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N° 1723

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2023.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
sur le projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680)

TOME V

ÉCONOMIE

ÉCONOMIE SOCIALE, SOLIDAIRE ET RESPONSABLE

PAR M. Charles FOURNIER

Député

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 Voir les numéros : 1680 (Tome III, Annexe 20).


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SOMMAIRE

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Pages

introDuction

premiÈre partie : Une programmation budgÉtaire parcellaire ET LimitÉe au regard des ORIENTATIONS POLITIQUES affichÉes ET DES BESOINS de l’ESS

I. Un effort Financier en faveur de l’Économie sociale et solidaire difficile À identifier et limitÉ au regard des besoins financiers du secteur

1. Des crédits consacrés au soutien à l’économie sociale et solidaire toujours insuffisants, en dépit d’une légère progression

2. Les évolutions contrastées des crédits des programmes budgétaires susceptibles de concourir au développement des structures de l’économie sociale et solidaire

II. une inflexion discutable des crÉdits en faveur de l’investissement À impact

1. Développement de l’économie sociale et solidaire : une sous-action 1 légèrement ajustée à la hausse dans les crédits alloués en cohérence avec la feuille de route ministérielle

2. Les sous-actions 2 et 3 : une reconduction des crédits sans inflexion des orientations budgétaires

SECONDE PARTIE : les Soutiens PRIVÉ et PUBLIC À la transition Écologique JUSTE des ORGANISATIONS DE l’Économie sociale et solidaire

I. La transition Écologique juste : une transformation Économique et sociÉtale INSUFFISAMMENT accompagnÉe au sein de l’Économie sociale et solidaire

A. Une contribution inÉgale de l’Économie sociale et solidaire À la transition Écologique

1. Des pratiques et des statuts qui peuvent évoluer pour une meilleure prise en compte de la transition écologique

a. Une définition large et statutaire insuffisamment axée vers la transition écologique

b. L’économie sociale et solidaire peut faire évoluer ses pratiques et ses actions pour s’engager pleinement dans une transition écologique juste

2. La loi « Hamon » : une prise en compte marginale de l’impératif écologique

B. Un rÔle En faveur de la transition Écologique juste insuffisamment SUIVI, accompagnÉ et planifiÉ

1. Un rôle en faveur de la transition écologique méconnu statistiquement et budgétairement

a. Le suivi statistique des acteurs de l’économie sociale et solidaire engagés dans la transition écologique reste à consolider

b. Un suivi budgétaire éclaté et imprécis, en particulier au sujet de la transition écologique

2. Une ingénierie territoriale insuffisante en matière de transition écologique au sein de l’économie sociale et solidaire

a. Une commande publique inadaptée aux acteurs de l’économie sociale et solidaire à impact environnemental

b. L’ingénierie territoriale au service de l’utilité sociale et écologique

II. des moyens de financement public et privÉ insuffisants face aux besoins de l’Économie sociale et solidaire en matiÈre de transition Écologique

A. Des moyens PUBLICS insuffisamment flÉchÉs vers la transition ÉCOlogique et ÉnergÉtique

1. Le manque de soutien budgétaire de l’État enraye la transition énergétique et l’innovation écologique au sein des structures de l’économie sociale et solidaire

a. La part de soutien public allouée à l’économie sociale et solidaire est à la fois insuffisante et méconnue

b. Les modèles économiques fragiles des structures de l’économie sociale et solidaire, mis à mal par la hausse des coûts de l’énergie, entravent leur transformation énergétique en interne

c. Le plan « France 2030 » est inadapté aux activités des acteurs ESS de la transition écologique et n’encourage pas l’innovation sociale et écologique

2. L’absence de mesures fiscales spécifiques allouées à l’impératif écologique et à l’innovation sociale et écologique au sein de l’économie sociale et solidaire

a. L’agrément Esus, insuffisamment mobilisé et reconnu, n’est pas fléché vers la transition écologique

b. Aucun dispositif fiscal n’est alloué à l’innovation écologique et sociale au sein de l’économie sociale et solidaire

B. DEs modes de financement privÉ innovants À parfaire pour remÉdier au rationnement du crÉdit et assurer la transition Écologique au sein de l’Économie sociale et solidaire

1. Les incitations fiscales et les obligations de RSE au service du renforcement de l’investissement solidaire dans les entreprises de l’ESS à forte empreinte écologique

a. Le dispositif de réduction d’impôt sur le revenu pour les PME au sein de l’ESS doit être pérennisé pour renforcer l’actionnariat solidaire à impact écologique

b. L’absence d’obligation de transparence en matière de commande privée nuit au développement et au verdissement de l’ESS

c. Le manque de fonds de garantie dédiés à l’ESS nuit au modèle économique et au verdissement de ses structures

2. Parfaire l’organisation d’une véritable épargne sociale et solidaire au bénéfice de la transition écologique juste au sein de l’ESS

a. L’épargne salariale développée mais insuffisamment fléchée vers la transition écologique

b. Renforcer l’offre d’épargne règlementée solidaire dans une optique de transition écologique

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

CONTRIBUTION ÉCRITE

 


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   introDuction

Votre Rapporteur tient à remercier l’ensemble des acteurs auditionnés ainsi que ceux ayant apporté leurs contributions à ses travaux par l’apport concret de leurs témoignages. Il regrette toutefois que Mme Olivia Grégoire, ministre déléguée auprès du ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, chargée des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l’artisanat et du tourisme, n’ait pas répondu favorablement à la demande d’audition qui lui avait été adressée et qui lui aurait permis de présenter la feuille de route ministérielle prévue en octobre 2023, qui n’a aucun effet sur la programmation budgétaire du projet de loi de finances pour 2024 en l’état.

Votre Rapporteur déplore également l’absence de mention de l’économie sociale et solidaire dans le décret d’attribution ([1]) de la ministre déléguée, une situation qui risque de réduire la visibilité et la gestion interministérielle de ce secteur essentiel, à rebours de certains modèles étrangers innovants comme l’Espagne ([2]).

Le présent avis vise à identifier et analyser les crédits issus du projet de loi de finances pour 2024 (PLF 2024) en faveur de l’économie sociale et solidaire (ESS). Sur le plan budgétaire, ces crédits sont inscrits à l’action 04 du programme 305 « Stratégie économique ».

Consacrée par le législateur en 2014 ([3]), l’économie sociale et solidaire vise à fournir une alternative économique au modèle capitaliste en lui opposant des valeurs qui lui sont propres, à savoir un partage de la valeur, une gouvernance démocratique et une finalité sociale et écologique. L’ESS se fonde sur un modèle économique de lucrativité limitée à rebours de la finalité de l’économie de marché.

Lors de son introduction face à ESS France ([4]), la ministre déléguée Olivia Grégoire a rappelé sa conviction que l’économie sociale et solidaire est « une économie à part entière, inspirante, prometteuse » et qu’elle doit devenir le « fer de lance vers une économie plus durable », une vision que votre Rapporteur partage volontiers. Il considère que l’économie sociale et solidaire ne doit pas être considérée comme une niche économique mais qu’elle a vocation à inspirer les transformations de l’ensemble de l’économie. En cohérence avec ces ambitions politiques affichées, votre Rapporteur ne peut qu’exprimer son regret face à la faiblesse des moyens budgétaires mobilisés pour l’économie sociale et solidaire ces dernières années, au regard des besoins réels du secteur.

À ce titre, le projet de loi de finances pour 2024 s’inscrit dans la lignée des projets de loi de finances présentés au cours des années récentes. Les crédits prévus, qui s’établissent à 19 M€ en autorisations d’engagement et 22 M€ en crédits de paiement pour l’action 04 du programme 305, apparaissent en décalage au regard des ambitions politiques affichées et des besoins du secteur, qui représente 10 % du produit intérieur brut et 14 % de l’emploi privé. Cette stagnation des crédits en faveur de l’ESS depuis plusieurs années est en décalage avec l’orientation prise par certains pays européens comme l’Espagne, qui déploie depuis 2022 un plan d’investissement massif ([5]) de 800 M€ pour renforcer le financement, l’innovation, la promotion et la visibilité de l’économie sociale et solidaire.

Par ailleurs, le niveau des crédits du projet de loi de finances pour 2024 constitue une reconduction stricte des niveaux de crédits alloués à l’économie sociale et solidaire depuis plusieurs années, alors que le secteur est confronté à une hausse des coûts de l’énergie pénalisant les modèles déjà fragiles de ses acteurs.

Votre Rapporteur regrette, de surcroît, la difficile identification des crédits alloués à l’économie sociale et solidaire dans le budget général, qui ne se résument pas à l’action 04 du programme 305, et recommande l’adoption d’une loi de programmation pour l’ESS. Ce point est d’autant plus problématique que l’article 185 de la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023, issu d’un amendement de notre collègue sénatrice Florence Blatrix Contat, présidente du groupe sénatorial d’études sur l’économie sociale et solidaire, prévoit qu’au plus tard le 30 juin 2023, « le Gouvernement remet au Parlement un rapport d’information sur les moyens et les dépenses des personnes publiques, notamment de l’État, en faveur du développement de l’économie sociale et solidaire. ». À ce jour, ce rapport n’a pas été déposé sur le bureau de l’Assemblée nationale, ni sur celui du Sénat.

En outre, les moyens budgétaires mobilisés n’apparaissent pas adaptés aux besoins d’investissement en termes d’innovation sociale et environnementale, ainsi qu’à l’accompagnement, des acteurs de l’économie sociale et solidaire. Plus précisément, alors que la ministre déléguée affiche l’ambition de faire de l’ESS un « fer de lance vers une économie plus durable » ([6]), aucun crédit budgétaire n’est consacré au soutien du développement durable ou de la planification écologique au sein de l’ESS. Pourtant de nombreuses structures de l’économie sociale et solidaire innovent en matière écologique dans des domaines aussi variés que l’agriculture, l’alimentation, le transport collectif ou le réemploi. De nombreux intervenants au sein de l’économie sociale et solidaire sont aujourd’hui confrontés à la nécessité d’opérer une transition écologique, notamment dans des domaines tels que la rénovation thermique des bâtiments ou les solutions de mobilité, et il apparaît qu’aucun dispositif d’accompagnement spécifique n’est actuellement mis en place pour faciliter cette transition.

La seconde partie du présent avis budgétaire approfondit donc le thème des soutiens public et privé à la transition écologique au sein de l’économie sociale et solidaire. Cette partie vise également à dépeindre les initiatives innovantes prises par les structures de l’économie sociale et solidaire dans le domaine de la transition écologique et à proposer des voies d’action pour que ces entités puissent mettre en œuvre leur propre mutation écologique en interne. Votre Rapporteur considère que les dix ans d’application de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, dite « loi Hamon », constituent un contexte favorable pour repenser la transition écologique au sein de l’économie sociale et solidaire, trop faiblement prise en compte jusqu’ici par cette loi. Il s’agit aussi de réformer le financement de la transition écologique par des dispositif fiscaux et budgétaires ou en mobilisant l’épargne solidaire.

Telles sont les raisons pour lesquelles votre Rapporteur émet un avis défavorable à l’adoption des crédits de l’action 04 du programme 305 « Stratégies économiques ».

 


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   premiÈre partie :
Une programmation budgÉtaire parcellaire ET LimitÉe au regard des ORIENTATIONS POLITIQUES affichÉes
ET DES BESOINS de l’ESS

La programmation budgétaire pour 2024 s’inscrit dans la continuité des choix opérés depuis 2020 dans le pilotage et le financement du soutien apporté à l’économie sociale et solidaire, avec toutefois une inflexion discutable, depuis 2023, en faveur de l’investissement à impact social. Le faible niveau des crédits alloués à l’économie sociale et solidaire paraît en décalage avec les ambitions affichées par la ministre déléguée dans son discours devant ESS France le 11 septembre dernier, d’une part, et avec les besoins financiers d’un secteur affecté par la hausse des coûts de l’énergie, d’autre part.

Par ailleurs, outre l’insuffisance des moyens alloués, la programmation budgétaire ne permet pas d’identifier pleinement les moyens attribués à l’économie sociale et solidaire par l’État, qui ne se résument pas aux crédits prévus à l’action 04 du programme 305 « Stratégies économiques » du projet de loi de finances pour 2024.

I.   Un effort Financier en faveur de l’Économie sociale et solidaire difficile À identifier et limitÉ au regard des besoins financiers du secteur

L’appui de l’État en faveur de l’économie sociale et solidaire ne peut être évalué à l’aune de la seule action 04 du programme 305, qui lui est explicitement consacrée. Compte tenu de l’hétérogénéité des entités et des initiatives concernées, l’expansion du modèle économique particulier de l’économie sociale et solidaire implique des défis qui touchent nécessairement divers domaines de politique publique et divers portefeuilles ministériels.

L’éparpillement des crédits alloués complique néanmoins la gouvernance et la clarté de l’intervention étatique en faveur de l’ESS, malgré la demande de rapport formulée à l’article 185 du PLF 2022 ([7]). Face à ce constat, votre Rapporteur recommande la publication d’un document de politique transversale, retraçant annuellement l’effort financier total de l’État en faveur de l’économie sociale et solidaire. En l’absence d’un tel document, l’examen des programmes et actions pouvant soutenir le secteur de l’ESS auquel votre Rapporteur s’est livré le conduit à regretter l’insuffisance des crédits prévus par le projet de loi de finances pour 2024 au regard des besoins financiers de ce secteur.

1.   Des crédits consacrés au soutien à l’économie sociale et solidaire toujours insuffisants, en dépit d’une légère progression

Le projet de loi de finances pour 2024 propose de porter le montant des crédits affectés à l’action 04 du programme 305 à 19,22 M€ en autorisations d’engagement (AE) et 22,38 M€ en crédits de paiement (CP). Par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, ces sommes représentent une stagnation des autorisations d’engagement et une progression de 8,17 % des crédits de paiement, préjudiciable dans un contexte d’inflation.

Comme le montre le tableau ci-après, la progression des crédits demandés pour le PLF 2024 se révèle ainsi plus mesurée en comparaison des crédits demandés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2022 (+ 9,72 % pour les autorisations d’engagement et + 9,69 % pour les crédits de paiement) et dans celui du projet de loi de finances pour 2023 (+ 0,093 % pour les autorisations d’engagement et + 7,50 % pour les crédits de paiement).

ÉVOLUTION DES crÉdits de l’action 04-ÉCONOMIE SOCIALE, solidaire et responsable (2020-2024)

(En millions d’euros)

 

 

LFI

2020 ([8])

(exec.)

PLF

2021

 

LFI

2021

PLF 2022

PLF 2023

PLF

2024

▲PLF

2024/

PLF 202

Sous-action 1 Développement de l’économie sociale et solidaire

AE ([9])

 

nd

8,75

 

 

7,3

 

 

5,54

 

5,6

 

+ 1,08 %

CP ([10])

nd

8,80

 

7,95

7,01

8,7

+ 24,11  %

Sous-action 2

Dispositif local d’accompagnement

AE

nd

10,4

 

11,9

11,45

11,5

+ 0,44 %

CP

nd

10,4

 

11,3

11,45

11,5

+ 0,44 %

Sous action 3

Pôles territoriaux de coopération économique (PTCE)

AE

SO

SO

SO

SO

2,23

2,2

 

CP

SO

SO

SO

SO

2,23

2,2

 

TOTAL

AE

19,152

(16,734)

19,152

17,502

19,203

19,22

19,22

0 %

CP

19,152

(18,368)

19,196

17,546

19,246

20,69

22,38

+ 8,17 %

Source : d’après les projets annuels de performances pour 2023 et 2024.

Il n’en demeure pas moins que, sans même considérer les crédits des autres programmes susceptibles d’être consacrés à l’économie sociale et solidaire, les dotations budgétaires de l’action 04 du programme 305 sont, du point de vue de votre Rapporteur, insuffisantes au regard des besoins et de la taille d’un secteur qui représente 10 % du PIB et près de 14 % des emplois privés en France ([11]) (et même plus de 18% ([12]) des emplois dans les territoires ruraux) et qui est confronté à la hausse des coûts de l’énergie.

2.   Les évolutions contrastées des crédits des programmes budgétaires susceptibles de concourir au développement des structures de l’économie sociale et solidaire

Le projet de loi de finances pour 2024 propose une augmentation relative des crédits relevant de programmes budgétaires susceptibles de contribuer au développement de l’économie sociale et solidaire, sans toutefois y être entièrement consacrés. La maquette budgétaire d’ensemble demeure néanmoins peu lisible, ne permettant pas d’identifier l’ensemble des crédits budgétaires directement alloués à l’économie sociale et solidaire. On constate en réalité des mouvements contrastés suivant l’objet des dépenses. Il en va ainsi pour :

 le programme 163 « Jeunesse et vie associative » de la mission « Sport, jeunesse et vie associative » : le projet de loi de finances initiale pour 2024 propose de reconduire les crédits de l’action n° 1 « Développement de la vie associative » à 52,686 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement, soit un niveau inférieur à celui de la loi de finances initiale pour 2021 (55,082 M€) ;

– le programme 102 « Accès et retour à l’emploi » de la mission « Travail et emploi » : le projet de loi de finances initiale pour 2024 propose une hausse significative des crédits consacrés aux structures opérant dans le champ de l’insertion par l’activité économique, puisque les moyens financiers passent de 1,3 Md€ en 2023 à 1,5 Md€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement pour 2024 ;

– le programme 147 « Politique de la ville » constitue le support budgétaire des financements spécifiques en matière de soutien à la politique de la ville : il est proposé de porter les crédits à 634,529 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement en 2024 (contre 597,541 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement dans la loi de finances initiale pour 2023).  Ces crédits viennent s’ajouter aux crédits et moyens de droit commun de l’État et des collectivités déjà mobilisés au profit des quartiers prioritaires de la ville (QPV) ;

– les crédits alloués à l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » portée par des acteurs de l’économie sociale et solidaire, sont portés à 69 M€ en 2024, un montant qui apparait insuffisant pour assurer les embauches prévues dans les 58 territoires habilités – soit un besoin estimé à 89 M€ ([13]).

Les acteurs de l’économie sociale et solidaire, en particulier les acteurs associatifs, sont les grands partenaires de cette politique. En effet, en 2022 et selon l’ANCT ([14]) ces derniers ont bénéficié de 50 % des subventions attribuées par ce programme (correspondant à 80 % des actions financées).

Face à cette maquette budgétaire complexe, votre Rapporteur regrette la dispersion des crédits et le manque de lisibilité des moyens financiers susceptibles d’être alloués à l’économie sociale et solidaire. L’ESS implique de nombreux ministères (emploi, solidarité, transition écologique, etc.) et un document de politique transversale (DPT) permettrait de rassembler sous une même bannière des actions qui sont actuellement dispersées, assurant ainsi une cohérence dans l’action publique. Un document dédié permettrait de mettre en avant les objectifs, les actions et les moyens financiers que l’État consacre à l’économie sociale et solidaire. Il favoriserait la transparence et permettrait aux parlementaires, aux partenaires sociaux et au grand public de suivre plus facilement les réalisations – et les éventuels écarts – par rapport aux objectifs fixés. Avec un DPT, il serait plus aisé d’évaluer l’impact des politiques en faveur de l’économie sociale et solidaire.

Proposition n° 1 : Publier annuellement, à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances, un document de politique transversale consacré à l’économie sociale et solidaire, destiné à assurer un suivi global des moyens financiers alloués à l’ESS (à défaut de l’adoption d’une loi de programmation).

II.   une inflexion discutable des crÉdits en faveur de l’investissement À impact

Le projet de loi de finances initiales pour 2024 tend à reconduire les orientations antérieures en ce qui concerne les sous-actions 2 et 3, qui concernent respectivement le soutien public au dispositif local d’accompagnement (DLA) et le soutien aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE), mais marque une inflexion budgétaire en faveur de l’investissement à impact social au sein de la sous-action 1.

1.   Développement de l’économie sociale et solidaire : une sous-action 1 légèrement ajustée à la hausse dans les crédits alloués en cohérence avec la feuille de route ministérielle

Le montant des crédits prévus pour la sous-section 1 augmente légèrement pour atteindre 5,6 M€ en autorisations d’engagement (contre 5,54 M€ dans le projet de loi de finances pour 2023) et à 8,7 M€ en crédits de paiement (contre 7,01 M€ en 2023). La hausse relative de cette enveloppe globale traduit une inflexion politique, que votre Rapporteur déplore, en faveur de l’investissement à impact social (ISS) et au détriment du soutien global aux structures de l’économie sociale et solidaire (hors DLA). En cohérence avec la feuille de route ministérielle ([15]) visant à « massifier les contrats à impact » et à développer les fonds d’amorçage, les ressources accordées aux investissements à impact social (IIS) passent de 0,2 M€ en autorisations d’engagement et 1,7 M€ en crédits de paiement en 2023 à 1,4 M€ et 4,6 M€ en 2024, respectivement, soit une augmentation de 24 % en crédits de paiement. Il convient toutefois de rappeler que le financement des contrats à impact social relève du ministère de tutelle du secteur concerné, ce qui explique que certains crédits n’apparaissent pas dans l’action économie sociale et solidaire.

Les documents budgétaires confirment l’interprétation de votre Rapporteur sur cette hausse des crédits de paiement au soutien à l’IIS : il s’agit d’une inflexion en faveur du développement des fonds d’amorçage et des contrats à impact. Ces crédits visent en particulier à assurer le paiement de la contribution annuelle de l’État pour les contrats déjà engagés, à initier l’exécution de nouveaux contrats d’investissement et à poursuivre le soutien étatique à l’accompagnement des projets bénéficiant des fonds d’amorçage. Ces fonds ont vocation à favoriser l’émergence et le développement d’entreprises à impact social sur l’ensemble du territoire français, par des actions de formation, de mise en relation et de financement.

Du point de vue de votre Rapporteur et au regard des éléments recueillis au cours des auditions, cet engagement accru en faveur des contrats à impact social (CIS) peut être questionné. Votre Rapporteur partage les remarques formulées par notre collègue Sophia Chikirou, rapporteure pour avis sur le budget de l’économie sociale et solidaire dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2023 ([16]) : « Le dispositif paraît présenter un intérêt très relatif pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire, compte tenu de la lourdeur du protocole. Du reste, il ressort des éléments apportés par le [Pôle de l’économie sociale et solidaire et de l’investissement à impact] que le financement des contrats à impact social se trouve à l’origine de crédits non consommés d’un montant relativement important (soit 3,5 M€), du fait de la difficulté à formaliser des objectifs et à structurer des contrats. ». Votre Rapporteur perçoit ce dispositif comme une forme de privatisation du financement de l’action sociale et de financiarisation de l’économie sociale et solidaire, qui transfère le risque aux acteurs de terrain et réduit le rôle de l’État et des collectivités territoriales ([17]) . Les contrats à impact social sont fondés sur une logique de performance et de rentabilité, qui peut entrer en contradiction avec les valeurs et finalités de l’économie sociale et solidaire, fondées sur la coopération, la participation, la solidarité et l’innovation sociale.

Les structures ESS impliquées dans des projets financés par des contrats à impact social peuvent rencontrer d’importants problèmes de trésorerie en raison de plusieurs facteurs. Ces structures doivent avancer les fonds nécessaires pour démarrer le projet, avant de recevoir le financement des investisseurs. Elles doivent ensuite attendre la fin du projet pour être remboursées par l’acteur public, si le projet réussit. Elles doivent faire face à une incertitude sur le montant et le délai de remboursement, qui dépendent des résultats du projet et de la capacité de paiement de l’acteur public.

Votre Rapporteur questionne donc cette inflexion budgétaire d’autant qu’elle se fait au détriment du « soutien aux structures de l’ESS (hors DLA) », dont les crédits passent à 4,1 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement en 2024 (contre 5,09 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement en 2023) et du développement européen et international (dont les crédits s’établissent à 0,035 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement en 2024, contre 0,135 M€ en 2023).

Votre Rapporteur désapprouve la diminution des moyens financiers du soutien aux structures de l’ESS hors DLA, en principe alloués au soutien des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (Cress), aux organismes de recherche, aux têtes de réseaux et aux organismes fédérateurs de l’économie sociale, solidaire et responsable (ESSR), qui jouent un rôle prépondérant dans l’accompagnement, la promotion et le développement des acteurs de l’ESS.

Votre Rapporteur, avec le Mouvement Associatif ([18]), exprime en particulier sa préoccupation quant à la stagnation –, voire la diminution, en prenant en compte l’inflation – des crédits alloués aux têtes de réseau ESS. Du point de vue de votre Rapporteur, il serait au contraire opportun d’accroître les ressources attribuées à ces entités nécessaires à l’accompagnement de la transition écologique, à l’amélioration de la capacité des structures de l’économie sociale et solidaire à répondre aux marchés publics et à la production d’études sur les mutations économiques du secteur. Dans ce contexte, votre Rapporteur préconise une augmentation du financement public dévolu aux têtes de réseau pour répondre à ces défis cruciaux pour l’avenir et la modernisation de l’ESS.

Proposition n° 2 : Augmenter les crédits budgétaires de la sous-action 1 de l’action 04 du programme 305 alloués au soutien des têtes de réseaux ESS pour renforcer leurs capacités d’accompagnement et de suivi des acteurs de l’économie sociale et solidaire.

Conformément aux informations collectées dans le cadre de l’audition d’ESS France, le rapporteur tient à mettre en lumière le manque d’efficacité des correspondants ESS au sein des services déconcentrés. Ces référents ne sont pas systématiquement présents sur l’ensemble du territoire et leurs fonctions relatives à l’économie sociale et solidaire ne constituent souvent que des tâches secondaires. Par conséquent, le rapporteur préconise la mise en place systématique de ces correspondants spécialisés dans l’économie sociale et solidaire, sur tout le territoire, en vue de renforcer le soutien aux structures engagées dans ce secteur.

2.   Les sous-actions 2 et 3 : une reconduction des crédits sans inflexion des orientations budgétaires

Au regard des témoignages des acteurs en faveur d’un renforcement des dispositifs d’accompagnement territoriaux pour solidifier l’écosystème ESS, votre Rapporteur approuve le léger ajustement à la hausse des crédits alloués au dispositif local d’accompagnement (DLA). Ces crédits s’établissent ainsi à 11,5 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement dans le projet de loi de finances pour 2024, contre 11,45 M€ en 2023.

D’après les documents budgétaires, le projet de loi de finances pour 2024 poursuit l’objectif d’un renforcement des dispositifs d’accompagnement aux échelles régionale et départementale. Les crédits alloués visent également à soutenir la participation au financement du DLA national et des différents centres de ressources DLA (culture, financement, sport, médico-social, numérique et transition écologique).

Votre Rapporteur ne peut néanmoins qu’appeler à la vigilance sur le niveau des ressources allouées au regard du rôle essentiel joué par ce dispositif dans la structuration de l’économie sociale et solidaire.

En effet, le dispositif local d’accompagnement (DLA) joue un rôle crucial dans le soutien aux petites et moyennes structures de l’économie sociale et solidaire, notamment les associations qui composaient 94 % des entités aidées en 2021. Depuis cette date, le DLA a intégré dans ses actions des enjeux liés à diverses transitions, comme la transition écologique et numérique, grâce à des enveloppes budgétaires supplémentaires.

Le dispositif local d’accompagnement est néanmoins confronté à plusieurs défis. D’une part, les périodes d’accompagnement, qui durent en moyenne quatre jours, s’avèrent souvent insuffisantes au regard des défis de plus en plus complexes auxquels les structures sont confrontées. D’autre part, la demande pour ces accompagnements est en croissance, alors que les enveloppes budgétaires demeurent inchangées. En outre, les sommes versées aux prestataires n’ont guère augmenté depuis deux décennies, environ mille euros par jour ([19]), limitant ainsi la variété des prestataires qui peuvent être sollicités. Votre Rapporteur considère donc qu’une augmentation des ressources serait bénéfique pour étoffer les compétences des chargés de mission DLA, pour répondre plus efficacement à la demande croissante et pour assurer des accompagnements de meilleure qualité en fonction des enjeux spécifiques.

Proposition n° 3 : Augmenter significativement les crédits budgétaires consacrés au DLA de 6 M€ dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, afin de renforcer l’ingénierie d’accompagnement de l’économie sociale et solidaire.

Nouveauté de la programmation des dépenses issue du projet de loi de finances pour 2023, la sous-action 3 consacrée au financement des pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) prévoit une baisse des crédits alloués, qui s’établissent à 2,2 M€ en 2024 (contre 2,5 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement en 2023).

Les pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) sont des consortiums regroupant divers acteurs, tels que des entreprises de l’économie sociale, solidaire et responsable, des entreprises traditionnelles, des collectivités territoriales et des centres de recherche. Inspirés des pôles de compétitivité instaurés par l’État, ces pôles territoriaux visent à revitaliser des territoires en déclin économique et social, tout en créant des emplois non délocalisables et en développant des filières.

L’État poursuit le financement de ces pôles dans le cadre de la programmation budgétaire pour 2024, le « Bouquet de services » mis en place pour favoriser le transfert de compétences entre PTCE existants et nouveaux subventionnant quinze nouveaux lauréats, à hauteur de 100 000 € chacun.

Votre Rapporteur considère nécessaire de garantir un soutien pérenne à ces dispositifs de coopération territoriale en recherchant une meilleure articulation avec les collectivités territoriales. Par ailleurs, il y aurait lieu de rapprocher ces programmes d’autres dont la vocation est proche, comme les « Tiers-lieux » ou bien encore les « Manufactures de Territoire ».

Enfin et au regard de la thématique retenue dans le présent rapport, votre Rapporteur déplore la disparition de la ligne intitulée « Soutien territorial à l’innovation sociale » depuis le projet de loi de finances pour 2022. Il considère nécessaire de soutenir budgétairement l’innovation sociale et écologique au sein de l’économie sociale et solidaire, notamment dans le cadre de « France 2030 » ([20]).

 


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   SECONDE PARTIE :
les Soutiens PRIVÉ et PUBLIC À la transition Écologique JUSTE des ORGANISATIONS DE l’Économie sociale et solidaire

Votre rapporteur considère l’enjeu de la transition écologique au sein de l’économie sociale et solidaire comme double. D’une part, l’économie sociale et solidaire se positionne comme un fournisseur de solutions innovantes à promouvoir et à soutenir en matière de transition écologique dans de multiples domaines d’activité. D’autre part, elle doit également réussir la transition écologique au sein de ses propres structures économiques. Il convient de souligner l’insuffisance actuelle en termes d’ingénierie et de moyens financiers nécessaires à la réussite de cette transition au sein des entités de l’économie sociale et solidaire. Le défi est donc double : proposer des solutions pour une transition écologique réussie, mais également mettre en œuvre cette transition au sein même de ses structures.

Votre Rapporteur estime que les structures de l’économie sociale et solidaire ont vocation à devenir un « fer de lance » de la transition écologique, en raison des valeurs qu’elles portent, et que cette inflexion doit s’articuler avec la raison d’être historique de l’économie sociale et solidaire : l’utilité sociale. À ce titre, ces structures ont un rôle central à jouer dans la mise en œuvre d’une transition juste.

Conscient de la complémentarité entre objectifs sociaux et écologiques, votre Rapporteur se concentre sur l’élaboration de recommandations en matière de financement, de statut juridique et d’ingénierie territoriale pour renforcer cette synergie et soutenir les activités de transition écologique par les acteurs de l’économie sociale et solidaire.

I.   La transition Écologique juste : une transformation Économique et sociÉtale INSUFFISAMMENT accompagnÉe au sein de l’Économie sociale et solidaire

L’économie sociale et solidaire, que certains – comme le faisait remarquer Timothée Duverger, directeur de la chaire TerrESS à Sciences-Po Bordeaux – commencent à désigner sous le terme d’« économie écologique, sociale et solidaire » (EESS), s’impose comme un acteur pionnier en matière d’innovation environnementale et sociale, anticipant des activités parfois peu prises en compte tant par le marché conventionnel que par les politiques publiques. De nombreux exemples d’initiative favorisant la transition écologique par des entités de l’ESS peuvent illustrer ce propos, notamment dans les secteurs de l’énergie (à travers des coopératives citoyennes), dans la gestion des déchets (via des recycleries) ou encore dans la protection de la biodiversité (à l’instar de l’Association pour la protection de la nature et de l’environnement). Les structures de l’économie sociale et solidaire promeuvent, en pratique, des modèles économiques socialement et écologiquement durables et responsables.

Toutefois, l’intégration de ces considérations écologiques n’est pas systématique au sein de l’économie sociale et solidaire, certains acteurs demeurant focalisés sur les dimensions sociale ou solidaire. Conscient ces dimensions constituent la raison d’être initiale de l’ESS, le souhait du Rapporteur est de promouvoir et de soutenir les initiatives de transition écologique au sein de l’économie sociale et solidaire, sans toutefois cela se fasse au détriment des activités centrées sur l’utilité sociale. Il appelle donc à une inflexion politique pour l’ESS basée sur la complémentarité, persuadé que l’écologie et le social ne sont pas des dimensions antagonistes mais complémentaires. À ce titre, il estime que la dimension écologique devrait être incluse dans la définition de l’utilité des acteurs de l’ESS, telle qu’énoncée dans l’article 2 de la loi relative à l’économie sociale et solidaire. Votre Rapporteur considère essentiel d’encourager une évolution vers des pratiques et des statuts prenant davantage en compte la transition écologique au sein même de l’ESS, afin qu’elle demeure un « fer de lance » dans le domaine.

En outre, nombre d’entités de l’ESS n’ont pas encore réalisé leur propre transition écologique, notamment en ce qui concerne l’optimisation énergétique de leurs bâtiments, les solutions de mobilité durable, la gestion responsable de l’alimentation ou l’efficacité énergétique. Ces structures sont particulièrement affectées par la hausse des coûts énergétiques, qui exacerbe leur fragilité économique intrinsèque. Votre Rapporteur considère qu’elles ne bénéficient pas d’un soutien suffisant de la part des pouvoirs publics, ce qui entrave leur capacité à opérer efficacement leur transition écologique.

Votre Rapporteur regrette enfin que les activités exercées par les acteurs de l’économie sociale et solidaire dans la transition écologique ne soient pas pleinement reconnues dans les politiques publiques, ni dans le secteur économique conventionnel, comme en témoignent l’absence d’enveloppes budgétaires spécifiquement affectées dans le cadre de « France 2030 », l’absence de dispositifs fiscaux incitatifs ou encore les difficultés rencontrées pour accéder aux marchés publics ou au financement via les investisseurs privés.

A.   Une contribution inÉgale de l’Économie sociale et solidaire À la transition Écologique

1.   Des pratiques et des statuts qui peuvent évoluer pour une meilleure prise en compte de la transition écologique

a.   Une définition large et statutaire insuffisamment axée vers la transition écologique

Comme l’observe l’Union nationale des entreprises adaptées (Unea) dans le cadre de l’avis rendu par le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire (Csess) sur le bilan de la loi « Hamon » ([21]), l’approche principalement statutaire retenue par l’article 1er de la loi, définissant le secteur de l’économie sociale et solidaire,  ne garantit pas l’effectivité de l’utilité environnementale des acteurs de l’économie sociale et solidaire, puisque la notion est totalement absente de cet article.

En effet, à vocation presque exclusivement sociale dans la loi, l’économie sociale et solidaire est très large et comprend une grande diversité de secteurs d’activité, dont les champs d’intervention ne sont pas forcément vertueux au plan écologique. Des structures qui ont un statut ESS par nature, comme les coopératives, les mutuelles et les associations, peuvent opérer dans des filières non vertueuses écologiquement : c’est le cas de certaines structures évoluant dans le secteur agricole (coopératives agricoles) ou celui des hydrocarbures (comme l’association Groupement des entreprises et des professionnels des hydrocarbures et des énergies connexes – GEP-AFTP).

Par ailleurs, si les structures de l’économie sociale et solidaire sont prédisposées à être vertueuses écologiquement en raison des valeurs qu’elles portent (lucrativité limitée, gouvernance démocratique, etc.), certaines n’ont pas opéré leur transformation écologique du fait d’un manque de moyens financiers et d’absence d’évolution des pratiques. À titre d’exemple et selon l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes) ([22]), les acteurs de l’aide à domicile n’atteignent pas encore l’exemplarité écologique en matière de gestion de leurs flottes automobiles, qui reposent principalement sur des véhicules thermiques. De la même façon, rares sont les organisations du « foncier associatif » ayant les ressources financières pour moderniser leurs locaux selon les normes Haute Qualité Environnementale (HQE) ou à faible empreinte carbone.

Toutefois, ces limitations sont plus souvent dues à des contraintes financières qu’à une orientation délibérée vers des pratiques non vertueuses écologiquement. Des initiatives existent pour réduire les déplacements domicile-travail et encourager des formes de mobilité plus douces au sein de l’économie sociale et solidaire. Par ailleurs, de nombreuses associations et mutuelles déploient des efforts pour stimuler la circularité locale, que ce soit dans l’alimentation, les politiques d’achat, ou en collaborant avec des organisations spécialisées dans le recyclage et la réutilisation. Certains acteurs du secteur médico-social, tels qu’Harmonie Mutuelle, Adapei 44 et Udaf 34, ont déjà entamé des démarches significatives vers une sobriété carbone.

b.   L’économie sociale et solidaire peut faire évoluer ses pratiques et ses actions pour s’engager pleinement dans une transition écologique juste

L’article 3 de la loi du 31 juillet 2014 précitée dispose que « le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire adopte, sur proposition de ses membres, un guide définissant les conditions d’amélioration continue des bonnes pratiques des entreprises de l’économie sociale et solidaire définies à l’article 1er de la présente loi. ».

Selon l’étude d’impact annexée à cette loi, le législateur a opté pour une approche permettant une large marge de manœuvre au secteur de l’économie sociale et solidaire, privilégiant l’autorégulation et le contrôle interne plutôt que le contrôle externe. Selon l’avis du Csess précité relatif à la loi « Hamon » ([23]), les parties prenantes s’accordent généralement sur la complétude et la pertinence du guide prévu à cet article 3, notamment en ce qui concerne son Livret 2 qui fournit des orientations pratiques pour sa mise en œuvre.

Toutefois, plusieurs facteurs contribuent à une utilisation limitée de ce guide en pratique. En premier lieu, votre Rapporteur note, avec le Csess ([24]), que sa diffusion est faible, depuis sa publication en 2017 avec l’appui des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (Cress), et regrette l’absence de rappel sur l’obligation légale. En second lieu, votre Rapporteur déplore que les pouvoirs publics n’aient pas explicitement exprimé leur attachement à son application effective.

Votre Rapporteur s’interroge sur l’absence de mention de la transition écologique au I de l’article 3 de la loi « Hamon », qui définit les bonnes pratiques, et recommande de l’y inclure en créant un 7° au même I, afin que les structures de l’économie sociale et solidaire adoptent des pratiques écologiquement vertueuses en interne.

Proposition n° 4 : Modifier l’énoncé des « bonnes pratiques » au I de l’article 3 de la loi n° 2014-856 relative à l’économie sociale et solidaire, en y insérant la notion de « transition écologique ».

Enfin, votre Rapporteur partage le même constat que le MIF, la FEI et l’Unea ([25]) concernant ce guide des bonnes pratiques, à savoir que les démarches volontaires et la redevabilité interne sont insuffisantes. Votre Rapporteur suggère donc l’adoption d’un système de redevabilité externe obligatoire, afin d’assurer la cohérence entre les engagements statutaires et d’utilité sociale et environnementale et les pratiques effectives au sein des entreprises de l’économie sociale et solidaire.

Proposition n° 5 : Instaurer un système de redevabilité externe obligatoire afin d’assurer l’effectivité de l’application du guide de bonnes pratiques prévu à l’article 3 de la loi relative à l’économie sociale et solidaire.

2.   La loi « Hamon » : une prise en compte marginale de l’impératif écologique

La notion d’ « utilité sociale » prend insuffisamment en compte l’objectif de transition écologique. L’article 2 de la loi « Hamon » prévoit les conditions nécessaires pour qu’une entreprise puisse être considérée comme poursuivant une utilité sociale et l’étude d’impact qui y était annexée fixe deux objectifs à cette définition législative de l’utilité sociale :

–  Fixer un cadre pour l’administration en vue de l’instruction du futur agrément « Entreprise solidaire d’utilité sociale », qui ouvre accès au financement par l’épargne solidaire ;

–  « Éclairer les entreprises qui souhaitent se revendiquer de l’utilité sociale auprès des financeurs publics et privés, des autres acteurs économiques et du grand public dès lors qu’elles prétendent appartenir à l’économie sociale et solidaire ».

Toutefois, la définition actuelle de l’utilité sociale, résultant des quatre conditions cumulatives énoncées à l’article 2 de la loi « Hamon », rend facultatif l’engagement en faveur du développement durable ou de la transition énergétique. En effet, la quatrième condition est ainsi rédigée : l’entreprise doit « concourir au développement durable, à la transition énergétique, à la promotion culturelle ou à la solidarité internationale, dès lors que [son] activité contribue également à produire un impact soit par le soutien à des publics vulnérables, soit par le maintien ou la recréation de solidarités territoriales, soit par la participation à l’éducation à la citoyenneté. ».

Afin d’assurer une mise en cohérence avec les engagements environnementaux pris par la France et de renforcer l’engagement social et environnemental des sociétés commerciales de l’économie sociale et solidaire, il apparait nécessaire à votre Rapporteur, comme le préconisaient en audition l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire  et le Mouvement Impact France (MIF), de modifier l’article 2 de la loi « Hamon » pour y ajouter une cinquième condition relative à la préservation de l’environnement et de la biodiversité et de modifier la disposition du 4°, qui s’applique uniquement à certaines entreprises en fonction de leur type d’activité.

Cette modification législative élargirait la notion d’utilité sociale à la transition environnementale pour faire état de son appartenance à l’économie sociale et solidaire et in fine, pour l’obtention de l’agrément Esus ([26]), sans toutefois revenir sur la définition de l’ESS retenue à l’article 1 de la loi « Hamon », qui fait débat parmi les acteurs ([27]) entre ceux qui privilégient la définition existante ancrée dans les familles statutaires et ceux qui mettent l’accent sur l’impact social et écologique ([28]). Sans prendre parti, votre Rapporteur considère que l’enjeu majeur réside dans la capacité de l’économie sociale et solidaire à évoluer d’un simple « secteur économique » à un modèle structurant pour l’ensemble de l’économie, prémuni contre tout risque de social washing ou de green washing. À cet égard, les principes clés de l’ESS tels que la gouvernance démocratique, la limitation de la lucrativité et la maîtrise des écarts de rémunération, doivent guider la transformation économique et écologique.

Proposition n° 6 : Modifier la notion d’utilité sociale à l’article 2 de la loi « Hamon » en la rebaptisant « utilité sociale ou environnementale ».

L’article 2 serait ainsi rédigé :

« Article 2

« Sont considérées comme poursuivant une utilité sociale ou environnementale au sens de la présente loi les entreprises qui évaluent l’impact social ou environnemental de leurs activités sur les clients, bénéficiaires et parties prenantes internes et externes et dont l’objet social satisfait à titre principal : (…)

 

« 4° Elles ont pour objectif de concourir à la promotion culturelle ou à la solidarité internationale, dès lors que leur activité contribue également à produire un impact soit par le soutien à des publics vulnérables, soit par le maintien ou la recréation de solidarités territoriales, soit par la participation à l’éducation à la citoyenneté.

 

« 5° Elles ont pour objectif de prendre en compte et participer au développement durable, à la préservation de la biodiversité et à la transition énergétique. »

B.   Un rÔle En faveur de la transition Écologique juste insuffisamment SUIVI, accompagnÉ et planifiÉ

1.   Un rôle en faveur de la transition écologique méconnu statistiquement et budgétairement

a.   Le suivi statistique des acteurs de l’économie sociale et solidaire engagés dans la transition écologique reste à consolider

Votre Rapporteur fait le même constat qu’ESS France ([29]) concernant le manque de fiabilité des données statistiques relatives aux sociétés commerciales appartenant à l’économie sociale et solidaire depuis 2016. Pour assurer un véritable suivi statistique des structures de l’ESS, l’Insee devrait mener un recensement au niveau national (nombre de sociétés, statut, effectif employé, etc.).

Malgré les efforts entrepris par ESS France dans ce domaine, votre Rapporteur déplore l’insuffisance du suivi statistique des structures de l’économie sociale et solidaire engagées dans la transition écologique. Faute de véritable « compte satellite ESS » produit par l’Insee et du fait du manque de soutien financier aux têtes de réseaux, il n’existe aujourd’hui pas d’autre outil que Carteco, tenu par ESS France, qui permette de collecter et d’analyser les données relatives aux initiatives des acteurs de l’ESS en matière de transition écologique ([30]).

La cartographie des structures résultant de Carteco demeure néanmoins incomplète, puisque seuls les acteurs de l’économie sociale et solidaire œuvrant dans la gestion des ressources et des déchets, d’une part, et l’agriculture et l’alimentation durables, d’autre part, sont recensés. D’ici à la fin de 2023, Carteco devrait élargir le champ de son recensement aux secteurs du bâtiment et de la mobilité durable. Avec ESS France, votre Rapporteur souhaite que la cartographie s’étende, à moyen terme, à l’ensemble des secteurs d’activité de la transition écologique comme la transition énergétique, l’éducation et la sensibilisation à l’environnement ou encore l’éco-tourisme.

Cette absence d’exhaustivité s’explique par le manque de moyens financiers alloués à ESS France et aux chambres régionales de l’économie sociale et solidaire en matière d’ingénierie de projet et d’animation de la donnée. D’une part, toutes les directions régionales de l’Ademe ne financent pas les chambres régionales dans l’optique d’accomplir cette mission de collecte de la donnée. D’autre part, Carteco ne bénéficie d’aucun soutien budgétaire spécifique de l’État, alors que cette animation de la donnée est cruciale au sein de l’économie sociale et solidaire. Dans cette optique, votre Rapporteur considère que l’octroi de l’appellation « start-up d’État » à Carteco est nécessaire afin d’assurer un recensement exhaustif des acteurs de l’économie sociale et solidaire opérant en faveur de la transition écologique. La proposition n°2 du présent avis relative au renforcement du financement des têtes de réseaux associatives serait également un palliatif à l’amélioration du suivi statistique au sein de l’ESS.

Proposition n° 7 : Intégrer Carteco au sein du réseau des incubateurs de start-ups d’État de beta.gouv.fr, afin d’obtenir un recensement exhaustif des acteurs de l’économie sociale et solidaire agissant en faveur de la transition écologique.

b.   Un suivi budgétaire éclaté et imprécis, en particulier au sujet de la transition écologique

Votre rapporteur a déploré, dans la première partie du présent rapport, l’éclatement des crédits alloués à l’économie sociale et solidaire entre différents programmes budgétaires et l’incertitude en résultant sur les montants consolidés. Votre rapporteur a donc recommandé (proposition n° 1) que soit préparé un document de politique transversale, dit aussi « Orange budgétaire », consacré à l’économie sociale et solidaire et publié chaque année par le Gouvernement à l’occasion de l’examen du projet de loi de finances.

Au-delà de cet outil technique et conformément à l’avis émis par le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire au titre du bilan de la loi « Hamon » ([31]), votre Rapporteur se prononce en faveur de l’adoption d’une loi de programmation qui permettrait de résoudre les questions centrales laissées en suspens par la loi de 2014, à savoir l’attribution de moyens financiers suffisants aux institutions de l’économie sociale et solidaire pour l’exécution de leurs missions légales et réglementaires. En ce sens, la mise en place d’une loi de programmation permettrait sans doute de consolider la visibilité et les moyens alloués à l’ESS.

Une telle loi permettrait également que le dialogue, insuffisant à l’heure actuelle, entre les pouvoirs publics et les acteurs de l’économie sociale et solidaire devienne plus étroit, en vue d’un développement planifié à moyen terme de l’ESS dans toutes ses dimensions et avec en perspective « une ambition de changement d’échelle non honorée jusqu’à présent » ([32]).

Par ailleurs, cette loi devrait comporter une véritable stratégie de déploiement des innovations sociales (cf. article 15 de la loi « Hamon ») et identifier les moyens financiers alloués à la transition écologique au sein de l’économie sociale et solidaire.

Le dépôt d’une loi de programmation permettrait d’inscrire de manière précise des objectifs de politique publique et de programmation financière en faveur du développement de l’économie sociale et solidaire. Votre Rapporteur partage le constat du Lab ESS sur cette question ([33]) : « Cette loi devrait permettre la mise en œuvre d’une véritable politique publique en faveur de l’ESS, par accroissement des moyens budgétaires, inscription dans les outils et politiques d’investissement et d’innovation, contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales, renforcement des moyens humains et de l’expertise au sein des services de l’État et des banques publiques. ».

Proposition n° 8 : Adopter une loi de programmation pluriannuelle de l’économie sociale et solidaire afin d’élaborer une véritable politique publique de l’ESS et de concrétiser les objectifs fixés par la loi « Hamon », par l’établissement d’une programmation budgétaire.

2.   Une ingénierie territoriale insuffisante en matière de transition écologique au sein de l’économie sociale et solidaire

a.   Une commande publique inadaptée aux acteurs de l’économie sociale et solidaire à impact environnemental

Au cours des années récentes, le cadre juridique applicable à la commande publique a évolué afin d’intégrer des aspects environnementaux et sociaux dans les marchés publics, ce qui représente autant d’opportunités pour les acteurs de l’économie sociale et solidaire. Le Plan national pour des achats durables (PNAD) ambitionne ainsi d’insérer des clauses environnementales dans tous les marchés publics d’ici 2025 et prévoit qu’au moins 30 % de ces marchés devraient comporter une clause sociale. L’instauration de l’obligation d’un Spaser (Schéma de Promotion des Achats Socialement Écologiquement Responsables) pour les collectivités territoriales dont le montant total annuel des achats est supérieur à 100 M€ constitue certes une avancée, mais elle demeure insuffisante en l’état puisque cette obligation de transparence ne s’applique pas à toutes les collectivités territoriales.

La réduction du seuil des Spaser à moins de 100 M€ d’achat annuel pour les collectivités serait bénéfique à plusieurs égards. Premièrement, elle encouragerait davantage de collectivités à s’orienter vers une démarche d’achat public responsable qui valorise l’inclusion sociale, la protection environnementale et la performance économique. Deuxièmement, cette baisse du seuil serait propice au développement des acteurs de l’économie sociale et solidaire, en créant de l’emploi local et en générant une valeur ajoutée sociale, car ces entités offrent des solutions innovantes et adaptées aux besoins des territoires.

Proposition n° 9 : Définir un seuil des Spaser en deçà de 100 M€ d’achat annuel pour les collectivités.

La revue des crédits budgétaires réalisée dans la première partie du présent rapport a conduit à mettre en lumière la stagnation des crédits alloués aux chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (Cress). Du point de vue de votre Rapporteur, cette situation est regrettable compte tenu du rôle crucial que jouent ces chambres dans la promotion et la valorisation de l’économie sociale et solidaire et invite à une augmentation des crédits budgétaires qui leur sont attribués. Par ailleurs, les Cress peuvent renforcer considérablement l’efficacité des Spaser à travers plusieurs axes d’intervention. Elles peuvent ainsi accompagner les acheteurs publics sur les enjeux et les opportunités associés à l’économie sociale et solidaire, notamment en ce qui concerne le développement durable, l’innovation sociale, l’insertion professionnelle et la cohésion territoriale. Les chambres peuvent également accompagner ces acheteurs dans l’élaboration, la mise en œuvre et le suivi de leurs objectifs en matière d’achats responsables, en se basant sur leur expertise et leur connaissance du milieu économique local. Les Cress ont aussi la capacité de faciliter les rencontres entre les acheteurs publics et les acteurs de l’économie sociale et solidaire, en organisant des événements, formations ou plateformes dédiés. Enfin, elles peuvent mettre en avant les bonnes pratiques et les retours d’expérience en diffusant des outils pertinents, des guides, des études ou des témoignages.

Proposition n° 10 : Augmenter les crédits budgétaires alloués aux Cress (sous-action 1 de l’action 04 du programme 305) pour renforcer leur rôle d’accompagnement et de promotion de l’économie sociale et solidaire.

Toutefois, les marchés publics réservés à l’économie sociale et solidaire demeurent peu utilisés en raison de diverses contraintes juridiques. Ces marchés sont, en outre, principalement « fléchés » vers l’insertion par l’activité économique, peu représentative de la diversité des modèles de l’ESS, et concernent peu la transition écologique.

Votre Rapporteur considère que l’un des principaux enjeux de la commande publique consiste à la rendre pleinement accessible aux structures de l’économie sociale et solidaire, en particulier en matière environnementale, afin d’accroît la part de marché des structures de l’ESS. Si les lois dites « Égalim » et « Agec » établissent un système de commande publique réservé aux structures à impact écologique avéré, les structures ESS à impact environnemental souffrent plutôt de la concurrence de structures qui ne relèvent pas du secteur de l’économie sociale et solidaire, selon la Banque des territoires ([34]) (comme, par exemple, dans le champ de l’économie circulaire).

Les systèmes d’appels à projet, de dimensionnement des marchés et de procédures juridiques pénalisent toutes les structures de l’économie sociale et solidaire, y compris celles ayant un impact environnemental fort, et favorisent davantage les moyennes et grandes entreprises.

Votre Rapporteur estime donc qu’il est nécessaire, pour remédier à ces difficultés, de renforcer le financement du dispositif d’intermédiation pour accompagner ces structures dans la réponse à la commande publique (réalisation de sourcing, conseils juridiques, mise en place d’une veille, etc.). L’association « Les Canaux » constitue un bon exemple de structure de l’économie sociale et solidaire exerçant cette mission d’intermédiation : cette association aide, par exemple dans le cadre des Jeux Olympiques (création du programme « ESS 2024 »), les acteurs de l’économie sociale et solidaire à remporter des contrats publics (près de 400 entreprises de l’économie sociale et solidaire ainsi ont remporté un marché des Jeux).

Votre Rapporteur se joint donc à la recommandation des « Canaux » pour renforcer l’intermédiation en faveur de l’économie sociale et solidaire : pour chaque grand projet d’investissement public supérieur à 50 M€, il faudrait réserver au moins 0,001% du montant total au financement d’un dispositif d’intermédiation permettant d’assurer un maximum de retombées économiques locales pour l’économie sociale et solidaire (conseil aux donneurs d’ordre sur la rédaction des marchés, accompagnement à la réponse à ces marchés et création de consortiums d’offreurs). Cette intermédiation pourrait être portée par des structures comme « Les Canaux », les Cress, les pôles territoriaux de coopération économique, etc., et permettrait aux entreprises de répondre plus fréquemment aux appels à projet en matière de commande publique.

Proposition n° 11 : Rendre obligatoire le financement d’une intermédiation dans le cadre des grands marchés publics (pour tous les projets de plus de 50 M€).

Votre Rapporteur suggère d’aller plus loin en instaurant une obligation de réserver une portion de ces grands marchés publics spécifiquement à l’économie sociale et solidaire, afin de renforcer la visibilité du secteur. Ainsi, pour tout grand projet d’investissement public dépassant les 50 M€, un pourcentage prédéfini du marché devrait être attribué à des entreprises issues de l’ESS.

Une telle obligation pourrait se heurter à plusieurs obstacles juridiques, notamment le droit européen de la concurrence, qui interdit de favoriser un type de structure dans les clauses de marchés publics ([35]), ou le principe d’égalité entre les candidats, qui impose aux acheteurs publics de choisir l’offre économiquement la plus avantageuse ([36]). Il faudrait donc que le législateur français justifie l’intérêt d’une telle obligation au regard des objectifs d’intérêt général poursuivis par les entreprises de l’économie sociale et solidaire, tels que la lutte contre l’exclusion, la protection de l’environnement, la promotion de la démocratie participative ou la solidarité internationale ([37]).

Il faudrait également que le législateur définisse clairement les critères permettant d’identifier les entreprises de l’économie sociale et solidaire éligibles à cette obligation, en tenant compte des différentes formes juridiques qu’elles peuvent revêtir (associations, coopératives, mutuelles, fondations, sociétés commerciales agréées Esus, etc.) ([38]).

Proposition n° 12 : Établir une obligation de réserver une portion des grands marchés publics de plus de 50 M€ aux entreprises de l’économie sociale et solidaire, sous réserve d’une explicitation, par le législateur, des objectifs d’intérêt général poursuivis pour justifier une dérogation au droit européen de la concurrence.

b.   L’ingénierie territoriale au service de l’utilité sociale et écologique

Votre Rapporteur considère crucial d’instaurer des mécanismes de planification territoriale pour financer l’ingénierie de coopération territoriale, un élément clé pour permettre à des initiatives de l’économie sociale et solidaire de procéder à un changement d’échelle en matière de transition écologique.

Le dispositif local d’accompagnement (DLA) offre un soutien personnalisé et sans frais aux structures à utilité sociale, contribuant ainsi au développement de leurs projets et à la création d’emplois. Présent sur l’ensemble du territoire national, le DLA assiste près de 6 000 entités chaque année, en priorité de petites associations.

Votre Rapporteur préconise de poursuivre, d’amplifier et d’élargir les financements publics affectés aux DLA aux entreprises de taille plus importante (PME/ETI) afin d’accompagner leur transformation écologique. Cette proposition serait particulièrement pertinente si la notion d’ « utilité sociale et écologique » ([39]) était inscrite à l’article 2 de la loi « Hamon ».

Proposition n° 13 : Faire des DLA un outil d’appui au verdissement de l’économie sociale et solidaire

II.   des moyens de financement public et privÉ insuffisants face aux besoins de l’Économie sociale et solidaire en matiÈre de transition Écologique

Contrairement aux idées reçues concernant l’économie sociale et solidaire, l’autofinancement demeure la source principale de financement, c’est-à-dire des ventes de services (ressources d’origines privées et publiques – tarif journalier, marché public, DSP) que viennent compléter des subventions publiques, des cotisations des membres, des dons et le mécénat. Le contexte actuel, marqué par une inflation accrue et des taux d’intérêt élevés, complexifie significativement l’accès à d’autres formes de financements et rend les équilibres plus précaires.

S’agissant de la situation d’endettement de nombreuses structures de l’économie sociale et solidaire, plusieurs éléments méritent une attention particulière. Le remboursement des prêts garantis par l’État (PGE) constitue un risque pour la pérennité financière de certaines de ces structures. Par ailleurs, la méconnaissance des spécificités de l’ESS par les acteurs traditionnels, publics et privés, du financement contribue à limiter l’accès de ces structures aux divers mécanismes disponibles, alors qu’a priori elles ne présentent pas de taux de défaut ou de risque supérieur à la moyenne des entreprises classiques.

Ainsi, une compréhension accrue des particularités inhérentes au secteur de l’ESS s’avère impérative afin de faciliter l’accès aux dispositifs de financement et d’atténuer les risques associés à l’endettement.

A.   Des moyens PUBLICS insuffisamment flÉchÉs vers la transition ÉCOlogique et ÉnergÉtique

1.   Le manque de soutien budgétaire de l’État enraye la transition énergétique et l’innovation écologique au sein des structures de l’économie sociale et solidaire

a.   La part de soutien public allouée à l’économie sociale et solidaire est à la fois insuffisante et méconnue

D’après l’analyse de votre Rapporteur, les entités publiques chargées d’apporter un soutien financier à l’économie sociale et solidaire manifestent une activité relativement modeste au regard des besoins du secteur. Un type de questionnement émerge ainsi concernant le rôle de Bpifrance vis-à-vis de l’économie sociale et solidaire. Selon l’exposé des motifs de la loi « Hamon » et le communiqué de presse du conseil des ministres du 24 juillet 2013, il était initialement prévu que la banque publique d’investissement devienne un acteur clé du financement de l’économie sociale et solidaire.

Toutefois, les déclarations des responsables de Bpifrance donnent à penser que le développement de ce secteur n’est pas explicitement compté parmi leurs objectifs. Les représentants auditionnés par votre Rapporteur ont ainsi souligné que leur établissement est soumis au cadre prudentiel et normatif applicable aux banques ordinaires et qu’ils évaluent les projets sur cette base.

Votre rapporteur se rallie donc entièrement au diagnostic établi par le Conseil supérieur de l’économie sociale et solidaire, qui observe ([40]) : « L’ESS n’est (…) pas représentée au conseil d’administration de la Bpi. Ses outils d’intervention restent inadaptés au financement de l’ESS (...). Les acteurs de l’ESS estiment donc qu’il n’existe plus de banque publique de l’ESS et que ceci constitue un handicap sérieux pour ce secteur économique qui n’est pas encore pleinement reconnu comme tel. »

Ce mode de fonctionnement pourrait expliquer pourquoi les offres de financement semblent inadaptées aux besoins spécifiques de l’économie sociale et solidaire. Il a été relevé que les services offerts par la banque publique d’investissement peuvent présenter des défauts, tels que des montants de financement trop élevés ou des critères de solvabilité et garantie inadaptés au statut et au modèle économique des structures de l’ESS.

Votre Rapporteur recommande donc une révision des missions et objectifs attribués à Bpifrance par l’État. L’absence de représentation de l’économie sociale et solidaire au sein de la gouvernance de la banque et l’inadéquation de ses instruments de financement soulignent la nécessité de réévaluer la manière dont les institutions publiques soutiennent ce secteur vital.

Proposition n° 14 : Intégrer explicitement le soutien aux structures de l’économie sociale et solidaire dans le cadre légal des missions et dans les objectifs de la Bpifrance, en cohérence avec l’intention initiale du législateur en 2014.

En dépit de l’examen attentif des contributions écrites reçues et des auditions menées auprès de divers acteurs, votre Rapporteur n’a pas réussi à établir avec certitude quelle est la part réelle de financement public allouée à chaque typologie de structures de l’économie sociale et solidaire, ni à confirmer la tendance structurelle à la diminution de cette part.

Toutefois, grâce à la contribution écrite de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes), votre Rapporteur peut clarifier les sources de financement et les problématiques auxquelles les différents modèles économiques de l’économie sociale et solidaire sont confrontés.

Dans le cas des mutuelles, les activités assurantielles sont financées entièrement par des fonds privés, tandis que les services sociaux sont soutenus par des fonds publics (excepté pour les domaines commerciaux, comme les centres dentaires et optiques).

Les associations, qui composent la majorité des entités de l’économie sociale et solidaire, tirent 65,2 % de leurs recettes de leurs activités. Ces recettes proviennent d’une combinaison de fonds publics et privés, complétés par des subventions publiques (20,3 %), des cotisations (7,2 %) et des dons (5,3 %). Votre Rapporteur déplore, avec le Mouvement Associatif ([41]), la diminution continue des subventions publiques dans les ressources associatives, « ces dernières ne représentant plus en 2017 que 20 % des ressources, alors qu’elles constituaient 25 % de l’ensemble en 2011 et 34 % en 2005. » ([42]).

Les activités à forte utilité sociale telles que les crèches, les établissements d’hébergement pour personnes âgées (Ehpad) et les établissements ou services d’aide par le travail (Esat) sont majoritairement financées par des fonds publics ou parapublics provenant de diverses institutions comme la Caisse nationale des allocations familiales, la Caisse nationale d’assurance vieillesse, les agences régionales de santé et les départements. En ce qui concerne les activités d’éducation populaire, elles sont soutenues à 70% par des financements privés.

Les organisations non gouvernementales et les autres associations reconnues d’utilité publique sont majoritairement financées par des dons.

De manière générale, les associations ont peu recours aux prêts à moyen et long terme, en raison de la précarité de leur financement. En revanche, dans le secteur coopératif où l’activité est majoritairement concurrentielle, les financements sont principalement privés, ce qui rend l’endettement plus prévisible.

Proposition n° 15 : Face au manque de données statistiques relatives aux modèles économiques des entités de l’économie sociale et solidaire, soutenir des enquêtes régulières visant à analyser la structure économique de ses acteurs, son évolution et la part des financements publics dans leurs budgets.

b.   Les modèles économiques fragiles des structures de l’économie sociale et solidaire, mis à mal par la hausse des coûts de l’énergie, entravent leur transformation énergétique en interne

La hausse des coûts énergétiques a fragilisé les modèles économiques des structures de l’économie sociale et solidaire et a incité nombre d’entre elles à engager une transition énergétique. ESS France, avec France Nature Environnement et le Centre de ressources DLA Transformation écologique exercent, à ce titre, une activité de soutien et d’accompagnement à la transition énergétique au sein des entreprises de l’économie sociale et solidaire via les DLA régionaux.

Toutefois, la hausse des prix de l’énergie fragilise de nombreuses structures de l’économie sociale et solidaire. Du fait de leur modèle économique précaire, ces structures sont fréquemment confrontées à des problèmes de moyens financiers entravant la réalisation de travaux de rénovation thermique du bâti ou l’évolution de la flotte de véhicules thermiques vers une mobilité plus douce.

En l’absence de dispositif réservé à l’accompagnement des structures de l’économie sociale et solidaire dans cette transition écologique, au-delà des dispositifs de droit commun, votre Rapporteur préconise l’instauration d’un fonds de soutien dédié aux entreprises de l’économie sociale et solidaire pour qu’elle opèrent leur transformation écologique, malgré leur modèle de rentabilité limitée.

 

 

Proposition n° 16 : Mettre en place un fonds de soutien dédié aux entreprises de l’économie sociale et solidaire pour qu’elles opèrent leur transformation écologique en interne sans être limitées par des difficultés de trésorerie du fait de leur rentabilité limitée.

c.   Le plan « France 2030 » est inadapté aux activités des acteurs ESS de la transition écologique et n’encourage pas l’innovation sociale et écologique

À la connaissance de votre Rapporteur, il n’a existé qu’un seul fonds de soutien consacré spécifiquement aux acteurs de l’économie sociale et solidaire et spécialisé dans la transition écologique, au cours de la période 2020-2022 : le fonds de réemploi, dispositif créé par la loi du 10 février 2020 relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Par amendement, les sénateurs avaient obtenu que les acteurs de l’économie sociale et solidaire obtiennent l’intégralité des crédits alloués par ce fonds. Mais il était cantonné aux activités de réparation, de reconditionnement et de réutilisation des produits usagés et ne s’étendait pas à l’ensemble des activités relatives à la transition écologique au sein de l’économie sociale et solidaire.

Le passage à une échelle supérieure apparait un enjeu majeur pour de nombreux projets en économie sociale et solidaire, notamment ceux qui s’inscrivent dans une démarche de transition écologique et sociale. Le professeur Timothée Duverger a donné à votre Rapporteur un exemple de cette problématique : le projet Ikos à Bordeaux. Ce projet, qui implique la coopération entre neuf acteurs de l’économie sociale et solidaire, représente à lui seul un tiers de la réponse aux défis de réemploi de la métropole. Malgré son potentiel significatif en matière d’emploi solidaire, le projet Ikos souffre d’un manque de financement public et notamment de l’État.

Ikos à Bordeaux

L’ambition d’Ikos est de développer un «  village du réemploi » s’étendant sur 17 000 m² de locaux (320 emplois, dont 175 travaillant sur le site). Le programme se concentrerait sur trois axes majeurs, à savoir la réception d’objets usagés pour leur offrir une seconde vie, l’encouragement à l’emploi et l’insertion socioprofessionnelle des individus chargés de trier et de valoriser ces objets et la promotion d’une consommation responsable, en minimisant les déchets et en freinant la surproduction.

Selon votre Rapporteur, le plan « France 2030 » constitue à ce stade une « occasion manquée ([43]) » pour l’économie sociale et solidaire. Alors que les thématiques retenues dans le cadre de ce plan de relance constituent des secteurs où l’ESS pèse entre 30 et 50 % des emplois, l’économie sociale et solidaire bénéficie peu des moyens financiers déployés. À titre d’exemple, selon l’audition du pôle de l’économie sociale et solidaire et de l’investissement à impact de la direction générale du Trésor ([44]), seules 20 structures ESS ont été sélectionnées sur plus de deux mille dossiers retenus par le secrétariat général pour l’investissement (SGPI).

Les critères retenus dans le cadre des appels à projet effectués par le SGPI ne correspondent en effet pas aux structures de l’économie sociale et solidaire, composée majoritairement de petites et moyennes entreprises. Sans financement de l’ingénierie de la coopération pour favoriser l’émergence de consortium pour répondre à ces appels à projet, ainsi que le préconise votre Rapporteur ([45]), il demeure difficile pour les structures de l’ESS de participer à « France 2030 ».

Par ailleurs, la notion d’innovation, principalement technologique, retenue dans le cadre du plan « France 2030 », correspond peu aux activités des structures de l’économie sociale et solidaire, qui innovent de manière sociale et environnementale. Pourtant, les structures de l’ESS spécialistes des métiers de la transition écologique (économie circulaire, alimentation, achats durables, réemploi des déchets, mobilité durable, etc.) ont de réels besoins d’accès à des financements, afin de pérenniser leurs activités et leur modèle de fonctionnement économique ainsi que d’investir.

Dès lors, votre Rapporteur considère qu’il est nécessaire que l’économie sociale et solidaire soit mieux impliquée dans les moyens « fléchés » pour la planification écologique – et notamment les crédits de « France 2030 » – afin de favoriser le changement d’échelle de leurs activités et de soutenir leur prise de risque financier.

Proposition n° 17 : Consacrer des moyens significatifs dans le cadre du plan d’investissement « France 2030 » aux actions de l’économie sociale et solidaire en faveur d’une transition écologique juste

2.   L’absence de mesures fiscales spécifiques allouées à l’impératif écologique et à l’innovation sociale et écologique au sein de l’économie sociale et solidaire

a.   L’agrément Esus, insuffisamment mobilisé et reconnu, n’est pas fléché vers la transition écologique

Prévu par la loi n° 2014-344 du 17 mars 2014 relative à la consommation, l’agrément « Entreprise solidaire d’utilisé sociale » (Esus) est une certification administrative destinée aux organisations de l’économie sociale et solidaire ayant pour but une mission d’utilité sociale, afin d’« instaurer  un écosystème favorable au développement des structures de l’ESS » ([46]). Attribué par les pouvoirs publics via les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, cet agrément offre un accès facilité aux financements solidaires et valorise l’entreprise auprès des investisseurs, des bailleurs de fonds et des consommateurs. En outre, il ouvre la voie à des avantages fiscaux via le « mécanisme Madelin », également appelé « IR PME Esus ».

L’agrément Esus n’a que partiellement atteint ses objectifs, tant pour les entrepreneurs qui l’utilisent que pour le développement de l’économie sociale et solidaire. Bien que les entreprises agréées Esus soient à la pointe en matière d’innovation sociale, elles demeurent encore méconnues du public, des acteurs publics et des investisseurs privés. L’acronyme n’est pas intelligible pour le grand public, ni pour les partenaires. Du fait des complexités procédurales pour obtenir l’agrément et de sa durée limitée (2 ans pour les entreprises créées depuis moins de 3 ans), moins de mille entreprises sont aujourd’hui agréées Esus ([47]).

Par ailleurs, ces entreprises agréées bénéficient actuellement de très peu de soutiens publics pour leur développement, malgré leur capacité à offrir des solutions écologiques et sociales significatives.

Votre Rapporteur constate également que si certaines structures dont le cœur d’activité est la transition écologique bénéficient de l’agrément Esus, il ne s’agit aucunement d’un des critères initiaux d’obtention de ce dernier. Les directions régionales de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités utilisent principalement des critères d’utilité sociale, avec néanmoins la possibilité de prise en compte optionnelle du développement durable et de la transition énergétique ([48]).

 

Du point de vue de votre Rapporteur, face à ce double constat de manque d’attractivité et d’absence de critère écologique, la situation appelle aujourd’hui à transformer l’agrément Esus en un agrément « Entreprises à impact écologique, social et solidaire », comme le préconise également Impact France ([49]).

Proposition n° 18 : Transformer l’agrément Esus en agrément « Entreprises à impact écologique, social et solidaire » pour en consolider la crédibilité, l’attractivité et la notoriété ([50]).

Votre Rapporteur est conscient qu’un tel relèvement du niveau d’exigences en matière environnementale peut s’avérer complexe pour des structures parfois fragiles financièrement et disposant de moyens limités. Face à ce constat, votre Rapporteur recommande la mise en place d’une exonération totale de charges patronales ou d’une subvention budgétaire spécifique en contrepartie des efforts fournis par les structures de l’économie sociale et solidaire se conformant à l’objectif écologique.

Proposition n° 19 : Exonérer totalement les entités bénéficiant de ce nouvel agrément « Entreprises à impact écologique, social et solidaire » de charges patronales en contrepartie des efforts exigés pour accomplir leur transition écologique.

Par ailleurs et comme le note Impact France ([51]), les méthodes de contrôle et d’évaluation des entités bénéficiant de l’agrément Esus se réduisent à une procédure de renouvellement tous les cinq ans, sans qu’aucune évaluation de l’impact social ou de l’utilité sociale ne soit requise.

Du point de vue de votre Rapporteur, les méthodes de contrôle et d’évaluation des entités agréées Esus doivent devenir effectives. Pour cela, un organisme tiers indépendant serait chargé de réaliser un audit annuel social, environnemental et/ou solidaire, qui deviendrait obligatoire pour les entreprises agréées Esus. Comme le préconise Impact France, la fréquence de cet audit pourrait être adaptée suivant la taille de l’entreprise – par exemple, publication du bilan sans audit pour les TPE, audit tous les 3 ans pour les PME/ETI et audit tous les 2 ans pour les grandes entreprises.

Proposition n° 20 : Les entreprises agréées établissent un rapport d’impact social, environnemental et/ou solidaire annuel, contrôlé par un organisme tiers indépendant.

b.   Aucun dispositif fiscal n’est alloué à l’innovation écologique et sociale au sein de l’économie sociale et solidaire  

Votre Rapporteur regrette le manque de reconnaissance de l’apport de l’économie sociale et solidaire à l’innovation environnementale et sociale, en des matières aussi variées que l’économie circulaire, le réemploi ou le recyclage des déchets. Ce manque de reconnaissance de l’innovation sociale et écologique au sein de l’ESS se traduit par l’absence de mécanismes fiscaux incitatifs. En effet, peu d’entreprises de l’économie sociale et solidaire sont soumises aux impôts de production et elles ne bénéficient donc pas du crédit d’impôt recherche (CIR), principalement centré sur les enjeux d’innovation technologique et non d’innovation sociale et environnementale. Dès lors, votre Rapporteur préconise d’instaurer des mécanismes fiscaux en faveur de l’innovation sociale et environnementale, une fois cette notion précisée dans la loi « Hamon » de 2014 relative à l’ESS.

Si l’« innovation sociale » a bien été définie par l’article 15 de la loi de 2014 précitée, la notion d’ « innovation écologique » n’y est pas présente. Dès lors, votre Rapporteur recommande de définir cette notion en vue d’instaurer des mécanismes fiscaux pouvant bénéficier aux structures de l’ESS.

Proposition n° 21: Inclure et définir à l’article 15 de la loi « Hamon » la notion « d’innovation sociale et écologique » en vue de faire bénéficier les structures répondant à ces nouveaux critères de mécanismes fiscaux spécifiques.

Les entreprises de l’économie sociale et solidaire n’étant, pour leur grande majorité, pas soumises à l’impôt sur les sociétés, elles ne peuvent bénéficier du crédit d’impôt recherche. Votre Rapporteur considère qu’il existe plusieurs pistes d’amélioration envisageables pour remédier à cette distorsion d’avantages fiscaux et favoriser l’innovation sociale et environnementale.

La première est de conférer aux jeunes entreprises agréées Esus les mêmes avantages que ceux résultant du statut de « Jeune entreprise innovante ». Cela nécessiterait de considérer au même titre l’innovation sociale et environnementale.

Proposition n° 22 : Conférer aux jeunes entreprises agréées Esus les avantages reconnus aux « Jeunes entreprises innovantes ».

La seconde piste consiste à instaurer une « prime d’innovation sociale et écologique » chaque année en loi de finances, de l’ordre de 200 M€ comme le préconise l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes) ([52]), pour permettre aux entreprises de l’économie sociale et solidaire d’investir (matériels, fonctionnement, équipements) et de compenser l’absence de bénéfice du CIR au sein de l’ESS. Cette prime représenterait approximativement 10 % des rémunérations brutes des salariés des entreprises de l’économie sociale et solidaire développant un projet d’innovation sociale et écologique, alors que les besoins estimés sont de 1 Md€.

Proposition n° 23 : Instaurer une prime d’innovation sociale et écologique pour compenser l’absence de CIR dédié à l’économie sociale et solidaire.

La dernière piste serait, comme le préconise également l’Udes ([53]), d’établir un mécanisme fiscal spécifique pour encourager la mise en place de régimes d’intéressement au sein des structures associatives à but non lucratif afin d’encourager la transition écologique. Ces structures, qui sont actuellement soumises à la taxe sur les salaires, ne bénéficient pas d’incitations fiscales pour adopter des dispositifs de partage de la valeur comme l’intéressement. Votre Rapporteur suggère donc une réforme de cette taxe en augmentant le montant de l’abattement pour les organisations qui instaurent un tel régime, afin d’encourager la transition écologique au sein de l’économie sociale et solidaire. Plus précisément, l’abattement serait ad hoc et ciblerait les structures de moins de cinquante salariés relevant du champ de l’économie sociale et solidaire au sens des dispositions de la loi « Hamon » de 2014.

Proposition n° 24 : Instaurer un abattement ciblé sur la taxe sur les salaires, spécialement pour les structures associatives à but non lucratif de moins de cinquante salariés et relevant de l’économie sociale et solidaire, pour encourager les initiatives écologiquement responsables.

B.   DEs modes de financement privÉ innovants À parfaire pour remÉdier au rationnement du crÉdit et assurer la transition Écologique au sein de l’Économie sociale et solidaire

Le principal enjeu pour les structures de l’économie sociale et solidaire dont le cœur de métier est la transition écologique, est la capacité à trouver des investisseurs privés dont l’apport financier peut permettre un changement d’échelle des activités, alors que les principes de gestion de l’ESS (démocratie et partage de la valeur) ne conviennent pas toujours à des logiques d’investissement reposant sur une rentabilité importante ainsi que sur un contrôle des choix de la structure. À quelques exceptions près, ces structures doivent avant tout compter sur leur autofinancement – ou alors sur l’implication d’apporteurs en capital patients et prêts à renoncer un niveau de rentabilité des fonds apportés analogue à celui du privé lucratif, voire à renoncer purement et simplement à toute rémunération des fonds.

Votre Rapporteur formule par conséquent plusieurs propositions visant à renforcer les dispositifs existants pour maintenir l’attractivité de l’épargne et de l’actionnariat solidaires, l’orienter vers la transition écologique et lutter contre le rationnement du crédit.

1.   Les incitations fiscales et les obligations de RSE au service du renforcement de l’investissement solidaire dans les entreprises de l’ESS à forte empreinte écologique

Le baromètre « La Croix – Finansol » publié en juin 2023 ([54]) met en évidence une augmentation de l’intérêt de nos concitoyens pour une finance alignée sur les exigences de la transition écologique et solidaire. L’année 2022 a vu le montant total de l’épargne solidaire dépasser les 26 milliards d’euros, soit une croissance de 7,37 % par rapport à l’année précédente, contribuant au financement de plus de 1 590 projets à vocation sociale ou environnementale ([55]).

Alors que les placements solidaires présentent un faible niveau de risque pour les investisseurs individuels et génèrent généralement des rendements financiers modérés, votre Rapporteur considère que la pérennité de la finance solidaire nécessite la mise en place de mesures fiscales incitatives, a fortiori dans le contexte inflationniste actuel.

Dans un environnement économique marqué par l’inflation, votre Rapporteur considère indispensable de maintenir des mesures fiscales incitatives pour permettre aux entreprises engagées dans la solidarité de collecter une épargne qui, en moyenne, n’offre pas de rémunération pendant sa période de détention, généralement d’une durée minimale de huit ans.

a.   Le dispositif de réduction d’impôt sur le revenu pour les PME au sein de l’ESS doit être pérennisé pour renforcer l’actionnariat solidaire à impact écologique

L’héritage de la crise sanitaire, matérialisé notamment par l’essor des prêts garantis par l’État, a accru substantiellement l’endettement des PME françaises, altérant ainsi leur solvabilité et leur accès aux financements bancaires du fait de la dégradation du ratio dette/fonds propres. Dans ce contexte, le renforcement des fonds propres devient crucial, a fortiori dans le cadre des tensions inflationnistes actuelles. Plus spécifiquement, le bénéfice qui peut être dégagé par les structures agréées Esus est principalement réinvesti dans leur activité d’utilité sociale, et non distribué aux actionnaires, ce qui leur permet un impact social et environnemental plus fort mais a pour contrepartie une attractivité financière plus faible. Le contexte inflationniste, combiné à la hausse des taux, rend la prise de capital au sein des structures de l’ESS encore moins attractive ; l’incitation fiscale joue un rôle majeur dans leur financement. En 2022, les dépenses fiscales liées aux réductions d’impôt pour la souscription en numéraire au capital initial ou aux augmentations de capital des PME était estimé à 57 M€ ([56]).

Dans ce contexte, votre Rapporteur considère nécessaire de maintenir et de prolonger les outils de financement en fonds propres accessibles aux entreprises de l’économie sociale et solidaire. Spécifiquement, la majoration du taux de déduction à 25 % au titre de l’impôt sur le revenu (IR) pour les entreprises agréées Esus (IR-PME Esus) s’avère efficace. À titre d’exemple, la suppression de l’ISF-PME en 2018 a entraîné une chute de 38 % des investissements dans les entreprises Esus, tandis que la réintroduction du dispositif en 2020 a impulsé une hausse de plus de 20 % ([57]). Ce levier fiscal est essentiel pour encourager l’investissement privé des particuliers au sein des structures de l’économie sociale et solidaire, comme l’ont confirmé plusieurs enquêtes menées par l’association Fair auprès des entreprises bénéficiaires ([58]).

Ce dispositif connaît toutefois une double limite qui freine l’investissement dans le secteur de l’économie sociale et solidaire. Premièrement, cette déduction fiscale s’applique seulement aux structures de moins de dix ans. Selon les enquêtes internes menées par l’association Fair ([59]), les entreprises de l’ESS sorties du dispositif en raison du dépassement de la limite des dix ans d’existence ont témoigné « de l’effondrement de leur collecte, non seulement du montant total, mais aussi du nombre de souscripteurs et du montant moyen. Un répondant a mesuré une baisse de 44 % l’année de leur sortie du dispositif, ainsi qu’une baisse de 61 % du nombre de nouveaux actionnaires. Ne plus bénéficier de ce dispositif d’incitation mène ces entreprises à brider leur développement voire mettre en danger leur modèle économique. ». Deuxièmement, ce mécanisme a connu une instabilité du taux de réduction de l’impôt sur le revenu, fixé à 18 % au départ et porté depuis 2018 à 25 % par différentes lois de finances, sous réserve de l’accord de la Commission européenne au titre de la compatibilité du mécanisme avec les dispositions relatives aux aides d’état. Cette reconduction, chaque année, du taux de 25 % a conduit à ce que, pendant quelques mois en attendant le « feu vert » de la Commission européenne, le taux de réduction généré par les souscriptions ait été de 18 %. Aussi, votre rapporteur recommande de stabiliser ce taux à 25 % pour sécuriser l’attractivité des structures de l’économie sociale et solidaire auprès des investisseurs, mesure dont le coût budgétaire est estimé à seulement 17M€.

En outre, l’IR-PME et l’IR-PME Esus ont un impact positif sur les petites et moyennes entreprises et les Esus, puisque les PME et les Esus bénéficiaires, ayant accès à des financements en fonds propres, développent leurs activités économiques sur les territoires et créent des emplois, ce qui augmente les cotisations sociales et induit des dépenses publiques évitées.

En somme, face à ces difficultés, votre Rapporteur préconise une prolongation du taux majoré à 25 % de l’IR-PME et de l’IR-PME Esus jusqu’en 2026, afin d’assurer une visibilité et une stabilité aux investisseurs au sein des entreprises de l’économie sociale et solidaire, surtout si cet agrément devient social et écologique ([60]).

Proposition n° 25 : Prolonger le taux majoré (25%) de l’IR-PME et de l’IR-PME Esus jusqu’en 2026.

b.   L’absence d’obligation de transparence en matière de commande privée nuit au développement et au verdissement de l’ESS

Selon Mme Elisa Yavchitz, auditionnée par votre Rapporteur en sa qualité de directrice générale de l’association « Les Canaux » ([61]), l’absence d’obligation de transparence pour les entreprises privées dans le cadre de leurs politiques d’achats responsables peut entraîner des risques de social et green washing et nuit au développement de l’économie sociale et solidaire, malgré des engagements ambitieux pris par les grandes entreprises en la matière. Plus spécifiquement, il n’existe aucune obligation, pour les entreprises privées de plus de 500 salariés, d’indiquer le nombre de marchés solidaires qu’elles ont passés dans leur rapport RSE.

Afin d’assurer l’effectivité des politiques d’achats responsables, votre Rapporteur propose d’introduire dans le rapport annuel RSE, pour les entreprises privées de plus de 500 salariés, une obligation de publication du nombre de marchés solidaires qu’elles ont conclus dans l’année, c’est-à-dire dont le prestataire lauréat est une entreprise de l’économie sociale et solidaire.

Proposition n° 26 : Rendre obligatoire, dans le rapport RSE des entreprises privées de plus de 500 salariés, la mention du nombre de contrats de marchés solidaires conclus dans l’année.

c.   Le manque de fonds de garantie dédiés à l’ESS nuit au modèle économique et au verdissement de ses structures

Confrontées à des problèmes de trésorerie récurrents et fondées sur des modèles de lucrativité limitée, les structures de l’économie sociale et solidaire connaissent des difficultés à trouver des financeurs et à s’endetter auprès des acteurs bancaires pour investir. Les entreprises de l’ESS rencontrent des difficultés de trésorerie, notamment parce qu’elles collaborent étroitement avec des acteurs publics. Ces derniers, selon la législation en vigueur, disposent d’un délai de 90 jours pour procéder au paiement de leurs achats de biens et services. Ce délai peut s’avérer problématique pour la trésorerie des structures de l’ESS, surtout lorsque l’on y ajoute la durée souvent longue du processus d’attribution de subventions publiques. Dès lors, votre Rapporteur considère crucial de développer des outils financiers, et notamment des aides garanties, pour les structures de l’ESS, notamment celles exerçant des activités de transition écologique, afin de remédier à leurs difficultés de fonds de roulement.

Avec l’association Fair ([62]), votre Rapporteur porte ainsi la proposition de développer davantage les fonds de garantie proposés par Bpifrance. L’instauration de tels fonds serait de nature à rassurer les investisseurs souhaitant s’impliquer dans le financement de l’économie sociale et solidaire, en particulier les acteurs de la transition écologique, et de remédier au problème de rationnement du crédit bancaire auquel sont confrontées les structures de ce secteur. Ces outils de garantie porteraient à la fois sur les interventions en fonds propres que sur les financements bancaires. Les fonds de garantie pourraient provenir soit de fonds européens dédiés (Invest EU) soit de crédits budgétaires de l’État.

 

 

 

 

Proposition n° 27 : Développer des fonds de garantie, en lien avec les acteurs bancaires de l’ESS (France active…), afin de rendre plus attractif l’investissement au sein de l’économie sociale et solidaire, en particulier de la transition écologique, et de contrecarrer le rationnement du crédit bancaire des structures de l’ESS.

2.   Parfaire l’organisation d’une véritable épargne sociale et solidaire au bénéfice de la transition écologique juste au sein de l’ESS

Les schémas financiers des entités de l’économie sociale et solidaire sont fréquemment caractérisés comme des modèles hybrides, combinant ressources propres provenant de la commercialisation de biens ou de prestations et fonds découlant de subventions ou d’appels à initiatives spécifiques. En général, ces configurations financières entraînent des niveaux de rentabilité inférieurs à ceux des entreprises traditionnelles. De plus, le rendement du capital pour les actionnaires ou les membres est généralement modeste. Les opportunités de réaliser une plus-value lors de la sortie d’un investissement sont exceptionnelles, du fait des systèmes de gouvernance en place et des modalités de rétribution du capital.

Face à ce constat, votre Rapport considère primordial de développer l’attractivité de la finance solidaire et salariale et de la flécher vers l’objectif de transition écologique. La finance solidaire demeure attractive, puisqu’elle représente 26,3 Md€ d’encours fin 2022 ([63]), soit une croissance de 7 % par rapport à l’année précédente. Toutefois, cela constitue seulement 0,45 % de l’épargne des ménages, ce qui invite à renforcer son attractivité. Toutefois, ces 26,3 Md€ intègrent également la part d’épargne investie dans les entreprises cotées qui sont dans les fonds 90/10. Dans son « Zoom de la finance solidaire 2023 » ([64]), l’association Fair présente les chiffres suivants :

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Le principal enjeu pour les structures de l’économie sociale et solidaire dont le cœur de métier est la transition écologique est dès lors la capacité à trouver des investisseurs privés, via l’épargne salariale et solidaire, dont l’apport financier pourrait permettre un changement d’échelle des activités.

a.   L’épargne salariale développée mais insuffisamment fléchée vers la transition écologique

L’association Fair ([65]) note que l’épargne salariale solidaire (15 Md€ d’encours sur les 26 Md€ de l’ensemble de l’épargne solidaire) constitue, depuis près de quinze ans, la « locomotive » de l’épargne solidaire pour deux raisons majeures. Des règlementations spécifiques ont favorisé la création et l’expansion de produits financiers mixtes, comme les fonds 90-10, qui jouissent aujourd’hui d’une large attractivité. Par ailleurs, l’épargne solidaire doit être obligatoirement proposée dans les plans d’épargne salariale.

L’épargne salariale est développée en France en partie par l’intermédiaire des fonds communs de placement d’entreprise (FCPE). Aux termes de l’article L. 214-164 du code monétaire et financier, l’actif de ces fonds solidaires est composé, pour une part comprise entre 5 et 10 %, de parts ou titres émis par des entreprises solidaires agréées ou par des sociétés de capital-risque, sous réserve que l’actif de ces fonds soit composé d’au moins 40 % de parts ou titres émis par des entreprises solidaires mentionnées à l’article L. 3332-17-1 du code du travail.

Toutefois, les fonds communs de placement d’entreprise ne dirigent pas cette épargne salariale vers des entreprises solidaires à impact environnemental fort au sein de l’économie sociale et solidaire. Dès lors et en cohérence avec la réforme de l’agrément prônée par votre Rapporteur de la notion d’utilité sociale en une utilité « sociale et environnementale » ([66])  il serait bienvenu que les FCPE prennent en considération la dimension écologique pour l’épargne salariale. Une part de l’actif de ces fonds pourrait ainsi être investie dans des structures sociales et solidaires à impact écologique, sans que cela se fasse au détriment de la vocation sociale initiale de l’épargne salariale.

Proposition n° 28 : Modifier l’article L. 214-164 du code monétaire et financier pour que l’épargne salariale gérée par les fonds communs de placement d’entreprise soit en partie orientée vers des structures solidaires à impact environnemental fort.

b.   Renforcer l’offre d’épargne règlementée solidaire dans une optique de transition écologique

L’épargne solidaire comprend des typologies de produits très différents, mais qui reposent tous sur le principe d’une orientation de l’épargne vers des projets d’utilité sociale, comme l’illustre le label « Finansol » de l’association Fair.

ESS France note que l’encours de l’épargne solidaire est stable, que ses dispositifs peuvent s’appuyer sur les acteurs efficaces comme France Active, qui est destinataire du fonds 90/10. Cet encours s’élevait à 3 Md€ en 2022, auxquels s’ajoutent 16 % des encours non centralisés à la Caisse des dépôts et consignations du livret A et du livret de développement durable et solidaire (LDDS), soit 35 Md€ ([67]). L’encours de l’épargne collectée par les entreprises solidaires au 31 décembre 2021 atteint 862 M€. La croissance de cet encours témoigne de la vitalité de l’actionnariat solidaire.

 

2014

2016

2017

2018

2019

2020

2021

367 M€

484 M€

527 M€

631 M€

659 M€

745 M€

862 M€

* Source : Observatoire de la finance solidaire – Données liées à la gestion du Label Finansol

Afin d’orienter davantage l’épargne solidaire et salariale vers la transition écologique au sein de l’économie sociale et solidaire, votre Rapporteur considère nécessaire de mieux identifier et de faire connaître les dispositifs existants (livret de développement durable et solidaire et autres).

Le livret de développement durable et solidaire constitue le seul dispositif d’épargne orienté à la fois vers la transition écologique et vers l’ESS et qui connaît une forte attractivité (24 millions de titulaires). La loi dite « Sapin II » avait transformé le « Livret de développement durable » en y introduisant une dimension de solidarité à la fin de 2016. Le LDDS permet à l’épargnant d’effectuer des dons à des structures de l’économie sociale et solidaire directement depuis le livret : il s’agit du mécanisme de partage sur les intérêts ou sur le capital. Par ailleurs, une partie de l’encours non centralisé du LDDS à la Caisse des dépôts (5 % minimum) doit obligatoirement être allouée au financement de l’économie sociale et solidaire, soit 31 Md€ en 2021 selon la Caisse des dépôts ([68]). Cela représente en moyenne 16 % de l’encours des ressources non centralisées du livret A et du LDDS en faveur de l’économie sociale et solidaire – soit un niveau global bien au-delà du seuil plancher réglementaire. Toutefois, l’association Fair ([69]) estime qu’il est probable qu’une partie des banques se situent en-dessous du seuil de 5 %, celles qui n’avaient pas de fonds de commerce dans ce secteur en 2021, et invite donc, si les prochains bilans le confirment, à formuler un relèvement de ce seuil plancher.

Afin de soutenir le développement de la finance solidaire et de l’orienter davantage vers la transition écologique, votre Rapporteur considère nécessaire de promouvoir la logique du LDDS et de l’étendre aux autres produits d’épargne règlementée.

Votre Rapporteur préconise donc d’étendre la faculté de don solidaire prévue pour le livret de développement durable et solidaire au livret A, qui comprend 55 millions d’épargnants, offrant une nouvelle source de financement possible à l’économie sociale et solidaire. La mise en place du mécanisme de partage de dons dans le cadre du livret A permettrait d’aligner le régime d’utilisation des ressources non centralisées à la Caisse des dépôts et consignations de ces deux livrets et de soutenir des modèles économiques fragiles de l’économie sociale et solidaire.

Proposition n° 29 : Étendre le mécanisme de partage du livret de développement durable et solidaire au livret A pour diversifier et accroître les sources de financement de l’ESS.

Afin d’assurer un fléchage renforcé vers les structures de l’économie sociale et solidaire à impact social et écologique fort, votre Rapporteur porte l’idée de créer une obligation d’orienter une partie de l’épargne collectée dans le cadre du futur « plan d’épargne avenir climat » vers des structures agréées Esus, qui sont investies dans la transition écologique et dans le domaine solidaire.

Proposition n° 30 : Flécher une partie de l’épargne collectée dans le futur « plan d’épargne avenir climat » vers des structures agréées Esus investies dans la transition écologique.

 


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   EXAMEN EN COMMISSION

Au cours de sa réunion du mardi 17 octobre 2023, la commission a procédé à l’examen pour avis, sur le rapport de M. Charles Fournier, des crédits du programme « Économie sociale et solidaire » de la mission « Économie ».

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis (Économie sociale et solidaire). L’économie sociale et solidaire (ESS) est cette autre économie qui se définit davantage par ses valeurs que par ses chiffres, même si son poids est loin d’être négligeable puisqu’elle représente 10 % du PIB et 14 % des emplois privés – cette proportion atteint même 18 % dans certains territoires ruraux.

Malgré cette importance, le soutien public directement accordé à l’ESS est extrêmement faible, puisqu’il ne dépasse pas 20 millions d’euros, quand les crédits consacrés à l’économie classique approchent les 140 milliards – même si cette estimation est difficile à réaliser. L’Espagne vient d’engager un programme interministériel extrêmement ambitieux en faveur de l’ESS, qui repose sur un plan d’investissements de plus de 800 millions d’euros, alors que les crédits stagnent en France. On ne prend pas en compte l’inflation, ni les difficultés auxquelles sont confrontés les acteurs de l’ESS. L’essentiel de la hausse des crédits de paiement (CP) sera consacré aux contrats à impact social, qui ne sont pas une solution stimulante pour les acteurs que nous avons auditionnés, car ils exigent un travail administratif et d’évaluation très lourd et ne donnent lieu à un paiement de l’État que si les résultats sont au rendez-vous.

Les crédits de paiement affectés aux structures de l’ESS baissent de 1 million d’euros, alors que celles-ci ont besoin d’un soutien massif pour engager plus fortement les transformations auxquelles le secteur doit participer. Le rôle de l’ESS dans la transition écologique pourrait aller de soi, car beaucoup de ses acteurs ont fait partie des premiers à innover dans ce domaine, notamment dans la gestion des déchets, le réemploi et l’énergie produite par des coopératives citoyennes, mais ils ne sont pas identifiés et ne bénéficient donc pas de soutien particulier. Ils ne sont pas davantage soutenus pour leur propre transformation : les acteurs du secteur sanitaire et social, qui gèrent des bâtiments, de la mobilité et de l’alimentation, ne sont pas accompagnés dans la transition qu’ils doivent engager. Dans France 2030, une vingtaine de dossiers seulement sont soutenus au titre de l’ESS.

BPIFrance apporte un soutien très faible à l’ESS, alors qu’un engagement fort de la banque publique d’investissement avait été annoncé au moment de la loi du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire, dite Hamon. Le bilan de cette loi, près de dix ans après sa promulgation, montre quelques faiblesses ; ainsi, l’agrément d’entreprise solidaire d’utilité sociale (Esus) reste méconnu, faute d’offrir suffisamment d’avantages et d’accompagnement.

Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable sur les crédits de l’action 04 du programme 305 Stratégies économiques, consacrés à l’ESS.

Je préconise l’adoption d’une loi de programmation pluriannuelle en faveur de l’ESS, car le secteur a besoin de visibilité ; les acteurs doivent pouvoir inscrire leur action dans le temps et être accompagnés dans leurs engagements, dans leur champ historique comme en matière d’innovation sociale et écologique. Il est urgent de consolider le soutien budgétaire de l’État, qui est assez limité avec seulement 20 millions d’euros. Le mouvement associatif défend l’instauration de mesures fiscales, comme la modulation de la taxe sur les salaires (TS) qui pèse particulièrement sur les structures de l’ESS, afin de redonner des marges à ces dernières ; dans le même objectif, les dispositions sur l’impôt sur le revenu pourraient être étendues.

Certains chercheurs évoquent l’émergence d’une EESS, à savoir une économie écologique, sociale et solidaire : tout le monde le reconnaît, les questions sociales et écologiques sont intimement liées. Les acteurs de l’ESS sont bien placés pour défendre cette articulation : ils peuvent offrir des solutions, mais il faut prendre en compte les difficultés qu’ils affrontent ; l’inflation, notamment des prix énergétiques et alimentaires, les frappe en effet de plein fouet. J’ai déposé plusieurs amendements visant à les accompagner pour faire face à ces problèmes.

Il convient également de réviser la loi Hamon, qui suscite de nombreux débats :
faut-il toucher à l’article 1er, qui définit les familles de l’ESS ? Faut-il prendre en considération la mesure de l’impact social et écologique de ces acteurs ? Il me semble qu’il y a lieu de faire les deux et de reconnaître leur utilité sociale et écologique. Il convient de toiletter plusieurs articles de la loi, afin d’intégrer des avantages, des contreparties et des engagements liés à l’appartenance à ce secteur : la loi de programmation, dont je défends le principe, serait tout à fait utile pour impulser une telle orientation.

Il serait également opportun de soutenir l’accès des acteurs de l’ESS aux marchés publics, actuellement difficile. Aucune part de ces marchés ne leur est réservée et aucune intermédiation n’existe pour les aider à faire des réponses groupées. Certains projets extrêmement importants ne trouvent pas de financement : je pense, par exemple, au projet de l’association Ïkos, qui pourrait répondre à un tiers des enjeux de réemploi de la métropole bordelaise, mais auquel il manque quelques millions d’euros pour boucler le tour de table ; dans le même temps, on trouve des milliards pour soutenir des activités économiques comme le développement de semi-conducteurs, à Grenoble ou ailleurs.

Les innovations dans le domaine de la transition écologique provenant de l’ESS ne sont pas reconnues par la puissance publique, qui ne les soutient pas. Il faut accompagner les acteurs du secteur dans leur transition et leur réserver une plus grande place, dans les marchés publics comme dans France 2030, car ils ont un rôle majeur à jouer dans la période actuelle.

M. Alexis Izard (RE). Les crédits attribués à l’ESS pour 2024 sont stables par rapport à la loi de finances de 2023, avec 19 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 22 millions en crédits de paiement (CP). Comme en 2023, les priorités porteront sur le soutien aux structures de l’ESS – fédérations, têtes de réseau, opérateurs, think tanks –, à l’investissement à impact, avec la structuration de nouveaux contrats à impact social, et au développement international de l’ESS.

Toutefois, le soutien apporté par l’État à l’ESS ne saurait être mesuré à l’aune de la seule action 04 du programme 135. Ce modèle économique singulier regroupant des entreprises, des associations ou des coopératives agricoles, on le retrouve dans des secteurs d’activité aussi différents que le sport, les loisirs, l’hébergement, la restauration ou les activités financières. Le programme 163 Jeunesse et vie associative de la mission Sport, jeunesse et vie associative concerne aussi l’ESS : ses crédits connaissent une forte augmentation, de 64 millions d’euros d’AE. Les crédits consacrés aux contrats aidés du programme 102 Accès et retour à l’emploi sont également en hausse, de même que le Fonds d’inclusion dans l’emploi (FIE) et le financement de l’insertion par l’activité économique. Il serait donc réducteur de prétendre que le budget général des ESS est en stagnation, puisque plusieurs programmes concourant à son financement connaissent une forte progression de leurs crédits. Je partage toutefois vos regrets, monsieur le rapporteur pour avis, quant à la difficile identification des crédits alloués à l’ESS dans le budget.

Je tiens à saluer les ambitions que portent ces crédits, dont le groupe Renaissance soutiendra l’adoption.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Il y a en effet un manque de lisibilité. D’ailleurs, le Sénat avait adopté un amendement au PLF 2023 visant à la remise d’un rapport présentant l’ensemble des crédits et des moyens publics mobilisés en faveur de l’ESS. Ce rapport n’est pas disponible, ce qui est regrettable. Puisque vous ne disposez pas d’image budgétaire globale, il vous est difficile d’affirmer que les crédits progressent ; j’ai plutôt l’impression que ceux-ci stagnent et qu’ils sont donc en recul si on prend en compte l’inflation. En tout état de cause, ils ne sont pas à la hauteur de ce dont les acteurs ont besoin et de ce que ceux-ci pourraient apporter aux transformations de notre société.

M. Lionel Tivoli (RN). L’économie sociale et solidaire donne priorité au principe d’utilité sociale et environnementale : elle regroupe les secteurs associatif, mutualiste et coopératif, et compte 2,6 millions d’emplois, soit environ 14 % de l’emploi privé.

Si l’ESS correspond à un changement de mentalité, lié à la prise en compte de l’humain et du devenir écologique, elle ne doit pas se construire au détriment de l’ancrage local et des valeurs nationales. Vous dénoncez la stagnation et la faiblesse des moyens alloués par l’État au développement de l’ESS dans un contexte inflationniste très fort, mais que dire des difficultés que doivent affronter les commerçants locaux, comme les boulangers, qui ont pris de plein fouet l’augmentation considérable du prix de l’électricité et qui, pour bon nombre d’entre eux, ont mis la clef sous la porte ?

L’ESS doit s’inscrire dans le respect des valeurs de nos terroirs et dans le rejet des solutions écologiques qui font la part belle à nos concurrents européens, dans la quête de filières stratégiques d’avenir liées à l’incontournable transition écologique, telles que les énergies citoyennes, la rénovation thermique, le développement des mobilités durables, l’économie circulaire, l’agriculture, l’alimentation durable ou le réemploi solidaire.

Si la politique de la ville constitue le support budgétaire des financements spécifiques, il est proposé de débloquer 634,5 millions d’euros, en supplément des crédits de droit commun de l’État et des collectivités déjà mobilisés au profit des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV). Les gouvernements y déversent l’argent public depuis des années sans aucun résultat probant : ces quartiers dits sensibles, véritables zones de non-droit, sont marqués par une augmentation exponentielle du communautarisme, malgré l’ampleur des dotations et l’implantation d’infrastructures sportives, absentes de nombreuses petites villes, bourgs et villages. Tout cela crée une profonde injustice territoriale et une fracture sociale, économique et identitaire vis-à-vis de nos concitoyens français. Votre rapport reste malheureusement silencieux sur ces sujets.

Je n’ai pas le temps d’évoquer les scandales dans le secteur de la petite enfance et des personnes âgées.

Sous l’appellation d’ESS évoluent des entreprises qui peuvent créer une concurrence déloyale, car elles sont placées sous perfusion d’aides de l’État alors qu’elles ne réussissent pas ou peu – je pense, dans ma circonscription, à des entreprises réparant les téléphones mobiles, certaines appartenant à l’ESS, d’autres non.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Vous parlez beaucoup de ruralité, mais les structures de l’ESS sont parfois les seules à fournir des emplois dans ces territoires. Vous parvenez toujours à faire un lien avec l’immigration, mais vous mettez de côté le fait que l’ESS représente parfois 30 % des emplois dans les zones rurales. Vous devriez défendre ce secteur, vous qui prétendez parler pour la ruralité !

Seule une partie des moyens dévolus à l’ESS concernent les QPV : de mon point de vue, il faudrait soutenir davantage l’ESS, car cela aiderait les territoires. Vous prétendez également combattre le libéralisme, mais ces acteurs proposent justement de développer une économie territorialisée, dans laquelle le partage de la valeur s’effectue dans les territoires et dont les emplois ne sont pas délocalisables. Les structures de l’ESS compensent l’absence du marché bien plus qu’elles ne le concurrencent.

 

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Nous partageons avec le rapporteur pour avis l’idée que l’ESS est un secteur clef de la bifurcation démocratique, écologique – n’en déplaise à certains – et sociale, qui représente une alternative concrète à l’économie financiarisée, privilégie l’utilité sur le profit et la décision collective sur le féodalisme actionnarial. Je regrette d’ailleurs que la ministre chargée de ce secteur ait refusé d’être auditionnée par le rapporteur pour avis, comme avant elle Marlène Schiappa – l’utilisation du 49.3 ayant déjà été annoncée, le Gouvernement ne juge même plus utile de se déplacer, tombant ainsi le masque et assumant le déni démocratique permis par la Constitution de la cinquième République.

Nous nous prononçons, comme le rapporteur pour avis, pour un rejet des crédits de l’ESS, sur la forme comme sur le fond, puisque ceux-ci souffrent d’un sous-dimensionnement structurel et restent dérisoires – ils ne dépassent pas 20 millions d’euros pour un secteur qui représente 10 % du PIB. Nous déplorons également leur redéploiement au détriment du soutien aux structures et en faveur des contrats à impact social, dont la mission principale vise à sous-traiter l’action sociale à des entreprises privées, comme si la logique de rentabilité pouvait s’y appliquer.

Votre rapport avance également plusieurs propositions : nous soutenons notamment l’instauration, dix ans après la loi Hamon, d’une loi de programmation, de même que l’orientation visant à mieux conjuguer enjeux sociaux et environnementaux dans le modèle de l’ESS, pour peu que les moyens soient au rendez-vous.

Les acteurs de l’ESS ont lancé un cri d’alarme il y a quelques semaines : ce secteur souffre en effet de problèmes de recrutement du fait du caractère pénible des métiers de l’aide à la personne – petite enfance, aide à la réinsertion sociale, aide à domicile. La responsabilité de l’État est première dans la revalorisation des salaires des métiers de première ligne, comme le soulignait la rapporteure pour avis Sophia Chikirou l’an passé, mais également dans la protection du tissu associatif, lequel amortit les crises ; pourtant, le Gouvernement a annoncé la suppression de 15 000 emplois aidés dans ce secteur déjà fragilisé. Comment le comprendre, alors que le président de l’Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes) indique que 100 000 emplois ne sont pas pourvus dans l’ESS, dont les besoins atteindront 500 000 emplois d’ici à 2030 ? Encore une fois, le Gouvernement n’est pas à la hauteur et préfère continuer sa politique de cadeaux fiscaux aux grandes entreprises capitalistiques plutôt que d’investir au service de l’humain dans le cadre d’une économie fondée sur l’utilité sociale.

Monsieur le rapporteur pour avis, que pensez-vous de nos remarques sur la précarisation des emplois dans le secteur de l’ESS ?

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Je partage votre analyse ; j’ai d’ailleurs déposé un amendement visant à rétablir les crédits finançant les 15 000 emplois aidés qui risquent d’être supprimés : il s’agit d’un coup de massue supplémentaire, dans un secteur qui connaît un plan social permanent et à bas bruit, notamment dans le domaine associatif. En outre, les acteurs sont frappés de plein fouet par l’inflation. L’ESS s’intéresse à des publics que le marché délaisse car ils ne sont pas solvables ; ceux-ci rencontrent des difficultés de plus en plus aiguës, situation qui augmente parfois le coût des activités et peut conduire à la suppression de la gratuité de certaines d’entre elles. Aider ce secteur est indispensable, particulièrement dans des moments aussi rudes que ceux que nous connaissons.

Faute de moyens, les métiers de l’ESS ne sont pas toujours attractifs car ils n’offrent pas de parcours, ni de salaires ou de conditions de travail engageants. Il convient de soutenir davantage les acteurs du secteur.

M. Julien Dive (LR). L’ESS est importante car elle représente 2,6 millions d’emplois en France et assure un maillage territorial étendu et diversifié de coopératives, d’associations, de mutuelles et d’entreprises. Il me paraît d’ailleurs injustifié d’opposer le modèle économique des entreprises à celui des structures des ESS, puisque les deux se complètent.

L’ESS connaît de grandes réussites : dans mon village, Nestlé a fermé pour délocaliser, mais l’activité d’une association engagée dans l’ESS, Vitamine T, a repris et restauré les locaux du site pour travailler sur de l’électroménager de seconde main : des personnes sont ainsi revenues dans l’emploi, et les résultats sont assez probants. L’ESS doit donc être soutenue.

L’enveloppe de 20 millions d’euros semble insuffisante, comme l’indiquent l’ensemble des acteurs de la filière ; pour autant, ces crédits présentent le mérite d’être fléchés, donc nous nous abstiendrons lors du vote.

Votre proposition sur le livret A m’intéresse : il serait en effet opportun de donner aux acteurs de l’ESS la possibilité d’y recourir pour lever des fonds et continuer de se développer dans les territoires.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Je n’oppose pas les deux économies entre elles, je pense que l’une doit servir de modèle à l’autre et je soutiens les mariages qui feraient évoluer l’ensemble de notre système économique. On parle beaucoup d’entreprises à mission et à impact, parce que tous les acteurs doivent prendre en considération les enjeux économiques et sociaux s’ils veulent résister. L’ESS a donc vocation à transformer l’autre pan de l’économie.

Je vous rejoins pleinement pour dire que l’ESS n’est pas une niche de l’économie générale ; elle a vocation à répondre à des problèmes très concrets : les acteurs de l’ESS ont des solutions à apporter en matière de réindustrialisation de nos territoires ; or ils étaient totalement absents du projet de loi relatif à l’industrie verte. De nombreuses coopératives ont repris, sous forme de sociétés coopératives de production (Scop), des activités industrielles qui se trouvaient en échec. Les acteurs de l’ESS pourraient rendre des services importants en matière d’écologie industrielle et territoriale en organisant la coopération entre entreprises dans les territoires, par exemple pour la mutualisation de l’énergie et des déchets. Nous devons soutenir l’ESS car elle conduit des changements utiles, surtout lorsque ses acteurs sont les derniers à subsister dans des territoires, notamment ruraux.

J’ai avancé plusieurs propositions fiscales : vous avez retenu celle concernant le livret A, dont la mise en œuvre approfondirait le soutien et la reconnaissance de l’ESS. Dans le domaine de la finance verte, la dimension écologique et sociale de très nombreux projets était pour le moins limitée : il faut agir dans ce domaine pour soutenir les acteurs vertueux.

M. Éric Martineau (Dem). Nous nous réjouissons que le portefeuille de l’ESS revienne à Mme Olivia Grégoire, car elle connaît bien le sujet pour l’avoir déjà eu sous sa responsabilité. Je tiens à saluer le travail effectué par sa prédécesseure, Mme Marlène Schiappa, qui a œuvré à la simplification des démarches administratives des associations, a remis en place le soutien de l’État aux pôles territoriaux de coopération économique (PTCE) et a porté une résolution adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies visant à améliorer la reconnaissance internationale de l’ESS. Soyons fiers de ces actions et continuons sur ce chemin !

L’ESS constitue une alternative économique au modèle capitaliste, plaide pour un plus grand partage de la valeur et une gouvernance démocratique, promeut une finalité sociale et écologique, et incarne une économie à part entière, inspirante et prometteuse. À cet égard, nous saluons l’augmentation de plus de 8 % du budget. Si nous déplorons, comme vous, le manque de visibilité sur l’ensemble des crédits accordés, nous ne partageons pas vos critiques sur le manque supposé de moyens et d’ambition. Vous indiquez que les acteurs de l’ESS ont souffert de la hausse des coûts de l’énergie : sur ce sujet, l’État a adopté et coordonné une stratégie protectrice, qu’il continuera de déployer en 2024.

Les différents acteurs publics participent au financement de l’ESS au travers de BPIFrance et de la Banque des territoires, au plus près des acteurs. Mme Olivia Grégoire a récemment rappelé aux opérateurs de l’ESS que celle-ci devait être une source d’inspiration pour le reste de l’économie et que l’État devait y aider dans les territoires. Cette orientation se traduit par le financement des contrats à impact, dont nous saluons le développement et la simplification à venir, et par le renforcement des PTCE, pour lesquels nous pouvons saluer l’appel à manifestation d’intérêt, doté de 1,5 million d’euros.

Enfin, nous encourageons la consolidation de statistiques précises sur l’appui des personnes publiques aux structures de l’ESS, dans les domaines de la santé et du social – je pense notamment à certains Ehpad ou à l’Aide à domicile en milieu rural (ADMR). L’objectif est de mieux évaluer l’efficacité et l’ampleur des politiques publiques.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Les crédits de paiement pour les contrats à impact social seront les seuls à croître, alors qu’ils ne concernent que très peu d’acteurs compte tenu de la complexité des dossiers : la plupart des petites structures n’y ont pas accès et les grandes doivent produire de très nombreux indicateurs pour obtenir un financement. Il n’y a aucun enthousiasme dans l’ESS pour ces contrats.

Alors que les PTCE forment un programme, qui est, lui, intéressant, les crédits diminuent. Il y a une autre difficulté liée au fait que seul l’amorçage est financièrement soutenu : comment le pôle tient-il dans le temps ? Un travail doit donc être accompli avec les collectivités territoriales pour apporter une aide durable, mais également pour favoriser des rapprochements entre les tiers lieux, les manufactures de territoire et les PTCE.

Quant à BPIFrance, il faut reconnaître qu’elle ne joue pas le jeu, contrairement à la Banque des territoires qui s’implique davantage. La banque publique d’investissement pourrait apporter un soutien beaucoup plus important aux acteurs de l’ESS.

M. Gérard Leseul (SOC). En tant que coprésident du groupe d’études de notre assemblée sur l’économie sociale et la responsabilité sociale des entreprises (RSE), je souhaite rappeler, à la suite du rapporteur pour avis, que l’ESS représente plus de 10 % du PIB et un emploi privé sur six. Pourtant, les crédits budgétaires qui lui sont alloués restent faméliques, puisqu’ils ne pèsent qu’une vingtaine millions d’euros dans l’action budgétaire éponyme. Plusieurs autres programmes budgétaires contribuent certes au financement du secteur, notamment par le biais du soutien à l’emploi, mais nous manquons grandement de visibilité sur la fraction de ces moyens qui alimente effectivement l’ESS.

À ces insuffisances s’ajoutent les annonces mettant en péril certaines activités de l’ESS, comme la suppression des 15 000 contrats aidés ou la baisse des moyens dédiés à l’expérimentation Territoires zéro chômeur de longue durée (TZCLD) : en décidant de fixer les crédits budgétaires à seulement 69 millions d’euros contre 89 millions nécessaires pour assurer les embauches prévues dans les cinquante-huit territoires bénéficiaires, le Gouvernement crée les conditions d’un échec du dispositif TZCLD. Que représentent ces 20 millions d’euros par rapport à l’ensemble des nouveaux cadeaux fiscaux offerts aux entreprises dans ce PLF et au refus d’une juste taxation des superprofits ? Nous dénonçons fortement cette coupe budgétaire.

J’adhère à l’idée selon laquelle l’ESS doit prendre toute sa part dans la transition écologique. Nous soutenons le principe d’une loi de programmation budgétaire, que tous les acteurs réclament.

En parallèle, une autre difficulté s’est développée durant tout le premier quinquennat d’Emmanuel Macron : la perte de repères entre entreprises de l’économie sociale, entreprises à impact ou entreprises à mission. Si ces entités ont vocation à œuvrer dans le sens d’une meilleure gouvernance, d’une mutualité sociale renforcée ou d’une prise en compte des enjeux de la transition écologique, cette confusion nuit à la lisibilité du secteur de l’économie sociale, qui dit capital collectif, gouvernance démocratique et impartageabilité des réserves.

L’ESS devrait pouvoir s’appuyer sur un écosystème de développement à la hauteur de son potentiel d’initiative et de solidarité. Cela passe notamment par le financement de la fonction accueil, information, orientation des chambres régionales de l’économie sociale et solidaire (Cress), afin d’aiguiller correctement les porteurs de projets dans la reconversion éventuelle des entreprises ; par l’augmentation des moyens dédiés aux dispositifs locaux d’accompagnement (DLA) ou au dispositif Guid’Asso ; par le financement d’une ingénierie territoriale de coopération.

J’espère que l’examen des amendements permettra d’améliorer les crédits dédiés à l’ESS. À défaut, nous les rejetterons.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Je vous remercie d’avoir souligné la baisse des crédits pour le dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée. J’espère que l’ensemble des groupes soutiendront les amendements visant à revenir aux montants nécessaires. Un vote contre mettrait en péril ce dispositif, ce qui est très inquiétant.

Le débat traverse en effet l’ESS de savoir si la seule revendication comme entreprise à impact ou l’histoire statutaire des entités suffisent à garantir une activité non contradictoire avec les valeurs de l’ESS. En l’état, les deux éléments me semblent insatisfaisants puisqu’on peut trouver, au sein des familles de l’ESS, aussi bien une association de producteurs pétroliers qu’une coopérative à fort impact négatif. Quant à la considération de l’impact, elle ne garantit pas contre une simple démarche de greenwashing ou de socialwashing. Il faut essayer de réfléchir à l’articulation des deux, sans les opposer.

Mme Julie Laernoes (Écolo-NUPES). Comme vous l’écrivez dans votre rapport, « l’ESS vise à fournir une alternative économique au modèle capitaliste. Elle se fonde sur un modèle de lucrativité limitée, à rebours de la finalité de l’économie de marché, et a vocation à inspirer des transformations de l’ensemble de l’économie. » Aussi, je me joins à vous pour déplorer la faiblesse des moyens consacrés à l’ESS ces dernières années, au regard des besoins réels du secteur.

Dans une économie marchande, libérale et capitaliste, l’ESS rencontre des difficultés à performer selon les indicateurs économiques traditionnels. Or ces indicateurs ne capturent pas les externalités positives créées par les acteurs de l’ESS, les services publics qu’ils rendent ainsi que les bénéfices économiques ou sociaux non quantifiés et souvent non quantifiables. Par exemple, plus de réemploi, c’est moins de dépenses pour la gestion des déchets. Pour que ce modèle puisse continuer à se diffuser, l’État doit prendre tout son rôle et soutenir les acteurs de l’ESS. Les crédits sont malheureusement insuffisants et manquent de lisibilité.

À Nantes, c’est le contexte foncier qui a mené à une impasse : malgré les subventions de Nantes métropole, la Ressourcerie de l’île a été placée en liquidation par le tribunal, en mars dernier. C’est là l’illustration de la crise généralisée que traverse le secteur du réemploi solidaire ces dernières années. Cette crise s’explique par la pression foncière, par la difficulté à trouver des locaux pour exercer des activités de l’ESS et par la concurrence déloyale de l’industrie des start-up, attirées par le succès du réemploi et de la seconde main, qui menacent les acteurs historiques du réemploi solidaire et, plus généralement, mettent en difficulté le modèle économique de l’ESS.

Le dispositif Territoires zéro chômeur de longue durée est un autre exemple du manque d’ambition de l’État sur les sujets clés de la transition écologique : il manque 20 millions pour assurer les embauches prévues dans les cinquante-huit territoires habilités. Dans ma circonscription, alors que les collectivités territoriales sont engagées dans le dispositif, la baisse de la participation de l’État confirme une tendance à se dédouaner pour laisser aux collectivités de plus en plus de charges et de dépenses. Pourtant, quels projets auraient plus de sens que les expérimentations menées pour rapprocher de l’emploi ceux qui en sont très éloignés ?

Comment renforcer l’accompagnement de l’ESS et aider les structures à faire face aux pressions externes ? Comment expliquer la disproportion entre les moyens alloués à l’économie traditionnelle et ceux consacrés à l’ESS ? Comment pallier l’éclatement des crédits pour donner plus de visibilité aux acteurs ? Comment le plan d’investissement France 2030 peut-il être une rampe de lancement pour l’ESS ?

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Nous proposons de réserver une part de l’enveloppe de France 2030 aux acteurs de l’ESS et de faciliter leur accession à certains programmes. Le plan n’est pensé que sous l’angle de l’innovation technologique ; il pourrait intégrer l’innovation sociale et écologique. Quant aux externalités positives, avoir des instruments pour les mesurer permettrait de mettre en valeur l’impact écologique et social de l’ESS.

M. Benjamin Saint-Huile (LIOT). Pour résumer, il y a toujours un décalage entre le discours et sa traduction budgétaire. La ministre déléguée Olivia Grégoire voulait faire de l’ESS le fer de lance d’une économie plus durable ; finalement, celle-ci reste le parent pauvre – ou plutôt maigre – de l’affaire, surtout si on la compare avec les pays voisins. L’Espagne investit massivement dans ces secteurs et nous sommes toujours incapables d’appuyer avec force sur des leviers de croissance plus vertueux.

Nous considérons qu’il faut flécher des crédits en ingénierie au plus près des territoires, notamment auprès des Cress, pour permettre aux acteurs de mener à bien des projets, de mutualiser les connaissances et de renforcer les compétences. La disparition de 15 000 emplois aidés fragilisera nécessairement le secteur, qui s’appuie en partie sur ces dispositifs.

Nous regrettons également l’absence de visibilité sur ces crédits. Sans aller jusqu’à la loi de programmation que nous souhaiterions, il y a tout de même des moyens d’assurer un fléchage plus net. Comme le rapporteur pour avis, nous souhaitons que France 2030 puisse flécher une partie des investissements d’avenir sur l’ESS. Il faut donner aux acteurs, fragilisés par l’inflation, la possibilité d’y faire face et de continuer à investir en s’appuyant sur une ingénierie renouvelée et des crédits à la hauteur de la place que l’ESS occupe de plus en plus dans les discours.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. La France s’est pensée comme le berceau de l’économie sociale et solidaire ; c’est plutôt du côté de l’Espagne que cela se passe. J’espère que le nouveau gouvernement qui y sera nommé continuera le plan d’investissement massif qui avait été décidé en faveur de l’ESS, avec une feuille de route interministérielle. De notre côté, nous n’avons toujours pas de haut-commissaire à l’économie sociale et solidaire, l’ESS a disparu de l’intitulé du portefeuille de la ministre et la feuille de route interministérielle arrivera après le budget – nous aurions apprécié qu’elle l’influence de manière ambitieuse.

J’ai déposé un amendement visant à rétablir les 15 000 emplois aidés qui seront supprimés.

De manière générale, mes amendements tendent à augmenter les crédits. Si tous étaient adoptés, le montant cumulé ne dépasserait pas 230 millions. Rapporté aux 2,9 milliards consacrés à la seule entreprise STMicroelectronics, il n’y aurait pas là de quoi mettre la France en faillite, ni crier au scandale quand il s’agit de procéder à un rééquilibrage partiel en faveur d’une économie souvent essentielle dans les territoires.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Grégoire de Fournas (RN). En réalité, il y a deux ESS. L’une existe depuis longtemps : il s’agit des banques du Crédit agricole, des coopératives agricoles, qui se sont créées en dehors de cette idéologie néomarxiste qui défend une ESS sans vilains profits, sans méchants actionnaires, et sans se gaver de subventions publiques. Dans le sens où vous l’entendez, l’ESS ne représente pas 14 % de l’économie.

Dans ma circonscription, cette idéologie a mené à cette aberration que le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine – la gauche, pour ne pas la nommer – a subventionné des architectes qui ont préféré fonder une coopérative pour toucher les subventions de l’ESS plutôt que de s’associer.

M. Jean-Pierre Vigier (LR). Vous préconisez d’élargir la logique du livret de développement durable et solidaire (LDDS) à d’autres produits d’épargne réglementée pour soutenir le développement de la finance solidaire. Ce livret très attractif est en effet le seul dispositif d’épargne orienté à la fois vers la transition écologique et vers l’économie sociale et solidaire. En étendre le mécanisme de partage au livret A, qui a vocation à financer des projets d’intérêt général comme le logement social et les projets de renouvellement urbain, ne serait-ce pas affaiblir d’autres investissements utiles pour les populations et les territoires ?

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Dans la définition de l’ESS, je ne confonds pas les différentes familles. D’ailleurs, en plus des deux que vous avez citées, monsieur de Fournas, la loi Hamon, que je vous invite à lire dans le détail, inclut les entreprises commerciales ou celles qui peuvent obtenir un agrément Esus. Très large, la famille ESS peut apporter une solution très concrète pour la réindustrialisation, par exemple. Si les structures touchent des financements, c’est de manière ponctuelle, à l’amorçage des projets. Parfois, les collectivités territoriales prennent des parts dans des coopératives, grâce auxquelles des activités économiques peuvent renaître dans les territoires. Il s’agit, non pas d’une économie marxiste, mais d’une économie coopératrice qui ouvre des perspectives nécessaires.

Quant à l’élargissement du fonctionnement du LDDS au livret A, s’agissant d’une logique de don, il n’y aura pas d’effet négatif sur d’autres investissements. Je le redis, ces acteurs réalisent des investissements utiles. L’ESS n’est pas une économie de niche ; elle offre des solutions aux besoins dont la réponse reste à fabriquer, notamment sous forme de services. Dans nos territoires, elle apporte du concret et du solide, avec des emplois à la clé.

 

Article 35 et état B : Crédits du budget général

 

Amendement II-CE71 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. L’amendement vise à augmenter les crédits affectés à l’ESS de 4 millions, une somme modeste, qui ne mettra pas en péril l’équilibre du budget de notre pays. Il s’agit de soutenir plus fortement les acteurs de l’ESS, les têtes de réseaux comme le secteur dans son ensemble.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je voterai l’amendement et les suivants.

Si, pour nos collègues du Rassemblement national, le soutien à l’économie sociale et solidaire relève d’une idéologie marxiste, comment qualifient-ils le soutien qu’ils demandent pour les artisans ? Nous-mêmes demandons qu’un soutien leur soit apporté, ainsi qu’aux agriculteurs – selon l’agriculture qu’ils pratiquent, toutefois – pour payer leurs factures d’électricité. Ont-ils prévu de taxer les revenus du capital comme ceux du travail, de rétablir l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) ou de lancer une cagnotte Leetchi ?

M. Grégoire de Fournas (RN). Si je comprends bien, il s’agit de prendre 4 millions d’euros à l’économie réelle pour les donner à l’ESS. Or, non seulement l’économie réelle subventionne l’ESS avec les taxes qu’elle paie sur les profits qu’elle réalise, mais elle est en concurrence avec elle. Un garage éco-solidaire, résilient ou je ne sais quoi, crée une concurrence déloyale pour un garage de l’économie réelle qui, de plus, paie des impôts pour financer les subventions octroyées au premier.

Nous sommes résolument contre cet amendement. L’ESS peut bénéficier de subventions ; elle n’a pas à prendre les crédits réservés à l’économie réelle.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Vous défendez là une approche purement libérale. D’abord, il s’agit de demander au Gouvernement de lever le gage. Ensuite, les acteurs de l’ESS se financent majoritairement par l’autofinancement, par la vente de produits ou d’activités. La part des financements publics a diminué de manière drastique. On est loin de l’image que vous essayez de véhiculer.

Vous donnez l’exemple de garages en concurrence, mais, bien souvent, les projets de l’ESS existent car il n’y a pas de réponse dans les territoires. La dernière boulangerie ou le café d’une commune rurale sont repris par un acteur coopératif ou associatif. Vous devriez plutôt soutenir ces modèles, qui n’intéressent pas le marché. Dans les territoires ruraux dont vous voulez être les représentants, heureusement que l’ESS est là !

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE76 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Il s’agit d’augmenter de 3 millions d’euros les crédits permettant de soutenir les associations, dont beaucoup se sont retrouvées en grande difficulté, notamment en cessation de paiements.

M. Gérard Leseul (SOC). Je soutiens cet amendement de bon sens. Nos territoires ont besoin d’une vie associative dynamique, qui souffre aujourd’hui de l’inflation et des factures énergétiques.

Visiblement, nos collègues du Rassemblement national ne comprennent pas ce qu’est l’économie sociale. L’ESS représente les associations, les coopératives, les mutuelles et d’autres entreprises sociales. En France, 40 % de la lunetterie est sous forme de coopératives de commerçants, et cela fonctionne. L’ESS paie des impôts ; il s’agit ici de renforcer les initiatives de ses acteurs.

M. Lionel Tivoli (RN). Ça n’en reste pas moins de la concurrence déloyale : des associations d’économie circulaire, de réparation de vélos ou d’ordinateurs, se créent parallèlement à des entreprises qui les subventionnent par leurs impôts, et peuvent, en plus, bénéficier de contrats aidés. Et on creuse l’écart : les petits commerçants et entreprises se meurent, et on continue à mettre des pièces dans le juke-box. Par cet amendement, vous voulez encore prélever des fonds sur l’économie réelle pour les donner à l’économie sociale et solidaire.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Ce que vous dites n’est pas vrai. Les aides apportées aux entreprises sont incomparablement plus importantes que celles accordées à l’ESS. D’ailleurs, pour rester dans votre raisonnement, les impôts versés par les acteurs associatifs viennent aussi financer l’économie réelle.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE135 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement, proposé par ESS France, vise à constituer un fonds de conversion des entreprises à l’ESS. Certaines entreprises en difficulté qui pourraient faire le choix de se transformer, en coopératives par exemple, ne parviennent parfois pas à concrétiser leur projet. Le fonds serait un facilitateur pour le maintien, la reprise ou la création d’activité. Il permettrait de lever les freins à la création d’entreprise.

Il faut arrêter d’opposer l’ESS et l’économie réelle : l’ESS est employeur, elle paie l’ensemble des contributions sociales, des impôts. Les plus gros contributeurs sont les banques coopératives. L’économie sociale et solidaire fait partie de l’économie réelle.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Je partage l’idée de créer un fonds de conversion. J’ai d’ailleurs déposé d’autres amendements pour aider à la création d’activités dans le champ de l’ESS : ce modèle peut être envisagé dès la phase de réflexion sur une nouvelle entité.

Les sommes que nous mobilisons sont modestes – visiblement, c’est encore trop pour certains. Pour accompagner les conversions, on peut imaginer aller plus loin qu’un fonds de 2 millions.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE137 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Cet amendement vise à créer une administration déconcentrée entièrement dédiée à la conduite des politiques de l’État en matière de développement de l’ESS. On trouve quelques correspondants de l’ESS au sein des conseils régionaux, parfois au sein des préfectures, mais la représentation administrative dans les territoires manque de cohérence. Il nous paraît important d’y assurer une juste représentation au moyen de la déconcentration, d’autant plus que les crédits dédiés à l’ESS ont baissé depuis quatre ans.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Au cours des auditions, mes interlocuteurs m’ont beaucoup parlé de l’inégalité des territoires. Des correspondants sont parfois présents au sein de la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) ou du secrétariat général pour les affaires régionales (Sgar). Ils s’occupent soit exclusivement de l’ESS, soit de multiples autres sujets. Il y a vraiment un défaut d’harmonisation. L’articulation entre l’État et les collectivités est en effet fondamentale pour que nous trouvions des réponses structurantes, par exemple concernant les PTCE. Je ne sais pas si le million que vous proposez correspond au nombre de postes manquants, mais je partage l’idée qu’il faut avancer sur le sujet. Avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE73 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. La mobilisation du secteur de l’ESS, par exemple pour mieux répondre aux marchés publics ou accompagner la transition écologique, passe par la capacité des têtes de réseau à faire de l’accompagnement. Cette ingénierie de la coopération existe dans les territoires mais aussi au niveau national ; elle est assurée par les Cress, ESS France, le mouvement associatif, l’Agence d’ingénierie et de services pour entreprendre autrement (Avise)… Il s’agit de renforcer le soutien à ces têtes de réseau, qui peinent à assurer l’ensemble de leurs missions.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques II-CE72 rectifié de M. Charles Fournier et II-CE134 de M. Gérard Leseul

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Il s’agit d’allouer 2,5 millions d’euros pour soutenir les Cress dans la conduite d’une de leurs missions clés, qui mérite d’être mieux organisée : l’accueil, l’information et l’orientation des porteurs de projets. L’ESS est mal identifiée dans les territoires, notamment dans le parcours des créateurs d’entreprises.

M. Gérard Leseul (SOC). Le montant proposé correspond aux attentes de l’ensemble des Cress pour pouvoir assumer leur mission d’accueil et d’orientation en matière de création d’entreprise. À l’heure actuelle, cette mission n’est pas assumée par les chambres consulaires. Une personne souhaitant créer une coopérative ne trouve pas d’information.

La commission rejette les amendements.

Amendement II-CE136 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). L’amendement a pour objet de financer la tenue et la qualification de la liste des entreprises de l’économie sociale afin d’identifier ces dernières dans chaque territoire et de favoriser les achats responsables. La tenue de cette liste est également indispensable pour mettre à la disposition des entreprises de l’économie sociale des crédits collectés dans le cadre du LDDS.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Avis favorable. Le débat sur l’évolution du périmètre de l’ESS n’enlève rien à la nécessité d’établir une telle liste.

M. Grégoire de Fournas (RN). En quoi le fait de s’adresser à une entreprise de l’ESS favorise-t-il l’achat responsable ?

M. Gérard Leseul (SOC). Il s’agit de permettre aux Crees d’identifier l’ensemble des entreprises de l’ESS et de tenir leur liste. Les acheteurs pourraient ainsi s’adresser à elles dans le cadre des politiques d’achats responsables.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendements identiques II-CE74 rectifié de M. Charles Fournier et II-CE139 de M. Gérard Leseul

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. L’amendement a pour objet de renforcer le soutien au dispositif local d’accompagnement, qui a été institué à la fin des emplois jeunes dans le but d’aider les entités de l’ESS à affiner leur stratégie économique, en matière d’emploi mais aussi, aujourd’hui, de transition écologique – un centre de ressources a été créé à cet effet. Ce DLA a fait ses preuves et a permis de sauver des emplois dans des secteurs peu lucratifs comme le sport.

M. Gérard Leseul (SOC). Les dispositifs locaux aident les associations à mieux piloter leur projet entrepreneurial, leur développement. Les associations qui emploient des personnes constituent en effet des entreprises. Le DLA les accompagne dans leurs projets, qu’elles soient associatives, coopératives ou mutualistes.

M. Grégoire de Fournas (RN). Vous semblez considérer que les entreprises de l’ESS sont plus responsables que les autres. Cela s’explique-t-il par le fait qu’elles ne font pas de profits, qu’elles n’ont pas d’actionnaires ou y a-t-il d’autres raisons ?

M. Gérard Leseul (SOC). Je vous renvoie à la définition de l’achat responsable, qui figure notamment dans la loi « climat et résilience ».

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Certaines structures de l’ESS ont un actionnariat. Ce qui fait la différence, c’est notamment le partage de la valeur, les modes de gouvernance, la faible lucrativité choisie, la redistribution des bénéfices pour l’investissement et le partage avec les salariés, tous éléments qui pourraient servir de modèle à l’ensemble de l’activité économique.

La commission rejette les amendements.

 

Amendement II-CE138 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Il s’agit de créer un programme d’accompagnement national centré sur l’écosystème de l’ESS et visant l’accès aux fonds France 2030.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Cet amendement correspond à l’une des propositions que je fais dans le rapport. Sur un total de 2 000 projets financés par France 2030, seule une vingtaine sont liés à des structures de l’ESS. Il faut réorienter les financements, car les acteurs de l’ESS peuvent contribuer à la France de demain, notamment dans le domaine de l’innovation sociale, très peu présente dans les ambitions de France 2030.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE140 de M. Gérard Leseul

M. Gérard Leseul (SOC). Avec cet amendement, l’ambition est de réintroduire l’innovation sociale parmi les modes d’innovation. La loi assimile toujours cette dernière à l’innovation technique ou technologique, alors que l’article 15 de la loi Hamon de juillet 2014 considérait comme « relevant de l’innovation sociale le projet d’une ou de plusieurs entreprises consistant à offrir des produits ou des services présentant l’une des caractéristiques suivantes : soit répondre à des besoins sociaux non ou mal satisfaits, que ce soit dans les conditions actuelles de marché ou dans le cadre des politiques publiques, soit répondre à des besoins sociaux par une forme innovante d’entreprise […] ». Nous proposons de créer une ligne budgétaire dédiée à l’innovation sociale abondée de 200 millions.

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Depuis la loi de finances de 2022, les crédits en faveur de l’innovation sociale ont tout simplement disparu. Il y a pourtant beaucoup à inventer en la matière, par exemple pour remédier à un problème comme le mal-être au travail. Malheureusement, cette forme d’innovation ne suscite que peu d’intérêt : l’innovation technologique prend le pas sur tout le reste. Ce ne serait pas un scandale que d’orienter 200 millions vers l’innovation sociale.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE75 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Il s’agit de rétablir les crédits destinés à financer les 15 000 emplois aidés dont le secteur souffrirait de la disparition.

La commission rejette l’amendement.

 

Amendement II-CE70 de M. Charles Fournier

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. L’amendement a pour objet de soutenir le déploiement des monnaies locales, auxquelles on peut ajouter les monnaies interentreprises, qui se sont développées dans de nombreux territoires. Ce n’est absolument pas un gadget : en certains endroits, ces monnaies ont accéléré l’économie locale du fait qu’elles ne se prêtent pas à la thésaurisation et incitent à privilégier les producteurs et acteurs locaux. À cet égard, le franc WIR en Suisse est un modèle qui mériterait d’être regardé avec intérêt.

M. Maxime Laisney (LFI-NUPES). Je soutiens cet amendement. Contrairement à l’euro, qui nourrit parfois la spéculation et les crises, les monnaies locales font tourner de manière tout à fait réelle l’économie de notre pays.

La commission rejette l’amendement.

 

M. le président Guillaume Kasbarian. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous confirmer votre avis sur les crédits de la mission Économie relatifs à l’économie sociale et solidaire ?

M. Charles Fournier, rapporteur pour avis. Mon avis reste défavorable.

 

Dans sa seconde séance du mercredi 18 octobre 2023, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission « Économie ».

 


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   LISTE DES PERSONNES auditionnÉes

Par ordre chronologique

 

Direction générale du Trésor – Pôle de l’économie sociale et solidaire et de l’investissement à impact (PESSII)

M. Jean-Baptiste Bernard, chef du PESSII

Mme. Elisabeth Millard, adjoint au chef de bureau du PESSII

ESS France

M. Jérôme Saddier, président d’ESS France *

M. Antoine, délégué général d’ESS France *

Mme Pauline Raufaste, responsable affaires publiques d’ESS France

Les Canaux

Mme Elisa Yavchitz, directrice générale des Canaux

Mme Pauline Anginot, cheffe de projet - Entreprises et Filières des Canaux

France active

M. Denis Dementhon, directeur général *

Mme Marie Castagne, Responsable du plaidoyer

Table ronde chercheurs

M. Timothée Duverger, directeur de la Chaire TerrESS de Sciences Po Bordeaux et président de l’Association des lecteurs d’Alternatives Économiques

Caisse des dépôts et consignations - Banque des Territoires

M. Christophe Genter, directeur du département cohésion sociale et territoriale, à la direction de l’investissement de la Banque des Territoires

Mme Linda Reboux, responsable du pôle Transition Écologique et Sociale des Territoires, à la direction de l’investissement de la Banque des Territoires

Mme Patricia Blanchandin, conseillère relations institutionnelles de la direction des relations institutionnelles, internationales et européennes (Caisse des dépôts et consignations)

Union des employeurs de l’économie sociale et solidaire (Udes)

M. Sébastien Darrigrand, directeur général *

M. Patrick Julien, responsable du Pôle Relations sociales

Finance Fair

M. Patrick Sapy, directeur général *

Mme Julia Robin, chargée de plaidoyer

Banque publique d’investissement (BPI France)

M. Stéphane Hayez, directeur adjoint des partenariats, de la création et de l’action territoriale

M. Jean-Baptiste Marin-Lamellet, responsable des relations institutionnelles

Impact France

Mme Caroline Neyron, directrice générale *

M. Antoine Gelot, responsable des affaires publiques *

Association MOUVESS et Mod’Emplois

M. Christophe Itier, ancien Haut-commissaire à l’ESS, président de l’association Mod’Emplois et de l’association MOUVESS.

Mouvement Associatif

Mme Frédérique Pfrunder, déléguée générale *

M. David Ratinaud, responsable du plaidoyer *

 

 

 

 

 

 

 

 

 

*  Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.


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   CONTRIBUTION ÉCRITE

 

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


([1]) Décret n°2022-1063 du 29 juillet 2022

([2]) Le modèle interministériel de l’ESS en Espagne est une approche transversale et participative qui implique différents ministères et acteurs publics et privés dans la conception et la mise en œuvre des politiques publiques en faveur de l’ESS. Ce modèle repose sur la reconnaissance de l’ESS comme un acteur clé pour la transformation sociale, la cohésion territoriale, l’inclusion et le développement durable. Il s’appuie également sur la collaboration entre les différents niveaux de gouvernement (national, régional et local) et les organisations représentatives de l’ESS

([3]) Loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014

([4]) ESS France, « retour sur l’évènement de rentrée 2023 d’ESS France : les premières annonces d’Olivia Grégoire et les priorités de plaidoyer d’ESS France », 20 septembre 2023

([5]) RTES, L’Espagne annonce un plan d’investissement de 800 M€ pour l’ESS, 2022.

([6]) ESS France, « retour sur l’évènement de rentrée 2023 d’ESS France : les premières annonces d’Olivia Grégoire et les priorités de plaidoyer d’ESS France », 20 septembre 2023

([7]) Se reporter à l’introduction

([8]) La colonne relative à l’exercice 2020 retrace les crédits inscrits sur l’action 14-Économie sociale et solidaire du programme 159 de la mission « Écologie, développement et mobilité durables ».

([9]) Y compris fonds de concours et attributions de produits.

([10]) Y compris fonds de concours et attribution de produits.

([11]) https://www.economie.gouv.fr/leconomie-sociale-et-solidaire

([12]) Réseau rural, L’ESS contribue au développement d’une économie rurale résiliente, 2022

([13]) https://www.senat.fr/questions/base/2023/qSEQ231008634.html

([14]) Contribution écrite de l’ANCT

([15]) ESS France, « retour sur l’évènement de rentrée 2023 d’ESS France : les premières annonces d’Olivia Grégoire et les priorités de plaidoyer d’ESS France », 20 septembre 2023

([16]) https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/16/rapports/cion-eco/l16b0285-tv_rapport-avis#

([17]) Les contrats à impact social : "un instrument confidentiel sur un marché de niche" | ESS, Emploi, Formation, Insertion et bien d’autres choses. | Michel Abhervé | Les blogs d’Alternatives Économiques (alternatives-economiques.fr)

([18]) Contribution écrite du Mouvement Associatif

([19]) Contribution écrite du Mouvement Associatif

([20]) Voir proposition n° 17

([21]) Csess, Avis du Csess sur le bilan de la loi ESS de 2014, 2023

([22]) Ibid

([23]) Csess, Avis du Csess sur le bilan de la loi ESS de 2014, 2023

([24]) Ibid

([25]) Ibid

([26]) Voir le a du 1 du B du II du présent rapport

([27]) Avis Csess sur le bilan de la loi 2014, 2022

([28])Contribution écrite du Mouvess

([29]) Avis Csess sur le bilan de la loi 2014, 2022 (p 29)

([30]) L’objectif de l’outil Carteco est de recenser les structures de l’ESS œuvrant pour la transition écologique au sein des territoires. Cette carte interactive est mise à jour régulièrement à partir des contributions adressées par tout type d’acteur du territoire (structures de l’ESS, collectivités territoriales, citoyens, etc.) et concernant une actualisation de la localité de l’entité ou de sa fiche d’identité de structure (listes des activités, produits disponibles, etc.).

([31]) Avis Csess sur le bilan de la loi 2014, 2022

([32]) Ibid

([33]) Ibid

([34]) Selon la contribution écrite Banque des Territoires –Caisse des dépôts

([35]) Article 18 du TFUE

([36]) Article 53 de la commande publique

([37]) Article 1 de la loi n°2014-856 du 31 juillet 2014

([38]) Article 1 de la loi n° 2014-856 du 31 juillet 2014

([39]) Voir proposition n°6 du présent avis

([40]) Csess, Avis du Csess sur le bilan de la loi ESS de 2014, 2023

([41]) Contribution écrite du Mouvement Associatif

([42]) https://associations-lpdl.org/index.php/actus-vie-associative-centre-de-ressources-a-la-vie-associative-fal-44-la-ligue-44/on-gere-notre-asso/actualite-gestion-association/1000-crva-etude-finances-sources-financement-associations-financements-publics

([43]) Contribution écrite ESS France

([44]) Pôle de l’économie sociale et solidaire et de l’investissement à impact

([45]) Voir proposition n° 11

([46]) LOI n° 2014-856 du 31 juillet 2014 relative à l’économie sociale et solidaire

([47]) Contribution écrite de l’Udes

([48]) Contribution écrite de la Banque de territoires.

([49]) Avis Csess sur le bilan de la loi 2014, 2022 (avis impact France sur l’agrément Esus).

([50]) Avis Csess sur le bilan de la loi 2014, 2022 (Annexe 10 – Évaluation de la loi ESS 2014 par le MIF)

([51]) Contribution écrite du Mouvement Impact France

([52]) Contribution écrite de l’Udes

([53]) Ibid

([54]) La Croix, Finance solidaire le baromètre, juin 2023

([55]) Contribution écrite de Finance Fair

([56]) Cour des Comptes, Observations définitives sur l’épargne réglementée (2016-2021), 2022

([57]) Fair, Zoom 2022 sur la finance solidaire et à impact social, 2022

([58]) Contribution écrite de Fair

([59]) Contribution écrite de Fair

([60]) Voir proposition n° 18

([61]) Contribution écrite Les Canaux

([62]) Contribution écrite Fair

([63]) Contribution écrite de Fair

([64]) Fair, Zoom 2023 sur la finance solidaire, 2023

([65]) Contribution écrite de Fair

([66]) Voir propositions n° 6 et n° 18

([67]) Contribution écrite Banque des Territoires

([68]) Contribution écrite de Fair

([69]) Contribution écrite de Fair