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N° 1778

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ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2023

AVIS

FAIT

AU NOM DE LA COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LA LÉGISLATION ET DE L’ADMINISTRATION GÉNÉRALE DE LA RÉPUBLIQUE SUR LE PROJET DE LOI (n° 1680)
de finances pour 2024

TOME VII

SÉCURITÉS

PAR M. Thomas RUDIGOZ,

Député

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 Voir les numéros : 1745 – III– 42

 


En application de l’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (LOLF), les réponses au questionnaire budgétaire devaient parvenir au rapporteur pour avis au plus tard le 10 octobre 2023 pour le présent projet de loi de finances. À cette date, 86% des réponses au questionnaire thématique étaient parvenues à votre rapporteur pour avis, qui souhaite remercier le Gouvernement et les services du ministère de l’Intérieur de leur diligence.

 


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SOMMAIRE

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Pages

introduction................................................ 5

PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE LA SÉCURITÉ POUR 2024

I. Les crédits du programme 176 Police nationale

A. Les dépenses de personnel

B. Les dépenses de fonctionnement

C. Les dépenses d’investissement

II. Les crédits du programme 152 Gendarmerie nationale

A. Les dépenses de personnel

B. Les dépenses de fonctionnement

C. Les dépenses d’investissement

III. Les crédits du programme 207 Sécurité et éducation routières

A. L’action 01 – Observation, prospective, règlementation et soutien au programme

B. L’action 02 Démarches interministérielles et communication

C. L’action 03 Education routière

SECONDE PARTIE : LA POLICE SCIENTIFIQUE

I. Le SNPS et l’IRCGN : les figures centrales de la police scientifique

A. Des structures diffÉrentes bÉnÉficiant d’un maillage territorial pertinent

1. Le SNPS

2. L’IRCGN

B. Des moyens adaptés à la poursuite de leurs missions

1. Le budget

2. Les effectifs

3. Le recrutement et la formation

a. Le recrutement

b. Les formations initiale et continue

II. Une activité indispensable à l’échelle nationale et internationale

A. Un concours précieux aux investigations menées par les enquêteurs

1. Des missions nombreuses au service de l’investigation judiciaire

2. Des équipements de pointe

3. Une activité intense et un rôle souvent décisif

B. Une vocation partenariale et internationale assumée

III. Des enjeux juridiques et opérationnels multiples

A. l’assouplissement du cadre procédural

1. La simplification des réquisitions

2. L’interconnexion des fichiers

B. Les défis opérationnels contemporains : faire face aux mutations technologiques

Examen en commission

Déplacements effectués et personnes entendues

 


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Mesdames, Messieurs,

Le budget présenté par le ministre de l’Intérieur pour 2024 s’inscrit dans une trajectoire en hausse constante depuis 2017. Les crédits de paiement affectés à la police nationale connaissent ainsi une augmentation de plus de 4,5 % et s’élèvent à 12,9 milliards d’euros. Ceux de la gendarmerie progressent de la même façon et atteignent près de 10,4 milliards d’euros. Le programme « Éducation et sécurité routières » bénéficie également d’une forte revalorisation, à hauteur de 109 millions d’euros, soit une hausse de plus de 46 % par rapport à l’année précédente.

Au total, les budgets de la police et de la gendarmerie présentent donc une hausse cumulée de plus d’un milliard d’euros. Cette évolution renforce puissamment et durablement les moyens nécessaires pour assurer la sécurité des personnes et des biens, dans le sillage de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur du 24 janvier 2023. En outre, plus de 2 000 policiers et gendarmes supplémentaires s’ajouteront l’année prochaine aux effectifs actuels, contribuant ainsi à atteindre l’objectif de 8 500 personnels supplémentaires d’ici 2027.

Outre l’analyse de l’évolution des crédits de la mission « Sécurités », la partie thématique du présent rapport pour avis est consacrée cette année aux missions de la police scientifique, exercées tant par les agents de la police nationale que par les militaires – mais aussi les civils – de la gendarmerie nationale. La police scientifique a pour objectif d’aider à l’identification des auteurs d’infractions délictuelles et criminelles grâce à des techniques de recueil et d’analyse de traces et d’indices. Elle intervient aussi dans d’autres domaines, notamment pour identifier les victimes de catastrophes, en France comme à l’étranger. Il s’agit d’une mission décisive afin d’élucider un nombre toujours plus important d’affaires : concrètement, son activité représente chaque année la réalisation d’une intervention toutes les deux minutes, grâce à la production de plus d’un million d’analyses, dans un champ pluridisciplinaire.

Les experts de la gendarmerie et de la police se déploient ainsi sur de multiples terrains qui associent la balistique, la biologie ou le numérique. La police scientifique exerce un rôle fondamental afin de renforcer l’efficacité de l’ensemble des forces de sécurité intérieure. Si les progrès de la technologie peuvent offrir de nouvelles opportunités pour les délinquants et les réseaux criminels, ils constituent également un atout précieux pour faciliter les investigations judiciaires. Face aux multiples défis qui entourent aujourd’hui l’activité de la police scientifique, des réponses juridiques, matérielles et opérationnelles peuvent être utilement apportées, dans le but d’améliorer ses capacités d’action, au service tous les citoyens.

 

 


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   PREMIÈRE PARTIE : LES CRÉDITS DE LA SÉCURITÉ POUR 2024

Le budget des trois programmes Police nationale, Gendarmerie nationale et Sécurité et éducation routières continue de croître en 2024, dans le prolongement de la trajectoire définie dès 2017.

I.   Les crédits du programme 176 Police nationale

Les crédits du programme Police nationale pour 2024 s’élèvent à environ 13,36 milliards d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 12,93 milliards d’euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 12,7 et 12,37 milliards d’euros en AE et en CP en loi de finances initiale (LFI) pour 2023. Cela représente une hausse de 5,19 % pour les AE et de 4,52 % pour les CP.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME N° 176 POLICE NATIONALE

(en euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme et actions

Ouverts en LFI 2023

PLF 2024

Évolution

2023/2024

Ouverts en LFI 2023

PLF 2024

Évolution 2023/2024

176 Police nationale

12 702 800 038

13 362 033 907

+ 5,19 %

12 372 926 960

12 932 725 125

+ 4,52 %

01 – Ordre public et protection de la souveraineté

1 488 463 529

1 587 797 645

+ 6,67 %

1 488 463 529

1 587 797 645

+ 6,67 %

02 – Sécurité et paix publiques

2 831 071 118

3 723 536 751

+ 31,52 %

2 831 071 118

3 723 536 751

+ 31,52 %

03 – Sécurité routière

398 355 293

459 419 220

+ 15,33 %

398 355 293

459 419 220

+ 15,33 %

04 – Police des étrangers et sûreté des transports internationaux

1 046 278 161

1 146 306 980

+ 9,56 %

1 046 278 161

1 146 306 980

+ 9,56 %

05 – Missions de police judiciaire et concours à la justice

2 765 912 363

3 446 764 685

+ 24,62 %

2 765 912 363

3 446 764 685

+ 24,62 %

06 – Commandement, ressources humaines et logistique

4 172 719 574

2 998 208 626

28,15 %

3 842 846 496

2 568 899 844

33,15 %

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

A.   Les dépenses de personnel

Les crédits de titre 2 (dépenses de personnel) pour l’année 2024 s’élèvent à 11,2 milliards d’euros en AE et en CP, en augmentation de 3,43 % par rapport à l’année précédente.

Le plafond d’emplois du programme atteint 151 959 ETPT ([1]). En 2024, les effectifs de la police nationale progresseront de 1 139 emplois. Ces créations contribuent à atteindre l’objectif de recrutement de 8 500 policiers et gendarmes supplémentaires sur la période 2023-2027, à la suite des 10 000 recrutements réalisés entre 2017 et 2022.

 

 Catégorie d’emplois

Évolution des effectifs par rapport à 2023

Personnels administratifs de catégorie A

+ 93

Personnels administratifs de catégorie B

+ 216

Personnels administratifs de catégorie C

+ 158

Personnels techniques

+ 22

Ouvriers de l’État

– 8

Hauts fonctionnaires, corps de conception et de direction et corps de commandement

– 33

Corps d’encadrement et d’application

+ 827

Personnels scientifiques

+ 101

Policiers adjoints

– 237

Total

+ 1 139

       Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

B.   Les dépenses de fonctionnement 

Les dépenses de fonctionnement (titre 3), imputées exclusivement sur l’action n° 6 (Commandement, ressources humaines et logistique), observent en 2024 une augmentation de 20,18 % en AE, s’élevant à 1,35 milliard d’euros contre 1,12 milliard d’euros ouverts en LFI pour 2023.

Cette hausse s’explique principalement par l’effort majeur consacré à l’équipement des fonctionnaires de police, atteignant 306,5 millions d’euros en AE en 2024, soit plus du double du montant de l’année précédente. Il s’agit en effet de financer le renouvellement du marché d’habillement pour la période 2024-2027, ainsi que l’acquisition de matériels de protection et d’intervention.

L’évolution des dépenses est marquée par la très forte augmentation des crédits affectés aux dépenses numériques, informatiques et technologiques, pour un montant total de 287,9 millions d’euros en AE en 2024, soit + 68,77 % par rapport à 2023. Cette évolution correspond à la montée en puissance de l’agence du numérique des forces de sécurité intérieure (ANFSI) créée le 1er septembre 2023.

L’augmentation des dépenses de fonctionnement résulte également de la hausse des dépenses de carburant, soit 27 millions d’euros supplémentaires par rapport à 2023, en raison de l’inflation du prix des matières premières et de l’accroissement de l’activité opérationnelle induite par la sécurisation des jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024.

C.   Les dépenses d’investissement

Les crédits d’investissement (titre 5) demandés pour 2024 s’élèvent à 772 millions d’euros en AE et 450,4 millions d’euros en CP, ce qui constitue une augmentation annuelle de plus de 8 % en AE.

Outre la poursuite du renouvellement du parc automobile, incluant le déploiement des nouveaux véhicules de maintien de l’ordre, l’essentiel de l’enveloppe budgétaire est consacré à la construction et à la rénovation du parc immobilier, soit 528,3 millions d’euros en AE et 211,3 millions d’euros en CP. Comme les années précédentes, ces nouvelles ressources serviront à financer l’achèvement de diverses opérations de travaux et à lancer plusieurs chantiers d’envergure, à l’image de la délocalisation de l’inspection générale de la police nationale (IGPN) au Havre et de la restructuration de la Compagnie Républicaine de Sécurité (CRC) de Vélizy.

II.   Les crédits du programme 152 Gendarmerie nationale

Les crédits demandés pour 2024 au titre du programme Gendarmerie nationale atteignent 10,87 milliards d’euros en AE et 10,39 milliards d’euros en CP, contre 10,37 milliards d’euros en AE et 9,9 milliards d’euros en CP ouverts en loi de finances initiale pour 2023. Cela représente une hausse de 4,82 % pour les AE et de 4,87 % pour les CP.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME n° 152 GENDARMERIE NATIONALE

(en euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme et actions

Ouverts en LFI 2023

PLF 2024

Évolution

2023/2024

Ouverts en LFI 2023

PLF 2024

Évolution

2023/2024

152 – Gendarmerie nationale

10 367 449 313

10 867 308 357

+ 4,82 %

9 910 086 369

10 392 977 945

+ 4,87 %

01 – Ordre et sécurité publics

3 911 789 679

4 169 681 650

+ 6,59 %

3 911 789 679

4 169 681 650

+ 6,59 %

02 – Sécurité routière

767 429 771

815 062 202

+ 6,21 %

767 429 771

815 062 202

+ 6,21 %

03 – Missions de police judiciaire et concours à la justice

2 412 873 179

2 588 654 725

+ 7,29 %

2 412 873 179

2 588 654 725

+ 7,29 %

04 – Commandement, ressources humaines et logistique

3 115 603 634

3 120 263 562

+ 0,15 %

2 658 240 690

2 645 933 150

0,46 %

05 – Exercice des missions militaires

159 753 050

173 557 077

+ 8,64 %

159 753 050

173 557 077

+ 8,64 %

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

A.   Les dépenses de personnel

Les crédits de titre 2 demandés pour 2024 présentent une hausse de 6,61 % par rapport à la loi de finances pour 2023, s’élevant ainsi à 8,9 milliards d’euros en AE et en CP. Le plafond d’emplois est fixé à 102 623 ETPT. En 2024, les effectifs de la gendarmerie nationale progresseront de 1 045 emplois.

 

Catégorie d’emplois

Évolution des effectifs par rapport à 2023

Personnels administratifs de catégorie A

+ 10

Personnels administratifs de catégorie B

+ 93

Personnels administratifs de catégorie C

– 5

Personnels techniques

+ 122

Ouvriers de l’État

– 20

Officiers de gendarmerie

– 155

Officiers du corps technique et administratif

– 7

Sous-officiers de gendarmerie

+ 1 900

Sous-officier de soutien technique et administratif

+ 207

Volontaires

– 1 100

Total

+ 1 045

       Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

B.   Les dépenses de fonctionnement

La dotation de titre 3 s’élève en 2024 à 1,76 milliard d’euros en AE et 1,3 milliard d’euros en CP, contre 1,75 milliard d’euros en AE et 1,29 milliard d’euros en CP en LFI pour 2023.

Les dépenses de fonctionnement courant ([2]), soit 200,8 millions d’euros en CP, connaissent une baisse de 19,4 % par rapport à 2023. Cette évolution s’explique par l’objectif de mieux maîtriser les ordres de mission, en améliorant la planification des déplacements du personnel. Les montants des crédits correspondant aux moyens mobiles ([3]), à l’équipement des personnels ([4]) et aux systèmes d’information et de communication ([5]) présentent une diminution d’une ampleur similaire. Cette baisse se justifie notamment par l’acquisition et le renouvellement en 2023 de nouveaux matériels informatiques ([6]) et de tenues vestimentaires, ces dépenses n’ayant donc pas vocation à être reconduites à un niveau identique en 2024.

La stabilité de la dotation du titre 3 s’explique, d’une part, par la hausse substantielle des crédits affectés au paiement des loyers et à l’entretien du parc immobilier, soit 798,3 millions d’euros en CP prévu en 2024, contre 704,5 millions d’euros en 2023, et, d’autre part, par la légère augmentation du coût relatif au maintien en condition opérationnelle des moyens blindés et aéronautiques, s’élevant à 42,3 millions d’euros en CP en 2024 contre 36,9 millions d’euros en 2023.

C.   Les dépenses d’investissement

Après une augmentation majeure de 2021 à 2022 (+ 65 %), le budget d’investissement s’élève à 192,7 millions d’euros en AE et 180,5 millions d’euros en CP, soit une diminution d’environ 30,76 % par rapport à l’année précédente. Cette baisse s’explique principalement par l’achèvement du plan de renouvellement des véhicules de la gendarmerie mobile initié en 2020.

III.   Les crédits du programme 207 Sécurité et éducation routières

Les crédits du programme Sécurité et éducation routières pour 2024 s’élèvent à environ 110,39 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 108,8 millions d’euros en crédits de paiement (CP), contre respectivement 75,27 et 74,38 millions d’euros en AE et en CP en loi de finances initiale (LFI) pour 2023, soit une hausse majeure de 46,65 % pour les AE et de 46,39 % pour les CP.

ÉVOLUTION DES CRÉDITS DU PROGRAMME N° 207 Sécurité et éducation routières

(en euros)

 

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Programme et actions

Ouverts en LFI 2023

PLF 2024

Évolution

2023/2024

Ouverts en LFI 2023

PLF 2024

Évolution 2023/2024

207 Sécurité et éducation routières

75 270 325

110 387 203

+ 46,65  %

74 375 325

108 879 721

+ 46,39 %

01 – Observation, prospective, règlementation et soutien au programme

10 743 342

13 253 773

+ 23,37 %

10 743 342

13 253 773

+ 23,37 %

02 – Démarches interministérielles et communication

38 658 271

67 201 857

+ 73,84 %

38 658 271

66 589 375

+ 72,25 %

03 – Éducation routière

25 868 712

29 931 573

+ 15,71 %

24 973 712

29 036 573

+ 16,27 %

Source : projet annuel de performances annexé au PLF 2024.

A.   L’action 01 – Observation, prospective, règlementation et soutien au programme

La hausse significative des crédits dévolus au fonctionnement courant ([7]) du programme 207, s’élevant à 5,67 millions d’euros en AE et CP contre 3,17 millions d’euros en 2023, permet notamment de financer la création d’un centre de contact pour répondre aux sollicitations des usagers des systèmes d’information.

B.   L’action 02 Démarches interministérielles et communication

L’animation et le fonctionnement des actions de prévention au niveau local bénéficient d’une augmentation de près de 30 millions d’euros en 2024. Cette hausse des dotations renforcera considérablement les actions menées dans le cadre des plans départementaux d’actions de sécurité routière (PDASR), notamment dans les territoires ultra-marins, afin de mener des campagnes de sensibilisation à la sécurité routière. Cet effort budgétaire est également rendu nécessaire par la transformation du format du permis de conduire, sur le modèle d’un « titre sécurisé », impliquant une importante évolution des outils informatiques mobilisés pour produire ces documents.

C.   L’action 03 Education routière

Les crédits relatifs à la mise en œuvre de la formation à la sécurité routière connaissent une hausse de près de 4 millions d’euros. Cette évolution s’explique par la revalorisation des dotations consacrées à la construction et à la rénovation de centres d’examen du permis de conduire, à la montée en charge du plan de recrutement des inspecteurs du permis de conduire et de la sécurité routière, ainsi qu’aux surcoûts engendrés par la hausse des taux d’intérêts affectant l’enveloppe consacrée au financement du permis à un euro par jour ([8]).

 

   SECONDE PARTIE : LA POLICE SCIENTIFIQUE

Née au tournant du XXe siècle ([9]) et popularisée par les succès d’audience de certaines séries télévisées, la police scientifique ([10]) a pour objectif d’aider à l’identification des auteurs d’infractions délictuelles et criminelles grâce à la mobilisation de techniques de recueil et d’analyse de traces et d’indices. Mise en œuvre par la police et la gendarmerie nationales, cette mission s’articule autour de trois principaux « métiers » qui caractérisent la chaîne criminalistique : la réalisation de prélèvements sur les scènes d’infraction, l’exploitation analytique des éléments recueillis ([11]) et l’établissement de comparaisons à l’aide des fichiers biométriques ([12]) et criminalistiques ([13]), dans le but d’identifier les personnes impliquées ou d’opérer des rapprochements entre affaires.

Agissant dans un cadre judiciaire à la demande des magistrats et des services enquêteurs, mais aussi dans un cadre administratif à l’occasion, notamment, de l’identification de victimes de catastrophes sur le territoire national ou à l’étranger, la police scientifique traite près de 70 % des faits de délinquance et de criminalité. Concrètement, son activité représente chaque année la réalisation d’une intervention toutes les deux minutes et de plus d’un million d’analyses, permettant l’identification de dizaines de milliers de suspects grâce à des expertises biologique, balistique ou numérique de très haut niveau ([14]).

Sa vocation pluridisciplinaire s’appuie sur des structures nationales et locales, auxquelles concourent plusieurs milliers d’agents répartis sur l’ensemble du territoire national. Le pilotage de celles-ci est assuré par le service national de police scientifique (SNPS) et le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN), auquel se rattache l’institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN). « Élément clé d’une police efficace et moderne » ([15]), la police scientifique dispose, selon votre rapporteur pour avis, d’une organisation robuste qu’il convient de conforter (I) afin de surmonter l’accroissement de son activité (II) et d’appréhender les enjeux multiples auxquels elle est confrontée (III).

I.   Le SNPS et l’IRCGN : les figures centrales de la police scientifique

L’organisation de la police scientifique au sein de la police et de la gendarmerie nationales repose sur deux logiques sensiblement différentes : d’une part, le pilotage global, exclusif et décentralisé des missions de police scientifique par le SNPS, et d’autre part, la subsidiarité qui caractérise le modèle de la gendarmerie à la tête duquel se trouve l’IRCGN, agissant à la fois comme laboratoire central et unité de gendarmerie traditionnelle.

A.   Des structures diffÉrentes bÉnÉficiant d’un maillage territorial pertinent

1.   Le SNPS

Créé par le décret n° 2020-1779 du 30 décembre 2020, le SPNS est un service à compétence nationale de la police nationale, placée sous l’autorité du directeur général de la police nationale (DGPN) ; son activité s’inscrit dans la stratégie d’investigation déterminée par le directeur national de la police judiciaire ([16]). La création du SNPS simplifie l’organisation de la police scientifique, dont la subdivision jusqu’en 2021 entre l’institut national de la police scientifique (INPS) et le service central de la police technique et scientifique (SCPTS) avait été critiquée par la Cour des comptes et les inspections générales de l’administration (IGA) et de la police nationale (IGPN) à l’issue d’audits réalisés en 2016 et en 2019.

La fusion des deux structures a pour but de faciliter les traitements des saisines, toutes les demandes d’expertise étant dorénavant transmises au SNPS, qui peut ainsi gérer les sollicitations de façon optimale grâce à la mutualisation de ses moyens. En outre, la création du SNPS permet de disposer d’une direction unique reconnue par toutes les directions d’emploi, pour piloter la branche « police scientifique », en termes de doctrine, d’effectifs, de formation, de matériels et de suivi de l’activité et de la performance.

Implanté à Écully, le SNPS dispose d’un centre national de formation, d’un laboratoire central de criminalistique numérique, de cinq laboratoires situés à Lille, Paris, Lyon ([17]), Toulouse et Marseille, ainsi que de sept délégations au sein de chaque zone de défense et de sécurité ([18]). Le SNPS est structuré autour de trois sous-directions chargées de la criminalistique ([19]), de la stratégie ([20]), des systèmes d’information et de la biométrie ([21]).

Les missions du SNPS se déclinent en quatre priorités :

– définir, mettre en œuvre et évaluer la politique de la DGPN en matière de police scientifique sur l’ensemble du territoire ;

– réaliser les examens, constatations, expertises, recherches et analyses d’ordre scientifique demandés par les autorités judiciaires et les services d’enquête (police et gendarmerie) ;

– définir, en lien avec l’académie de police, les besoins et modalités de recrutement, de formation initiale et continue des personnels de la police nationale en matière de police scientifique ;

– développer par la recherche et les partenariats, tant au plan national qu’international, des outils et des méthodes propres à la police scientifique.

Le SNPS dispose d’une autorité fonctionnelle ([22]) sur l’ensemble des services de police scientifique rattachés aux directions nationales de police judiciaire, de sécurité publique et de police aux frontières, ainsi qu’à la préfecture de police de Paris, ce qui représente 592 services territoriaux de police scientifique. Ces services intègrent systématiquement des sections d’intervention et peuvent être composés d’un plateau technique, d’une section de criminalistique numérique et d’une section chargée du traitement des traces papillaires.

2.   L’IRCGN

Au sein de la gendarmerie nationale, l’organisation de la police scientifique repose sur une logique de subsidiarité qui implique, en premier lieu, la mobilisation des brigades territoriales et des cellules d’identification criminelle départementales. Outre sa mission de laboratoire central, l’IRCGN se situe au sommet de cette chaîne, sans pour autant avoir la charge, contrairement au SNPS, de la piloter. Dès que l’échelon local a besoin de moyens rares et de personnels hautement qualifiés, l’IRCGN s’engage et se projette directement sur le terrain.

Les missions de police scientifique au sein de la gendarmerie nationale : un processus « ascendant »

 

Dans chaque brigade, les premiers intervenants sont des gendarmes polyvalents disposant de la qualification de « technicien en identification criminelle de proximité » ([23]) (TIC-P). Ils réalisent les actes de police technique de base liés à la délinquance de masse, tels que la prise d’empreintes digitales, le prélèvement d’ADN par écouvillon sur la scène d’infraction et des traces papillaires. Tous les élèves gendarmes suivent désormais cette qualification en école et intègrent leurs unités déjà formés. S’ils estiment que la scène de l’infraction présente une certaine complexité ou s’avère de nature criminelle, ils font appel aux techniciens en investigation criminelle (TIC) qui constituent le véritable « bras armé » de la criminalistique au sein de la gendarmerie.

Les 500 TIC sont regroupés dans des cellules d’identification criminelle départementales. Officiers de police judiciaire, ces enquêteurs traitent toutes les scènes d’infraction et peuvent réaliser tout type de prélèvement. Ils disposent également d’un plateau technique leur permettant de révéler certaines traces latentes, en particulier les empreintes digitales et de réaliser des prélèvements ADN en détectant les fluides biologiques. Les formations suivies par ces enquêteurs sont sélectives. À l’issue de la formation, ils deviennent des spécialistes et n’exerceront plus que leur mission spécialisée. Ils interviennent principalement sur des scènes d’infraction graves et complexes (viols, homicides, vols à main armée, etc.). Ils disposent à ce titre de moyens plus conséquents que ceux des TIC-P : véhicule d’intervention dédié, laboratoire mobile et plateau criminalistique (un par département).

Au niveau régional, les TIC peuvent bénéficier du concours de coordinateurs des opérations de criminalistique (COCrim). Ces derniers sont généralement affectés au sein des brigades départementales de renseignements et d’investigations judiciaires (BDRIJ), voire des sections de recherche (SR) ou des sections d’appui judiciaire (SAJ). Ils n’interviennent que sur des affaires complexes lorsqu’une multitude d’actes de police technique et scientifique doit être réalisée. Les COCrim assurent le lien indispensable entre les enquêteurs sur le terrain et les laboratoires d’analyses. Ils sont les conseillers forensiques ([24]) du directeur d’enquête et du magistrat. Ils définissent les objectifs en matière d’exploitation des indices et planifient les examens en laboratoire.

Le fait que l’IRCGN soit regroupé avec le service central de renseignement criminel (SCRC), sous l’égide du pôle judiciaire de la gendarmerie nationale (PJGN), qui assure la coordination des missions criminalistiques et du renseignement judiciaire, constitue une différence majeure par rapport au SNPS. Cette organisation unifiée permet à la gendarmerie de bénéficier d’une « force de frappe » globale au profit des enquêteurs, en mobilisant l’ensemble des compétences requises par les enquêtes.

Ainsi, dans le cadre de la lutte contre les trafics de véhicules, l’IRCGN et le SCRC apportent aux enquêteurs une expertise spécifique sur la connaissance des trafics, des réseaux, la compréhension des phénomènes ainsi que des capacités forensiques de recherche de preuves, de techniques de maquillage ou de vol. Ces synergies se déclinent dans d’autres domaines tels que la criminalité relative à l’usage des armes et explosifs, des stupéfiants, des fraudes à l’identité ou encore des « cold cases ». Elles se fondent sur l’association des capacités d’investigation spécialisées, d’analyse criminelle, de génétique, de médecine légale et d’anthropologie.

Votre rapporteur pour avis considère que les modes de fonctionnement choisis par la police et la gendarmerie, bien que sensiblement différents, sont adaptés aux spécificités des deux institutions et s’appuient sur des ressources budgétaires et humaines solides.

B.   Des moyens adaptés à la poursuite de leurs missions

  1.   Le budget

Le budget annuel du SNPS s’élève à environ 23 millions d’euros ([25]), soit une augmentation de près de 30 % par rapport à 2018 ([26]). Cette somme inclut les dotations versées par l’agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (AGRASC) ([27]) et de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA) ([28]). L’IRCGN bénéficie quant à lui d’un budget d’environ 2,7 millions d’euros ([29]).

  1.   Les effectifs

En 2023, la gendarmerie nationale dispose de 32 490 militaires qualifiés TIC-P et 488 TIC.

Tableau 1Tableau 2

Source : Direction générale de la gendarmerie nationale

Comprenant 268 personnels en 2023, les effectifs de l’IRCGN se décomposent de la manière suivante :

Tableau 3

Source : Direction générale de la gendarmerie nationale

 

Selon les éléments statistiques communiqués par la DGPN à votre rapporteur pour avis, la police nationale disposait, en 2022, de 3 832 agents affectés à des missions de police scientifique, dont 2 578 exerçant leurs fonctions dans les services territoriaux ([30]). Si la majorité de ces personnels relève du corps des personnels scientifiques, une partie des missions est également assurée par environ 600 policiers actifs, ainsi que par des personnels administratifs ou techniques (PATS).

Le SNPS compte 1 256 agents, dont 61,4 % de femmes. 428 d’entre eux sont affectés au siège à Écully et 826 dans les laboratoires de police scientifique. 73 % des agents du SNPS relèvent de la filière scientifique de la police nationale.

La filière scientifique de la police nationale

Le 17 octobre 2022, la direction des ressources humaines, des finances et des soutiens de la police nationale publiait un « portrait de la filière scientifique de la police nationale ». Selon le projet annuel de performances de la mission « Sécurités » annexé au projet de loi de finances pour 2023, « la prise de responsabilité sera mieux reconnue, grâce notamment à des parcours de carrières fluidifiés pour les encadrants de la police scientifique ». Cet objectif, issu du protocole pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale du 2 mars 2022, se décline en une série de mesures.

Substitution de postes principalement occupés par des policiers actifs au profit des personnels de police scientifique, afin de promouvoir des techniciens et ingénieurs à des postes d’encadrement dans les services régionaux de police scientifique : en 2022, 14 substitutions sont recensées au profit de personnels scientifiques (10 techniciens et 4 ingénieurs promus) ; de janvier à juillet 2023, 20 substitutions ont été effectuées (12 techniciens et 8 ingénieurs promus) ;

Suppression du corps des agents spécialisés de la police technique et scientifique (ASPTS, catégorie C), désormais intégrés dans le corps des techniciens (catégorie B) : afin de valoriser l’expertise de la filière scientifique, il a été décidé la mise en extinction progressive du corps d’ASPTS, à hauteur de 450 promotions par an ;

Augmentation des taux d’avancement au grade de technicien principal et de technicien en chef : sur la période 2023-2027, 500 techniciens seront promus au grade de technicien principal et 450 techniciens principaux au grade de technicien en chef ;

Augmentation des effectifs des ingénieurs, création d’un second concours interne d’ingénieur réservé aux techniciens en chef, augmentation du nombre d’avancements, travaux sur la nomenclature des ingénieurs et création d’un nouveau grade sommital : composé de 300 agents, le corps des ingénieurs atteindra 630 agents en 2027.

Facilitation de passerelles entre les métiers de terrain et d’analyse en laboratoire : la création d’une école nationale de la police scientifique, en charge de la formation initiale et continue, accompagnera les évolutions professionnelles précitées.

  1.   Le recrutement et la formation
    1.   Le recrutement

Au sein de la gendarmerie, les personnels qui servent dans les métiers de la criminalistique appartiennent tous au cadre général et ne dépendent d’aucune filière scientifique. Le modèle de gestion des ressources humaines repose sur la polyvalence des personnels sous-officiers de gendarmerie (SOG) qui évoluent dans un cadre de gestion généraliste et occupent des emplois dans divers secteurs.

Ces personnels peuvent ainsi appartenir à la « sécurité publique générale » pour ceux qui exercent des missions de criminalistique à temps partiel, dans le cadre de leur qualification de « TIC-P », ou à la « police judiciaire » pour ceux qui exercent cette mission à temps plein (TIC).

L’IRCGN recrute, pour l’essentiel, des personnels civils ([31]) et militaires ([32]) hautement diplômés, titulaires de doctorats ou de masters d’ingénieurs. Le recrutement est individualisé. Au regard du grand nombre de spécialités proposées, l’IRCGN recherche des compétences très ciblées en fonction du poste vacant.

Votre rapporteur pour avis souligne l’attractivité des fonctions proposées par l’IRCGN et le SNPS, ce qui facilite le recrutement de jeunes ingénieurs nouvellement diplômés. Cependant, les différences entre les rémunérations proposées, d’une part, par l’IRCGN et le SNPS ([33]), et d’autre part, les entreprises privées notamment à l’étranger , peuvent fragiliser le vivier de candidats potentiels dans un secteur d’activité l’expertise technologique et scientifique , fortement concurrentiel. Il apparaît ainsi nécessaire de consacrer un effort budgétaire supplémentaire afin de réduire l’écart de rémunérations proposées aux ingénieurs à leur sortie d’école. Cette évolution pourrait s’appuyer sur la revalorisation du volet indemnitaire, afin de maintenir un haut niveau d’attractivité et de fidéliser, sur le temps long, des personnels recrutés au début de leur carrière professionnelle.

Au sein de la police nationale, la particularité du recrutement des personnels scientifiques réside dans la multiplicité des voies d’accès, de promotion et d’avancement pour un personnel pourtant peu nombreux. Le recrutement s’effectue à trois niveaux universitaires distincts : technicien (Bac) ([34]), technicien principal (Bac + 2) et ingénieur (Bac + 5). Les concours d’ingénieur et de technicien principal sont nationaux.

Le nombre d’inscrits au concours externe d’ingénieur est en baisse (424 en 2020, 205 en 2021, 254 en 2022), mais présente un haut niveau de sélectivité au regard du faible nombre de postes offerts, soit entre 10 et 20 chaque année. La sélectivité apparaît encore plus forte s’agissant des concours de technicien principal ([35]) et de technicien de premier grade ([36]). À titre subsidiaire, des postes d’ingénieur, de technicien principal et de technicien du premier grade sont également proposés au titre des concours internes ([37]) ou d’examens professionnels ([38]). Enfin, les policiers scientifiques peuvent également être recrutés par un contrat de droit public, qui doit être justifié par l’impossibilité de pourvoir le poste par la mutation ou le recrutement interne.

Dans le cadre de la création d’une école nationale de la police scientifique, une réflexion est engagée sur un recrutement plus généraliste, délivrant une formation par spécialité au moment de la scolarité et non plus en amont du concours, ce qui pourrait permettre de cibler un vivier beaucoup plus large au moment du recrutement. Une autre piste vise à refondre les programmes des concours scientifiques, afin de les faire correspondre aux besoins des services et au profil des étudiants et enseignements existants qui ont pu être modifiés ces dernières années par la réforme des programmes au sein de l’éducation nationale.

  1.   Les formations initiale et continue

Au sein de la gendarmerie nationale, les TICP-P sont formés lors de leur formation initiale en école de gendarmerie par des « formateurs relais », ou, lorsqu’ils sont déjà affectés, par les techniciens en identification criminelle (TIC) du groupement. Il s’agit d’une formation obligatoire que doivent suivre tous les élèves-gendarmes affectés en gendarmerie départementale. D’une durée de trois jours, elle peut être prolongée d’une journée pour approfondir un module théorique ou renforcer une mise en situation.

Sur la base du volontariat, les TIC suivent un cursus de formation ([39])  de près de neuf semaines, ponctué par un contrôle continu des connaissances. En 2023, 40 gendarmes ont suivi avec succès cette formation. Les TIC font l’objet d’un stage de perfectionnement tous les six ans afin de conserver leur qualification. Ce stage de trois semaines est composé de trois unités de valeurs que sont le test d’entrée, un contrôle intermédiaire et un examen final permettant de s’assurer que les militaires disposent des connaissances nécessaires pour assurer leur mission. Au cours de l’année 2023, 50 militaires ont par ailleurs suivi un module complémentaire de formation auprès de l’école d’application de la sécurité civile (ECASC) afin d’être plus interopérables avec les services d’incendie et de secours et de mieux prendre en compte, sur le plan de la criminalistique, les phénomènes de feux de forêts. D’autres formations sont également mises en place, s’agissant notamment de l’investigation subaquatique.

Les techniciens en investigation subaquatique de la gendarmerie nationale

Dans le milieu aquatique, le technicien en investigation subaquatique (TIS) est au préalable un enquêteur subaquatique depuis au moins un an et doit avoir réalisé a minima 100 plongées depuis sa formation initiale. Il suit une formation de six semaines au sein du Centre national d’instruction nautique de la gendarmerie (CNING) à Antibes et obtient un brevet de qualification qui lui permet d’effectuer des opérations de police technique et scientifique jusqu’à une profondeur de 35 mètres. Au-delà de cette profondeur, des formations complémentaires sont nécessaires pour des raisons opérationnelles et de sécurité. En 2023, 16 militaires de la gendarmerie ont obtenu cette qualification.

Les personnels de l’IRCGN bénéficient de formations délivrées par le centre national de formation à la police judiciaire (CNFPJ).

La gendarmerie concentre actuellement ses efforts de formation sur la lutte contre la cybercriminalité, avec la création en 2021 du commandement de la gendarmerie dans le cyberespace (COMCYBER) et en 2022 du centre national de formation à la cybercriminalité (CNFCYBER), rattaché au commandement des écoles de la gendarmerie nationale (CEGN).

Dans cet univers spécialisé, les militaires formés œuvrent également à la recherche de la preuve, à la détermination des auteurs et à la révélation des modes opératoires.

La lutte contre les cyber-menaces s’appuie sur des militaires bénéficiant de formations spécifiques, à l’image des enquêteurs « technologies numériques » (N-TECH), dont la formation est organisée en partenariat avec l’Université de technologies de Troyes (UTT)  ([40]), ou encore les « FINTECH », formés au CNFCYBER, spécialisés sur la saisie des crypto-actifs. Des travaux sont par ailleurs en cours afin de créer des enseignements spécialisés au sein de la technicité « cyber », pour alimenter une filière de « cyber-criminalistique » aux côtés des technicités « investigation » et « traitement de la donnée ».

Si votre rapporteur pour avis se félicite de cette montée en compétences indispensable à l’élucidation de certaines affaires délictuelles ou criminelles complexes, il rappelle la nécessité d’associer étroitement les personnels compétents de l’IRCGN au COMCYBER, afin de renforcer le niveau d’expertise de la gendarmerie nationale sur ces questions majeures.

Au sein de la police nationale, l’Académie de police et le centre national de formation de la police scientifique (CNFPS) forment l’ensemble des personnels de la police scientifique à la suite de leur recrutement dans la fonction publique. Ces derniers bénéficient d’une formation d’adaptation au premier emploi (FAPE), qui n’est pas une scolarité à proprement parler, organisée de la façon suivante :

un stage en immersion de deux semaines, dit « de découverte », dans la région d’affectation du stagiaire. Ce stage se déroule en service opérationnel et a pour objectif de découvrir l’organisation et les principales missions d’un commissariat (voie publique, prise de plaintes, etc.), ainsi que le travail des partenaires des personnels policiers (sapeurs-pompiers, gendarmerie nationale, douanes, services de secours, services pénitentiaires, juridictions du siège et du parquet, institut médico-légal, etc.) ;

un tronc commun d’une durée variable selon le grade (de six à dix semaines), dispensé à l’école nationale de police de Nîmes et qui a pour objectif de les acculturer à leur nouvel environnement policier, ainsi que, pour les seuls techniciens de premier grade et les ingénieurs, de les faire bénéficier d’un module complémentaire d’aptitude au management ;

un ou plusieurs modules « métiers », qui se déroulent au centre national de formation de la police scientifique à Écully ou en région. La durée de ces modules est variable selon le parcours ou les missions liées à l’affectation de l’agent, et ils constituent le socle opérationnel dans l’un des trois grands domaines que représentent l’identité judiciaire, la criminalistique analytique et la criminalistique numérique.

Par ailleurs, la préfiguration d’une école nationale de police scientifique, initiée en juin 2023, vise à concevoir et mettre en œuvre une nouvelle formation initiale des personnels scientifiques. Ce travail partenarial associant le SNPS, la DRHFS et l’Académie de police, inclut également l’identification de nouvelles capacités d’accueil, permettant d’absorber la hausse prévisible des recrutements au sein de la filière scientifique au cours des prochaines années.

La formation continue des agents de la filière scientifique est dispensée au sein du SNPS. Le CNFPS propose en effet un catalogue de nombreux stages « métiers », auquel s’adjoignent les catalogues proposés par les acteurs institutionnels habituels (Académie de police, École nationale supérieure de police, École nationale de la magistrature, etc.) et zonaux, tels que les instituts régionaux d’administration (IRA), dans le cadre de la formation professionnelle tout au long de la vie du fonctionnaire.

II.   Une activité indispensable à l’échelle nationale et internationale

En plus d’apporter une aide décisive aux enquêtes judiciaires, la police scientifique déploie également son action à l’étranger.

A.   Un concours précieux aux investigations menées par les enquêteurs

  1.   Des missions nombreuses au service de l’investigation judiciaire

À l’échelle locale, les TICP (technicien en identification criminelle de proximité) des brigades territoriales se sont déplacés sur 344 709 scènes d’infractions ayant permis de relever 56 844 traces biologiques et 24 492 traces papillaires. Leur transport sur site n’emporte toutefois pas toujours la réalisation de prélèvements. Selon les cas, la pertinence de la réalisation d’un prélèvement dépend de l’appréciation du militaire, ce qui évite l’engorgement inutile des laboratoires, tout en assurant la maîtrise des coûts.

À l’échelle départementale, les cellules d’identification criminelle (CIC), rattachées aux brigades départementales de renseignements et d’investigations judiciaires (BDRIJ), ont réalisé en 2022 le traitement de 87 949 supports (contre 79 677 en 2021), obtenant 51 795 résultats (contre 47 715 en 2021). Les CIC des BDRIJ recensent 97 367 traces ou prélèvements réalisés par les techniciens en identification criminelle (TIC), qui se sont déplacés sur 13 224 scènes d’infractions en 2022, générant 5 218 rapports techniques.

L’IRCGN a traité 214 502 dossiers en 2022 ([41]), le délai moyen de traitement s’élevant à 42 jours. 5 198 orientations d’enquête ont été délivrées. La projection de personnels de l’IRCGN sur le terrain s’est concrétisée en 238 missions d’assistance menée sur l’ensemble du territoire.

Dans le domaine des véhicules, de la fraude à l’identité, des explosifs, des armes à feu et des affaires non résolues, le pôle judiciaire de la gendarmerie nationale a créé des plateaux d’investigation qui regroupent les capacités d’expertise et d’analyse de l’IRCGN et du SCRC. Ces plateaux uniques offrent une réponse complète et adaptée aux enquêteurs : en matière d’explosifs, la connaissance fine développée par l’IRCGN des produits chimiques utilisés et de leur fréquence d’utilisation est mutualisée avec le SCRC, qui a également pour mission de traiter les signalements de précurseurs d’explosifs, participant d’une approche sécuritaire globale.

L’activité des services de police scientifique de la police nationale s’avère elle aussi très soutenue. En 2022, ils ont effectué 663 587 signalisations digitales et palmaires, ainsi que 387 306 signalisations génétiques. Les cinq laboratoires du SNPS réalisent environ 1 000 000 d’analyses par an. La police scientifique s’est déplacée sur 304 541 scènes d’infraction, dont 137 889 correspondant à des scènes de cambriolages. Par ailleurs, 20 740 transports ont été effectués dans le cadre de véhicules signalés volés et retrouvés.

Afin de renforcer la relation avec les services enquêteurs, le SNPS a récemment créé un service d’assistance téléphonique et une cellule dédiée au suivi des cold cases.

« SOS – Police scientifique » et la cellule « cold case »

La création de SOS – Police scientifique a permis de mettre à disposition de l’ensemble des autorités et services requérants une « hot-line » afin de répondre à toute question relevant de son périmètre. En 2022, le SNPS a été sollicité à 850 reprises par le biais de ce dispositif.

Ce rôle de conseil se décline aussi dans le cadre de sa cellule « cold case », mise en place en 2022. Cette dernière permet aux enquêteurs et magistrats chargés de la résolution de ces enquêtes complexes d’avoir rapidement accès à un collège d’experts pouvant étudier ce type de dossiers sous un angle pluridisciplinaire.

Le SNPS réunit annuellement un comité des usagers pour recueillir l’avis de ses requérants (services d’enquête de la DGPN, de la DGGN et magistrats) sur la qualité des prestations rendues, afin de dégager des axes d’amélioration en fonction de leurs besoins et de leurs attentes. Chaque année, le SNPS mène également une enquête de satisfaction auprès des services d’investigations. La dernière campagne, menée du 15 novembre au 31 décembre 2022, a révélé un taux de satisfaction générale de 89,6 %.

  1.   Des équipements de pointe

Les équipements mis à disposition des agents et militaires des services de police scientifique varient selon la nature de la mission et l’échelon territorial auquel ils interviennent.

Au sein de la police nationale, les bases de la police scientifique sont équipées de matériels de signalisation ([42]) et du matériel nécessaire à la gestion des scènes d’infractions relevant de la petite et moyenne délinquance ([43]). Les antennes régionales (ARPTS), les antennes départementales (ADPTS) et les services régionaux (SRPTS) sont dotés du matériel nécessaire au traitement des affaires délictuelles et criminelles, avec ou sans technicité particulière. ([44])

Les sections de criminalistique conventionnelle, aussi appelées « plateaux techniques de révélation de traces papillaires », disposent de matériels spécifiques ([45]) dans le but de révéler des traces papillaires par procédé physico-chimique. Entre 2013 et 2020, à la suite des recommandations formulées par la Cour des comptes, le nombre de plateaux techniques a été divisé par quatre pour supprimer les structures ne traitant pas un volume d’affaires suffisant. Cette plus grande cohérence du maillage territorial s’accompagnait d’un plan de modernisation et d’accréditation des plateaux, rehaussant les exigences de qualité.

Le coût moyen en équipements d’un plateau technique s’élève à 50 000 euros. Les 38 sections de criminalistique numérique au niveau territorial sont également dotées de matériels informatiques, stations d’analyse, téléphonies et logiciels adaptés à leurs missions, dont le coût moyen d’investissement initial s’élève à environ 100 000 euros.

La valorisation du parc analytique d’un laboratoire de police scientifique s’élève en moyenne à 7,5 millions d’euros, ce qui inclut environ :

2,5 millions d’euros pour les techniques analytiques en chimie ;

2,4 millions d’euros pour les techniques analytiques d’’identification de la personne ;

1,2 million d’euros pour les techniques analytiques en armes et munitions.

Ce parc analytique comprend des matériels très onéreux à l’achat :

300 000 euros pour un microscope électronique à balayage équipé d’un analyseur à rayons X ;

300 000 euros pour un chromatographe en phase liquide couplé à un spectromètre de masse triple quadripole ([46])  ;

200 0000 à 300 000 euros pour une plateforme robotisée de pipetage ([47]).

Selon le principe de subsidiarité propre à la chaîne criminalistique de la gendarmerie nationale, chaque niveau (TIC-P, TIC, IRCGN) dispose de moyens et d’équipements propres à son degré de formation et d’expertise.

Les TIC-P bénéficient d’un équipement leur permettant de réaliser le gel des lieux, le relevé des traces papillaires et celui des traces biologiques. Pour le relevé des traces d’empreintes, ils utilisent un matériel rudimentaire composé de pinceaux, poudres des scotchs de transfert. La signalisation digitale des individus requiert encore aujourd’hui l’utilisation de papier encré, même si certaines unités sont dotées de bornes électroniques T41. S’agissant du relevé de traces ADN, les TIC-P disposent des kits d’écouvillonnage adaptés aux individus ou aux traces.

Les TIC disposent de moyens plus complets que ceux des TIC-P pour intervenir sur les scènes d’infraction et ensuite compléter leurs examens et recherches de traces au sein de leur plateau technique. Ils utilisent un véhicule aménagé, qui leur offre une zone de travail pour conditionner et confectionner les scellés, éventuellement en les réfrigérant. Le véhicule permet également de transporter treize mallettes, chacune dédiée à une activité spécifique ([48]). Les TIC mettent en œuvre des méthodes de révélation de traces papillaires au sein des plateaux techniques, par ailleurs dotés de moyens de détection optique pour rechercher des traces, notamment de fluides biologiques, qui sont ensuite prélevées pour être analysées en laboratoire.

En tant qu’unité nationale, l’IRCGN dispose de l’ensemble des équipements nécessaires pour remplir ses missions dans ses laboratoires pluridisciplinaires, à Pontoise, ou en projection sur site.  En matière de génétique, l’IRCGN est équipé de chaînes permettant l’analyse du flux de masse lié à la délinquance du quotidien, mais aussi de techniques de séquençage de nouvelle génération afin de traiter des cas criminels plus complexes.

L’IRCGN a également déployé, sous accréditation et avec l’agrément du ministère de la justice, des solutions d’analyse rapide d’ADN dans certains départements et territoires ultramarins. Cette solution complète l’offre d’analyse d’ADN de proximité issue du Lab’ADN, laboratoire mobile au sein d’un camion ([49]), qui a été développé pour faire face aux besoins d’identification de victimes de catastrophes de grande ampleur. Votre rapporteur pour avis souligne, à cet égard, l’intérêt majeur que représente le Lab’ADN afin d’accélérer le rythme d’analyse des prélèvements effectués sur une scène d’infraction ([50]).

  1.   Une activité intense et un rôle souvent décisif

La gendarmerie nationale considère que la prise en compte de la scène d’infraction demeure une priorité, car elle garantit le succès des missions de police scientifique. En effet, les taux de couverture ([51]) des cambriolages s’élèvent, en zone gendarmerie en 2022, à 90,2 %, et présentent un taux d’élucidation atteignant 32 %. Le taux de couverture des découvertes de véhicules volés s’élève à 77,4 % pour un taux d’élucidation à 29,7 %. Enfin, pour les vols à la roulotte et vols d’accessoires sur les véhicules, le taux de couverture atteint 54 % pour un taux d’élucidation à 24,6 %.

En outre, les taux de signalisation biologique au fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG) et de signalisation papillaire au fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) ([52]) avoisinent 70 % en zone gendarmerie. Ils correspondent au nombre annuel de prélèvements biologiques réalisés sur des mis en cause, rapporté au nombre annuel de personnes mises en cause dans le cadre des infractions relevant, s’agissant des empreintes génétiques, de l’article 706-55 du code de procédure pénale, et, s’agissant des empreintes digitales, de tout crime ou délit non routier.

Source : Direction générale de la gendarmerie nationale

Globalement, ces sous-indicateurs mesurent la capacité de la gendarmerie à développer son activité de police scientifique au moins au même rythme que l’évolution des phénomènes de délinquance associés. Aussi, si l’indicateur montre une première phase de hausse des résultats (2014 – 2017), puis l’atteinte d’un pallier (2017 – 2019), il témoigne depuis 2020 d’un léger recul des taux de couverture et de signalisation FNAEG et FAED. Celui-ci peut s’expliquer temporairement par la crise sanitaire ; il révèle également l’impact de certaines réformes, telles que la mise en place des amendes forfaitaires délictuelles (AFD), les personnes mises en cause n’étant plus systématiquement déplacées dans les brigades afin d’accomplir les formalités anthropométriques.

Pour y faire face, la gendarmerie a communiqué à votre rapporteur pour avis des pistes de solution destinées à permettre un retour à la hausse de ces indicateurs :

– la mise en place d’un suivi particulier des taux de couverture des cambriolages, ainsi que le développement de l’animation d’un réseau formé par les techniciens en identification criminelle de proximité (TIC-P) et la chaîne criminalistique en lien avec le PJGN pour améliorer ce taux ;

– l’intégration d’une information explicite et apparente sur le logiciel de rédaction des procédures de la gendarmerie nationale (LRPGN) pour indiquer aux enquêteurs que l’infraction qu’ils visent entre dans le champ d’application du FNAEG, et donc faire évoluer positivement le taux de signalisation ;

– le déploiement de capteurs optiques supplémentaires ([53]) dans les unités et le développement d’une solution de signalisation décadactylaire ([54]) en mobilité pour faire évoluer positivement le taux de signalisation au FAED ;

– la mise à jour de l’application PRATICp sur les terminaux NEO 2 afin de faciliter les prises de vue de traces, notamment dactyloscopiques, en mobilité.

Si la police nationale présente un taux de couverture des cambriolages inférieur à celui de la gendarmerie ([55]), les taux de couverture correspondant aux signalisations FNAEG et FAED sont supérieurs à 85 %.

En 2022, la police scientifique a en effet réalisé 304 541 transports sur scène d’infraction. 137 889 déplacements sur site concernent des scènes de cambriolages, ce qui représente un taux de couverture s’élevant à 71,9 %. Par ailleurs, 20 740 transports ont été effectués dans le cadre de véhicules signalés volés retrouvés, soit un taux de transport de 74 %.

Pour l’année 2022, 27 458 traces papillaires, dont 21 495 étaient exploitables, ont été révélées par les plateaux techniques.

 

 

 

2019

2020

2021

2022

2023

(1er semestre)

Taux de couverture des cambriolages

82,84 %

73,76 %

73,32 %

71,90 %

72,97 %

Taux de signalisation biologique des personnes mises en cause au FNAEG

89,22 %

92,26 %

92,82 %

94,82 %

95,10 %

Taux de signalisation papillaire des personnes mises en cause au FAED

95,01 %

86,32 %

81,82 %

82,00 %

81,07 %

Source : Direction générale de la police nationale

Votre rapporteur pour avis observe qu’il est difficile, sinon impossible, de savoir combien d’affaires sont résolues grâce à l’aide apportée par la police scientifique, puisque celle-ci s’intègre dans une enquête où l’action de chaque service ne peut être isolée. En outre, certaines affaires sont résolues plusieurs mois après l’intervention de la police scientifique, qui n’est pas systématiquement informée de la suite des enquêtes.

 Cependant, le SNPS indique que les services de police scientifique sont parvenus à identifier plus de 50 500 suspects en 2022 ([56]). Pour mémoire, au 31 décembre 2022, le FAED comptait 6 561 408 individus inscrits dans la base et le FNAEG 3 902 741.

B.   Une vocation partenariale et internationale assumée

Le SNPS et la gendarmerie nationale mènent plusieurs projets de recherche et développement en commun, à l’instar du projet en cours de test NeoDK, qui a pour objet la captation des empreintes digitales d’une personne contrôlée en faisant remonter ces informations depuis le lieu de contrôle jusqu’au fichier automatisé des empreintes digitales (FAED).

Les unités opérationnelles peuvent travailler ensemble en cas d’événement majeur. La jonction des unités police et gendarmerie d’identification des victimes de catastrophes en une unité nationale d’identification des victimes de catastrophes (UNIVC) a été réalisée à la suite de l’explosion du port de Beyrouth en août 2020.

La police et la gendarmerie ont également mis en œuvre une modernisation de leur chaîne logistique, notamment pour les consommables ([57]) de police scientifique, dans le cadre du projet LOG-MI. Cette application permet un accès à plusieurs centaines de références du marché mutualisé des consommables analytiques utilisés par les deux forces, qui partagent aussi des marchés publics d’acquisition de matériels ([58]) et rédigent conjointement les cahiers des charges des appels d’offres gérés par le service de l’achat, de l’innovation et de la logistique du ministère de l’Intérieur (SAILMI) qui concernent les dispositifs de prélèvements biologiques ou toxicologiques et les tests d’orientation des stupéfiants sur les matières saisies ou dans la salive.

S’agissant du cadre scientifique, le SNPS dispose de plusieurs partenariats nationaux avec des universités pour la recherche et le développement. Ils concernent des projets d’innovation appliquée et bénéficient, pour certains, de financements octroyés par l’Agence nationale de la recherche (ANR), le ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (France relance), ainsi que la Commission européenne via les programmes Horizon et les Fonds de sécurité intérieure (FSI).

À l’échelle européenne et internationale, le SNPS est régulièrement sollicité pour des actions de formation ou des missions d’échanges à l’étranger, par l’intermédiaire de la direction de la coopération internationale de sécurité (DCIS) du ministère de l’Intérieur. Au titre de l’année 2022, sur les 54 actions réalisées, 32 concernaient la formation de services étrangers de police scientifique. Grâce à celle-ci, plus de 339 stagiaires ont été formés.

Le SNPS répond aux demandes d’Interpol et d’Europol, ainsi qu’à des demandes d’entraide internationale par le biais de commissions rogatoires internationales. Le SNPS peut également, en cas de besoin, projeter ses unités opérationnelles, comme lors de l’explosion du port de Beyrouth, ou analyser des scellés prélevés à l’étranger à la demande des autorités locales. Le SNPS a également participé au plan d’action opérationnel EMPACT d’EUROPOL sur la lutte contre le trafic illicite d’armes légères et de petits calibres au profit des six pays des Balkans Occidentaux. Enfin, le SNPS est membre, comme l’IRCGN, de l’European Network of Forensic Sciences Institutes (ENFSI) ([59]), la représentante du SNPS étant membre du conseil d’administration depuis mai 2023. En 2022, le SNPS a participé à un total de 61 événements internationaux, hors actions de coopération.

L’IRCGN s’engage, lui aussi, dans de nombreuses activités partenariales et internationales. L’institut est membre d’une fédération de recherche regroupant l’université de Cergy Pontoise, l’école des sciences criminelles de Lausanne en Suisse et l’université des trois Rivières, à Québec.

L’IRCGN entretient des contacts avec des industriels, dans le cadre d’une convention, pour permettre le développement ou la production d’équipements innovants, notamment avec des constructeurs automobiles afin d’obtenir l’accès à des « données constructeur », indispensables aux activités de criminalistique.

Enfin, l’IRCGN conduit également des actions de formation, dans le monde, en Ukraine, mais aussi dans le cadre habituel de la coopération internationale, s’agissant de missions de police scientifique spécifiques (incendies, explosion, accidents…) ou d’identification de victimes de catastrophes, à l’image des sept missions menées en Ukraine ([60]) depuis 2022, pour rechercher les causes de la mort de nombreux civils causées par de potentiels crimes de guerre dans le cadre du conflit avec la Russie, les identifier grâce à l’analyse ADN, ainsi que pour documenter les destructions, voire la nature des munitions utilisées.

Face aux défis soulevés par l’évolution de la criminalité, s’agissant notamment du recours aux nouvelles technologies, l’activité de la police scientifique est aujourd’hui confrontée à des enjeux multiples, de nature juridique et opérationnels.

III.   Des enjeux juridiques et opérationnels multiples

Si votre rapporteur pour avis se félicite de l’assouplissement des règles procédurales encadrant l’intervention des services de police scientifique, les multiples enjeux opérationnels qui entourent son action doivent être appréhendés avec acuité.

A.   l’assouplissement du cadre procédural

  1.   La simplification des réquisitions

Les articles 60, 74, 74-1, 77-1 et 157 du code de procédure pénale fixent les modalités d’intervention des personnes qualifiées et des experts.

S’agissant des personnes qualifiées, l’article 60 du code de procédure pénale a récemment été modifié par la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’Intérieur du 24 janvier 2023 (LOPMI), afin de simplifier le recours, par les officiers de police judiciaire (OPJ) ([61]), aux services et organismes de police scientifique de la gendarmerie et de la police. Ces services et organismes peuvent désormais directement procéder à des constatations et à des examens techniques ou scientifiques relevant de leur compétence, sans qu’il soit nécessaire d’établir une réquisition à cette fin.

L’article 60-3 du code de procédure pénale prévoit que cette simplification s’applique également aux scellés des objets qui sont le support de données informatiques.

En application de cette simplification, des directives internes sont en cours de rédaction pour supprimer le recours aux réquisitions dans de tels cas.

Bien qu’ils soient désormais présents dans la quasi-totalité des enquêtes, les travaux de police scientifique restaient, le plus souvent, soumis au régime juridique de la réquisition à personnes qualifiées. Ce régime archaïque conduisait ainsi des gendarmes à adresser des réquisitions à d’autres gendarmes, générant plusieurs centaines de milliers de réquisitions papier chaque année. Par ailleurs, la personne qualifiée devait, en retour, adresser une lettre de prestation de serment au regard des obligations de probité et d’impartialité qui s’imposent déjà aux policiers en application des articles R. 434-9 à R. 434-11 du code de la sécurité intérieure.

La mesure supprime le formalisme de la réquisition ainsi que celui de la prestation de serment lorsque les demandes de travaux s’adressent à des services ou organismes de police scientifique. Elle autorise également les organismes de police scientifique, ainsi que, plus largement, les personnels disposant de qualifications techniques de police et gendarmerie nationales, à procéder à l’ouverture des scellés qui leur sont confiés. Cette suppression de la réquisition vise notamment à supprimer les réquisitions suivantes :

– réquisition adressée au FNAEG dans le cadre de la signalisation biologique ;

– réquisition adressée au FNAEG pour la comparaison des traces biologiques ;

– réquisition de demande de confirmation en cas de rapprochement positif ;

– réquisition adressée à un plateau technique de révélation des traces papillaires ;

– réquisition adressée au FAED à la suite d’une signalisation ou d’une révélation de traces papillaires par un plateau technique.

L’objectif d’une réquisition est double : d’une part, fournir un moyen coercitif pour l’enquêteur afin d’obtenir la réalisation d’une prestation quelconque, et d’autre part, constituer une forme de reconnaissance de dette permettant l’indemnisation de la prestation par l’État. S’agissant des services de gendarmerie et police, ni la coercition, ni le paiement n’entrent en jeu : à cet égard, les réquisitions inter-services apparaissaient donc inutiles et chronophages. En outre, des erreurs de non-conformité de forme (absence de signature, date incorrecte, etc.) pouvaient entraîner une réécriture obligatoire de la réquisition, celle-ci étant une pièce de procédure.

La suppression de la réquisition permet de faciliter et fluidifier le recours aux fichiers d’identification biométriques, d’alléger le travail de l’OPJ, et de responsabiliser le personnel scientifique, sous l’autorité de l’OPJ. Par exemple, sous le contrôle d’un OPJ, les demandes d’enregistrement FNAEG pourront, d’ici la fin de l’année 2023, être intégralement remplies par les agents de police judiciaires (APJ) ou par les personnels scientifiques qui réalisent la signalisation biologique ou qui ont recueilli les traces sur la scène d’infraction ou en plateau technique, dès lors que l’analyse n’est pas confiée à un laboratoire privé.

Les perspectives de dématérialisation des demandes et des flux ont aussi milité pour une modernisation profonde du système en vigueur. Cette mesure permet de libérer les OPJ des formalités d’établissement des réquisitions FNAEG pour les kits FTA (Fast Technical for Analysis). La suppression de ces réquisitions permet un envoi immédiat des kits FTA, améliorant in fine la qualité des prélèvements et le taux de résolution. Cette évolution représente une réelle simplification de forme, un gain substantiel de temps et une dématérialisation de la demande, notamment avec le développement de services à distance selon une logique de transformation numérique.

  1.   L’interconnexion des fichiers

Les fichiers régaliens reposent aujourd’hui sur des identités déclarées par les mis en cause, sans consolidation des états-civils. Un individu recherché sous une identité peut être connu sous d’autres identités dans les autres fichiers (traitement des antécédents judiciaires [TAJ], FAED ou FNAEG). Le seul fichier qui permet aujourd’hui de relier de manière simple un individu à plusieurs identités déclarées est le FAED.

Indispensables à l’enquête, le FAED et le FNAEG sont complémentaires dans leur apport. La donnée papillaire reste la donnée la plus rapide à exploiter, par la disponibilité des matériels de capture des empreintes, contrairement à la donnée génétique qui nécessite un temps de traitement plus long. La donnée génétique est cependant plus aisée à recueillir puisqu’une très faible quantité de matériel biologique peut suffire à révéler un profil. L’évolution des techniques d’analyse a contribué à l’essor de la génétique au service de l’investigation, et le nombre d’identifications par cette dernière est aujourd’hui supérieur à celui de la donnée papillaire.

Au plan technique et fonctionnel, le FAED, devenu vieillissant, va faire l’objet d’une refonte complète dans le cadre d’un marché qui devrait être notifié à l’automne 2023, offrant ainsi une architecture modernisée et des « matcheurs » (moteurs de comparaison des empreintes) plus performants. Les enjeux majeurs concernent son utilisation en mobilité (capteurs nomades) afin de procéder à des consultations et des signalisations « en bord de route », ainsi que les cessions de données à opérer dans le cadre de l’interopérabilité des systèmes d’information européens ([62]). Ce fichier peut désormais assortir une fiche de recherche de l’empreinte de l’individu concerné. Au niveau national, la donnée papillaire contribue à fiabiliser les informations du traitement des antécédents judiciaires (la donnée papillaire peut certifier que X est également Y, est également Z) notamment lorsque les personnes mises en cause ont utilisé des identités différentes et sont répertoriées sous ces dernières sans pouvoir s’assurer de l’unicité de la personne.

Votre rapporteur pour avis considère qu’il pourrait être pertinent d’envisager la mise en place d’une interconnexion du TAJ, du FNAEG et du FAED, en plaçant celui-ci dans un rôle pivot de fiabilisation des identités dans les différents systèmes d’information, afin de lutter contre toutes les formes d’usurpation ou de fausses déclarations. Si cette évolution suppose un strict encadrement juridique au regard de la jurisprudence constitutionnelle ([63]), elle renforcerait l’efficacité des investigations menées par les services enquêteurs et améliorerait la fiabilité des données recueillies.

B.   Les défis opérationnels contemporains : faire face aux mutations technologiques

S’ajoutant à la montée en puissance de la biologie génétique, le développement de l’intelligence artificielle (IA) devrait avoir un impact majeur sur l’expertise numérique développée par les services de police scientifique, à la fois en tant qu’outil mis en œuvre par les criminels et en tant qu’aide à la résolution des enquêtes.

Le SNPS a, par exemple, déjà prévu d’utiliser l’IA dans le domaine de la biométrie papillaire. Le futur FAED intégrera des traitements basés sur l’IA pour automatiser le contrôle relatif à la qualité des données et des images ou à l’extraction des données permettant de produire les gabarits biométriques.

Le SNPS fait également face à une montée en puissance de la criminalité numérique, qui devient un aspect de plus en plus incontournable des enquêtes, même dans des matières qui, auparavant, n’y faisaient que peu ou pas du tout appel (violences conjugales, dégradations, etc.). L’importance des enjeux numériques est parfaitement identifiée par la police nationale, qui s’organise pour y faire face, notamment avec la création de l’office anti-cybercriminalité (OFAC). La mutualisation des moyens et savoirs de l’État (Direction générale de la sécurité intérieure, Direction générale de la sécurité extérieure, Douanes, Secrétariat général de la défense et la sécurité nationale, DGGN) s’impose pour faire face à des enjeux numériques nécessitant une très haute technicité.

L’IA pourrait aussi être intégrée dans les outils d’analyse dans de nombreux autres domaines, comme le traitement des images captées par les caméras de vidéoprotection, la comparaison de voix, le tri rapide d’images et vidéos sur des ordinateurs ([64]) ou encore la retranscription automatique des messages vocaux dans les smartphones. Sensibilisé par l’IRCGN et le SNPS sur cette question, votre rapporteur pour avis considère que l’interopérabilité des systèmes de captation d’images et la convertibilité des formats de vidéos constituent un enjeu technique majeur, car il peut grandement faciliter le travail mené par les agents de la police scientifique afin de décrypter certaines données vidéos.

S’agissant de l’utilisation de l’IA à des fins criminelles, elle peut faciliter la production de deep fakes ([65]), le revenge porn (création de faux contenus à caractère sexuel dévoilés au public par vengeance), la falsification de documents, l’usurpation d’identité par la synthèse vocale, la commission d’escroqueries, ou encore l’aide au contournement des systèmes biométriques.

La lutte contre le « deep fake »

Le SNPS estime que le deep fake sera un enjeu majeur des procédures judiciaires, et travaille à la détection de ces techniques.

Les premiers travaux ont été menés par le SNSP dès 2017, avec le projet DEFALS (détection de falsifications d’image) financé par l’ANR et la direction générale de l’armement (DGA) et piloté par le SNPS et l’ENS Paris-Saclay. Ayant pris fin en 2020, ce projet était uniquement consacré à l’image et a permis de mettre en place des outils et des méthodologies pour la détection des falsifications des images.

Actuellement, deux projets de l’ANR portés par le SNPS traitent de la détection des deep fakes : APATE et BRUEL. L’objectif de ces projets est de mettre en place des outils de détection des deep fakes sur des images, des vidéos et la parole (synthèse vocale), avec, entre autres, l’utilisation de l’IA pour améliorer la détection.

De son côté, la gendarmerie s’est dotée d’un nouveau logiciel « Authenticate »  permettant de détecter les deep fakes,. Des techniques de vérification de l’intégrité des fichiers sont ainsi déjà mises en œuvre par l’IRCGN, qui continue de travailler sur ce sujet avec la communauté forensique européenne. Des échanges ont lieu avec d’autres laboratoires européens dans le cadre des rencontres de l’ENFSI (European Network of Forensic Science Institutes).

Dès 2020, la gendarmerie nationale a développé des travaux en IA générative,  afin de comprendre le processus de création des deep fakes et de mettre en œuvre une capacité à les détecter. Ces travaux ont d’ailleurs récemment été récompensés par le prix du « projet ayant le plus gros impact sociétal potentiel » lors des Datacraft Awards, en juin 2023, et ont fait l’objet de publications et présentations. Le système développé par la gendarmerie nationale concerne la mise en évidence des impostures dans le domaine de l’image, de l’audio et du texte, notamment du fait du développement des larges modèles de langage à l’origine d’outils comme Chat-GPT, mais aussi des systèmes de génération d’images tels que ceux proposés par Dall-e ou MidJourney, par exemple.

La rapidité de ces évolutions technologiques implique une mobilisation totale de la police et de la gendarmerie nationales, afin de réduire l’asymétrie existant entre les forces de sécurité intérieure et les réseaux criminels qui ont recours à ces techniques de plus en plus sophistiquées. C’est à cette condition que la police scientifique pourra continuer à apporter son aide précieuse et indispensable à l’élucidation d’affaires pour lesquelles son expertise constitue aujourd’hui un atout incontournable.


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   Examen en commission

  Lors de sa première réunion du mardi 17 octobre 2023, la Commission auditionne M. Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, sur les crédits de la mission « Sécurités » (M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis « Sécurité », M. Éric Pauget, rapporteur pour avis « Sécurité civile »).

  Lien vidéo : https://assnat.fr/6p0E4a

  M. le président Sacha Houlié. Mes chers collègues, nous auditionnons aujourd’hui M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer, sur les missions budgétaires Sécurités et Administration générale et territoriale de l’État.

  Comme vous le savez, les auditions que nous menons dans le cadre budgétaire sont aussi l’occasion de faire le point sur les sujets d’actualité et la politique générale des ministres auditionnés. C’est la raison pour laquelle je n’ai pas répondu favorablement à la demande d’une audition préalable spécifiquement consacrée au risque terroriste : je ne doute pas que le ministre répondra à toutes les questions que vous souhaiteriez lui poser, notamment en matière de sécurité.

  Nous poursuivrons cette réunion ce soir. Nous examinerons les amendements sur les deux missions après les deux discussions générales.

  M. Gérald Darmanin, ministre de l’intérieur et des outre-mer. Je vous présente les crédits du ministère de l’intérieur et des outre-mer pour 2024 dans un contexte très difficile. Jamais les Français et les Européens n’ont eu autant besoin de sécurité. Derrière les données budgétaires et les aspects techniques, voire technocratiques de la discussion, ce sont des femmes et des hommes qui concourent à maintenir la paix publique, dans des conditions difficiles – policiers, gendarmes, agents de la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), agents de préfecture, personnels de la sécurité civile et tous ceux qui sont au ministère de l’intérieur. Le soutien que leur apportent les programmes budgétaires n’est rien par rapport au soutien politique que nous leur témoignons.

  Grâce aux parlementaires, l’année 2023 aura été marquée par l’adoption de la loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi). Pour la première fois, une loi de programmation vise l’ensemble du ministère de l’intérieur, et non pas simplement la sécurité intérieure. Elle consacre 15 milliards d’euros sur cinq ans à la sécurité des Français. Puisqu’il y a eu des débats politiques et médiatiques sur la question de savoir si cette loi serait respectée, je le redis : non seulement elle l’est à l’euro près, mais la communication des plafonds a fait état de 200 millions supplémentaires, pour le seul volet de l’intérieur.

  Non seulement les crédits votés par les parlementaires ont été respectés, malgré l’inflation et les difficultés économiques et budgétaires, mais il y a même des crédits supplémentaires. Ils doivent être exécutés conformément à la trajectoire que vous avez votée. Si des arbitrages internes sont évidemment à prévoir, compte tenu de l’inflation et de la revalorisation du point d’indice, les priorités restent inchangées : le renforcement de la présence des forces de sécurité intérieure, avec notamment le doublement de la présence sur la voie publique – un engagement du Président de la République en 2022 ; le raffermissement de l’administration territoriale ; la lutte contre le terrorisme ; et la préparation des Jeux olympiques et paralympiques (JOP).

  Les crédits constatés sur l’année 2023 sont conformes aux engagements. Ainsi, l’accueil de la Coupe du monde de rugby – le cinquième plus grand événement mondial – se déroule, jusqu’à présent, dans les meilleures conditions de sécurité possibles, sur le terrain mais surtout en dehors.

  Un effort sans précédent a été fait pour renforcer la présence des forces de l’ordre. Elle a notamment doublé sur la voie publique, ce qui est passé par le recrutement de personnels supplémentaires de police et de gendarmerie. Dix escadrons de gendarmerie mobile et unités de CRS ont déjà été créés sur les onze prévus, avec des sorties d’école particulières. Les circonscriptions de police prioritaires ont reçu le renfort de 1 266 policiers.

  Je salue également la création, en concertation avec les élus, de 239 brigades de gendarmerie, alors que le Président de la République en avait annoncé 200 : tout augmente ! Les premières sorties d’écoles ont eu lieu et dès le mois de juin, les nouvelles recrues étaient disponibles pour renforcer la sécurité dans nos campagnes et dans le monde périurbain.

  Le matériel n’est pas en reste. Lors de mes deux premières années au ministère de l’intérieur, j’ai obtenu un plan de relance qui a permis d’équiper les policiers et les gendarmes notamment en voitures ou matériel d’intervention, mais aussi en matière immobilière. Les équipements des forces de l’ordre continuent à être renforcés : 4 800 véhicules pour la police et pour la gendarmerie ont été acquis en 2023, venant s’ajouter aux 13 310 véhicules déjà achetés. Nous aurons ainsi renouvelé 70 % du parc automobile du ministère de l’intérieur. En 2024, nous acquerrons, pour 130 millions, 3 600 nouveaux véhicules, dont 58 véhicules Centaure chers à nos amis gendarmes. Nous avons également finalisé le plan caméras-piétons : le 1er janvier 2024, tous les policiers et gendarmes présents sur la voie publique et en contact avec la population en seront équipés.

  Conformément aux annonces du Président de la République, le Gouvernement déposera un amendement pour renforcer les moyens de la sécurité civile pour lutter contre les feux de forêt, à hauteur de 140 millions en crédits de paiement. Cela comprend les 45 millions destinés à la création de la quatrième unité d’instruction et d’intervention de la sécurité civile, qui s’installera à Libourne. Sont prévus le recrutement de 163 personnels supplémentaires ainsi que 40 millions pour aider les services départementaux d’incendie et de secours (Sdis) à acheter des véhicules de sapeurs-pompiers, 32 millions pour renouveler notre flotte de Canadair et 23 millions pour louer des moyens aériens. Je note que, si l’année 2023 a connu beaucoup de départs de feux, elle a aussi vu beaucoup moins d’incendies, grâce à l’organisation et au travail collectif de la sécurité civile et au courage de nos sapeurs-pompiers.

  L’année 2023 est aussi marquée par l’acquisition de 40 hélicoptères, pour 500 millions d’euros, par un travail de mutualisation entre la sécurité civile et la gendarmerie nationale et par des ressources supplémentaires inédites pour répondre à la cybercriminalité. C’est le début de la réponse à votre demande de créer 1 500 cyberpatrouilleurs et un numéro d’appel « 17 Cyber ». Des moyens importants sont encore déployés pour la population, comme en témoigne le succès des plateformes Pharos et Thesee, mais aussi le déploiement du portail Ma sécurité et bientôt la généralisation de la visioplainte que vous avez autorisée dans la Lopmi.

  Les moyens dédiés aux services de renseignement du ministère de l’intérieur augmentent de manière inédite. Il y a dix ans, lors de la création de la DGSI, on comptait un peu plus de 3 200 agents. Grâce à l’action du Président de la République, le nombre a quasiment doublé : 5 500 personnels emménageront dans le futur site unique à Saint-Ouen-sur-Seine, un projet figurant dans la Lopmi pour 1,2 milliard d'euros. La DGSI aura donc vu son budget et ses effectifs doubler, d’où son efficacité. J’en profite pour saluer son travail et le courage de ses agents.

  Un effort sans précédent est également fait pour l’outre-mer, dont je n’évoquerai que les crédits en matière de sécurité, le reste vous sera présenté par le ministre délégué chargé des outre-mer. Ces crédits visent à répondre aux enjeux de sécurité et de lutte contre les stupéfiants – notamment en Guyane –, de lutte contre les trafics illicites – notamment aux Antilles, surtout en Martinique – et de lutte contre l’immigration irrégulière – en particulier à Mayotte, où l’effort a été très important et se poursuivra. Depuis 2017, 1 400 policiers et gendarmes supplémentaires ont été affectés dans nos territoires ultramarins, soit une augmentation de 30 %. Elle est sensible singulièrement à Mayotte, où les effectifs ont presque doublé, pour un total de 1 150 sans compter les escadrons de gendarmerie mobile, et en Guyane, où l’on compte 1 525 forces de l’ordre hors escadrons de gendarmerie mobile.

  Si l’opération Wuambushu a montré l’efficacité de la lutte menée contre l’insécurité, il y a encore du travail à Mayotte. Il faut sans doute revoir le plan Shikandra. À cet égard, j’ai fait des propositions à la Première ministre et au Président de la République. Il faut aussi revoir l’opération Harpie avec le ministre des armées, concernant la lutte contre l’orpaillage illégal dans la forêt amazonienne française.

  Ces augmentations d’effectifs territoriaux s’accompagnent par ailleurs de renforts permanents : 21 escadrons de gendarmerie mobile sont répartis dans l’ensemble des outre-mer. De façon générale, grâce au retour aux quatre sections des unités de CRS ainsi qu’aux nouvelles unités que vous nous avez accordées, 176 escadrons de gendarmerie mobile ou unités de CRS ont été mobilisés pendant la Coupe du monde de rugby, qui nous ont permis de faire face en même temps à la venue du roi et de la reine d’Angleterre et à celle du pape à Marseille lors d’une semaine marquée par des menaces terroristes.

  Parallèlement, le réarmement de l’administration générale et territoriale de l’État – les préfectures – se poursuit. Les capacités numériques et cyber sont renforcées. Le programme réseau radio du futur (RRF) est une magnifique invention française, que nous pourrons exporter. Les forces ont déjà commencé à l’utiliser dans sa version bêta, montrant ainsi son efficacité, et son opérateur, l’Agence des communications mobiles opérationnelles de sécurité et de secours (Acmoss), est désormais installé. L’administration numérique pour les étrangers en France (Anef) œuvre à la dématérialisation de bout en bout des démarches des étrangers en France. Le futur projet de loi sur l’immigration assurera sa cohérence avec la réforme des préfectures, mais aussi avec l’application France Identité. Grâce à cette dernière, chacun peut commencer à avoir une identité numérique aux usages divers – pièce d’identité, permis de conduire, vote dématérialisé. Ces projets de transformation numérique sont à la hauteur de celui du prélèvement de l’impôt à la source que je vous avais présenté dans mes fonctions antérieures de ministre de l’action et des comptes publics.

  Le numérique a donc été consolidé au sein du ministère, qui connaissait une dette numérique extrêmement importante. Une hausse très significative des crédits est prévue en 2024, pour 634 millions en autorisations d’engagement et déjà 176 millions en crédits de paiement. Nous recrutons les 75 premiers équivalents temps plein (ETP) dédiés à l’Agence du numérique, créée conformément à la Lopmi.

  La période se caractérise par 350 emplois pour l’État territorial – les préfectures –, par des moyens pour la vidéoprotection – 25 millions en 2024, contre 22 millions en 2023 – et par la finalisation de la création de nouvelles sous-préfectures, en outre-mer ou sur le territoire métropolitain, ce qui ne s’est pas produit depuis plus de quarante ans et permettra de rapprocher nos concitoyens de l’État territorial.

  Enfin, l’année 2023 a permis de régler, notamment grâce à la mobilisation de la ministre déléguée Dominique Faure, la question de la délivrance des titres d’identité et de voyage : 15 millions, puis 48 millions ont été affectés aux collectivités locales et aux préfectures afin de résoudre les difficultés de fonctionnement de ce service public, qui étaient inacceptables pour les Français. Le délai d’obtention d’un rendez-vous en mairie est désormais de dix-neuf jours, contre soixante-dix-sept il y a un an et demi.

  Le ministère se projette également vers les événements de 2024. Outre les dates habituelles, comme les commémorations des débarquements de Normandie ou de Provence, l’événement majeur, qu’il s’agisse d’organisation, de lutte contre le terrorisme ou de plans anti-délinquance, sera bien sûr celui des Jeux olympiques et paralympiques. On compte 30 sites, 206 nations, 32 sports, 329 épreuves, 31 500 volontaires – qu’il faut passer au fichier –, 26 000 journalistes accrédités et plus de 10 millions de spectateurs cumulés attendus, certes en Île-de-France mais aussi à Châteauroux, à Marseille ou à Tahiti – pour les épreuves de surf, une discipline née d’ailleurs en Polynésie française et non à Hawaï. Près de 35 000 forces de l’ordre seront engagées du 26 juillet au 8 septembre 2024 pour accueillir ces événements. À ce jour, le surcoût prévisionnel lié aux Jeux s’élève à 200 millions d’euros pour le ministère de l’intérieur, même s’il conviendra de préciser le chiffre a posteriori. Le dispositif mis en place est d’envergure et sans équivalent au ministère l’intérieur.

  Enfin, le programme 207 Sécurité et éducation routières, qui dépend du ministère de l’intérieur, connaît aussi une hausse inédite de ses crédits – 35 millions supplémentaires en crédits de paiement – afin notamment de lutter contre la conduite sous stupéfiants.

  M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis des programmes Police nationale, Gendarmerie nationale et Sécurité et éducation routières. En tant que rapporteur pour avis de la mission Sécurités pour ce qui est des crédits relatifs à la sécurité, je vous présenterai les programmes Police nationale, Gendarmerie nationale et Sécurité et éducation routières.

  Plus que jamais, à l’heure où notre pays et nos voisins européens sont confrontés à une multitude de menaces, le renforcement de notre arsenal sécuritaire par des moyens législatifs et financiers est indispensable. À cet égard, je ne saurais commencer ma présentation sans avoir une pensée pour M. Dominique Bernard, enseignant assassiné dans son lycée il y a quelques jours par un terroriste islamiste, ainsi que pour les deux ressortissants suédois assassinés par un fanatique islamiste hier à Bruxelles. Notre lutte pour venir à bout de ce fléau doit donc être inébranlable.

  Le budget présenté par le ministre de l’intérieur s’inscrit dans une trajectoire en hausse constante depuis 2017, qui s’amplifie depuis le début de la législature. Les crédits de paiement affectés à la police nationale observent ainsi une augmentation de plus de 4,5 % et s’élèvent à 12,9 milliards en crédits de paiement. Ceux de la gendarmerie progressent de la même façon et atteignent près de 10,4 milliards. Si l’ordre de grandeur n’est pas comparable, le programme Sécurité et éducation routières bénéficie également d’une forte revalorisation, à hauteur de 109 millions pour 2024, soit une hausse de plus de 46 %.

  Au total, les budgets de la police et de la gendarmerie nationale présentent une hausse cumulée de plus de 1 milliard d’euros par rapport à 2023. Cette évolution témoigne de l’engagement du Gouvernement et de notre majorité parlementaire à renforcer puissamment et durablement les moyens nécessaires consacrés à la sécurité de nos compatriotes de métropole et d’outre-mer. La loi du 24 janvier 2023, cette Lopmi approuvée à une très large majorité par l’Assemblée nationale et le Sénat, s’inscrit pleinement dans cette perspective. Plus de 2 000 policiers et gendarmes s’ajouteront, l’année prochaine, aux effectifs actuels : nous l’avons dit et répété, la présence accrue des bleus sur le terrain n’est ni un slogan ni un vœu pieux, mais plus que jamais une réalité.

  Je n’entrerai pas dans le détail de la répartition des crédits au sein de chaque programme et action, M. Darmanin ayant déjà brossé un tableau précis des ressources humaines et matérielles dont disposeront les forces de sécurité l’année prochaine.

  L’année 2024 sera marquée par l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques. La sécurisation de cet événement planétaire constitue bien sûr un enjeu colossal à l’heure où la menace terroriste est encore très élevée, les événements tragiques de ces derniers jours nous le rappellent cruellement. À cet égard, j’appelle, monsieur le ministre, votre attention sur deux points en particulier.

  Premièrement, la loi du 24 janvier 2022 relative à la responsabilité pénale et à la sécurité intérieure a créé la réserve opérationnelle au sein de la police nationale, avec un objectif ambitieux de 30 000 réservistes à l’horizon 2030, dont 70 % issus de la société civile. Un an après son lancement, quel est le nombre de réservistes recrutés et de vacations déjà réalisées ? Plus généralement, quel premier bilan peut-on tirer de ces débuts ?

  Deuxièmement, la loi du 19 mai 2023 relative aux Jeux olympiques et paralympiques de 2024 a autorisé le recours, à titre expérimental, à des traitements algorithmiques pour déceler, dans un cadre très strict, des événements anormaux filmés par des caméras de vidéoprotection et susceptibles de présenter un risque pour la sûreté et la sécurité des personnes. Un décret d’application a été publié le 28 août dernier. Que pouvez-vous nous dire sur l’état d’avancement des procédures de marché, le calendrier et le contenu des phases de test préalables à la mise en œuvre de ces technologies ?

  J’ai choisi de consacrer cette année la partie thématique de mon rapport pour avis aux missions de la police scientifique, exercées tant par les agents de la police nationale que par les militaires et les civils de la gendarmerie nationale.

  La police scientifique a pour objectif d’aider à l’identification des auteurs d’infractions délictuelles et criminelles grâce à des techniques de recueil et d’analyse de traces et d’indices. Elle intervient aussi dans d’autres domaines, par exemple pour identifier les victimes de catastrophes. Il s’agit d’une mission décisive afin d’élucider un nombre toujours plus important d’affaires. Concrètement, son activité représente une intervention toutes les deux minutes, avec la production de plus d’un million d’analyses. Les experts de la gendarmerie et de la police se déploient ainsi sur de multiples terrains, qu’il s’agisse de la balistique, de la biologie ou du numérique. Ils représentent donc un élément clef d’une police et d’une gendarmerie modernes et efficaces.

  Si les progrès de la technologie peuvent offrir de nouvelles opportunités aux délinquants et aux réseaux criminels, ils constituent également un atout précieux pour faciliter les investigations judiciaires. Comme Philippe Latombe et Philippe Gosselin l’avaient souligné dans leur rapport d’information sur les images de sécurité, de nouveaux enjeux se dessinent plus particulièrement autour de la manipulation d’images ou de sons – le deep fake.

  La lutte contre ces phénomènes en pleine expansion nécessite de forts investissements matériels, mais aussi humains. Il est impératif que nos équipes de police scientifique, autant dans la police que dans la gendarmerie, soient dotées des meilleurs ingénieurs et informaticiens afin de détecter ces pratiques qui peuvent nourrir des chantages et escroqueries à grande échelle.

  Je me suis rendu à Pontoise, à l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN), et à Écully, près de Lyon, au Service national de la police scientifique (SNPS). J’ai pu mesurer la compétence, le professionnalisme et le dévouement de tous leurs personnels, civils comme militaires. Leur projection au-delà de nos frontières – encore récemment en Ukraine ou à Beyrouth – montre que leur excellence est reconnue dans le monde entier.

  Je tiens cependant à insister sur le recrutement de profils très spécialisés, notamment en matière informatique : il me paraît nécessaire de consentir un effort budgétaire supplémentaire pour réduire l’écart existant avec les rémunérations du secteur privé, en utilisant par exemple le volet indemnitaire, pour attirer et fidéliser de jeunes ingénieurs et informaticiens à leur sortie d’école.

  La Lopmi a utilement permis de simplifier le cadre procédural dans lequel agit la politique scientifique. Au-delà des assouplissements juridiques, les ressources humaines et matérielles dont bénéficient l’IRCGN et le SNPS sont l’une des garanties principales de l’efficacité des missions que mènent l’ensemble de nos forces de l’ordre de sécurité intérieure. Nous devons en être pleinement conscients.

  M. Éric Pauget, rapporteur pour avis du programme Sécurité civile. Au moment de présenter, pour la deuxième année consécutive, ce rapport pour avis sur les crédits de la mission Sécurités consacrés à la sécurité civile, je tiens à saluer et à remercier pour leur engagement l’ensemble de nos forces de secours, en particulier les pompiers professionnels et volontaires des Sdis de chacun de nos territoires.

  Pour ce qui est de l’analyse du budget, les crédits du programme 161 Sécurité civile s’élèvent à 734,6 millions d’euros, en hausse de 2,9 % par rapport à l’exercice précédent. C’est une augmentation de l’ordre de 0,3% en prenant en compte la perspective d’inflation, sachant que ces crédits étaient en forte augmentation l’année dernière. Pour l’année 2024, ils s’inscrivent dans la tendance à la hausse des crédits prévue par la Lopmi.

  Je tiens, monsieur le ministre, à saluer votre annonce à l’instant de 140 millions supplémentaires, qui comprennent 45 millions pour la création de la quatrième unité d’instruction de sécurité civile qui s’installera à Libourne, 163 ETP, 39 millions au titre des pactes capacitaires qui irrigueront nos départements, 32 millions pour des Canadair et 23 millions pour la location de moyens aériens – avions, hélicoptères et bombardiers d’eau.

  Le programme Sécurité civile se décompose en quatre actions : Prévention et gestion de crises, Préparation et interventions spécialisées des moyens nationaux – où figurent les montants les plus importants –, Soutien aux acteurs de la sécurité civile et Fonctionnement, soutien et logistique. Le programme 161 ne représente en réalité qu’une faible part du budget total de la sécurité civile, qui s’est élevé, l’an passé, à plus de 7 milliards d’euros consolidés. Le budget global de la sécurité civile est principalement assumé par les collectivités territoriales, en particulier par les départements, qui sont les principaux financeurs des Sdis. Il faudra donc nous pencher sur le financement des Sdis dans l’avenir.

  Le nombre de sollicitations des Sdis ne cesse de croître. Il s’élevait à 4,7 millions en 2021 et à près de 5 millions en 2022, dont les trois quarts pour du secours à victime. Cette augmentation continue de la charge des Sdis est largement supportée par les collectivités territoriales, pourtant financièrement à bout de souffle. Pour répondre à cette importante demande d’assistance et de secours, la France devra compter 220 000 sapeurs-pompiers volontaires et 50 000 professionnels en 2027, et investir lourdement en matériel pour accompagner ce déploiement et moderniser l’action de nos pompiers. C’est pourquoi il faut réfléchir à de nouvelles sources de financement de notre modèle de sécurité civile.

  Cela m’amène à la notion que j’ai choisi de mettre en valeur cette année dans la partie thématique de mon rapport : la valeur du sauvé, un notion quelque peu novatrice dans le domaine de la sécurité civile. Objet d’études académiques depuis plusieurs années, ce concept est principalement utilisé dans le domaine de la lutte contre l’incendie. Il vise à quantifier les avantages économiques résultant des interventions des Sdis et des pompiers, en faisant la différence entre les dommages réels constatés lors d’incidents et la valeur totale des vies, des biens et de l’environnement préservés grâce à l’action de nos pompiers.

  En France, vingt-sept Sdis proposent ce calcul, sur une ou plusieurs opérations, de la valeur du sauvé. Je remercie les représentants des Sdis des Bouches-du-Rhône, de l’Hérault et du Loiret qui m’ont présenté leurs méthodes de calcul. Au sein de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises (DGSCGC), un groupe de travail que vous avez initié, monsieur le ministre, a été mis en place le mois dernier : il rassemble les représentants de Sdis expérimentateurs et des personnalités qualifiées, pour travailler sur cette notion encore prospective. Je recommande que ce groupe de travail élabore des indicateurs communs ainsi qu’une méthodologie uniforme de calcul de la valeur du sauvé. Pour être efficace, il doit associer plus largement toutes les parties prenantes, en particulier les assureurs – qui financent les Sdis par le biais de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance (TSCA) et qui sont disponibles pour participer à une telle démarche – mais aussi les élus locaux, notamment les représentants des départements et des communes.

  Les réflexions en cours sur la valeur du sauvé sont susceptibles de nourrir les débats sur l’évolution du financement des Sdis. Mon avis développe à cet égard trois pistes. Tout d’abord, la clé de répartition de la part dynamique de la TSCA devrait être modernisée. Des travaux sont en cours à ce sujet. Ils doivent prendre en compte des critères qualitatifs, comme la valeur du sauvé, afin de mieux répartir cette ressource parmi les Sdis.

  Deuxièmement, je souhaite qu’on puisse réfléchir, et, le cas échéant, mettre en place un fonds alimenté par une contribution générale des assurances et reposant notamment sur la valeur du sauvé. Monsieur le ministre, ces deux premières recommandations figurent dans le rapport Falco remis au Président de la République il y a quelques mois : quelle est votre position ? Plus largement, pouvez-vous nous indiquer l’état des négociations avec l’ensemble des parties prenantes concernant l’évolution du modèle de financement des Sdis ? Quelles suites le Gouvernement compte-t-il donner au rapport de l’Inspection générale de l’administration (IGA) sur ce sujet, prévu par la loi Matras et transmis en fin d’année dernière au Parlement ?

  Troisième piste, la TSCA est actuellement reversée à plusieurs bénéficiaires, dont les départements, la Caisse nationale des allocations familiales et la Caisse nationale d’assurance vieillesse. Une fraction supplémentaire de la TSCA pourrait être transférée aux départements au titre du financement des Sdis. Je rappelle que les carences ambulancières ont augmenté de 90 % entre 2012 et 2021 et représentent près de 650 000 interventions. Seriez-vous favorable à une telle évolution ?

  Enfin, la valeur du sauvé peut constituer un cas simple et pédagogique de visualisation et de valorisation de l’action publique de nos services de secours et donc de nos pompiers. Elle pourrait trouver une illustration concrète avec le versement d’une part de la taxe de séjour au titre du financement des services d’incendie et de secours. La prestation proposée par nos sapeurs-pompiers a de la valeur ; elle a un coût, que l’usager pourrait prendre en charge pour sa sécurité. Quel regard portez-vous sur la notion de valeur du sauvé ? Si je mesure son caractère encore expérimental, je l’estime prometteuse pour l’avenir. Quelle place pourrait-elle occuper dans les débats actuels sur le financement de nos services d’incendie et de secours ?

  M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux interventions des orateurs des groupes.

  M. Rémy Rebeyrotte (RE). Je veux à mon tour rendre hommage à Dominique Bernard et aux deux victimes suédoises d’hier, tous trois victimes du terrorisme islamique.

  2024 sera la deuxième année de mise en œuvre de la Lopmi. Elle verra la montée en puissance des effectifs et des moyens, et la poursuite de la valorisation des personnels en place et des équipements prévue. Arriveront 2 184 ETP supplémentaires, toutes forces de l’ordre confondues, et de nouvelles brigades et unités de forces mobiles. Elle sera aussi une année marquée par les Jeux olympiques et paralympiques en France.

  Le programme 176 Police nationale doit poursuivre la réorganisation territoriale sous commandement unique, pour plus d’efficacité. Il prévoit également le recrutement de 1 139 policiers supplémentaires et la poursuite de la modernisation des équipements. Le renseignement, notamment à travers la DGSI, sera-t-il encore renforcé ? Et, au vu des événements, ne pensez-vous pas qu’il faille accélérer encore la croissance des effectifs, qui doivent atteindre 8 500 emplois supplémentaires sur la législature ?

  Le budget du programme 152 Gendarmerie nationale doit augmenter de 4,82 %, pour atteindre presque 11 milliards. Il prévoit la création de 238 brigades sur tout le territoire et de sept unités mobiles, la hausse des moyens de la cybercriminalité et de la lutte contre les atteintes à l'environnement et la croissance de la réserve et des politiques de prévention, avec pour fond la sécurisation des JOP. Les représentants des forces de sécurité intérieure souhaitent la défiscalisation exceptionnelle des heures supplémentaires, pour faciliter la mobilisation au moment des Jeux et compléter le dispositif déployé : est-ce dans vos intentions ?

  S’agissant du programme 207 Sécurité et éducation routières, où en êtes-vous de la réforme du permis de conduire et de la réflexion sur les conséquences des très petits dépassements de vitesse sur le permis à points ?

  Enfin, le programme 161 Sécurité civile monte en puissance. Il prévoit l’achat d’aéronefs bombardiers d’eau et un soutien aux Sdis pour faire face aux incendies, suite à la loi du 10 juillet 2023 sur le risque incendie. Le budget 2024 sera aussi le troisième depuis la loi Matras, avec un recul heureux des carences sur le terrain. En revanche, l’exonération de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques (TICPE) sur les carburants des véhicules des Sdis, qui avait été décidée, a été omise dans la première version du projet de loi de finances (PLF) : sera-t-elle rétablie ?

  Une dernière question, par curiosité : que ferez-vous suite aux propos matinaux de Mme Obono, qui a rendu un bien choquant hommage à un mouvement terroriste international ?

  M. Thomas Ménagé (RN). La France est endeuillée par un énième épisode de cette triste saga meurtrière causée par des étrangers dangereux présents sur notre sol. Après la décapitation de Samuel Paty et l’assassinat sauvage de Lola, les crimes commis par des étrangers souvent en situation irrégulière se perpétuent, comme l’incapacité du Gouvernement à protéger la population. Vendredi dernier, le professeur Dominique Bernard a été poignardé par un Tchétchène, au cri d’Allah akbar. Comme des milliers d’étrangers fichés S – autant de potentielles bombes humaines – cet homme ainsi que sa famille ont pu circuler librement sur le territoire alors qu’ils présentaient de sérieuses menaces pour la vie des Français.

  Vous avez été incapables de le voir avant que la barbarie n’explose une nouvelle fois au sein d’un lycée. Au nom du groupe Rassemblement national, j’avais demandé au président Houlié une audition spécifique pour lever le voile sur les défaillances de l’État qui ont mené à ce drame. Elle n’aura malheureusement pas eu lieu et je le regrette, car nous aurions pu vous poser les questions auxquelles les Français attendent des réponses depuis des années. Vous avez indiqué hier que, sur les 20 120 inscrits au fichier de traitement des signalements pour la prévention de la radicalisation à caractère terroriste, 1 411 individus sont en situation irrégulière. Mais vous n’avez pas indiqué le nombre d’étrangers en situation régulière, pas plus que celui des personnes qui ont été récemment naturalisées. Pourriez-vous nous les communiquer ?

  Vous avez annoncé samedi que vous étiez favorable à l’expulsion systématique de tout étranger considéré comme dangereux par les renseignements. Nous saluons cette nouvelle ligne, mais nous sommes accablés de voir le temps qu’il vous a fallu pour ouvrir les yeux. Que de temps perdu ! Au-delà des crédits prévus par la Lopmi, que nous avons soutenus, l’essentiel reste la volonté politique. Or je m’interroge, monsieur le ministre, sur votre volonté de combattre en profondeur le fondamentalisme islamiste, comme nous le proposons avec Marine Le Pen.

  La sœur de Samuel Paty a déclaré que si des mesures avaient été prises après l’attentat qui a coûté la vie à son frère, Dominique Bernard serait encore là. Que pouvez-vous lui répondre ? Ne pensez-vous pas que les atermoiements du Gouvernement nous ont empêchés de nous doter de l’arsenal législatif nécessaire pour lutter contre l’islamisme radical et les fléaux de l’immigration incontrôlée ? Ne pensez-vous pas que si vous aviez mis l’immigration au cœur du débat national, et si nous avions fait notre travail législatif, nous aurions évité que le sang coule à nouveau sur notre sol ?

  Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Monsieur le ministre, vous nous dites que ce budget est orienté vers la lutte contre la délinquance du quotidien et le doublement de la présence des fonctionnaires sur la voie publique. Mais ces objectifs n’ont aucun sens si nous n’avons pas des officiers de police judiciaire (OPJ) en nombre suffisant pour ce qui est de la police judiciaire elle-même – or ils ne sont que 6 000 – et indépendants – or, avec la départementalisation, vous les mettez, contre leur avis unanime, sous l’égide des préfets.

  Cela étant dit, c’est sur la formation que je veux m’arrêter. En 2022, les sommes qui ont effectivement été dépensées au titre de la formation représentaient la moitié des sommes initialement inscrites en loi de finances. Pour 2024, la sous-action 06.01 Formation du programme 176 Police nationale prévoit une baisse de 34,1 %, mais quels seront les moyens effectivement mobilisés ? Ce budget est-il sincère ?

  On constate que rien n’est prévu pour renforcer la formation au maintien de l’ordre, alors que chacun sait que les effectifs qui y ont été formés, comme les CRS, commettent bien moins de violences que les membres de la brigade anticriminalité qui ont été mobilisés pendant les manifestations contre la réforme des retraites.

  Rien n’est prévu non plus pour la formation à l’accueil et au suivi des victimes de violences sexistes et sexuelles, malgré tous vos engagements et ceux du garde des sceaux en ce sens. Or le nombre de féminicides ne baisse pas dans notre pays, et l’on sait que le dépôt de plainte est la meilleure des préventions. De même, vous ne prévoyez aucun recrutement et ne nous dites pas ce que vous comptez faire des écoles qui ont fermé. Vous avez certes allongé la durée de la formation, mais en y introduisant la formation au métier d’OPJ.

  La formation aux gestes techniques professionnels est importante, mais nos policiers doivent surtout être armés sur un plan théorique pour faire face à la complexité du monde et résister à l’anomie qui parfois les étreint et explique le nombre important de suicides.

  M. Ian Boucard (LR). La sécurité est un enjeu central pour les Français, en cette période marquée par un accroissement de l’insécurité et le retour des actes terroristes dans notre territoire. La sécurité est un pouvoir régalien et il est de la responsabilité du législateur de l’assurer en votant un budget suffisant pour nos forces de l’ordre. Je tiens d’ailleurs à leur rendre hommage pour leur travail et à les assurer que le groupe Les Républicains protégera toujours ceux qui nous protègent.

  Les crédits de la mission Sécurités augmentent, du fait notamment de l’adoption d’une Lopmi ambitieuse, dans laquelle le groupe Les Républicains a pu obtenir de nombreuses avancées en faveur de l’amélioration des conditions d’exercice de nos forces de l’ordre. La délinquance et la criminalité restent pourtant supérieures en France à la moyenne des pays de l’Union européenne. Les statistiques de 2022 confirment cette tendance, avec une augmentation de 8 % du nombre d’homicides, de 15 % des coups et blessures volontaires et de 11 % des violences sexuelles. Cela s’explique en partie par une réponse judiciaire inadaptée qui encourage la récidive et par un manque criant de places de prison. En matière de sécurité, je dénonce depuis six ans le « en même temps » du chef de l’État, qui n’a jamais su trancher.

  Le renforcement de la présence des forces de l’ordre sur la voie publique, qui devrait doubler d’ici dix ans, est une bonne chose. Les effectifs de police et de gendarmerie bénéficieront d’un schéma d’emploi de + 2 184 équivalents temps plein en 2024. Des moyens supplémentaires sont alloués pour répondre à des enjeux sécuritaires nouveaux, par exemple dans le domaine cyber mais aussi pour faire face aux violences intrafamiliales, avec la création de 99 maisons de protection des familles. Nous sommes également favorables au renouvellement des moyens du maintien de l’ordre et d’intervention, avec la densification des pelotons de surveillance et d’intervention de la gendarmerie ainsi que le renouvellement de l’équipement de la police nationale et des moyens mobiles des deux forces.

  Enfin, ce budget en augmentation est marqué par le défi que représente l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques à Paris. Elle impliquera une densification des équipements, qui permettra aux forces de gendarmerie et de police d’assurer dans les meilleures conditions la sécurisation du plus grand événement sportif mondial. Après le fiasco de l’organisation de la finale de la Ligue des champions de football, le Gouvernement n’a pas le droit de ridiculiser une nouvelle fois notre pays sur la scène internationale.

  S’agissant des effectifs, ce budget pour 2024 est à nuancer au regard de la sous-consommation chronique des crédits de personnel, expliquée par la Cour des comptes dans son rapport d’analyse de l’exécution budgétaire de 2022 par un accroissement des difficultés de recrutement et de fidélisation. Vous affichez 2 100 nouveaux postes de gendarme pour le quinquennat mais certaines sources, au sein du ministère, évoquent 3 000 départs non prévus pour la seule année 2023. La difficulté à fidéliser les agents se conjugue à une difficulté de recrutement auprès des jeunes générations, qui s’explique en grande partie par la dégradation des conditions de travail. Elle démontre également que les seules revalorisations indemnitaires ne suffisent plus à fidéliser les effectifs. Quelles sont la stratégie et les mesures que le Gouvernement entend déployer pour répondre à ce défi, à l’heure où nos forces de l’ordre sont de plus en plus sollicitées et où les enjeux sécuritaires ne cessent de s’aggraver ?

  Je conclurai en évoquant la menace terroriste. Quelques jours après l’attentat qui a eu lieu au lycée Gambetta d’Arras, pouvez-vous nous éclairer sur les raisons qui ont permis à un ressortissant étranger fiché S, qui aurait dû être expulsé, de demeurer en France et de commettre cet attentat insupportable ? Si le projet de loi « immigration » dont notre assemblée débattra à la fin de l’année s’était déjà appliqué, il n’aurait rien changé : il n’aurait pas permis l’expulsion du terroriste Mohammed Mogouchkov. Il ne propose que des modifications timides du régime de protection des étrangers, y compris ceux qui représentent une menace pour l’ordre public.

  Je connais la mobilisation de nos services de renseignement et de nos forces de l’ordre pour protéger nos compatriotes de ces barbares et je connais, monsieur le ministre, votre engagement personnel. Mais l’intensification de la menace terroriste mérite une plus grande fermeté et les Français réclament à juste titre l’enfermement de tous ceux qui représentent une menace terroriste, ou leur expulsion s’ils sont étrangers. Quelles mesures comptez-vous prendre pour mieux combattre la menace terroriste ? Surtout, comment comptez-vous convaincre ceux qui, au sein de votre majorité – Mme la Première ministre la première – vous ont contraint à reporter l’examen de ce projet de loi, que l’heure n’est plus à la procrastination coupable ou à l’angélisme mais à la fermeté ? La révision constitutionnelle proposée par Les Républicains nous permettrait d’expulser ces individus, qui représentent une menace pour les Français.

  Mme Blandine Brocard (Dem). L’examen des crédits de la mission Sécurités revêt une importance cruciale dans le contexte actuel. Ces crédits traduisent les principes et objectifs énoncés dans la Lopmi que nous avons adoptée en décembre 2022. Ces objectifs sont bien plus que de simples lignes directrices : ils permettront une transformation significative de nos forces de sécurité intérieure, qui aura un impact direct sur la vie de nos concitoyens et renforcera leur confiance envers ceux qui les protègent parfois au péril de leur vie.

  Le risque terroriste, la délinquance du quotidien, les violences intrafamiliales, les zones de non-droit que la République doit impérativement reconquérir – y compris l’espace numérique – nécessitent une présence notablement renforcée de nos forces de sécurité sur le terrain. C’est pourquoi ce PLF prévoit la création de plus de 2 000 équivalents temps plein supplémentaires en 2024, en complément des 2 857 déjà créés cette année. Il est indispensable que nos policiers et nos gendarmes puissent assurer leur mission première, qui est d’être sur le terrain, au plus près des Français. Pour les libérer des tâches administratives et de l’étouffante paperasserie qui leur fait perdre un temps précieux, nous misons sur le développement de solutions numériques innovantes, l’accélération des procédures et le déploiement des assistants d’enquête dans les brigades.

  Libérées de ces contraintes, nos forces de sécurité pourront se consacrer pleinement à leurs missions vitales : protéger nos concitoyens, préserver nos institutions et garantir le respect inébranlable de la loi. L’objectif est ambitieux : doubler la présence opérationnelle sur le terrain dans les dix prochaines années et réduire de manière significative, dès l’année prochaine, les missions périphériques qui entravent l’efficacité de nos unités.

  Les crédits alloués aux programmes 152 Gendarmerie nationale et 176 Police nationale témoignent d’une vraie détermination à combattre et à prévenir la délinquance sous toutes ses formes, qu’il s’agisse de la délinquance du quotidien, des réseaux et filières criminelles et terroristes, de l’économie souterraine ou de toute forme de délinquance numérique. En raccourcissant les délais d’intervention et en systématisant l’apport de solutions techniques et scientifiques, nous souhaitons optimiser l’efficacité des enquêtes. Une présence renforcée sur le terrain numérique, avec la formation et le déploiement de cyberpatrouilleurs, permettra, je l’espère, de mettre un terme aux dérives qui font de l’espace virtuel le terrain privilégié du harcèlement, des trafics et arnaques en tout genre, de la radicalisation et de la diffusion de violence et de haine.

  Je suis particulièrement attachée à ce que nos gendarmes soient logés en sécurité et de manière correcte. Quelles actions seront menées cette année pour nos casernes ? Comment permettre à tous nos policiers de se loger à proximité de leur commissariat et à des loyers raisonnables, même en centre-ville ?

  M. Roger Vicot (SOC). Nous nous livrons à un exercice à la fois légitime et étrange. Légitime, parce que c’est notre rôle d’examiner, ligne après ligne, le budget qui nous est soumis. Étrange, parce que le contexte dans lequel nous le faisons rend certaines prises de position assez dérisoires. Je ne suis pas connu pour être proche politiquement du ministre de l’intérieur, mais quand j’entends des collègues le soupçonner de ne pas avoir la volonté de lutter contre le terrorisme islamiste, je me dis que cela ne contribue pas à crédibiliser la parole politique. S’il y a un mot qui s’impose dans le contexte actuel, c’est celui d’unité.

  J’en viens aux crédits de la mission Sécurités. Durant l’examen de la Lopmi, il a beaucoup été question de la formation, dont tous les groupes ont souligné l’importance. Comme l’an dernier, l’objectif affiché est d’augmenter le temps de formation continue de 50 %. Or, sauf erreur de ma part, le budget pour 2024 ne prévoit aucun ETP supplémentaire pour l’assurer. Je sais que des policiers peuvent devenir formateurs, mais il me semble tout de même qu’au regard du nombre de recrutements, la formation aurait mérité quelques ETP supplémentaires.

  La cybersécurité a elle aussi été au cœur de nos débats sur la Lopmi. Pourtant, l’argumentaire qui figure dans le PLF pour 2024 est à la virgule près celui qui figurait dans celui de l’an dernier : il évoque l’augmentation du nombre de cyberpatrouilleurs et la création récente d’un centre national de formation cyber. Je crois que cette question aurait mérité davantage de moyens.

  Vous avez évoqué à juste titre, monsieur le ministre, le défi que doit relever la sécurité civile. J’ai bien noté que l’année 2024 marquera le début du renouvellement de la flotte de Canadair, avec une première commande de quatre appareils dont deux seront financés par l’Union européenne. Sommes-nous certains que ces appareils nous seront livrés avant l’été 2024 – sachant qu’il commence de plus en plus tôt ?

  Ma dernière remarque concerne les indicateurs d’efficacité. Je note que la gendarmerie établit ses indicateurs à partir des directives de la direction interministérielle de la transformation publique. Autrement dit, les gendarmes ont des indicateurs de satisfaction du public. En revanche, les indicateurs de la police nationale ne sont fondés que sur l’intervention, hormis quelques éléments sur le temps d’attente au commissariat.

  M. Didier Lemaire (HOR). La mission Sécurités regroupe l’ensemble des moyens financiers relevant du ministère de l’intérieur et concourant à la protection des populations sur tout le territoire. Elle poursuit les efforts engagés dans la Lopmi. Les crédits de cette mission sont en hausse, notamment ceux qui concernent la sécurité et l’éducation routières, la police et la gendarmerie nationale.

  Dans le prolongement des efforts réalisés depuis 2017 pour améliorer la sécurité du quotidien sur l’ensemble du territoire, l’année 2024 sera marquée par une amplification de la mobilisation et une accélération de la modernisation de la police nationale. Elle verra s’accroître la présence des forces de l’ordre sur la voie publique. Le groupe Horizons salue d’ailleurs les 39  brigades de gendarmerie supplémentaires qui s’ajoutent aux 200 prévues par la Lopmi.

  Le programme Sécurité civile rassemble l’ensemble des politiques du ministère de l’intérieur consacrées à la protection des populations et à la gestion de crise. Je me réjouis que la DGSCGC connaisse une augmentation importante de ses moyens opérationnels, avec la création de 200 emplois et 818 millions de crédits supplémentaires sur cinq ans. L’année dernière, je vous interrogeais, monsieur le ministre, sur la manière d’accompagner les communes dans leur effort de prévention du risque en général, notamment du risque d’incendie. La protection de la population sera l’enjeu central de ces prochains mois, face aux différents risques auxquels nous faisons face – naturel, technologique, sanitaire et terroriste. Il est important d’y acculturer nos concitoyennes et nos concitoyens.

  Je me réjouis par conséquent de l’instauration d’une journée nationale de la résilience face aux risques, ainsi que du renforcement des dispositifs d’alerte à la population. Le déploiement du système d’alerte et d’information des populations se poursuit, avec l’achat de 2 200 nouvelles armoires de commandes permettant un déclenchement via la 4G, adaptées à l’arrêt progressif du réseau INPT à compter de 2025, et l’installation de 400 sirènes supplémentaires pour une mise en service d’ici 2026, dont une centaine en 2024.

  Ces dispositifs seront-ils accompagnés d’actions de formation et de sensibilisation de la population, et de quelle façon ? Le système d’alerte FR-Alert, qui actionne tous les téléphones mobiles dans un secteur géographique donné, est-il disponible et efficace sur l’intégralité du territoire national ? Je me réjouis par ailleurs de l’introduction d’un numéro unique de gestion des appels d’urgence, plus simple pour les usagères et usagers du service public : pouvez-vous nous en dire plus sur la durée et le périmètre de cette expérimentation ?

  Le groupe Horizons votera les crédits de cette mission.

  Mme Sandra Regol (Écolo-NUPES). Les crédits de la mission Sécurités sont globalement à la hausse et c’est plutôt une bonne nouvelle, mais chacun sait que le diable est dans les détails. Je pense notamment au recul des moyens de l’administration territoriale de l’État, qui semble traduire un recul de la présence de l’État dans les territoires, à la baisse des moyens accordés à l’action numérique du ministère de l’intérieur, qui entre en contradiction avec les engagements de modernisation pris dans la Lopmi, ou encore à la baisse des moyens accordés au fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). Ce dernier point apparaît vraiment comme une anomalie : à l’heure où la France est encore endeuillée, la prévention de la délinquance et de la radicalisation devraient être, plus que jamais, une priorité.

  Les rapports entre la police et la population sont souvent questionnés. Un nombre croissant d’agents de police expriment leur colère en dehors des syndicats pour faire voir la réalité du terrain – une réalité qui devient un enjeu social, quand on sait qu’il y a eu plus de 1 000 suicides dans la police au cours des vingt dernières années. Les 122 psychologues sont bien peu, par rapport aux 150 000 agents en service ; le dispositif « sentinelles » est peu efficace, car on y est régulièrement nommé volontaire d’office ; enfin, le programme de mobilisation contre le suicide manque de moyens pour être efficace, avec 2,9 millions seulement dans le PLF pour 2024. Il y a certes une formation à distance, intitulée « Agir pour prévenir le suicide et ses conséquences », mais le fait que les crédits dédiés à la formation passent de 43 à 29 millions malgré le recrutement annoncé de milliers de nouveaux agents n’invite pas à l’optimisme. Nous avons déposé des amendements demandant de véritables moyens de lutte contre le suicide. Malheureusement, le 49.3 va, une fois encore, balayer ces propositions avant même que le débat puisse avoir lieu. Il vous reste cependant la possibilité de soutenir ces propositions ou, au moins, d’en discuter avec nous.

  La sécurité civile est elle aussi en première ligne avec le réchauffement climatique qui augmente à la fois le risque d’incendie et l’intensité des feux. Il faut des moyens à la hauteur de ce qui constitue l’enjeu du siècle. Or l’IGA nous alerte sur le risque de rupture capacitaire. Nous proposons donc d’accompagner l’action en la matière avec un fonds d’investissement national.

  Cela permettrait d’abord de renforcer les moyens humains, avec des recrutements massifs, de l’ordre de 40 000 personnes d’ici 2035, et un objectif de 50 % de professionnels d’ici 2040. Il faut valoriser leur travail, avec le retour de l’âge légal de départ à la retraite à 55 ans et une retraite anticipée pour les volontaires quand ils ont de l’ancienneté. Il faut, enfin, généraliser la formation aux feux de forêt, qui doit être intégrée au tronc commun.

  Quant aux moyens matériels, vous prévoyez d’acquérir 1 100 nouveaux camions-citernes feux de forêts, ce qui portera leur nombre à 100 000 : nous ne ferons ainsi que revenir au niveau de 2005. Pour faire face à l’enjeu du siècle, nous proposons un objectif de 6 000 camions-citernes feux de forêts d’ici à 2030. Par ailleurs, vos investissements dans les moyens aériens sont très insuffisants. Il faut investir dans plus d’appareils, et qui ne nécessitent pas d’aller s’entraîner au Canada.

  Enfin, il convient de réfléchir collectivement à la question des modes de financement. Nous aurons l’occasion de reparler de la TSCA, ou de la contribution additionnelle à la taxe de séjour que recommande notamment notre collègue Florian Chauche.

  M. Davy Rimane (GDR-NUPES). Tous les membres de la police, de la gendarmerie et des forces armées ont un seul but : éviter que des drames ne se produisent dans notre territoire. Et lorsque cela arrive, la plupart d’entre eux sont meurtris. Il importe donc d’éviter les propos à l’emporte-pièce, car nous parlons de vies humaines.

  Je ne reviendrai pas sur les chiffres ; j’aimerais plutôt m’arrêter sur la politique globale qu’ils traduisent et vous poser les questions qui me taraudent. Je vous ai demandé il y a quelques mois comme allait se dérouler la réaffectation des différentes compagnies de forces mobiles, tant dans l’Hexagone qu’outre-mer, pour garantir la sécurité des Jeux olympiques. Or je n’ai jamais obtenu de réponse.

  La Lopmi prévoit une départementalisation des forces qui laisse la part aux choix des préfets. Ainsi, en Guyane, le préfet mobilise quasiment une compagnie de forces mobiles chaque jour pour protéger le site d’un porteur de projet privé et mener bataille contre des jeunes autochtones âgés pour la plupart de 14 ou 15 ans qui défendent leur lieu de vie, de chasse et de subsistance. Nous aurions plutôt besoin de ces forces pour lutter contre l’orpaillage illégal qui pollue nos mers et nos fleuves et qui nuit aux êtres humains, à la faune et à la flore depuis plus de trente ans. Il faut absolument éradiquer cette pratique.

  La gendarmerie, en Guyane, aurait besoin d’un deuxième hélicoptère pour mener à bien toutes ses missions. Je rappelle que c’est un territoire de 90 000 kilomètres carrés à la végétation très dense, qui nécessite des moyens spécifiques.

  D’une manière générale, si l’on veut lutter efficacement contre toute forme de violence et contre le terrorisme, il importe que nos policiers et nos gendarmes soient au quotidien auprès de nos concitoyens, et pas seulement quand il y a un souci. Nous vous avons demandé de remettre des forces de l’ordre dans les quartiers, au plus près des habitants, pour leur garantir une vie paisible, comme partout ailleurs. Vous nous avez opposé une fin de non-recevoir mais je persiste à dire que c’est le meilleur moyen de prévention. Nos policiers et nos gendarmes doivent nous aider à reconnecter les hommes et les femmes au quotidien. Or ce n’est pas la politique qui est déployée : le renforcement des forces mobiles n’est pas la réponse la plus adaptée aux maux de notre société. J’espère que les débats à venir nous permettront de rectifier le tir.

  La réunion est suspendue de dix-huit heures quinze à dix-huit heures vingt-cinq.

  M. Paul Molac (LIOT). Les crédits de la mission Sécurités connaîtront une augmentation notable en 2024. On ne peut que souscrire à votre projet de sécurité du quotidien, car c’est celle qui touche directement les Français. J’ai pu constater que la prise en charge des violences intrafamiliales et des violences sexistes est bien meilleure qu’il y a un dizaine années : la formation des agents porte ses fruits.

  Je souhaite appeler votre attention sur le maillage territorial et sur les spécificités du milieu rural. Des cambriolages y sont commis, certes, mais on voit surtout des gens s’y installer pour se mettre au vert quelque temps, sans vraiment commettre de méfaits mais pour servir de receleurs par exemple. Il peut être utile de les identifier pour démanteler des filières.

  S’agissant de l’articulation des Jeux olympiques et des festivals, les forces de l’ordre vont-elles devoir quitter leur région d’implantation pour se rendre à Paris le temps des JOP ? Les grands festivals ont fait le choix, quand c’était possible, de décaler leurs dates, mais quid des festivals plus petits ou intermédiaires, dont certains ont besoin de forces de sécurité ? Le festival de la Madone des motards, qui a lieu chez moi, forcément le 15 août, est encadré, comme de juste, par des motards de la gendarmerie nationale. Les festivals de musique aussi ont besoin de savoir s’ils pourront se tenir ou non, pour pouvoir engager les groupes. J’ai interrogé le préfet de mon département et il ne m’a toujours pas donné de réponse – j’imagine qu’il ne l’a pas lui-même. Dès que les derniers arbitrages auront été rendus, il faudra informer les organisateurs de petits et moyens festivals.

  Enfin, les Jeux olympiques vont donner lieu à une expérimentation mêlant intelligence artificielle et caméras. Où en est-on ? A-t-on choisi une technologie et quel en sera le coût ? Des entreprises ont-elles déjà été retenues ?

  Mme Emmanuelle Ménard (NI). Les moyens alloués à la sécurité vont augmenter en 2024, mais pas suffisamment. Les moyens du renseignement, plus indispensable que jamais pour lutter contre les atteintes à la sécurité de nos concitoyens et des institutions et pour prévenir les troubles à l’ordre public, devraient être renforcés. La France n’a pas les moyens de surveiller les personnes susceptibles de mettre en danger notre sécurité – en tout cas, pas toutes. Le triste attentat contre le professeur Dominique Bernard l’a encore prouvé la semaine dernière. Je vous suggère une mesure qui ne coûtera rien, mais qui pourrait être très efficace : pouvez-vous vous engager, monsieur le ministre, à abroger la circulaire Valls, qui nous empêche d’expulser les étrangers potentiellement auteurs de troubles à l’ordre public ?

  Je souhaite également appeler votre attention sur les conditions de vie de nos gendarmes, dont certains occupent des logements d’une vétusté plus qu’alarmante. Pour résoudre ce problème, la gendarmerie de Béziers a été obligée d’autoriser une prise à bail en secteur civil, ce qui entraîne un surcoût pour l’institution. Quel programme comptez-vous engager pour y remédier ?

  J’aimerais enfin vous entendre au sujet de la montée en puissance des violences en France. Tout le monde se souvient des émeutes de l’été dernier. Pour combattre ces violences, il faut des effectifs supplémentaires, ce que prévoit votre budget. Toutefois, la Cour des comptes nous alerte sur la crise de vocation qui frappe nos forces de l’ordre, ainsi que sur les vagues de démissions qui frappent nos institutions : le nombre de départs de la police et de la gendarmerie a encore augmenté en 2022, alors que l’année 2021 avait déjà marqué un record. Face à ce constat, que comptez-vous faire pour rendre nos forces de l’ordre plus attractives ?

  M. Gérald Darmanin, ministre. Madame Ménard, le ministère de l’intérieur a deux grandes dettes : une dette numérique, que nous résorbons, et une dette immobilière, qui est effectivement très importante et qui ne tient pas seulement aux locaux des gendarmes, mais qui concerne également la police et les préfectures. Pendant longtemps, en effet, le ministère de l’intérieur a connu une augmentation très importante de ses dépenses de titre 2 (T2), c’est-à-dire des dépenses de personnel, tandis que les crédits hors T2, consacrés à l’immobilier, ne suivaient ni l’augmentation des effectifs ni le changement de mode de vie de nos concitoyens. Faire réaliser les constructions destinées aux gendarmes par les collectivités locales et payer des loyers pouvait sembler initialement moins intéressant que d’être propriétaire des locaux, mais les loyers n’ont pas augmenté autant que nécessaire pour réaliser des travaux de rénovation et les communes, principalement les petites, ont commencé à rencontrer de grosses difficultés – et je ne parle même pas des cathédrales que sont les grandes casernes comme celle de Satory, qui pose des problèmes très importants.

  Nous avons donc consacré à cette question d’importants moyens supplémentaires – plus de 300 millions votés au titre de la Lopmi – mais ils ne suffiront pas non plus. Bien que ces questions relèvent essentiellement du ministre des comptes publics, nous y travaillons beaucoup et imaginons deux modes de gestion totalement différents. La première solution consisterait en une foncière dans laquelle l’État partagerait son action avec le privé, tout en restant majoritaire, pour réaliser des travaux liés à la transition énergétique ou des rénovations plus lourdes. La gestion de l’immobilier public de l’État, en particulier des brigades de gendarmerie et des commissariats de police, madame Brocard, est d’abord une question de fonctionnement, car l’État ne sait pas toujours très bien gérer son domaine public, qui est en outre très grand. Par ailleurs, le ministère de l’intérieur, présent partout sur le territoire national – et même international compte tenu des outre-mer – doit faire face à des conditions d’intervention très diverses, de la petite brigade de campagne à la grande préfecture. La difficulté de gestion et donc très importante.

  La deuxième formule serait la conclusion d’un partenariat public-privé. La construction d’une partie des 239 nouvelles brigades et la reconstruction des casernes plus importantes peuvent passer par une massification des appels d’offres. Le territoire français serait divisé en plusieurs régions, ce qui permettrait de faire jouer la concurrence pour ces partenariats dans lesquels l’État resterait finalement propriétaire. En effet, cette erreur que les ministres de l’intérieur ont souvent commise par le passé de déléguer aux collectivités locales la construction tout en payant des loyers nous expose aux difficultés de la dette immobilière.

  Nous résolvons donc peu à peu le problème : 750 brigades de gendarmerie ou commissariats de police ont été rénovés ou reconstruits depuis que je suis ministre de l’intérieur, mais beaucoup reste à faire.

  Pour ce qui concerne la sous-consommation des crédits de personnel en 2022, je m’inscris en faux contre ce qui a été affirmé et je l’ai d’ailleurs exprimé dans ma réponse à la Cour des comptes. Le nombre des démissions, même s’il est toujours intéressant à analyser, est largement à relativiser. Ainsi, de nombreuses démissions de gardiens de la paix tiennent au fait que la démission est formellement indispensable pour devenir officier – il en est de même pour la gendarmerie. Cela a de fortes conséquences lorsque la promotion interne est importante, comme c’est le cas dans la police nationale, où 50 % des gardiens de la paix deviennent officiers ou commissaires.

  Pour ce qui est de l’attractivité, je serais encore plus circonspect, les chiffres de 2023 ne vérifiant nullement ceux de 2022, où se posait la question particulière du taux de chômage. En effet, lorsque le taux de chômage est bas, la fonction publique fait moins office de valeur refuge. Cela vaut autant pour le ministère de l’intérieur que pour celui des armées, qui a fait savoir qu’il avait du mal à recruter, et pour d’autres ministères.

  Cela ne signifie pas que les missions ne soient pas difficiles : il faut travailler sur le sens de la mission, la formation, l’attractivité de la carrière, madame Regol l’a dit. Je suis moins en accord avec la position des Écologistes et de La France insoumise à propos des suicides : si des mots plus positifs étaient prononcés à l’endroit de la police nationale, peut-être les policiers se sentiraient-ils mieux dans leur métier. Les manifestations où l’on dit aux policiers « Suicidez-vous ! » ou « la police tue » ne sont pas ce qu’il y a de mieux pour cela, ni les attaques de monsieur Mélenchon.

  Pour ce qui est de l’attractivité de l’administration territoriale de l’État, je ne sais pas où vous avez vu, madame Regol, que les crédits baissaient, puisqu’ils passent de 2,3 à 2,6 milliards, ce qui représente 232 équivalents temps plein supplémentaires en 2024. Il n’y a jamais eu d’augmentation aussi importante dans l’administration territoriale et, dans les préfectures, les crédits comme les effectifs augmentent.

  Pour la Guyane et plus largement les outre-mer, j’ai évoqué des augmentations d’effectifs pérennes, avec plus de 30 % de policiers supplémentaires hors escadrons de gendarmerie mobile, notamment en Guyane. Quant à l’opération Harpie, menée en commun par la police, la gendarmerie et les militaires, il faut sans doute augmenter la posture et changer le fonctionnement de l’opération car ceux qui pratiquent l’orpaillage illégal, polluant et pillant la terre de Guyane et multipliant les règlements de comptes, s’adaptent. Le Président de la République a donc demandé d’imaginer une nouvelle opération Harpie, dont nous aurons l’occasion de reparler.

  Vous avez raison de dire que les escadrons de gendarmerie, à l’exception de ceux qui se tiennent à l’aéroport de Guyane et de ceux qui sont parfois affectés au maintien de l’ordre public, pourrait être davantage utilisés pour l’opération Harpie, où ils veillent au respect de la terre des Guyanais. Vous m’avez demandé rendez-vous et je vous recevrai bien volontiers pour en parler.

  Les vingt-et-un escadrons de gendarmerie mobile mobilisés pour l’ensemble de l’outre-mer y resteront, y compris pendant les Jeux olympiques, et seront même renforcés en Polynésie française pendant les épreuves de surf.

  Pour ce qui est des dépenses de formation, j’ai un peu de mal à comprendre la démonstration. Il n’est pas juste qu’il n’y ait aucun ETP supplémentaire. Les crédits de formation en personnel ne baissent pas – soit il y a des coquilles dans le document budgétaire, soit il faudra le relire ensemble : ils sont passés de 23 millions en 2022 à 29 millions en 2023 et seront de 30 millions l’année prochaine, avec 4 500 équivalents temps plein et 72 ETP recrutés et créés, en sus des policiers qui basculent dans la formation.

  Le dispositif FR-Alert est efficient sur l’ensemble du territoire national, à l’exception de La Réunion, de Mayotte et des Antilles. Il est très efficace et sera renforcé. Nous aurons l’occasion d’en reparler.

  Pour ce qui est du FIPD, madame Regol, je ne partage pas votre lecture des chiffres, qui augmentent alors que vous avez déclaré qu’ils baissaient : les crédits s’élèvent, tous prélèvements confondus, à 80 millions en 2022, 84 millions en 2023, 87 millions en 2024 et 94 millions en 2025. Tout ne va pas à des caméras de vidéoprotection puisqu’elles ne comptent que pour 22 millions en 2023 et 25 millions en 2024.

  Les premières livraisons de Canadair, qui concrétiseront l’une des annonces du Président de la République, interviendront au début de 2026. Nous avons, vous le savez, une difficulté liée au site de l’usine de production, mais nous devons également nous battre pour obtenir des livraisons dans les délais puisque nos amis Canadiens, qui ont connu des incendies très importants, ont voulu donner priorité à leurs chaînes de montage.

  L’intégralité des policiers et gendarmes sortant de l’école de police sont formés au traitement des violences intrafamiliales, et l’on en est à 80 % pour l’ensemble des policiers et gendarmes au contact avec le public. Je rappelle cependant que, sur cent féminicides, trente sont connus des forces de l’ordre et soixante-dix ne le sont pas. On peut certes améliorer encore largement le travail des policiers et des gendarmes dans ce domaine – nous multiplions ainsi les plaintes à domicile et généraliserons la visioplainte – mais il reste aussi beaucoup de choses à faire avec la communauté de ceux qui peuvent dénoncer ces violences, y compris le monde médical, qui est souvent le premier à les constater. Je ne partage pas l’opinion qui a été exprimée à propos de l’accueil des victimes et chacun constate les énormes efforts déjà réalisés par la police et la gendarmerie dans ce domaine.

  Nous avons encore augmenté cette année les crédits de paiement destinés au logement des gendarmes, et vous avez dû en constater le bénéfice dans votre circonscription, madame Ménard. Mais le ministère de l’intérieur a une dette immobilière très importante et nous devons changer de braquet pour répondre aux attentes des gendarmes et de leurs familles, qui vivent dans des conditions souvent difficiles.

  Madame Martin, je ne sais pas où vous avez trouvé le chiffre de 6 000 OPJ au contact du public. La police compte en effet 17 000 OPJ, dont 4 500 à la direction nationale de la police judiciaire : du simple au triple… Du reste, quand on réclame des OPJ tout en ayant voté contre la Lopmi, qui prévoyait leur formation dès l’école de police, on ne craint pas les contradictions.

  Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Vous êtes malhonnête !

  M. Gérald Darmanin, ministre. Je ne vous permets pas de m’insulter, même si c’est une habitude dans votre parti. Ce n’est pas parce que la NUPES a des problèmes qu’il faut passer vos nerfs sur les membres du Gouvernement. Je propose que vos difficultés politiques ne se reflètent pas dans les commissions parlementaires.

  Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Ça s’appelle cracher son venin !

  M. Gérald Darmanin, ministre. Cracher son venin, c’est ce qu’a fait Mme Obono ce matin à la tête de tous les Français. Vous feriez mieux de présenter vos excuses plutôt que votre énervement.

  Ce qui est sûr, c’est que nous ne disposons pas des mêmes chiffres et, faute d’écoute et de respect de votre part, je m’en tiendrai là.

  Monsieur le rapporteur pour avis Rudigoz, depuis le 1er septembre, 6 322 policiers nationaux sont entrés dans la réserve opérationnelle que les parlementaires ont créée sur le modèle de la gendarmerie, ce qui est un grand succès. Ces réservistes, que nous pouvons rencontrer dans les préfectures, sont 4 027 policiers retraités, qui conservent désormais leur qualité d’OPJ grâce à votre action, 397 anciens policiers adjoints et 1 898 personnes de la société civile. Notre travail collectif en la matière a donc été très efficace.

  Pour ce qui est de la sécurité civile, son financement sera examiné surtout dans le cadre de la seconde partie du PLF. Nous devons nous reposer la question de la TSCA, mais aussi de la manière dont les départements participent. En effet, une partie de la taxe est versée directement aux départements, qui la reversent aux Sdis. Or, si certains départements jouent le jeu et la reversent intégralement, voire donnent plus que ce qui était prévu, d’autres donnent moins. Les problèmes et d’ailleurs les risques de feux ne sont pas les mêmes partout. Une solidarité s’impose donc entre départements. Quant à savoir si la TSCA est une bonne taxe, s’il faut en prévoir d’autres ou s’il faut revoir son mode de transfert, nous sommes disposés à en discuter.

  Je signale toutefois que l’État verse 1 milliard sur les 4 milliards de crédits de fonctionnement des Sdis, alors qu’il ne s’agit pas stricto sensu d’une de ses compétences, puisqu’elle a été complètement décentralisée.

  Pour attirer les ingénieurs dans la police technique et scientifique ou le cyber, il convient de jouer sur la rémunération : nous sommes en train de faire avec Bercy un travail interministériel en vue d’une augmentation de 20 % tous les trois ans de la rémunération des personnes qui viendraient de l’extérieur pour rendre service à la nation, sur le modèle de ce qui se pratique à la DGSI, qui accueille des contractuels, notamment des informaticiens ou des spécialistes de l’intelligence artificielle. Mais le sens de la mission aussi est un facteur d’attractivité, parfois davantage que la rémunération. Nous devons, par la suite, accompagner ces personnels dans la gestion des incompatibilités professionnelles : le fait de passer quelques années à travailler sur de grands projets numériques au ministère de l’intérieur doit pouvoir leur permettre d’enrichir leur CV.

  Se pose également la question du modèle. Peut-être la police technique et scientifique doit-elle s’inspirer de l’Agence du numérique que nous avons créée, qui nous permet de nous libérer de certaines contraintes de la direction générale de l’administration et de la fonction publique. Je souscris pleinement aux attendus et aux conclusions du rapport sur ces points.

  S’agissant des heures supplémentaires liées aux Jeux, nous n’avons pas de discussions en cours avec les syndicats de police mais nous avons pris des engagements au niveau interministériel et la Première ministre a annoncé une prime pour l’ensemble des policiers et des gendarmes et, d’une manière générale, les agents du ministère de l’intérieur et des autres ministères particulièrement mobilisés. Nous sommes tout à fait disposés à examiner avec Bercy l’éventualité d’une défiscalisation si ces heures supplémentaires font passer les agents concernés dans une tranche supérieure de revenus. Je connais trop le fonctionnement de Bercy pour m’engager devant vous, mais je sais aussi que le ministère des finances est toujours à l’écoute et toujours généreux, comme le budget du ministère de l’intérieur le prouve ! Je m’engage à être très vigilant sur ce point, car les policiers et les gendarmes consentiront un effort tout particulier en renonçant à leurs jours de congés durant l’été. Nous trouverons donc sans doute une solution, monsieur Molac, pour que le festival de la Madone des motards puisse se tenir dans de bonnes conditions, comme tous les autres festivals.

  Monsieur Rebeyrotte, pour ce qui concerne l’annulation du retrait d’un point de permis de conduire, nous avons transmis au Conseil d’État le texte conforme à l’engagement que j’avais pris le 10 octobre : au 1er janvier 2024, les conducteurs ne se verront plus retirer de point pour de petits excès de vitesse. L’amende restera bien sûr à payer, car il ne s’agit pas de dépénaliser ces infractions mais de nous en tenir au bon sens. Promesse tenue.

  Pour ce qui est de l’intelligence artificielle et des caméras de vidéoprotection, la notification des marchés sera faite en novembre. D’ici Noël, nous en aurons notifié l’intégralité, ce qui nous permettra de répondre à votre question relative à l’utilisation des moyens que vous avez votés dans la loi relative aux JO de Mme Oudéa-Castera.

  Bien que l’immigration ne soit pas le sujet qui nous réunit aujourd’hui, je réponds bien volontiers aux questions du Parlement à ce sujet, comme toujours. J’observe cependant que les députés des groupes Rassemblement national et Les Républicains ne m’ont pas posé de questions à ce propos tout à l’heure durant la séance de questions au Gouvernement. Peut-être s’attendaient-ils à ce que ma réponse les mette dans l’embarras.

  Vous m’avez donc demandé, mesdames et messieurs les parlementaires des groupes Les Républicains et Rassemblement national, comment le drame d’Arras avait été possible. Face à ces événements dramatiques, aux familles et aux personnes blessées, je tiens tout d’abord à saluer le courage des enseignants et du personnel administratif du lycée, qui ont empêché le terroriste islamiste de faire davantage de morts. Je remercie également les agents de la police nationale, qui sont intervenus en moins de quatre minutes, allant courageusement au contact du terroriste qui criait à quelques mètres d’eux, armé d’un couteau avec lequel il avait déjà tué, dans une scène sanglante. Ils n’ont pas utilisé leurs armes administratives mais le Taser – que certains ont voulu interdire – pour neutraliser cette personne sans causer la mort. On ne peut que saluer les policiers d’Arras et je remercie le Président de la République d’avoir décidé de les décorer d’ordres nationaux.

  Jacob Mogouchkov et son épouse sont arrivés de Russie, monsieur Boucard, avec quatre enfants, le 10 mars 2008. Une fille est ensuite née en France. Il se trouve que le père était déjà signalé pour une pratique très radicale de l’islam. Ils ont demandé leur admission au titre de l’asile le 27 mars 2008. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté leur demande d’asile le 16 décembre 2008. En appel, la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) a rejeté leur recours le 13 janvier 2010. Après un nouvel examen, l’OFPRA a de nouveau rejeté leur demande le 2 mars 2010. Ils ont alors fait l’objet d’un refus de séjour et d’une obligation de quitter le territoire français (OQTF) le 11 mai 2010. Le tribunal administratif de Rennes a rejeté leur recours le 23 septembre 2010, ce que la cour administrative d’appel de Nantes a confirmé le 14 avril 2011.

  Vous aurez donc constaté, monsieur le député, que durant trois ans, de 2008 à 2011, aucune reconduite à la frontière n’était possible – bien que ce soit la droite républicaine, qui n’est pas réputée molle, qui soit au gouvernement – parce que des recours étaient pendants. Vous affirmez que la future loi « immigration » n’y changerait rien, mais bien au contraire, avec la réforme de la CNDA telle que la propose le Gouvernement, nous aurions jugé tout cela en moins de sept mois. Il n’y a évidemment pas à en vouloir au gouvernement de l’époque pour les trois ans qui se sont écoulés car pendant cette période, ces personnes n’étaient pas expulsables.

  Elles l’ont été à partir du 14 avril 2011. Or l’OQTF n’a pas été exécutée. Cela montre bien que la volonté d’exécuter les OQTF ne dépend pas du ministre ou du Président de la République en place : depuis que les OQTF existent, le taux d’exécution maximum a été de 20 % en France, atteint en 2019 – on en était bien loin en 2011. La France présente d’ailleurs l’un des taux les plus importants de reconduite à la frontière.

  Entre 2011 et 2013, deux OQTF ont été notifiées, sous les gouvernements Fillon et Ayrault, sans pouvoir être exécutées. Les Mogouchkov ont sollicité l’admission exceptionnelle au séjour, c’est-à-dire une régularisation au titre de la circulaire Valls, qui a été refusée. Le 23 juillet 2013, ils ont été assignés à résidence, de même que le 11 octobre 2013 et le 4 décembre 2014, pour quatre-vingt-dix jours, en Bretagne.

  Le consulat de Russie, saisi le 28 novembre 2013 par le ministère des affaires étrangères, a attribué les laissez-passer consulaires le 13 février 2014. Le 18 février 2014, à six heures du matin, la gendarmerie a notifié le placement en rétention des Mogouchkov et les a transportés de l’aéroport de Rennes au centre de rétention administrative du Mesnil-Amelot, en Île-de-France, pour un départ de Roissy le 18 février, quelques heures plus tard. À quelques minutes de leur entrée dans l’avion, sur instruction du cabinet du ministre de l’intérieur de l’époque, la famille a été remise en liberté et transférée dans le Pas-de-Calais.

  Pendant les trois premières années donc, ces gens n’ont pas pu être expulsés malgré les démarches engagées par le ministère de l’intérieur de l’époque, du fait de la longueur des recours – le projet de loi qui vous sera proposé répond pleinement à ce problème en divisant par trois la durée des procédures. L’OQTF n’a alors pas été exécutée, et, connaissant les difficultés en la matière, ce n’est pas moi qui en ferai le reproche. Puis la régularisation au titre de la circulaire Valls a été refusée par le gouvernement Ayrault, mais au dernier moment l’expulsion n’a pas eu lieu, du fait de pressions politiques ou associatives comme il en arrive souvent. Il arrive même parfois que les parlementaires s’en fassent le relais, quel que soit leur bord politique : c’est même assez partagé, et j’invite les députés du Rassemblement national à ne pas être trop sûrs d’eux sur la question, parce que des membres de leur groupe eux aussi m’écrivent à ce sujet. Nous connaissons tous, n’est-ce pas, une nounou qu’il faut absolument régulariser, parce que « elle, elle est bien ». Tant mieux d’ailleurs, car quand les gens sont très bien, il faut savoir les accueillir.

  Ensuite donc, la famille s’est trouvée dans l’illégalité – le papa, la maman et les enfants, tous arrivés sur le territoire national avant l’âge de 13 ans et qui deviennent majeurs au fur et à mesure que les années passent. Le ministre de l’intérieur de l’époque, Gérard Collomb, a fait notifier une OQTF concernant le père, qui était suivi pour radicalisation. Celle-là a été exécutée et le père a été renvoyé dans son pays d’origine. D’après nos informations, il se trouve désormais en Géorgie. Le frère aîné de la fratrie, radicalisé et fiché S, a été incarcéré. Il a vu sa peine allongée pour avoir voulu participer à un projet d’attentat contre le palais de l’Élysée. Le ministère de l’intérieur me semble donc avoir fait son travail.

  L’auteur de l’attentat d’Arras a engagé une nouvelle demande d’asile à l’âge de 18 ans, et c’est reparti : l’OFPRA a refusé, puis la CNDA, en août 2022. M. Poutine ayant envahi l’Ukraine en mars 2022, les relations diplomatiques avec la France étaient suspendues mais cela n’aurait rien changé dans ce cas précis, puisque celui qui n’était pas encore un terroriste n’avait aucun casier judiciaire. Il est suivi par la DGSI depuis juillet 2023. Les dizaines d’heures d’écoutes téléphoniques n’ont rien donné et aucun signe – alors qu’il y avait doute, nous pourrons en reparler – ne permettait d’invoquer des violences terroristes potentielles. Cela aurait effectivement permis d’utiliser le concept d’intérêts fondamentaux de la nation, comme l’a évoqué Madame Le Pen dans l’hémicycle, mais cela ne correspond en rien à la réalité des faits en l’espèce. Les intérêts fondamentaux de la nation n’étaient pas menacés par cette personne.

  Le seul moyen que nous avions de l’expulser était de nous fonder sur le trouble à l’ordre public. Sauf que, monsieur le député, depuis les lois qui ont mené à la fin de la double peine, il existe dans la loi française des réserves d’ordre public. Elles sont bien propres à la loi française, celle que vous fabriquez : elles ne relèvent ni de la Constitution, ni de la Convention européenne des droits de l’homme. Ainsi, une personne arrivée avant l’âge de 13 ans sur le territoire national, qui s’est mariée avec un Français, qui a des enfants sur le sol français ou qui est restée un certain temps sur le sol national n’est pas expulsable, sauf menace pour les intérêts fondamentaux de la nation. Or le dossier de ce monsieur ne permettait en aucun cas de penser qu’il allait attenter aux intérêts de la nation.

  En revanche, il a frappé sa maman, ce qui lui a valu l’année dernière une garde à vue. La maman n’ayant pas déposé plainte, il n’y a pas eu de condamnation. En revanche, le préfet du Pas-de-Calais Louis Le Franc, aujourd’hui haut-commissaire de la République en Nouvelle-Calédonie et à qui je rends hommage, avait écouté, pardon pour cette immodestie, mes instructions sur les personnes étrangères mises en accusation par des services de police ou de gendarmerie. Il a vu un étranger qui se trouvait irrégulièrement sur le territoire national, car débouté de sa demande d’asile, mais sans faire l’objet d’une OQTF puisqu’il était protégé la réserve relative à l’arrivée avant 13 ans. Il a consulté le ministère de l’intérieur pour savoir quoi faire de ce monsieur accusé de violences intrafamiliales mais non condamné et qui, selon la circulaire ministérielle, méritait de retourner dans son pays. La direction des libertés publiques et des affaires juridiques a répondu qu’il avait bien fait de les appeler, mais que la violence intrafamiliale était un trouble à l’ordre public tout à fait condamnable et non une attaque fondamentale envers les intérêts de la nation.

  Voici une deuxième réponse que pourrait apporter le projet de loi « immigration » dans ses articles 9, 10 et 13, que vos amis sénateurs ont trouvés assez bons pour les voter. L’article 9 prévoit l’expulsion immédiate – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui – de toute personne condamnée pour dix ans de prison, ou cinq ans en récidive. Ce n’est pas comme l’éloignement : l’arrêté ministériel d’expulsion n’est pas susceptible de recours, sauf en urgence.

  L’article 10 prévoit que toute personne qui menace l’ordre public – ce qui recouvre les violences intrafamiliales, mais aussi le fait de s’en prendre à un policier, le trafic de drogue ou tout ce qui ressemble à un délit – fera l’objet d’une suspension des réserves de droit public, à l’exception d’une seule car nous avons signé la Convention européenne sur les droits de l’enfant : celle concernant les mineurs qui commettent des actes graves pendant leur minorité. Demain, si la loi est votée, toute personne qui troublera l’ordre public et sera étrangère fera l’objet d’une OQTF et d’un éloignement.

  L’article 13 nous permet de tirer plus large et de considérer la possibilité d’aborder l’intégralité des mesures d’éloignement en recherchant un équilibre entre la vie privée et familiale, protégé par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, et la sécurité de nos concitoyens. Nous pourrions l’améliorer avec des amendements, si nous pouvons travailler ensemble sans nous jeter d’anathème. Demain, outre la vie privée et familiale et les intérêts fondamentaux de la nation, on pourrait prendre en considération aussi le terrorisme et les troubles à l’ordre public.

  Il est donc tout à fait faux de dire que le Gouvernement, et notamment les services des étrangers de la préfecture du Pas-de-Calais, mais aussi la DGSI ont raté quelque chose. La démonstration de M. Marleix aux questions au Gouvernement tout à l’heure me paraît très éloignée des réalités. Je comprends parfaitement que les parlementaires posent des questions au Gouvernement, mais j’ai aussi entendu beaucoup de contrevérités ces derniers jours, et voilà encore quelques instants dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale. Ces propos-là, je ne les trouve pas sérieux.

  Les mesures de contraction des délais de recours que contient le projet de loi « immigration » sont issues du rapport de François-Noël Buffet, président de la commission des lois du Sénat et qui appartient au même parti que vous. Il faut les adopter : tout n’en deviendra pas parfait, mais cela permettra d’aller plus vite. Cela évitera notamment – tout en conservant des recours, évidemment – que certaines personnes aient le temps de se marier, d’avoir des enfants et de créer une vie privée et familiale, ce qui interdit par la suite de les éloigner. Il faut pouvoir expulser du territoire national toute personne qui trouble l’ordre public – sachant qu’à la fin des fins, bien sûr, des magistrats examineront la décision du ministère de l’intérieur et trancheront entre les différents arguments.

  C’est ce qui s’est passé pour l’affaire Iquioussen. Or je rappelle que, si le RN donne des leçons toute la journée, ses députés n’ont voté ni la loi « séparatisme », qui a permis d’expulser M. Iquioussen, ni la loi « renseignement ». Cela n’empêche pas M. Bardella, qui manifestement ne connaît rien aux questions de l’intérieur, d’attaquer les services de renseignement de façon complètement infondée. C’est l’hôpital qui se moque de la charité. S’il n’y avait pas eu des drames humains, on pourrait en rire – mais Mme Le Pen fait sa publicité sur les tragédies qui touchent notre pays. Il est très énervant de vous voir attaquer les personnels de la police nationale tout en refusant de leur donner les moyens dont ils ont besoin, à cause d’une vision paranoïaque des services de renseignement – mais c’est un autre sujet.

  Dans l’affaire Iquioussen, nous avons choisi d’aller jusqu’au bout du contentieux. Nous avons perdu au tribunal administratif, mais gagné au Conseil d’État. Nous avons réussi à expulser ce monsieur, malgré le fait qu’il ait une vie familiale et quatre enfants en France et qu’il y réside depuis plus de quarante ans. Il y aura toujours un juge pour contrôler l’action du ministère de l’intérieur, cela s’appelle la démocratie. Mais il est faux de dire que le projet de loi pour contrôler l’immigration n’aurait rien changé, étant entendu qu’il faut ensuite une volonté d’exécuter la loi. Il y a aujourd’hui 4 000 délinquants étrangers par an que je ne peux pas expulser parce qu’ils sont protégés par des réserves d’ordre public. C’est pourquoi j’invite les Républicains – comme M. Boucard, qui est un homme de bien, comme beaucoup des membres de cette commission – et les autres parlementaires, comme M. Vicot, que je remercie pour le caractère républicain de son intervention, à travailler sur ce texte très important, qui nous permettra d’être plus efficaces.

  Si, dans un an, les événements que nous avons vécus se reproduisaient, vous seriez en droit de nous reprocher de ne pas avoir utilisé les armes que le Parlement nous avait confiées. Mais que des parlementaires refusent de modifier la loi sous prétexte qu’un juge donnera un jour tort à l’action d’un préfet, c’est étonnant. Je tenais à le dire car, dans la terrible affaire d’Arras, s’il y a un procès à faire, ce n’est pas celui du Gouvernement ou du Président de la République.

  M. le président Sacha Houlié. Nous en venons aux questions des autres députés.

  Mme Sarah Tanzilli (RE). Conformément aux dispositions de la Lopmi, le 30 août dernier a été créé par décret l’Office mineurs. Rattaché à la direction générale de la police nationale, il est chargé de lutter contre les violences à l’encontre des mineurs. C’était nécessaire, au vu de l’augmentation des atteintes aux mineurs. Les cas de harcèlement se multiplient, avec des conséquences trop souvent tragiques, de même que les violences physiques ou sexuelles, avec l’explosion de la pédocriminalité sur internet, mais aussi la prise de conscience de l’ampleur du phénomène de l’inceste.

  Quelles seront les priorités de cet office ? Bénéficie-t-il déjà de tous les moyens nécessaires à son bon fonctionnement ?

  M. Jordan Guitton (RN). Les crédits de la mission Sécurités progressent dans ce PLF, à la suite de la Lopmi. Lors de l’examen de ce dernier texte, nous avons voté pour tout ce qui pouvait renforcer les moyens de la sécurité, dont l’augmentation des effectifs, qui permettait de revenir sur les 10 000 postes supprimés par Nicolas Sarkozy.

  Les crédits sont à peu près corrects, mais la volonté politique fait défaut et notre système pénal est toujours laxiste. Depuis la Lopmi, votre immobilisme est consternant. Le cimetière des victimes du terrorisme islamiste ne cesse de s’agrandir et les voies navigables que vous entretenez entre l’Afrique et la France de s’étendre. L’insécurité gangrène notre pays, jusque dans la ruralité – comme en témoigne l’explosion des cambriolages dans l’Aube.

  Qu’attendez-vous pour dissoudre toutes les organisations islamistes, pour fermer définitivement toutes les mosquées salafistes et pour expulser tous les étrangers islamistes ?

  Monsieur le ministre, allez-vous continuer de parler comme Marine Le Pen et d’agir comme Jean-Luc Mélenchon ? Ou allez-vous enfin démissionner, comme vous auriez déjà dû le faire après le fiasco du Stade de France, dont vous avez accusé à tort les supporteurs anglais, après la fuite de l’imam Iquioussen, après celle des migrants de l’Ocean Viking, après vos mensonges récents sur les migrants de Lampedusa retrouvés à Paris ?

  Votre bilan est mauvais et les chiffres vous accablent. C’est dès 2022 que vous auriez dû démissionner, lorsque Jordan Bardella vous a mis face à vos responsabilités devant tous les Français lors d’un débat.

  Selon François Hollande, l’assaillant d’Arras aurait pu être expulsé. Votre démonstration intéressante montre que ni les Républicains en 2007, ni le parti socialiste en 2012, ni la majorité en place depuis 2017 n’ont réussi à le faire. Combien y a-t-il de personnes radicalisées dans le même cas – des bombes humaines, comme l’a dit Marine Le Pen – susceptibles d’agir demain contre les Français ?

  Ce fait malheureux résume la vie politique des quinze dernières années : les trois partis qui ont gouverné ont échoué. J’ai une seule question : pourquoi toujours réagir après les drames, et non agir avant ?

  M. le président Sacha Houlié. La mesure qui permet de fermer les lieux de culte dans lesquels se déroulent des activités séparatistes a été adoptée dans le cadre de la loi « séparatisme ». Les dispositions que vous appelez de vos vœux sont en vigueur depuis 2021.

  M. Gérald Darmanin, ministre. Mme Le Pen a voté contre. Quel toupet !

  M. Mansour Kamardine (LR). Compte tenu de la situation en matière de sécurité à Mayotte, je réitère ma demande de création d’une mission d’information de notre commission.

  J’ai été le maire de Sada et j’y habite avec toute ma famille. Hier, nous avons vécu une nuit difficile – comme cela avait été le cas précédemment à Dembéni, Mamoudzou et Koungou. Vous nous aviez donné beaucoup d’espoir avec l’opération Wuambushu, ce que je salue, mais cette dernière n’a malheureusement pas pu être menée jusqu’au bout, pour plusieurs raisons, dont la discorde au sein d’un gouvernement qui n’a pas souhaité vous soutenir. Je sais qu’il vous sera difficile de le reconnaître, mais telle est bien la réalité.

  Pouvez-vous annoncer devant la représentation nationale que cette opération reprendra, afin de compléter le travail déjà accompli ?

  Les Mahorais n’en peuvent plus. Ils sont obligés de fuir et de laisser leurs terrains aux mains des gangs – dont certains chefs ont pu être interpellés grâce à l’opération Wuambushu. Il reste à nettoyer les bidonvilles.

  Vous êtes resté au milieu du gué. Pouvez-vous nous dire clairement ce que vous entendez faire pour la suite ? Il faut que vous poursuiviez ce qui a été engagé, qui avait suscité beaucoup d’espoir. Vous êtes l’un des rares membres du Gouvernement à avoir conquis la sympathie des Mahorais, parce qu’ils ont cru dans votre action.

  Mme Clara Chassaniol (RE). Il y sept synagogues dans ma circonscription.

  Depuis les attaques barbares du Hamas, nous sommes tous saisis par l’effroi et nos concitoyens de confession juive sont inquiets des risques pour leur sécurité. L’augmentation des actes antisémites, confirmée par les chiffres du ministère de l’intérieur, indique que l’antisémitisme progresserait dans notre société. Cela me fait peur, en tant qu’élue de la nation, citoyenne et historienne. Je partage cette peur avec nos concitoyens de confession juive, et c’est insupportable dans une démocratie qui a pour devise Liberté, Égalité, Fraternité.

  La République doit protéger chacun et garantir aussi bien la liberté de circulation que celle d’exercer son culte. Le Président de la République et vous-même avez rappelé que la République serait intraitable. Comment donc comptez-vous rassurer et protéger nos compatriotes ? Quels sont les moyens et les dispositifs que vous mettez en œuvre pour que nos concitoyens de confession juive puissent sans crainte se rendre à la synagogue et amener leurs enfants à l’école ?

  M. Timothée Houssin (RN). L’augmentation des capacités et du budget du ministère de l’intérieur correspond à un réel besoin de sécurité, et les députés de notre groupe ont pris leurs responsabilités en votant en leur faveur à l’occasion de la Lopmi.

  Je souhaite cependant donner un exemple concret de la réalité. À Vernon, ville durement touchée par les émeutes de cet été, un renfort de huit policiers avait été annoncé par la préfecture de l’Eure en mai dernier. Non seulement ils ne sont jamais arrivés, mais le commissariat n’a aucune confirmation que ce sera bien le cas, à moyen ou à long terme. La police nationale de Vernon fonctionne à flux tendu et se trouve dans le flou quant à l’évolution de ses capacités opérationnelles, d’autant que le commissariat a subi dernièrement des départs qui n’ont pas été compensés.

  Autre problème : les policiers de Vernon, commune frontalière de l’Île-de-France, ne bénéficient pas de l’indemnité de fidélisation en secteur difficile, alors que la ville compte deux zones de sécurité prioritaires. Un policier du commissariat des Mureaux, à trente minutes de route, touchera l’indemnité de fidélisation et une prime de 150 euros par mois, soit une rémunération significativement plus élevée qu’à Vernon, d’où un problème d’attractivité.

  Pouvez-vous confirmer que les hausses d’effectifs qui ont été votées ne sont pas seulement des effets d’annonce ? Parviendrez-vous à atteindre les objectifs de recrutement annoncés en mai dernier ? Alors que la police nationale a lancé une campagne pour recruter 7 000 policiers, le métier attire-t-il suffisamment de candidats ?

  Pensez-vous qu’il soit nécessaire d’augmenter la rémunération des policiers ? Prévoyez-vous de revoir la cartographie de l’indemnité de fidélisation, afin d’attirer davantage dans des commissariats moins bien dotés en effectifs, comme Vernon ou Montargis ? Et, même si vous ne pouvez pas me donner une réponse immédiate, vos services pourraient-ils nous informer de l’arrivée éventuelle de renforts à Vernon ?

  M. Philippe Gosselin (LR). Nous avons beaucoup parlé des recrutements, à juste titre. Nous venons également d’adopter le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice, qui prévoit de recruter des surveillants pénitentiaires. Or la police, la gendarmerie et l’administration pénitentiaire sont confrontées à un véritable problème d’attractivité. Pourriez-vous en dire plus sur la manière dont vous entendez attirer les talents et les conserver, ce qui n’est pas simple ?

  S’agissant de la sécurité civile, on sait que les pompiers sont souvent à la recherche de financements. Leurs interventions concernent désormais très majoritairement le secours aux personnes, puisque les services hospitaliers ne peuvent pas répondre à la demande. Ils font très bien leur travail, mais cela n’en constitue pas moins des taches plus ou moins indues, qui soulèvent de questions de financement.

  Dans le cadre de la loi du 10 juillet 2023 visant à renforcer la prévention et la lutte contre l’intensification et l’extension du risque incendie, nous avions prévu d’exonérer les véhicules des Sdis de la TICPE et du malus écologique. Or cette taxation revient par la petite porte dans l’article 12 du PLF pour 2024. C’est une forme de déni de démocratie. Le Gouvernement veut reprendre ce que nous avons réussi à lui arracher alors que l’encre de la loi est à peine sèche. Pourriez-vous faire le point sur cette question et sur le financement des Sdis ?

  M. le président Sacha Houlié. Je pense que nous allons obtenir le retour à ce que nous avions voté, qui résulte d’une proposition d’Éric Pauget.

  M. Julien Rancoule (RN). Il est de notoriété publique que les associations agréées de sécurité civile jouent un rôle essentiel pour la sécurité publique, en intervenant dans diverses situations d’urgence, qui vont des catastrophes naturelles aux accidents majeurs, en passant par les dispositifs prévisionnels de secours. Elles forment aussi nos concitoyens aux gestes de premiers secours.

  Sur ce point, le PLF renouvelle l’objectif de généraliser la formation en atteignant d’ici à la fin du quinquennat l’objectif de 80 % de la population formée à la prévention et aux secours civiques de niveau 1 (PSC1) ou aux gestes qui sauvent. Cependant, nous constatons, dans ce même PLF, que la DGSCGC dispose de seulement 250 000 euros pour verser des subventions aux associations concourant à des missions de sécurité civile. Cela paraît particulièrement faible.

  Nous devons être plus ambitieux pour soutenir ces associations, qui font un travail remarquable avec des moyens parfois très limités – comme elles ne manquent pas de nous le rappeler lorsque nous les rencontrons sur le terrain.

  Seriez-vous prêt à augmenter l’enveloppe qui leur est consacrée ? Les aider, c’est participer à développer une culture du risque au sein de la population et, à terme, de sauver des vies humaines.

  Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Il me semble que votre projet de budget prévoit, comme d’habitude, de construire de nouveaux centres de rétention administrative (CRA). Je souhaite appeler votre attention sur la formation des personnels de la police aux frontières.

  Avec mes collègues Jean-François Coulomme et Élisa Martin, nous avons en effet entrepris de visiter le CRA de Lyon Saint-Exupéry samedi dernier. Nous avons dû attendre pendant quatre heures qu’on veuille bien nous laisser entrer, parce que nous avions décidé d’être accompagnés de journalistes, comme nous en avons le droit. Pendant tout ce temps, notre interlocuteur n’a cessé d’interroger sa direction.

  Comment se fait-il que ces policiers ne connaissent pas tous les articles du code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile, dont les articles R. 744-39 et suivants qui autorisent la présence de journalistes lors de la visite d’un CRA par des parlementaires ? C’est très étonnant. Nous vous exposerons les faits par écrit, mais nous avons vraiment été choqués par la manière dont nous avons été reçus. Nous avons attendu quatre heures dans un réduit sans fenêtre. Nous étions sept et il n’y avait pas assez de sièges pour chacun.

  M. Stéphane Rambaud (RN). Les Jeux olympiques et paralympiques de 2024 seront un événement mondial. Notre pays sera à cette occasion en première ligne, et devra faire face à des défis sécuritaires majeurs.

  Le PLF pour 2024 prévoit de consacrer à la mission Sécurités des crédits à la hauteur de l’ambition de ces Jeux. Néanmoins, dans un rapport publié le 20 juillet dernier, la Cour des comptes a confirmé les inquiétudes sur la pénurie prévisible d’agents de sécurité privés, qui risque d’obliger les forces de l’ordre nationales à être encore plus présentes.

  Le secteur des agents de sécurité privés connaît en effet d’importantes difficultés de recrutement depuis le Covid, avec des effectifs en constante diminution. De ce fait, le risque de ne jamais atteindre le nombre d’agents nécessaire à l’encadrement des cérémonies d’ouverture et de clôture et des épreuves est évident, ce qui pèsera mécaniquement sur les forces de police et de gendarmerie.

  Alors que les tensions internationales sont extrêmes du fait de la guerre en Ukraine et en Israël et du terrorisme, la question de la sécurité des Jeux ne saurait être minimisée.

  Pensez-vous que les sommes que vous avez prévues pour assurer la sécurité des JOP seront suffisantes ? Disposez-vous d’une certaine marge de manœuvre pour les adapter aux besoins qui pourraient se faire jour ?

  M. Éric Ciotti (LR). Je salue comme toujours l’action des forces de l’ordre et des services de renseignement dans cette période ô combien difficile qui, pour reprendre la formule d’un ancien patron de la DGSI, risque à nouveau de nous conduire sur un long chemin tragique.

  Tout d’abord, où en sommes-nous s’agissant des laissez-passer consulaires attribués par l’Algérie, le Maroc ou la Tunisie ?

  Ensuite, je voudrais appeler votre attention sur la recrudescence du trafic de drogue dans notre pays. La drogue gangrène tout. Outre les vies qu’elle prend, elle est au cœur de tous les réseaux de criminalité organisée, dont on a vu les menaces qu’ils font peser sur des démocraties comme les Pays-Bas et la Belgique. Nous n’en sommes peut-être pas là, mais on voit que le trafic s’aggrave. Les chiffres sont effarants, avec 250 000 mis en cause dans le cadre d’affaires de trafic ou de consommation de stupéfiants, un chiffre d’affaires estimé à 3,2 milliards et pas loin de 50 assassinats sur fond de trafic à Marseille. Il faut sonner l’alerte rouge.

  Monsieur le ministre, vous annoncez souvent des chiffres, comme c’est légitime compte tenu de vos fonctions, avec une forme d’autosatisfaction permanente qui s’exprime aussi dans d’autres domaines. Ces chiffres traduisent pourtant une explosion du trafic et de la consommation de drogue. Comment comptez-vous enrayer ce phénomène qui s’étend dans les territoires, qui se retrouvent aux mains des trafiquants et non plus sous l’autorité de la République ?

  M. le président Sacha Houlié. Notre commission a créé une mission d’information pour évaluer l’efficacité de la politique de lutte contre les trafics de stupéfiants, dont les rapporteurs sont Clara Chassaniol et Antoine Léaument.

  M. Yoann Gillet (RN). Vous prévoyez pour 2024 une baisse record des crédits alloués au FIPD, de près de 26 %. Ce fonds permet de financer la vidéosurveillance, la sécurisation des établissements scolaires, l’équipement des polices municipales, la protection des sites sensibles, la prévention de la radicalisation et la lutte contre le séparatisme. Les élus locaux en ont fortement besoin, mais vous baissez ses crédits – comme si tout allait bien en France, comme si nous ne faisions pas face à une grande menace terroriste islamiste, comme si l’insécurité n’était pas galopante. On croit rêver.

  Quand allez-vous arrêter de parler comme un Le Pen et d’agir comme un Mélenchon ?

  M. le président Sacha Houlié. Au moins les éléments de langage sont maîtrisés…

  M. Gérald Darmanin, ministre. J’ai déjà répondu à la question, mais il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre.

  Le FIPD a bénéficié de 80 millions en 2022 et de 84 millions en 2023. Le PLF pour 2024 prévoit 87 millions. Il me semble donc que ces crédits augmentent, d’autant que l’on devrait atteindre 94 millions en 2025. Quant aux crédits, à l’intérieur du fonds, qui sont consacrés à la mise en place d’installations de vidéoprotection, ils se montent à 22 millions en 2023 et 25 millions en 2024.

  Nous avons rajouté 20 millions à titre exceptionnel à la suite des émeutes de cet été, dont 2,5 ont été consommés. Aucune municipalité gérée par le Rassemblement national n’a d’ailleurs demandé à en bénéficier. Il faut dire qu’aucune d’entre elles n’a non plus répondu à mes courriers demandant si elles étaient prêtes à accueillir un CRA, à l’exception du maire de Fréjus, qui m’a honnêtement répondu qu’il n’y était pas disposé. Vous réclamez des CRA, mais à condition qu’ils soient construits ailleurs… Aucun maire du Rassemblement national ne m’a proposé un terrain. Heureusement que d’autres maires plus courageux l’ont fait, comme ceux de Nice et de Béziers – mais ils n’appartiennent pas à votre camp.

  J’ai été un peu déçu que le Rassemblement national n’exige pas ma démission tout à l’heure lors des questions aux Gouvernement. Il l’a fait pourtant sept fois pour Christophe Castaner, cinq fois, étonnamment, pour Julien Denormandie, neuf fois pour le Président de la République, quatre fois pour Mme Borne et sept fois pour Éric Dupond-Moretti. Ma démission, vous ne l’avez réclamée qu’à deux reprises, ce qui est un peu frustrant. Je me suis demandé si l’attentat de Bruxelles ne serait pas une bonne occasion pour vous…

  Bref, tout cela n’est pas très sérieux. Le Rassemblement national ferait mieux de présenter des propositions. Mme Le Pen comme Mme Maréchal-Le Pen ont voté contre la loi « séparatisme », et contre la loi « renseignement ». Vous n’avez pas donné au ministère de l’intérieur les moyens de faire ce que vous lui demandez. En fait, vous vivez des problèmes, donc vous ne voulez pas nous aider quand nous proposons de les résoudre.

  Continuez comme cela. Je pense que nous aurons des discussions très intéressantes à l’occasion du projet de loi sur l’immigration.

  Monsieur Houssin, je vous propose de revoir vos chiffres : le commissariat de Vernon comptait quarante-deux gardiens de la paix en 2020, et ils sont désormais cinquante-neuf. Nous le devons à Sébastien Lecornu, puisque vous ne m’avez jamais écrit à ce sujet. Vous ne me remercierez pas non plus d’avoir créé trois brigades de gendarmerie dans l’Eure. Des effectifs supplémentaires ont également été affectés au commissariat de Val-de-Reuil et dans la circonscription d’Évreux.

  La situation des policiers est déjà assez compliquée, ce n’est pas la peine de mentir sur les chiffres. Les effectifs supplémentaires annoncés sont bien là. En faut-il davantage ? C’est un autre débat intéressant.

  M. Jordan Guitton (RN). Le responsable de la police de Vernon a lui-même déclaré à la presse cette semaine que les renforts étaient toujours attendus !

  M. Gérald Darmanin, ministre. Ne mettez pas en cause les fonctionnaires de la République. Mais n’hésitez pas à en parler au ministre Sébastien Lecornu, qui s’occupe bien de sa ville.

  Vous avez parfaitement raison, monsieur Kamardine : l’opération Wuambushu a été en partie une réussite, malgré des difficultés incontestables. Sur les cinquante personnes que visait la police judiciaire, quarante-neuf ont été interpellées. Une bonne partie est sous main de justice, ce qui est une très bonne chose. Nous allons continuer, nous aurons l’occasion d’en reparler. Nous prenons très au sérieux les événements qui ont eu lieu à Sada, auxquels nous apporterons une réponse extrêmement ferme. Les gendarmes y ont été très courageux.

  Cinq escadrons de gendarmerie mobile sont déployés à Mayotte, soit deux de plus qu’avant l’opération Wuambushu. Plus de mille bangas ont été détruites dans le cadre de cette dernière, ce qui n’avait jamais été réalisé jusqu’à présent. Nous allons continuer à lutter contre l’immigration irrégulière à Mayotte, ce que la loi sur l’immigration permettra sans doute de faire encore plus efficacement.

  Je peux vous assurer que notre volonté est d’être extrêmement fermes contre l’immigration irrégulière et la délinquance à Mayotte, comme je l’ai déjà prouvé.

  M. Gosselin a évoqué l’assujettissement des Sdis à la TICPE. Bercy nous a répondu que la réintroduction de cette taxe dans le PLF résultait d’une erreur malencontreuse. Le ministre délégué chargé des comptes publics a annoncé publiquement que l’on en reviendrait au texte adopté récemment par le Parlement. Dont acte. J’estime comme vous que le Gouvernement doit respecter le vote des parlementaires.

  Vous avez évoqué le fait que les pompiers assurent jusqu’à 90 % des interventions de secours aux personnes, alors que ce n’est pas leur fonction première. Il serait intéressant de réfléchir à la manière d’articuler l’action des Sdis avec la politique du grand âge, car les deux relèvent des départements. Les pompiers interviennent bien volontiers quand ils sont les seuls à pouvoir le faire, faute de médecin ou de Samu disponibles. Mais ils sont plus réticents quand une dame âgée maintenue à domicile les appelle parce que la télécommande de la télévision est tombée ou, pire, quand on leur demande d’intervenir dans un Ehpad parce qu’il n’y a plus de gardien de nuit. Il y a un travail collectif à faire pour mettre sur pieds des dispositifs techniques et organiser le relais entre les différents acteurs. Je compte y travailler avec les Sdis, car c’est une manière concrète de rendre le service public et de limiter les dépenses des départements et de l’État – lequel contribue au quart des dépenses des Sdis, pour 1 milliard.

  Quant à la question du financement des Sdis, j’y ai déjà partiellement répondu. Les situations des départements sont très différentes. Le vôtre a des besoins importants et des recettes peu dynamiques, monsieur Gosselin, et il fait face à des difficultés nouvelles liées au réchauffement climatique. D’autres départements, franciliens, par exemple, sont plus riches et n’ont pas à financer de lutte contre les feux de forêt. Une aide de l’État est sans doute nécessaire, mais il faut aussi réfléchir à la manière dont est organisée la fiscalité. La TSCA est versée aux départements, qui en reversent tout ou partie aux Sdis : est-ce le bon outil ? On peut aussi envisager de mettre en place une solidarité entre les départements. Ainsi, des départements comme le Maine-et-Loire, le Finistère et le Jura doivent désormais s’équiper de moyens de lutte contre les feux de forêt, ce qui suppose d’importants efforts d’investissement et de formation. L’État les aide, mais on peut penser que les Sdis les plus riches pourraient aussi y contribuer. Nous avons commandé des rapports sur cette question.

  Monsieur Ciotti, je disposerai des données que vous avez demandées sur les laissez-passer consulaires la semaine prochaine, lors de l’examen des crédits de la mission Immigration, asile et intégration, mais je peux vous indiquer que la situation est très bonne avec les pays d’Afrique subsaharienne. Elle s’améliore depuis quelques semaines en ce qui concerne les pays du Maghreb – je voudrais saluer le travail réalisé avec l’Algérie et le Maroc, dans des conditions qui font honneur à l’action diplomatique du Président de la République. C’est plus compliqué avec d’autres pays, notamment la Tunisie, ce qui est sans doute lié au problème des traversées de la Méditerranée.

  La reprise de la délivrance des laissez-passer consulaires se confirme donc. Même s’ils n’atteignent pas les 100 %, les chiffres rejoignent les niveaux de 2019, qui avait été la meilleure année enregistrée par le ministère de l’intérieur. Nous aurons l’occasion d’y revenir en détail la semaine prochaine.

  À l’initiative du président François-Noël Buffet, la commission des lois du Sénat a adopté un amendement au projet de loi sur l’immigration qui permet de restreindre la délivrance des visas long séjour à l’encontre des ressortissants d’un État délivrant un nombre particulièrement faible de laissez-passer consulaires. Je donnerai un avis favorable à cet amendement lors de l’examen du texte en séance, c’est de bonne politique.

  Vous m’avez interrogé sur la lutte contre la drogue. Grâce aux policiers niçois, depuis le 1er janvier, il y a eu 563 gardes à vue liées à des affaires de drogue ; 11 kilogrammes de cocaïne ont été saisie, ce qui est beaucoup pour une ville comme Nice, 16 kilogrammes d’herbe de cannabis, 230 000 euros d’avoirs et, surtout, 42 armes. Mais je ne suis pas tout à fait certain que l’augmentation des saisies signifie qu’il y a davantage de trafic. On peut aussi se dire que nous sommes un peu meilleurs dans cette lutte.

  Cependant, il est tout à fait exact que le trafic de drogue évolue, de trois manières.

  Premièrement, alors qu’il était surtout concentré dans des quartiers difficiles à la périphérie des grandes villes, il s’étend désormais à des villes petites ou moyennes qui avaient jusqu’à présent été épargnées. Ce changement géographique est en partie le résultat des coups que nous portons dans les grandes villes, mais il est aussi lié à l’émergence d’une nouvelle clientèle. Il faut nous y adapter.

  Deuxièmement, on constate de plus en plus souvent la présence d’armes. La police saisit des couteaux ou des armes à feu dans environ 40 % des interpellations effectuées pour des affaires de stupéfiants, contre 10 % il y a environ cinq ans. Les trafiquants s’arment de plus en plus, et le trafic devient plus violent.

  Troisièmement, ce qui procure quelque satisfaction, la France n’est pas touchée par des drogues qui sont pourtant très répandues ailleurs, comme le fentanyl, qui est devenu la première cause de mortalité aux États-Unis, ou l’ice présente dans beaucoup de pays européens. Ce n’est pas seulement culturel : c’est une conséquence du travail très important fait par l’État français pour lutter contre la drogue. D’autres pays, comme les Pays-Bas, la Belgique et l’Espagne, ont pendant longtemps laissé faire, ce qui a permis à des empires financiers de se créer et de faire venir de nouvelles drogues encore plus dangereuses. C’est notamment le cas des drogues de synthèse, encore plus létales, dont il faut bien entendu surveiller les évolutions et la diffusion.

  Dans ce domaine en effet, nous devons absolument nous tenir à jour des nouveautés. J’encourage les parlementaires à visiter, dans le cadre de leur mission d’information, l’excellent laboratoire que possède la gendarmerie nationale à Pontoise, dont il a été question tout à l’heure. Tout cela nous évite de voir nos ports, contrairement à Anvers ou Rotterdam, mis en coupe réglée par de puissantes mafias capables de menacer ou de tuer des journalistes, des avocats ou des hommes politiques.

  Oui, le combat contre la drogue est difficile, mais encore une fois je ne suis pas certain que l’augmentation des volumes saisis signifie que le trafic augmente : cela peut aussi signifier que les policiers et les gendarmes, indépendamment des ministres de l’intérieur qui se succèdent, sont efficaces. Et nous avons affaire à des drogues plus mortelles et plus addictives qu’auparavant.

  Monsieur Rambaud, vous m’avez interrogé sur les agents de sécurité privés. D’abord, je constate que la Coupe du monde de rugby, de ce point de vue, se passe sans aucun problème. Je n’ai pas bien compris pourquoi vous avez évoqué un budget pour les Jeux : l’appel d’offres pour la sécurité privée relève de l’organisateur des JOP qu’est le Comité international olympique (CIO), non de l’État.

  Ce dernier n’en a pas moins fait beaucoup de choses. Il a formé 25 000 personnes à la sécurité privée et va en former encore beaucoup d’autres. Il a contraint les entreprises de sécurité privée, dont le moins que l’on puisse dire est que la plupart ne paient pas très bien leurs agents, à augmenter leurs salaires de 7 %. Monsieur Rambaud, j’espère que vous le leur dites dans le cadre des contacts que vous avez manifestement avec eux. En tout cas, l’État est au rendez-vous.

  À neuf mois des JOP, la proportion d’agents de sécurité privés manquants est un peu inférieure à 10 %. Elle varie selon les lieux et les missions. Un gros problème de logement se pose : où logeront les agents de sécurité privés venant de province, compte tenu du contexte très contraint de l’Île-de-France ? Sur ce point, la réponse relève de l’État. J’ai une grande confiance dans l’action collective, notamment celle du CIO, qui n’a pas lancé tous les appels d’offres. Quoi qu’il en soit, le ministère de l’intérieur assurera évidemment la sécurité des JOP.

  Madame Taurinya, vous m’avez interrogé sur ce que vous considérez manifestement comme une mésaventure, au centre de rétention administrative de Lyon-Saint-Exupéry. J’ai compris votre intervention comme un hommage au travail difficile des agents de la police aux frontières (PAF) dans les CRA.

  Visiter un CRA est votre évidemment droit. Toutefois, renseignements pris, le déroulé des faits qui m’a été communiqué n’est pas exactement celui que vous avez décrit. Vous dites avoir attendu pendant quatre heures ; les policiers – que j’ai tendance à croire en général – me disent que vous avez attendu pendant deux heures vingt, ce qui certes est déjà beaucoup.

  Vous vous êtes présentée avec deux journalistes et trois assistants parlementaires. S’agissant de ces derniers, leur présence n’est pas prévue par les textes. La prochaine fois, je suggère que vous vous y conformiez. Ce sont les parlementaires qui sont les représentants de la nation, non leurs assistants. Peut-être cette démarche explique-t-elle en partie les difficultés que vous avez rencontrées.

  Quoi qu’il en soit, la PAF n’a rien à cacher. Au cours de votre visite, ses agents ont dû vous rappeler, ainsi qu’aux deux journalistes de Mediapart qui vous accompagnaient, l’obligation de préserver l’anonymat des personnes rencontrées au sein du CRA, tant les détenus que les policiers. Manifestement, tel n’a pas toujours été le cas, le chef de centre ayant été interrogé tout au long de la visite avec micros et caméras allumés. Quant aux agents de la police nationale qui étaient présents, ils font état de « thématiques ciblées » et de « propos agressifs, parfois très insistants, à la limite de l’insulte ».

  Manifestement, quelqu’un a été discourtois. J’espère qu’il ne s’agit pas d’un visiteur. Nous demanderons des précisions à Mme la préfète de la région Auvergne-Rhône-Alpes, qui a été saisie de la question.

  Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Nous avons passé des heures sans pouvoir nous asseoir !

  M. Gérald Darmanin, ministre. Travailler pendant des heures sans s’asseoir arrive aux policiers, madame Taurinya. Si vous découvrez qu’il faut à la police nationale davantage de moyens, n’hésitez pas à voter des crédits supplémentaires, ce n’est pas le ministère de l’intérieur qui les refusera !

  Nous avons alloué 21 millions l’an dernier aux associations agréées de sécurité civile pour compenser les pertes qu’elles ont subies pendant la crise du Covid. S’y ajoutent les 250 000 euros que le PLF alloue à la DGSCGC.

  Ces associations font un travail formidable. Elles ne m’ont transmis aucune demande d’augmentation de crédits. Si ceux qui leur sont alloués ne leur permettent pas de remplir leurs missions ou ne correspondent pas à leurs besoins, j’étudierai la question, car l’État doit être au rendez-vous. Elles rendent un service public avec une efficacité incomparable.

  À la suite des attentats islamistes terroristes inacceptables qui ont frappé la population israélienne, nous avons protégé l’intégralité des lieux de culte juifs dont nous connaissons l’existence. Mais il peut rester des salles de prière qui nous échappent et j’invite une nouvelle fois la communauté juive à nous les signaler.

  Nous protégeons en tout 580 sites – synagogues, lieux communautaires et culturels, écoles confessionnelles. Plus de 10 000 policiers et gendarmes en surveillent les issues, avec le soutien de 4 000 militaires de l’opération Sentinelle. Dans le seul ressort de la préfecture de police de Paris, qui couvre Paris et la petite couronne, on compte 343 sites. Cette protection, nous la devons aux Français de confession juive.

  Par ailleurs, des moyens de vidéoprotection sont déployés – la loi de séparation des Églises et de l’État n’empêche pas de sécuriser les lieux de culte, qu’ils soient juifs, musulmans ou chrétiens. Le culte juif est le premier bénéficiaire du FIPD, à hauteur d’environ 3,5 millions. L’ensemble des quatre-vingt-six projets présentés par la communauté juive dans ce cadre ont été acceptés par le ministère, ce qui permettra d’équiper les sites en dispositifs de vidéosurveillance et d’assurer le lien avec les agents de sécurité privés qui les gardent en temps normal.

  M. Éric Ciotti (LR). Merci, monsieur le ministre, d’avoir été favorable à mon amendement visant à porter à 3 000 le nombre de places en CRA lors de l’examen du projet de Lopmi. J’ai eu des échanges nourris avec votre cabinet pour créer un centre sur l’ancien site de tri postal de l’aéroport de Nice-Côte d’Azur. Cela permettrait de tripler, voire de quadrupler le nombre de places en CRA à Nice, qui est à l’heure actuelle de trente, ce qui est très insuffisant s’agissant du département qui subit la plus forte pression migratoire.

  M. Gérald Darmanin, ministre. J’admets bien volontiers que l’augmentation du nombre de places en CRA l’an prochain n’atteint pas ce qui est prévu par votre amendement. C’est ce qu’on appelle la coconstruction – cela prouve que nous pouvons tomber d’accord sur des textes relatifs à l’immigration !

  Vous aurez constaté que j’ai annoncé les onze projets de CRA, dont un à Mayotte et dix sur le territoire métropolitain. Parmi ceux-ci, un sera ouvert à Nice, dont la localisation exacte sera communiquée dans la semaine.

  Je tiens à remercier publiquement les communes qui ont accepté l’ouverture d’un CRA sur leur territoire, ce qui n’est jamais évident, ainsi que l’administration pénitentiaire, qui a cédé des terrains pour y construire des CRA à proximité des lieux de détention. Cela évitera aux policiers chargés de convoyer un sortant de prison de parcourir tout le département. Nous nous sommes efforcés de faire cela de façon intelligente. Les futurs CRA compteront chacun 110 places en moyenne, soit une taille à peu près correcte, ce qui nous amènera aux 3 000 places en CRA en 2027.

  M. le président Sacha Houlié. Monsieur le ministre, au nom de la commission des lois, je vous remercie.

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*     *

 

  Lors de sa seconde réunion du mardi 17 octobre 2023, la commission examine pour avis les crédits de la mission : « Sécurités » (M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis « Sécurité » ; M. Éric Pauget, rapporteur pour avis « Sécurité civile).

  Lien vidéo : https://assnat.fr/aU0hN5

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendements II-CL4 et II-CL5 de M. Roger Vicot

M. Roger Vicot (SOC). L’amendement II-CL4 vise à augmenter de 100 millions les crédits affectés à la formation de la police nationale. Ces dernières années, des milliers de policiers ont été recrutés sans que, parallèlement, les moyens dédiés à la formation aient été suffisamment accrus. Or le renforcement de la formation des policiers est, selon nous, un levier très important de l’efficacité de nos politiques de sécurité publique.

L’amendement II-CL5 est complémentaire. Il dégage 50 millions supplémentaires afin de garantir le déploiement des formations continues, notamment en remplaçant le personnel en formation afin d’éviter de perturber le fonctionnement des services de la police nationale.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis pour les programmes « Police nationale », « Gendarmerie nationale » et «  Sécurité et éducation routières ». En préambule à l’ensemble des amendements, si je comprends la volonté de contourner l’article 40, permettez-moi néanmoins de souligner la facilité de l’exercice consistant à déshabiller l’un pour habiller l’autre. Ce ne sont pas des sommes anodines – 100 millions d’euros dans l’amendement de M. Vicot, au profit de la police nationale mais au détriment de la gendarmerie nationale.

Depuis plusieurs années, le budget du ministère de l’intérieur est en forte hausse. Cette année encore, on compte 1 milliard d’euros en plus, qui profiteront à tous les domaines.

Néanmoins je partage votre préoccupation en ce qui concerne la formation des policiers – cela vaut aussi pour les gendarmes. La majorité l’a réformée récemment : la nouvelle formation initiale des gardiens de la paix s’étend sur vingt-quatre mois depuis mai 2022 – douze mois en école, contre huit auparavant, intégrant quatre semaines de formation en alternance, suivis de douze mois de formation d’adaptation au premier emploi dans le service d’affectation. Nous sommes sur la bonne voie. Nous aurons peut-être à proposer des adaptations, mais je donne un avis défavorable aux deux amendements.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Cet après-midi, le ministre de l’intérieur est passé un peu vite sur la sous-exécution budgétaire de 2022. Après des années à réclamer une augmentation, les crédits de paiement et autorisations d’engagement consacrés à la formation avaient enfin été multipliés par deux en loi de finances initiale. Mais quelle ne fut ma surprise, à l’occasion de la discussion de la loi de règlement, de constater que ces crédits avaient été sous-exécutés à hauteur de 50 % !

Gare, donc, aux effets d’annonce. Je soutiens cet amendement car nous avons besoin de créer de nouvelles écoles de police et d’organiser une formation initiale effective de vingt-quatre mois. La stagiarisation ne constitue en rien un an de formation supplémentaire.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL85 de M. Jordan Guitton

M. Jordan Guitton (RN). Selon les études de la mutuelle des forces de sécurité, 24 % des policiers sont confrontés à des pensées suicidaires. En 2019, une cinquantaine d’entre eux ont mis fin à leurs jours, soit une hausse de 50 % par rapport à l’année précédente. Toutes forces de sécurité confondues, on dénombre soixante-dix-huit passages à l’acte en 2022, dont quarante-six pour des policiers.

Christophe Girard, vice-président de l’association de policiers en détresse PEPS-SOS, rappelle que les policiers voient le côté le plus noir et le plus violent de la société tout le long de leur carrière. Ils ne peuvent pas sortir indemnes de ce métier, sans même évoquer la pression morale et les insultes à leur encontre, y compris de la part de certains de nos collègues. Nous saluons une nouvelle fois leur travail remarquable.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Je partage largement vos préoccupations mais nous n’avons pas à rougir de ce budget, où nous multiplions par trois le montant du programme de mobilisation contre le suicide, qui bénéficiera de 2,89 millions. Avis défavorable.

M. Timothée Houssin (RN). La loi d’orientation et de programmation du ministère de l’intérieur (Lopmi) a fait de la lutte contre le suicide une priorité. Le ministère devait prendre un certain nombre de mesures – détection précoce des situations de souffrance, communication, accès aux dispositifs d’accompagnement psychologique. Or force est de constater qu’elles ne sont pas du tout à la hauteur.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). J’imagine que la remarque de notre collègue nous visait. Encore une fois, on nous fait dire n’importe quoi ! Ce que nous critiquons, c’est l’emploi des forces de police par le ministre de l’intérieur. Elles sont en effet soumises à une tension particulière lorsqu’elles doivent défendre une politique gouvernementale comme la réforme des retraites, à laquelle elles-mêmes sont opposées.

La France insoumise a proposé il y a quelques années la création d’une commission d’enquête sur la question du suicide des policiers. Beaucoup, parmi eux, évoquent la politique du chiffre, qui dévoie leur métier et les place dans des situations de très grande tension. Ce n’est pas là une mission de service public telle que nous l’entendons.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL84 de M. Jordan Guitton et II-CL25 de Mme Marie-France Lorho (discussion commune)

M. Jordan Guitton (RN). « La situation que nous connaissons n’est pas tenable et nous devons réduire significativement l’immigration, à commencer par l’immigration illégale » : ainsi s’exprimait Emmanuel Macron le 24 août dernier. Enfin, même lui reconnaît qu’il y a un problème avec l’immigration ! Les passages irréguliers en Méditerranée centrale ont bondi de 115 % en un an. Il est plus que nécessaire de donner à notre police aux frontières les moyens qui s’imposent.

Souvenez-vous des migrants arrivés à Lampedusa il y a quelques semaines et expliquant qu’ils voulaient venir en France à cause des aides sociales. Ne sont-elles pas une véritable pompe aspirante ? Croyez-vous que nos policiers aux frontières ont les moyens d’agir efficacement ? Des humains risquent de mourir en traversant la Méditerranée alors que la France n’a malheureusement rien à leur offrir ! Reprenons le contrôle de nos frontières. Donnons à notre police les moyens nécessaires pour combattre l’immigration irrégulière, il y va de la sécurité de tous.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Vous privez la gendarmerie de crédits non négligeables pour les affecter à la police, alors que les gendarmes veillent également à la protection de nos frontières.

Le montant des crédits affectés à la police des étrangers et à la sûreté des transports internationaux augmente de plus de 100 millions pour 2024, pour un total de 1,15 milliard, ce qui permet le recrutement d’environ 100 équivalents temps plein travaillé supplémentaires. C’est un de ces grands budgets régaliens de l’État qui connaissent une hausse significative, dans un contexte budgétaire très contraint. Avis défavorable.

M. Timothée Houssin (RN). M. Léaument s’est senti injustement visé mais il me semble qu’un certain nombre de députés LFI participent à des manifestations où l’on chante « Tout le monde déteste la police » sans qu’il ait jamais protesté.

Les vagues d’immigration atteignent des niveaux historiques, ce qui nécessite des moyens tout aussi historiques. Mais, plus que de budget, nous avons besoin de volonté politique. Quand on va chercher des bateaux proches de côtes de l’Afrique pour les amener sur les côtes européennes, à rebours du droit de la mer, c’est qu’on n’a pas cette volonté. Vous avez d’ailleurs refusé de voter nos propositions concernant le statut de mineur non accompagné, une des principales arnaques de l’immigration clandestine, qui nous coûte à peu près 1 milliard par an : une telle économie autoriserait bien des financements.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous n’avons jamais dit que « Tout le monde déteste la police ». Votre amendement, en revanche, c’est « Tout le monde déteste la gendarmerie », que vous dépouillez de 10 millions malgré les missions qu’elle doit assurer dans les zones rurales, que vous prétendez par ailleurs défendre.

Sur Lampedusa, vous racontez n’importe quoi. L’essentiel des migrants viennent de Lybie, du Soudan, de Gambie, d’Érythrée et du Nigéria. Proposez-vous de les renvoyer dans ces zones de conflits et de pénuries alimentaires ? Vous voulez rejeter les gens à la mer ! Considérer que toute personne qui arrive de l’extérieur est un problème est bien mal connaître l’histoire de notre pays. La République est faite de gens que l’on ne juge pas en fonction de leurs origines mais de leurs convictions.

Enfin, un grand nombre de policiers intègrent la police aux frontières pour des raisons pratiques, et eux-mêmes demandent à être formés.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL44 de M. Yoann Gillet

M. Yoann Gillet (RN). L’explosion des chiffres de la délinquance le montre : le Gouvernement est impuissant, le ministre de l’intérieur ne tient rien. Toutes les villes sont touchées.

Le quartier de Pissevin, à Nîmes, est le symbole de la faillite du Gouvernement, incapable de faire face à une délinquance endémique. Les habitants se sentent à juste titre délaissés et en insécurité totale. L’État a renoncé à faire respecter l’ordre.

Cet amendement vise donc à tirer la sonnette d’alarme : il faut mettre le paquet en matière de sécurité en allouant plus de moyens, en renforçant la réponse pénale et en promouvant une politique migratoire ferme.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Le budget du ministère de l’intérieur est en hausse depuis six ans. L’action 02 Sécurité et paix publiques du programme 176 bénéficie d’une hausse de plus de 30 %, pour s’élever à 3,73 milliards. Nous avons également augmenté les effectifs de police et de gendarmerie de 10 000 lors de la précédente législature et avons programmé 8 000 recrutements pour celle qui est en cours : environ 2 500 personnes ont été recrutées l’an dernier et l’objectif est de 2 100 pour cette année. La sécurité est une de nos priorités.

M. Yoann Gillet (RN). Personne ne nie les hausses budgétaires, mais nous vous encourageons à aller plus vite, plus loin et plus fort.

Les objectifs, c’est bien, mais encore faut-il les atteindre. Quand vous évoquez 10 000 recrutements, vous oubliez de parler des départs ! L’année dernière, il y a eu 11 000 démissions parmi les forces de l’ordre. Qu’en est-il des effectifs nets ? Le bilan du Gouvernement est désastreux.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Soyons clairs, les chiffres de « la » délinquance n’existent pas. Ce sur quoi vous vous fondez, c’est les chiffres de l’activité du ministère de l’intérieur. Mais il y a des gens qui sont victimes d’infractions et ne déposent pas plainte. C’est notamment le cas des victimes d’escroquerie, dont seulement 16 % portent plainte.

Vous ne vous intéressez pas en revanche aux chiffres des enquêtes de victimation, qui montrent que la violence et la délinquance sont tendanciellement moindres depuis les quarante dernières années.

Selon le ministère de l’intérieur, l’arrestation d’un guetteur équivaut au démantèlement d’un point de deal. C’est bien commode : on a un fait constaté, un fait élucidé et pas de dépôt de plainte. Mélangé aux cas où il y a des plaintes et pas d’élucidation, cela permet d’améliorer le taux d’élucidation. Attention donc aux chiffres.

Enfin, je lance un avis de recherche sur le fameux Lab’PSQ, censé réaliser un bilan de la police de sécurité du quotidien. Je ne l’ai jamais trouvé.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL115 de M. Erwan Balanant

M. Erwan Balanant (Dem). Il convient de soutenir la plateforme Pharos qui permet de sécuriser l’écosystème numérique, de faire retirer les contenus illicites et de lancer certaines procédures pour protéger notre espace numérique.

La semaine dernière, Pharos a dû traiter 2 000 signalements supplémentaires liés à la guerre entre le Hamas et Israël. Cet amendement vise à augmenter les crédits de la police nationale de 3 millions, compensés, parce qu’il le faut, par l’action 02 Démarches interministérielles et communication du programme 207 Sécurité et éducation routières.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Avis défavorable. Vous proposez de revaloriser l'action 05 du programme 176, qui bénéficie déjà d’une augmentation de près de 700 millions. Je ne doute pas que cette hausse profitera aussi à la plateforme Pharos, dont la montée en puissance est effectivement nécessaire.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). La vérité éclate ! Lors de l’examen du projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique, vous affirmiez que tout devait être fait à cette fin mais lorsqu’on vous propose des moyens pour le faire, vous émettez un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL54, II-CL56, II-CL57 et II-CL55 de Mme Emmanuelle Ménard

Mme Emmanuelle Ménard (NI). Ce sont des amendements d’appel.

Le premier vise à augmenter les moyens alloués au renseignement, qui doit être plus efficace pour lutter contre les atteintes à la sécurité de nos concitoyens et de nos institutions et prévenir les troubles à l’ordre public. On l’a vu encore vendredi dernier, la France n’a pas les moyens de surveiller les personnes susceptibles de mettre en danger notre sécurité. Ce n’est pas une critique des services mais une question de moyens.

Le deuxième concerne la crise des vocations qui frappe nos forces de l’ordre. J’ai noté que, selon le ministre de l’intérieur, les chiffres de la Cour des comptes sur ce sujet sont un peu faussés par le fait que certains agents sont obligés de démissionner de leur poste pour pouvoir monter en grade.

Le troisième vise à créer des espaces sécurisés consacrés à la mobilité, à savoir des pôles de prévention des risques routiers qui permettent de centraliser prévention, mobilité responsable et formation accessible à chacun et dès le plus jeune âge, mais aussi d’encadrer des pratiques à risques comme les rodéos urbains. De telles structures n’existent plus, alors qu’elles doivent être reconnues d’utilité publique.

Le quatrième, enfin, concerne les conditions de vie alarmantes de trop nombreux gendarmes. À Béziers et dans les alentours, la gendarmerie a autorisé une prise à bail en secteur civil faute, pour les gendarmes, de pouvoir loger leur famille dignement. On demande parfois 3 000 euros de charges annuelles à des militaires qui gagnent 1 900 euros par mois pour que, in fine, leur logement soit mal chauffé et pas ou peu utilisé.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. L’action 01 du programme 176 que vos deux premiers amendements veulent abonder bénéficie déjà d’une hausse d’environ 100 millions, pour atteindre près d’1,6 milliard. Pour ce qui est des effectifs, dans les 10 000 recrutements de la dernière législature comme dans les 8 000 prévus pour celle qui est en cours, le renseignement a une part importante.

S’agissant des pôles de prévention routière, l'action 02 du programme 152 bénéficie déjà d’une hausse d’environ 50 millions, pour atteindre près de 815 millions. Le programme Sécurité et éducation routières augmente de 46 %.

Quant au logement des gendarmes, l’action 04 du programme 152 bénéficie déjà d’une hausse de 10 millions. Le ministre a évoqué tout à l’heure les chantiers qu’il a lancés afin de répondre aux problèmes de logement de nos gendarmes, avec la création d’une société foncière et des appels aux partenariats public-privé.

Avis défavorables.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL68 de M. Jordan Guitton

M. Jordan Guitton (RN). Le rapport sénatorial Vaincre le malaise des forces de sécurité intérieure : une exigence républicaine souligne le manque de moyens pour lutter efficacement contre les risques psychosociaux au sein de la gendarmerie, où 28 % des militaires seraient en état de sur-stress et 9 % en burn-out.

Les gendarmes sont de plus en plus touchés par les risques psycho-sociaux, ce qui s’explique en partie par une forte activité opérationnelle et une pression sécuritaire quasi continue depuis des dizaines d’années – menace terroriste, hausse de la délinquance, violences intraconjugales…

Selon ce rapport, il apparaît que les risques psycho-sociaux sont insuffisamment pris en charge au sein de l’institution, soit par dénégation, soit par manque de moyens. La difficulté d’accès aux psychologues est réelle et les délais de rendez-vous trop longs. Cet amendement vise donc à abonder les crédits de la gendarmerie nationale afin d’augmenter le nombre de psychologues.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Les risques psycho-sociaux sont en effet bien réels. L’action 04 du programme 152 bénéficie déjà d’une hausse de 10 millions, qu’il appartiendra à la direction générale de la gendarmerie nationale d’affecter. Je suis sûr qu’elle sera sensible à la question de l’aide psychologique. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL62 de M. Ugo Bernalicis

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Il vise à créer un programme Lutte contre la délinquance économique et financière, la criminalité organisée et le trafic d’armes.

Les moyens consacrés à ce type de délinquance sont très insuffisants, alors qu’il est tout à fait condamnable de taper dans la caisse ou de cacher des revenus. La question de l’exemplarité se pose d’ailleurs particulièrement pour ceux qui peuvent se livrer à ce type de délinquance.

Le ministre de l’intérieur place l’intégralité de son budget sous le prisme de la délinquance du quotidien. Nous nous interrogeons sur cette façon de penser la sécurité. « Montrer du bleu » ne permet en rien de démanteler des filières !

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. On ne peut pas dire que nous ne nous préoccupions que de la délinquance du quotidien. Nos services de police mènent une lutte acharnée contre toutes les formes de délinquance. On le voit dans les nombreuses affaires en cours qui touchent aussi bien la classe politique que le monde économique.

Pour soutenir nos services de police dans cette lutte contre la délinquance en col blanc, nous avons systématisé la politique de saisie d’avoirs criminels grâce à la plateforme d’identification des avoirs criminels et à l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière. Nous avons aussi renforcé le traitement de l’information criminelle par le déploiement des antennes territoriales du service d’information du renseignement et d’analyse stratégique sur la criminalité organisée. Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Je vous renvoie au rapport d’information sur la police judiciaire que j’ai commis avec Marie Guévenoux. La réalité, c’est qu’on ne donne pas de moyens à la lutte contre la délinquance économique et financière. Tous les parquets le disent : ils manquent d’enquêteurs sur le sujet, qui n’est pas une priorité. Ce qui a été fait du côté de l’Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués n’est pas mal, mais pourrait être bien plus satisfaisant. Le rapport au Gouvernement de nos collègues Warsmann et Saint-Martin mériterait d’être mis en application. Il y a un effet de vases communicants : la délinquance du quotidien aspire beaucoup de moyens pour des résultats qui ne sont pas à la hauteur des enjeux.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL63 de Mme Élisa Martin

Mme Andrée Taurinya (LFI-NUPES). Il vise à lutter sérieusement contre l’augmentation de la mortalité routière, qui est de 30 % chez les cyclistes et de 12 % sur les autoroutes. Pour cela, il faut aider les associations qui font très bien ce travail sur le terrain.

Nous souhaitons donc créer un nouveau programme que nous appellerions Subvention aux associations menant des actions de prévention et qui serait abondé par un prélèvement sur le programme servant à financer des équipements de technopolice. Contrairement à vous, nous ne voulons pas d’une société de surveillance généralisée, armée jusqu’aux dents et fondée sur la répression. Nous, nous voulons protéger les gens, notamment sur la route.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Je ne vois pas bien l’utilité de créer un nouveau programme au sein de la mission : celle-ci compte déjà un programme spécifiquement consacré à l’éducation et à la sécurité routières, qui bénéficie d’une hausse de 46 %, l’une des plus fortes du budget du ministère de l’intérieur, même si la somme qui en résulte n’est pas considérable en valeur absolue – 110 millions d’euros. Avis défavorable.

M. Timothée Houssin (RN). Je ne suis pas hostile à ce que l’on augmente les budgets liés à la prévention routière ; je le suis beaucoup plus au fait que l’on aille chercher l’argent dans les programmes d’équipement de la police.

On pourrait plutôt prélever le montant nécessaire sur le budget des radars, qui augmente de façon continue : on en implante toujours plus alors qu’ils sont déjà très présents et rapportent 707 millions par an à l’État. Il s’agit d’une taxe qui touche les personnes qui se déplacent pour leur travail. Dans un très grand nombre de cas, les excès de vitesse sont tout petits : 58 % sont inférieurs à 5 kilomètres à l’heure. Le ministre de l’intérieur avait d’ailleurs annoncé vouloir mettre fin au retrait de points pour ce type d’excès de vitesse à compter du 1er janvier 2024 – je ne sais pas si c’est toujours d’actualité. Nous aurions aimé que l’amende soit elle aussi supprimée, ou du moins réduite.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). A-t-on des éléments de bilan du passage à 80 kilomètres par heure ? L’enjeu était de faire diminuer la mortalité sur les routes.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL61 de M. Ugo Bernalicis

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). Nous souhaiterions que la formation dans les écoles de police se déroule sur deux ans pour être plus approfondie, notamment en ce qui concerne le cadre légal, et davantage pluridisciplinaire. À ce propos, un diplôme universitaire « Sociologie de la police » a été créé. Il s’adresse aux policiers et 750 personnes se sont portées candidates pour cette première année. Cela montre que nos policiers ont parfaitement conscience du fait qu’ils ont besoin de replacer les phénomènes auxquels ils sont confrontés dans un ensemble plus large, comme des faits sociaux, pour les comprendre et y faire face.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Des crédits destinés à la rénovation immobilière sont bel et bien prévus pour nos écoles nationales de police, par exemple à Cannes-Écluse et à Oissel. Un très beau projet est par ailleurs en train d’être monté dans la région lyonnaise conjointement par la direction départementale de la sécurité publique du Rhône et la police scientifique d’Écully : il s’agit d’une nouvelle école de police à la dimension pluridisciplinaire, qui formerait à la fois des gardiens de la paix et des techniciens de police scientifique. Avis défavorable.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). C’est formidable, mais cela n’a rien à voir avec l’amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL60 de M. Ugo Bernalicis

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il s’agit de créer un contrôle externe de la police. Celui-ci est aujourd’hui dévolu à la Défenseure des droits, qui a bien trop peu de moyens pour y procéder. On voit se multiplier les affaires où la probité de certains agents et l’authenticité des procès-verbaux suscite de sérieux doutes, mais ces problèmes ont du mal à être révélés quand l’enquête est conduite en interne. Il faut un maximum de garanties ; c’est à cette condition que nos policières et policiers gagneront en autorité.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. Il y a déjà eu des évolutions, vous le savez mieux que quiconque, à la suite de la commission d’enquête conduite par nos anciens collègues Lambert et Fauvergue au cours de la précédente législature. Pour la première fois dans l’histoire de l’IGPN (Inspection générale de la police nationale), c’est une magistrate judiciaire qui a été nommée à sa tête, puis l’ancien juge d’instruction Jean-Michel Gentil est devenu patron de l’IGGN (Inspection générale de la gendarmerie nationale). Cela montre la volonté du Gouvernement de donner à ces deux structures, dont l’indépendance est primordiale, des patrons extérieurs au corps inspecté.

J’ai récemment visité avec le président Houlié les locaux de l’IGPN. Nous y avons rencontré des fonctionnaires très soucieux de trouver la vérité, contrairement à ce que vous dites, et qui nous ont impressionnés tant ils se montraient dans leurs enquêtes intraitables avec leurs confrères. Je ne peux pas vous laisser dire qu’il y aurait quelque chose de peu réglementaire dans leur gestion des affaires. Il s’agit de fonctionnaires de très haut niveau qui font leur travail en toute indépendance.

Avis défavorable.

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). « En toute indépendance », le dernier rapport de l’IGPN explique que l’usage des armes à feu lors des refus d’obtempérer est en diminution, oubliant de comparer avec les chiffres d’avant 2017 et l’introduction de l’article L. 435-1 du code de la sécurité intérieure, ce qui aurait révélé une hausse. Mais il le fait « en toute indépendance » et pas du tout pour les besoins de la communication gouvernementale.

M. le président Sacha Houlié. C’est en toute indépendance que le Parlement jugera de tout cela dans le cadre de la mission d’information sur la hausse du nombre de refus d’obtempérer et les conditions d’usage de leurs armes par les forces de l’ordre.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL64 de M. Ugo Bernalicis

M. Ugo Bernalicis (LFI-NUPES). Il s’agit de financer une mission d’audit financier sur le coût de la réforme de la police judiciaire dans le cadre de la départementalisation de la police. Même si la police judiciaire est globalement rentrée dans le rang, le mécontentement demeure et l’annonce récente par le ministre de l’intérieur d’une « CRS 8 de l’investigation » en matière de stupéfiants a fait bondir les enquêteurs : ce n’est pas en débarquant une semaine que l’on résout des enquêtes, mais par un travail au long cours et des effectifs positionnés, sanctuarisés, confortés dans leur tâche, aux côtés de magistrats investis. Ce n’est pas avec du bricolage communicationnel que l’on va régler le problème.

M. Thomas Rudigoz, rapporteur pour avis. La réforme de la police judiciaire n’est effective que depuis le 1er juillet 2023. Monsieur Bernalicis, vous avez conduit un travail important avec Marie Guévenoux sur le sujet et vous avez toujours été opposé à cette réorganisation, ce qui est votre droit le plus strict. Un audit sera peut-être nécessaire, mais y procéder dès maintenant paraît prématuré. Avis défavorable.

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). De toute façon, des postes budgétaires seront créés dès 2024, dès lors que le ministre persiste envers et contre tout, y compris concernant les fameux agents attachés à la direction centrale de la police judiciaire. On peut donc parfaitement prélever 10 000 euros pour étudier le lien entre cette création de postes et l’efficacité attendue de la départementalisation de la police, qui implique la police judiciaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL59 de Mme Élisa Martin et II-CL27, II-CL28, II-CL29, II-CL30, II-CL113, II-CL114, II-CL112 et II-CL26 de Mme Gisèle Lelouis (discussion commune)

Mme Élisa Martin (LFI-NUPES). L’amendement II-CL59 concerne l’acquisition de moyens pour lutter plus efficacement contre les incendies, en France mais aussi afin d’aider les autres pays, en particulier en Europe.

Mme Gisèle Lelouis (RN). L’amendement II-CL27 vise à augmenter les crédits alloués à la location d’aéronefs, notamment de drones, dans un but expérimental.

L’usage des drones s’est démocratisé. Ils sont utilisés par différentes institutions et administrations de pays étrangers qui les louent selon les besoins, comme en Chine où, depuis trois ans et l’été dernier encore, ils ont montré leur efficacité dans la lutte contre les incendies. En forêt, dans les zones inaccessibles à cause d’un terrain difficile, ils vont là où les pompiers ne vont pas. En zone urbaine, ils sont le bras long du pompier au sommet des immeubles ou des fenêtres. Ils sauvent des vies civiles autant qu’ils mettent à couvert les forces anti-incendie, qui peuvent alors agir en sécurité, de plus loin. En masse ou en petit nombre, ils sont efficaces et précis pour le largage d’eau et de produits retardants, mais aussi pour la reconnaissance ou la surveillance de zones. Le coût est bien plus faible qu’avec des aéronefs classiques ou des unités au sol, pour un impact tout aussi fort.

L’amendement II-CL28 tend à augmenter les crédits relatifs à la neutralisation des engins explosifs dans l’ensemble des milieux immergés français, lacs et zones maritimes compris. Il est nécessaire d’accroître les commandes de matériel visant à la destruction des munitions dans ces lieux. En effet, la neutralisation d’un explosif en milieu immergé ne nécessite pas les mêmes actions qu’en milieu terrestre, et la marine nationale ne peut accomplir seule cette tâche rapidement, comme elle tente de le faire. Les munitions immergées datant des deux guerres mondiales ont un impact élevé sur l’environnement, donc sur notre santé, et sur notre sécurité. Il faut agir, et vite. Le risque s’accroît année après année. Il est urgent de permettre à l’ensemble des démineurs concurrents de la sécurité civile d’agir plus efficacement partout où cela est nécessaire avec le matériel adéquat.

L’amendement II-CL29 vise à augmenter les crédits relatifs à l’habillement des moyens nationaux terrestres pour permettre aux démineurs d’intervenir plus efficacement sur le littoral français ainsi que dans les zones humides terrestres afin de neutraliser les munitions immergées après les deux guerres mondiales. Pour le moment, il faut chaque fois attendre le concours des plongeurs de la marine nationale, ce qui prend du temps, par exemple lorsqu’un obus est découvert au fond de la Marne. Notre but est de permettre davantage de souplesse grâce à un meilleur équipement.

Le II-CL30 concerne la formation et la sécurité du personnel de déminage, notamment s’agissant de l’utilisation de drones ou de robots dans les milieux immergés, dont l’efficacité n’est plus à démontrer.

Le II-CL113 vise à renforcer les crédits relatifs à la préparation et à l’intervention des moyens nationaux du déminage dans le domaine maritime. Nous sommes en retard en matière de formation, mais aussi concernant le matériel. La sécurité civile ne peut être laissée uniquement aux courageux experts de la marine nationale alors que des munitions immergées datant des deux guerres mondiales s’échouent régulièrement sur notre littoral, menaçant l’environnement, en se dégradant, mais aussi notre population.

Le II-CL114 concerne les crédits relatifs à la préparation et à l’intervention des moyens nationaux de soutien pour l’activité des établissements de soutien opérationnel et logistique, notamment celui de Marseille, dont les missions sont handicapées par la nouvelle zone à faibles émissions mobilité. Le but est que ceux qui s’occupent de nos flux logistiques et matériels puissent bénéficier de la bonne flotte de véhicules et que la sécurité du site soit renforcée par de la vidéoprotection.

L’amendement d’appel II-CL112 a pour but d’augmenter les crédits relatifs à la préparation et à l’intervention des moyens nationaux terrestres de la sécurité civile. Il peut être préférable de renouveler le parc pour éviter les surcoûts liés à l’entretien des véhicules, fortement sollicités. Il faut soutenir les centaines de militaires engagés chaque année pour intervenir en métropole, outre-mer et à l’étranger dans le cadre de missions résultant des conséquences de catastrophes d’origine naturelle ou technologique, de crises sanitaires et de l’impératif d’assistance aux populations.

Enfin, le II-CL26, également un amendement d’appel, tend à augmenter les crédits favorisant la coopération au profit de tiers pour faciliter l’entretien des hélicoptères Dauphin positionnés en Polynésie et dont les personnels rampants comme navigants effectuent un travail formidable en faveur de la sécurité civile. En effet, l’éloignement et l’inflation sont source de coûts supplémentaires dans l’acheminement de matériel neuf.

M. Éric Pauget, rapporteur pour avis pour le programme « Sécurité civile ». Plus d’une vingtaine d’amendements ont été déposés concernant le budget de la sécurité civile. Il s’agit essentiellement d’amendements d’appel, destinés à engager une discussion politique avec le ministère de l’intérieur. En tant que député d’opposition, vous comprendrez que mon but n’est pas de répondre à la place du ministère : je m’en garderai bien.

Ces amendements concernent la plupart des actions du programme 161. Il s’agit de financer des projets très divers : subventions aux associations agréées, matériels de lutte contre les feux de forêt, opération Héphaïstos, engagement de campagnes de recrutement de sapeurs-pompiers volontaires, achat d’hélicoptères, de drones, de formations et de tenues pour les personnels de déminage, fonctionnement de la direction générale de la sécurité civile, exercices de gestion de crise, secours d’extrême urgence, investissement des services d’incendie et de secours, et j’en passe.

Je ne peux que partager la volonté politique de leurs auteurs, quels qu’ils soient : je sais combien les besoins de financement de notre modèle de sécurité civile sont grands. Mais dans le cadre des débats budgétaires, nos marges de manœuvre sont particulièrement contraintes et l’ensemble de ces amendements reviennent à déshabiller Pierre pour habiller Paul. S’ils étaient acceptés ici, puis en commission des finances au fond, cela signifierait des dizaines, voire des centaines de millions en moins pour la sécurité routière, ciblée par les amendements du Rassemblement national, et pour la police ou la gendarmerie nationales, visées par la plupart des amendements de la gauche. Ce ne serait ni responsable ni raisonnable.

L’honnêteté me pousse à rappeler que d’importants efforts sont mobilisés pour la sécurité civile dans le cadre de la Lopmi que nous avons votée en janvier dernier. Les crédits du programme 161 ont ainsi considérablement augmenté l’an dernier et ceux prévus pour 2024 dépassent les projections de la Lopmi, le ministre ayant confirmé une somme supplémentaire de 140 millions lors de son audition. Il faut évidemment aller plus loin et continuer à chercher de nouvelles sources de financement pour nos services départementaux d’incendie et de secours (Sdis), mais il faut aussi être imaginatifs et prospectifs.

La réflexion commune sur le coût du sauvé, thème de mon avis budgétaire, doit contribuer à alimenter nos recherches de nouvelles pistes pour financer les Sdis. Je pense à l’affectation d’une part de la taxe de séjour à ce financement dans les départements les plus touristiques ou à une nouvelle répartition de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance. Je suis sûr que les travaux en cours permettront de dégager d’autres pistes.

Je serai donc défavorable à l’ensemble des amendements.

M. Antoine Léaument (LFI-NUPES). Nous soutiendrons l’amendement II-CL59 et voterons contre les autres.

M. Timothée Houssin (RN). En ce qui concerne cet amendement II-CL59, nous ne sommes pas forcément hostiles au fait de donner 30 millions supplémentaires aux Sdis pour lutter contre les incendies, mais nous notons qu’ils sont pris sur le budget dédié à la police sans demande de lever le gage. Est-ce une erreur du groupe LFI ou une volonté de faire baisser le budget de la police ?

M. le président Sacha Houlié. L’exercice peut vous paraître un peu aride, mais il n’y a pas de gage concernant les missions budgétaires. Les crédits sont fongibles entre programmes à l’intérieur d’une même mission.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-CL22 de M. Julien Rancoule

M. Julien Rancoule (RN). Il vise à augmenter les subventions des associations agréées sécurité civile. J’ai été agréablement surpris de l’ouverture dont témoignait la réponse de M. le ministre de l’intérieur à ce sujet lors de son audition. C’est une demande que M. François Richez, président de la Fédération nationale de protection civile, avait formulée lors d’une audition du groupe d’études sur le sujet. L’enveloppe actuelle est de 250 000 euros, ce qui est très faible au regard des enjeux. Les associations en question incluent aussi la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France ou l’Œuvre des pupilles.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL66 de M. Jordan Guitton

M. Jordan Guitton (RN). Certaines communes ont des difficultés financières à se conformer aux obligations de débroussaillement, mesure de prévention des incendies de forêt. L’an dernier, 72 000 hectares de forêt ont brûlé en France. Ces incendies majeurs ont montré l’insuffisance des moyens de lutte dont disposent les agents concernés, malgré les nouveaux hélicoptères et Canadair. Il s’agit évidemment d’un amendement d’appel.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL23 de M. Julien Rancoule

M. Julien Rancoule (RN). Il vise à créer un budget pour une campagne de communication d’ampleur destinée à recruter des sapeurs-pompiers volontaires. On voit régulièrement des clips promotionnels pour recruter des militaires, des gendarmes, des policiers, des réservistes, des agents pénitentiaires, mais jamais des sapeurs-pompiers volontaires. Or il y a une crise du volontariat. Un budget national permettrait la réalisation d’un clip télévisé. Cette communication ne doit pas être à la seule charge des Sdis, donc des collectivités territoriales.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL31 de Mme Gisèle Lelouis

Mme Gisèle Lelouis (RN). Cet amendement d’appel vise à augmenter les crédits relatifs aux dépenses de fonctionnement courant des services de la direction générale de la sécurité civile et de la gestion des crises, qui sont insuffisants. Un effort supplémentaire doit être consenti pour couvrir les dépenses courantes : tout coûte de plus en plus cher, les déplacements des personnels, les frais de péage, les fournitures de bureau. Le but est que les personnels n’aient plus à payer quoi que ce soit de leur poche dans le cadre de leurs fonctions.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-CL24 de M. Julien Rancoule

M. Julien Rancoule (RN). Il tend à abonder de 2 millions le budget du programme Sécurité civile pour lancer une campagne de prévention des incendies domestiques. On en compte 60 000 à 70 000 par an, pour en moyenne 200 morts et 9 000 blessés par an.

La loi rendant obligatoire l’installation de détecteurs automatiques de fumée dans les lieux d’habitation va avoir dix ans. On sait que les détecteurs ont une autonomie de cinq à dix ans et que nombre d’entre eux n’ont tout simplement pas été posés, ou ne fonctionnent plus parce que la pile n’a pas été changée. Ce serait une mesure de bon sens afin de sensibiliser les particuliers au risque incendie dans les habitations et de sauver des vies.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette l’amendement.

Amendements II-CL32, II-CL34, II-CL38 et II-CL36 de Mme Gisèle Lelouis

Mme Gisèle Lelouis (RN). L’amendement II-CL32 a pour but de renforcer l’activité opérationnelle et les dépenses de fonctionnement liées au protocole Héphaïstos, qui concourt aux missions de la sécurité civile. Conclu entre le ministère de l’intérieur et le ministère des armées, il permet la mobilisation efficace de moyens militaires au profit du premier, en complément des unités militaires de la sécurité civile, pour intervenir lors de catastrophes naturelles comme les feux de forêt. Le montant des crédits qui lui sont affectés est toujours difficile à évaluer en fonction des besoins, lesquels diffèrent selon les nécessités de la maintenance et la situation opérationnelle, mais ce que l’on sait, c’est que l’inflation se poursuit et que le matériel s’use.

Le II-CL34 a pour but de rendre plus réalistes les exercices de gestion de crise en créant des conditions plus difficiles et stressantes pour les décideurs des préfectures, départements et zones de défense. Si leur nombre – 500 par an – est a priori suffisant, il faut une plus grande variété de scénarios.

Le II-CL38 vise à plus que doubler le budget des secours d’extrême urgence aux victimes de calamités publiques, souvent insuffisant ou inadapté, en métropole mais aussi et surtout en outre-mer. Tous nos compatriotes méritent d’avoir rapidement l’encadrement et les produits de première nécessité qui conviennent, sous le contrôle du ministère de l’intérieur ou de nos préfectures.

Enfin, le II-CL36 vise à donner un coup de pouce au Centre national civil et militaire de formation et d’entraînement aux événements de nature nucléaire, radiologique, biologique, chimique ou explosive, dont le site central est dans ma circonscription. Il s’agit d’améliorer la sécurité de certains sites et de quelques matériels du quotidien de la section d’études et de prospective. Je vous invite à le voter sans sectarisme.

Suivant l’avis du rapporteur, la commission rejette successivement les amendements.

La commission émet un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Sécurités non modifiés.


—  1  —

 

   Déplacements effectués et personnes entendues

   Général Gilles Martin, commandant du PJGN ;

   Général François Heulard, commandant de l’IRCGN ;

   Colonel Laurent Chartier, adjoint au commandant de l’IRCGN.

   M. Éric Angelino, inspecteur général, chef du SNPS.

 


([1]) Équivalent Temps Plein Travaillé.

([2]) Formation, alimentation, déplacements.

([3]) 74,5 millions d’euros en AE et CP.

([4]) 185,2 millions d’euros en AE et 72,8 millions d’euros en CP.

([5]) 100,3 millions d’euros en AE et 108,4 millions d’euros en CP.

([6]) Dans le cadre de la modernisation des salles de commandement.

([7]) S’élevant à 7,5 millions d’euros, le montant consacré aux études et recherche demeure inchangé.

([8]) Mis en œuvre par l’État depuis 2005, ce dispositif permet aux jeunes de 15 à 25 ans d’étaler le financement du coût de leur formation à la conduite automobile sur plusieurs mois. Il s’agit d’un prêt accordé par les établissements bancaires partenaires pour lequel l’État prend en charge les frais financiers en payant directement les intérêts aux banques, l’intérêt étant calculé sur la base du taux de l’obligation assimilable du trésor (OAT) à 2 ans.

([9]) Après l’abolition par la loi du 31 août 1832 du marquage au fer rouge des personnes condamnées, la police scientifique s’est progressivement développée grâce à la création en 1882 du signalement anthropométrique et l’ouverture en 1910, à Lyon, d’un premier laboratoire de police scientifique.

([10]) Le protocole pour la modernisation des ressources humaines de la police nationale (2022 – 2027) a prévu un changement de termes : la « police technique et scientifique » devient ainsi « la police scientifique ».

([11]) Notamment au sein des laboratoires et des plateaux techniques.

([12]) Tels que le fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG).

([13]) Tels que le fichier national d’identification balistique et le système uniformisé des produits stupéfiants.

([14]) Les principaux domaines d’expertise concernent la biologie, les traces papillaires, les traces numériques, les incendies et explosifs, les documents et écritures, les stupéfiants, la physique – chimie, la balistique, l’odorologie et la toxicologie.

([15]) Réponse ministérielle du 2 mars 2021 à la question écrite n° 32605 posée par Christophe Blanchet.

([16]) Voir l’arrêté du 29 juin 2023 portant organisation de l’administration centrale de la DGPN.

([17]) Laboratoire référent en matière de terrorisme avec celui de Paris.

([18]) Dans le cadre de la réforme de la police nationale, ces délégations zonales deviendront des pôles zonaux de police scientifique placés sous l’autorité hiérarchique des six directeurs zonaux adjoints en charge de la police judiciaire (DZA-PJ) et du chef de la mission Outre-Mer. La délégation zonale de police scientifique d’Île-de-France restera placée sous l’autorité hiérarchique du chef du SNPS ; elle sera chargée du pilotage fonctionnel des structures de police scientifique dépendant de la préfecture de police de Paris et des départements de la « grande couronne ». Les pôles zonaux exerceront une autorité fonctionnelle sur l’ensemble des services de leur zone de compétence, à l’exception des laboratoires du SNPS.

([19]) La sous-direction de la criminalistique comprend le bureau de la scène d’infraction et de l’assistance opérationnelle, le bureau de la coordination scientifique, le bureau des plateaux nationaux et le laboratoire central de criminalistique numérique.

([20]) La sous-direction de la stratégie, de l’innovation et du pilotage comprend le bureau de la doctrine et de réglementation, le bureau de la coordination des services territoriaux, le bureau de l’innovation, le bureau santé, sécurité au travail, environnement, le bureau de l’évaluation de la performance et le bureau des relations internationales.

([21]) La sous-direction des systèmes d’information et de la biométrie comprend le bureau des fichiers biométriques (FAED et FNAEG) et le bureau des systèmes d’information et de communication.

([22]) S’agissant de la doctrine d’emploi, de la conduite de la politique des ressources humaines, de la formation, du budget centralisé, de la mise en œuvre des normes et accréditations, des relations internationales et de la recherche en matière de police scientifique.

([23]) En moyenne, chaque brigade de gendarmerie dispose de deux TIC-P.

([24]) La forensique désigne la méthode scientifique utilisée pour répondre à une question légale ou judiciaire.

([25]) Hors masse salariale (« titre 2 »), dépenses immobilières et dépenses liées aux véhicules.

([26]) Soit l’addition des budgets du SCPTS et de l’INPS.

([27]) 617 400 euros.

([28]) 1 238 846 euros.

([29]) 1,9 millions d’euros sont consacrés aux dépenses de fonctionnement et 800 000 euros sont alloués au titre de l’investissement.

([30]) Tous les agents assurant des missions de police scientifique ne dépendent pas hiérarchiquement du SNPS. En effet, une partie d’entre eux est affectée dans des services territoriaux de police scientifique qui relèvent de l’autorité hiérarchique de leur direction d’emploi, mais sont placés sous l’autorité fonctionnelle du SNPS.

([31]) Les personnels civils peuvent rejoindre l’IRCGN grâce au concours d’entrée dans le corps des ingénieurs des services techniques, ou celui des contrôleurs des services techniques. 

([32]) L’IRCGN recrute ainsi des officiers ou sous-officier ayant réussi les concours d’entrée au sein de la gendarmerie, mais également des officiers sous contrat.

([33]) En début de carrière, un ingénieur titulaire d’un doctorat ou d’un master 2 travaillant à l’IRCGN perçoit une rémunération d’environ 3 000 euros mensuels.

([34]) Le concours de technicien du premier grade est organisé par les zones de défense et de sécurité (ZDS). Proposant treize ou quatorze spécialités, les concours de technicien principal et d’ingénieurs sont nationaux.

([35]) Le volume des inscrits au concours externe de technicien principal est stable (832 en 2020, 981 en 2021, 755 en 2022), avec un nombre de postes ouverts très faible (12 en 2022).

([36]) Le concours externe de technicien connaît une perte d’attractivité (3 795 en 2021, 1 883 en 2022), mais présente un niveau de sélectivité encore satisfaisant avec 50 postes ouverts. Il a été instauré en 2021 en remplacement du concours d’ASPTS (catégorie C) qui fut très attractif durant deux décennies (4 000 candidats par an).

([37]) Le concours interne d’ingénieur connaît une légère hausse des inscriptions (87 en 2020, 118 en 2021, 148 en 2022), mais peu de postes sont offerts (9 en 2020, 3 en 2021, 10 en 2022). Les concours internes de technicien principal (201 candidats en 2020, 237 en 2021, 154 en 2022 ; 18 postes ouverts en 2020, 11 en 2021, 13 en 2022) et de technicien de premier grade connaissent plutôt une baisse des inscriptions (257 candidats en 2021, 157 en 2022 ; 40 postes ouverts en 2022). Les voies de promotions internes sont un peu moins courues, principalement du fait du refus de mobilité des personnels. De nombreux lauréats refusent les affectations proposées, car aucune ne correspond à leur souhait géographique.

([38]) Pour les seuls techniciens de premier grade et techniciens en chef.

([39]) La formation des TIC se déroule au moment où ces derniers sont affectés ou en instance d’affectation dans une unité intervenant dans le domaine de la criminalistique.

([40]) En 2023, 40 militaires ont été formés NTECH et 60 le seront en 2024.

([41]) L’essentiel des dossiers traités concernent la matière génétique (ADN).

([42]) Toise, chaise anthropométrique, table de signalisation, appareil photographique, borne de signalisation.

([43]) Appareil photographique numérique de type bridge, mallette de prélèvements de traces papillaires et biologiques.

([44]) Caméra thêta 360°, réactif sperm tracker spray, mallette d’odorologie, matériel balistique, logiciel de portrait-robot, etc.

([45]) Matériel photographique, enceinte de fumigation de cyanoacrylate, source lumineuse polychromatique.

([46]) Un spectromètre est un appareil de mesure permettant de décomposer une quantité observée — un faisceau lumineux en spectroscopie, ou bien un mélange de molécules par exemple en spectrométrie de masse — en ses éléments simples qui constituent son spectre.

([47]) Réaliser des prélèvements avec une pipette.

([48]) Prélèvements en biologie, révélations spéciales, incendie, explosion, conditionnements, mesures, moulages, traces latentes, micro-analyse, outillage, anthropologie-odontologie, secours, marquage.

([49]) Le SNPS ne dispose pas de ce type d’équipement.

([50]) Ce traitement sur site et en temps réel représente un gain de temps majeur en supprimant l’envoi des échantillons à un laboratoire fixe.

([51]) Soit le ratio entre le nombre de cambriolages et le nombre de déplacements réalisés par les personnels scientifiques.

([52]) Pour rappel, au 31 décembre 2022, le FAED comptait 6 561 408 individus inscrits dans la base et le FNAEG en dénombrait 3 902 741.

([53]) Les bornes T41.

([54]) Qui se rapporte aux dix doigts, et plus précisément aux dix empreintes digitales.

([55]) Le SNPS rappelle qu’il s’agit d’un taux calculé à partir des déplacements effectifs de policiers scientifiques sur la scène d’infraction. Il exclut donc les déplacements des équipes de police secours (policiers actifs) ou les contacts téléphoniques avec les policiers scientifiques pour déterminer avec la victime l’intérêt d’un déplacement de police scientifique. Dans plusieurs situations, ce déplacement est en effet inopportun, lorsque, par exemple, la victime a nettoyé son domicile avant l’arrivée des policiers, ce cas de figure étant devenu de plus en plus fréquent en raison du développement des pré-plaintes en ligne.

 

([56]) 13 770 suspects identifiés grâce au FAED et 36 815 suspects grâce au FNAEG.

([57]) Préparation d’échantillons, cuvettes, produits chimiques, etc.

([58]) Enceintes de fumigation, Recover, appareils photo, sources lumineuses.

([59]) Fondé en 1995 et établi à Wiesbaden, l’ENFSI regroupe 72 institutions réparties 39 États européens.

([60]) Notamment à Boutcha et Kharkiv.

([61]) Ou par les agents de police judiciaire, sous le contrôle des officiers de police judiciaire.

([62]) Système d’information Schengen.

([63]) Conseil constitutionnel, décision n° 2011-625 DC du 10 mars 2011.

([64]) Notamment la lutte contre la pédocriminalité.

([65]) Hyper-trucage de vidéos.