projet était d’utilité publique mais il a émis de nombreuses réserves. Il a notamment pointé l’absence de propositions alternatives au projet de rénovation proposé par l’Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et la Métropole de Toulouse. 1 000 logements vont donc être démolis, 780 arbres – la plupart centenaires ou pas loin de l’être – vont être arrachés. 3,7 hectares d’espaces verts vont disparaître sans garantie que de nouveaux espaces soient créés.

Les communes sont en outre de plus en plus touchées par la logique « zéro artificialisation nette ». Si on démolit des logements, cela signifie indirectement qu’il faut en reconstruire en troisième, quatrième ou cinquième couronne, et donc d’artificialiser des sols. Toute la logique de la rénovation urbaine est donc à revoir à l’aune de la transition écologique et c’est l’objet de cet amendement.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Je ne crois pas qu’il faille conditionner excessivement les programmes de renouvellement urbain financés par l’Anru car je crains que cela n’ait un effet bloquant. Dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), ces financements permettent de réagencer des quartiers de ville avec des bâtis dégradé ou désaffecté. Les opérations doivent pouvoir être menées en fonction des enjeux et des besoins locaux sans qu’elles soient trop déterminées au niveau national. C’est le principe de la gestion décentralisée des crédits de politique de la ille.

Je vous donnerai un contre-exemple : chez nous à Quimper, nous avons démoli des tours et nous avons réaménagé sur site avec justement de la renaturation, des espaces de vie, des crèches, etc. Un important travail a été réalisé afin de procéder à un réaménagement urbain plus écologique et favorisant le bien-vivre ensemble. Ce projet est plutôt très bien mené.

L’enjeu n’était pas non plus de reconstituer le parc à l’identique, il s’agissait aussi de répondre à des enjeux de mixité sociale. C’est pour cela qu’il est parfois préférable de ne pas reconstruire à l’identique les logements sociaux démolis. J’entends que c’est plutôt au niveau local que l’aménagement doit être réalisé plutôt que de décider au niveau national de comment conditionner toutes ces aides et comment piloter tous ces programmes.

J’émets donc un avis défavorable sur ces trois amendements, pensant que c’est plutôt une logique locale qui doit déterminer l’enjeu.

 

La commission rejette successivement les amendements CE191, CE193 et CE192.

 

 

Après l’article 52

 

La commission aborde l’examen de l’amendement CE245 de M. Frédéric Falcon.

 

M. Frédéric Falcon. Il s’agit d’une demande de rapport pour évaluer les conséquences des mesures qui ont été imposées, notamment dans le cadre de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021, avec des contraintes énergétiques sur le parc et sur le marché locatif. Notre crainte est d’assister à un retrait massif des logements du marché alors que nous sommes en pleine crise et que nous comptons déjà trois millions de logements vacants. Notre crainte est également que certains biens ne se déprécient faute de moyens pour effectuer des travaux. Les propriétaires se retrouveront alors obligés de revendre leur bien à un prix décoté. Je vous vois venir à propos des intentions du Rassemblement national censé s’opposer à toute rénovation thermique. C’est absolument faux et je vous ai illustré mon propos, notamment à travers les doutes sur la pérennité des travaux engagés. Je vous renvoie au rapport de l’université de Cambridge que je vais vous remettre. Je voulais également remettre en perspective les efforts demandés aux Français alors que la France ne représente que 1 % des émissions de CO2 dans le monde, et que le secteur résidentiel représente seulement 12 % des émissions en France.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Nous avons retrouvé le rapport et nous vous remercions de nous l’avoir signalé. J’émettrai d’office un avis défavorable sur toutes les demandes de rapport. Du reste, il n’est pas question de faire marche arrière sur le sujet de la rénovation énergétique. J’émets donc un avis très défavorable.

 

La commission rejette l’amendement CE245.

 

La commission aborde l’examen de l’amendement CE268 de M. Inaki Echaniz.

 

M. Inaki Echaniz. Cet amendement, suggéré notamment par l’USH, vise à demander la remise d’un rapport d’évaluation de la réduction du loyer de solidarité avant le PLF 2025 et, en particulier, de son impact sur la production, la réhabilitation et la rénovation thermique des logements sociaux.

La RLS a été au cœur de nos débats depuis plusieurs heures et influe fortement sur les finances des bailleurs sociaux, avec un effet sur la crise du logement. Il nous paraît donc opportun que Mme la rapporteure ait a minima un avis de sagesse sur cette demande de rapport. Il est nécessaire de documenter les effets de la RLS pour que nous puissions apporter des réponses dans le cadre du prochain PLF. Il s’agirait d’aller encore plus loin que le plan sur le logement que nous votons en ce moment même au sein de cette commission. Nous remettons plusieurs milliards d’euros sur la table pour pallier le déficit de ces dernières années. J’espère que nous pourrons débattre de ce rapport en hémicycle.

M. William Martinet. Pourquoi cette demande de rapport sur la RLS est‑elle pertinente ? Parce que, à l’époque où la RLS a été décidée, c’était un dispositif qui n’avait pas vocation à être durable. En tout cas, le discours tenu aux bailleurs sociaux pour faire passer la pilule a consisté à dire qu’une clause de revoyure était prévue. La RLS est en place maintenant depuis plus de cinq ans et force est de constater que le dispositif perdure et que l’environnement économique des bailleurs s’est dégradé depuis. À l’époque où la RLS a été créée, le taux du Livret A était de 1 %. Nous en sommes à 3 %. Le coût économique pour les bailleurs est équivalent à celui de trois RLS. Cela commence à faire beaucoup. Nous étions censés avoir affaire à un dispositif transitoire mais celui-ci se maintient, alors même que le contexte économique pour les bailleurs se dégrade. Cela fait beaucoup de raisons pour, sinon supprimer la RLS comme nous le demandons depuis le début de la discussion, tout du moins dans un premier temps produire un rapport qui permettrait de déterminer la manière dont les bailleurs sociaux pourraient être encouragés à construire les logements dont nous avons besoin.

 

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE268.

 

La commission aborde l’examen de l’amendement CE247 de M. Frédéric Falcon.

 

M. Frédéric Falcon. Il s’agit d’une demande de rapport concernant l’état sécuritaire dans le parc social français, notamment à cause des troubles qui pourraient être occasionnés par des ressortissants étrangers. L’objectif est d’avoir une vision globale de la situation sécuritaire dans le parc de logements sociaux avec des locataires qui ne respecteraient pas les règlements des résidences et qui seraient de potentielles nuisances pour le voisinage. Le but serait de faire appliquer la loi tout simplement : l’article 1728 du code civil et l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989.

 

Suivant l’avis défavorable de la rapporteure, la commission rejette l’amendement CE247.

 

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous avons terminé l’examen des amendements. Nous avons adopté au total seize amendements de l’opposition, des amendements qui émanent exclusivement des groupes SOC, LFI-NUPES et LIOT. Ils ont été adoptés contre l’avis de la rapporteure et contre l’avis de la majorité. Ces seize amendements viennent rajouter 7 242 600 000 euros aux crédits du logement, qui s’ajoutent aux 491 milliards d’euros des dépenses de l’État, et vous savez par ailleurs que notre dette se monte à plus de 3 013 milliards d’euros. Je me tourne vers la rapporteure pour savoir ce qu’elle pense de ces crédits.

Mme la rapporteure Annaïg Le Meur. Mon avis porte sur les crédits portant sur le logement et l’urbanisme de la mission « Cohésion des territoires », initiaux, avant modification par ces amendements. Sur ces crédits initiaux, j’émets un avis favorable.

M. Matthias Tavel. J’ai une question technique : est-ce que le vote porte sur les crédits initiaux ?

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous donnons un avis sur les crédits en général. Comme je l’ai toujours dit, cet exercice est assez absurde : nous donnons un avis sur tous les thèmes budgétaires qui concernent la commission des affaires économiques, puis les rapporteurs pour avis expriment leur avis sur les crédits en commission des finances et portent les amendements qui ont été adoptés par notre commission. La commission des finances, qui est saisie au fond, donne un avis définitif, puis le débat se déroule dans l’hémicycle avec une conclusion que l’on connaît à peu près par avance.

M. Matthias Tavel. Les amendements étant transmis pour avis, les crédits ne sont pas encore modifiés dans la mesure où ils n’ont pas été adoptés…

M. le président Guillaume Kasbarian. Exactement.

M. Matthias Tavel. Nous votons donc sur les crédits initiaux de la mission.

M. le président Guillaume Kasbarian. Tout à fait. L’exercice est à la fois absurde et complexe. Nous arrivons au vote final. Je soumets ces crédits au vote.

 

La commission émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Cohésion des territoires » consacrés au logement et à l’urbanisme.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous avons terminé notre cycle d’examen d’avis budgétaires. Je pense d’ailleurs que nous devrions échanger en bureau à propos du nombre d’avis budgétaires et des règles de recevabilité des amendements, et plus généralement de la procédure budgétaire. Elle est probablement perfectible. Nous pourrons en discuter lors d’un prochain bureau le 8 novembre.

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉes

Groupe EDF

M. Philippe Laffon, directeur de la stratégie sociale

M. Erik Le Dorze, adjoint au directeur de la stratégie sociale

Mme Véronique Loy, directrice adjointe des affaires publiques

Groupe SNCF

Mme Anne Gabet, responsable de la rémunération et de la protection sociale

Mme Geneviève Bedin, directrice de l’Agence Logement SNCF

Mme Laurence Nion, conseillère parlementaire

Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH) *

M. Laurent Barthelemy, président de la branche des saisonniers et Président de la commission emploi/formation

M. Lorenzo Dri, directeur de l’emploi et de la formation

Club ETI Bretagne *

Mme Caroline Hilliet Le Branchu, présidente

Mme Émilie Aubry, déléguée générale

Caisse des dépôts et consignations

M. Pierre Laurent, responsable du département développement à la direction des prêts, Banque des territoires

Mme Selda Gloanec, conseillère en relations institutionnelles

Fonds d’action sociale au travail temporaire

M. Jean Macher, président

M. Daniel Lascols, directeur général

Groupe Action Logement

M. Bruno Arcadipane, président

M. Philippe Lengrande, vice-président

Mme Nadia Bouyer, directrice générale

CDC Habitat (groupe CDC)

M. Clément Lecuivre, directeur général

Mme Anne Frémont, directrice des affaires publiques

Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) *

M. Bernard Verquerre, président de la commission Logement

M. Adrien Dufour, responsable des affaires publiques

Société financière pour l’accession à la propriété [Sofiap] (groupe La Poste, groupe SNCF)

M. Franck Oniga, président du directoire La Banque Postale Consumer Finance, président du conseil de surveillance

M. Laurent Permasse, président du directoire

Société Axon’ Cable

M. Joseph Puzo, président-directeur général

Assemblée nationale

M. Dominique Da Silva, député

In’li Sud-Ouest (groupe Action Logement)

M. Mikael Loyer, président

M. Christophe Duquéroix, secrétaire général

M. Mickaël Nogal

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


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   LISTE DES CONTRIBUTIONS ÉCRITES

 

Adecco

Banque de France

Confédération française démocratique du travail

Confédération française de l’encadrement – Confédération générale des cadres

Confédération générale du travail

Groupe ADP

La Poste

Régie autonome des transports parisiens


([1]) Voir à ce sujet, par exemple, le rapport de 2005, « Foncier, logement : sortir de la crise », de MM. Thierry Repentin et Dominique Braye, et la loi du 18 janvier 2013 relative à la mobilisation du foncier public.

([2]) Ministère de la transition écologique, « Rapport du compte du logement 2022 », septembre 2023.

([3]) AE : autorisations d’engagement ; CP : crédits de paiement.

([4]) Arrêté du 26 décembre 2022 relatif au calcul des aides personnelles au logement pour l’année 2023.

([5]) Loi n° 2023-270 du 14 avril 2023 de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2023.

([6]) Article 12 de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite.

([7]) Chiffres Insee, retraitement CGDD/SDES (ministère de la transition écologique). Les 37,2 millions de logements ordinaires ne comprennent pas les 1,6 million de personnes logées en maison de retraite, internat, résidence étudiante, foyer de travailleurs, établissement militaire ou pénitentiaire, ou communauté religieuse.

([8]) Chiffres issus de l’enquête Emploi de l’Insee. URL : https://www.insee.fr/fr/statistiques/7658416.

([9]) Isabelle Daugareilh, « Le contrat de travail à l’épreuve des mobilités », Droit social, 1996/2.

([10]) Jean-Pierre Orfeuil, « La mobilité, nouvelle question sociale ? », SociologieS, 2010.

([11]) Mehdi Arfaoui, « Pour une mobilité géographique choisie par les salariés : triptyque emploi-logement-transports », Confédération française des travailleurs chrétients, coll. « Arguments », 2023.              
URL : https://ires.fr/wp-content/uploads/2023/03/CFTC_mobilite_geographique_web_2023.pdf

([12]) Jules-Mathieu Meunier, « Le lien emploi-logement : la prise en charge syndicale de la question du logement au révélateur des transformations du travail et de l’emploi », rapport final, CFDT, Ires, Lab’Urba/Université Paris Est, septembre 2016.

([13]) Michael Harloe, The People’s Home, Social Rented Housing in Europe and America, Blackwell, 1995.

([14]) Wael Altali, “Assessing affordable housing availability and its effect on employers’ ability to recruit and retain employees in Greater Boston”, Northeastern University et Massachusetts Housing Partnership, avril 2017.

([15]) Mélanie Babès, Régis Bigot, Sandra Hoibian, « Les problèmes de logement des salariés affectent 40 % des entreprises », Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, rapport réalisé à la demande du Mouvement des entreprises de France, n° 280, avril 2012.

([16]) Régis Bigot, « Les répercussions directes et indirectes de la crise du logement sur l’emploi », Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, étude réalisée à la demande du Mouvement des entreprises de France, mars 2011, URL : https://www.credoc.fr/publications/les-repercussions-directes-et-indirectes-de-la-crise-du-logement-sur-lemploi-direct-and-indirect-repercussions-of-the-housing-crisis-on-the-employment-and-job-situation.

([17]) Ce phénomène s’explique aussi par le coût croissant, pour les locataires, du départ du secteur social, dont le différentiel de prix avec le secteur libre se creuse depuis le début des années 2000, comme l’illustrent régulièrement les études à ce sujet. Étude de référence de Nathalie Donzeau et Jean-Louis Pan Ké Shon, « L’évolution de la mobilité résidentielle en France entre 1973 et 2006 : nouvelles estimations », Population, 2009/4 (Vol. 64), p. 779-795 ; URL : https://www.cairn.info/revue-population-2009-4-page-779.htm.
Plus récemment, la revue Éclairages de la Caisse des dépôts et consignations a publié une étude sur « La mobilité résidentielle en France : Des déménagements en baisse ces dix dernières années », février 2016 ; URL : https://www.banquedesterritoires.fr/sites/default/files/2018-11/eclairages_9.pdf.

([18]) Alain Dorison et Chantal Chambellan Le Levier, « Faciliter l’accès au logement des agents publics », rapport au ministre de la fonction publique, 2016.

([19]) La récente mission d’information sur les dépenses fiscales et budgétaires en faveur du logement et de l’accession à la propriété a noté a noté plus généralement « un manque étonnant d’études et de recherches économiques sur le logement » (MM. Charles de Courson et Daniel Labaronne, rapport d’information n° 1536 de la commission des finances, septembre 2023).

([20]) Chang-Tai Hsieh et Enrico Moretti, “Housing Constraints and Spatial Misallocation”, American Economic Journal: Macroeconomics, 11 (2): 1-39, 2019.

([21]) Jerry Anthony, “Housing Affordability and Economic Growth”, Housing Policy Debate, 2022, URL : https://doi.org/10.1080/10511482.2022.2065328.

([22]) Global Cities Business Alliance et PriceWaterhouseCoopers, “Housing for Inclusive Cities: the economic impact of high housing costs”, avril 2016. URL : https://www.pwc.com/gx/en/psrc/pdf/gcba-housing-economic-impact-study.pdf.

([23]) Ce « seuil de sortie de l’abordable » peut être analysé comme élevé en comparaison historique, dans la mesure où les dépenses consacrées au loyer étaient d’environ 7 % des revenus en moyenne nationale en 1963 (chiffre de l’enquête nationale Logement réalisée par l’Insee, en 2013).

([24]) Yukun Hu, Taotao Deng, Jun Zhang, “Can commuting facilitation relieve spatial misallocation of labor?”, Habitat International, 106, 2020.

([25]) Inspection générale des finances, Conseil général de l’environnement et du développement durable, Inspection générale de l’administration, « Lutte contre l’attrition des résidences principales dans les zones touristiques en Corse et sur le territoire continental », juin 2022, URL :               https://mobile.interieur.gouv.fr/content/download/133887/1061029/file/22017R%20-%20%20Attrition%20r%C3%A9sidences.pdf.

([26]) Véronique Hespel, « Les logements de fonction des agents de l’État », rapport du groupe interministériel de réflexion, Inspection générale des finances n° 2003-M-050-02, décembre 2003. URL : https://medias.vie-publique.fr/data_storage_s3/rapport/pdf/094000592.pdf.

([27]) Voir par exemple article L. 721-1 du code général de la fonction publique.

([28]) Article R. 4121-3-1 du code général de la propriété des personnes publiques.

([29]) Site des Urssaf : https://www.urssaf.fr/portail/home/taux-et-baremes/avantages-en-nature.html.

([30]) Arrêté du 22 janvier 2013 relatif aux concessions de logement accordées par nécessité absolue de service et aux conventions d’occupation précaire avec astreinte. Un T3 est ainsi indiqué pour 1 ou 2 personnes, un T4 pour 3 personnes, un T5 pour 4 ou 5 personnes, un T6 pour 6 ou 7 personnes.

([31]) Cour de cassation, chambre sociale, 14 juin 1972, 71-40.455.

([32]) Article L. 441-1 du code de la construction et de l’habitation.

([33]) Articles L. 441-1, alinéas 35 et 37, et R. 441-5 du code de la construction et de l’habitation.

([34]) Article R . 441-5 du code de la construction et de l’habitation.

([35]) Chambre régionale des comptes d’Île-de-France, « La politique immobilière de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris : exercices 2016 et suivants », rapport d’observations définitives, déc. 2021. URL : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2023-10/IDR2022-19_rectifi%C3%A9.pdf.

 

([36]) Chambre régionale des comptes d’Île-de-France, « La politique immobilière de l’Assistance publique – Hôpitaux de Paris : exercices 2016 et suivants », rapport d’observations définitives, déc. 2021. URL : https://www.ccomptes.fr/sites/default/files/2023-10/IDR2022-19_rectifi%C3%A9.pdf.

([37]) Ce patrimoine privé (5,3 millions d’hectares) vient en plus du domaine public (3,8 millions d’hectares). Données hors baux emphytéotiques : l’AP-HP détient 4 388 logements à travers 77 baux emphytéotiques accordés sur son domaine privé. Patrimoine total en 2020 : 9,4 millions d’hectares.

([38]) Articles L. 442-8-1 et L. 442‑8-1-1 du code de la construction et de l’habitation.

([39])  Article 140 de la loi n° 2022-217 du 21 février 2022 relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l’action publique locale.

([40]) Une plateforme en ligne doit permettre aux agents de l’État de mieux comprendre les dispositifs à leur disposition : https://www.fonction-publique.gouv.fr/etre-agent-public/mon-quotidien-au-travail/laction-sociale-interministerielle/logement.

([41]) Meunier, Jules-Mathieu. « Le lien emploi-logement : la prise en charge syndicale de la question du logement à l’épreuve des transformations du travail et de l’emploi », La Revue de l’Ires, vol. 98, n° 2, 2019, pp. 83-111.

([42]) Articles L. 441-1, L. 441-1-1, L. 441-5 du code de la construction et de l’habitation.

([43]) Rapport public de contrôle de l’Ancols - Année 2019

([44]) Action Logement, Rapport d’activité 2022

([45]) Pour être éligible, le locataire devait être en possession d’une promesse d’embauche, en nouvel emploi, en mutation professionnelle ou en emploi. Dans ce dernier cas, seuls étaient éligibles les locataires de plus de 31 ans dont le revenu mensuel brut était de moins de 2 000 euros ou les locataires de moins de 31 ans sans conditions de ressources.

([46]) Article L. 710-1 du Code de commerce.

([47]) Proposition de loi n° 1176 visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, présentée par Annaïg Le Meur, Bastien Marchive, Guillaume Kasbarian, Aurore Bergé, Laurent Marcangeli, Iñaki Echaniz, et des membres des groupes Renaissance, Horizons et Démocrate, déposée le 28 avril 2023. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1176_proposition-loi.

([48]) Proposition de loi n° 1127 portant création d’un usufruit locatif social employeur, présentée par M. Dominique Da Silva et des membres du groupe Renaissance. URL : https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/textes/l16b1127_proposition-loi.

([49]) Alain Dorison et Chantal Chambellan Le Levier, « Faciliter l’accès au logement des agents publics », rapport au ministre de la fonction publique, 2016.

([50]) Charles de Courson et Daniel Labaronne, rapport d’information n° 1536, septembre 2023.