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N° 1778

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2023

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES,
DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE
DE LA RÉPUBLIQUE, SUR LE PROJET DE LOI (n°1680)
de finances pour 2024

 

 

 

TOME I

 

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT

PAR M. Ugo BERNALICIS

Député

——

 

 Voir le numéro : 1745 – III – 2

 


En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2022 pour le présent projet de loi de finances. À cette date, 92 % des réponses au questionnaire thématique étaient parvenues à votre rapporteur pour avis qui souhaite remercier le Gouvernement et les services de l’État de leur diligence.

 

 

 

 


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SOMMAIRE

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Pages

INTRODUCTION.................................................... 5

I. Le programme 354 « Administration territoriale de l’état » : Une stagnation des crédits malgré l’urgence d’améliorer la service rendu aux usagers

A. Un ralentissement du rattrapage budgétaire amorcé lors de l’exercice 2023

1. Un périmètre inchangé

2. Un budget en décalage avec l’annonce d’un changement de doctrine en matière d’administration territoriale de l’État.

3. Une situation des ressources humaines en demi-teinte

B. Des dysfonctionnements persistants dans le service rendu aux usagers

1. La délivrance des titres de séjour

2. La nécessité d’une refonte globale de la stratégie d’accueil du public

II. Le programme 232 « Vie politique » : Des crédits en hausse en raison du calendrier électoral

III. Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » : Des crédits en diminution, loin des engagements pris dans la Lopmi

A. Derrière des investissements immobiliers massifs, des moyens en diminution pour les fonctions support du ministère de l’intérieur

1. Un périmètre et des objectifs inchangés

2. Des crédits en diminution, à l’exception des projets immobiliers

B. Le CNAPS, un opérateur sous doté

1. Un premier bilan globalement positif pour la réforme du CNAPS

2. Des moyens insuffisants pour remplir les missions confiées, notamment dans le cadre des JOP 2024

3. De lourdes inquiétudes quant à la capacité du secteur et du régulateur à atteindre les objectifs fixés pour l’organisation des JOP 2024

Liste des recommandations

Examen en commission

Personnes entendues

 


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Mesdames, Messieurs,

 

La mission « Administration générale et territoriale de l’État » regroupe trois programmes et dix-huit actions. Elle porte également le financement de deux opérateurs – le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS) et l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) – et d’une autorité administrative indépendante – la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP).

Ces trois programmes, sous la responsabilité du ministère de l’Intérieur et des Outre-mer, ont pour objectifs :

– d’assurer la présence et la continuité de l’État sur le territoire au moyen des préfectures et sous-préfectures et en coordonnant des administrations déconcentrées (programme 354 « Administration territoriale de l’État) ;

– de garantir le bon déroulement des élections (programme 232 « Vie politique ») ;

– de financer les fonctions support du ministère (programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur »).

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 prévoit un montant total de crédits pour la mission de 4,66 milliards d’euros, soit une hausse de 1,95 %, inférieure à l’augmentation de 2023 qui était de plus de 4 %. La hausse des autorisations d’engagement est en revanche plus substantielle, à hauteur de 5,60 milliards d’euros (+15,16 %), tirée par les investissements immobiliers en augmentation de près de 1 milliard d’euros.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DE PAIEMENT DE LA MISSION (2022-2025)

(en millions d’euros)

 

LFI 2022

LFI 2023

PLF 2024

Prévision 2024 ([1])

Prévision 2025 ([2])

P. 354 – Administration territoriale de l’État

2 412,0

2 578,9

2 583,7

2 620,1

2 605,8

P. 232 – Vie politique

488,6

119,6

257,6

235,7

89,1

P. 216 – Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

1 486,6

1870,2

1 816,3

2 095,4

2 369,5

Total Mission « Administration générale et territoriale de l’État »

4 387,2

4 568,8

4 657,7

4 951,3

5 064,4

Source : documents budgétaires.

Outre l’augmentation des moyens consacrés aux affaires immobilières (+ 39 %), la hausse modeste des crédits s’explique :

– principalement, par l’augmentation des moyens des crédits du programme « Vie politique » (256 millions d’euros en 2024 contre 120 millions d’euros en 2023) en raison de l’organisation des élections européennes ;

– accessoirement, par l’augmentation des frais de fonctionnement courant (+3,7 %), qui s’explique notamment par l’inflation ;

Néanmoins, cette hausse générale au niveau de la mission ne doit pas dissimuler la stagnation, voire le recul des crédits des programmes 354 (+ 0,19 %) et 216 (-2,88 %). De nombreuses actions, pourtant présentées prioritaires, sont en baisse : la délivrance des titres (- 4,8 %), le numérique
(- 38,7 %) ou le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD)
(-26,0 %) – cette dernière diminution étant compensée par la création d’une action 11 relative à la vidéosurveillance, jusqu’alors financée par le FIPD.

Au total, ces chiffres sont loin des prévisions annoncées lors du projet de loi de finances pour 2023 et, en ce qui concerne le programme 216, non conforme aux engagements pris par le Gouvernement lors de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi).

Comparaison entre les crédits prévus dans le PLF pour 2023 et la programmation budgétaire adoptée dans la lopmi

(en millions d’euros)

 

LOPMI 2024

PLF 2024

 

AE

CP

AE

CP

P. 354 – Administration territoriale de l’État

 

 

2 634

2 584

P. 354 – Hors CAS Pension

2 074

2 021

2 093

2 043

P. 216 – Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

 

 

2 705

1 816

P. 216 – Hors CAS Pension

2 811

1 850

2 455

1 566

Total Mission « Administration générale et territoriale de l’État » (Hors CAS Pension)

4 885

3 872

4 548

3 609

Source : documents budgétaires, loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur, calculs commission des lois

 

Les effectifs augmentent en revanche plus significativement, passant de 40 439 à 40 613 équivalents temps plein travaillé (ETPT), principalement au profit du programme 354 (+ 147 ETPT). Il s’agit cette année de créations nettes, demandées de longue date par votre Rapporteur, qui viennent compenser partiellement les réductions d’effectifs excessives réalisées au cours du quinquennat précédent.

ÉVOLUTION DES EFFECTIFS DE LA MISSION (2017-2023)

(en ETPT)

 

Exécution 2020

LFI 2021

LFI 2022

LFI 2023

PLF 2024

P. 354 – Administration territoriale de l’État

26 714

28 707

29 082

29 298

29 445

P. 232 – Vie politique

54

57

65

55

55

P. 216 – Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur

11 378

11 564

11 128

11 095

11 113

Dont ETPT rémunérés par les opérateurs

355

361

367

387

466

Total Mission « Administration générale et territoriale de l’État »

38 146

40 328

40 275

40 439

40 613

Source : documents budgétaires.

Cette stagnation des crédits vient ralentir le rattrapage engagé l’an dernier pour compenser les coupes budgétaires de la « Révision générale des politiques publiques » (RGPP), initiée en 2007, et du « Plan préfectures nouvelle génération » (PPNG), achevé en 2022.

Le lancement du plan « Missions prioritaires des préfectures » acte l’échec de la stratégie portée tout au long du quinquennat précédent et dont les conséquences sont encore perceptibles dans l’administration territoriale. Si les intentions formulées, à savoir le « réarmement » des préfectures et sous-préfectures, sont ambitieuses, la réalisation est pour l’instant loin d’être satisfaisante.

Les difficultés observées l’an passé, tant en matière de gestion des ressources humaines (recours massif aux services civiques, absence d’accueil physique, dysfonctionnement des secrétariats généraux communs) que d’accompagnement des usagers (problèmes informatiques, retard dans la délivrance des titres sécurisés, atteintes aux droits des étrangers) persistent en raison d’un pilotage insuffisant et d’une volonté de réaliser au plus vite les économies prévues.

Votre Rapporteur pour avis a continué ses investigations pour comprendre la stratégie mise en œuvre par le Gouvernement pour améliorer le service rendu aux usagers afin de proposer les correctifs nécessaires.

Outre les préfectures et les sous-préfectures, votre Rapporteur a également examiné attentivement la situation des opérateurs de la mission dont les tâches se sont accrues sans que des moyens suffisants leur soient accordés, alors même qu’ils interviennent dans des secteurs stratégiques, qu’il s’agisse des titres sécurisés (ANTS) ou de la régulation du secteur de la sécurité privée (CNAPS), particulièrement mobilisé à l’approche des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (JOP).

*

*     *

 


I.   Le programme 354 « Administration territoriale de l’état » : Une stagnation des crédits malgré l’urgence d’améliorer la service rendu aux usagers

A.   Un ralentissement du rattrapage budgétaire amorcé lors de l’exercice 2023

1.   Un périmètre inchangé

Le programme 354 « Administration territoriale de l’État » est né en 2020 de la fusion du programme 307 « Administration territoriale » et du programme 333 « Moyens mutualisés des administrations déconcentrées ». Il regroupe les emplois du réseau des préfectures et sous-préfecture, des secrétariats généraux pour les affaires régionales (SGAR) et des secrétariats généraux communs (SGC) ainsi que les emplois de directeurs des directions départementales interministérielles (DDI). Il porte également les crédits d’investissement et de fonctionnement de ces structures, de la préfecture de police des Bouches-du-Rhône et des administrations déconcentrés Outre-mer. Enfin, il finance un opérateur : l’Agence nationale des titres sécurisés.

Les crédits se déclinent en six actions :

– L’action 1 « Coordination de la sécurité des personnes et des biens » (+ 0,79 %) qui finance les effectifs en charge de la conduite opérationnelle de la gestion des crises, de la prévention des risques notamment en matière de sécurité routière et des missions de police administrative spéciales ;

– L’action 2 « Règlementation générale, la garantie de l’identité et la délivrance des titres » (- 4,8 %) qui couvre le droit des étrangers (asile, titre de séjour, reconduction, naturalisation), la délivrance des titres sécurisés (permis, passeport, carte d’identité et carte grise), l’organisation des élections et le suivi des associations ;

– L’action 3 « Contrôle de légalité et le conseil aux collectivités territoriales » (+ 1,1 %) qui regroupe les emplois consacrés à l’accompagnement des élus et au contrôle de leurs actes.

– L’action 4 « Pilotage territorial des politiques gouvernementales » (+ 1,8 %) qui assure le financement des emplois des hauts fonctionnaires du programme (préfets, sous-préfets, chargés de mission des SGAR, directeurs départementaux).

– L’action 5 « Fonctionnement courant de l’administration territoriale » (+ 3,73 %) qui couvre les dépenses de fonctionnement quotidiennes, notamment la gestion des parcs informatique et automobile ou encore les frais d’organisation et de communication des manifestations publiques ;

– L’action 6 « Dépenses immobilières de l’administration territoriale »
(- 3,4 %) qui concerne l’entretien courant des bâtiments, y compris le nettoyage ou encore les fluides, dont le coût est particulièrement exposé à l’inflation.

2.   Un budget en décalage avec l’annonce d’un changement de doctrine en matière d’administration territoriale de l’État.

Les crédits du programme 354 sont en hausse de 0,19 % et s’établissent à 2,583 milliards d’euros pour 2023 contre 2,578 milliards d’euros en LFI pour 2022.

Évolution des crédits du programme 354 PAR ACTION

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

 

LFI 2023

PLF 2024

Var.

LFI 2023

PLF 2024

Var.

Action 1 : Coordination de la sécurité des personnes et des biens

189,3

187,8

-0,79 %

189,3

187,8

-0,79 %

Action 2 : Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres

484,8

461,4

-4,83 %

484,8

461,4

-4,83 %

Action 3 : Contrôle de légalité et conseil aux collectivités territoriales

141,8

143,4

+1,08 %

141,8

143,4

+1,08 %

Action 4 : Pilotage territorial des politiques gouvernementales

780,4

794,1

+1,76 %

780,4

794,1

+1,76 %

Action 5 : Fonctionnement courant de l’administration territoriale

666,2

692,7

+3,97 %

659,1

683,7

+3,73 %

Action 6 : Dépenses immobilières de l’administration territoriale

527,5

354,5

-32,8 %

323,8

313,3

-3,14 %

Total

2 790,1

 

-5,60 %

2 578,9

2 583,7

+0,19 %

Source : documents budgétaires.

Le budget pour 2023 avait été annoncé comme celui du retour de l’État dans les territoires. Pourtant, si l’année 2023 a été marquée par une augmentation substantielle des crédits du programme 354, le projet de loi de finances pour 2024 est beaucoup moins ambitieux.

La légère augmentation des crédits consacrés à l’administration territoriale de l’État vient compenser très partiellement les coupes budgétaires excessives réalisés sous le quinquennat précédent. Pour mémoire, selon la Cour des comptes, depuis 2010, 11 763 ETPT ont été supprimés dans l’administration territoriale et 4 748 dans le réseau des préfectures, soit 14 % des effectifs initiaux et même 24 % pour les seules sous-préfectures ([3]). Dans le même temps, le recours aux contrats infra-annuels a considérablement augmenté, passant, en masse salariale, de 11,3 millions d’euros en 2010 à 67,2 millions d’euros en 2021 ([4]).

Le « Plan préfectures nouvelle génération 2017-2022 » (PPNG) a encore aggravé cette situation en promouvant une dématérialisation incontrôlée des démarches administratives et la suppression brutale de l’accueil physique des usagers en préfecture.

La nouvelle doctrine, inscrite dans le plan « Missions prioritaires des préfectures 2022-2025 » (MPP), prévoit de renforcer les moyens affectés à six missions : sécurité et lutte contre le séparatisme, coordination des politiques publiques, accueil des usagers, droit des étrangers, gestion de crise et sécurité civile, accompagnement et conseil aux collectivités territoriales.

Il est donc surprenant – compte tenu de ces engagements et de la situation – que les crédits de l’action « règlementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres » diminuent de plus de 23 millions d’euros ([5]).

3.   Une situation des ressources humaines en demi-teinte

Le nombre d’emplois est quant à lui en hausse (+ 144 ETPT soit environ + 0,5 %), principalement dans les services départementaux (+ 112 ETPT) et parmi les agents de catégories A+ (+ 86 ETPT), A (+ 176 ETPT) et B (+ 70 ETPT). Le nombre d’agents de catégorie C diminue (-100 ETPT) ce qui peut s’expliquer par la hausse des qualifications mais aussi par l’externalisation de certaines fonctions et le recul des missions moins qualifiés pourtant nécessaires dans certains services, par exemple pour l’accueil des usagers.

Recommandation n° 1 : Ne pas supprimer d’emplois de catégorie C au profit du recours à l’externalisation ou à des services civiques.

Concernant la répartition des nouveaux effectifs, les documents budgétaires annoncent que 110 emplois supplémentaires seront affectés à « [l’]instruction et délivrance des titres de séjour aux étrangers, [la] lutte contre le séparatisme et la radicalisation, [la] communication et [la] gestion de crise, [et à l’]accueil des usagers » ([6]). Cela va dans le sens du rattrapage qui doit être mené d’urgence pour compenser les coupes budgétaires passées.

L’augmentation des moyens humains reste trop faible dans d’autres missions prioritaires. Par exemple, les effectifs dédiés au contrôle de légalité augmentent de 7 ETPT après une diminution de 83 ETPT entre 2018 et 2022 (voir tableau).

Moyens humains consacrés au contrôle de légalité

 

2018

2019

2020

2021

2022

2023

ETPT

969,6

914,9

919

900,2

886,6

893,6

Évolution

 

- 54,7

+ 4,1

- 18,8

- 13,6

+ 6,9

Source : Réponses au questionnaire budgétaire

Le ministère de l’intérieur est par ailleurs confronté à un problème de recrutement et d’attractivité puisque 4,4 % des postes sont vacants ([7]). Le programme annuel de performance prévoit la création d’un indicateur consacré au nombre et au pourcentage de postes non pourvus au niveau national. La cible pour 2024 serait de 670 postes, soit 3 %. L’objectif de réduction des vacances de poste est donc ambitieux mais indispensable pour rendre effectives les augmentations du plafond d’emplois à venir.

Pour l’instant, l’affectation des recrutements se fait en fonction des postes vacants déclarés sans évaluation de la nécessité de pourvoir à ces postes ou de les redéployer dans d’autres préfectures en sous-effectif au regard de l’activité à laquelle elles sont exposées. Lors de son audition, la directrice de la modernisation et de l’administration territoriale de l’État a indiqué que des réflexions étaient en cours pour évaluer les besoins des préfectures en fonction du taux d’administration (nombre d’agents par habitants) et réaliser les affectations en conséquence. Comme l’a indiqué la Cour des comptes lors de son audition, ce taux varie très fortement d’un département à l’autre. Il est par exemple de 0,23 agent pour 1000 habitants en Isère contre 1,34 pour 1000 en Lozère.

Recommandation n° 2 : Procéder à une évaluation précise des besoins dans chaque préfecture avant de procéder aux affectations des effectifs recrutés pour occuper les postes vacants et à la création des nouveaux emplois annoncés.

Le recours aux vacataires, aux contrats infra-annuels et aux services civiques à la place d’agents titulaires reste massif. Au total, le programme 354 porte 106 contrats à durée indéterminée et 3 469 contrats à durée déterminée (voir tableau). Il s’agit d’une source d’inefficacité en raison de l’instabilité de ces effectifs et des délais nécessaires à leur formation.

Recommandation n° 3 : Réduire le recours aux vacataires et aux contrats infra-annuels en plafonnant dans la loi le taux de contractualisation et en respectant les conditions de recours aux non-titulaires.

nombre et coût des Contrats à durée déterminée du programme 354

 

Exécution 2022

Août 2023

ETPT

Masse salariale

(en millions d’euros)

ETPT

Masse salariale

(en millions d’euros)

CDD supra pérennes

935

34,1

1 351

52,4

CDD supra renforts

317

9,9

160

5,7

CDD infra pérennes

387

12,3

408

13,7

CDD infra renforts

1 831

54,5

2 137

66,7

Total CDD

3 469

110,8

4 055

138,5

Source : Réponses écrites du ministère de l’intérieur

Lecture : Le caractère INFRA/SUPRA dépend des dates de début et de fin du contrat à durée déterminée : si ces deux dates sont comprises dans le même exercice budgétaire, alors le CDD est qualifié d'infra ; tandis qu'il sera considéré comme supra si la durée excède une année budgétaire. La distinction PÉRENNE/RENFORT concerne quant à elle le type de poste : le CDD vient en renfort du fait d'un accroissement temporaire ou saisonnier d'activité, en remplacement d'un agent titulaire lors d'un congé maladie ou maternité ou dans le cadre d'un contrat de projet ; il est considéré comme pérenne s'il a vocation à pourvoir un poste destiné à un titulaire mais non pourvu.

Enfin, les problèmes rencontrés par la création des secrétariats généraux communs (SGC) ne sont pas encore résolus ([8]). La convergence des fonctions support des administrations déconcentrées se poursuit mais elle continue, selon les syndicats auditionnés par votre Rapporteur à alimenter des situations de souffrance au travail.

B.   Des dysfonctionnements persistants dans le service rendu aux usagers

1.   La délivrance des titres de séjour

Les litiges relatifs aux droits des étrangers sont devenus la première source de saisines du Défenseur des droits (25 % du total), principalement sur la question de l’accès aux démarches en préfecture. Elles ont augmenté de 231 % en trois ans. La mise en place de l’administration numérique pour les étrangers en France (ANEF) dotée d’une nouvelle plateforme de rendez-vous a déplacé le problème. Alors que jusqu’en 2022, les litiges portaient principalement sur l’obtention des rendez-vous – conduisant les juges administratifs à prononcer des référés mesures utiles –, ils portent désormais sur le délai d’instruction et sur la difficulté à réaliser la démarche en ligne (problème de chargement de la photo d’identité, retard de réponse empêchant la réalisation de la demande, erreur d’envoi du SMS pour la remise du titre…).

Comme l’avait craint votre Rapporteur l’an passé, les économies espérées grâce au déploiement de l’ANEF ont été trop rapidement actées sans attendre que le système soit pleinement opérationnel. Les problèmes informatiques se sont multipliés sans qu’un accompagnement humain et un accueil physique aient été maintenus. En outre, l’application connaît des malfaçons puisqu’elle n’est pas accessible sur téléphone portable et n’est traduite qu’en anglais.

Recommandation n° 4 : Prévoir l’accessibilité à l’ANEF sur téléphone portable et dans le plus grand nombre de langues possibles.

Votre Rapporteur a également été alerté par les syndicats et le collectif « Nos services publics » sur l’affectation des nouveaux effectifs attribués aux services des étrangers. Compte tenu de la dématérialisation des procédures via l’ANEF, qui reportent l’assistance aux usagers vers d’autres acteurs (travailleurs sociaux, maisons France services, point d’accès au numérique, ANTS…), les nouveaux postes sont dédiés aux missions de contentieux et d’éloignement, n’améliorant donc en rien la capacité de l’État à délivrer en temps et en heure les titres de séjour aux étrangers qui sont en droit de les obtenir et en ont impérativement besoin pour continuer à travailler légalement sur le territoire.

Recommandation n° 5 : Affecter les nouveaux agents des services des étrangers sur les missions d’accueil et d’accompagnement du public et non de contentieux et d’éloignement.

Lors de sa visite dans les locaux de l’ANTS à Charleville-Mézières, votre Rapporteur a pu constater que le Gouvernement avait confié à cet opérateur l’assistance par mail et par téléphone aux usagers en matière de titres de séjour. Pourtant, les agents de l’ANTS chargés de cette assistance n’ont pas accès à l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France (AGDREF).

En effet, l’article R. 142-15 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (CESEDA) prévoit que seuls les agents de l'Agence nationale des titres sécurisés « chargés de la fabrication des titres, ont accès, à raison de leurs attributions et dans la limite du besoin d'en connaître, à la totalité ou à une partie des données à caractère personnel et informations enregistrées dans le traitement automatisé ». Les agents chargés de l’accueil téléphonique ne sont donc qu’en mesure de réorienter la personne vers le bon interlocuteur, c’est-à-dire le plus souvent la préfecture.

Recommandation n° 6 : Permettre à l’ANTS de remplir pleinement son rôle d’assistance aux demandeurs de titres étrangers en donnant accès à AGDREF à ses agents.

De manière plus générale, ce problème soulève trois limites de la stratégie mise en œuvre par le Gouvernement :

● Premièrement, le logiciel ANEF a été déployé trop rapidement sans maintenir d’alternatives alors même que de nombreux bugs informatiques persistent.

● Deuxièmement, toutes les conséquences n’ont pas été tirées de la décision du Conseil d’État du 3 juin 2022 imposant l’existence d’une procédure alternative à l’ANEF. Le décret n° 2023-191 du 22 mars 2023 a retenu une interprétation très restreinte de la jurisprudence du Conseil d’État en prévoyant : « une solution de substitution, prenant la forme d'un accueil physique permettant l'enregistrement de la demande, est mise en place pour l'étranger qui, ayant accompli toutes les diligences qui lui incombent, notamment en ayant fait appel au dispositif d'accueil et d'accompagnement prévu à l'alinéa précédent, se trouve dans l'impossibilité constatée d'utiliser le téléservice pour des raisons tenant à la conception ou au mode de fonctionnement de celui-ci ». Autrement dit, les personnes qui ne parviennent pas à réaliser leur démarche par illectronisme ne peuvent bénéficier de cet accueil physique qui, par ailleurs, n’a pas encore été mis en œuvre dans de nombreuses préfectures. La difficulté doit d’abord être constatée par le centre de contact citoyen (CCC) de l’ANTS, ce qui rallonge et entrave les démarches.

● La mission d’accompagnement des usagers a, de surcroît, été confiée à l’ANTS sans que celle-ci dispose des moyens informatiques, juridiques et humains pour l’assurer correctement. Le recours massif à l’externalisation empêche par ailleurs de donner des accès étendus à des informations confidentielles aux personnes chargées de répondre aux usagers.

Recommandation n° 7 : Prévoir rapidement, dans chaque préfecture, une alternative à la dématérialisation accessible directement aux demandeurs de titres de séjour.

Recommandation n° 8 : Réinternaliser l’assistance aux demandeurs de titres de séjour réalisée par un prestataire privé pour le compte de l’ANTS.

2.   La nécessité d’une refonte globale de la stratégie d’accueil du public

D’après les auditions réalisées par votre Rapporteur, la situation des autres titres sécurisés reste tendue en raison de l’augmentation du nombre de demandes, mais serait en voie d’amélioration. Le Gouvernement a mis en place plusieurs mesures pour réduire les pics de demandes et améliorer les capacités des communes à y répondre :

– l’expérimentation d’un SMS de pré-alerte à l’approche de l’expiration du titre ;

– la possibilité de présenter un passeport ou une carte d’identité périmée depuis moins de cinq ans aux examens et concours ;

– un soutien financier accru aux communes pour les encourager à s’équiper de dispositifs de recueil supplémentaires et à ouvrir davantage de rendez-vous.

Moyens dédiés à l’amélioration de la délivrance des titres sécurisés
(en millions d’euros)

Objet

Programme

Contributeur

Montant

Renforts matériels

354

ANTS

4,3

Aides supplémentaires aux mairies

354

ANTS

4,5

Renforts RH

354

DMATES

10,8

Dotation titres sécurisés

119

DGCL

100

Total

 

119,6

Source : Réponses au questionnaire budgétaire

Il existe des difficultés aux quatre niveaux de la procédure : la pré-demande par voie dématérialisée, la prise de rendez-vous pour déposer la demande, l’instruction par les centres d’expertise et de ressources des titres (CERT), ainsi que la production du titre par l’Imprimerie nationale et sa livraison.

 Concernant la pré-demande, la voie dématérialisée continue de poser des difficultés à de nombreux citoyens tandis que les accueils physiques dans les préfectures et sous-préfectures restent restreints. Ils sont souvent limités à une « aide au clic » réalisée dans les points d’accès au numérique, parfois uniquement sur rendez-vous. Malgré les engagements pris pour renforcer les effectifs chargés de l’accueil, les agents en préfecture constatent que ce sont toujours les services civiques qui sont placés en première ligne. Le renouvellement de la convention entre le ministère de l’intérieur et l’agence nationale du service civique n’a, semble-t-il, pas fait évoluer les missions dévolues aux jeunes concernés qui devraient être mieux formés et davantage encadrés par des titulaires.

Les usagers peuvent également joindre par mail ou par téléphone le centre de contact citoyen (CCC) géré par l’ANTS. Votre Rapporteur s’est rendu à Charleville-Mézières pour visiter les locaux et les plateaux d’assistance aux usagers. Hormis l’assistance en matière de titre d’identité, les réponses dites « de niveau 1 » sont confiées à un prestataire privé. L’externalisation touche également le développement et la maintenance des systèmes d’information de l’ANTS, conduisant, selon elle, à de nombreuses pertes d’information lors du renouvellement des marchés.

Recommandation n° 9 : Réinternaliser les fonctions de développement et de maintenance des systèmes d’information du ministère.

Les demandeurs peuvent enfin se rendre en maison France services (MFS) pour bénéficier d’un accompagnement. Le déploiement des MFS s’est poursuivi en 2023 ; il en existe désormais 2 700, permettant à 99 % de la population d’être à moins de 30 minutes de l’une d’entre elles. L’ampleur des saisines et les effets bénéfiques de ces structures sur les villages ou les quartiers concernés (vie associative, petit commerce) démontrent l’importance de rétablir la présence des services publics auprès de la population.

Si elles comblent le vide laissé par les précédentes réformes de l’administration territoriale de l’État, les MFS n’apportent néanmoins pas le même niveau de service qu’un accueil direct par les administrations. Les agents des MFS ont désormais un accès direct et privilégié à la plupart des administrations – ce qui constituait l’une des difficultés identifiées par votre Rapporteur l’an passé – mais ils ne peuvent utiliser eux-mêmes les applications métiers. Or, dans le même temps, la création de MFS a pu conduire à la fermeture de certains guichets, ce qui conduit certes à une amélioration de la proximité mais aussi à une dégradation de l’efficacité de la réponse apportée. Le Défenseur des droits a réalisé des testings dans les MFS qui l’ont conduit a estimé que le taux de réponse claire et juste sur des demandes d’information était inférieur à 50 %.

Des crédits supplémentaires devraient être alloués au programme 112 « Cohésion des territoires » pour permettre de renforcer la participation de l’État au budget des MFS. Aujourd’hui, cette participation s’élève à 30 000 euros pour un coût global évalué à 100 000 euros, laissant environ 70 000 euros à la charge de la collectivité territoriale qui accueille la MFS. Selon le directeur de l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT), la participation de l’État devrait passer à 40 000 euros par MFS en 2024 et à 50 000 euros en 2025. Votre Rapporteur sera attentif au respect de cet engagement qui pourrait même être supérieur dès lors que l’on fait supporter aux collectivités territoriales des missions autrefois assurées par l’État.

Recommandation n° 10 : Augmenter la prise en charge du coût des maisons France services par l’État et y organiser des permanences avec des agents des administrations partenaires.

 Concernant la prise des rendez-vous, elle s’est améliorée grâce à la mise en place d’une plateforme gérée par l’ANTS qui rassemble l’ensemble des créneaux disponibles. Les délais sont variables selon les territoires mais les usagers peuvent avoir une vision panoramique des disponibilités. Ils sont en diminution depuis mars 2023. Selon les chiffres du ministère, en France métropolitaine, ils étaient en moyenne de 19,2 jours en septembre 2023, allant de 1,4 jour dans la Nièvre à 39 jours en Loire-Atlantique.

délai moyen de rendez-vous en mairie en 2023

Source : Réponses au questionnaire budgétaire.

Les dispositifs de recueil ont été largement diffusés auprès des mairies (+ 35 %). Le Défenseur des droits a néanmoins signalé des difficultés pour réaliser les démarches relatives aux titres sécurisés dans les établissements pénitentiaires. Malgré l’existence de dispositifs de recueil mobiles, les préfectures refusent souvent d’envoyer un agent pour procéder au recueil des informations nécessaires au renouvellement d’un passeport ou d’une carte d’identité, pourtant indispensables pour préparer la sortie.

Recommandation n° 11 : Habiliter certains agents de l’administration pénitentiaire à utiliser les dispositifs de recueil en vue de permettre la réalisation des demandes de titre sécurisé en détention.

 Concernant les délais d’instruction dans les CERT, ils sont également en cours de stabilisation. Bien que les chiffres de l’indicateur de performance en 2022 soient largement supérieurs aux objectifs cibles – eux-mêmes très élevés –, la fin de l’année 2023 semble marquée par une réduction des délais d’obtention grâce à un renforcement des effectifs.

Délais moyens d’instruction en CERT des titres depuis 2020

 

2020

2021

2022

Rappel cible en 2022

2023 (cible)

Passeport

5,7 jours

10,4 jours

18 jours

12 jours

15 jours

Carte nationale d’identité

7,5 jours

13,8 jours

21 jours

15 jours

15 jours

Permis de conduire

6,5 jours

11,2 jours

14,3 jours

8 jours

15 jours

Source : documents budgétaires

Lors de son audition, la Cour des comptes a indiqué être en train d’achever un rapport consacré à la délivrance des titres. Si votre Rapporteur n’a pu y avoir accès, celui-ci n’étant pas encore finalisé, il lui a toutefois été indiqué que les travaux menés avaient mis en évidence une nette corrélation entre l’efficacité des CERT et la proportion de fonctionnaires titulaires qui y exercent.

Délais moyens d’instruction en CERT des titres en 2023

 

 Concernant la production des titres sécurisés, les difficultés concernent principalement les passeports biométriques. L’augmentation de la demande a été mal anticipée et les capacités de production de l’Imprimerie nationale (IN Groupe), qui dispose du monopole de leur production, sont insuffisantes. L’Imprimerie nationale a mis en œuvre des moyens exceptionnels pour répondre à la demande (travail de nuit et de week-end notamment) et contenir les délais qui étaient passés au-dessus de ce qui est prévu dans les conventions. Les conventions passées entre l’ANTS, au nom de l’État, et IN Groupe montrent le manque d’anticipation de la demande de passeports.

Volume de production (en millions d’unités)

 

2022

2023

Volume prévisionnel

Volume réel

Volume prévisionnel

Volume réél

Passeport

3,0

5,4

5,2

>7,0

CNI

6,5

6,6

7,5

7,5

Source : IN Groupe, conventions ANTS-IN Groupe

Votre Rapporteur invite le ministère à anticiper une hausse durable des demandes de titre jusqu’en 2030, année de la généralisation des cartes nationales d’identité électroniques. La demande pourrait même s’accélérer compte tenu de possibilités qui seront bientôt offertes aux détenteurs d’une CNIE sur France Identité.

*

*     *


II.   Le programme 232 « Vie politique » : Des crédits en hausse en raison du calendrier électoral

Les crédits du programme 232 sont directement corrélés au calendrier électoral. Les crédits pour 2023 étaient donc en baisse, l’organisation du renouvellement partiel du Sénat ne présentant pas les mêmes coûts d’organisation que les élections présidentielles et législatives. En 2023, les élections sénatoriales ont coûté 4,4 millions d’euros, les élections législatives partielles 3,1 millions d’euros et les élections territoriales en Polynésie française 2,0 millions d’euros ([9]).

Les crédits de l’action 2 « Organisation des élections » s’élevaient à 42,6 millions d’euros contre 411,1 millions d’euros en 2022. Le PLF pour 2024 prévoit 180,2 millions d’euros pour l’organisation des élections européennes, qui se déroulent sur un seul tour, et les élections provinciales de Nouvelle-Calédonie.

Ces dépenses couvrent les frais relatifs à l’organisation matérielle du scrutin, au remboursement des dépenses électorales des candidats et à la propagande officielle (y compris audiovisuelle).

Estimation du coût de l’organisation des élections européennes

Acheminement de la propagande électorale

42 800 000 €

Remboursement de la propagande officielle

41 200 000 €

Remboursement forfaitaire des candidats

29 000 000 €

Source : Réponses au questionnaire budgétaire

Cette évolution du calendrier électoral a également un effet sur les moyens de la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) dont les crédits augmentent de 4,7 % après une diminution de 6,2 % en 2023, ce qui apparaît cohérent avec l’augmentation attendue de l’activité de la CNCCFP en 2024, qui n’atteindra toutefois pas celle de 2022.

Seuls les crédits de l’action 1 « Financement des partis » sont maintenus à l’identique. Ils s’élèvent à 68,7 millions d’euros, un chiffre stable depuis dix ans. Le financement se décompose en deux fractions égales : la première en direction des partis politiques qui ont présenté des candidats ayant chacun obtenu au moins 1 % des suffrages exprimés dans au moins cinquante circonscriptions ; la seconde vers les partis et groupements politiques en fonction du nombre de députés et de sénateurs qui s’y sont rattachés.

Au total, le programme « Vie politique » connaît une augmentation de 115 %, passant de 119,6 millions d’euros à 257,6 millions d’euros.

Votre Rapporteur constate que sans l’augmentation des crédits du programme 232, uniquement liés au calendrier électoral, les crédits de la mission AGTE seraient en diminution d’environ 50 millions d’euros.

Évolution des crédits du programme 232 PAR ACTION

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement (AE)

Crédits de paiement (CP)

 

LFI 2023

PLF 2024

Var. ()

LFI 2023

PLF 2024

Var. ()

Action 1 : Financement des partis

68,7

68,7

0 %

68,7

68,7

0 %

Action 2 : Organisation des élections

37,7

181,8

+382 %

42,6

180,2

+323 %

Action 3 : Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP)

7,0

7,3

+4,0 %

8,3

8,7

+4,7 %

Total

113,4

257,7

+127 %

119,6

257,6

+115 %

Source : documents budgétaires.

Votre Rapporteur renouvelle les recommandations formulées à l’occasion de son avis sur le PLF pour 2023 concernant la mise sous pli et l’envoi des propagandes ([10]). Dans la continuité des constats et recommandations formulés sur la dématérialisation dans les services publics, il souligne également l’importance de garantir l’accompagnement des candidats dans le cadre de la finalisation de la dématérialisation des comptes de campagne et d’assurer la maîtrise souveraine des systèmes d’informations utilisés.

Par ailleurs, il regrette l’absence de moyens dédiés spécifiquement à la lutte contre l’abstention, par exemple par l’intermédiaire de campagnes de sensibilisation de grande ampleur. Les efforts menés en ce sens sont insuffisants alors que l’abstention en France est croissante et crée un biais dans les résultats électoraux en favorisant certains candidats.

Recommandation n° 12 : Prévoir une action dédiée à la lutte contre l’abstention.

*

*     *


III.   Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » : Des crédits en diminution, loin des engagements pris dans la Lopmi

A.   Derrière des investissements immobiliers massifs, des moyens en diminution pour les fonctions support du ministère de l’intérieur

1.   Un périmètre et des objectifs inchangés

Le programme 216 « Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur » regroupe onze actions correspondant :

– aux missions de pilotage et d’expertise (État-major, services centraux, affaires juridiques et frais de contentieux) ;

– aux fonctions support (numérique, action sociale et formation et affaires immobilières) ;

– aux effectifs de certaines administrations (délégation à la sécurité routière, direction générale des étrangers en France) ;

– à des politiques spécifiques ou transversales (tutelle administrative des congrégations religieuses et application du régime concordataire d’Alsace et de Moselle, fonds interministériel de prévention de la délinquance – FIPD –, financement des dispositifs de vidéosurveillance).

Une onzième action est créée pour 2024 et rassemble les crédits relatifs aux équipements de vidéoprotection et surveillance électronique du ministère de l’intérieur, des collectivités et des acteurs privés. Cela explique la diminution des crédits alloués au FIPD qui finançait jusqu’alors de nombreux projets dans ce domaine.

Comme pour 2023, trois priorités sont identifiées pour ce programme :

– le renforcement de l’expertise contentieuse grâce au développement des pôles d’appui juridique qui interviennent en soutien dans le traitement des contentieux ;

– le financement de la prévention de la délinquance via le FIPD (62,4 millions d’euros) piloté par le Comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Les crédits du fonds sont en diminution de 26 % car le financement des équipements de vidéoprotection, qu’il assurait jusqu’alors, sera confié à partir de 2024 à la direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes (DEPSA), et fera l’objet d’une ligne budgétaire distincte (action n° 11).

Votre Rapporteur considère que cette diminution du périmètre d’intervention du FIPD est une bonne chose compte tenu des graves dysfonctionnements mis en lumière à l’occasion de la commission d’enquête du Sénat sur le « fonds Marianne » ([11]), qui consistait à flécher une partie du FIPD, sans aucun pilotage, vers des associations présélectionnées par le cabinet de la ministre Marlène Schiappa ;

– l’amélioration de la qualité et de l’efficience des fonctions support, notamment via la politique d’achat et la modernisation de la gestion des ressources humaines.

2.   Des crédits en diminution, à l’exception des projets immobiliers

Au total, les crédits de ce programme s’élèvent à 1,82 milliard d’euros, soit une diminution de 2,9 % par rapport à la LFI pour 2023.

Évolution des crédits du programme 216 PAR ACTION

(en millions d’euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

LFI 2023

PLF 2024

Var.

LFI 2023

PLF 2024

Var.

Action 1 : État-major et services centraux

722,9

756,0

+4,6 %

722,0

755,0

+4,6 %

Action 3 : Numérique

543,0

338,1

-37,7 %

489,8

300,2

-38,7 %

Action 4 : Action sociale et formation

80,6

83,6

+3,7 %

81,4

84,4

+3,7 %

Action 5 : Affaires immobilières

263,1

1 171,4

+345 %

230,5

321,1

+39,3 %

Action 6 : Affaires juridiques et contentieuses

90,5

91,7

+1,3 %

90,6

91,8

+1,34 %

Action 7 : Cultes et laïcité (action nouvelle)

2,1

2,1

0 %

2,1

2,1

0 %

Action 8 : Immigration, asile et intégration

41,9

43,3

+3,2 %

41,9

43,3

+3,2 %

Action 9 : Sécurité et éducation routières

127,6

131,1

+2,7 %

127,6

131,1

+2,7 %

Action 10 : Fonds interministériel de prévention de la délinquance

84,4

62,4

-26,0 %

84,4

62,4

-26,0 %

Action 11 – Équipements de vidéoprotection et surveillance électronique du ministère de l’intérieur, des collectivités et des acteurs privés

 

25,0

 

 

25,0

 

Total

1 956, 2

2 704,6

+38,6 %

1 870,2

1 816,3

-2,9 %

Source : documents budgétaires.

Les autorisations d’engagements sont quant à elles en forte hausse pour atteindre 2,7 milliards d’euros (+ 38 %), en raison d’investissements immobiliers massifs (+ 345 %), pour financer le site unique de la DGSI (1 milliard d’euros en AE). Ces chiffres restent toutefois inférieurs en AE et en CP aux montants votés lors de l’examen de la loi n° 2023-22 du 24 janvier 2023 d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (voir tableau p. 6).

Les effectifs du programme augmentent de 17,8 ETPT, (+ 0,2 %) pour atteindre 11 113 ETPT. Le schéma d’emploi prévoyait une augmentation de 149 ETPT mais, dans le même temps, 141 emplois du programme ont été transférés au programme 165 « Conseil d’État et autres juridictions administratives » et sept autres vers le programme 354.

Le programme finance également un opérateur : le Conseil national des activités privées de sécurité chargé de la délivrance des cartes professionnelles et de la discipline de ce secteur. Le CNAPS reçoit une subvention pour charges de service public de 17,2 millions d’euros et une subvention pour charges d’investissement de 0,3 millions d’euros. Ces montants sont identiques depuis 2017.

La diminution significative (- 38 % en AE et en CP) des moyens consacrés au numérique est inquiétante au regard des besoins d’amélioration et de maintenances des systèmes d’information du ministère de l’intérieur.

Votre Rapporteur se félicite néanmoins, comme il l’avait recommandé l’an dernier, que des moyens humains supplémentaires (+5 ETPT), quoiqu’encore insuffisants, soient consacrés à la filière numérique « dans le cadre de la réinternalisation des compétences numériques » ([12]). Ces moyens doivent encore être largement augmentés. L’ANTS a ainsi souligné à votre rapporteur le recours excessif à des prestataires externes en matière de conception et maintenance des systèmes d’information, causant des difficultés dans la continuité des projets ([13]).

B.   Le CNAPS, un opérateur sous doté

1.   Un premier bilan globalement positif pour la réforme du CNAPS

Le Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), créé en 2011, a pour mission de réguler un secteur en pleine expansion qui sera particulièrement exposé au cours de l’année qui vient. Votre Rapporteur a donc mené plusieurs auditions sur cette question afin d’évaluer les besoins de cet opérateur essentiel pour la réussite des Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris 2024.

Le CNAPS assure des missions de police administrative (instruction, délivrance, suspension et retrait des autorisations des entreprises et des agents de sécurité privée), de contrôle et de sanction ainsi que de conseil et d’assistance à l’égard du secteur. Il réalise des contrôles ciblés selon un programme défini avec sa tutelle et à partir des signalements reçus.

Son organisation a été réformée en profondeur par l’ordonnance n° 2022-448 du 30 mars 2022 relative aux modalités d’organisation, de fonctionnement et d’exercice des missions du CNAPS. Pleinement entrée en vigueur au cours de l’exercice 2023, elle fait l’objet d’une satisfaction globale. Les acteurs de la sécurité privée se félicitent de la déterritorialisation des poursuites disciplinaires et de l’harmonisation au niveau national de la jurisprudence du CNAPS.

CNAPS : une réforme interne en deux temps

Au 1er mai 2022, le CNAPS a recentralisé les décisions vers le directeur général, qui délègue une partie de son pouvoir vers les autorités locales. Le directeur traite les retraits de titre, les cas sensibles et les recours gracieux. Ce mécanisme doit permettre d’unifier la jurisprudence et de répondre dans des délais plus courts. Les sanctions relèvent du directeur général pour les amendes jusqu’à 5 000 euros, les avertissements et les blâmes. Au-delà c’est la commission nationale qui est compétente.

Au 1er septembre 2022, le CNAPS a mis en place sa nouvelle gouvernance autour d’un conseil d’administration, d’une commission de discipline et d’une commission d’expertise. Cette dernière pourra se réunir selon différents formats regroupant des professionnels des différentes activités concernées (vigiles, détectives privés, gardes du corps, transporteurs de fonds etc.).

2.   Des moyens insuffisants pour remplir les missions confiées, notamment dans le cadre des JOP 2024

● Concernant le contrôle des entreprises, des agents et des organismes de formation, les moyens du CNAPS sont nettement insuffisants. L’opérateur dispose de 53 contrôleurs. Plusieurs acteurs nous ont signalé la rareté des contrôles de nuit et de week-end, pourtant nécessaires s’agissant de ces professions, en particulier dans l’évènementiel. Selon le CNAPS, seuls 93 contrôles ont été réalisés de nuit ou le week-end depuis le début de l’année 2023 (sur un total d’environ 2 000 contrôles).

Les représentants du secteur regrettent également la formation insuffisante des contrôleurs aux spécificités du secteur, qui ne leur permet pas de détecter efficacement les fraudes. La plupart des contrôleurs du CNAPS sont des fonctionnaires du ministère de l’intérieur en détachement. La formation aux missions de contrôle est réalisée par les pairs au moment de l’arrivée. Lors des contrôles, les agents s’appuient sur un référentiel dédié. Depuis la loi n° 2021-646 pour une sécurité globale, les agents ont été sensibilisés à la question du travail illégal. Ces formations mériteraient d’être renforcées, avec la participation des entreprises du secteur pour mieux détecter les fraudes et ainsi assainir ce secteur efficacement.

Recommandation n° 13 : Renforcer la formation des contrôleurs du CNAPS et prévoir, dans le contrat d’objectifs et de performance du CNAPS, le nombre de contrôles à réaliser de nuit et de week-end.

Par ailleurs, les moyens dont dispose le CNAPS pour détecter des dysfonctionnements sont faibles puisqu’il ne fait pas partie des autorités de recueil externe des alertes en matière de sécurité privée. Seul le Défenseur des droits a été indiqué dans l’annexe du décret n° 2022-1284 du 3 octobre 2022 relatif aux procédures de recueil et de traitement des signalements émis par les lanceurs d'alerte et fixant la liste des autorités externes instituées par la loi n° 2022-401 du 21 mars 2022 visant à améliorer la protection des lanceurs d'alerte.

● Concernant la gestion des cartes professionnelles, les délais sont contenus, environ un mois pour instruire les demandes. En revanche, les dysfonctionnements du logiciel DRACAR ont été signalés à plusieurs reprises, ce dernier empêchant notamment l’ajout de nouvelles certifications sur une même carte professionnelle. De l’aveu du CNAPS, ce logiciel conçu en 2008 est « vieillissant et difficile à maintenir ». Mais les travaux engagés pour sa révision en 2019, en vue des grands évènements à venir, ont échoué et le projet a été reporté à 2026, avec la possibilité, dès 2024, d’engager les travaux nécessaires (un abondement à hauteur de 1 million d’euros est prévu en ce sens). La maintenance du logiciel jusqu’à cette date a été confiée en 2021 à Capgemini.

Recommandation n° 14 : Accélérer la modernisation du logiciel DRACAR utilisé pour la délivrance des cartes professionnelles.

3.   De lourdes inquiétudes quant à la capacité du secteur et du régulateur à atteindre les objectifs fixés pour l’organisation des JOP 2024

Si le CNAPS n’a pas vocation à organiser le secteur, son rôle est central dans l’organisation de la sécurité privée dans le cadre des Jeux olympiques. En effet, les organisateurs anticipent de grande difficulté pour répondre aux besoins qu’impliquera cet évènement d’une ampleur inédite.

Le nombre d’agents de sécurité nécessaire est estimé entre 17 000 et 22 000 par le comité d’organisation et la délégation interministérielle. Les professionnels du secteur considèrent que les besoins se situeront davantage autour de 25 000 agents. Cette demande viendra s’ajouter aux besoins habituels de sécurité privée et à celle liée à tous les évènements périphériques aux JOP (écran géant dans les collectivités, hôtels et restaurants accueillant un nombre inhabituel de touristes…). Le bassin de vie concerné est par ailleurs restreint, puisque les évènements se concentrent en Île-de-France.

En outre, la branche est en forte tension et l’évènementiel est un sous-secteur particulier habituellement occupé par des personnes qui cherchent un revenu de complément. Les rémunérations sont très insuffisantes puisque les deux premiers échelons de la grille de salaire sont situés sous le SMIC. Les tarifs sont tirés vers le bas par les entreprises qui ne respectent pas le droit applicable, d’où la nécessité d’avoir un régulateur en capacité de procéder aux contrôles nécessaires.

Recommandation n° 15 : Prévoir la renégociation des salaires de la branche afin de faire passer l’ensemble des échelons au-dessus du SMIC.

Le vivier est donc réduit et instable, en particulier en période de vacances d’été. La Fédération française de la sécurité privée estime à 40 000 le nombre d’agents disponibles et habituellement employés sur cette période. Il faudra donc augmenter de plus de moitié les agents disponibles, en moins d’un an. La situation est aggravée par l’interdiction pour les ressortissants étrangers de demander une autorisation d’exercer s’ils ne sont pas titulaires d’un titre de séjour depuis au moins 5 ans ([14]).

Recommandation n° 16 : Rétablir la possibilité pour les ressortissants étrangers d’exercer en tant qu’agents de sécurité privée.

Par crainte de ne pas parvenir à procéder aux recrutements nécessaires, plusieurs des grandes sociétés de la sécurité privée ont préféré ne pas répondre aux appels d’offres sur les lots proposés par l’organisateur. Certains d’entre eux, notamment pour l’organisation de la cérémonie d’ouverture, ne sont ainsi toujours pas pourvus, malgré des tarifs supérieurs à ceux du marché.

La création d’une nouvelle carte professionnelle, dite « 106 heures » en raison de la durée réduite de formation qui s’élève normalement à 175 heures, dédiée spécifiquement aux missions de sécurité privée en lien avec les grands évènements, devrait permettre d’élargir ce vivier. Néanmoins, rien ne garantit que les personnes formées – parfois contre rémunération ou sous la menace d’une extinction de leurs droits aux allocations chômage – se porteront effectivement candidats lors des Jeux.

Votre Rapporteur appelle donc les pouvoirs publics à la plus grande vigilance dans l’estimation de leurs besoins. La nécessité de procéder au recrutement en urgence de nombreux agents ne devra pas conduire le CNAPS à dégrader le contrôle qu’il assure en amont de la délivrance des cartes professionnelles.

Dépenses par destination

 (en milliers d’euros)

 

2019

2020

2021

2022

AE

CP

AE

CP

AE

CP

AE

CP

Police administrative

6 801

7 726

7 367

7 570

1 306

845

894

964

Disciplinaire

5 565

6 322

6 028

6 193

304

332

203

221

Conseil et assistance

464

527

502

516

9

39

26

33

Soutien

2 628

2 985

2 847

2 925

16 806

15 707

20 833

16 435

Total

15 458

17 560

16 744

17 204

18 425

16 924

21 956

17 653

Source : Réponses au questionnaire budgétaire

Dans ce contexte, les moyens du CNAPS, dont les missions ont été progressivement étendues (nouvelle carte professionnelle, contrôle des organismes de formation…) auraient dû augmenter considérablement. Ils sont pourtant restés identiques depuis 2017, à hauteur de 17,5 millions d’euros, de telle manière que depuis 2022, les dépenses excèdent les crédits accordés.

Les effectifs ont bien été augmentés de 10 ETPT pour la période entre juillet 2023 et juin 2024, sans crédits supplémentaires. Le schéma d’emploi en 2024 prévoit une diminution de 10 ETPT dès début juillet, avant la tenue des Jeux olympiques et paralympiques, qui exigera pourtant des contrôles accrus.

Recommandation n° 17 : Maintenir les 10 ETPT supplémentaires jusqu’à la fin des Jeux olympiques et paralympiques et accorder en conséquence une hausse des crédits.

 

*

*     *


—  1  —

 

   Liste des recommandations

Recommandation  1 : Ne pas supprimer d’emplois de catégorie C au profit du recours à l’externalisation ou à des services civiques.

Recommandation  2 : Procéder à une évaluation précise des besoins dans chaque préfecture avant de procéder aux affectations des effectifs recrutés pour occuper les postes vacants et à la création des nouveaux emplois annoncés.

Recommandation  3 : Réduire le recours aux vacataires et aux contrats infra-annuels en plafonnant dans la loi le taux de contractualisation et en respectant les conditions de recours aux non-titulaires.

Recommandation  4 : Prévoir l’accessibilité à l’ANEF sur téléphone portable et dans le plus grand nombre de langues possibles.

Recommandation  5 : Affecter les nouveaux agents des services des étrangers sur les missions d’accueil et d’accompagnement du public et non de contentieux et d’éloignement.

Recommandation  6 : Permettre à l’ANTS de remplir pleinement son rôle d’assistance aux demandeurs de titres étrangers en donnant accès à AGDREF à ses agents.

Recommandation  7 : Prévoir rapidement, dans chaque préfecture, une alternative à la dématérialisation accessible directement aux demandeurs de titres de séjour.

Recommandation  8 : Réinternaliser l’assistance aux demandeurs de titres de séjour réalisée par un prestataire privé pour le compte de l’ANTS.

Recommandation  9 : Réinternaliser les fonctions de développement et de maintenance des systèmes d’information du ministère.

Recommandation  10 : Augmenter la prise en charge du coût des maisons France services par l’État et y organiser des permanences avec des agents des administrations partenaires.

Recommandation  11 : Habiliter certains agents de l’administration pénitentiaire à utiliser les dispositifs de recueil en vue de permettre la réalisation des demandes de titre sécurisé en détention.

Recommandation  12 : Prévoir une action dédiée à la lutte contre l’abstention.

Recommandation  13 : Renforcer la formation des contrôleurs du CNAPS et prévoir, dans le contrat d’objectifs et de performance du CNAPS, le nombre de contrôles à réaliser de nuit et de week-end.

Recommandation  14 : Accélérer la modernisation du logiciel DRACAR utilisé pour la délivrance des cartes professionnelles.

Recommandation  15 : Prévoir la renégociation des salaires de la branche afin de faire passer l’ensemble des échelons au-dessus du SMIC.

Recommandation  16 : Rétablir la possibilité pour les ressortissants étrangers d’exercer en tant qu’agents de sécurité privée.

Recommandation n° 17 : Maintenir les 10 ETPT supplémentaires jusqu’à la fin des Jeux olympiques et paralympiques et accorder en conséquence une hausse des crédits.

 

 


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   Examen en commission

Lors de sa seconde réunion du mardi 17 octobre 2023, la commission des Lois a examiné pour avis les crédits de la mission « Administration générale et territoriale de l’État » (M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis).

Lien vidéo : https://assnat.fr/3zegcK

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons à la discussion générale sur les crédits de la mission budgétaire Administration générale et territoriale de l’État (AGTE).

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. L’an dernier, j’avais concentré mon propos sur l’accueil des usagers du service public, en particulier dans les préfectures et sous-préfectures. J’ai constaté un problème de délais d’obtention des titres d’identité et de circulation – carte grise, permis de conduire, carte d’identité, passeport, titre de séjour. Le Gouvernement avait pris des engagements pour le résoudre, assortis de mesures fortes, comme la réouverture de sous-préfectures et la recréation d’une filière d’accueil.

Cette année, je me suis intéressé à l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS) et plus généralement à la procédure de délivrance des titres, ainsi qu’au Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS), opérateur de l’État, et à son action dans le cadre de la Coupe du monde rugby et de la préparation des prochains Jeux olympiques et paralympiques, puisqu’il délivre les cartes professionnelles. Il y a quelques années, la Cour des comptes avait dénoncé les faiblesses du contrôle du dispositif.

La mission est constituée du programme 354 Administration territoriale de l’État, du programme 232 Vie politique et du programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur. Je ne me suis guère arrêté sur le programme 232 puisque Charles de Courson, rapporteur spécial pour la commission des finances, lui porte une attention particulière. De surcroît, notre commission a déjà eu à connaître récemment de problèmes en relevant, comme l’acheminement de la propagande électorale.

Le programme 354 Administration territoriale de l’État regroupe les dépenses des préfectures et des sous-préfectures et les dépenses mutualisées des administrations déconcentrées, notamment des directions départementales interministérielles. La dernière réforme de l’administration territoriale de l’État a en effet institué des secrétaires généraux communs. Le programme 216 Conduite et pilotage des politiques de l’intérieur concerne les fonctions support du ministère dans les administrations centrales.

Les crédits du programme 354 augmentent légèrement, de 0,19 %. Ils respectent la trajectoire définie par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi), et même un peu plus, puisqu’ils atteignent 2,43 milliards contre 2,21 milliards prévus en crédits de paiement. Ces sommes ne comprennent pas les crédits inscrits au compte d’affectation spéciale Pensions, qui sont exclus des prévisions indiqués dans la Lopmi.

En revanche, s’agissant du programme 216, on constate un hiatus entre les crédits annoncés dans la Lopmi, 1,850 milliard, et ceux prévus dans le PLF, 1,566 milliard : il manque quasiment 300 millions, une somme non négligeable qui pousse à se demander quels objectifs ont été revus. Peut-être s’agit-il de ceux de l’action 03 Numérique, dont le montant des crédits de paiement est inférieur au montant des investissements programmés. J’aurais aimé que le ministre soit là pour nous répondre.

S’agissant des effectifs maintenant, après la baisse constante qu’avaient connue les préfectures et sous-préfectures, le Gouvernement s’était engagé à enclencher une dynamique de croissance. L’examen du programme 354 montre toutefois qu’elle reste limitée, surtout rapportée aux enjeux et aux besoins : on passe de 40 439 à 40 613 équivalents temps plein travaillé, soit 174 effectifs supplémentaires.

À la révision générale des politiques publiques (RGPP) avait succédé le plan Préfectures nouvelle génération, abandonné à cause des difficultés d’accès au service public qu’il entraînait : le tout s’est transformé en missions prioritaires des préfectures, dont l’une, « Élargir et diversifier les conditions d’accueil du public », devait permettre de créer une filière dédiée à l'accueil. Je n’ai pas obtenu la répartition des effectifs supplémentaires, mais force est de constater que cette filière d’accueil n’existe pas : le ministère a préféré consacrer plus d’énergie, et un peu plus de moyens, au réseau France Services.

À ce propos, j’ai auditionné l’Agence nationale de la cohésion des territoires, qui formellement dépend du programme 112 Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire mais intéresse tout de même notre discussion. L’objectif était de déployer 2 700 espaces France Services. On sait que le réseau France Services est de plus en plus sollicité, et qu’on compte des millions de démarches accompagnées. Mais d’un autre côté, le nombre de saisines de la Défenseure des droits augmente continûment depuis 2022 pour des démarches équivalentes, en particulier des émissions de titres. Cela montre que le compte n’y est toujours pas : les accueils France Services ne sont pas assez nombreux pour remplir leur mission indispensable et beaucoup de gens restent éloignés des services publics.

Comme nous l’a expliqué la Défenseure des droits, cela tient principalement à la dématérialisation des procédures et à l’absence de démarche alternative : lorsque vous rencontrez une difficulté pour accomplir la démarche sur un support numérique, on vous propose une aide technique, pas une procédure papier ou un accueil physique. C’est pourquoi Danièle Obono et moi-même, à l’occasion de la niche parlementaire de notre groupe, défendrons une proposition de loi tendant à la réouverture des accueils physiques dans les services publics.

Le Conseil d’État a rendu une décision fondamentale sur le sujet le 3 juin 2022, aux termes de laquelle l’administration doit assurer un accueil humain dans les préfectures, pour permettre d’accomplir physiquement les démarches. L’administration a essayé de se réorganiser pour se conformer à cette décision, mais ce mouvement s’est heurté au déploiement d’un autre projet, celui de l’administration numérique pour les étrangers en France (ANEF), nouvelle procédure électronique appliquée à toutes les démarches relatives au séjour et à la naturalisation. J’ai auditionné à ce sujet la préfecture de Seine-Saint-Denis, désignée site pilote car elle concentrait la plupart des référés « mesures utiles » relatifs aux demandes de rendez-vous – je vous épargne le détail du business qui s’est créé autour des rendez-vous. Je me suis aussi rendu à l’ANTS, à Charleville-Mézières, dont dépend la plateforme téléphonique qui reçoit les appels signalant un dysfonctionnement. Or le nombre de sollicitations explose : ils sont incapables de répondre aux usagers, de sorte que les délais de délivrance des titres se sont allongés, alors que la dématérialisation et la plateforme devaient améliorer la situation.

Une nouvelle fois, cela amène à s’interroger sur notre manière d’organiser la dématérialisation. Le scénario est toujours le même : on évalue le nombre de postes que la réforme permettra d’économiser et on les supprime avant d’être sûr que tout va bien. Par exemple, le site internet de l’ANEF ne fonctionne pas bien sur les téléphones, il faut un ordinateur ; en 2023, c’est un peu rageant. Et il n’est accessible qu’en français et en anglais, alors qu’il s’adresse à des étrangers. La direction générale des étrangers en France m’a laissé entendre qu’un étranger qui veut venir en France doit savoir parler au moins l’une de ces deux langues… Qu’en est-il des nombreuses personnes qui ne les maîtrisent pas mais peuvent avoir besoin d’un visa ou d’un titre de séjour, pour participer à des événements internationaux par exemple ? Tant pis pour eux, ils passeront par Google traduction pour utiliser le site de l’ANEF !

Cela me coûte, mais j’en suis réduit à émettre des recommandations bêtes et méchantes, parce que le problème est sérieux. Je demande que le site soit accessible par smartphone. Je demande aussi que les agents de la plateforme téléphonique de l’ANTS puissent avoir accès à AGDREF, l’application de gestion des dossiers des ressortissants étrangers en France, qui regroupe les informations relatives aux demandeurs, notamment leur situation administrative – oui, vous avez bien compris : les gens qui sont censés aider les étrangers à accomplir leurs démarches ne disposent pas des données nécessaires ! Il y a deux ans, on leur a dit d’attendre un autre logiciel, en cours de développement. Pendant ce temps, les difficultés s’accumulent, les agents souffrent de ne pas pouvoir remplir leur mission, renvoient les demandeurs aux préfectures, qui ont elles-mêmes d’autres tâches à accomplir, raison pour laquelle on a dématérialisé les procédures. Il reste une marge de progression…

J’en viens aux délais de délivrance des cartes nationales d’identité (CNI) et des passeports. À ce jour, le délai moyen a été nettement abrégé, même si cela reste une moyenne – tant pis pour ceux qui sont au mauvais endroit. Toutefois, on partait de très loin : attendre son passeport trois mois au lieu de six, c’est mieux, mais cela reste long. Dans la procédure, le plus long n’était ni le traitement par les CERT (centres d’expertise et de ressources titres), ni le travail de l’Imprimerie nationale, ni l’acheminement, mais le délai pour obtenir un rendez-vous en mairie. L’ANTS a donc déployé de nombreux dispositifs de recueil et créé une plateforme centralisant les rendez-vous disponibles, faisant fondre les délais, mais avec de fortes disparités : dans certains départements très sinistrés, le délai peut atteindre quatre-vingt-dix jours, contre dix-huit en moyenne. Reste le traitement par les CERT, qui reste en moyenne au-dessus de l’objectif fixé à quinze jours pour 2023.

La Cour des comptes instruit un rapport sur l’ANTS et les CERT, qui est actuellement en phase contradictoire. Elle a établi que la qualité et l’efficacité du traitement sont supérieures dans les centres qui emploient plus de fonctionnaires titulaires que dans ceux qui recourent plus aux agents contractuels. Beaucoup de CERT ont en effet embauché des contractuels pour trois à six mois seulement, qui partent peu après avoir été formés parce qu’ils ont trouvé un meilleur emploi. Ceux qui sont à gauche de l’échiquier politique ne se trouveront guère étonnés que la fonction publique soit la plus à même d’administrer efficacement ce genre d’affaires.

Enfin, nous sommes confrontés à un problème de fraude aux nouvelles cartes d’identité et aux nouveaux passeports, censément plus sécurisés. En réalité, des failles humaines affaiblissent la résistance des CERT à de potentielles corruptions. Le ministère de l’intérieur et des outre-mer a annoncé qu’il y travaillait – la circulation de faux documents d’identité est toujours gênante…

M. Philippe Latombe avait rédigé un rapport d’information sur les moyens de bâtir et de promouvoir une souveraineté numérique nationale et européenne. Dans sa suite, outre l’ANTS, j’ai voulu entendre l’Imprimerie nationale, qui détient le monopole de la production des titres d’identité et est devenue, depuis 1994, une société anonyme avec une activité internationale. On peut s’interroger sur la pertinence de certains des choix de la France en matière de sécurité, notamment concernant la puce ou les encres. Par exemple, la photographie de la nouvelle carte d’identité est en noir et blanc, alors que les meilleurs standards internationaux de sécurité sont en couleur. Parallèlement, les locaux de l’Imprimerie nationale ont été perquisitionnés à la demande du parquet national financier (PNF), en lien avec l’obtention du marché de la production des cartes d’identité de l’Ukraine. Comme Bercy est également concerné, il aurait été d’autant plus intéressant d’entendre le ministre de l’intérieur à ce sujet, qui a également été ministre de l’action et des comptes publics.

L’an dernier, Charles de Courson avait soulevé la question des coûts de production. Après vérification, si l’Imprimerie nationale respecte ses engagements en matière de coûts et de délais pour produire les cartes d’identité, elle est encore au-dessus en ce qui concerne les passeports : six jours en moyenne au lieu de quatre. Cela vient d’une mauvaise anticipation des demandes : la reprise après l’arrêt dû au covid a été plus importante que prévu. Or l’accélération des demandes va se poursuivre. En effet, avec France Identité, que le ministre a évoqué lors de son audition, la puce de la CNI permettra demain d’effectuer nombre de démarches dématérialisées. L’objectif est que 100 % de la population dispose de la nouvelle carte d’identité en 2030 – la Cour des comptes émet des réserves sur notre capacité à l’atteindre. Pour ma part, je mets en garde contre un déploiement trop rapide de solutions numériques nécessitant le recours à la nouvelle CNI – je pense au projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, que nous avons adopté tout à l’heure – sans quoi il y aura une ruée sur les nouvelles cartes.

Pour toutes ces raisons, je recommande vivement de renforcer l’ANTS, première interlocutrice de l’Imprimerie nationale, qui évalue les demandes et assure le service après-vente téléphonique. Je précise qu’elle le fait grâce à une plateforme partiellement externalisée, pour 450 personnes : mieux vaudrait charger des agents de la fonction publique de répondre aux questions des usagers. Par ailleurs, l’Agence voudrait internaliser les 90 équivalents temps plein (ETP) qui s’occupent aujourd’hui des systèmes d’information, qui sont spécifiques à chaque titre – permis de conduire, système d’immatriculation des véhicules, carte d’identité… – mais cela requiert des moyens supplémentaires.

S’agissant du nombre d’agents disponibles pour assurer la sécurité des Jeux olympiques et paralympiques, je comprends l’optimisme du ministre : il a dans l’idée que tous les demandeurs d’emploi du secteur qui ont déjà refusé deux offres raisonnables suivront les 106 heures de formation nécessaires pour se voir délivrer une carte professionnelle Surveillance grands événements. Mais tous ceux qui auront suivi cette formation sous la contrainte seront-ils présents le jour J devant un stade donné ? Certains expriment des inquiétudes à ce sujet, comme les syndicats patronaux de la Fédération française de la sécurité privée. En effet, les grands groupes de sécurité privée ne répondent pas aux appels d’offres en lien avec l’organisation des Jeux : leur activité est déjà assurée, ils ne veulent pas s’exposer à des pénalités parce qu’ils n’auront pas pu satisfaire aux exigences. Cela explique l’énergie que l’État doit déployer pour former le plus de monde possible. La question reste ouverte.

Le CNAPS a besoin de moyens supplémentaires significatifs pour mener son activité de contrôle. En effet, s’agissant de la délivrance des cartes professionnelles, la situation s’est beaucoup améliorée : les délais sont respectés, malgré la dématérialisation, car les employeurs font ce qu’il faut. En revanche, le taux de contrôle demeure très faible, bien que nous ayons voté dans la loi « sécurité globale » une habilitation à légiférer par voie d’ordonnance pour adapter le fonctionnement du CNAPS, qui doit désormais contrôler les organismes de formation.

Les syndicats de salariés m’ont expliqué que le logiciel de délivrance des titres du CNAPS, vieillissant, avait dû être remplacé par le logiciel DRACAR, dont tout le monde dénonce les limites. Les crédits manquent pour l’améliorer, or il faut de la robustesse.

Vous aurez compris qu’il aurait fallu abonder davantage le programme 216, au moins à hauteur des crédits prévus par la LOPMI. La dynamique à la hausse est très insuffisante au regard des besoins. La direction du management de l'administration territoriale et de l'encadrement supérieur annonce d’ailleurs 4,4 % de postes vacants : les services n’en sont pas à exprimer leurs besoins en fonction des missions qui leur sont attribuées, mais à essayer de pourvoir les postes vacants. Encore une fois, le compte n’y est pas.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

M. Jean Terlier (RE). Je suis agréablement surpris, Monsieur le rapporteur : contrairement à l’an dernier, je vous ai trouvé très positif. L’objectif de la mission Administration générale et territoriale de l’État est toujours de moderniser l’action publique, avec la volonté de garantir une présence des services publics ainsi que des outils numériques pour ceux qui préfèrent la flexibilité et la rapidité des procédures dématérialisées. Trois cents emplois seront créés pour cette numérisation du service public. Les crédits permettent de concilier les deux approches.

Cette année encore, l’État consent un effort budgétaire, avec 89 millions d’euros de crédits supplémentaires par rapport à la loi de finances pour 2023. La moitié sera consacrée à l’administration territoriale de l’État, dont les moyens humains seront renforcés, avec 110 emplois supplémentaires pour assurer les missions préfectorales qui s’étendent le plus. Le Gouvernement remplit ainsi deux engagements récents : 77 postes d’experts de haut niveau sont créés pour accompagner les préfets dans le déploiement des politiques publiques, et 45 emplois supplémentaires permettront de renforcer les plateformes régionales de ressources humaines qui soutiennent les services déconcentrés, pour améliorer l’attractivité des emplois publics. Au total, en 2023, le réseau territorial de l’État aura bénéficié de la création de 232 ETP.

La mission Administration générale et territoriale de l’État permet au ministère de l’intérieur et des outre-mer de remplir trois de ses responsabilités fondamentales. La première est de garantir l’exercice des libertés publiques, notamment le suffrage universel, en organisant les élections – cette année auront lieu les élections européennes et les élections provinciales de Nouvelle-Calédonie. La deuxième est d’assurer la présence et la continuité de l’État dans tout le territoire de la République. La troisième a trait à la déclinaison locale des politiques nationales.

Le projet annuel de performances montre que ces crédits permettent de diminuer le délai d’instruction des demandes de passeport et de CNI comme celui du traitement des demandes de renouvellement de séjour, d’augmenter le taux de connexion aux sites internet départementaux de l’État et d’accélérer la féminisation des nominations dans le corps préfectoral.

J’insisterai d’abord sur l’effort budgétaire en faveur de la relocalisation des services publics, pour qu’ils soient rendus au plus près des citoyens. Les maisons France Services sont la partie émergée de l’iceberg. Nous continuons à en inaugurer. Leurs agents font preuve d’un grand professionnalisme ; ils répondent aux demandes grandissantes de nos concitoyens avec patience, attention et disponibilité. Installés dans des villages enclavés ou dans des centres urbains, comme la sous-préfecture de Castres, ils proposent de plus en plus de permanences et leurs heures de présence excèdent les objectifs. Ils redonnent à des gens qui l’avaient perdue la confiance dans le service public, en l’incarnant au plus près de chez eux.

Deuxième point important : le renforcement de la préfectorale. Dans le Tarn, cette année, cela s’est concrétisé par la création d’un poste de sous-préfet. Les décisions sont rendues plus vite, les dossiers mieux suivis, défendus et pilotés, et ce besoin de contact exprimé par nos concitoyens, ce besoin de voir les fruits de l’action publique, est aussi satisfait. J’appelle votre attention sur les 7,5 millions d’euros qui seront mobilisés dans les trois ans à venir pour ouvrir et faire fonctionner six nouvelles préfectures.

Nous voterons les crédits de cette mission.

Mme Marie-France Lorho (RN). La mission relative à l’administration générale et territoriale de l’État touche à des domaines prioritaires pour les Français. L’accès aux services de proximité en fait partie et nous saluons à ce titre le fait que les indicateurs de performance aient pointé la nécessité d’évaluer l’efficience de l’administration territoriale de l’État. Néanmoins, il manque à notre sens différents indicateurs qui permettraient de la mesurer, comme un indicateur relatif à l’absentéisme des personnels de la fonction publique sur les territoires. Nous avons tenté d’appeler l’attention du Gouvernement sur cette question, en déposant un amendement en commission des finances. Nous en déposerons un autre visant à mesurer le taux d’accès des personnes âgées aux services dématérialisés du ressort de la préfecture : elles peinent en effet, comme d’autres publics vulnérables, à accéder à ces services.

Un autre volet prioritaire de cette mission nous préoccupe : celui qui concerne la réglementation générale, la garantie de l’identité et de la nationalité et la délivrance des titres. Les délais d’obtention des titres d’identité – mission dont les préfectures sont en partie responsables – sont particulièrement longs. Même si des progrès ont été faits, ils méritent d’être encore écourtés. Il nous semblerait légitime de renforcer les moyens alloués aux préfectures en la matière. Toujours dans ce domaine, le droit des étrangers mérite notre attention. Nous nous alarmons que l’action qui finance notamment les demandes d’asile et de séjour comme les reconduites à la frontière ait connu une baisse de 82,5 millions euros en 2023 et diminue de nouveau de 23,4 millions d’euros en 2024. En 2022, M. le ministre appelait les préfets à exercer une véritable police du séjour. Cette baisse de crédits significative ne nous semble pas appuyer cette politique.

Les tragiques événements récents doivent nous inciter à inverser la tendance et à augmenter les moyens alloués à cette mission des préfets. M. le ministre a appelé, après l’attaque terroriste dans un lycée d’Arras, à tenir une ligne de fermeté extrêmement claire et à procéder à l’expulsion systématique de tout étranger considéré comme dangereux. J’aurais aimé connaître sa position sur les éventuels amendements visant à renforcer les crédits dans cette direction.

M. Emmanuel Mandon (Dem). Évoquer la mission Administration générale et territoriale de l’État fait réfléchir aux moyens d’assurer la continuité de la présence de l’État auprès de nos concitoyens et des élus. Le PLF pour 2024 propose d’y consacrer des moyens importants, en progression de 15,16 % en autorisations d’engagement et de 1,95 % en crédits de paiement. Certes, cette croissance des crédits doit être relativisée, puisqu’elle procède pour une large part de la hausse des crédits du programme Vie politique en raison de l’organisation des élections européennes de juin prochain.

Voilà qui m’offre l’occasion de revenir une fois encore sur le problème que pose la hausse inexorable de l’abstention. Ce n’est sans doute pas ce soir que nous allons le régler, mais peut-être peut-on formuler une suggestion pour valoriser l’accomplissement du devoir électoral : la création d’une plateforme permettant la consultation libre des listes d’émargement. Nous pourrions aussi prévoir des crédits pour l’actualisation des listes électorales avec le registre électoral unique. Encourager la participation électorale est un objectif qui nous apparaît fondamental. Dans son dernier rapport, le rapporteur spécial estimait nécessaire que le ministère de l’intérieur engage une réflexion sur les modalités alternatives au vote à l’urne – à l’exception des machines à voter, qui ont largement dépassé l’obsolescence programmée. Il pourrait être intéressant de recueillir l’avis du ministre sur l’état d’avancement des réflexions en cours à ce sujet, les modalités d’organisation des élections européennes prenant en compte la nécessaire modernisation de la propagande électorale.

Le programme 354 Administration territoriale de l’État poursuit, conformément à la LOPMI, deux objectifs prioritaires : réarmer l’État territorial et moderniser le fonctionnement des services. C’est la question de la capacité des services publics à atteindre l’usager du premier au dernier kilomètre qui se pose, selon la formule du Conseil d’État. L’augmentation substantielle des crédits, commencée dès l’année dernière et poursuivie cette année, va dans le bon sens. Dont acte. Saluant la création de 232 postes dans l’administration déconcentrée, je voudrais insister sur le développement du réseau des sous‑préfectures. Après la commune, l’arrondissement est en effet l’échelon administratif de l’État le plus pertinent pour prendre en compte les besoins et les attentes des habitants.

Depuis vingt ans, les services de l’État ont été profondément transformés. Un effort particulier a été accompli récemment avec la création des maisons France Services, qui se développent Mais, par contraste, la dématérialisation des démarches a produit des effets inégalement bénéfiques selon le niveau d’acceptabilité de chaque public. Aujourd’hui, le smartphone est bien l’outil le plus adapté pour nombre de nos concitoyens.

Le fléchage d’une partie des moyens humains vers le recrutement d’agents dans les services les plus en contact des usagers répond à ce besoin de proximité, tout comme il justifie à mes yeux le recours aux contractuels et aux volontaires en service civique. Je ne partage pas la recommandation du rapporteur à ce sujet. En revanche, je le rejoins sur la question des titres de séjour pour les étrangers. Le Conseil d’État a annulé partiellement le décret rendant obligatoire une démarche exclusivement en ligne. Des modalités alternatives prenant la forme d’un accueil physique ont été mises en place, mais semblent à ce jour trop restrictives. Cela m’amène à m’interroger sur l’impact des nouveaux moyens humains qui ont été prévus dans ce budget.

Nous adopterons ces crédits.

M. Roger Vicot (SOC). Revenons quelques années en arrière pour voir comment tout ceci a été amené. Dans le PLF pour 2021, le Gouvernement s’accorde un satisfecit et annonce de nouveaux services déconcentrés interministériels sous l’autorité du préfet afin de favoriser les mutualisations, de faire d’importantes économies, d’améliorer la qualité du service rendu et de conforter les missions des services déconcentrés. Le PLF pour 2022, la première pierre ayant été posée, engageait un certain nombre de promesses, dont celle de mettre fin à la baisse systématique des effectifs dans les services départementaux de l’administration territoriale de l’État : on lit alors qu’un schéma d’emplois « sans aucune suppression d’emplois sera ainsi appliqué pour la deuxième année consécutive ». Dans le PLF suivant, les éléments de langage sont exactement les mêmes : « En 2023, l’évolution des moyens dédiés au fonctionnement de l’administration territoriale de l’État traduit le renforcement de la capacité d’action de l’État sur le terrain souhaité par le Président de la République, mettant ainsi fin à plus de vingt ans de réduction systématique des effectifs départementaux. »

Le PLF pour 2024 active le copier-coller et met en lumière « la volonté exprimée par le Président de la République de consolider et de renforcer la capacité de l’action de l’État territorial et de ses échelons de proximité, mettant fin ainsi à plus de vingt ans de réduction systématique des moyens des services déconcentrés ». Ainsi, les éléments de langage se répètent jusqu’à devenir des éléments du PLF, ce qui est dommage parce que cela introduit un flou sur la manière dont les choses sont exprimées et surtout sur celle dont elles sont gérées.

Pour ce qui est des chiffres, on annonce une progression des moyens de 1,5 % jusqu’à 2027. Mais est-il tenu compte de l’inflation dans ce taux ? Sinon, les 1,5 % seront largement rabotés. Quant aux ETP, 232 postes sont créés. Or, depuis 2010, tous gouvernements confondus, 14 % des effectifs ont été supprimés, c’est-à-dire presque 12 000 ETP : ces 232 postes sont donc loin de permettre de rattraper le niveau de qualité de service de l’époque. Les problèmes d’accueil dans les préfectures perdurent, voire s’aggravent. La dématérialisation des procédures n’a pas réglé le problème mais en a créé de nouveaux, car la rupture et l’exclusion numériques sont un fait. Ceux qui en souffrent ne sont pas assez aidés. La question de l’accueil pour les demandes de renouvellement de titre de séjour est aussi extrêmement prégnante dans les préfectures.

Bref, on répète les promesses exprimées ces dernières années pour en arriver à une création de postes très limitée au regard des besoins.

M. Didier Lemaire (HOR). La mission Administration générale et territoriale de l’État contient des crédits essentiels au bon fonctionnement de l’État et de notre démocratie, parce qu’ils servent à garantir aux citoyens l’exercice des libertés publiques, notamment par le suffrage universel, à assurer la présence et la continuité de l’État sur l’ensemble du territoire de la République, et à décliner localement les politiques publiques nationales. Cette mission, parce qu’elle finance la présence et la continuité de l’État ainsi que la déclinaison des politiques publiques sur l’ensemble du territoire de la République, doit être au cœur du budget de l’État. Elle s’inscrit dans l’engagement pris par le Gouvernement dans la LOPMI il y a un an : réarmer l’État territorial et moderniser le fonctionnement des services, particulièrement en renforçant les personnels du ministère et des préfectures.

Le groupe Horizons et apparentés souhaite saluer la création pour 2024 de 110 emplois concentrés sur les secteurs prioritaires : instruction et délivrance des titres de séjour aux étrangers ; lutte contre le séparatisme et la radicalisation ; communication et gestion de crise ; accueil des usagers. Cette évolution des moyens dédiés au fonctionnement de l’administration territoriale traduit le renforcement de la capacité d’action de l’État sur le terrain, mettant ainsi fin à plus de vingt ans de réduction des effectifs départementaux.

Réarmer l’État, c’est aussi lui donner les moyens d’une transformation numérique à la hauteur des enjeux, ceux de la simplification des rapports de nos concitoyens avec l’administration mais aussi ceux du quotidien des agents du ministère.

Conformément à la LOPMI, cette mission concentre aussi des crédits consacrés à la création de deux nouvelles directions : la direction de la transformation numérique et la direction des entreprises et partenariats de sécurité et des armes. En plus des 310 emplois supplémentaires, je sais le ministère de l’intérieur pleinement investi dans le développement du réseau radio du futur, qui devra offrir un système de communication haut débit sécurisé, résilient et pleinement interopérable aux services de sécurité et de secours.

Enfin, rappelons que l’année 2024 sera marquée par des élections importantes pour notre démocratie : élections européennes et élections provinciales en Nouvelle‑Calédonie. Les financer correctement, c’est garantir l’exercice du droit de vote pour chacun de nos concitoyens

Avec une augmentation de plus de 15 % des autorisations d’engagement et de près de 5 milliards d’euros des crédits de paiement, la mission Administration générale territoriale de l’État s’inscrit pleinement dans les engagements, que le groupe Horizons et apparentés partage, visant à réarmer l’État partout sur le territoire. Pour ces raisons, le groupe Horizons et apparentés votera les crédits tels qu’ils sont proposés.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Merci, monsieur le rapporteur, pour votre intervention très précise. Il est bien d’avoir cette discussion en commission des lois, puisqu’il est fort probable qu’elle ne se tiendra pas dans l’hémicycle, alors que l’on nous annonce d’ores et déjà des 49.3. C’est notre seule occasion d’échanger des arguments.

S’agissant des contractuels, nous sommes en plein accord avec le rapporteur. Démonstration est faite que plus on a de contractuels, moins on est efficace et que plus on a d’agents de l’État, plus on est efficace. Or le taux de contractuels monte à 13,5 % dans les préfectures, et à 20 % pour les services liés aux titres de séjour. Nous vous proposerons un amendement pour plafonner le taux de recours aux contractuels à 10 %, ce qui permettra d’éviter les problèmes actuels.

Nous souhaitons aussi vous alerter sur les effets de la dématérialisation à tout va, qui réglerait tous les problèmes en permettant aux gens d’accomplir eux-mêmes les tâches qui étaient auparavant celles des agents de l’État. Cela ne fonctionne pas. Nous vous proposerons de rétablir des emplois physiques, dans les préfectures, en face de ceux qui en ont besoin.

Concernant le logiciel DRACAR, si le sujet peut paraître un peu anecdotique, sachez qu’il date de 2008 et qu’il n’a pas été revu depuis. Il est temps qu’il le soit enfin.

S’agissant du programme Vie politique, une recommandation du rapporteur de l’année dernière me semble encore d’actualité : il serait bon d’essayer de régler le problème. Le fait est que les gens ne reçoivent pas les professions de foi ni les matériels électoraux dans leurs boîtes aux lettres. La distribution ayant été déléguée, alors qu’elle était auparavant gérée par des services compétents, on retrouve des tas de professions de foi non distribuées et les gens finissent par ne pas être au courant qu’il y a des élections. Si l’on veut lutter contre l’abstention, il me semble que l’une des premières mesures à prendre est d’y remédier ! Quand les citoyens ne sont pas au courant, ils ne vont pas voter et quand ils ne vont pas voter, ce sont les gens qui font des politiques contraires aux intérêts du peuple qui sont élus. Nous commençons à en avoir un peu assez de ce genre de situation.

M. Paul Molac (LIOT). Cette mission est intéressante, en ce qu’elle nous permet de voir que l’État n’assume pas plusieurs de ses compétences. Pour le traitement de la situation des étrangers, les délais s’étirent jusqu’à plusieurs mois, ce qui conduit à des aberrations totales : certains doivent arrêter de travailler faute d’avoir réussi à renouveler leur carte de séjour ! C’est ubuesque. Il n’y a pas assez de personnel dans les services concernés.

Dans les maisons France Services, la situation semble s’arranger nettement : les agents commencent à avoir compris toutes les procédures. Les services de l’État viennent y faire des permanences – des fonctionnaires de l’administration des finances, par exemple : heureusement, puisqu’on a fermé tant de centres des impôts ! Le problème, c’est que nos concitoyens ne connaissent pas ces maisons France Services et que leur premier mouvement est d’aller justement au centre des impôts, qu’ils trouvent fermé. Il faut faire la promotion de ces endroits qui délivrent un service vraiment intéressant. Notons tout de même que ces agents sont, pour la plupart, des fonctionnaires territoriaux : l’État s’est déchargé sur des collectivités sans leur donner forcément les moyens correspondants.

Certains des emplois créés dans cette mission sont destinés aux préfectures. C’est à double tranchant. Je pense, en bon autonomiste, que certaines des choses qui sont faites par les préfectures devraient l’être directement par les élus locaux, qui sont les élus du peuple. Notre démocratie s’en sortirait beaucoup mieux, parce que ce serait clair. Mais pas tout, bien sûr ! Ce qui concerne les étrangers est bien du ressort de l’État, sans quoi il y aurait le risque qu’ils soient traités de façon différente.

À ce propos toutefois, il ne faut pas croire que, dès lors que ce sont les préfectures qui s’occupent de l’application de la loi, elle est appliquée de la même façon partout. En fonction des départements, l’interprétation des services de l’État sera différente. Par exemple, un projet d’urbanisme pourra être recalé dans le Morbihan et accepté en Ille-et-Vilaine. Pour ce qui est de l’urbanisme, des prérogatives ont déjà été données aux élus locaux mais il faut aller plus loin. Renforcer les personnels des préfectures ne sera donc pas forcément très utile au bout du compte.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Monsieur Terlier, vous nous parlez si souvent du Tarn et de tout ce qu’il s’y passe de génial qu’il faudrait que la France soit tout entière à son image. Cela s’explique peut-être par le fait que certaines préfectures sont mieux dotées que d’autres – c’est d’ailleurs l’analyse qu’avait faite la Cour des comptes dans son rapport de 2021 sur la mission AGTE. Des éléments historiques l’expliquent, mais la Cour regrettait l’absence d’un pilotage suffisamment effectif de l’affectation des moyens en fonction des besoins des préfectures. Le Sud est un peu mieux fourni que le Nord – tant mieux pour le Tarn.

Néanmoins, nous avons interrogé l’administration centrale et tout n’est pas aussi rassurant qu’il le faudrait puisqu’une fois que des effectifs arrivent dans une préfecture, chaque préfet les affecte comme il veut, sans garantie qu’ils aillent remplir la tâche initialement prévue. C’est une souplesse de gestion appréciable pour les préfets, moins pour l’administration centrale. Au rythme actuel des recrutements, il faudra vingt‑cinq ou trente ans pour résorber les disparités constatées sur des critères objectifs pondérés en fonction de la taille et des besoins des préfectures.

S’agissant des maisons France Services, le ministère de l’intérieur a prévu d’augmenter sa contribution mais la promesse initiale de 50 % de financement par l’État n’est toujours pas atteinte. Nous en sommes à 40 %, contre 30 % au début. Depuis 2010, environ 4 400 postes ont été supprimés dans les préfectures et les sous-préfectures et très peu sont recréés : dans ma grande générosité, je vous en accorde 232, même si ce n’est en réalité que 147 ETP en plafond d’emplois. On est loin d’avoir rétabli la situation !

L’accueil des services est donc pris en charge à 50 % par les collectivités territoriales alors que ce n’était auparavant pas de leur responsabilité. Je vois bien l’intérêt pour les élus locaux d’avoir une maison France Services, et ils se disent sans doute que cette dépense est utile, mais il s’agit tout de même d’un transfert budgétaire qui met à la charge des collectivités territoriales ce qui relevait soit de l’État, soit du budget de la sécurité sociale. Il ne faut pas vous donner trop facilement des satisfecit, chers collègues de la majorité.

Madame Lorho, le ministre a répondu en partie à vos questions. Nous avons été alertés par le collectif Nos Services publics du fait que l’essentiel des effectifs nouveaux, qui sont peau de chagrin à l’échelle du pays – une cinquantaine d’agents pour cent départements – , étaient affectés aux services de l’éloignement et du contentieux et non de l’accueil. Pour l’accueil en effet, c’était la plateforme dématérialisée qui était prévue, qui ne fonctionne pas comme elle le devrait et dont tout le monde se plaint. Même ceux qui souhaitent davantage d’expulsions peuvent quand même se dire que, lorsqu’une personne est en règle, qu’elle a un travail et qu’elle galère pendant six ou sept mois juste pour être dans son bon droit, ce n’est satisfaisant pour personne. Sans parler de l’employeur, qui se retrouve dans une situation délicate alors qu’il s’agit seulement d’un problème de délai de l’administration. Nos processus administratifs créent des sans-papiers.

Monsieur Mandon, on n’accède pas aux listes d’émargement de façon dématérialisée, mais n’importe qui peut aller sur internet, si tant est qu’il ait une connexion, pour vérifier qu’il est inscrit sur les listes électorales. On peut d’ailleurs télécharger son attestation d’inscription, ce que savent, au passage, les candidats aux élections sénatoriales… Mais, en effet, il n’y a pas de budget afférent à la lutte contre l’abstention. D’ailleurs, il existait auparavant des grandes campagnes de communication pour appeler à s’inscrire sur les listes et aller voter. Cette charge revient désormais aux collectivités locales – un autre transfert masqué.

Monsieur Vicot, j’ai assez peu parlé des secrétariats généraux communs, qui doivent regrouper les fonctions support de plusieurs ministères. Cette réforme ne donne pas du tout satisfaction. Elle a été faite de façon dogmatique – mutualiser dans un objectif de réduction d’emplois – tout en affirmant qu’il y avait des emplois supplémentaires. Je comprends bien que les gilets jaunes ont un peu bousculé les plans initiaux et qu’il a fallu se réorganiser, mais les fameux « chantiers de convergence » qui devaient harmoniser la gestion administrative entre les ministères concernés n’ont pas vu le jour. Ainsi, en 2023, il n’y a toujours pas de logiciels communs : résultat, des agents des différents ministères sont rassemblés dans le même espace, mais travaillent chacun avec son propre logiciel… Les syndicats font état de souffrance au travail parmi les agents.

Sur l’illectronisme, la Défenseure des droits a rappelé que l’aide au clic avait ses limites. Quand quelqu’un n’a pas d’adresse mail ou ne veut pas en avoir, vous aurez beau la créer avec lui, s’il ne consulte pas sa boîte, il sortira de nouveau de la démarche et se remettra en difficulté. C’est pourquoi nous plaidons en faveur d’un accueil physique et de procédures non dématérialisées.

Monsieur Lemaire, vous vous félicitez des 110 agents supplémentaires prévus pour les secteurs prioritaires mais si vous divisez ce nombre par celui des préfectures, puis par les cinq grandes missions auxquelles ils sont censés être affectés, il ne reste plus grand monde. Certes, une hausse est toujours mieux qu’une baisse mais cela ne suffira pas pour produire un quelconque effet de levier. Enfin, le séparatisme et la radicalisation, un des cinq secteurs prioritaires en question, sont chapeautés par le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation, qui s’est fait tristement connaître pour ses histoires de gestion du fonds Marianne.

Monsieur Léaument, la délégation des tâches administratives, soit aux collectivités, soit aux gens eux-mêmes, est un fait. Cela ne fonctionne pas. N’oublions pas que, parmi la population touchée par l’illectronisme, il y a une majorité de jeunes, éloignés des démarches administratives parce qu’ils ne les comprennent pas.

Enfin, monsieur Molac, il ne m’appartient pas de commenter vos souhaits de fédéralisme et de décentralisation, même si j’ai mon avis. Un plan est prévu dans le programme 112 de la mission Cohésion des territoires pour mieux faire connaître les maisons France Services. Cela va dans le bon sens. Il faut leur laisser un peu de temps. Les préfectures, elles, sont là depuis 1800 !

Quant à l’envoi des professions de foi, nous devons arriver à une vraie qualité de service. Vous remarquerez que, pour les élections sénatoriales, tout le monde a reçu ses professions de foi : il y avait moins d’électeurs, certes, mais surtout tout le processus était fait en interne dans les préfectures. Encore une fois, 100 % de service public, c’est 100 % de bons résultats.

M. le président Sacha Houlié. Nous en venons à l’examen des amendements sur la mission Administration générale et territoriale de l’État.

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendements II-CL145 de M. Ugo Bernalicis et II-CL21 de M. Hervé Saulignac (discussion commune)

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Mon amendement vise à abonder les crédits du programme Administration territoriale de l’État de sorte que les agents soient en nombre suffisant pour assurer l’accueil dans les préfectures et sous-préfectures, où 4 000 emplois ont été supprimés. Pour rétablir 2 000 équivalents temps plein, il faut 67 millions d’euros : une somme pas si colossale pour un bienfait immédiat pour les citoyens.

Je rappelle l’importance des recrutements pour la stabilité et l’efficacité du service public, notamment dans le cadre du déploiement de la dématérialisation. Il y a une exigence fondamentale à avoir des agents protégés par un statut, qui aient le sens du service public et qui ne fassent pas faux bond parce qu’ils ont trouvé mieux ailleurs.

Mme Cécile Untermaier (SOC). Si le montant des crédits diffère, l’objectif de l’amendement II-CL21 est le même. Il procède du même constat : la très grande difficulté pour les citoyens d’avoir accès à un accueil physique.

Certes, les files devant les sous-préfectures ou les préfectures pour récupérer un titre de séjour ont disparu, mais nous voyons dans nos permanences des personnes qui ne savent plus comment faire pour obtenir un récépissé de leur titre de séjour. Nous écrivons, et nous l’obtenons. Mais, même si nous le faisons volontiers, est-ce vraiment notre travail ? Cela dénote une défaillance du service public pour le moins problématique.

Il faut assurer un tuilage entre le numérique, qui ne fonctionne pas toujours bien ni pour tout le monde, et l’accueil physique. La disparition des files, qui avaient un côté indigne, est une bonne chose, mais elle ne signifie pas que la demande est satisfaite. Il est donc indispensable de rétablir une présence dans les préfectures et sous-préfectures. Les 232 postes prévus pour l’ensemble des préfectures sont dérisoires, et le réseau France services ne répond pas totalement à la demande. J’insiste sur la présence nécessaire d’agents France services dans les sous-préfectures, pas seulement dans les communes.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Je donne un avis favorable à cet amendement II-CL21, en soulignant que le mien est mieux-disant.

Aucun de nous ne manifeste de la défiance vis-à-vis de la dématérialisation – je suis le premier à en profiter. Nous parlons de tous ceux pour lesquels elle est un problème. En matière d’accès aux droits, l’objectif doit être de 100 % : on ne peut pas se satisfaire d’un succès relatif. Dans le prolongement de l’arrêt du Conseil d’État qui concerne le droit des étrangers, nous devons garantir à tous les citoyens, dans toutes leurs démarches, un accès effectif. Lorsque les citoyens se seront familiarisés avec la dématérialisation, il sera temps de réduire le nombre d’agents ; on ne peut pas faire l’inverse en espérant que les gens se débrouilleront.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-CL6 de Mme Marie-France Lorho et II-CL58 de Mme Emmanuelle Ménard (discussion commune)

Mme Marie-France Lorho (RN). Mon amendement vise en premier lieu à renforcer les crédits relatifs à la délivrance des titres d’identité. Les efforts à faire pour raccourcir les délais de délivrance ne concernent pas que les mairies : il faut également soutenir les préfectures, où ils approchent les dix semaines en étant optimiste.

En second lieu, l’amendement tend à rappeler la compétence des préfectures en matière d’immigration, notamment pour les opérations de reconduite à la frontière. Le taux d’application des mesures d’éloignement des personnes déboutées du droit d’asile, qui font souvent l’objet d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF), est alarmant. En 2021, l’Élysée indiquait que seuls 15,3 % des mesures d’expulsion se concrétisaient.

Afin de donner aux préfectures les moyens d’appliquer la loi, l’amendement transfère 100 millions d’euros à l’action 02 Réglementation générale, garantie de l’identité et de la nationalité et délivrance des titres du programme 354.

Mme Emmanuelle Ménard (NI). Mon amendement veut appeler l’attention sur le délai moyen de mise à disposition des titres d’identité, qui est d’environ dix semaines à compter du dépôt de la demande. Malheureusement ce n’est qu’une moyenne, et dans certaines communes, les délais sont bien plus longs. C’est insupportable pour nos concitoyens.

L’amendement a donc pour objet de donner des moyens supplémentaires aux administrations afin que du personnel puisse être recruté et des créneaux supplémentaires ouverts.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Madame Lorho, je pourrais vous rejoindre sur la nécessité de consacrer des moyens supplémentaires à la délivrance des titres – je l’écris dans mon rapport. En revanche, en ce qui concerne les reconduites à la frontière, les crédits sont rattachés à plusieurs programmes – pour la police aux frontières, il s’agit du programme 176 ; pour les centres de rétention administrative, du programme 303 ; pour le bureau de l’éloignement en préfecture qui prononce l’OQTF, du programme 354. L’amendement n’est donc pas adapté, raison pour laquelle mon avis sera défavorable.

J’émets un avis de sagesse sur l’amendement de Mme Ménard parce que les moyens supplémentaires consacrés à la délivrance des titres sont bienvenus. Je souligne toutefois que ce ne sont pas seulement les préfectures et les sous-préfectures qui en ont besoin mais aussi l’ANTS. En effet, les CERT sont copilotés par le ministère de l’intérieur et par l’ANTS. En créant des agences hors des préfectures, on a pensé bien faire, mais la simplification n’est pas toujours au rendez-vous. L’objectif, qui était de faire faire des économies, a été atteint mais à quel prix ! Nous le payons aujourd’hui.

M. Philippe Gosselin (LR). Le problème des titres sécurisés n’est pas résolu. Le ministre se gargarisait tout à l’heure que les délais soient passés de dix semaines à dix-neuf jours, mais c’est une moyenne qui cache de très fortes disparités. Dans de nombreux départements ruraux, malgré l’augmentation du nombre de points de contact, il faut encore patienter des semaines pour avoir un rendez-vous et pour récupérer sa carte d’identité ou son passeport.

Certes la réforme, qui date maintenant de quelques années, a permis de sécuriser la délivrance des titres, mais l’organisation antérieure, où chacun venait dans sa mairie, avait aussi ses mérites. Je regrette ce temps où il existait 36 000 points de contact dans le territoire.

M. Jean Terlier (RE). Presque pour les mêmes raisons que M. le rapporteur pour avis, je suis défavorable à ces amendements !

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL42 de M. Yoann Gillet

M. Yoann Gillet (RN). En France, la quasi-totalité des indicateurs de la délinquance sont en hausse en 2022. Malgré ce triste constat, les moyens destinés au fonds interministériel de la prévention de la délinquance (FIPD) ne sont pas à la hauteur des enjeux.

Le FIPD finance la sécurisation des établissements scolaires, l’équipement des policiers municipaux, la protection des sites sensibles, la prévention de la radicalisation, la lutte contre le séparatisme et la vidéosurveillance – le ministre a toutefois souhaité pour 2024 dissocier les fonds dédiés à la vidéosurveillance.

Le PLF ne marque aucune volonté d’augmenter les crédits du FIPD afin de soutenir les élus locaux, en particulier les maires, malgré l’insécurité et la guerre que nous livre l’islamisme. Il vous est donc proposé d’y remédier à travers cet amendement, espérant ainsi renforcer l’efficacité des actions de prévention de la délinquance et de la radicalisation.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. L’exercice n’est pas agréable : je dois donner raison au ministre ! Une action a été créée spécifiquement pour les moyens de vidéosurveillance, l’action 11 Équipements de vidéoprotection et de surveillance électronique du ministère de l’intérieur, des collectivités et des acteurs privés. Si on additionne ses crédits et ceux de l’action 10 consacrée au FIPD, on note une hausse de 3 millions par rapport à l’année dernière.

Sur le fond, la vidéosurveillance a fait l’objet de plusieurs études dont les conclusions sont au mieux mitigées, sinon confirment une inefficacité que mon groupe et moi ne cessons de dénoncer.

La vidéosurveillance n’a jamais été aussi répandue ; or les chiffres du ministère de l’intérieur ne permettent d’établir aucun impact, à la hausse ou à la baisse, sur la délinquance. Il n’y a pas de corrélation entre le nombre de caméras et le nombre d’infractions. En revanche, les dispositifs pèsent sur les budgets municipaux – d’où votre demande. En revanche, si elle ne permet pas de prévenir la délinquance, la vidéosurveillance peut avoir d’autres objectifs – je le comprends même si je ne les partage pas.

Le FIPD comporte une dotation pour les collectivités locales, de 10 millions, notamment pour l’équipement des polices municipales en caméras piétons. Mais selon une étude de l’université de Cambridge publiée le 5 octobre dernier, le port des caméras piétons augmente les agressions contre les agents. Ce n’est donc peut-être pas là que les crédits sont les plus utiles pour prévenir efficacement la délinquance. Avis défavorable.

M. Yoann Gillet (RN). Le FIPD, ce n’est pas seulement la vidéosurveillance, mais aussi la sécurisation des établissements scolaires, l’équipement des polices municipales, la protection des sites sensibles, la prévention de la radicalisation. Sur tous ces sujets, l’État doit accompagner financièrement les élus locaux. N’oublions pas que la sécurité est une mission régalienne.

Quant aux résultats de la vidéosurveillance, Monsieur le rapporteur, je vous invite à venir à Beaucaire, ou dans une des communes dirigées par le Rassemblement national : vous verrez que la vidéosurveillance est utile lorsqu’elle s’accompagne de moyens humains et matériels importants, s’agissant notamment des effectifs de la police municipale. Ce n’est pas un hasard si la délinquance recule fortement dans les villes tenues par le Rassemblement national.

M. Timothée Houssin (RN). M. le rapporteur pour avis parle toujours de la corrélation entre vidéosurveillance et crimes commis, mais jamais de celle entre vidéosurveillance et crimes élucidés, qui est pourtant manifeste.

Quant aux caméras piétons, elles permettent à la fois de mieux savoir ce qui s’est réellement passé et de fournir des éléments de preuve. Vous ne pouvez pas passer à la trappe ces vertus.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Le taux d’élucidation grâce à la vidéosurveillance ne dépasse pas 3 % des enquêtes. C’est toujours ça, mais le ratio entre le coût et le taux d’élucidation est bien meilleur avec un être humain, en particulier s’il fait partie de la police judiciaire.

Il n’y a pas toujours un être humain derrière les caméras, mais c’est justement quand il y en a que les chiffres sont les pires, en matière d’élucidation comme de prévention. Les centres de surveillance urbaine sont la plus mauvaise solution de ce point de vue. Vous êtes libres de mettre l’argent où vous voulez, si les citoyens qui vous ont élus le demandent, mais les chiffres sont là.

En revanche, en matière de prévention de la délinquance, on a oublié ce qu’on appelle la prévention spécialisée – les éducateurs de rues – dont les effets sur la délinquance sont indéniables mais dont les financements sont en berne.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL15 de M. Ugo Bernalicis

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Il s’agit d’augmenter le nombre d’emplois du programme 216, qui est le plus éloigné des engagements pris dans la LOPMI.

Nous avons évalué les besoins à vingt agents de chacune des catégories A, B et C et vingt personnels techniques, soit quatre-vingts emplois, en particulier pour internaliser les projets numériques.

Souvenons-nous que le projet de la procédure pénale numérique, qui est l’un des grands chantiers impliquant le ministère de l’intérieur, a dû être repris à zéro, le projet initial ayant été un ratage complet malgré les millions d’euros investis. Et s’il a échoué, c’est à cause d’un défaut de pilotage, avec deux chefs de projet, un au ministère de l’intérieur et l’autre au ministère de la justice, sans coordination entre les deux – cela paraît dingue. S’ajoutait à cela la dépendance à l’égard de l’entreprise privée à laquelle le projet avait été délégué. Maintenant qu’une direction commune est chargée du projet de procédure pénale numérique, j’espère que les choses se passeront mieux.

Il ne faudrait pas que de telles erreurs se reproduisent à l’infini. Nous avons besoin de ressources internes pour ne pas dépendre des solutions privées.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL14 de Mme Élisa Martin

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). L’amendement vise à augmenter de 200 000 euros les crédits du CNAPS. Compte tenu de la forte hausse du nombre d’agents de sécurité attendue dans la perspective des Jeux olympiques – la Cour des comptes estime les besoins entre 20 000 et 25 000 agents – il nous semble nécessaire de renforcer les moyens dédiés au contrôle et à la formation. Ces crédits supplémentaires permettront au CNAPS d’assurer ses missions correctement en dépit de l’augmentation, temporaire mais faramineuse, du nombre d’agents de sécurité.

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. L’objectif du CNAPS comme du secteur de la sécurité privée est que les agents recrutés continuent de travailler après les Jeux. Il s’agit d’un secteur en tension dans lequel les besoins de main-d’œuvre sont importants. Je donne évidemment un avis favorable.

La commission rejette l’amendement.

Elle émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Administration générale et territoriale de l’État non modifiés.

Avant l’article 50

Amendement II-CL19 de M. Ugo Bernalicis

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Il a pour objet de plafonner le nombre de contractuels à 10 % des emplois.

Il fait suite à une préconisation que j’avais faite l’année dernière, inspirée par des observations de la Cour des comptes, qui pointait le recours aux contrats dits infra-annuels pour répondre à des besoins permanents. Le nombre de fonctionnaires a diminué tandis que le nombre de contrats infra-annuels augmentait – les besoins, eux, sont toujours là. Résultat, cela a coûté plus cher à l’État, avec les primes de précarité, l’allocation de retour à l’emploi et autres éléments qui renchérissent le coût des contrats préca

ires.

C’est un principe de bonne gestion qui doit conduire l’administration à ouvrir des postes pour couvrir des besoins permanents.

La commission rejette l’amendement.

Amendements identiques II-CL18 de M. Ugo Bernalicis et II-CL20 de Mme Élisa Martin

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. Il s’agit d’évaluer l’efficacité du FIPD. J’ai quelques doutes notamment sur les résultats du contre-discours sur la radicalisation. Je ne reviens pas sur le fonds Marianne, qui était comme le FIPD, géré par le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). On peut effectivement s’interroger sur le comité interministériel de prévention de la délinquance et de la radicalisation puisque c’est lui qui a eu à gérer le fonds Marianne.

Selon les premiers éléments révélés par la presse, l’argent qui devait être employé pour lutter contre la radicalisation a plutôt servi à délégitimer la parole d’un candidat à l’élection présidentielle, en l’occurrence Jean-Luc Mélenchon. Cette utilisation des fonds publics pose question.

Je reconnais cependant qu’il est pour le moins étrange de demander au Gouvernement un rapport sur le sujet. Je doute que le rapport conclue à une utilisation inappropriée de l’argent, mais cela ne coûte rien d’essayer : sait-on jamais, peut-être y-a-t-il encore un peu de sincérité dans certains services de l’État qui resteraient républicains.

La commission rejette les amendements.

Amendement II-CL11 de M. Ugo Bernalicis

M. Ugo Bernalicis, rapporteur pour avis. L’amendement vise à obliger le Gouvernement à faire le point sur les besoins et les moyens de l’ANTS.

En ma qualité de rapporteur, j’ai essayé de mener ce travail mais l’Agence elle-même peine parfois à évaluer ses propres besoins parce qu’elle est toujours le nez dans le guidon, submergée par les réclamations liées aux délais de délivrance des titres.

Lors de la création de l’ANTS, seulement une cinquantaine d’agents étaient prévus. Aujourd’hui, il faut 450 personnes pour faire le travail, largement externalisé. Outre le siège, l’Agence a deux emprises immobilières autour de la gare de Charleville-Mézières. Il faut vraiment regarder tout cela de plus près, qui plus est en lien avec France Identité – ce projet a peiné à démarrer car l’ANTS n’avait pas la possibilité de recruter des effectifs dédiés. Or ce sont des enjeux majeurs pour l’avenir du pays qui réclament des moyens à la hauteur.

La commission rejette l’amendement.

*

*     *

 

 


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   Personnes entendues

Défenseur des droits

   M. Daniel Agacinski, délégué général à la médiation, directeur de l’action territoriale

Cour des comptes

   M. Emmanuel Glimet, président de section à la quatrième chambre

Ministère de l’Intérieur

   Mme Fabienne Balussou, secrétaire générale adjointe, directrice de la modernisation et de l’administration territoriale (DMATES)

   M. Mars Tschiggfrey, adjoint à la directrice de la modernisation et de l’administration territoriale (DMATES)

   M. Pierre Molager, sous-directeur de l'administration territoriale de l'État (DMATES)

   M. Éric Ferri, sous-directeur des polices administratives à la direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ)

   M. Sébastien Audebert, chef du bureau des élections

Ministère des sports

   M. David Foltz, directeur adjoint de cabinet

   Mme Marie-Ange Badin, conseillère politique et parlementaire au cabinet

Délégation Interministérielle aux Jeux Olympiques et Paralympiques

   M. Michel Cadot, préfet, délégué interministériel

   Mme Patricia Boillaud, conseillère emploi et formation

Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS)

   M. David Clavière, préfet, directeur

Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT)

   M. Stanislas Bourron, directeur général

Agence nationale des titres sécurisés (Paris)

   Mme Anne-Gaëlle Baudouin, préfète, directrice

Agence nationale des titres sécurisés (Charleville-Mézières)

   Mme Pascale Sauvage, directrice adjointe, directrice des services aux usagers et de la qualité

   M. Rémi Baudrillard, responsable du service management des opérations

   M. Stéphane Benoit, chargé de mission

   Mme Cécile Dupont, responsable de l'accompagnement des usagers

   M. Rachid El Khattam, responsable du support technique aux usagers

   Mme Cinthia Séville, responsable amélioration continue

   Mme Delphine Silvente, responsable de l'exécution des contrats de la relation avec les usagers

Coordination nationale pour la sécurité des Jeux

   M. Thierry Mosimann, préfet, coordinateur

Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024

   M. Bruno Le Ray, directeur de la sécurité

   Mme Anaïs Walter, chargée de mission relations institutionnelles

Force ouvrière – Préfectures

   Mme Christine MAROT, secrétaire générale

Force ouvrière – Fédération de l'équipement, de l'environnement, des transports et des services

   M. Dominique Deschamps, secrétaire fédéral en charge du secteur de la prévention sécurité

   M. Zaïnil Nizaraly, secrétaire général

CFTC – Syndicat national des employés de la prévention et de la sécurité

   M. Pascal Ritter, vice-président de branche

UNSA – Fédération commerces et services

   M. Michel Braquet

   M. Charles Migan

Fédération française de la sécurité privée (FFSP)

   M. Pierre Brajeux, président

Imprimerie nationale (IN Groupe)

   M. Yann Haguet, vice-président

   M. Romain Galesne-Fontaine, vice-président

Collectif « Nos services publics »

   Mme Lucie Castets

   Mme Farida Belkhir


([1]) Prévision des crédits pour 2024 (programme annuel de performation, Mission AGTE, PLF pour 2023).

([2]) Prévision des crédits pour 2025 (programme annuel de performation, Mission AGTE, PLF pour 2024).

([3]) Cour des comptes, Observations définitives sur les effectifs de l’administration territoriale de l’État (2010-2021), n° S2022-0494, 14 avril 2022, pp. 6, 11 et 13.

([4]) Ibidem, p. 16.

([5]) Programme annuel de performation, Mission AGTE, PLF pour 2024, p. 62 et programme annuel de performation, Mission AGTE, PLF pour 2023, p. 58.

([6]) Programme annuel de performation, Mission AGTE, PLF pour 2024, p. 21.

([7])  Réponses écrites du ministère de l’intérieur.

([8]) Assemblée nationale, avis de la commission des Lois sur le projet de loi de finances pour 2023, mission AGTE, M. Ugo Bernalicis, 17 octobre 2022, p. 12.

([9]) Réponses au questionnaire budgétaire.

([10]) Assemblée nationale, avis de la commission des Lois sur le projet de loi de finances pour 2023, mission AGTE, M. Ugo Bernalicis, 17 octobre 2022, p. 15.

([11]) Sénat, Rapport de la commission d’enquête sur le fonds Marianne, n° 829, 4 juillet 2023.

([12]) Programme annuel de performation, Mission AGTE, PLF pour 2024, p. 117

([13]) Voir recommandation n° 9, p. 15.

([14]) Article 23 de la loi n° 2021-646 du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés.