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N° 1723

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 12 octobre 2023.

AVIS

PRÉSENTÉ

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉCONOMIQUES
SUR LE PROJET DE loi de finances pour 2024 (n° 1680)

TOME VIII

ÉCONOMIE

ENTREPRISES

PAR M. Philippe Bolo

Député

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 Voir les numéros : 1680 (Tome IX, Annexe 20).

 


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SOMMAIRE

Pages

introDuction

premiÈRE PARTIE : Un budget de continuitÉ renouvelant le soutien de l’ÉTAT aux ENTREPRISES et CONTRIBUANT AU POUVOIR D’ACHAT DES PARTICULIERS ()

I. UN RENFORCEMENT DÉTERMINANT DES CRÉDITS ALLOUÉS À la compÉtitivitÉ daNs le cadre de L’action 23

A. Une croissance À nouveau soutenue des crÉdits d’intervention destinÉs À la compensation carbone

B. de nouveaux champs d’intervention et une stabilitÉ de l’accompagnement des entreprises

II. des financements renouvelÉs POUR D’autres dispositifs contribuant À soutenir l’Économie

A. Une Évolution limitÉe des dÉpenses relevant de l’action 04

1. Une revalorisation contenue des soutiens apportés à La Poste en contrepartie de prestations relevant de missions d’intérêt général

2. Un apport de crédits au soutien de deux sujets prioritaires : le renforcement de l’Agence nationale des fréquences et la création du « filtre national antiarnaque »

B. Une relative stabilitÉ dES CRÉDITS ALLOUÉS AUX dispositifs de soutien À l’export de l’action 07

C. Une nouvelle rÉduction du volume global des dÉpenses fiscales en consÉquence de l’extinction de certains dispositifs

III. une revalorisation modeste des dotations budgÉtaires des ORGANISMES de rÉgulation

A. L’AutoritÉ de rÉgulation des communications Électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP)

B. L’AutoritÉ de la concurrence

C. La Direction gÉnÉrale de la concurrence, de la consommation et de la rÉpression des fraudes (DGCCRF)

seconde partie : les moyens et l’action de la dgccrf contre les fraudes dans le champ du commerce Électronique

I. une lutte contre les fraudes pouvant s’appuyer sur un cadre juridique exigeant mais qui prÉsente des limites face À des agissements aux cibles et modalitÉs Évolutives

A. une direction non dépourvue d’outils juridiques

1. Un encadrement du commerce électronique de plus en plus étoffé

2. Des pouvoirs de régulation croissants dans le champ du commerce électronique

B. quelle est la capacitÉ d’intervention rÉelle face À un phénomène en constant renouvellement ?

1. Des manquements de nature variée

2. Des pratiques de plus en plus sophistiquées

3. Des auteurs aux implantations et profils très divers

II. une action dont l’efficacitÉ nÉcÉssite des capacitÉs opÉrationnelles et des relais en France et À l’ÉTRANGER

A. des ressources nÉcessaires pour donner à la dgccrf les moyens de la lutte contre les pratiques frauduleuses

1. Dimensionner les ressources humaines et matérielles au regard des difficultés de la lutte contre les fraudes dans le commerce électronique

2. Soutenir le développement des actions de communication et d’information avec le public

B. un approfondissement utile des coopÉrations pour une participation efficace à un cadre de régulation globale

1. Une poursuite indispensable des coopérations avec les administrations et institutions publiques aux échelles nationale et européenne

2. Une expérience des associations de consommateurs à mieux valoriser ?

EXAMEN EN COMMISSION

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

 

 


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introDuction

Le programme 134 « Développement des entreprises et Régulations » constitue le cadre budgétaire de gestion des ressources humaines, des moyens matériels et financiers consacrés aux politiques publiques ayant deux objets : d’une part, le développement de la compétitivité des entreprises et l’établissement d’un environnement économique propice à la croissance et à l’emploi ; d’autre part, la régulation et la sécurisation des marchés économiques, ainsi que la protection des consommateurs.

La maquette du programme 134 ne porte pas l’ensemble des dispositifs ayant pour objet le soutien aux entreprises françaises. Ceci ne parait pas illogique dans la mesure où l’engagement de l’État auprès des filières productives repose sur la mise en œuvre de nombreuses politiques sectorielles. En pratique, les dispositifs et les mesures participant à cet objectif se répartissent entre de nombreuses missions et de nombreux programmes de la seconde partie projet de loi de finances initiale pour 2024, ainsi que dans sa première partie consacrée aux recettes et aux mesures fiscales. On citera en particulier la mission « Investir pour la France de 2030 » qui dégage des ressources en faveur notamment du financement des investissements stratégiques (programme 424) ou de l’accélération de la modernisation des entreprises (programme 423). Pour sa part, le programme porte trois types d’actions : en premier lieu, des actions dévolues au financement du soutien au développement des entreprises à l’échelle nationale et internationale (actions 07, 08 et 23) ; en second lieu, des actions destinées à porter les moyens des autorités administratives et des services ministériels chargés de missions de régulation (action 13, 15, 24) ; en dernier lieu, une action spécifique pour le développement des postes, des télécommunications et du numérique (action 04).

Même si elle s’inscrit dans une certaine continuité, la programmation pour 2024 n’en comporte pas moins les mesures nécessaires à la préservation de la compétitivité des entreprises, à leur croissance à l’échelle internationale, ainsi qu’à la préservation d’un ordre public économique susceptible de contribuer à la protection des consommateurs. Dans une conjoncture encore incertaine, marquée par la persistance de l’épisode inflationniste, elle peut être jugée pertinente à au moins trois titres : en premier lieu, elle renforce de manière très substantielle le financement de la compensation carbone dont bénéficient les industries électro-intensives ; en second lieu, elle assure le fonctionnement du service postal universel et l’exercice des missions d’aménagement du territoire confiées à La Poste ; en troisième lieu, elle maintient les ressources attribuées aux autorités administratives indépendantes et aux services ministériels chargés de la régulation et de la sécurisation des marchés économiques, ainsi que la protection des consommateurs. Par ailleurs, le programme 134 porte des financements utiles à la préparation et à la tenue des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024, ainsi qu’à un approfondissement de la régulation de l’économie numérique.

Aussi le rapporteur émet un avis favorable à l’adoption des crédits et emplois inscrits au programme 134 de la mission « Économie », même s’il appelle à veiller à l’évolution des ressources aux autorités et services chargés de la régulation. C’est dans cette optique  qu’il a choisi de consacrer la seconde partie de son avis à l’examen des moyens et de l’action de la DGCCRF contre les fraudes dans le champ du commerce électronique.

 


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   premiÈRE PARTIE :
Un budget de continuitÉ renouvelant le soutien de l’ÉTAT aux ENTREPRISES et CONTRIBUANT AU POUVOIR D’ACHAT DES PARTICULIERS (
[1])

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 (PLF), le Gouvernement propose au Parlement d’allouer au programme 134 près de 2 946,95 M€ (M€) en autorisations d’engagement (autorisations d’engagement) et 2 656,73 M€ en crédits de paiement (crédits de paiement).

En comparaison à la loi de finances initiale pour 2023 (LFI 2023), le cadre budgétaire pour 2024 semble afficher une baisse assez spectaculaire (division par 2) du niveau des ressources budgétaires, puisque le montant des crédits ouverts s’élevait respectivement à près de 6 304,48 M€ en autorisations d’engagement et 6 310,07 M€ en crédits de paiement. Toutefois, cette évolution ne présente qu’un caractère optique, car le niveau des crédits ouverts reflète avant tout l’importance des reports de crédits entre les exercices 2022 et 2023. En outre, la programmation pour 2024 prend acte de l’extinction d’un certain nombre de dispositifs ou mesures à vocation conjoncturelle. Il convient de rappeler qu’à « périmètre constant », le montant des crédits demandés pour 2023 s’élevait respectivement à 2 273,43 M€ en autorisations d’engagement et 2 279,01 M€ en crédits de paiement. Le projet de loi de finances pour 2024 poursuit donc le renforcement des ressources affectées au programme 134, tant sur le plan des autorisations d’engagement (+ 29,63 %) que des crédits de paiement (+ 16,57 %).

● Comme observé pour la précédente programmation budgétaire, la dynamique des crédits demandés procède avant tout de la hausse très nette des crédits pour dépenses d’intervention (titre VI) : la programmation 2024 porte les crédits à 1 976,39 M€ en autorisations d’engagement et 1 944,20 M€ en CP (contre 1 591,49 M€ et 1 593,53 M€, respectivement en 2023), du fait de l’évolution des ressources affectées à l’action 23. S’élevant à un peu plus de 294,82 M€, les crédits de paiement pour dépenses de fonctionnement (titre III) bénéficient d’une augmentation de 4,10 %, en conséquence principalement du financement de l’action 07 « Développement international des entreprises et attractivité du territoire » et à l’action 23. Les crédits pour dépenses d’investissement (titre V) conservent un caractère secondaire à l’échelle du programme 134 et accusent une légère baisse (passant de 4,53 M€ à 3,95 M€ en autorisations d’engagement et de 4,56 M€ à 3,95 M€ en crédits de paiement).

Compte tenu de son poids budgétaire (80 % des montants du programme 134 en AE et CP pour la LFI 2023 et, respectivement 48% et 52% des montants en AE et CP du programme pour 2024), le profil de financement de l’action 23 « Industrie et services » constitue de loin le facteur essentiel de la dynamique globale des ressources affectées au programme 134.

● Sur le plan des dépenses de personnel (titre II), la programmation pour 2024 se caractérise par une progression des crédits demandés plus soutenue que celle déjà observée en 2023 (+ 4,03 %) : les autorisations d’engagement et crédits de paiement demandés sur le titre II s’élèvent à environ 413,73 M€ (contre 397,69 M€ en LFI 2023), à raison des mesures entérinées au bénéfice de l’action 24 « Régulation concurrentielle des marchés, protection économique et sécurité du consommateur » et, à un moindre degré, de l’action 23.

La programmation budgétaire intègre en effet une hausse du schéma d’emplois de 11 équivalents temps plein (ETP). Elle propose de porter le plafond d’emplois à 4 596 équivalents temps plein travaillés (ETPT), soit un relèvement de 82 ETPT par rapport à l’effectif maximal autorisé par le Parlement dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2023. À un moindre degré, la progression des crédits demandés sur le titre II marque l’incidence de mesures salariales générales décidées par le Gouvernement ou de mesures catégorielles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ÉVOLUTION DES crÉdits dU PROGRAMME 134 « dÉveloppements des entreprises et rÉgulations » (2020-2024)

(En M€)

ACTIONS

 

LFI

2020

LFI

2021

LFI

2022

 

LFI

2023

 

PLF

2024

ΔPLF

2024/LFI 2023

04- Développement des postes, des télécommunications et du numérique

AE

167,95

243,50

715,16

769,62

765,62

- 0,52 %

CP

167,95

243,50

715,16

769,62

763,29

- 0,82 %

07- Développement international des entreprises et attractivité du territoire

AE

143,80

140,22

135,66

184,88

429,22

+ 132,16 %

CP

143,80

140,22

135,66

184,88

185,12

+ 0,13 %

08- Expertise, conseil et inspection

AE

18,03

17,77

16,65

16,28

15,92

- 2,21 %

CP

18,03

17,77

16,65

16,28

15,92

- 2,21 %

13- Régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP)

AE

21,06

21,52

21,86

22,20

22,75

+ 2,48 %

CP

22,90

23,36

23,90

24,24

24,79

+ 2,27 %

15- Mise en œuvre du droit de la concurrence (Autorité de la concurrence)

AE

21,76

22,55

22,86

22,99

41,47

+ 80,38 %

CP

23,06

23,85

24,16

24,39

25,18

+ 3,24 %

23- Industrie et services

AE

435,26

553,48

637,45

5 041,69

1 414,75

- 71,94 %

CP

444,93

558,60

639,72

5 043,73

1 384,77

- 72,54 %

24- Régulation concurrentielle des marchés, protection économique et sécurité du consommateur

AE

226,02

235,38

240,76

246,84

257,32

+ 4,25 %

CP

226,72

235,45

239,43

246,88

257,66

+ 4,37 %

25- Mesures exceptionnelles dans le cadre de la crise sanitaire

AE

SO

SO

0

SO

SO

SO

CP

SO

SO

0

SO

SO

SO

TOTAL

AE

1 033,90

1 234,41

1 790,40

6 304,48

2 946,95

- 53,26 %

CP

1 047,43

1 242,74

1 795,13

6 310,01

2 656,73

- 57,90 %

Source : projets annuels de performances pour 2020, 2021 et 2024.

I.   UN RENFORCEMENT DÉTERMINANT DES CRÉDITS ALLOUÉS À la compÉtitivitÉ daNs le cadre de L’action 23

Nonobstant l’effet optique créé par l’extinction du dispositif d’aide aux entreprises énergo-intensives (financé en 2023 à hauteur de 4 milliards d’euros en réponse aux conséquences de la crise ukrainienne), le volume des crédits affectés au programme 134 progresse à nouveau de manière relativement importante du fait d’un abondement substantiel de l’action 23 « Industrie et services ». En effet, il est proposé d’allouer à cette action près de 1 414,75 M€ en autorisations d’engagement et 1 384,77 M€ en crédits de paiement (contre 1 041,69 M€ en autorisations d’engagement et 1 043,73 M€ en crédits de paiement dans la précédente loi de finances initiale, avant report des crédits non consommés). Par comparaison avec les crédits demandés en 2023, il s’agit de montants en hausse, respectivement, de 35,82 % en autorisations d’engagement et 32,68 % en crédits de paiement. Ainsi que le montre le tableau ci-dessus, le montant des crédits affectés aura été multiplié par près de trois depuis la loi de finances initiale pour 2019.

Dans ce mouvement, les crédits d’intervention supplémentaires affectés à la compensation de la charge du prix du CO2 représentent, une nouvelle fois, une part prépondérante des ressources nouvelles demandées pour 2024. Pour le reste, la programmation se caractérise par des ajustements relativement secondaires du périmètre et des dépenses de l’action 23.

A.   Une croissance À nouveau soutenue des crÉdits d’intervention destinÉs À la compensation carbone

La programmation budgétaire pour 2024 prévoit de porter le financement de la compensation carbone des sites très électro-intensifs à 1 074 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement (contre 856 M€ en LFI 2023). Par rapport à la précédente loi de finances initiale, ce montant apparait en hausse de 25,47 %, ce qui constitue une légère décélération.

D’après les documents budgétaires, l’augmentation du montant des crédits demandés pour 2024 peut s’expliquer par la nécessité de faire face à la hausse du prix du quota carbone (+ 55 % entre 2023 et 2024). En outre, elle intègre l’évolution des facteurs entrant dans le mode de calcul en vigueur depuis 2020 dans l’Union européenne et dont les éléments font désormais l’objet d’un accord entre la France et la Commission européenne ([2]).

Le montant des crédits alloués à la compensation carbone devrait poursuivre une trajectoire ascendante, à raison du relèvement progressif du cours du quota d’émission de gaz à effet de serre dans le contexte créé par la mise en œuvre du paquet « Fit for 55 ».

Le mécanisme de compensation carbone
destiné aux entreprises électro-intensives

Régi par l’article L. 122-8 du code de l’énergie, le dispositif de compensation carbone s’adresse aux entreprises « exposées à un risque significatif de fuite de carbone en raison de la répercussion des coûts du système européen d’échange de quotas d’émissions de gaz à effet de serre sur les prix de l’électricité ».

Il donne lieu au versement d’une subvention aux entreprises à titre de remboursement d’une partie des coûts indirects inhérents au paiement de la « taxe » carbone qui se répercute sur les prix de l’électricité. La trajectoire définie procède des critères définies par les « lignes directrices concernant certaines aides d’État dans le contexte du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre après 2021 » :

– un taux d’aide (fixé à 75 % en 2022) ;

– un facteur d’émission de CO2 par kilowatt/heure d’électricité (soit 0,59 tCO2/MWh pour la compensation versée en 2022, 2023 et 2024, contre 0,76 tCO2/MWh précédemment) ;

– un périmètre des secteurs éligibles à la compensation carbone et la stabilité de la consommation d’électricité des nouveaux entrants ;

– un plafonnement du coût des émissions indirectes supportées par les entreprises des secteurs éligibles à la compensation carbone (à 1,5 % de leur valeur ajoutée à partir de la compensation versée en 2022).

Source : commission des affaires économiques.

B.   de nouveaux champs d’intervention et une stabilitÉ de l’accompagnement des entreprises

● Sur le plan des crédits pour dépenses d’intervention, la nouveauté majeure de la programmation budgétaire pour 2024 tient au financement de deux mesures sectorielles, l’une destinée à favoriser le développement de l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP), l’autre à soutenir les métiers d’art.

Pour le renforcement de l’accessibilité, le projet annuel de performances prévoit une enveloppe de 50 M€ en autorisations d’engagement et de 20 M€ en crédits de paiement afin de contribuer au cofinancement des travaux de mise en accessibilité des ERP privés de cinquième catégorie assuré par le fonds territorial d’accessibilité (FTA) ([3]). D’après les documents budgétaires, il s’agirait en particulier d’accompagner les petits commerces et les établissements du quotidien (restaurants, cafés, bars), notamment dans la perspective des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024.

Le soutien aux métiers d’art donne lieu à un abondement des crédits consacrés au développement des PME (soit 2,40 M€ en autorisations d’engagement et 2,41 M€ en crédits de paiement), ayant pour objets :

– le versement d’une subvention à l’Institut national des métiers d’art (Inma) : d’un montant de 0,45 M€ en autorisations d’engagement et 0,465 M€ en crédits de paiement, cette subvention vise à assurer le financement des missions d’intérêt général de l’Institut et l’organisation des Journées européennes des métiers d’art ;

– le financement de la mise en œuvre des volets « Territoires » et « International » de la stratégie nationale en faveur des métiers d’art (pour une dépense estimée à 1,95 M€).

En dehors de ces deux mesures, les demandes de crédits pour les autres postes de dépenses relevant du titre VI demeurent stables. Il en va ainsi en ce qui concerne :

– les actions de soutien à la gouvernance des pôles de compétitivité : le montant des crédits prévus demeure stable à 9 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Aucun arbitrage n’aurait été rendu quant à la place de l’État dans un dispositif au sein duquel les régions jouent désormais un rôle prépondérant et qui doit être renouvelé en 2025. La phase V, lancée le 1er janvier 2023, s’inscrit dans la continuité des précédentes en fixant pour objectif aux pôles de compétitivité le renforcement de la performance du système d’innovation français ; au total, 55 pôles de compétitivité ont été labellisés pour cette phase (pour une durée de deux ou de quatre ans, avec possibilité de renouvellement sous certaines conditions) ;

 les centres techniques industriels et organismes assimilés (7,2 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement) ;

– l’Association française de normalisation (6,43 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement).

Seuls les crédits en faveur du tourisme apparaissent en diminution (avec 6,2 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement, contre 8,05 M€ en loi de finances initiale pour 2023), sans que les documents budgétaires ne permettent d’en établir la justification. Rappelons qu’ils participent de la mise en œuvre du plan « Destination France » ou « Plan de reconquête et de transformation du tourisme » lancé fin 2021. D’après le projet annuel de performances, les crédits demandés financeraient des actions consacrées à la valorisation et au renforcement d’une offre d’ingénierie touristique pour les territoires (5 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement), des actions tendant à structurer et à valoriser les données touristiques consolidées par France Tourisme Observation pour une meilleure connaissance du secteur (0,7 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement) ainsi que la mise en place d’un tableau de bord des indicateurs du tourisme durable (0,1 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement).

● Sur le plan des dépenses de personnel (titre II), la programmation budgétaire 2024 prévoit une progression de 3,97 % des crédits demandés (soit un peu plus de 119,32 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement, contre un peu plus de 114,76 M€ en loi de finances initiale pour 2023). Cette augmentation se révèle du même ordre de grandeur que celle prévue dans le cadre de la précédente loi de finances initiale.

Son principal déterminant réside dans le renforcement du socle des effectifs de la direction générale des entreprises (DGE). La programmation budgétaire pour 2024 prévoit ainsi de porter le plafond d’emplois à 1 229 ETPT (contre 1 174 ETPT en loi de finances initiale pour 2023). Le relèvement de l’effectif maximal autorisé par le Parlement fait suite aux créations permanentes de postes réalisées en 2023 dans le cadre de la gestion budgétaire. D’après les réponses au questionnaire du rapporteur, la DGE bénéficie de 33 emplois supplémentaires affectés notamment à deux grands enjeux contemporains : la transition écologique (+ 10 ETP) et la sûreté des communications (+ 6 ETP). Le niveau du plafond d’emplois demandé pour 2024 résulte :

– de l’affectation de 3 ETP supplémentaires destinés à renforcer la mission France Tech, avec pour objectif un accompagnement des start-ups au titre de « France 2030 » ; 

– du transfert de 21 ETPT (correspondant à des régularisations d’emplois obtenus en gestion et provenant du programme 218 « Conduite et pilotage des politiques économiques et financières » et du programme 134 pour Atout France) ([4]).

La progression des crédits demandés sur le titre II s’explique également par une correction du socle (- 3,6 M€, dont 0,4 M€ au titre des transferts), des mesures salariales générales et catégorielles (dont la revalorisation du point d’indice de la fonction publique) à hauteur de 2,7 M€ et des dépenses atypiques (de l’ordre de 2,7 M€, telles que des régularisations liées à l’évolution des effectifs).

II.   des financements renouvelÉs POUR D’autres dispositifs contribuant À soutenir l’Économie

A.   Une Évolution limitÉe des dÉpenses relevant de l’action 04

D’un point de vue global, la programmation budgétaire prévoit d’allouer à l’action 04 du programme 134 un peu plus de 765,51 M€ en AE et 763,29 M€ en CP. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, le montant des crédits demandés correspond à une baisse de 0,53 % des autorisations d’engagement et de 0,82 % des crédits de paiement. Néanmoins, au regard des exercices 2022 et 2023 qui avaient été caractérisés par une croissance soutenue des ressources, le niveau des crédits demandés marque une stabilisation des ressources affectées à l’action 04. Comme dans le cadre du précédent projet de loi de finances initiale, cet équilibre découle avant tout des modalités de financement des activités de la Poste, même si la programmation budgétaire comporte quelques mesures nouvelles.

1.   Une revalorisation contenue des soutiens apportés à La Poste en contrepartie de prestations relevant de missions d’intérêt général

La programmation budgétaire pour 2024 intègre une différenciation des crédits pour dépenses d’intervention destinés au maintien de missions confiées au groupe La Poste. En l’occurrence, le projet annuel de performances distingue :

– une légère baisse des ressources allouées au service postal universel, fixé à 500 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement (contre 520 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement en LFI 2023) : mise en œuvre dans le projet de loi de finances pour 2022, cette dotation vise à accompagner la mutation de cette mission et à garantir sa pérennité et son caractère abordable, au regard du caractère structurellement déficitaire du marché du courrier. Le montant des crédits demandés pour 2024 répond aux dispositions de l’avenant au contrat d’entreprise signé entre l’État et La Poste le 16 janvier 2022 ([5]) : d’après les éléments recueillis par votre rapporteur, la baisse prévue en 2024 tiendrait compte des excédents dégagés dans la mise en œuvre du dispositif en N-1 et aurait pour objectif de faire contribuer le groupe à l’effort de maitrise des finances publiques ;

– un renforcement notable du financement de la mission d’aménagement du territoire de La Poste, porté à 105 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement contre 74 M€ en loi de finances initiale pour 2023. Instituée en 2020, la subvention vise à remédier à l’insuffisance des ressources fiscales allouées au fonds postal national de péréquation territoriale (FPNPT) ;

– l’augmentation de l’aide au transport de la presse (42,80 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, contre 40 M€ en LFI 2023. L’évolution de la dotation participe de la mise en œuvre du protocole d’accord signé le 14 février 2022 entre l’État et La Poste, lequel vise à réaliser une réforme globale de la distribution de la presse ; engagée au 1er janvier 2023 ([6]), cette réforme court jusqu’en 2026 et devrait conduire à une réduction progressive du soutien financier apporté par l’État au groupe au titre du régime prévu par la loi qui organise l’acheminement et la distribution de la presse.

Ces mesures budgétaires interviendront dans un contexte marqué par la mise en application du contrat d’entreprise conclu entre l’État et La Poste pour la période 2023-2027, ainsi que par la poursuite de l’exécution du contrat de présence territoriale 2023-2025.

2.   Un apport de crédits au soutien de deux sujets prioritaires : le renforcement de l’Agence nationale des fréquences et la création du « filtre national antiarnaque »

Par rapport à l’exercice 2023, la programmation budgétaire pour 2024 comporte en réalité deux mesures d’importance.

● La première mesure significative touche au relèvement des crédits alloués à l’Agence nationale des fréquences (ANFR). La hausse substantielle des crédits demandés pour l’Agence prend deux formes :

– d’une part, une augmentation importante de la subvention pour charges de service public (51,5 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement contre 41,5 M€ en loi de finances initiale pour 2023), avec deux objectifs : abonder le fonds de surveillance et de mesure des ondes (SMO) à hauteur de 3 M€ et financer la poursuite des actions de l’ANFR pour la préparation et la tenue des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (à hauteur de 8,14 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement) : les crédits demandés visent à permettre à l’agence de s’assurer du concours d’experts étrangers et de recruter un effectif important de personnels temporaires afin d’assurer un contrôle simultané de la qualité des radiofréquences sur un grand nombre de sites différents pour le suivi des épreuves de la compétition. Par ailleurs, la revalorisation de la subvention vise à assurer le financement d’une nouvelle mission incombant à l’ANFR à compter de 2024, à savoir le contrôle de l’existence d’un système de contrôle parental dans les équipements terminaux d’accès à internet non professionnel ([7]) ;

– d’autre part, la reconduction d’une subvention d’investissement de 3,2 M€, afin d’assurer une gestion optimale du spectre des radiofréquences dans le contexte des Jeux olympiques et paralympiques : en pratique, il s’agit de donner à l’Agence la capacité d’assurer un contrôle simultané sur un grand nombre de sites différents.

● La seconde mesure d’importance consiste à engager les financements nécessaires à la conception et au déploiement en 2024 du futur filtre national de cybersécurité dit « filtre anti-arnaque », avec 4,5 M€ en autorisations d’engagement et 2,3 M€ en crédits de paiement. Le dispositif vise à protéger la population en limitant la capacité des cybercriminels à exploiter facilement les vecteurs habituels de diffusion des cyberattaques et en perturbant leur modèle d’affaires. Son périmètre et les modalités de son fonctionnement font actuellement l’objet des débats dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de loi, visant à sécuriser et réguler l’espace numérique ([8]).

Plus généralement, la programmation budgétaire porte des ajustements secondaires dans les crédits demandés pour le financement de la mission French Tech et de l’initiative France Num, ainsi que du programme « French Tech Tremplin ».

Par ailleurs, cette programmation comporte une consolidation des ressources allouées au Commissariat aux communications électroniques de défense, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement étant portés à 30,02 M€ (contre 27,78 M€ en loi de finances initiale pour 2023). L’augmentation correspond à un transfert en base de 2,24 M€ inscrits auparavant sur le programme 144 « Environnement et prospective de la politique de défense » de la mission Défense. Ces crédits faisaient l’objet, jusque-là, de transferts en gestion.

B.   Une relative stabilitÉ dES CRÉDITS ALLOUÉS AUX dispositifs de soutien À l’export de l’action 07

Le projet annuel de performances pour 2024 prévoit de doter l’action 07 de près de 429,22 M€ en autorisations d’engagement et de 185,12 M€ en crédits de paiement (contre 184,88 M€ en loi de finances initiale pour 2023). Par rapport à la programmation précédente, le montant des crédits de paiement demandés n’augmente donc que de 0,13 %.

● La hausse spectaculaire des autorisations d’engagement (+ 132,16 %) s’explique essentiellement par l’engagement de la totalité des dotations annuelles contractualisées avec Bpifrance (sur des crédits de fonctionnement), au titre de la rémunération des prestations réalisées pour le compte de l’État ([9]). Portant sur 323,9 M€, l’engagement s’inscrit dans le cadre de la convention pluriannuelle 2023-2028 conclue entre la puissance publique et Bpifrance assurance export. Son exécution donnera lieu au versement de 79,9 M€ (en crédits de paiement) à l’opérateur.

Cela étant, il convient de remarquer que le renforcement des moyens de Bpifrance équivaut au montant des baisses des ressources allouées aux chambres de commerce et d’industrie (CCI). Depuis plusieurs exercices budgétaires, celles-ci enregistrent la baisse progressive des taxes qui leur sont affectées. Devant s’achever en 2027, cette trajectoire répond certes au triple objectif de transfert de compétences, d’incitation à l’efficience d’action des CCI et de simplification des aides aux entreprises et des organismes les accompagnant. Néanmoins, ce choix renouvelé dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 ne peut qu’interroger car en termes de volume budgétaire global, il s’agit davantage d’un redéploiement de moyens que d’une réelle économie. Les CCI jouent un rôle important auprès des entreprises, dans des domaines d’actions différents de Bpifrance et leur présence au plus près des territoires leur confère un atout qui ne peut être négligé.

● En dehors de cette mesure exceptionnelle, la quasi-stagnation des crédits demandés pour l’action 07 résulte de la parfaite stabilité de la subvention pour charge de service public allouée à Business France, dont le montant demeure fixé à 100,7 M€ (en autorisations d’engagement et crédits de paiement). Ainsi, la programmation budgétaire pour 2024 apparait conforme aux engagements qui figurent au contrat d’objectifs et de moyens pour la période 2023‑2026, en cours de finalisation. Ce contrat prévoit en effet une stabilité des moyens de l’opérateur, tant sur le plan de la subvention pour charges de service public que sur celui des effectifs (fixés à 1 433 ETPT).

D’après les documents budgétaires, la subvention devrait également contribuer à la mise en œuvre des priorités du plan Export annoncé le 31 août 2023 par le ministre délégué chargé du commerce extérieur, de l’attractivité et des Français de l’étranger et qui devraient être déclinées dans le contrat d’objectifs et de moyens.

● Accessoirement, on notera la baisse des crédits pour dépenses d’intervention destinés la participation de la France à la future exposition universelle d’Osaka-Kansaï en 2025 : le projet annuel de performances prévoit de ramener la contribution de l’action 07 à 3,8 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement (contre 5,4 M€ en loi de finances initiale pour 2023).

C.   Une nouvelle rÉduction du volume global des dÉpenses fiscales en consÉquence de l’extinction de certains dispositifs

D’après le projet annuel de performances pour 2024, 71 dispositifs de dépenses fiscales se rattachent au programme 134, pour un montant global de 7,359 Md€ (contre 8,126 Md€ en 2023).

Les dispositifs portés par le programme 134 visent principalement à soutenir :

– le tourisme et la restauration, par le biais de cinq dispositifs dont notamment : le taux réduit de TVA de 10 % sur les campings (pour une dépense prévue de 136 M€ en 2024), le taux réduit de TVA de 10 % sur les nuits d’hôtel (440 M€ en 2024) ; l’exemption de l’assiette d’impôt sur le revenu de la part des chèques vacances payés par les entreprises (103 M€ prévus en 2024 contre 94 M€ réalisés en 2022) ;

– la compétitivité des industries électro-intensives, par quatre dispositifs : le tarif réduit en faveur des sites hyper électro-intensifs (dépense de 1 M€ en 2023) ; le tarif réduit pour les sites industriels électro-intensifs (dépense de 16 M€ en 2023) ; le tarif encore plus favorable au bénéfice des entreprises électro-intensives relevant de secteurs fortement  exposés à la concurrence internationale (dépense de 5 M€ prévue en 2023) ; le tarif réduit pour les centres de stockage de données numériques (dépense prévue de 1 M€ en 2023) ;

– le développement des fonds propres des entreprises et le développement des jeunes entreprises, par le biais de quatorze dispositifs et pour une dépense fiscale globale évaluée à 257 M€ en 2024 ;

– la transmission des entreprises, au moyen de onze dispositifs représentant une dépense fiscale globale de 690 M€ ;

– l’action en faveur des impatriés : ce régime s’adresse aux personnes domiciliées fiscalement hors de France au cours des cinq années civiles précédant celle de leur prise de fonctions dans l’entreprise établie en France qui les recrute (200 M€ prévus en 2022).

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024, les dépenses fiscales portées par le programme 134 devraient inclure le crédit d’impôt « Investissement industries vertes » (dit « C3Iv »). Ce dispositif doit favoriser l’implantation, sur le territoire national, d’entreprises qui conçoivent et exploitent les technologies nécessaires à la réalisation des objectifs nationaux relatifs à la neutralité carbone, ainsi qu’au développement de la croissance verte et des emplois. Il vise l’émergence de secteurs productifs dans le photovoltaïque, l’éolien, les batteries ou les pompes à chaleur.

La réduction du volume global des dépenses fiscales résulte de l’évolution prévisionnelle du coût de plusieurs dispositifs, ainsi que de l’extinction de certains d’entre eux à raison de leur caractère conjoncturel.

 

Objectif de politique publique

Nombre de mesures

Estimé en 2023

Prévu en 2024

Part dans le total estimé 2023

Part dans le total estimé 2024

 

 

en M€

en M€

 

 

Mesures de soutien à la restauration et au tourisme

5

2 066

2 215

36 %

39 %

Mesures de soutien pour les entreprises consommatrices d’énergie

4

23

-

< 1 %

< 1 %

Mesures visant à soutenir le développement des fonds propres des entreprises et les jeunes entreprises

14

561

564

10 %

10 %

Mesures favorisant la transmission d’entreprises

13

896

721

16 %

13 %

Régime fiscal en faveur des impatriés

4

259

268

5 %

5 %

Mesures diverses

19

1 931

1 953

34 %

34 %

Mesures éteintes ou dont l’incidence va prendre fin

10

-

-

0 %

0 %

TOTAL

69

5 736

5 721

100 %

100 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire sur le projet de loi de finances pour 2024.

Parmi l’ensemble des évolutions observables, contribuent particulièrement à la baisse des dépenses fiscales :

– la transformation du crédit d’impôt pour la compétitivité et emploi (CICE) en baisse de charges pérenne, au terme du processus engagé en 2019 ([10]). La dépense fiscale correspondante est encore évaluée à 1,173 Md€ pour l’exercice 2023 ;

– la fin du crédit d’impôt pour les maîtres restaurateurs (supprimé par la loi de finances initiale pour 2023) ;

– la déduction exceptionnelle d’impôt sur les sociétés à hauteur de 40 % du prix de revient de certains biens limitativement énumérés, pratiqués sur la durée normale d’utilisation du bien ([11]) ;

– cinq mesures en rapport avec la crise sanitaire et le plan de relance de l’économie (évaluées à 10 M€ en 2023) ;

– des dispositifs destinés à favoriser l’accélération de certains secteurs, tels que la mesure en faveur de la robotique (dépense évaluée à 6 M€ en 2023).

III.   une revalorisation modeste des dotations budgÉtaires des ORGANISMES de rÉgulation

A.   L’AutoritÉ de rÉgulation des communications Électroniques, des postes et de la distribution de la presse (ARCEP)

Objet de l’action 13 du programme 134, l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) se présente comme l’autorité administrative indépendante chargée aujourd’hui d’assurer, pour le compte de l’État, la régulation des secteurs des communications électroniques et des postes, ainsi que de la distribution de la presse.

Pour l’exercice 2024, le Gouvernement propose de fixer les ressources allouées à l’Arcep à 22,75 M€ en autorisations d’engagement et à 24,79 M€ en crédits de paiement. Par rapport aux crédits ouverts au titre de la loi de finances initiale pour 2023, les autorisations d’engagement et les crédits de paiement enregistrent des hausses de 2,48 % et 2,27 %, respectivement. L’évolution de la dotation budgétaire procède de trois facteurs :

● en premier lieu, une progression de 2,45 % des crédits demandés au titre des dépenses de personnel (titre III), qui atteignent un peu plus de 17,03 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement. Ces montants reflètent avant tout les effets en année pleine des mesures salariales appliquées dans la fonction publique en 2022 et 2023 ([12]) et qui affectent les cotisations et contributions sociales. En revanche, les rémunérations d’activité n’enregistrent qu’une augmentation de 1,19 %, tandis que la programmation 2024 table sur la parfaite stabilité du plafond d’emplois fixé à 183 ETPT par rapport au précédent exercice ;

● en second lieu, une augmentation nette des crédits demandés au titre des dépenses de fonctionnement (titre III), avec une enveloppe d’un peu plus de 5,50 M€ en autorisations d’engagement (+ 2,63 %) et de près de 7,54 M€ en crédits de paiement (+ 1,91 %). Le projet annuel de performances prévoit l’affectation de ces ressources supplémentaires essentiellement aux dépenses de gestion du site, poste en partie grevé par la revalorisation de l’indice des loyers des activités tertiaires (Ilat) sur lequel le loyer des locaux de l’Arcep se trouve indexé, ainsi que par l’impact de l’inflation sur les dépenses d’énergie (gaz et électricité). Les ressources consacrées aux autres catégories de dépenses enregistrent soit une augmentation infime (systèmes d’information, marchés d’expertises et d’études, formations), soit des ajustements à la baisse non significatifs (organisation de débats publics et de groupes de travail européens, fonctionnement courant, actions sociales).

● en dernier lieu, le caractère insignifiant des crédits demandés au titre des dépenses d’investissement (titre V), avec 0,20 million d’euros en AE et CP au titre de 2024 (chiffre stable par rapport à la LFI 2023) : cette ligne prévisionnelle doit couvrir les frais inhérents au développement d’applications métiers.

S’il constitue une contribution à la maîtrise des finances publiques dans une conjoncture exigeante, le niveau de la dotation budgétaire prévue pour l’Arcep peut interroger au regard de la croissance régulière de son activité et de ses besoins.

D’une part, il incombe aujourd’hui à l’Autorité d’assumer pleinement les compétences qu’elle détient, conformément aux obligations fixées en droit européen et en droit national. D’après les réponses au questionnaire budgétaire, la « feuille de route » de l’exercice 2024 comporte ainsi :

– sur le plan de la qualité des réseaux de fibre optique, la surveillance de la mise en œuvre des engagements pris par les opérateurs : outre le suivi de la qualité des interventions, du renforcement de la formation des techniciens et de la reprise des infrastructures dégradées ([13]), l’Arcep doit approfondir les travaux relatifs à la qualité du réseau, notamment par le biais de l’actualisation des données produites dans le cadre d’un observatoire dont la première publication date de juillet 2023. Il s’agit également d’identifier les difficultés financières et opérationnelles entourant la réalisation du raccordement final aux réseaux en fibre optique jusqu’au domicile des clients. Enfin, l’Autorité entend poursuivre l’enrichissement du portail « maconnexioninternet.arcep.fr » ([14]) et des informations accessibles en open data, ainsi qu’assurer l’efficacité de la plateforme « J’alerte l’Arcep » ([15]).

– dans le domaine de la téléphonie, la poursuite des travaux relatifs à l’établissement et à la publication des cartes prévisionnelles, à partir d’informations fournies par les opérateurs et les collectivités et l’enrichissement du site « monréseaumobile.arcep.fr » : l’Arcep se fixe notamment pour objectifs de poursuivre l’enrichissement des cartes de couverture pour les services de données et celui de l’amélioration régulière des documents « clef en main » déjà publiés (cartes départementales de couverture 4 G, observatoire de l’ouverture commerciale de la 5G) ;

– dans la régulation concurrentielle des réseaux fixes, la préparation des décisions qu’appelle le nouveau cycle d’analyse des marchés fixes (2023-2028) : au terme des consultations menées en 2022 et 2023, des priorités ont été arrêtées en vue de l’établissement d’un nouveau cadre. Il reviendra à l’Arcep de proposer une nouvelle version des textes pour notification à la Commission européenne et, dès 2024, dans le cadre de la mise en œuvre de ces décisions, de contrôler le respect des nouvelles obligations qui en découlent pour Orange ;

– le suivi et l’encadrement de la mise en œuvre du plan de fermeture du cuivre : sur le fondement d’une décision en date du 15 décembre 2020 ([16]), l’Arcep devra assurer le suivi des différents lots et expérimentations, en accompagnant la résolution des problématiques opérationnelles qui émergeront notamment avec le passage à une échelle plus industrielle à mesure que les lots vont croître en taille (par exemple, en accompagnant et en encadrant la définition du quatrième lot de fermeture). L’Autorité poursuivra également ses travaux de sensibilisation déjà entamés en 2023 avec la parution d’une foire aux questions (FAQ) pédagogique sur son site internet, à l’usage du grand public. Elle se donne également pour objectif d’examiner la qualité de service dans les zones où, en l’absence de déploiement de la fibre, le réseau cuivre reste le principal moyen de connectivité des habitants.

– dans le cadre du déploiement de la 5G et de la mise en œuvre du New Deal Mobile, le contrôle des obligations découlant des fréquences attribuées : l’Arcep devra assurer le respect des obligations afférentes aux autorisations délivrées, notamment pour l’usage de la bande des 3,5 GHz. Ces obligations comportent, en particulier : la couverture, en 2024, d’environ 1 055 zones identifiées par le biais des arrêtés du dispositif de couverture ciblée ; le déploiement, par chacun des opérateurs, de 8 000 antennes 5G en bande 3,5 GHz au 31 décembre 2024 (dont 25 % en zone de déploiement prioritaire ou dans un territoire d’industrie) et la montée en débit de 85 % des sites de leur réseau ; pour les opérateurs Orange et SFR, la couverture de 99,6 % de la population métropolitaine « en bonne couverture » avant mars 2024 ; la présentation d’offres de services différenciées aux acteurs économiques (entreprises, collectivités, etc.), avec même la possibilité de confier localement des fréquences.  En outre, le programme de l’exercice 2024 comporte la préparation de l’attribution de nouvelles fréquences en métropole et la préparation de procédures d’attribution et de renouvellement de fréquences des bandes 700 MHz, 900 MHz, 1 800 MHz, 2,1 GHz et 3,5 GHz en outre-mer.

– dans l’exercice des compétences sur l’empreinte environnementale du numérique, la publication d’une deuxième édition de l’enquête Pour un numérique soutenable, ainsi que la mise en œuvre des dispositifs prévus par la loi n° 2021-1755 du 23 décembre 2021 visant à renforcer la régulation environnementale du numérique par l’Arcep. En 2024, l’Autorité entend continuer à travailler à l’élargissement progressif du périmètre de la collecte de données. En outre, en complément des travaux de mesure de l’empreinte environnementale du numérique en France et de son étude conjointe menée avec l’Ademe, l’Arcep poursuivra sa collaboration avec l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) à propos de l’empreinte des usages vidéo et audio en France ([17]). Le travail commun entre les trois institutions devrait donner lieu à la publication d’une nouvelle édition du référentiel général d’écoconception des services numériques ([18]) ;

– dans l’exercice des missions relatives au secteur postal, l’évaluation de la nouvelle gamme de service universel mise en place par La Poste à compter du 1er janvier 2023, l’Arcep étant chargée par la loi de veiller à ce que La Poste respecte ses objectifs de qualité de service et d’encadrer les tarifs du service universel ;

– dans la supervision du marché des colis, un travail d’identification des éventuels dysfonctionnements et sources d’insatisfaction des consommateurs dans la livraison de ces colis, préalable à d’éventuelles propositions afin d’y remédier.

D’autre part, le périmètre des interventions de l’Arcep devrait s’enrichir de missions supplémentaires, en conséquence de l’entrée en vigueur de nouvelles dispositions législatives en 2024. Pourraient ainsi influer sur son activité :

– le renforcement du contrôle exercé sur l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (Anssi) : en vertu de la loi de programmation militaire 2024-2030 ([19]), l’Arcep devra émettre un avis conforme sur l’usage par l’Anssi de dispositifs permettant le recueil de données sur le réseau d’un opérateur de communications électroniques ou sur le système d’information d’un fournisseur de services de communication au public en ligne ou de stockage en ligne ou encore d’un centre de données affecté par la menace ;

– l’exercice des compétences normatives accordées dans le secteur des services d’intermédiation de données, en conséquence de la transposition du règlement pour la gouvernance européenne des données (dit « Data Governance Act » ([20])) : sur le fondement du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique en cours de discussion devant le Parlement([21]), dit projet de loi « Sren », il reviendra à l’Arcep d’édicter un cadre réglementaire pour répondre aux exigences d’interopérabilité et de portage des données ;

– la régulation des fournisseurs de services d’informatique en nuage : conformément au « Data Governance Act », le projet de loi « Sren » confie à l’Arcep des pouvoirs d’enquête et de sanction à l’égard des fournisseurs de services d’informatique en nuage. En outre, le texte reconnaît à l’Autorité le statut d’autorité compétente dans la régulation des services d’intermédiation des données.

On remarquera que l’attribution de nouvelles compétences ne s’accompagne pas d’un relèvement du plafond d’emplois. Dès lors et même si elle tranche avec le quasi gel des crédits pour dépenses de personnel et pour dépenses de fonctionnement en 2023, la programmation budgétaire pour 2024 tend à se singulariser des précédents exercices : le socle de ressources humaines n’évolue pas en considération de l’évolution des compétences de l’Arcep.

Ainsi qu’il a été relevé dans les travaux de la commission des affaires économiques ([22]), l’Arcep assume l’élargissement progressif de ses missions depuis plusieurs années par des redéploiements internes, à périmètre d’emplois quasi constant. Or, les éléments recueillis dans le cadre des auditions du présent rapport donnent à penser qu’un tel mode de gestion pourrait trouver bientôt ses limites. De fait, l’audit récemment publié par la Cour des comptes à propos de la gestion de l’Autorité attestent de dépenses maîtrisées ([23]) : la période 2015-2021 se caractérise ainsi par une progression des dépenses consacrées aux systèmes d’information et aux achats d’études et d’expertises, compensée par une diminution des dépenses de location immobilière depuis le déménagement réalisé en 2018.

Votre rapporteur préconise donc une évaluation des ressources humaines et matérielles nécessaires au bon accomplissement des missions de l’Arcep, de sorte que toutes les conséquences utiles puissent en être tirées dans l’examen des prochains textes budgétaires et, si besoin, dans l’exécution de la loi de finances initiale pour 2024.

B.   L’AutoritÉ de la concurrence

Les moyens budgétaires de l’Autorité de la concurrence font l’objet de l’action 15 du programme 134. Elle se présente comme l’autorité administrative indépendante chargée de veiller au libre jeu de la concurrence et d’apporter son concours au fonctionnement concurrentiel des marchés aux échelons européen et international.

Bien que la progression des crédits demandés puisse être qualifiée de « dynamique » par rapport à l’exercice 2023, la programmation budgétaire pour 2024 comporte une revalorisation en réalité modérée des ressources humaines et matérielles affectées au fonctionnement de l’Autorité et à l’exercice de ses missions.

Certes, le montant des autorisations d’engagement s’établit à 41,47 M€ (contre 22,86 M€ en loi de finances initiale pour 2023, soit une croissance de 80,38 %). Toutefois, la progression des crédits de paiement demandés se révèle plus mesurée : la dotation en crédits de paiement s’élève à un peu plus de 25,18 M€ (contre 24,39 M€ en loi de finances initiale 2023, c’est-à-dire une hausse de 3,24 %). Du reste, la forte hausse des autorisations d’engagement ne tient qu’à l’engagement des crédits de fonctionnement nécessaires au renouvellement des baux des bâtiments qui abriteront l’Autorité de la concurrence à la fin 2024, pour un montant de 17,79 M€.

En réalité, la dotation budgétaire connaît une évolution contrastée.

 Premier poste de l’action 15 en dehors du renouvellement des baux, les crédits demandés au titre des dépenses de personnel (titre II), soit un peu plus de 19,57 M€, enregistrent une nette hausse (+ 3,65 %) en comparaison de la quasi-stagnation prévue dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2023. La croissance des crédits demandés sur ce titre correspond à un schéma d’emploi positif de 2 ETP. Le projet annuel de performances prévoit ainsi un léger relèvement du plafond d’emplois fixé à 206 ETPT (contre 205 ETPT en loi de finances initiale pour 2023).

D’après les éléments recueillis par le rapporteur, l’inscription de ces emplois supplémentaires vise à renforcer le service chargé de l’examen des opérations de concentration, à raison du développement de son activité. Par ailleurs, il convient de prendre en considération l’impact en année pleine de l’intégration d’assistants juridiques employés jusque-là pour des vacations temporaires.

● Second poste budgétaire de l’action 15, les crédits demandés au titre des dépenses de fonctionnement (titre III) s’établissent à près de 5,06 M€ en crédits de paiement, en hausse de 4,44 %. Dans une certaine mesure, la croissance prévue marque une inflexion significative par rapport aux ajustements à la baisse qui caractérisaient la programmation budgétaire pour 2023. Ainsi qu’il ressort du projet annuel de performances, l’augmentation des crédits demandés sur le titre III résulte, pour l’essentiel, de l’alourdissement constaté des frais contentieux. D’après les éléments recueillis par le rapporteur, les décisions rendues par l’Autorité de la concurrence suscitent des contestations croissantes devant les juridictions administratives et donnent lieu à des recours multiples et de plus en plus complexes. Pour le reste, le projet annuel de performances pour 2024 prévoit une baisse non significative des dépenses relatives à l’informatique et à la téléphonie, ainsi que des crédits alloués à l’activité du service des ressources humaines.

● Les crédits demandés au titre de l’investissement (titre V) conservent un caractère anecdotique à l’échelle de l’action 15, avec un montant prévisionnel de 0,55 M€ en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, ils accusent une baisse de 12 % en autorisations d’engagement et de 16,03 % en crédits de paiement, mouvement qui fait suite à une croissance relativement soutenue. D’après le projet annuel de performances, une telle programmation résulte de l’état d’avancement de deux opérations en 2024 : premièrement, l’achèvement des travaux de rénovation du système de chauffage, de climatisation et de ventilation du bâtiment domanial occupé par l’Autorité ; deuxièmement, l’engagement de la première phase d’un plan de continuité informatique, initialement prévue en 2023 et reportée d’une année.

● Au regard des premiers résultats de l’exécution 2023, la dotation budgétaire allouée à l’Autorité de la concurrence en 2024 doit être appréciée à l’aune de trois nécessités.

Le premier enjeu porte sur la capacité de l’Autorité de la concurrence à faire face à la hausse globale de l’activité dans l’ensemble du champ de ses missions.

L’alourdissement de la charge de travail se manifeste d’abord sur le plan des contrôles des opérations de concentration. D’après les réponses au questionnaire budgétaire, 284 opérations ont été notifiées en 2022 (contre 268 en 2021, soit un accroissement de 6 %). L’Autorité a rendu 257 décisions cette même année, avec une forte hausse du nombre des opérations faisant l’objet d’une analyse approfondie et nécessitant la constitution d’équipes de rapporteurs plus nombreux. Les statistiques communiquées donnent à penser que cette dynamique pourrait persister cette année, puisqu’au 1er septembre 2023, on dénombrait déjà 186 décisions rendues de contrôle des concentrations.

Le constat d’une hausse de l’activité prévaut également en ce qui concerne l’exercice des fonctions contentieuses et consultatives. En matière contentieuse, 41 décisions ont été rendues en 2022 sur des pratiques anticoncurrentielles (dont 26 décisions en conclusion d’affaires instruites, 14 désistements ou classements et 1 décision de désistement). Au 1er septembre 2023, on dénombrait 7 décisions prises en matière de pratiques anticoncurrentielles. En matière consultative, le nombre des avis rendus se maintient à un niveau relativement élevé, avec 10 avis rendus au 1er septembre 2023 contre 14 avis émis pour l’ensemble de l’exercice 2022.

Le second enjeu touche aux impacts des développements récents du droit de l’Union européenne sur l’organisation et les missions de l’Autorité de la concurrence. Si elle n’est pas partie prenante à l’entrée en vigueur du « Digital Services Act » ([24]), l’Autorité de la concurrence doit en revanche prendre sa part dans la régulation des opérateurs sur les marchés numériques portée par le règlement européen du 14 septembre 2022 (Digital Market Act, DMA) ([25]). Ceci implique l’accomplissement de nouvelles missions et un nouveau positionnement.

Applicable depuis mai 2023, ce règlement confère aux autorités nationales chargées de la lutte contre les pratiques anticoncurrentielles de nouvelles compétences. En conséquence du projet de loi « Sren » ([26]), l’Autorité de la concurrence pourra mener des enquêtes sur d’éventuels manquements aux obligations consacrées par le DMA puis, le cas échéant, ouvrir une procédure contentieuse et adopter une décision de sanction. Elle sera également tenue de prêter assistance à la Commission européenne dans l’exécution du règlement, en particulier lors de la réalisation des enquêtes de marché prévues par ce texte, mais aussi dans la mise en œuvre des mesures d’enquête prises par la Commission européenne. Les tiers disposeront de la faculté de fournir à l’Autorité des informations sur les pratiques des contrôleurs d’accès sur les marchés numériques qui contreviendraient au droit européen. Par ailleurs, le règlement charge la Commission européenne d’informer les autorités nationales de la concurrence des projets d’acquisition formés par des contrôleurs d’accès désignés en raison de leur importance, y compris lorsque le montant des opérations projetées se situe sous les seuils fixés pour l’exercice du contrôle des concentrations à l’échelle nationale et à l’échelon européen. Le nouveau cadre européen pourrait nécessiter le développement de capacités de veille économique, en vue d’identifier en temps utile, hors de toute mécanisme de notification, les projets d’acquisition ou de fusion d’entreprises qui justifieraient l’exercice de ces nouvelles prérogatives.

Le troisième enjeu découle du traitement des signalements émanant des lanceurs d’alerte en matière de pratiques anticoncurrentielles, dans le cadre fixé par le décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 ([27]). Ce texte désigne en effet l’Autorité de la concurrence en tant qu’autorité référente pour le recueil des informations concernant des menaces ou un préjudice pour l’intérêt général pouvant avoir deux causes : d’une part, les pratiques anticoncurrentielles et les aides d’État ; d’autre part, les pratiques anticoncurrentielles dans le cadre des marchés publics (en collaboration avec la DGCCRF). Le recueil et le traitement des signalements des lanceurs d’alertes incombent au service d’investigation. Suivant le décret précité du 3 octobre 2022, le traitement doit être réalisé dans un délai de trois mois et dans le respect le plus strict des exigences de formalité. La formalisation de la procédure établie par l’Autorité de la concurrence s’accompagne aujourd’hui, sur son site internet public, de la mise à disposition d’un formulaire, ainsi que d’une rubrique destinée à encourager le signalement des violations au droit de la concurrence.

Les éléments recueillis donnent à penser que le bouclage de la fin de gestion 2023 pourrait soulever quelques difficultés, compte tenu des pressions exercées sur les crédits de fonctionnement par la dynamique des frais de justice et l’alourdissement du coût des dépenses en énergie.

À titre prospectif, le président de l’Autorité de la concurrence a évoqué la nécessité pour les pouvoirs publics de veiller à une bonne application du droit de la concurrence sur les marchés en rapport avec les biens et services nécessaires à la transition écologique et à la lutte contre les dérèglements climatiques. Dans cette perspective, l’Autorité de la concurrence pourrait accompagner cette démarche dans l’exercice de ses compétences en se donnant trois objectifs : premièrement, analyser la manière dont le développement des prestations et investissements qui participent à la transition écologique pourrait modifier les pratiques et les équilibres de la concurrence ; deuxièmement, encourager les entreprises à adopter des pratiques susceptibles de contribuer à la soutenabilité de leurs activités au plan environnemental ; troisièmement, identifier des pratiques contraires à la protection de l’environnement.

Votre rapporteur ne peut donc qu’appeler à une certaine vigilance quant à l’évolution de la dotation allouée à l’Autorité de la concurrence pour les années à venir. Au-delà de questions de principe touchant au respect de l’ordre public économique, préserver sa capacité de régulation représente en effet un investissement utile si l’on considère les recettes apportées au budget de l’État par l’exercice de la fonction contentieuse. D’après les réponses au questionnaire budgétaire, le montant total des sanctions prononcées en 2022 a atteint 467,89 M€ et, au début de l’exercice 2023, le taux de recouvrement de leur produit avoisinait les 90 %. Aux yeux du rapporteur, il importe donc d’assurer, à moyen terme, une trajectoire budgétaire conforme à l’évolution des missions.

C.   La Direction gÉnÉrale de la concurrence, de la consommation et de la rÉpression des fraudes (DGCCRF)

Les ressources de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) procèdent des crédits et emplois inscrits à l’action 24 « Régulation concurrentielle des marchés, protection économique et sécurité du consommateur ».

Au titre de l’exercice 2024, la programmation budgétaire comporte l’inscription d’un peu plus de 257,32 M€ en autorisations d’engagement et de près de 257,66 M€ en crédits de paiement (contre respectivement 246,84 M€ en autorisations d’engagement et un peu plus de 246,88 M€ en crédits de paiement dans la loi de finances initiale pour 2023). Par rapport à l’année dernière, les montants demandés correspondent à une hausse des autorisations d’engagement de 4,25 % et des crédits de paiement de 4,37 %. Une telle croissance se révèle sensiblement supérieure au rythme de progression observé entre la LFI 2022 et la LFI 2023. Ainsi, le Gouvernement propose un nouveau renforcement substantiel des ressources allouées à la DGCCRF.

 Compte tenu du poids prépondérant de ce poste, le déterminant quasi exclusif d’un tel renforcement réside dans l’augmentation substantielle des crédits pour dépenses de personnel (titre II) demandés pour 2024 : ceux-ci atteignent près de 241,98 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement (contre 231,24 M€ en LFI 2023), en progression de 4,65 %. Ainsi qu’il ressort des réponses au questionnaire budgétaire, la croissance des crédits sur le titre II obéit à deux motifs.

En premier lieu, la programmation budgétaire 2024 intègre un nouveau relèvement significatif du plafond d’emplois, fixé à 2 847 ETPT (contre 2 789 ETPT en LFI 2023), en conséquence d’un schéma d’emplois positif (+ 4 ETP), ainsi que de deux décisions relatives à la gestion des effectifs de la direction :

– le maintien des 34 emplois obtenus en 2023 en vue des actions menées dans la perspective de la tenue des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 ([28]) : alors qu’ils devaient être « rendus » dans les mois qui suivront la fin de cet évènement, ces postes devraient être réaffectés aux missions prioritaires de la direction, notamment le contrôle de la concurrence en outre-mer ;

– la ré-internalisation de 4 emplois consacrés à la réalisation des projets informatiques de la DGCCRF.

Il convient par ailleurs de rappeler qu’au début de l’exercice 2024, le niveau du plafond d’emplois découlera également du transfert à la direction générale de l’alimentation (DGAL) de l’ensemble des personnels chargés des missions relatives à la sécurité alimentaire des aliments ([29]). Engagé en septembre 2023, le mouvement devrait être achevé dès janvier prochain.

En second lieu, la programmation budgétaire comporte le financement de deux types de mesures salariales :

– une mesure catégorielle reconduite en 2024 au titre du déploiement du plan stratégique de la direction pour la période 2020-2025 (1 M€) : elle vise à récompenser l’investissement important exigé des agents en termes d’évolution des pratiques professionnelles, de niveau d’expertise, de diversification des missions et de formation ;

– les mesures salariales complémentaires annoncées par le Gouvernement, ainsi que les mesures transversales de revalorisation, coordonnées par le service des ressources humaines du Secrétariat général du ministère de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

● Les crédits demandés pour les dépenses de fonctionnement connaissent encore une évolution contrastée mais mineure, du fait d’un nouvel ajustement à la baisse des autorisations d’engagement (fixées à 9,46 M€ contre 9,71 M€ en loi de finances initiale pour 2023) et de crédits de paiement qui enregistrent à nouveau une augmentation imperceptible (avec un peu plus de 9,79 M€ contre 9,76 M€).

L’évolution des crédits demandés sur le titre III s’explique par :

– l’apport d’un complément de financement pour la continuité des projets informatiques développés dans le cadre du plan stratégique de la DGCCRF 2020-2025 (0,5 M€) : d’après les documents budgétaires, les crédits de fonctionnement dégagés pour les dépenses informatiques ont pour objet la construction de l’environnement de travail numérique des enquêteurs (projet « Sesam »), le développement de SignalConso ainsi que la sécurisation de l’infrastructure et de l’évolution du socle technique (avec notamment le renouvellement des serveurs du site d’Osny à compter de 2024) ;

– le financement des prélèvements sur internet réalisés par les services déconcentrés à des fins d’enquête (mesure nouvelle de 0,13 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement).

● On remarquera en dernier lieu la parfaite stabilité des crédits pour dépenses d’intervention (titre VI) destinés à soutenir le « mouvement consumériste » (5,89 M€ en autorisations d’engagement et crédits de paiement). Le programme 134 apporte ainsi sa contribution au financement de l’Institut national de la consommation (INC), aux associations de consommateurs, au Centre européen des consommateurs et au Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc).

● En soi, la programmation budgétaire pour 2024 parait cohérente avec les grandes orientations du Plan stratégique 2019-2025 qui structurent la gestion des ressources de la DGCCRF ([30]), ainsi qu’au regard de certaines priorités qui figuraient déjà dans le programme national d’enquête 2023 et pourraient être poursuivies ([31]). D’après les réponses au questionnaire budgétaire, dans le champ de la protection du consommateur, la direction se donnerait pour objectif la réalisation de contrôles et d’enquêtes en rapport avec cinq enjeux :

– la préservation du pouvoir d’achat, par l’attention portée à l’évolution des prix de l’énergie, à l’évolution des prix outre-mer, aux résultats des négociations commerciales entre producteurs et distributeurs et à la formation des prix ;

– l’accompagnement de la transition écologique, par le biais d’une surveillance des pratiques relevant du green washing ou affectant les travaux de rénovation énergétique ;

– la régulation du développement de l’économie numérique, l’objectif étant de veiller à la loyauté des communications à caractère commercial diffusées par les influenceurs (dans le contexte créé par la loi n° 2023-451 du 9 juin 2023) ([32]) et de lutter contre les pratiques abusives susceptibles d’entourer le « drop shipping » et les fraudes diverses. Il appartiendra par ailleurs à la DGCCRF d’assurer le respect de nouvelles obligations spécifiques s’imposant aux fournisseurs de places de marché en ligne consacrées par le Digital Market Act, pour lesquelles elle disposera d’une compétence exclusive ([33]) ;

– la préparation et la tenue des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 : la direction concentrera ses contrôles sur huit produits ou services qui présentent des risques du point de vue du pouvoir d’achat des consommateurs-visiteurs, de la conformité/sécurité ou de la loyauté de l’information, à savoir : les produits non alimentaires (jouets, peluches, textiles susceptibles d’être sujets à la contrefaçon) ; les produits alimentaires (loyauté) ; les matériaux au contact de denrées alimentaires (mugs et ustensiles estampillés JO) ; la mobilité (taxi, VTC, location de voitures) ; le tourisme (hébergements, restauration) ; les équipements sportifs (buts sportifs) et les paris sportifs ;

– le respect du jeu de la concurrence et de la loyauté des transactions pour le consommateur.

 

 


—  1  —

   seconde partie :
les moyens et l’action de la dgccrf contre les fraudes dans le champ du commerce Électronique

Aux termes de la loi sur la confiance dans l’économie numérique ([34]), le commerce électronique se définit comme l’activité économique par laquelle une personne propose ou assure à distance et par voie électronique la fourniture de biens ou de services. La loi y inclut également « les services tels que ceux consistant à fournir des informations en ligne, des communications commerciales et des outils de recherche, d’accès et de récupération de données, d’accès à un réseau de communication ou d’hébergement d’informations, y compris lorsqu’ils ne sont pas rémunérés par ceux qui les reçoivent. » En pratique, le concept désigne aujourd’hui trois types d’échanges : en premier lieu, la vente électronique de produits et de services par les entreprises aux consommateurs (le « B to C », Business to Consumer) ; en second lieu, le commerce inter-entreprises (le « B to B » : Business to Business) ; en dernier lieu et de manière croissante, le commerce entre consommateurs (le « C to C » : Consumer to Consumer).

Le développement du commerce électronique résulte de l’augmentation du nombre de personnes connectées, de la multiplication des connexions à haut débit, ainsi que de l’affirmation de nouveaux usages. Les achats sur internet constituent désormais un usage relativement répandu parmi les consommateurs français. D’après les données rendues publiques par la fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD) en ce qui concerne la France, on a dénombré près de 2,3 milliards de transactions en ligne en 2022. Le chiffre d’affaire du e-commerce a atteint cette même année 146,9 milliards d’euros (en hausse de 13,8 %), étant observé que 76 % des particuliers français ont commandé sur internet (contre 68 % à l’échelle de l’Union européenne). D’après une étude Odoxa publiée en février 2023, le commerce en ligne remporte l’adhésion de 90 % des consommateurs et recueille une quasi-unanimité dans la « génération Z » ([35]) (97 %). Celle-ci réalise ainsi 40,5 % de ses achats habituels sur internet, contre 29,5 % pour l’ensemble de la population ([36]). D’après les statistiques communiqués par la Fédération du e‑commerce et de la vente à distance (Fevad), de 13 % à 14 % des ventes se réalisent désormais sur Internet, même si les frontières s’estompent entre les achats effectués seulement en ligne et ceux réalisés dans un commerce physique.

S’il crée de nouvelles sources d’activités et de nouveaux modes de consommation, le développement du commerce en ligne s’accompagne de l’apparition de pratiques délictueuses et frauduleuses qui apparaissent susceptibles de saper la confiance dans l’économie numérique et de remettre en cause les garanties apportées par le droit de la consommation. Ainsi que le montre le nombre de plaintes déposées par des victimes de fraudes ou d’arnaque sur internet, une telle menace ne saurait être méconnue. Mise en place en mars 2022 par le ministère de l’Intérieur, la plateforme Thesee ([37]) avait déjà reçu à la mi-octobre 2022, soit six mois après son lancement, près de 60 000 déclarations en ligne.

Ce constat soulève la question de la portée des instruments de protection du consommateur et des entreprises et cette intéresse nécessairement la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF).

Au terme de ses travaux, votre rapporteur tire deux enseignements : en premier lieu, la lutte menée par la DGCCRF contre les fraudes du commerce en ligne peut s’appuyer sur un cadre juridique exigeant, mais qui présente des limites face à des agissements aux cibles et modalités évolutives ; en second lieu, accroitre la portée des instruments à la disposition de la direction contre les fraudes dans le commerce en ligne suppose de conforter ses moyens et ses coopérations.

I.   une lutte contre les fraudes pouvant s’appuyer sur un cadre juridique exigeant mais qui prÉsente des limites face À des agissements aux cibles et modalitÉs Évolutives

A.   une direction non dépourvue d’outils juridiques

Dans la lutte contre les pratiques frauduleuses affectant le commerce en ligne, les actions de la DGCCRF peuvent trouver une certaine efficacité du fait de l’existence, en droit français, d’un cadre juridique assez exigeant et intégrateur, ainsi qu’en raison des compétences accordées par les pouvoirs publics.

1.   Un encadrement du commerce électronique de plus en plus étoffé

Issu à la fois de l’intégration de règles européennes et de dispositions prises par les pouvoirs publics, le cadre applicable au commerce en ligne tend à appréhender de manière assez large les activités des différents acteurs sur ce marché.

● La régulation du secteur repose, en premier lieu, sur les définitions et principes inscrits dans la loi pour la confiance dans l’économie numérique du 21 juin 2004 ([38]). En l’occurrence, ce texte pose plusieurs règles essentielles, telles que :

– la responsabilité de plein droit à l’égard de l’acheteur de la bonne exécution des obligations du contrat souscrit dans le cadre d’une transaction qui relève du commerce électronique (article 15) ;

– la liberté d’exercice du commerce en ligne, à l’exclusion des domaines d’activité énumérés par la loi (par exemple, les jeux d’argent) et sous réserve du respect de législations ou réglementations applicables aux personnes établies dans un État membre de l’Union européenne autre que la France (article 16) ;

– l’application de la loi de l’État membre sur le territoire duquel le commerçant en ligne est établi, sous réserve notamment de la protection apportée par le droit national de la consommation et des dispositions impératives de la loi française relatives aux obligations contractuelles (article 17) ;

 l’obligation, pour le commerçant en ligne, d’assurer au consommateur un accès facile, direct et permanent à des informations qui doivent l’identifier (par les nom et prénom pour une personne physique ou la raison sociale pour une personne morale), en vertu de l’article 19.

La loi pour la confiance dans l’économie numérique édicte par ailleurs des obligations dans le champ de la publicité par voie électronique. Ainsi, l’article 20 dispose que « toute publicité, sous quelque forme que ce soit, accessible par un service de communication au public en ligne, doit pouvoir être clairement identifiée comme telle ».

● En second lieu, le droit national assujettit le commerce en ligne à l’application des règles relatives à la vente à distance et aux pratiques commerciales déloyales consacrées par la directive européenne de 2005 sur les pratiques commerciales déloyales ([39]) et par la directive de 2011 relative au droit des consommateurs ([40]). Sur ces fondements, le code de la consommation impose aux professionnels de fournir aux consommateurs des informations précontractuelles de manière lisible et compréhensible avant la conclusion du contrat ([41]). Le droit applicable impose également au professionnel de rappeler certaines de ces informations précontractuelles avant que la commande ne soit passée et que le consommateur reconnaisse explicitement son obligation de payer.

En application de la loi du 7 octobre 2016 pour une République numérique ([42]), les opérateurs de plateforme en ligne doivent se conformer aux obligations générales informatives établies par le code de la consommation. Au sens de l’article L. 111-7 du code de la consommation, relèvent de cette catégorie les moteurs de recherche, les places de marché en ligne ([43]), les comparateurs en ligne et les agrégateurs d’actualités ([44]).

● En dernier lieu, la mise en œuvre du règlement « DSA » du 19 octobre 2022 ([45]) devrait conduire à un renforcement du régime de responsabilité des fournisseurs de services intermédiaires en droit interne. La transposition du règlement implique en effet l’édiction en droit interne de nouvelles obligations pour les services d’hébergement, les plateformes en ligne, les places de marchés, les très grandes plateformes et les très grands moteurs de recherche. En l’occurrence, le DSA impose :

– l’interdiction de concevoir, d’organiser ou d’exploiter des interfaces en ligne de nature à tromper ou manipuler les utilisateurs et consommateurs en ligne (interdiction des « dark patterns » prévue à l’article 25 du règlement DSA) ;

– l’identification et la traçabilité des vendeurs utilisant les places de marché en ligne (article 30 du règlement DSA) ;

– la vérification de la complétude des informations sur les annonces de ventes des professionnels utilisant les places de marché en ligne (article 30 du règlement DSA) ;

– la conception d’interfaces en ligne permettant aux professionnels vendeurs de respecter leurs obligations en matière d’informations précontractuelles, de conformité et d’informations quant à la sécurité des produits mis en vente (article 31 du règlement DSA) ;

– la réalisation de contrôles aléatoires automatisés des annonces de vente mises en ligne afin de vérifier qu’elles ne correspondent pas à des contenus déjà signalés comme illicites sur des bases de données librement accessibles (article 31 du règlement DSA) ;

– l’information des consommateurs à propos de la vente, sur une interface en ligne, d’un produit ou d’un service illégal, l’indication de l’identité du professionnel ainsi que de tout moyen de recours pertinent (article 32 du règlement DSA) ([46]).

2.   Des pouvoirs de régulation croissants dans le champ du commerce électronique

● Le droit applicable tend à conférer à la DGCCRF des pouvoirs d’enquête et d’inspection relativement approfondis.

Depuis la loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007 ([47]), les services de la consommation et de la répression des fraudes sont expressément habilités à rechercher les infractions et les manquements relatifs au commerce électronique et prévus aux dispositions du titre II de la loi pour la confiance dans l’économie numérique. Sur le fondement des dispositions du code de la consommation et du code de commerce, les agents de la DGCCRF ne peuvent se voir opposer le secret professionnel. Depuis 2016, l’article L. 512-6 du code de la consommation les autorise à utiliser une identité d’emprunt afin de vérifier la conformité des procédures de vente sur les sites internet. En dernier lieu, la loi du 16 août 2022 sur le pouvoir d’achat ([48]) ouvre la possibilité d’échanges d’informations entre agents de la DGCCRF et officiers de police judiciaire portant sur l’ensemble de leurs missions respectives.

En conséquence de la transposition du règlement DSA, les agents de la DGCCRF seront habilités à rechercher et à constater les infractions aux articles 25 et 30 à 32 de ce règlement, commises par les fournisseurs de places de marché en ligne établis en France. Ils pourront coopérer, dans l’exercice de leurs missions, avec les agents du coordinateur des services numériques.

● La DGCCRF peut recourir à des procédures d’injonctions.

Sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de la consommation, les agents habilités peuvent ordonner à un opérateur de cesser une pratique illicite, de se conformer à ses obligations ou de supprimer une clause illicite ou interdite, dans un délai qu’ils fixent. En application de la loi du 9 juin 2023 relative aux influenceurs ([49]), ces injonctions peuvent être assorties d’une astreinte journalière dans le cadre d’un dispositif dit « de suite correctrice ». Il s’agit de l’injonction de mise en conformité.

Depuis la loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020, dite « loi Ddadue » ([50]), la DGCCRF peut aussi adresser des réquisitions aux prestataires de service de la société de l’information (PSSI) en vue de faire cesser la mise à disposition en ligne d’un contenu manifestement illicite, dans le périmètre des infractions dans lequel ses agents sont habilités à agir. Ces réquisitions peuvent être employées dans deux hypothèses : lorsque le professionnel qui exploite l’interface n’est pas identifiable ou lorsqu’il n’a pas déféré à une injonction délivrée sur le fondement de l’article L. 521-1 du code de la consommation.

En outre, sur le fondement de l’article L. 521-2 du même code ([51]), la DGCCRF peut assortir ses injonctions de mesures de publicité : le dispositif de l’injonction numérique permet d’ordonner aux opérateurs de plateformes en ligne, de places de marché ou de fournisseurs d’accès à Internet, l’affichage d’un message d’avertissement informant les consommateurs du risque grave de préjudice pour leurs intérêts que représente un contenu illicite en ligne.

Par ailleurs, pour les infractions les plus graves, la DGCCRF peut obtenir le déréférencement des interfaces en ligne dont les contenus sont manifestement illicites, ainsi que le blocage d’un nom de domaine, pour une durée de trois mois renouvelable une fois. L’article L. 521-3-1 du code de la consommation prévoit que si l’infraction persiste, la DGCCRF peut alors délivrer une injonction de suppression ou de transfert du nom de domaine.

● Enfin, la DGCCRF a le pouvoir d’infliger des amendes administratives : elles peuvent être prononcées à l’encontre de certaines pratiques telles que le non-respect des obligations d’information précontractuelle incombant aux professionnels en matière de commerce électronique (article L. 221-5 et suivants du code de la consommation).

La direction dispose en outre de la faculté de donner des suites pénales à ses constats. Elle peut transmettre des procès-verbaux constatant des infractions au procureur de la République. Sur le fondement de l’article L. 522-6 du code de la consommation, elle peut demander la publication de la décision de justice, sur les propres moyens de communication du professionnel (tel que son site internet ou son application mobile) et à ses frais.

Par ailleurs, la loi reconnait à la DGCCRF la possibilité de proposer une transaction aux professionnels. En application des articles L. 523-1 et suivants du code de la consommation, cette faculté n’existe que pour les manquements passibles de contraventions, pour des délits non passibles d’une peine d’emprisonnement ou pour le délit de pratique commerciale trompeuse. La transaction prend la forme d’une amende dont le versement aboutit à l’extinction de l’action publique

La transposition du règlement DSA en droit français va ouvrir un nouveau champ de sanctions pénales en cas de manquement aux obligations spécifiques applicables aux fournisseurs de places de marché en ligne. En cas d’infraction à ses dispositions, la DGCCRF pourra, après en avoir avisé le procureur de la République, demander à la juridiction civile d’enjoindre à l’auteur des pratiques de se mettre en conformité. Le juge pourra ainsi assortir son injonction d’une astreinte journalière ne pouvant excéder un montant égal à 5 % du chiffre d’affaires mondial hors taxes journalier moyen réalisé par le fournisseur de services concerné au cours du dernier exercice clos.

B.   quelle est la capacitÉ d’intervention rÉelle face À un phénomène en constant renouvellement ?

Cette question découle très directement du constat de la diversité des formes et du perfectionnement des fraudes dans le champ du commerce électronique. Si le droit applicable tend à conforter le rôle de la DGCCRF dans la régulation de ce secteur d’activité, la lutte menée contre les agissements délictueux parait devoir se heurter des difficultés pratiques qui tiennent aux caractéristiques et la multiplicité des pratiques qu’il s’agit de prévenir et de réprimer.

1.   Des manquements de nature variée

● De fait, la première difficulté à laquelle se heurte la lutte contre les pratiques frauduleuses dans le champ du commerce électronique réside dans leur nombre potentiel et leur diversité. Des éléments recueillis par le rapporteur, il ressort que les manquements peuvent mettre en cause l’ensemble des principes et garanties consacrés dans l’ordre public économique et peuvent relever des pratiques commerciales trompeuses énumérées par l’article L. 121-2 du code de la consommation. D’après le constat établi par les représentants d’associations de consommateurs et la DGCCRF, les fraudes peuvent porter sur des fondements essentiels de la législation sur la vente à distance, tels que :

– l’application des obligations relatives à la fourniture d’informations précontractuelles (article L. 221-5 du code de la consommation) : la DGCCRF et les associations relèvent ainsi que, sur les sites marchands, les mentions relatives à l’identité du professionnel, au délai de livraison ou encore à l’exercice d’un droit de rétractation peuvent faire défaut. En outre, le fonctionnement de certains sites ne respecte pas le formalisme propre au contrat conclu à distance en ne permettant pas de manière satisfaisante la confirmation des informations précontractuelles au stade de la validation de la commande ;

– la loyauté sur le prix pratiqué : il arrive que, dans le cadre d’opérations commerciales promotionnelles, certains sites de commerce en ligne affichent de manière plus ou moins systématique de fausses réductions au regard d’un prix de référence ;

 la conformité et la sécurité du produit : les enquêtes de la DGCCRF montrent que de nombreux vendeurs tiers utilisant les places de marché de commerce électronique prisées par les internautes en France, proposent une proportion importante de produits non conformes et présentant très souvent des risques pour les consommateurs. D’après les statistiques contenues dans l’étude d’impact du projet de loi « Sren » ([52]), en 2021, 49 % des produits contrôlés par le biais des analyses se sont révélés dangereux et 24 % des produits contrôlés, bien que sans danger, ne répondaient pas aux critères de conformité que la réglementation leur imposait. Ainsi, d’après les données des enquêtes de la DGCCRF, la proportion de produits dangereux peut être relativement importante pour des produits tels que les jouets (30 à 40 % des produits ciblés par les enquêteurs étaient dangereux), voire atteindre des niveaux inquiétants (par exemple, entre 70 et 90 % de produits dangereux dans la catégorie des bijoux fantaisie ou celle des chargeurs de téléphone).

En outre, on observe des pratiques commerciales trompeuses consistant en de fausses allégations sur les caractéristiques ou qualités du produit ou du service vendu ;

– l’exercice du droit de rétraction par les acheteurs : d’après les éléments fournis par les associations de consommateurs et la DGCCRF, certains vendeurs ne respectent pas les conditions fixées par la loi, du fait d’une interprétation extensive des exceptions légales à la reconnaissance de cette faculté.

● Si l’on ne dispose pas d’une mesure exacte des fraudes dans le champ du commerce électronique, le phénomène semble affecter de nombreux secteurs économiques.

D’après les réponses au questionnaire du rapporteur, les produits et services suscitant le plus de plaintes auprès de la DGCCRF du fait de transactions en ligne sont le transport aérien (7,5 %) ([53]), la téléphonie mobile (4,3 %), les démarches administratives (2,6 %), les vêtements (2,5 %) et les voitures d’occasion (2,5 %).

Pour sa part, l’UFC-Que choisir indique que les signalements reçus à propos de pratiques frauduleuses et délictuelles à l’occasion d’achats en ligne concernent : le secteur de la seconde main (habillement, accessoires, produits électroniques), la téléphonie mobile, le tourisme (location de véhicules, compagnies aériennes), la vente de billets de spectacle et d’événements sportifs, les achats de mobiliers et accessoires, les sites de paris sportifs, les alcools, les sites proposant des services aux particuliers pour les accompagner dans leurs démarches administratives.

2.   Des pratiques de plus en plus sophistiquées

Le second obstacle à l’efficacité de la lutte contre la fraude dans le champ du commerce électronique tient à l’inventivité des auteurs de ces pratiques et au renouvellement des modes opératoires employés pour tromper les consommateurs et les entreprises.

Selon les éléments recueillis auprès du capitaine Étienne Lestrelin, commandant de la Gendarmerie nationale dans le cyberespace, certains disposent de la capacité de contourner le système de référencement de moteurs de recherche tels que Google afin de faire figurer des sites frauduleux en tête des résultats des requêtes. Par ailleurs, les personnes auditionnées par le rapporteur signalent également l’usage de fausses images de produits en ligne facilitant la vente de produits de contrefaçon, ainsi que la multiplication des tentatives d’hameçonnage.

L’usage de procédés technologiques peut encore donner lieu à des fraudes reposant sur l’obtention et l’usage de données à caractère personnel faisant l’objet d’un traitement de la part d’une entreprise. Ces agissements peuvent affecter de nombreux types d’achats (par exemple, la réservation de séjours touristiques), ainsi que les rapports entre les banques et leurs clients (avec des moyens de paiement enregistrés sur des sites d’achat servant à la réalisation d’achats ou d’opérations bancaires indus par les auteurs de fraude). Parmi les pratiques frauduleuses les plus courantes et les plus redoutées, on trouve ainsi l’hameçonnage ou le phishing, qui consiste à obtenir du destinataire d’un courriel d’apparence légitime qu’il transmette ses coordonnées bancaires ou ses identifiants de connexion à des services financiers, afin de lui dérober de l’argent.

Selon le capitaine Étienne Lestrelin, commandant de la Gendarmerie nationale dans le cyberespace il peut arriver que des fuites de données d’établissements bancaires nourrissent des listes diffusées sur le dark web. Qu’elle résulte d’une négligence des consommateurs ou d’une sécurité défaillante des réseaux et bases de données, la fraude aux moyens de paiement présente un caractère problématique, car les banques ne remboursent pas nécessairement le préjudice. On notera par ailleurs que, contrairement aux obligations du RGPD ([54]), de nombreuses entreprises opérant en ligne ne notifient pas à la Commission nationale de l’informatique et des libertés les violations de données dont elles ont pu être victimes.

S’agissant des entreprises, la fragilité des réseaux et des systèmes d’information peut les exposer aux aléas du rançongiciel ou ransomware. Ce terme désigne une pratique des cybercriminels consistant à exploiter des failles de sécurité pour introduire des logiciels malveillants, qui bloquent l’accès à l’ordinateur ou à des fichiers en les chiffrant et permettent ensuite de réclamer à la victime le paiement d’une rançon pour obtenir la restauration des accès. La machine peut être infectée après l’ouverture d’une pièce jointe, après avoir cliqué sur un lien malveillant reçu dans un courriel, en naviguant sur des sites compromis ou encore à la suite d’une intrusion sur le système.

–  d’un effet d’ancrage (le fait d’avoir déjà eu affaire à un même type de bandeau) ;

– d’une aversion à la perte : le consommateur peut se montrer moins réticent à payer des frais supplémentaires qui apparaissent en fin de navigation, car il ne veut pas « perdre » l’objet convoité. En pratique, l’aversion à la perte peut être suscitée par des informations erronées concernant, par exemple, la durée d’une opération promotionnelle ou le nombre des produits/services encore disponibles à la vente ;

– d’une surcharge d’informations (par exemple, des frais supplémentaires camouflés dans une page surchargée d’informations en tous genres).

3.   Des auteurs aux implantations et profils très divers

● La troisième obstacle à la lutte contre la fraude dans le champ du commerce électronique tient à l’inégale capacité d’intervention des autorités de régulation face à des cybercriminels parfois difficilement identifiables et pouvant se trouver hors de la juridiction nationale.

Suivant le constat dressé par la DGCCRF et plusieurs intervenants, déterminer l’implantation géographique des acteurs du e-commerce ne va pas de soi : certains peuvent dissimuler leur lieu d’implantation grâce à des procédés techniques tels que le recours à des hébergeurs de site établis hors du territoire national ou l’usage d’un dispositif de réseau privé virtuel (logiciel VPN qui masque l’adresse IP et redirige le trafic internet). Remonter les filières implique des enquêtes longues et complexes, avec un recours à une coopération judiciaire internationale qui ne s’avère pas toujours aisée ni rapide. Des éléments transmis au rapporteur, il ressort que l’origine géographique des vendeurs peut varier suivant les plateformes. Même certaines plateformes françaises abritent une forte proportion de vendeurs non européens.

D’après les réponses de la DGCCRF au questionnaire du rapporteur, les enquêtes relatives aux fraudes dans le champ du commerce électronique montrent que les produits mis en cause à ce titre proviennent fréquemment de pays situés hors de l’Union européenne (notamment d’Asie du Sud-Est).

● Au-delà, les profils des auteurs de fraude peuvent être très divers : il peut s’agir, selon les cas et la gravité des faits constatés, d’entrepreneurs individuels ou de réseaux mafieux aux ramifications internationales. Suivant l’état des lieux dressé par la DGCCRF, les fraudes peuvent être le fait :

– de professionnels novices dans le commerce en ligne mais peu au fait du droit applicable. Ils sont établis généralement sur le territoire national ou dans l’Union européenne ;

– de professionnels avertis, domiciliés ou domiciliant le siège social de leur société à l’étranger (hors Union européenne). Susceptibles de détenir de multiples comptes bancaires et utilisant également des comptes de services de paiement comme Shine ou Stripe, ils sont beaucoup plus difficiles à identifier et leur activité est particulièrement volatile (changement du lieu du siège social, fermeture du site repéré comme frauduleux et réouverture d’un autre avec les mêmes anomalies).

II.   une action dont l’efficacitÉ nÉcÉssite des capacitÉs opÉrationnelles et des relais en France et À l’ÉTRANGER

À bien des égards, le développement de la lutte contre les fraudes dans le champ du commerce électronique n’appelle pas seulement l’édiction de nouvelles normes juridiques. Il suppose tout autant la mobilisation de ressources humaines et matérielles dans le cadre d’une action publique raisonnée. Comme précédemment observé, la régulation du développement de l’économie numérique figure parmi les priorités qui structurent la feuille de route des actions de la DGCCRF. Le quatrième axe du programme national des enquêtes de 2023 affiche ainsi l’objectif « Investiguer et réguler les pratiques des acteurs de l’économie numérique ».

Les éléments recueillis auprès des personnes auditionnées portent à conclure que la lutte contre les pratiques frauduleuses dans le champ du commerce électronique fait partie des enjeux identifiés pour le bon accomplissement des missions de régulation de la direction. Si la volonté ne fait pas défaut, il apparait en revanche nécessaire de créer les conditions pour que ses interventions prennent toute leur portée. À l’évidence, la réalisation d’un telle ambition suppose de répondre à deux besoins : d’une part, conforter les moyens et la visibilité de la DGCCRF auprès du public ; d’autre part, développer les coopérations dans un cadre de régulation globale.

A.   des ressources nÉcessaires pour donner à la dgccrf les moyens de la lutte contre les pratiques frauduleuses

Au regard des éléments recueillis par le rapporteur, la question posée est celle des moyens dont dispose la DGCCRF pour mener des missions de régulation et pour assurer l’information des consommateurs.

1.   Dimensionner les ressources humaines et matérielles au regard des difficultés de la lutte contre les fraudes dans le commerce électronique

De fait, l’ensemble des analyses développées dans le cadre des auditions portent à s’interroger sur l’adéquation entre, d’une part, les effectifs dont dispose la DGCCRF pour réguler le commerce électronique et, d’autre part, la multiplicité et le nombre potentiel des fraudes dans ce secteur. S’ils reconnaissent la qualité de l’action de ses agents, la plupart des intervenants estiment que les ressources humaines de la direction demeurent sous-dimensionnées.

Pour beaucoup, le contrôle du secteur du e-commerce repose sur les équipes et les moyens du Centre de surveillance du commerce électronique (CSCE). Établi à Morlaix (Côtes d’Armor), il est formé de « cyber-enquêteurs » chargés de surveiller les sites de commerce électronique. Ces derniers peuvent recevoir le soutien d’autres cyber-enquêteurs répartis sur l’ensemble du territoire afin d’intervenir auprès des sièges des entreprises dont les sites ne sont pas conformes à la réglementation. D’après les informations publiées par le Gouvernement, les effectifs du centre s’élèveraient à près de soixante-dix agents.

Le Centre assume deux missions :

– une mission de veille « généraliste », technologique ou commerciale, ayant pour finalité d’anticiper les problèmes soulevés par la commercialisation de nouveaux produits ou services et d’identifier les secteurs qui génèrent des litiges récurrents de fonctionnement ;

une mission de « veille/contrôle », déclinée par secteurs ou activités, répartie sur l’ensemble des enquêteurs : d’après les informations recueillis, les enquêteurs assurent cette « veille/contrôle » permanente auprès des intervenants de quatorze grands secteurs d’activité liés au développement de l’internet ou fortement présents sur le web marchand.

Comme précédemment indiqué, la programmation pour 2024 comporte la création de postes à hauteur de deux équivalents-temps plein qui, selon le projet annuel de performances, seraient affectés au service numérique. Les éléments dont dispose le rapporteur ne permettent pas d’établir dans quelle mesure ce choix contribuera à une amélioration des conditions de la lutte contre les fraudes dans le commerce électronique. Aussi, il invite le Gouvernement à s’assurer de la capacité du Centre de surveillance du commerce électronique (CSCE) à contribuer à la lutte contre les fraudes dans le champ du commerce électronique, si besoin par un renforcement de ses effectifs et de ses ressources.

Recommandation n° 1 : Assurer la capacité du Centre de surveillance du commerce électronique (CSCE) à contribuer à la lutte contre les fraudes dans le champ du commerce électronique.

2.   Soutenir le développement des actions de communication et d’information avec le public

Ainsi qu’il ressort des analyses développées par plusieurs intervenants, un des enjeux de la lutte contre les fraudes dans le champ du commerce électronique réside dans la capacité des autorités de régulation à sensibiliser les consommateurs aux risques encourus dans les achats et ventes en ligne.

D’après les éléments recueillis par le rapporteur, l’action de la DGCCRF en la matière repose sur deux fondements.

● D’une part, la direction propose au public des services d’information et de recueil de signalement en ligne ou par téléphone qui traitent de questions relatives au droit de la consommation en général.

Il s’agit, en premier lieu, de SignalConso. Déployé à l’échelle nationale depuis février 2020, le service se présente comme une plateforme permettant aux consommateurs de signaler des anomalies rencontrées dans leurs actes de consommation et d’obtenir des conseils afin d’agir. Les signalements et demandes d’information peuvent concerner aussi bien les transactions réalisées dans le cadre du commerce électronique que dans un commerce physique. Il peut être conçu comme un service de règlement amiable des litiges, dans la mesure où les anomalies signalées sont portées à la connaissance des professionnels qui en seraient à l’origine et que ceux-ci peuvent répondre aux consommateurs.

D’après les réponses au questionnaire du rapporteur, le nombre des signalements déposés sur SignalConso a dépassé les 600 000. Sur les 200 000 signalements reçus depuis le début de l’année 2023, la moitié concernerait des anomalies rencontrées sur internet, notamment dans l’achat de produits (73 000 signalements).

Il convient, en second lieu, d’évoquer RéponseConso. Crée en 2020, le dispositif se présente comme un service national destiné à répondre, par téléphone, courrier ou internet, aux questions des consommateurs qui rencontrent une difficulté lors d’un acte d’achat ou s’interrogent sur un point de droit avant d’acheter. Les agents de la DGCCRF peuvent également orienter les personnes qui sollicitent le service vers d’autres interlocuteurs en cas de litige. Le service centralise les réponses à l’échelle nationale à des fins d’harmonisation.  Rattaché à l’École nationale de la concurrence, consommation et répression des fraudes (ENCCRF) et implanté à Montpellier, RéponseConso emploie 40 agents, dont 20 sont affectés sur le site de Montpellier et 20 sont hébergés dans des directions départementales ou pôles C des Dr(i)eets.

Sous réserve d’une évaluation plus approfondie, ces deux services paraissent de nature à contribuer à une certaine pédagogie en ce qui concerne le commerce électronique. Du reste et comme observé par plusieurs personnes auditionnées, ils offrent à la DGCCRF une capacité d’expertise et d’anticipation : SignalConso permet d’identifier des manquements de professionnels susceptibles de générer des litiges sériels, par l’accumulation et le recoupement d’informations dans une même base de données ; en accédant à l’ensemble des signalements, les agents de la DGCCRF peuvent déclencher des enquêtes lorsque les faits revêtent une particulière gravité, lorsque les professionnels concernés ne donnent aucune suite ou lorsque de nombreux signalements portent sur les agissements d’un même professionnel.

Toutefois, il ressort des réponses apportées par certaines associations de consommateurs que subsiste la question des effectifs affectés à ses services.

Le schéma d’emploi de la DGCCRF pour 2024 comporte la création de deux équivalents temps-plein destinés à SignalConso. Compte tenu du rôle joué par un tel dispositif, le rapporteur préconise de poursuivre le renforcement de ses effectifs, ainsi que ceux de RéponseConso, afin de conforter la capacité d’écoute et d’intervention de la DGCCRF dans la régulation du commerce électronique.

Recommandation n° 2 : Renforcer les effectifs affectés aux dispositifs SignalConso et RéponseConso afin de conforter la capacité d’expertise et d’intervention de la DGCCRF dans la lutte contre les pratiques frauduleuses affectant le commerce électronique.

● D’autre part, la DGCCRF mène des actions de communication périodiques, à des fins de mise en garde des consommateurs contre les pratiques délictueuses ou frauduleuses affectant le commerce en ligne. Ces actions visent également à rappeler aux professionnels leurs obligations.

D’après les éléments communiqués au rapporteur, ces actions de communication peuvent prendre plusieurs formes et avoir des supports multiples :

– l’édition de guides et de fiches pratiques sur la vente (première édition 2015) et l’achat (2016) en ligne et les arnaques (2021) ;

– la publicité diffusée sur internet et sur les réseaux sociaux de la DGCCRF informant sur les enquêtes touchant à la protection du consommateur en ligne, ainsi qu’aux injonctions et sanctions prononcées dans l’exercice de ses pouvoirs de régulation (à l’encontre de grandes plateformes, de simples sites internet ou plus récemment d’influenceurs) ;

– la diffusion de messages sur les réseaux sociaux.

D’après les éléments communiqués au rapporteur, la DGCCRF conçoit la publicité donnée à des affaires médiatiques (telles que l’amende transactionnelle infligée à l’influenceuse Nabilla Benattia-Vergara ([55]) ou le déréférencement du site wish.com) comme des éléments de pédagogie.

Dans le cadre de sa communication numérique, la DGCCRF diffuse des messages à l’occasion de grandes périodes de consommation (les fêtes de fin d’années, la fête des mères, les vacances d’été, la rentrée scolaire, ainsi que le « Black Friday » etc.). Ces messages comprennent ainsi des conseils relatifs à la consommation en ligne. Accentuant cet effort de sensibilisation, elle va produire cette année plusieurs contenus originaux sur le thème des « dark patterns », dont une émission de télévision coproduite avec l’Institut national de la consommation (INC).

Malheureusement, les éléments recueillis par le rapporteur ne permettent pas mesurer l’audience des différents supports de communication mobilisés par la DGCCRF. On ne peut que se féliciter de ce que cette dernière investisse les nouveaux médias et les réseaux sociaux afin de véhiculer ses messages de prévention et ses conseils. Comme précédemment observé, les jeunes s’imposent comme la classe d’âge la plus consommatrice des biens et services proposés dans le cadre du commerce en ligne. Le choix du vecteur de la communication numérique apparait donc pertinent au regard de la propension de ce public à délaisser des médias plus généralistes.

Il n’en demeure pas moins nécessaire de préserver un effort de pédagogie à l’égard de l’ensemble des classes d’âge dès lors que le commerce électronique occupe une place croissante dans les usages de consommation. Du reste et suivant la remarque du capitaine Étienne Lestrelin, certains messages de sensibilisation émanant de services publics peuvent comporter trop d’anglicismes, parfois incompris d’utilisateurs inexpérimentés.

Aussi le rapporteur invite la DGCCRF à poursuivre ses actions de sensibilisation sur les fraudes affectant le commerce électronique en veillant à ce que les supports de communication utilisés s’adressent à l’ensemble des publics.

Recommandation n° 3 : Encourager la DGCCRF à poursuivre ses actions de sensibilisation sur les fraudes affectant le commerce électronique et à recourir à des supports de communication adaptés à l’ensemble des publics.

B.   un approfondissement utile des coopÉrations pour une participation efficace à un cadre de régulation globale

Compte tenu du caractère évolutif et de la dimension transnationale du phénomène, l’efficacité de la lutte contre les fraudes affectant le commerce électronique suppose d’approfondir les démarches de coopération et d’intervention concertées dont la DGCCRF peut être partie prenante. Du point de vue du rapporteur, cette nécessité suppose de conforter les instruments et instances permettant l’échange de signalements et d’informations avec les autres acteurs de la lutte contre les fraudes, qu’ils soient publics ou privés.

1.   Une poursuite indispensable des coopérations avec les administrations et institutions publiques aux échelles nationale et européenne

● À l’échelle nationale, l’enjeu demeure fondamentalement d’assurer la coordination des différents acteurs de la lutte contre les fraudes dans le champ du commerce électronique. Dans une certaine mesure, la transposition prochaine du règlement sur les services numériques (Digital Services Act, DSA) devrait conforter la compétence de la DGCCRF au plan institutionnel. Il n’en demeure pas moins que la lutte contre les fraudes affectant le commerce électronique peut relever, en pratique, de la compétence d’un certain nombre de services et opérateurs de l’État.

En l’état, la DGCCRF dispose de plusieurs cadres d’échanges spontanés d’informations avec d’autres administrations et des services de police judiciaire. Il en va ainsi avec la direction générale des Finances publiques (DGFIP) et la et la direction générale des Douanes et Droits indirects (DGDDI), qui peuvent spontanément échanger des informations et documents obtenus dans le cadre de leurs missions respectives. En vertu de la loi sur le pouvoir d’achat du 16 août 2022 ([56]), les agents de la DGCCRF peuvent échanger avec les officiers de police judiciaire sur l’ensemble de leurs missions respectives.

En conséquence des décisions prises par le Gouvernement dans le contexte sanitaire provoqué par l’épidémie de covid-19, il existe aujourd’hui une task force nationale de lutte contre les fraudes et arnaques ([57]). Pilotée par la DGCCRF, cette instance réunit plusieurs partenaires, dont les représentants de Cybermalveillance.gouv.fr, plateforme gérée par le groupement d’intérêt public Acyma (GIP Acyma). Elle vise à maintenir les échanges de signalements et d’informations en vue d’une réaction rapide contre les fraudes exploitant l’incertitude et la fragilité économiques induites par la crise. D’après les réponses de la DGCCRF au questionnaire du rapporteur, cette task force propose un guide pour se prémunir contre les fraudes et les arnaques.

En soi, les éléments recueillis ne permettent pas d’apprécier les conditions de fonctionnement opérationnel de cette instance. Même si elle a une vocation généraliste, son existence ne parait pas moins de nature à répondre au besoin de coordination de l’action de l’État face à des fraudes multiformes et en constant renouvellement. Dès lors, le rapporteur préconise de conforter le rôle de la task force nationale de lutte contre les fraudes et arnaques dans la conduite de la lutte contre les fraudes affectant le commerce électronique.

Recommandation n° 4 : Conforter le rôle de la task force nationale de lutte contre les fraudes et arnaques dans la coordination et la conduite de l’action de l’État contre les fraudes affectant le commerce électronique.

Au-delà, il importe d’assurer l’accès et la visibilité des différents dispositifs de déclaration des fraudes susceptibles d’affecter les achats et les ventes en ligne, dont SignalConso. Il existe plusieurs outils destinés à recueillir les signalements et à proposer des informations en ce qui concerne les transactions opérées dans le cadre du commerce en ligne. En dehors de SignalConso, il convient de citer :

– Cybermalveillance.gouv.fr : géré par le GIP Acyma, la plateforme vise à assister les particuliers, les entreprises, les associations, les collectivités et les administrations victimes de cybermalveillance et à les informer sur les menaces numériques et les moyens de s’en protéger. La plateforme propose des diagnostics et des conseils et peut orienter vers des prestataires spécialisés ;

– Perceval : développé sous l’égide du ministère de l’intérieur, le service permet de signaler une fraude à la carte bancaire ;

– Thesee : développé par le ministère de l’intérieur, il s’agit d’un service de dépôts de plaintes relatives aux agissements relevant d’arnaques sur internet – par exemple, le piratage de messagerie électronique et de compte de réseau social, l’escroquerie aux sentiments, l’escroquerie aux petites annonces (faux acheteurs, faux vendeurs, fausses locations), le chantage en ligne, la demande de rançon pour débloquer un ordinateur (ransomware), la fraude liée aux faux sites de vente, etc.

La cohabitation de plateformes et d’outils distincts s’explique par la répartition des compétences entre services de l’État et la spécificité des enjeux de politique publique (tels que la sécurité des systèmes d’information, la défense des consommateurs, la prévention et la répression des fraudes bancaires, etc.).

Une telle situation parait source de complexité et peut conduire à s’interroger sur l’utilité d’organiser un guichet unique des sites internet de déclaration des fraudes. Dans cet esprit, il pourrait être pertinent d’envisager un regroupement de l’accès aux plateformes par le biais d’un point d’accès centralisé associé à la redirection vers la plateforme correspondant à la situation rencontrée par les usagers. Du point de vue du rapporteur, une telle solution mériterait d’être examinée en ce qui concerne les dispositifs de recueil et de traitement des signalements qui relèvent de la DGCCRF.

Recommandation n° 5 : Envisager un regroupement de l’accès aux plateformes susceptibles de recueillir le signalement de fraude dans le cadre d’un achat ou d’une vente en ligne par le biais d’un point d’accès centralisé associé à la redirection vers la plateforme correspondant à la situation rencontrée par les usagers.

● À l’échelle internationale, il s’agit d’exploiter pleinement les instances et procédures susceptibles de permettre l’échange d’informations, voire des actions concertées, contre des fraudes dépassant la seule juridiction nationale.

Au sein de l’Union européenne, il existe aujourd’hui un réseau de coopération des autorités de contrôle chargées de la protection des consommateurs. Organisé sur le fondement du règlement UE 2017/2394 du 12 décembre 2017 ([58]), il vise à faciliter la détection et la lutte contre les infractions à la législation européenne en matière de protection des consommateurs, lorsqu’elles sont de nature transfrontière, c’est-à-dire impliquant au moins deux États.

Au titre de l’assistance mutuelle, ce réseau européen de coopération administrative donne la possibilité aux États qui en sont membres ([59]) de s’adresser des demandes de coopération, des demandes d’informations et des demandes de mesures d’exécution. Dans ce cadre, un État-membre dont les consommateurs seraient ou pourraient être victimes des pratiques d’un professionnel établi sur le territoire d’un autre État-membre peut interroger l’autorité homologue sur l’identité, les activités ou les pratiques commerciales de ce dernier et, le cas échéant, demander la cessation des pratiques lorsqu’elles sont avérées. D’après les éléments transmis au rapporteur, la DGCCRF a effectué 21 demandes de mesures d’exécution aux autorités compétentes entre 2022 et 2023 et en a reçu 12 sur la même période. Les demandes reçues par la DGCCRF se concrétisent par des mises en enquête sur le territoire national.

Le réseau européen offre également un cadre d’information mutuelle dans le cadre d’un dispositif d’alerte, en cas de soupçon d’infraction à la législation européenne en matière de protection économique du consommateur commise par un professionnel, dont les pratiques seraient ou pourraient être préjudiciables aux droits et intérêts des consommateurs à l’échelle de plusieurs États de l’Union.  Les alertes peuvent aboutir au déclenchement d’actions communes, dites « coordonnées », ayant pour objectif d’obtenir de façon négociée des engagements des professionnels afin qu’ils mettent leurs pratiques commerciales en conformité avec la législation européenne.

Par ailleurs, chaque année, sous l’impulsion de la Commission européenne, les services de contrôle des États-membres du réseau se concertent afin de réaliser des opérations dites « coup de balai », qui consistent à effectuer simultanément des contrôles portant sur des thématiques ciblées. Les contrôles sont opérés en ligne pendant une période concertée par les cyber-enquêteurs issus des autorités des États‑membres. Pour ce qui concerne la DGCCRF, ces contrôles sont effectués par la cellule numérique du Service national des enquêtes (SNE). En 2023, l’opération « coup de balai », qui se déroulera cet automne, portera sur les pratiques commerciales des influenceurs.

2.   Une expérience des associations de consommateurs à mieux valoriser ?

De fait, les relations existantes entre la DGCCRF et le « milieu consumériste » ne semblent pas nécessairement permettre de tirer parti de l’expertise dont peuvent disposer les associations par leur proximité avec les victimes des fraudes affectant le commerce électronique. En l’absence d’éléments quant aux modalités de consultation sur l’établissement du programme national d’enquête, rien n’assure en effet que les discussions avec les associations contribuent à un échange d’informations sur ce sujet spécifique. Dès lors, il peut être utile de créer les conditions d’un dialogue plus fréquent sur les enjeux de protection du consommateur qui découlent de la croissance des achats et des ventes en lignes.

Même si la participation à son fonctionnement peut présenter un caractère chronophage, le Conseil national de la consommation pourrait fournir un cadre à ce partage d’expertise. Créé par le décret n° 83-642 du 12 juillet 1983 ([60]) et placé auprès du ministre chargé de la consommation, ce Conseil se présente comme un organisme paritaire consultatif. Il est formé de représentants des associations de défense des consommateurs agréées, de représentants des organisations professionnelles les plus représentatives des activités industrielles, commerciales, artisanales et agricoles et de services privés ainsi que d’entreprises assurant des missions de service public, ainsi que de membres de droit. La DGCCRF assure les réunions du Conseil, sous l’autorité du ministre.

Une telle formation donne au CNC une certaine légitimité et la compétence pour appréhender l’ensemble des enjeux relatifs au commerce électronique. Le rapporteur préconise donc d’organiser un groupe de travail entre la DGCCRF et les associations de consommateurs dans le cadre du CNC.

Recommandation n° 6 : Organiser un groupe de travail entre la DGCCRF et les associations de consommateurs dans le cadre du Conseil national de la consommation

 En somme, les travaux du rapporteur portent à conclure que l’arsenal législatif et réglementaire présente un caractère relativement complet et la Dgccrf dispose de moyens et d’une expertise significatifs pour lutter contre les fraudes affectant le commerce électronique. Il importe de consolider ces acquis, non seulement par une adaptation de ces ressources aux menaces mais encore par l’actualisation des connaissances en la matière.

Cet avis pourrait ainsi être utilement approfondi car la lutte contre les fraudes dans le champ du commerce soulève de nombreux enjeux qui ne pouvaient être valablement examinés dans le temps imparti à son élaboration. Le rapporteur appelle notamment à mieux mesurer la nature et l’importance des préjudices subis, cette question devant permettre d’établir des modalités de réparation des préjudices plus adaptés, notamment dans les rapports entre les particuliers et les banques.

 

 


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EXAMEN EN COMMISSION

 

Au cours de sa seconde réunion du mercredi 18 octobre 2023, dans le cadre de l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024, la commission des affaires économiques a examiné pour avis, sur le rapport de M. Philippe Bolo, les crédits de la mission « Économie », en ce qui concerne les entreprises.

M. le président Guillaume Kasbarian. Chers collègues, nous achevons cet après‑midi l’examen de la seconde partie du projet de loi de finances (PLF) pour 2024 par la présentation des cinq avis relatifs à la mission Économie. Après avoir consacré notre réunion d’hier aux avis sur le tourisme et sur l’économie sociale et solidaire, il nous reste à étudier les avis Entreprises, Communications électroniques et économie numérique et Commerce extérieur. Les amendements rattachés à ces trois thématiques seront présentés et soumis au vote à l’issue de chaque discussion générale les concernant. En revanche, les crédits Économie ne pourront être votés qu’après l’avis sur le Commerce extérieur. La discussion des amendements se rattachant à la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales n’ayant pu être achevée ce matin, elle se poursuivra après le vote de la mission Économie. Si nécessaire, nous pourrions être conduits à nous réunir à vingt et une heures trente. Nous débutons par l’avis budgétaire sur les entreprises, présenté par Philippe Bolo.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Chers collègues, il me revient de vous présenter le rapport pour avis du programme 134 relatif au développement des entreprises et aux régulations, qui s’articule autour de deux objectifs : premièrement, favoriser le développement de la compétitivité des entreprises et un environnement économique propice à la croissance et à l’emploi ; deuxièmement, la régulation et la sécurisation des marchés économiques et la protection des consommateurs.

Ma présentation sera organisée en deux temps. La première partie portera sur le rapport budgétaire, afin d’analyser les grandes lignes du programme 134 et de ses principales évolutions. La deuxième partie sera thématique et consacrée à la protection des consommateurs. J’ai choisi de me concentrer sur la question des moyens et de l’action de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) pour lutter contre la fraude dans le champ du commerce électronique.

Sur les grandes lignes de la programmation 2024 du programme 134, j’ai retenu sept points clés. Le premier point, c’est de ne pas se fier aux apparences. En effet, il y a un effet d’optique qui laisse accroire que l’on est face à une contraction budgétaire du programme. Elle n’est qu’apparente et s’explique en particulier par la diminution des crédits de l’action 23. Le programme 134, dans la loi de finances initiale de 2023, se chiffrait à 6,3 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et crédits de paiement (CP), alors que ces mêmes montants sont de 2,9 milliards d’euros et de 2,6 milliards d’euros pour la programmation 2024, soit des baisses de 53 % et 58 %.

En réalité, cela s’explique par l’évolution de l’action 23 qui héberge plusieurs dispositifs « contextuels ». Elle avait ainsi hérité des aides aux entreprises énergo-intensives en réponse à la crise ukrainienne à hauteur de 4 milliards d’euros – un dispositif qui disparaît. Cette action 23 n’est pas sacrifiée pour autant puisque, abstraction faite des aides de conjoncture pour 2023, elle augmente de 36 % en AE et de 33 % en CP grâce à une dynamique de renforcement des crédits d’intervention destinés à la compensation carbone, et ce pour deux principales raisons : premièrement, la hausse des prix du quota carbone de 55 % entre 2022 et 2023 ; deuxièmement, l’évolution du mode de calcul en vigueur.

Troisième point : le programme 134 répond à une logique conjoncturelle liée à l’environnement économique de la France. Deux mesures sectorielles méritent d’être signalées car elles répondent à un certain nombre de besoins : il s’agit premièrement du développement de l’accessibilité des établissements recevant du public (ERP), notamment pour l’accompagnement des petits commerces et les établissements du quotidien que sont les bars, les cafés et les restaurants, grâce à 50 millions d’euros en AE, avec pour objectif d’accroître l’accessibilité de ces ERP  dans la perspective des JO de 2024 ; le soutien aux métiers d’art par le développement des PME, avec une enveloppe d’environ 2 millions d’euros.

Quatrième point : les dépenses en personnel augmentent de 3,97 % en comparaison de la loi de finances initiale de 2023, ce qui correspond à 119,32 millions d’euros en AE et en CP, les plafonds d’emploi étant portés à 1 229 équivalents temps plein (ETP) travaillés.

Cinquième point : les crédits de l’action 04, qui porte sur le développement des postes, des télécommunications et du numérique, sont en baisse de 0,53 % en AE et de 0,82 % en CP. Cela traduit-il pour autant une forme de résignation face à la trajectoire défavorable du flux de courrier ? Pas exactement, parce que, là aussi, il faut savoir regarder les chiffres non dans leur globalité mais sur leur tendance pluriannuelle. 2022 et 2023 ayant été marquées par des hausses significatives, en réalité, les moyens stagnent. Le soutien à La Poste va prendre trois formes. Ce seront 500 millions d’euros pour le service postal universel contre 520 millions d’euros dans le cadre de la loi de finances initiale de 2023 – il s’agit d’une légère diminution. Deux autres points connaissent au contraire une augmentation : le rôle de La Poste dans l’aménagement du territoire va être renforcé, le soutien passant de 74 millions d’euros en AE à 105 millions d’euros en AE en 2024 ; les aides au transport de presse sont également augmentées.

Sixième point : la réduction du volume des dépenses fiscales – on les examine peu souvent mais il s’agit d’une diminution de recettes qui méritent d’être signalées. Le programme 134 comprend soixante et onze dépenses fiscales associées, pour un montant de 8,1 milliards d’euros en 2023 qui passe à 7,3 milliards d’euros en 2024, soit une baisse de 10 % qui équivaut à des recettes supplémentaires pour l’État. Cela étant, ce chiffre masque des évolutions contrastées. Certaines dépenses fiscales sont à la hausse, notamment tous les dispositifs de TVA réduite en soutien au tourisme et à la restauration. En revanche, d’autres – mais qui représentent peu en masse – enregistrent une baisse : il s’agit – je les ai évoquées des aides aux entreprises énergo-intensives qui viennent à disparaitre.

Le septième et dernier point que je voulais vous signaler concerne les trois autorités indépendantes de régulation : l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep), l’Autorité de la concurrence et la DGCCRF. Quelle que soit l’autorité, vous remarquerez que les chiffres sont à la hausse dans des proportions variables : en AE, + 5 % pour l’Arcep, + 80 % pour l’Autorité de la concurrence et + 4,65 % pour la DGCCRF. S’agissant de l’Arcep, la hausse est tendancielle, liée à l’augmentation des dépenses de personnel et des dépenses de fonctionnement. L’augmentation de 80 % pour l’Autorité de la concurrence correspond à un effet important du renouvellement des baux des bâtiments que l’Autorité occupe. Quant à la DGCCRF, c’est l’effet de l’augmentation des dépenses de personnel de 4,65 % en autorisations d’engagement, le plafond d’emplois étant relevé à 58 équivalents temps plein travaillés.

Je formule un certain nombre d’observations à propos de la programmation budgétaire. Nous devons veiller à l’adéquation des ressources humaines et de l’accomplissement des missions entrant dans le périmètre de ces différentes autorités administratives, lequel aurait tendance à s’accroître au fil des années, pour des raisons contextuelles, législatives et réglementaires. Un seul exemple – même s’il ne concerne pas directement la DGCCRF : le filtre anti‑arnaque, que nous avons voté hier dans le cadre de l’examen du projet de loi sur la régulation de l’espace numérique (SREN), vient augmenter le volume des travaux. Cela mérite d’être regardé avec attention.

Pour toutes les raisons que j’ai exposées, je donnerai un avis favorable aux crédits du programme 134.

J’en viens au rapport thématique, qui porte sur les moyens et l’action de la DGCCRF pour lutter contre les fraudes dans le champ du commerce électronique, qui ne cesse de s’élargir. Ce mouvement est dû, d’une part, au nombre toujours plus grand de personnes connectées et, d’autre part, à des améliorations technologiques, les débits étant meilleurs et plus forts. Il faut également prendre en compte les nouveaux usages de consommation qui viennent conforter le commerce électronique. Si ce développement est une bonne chose du point de vue de l’économie, il s’accompagne de pratiques délictueuses et frauduleuses. J’en veux pour preuve l’évolution de l’activité de la plateforme Thesee – traitement harmonisé des enquêtes et signalements pour les e-escroqueries – a été lancée en mars 2022. Mi-octobre 2022, elle avait reçu 60 000 déclarations. Cela montre l’importance du phénomène ! Si rien n’est fait, la confiance dans l’économie numérique risque de se déliter.

Les auditions que nous avons menées pour établir ce rapport thématique m’ont conduit à faire trois constats. Premièrement, bien que nous disposions d’un cadre juridique qui a le mérite d’exister et sur lequel peut s’appuyer la DGCCRF, celui-ci présente des limites face aux cibles et aux modalités très évolutives des pratiques frauduleuses. Au niveau national, la DGCCRF peut s’appuyer sur la loi pour la confiance dans l’économie numérique de 2004 et, au niveau européen, sur deux directives, celle de 2005 sur les pratiques commerciales déloyales et celle de 2011 sur le droit des consommateurs. N’oublions pas que l’application du règlement DSA – pour Digital Services Act – d’octobre 2022 viendra réguler et modifier un certain nombre de choses dans ce paysage juridique.

Deuxièmement, j’ai pu vérifier que les pouvoirs d’action confiés à la DGCCRF sont pertinents pour l’exercice de ses compétences. Son premier pouvoir est le pouvoir d’enquête et d’inspection qui consiste à rechercher les infractions et les manquements. Son deuxième pouvoir est celui des procédures d’injonction, qui vise à ordonner aux opérateurs de cesser les pratiques illicites dans un délai fixé, avec la possibilité d’associer ces injonctions d’astreintes journalières, de mesures de publicité, et en dernier lieu, la possibilité d’un déréférencement et d’un blocage des noms de domaine pour ceux qui ne suivraient pas les injonctions qui leur seraient adressées. Son troisième pouvoir est d’infliger des amendes administratives.

Troisièmement, il m’apparaît important d’accroître la portée des instruments à la disposition de la DGCCRF. La mise en œuvre de l’arsenal existant se heurte à la multiplicité des pratiques et à leurs évolutions – que vous connaissez. Il s’agit d’infractions en matière d’informations précontractuelles insuffisamment portées à la connaissance des clients en ligne. Ce peut être également l’absence de loyauté des prix ou l’absence de conformité ou de sécurité des produits. Je souligne que ces pratiques sont de plus en plus sophistiquées mais vous en avez sans doute fait vous-même l’expérience. Par différents procédés, des personnes viennent ainsi vers vous sous de fausses identités. Vous pouvez recevoir des mails d’hameçonnage et arriver sur de faux sites internet, qui cherchent à détourner vos données personnelles, notamment bancaires, pour alimenter des bases de données sur le dark web, où des pirates les achèteront et feront des achats sur votre compte. Ce sont malheureusement des pratiques assez répandues…

D’autres pratiques viennent influencer les consommateurs sur les sites marchands, en leur disant qu’il ne reste plus que quelques articles à acheter ou quelques minutes avant la fin de la promotion. Des termes anglo-saxons existent pour définir ces pratiques, que je ne donnerai pas, pour la simple et bonne raison que, lors des auditions, il nous a été signalé que la difficulté à comprendre les phénomènes en question venait parfois de ces anglicismes inconnus. Ce sont aussi les rançongiciels dont vous avez entendu parler. Qui plus est, l’origine géographique des actes en question modifie sensiblement notre capacité à réagir.

Pour faire face à ces pratiques malfaisantes, mon rapport mentionne six recommandations. Première recommandation : renforcer les moyens humains du Centre de surveillance du commerce électronique (CSCE). Deuxième recommandation : renforcer la capacité de traitement des déclarations remontées par SignalConso et Réponse Conso. Troisième recommandation : renforcer les actions de communication et de sensibilisation, en les adaptant soigneusement à tous les publics et en évitant les anglicismes. Il y a là un enjeu très important ! Vous avez de jeunes publics – par exemple la « génération Z » – très habitués à réaliser des achats en ligne qui vont nécessiter des opérations de sensibilisation très différentes de celles destinées à des publics qui viennent plus occasionnellement sur le net faire des achats et qui peuvent être confrontés à ces pratiques. Il faut adapter la communication dans les mots utilisés et – je l’ai dit – éviter les anglicismes. Quatrième recommandation : conforter le rôle de la task force nationale de lutte contre les fraudes et les arnaques. Cinquième recommandation : envisager un point d’accès unique à Thesee, Perceval, cybermalveillance.gouv.fr et SignalConso, qui permettrait au consommateur victime de malveillance d’être orienté vers le bon portail. Sixième recommandation : l’interfaçage de la DGCCRF et des associations de consommateurs semble être une bonne chose, dans le cadre du Conseil national de la consommation, pour faire remonter à la DGCCRF des informations détenues par les associations qui représentent les consommateurs. Je vous remercie !

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous passons aux orateurs des groupes.

M. Alexis Izard (RE). Les crédits de la mission Économie reflètent une fois de plus le caractère essentiel accordé par le Gouvernement et notre majorité au développement de nos entreprises, aux opportunités d’emplois qui en découlent et à la croissance de notre pays. Par ailleurs – le rapporteur l’a rappelé –, ce programme vise également à réguler et à sécuriser des marchés économiques, ainsi qu’à protéger les consommateurs – ce dernier point est particulièrement essentiel dans le contexte de multiplication des sites d’e-commerce et il fait écho à nos récents travaux dans le cadre de l’examen du « projet de loi SREN » qui vise à protéger nos concitoyens des pratiques frauduleuses en ligne. C’est d’ailleurs le point sur lequel le rapporteur a choisi de concentrer son travail et je ne peux que partager ses conclusions visant à accroître nos moyens de lutte contre des fraudes en ligne qui ne cessent de se multiplier, d’évoluer, de se réinventer.

Pour ma part, j’aimerais saluer l’effort conséquent qui a été une nouvelle fois consenti, afin de permettre à nos entreprises de développer leur compétitivité. Ainsi, l’action 23 Industries et services connaît des montants en hausse, avec 35 % de crédits supplémentaires en autorisations d’engagement et 32 % crédits supplémentaires en crédits de paiement par rapport à l’an passé. Dans un contexte où nous tâchons de soutenir activement notre réindustrialisation et notre souveraineté industrielle – je pense naturellement au texte sur l’industrie verte –, on note une croissance soutenue des crédits d’intervention visant à accompagner nos sites électro-intensifs dans leur développement et leur activité, tout en s’adaptant aux exigences du marché carbone européen. De même, les crédits alloués au développement des jeunes entreprises démontrent, s’il le fallait, la volonté renouvelée du Gouvernement de parier sur les entreprises innovantes de demain et d’encourager leur développement.

Je terminerai simplement mon propos par une petite alerte. Nous constatons une baisse des crédits alloués à la transmission de nos entreprises. M. le rapporteur a parfaitement expliqué le caractère optique de certaines baisses, mais je souhaitais souligner qu’à l’heure où 25 % de nos chefs d’entreprise ont plus de 60 ans, où près de 700 000 entreprises seront à céder dans les dix prochaines années, nous allons devoir absolument allouer les moyens nécessaires à ce sujet crucial. Il en va de notre souveraineté, de la préservation de nos compétences et du maintien de l’emploi sur nos territoires.

Malgré cette alerte et dans un contexte où nous devons continuer à soutenir nos entreprises, le Gouvernement prend ses responsabilités. C’est pourquoi le groupe Renaissance soutiendra bien entendu l’adoption des crédits de cette mission.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Au-delà du programme 134 qui a un périmètre très particulier – j’avais comme vous perçu la baisse du soutien à la transmission –, d’autres programmes contribuent au soutien des entreprises, sans oublier les mesures fiscales. C’est ce qui explique la baisse que vous avez relevée.

Mme Christine Engrand (RN). Monsieur le président, Monsieur le rapporteur, mes chers collègues, à la lecture de ce rapport, il n’a pu m’échapper une certaine dichotomie entre l’avis favorable à la programmation budgétaire que vous exprimez en première partie et les recommandations que vous proposez ensuite. Les cas de l’Arcep et de la DGCCRF sont édifiants, puisque vous commencez par décrire – je cite – un « renforcement substantiel » des ressources de ces deux entités, avant de rappeler qu’en dépit de la programmation budgétaire, chacune d’entre elles est sur la corde raide, tant au niveau de ses effectifs que de ses moyens – ce qui pourrait nuire à l’exercice de leur mission dont le périmètre s’est sensiblement étendu ces derniers mois. Il n’y a à cela rien de surprenant ! Dans le cas de la DGCCRF, les faits sont d’ailleurs documentés par un rapport sénatorial de 2022, qui relève une diminution de 24,5 % des effectifs entre 2007 et 2022. Or, la réduction des effectifs combinée à l’extension des compétences de leur administration contraint les agents à exercer des tâches multiples, au détriment de leur qualité d’exécution et partant au détriment des Français. Je m’interroge donc sur votre réserve à pointer du doigt de façon plus démonstrative cette lacune flagrante que la présente programmation ne vient pas compenser puisque – vous l’indiquez d’ailleurs – rien n’indique que la hausse des effectifs proposée permette de lutter efficacement contre les fraudes dans le commerce électronique.

Une seconde faiblesse de la présente programmation qu’occulte votre rapport concerne l’augmentation du budget de l’action 23 Industries et services. Vous saluez une augmentation significative du budget. Pourtant, sur les quelque 300 millions d’euros d’augmentation, ce sont en fait 218 millions d’euros qui sont engloutis dans la compensation du coût du système d’échange de quotas d’émission (SEQE). Comment se réjouir sérieusement d’une augmentation du budget en faveur des industries quand 86 % des ressources affectées à l’action, soit 1 milliard d’euros, visent en fait à compenser un marché financier monté de toutes pièces et que l’on sait dysfonctionnel ?

À la marge, le Gouvernement propose également d’investir en faveur de l’accessibilité dans les établissements recevant du public, à hauteur de 20 millions d’euros en crédits de paiement – ce que nous percevons d’un bon œil, bien que l’on puisse regretter l’absence de garanties concernant l’attribution de ces ressources aux petits commerces, aux restaurants et aux cafés. En revanche, nous souhaiterions rappeler que la sape des chambres de commerce et d’industrie (CCI) doit cesser au plus vite ! Vous soulignez très justement l’hypocrisie ambiante, lorsque vous montrez que l’économie prétextée sur le budget des CCI sert en fait à alimenter des missions d’un tout autre ordre, celles de Bpifrance.

Pour conclure, que reste-t-il à l’issue de l’examen de cette programmation en trompe-l’œil, dont le budget n’augmente substantiellement qu’en raison d’une compensation des coûts du SEQE pour les industries, qui s’acharne à miner les chambres consulaires et qui ne garantit nulle part une exécution pérenne de leur mission par les différentes administrations, en raison d’un manque chronique d’effectifs et de moyens – mis à part peut-être un soutien trop longtemps attendu à l’accessibilité des commerces mais sans que la nature des bénéficiaires ne soit pour autant garantie ?

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. S’agissant des moyens humains, c’est aussi une question de périmètre : on peut toujours trouver le périmètre dans lequel il manque des effectifs sur une action très particulière. Par ailleurs, une série d’amendements correspondant à vos remarques seront examinés tout à l’heure. Quant à dire que le budget ne serait piloté que par les compensations carbone, je pense que vous avez mal entendu ce que j’ai dit, parce qu’il y a tout de même plusieurs hausses : La Poste, des ETP. N’oublions pas non plus les mesures fiscales – les moins finissent par devenir des plus – et les augmentations concernant la DGCCRF, l’Autorité de la concurrence et l’Arcep.

Mme Sophia Chikirou (LFI-NUPES). Monsieur le rapporteur, vous évoquez les moyens mis sur la table pour permettre à des agences et à des opérateurs publics de poursuivre deux buts principaux : la croissance et la compétitivité des entreprises, ainsi que la protection des consommateurs. La réalité est la conjoncture économique n’est pas bonne ! Beaucoup de nos entreprises sont en grande difficulté. Ainsi, de 45 000 à 55 000 PME risquent de mettre la clé sous la porte d’ici à la fin de l’année et ce matin a été publié un chiffre assez éloquent : les défaillances d’entreprises sont en hausse de 22 % par rapport au troisième trimestre 2022. Vous savez comme moi que l’inflation et la hausse des prix de l’énergie touchent aujourd’hui directement grand nombre de nos TPE et PME. Vous avez entendu parler des suicides de boulangers, des gens qui sont pris à la gorge. C’est donc tout notre tissu économique qui est fragilisé !

Nous avons proposé, quant à nous, de nombreuses mesures afin de soulager les Français, notamment la hausse du SMIC et le blocage des prix. Malheureusement, ce qu’on voit dans ce budget, c’est une obstination dogmatique. Je vais prendre un exemple. Vous expliquez que la multiplication des formes de fraudes et l’élargissement des missions rendent difficile l’action de la DGCCRF et vous prônez vous-même une hausse des effectifs pour y faire face. Pourtant, la réalité, c’est que cette administration a perdu 900 postes ETP depuis 2007. L’an dernier déjà, nous vous alertions sur son rôle prépondérant dans la protection des citoyens, notamment en période d’inflation. Nous proposons, nous, une augmentation substantielle de ses crédits. Ce sera l’objet d’un amendement de 20 millions d’euros pour lui permettre de recruter et d’assumer ses missions dans de meilleures conditions. Allez-vous saisir notre proposition ?

Le second point sur lequel je voulais appeler votre attention, c’est l’insuffisant soutien proposé pour la Poste. Vous faites état d’une baisse des crédits pour le service postal universel avant de nous dire que ce n’est pas tout à fait cela. Toutefois, ce que l’on constate, c’est que dans les zones rurales notamment – mon collègue Laurent Alexandre aurait voulu vous le dire en face à propos de l’ouest Aveyron – de nombreux postiers sont complètement désarmés, parce qu’ils ne peuvent pas aller au bout de leur propre tournée, compte tenu de leur charge de travail. Beaucoup de facteurs sont en souffrance. Ce service public, essentiel pour les bourgs et les villages, devrait être maintenu. Est-ce que ce problème sera pris en compte enfin dans le budget 2024 ?

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. S’agissant de votre remarque sur les avis divergents entre la partie thématique et la partie budgétaire sur les ressources humaines, là encore c’est une question de périmètre. Quand on regarde en globalité l’ensemble du périmètre du programme 134, il y a une augmentation. Si l’on zoome sur la DGCCRF et sur certaines actions, les choses peuvent varier et les constats diffèrent. Il faut aussi faire confiance aux travaux menés par les autorités en question, notamment la DGCCRF qui évalue actuellement et programme son plan d’action pour les années à venir. C’est aussi par le biais de ce dialogue que l’on arrive à affiner les choses et à mieux visualiser les périmètres.

S’agissant des aides à l’énergie, je le redis, c’est un problème de périmètre : il y a les choses qui relèvent du programme 134 et d’autres qui n’en relèvent pas. Il existe d’autres programmes comme notamment le programme 174 – que j’avais rapporté l’année dernière –, qui porte des aides, par exemple celles apportées aux boulangers, afin de faire face à l’augmentation du coût des énergies. Il faut regarder la globalité des programmes et des politiques pour tirer des conclusions.

M. Xavier Albertini (HOR). Il y a un an, à la même période, alors que débutaient les discussions sur le projet de loi de finances pour 2023, nous tablions sur un budget du programme 134 d’un peu plus de 2 milliards d’euros. Finalement, la loi de finances initiale pour 2023 comporte une enveloppe qui a bondi à 6,3 milliards d’euros, compte tenu du nécessaire soutien apporté au tissu économique dans le contexte de la crise énergétique. Pour 2024, les autorisations d’engagement et crédits de paiement reviendront à un niveau légèrement inférieur à 3 milliards. La baisse du volume des crédits de la mission entre 2023 et 2024 de 3,7 milliards d’euros traduit la sortie progressive du dispositif de crise exceptionnelle, en particulier la réduction des aides aux entreprises pour payer leurs factures d’électricité et de gaz. Notre action vise, d’une part, à renforcer l’ordre public économique et la protection des consommateurs et, d’autre part, à soutenir la compétitivité et l’innovation des entreprises ainsi que leur croissance à l’échelle internationale.

Pour 2024, la conjoncture reste incertaine, marquée par la persistance de l’inflation. Le budget prévoit dans ce contexte de renforcer de manière très substantielle le financement de la compensation carbone dont bénéficient en particulier les industries électro‑intensives. Le programme 134 n’est toutefois pas le seul déterminant pour son soutien aux entreprises françaises : les dispositifs et les mesures participant à cet objectif se répartissent entre de nombreuses missions et de nombreux programmes de la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024, ainsi que dans sa première partie consacrée aux recettes et aux mesures fiscales. On peut d’ailleurs citer la mission Investir pour la France de 2030 qui prévoit des investissements stratégiques.

Notre majorité poursuit donc son engagement aux côtés des entreprises françaises. Raison pour laquelle le groupe Horizons et apparentés soutiendra bien évidemment l’adoption des crédits inscrits sur cette mission. Je vous remercie.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Merci, cher collègue, de rappeler que le programme 134 n’est pas le seul déterminant des aides aux entreprises.

M. Romain Daubié (Dem). Un premier travail de retraitement m’a donné l’impression que les crédits étaient en baisse – ce qui me chagrinait. Après un nouveau travail, notamment par rapport aux aides énergie, j’ai pu voir avec satisfaction que le budget était en hausse, ce qui est une bonne chose – d’autant que nos entreprises ont besoin de stabilité. Je ne reviendrai pas sur les tentatives de revenir sur les avantages du pacte Dutreil qu’il a pu y avoir en commission des finances. Le groupe Démocrate soutiendra donc l’adoption des crédits du programme.

Monsieur le rapporteur, qu’est-ce qui pourrait être fait, en matière de guichet unique, par exemple, pour limiter les fraudes ou, à tout le moins, aider les entreprises victimes de cybermalveillance ?

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. La baisse – vous l’avez bien compris – est apparente. C’est l’une des conclusions essentielles du rapport : il ne faut pas se contenter de regarder la valeur faciale des montants du budget et de le comparer à l’année dernière.

Votre question fait l’objet de ma cinquième recommandation. Il existe un nombre de dispositifs suffisamment important pour que le consommateur s’y perde et que, ne trouvant pas le bon portail, il se lasse et ne déclare pas la fraude alors que l’on a besoin d’être informés pour en connaître les volumes et les enjeux économiques associés. C’est pourquoi il serait opportun d’avoir un point d’entrée unique où le consommateur se fasse guider, grâce à quelques questions posées par l’outil informatique, vers la plateforme correspondant à sa situation – arnaque commerciale, mauvais produit ou perte de données bancaires, par exemple.

M. Max Mathiasin (LIOT). L’explosion des coûts de l’énergie a fait vaciller un grand nombre de nos entreprises au cours des deux dernières années. Aujourd’hui, les cours du gaz et de l’électricité reviennent à des prix plus équilibrés, sans que les acteurs économiques ne soient définitivement préservés. Les prix de l’énergie sont trois fois plus élevés qu’avant la guerre en Ukraine, et les entreprises qui ont signé le renouvellement de leur contrat au plus fort de la crise restent soumises à d’importantes factures énergétiques. Dans ce contexte, nous estimons qu’il est nécessaire de poursuivre les aides énergétiques pour les entreprises les plus fragiles et les plus exposées ou, à tout le moins, de leur laisser la possibilité de réviser les contrats conclus au moment où les prix étaient les plus hauts.

Nous restons aussi convaincus de la nécessité de mettre fin au seuil des 36 kilovoltampères qui empêche certaines PME et TPE de profiter du bouclier énergétique. Les entreprises électro‑intensives pourront-elles continuer à profiter du mécanisme de compensation carbone ? Cela a été dit, les crédits sont en hausse cette année pour faire face à la hausse de 55 % du prix du quota carbone. Il va de soi que nous sommes favorables à cette augmentation, qui est nécessaire pour préserver la compétitivité de nos entreprises nationales et limiter les fuites de carbone.

Concernant La Poste, la loi du 9 février 2010 relative à l’entreprise publique La Poste et aux activités postales a conduit à la libération complète du marché depuis le 1er janvier 2011 et a confirmé La Poste dans son rôle de prestataire de service universel postal pour une durée de quinze ans. Aujourd’hui, le groupe reste fragilisé par le déclin de son activité courrier de – 5 % à – 8% par an, qui pèse sur ses résultats financiers. La tendance de fond, engagée depuis plusieurs années, conduit à une forte augmentation du déficit du service universel postal, qui remet ainsi en cause sa pérennité. La compensation de 500 millions d’euros permettra‑t‑elle au groupe de rentrer dans ses frais ?

Nous finissons avec une alerte sur la DGCCRF, dont les missions ne cessent d’être étendues. Dernièrement, la direction s’est ainsi vue chargée de contrôler les prix mis en œuvre par la grande distribution dans le cadre du trimestre anti-inflation. À ce titre, il nous semble essentiel de renforcer ses effectifs, afin qu’elle soit à même de mener des tâches de plus en plus nombreuses et complexes.

Vous l’aurez compris, nous estimons que l’accompagnement et le contrôle des entreprises pourraient encore gagner en efficacité.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Il est vraiment important de redire que le programme 134 ne va pas, à lui tout seul, tout régler sur le sujet. Il existe d’autres programmes, par exemple France 2030, qui vient abonder le programme 424 pour les investissements dans les entreprises et permet d’apporter des réponses au sujet de l’énergie et qui apporte également des crédits au programme 423 sur la modernisation des entreprises.

Les entreprises françaises vont bien continuer de bénéficier du mécanisme de compensation carbone, dans le respect des règles européennes. Je reviendrai aussi tout à l’heure, à l’occasion de l’examen des amendements, sur les avancées en matière de marchés de l’énergie.

S’agissant de La Poste, la différence entre les 500 millions d’euros pour 2024 et les 520 millions de l’année dernière se justifie par le fait que le manque à gagner était moindre que celui estimé. Aussi s’agit-il finalement plus d’un ajustement que d’une baisse.

M. le président Guillaume Kasbarian. Nous passons à l’examen des amendements.

Article 35 et état B 

La commission examine l’amendement II-CE104 de M. Benjamin SaintHuile.

M. Max Mathiasin (LIOT). Cet amendement a pour objet de renforcer les crédits affectés à la mise en œuvre des missions de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), afin de contribuer à financer la surcharge d’activité.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Il faut prendre en considération trois éléments. Premièrement, la DGCCRF établit un bilan provisoire du plan stratégique pour les années 2020 à 2025 – c’est ce que j’évoquais toute à l’heure en répondant à Mme Chikirou mais je ne retrouvais pas les termes exacts. Je trouve que la direction est la mieux à même d’identifier là où il y aurait des besoins supplémentaires. Laissons le processus aller à son terme !

Deuxièmement, vous proposez de transférer des crédits sans lien avec les rémunérations du personnel. L’adoption de votre amendement ne permettrait donc pas d’alléger sa charge de travail.

Enfin – c’est toujours la difficulté que nous rencontrons dans l’examen des amendements – l’amendement tend à prélever 20 millions d’euros de crédits à l’action 01 du programme 305, Stratégies économiques. Ce n’est pas une petite somme ! Cela revient à considérer que ladite action ne sert à rien, alors qu’en définitive, les crédits qui en relèvent financent les prestations que la Banque de France et la Banque postale ont réalisées pour le compte de l’État, au bénéfice des entreprises notamment.

Je vous propose donc de retirer votre amendement. Sinon, j’émettrai un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-CE104.

Puis elle examine les amendements II-CE130 et II-CE131 de Mme Christine Engrand.

Mme Christine Engrand (RN). Moins 60 %... C’est la réduction que le Gouvernement a imposé en dix ans au budget des chambres de commerce et d’industrie (CCI). La réforme que Bruno Le Maire a engagée en 2018 a même accéléré ces coupes. Fidèle à ses amours libérales, le ministre de l’économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique voulait que les chambres consulaires se privatisent et proposent aux entreprises moins d’aides mais plus de services rémunérés en monnaie sonnante et trébuchante. Depuis, c’est l’hécatombe, particulièrement au plan salariale ! Les CCI ont déjà supprimé plus de 11 000 postes. Les rescapés n’ont quant à eux pas le temps de se réjouir car chaque départ augmente leur charge de travail, alors qu’ils perçoivent un salaire de misère. Pourtant, leur travail paye : en moyenne, 1 euro de taxes pour frais de chambre consulaire induit en moyenne 5 euros d’investissements dans les entreprises.

Avec cette nouvelle baisse des recettes de 25 millions, vous entérinez donc la suppression de milliers d’emplois mais également la baisse d’investissements pourtant nécessaires aux entreprises. Afin de juguler l’hémorragie salariale et ses conséquences sur l’entreprises, l’amendement II-CE130 vise à compenser la baisse de la taxe additionnelle à la cotisation foncière des entreprises (CFE) pour frais de chambres régionales de commerce et d’industrie de région.

De même, je défends l’amendement II-CE131 qui vise à compenser la perte de ressources des chambres de métiers et de l’artisanat (CMA).

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Le problème est ancien. Le Gouvernement a défini une trajectoire de la diminution des ressources des CMA, qui doit atteindre 60 millions en cinq ans. Après la première baisse, les chambres ont exprimé leurs difficultés : la lourdeur de la première perte aurait dû être compensée par une moindre diminution au cours des années suivantes. Or, tel n’est pas le cas cette année, puisque le texte prévoit une diminution de 29 millions. Plusieurs amendements ont été déposés en vue de l’examen en séance publique, – dont certains que j’ai cosignés – dans un autre cadre que celui du programme 134. Certains concernent les CCI, d’autres les CMA. Aussi j’émettrai un avis défavorable.

S’agissant des CCI, la situation est différente. Notre rôle est aussi d’évaluer. Les ajustements budgétaires peuvent servir à modifier des trajectoires ou à dégager des économies pour les dépenses de l’État. En l’occurrence, si on retire 25 millions aux CCI pour les affecter à Bpifrance, on ne fait pas d’économies. Toutefois, leurs modalités d’action sont différentes : les CCI sont présentes dans les territoires, au contact des entreprises et ne propose pas les mêmes services que la BPI. Un amendement que j’ai cosigné sera défendu en séance en leur faveur.

Enfin, toujours selon la même logique, vos amendements rétablissent les ressources des CCI et des CMA en prélevant respectivement 25 et 29 millions d’euros sur les crédits du programme 220, Statistiques et études économiques. Cela représente 54 millions d’euros. Or, l’Insee est fort utile pour analyser l’inflation et l’activité économique des entreprises. Donc, il ne faut pas raboter les crédits d’une telle manière.

Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable sur les deux amendements.

La commission rejette successivement les amendements II-CE130 et II-CE131.

Article 38 et état G 

Enfin la commission examine l’amendement II-CE155 de Mme Christine Engrand.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. Votre amendement est sous-tendu par la même logique qui a animé le groupe Rassemblement national pendant les récents débats sur l’énergie. Vous dénoncez les conséquences des règles européennes qui ne seraient pas favorables sur le prix de l’énergie en France. Il existe actuellement des travaux à l’échelle de l’Union européenne et la France a obtenu hier des avancées dans ce cadre qui nous seront présentées dans les heures qui viennent.

Par ailleurs, vous voulez revoir les règles de calcul de l’écart de prix moyen, en incluant les prix de l’Allemagne et de la Norvège, qui sont déjà pris en compte, et ceux de la Chine et des États-Unis. Nous n’avons pas d’interconnexions avec ces deux pays, donc pas d’ajustements possibles. En définitive, les contextes sont radicalement différents, en termes de ressources énergétiques ou de moyens de production. Cela n’aurait donc pas de sens de les intégrer dans l’indicateur.

Avis défavorable donc à cet amendement.

La commission rejette l’amendement II-CE155.

M. Philippe Bolo, rapporteur pour avis. J’émets un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

 

 

Après rappel par le Président Guillaume Kasbarian des avis des cinq rapporteurs pour avis concernés, la commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Économie.

 

 


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   LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES

Consommation, Logement et Cadre de vie (CLCV)

M. Olivier Gayraud, juriste

Audition conjointe des fédérations professionnelles du commerce

Confédération des commerçants de France (CDF)

M. Francis Palombi, président *

Laure Brunet-Ruinart de Brimont, déléguée Générale

Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD)

M. Marc Lolivier, délégué général *

M. Moncef Lameche, responsable Affaires publiques

Mme Érika Klein, juriste

Groupement d’Intérêt Public (GIP) ACYMA [gestionnaire de la plateforme Cybermalveillance.fr]

M. Jérôme Notin, directeur général

Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep)

Mme Laure de La Raudière, présidente

Mme Cécile Dubarry, directrice générale

Mme Virginie Mathot-de Raincourt, conseillère de la présidente

Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)

M. Mathias Moulin, secrétaire général adjoint

Mme Irène Baudu, juriste au service des affaires économiques

Mme Chirine Berrichi, conseillère pour les questions parlementaires et institutionnelles au secrétariat général

Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF – ministère de l’économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique)

M. Romain Roussel, sous-directeur chargé de la régulation des marchés, de la protection des consommateurs et de la sécurité des produits dans les secteurs de l’industrie, de la santé, du logement, du bâtiment et des travaux publics

M. Philippe Guillermin, chef du bureau du droit de la consommation

Autorité de la concurrence

M. Benoît Cœuré, président

M. Maël Guilbaud-Nanhou, secrétaire général

Secrétariat général des ministères économiques et financiers

M. Fabrice Beaulieu, administrateur hors classe de la ville de Paris, chef du service des achats et des finances

Mme Françoise Turpin adjointe à la sous-directrice du service des achats et des finances

Mme Élodie Morival sous-directrice du pilotage, de la stratégie et de la performance de la direction générale des entreprises

Mme Hélène Chaprentier, sous-directrice de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes

M. Christian Falconnet, chef de bureau au service des achats et des finances

Direction générale des entreprises (DGE – ministère de l’économie des finances et de la souveraineté industrielle et numérique)

Mme Élodie Morival, sous-directrice du pilotage, de la stratégie et de la performance

M. Jean Tato Oviedo, chef du bureau des affaires budgétaires

M. Benjamin Wan, chef de projets commerce

Audition conjointe de membres de chambres de commerce et d’industrie

M. Philippe Cougé, gérant de Médiaclinic et de Gamecash, administrateur de RCUBE [Fédération des acteurs du réemploi et de la réparation], élu des chambres de commerce et d’industrie de Maine-et-Loire et des Pays‑de‑la‑Loire

M. Zakaria Faïq, directeur général de Biogance, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises de Maine-et-Loire, élu à la chambre de commerce et d’industrie de Maine-et-Loire

M. Dominique Gazeau, gérant de Basket connexion, vice-président de la chambre de commerce et d’industrie de Maine-et-Loire chargé du commerce

Gendarmerie nationale dans le cyberespace

Capitaine Étienne Lestrelin, commandant

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le registre de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Le rapporteur fait référence ici au financement des services et autorités chargés de la régulation et du respect de l’ordre public économique, ainsi que des soutiens financiers apportés au « mouvement consumériste » (c’est-à-dire des associations de consommateur et des organismes possédant une expertise en la matière).

([2]) Le mode de calcul de la compensation carbone procède de la communication publiée par la Commission européenne le 25 septembre 2020 et relative aux « lignes directrices concernant certaines aides d’État dans le contexte du système d’échange de quotas d’émission de gaz à effet de serre après 2021 ».

([3]) Créé à la suite de la conférence nationale du handicap tenue le 26 avril 2023, le fonds territorial d’accessibilité est administré par les préfets de département.  

([4]) Cf. Projet annuel de performance – budget général, Programme 134 Développement des entreprises et régulations, octobre 2024, p.46.

([5]) Rapport n° 285 tomes IX – Avis de M. Xavier Albertini sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273), octobre 2022, pp. 11-12.

([6]) À la suite de la décision favorable rendue par la Commission européenne le 5 décembre 2022 qui déclare conformes les compensations versées à la Poste au regard des règles européennes encadrant les aides d’État.

([7]) Outre l’existence du dispositif, l’ANFR doit vérifier que ce dernier possède des fonctionnalités minimales et des caractéristiques techniques fixées par voie réglementaire.

([8]) Article 6 du  projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, n° 1514 rectifié , déposé(e) le vendredi 7 juillet 2023.

([9]) Pour une description des prestations réalisées par Bpifrance Assurance export objet de cette rémunération, cf. rapport n° 285 tomes IX – Avis de M. Xavier Albertini sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273), octobre 2022, p. 13.

([10]) En 2024, le crédit d’impôt pour la compétitivité et emploi (CICE) ne demeurera applicable qu’à Mayotte. Les entreprises qui n’ont pas utilisé tout leur CICE avant cette transformation conservent le droit de s’en servir pour le paiement des impôts de 2019 à 2021.

([11]) La mesure visait à accompagner la transformation des entreprises industrielles en encourageant l’investissement.

([12]) Les mesures applicables en 2023 comprennent la hausse de la valeur du point d’indice dans la fonction publique de 1,5 %, l’octroi d’une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, ainsi que le relèvement du remboursement par l’employeur du forfait de transport collectif (à 75 % du montant acquitté par les fonctionnaires).

([13]) L’ensemble de la filière a pris des engagements devant le ministre délégué chargé de la transition numérique et des télécommunications et la Présidente de l’Arcep en septembre 2022. Ces engagements portent sur la labellisation des intervenants, le renforcement des contrôles sur le terrain grâce notamment à la transmission des plannings d’intervention et à la mise en place de l’outil « e-intervention ».

([14]) Destiné aux collectivités territoriales et au grand public, « maconnexioninternet.arcep.fr » se présente comme un portail cartographique rendant compte de la couverture des services fixes, toutes technologies confondues.

([15]) La plateforme « J’alerte l’Arcep » vise à recueillir les signalements des opérateurs et des utilisateurs à propos des difficultés rencontrées à propos de la qualité du réseau.

([16])  Cf. décision n° 2020-1446 du 15 décembre 2020 fixant les conditions encadrant la fermeture du réseau cuivre d’Orange.

([17]) Sur le fondement de l’article 15 de la loi n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant sur la lutte contre le dérèglement climatique et le renforcement de la résilience face à ses effets.

([18]) Sur le fondement de l’article 25 de la loi précitée n° 2021-1104 du 22 août 2021.

([19]) Article 67 de la loi n° 2023-703 du 1er août 2023 relative à la programmation militaire pour les années 2024 à 2030 et portant diverses dispositions intéressant la défense (article L. 2321-2-1 du code de la défense).

([20]) Règlement (UE) 2022/868 du Parlement européen et du Conseil du 30 mai 2022 portant sur la gouvernance européenne des données et modifiant le règlement (UE) 2018/1724.

([21]) Projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, n° 1514 rectifié , déposé le vendredi 7 juillet 2023, articles 9 à 11.

([22]) Rapport n° 285 tomes IX – Avis de M. Xavier Albertini sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273), octobre 2022, pp. 15-17.

([23]) Cour des comptes, Les comptes et la gestion de l’ARCEP. Exercices 2015-2021, observations définitives (S‑2023-0976), octobre 2023.  

([24]) Règlement (UE) 2022/2065 du parlement européen et du conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (« règlement sur les services numériques »).

([25]) Règlement (UE) 2022/1925 du Parlement européen et du Conseil du 14 septembre 2022 relatif aux marchés contestables et équitables dans le secteur numérique et modifiant les directives (UE) 2019/1937 et (UE) 2020/1828 (« règlement sur les marchés numériques »).

([26]) Projet de loi, adopté par le Sénat après engagement de la procédure accélérée, visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, n° 1514 rectifié , déposé(e) le vendredi 7 juillet 2023, titre III.

([27]) Décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d’alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte.

([28]) Rapport n° 285 tomes IX – Avis de M. Xavier Albertini sur le projet de loi de finances pour 2023 (n° 273), octobre 2022, p. 19.

([29]) Ibid. p. 19.

([30]) D’après les éléments communiqués au rapporteur, la DGCCRF procède actuellement au bilan de Plan stratégique 2020-2025. La première phrase de l’évaluation comprend une consultation des personnels (qui devrait s’achever en novembre 2023), ainsi que des échanges avec les différents partenaires de la direction dans le cadre de l’administration territoriale de l’État. La seconde phase devrait donner lieu à des travaux en co-construction jusqu’en février 2024.

([31]) Les axes du programme national d’enquête devraient être définitivement arrêtés dans le courant d’octobre 2023, en cohérence avec les priorités définies par le Gouvernement.

([32]) Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.

([33]) Cf. développements ci-dessous.

([34]) Article 14 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

([35]) Soit les personnes nées après 1995.

([36]) Odoxa,, Les pratiques d’achats en ligne en 2022 – Focus sur le génération Z, février 2023 (https://www.odoxa.fr/wp-content/uploads/2023/02/Synthese-Bilan-du-e-commerce-2022-Odoxa-pour-la-FEVAD.pdf).

([37]) La plateforme de traitement harmonisé des enquêtes et signalements pour les e-escroqueries (Thesee) se présente comme un dispositif de recueil en ligne des plaintes émanant de victimes d’arnaques sur internet.

([38]) Articles 14 à 27 de loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique.

([39]) Directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n ° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (« directive sur les pratiques commerciales déloyales »).

([40]) Directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, modifiant la directive 93/13/CEE du Conseil et la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant la directive 85/577/CEE du Conseil et la directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil.

([41]) Cf. articles L. 221-5 et R. 221-2 du code de la consommation.

([42]) Loi n° 2016-1321 du 7 octobre 2016 pour une République numérique.

([43]) Une place de marché ou marketplace désigne un espace virtuel (souvent une plateforme sur Internet) qui rassemble dans un même endroit un ou plusieurs fournisseurs qui proposent des biens ou des services à des acheteurs.

([44]) Un agrégateur d’actualités désigne un site web ou une application  qui collecte du contenu sur Internet et le présente sur un seul support ou un seul endroit. Les sources peuvent inclure des sources assez diverses (sites web populaires, blogs, des podcasts, etc.). Les agrégateurs de contenu ne créent pas leur propre contenu mais redistribuent plutôt du contenu sous licence provenant de diverses sources, moyennant paiement.

([45]) Règlement (UE) 2022/2065 du parlement européen et du conseil du 19 octobre 2022 relatif à un marché unique des services numériques et modifiant la directive 2000/31/CE (« règlement sur les services numériques »).

([46]) L’obligation vaut pour les produits ou services acquis par les consommateurs depuis six mois. La responsabilité des fournisseurs de services intermédiaires n’est engagée que s’ils ont eu connaissance de la vente sur leur site.

([47]) Loi n° 2007-1774 du 17 décembre 2007 portant diverses dispositions d’adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier.

([48]) Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([49]) Loi n° 2023-451 du 9 juin 2023 visant à encadrer l’influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.

([50]) Loi n° 2020-1508 du 3 décembre 2020 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière.

([51]) Dans la rédaction issue de la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([52]) https://www.senat.fr/leg/etudes-impact/pjl22-593-ei/pjl22-593-ei.pdf.

([53]) Le coût souvent important des billets d’avion peut expliquer le fait que les consommateurs victimes d’abus n’hésitent pas à se plaindre, alors que c’est moins le cas pour des produits ou services d’un montant plus réduit.

([54]) Règlement européen du 21 avril 2016 relatif à la protection des données personnelles.

([55]) La procédure engagée à l’encontre de Mme Nabilla Benattia-Vergara visait à mettre un terme à la promotion d’un site de formation en ligne au trading qui constituait un message publicitaire à finalité commerciale.

([56]) Loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.

([57]) Créée en avril 2020 sur la proposition du ministre de l’économie, des finances et de la relance, l’instance a été pérennisée en 2022 afin de répondre à l’accroissement de la vulnérabilité des consommateurs et des entreprises confrontés à des pratiques frauduleuses qui s’étaient accrues avec la reprise partielle de l’activité dans certains secteurs.

([58]) Règlement (UE) 2017/2394 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2017 sur la coopération entre les autorités nationales chargées de veiller à l’application de la législation en matière de protection des consommateurs et abrogeant le règlement (CE) n  2006/2004 (Texte présentant de l’intérêt pour l’EEE).

([59]) Le réseau se compose des 27 États membres de l’Union européenne, ainsi que de  la Norvège, du Lichtenstein et de l’Islande.

([60]) Décret n° 83-642 du 12 juillet 1983 portant création d’un Conseil national de la consommation.