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N° 1781

______

 

ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2023.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2024,

 

 

TOME III

 

 

ENSEIGNEMENT SCOLAIRE

 

 

 

Par MM. Philippe FAIT et Christophe MARION,

 

Députés.

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1680, 1745 (annexe n° 24).


—  1  —

SOMMAIRE

___

Pages

avant-propos

première partie – analyse des crÉdits

I. le budget de l’enseignement scolaire poursuit sa hausse

II. programme 140 : enseignement scolaire public du premier degrÉ

III. programme 141 : enseignement scolaire public du second degrÉ

IV. programme 230 : vie de l’ÉlÈve

V. Programme 139 : enseignement privÉ du premier et du second degrÉs

VI. Programme 214 : soutien de la politique de l’Éducation nationale

VII. programme 143 : enseignement technique agricole

deuxième partie – améliorer le bien-être des élèves à l’école : une priorité nationale

I. le bien-être à l’école : une préoccupation croissante de l’éducation nationale

A. une notion multifactorielle, difficile à définir, mais pleinement nécessaire à l’épanouissement et à la réussite scolaire

1. Le bien-être en milieu scolaire est une notion difficile à définir et multifactorielle

2. Le bien-être ne dépend pas uniquement de l’école mais celle-ci doit contribuer à son amélioration

B. le constat alarmant de la dégradation du bien-être des élèves à l’école

1. Plusieurs études montrent une dégradation de la santé mentale des élèves, aggravée par la crise sanitaire

2. Les données relatives au bien-être des élèves demeurent encore trop partielles

C. Une prise en compte croissante du bien-être par l’éducation nationale

1. Le bien-être a longtemps été absent des préoccupations de l’Éducation nationale

2. Le sujet du bien-être est davantage pris en compte par les systèmes scolaires nationaux et internationaux

II. Deux axes clés pour améliorer le bien-être : la promotion de l’activité physique et la lutte contre le harcèlement

A. l’activité physique, outil d’amélioration du bien-être à l’école

1. L’activité physique participe au bien-être physique et psychique des élèves et à l’amélioration du climat scolaire

2. Des évolutions récentes commencent à porter leurs fruits

3. Plusieurs points requièrent une attention particulière

B. la lutte contre le harcèlement : une prise de conscience à concrétiser

1. Le harcèlement, dont les formes ont évolué, touche un nombre bien trop important d’élèves

2. Les premières mesures indispensables doivent être ajustées et prolongées

3. Les mesures du plan interministériel de lutte contre le harcèlement sont à préciser et leur application à accompagner

Travaux de la commission

I. AUDITION DU MINISTRE

II. EXAMEN DES CRÉDITS

1. Réunion du mardi 17 octobre 2023 à 21 heures 30

2. Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 15 heures

ANNEXE

Liste des personnes entendues par les rapporteurs pour avis

 


—  1  —

   avant-propos

 

Le budget de la mission Enseignement scolaire pour 2024 marque l’ambition forte du ministère de l’Éducation nationale : garantir à chacun la possibilité de s’instruire, mais aussi de s’épanouir à l’école. À cet égard, la circulaire de rentrée 2023 rappelle que l’école doit permettre à chaque élève d’acquérir les savoirs fondamentaux et de réussir dans ses apprentissages mais aussi de trouver sa place et d’être protégé dans son établissement scolaire.

Pour y parvenir, la mission Enseignement scolaire resterait dotée, en 2024, du premier budget de l’État : 86,94 milliards d’euros en autorisations d’engagement et 86,83 milliards d’euros en crédits de paiement, en hausse de 5,31 % et de 4,39 milliards d’euros. Cette hausse fait suite à celle d’environ 6 % en 2023. Depuis 2022, le budget du ministère de l’Éducation nationale a ainsi augmenté de 13,6 % et 7,6 milliards d’euros, soit une augmentation plus forte en deux ans que sur la période 2017-2022 (+ 6,7 milliards d’euros, soit + 13,2 %) ou sur la période 2012‑2017 (+ 4,5 milliards d’euros soit + 11 %).

Les rapporteurs pour avis se réjouissent de cette augmentation particulièrement importante qui, si elle tient pour partie à la poursuite en année pleine des mesures de revalorisation salariale déjà évoquées lors du dernier projet de loi de finances (PLF) et qui s’appliquent depuis la rentrée scolaire 2023 (à hauteur de 1,3 milliard d’euros pour la revalorisation « socle » et de près d’un milliard d’euros pour la revalorisation « pacte » notamment), traduit également les priorités fortes du ministère : garantir l’acquisition par tous des savoirs fondamentaux, poursuivre le renforcement de l’école inclusive, accompagner la réforme de la voie professionnelle ou encore lutter contre les inégalités territoriales. Les rapporteurs insistent néanmoins sur le caractère pluriannuel que la trajectoire haussière doit impérativement conserver, pour mener à bien l’ensemble des réformes engagées.

En complément de leur analyse des crédits de la mission Enseignement scolaire, les rapporteurs ont souhaité porter un regard approfondi sur ce qui, à leurs yeux, constitue la condition majeure de la réussite scolaire et personnelle des élèves : le bien-être à l’école. Si le bien-être des élèves est évidemment multifactoriel et ne dépend pas uniquement de l’école, cette dernière a sans conteste un rôle majeur à jouer pour le préserver voire l’améliorer. Deux dimensions fondamentales ont été étudiées de manière plus fine : l’activité physique à l’école d’une part, et la lutte contre le harcèlement d’autre part. Des mesures importantes ont été mises en œuvre ces dernières années, mais les auditions menées ont fait apparaître un certain nombre de difficultés, de points de vigilance ou de pistes d’évolution à envisager.

 

 

Au terme de leur analyse, les rapporteurs pour avis émettent un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances pour 2024.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date butoir pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues.

 


   première partie – analyse des crÉdits

I.   le budget de l’enseignement scolaire poursuit sa hausse

L’année 2023 avait été marquée par une augmentation inédite des crédits de la mission Enseignement scolaire (6,06 % en autorisations d’engagement et 5,82 % en crédits de paiement). Cette hausse résultait, pour l’essentiel, de mesures de revalorisation salariale. Elle traduisait également plusieurs priorités du Gouvernement, au premier rang desquelles le renforcement de l’école inclusive. Les rapporteurs, tout en saluant cet effort, avaient insisté sur l’importance de le placer dans une perspective pluriannuelle.

Le PLF pour 2024 devrait poursuivre cette trajectoire. Sur un périmètre inchangé, les six programmes de cette mission connaîtraient ensemble une hausse de 5,31 % en autorisations d’engagement (AE) et de 5,38 % en crédits de paiement (CP). Les autorisations d’engagement passeraient ainsi de 82,55 milliards d’euros à 86,94 milliards d’euros et les crédits de paiement de 82,40 milliards d’euros à 86,83 milliards d’euros (contributions aux pensions de l’État incluses en AE comme en CP).

Sur le seul périmètre couvert par le ministère de l’Éducation nationale (c’est-à-dire en dehors du programme 143, Enseignement technique agricole, qui relève du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire), les crédits consacrés à l’enseignement scolaire atteindraient 63,65 milliards d’euros hors contributions aux pensions de l’État (contre 59,74 milliards d’euros en loi de finances initiale pour 2023, soit une hausse de 3,9 milliards d’euros et 6,5 %) et 85,24 milliards d’euros en incluant celles-ci.

Le montant des crédits inscrits au titre des dépenses de personnel (titre 2) représente 57,16 milliards d’euros (hors CAS pensions), soit 91,1 % du total de la mission, en augmentation de 7,3 %.

À ces montants s’ajouteraient les crédits ouverts au titre de la mission Investir pour la France de 2030, parmi lesquels les 150 millions d’euros qui devraient être consacrés au fonds d’innovation pédagogique et permettre de financer des projets innovants, élaborés par les établissements scolaires eux-mêmes après concertation locale. 

 


RÉCAPITULATION DES CRÉDITS de la mission enseignement scolaire PAR PROGRAMME

(en millions d’euros)

Numéro et intitulé du programme

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

LFI 2023

PLF 2024

LFI 2023

PLF 2024

140 - Enseignement scolaire public du premier degré

25 667,16

26 842,96

25 667,16

26 842,16

141 - Enseignement scolaire public du second degré

36 455,92

38 424,61

36 455,92

38 424,61

230 - Vie de l’élève

7 453,21

7 971,02

7 453,21

7 941,02

139 - Enseignement privé du premier et du second degrés

8 466,11

9 035,31

8 468,11

9 035,31

214 - Soutien de la politique de l’éducation nationale

2 910,86

2 966,05

2 757,17

2 894,28

143 - Enseignement technique agricole

1 595,42

1 697,38

1 595,50

1 695,69

TOTAL Enseignement scolaire

82 550,69

86 937,33

82 397,08

86 833,85

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Enseignement scolaire.

 Les crédits supplémentaires de la mission Enseignement scolaire seraient principalement affectés à la revalorisation salariale des enseignants

La rentrée scolaire 2023 a été marquée par une amélioration de la situation relative au recrutement par rapport à l’année 2022.

Ainsi, dans le premier degré public, 84 % des postes ouverts au concours 2023 ont été pourvus (8 658 admis pour 9 885 postes ouverts), contre 78 % en 2022. De plus, 1 581 candidats étaient inscrits sur liste complémentaire, qui ont, pour la plupart, été appelés. Enfin, 370 postes ont été ouverts pour des concours internes exceptionnels dans les académies de Créteil (200 postes), Guyane (50 postes) et Versailles (120 postes) et 282 lauréats ont été admis ([1]). Dans le second degré public, 86 % des postes ouverts au concours 2023 ont été pourvus (11 755 admis pour 13 623 postes ouverts), contre 83 % en 2022. Les 220 candidats des listes complémentaires ont tous été appelés.

Ceci, combiné à la baisse de la démographie des élèves, permet aux taux d’encadrement des élèves de continuer à s’améliorer dans le premier degré (21,4 élèves par classe en moyenne) et de rester stables dans le second degré (1,363 heure par élève).

 

 

 

Résultats de la session 2023 des concours de l’enseignement public

 

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

Premier degré public

Postes ouverts

13 001

11 840

10 785

11 415

9 890

9 888

9 885

Candidats présents

33 984

33 678

33 202

34 074

30 792

18 197

23 253

Candidats admis

12 432

11 067

9 918

10 738

9 386

7 732

8 658

Taux de candidature

2,6

2,8

3,1

3,0

3,1

1,8

2,4

Taux de réussite (en %)

36,6 %

32,9 %

29,9 %

31,5 %

30,5 %

42,5 %

35,7 %

Taux de couverture (en %)

95,6 %

93,5 %

92,0 %

94,1 %

94,9 %

78,2 %

84,0 %

Second degré public

Postes ouverts

15 990

13 390

13 390

13 390

13 390

13 690

13 623

Candidats présents

67 281

64 612

62 959

59 084

60 301

47 911

49 239

Candidats admis

14 065

12 655

12 306

12 598

12 593

11 400

11 755

Taux de candidature

4,2

4,8

4,7

4,4

4,5

3,5

3,6

Taux de réussite (en %)

20,9 %

19,6 %

19,5 %

21,3 %

20,9 %

23,8 %

23,9 %

Taux de couverture (en %)

88,0 %

94,5 %

91,9 %

94,1 %

94,0 %

83,3 %

86,3 %

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

Pour autant, la situation demeure encore trop fragile, et tous les efforts doivent être consentis pour que les postes ouverts au concours soient pourvus.

Pour y contribuer – quand bien même les mesures salariales ne sauraient épuiser le sujet de l’attractivité de la profession – la revalorisation inédite et sans conditions, dite « socle », engagée à la rentrée scolaire 2023 serait prolongée par le PLF 2024, pour un total de près d’1,3 milliard d’euros. Cette revalorisation socle comprendrait :

 un relèvement des principales indemnités de fonction perçues par les personnels enseignants, conseillers principaux d’éducation (CPE) et psychologues de l’Éducation nationale (Psy-EN) : le montant de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves (ISAE), versée aux enseignants du premier degré, et de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE), attribuée aux enseignants du second degré, a ainsi été doublée à la rentrée 2023 pour atteindre 2 550 euros bruts par an. Les indemnités de fonction des CPE et des Psy-EN sont également revalorisées de 1 294 euros bruts annuels, soit le montant de la revalorisation de l’ISOE ;

– une revalorisation de la prime d’attractivité pour un montant compris entre 600 et 1 780 euros bruts annuels en fonction de l’ancienneté. Ainsi, tous les professeurs titulaires, CPE et Psy-EN commenceront désormais leur carrière avec une rémunération supérieure à 2 000 euros nets par mois. Pour les professeurs néo-titulaires, cette rémunération atteindra 2 102 euros nets (ou 2 466 euros nets en REP+) ([2]) ;

 des mesures visant à fluidifier la carrière de ces personnels, pour accélérer l’accès aux grades supérieurs, permettre aux professeurs de bénéficier d’une deuxième partie de carrière plus dynamique et, pour une partie d’entre eux, de terminer leur carrière à des indices plus élevés qu’auparavant. Ceci se traduit, notamment, par l’augmentation progressive des taux de promotion, qui représentent, dès 2023, 5 000 promotions supplémentaires. À partir de 2024, un taux de promus/promouvables devrait remplacer la règle du contingentement pour l’accès à la classe exceptionnelle, favorisant ainsi les promotions pour le plus grand nombre.

Par ailleurs, les agents bénéficieraient en 2024 de la hausse de la valeur du point d’indice effective depuis le 1er juillet 2023, ainsi que de l’octroi de 5 points d’indice majoré au 1er janvier 2024, au même titre que l’ensemble des agents de la fonction publique.

Ces mesures permettent aux enseignants en début de carrière de gagner, en 2023, 1,6 fois le salaire minimum dans le premier degré, et 1,8 fois le salaire minimum dans le second degré. Ils retrouvent ainsi, pour la première fois, un niveau proche de celui des années 2000. Ceci constitue une avancée à saluer, bien que les efforts de revalorisation doivent indéniablement être prolongés.

Évolution du salaire de départ des enseignants en fonction du SMIC

Source : dossier de presse du ministère de l’Éducation nationale

Au-delà de cette revalorisation « socle », la mise en œuvre du « pacte enseignant » permettra aux enseignants volontaires d’effectuer des missions complémentaires prévues par l’arrêté du 19 juillet 2023 ([3]). Les enseignants du premier degré peuvent ainsi se porter volontaires pour des missions pédagogiques (missions de soutien ou d’approfondissement en mathématiques ou en français en sixième ; intervention dans le dispositif « Devoirs faits » ; soutien renforcé sur les enseignements fondamentaux pour les élèves de primaire en difficulté ; participation aux dispositifs des stages de réussite) ou pour des missions liées au bon fonctionnement des écoles (prise en charge des projets d’innovation pédagogique ; appui à la prise en charge d’élèves à besoins particuliers). Les enseignants du second degré peuvent également effectuer des missions pédagogiques (remplacement de courte durée ; intervention dans le dispositif « Devoirs faits » ; intervention des professeurs d’enseignement professionnel en collège dans le cadre de la découverte des métiers) ou des missions liées au bon fonctionnement des établissements (prise en charge des projets d’innovation pédagogique ; appui à la prise en charge d’élèves à besoins particuliers ; encadrement du dispositif de découverte des métiers de la cinquième à la troisième).

Chaque mission est rémunérée sous la forme d’une part fonctionnelle de l’ISAE ou de l’ISOE dont le montant unitaire est de 1 250 euros bruts annuels. L’exercice de plusieurs missions ouvre droit au versement de plusieurs parts fonctionnelles : ainsi, les enseignants exerçant trois missions pourront bénéficier d’une rémunération supplémentaire de 3 750 euros bruts annuels. Cette rémunération bénéficiera des mesures de réduction de cotisations et d’exonération d’impôt sur le revenu déjà applicables aux heures supplémentaires et aux indemnités pour missions particulières dans le second degré.

D’après les réponses au questionnaire budgétaire adressé par les rapporteurs au ministère de l’Éducation nationale, « à ce stade du déploiement du dispositif, un enseignant sur quatre s’est déjà engagé dans le dispositif au 21 septembre 2023, dont un tiers au collège et en lycée professionnel. Un suivi de la mise en œuvre des parts fonctionnelles sera réalisé tout au long de l’année et un bilan sera établi en fin d’année scolaire 2023-2024. »

Le coût de cette mesure est estimé à 900 millions d’euros en année pleine.

 Les crédits de la mission Enseignement scolaire permettraient également de mettre en œuvre plusieurs priorités du ministère de l’Éducation nationale

Au-delà de la revalorisation des professions du ministère, qui absorbe plus de la moitié des crédits supplémentaires octroyés à la mission Enseignement scolaire, l’augmentation de ces crédits vise à permettre à l’Éducation nationale de mettre en œuvre plusieurs priorités qui constituent autant de défis à relever :

 l’amélioration de l’acquisition des savoirs fondamentaux : comme l’indique le ministère de l’Éducation nationale, le niveau des élèves a nettement reculé entre 1995 et 2018, rendant un « choc des savoirs » nécessaire. Plusieurs mesures sont engagées en ce sens, au travers de l’achèvement du dédoublement des classes de grande section de maternelle en éducation prioritaire, du déploiement des plans de formation français, mathématiques et maternelle, du développement de l’accueil dès 2 ans ou encore du financement des activités pédagogiques complémentaires. Ce « choc » se poursuivrait au collège, avec la généralisation du dispositif « Devoirs faits » pour accompagner les élèves de sixième, et au lycée, avec la réintégration des mathématiques dans le tronc commun de 1ère générale ;

– l’inclusion des élèves en situation de handicap : à la rentrée 2023, plus de 478 000 élèves en situation de handicap étaient inscrits en milieu scolaire ordinaire, accompagnés par plus de 130 000 AESH de manière individuelle ou mutualisée. Si ces chiffres sont en forte augmentation, un trop grand nombre d’enfants reste aujourd’hui encore sans solution. Pour y remédier, l’État poursuit la mise en œuvre de mesures engagées depuis plusieurs années déjà. Ainsi, 4 000 AESH supplémentaires ont été recrutés à la rentrée 2023 et 3 000 le seraient à la rentrée 2024. Pour renforcer l’attractivité de la profession, des mesures de revalorisation salariale seraient prolongées pour un montant de 240 millions d’euros en année pleine et plus d’un AESH sur deux bénéficierait d’un contrat à durée indéterminée. Enfin, un fonds de soutien à l’acquisition de matériel adapté serait également créé et doté de 25 millions d’euros ;

– la réforme de la voie professionnelle et l’amélioration de l’insertion professionnelle des élèves : l’un des objectifs principaux de l’Éducation nationale est celui de permettre aux élèves qui sortent du système scolaire de poursuivre des études supérieures ou de s’insérer dans le milieu professionnel. C’est l’un des grands enjeux de la réforme de la voie professionnelle, qui trouve une traduction budgétaire au sein du PLF pour 2024. Celui-ci financerait, en effet, le développement des bureaux des entreprises, des dispositifs « Tous droits ouverts » et « Ambition emploi », de l’enseignement en petits groupes et de la possibilité de choisir des enseignements optionnels, ainsi que la gratification des périodes de formation en milieu professionnel et la refonte de l’offre de formations. Au total, un milliard d’euros sera investi en 2024 pour soutenir cette réforme, portée par les ministères chargés de l’Éducation nationale, du Travail, de l’Agriculture, par le secrétariat d’État chargé de la mer et par le plan France 2030 ;

– la réduction des inégalités territoriales et l’amélioration de l’égalité des chances : ceci constitue également un axe fort du projet de loi de finances, qui permettrait le financement de plusieurs dispositifs essentiels, tels que les cordées de la réussite, les contrats locaux d’accompagnement ou encore les territoires éducatifs ruraux. La mise en œuvre de projets innovants portés par les établissements et élaborés à la suite de concertations locales, au travers du fonds d’innovation pédagogique, y contribuerait également, de même que le renforcement du pass Culture, qui permettrait à chaque collégien, quels que soient son milieu et son territoire d’origine, d’avoir accès à des actions d’éducation artistique et culturelle. 

Si ces démarches devront inévitablement être prolongées, dans une dynamique pluriannuelle réaffirmée, les rapporteurs saluent l’effort budgétaire qu’il est proposé de réaliser par le projet de loi de finances pour 2024.

II.   programme 140 : enseignement scolaire public du premier degrÉ

Le programme 140, Enseignement scolaire public du premier degré, est sous la responsabilité du directeur général de l’enseignement scolaire, bien que sa mise en œuvre soit fortement déconcentrée. Il poursuit deux objectifs : conduire tous les élèves à la maîtrise des connaissances et compétences du socle commun exigibles au terme de la scolarité primaire, et promouvoir un aménagement équilibré du territoire éducatif en optimisant les moyens alloués. L’enseignement public du premier degré concernait, en 2022-2023, 5,56 millions d’élèves, 353 766 enseignants et 43 568 écoles ([4]).

Par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023, les crédits du programme 140 augmenteraient de 4,58 %, passant de 25,67 milliards d’euros à 26,84 milliards d’euros en AE et en CP.

Les dépenses de personnel, qui représentent plus de 99 % des crédits du programme, augmenteraient de 4,53 %, passant de 25,61 milliards d’euros en LFI pour 2023 à 26,77 milliards d’euros dans le PLF pour 2024 (CAS compris). Cette variation s’expliquerait principalement par :

– les mesures catégorielles pour l’année 2024 (+ 824,4 millions d’euros, dont 626,9 millions d’euros au titre des revalorisations « socle » et « pacte » et 181,8 millions d’euros au titre des mesures du rendez-vous salarial 2023) ;

– l’effet en 2024 de la hausse de la valeur du point d’indice de juillet 2023 (+ 178,1 millions d’euros) ;

– le financement du glissement vieillesse-technicité solde (+ 307,6 millions d’euros).

Le schéma d’emplois du programme 140 connaît une baisse de 1 709 emplois à la rentrée 2024 qui tient compte de deux effets : un effet à la baisse, lié à l’évolution de la démographie des élèves (estimé à – 63 000 élèves à la rentrée 2024 par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance) et un effet à la hausse lié aux créations de postes au titre du dédoublement de classes en grande section en éducation prioritaire, au développement de l’accueil à 2 ans dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et au développement des dispositifs en lien avec l’école inclusive (notamment l’ouverture de places en unités localisées pour l’inclusion scolaire). Comme l’indiquent les réponses au questionnaire parlementaire, « le Gouvernement fait le choix de ne pas répercuter mécaniquement l’ensemble de cette baisse démographique sur l’emploi enseignant afin d’améliorer les conditions d’enseignement et mobiliser les moyens annoncés en faveur des politiques prioritaires ». De fait, alors que les effectifs d’élèves diminueraient de 1,13 %, les effectifs d’enseignants ne diminueraient que de 0,48 %.

Les crédits hors titre 2 augmenteraient de 24,70 %, passant de 55,15 millions d’euros en LFI pour 2023 à 68,77 millions d’euros dans le PLF pour 2024 (+ 13,62 millions d’euros en AE et en CP). Les principales variations porteraient sur l’inscription d’une enveloppe au titre du fonds d’innovation pédagogique (+ 10 millions d’euros) et l’augmentation des crédits pédagogiques afin de financer l’achat de manuels scolaires dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (+ 3 millions d’euros).

PROGRAMME 140 Enseignement scolaire public du premier degré
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en AE et CP) 2024 / 2023

Numéro et intitulé de l’action concernée

LFI 2023

(en millions d’euros)

PLF 2024

(en millions d’euros)

Variations constatées entre 2024 et 2023

01 – Enseignement préélémentaire

6 203,47

6 484,94

+ 4,54 %

02 – Enseignement élémentaire

12 608,46

13 184,62

+ 4,57 %

03 – Besoins éducatifs particuliers

2 157,35

2 255,25

+ 4,54 %

04 – Formation des personnels enseignants

952,48

992,72

+ 4,22 %

05 – Remplacement

2 115,90

2 211,91

+ 4,54 %

06 – Pilotage et encadrement pédagogique

1 519,35

1 588,37

+ 4,54 %

07 – Personnels en situations diverses

110,15

125,15

+ 13,62 %

Total

25 667,16

26 842,96

+ 4,58 %

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Enseignement scolaire.

 Le renforcement des savoirs fondamentaux  

Comme l’année passée, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit des moyens significatifs pour renforcer l’acquisition des savoirs fondamentaux aux classes stratégiques de l’école primaire. Comme l’indique le projet annuel de performances 2024 de la mission Enseignement scolaire, « les enquêtes nationales et internationales qui mesurent les acquis des élèves dans le premier degré montrent qu’en France près d’un élève sur cinq connaît des difficultés scolaires importantes à l’entrée au collège. Face à ce constat, la maîtrise des savoirs fondamentaux – lire, écrire, compter et respecter autrui – est un impératif qui mobilise pleinement le ministère. La priorité est donnée à la consolidation des apprentissages des élèves, ce qui implique d’identifier leurs besoins et d’y apporter une réponse personnalisée. »

Plusieurs mesures sont financées en ce sens.

L’action 1 Enseignement préélémentaire finance l’enseignement dans les écoles maternelles publiques. Les crédits qui y sont consacrés augmenteraient de 4,54 %, passant de 6,20 milliards d’euros en LFI pour 2023 à 6,48 milliards d’euros dans le PLF pour 2024 en AE et CP. Ceci fait suite à une précédente augmentation de 6 % entre 2022 et 2023.

L’action 2 Enseignement élémentaire assure le financement de l’enseignement élémentaire dans les écoles publiques, qui correspond aux cinq années allant du CP au CM2. Ses crédits augmenteraient de 4,57 %, passant de 12,61 milliards d’euros ouverts en LFI pour 2023 à 13,18 milliards d’euros dans le PLF pour 2024.

Parmi ces crédits, la quasi-totalité sont consacrés aux dépenses de personnel, et permettent, notamment, le financement du dédoublement et du plafonnement des effectifs des classes. Ce dédoublement, initié en 2017 pour les classes de CP de REP+, a été achevé pour l’ensemble des classes de CP et de CE1 en éducation prioritaire en 2022-2023. La mesure de dédoublement a été étendue aux classes de grande section de maternelle en éducation prioritaire à compter de la rentrée 2020, grâce à 5 203 emplois dédiés, dont 697 à la rentrée 2023, portant la part des classes de grande section dédoublées à 84 %. Le dédoublement des classes de grande section en éducation prioritaire devrait être achevé à la rentrée 2024 ([5]). Cette mesure a été complétée à compter de 2020 par la limitation des effectifs des classes de grande section de maternelle, CP et CE1 à 24 élèves hors éducation prioritaire, mesure aujourd’hui pleinement effective.

À cet égard, l’un des indicateurs associés au programme porte sur les écarts de taux d’encadrement à l’école primaire entre éducation prioritaire et hors éducation prioritaire. Cet indicateur vise à rendre compte de l’effort de compensation, en termes d’allègement des effectifs des classes, en direction des élèves scolarisés en éducation prioritaire afin que ceux-ci bénéficient de conditions d’enseignement améliorées. L’écart entre le nombre d’élèves en REP+ et hors éducation prioritaire s’établit à – 5,3 en 2022, celui entre REP et hors éducation prioritaire à – 4,9. Les cibles des écarts entre REP+ et hors REP+/REP devraient être atteintes et stabilisées à partir de 2023, respectivement à – 6 et – 5,9.

Témoignant de l’attention portée à l’acquisition des savoirs fondamentaux, les évaluations nationales se déploient et permettent de suivre de manière très fine les besoins des élèves. Ainsi, depuis la rentrée scolaire 2018, les acquis de tous les élèves de CP et de CE1 sont évalués dans le cadre d’une évaluation nationale au mois de septembre. Tous les élèves de CP font, par ailleurs, l’objet d’une évaluation repère supplémentaire à mi-parcours. À partir de septembre 2023, des évaluations en français et mathématiques permettront d’évaluer les élèves dès la rentrée de CM1 (cette mesure est financée par le programme 214, cf. infra). Les enseignants disposent ainsi d’une base fiable et précise pour mesurer l’état des connaissances et des compétences de chaque élève avant la fin de l’enseignement primaire et personnaliser leur enseignement en proposant des méthodes ou outils adaptés. Parmi ces outils figurent, notamment, celui des activités pédagogiques complémentaires (APC), mises en place en complément des 24 heures d’enseignement hebdomadaires obligatoires. Elles se déroulent en petits groupes et permettent, sous la conduite de l’enseignant et en fonction des besoins de chacun, d’apporter des aides directes aux apprentissages, des aides méthodologiques ou une participation à des activités variées inscrites au projet d’école. Depuis la rentrée scolaire 2018, l’heure hebdomadaire d’APC est plus spécifiquement consacrée à des activités de lecture et de compréhension.

Il peut également être noté que le programme 140 porterait, pour 3,1 millions d’euros de crédits d’intervention, une mesure destinée à acquérir des manuels scolaires pour en doter les élèves des classes de CP et CE1 des quartiers prioritaires de la ville. L’équipement se ferait de façon intégrale à la rentrée 2024 pour tous les niveaux et en une seule fois. Il est estimé que ces manuels auraient une durée de vie de 4 ans.

L’action 4 Formation des personnels enseignants permet de financer la formation initiale et continue des enseignants. Ses crédits augmenteraient de 4,22 %, passant de 952,48 millions d’euros à 992,72 millions d’euros. Ceci permettrait, notamment, de financer plusieurs plans de formation destinés à conforter l’apprentissage des savoirs fondamentaux à l’école primaire. Ainsi, les plans mathématiques (depuis 2018) et français (depuis 2020) ont pour objet de permettre à chaque enseignant du premier degré de bénéficier d’une formation renforcée de 5 jours en français et 5 jours en mathématiques au moins tous les six ans. La formation doit allier apports didactiques et pédagogiques et observation pratique au sein de la classe. L’ensemble des enseignants devra avoir été formé avant 2026. Près de 130 000 enseignants ont ainsi été formés dans chaque discipline depuis 2019, dont 44 000 en 2022-2023.

De la même manière, le plan maternelle, pleinement déployé à la rentrée 2023, est un plan de formation continue pluriannuel sur six ans consacré aux spécificités de l’école maternelle. Tous les enseignants de maternelle devront être formés et la priorité sera donnée aux contenus issus des cinq domaines du programme d’enseignement, en lien avec les connaissances actualisées issues de la recherche sur le développement de l’enfant. Un volet sera consacré à l’éducation physique et sportive, ainsi qu’un autre à la progressivité des apprentissages et à la continuité avec le cycle 2. Dans ce cadre, un plan de formation a également été élaboré à destination des cadres et des formateurs. À ce titre, l’ensemble des inspecteurs de l’éducation nationale (IEN) en charge du dossier maternelle (un par département) a bénéficié d’un plan de formation consacré aux enjeux du renforcement des compétences professionnelles (didactique, pédagogie, besoins et développement du jeune enfant).

Enfin, l’annonce par le Président de la République de la scolarisation dès 2 ans des enfants dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville est de nature à renforcer la préparation à la maîtrise des savoirs fondamentaux. Cette mesure pourrait concerner environ 12 400 enfants en 2023-2024.

 Le fonds d’innovation pédagogique

Le projet de loi de finances pour 2024 intègre au budget de la mission Enseignement scolaire une partie des crédits du fonds d’innovation pédagogique.

Ainsi, l’action 7 Personnels en situations diverses, qui finance traditionnellement les personnels bénéficiant de postes adaptés en raison de leur état de santé, verrait ses crédits augmenter de plus de 13 %, passant de 110,15 à 125,15 millions d’euros.

De fait, l’action serait abondée de 10 millions d’euros au titre du Fonds d’innovation pédagogique. Ces crédits devraient permettre aux établissements scolaires de bénéficier de financements pour mettre en œuvre un projet innovant s’inscrivant dans le cadre d’un projet pédagogique cohérent au service de la réussite des élèves, identifié par des concertations locales lancées dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) Éducation – Notre école, faisons-la ensemble –. Les crédits ouverts au PLF 2024 pourront être complétés par des crédits transférés de la mission « Investir pour la France 2030 », qui porte l’essentiel des crédits du fonds d’innovation pédagogique.

Au 31 août 2023, à la fin de la première année scolaire de déploiement du CNR Éducation, près de 20 000 intentions de concertations ont été signifiées par les écoles et les établissements, qui ont abouti à la validation de 3 093 projets par les instances académiques d’appui territorial. 98 % de ces projets sont mis en œuvre dans des écoles et établissements du secteur public, dont 24 % en éducation prioritaire. Près de 300 000 écoliers, plus de 435 000 collégiens, et plus d’un million d’élèves au total sont scolarisés dans des écoles et établissements dont les projets ont été validés. Parmi les trois axes proposés aux équipes pédagogiques (l’excellence et les savoirs fondamentaux, la réduction des inégalités et la promotion du bien-être), celui de l’excellence et des savoirs fondamentaux regroupe le plus grand nombre de projets.

Au 31 août 2023, les crédits alloués aux projets validés par les recteurs s’élèvent à 22,8 millions d’euros dans le premier degré public et à 23 millions d’euros dans le second degré public. En moyenne, un projet validé bénéficie d’un financement de 12 903 euros dans le premier degré et de 18 547 euros dans le second degré ([6]).

III.   programme 141 : enseignement scolaire public du second degrÉ

Le programme 141 Enseignement scolaire public du second degré est placé sous la responsabilité du directeur général de l’enseignement scolaire. Il finance l’enseignement scolaire public du second degré et poursuit trois objectifs : conduire le maximum de jeunes aux niveaux de compétences attendues en fin de formation initiale et à l’obtention des diplômes correspondants, favoriser la poursuite d’études ou l’insertion professionnelle des jeunes à l’issue de leur scolarité secondaire, et promouvoir un aménagement équilibré du territoire éducatif en optimisant les moyens alloués. En 2022-2023, on dénombrait 7 813 établissements publics locaux d’enseignement (EPLE), scolarisant 4,47 millions d’élèves et employant 308 133 enseignants ([7]).

Les moyens inscrits sur le programme 141 pour 2024 augmenteraient de 5,40 %, passant de 36,46 milliards d’euros en LFI pour 2023 à 38,42 milliards d’euros dans le PLF pour 2024, en AE et en CP.

Les dépenses de personnel, qui représentent l’essentiel des crédits du programme, augmenteraient de 4,48 %, passant de 36,31 à 37,96 milliards d’euros. Cette variation s’explique principalement par :

– les mesures catégorielles (+ 1 154,4 millions d’euros dont 864,48 millions d’euros au titre des revalorisations « socle » et « pacte ») ;

– le financement du glissement vieillesse-technicité solde (+ 264,7 millions d’euros) ;

– l’impact en 2024 de la hausse de la valeur du point d’indice fonction publique du 1er juillet 2023 (+ 255,7 millions d’euros).

Le schéma d’emplois connaîtrait une baisse de 484 emplois à la rentrée 2024, qui tient compte, à la baisse, de l’évolution de la démographie des élèves et, à la hausse, des créations de postes liées aux mesures nouvelles au titre du développement des savoirs et de l’école inclusive. Là encore, le Gouvernement fait le choix de ne pas répecuter mécaniquement l’ensemble de la baisse démographique sur l’emploi enseignant afin d’améliorer les conditions d’enseignement : alors que le nombre d’élèves diminuerait de 0,45 %, la réduction du nombre d’enseignants serait limitée à 0,16 %.

Le montant des crédits hors titre 2 augmenterait de 369 %, passant de 126,37 millions d’euros en LFI pour 2023 à 467,15 millions d’euros dans le PLF 2024 (+ 340,78 millions d’euros). Les principales variations portent sur la mise en place des gratifications de stage pour les lycéens de la voie professionnelle (+ 323 millions d’euros) ; l’inscription d’une enveloppe au titre du fonds d’innovation pédagogique (+ 11 millions d’euros) ; l’augmentation des crédits pédagogiques afin, notamment, de renforcer le lien entre les entreprises et les établissements scolaires du second degré (+ 10 millions d’euros).


PROGRAMME 141 Enseignement scolaire public du second degré
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en AE et CP) 2024 / 2023

Numéro et intitulé de l’action concernée

LFI 2023

(en millions d’euros)

PLF 2024

(en millions d’euros)

Variations constatées entre 2024 et 2023

01 – Enseignement en collège

12 874,54

13450,46

+ 4,47 %

02 – Enseignement général et technologique en lycée

8 072,70

8433,62

+ 4,47 %

03 – Enseignement professionnel sous statut scolaire

4 879,24

5430,08

+ 11,29 %

04 – Apprentissage

7,67

7,99

+ 4,11 %

05 – Enseignement post-baccalauréat en lycée

2 349,76

2454,80

+ 4,47 %

06 – Besoins éducatifs particuliers

1 415,38

1478,46

+ 4,46 %

07 – Aide à l’insertion professionnelle

59,87

62,39

+ 4,20 %

08 – Information et orientation

357,72

373,75

+ 4,48 %

09 – Formation continue des adultes et validation des acquis de l’expérience

138,98

144,24

+ 3,78 %

10 – Formation des personnels enseignants et d’orientation

740,32

768,65

+ 3,83 %

11 – Remplacement

1 604,62

1676,43

+ 4,48 %

12 – Pilotage, administration et encadrement pédagogique

3 851,41

4024,38

+ 4,49 %

13 – Personnels en situations diverses

103,72

119,36

+ 15,08 %

Total

36 455,92

38424,61

+ 5,40 %

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Enseignement scolaire.

● L’accompagnement des collégiens : la généralisation du dispositif « Devoirs faits »

L’action 1 Enseignement en collège concentre les crédits affectés à l’enseignement dans les collèges publics. Ses crédits augmenteraient de 4,47 %, passant de 12,87 milliards d’euros en LFI pour 2023 à 13,45 milliards d’euros dans le PLF 2024. Parmi ces crédits, les dépenses de personnel représenteraient 13,41 milliards d’euros, celles de fonctionnement 10,50 millions d’euros et celles d’intervention 26,96 millions d’euros.

Ces crédits permettront, notamment, d’accompagner la transformation du collège et de réduire les inégalités, en finançant la généralisation du dispositif « Devoirs faits ». Ce dispositif consiste en l’organisation d’un temps dédié, en dehors des heures de classe, pendant lequel le collégien peut trouver gratuitement l’aide nécessaire pour effectuer tout ou partie de ses devoirs et ainsi consolider ses acquis. Il mobilise plusieurs catégories d’acteurs (professeurs volontaires, assistants d’éducation, conseillers principaux d’éducation, volontaires du service civique, étudiants, associations).

« Devoirs faits » est devenu obligatoire pour tous les élèves de sixième à la rentrée 2023 et s’inscrit dans la continuité de l’accompagnement personnalisé et de l’heure hebdomadaire de soutien et d’approfondissement en mathématiques ou en français. Le volume horaire et les modalités d’organisation sont déterminés par le chef d’établissement en fonction du contexte et des besoins des élèves. Au cours de l’année scolaire 2022-2023, 32 % des collégiens bénéficiaient du dispositif (44,5 % des élèves de sixième), pour un taux horaire moyen national de 2h27 par élève et par semaine (2h35 en sixième).

La généralisation de ce dispositif sera financée par les parts fonctionnelles du « pacte enseignant » consacrées à « Devoirs faits » (une part correspondant à 24 heures annuelles) qui viendraient s’ajouter aux moyens existants, en heures supplémentaires principalement.

Il peut être noté que l’un des indicateurs associés au programme porte sur la proportion d’élèves maîtrisant, en fin de sixième, les principales composantes du domaine 1 du socle commun, « les langages pour penser et communiquer ». Alors que les taux observés étaient, en 2021, de 81,1 % pour ce qui concerne la langue française, et de 73,8 % pour ce qui concerne les langages mathématiques, scientifiques et informatiques, les cibles pour 2024 sont respectivement de 88 % et 79,3 %. La généralisation du dispositif « Devoirs faits » devrait contribuer à atteindre ces cibles.

Par ailleurs, la détection et l’accompagnement d’élèves en difficulté seront facilitées par la réalisation, depuis la rentrée 2023, d’évaluations nationales en mathématiques et en français en classe de 4ème, dans tous les établissements.

● La réforme du lycée professionnel

Les crédits de l’action 3 Enseignement professionnel sous statut scolaire augmenteraient de 11,29 %, en AE comme en CP pour atteindre un montant de 5,43 milliards d’euros dans le PLF 2024 (contre 4,89 milliards dans la LFI pour 2023). Cette hausse particulièrement importante résulte de la mise en œuvre de la réforme de la voie professionnelle.

Ainsi, depuis la rentrée 2023, en application du décret n° 2023-765 du 11 août 2023 relatif au versement d’une allocation en faveur des lycéens de la voie professionnelle dans le cadre de la valorisation des périodes de formation en milieu professionnel, les périodes de formation en milieu professionnel donnent lieu au versement par l’État d’une allocation aux élèves concernés. La direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) prévoit un effectif de 514 584 élèves pour l’année 2023-2024. La rémunération par semaine de stage varie selon le niveau de formation et est conditionnée à la présence effective de l’élève : 50 euros par semaine en première année de CAP ou en seconde de baccalauréat professionnel ; 75 euros en seconde année de CAP ou en première de baccalauréat professionnel ; 100 euros en classe de terminale. Les dépenses attendues en 2024 s’élèvent à 323 millions d’euros. Les allocations seront versées aux lycéens ou à leurs représentants légaux par l’Agence de service de paiement (ASP), dans le cadre de la convention établie entre l’ASP et le ministère de l’Éducation nationale.

En parallèle, des mesures sont mises en place pour accompagner les élèves les plus fragiles dans l’identification d’entreprises d’accueil : un « bureau des entreprises » a ainsi été installé au sein de chaque lycée professionnel et polyvalent à la rentrée 2023. En partenariat avec les acteurs économiques locaux, il articule et coordonne les actions liées à la recherche de stage, à l’accompagnement vers l’insertion professionnelle et la poursuite d’études, ainsi qu’à la découverte et la valorisation des métiers.

De manière plus large, la réforme aura également pour ambition de proposer des parcours plus attractifs et cohérents avec l’activité économique, et de rénover les référentiels des diplômes professionnels. À ce titre, l’offre de formation de spécialisation après le baccalauréat professionnel devrait être développée et de nouvelles mentions complémentaires créées, les lycées étant encouragés à ouvrir des formations complémentaires d’initiative locale en lien avec les besoins des entreprises de leur territoire. L’objectif est de faire passer de 4 500 à 20 000 le nombre de places en formation de spécialisation en Bac + 1 à la rentrée 2026.

Au total, un milliard d’euros devrait être investi chaque année à compter de 2024 pour transformer la voie professionnelle. Ces crédits sont répartis entre les ministères de l’Éducation nationale et de la jeunesse, du Travail, du plein emploi et de l’insertion, de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire, le secrétariat d’État chargé de la mer et le plan France 2030 ([8]).

 L’aide à l’insertion professionnelle

La lutte contre le décrochage scolaire et pour l’amélioration de l’insertion professionnelle est un des grands objectifs de la réforme de l’enseignement professionnel, qui trouve également sa traduction dans le PLF pour 2024.

Ainsi, l’action 7 Aide à l’insertion professionnelle verrait ses moyens augmenter de 4,20 %, ceux-ci passant de 59,87 à 62,39 millions d’euros. En effet, comme l’indique le projet annuel de performances, « en janvier 2021, six mois après leur sortie de formation, les diplômés du lycée professionnel ont un taux d’emploi de 38 % contre 29 % pour ceux qui n’ont pas obtenu le diplôme préparé soit un écart de 9 points, que l’on retrouve également un an après […]. Dans cette perspective, la lutte contre le décrochage scolaire constitue un enjeu primordial. » Entre 2019 et 2021, le taux national des jeunes de 16 ans et plus repérés par le système interministériel d’échanges d’information consacré au décrochage scolaire (SIEI) est passé de 5,5 % à 6,5 %. Cette tendance, si elle est visible dans tous les types d’établissement, est particulièrement sensible en lycée professionnel.

Pour y faire face, l’organisation et les actions qui visent à lutter contre le décrochage scolaire sont consolidées. Au sein du PLF 2024, l’action 7 financera notamment :

– pour 1,87 million d’euros de crédits d’intervention (auxquels s’ajoutent les crédits de personnel permettant de rémunérer 850,3 ETP pour 58,72 millions d’euros), les missions de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS). Ces missions participent au repérage des jeunes en risque ou en situation de décrochage scolaire dans les établissements scolaires, et aident à la mise en place de parcours aménagés en appui des équipes éducatives. Elles développent également une activité de conseil et d’expertise en ingénierie de formation auprès des équipes éducatives, dans les réseaux Formation Qualification Emploi (FOQUALE) et dans les plateformes de suivi et d’appui aux décrocheurs (PSAD). Les dispositifs de remédiation de la MLDS ont permis à 26 854 jeunes en rupture de parcours de renouer avec les apprentissages et de se réconcilier avec la formation. 68,7 % de ces jeunes poursuivent une formation ([9]) ;

– pour 1,8 million d’euros de crédits d’intervention, le dispositif des Ingénieurs pour l’école. Ce dispositif consiste à détacher de leur entreprise une cinquantaine d’ingénieurs et de cadres dans des établissements scolaires, à titre temporaire, afin qu’ils puissent mettre leur expérience professionnelle au service du système éducatif. L’objectif est de favoriser le rapprochement de l’école et de l’entreprise, de contribuer au renforcement des enseignements technologiques et professionnels et d’accroître les chances d’accès des jeunes à l’emploi.

L’action 7 financera également le dispositif « Tous droits ouverts », mis en œuvre depuis la rentrée 2023 après une expérimentation dans neuf académies. Ce dispositif permet à l’établissement de mobiliser l’ensemble des acteurs territoriaux (mission locale, école de la deuxième chance, centre de formation d’apprentis, etc.) pour aider l’élève en voie de décrochage à réinvestir un parcours de formation ou d’accès à la qualification et à l’insertion professionnelle. À l’issue de cette période, le lycéen peut décider d’intégrer l’une des structures qui l’a temporairement accueilli ou de réintégrer son lycée.

Enfin, elle financera le parcours « Ambition emploi », également mis en œuvre à la rentrée 2023. Pendant quatre mois maximum, les élèves volontaires sortant du lycée professionnel sans solution (insertion professionnelle ou poursuite d’études), diplômés ou non, pourront bénéficier d’un parcours personnalisé construit avec les missions locales (préparation d’examen, stages, immersions, appui à la recherche d’emploi ou de contrat d’apprentissage, etc.) tout en conservant leur statut de lycéen professionnel.

 La réduction des inégalités territoriales

Le projet de loi de finances porte également, de manière transversale au sein du programme 141, différents dispositifs de réduction des inégalités territoriales et d’accroissement de l’égalité des chances. Sont ainsi financés :

– les cordées de la réussite, pour 7,4 millions d’euros, un montant stable par rapport à 2023 (auxquels s’ajoute le versement d’indemnités pour mission particulière à hauteur de 4 millions d’euros, pour les enseignants nommés « référents cordée » au sein des établissements). Ces cordées ont pour objet de renforcer l’ambition scolaire et de soutenir la poursuite d’études dans l’enseignement supérieur, en offrant un accompagnement personnalisé des élèves du collège à la fin du lycée. Pour l’année scolaire 2022-2023, 954 cordées peuvent être dénombrées, ainsi que 3 567 établissements et 161 166 élèves encordés ([10]) ;  

– les territoires éducatifs ruraux (TER), pour 1,86 million d’euros, soit une augmentation de 0,92 million d’euros et 99 %, par rapport à la LFI 2023 (auxquels s’ajoutent 2,5 millions d’euros de crédits pédagogiques au sein du programme 140 Enseignement public du premier degré, et 1,2 million d’euros de crédits d’intervention pris en charge par le programme 230 Vie de l’élève). Comme l’indique le projet annuel de performances, « ce programme vise à renforcer les prises en charge pédagogiques et éducatives des enfants et des jeunes, avant, pendant, autour et après le cadre scolaire, en construisant des solutions appuyées sur une stratégie territoriale ambitieuse et partagée, accompagnée par le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse ». Le programme, qui était déployé dans 67 TER au sein de dix académies en 2022, l’est désormais dans 185 TER sur tout le territoire depuis la rentrée 2023 ;

– les contrats locaux d’accompagnement, pour 1,5 million d’euros, un montant stable par rapport à la LFI 2023 (auquel s’ajoutent 2 millions d’euros de crédits pédagogiques au sein du programme 140 Enseignement public du premier degré, et 1,6 million d’euros de crédits d’intervention pris en charge par le programme 230 Vie de l’élève). Ces contrats sont proposés depuis la rentrée 2021 aux établissements non intégrés à la carte de l’éducation prioritaire, mais dont les caractéristiques s’en rapprochent. Il s’agit de réduire les inégalités sociales et scolaires en prenant mieux en compte la diversité des territoires et en proposant des moyens gradués limitant les effets de seuil. Les académies d’Aix-Marseille, Lille et Nantes ont expérimenté ce dispositif à la rentrée 2021, avant d’être rejointes à la rentrée 2022 par les académies de Grenoble et de Reims. En 2023, onze académies supplémentaires ont intégré ce dispositif.

Il peut, enfin, être noté que l’action 13 Personnels en situations diverses porte, comme pour le programme 140, 11 millions d’euros de crédits destinés au fonds d’innovation pédagogique. Ses crédits augmentent ainsi de 15,08 %, passant de 103,72 à 119,36 millions d’euros.

IV.   programme 230 : vie de l’ÉlÈve

Le programme 230 Vie de l’élève est également sous la responsabilité du directeur général de l’enseignement scolaire. Il matérialise l’ambition de l’État de faire de l’école le lieu de la réussite et de l’épanouissement de tous les élèves et comprend notamment les crédits relatifs au développement de l’école inclusive, à la lutte contre les discriminations ou à l’amélioration du climat scolaire. Il poursuit deux objectifs : faire respecter l’école, améliorer le climat scolaire et favoriser l’apprentissage de la responsabilité et de la citoyenneté ; promouvoir la santé des élèves et contribuer à améliorer leur qualité de vie.

Par rapport à la LFI pour 2023, les crédits du programme 230 augmenteraient significativement, de 6,95 %, pour passer de 7,45 milliards d’euros à 7,97 milliards d’euros, en AE et en CP.

Les dépenses de personnel du programme (qui assurent la rémunération des accompagnants d’élèves en situation de handicap, assistants d’éducation, conseillers principaux d’éducation, personnels de médecine scolaire et assistants sociaux) augmenteraient de 26,90 %, passant de 3,67 milliards d’euros en LFI 2023 à 4,66 milliards d’euros dans le PLF pour 2024. Cette variation (CAS compris) s’explique principalement par :

– la poursuite en 2024 du passage sur des contrats de titre 2 des AESH et des mesures de CDIsation des assistants d’éducation (AED), pour un montant de 671,45 millions d’euros. En effet, dans un objectif de pilotage simplifié des moyens disponibles, la rémunération des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) – actuellement assurée par des EPLE eux-mêmes remboursés par les crédits d’intervention du programme 230 – sera intégralement basculée vers le titre 2 d’ici 2025. Cette bascule, qui a débuté en 2023, se poursuit en 2024, pour 12 575 ETP (4 192 ETPT). Les effectifs restants seront transférés en 2025. En outre, depuis la loi n° 2022-1574 du 16 décembre 2022 visant à lutter contre la précarité des accompagnants d’élèves en situation de handicap et des assistants d’éducation (AED), le ministère a la possibilité de CDIser les AESH à l’issue de trois ans de CDD et les AED à l’issue de six ans de CDD. Les agents contractant un CDI sont pris en charge sur le titre 2 ;

– le schéma d’emplois positif pour un montant de 127,36 millions d’euros : le schéma d’emploi positif de 3 000 ETP traduit la création de 3 000 emplois d’AESH à la rentrée 2024. Ceci fait suite à la création de 4 000 ETP d’AESH par an depuis la rentrée 2021 ;

– les mesures catégorielles pour 190,6 millions d’euros ;

– l’impact en 2024 de la hausse de la valeur du point d’indice de la fonction publique du 1er juillet 2023 (25,7 millions d’euros) ;

– le glissement vieillesse-technicité solde pour un montant de 19,1 millions d’euros.

Les crédits hors titre 2 diminueraient de 12,45 % (– 1,63 % pour les dépenses de fonctionnement et – 12,51 % pour les dépenses d’intervention), passant de 3,78 milliards d’euros en LFI pour 2023 à 3,32 milliards d’euros dans le PLF pour 2024. Cette variation s’explique pour l’essentiel par la poursuite de la bascule sur les crédits du titre 2 de la gestion des AESH (– 611 millions d’euros) ; la prise en compte des effets de la hausse du point d’indice et des autres mesures du rendez-vous salarial pour les AESH et les AED rémunérés hors titre 2 (+ 74 millions d’euros) ; l’extension aux classes de sixième et cinquième de la part collective du Pass culture (+ 6 millions d’euros) ; la création/réhabilitation de 3 000 places supplémentaires d’internat dans les territoires ruraux (+ 10 millions d’euros) ; l’augmentation de l’enveloppe destinée à la compensation des communes dans le cadre de la mise en place de la scolarisation obligatoire à 3 ans (+ 17 millions d’euros).

PROGRAMME 230 vie de l’élève
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en AE et CP) 2024 / 2023

Numéro et intitulé de l’action concernée

LFI 2023

(en millions d’euros)

PLF 2024

(en millions d’euros)

Variations constatées entre 2024 et 2023

01 – Vie scolaire et éducation à la responsabilité

3 002,35

3 099,70

+ 3,24 %

02 – Santé scolaire

588,69

589,67

+ 0,17 %

03 – Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap

2 555,33

2 949,73

+ 15,43 %

04 – Action sociale

1 003,39

992,15

- 1,12 %

05 – Politique de l’internat et établissements à la charge de l’État

86,41

126,89

+ 46,84 %

06 – Actions éducatives complémentaires aux enseignements

188,00

166,86

- 11,24 %

07 – Scolarisation à 3 ans

29,04

46,00

+ 58,39 %

Total

7 453,21

7 971,02

+ 6,95 %

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Enseignement scolaire.

 La poursuite de l’inclusion et de l’accompagnement des élèves en situation de handicap

L’inclusion des élèves en situation de handicap demeure, comme depuis de nombreuses années, une priorité du ministère de l’Éducation nationale. En témoigne la très forte augmentation des crédits associés prévue par le PLF 2023.

Depuis 2006, le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés en milieu ordinaire a quadruplé, passant de 118 000 à 478 000 élèves à la rentrée 2023. Entre 2022 et 2023, les effectifs ont crû de 9,6 %. Parmi les élèves accueillis en milieu scolaire, une majorité est scolarisée en classe ordinaire. 25 % relèvent d’une unité localisée pour l’inclusion scolaire (Ulis) ([11]).

Ainsi, l’action 3 Inclusion scolaire des élèves en situation de handicap finance l’accompagnement de ces élèves et l’adaptation de l’offre scolaire à leurs besoins. Les crédits de cette action présenteraient cette année encore une forte hausse. Celle-ci serait de 15,43 % (après une hausse de 11,38 % entre 2022 et 2023 et de 9,9 % entre 2021 et 2022) en AE et en CP, portant le total à 2,95 milliards d’euros. 

Les crédits de l’action 3 ont, pour l’essentiel, vocation à financer les dépenses de rémunération des AESH, à la fois en titre 2 et hors titre 2, selon la nature des contrats. Ainsi, cette action serait dotée de :

– 2,38 milliards d’euros de dépenses de personnel, en hausse de 70,29 % pour financer 72 116 ETP d’AESH, rémunérés directement par l’État (plus de 70 % des AESH en septembre 2023) ;  

– 536,23 millions d’euros de crédits d’intervention, en baisse de 53 % permettant de financer 15 171 AESH rémunérés hors titre 2 en moyenne annuelle en 2024 (contre 35 708 ETPT d’AESH rémunérés hors titre 2 en 2023).

Répartition des AESH en titre 2 et hors titre 2

 

LFI 2023

PLF 2024

AESH titre 2

47 127 ETPT

72 116 ETPT

AESH hors titre 2

35 708 ETPT

14 386 ETPT

Total

82 835 ETPT

86 502 ETPT

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Afin d’améliorer l’inclusion à l’école des élèves en situation de handicap, 3 000 ETP d’AESH seront créés à la rentrée 2024 (intégralement financés sur des crédits de titre 2), en sus des 4 000 ETP déjà créés en 2021, 2022 et 2023 et des 8 000 ETP créés en 2020. Au total, 86 502 ETPT d’AESH sont prévus à la rentrée scolaire 2024 afin de prendre en charge les élèves en situation de handicap. 

Augmentation du nombre d’AESH depuis 2017

 

2017

2018

2019

2020

2021

2022

2023

2024

ETPT

53 447

56 490

63 859

69 564

74 835

78 835

82 835

86 502

Personnes physiques

42 944

57 528

81 393

109 414

118 220

123 874

128 342

 

Source : réponses au questionnaire budgétaire

Pour renforcer l’attractivité de la profession et pourvoir tous les postes ouverts, des mesures de revalorisation salariale, effectives depuis la rentrée 2023, seraient prolongées pour un montant de 240 millions d’euros en année pleine, pour les AESH rémunérés sur le titre 2 comme les AESH rémunérés hors titre 2. Ces mesures incluent :

– le relèvement de la grille indiciaire, qui débute désormais à l’indice majoré 366, soit 5 points au-dessus de l’indice minimum de traitement de la fonction publique ; les indices des autres échelons sont rehaussés pour permettre une progression continue en fonction de l’expérience ;

– la création d’une indemnité de fonction d’un montant de 1 529 euros bruts annuels ;

– le relèvement de 10 % de l’indemnité de fonction des AESH référents qui apportent un appui méthodologique et un soutien spécifique aux AESH nouvellement nommés.

À cela s’ajoutent les mesures annoncées lors du rendez-vous salarial (augmentation du point d’indice, prime de pouvoir d’achat exceptionnelle, octroi de 5 points d’indice majoré à tous à compter du 1er janvier 2024). Au total, sous l’effet de ces différentes mesures entre juin 2023 et janvier 2024, la rémunération des AESH progresserait en moyenne de 13 % (entre 12 et 14 %) ([12]).

Par ailleurs, 4,23 millions d’euros seraient consacrés à la formation de 60 heures dont bénéficient les AESH pour se préparer à l’exercice de leurs fonctions et 1,57 million d’euros seraient destinés à prendre en charge leurs frais de déplacement, notamment lorsqu’ils exercent dans plusieurs établissements scolaires (contre 1,49 million d’euros en 2023 soit une augmentation de 5 %).

Cependant, au-delà des seules revalorisations salariales, un élément important de l’attractivité de la profession reste celui du temps de travail, un grand nombre d’AESH subissant encore des temps incomplets non choisis. À ce titre, le Gouvernement a engagé une réflexion et envisagé la refonte et le regroupement des fonctions des AESH et des assistants d’éducation en un nouveau métier d’accompagnant à la réussite éducative. Ceci permettrait aux AESH d’accéder plus facilement à un temps plein et d’être rattachés à un même établissement. Ils pourraient ainsi également assurer le suivi des enfants sur le temps scolaire et sur le temps périscolaire. Cette proposition n’est pas unanimement reçue par les syndicats. Les rapporteurs estiment que les échanges doivent se poursuivre – en y associant les collectivités territoriales pour achever de résoudre les questions liées à la prise en charge du temps périscolaire – afin de trouver une issue qui permettent de limiter les temps partiels subis et d’accroître l’attractivité du métier.   

C’est seulement en combinant ces différents éléments que la cible de 100 % de taux de couverture des prescriptions d’aide humaine en 2024, fixée par l’un des indicateurs associés au programme, pourra être atteinte. Le taux de couverture de ces prescriptions d’aide humaine des commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées était de 93 % en 2021 et de 91,8 % en 2020.

Les crédits de l’action 3 permettent également de financer :

– l’évolution progressive des pôles inclusifs d’accompagnement localisé (Pial), vers des pôles d’appui à la scolarité (PAS), à compter du 1er septembre 2024. Les Pial, créés par l’article 25 de la loi pour une école de la confiance, avaient pour ambition, de coordonner les moyens humains à l’échelle d’une circonscription, d’un EPLE ou d’un territoire déterminé, par une organisation collective de la gestion des besoins d’accompagnement des élèves qui devait permettre d’apporter de la souplesse dans l’organisation de l’accompagnement humain et d’accompagner au mieux les élèves vers l’autonomie. Leur mise en œuvre avait, cependant, fait l’objet de plusieurs contestations. L’article 53 du projet de loi de finances pour 2024 leur substitue les PAS, dont il précise les missions : l’accueil et l’accompagnement des élèves et de leurs familles, l’expertise de leurs besoins d’accompagnement pour proposer une réponse de premier niveau ainsi que l’accompagnement des familles dans les éventuelles demandes de compensation auprès des maisons départementales des personnes handicapées. Les PAS apporteraient également aux personnels des écoles et établissements de leur ressort un appui portant sur des ressources et pratiques pédagogiques, ainsi que sur la formation. Comme l’indique l’exposé des motifs de l’article, « 100 PAS seront créés dès la rentrée 2024, nécessitant le recrutement de 100 enseignants à temps plein, ayant des compétences renforcées sur la scolarisation des élèves à besoins particuliers. Cela représente un coût estimé de 3,8 millions d’euros en année pleine, porté par la mission Enseignement scolaire » ;

– la mise à disposition d’équipements ou de matériel pédagogiques. Dans le cadre des mesures actées par la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023, un fonds spécifique pour le soutien en matériel pédagogique adapté serait créé et doté de 25 millions d’euros en crédits de fonctionnement au sein du PLF 2024. 23,3 millions d’euros seraient consacrés au financement de matériels pédagogiques adaptés (ordinateurs, claviers braille, logiciels spécifiques, dictaphones, etc.), dont 11,37 millions d’euros pour le premier degré et 11,93 millions d’euros pour le second degré. 1,7 million d’euros serait consacré à l’accompagnement spécialisé des élèves en situation de handicap (interprétariat en langue française des signes, codage en langage parlé complété, aide au français écrit par un professionnel de la surdité ou encore aide technique au travail personnel) ;

– la poursuite de l’externalisation des unités d’enseignement des établissements médico-sociaux au sein des établissements scolaires. Plus de 300 nouvelles unités ont ouvert à la rentrée scolaire 2023 ;

– la poursuite de la création d’Ulis, avec l’objectif de déployer une Ulis dans chaque collège d’ici 2027. Il peut être rappelé que 304 nouveaux dispositifs Ulis ont été créés à la rentrée 2023 (80 dans le premier degré, 224 dans le second degré), portant leur nombre à 10 468 (5 307 dans le premier degré et 5 161 dans le second degré). L’effort de création global d’Ulis dans le second degré découle de l’augmentation du nombre d’élèves en situation de handicap et de leur progression dans le système scolaire.

Au total, ce sont plus de 4,46s milliards d’euros qui seraient consacrés à l’école inclusive par le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, contre 3,86 milliards d’euros en 2023.

Crédits consacrés à l’école inclusive par le ministère de l’Éducation nationale

PERSONNELS

 

 

PLF2024

 

 

 

Montant

AESH T2

 

 

2 382,71

AESH HT2

 

 

536,23

TOTAL Accompagnement élèves handicapés

2 918,94

 

 

 

 

ULIS école

 

 

362,76

ULIS lycée / collège

 

340,04

Enseignants référents

 

150,29

Autres postes MEN

 

 

183,66

Etablissements et services médico-sociaux (ESMSS)

326,79

Etablissements de santé

 

61,54

Unités d’enseignement externalisées

 

91,24

TOTAL Enseignants spécialisés

 

1 516,32

 

 

 

 

DISPOSITIFS ANNEXES

 

 

 

 

 

 

Matériels adaptés et accompagnement spécialisé

25,00

Formation des AESH

 

4,23

Déplacement  des AESH

 

1,57

TOTAL Autres dispositifs

 

30,79

 

 

 

 

TOTAL

 

 

4 466,05

Source : réponses au questionnaire budgétaire

 Les internats d’excellence

L’action 5 Politique de l’internat et établissements à la charge de l’État finance les internats d’excellence ainsi que les établissements à la charge de l’État (établissements d’Andorre, établissements du second degré de Mayotte, Saint-Pierre-et-Miquelon et Wallis et Futuna). Les crédits de cette action augmenteraient de manière très significative, de 40,48 millions d’euros, soit 46,84 % (passant de 86,41 millions d’euros à 126,89 millions d’euros) en autorisations d’engagement. En crédits de paiement, la hausse serait de 10,48 millions d’euros, soit 12,13 %, ces crédits passant de 86,41 à 96,89 millions d’euros.

Comme l’indique le projet annuel de performances, « les internats d’excellence s’adressent par priorité aux élèves défavorisés, scolarisés en éducation prioritaire, résidant dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ou dans des territoires ruraux éloignés et doivent proposer un projet éducatif renforcé offrant un cadre optimal pour les apprentissages, qui ouvre les adolescents à la culture, au sport, à la nature et, de façon plus générale, à des opportunités auxquelles les élèves parmi les plus défavorisés n’ont pas toujours accès ».

La hausse des crédits permettra de financer le déploiement de nouveaux internats d’excellence, intégrés au plan « France Ruralités » annoncé le 15 juin 2023 par la Première ministre, pour répondre de manière adaptée aux besoins des territoires ruraux. Ainsi, 3 000 places supplémentaires en internats d’excellence « ruraux » seront labellisées à l’horizon 2026. Elles s’ajouteront aux 36 000 places actuellement disponibles dans ces territoires, dont plus de 8 000 sont déjà labélisées « internat d’excellence ». L’ouverture de crédits de 40 millions d’euros en AE (sur trois ans) et 10 millions en CP en 2024 permettrait de soutenir l’investissement des collectivités territoriales dans la création, l’extension ou la réhabilitation des internats d’excellence situés dans ces territoires.

 La poursuite des actions éducatives complémentaires

L’action 6 Actions éducatives complémentaires aux enseignements finance des opérations ou actions menées à l’échelle locale, académique ou nationale, à l’initiative des enseignants et des équipes éducatives dans le cadre du projet d’école ou d’établissement. Les crédits de cette action, essentiellement des crédits d’intervention, diminueraient de 21 millions d’euros, soit 11,24 %, passant de 188,00 millions d’euros à 166,86 millions d’euros.

Cette diminution s’explique par l’extinction progressive du fonds de soutien aux activités périscolaires (FSDAP), déjà engagée l’an dernier, et que l’article 54 du PLF pour 2024 acte pour la rentrée 2024 : celui-ci abroge en effet l’article 67 de la loi n° 2013-595 du 8 juillet 2013 d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République, qui créait le FSDAP, à compter du 1er septembre 2024 ([13]).

 

En revanche, l’ensemble des actions éducatives complémentaires sont prolongées voire renforcées :

– le dispositif « Devoirs faits » financé à hauteur de 6,5 millions d’euros (comme en 2023) pour la rémunération des associations locales qui l’encadrent. De fait, si l’encadrement par des enseignants est privilégié, de nombreuses associations nationales ou locales, qui contribuent d’ores et déjà à l’aide aux devoirs dans le cadre de l’accompagnement éducatif, ont manifesté leur volonté de participer activement au dispositif, selon des modalités variables selon les territoires, leur expérience dans ce domaine et le type d’intervenants qu’elles mobilisent. Elles le font en s’inscrivant dans le projet défini par l’établissement et dans un cadre juridique formalisé par une convention ;

– les vacances apprenantes et le dispositif « École ouverte », pour 19,9 millions d’euros (comme en 2023). L’opération « École ouverte » permet d’accueillir les élèves à l’école pendant les vacances scolaires ainsi que les mercredis et samedis au cours de l’année scolaire. Des activités éducatives, scolaires, culturelles, sportives et de loisirs sont ainsi proposées aux élèves. Le dispositif des « Vacances apprenantes » est étendu depuis 2020 à tous les élèves scolarisés du CP à la terminale et à tous les territoires. S’inscrivant dans le dispositif des vacances apprenantes, les « colos apprenantes » associent renforcement des apprentissages et activités de loisirs autour de la culture, du sport ou encore du développement durable. Une aide de l’État pouvant atteindre 100 % du coût du séjour (plafonnée à 500 euros par mineur et par semaine) est versée aux collectivités partenaires pour permettre aux enfants et jeunes de partir dans ces séjours labellisés. Ce dispositif gagnerait à être mieux identifié et rendu plus visible, tant au plan budgétaire qu’en termes de communication auprès des familles qui pourraient en bénéficier ;

– le dispositif « Ouvrir l’école aux parents », pour 2 millions d’euros (comme en 2023). Ce dispositif a pour objet d’aider les parents allophones dans la prise en charge de la scolarité de leurs enfants ;

– le pass Culture, pour 57 millions d’euros (contre 51 millions d’euros en 2023). Ce pass permet une sensibilisation progressive et accompagnée de l’élève à la culture, propice au développement de son autonomie jusqu’à sa majorité. La partie collective du pass Culture scolaire permet aux professeurs de financer des activités d’éducation artistique et culturelle pour leurs classes. Cette part, qui concernait les élèves de la 4ème à la terminale lors de sa mise en œuvre en 2022, est étendue aux élèves de sixième et cinquième depuis la rentrée scolaire 2023. Son montant varie de 20 à 30 euros par an et par élève. 83 % des collèges et lycées avaient réservé au moins une action sur la part collective du pass Culture au cours de l’année scolaire 2022-2023, essentiellement pour des spectacles et représentations (33 %), du cinéma (22 %) ou des pratiques artistiques (13 %). Les crédits correspondant à la part individuelle du pass Culture (pour un montant compris entre 20 et 30 euros par an et par élève de lycée) sont inscrits au budget du ministère de la Culture.

V.   Programme 139 : enseignement privÉ du premier et du second degrÉs

Le programme 139 Enseignement privé du premier et du second degrés finance les dépenses relatives à l’enseignement privé sous contrat, sous la responsabilité de la direction des affaires financières du ministère de l’Éducation nationale. À la rentrée 2022, environ 17 % des élèves sont scolarisés dans l’enseignement privé sous contrat, soit un peu plus de 2,1 millions d’élèves (13 % des élèves du premier degré et 21 % des élèves du second degré), au sein de 4 652 écoles et 2 874 établissements du second degré sous contrat ([14]). Le programme poursuit quatre objectifs, qui recoupent ceux de l’enseignement public : conduire tous les élèves à la maîtrise des connaissances et compétences du socle commun au terme de la scolarité primaire ; conduire le maximum de jeunes aux niveaux de compétences attendues en fin de formation initiale et à l’obtention des diplômes correspondants ; favoriser la poursuite d’études ou l’insertion professionnelle des jeunes à l’issue de leur scolarité secondaire ; répondre aux besoins éducatifs de tous les élèves sur l’ensemble du territoire.

Les moyens inscrits pour 2024 sur le programme 139 augmenteraient de 6,70 %, passant de 8,47 milliards d’euros en LFI pour 2023 à 9,04 milliards d’euros dans le PLF pour 2024.

Le financement par l’État obéit au principe de parité avec l’enseignement public, en application du dispositif législatif et réglementaire fixé par le code de l’éducation. Aussi, l’État prend en charge :

– la rémunération de 142 900 personnes physiques (hors Mayotte) dans les classes sous contrat simple ou d’association, ainsi que les charges sociales et fiscales de l’employeur. Il s’agit essentiellement des enseignants et personnels de direction, les inspecteurs de l’éducation nationale travaillant dans les établissements privés étant rémunérés par les programmes 140 et 141 et les AESH par le programme 230 ;

– les dépenses de formation continue des enseignants ;

– certaines dépenses de fonctionnement : dépenses pédagogiques, forfait d’externat ;

 des aides directes aux élèves (bourses de collège et de lycée, fonds sociaux).

Le schéma d’emplois connaîtrait une baisse de 500 emplois à la rentrée 2024 qui tient compte à la fois à l’évolution à la baisse de la démographie des élèves et des créations de postes liées aux mesures nouvelles au titre du développement des savoirs, à l’accueil à 2 ans dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville et aux dispositifs en lien avec l’école inclusive. La répartition du schéma d’emplois entre le premier degré (– 404) et le second degré (– 96) est indicative, le programme 139 étant commun aux deux degrés d’enseignement. Le projet annuel de performances indique que cette répartition sera ajustée en fonction des besoins.

Le montant des crédits hors titre 2 augmenterait de 8,44 %, pour atteindre 901,77 millions d’euros, soit une hausse de 70 millions par rapport à la LFI pour 2023. Les principales variations porteraient sur la mise en place des gratifications de stage pour les lycéens de la voie professionnelle (+ 77 millions d’euros) ; l’inscription d’une enveloppe au titre du fonds d’innovation pédagogique (+ 4 millions d’euros) ; l’ajustement des enveloppes consacrées aux bourses sur critères sociaux et au forfait d’externat du fait de la baisse démographique (– 11 millions d’euros).

PROGRAMME 139 Enseignement privé du premier et du second degrés
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en AE et CP) 2024 / 2023

Numéro et intitulé de l’action concernée

LFI 2023

(en millions d’euros)

PLF 2024

(en millions d’euros)

Variations constatées entre 2024 et 2023

01 – Enseignement pré-élémentaire

577,08

614,63

+ 6,51 %

02 – Enseignement élémentaire

1 533,56

1633,36

+ 6,51 %

03 – Enseignement en collège

2 162,23

2302,95

+ 6,51 %

04 – Enseignement général et technologique en lycée

1 441,09

1534,88

+ 6,51 %

05 – Enseignement professionnel sous statut scolaire

872,08

1005,83

+ 15,34 %

06 – Enseignement post-baccalauréat en lycée

293,13

312,21

+ 6,51 %

07 – Dispositifs spécifiques de scolarisation

189,11

201,42

+ 6,51 %

08 – Actions sociales en faveur des élèves

86,15

81,24

– 5,71 %

09 – Fonctionnement des établissements

701,20

698,99

- 0,32 %

10 – Formation initiale et continue des enseignants

162,68

170,81

+ 5,00 %

11 – Remplacement

215,20

229,20

+ 6,51 %

12 – Soutien

234,60

249,79

+ 6,48 %

Total

8 466,13

9035,31

+ 6,70 %

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Enseignement scolaire.

 Des évolutions comparables avec celles de l’enseignement public

En application du principe de parité, les principales actions du programme Enseignement privé du premier et du second degrés sont comparables à celles de l’enseignement public du premier et du second degré.

Ainsi, l’action 1 Enseignement préélémentaire finance les salaires des enseignants des écoles maternelles privées sous contrat d’association avec l’État. Elle affiche une progression de 6,51 % de ses crédits, qui passeraient de 577,08 à 614,63 millions d’euros en AE et en CP. Ces dépenses sont exclusivement des dépenses de personnel.

L’action 2 Enseignement élémentaire assure le financement des salaires des enseignants des écoles élémentaires privées sous contrat d’association avec l’État. Elle finance également les décharges dont bénéficient les directeurs d’école. Ses crédits progresseraient de 6,51 %, passant de 1,53 à 1,63 milliard d’euros en AE et en CP.  

Ces hausses s’expliquent par les mesures de revalorisation salariale, qui bénéficient également aux enseignants du privé. Les crédits de ces actions permettent aussi de financer, comme dans l’enseignement public, les dispositifs tels que les activités pédagogiques complémentaires.

L’action 3 Enseignement en collège finance les salaires des enseignants des collèges privés sous contrat d’association avec l’État. Ses crédits progresseraient de 6,51 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, passant de 2,16 à 2,30 milliards d’euros, exclusivement en dépenses de personnel, pour 725 000 élèves et 45 769 enseignants à la rentrée 2023 ([15]). Ceci permettra de financer, notamment, la généralisation du dispositif « Devoirs faits » rendu obligatoire également dans les établissements privés, ainsi que le développement des compétences numériques au travers du déploiement de « Pix sixième » à l’ensemble des collèges.

Enfin, l’action 5 Enseignement professionnel sous statut scolaire finance l’enseignement professionnel au sein des établissements d’enseignement privé. Ses crédits augmenteraient de 15,34 %, passant de 872,08 millions d’euros à 1,01 milliard d’euros en AE et en CP. De fait, les établissements d’enseignement professionnel privés seront tenus, tout comme les établissements publics, d’attribuer aux élèves de la seconde à la terminale une allocation durant leurs périodes de formation en milieu professionnel, d’un montant de 50 à 100 euros par semaine selon leur niveau de formation. En 2024, le montant prévisionnel de la subvention qui sera versée à l’ASP pour les élèves scolarisés dans l’enseignement privé sous contrat est estimé à 77 millions d’euros. Un bureau des entreprises devra également être installé au sein de chaque lycée professionnel afin de renforcer le lien école-entreprise et d’améliorer l’insertion des jeunes. Enfin, les dispositifs d’insertion et de lutte contre le décrochage, « Ambition emploi » et « Tous droits ouverts » sont également mis en place à la rentrée 2023 dans les établissements d’enseignement privé. Comme dans l’enseignement public, des moyens supplémentaires alloués dans le cadre du « pacte enseignant – voie professionnelle » permettront la mise en place de cette réforme.

 La diminution du forfait d’externat et des crédits pédagogiques

Les crédits de l’action 9 Fonctionnement des établissements, qui regroupe les crédits destinés au fonctionnement des établissements privés sous contrat (forfait d’externat, crédits pédagogiques, fonctionnement des écoles de Wallis et Futuna et des établissements de la Polynésie française), diminueraient très légèrement de 0,32 %, en passant de 701,20 à 698,99 millions d’euros en AE et CP.

Les crédits alloués au forfait d’externat diminueraient de 0,9 %, de 692,03 millions d’euros à 686,21 millions d’euros. Selon le projet annuel de performances, « cette baisse tient compte, d’une part, de la baisse prévisionnelle des effectifs d’élèves à la rentrée scolaire 2023-2024 (– 0,46 %), de l’évolution de leur répartition entre les diverses formations et de la revalorisation des taux au regard des variations de rémunération et des taux d’encadrement des personnels non enseignants et, d’autre part, de l’impact de la revalorisation intervenue en 2023 du montant de la contribution de l’État aux dépenses de fonctionnement des classes des établissements du second degré sous contrat d’association au titre de l’année scolaire 2022-2023 ».

Les crédits pédagogiques alloués à l’enseignement privé diminueraient de 8,9 %, passant de 4,41 millions d’euros en 2023 à 4,02 millions d’euros en 2024. Ils financeraient des actions culturelles, l’achat de manuels destinés aux élèves des collèges ou encore l’achat de documents pédagogiques destinés aux élèves des lycées professionnels. Ils financeraient également pour 283 854 euros, l’expérimentation des « contrats locaux d’accompagnement » (CLA) qui assure, comme dans l’enseignement public, une meilleure prise en compte des besoins des établissements socialement proches de l’éducation prioritaire. En revanche, ils ne financeraient plus les TER (pour 392 000 euros en 2023), dont les crédits sont rapprochés de ceux des programmes 140 et 141.

Il peut, enfin, être noté que les crédits de cette action financeraient l’accompagnement financier apporté par le fonds d’innovation pédagogique pour soutenir, de la même manière que dans l’enseignement public, les projets pédagogiques visant à améliorer la réussite et le bien-être des élèves et à réduire les inégalités scolaires présentés par les établissements d’enseignement privé sous contrat dans le cadre du CNR. En effet, la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023 a prévu que, par dérogation au code de l’éducation et au plus tard jusqu’au 31 décembre 2026, l’État puisse participer au financement des dépenses générées par les projets pédagogiques présentés par les établissements du premier degré de l’enseignement privé sous contrat. Les projets pédagogiques doivent être présentés dans le cadre du CNR et validés par la commission d’examen académique. Les montants alloués au fonds d’innovation pédagogique s’élèvent à 4 millions d’euros.


VI.   Programme 214 : soutien de la politique de l’Éducation nationale

Le programme 214 Soutien de la politique de l’éducation nationale regroupe les crédits nécessaires aux ressources et fonctions support du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse et du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche. Il poursuit trois objectifs : réussir la programmation et la gestion des grands rendez-vous de l’année scolaire (notamment la rentrée scolaire et les examens) ; améliorer la qualité et la gestion des ressources humaines ; optimiser les moyens des fonctions support.

Par rapport à la LFI pour 2023, les crédits du programme 214 augmenteraient de 1,90 % en AE (passant de 2,91 à 2,96 milliards d’euros) et de 4,97 % en CP (passant de 2,76 à 2,89 milliards d’euros).

Le montant des dépenses de personnel de ce programme augmenterait de 6,35 %, pour atteindre 2,03 milliards d’euros. Le programme 214 rémunère en effet 26 203 ETP, soit 2 % des effectifs globaux de la mission Enseignement scolaire. Cette hausse s’expliquerait notamment par les effets en 2024 de la hausse du point d’indice de la fonction publique intervenue en 2023 (+ 11,4 millions d’euros), le glissement vieillesse‑technicité (+ 8,3 millions d’euros), les mesures catégorielles (+ 34,1 millions d’euros) et les effets des autres mesures individuelles annoncées lors du rendez-vous salarial (+ 16,8 millions d’euros).

S’agissant des crédits hors titre 2, les moyens en autorisations d’engagement seraient en baisse de 6,6 % (– 66 millions d’euros dont – 18 millions d’euros pour les dépenses de fonctionnement, – 49 millions d’euros pour les dépenses d’investissement et + 0,7 million d’euros pour les dépenses d’intervention). En revanche, les moyens en crédits de paiement augmenteraient de 1,78 % (+ 15,9 millions d’euros dont + 12,2 millions d’euros pour les dépenses de fonctionnement, + 7,3 millions d’euros pour les dépenses d’investissement et – 3,6 millions d’euros pour les dépenses d’intervention). Cette variation s’expliquerait notamment par la poursuite d’opérations déjà engagées, ayant fait l’objet d’autorisations d’engagement importantes au cours des années précédentes, conformément aux programmations pluriannuelles dont font l’objet les dépenses d’immobilier ou les grands projets informatiques. L’augmentation des crédits de paiement permettra de financer l’augmentation de la dotation informatique du ministère afin de renforcer les systèmes d’information, améliorer la sécurité des installations et poursuivre le déploiement des grands projets informatiques (+ 10 millions d’euros) ainsi que la hausse des subventions pour charges de service public aux opérateurs de l’enseignement scolaire afin, notamment, de prendre en charge les mesures du rendez-vous salarial de l’été 2023 (+ 7 millions d’euros).

PROGRAMME 214 soutien de la politique de l’éducation nationale
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en CP) 2024/2023

Numéro et intitulé de l’action concernée

LFI 2023

(en millions d’euros)

PLF 2024

(en millions d’euros)

Variations constatées entre 2024 et 2023

01 – Pilotage et mise en œuvre des politiques éducatives

463,53

492,96

+ 6,35 %

02 – Évaluation et contrôle

87,97

93,25

+ 6,00 %

03 – Communication

15,03

15,68

+ 4,31 %

04 – Expertise juridique

17,67

18,41

+ 4,20 %

05 – Action internationale

12,33

13,09

+ 6,22 %

06 – Politique des ressources humaines

785,24

824,88

+ 5,05 %

07 – Établissements d’appui de la politique éducative

154,07

161,09

+ 4,55 %

08 – Logistique, système d’information, immobilier

797,68

(942,68 en AE)

826,11

(889,17 en AE)

+ 3,56 %

(– 5,68 % en AE)

09 – Certification

213,50

225,54

+ 5,64 %

10 – Transports scolaires

3,32

3,32

11 – Pilotage et mise en œuvre des politiques du sport, de la jeunesse, de l’éducation populaire et de la vie associative

206,82

219,95

+ 6,35 %

Total

2 757,17

(2 910,86 en AE)

2 894,28

(2 966,05 en AE)

+ 4,97 %

(+ 1,90  % en AE)

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Enseignement scolaire.

● Le développement des évaluations des élèves

Le ministère de l’Éducation nationale met en œuvre un projet ambitieux d’évaluation du système éducatif dans toutes ses dimensions – acquis des élèves, établissements, territoires, dispositifs et système éducatif dans son ensemble – qui a notamment pour objectif de fournir aux professeurs des repères sur les acquis de leurs élèves afin d’adapter leur action éducative.

Ainsi, l’action 2 Évaluation et contrôle rassemble les crédits de rémunération de l’Inspection générale de l’éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), ainsi que les crédits de rémunération et de fonctionnement du Conseil d’évaluation de l’école (CEE), de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) et des services statistiques académiques. Cette action connaîtrait une hausse de 6 %, qui porterait ses crédits en AE et CP à 93,25 millions d’euros (contre 87,97 millions d’euros en 2022).

Ces crédits permettront de financer une vingtaine d’évaluations. Au-delà des évaluations annuelles, notamment l’évaluation exhaustive des élèves à l’entrée du CM1 et de la 4ème, effectives depuis la rentrée 2023, certaines évaluations spécifiques seront conduites en 2024 :

– le dispositif d’évaluation des compétences du socle commun de connaissances, de compétences et de culture. Cette évaluation concernera en 2024 les élèves de fin de sixième ;

– l’enquête Praesco (enquête sur les pratiques enseignantes spécifiques aux contenus), qui vise à documenter, selon un rythme quinquennal, les pratiques d’enseignement dans des champs disciplinaires précis (1er cycle en mathématiques en 2019 et 1er cycle en français en 2021). La mise en œuvre de la prochaine enquête PRAESCO débutera à l’automne 2024 et portera sur les mathématiques ;

– l’enquête Talis (teaching and learning international survey), enquête internationale sur l’enseignement et l’apprentissage à laquelle la France participe depuis 2013 pour le niveau collège et 2018 pour le niveau élémentaire. L’année 2024 marquera la troisième participation de la France ;

– l’enquête Epode (enquête périodique sur l’enseignement), conduite par la Depp en 2018 pour la première fois, qui vise à décrire les pratiques d’enseignement dans le premier et le second degré. La deuxième édition s’est déroulée en 2022 et les analyses se poursuivront en 2024 ;

– le Panel 2021, dispositif de suivi de parcours des élèves qui sont entrés en petite section en septembre 2021. Une enquête auprès des enseignants de petite section des élèves du panel a eu lieu au printemps 2022 et une enquête auprès des enseignants de grande section aura lieu au printemps 2024 ;

– le dispositif d’enquête « 1 000 écoles » qui vise à documenter les pratiques des enseignants d’une cohorte d’élèves du CP au CM2, en lien avec leurs résultats aux évaluations exhaustives. Une expérimentation aura lieu au printemps 2024 auprès d’un échantillon d’enseignants de CP.

Par ailleurs, en matière d’évaluation de politiques publiques, la Depp évalue sur trois ans, depuis septembre 2017, l’effet de la mesure « 100 % de réussite au CP » (classes de CP dédoublées en éducation prioritaire) sur les apprentissages des élèves et les pratiques d’enseignement. Le projet annuel de performances indique que l’évaluation de ce dispositif s’est achevée en 2021, mais des analyses lancées en 2022 seront poursuivies en 2024 afin de compléter les premières publications de résultats.

 La poursuite des opérations immobilières et informatiques

Le programme 214 finance les grandes opérations immobilières et informatiques du ministère de l’Éducation nationale.

Ces opérations, majoritairement engagées depuis plusieurs années, se poursuivent. Ainsi, les crédits de l’action 8 Logistique, système d’information, immobilier augmenteraient de 3,56 % en crédits de paiement (passant de 797,68 millions d’euros à 826,11 millions d’euros). Ils diminueraient en revanche de 5,68 % en autorisations d’engagement, passant de 942,68 à 889,17 millions d’euros. Il peut être rappelé que ces crédits avaient augmenté de manière très significative en 2023, de 31,08 % en AE, passant de 719,18 millions d’euros à 942,68 millions d’euros. Ils avaient progressé plus faiblement en CP, de 5,86 %, passant de 753,53 millions d’euros à 797,68 millions d’euros.

Ces crédits couvrent la définition, la mise en œuvre et le pilotage des politiques transversales relatives aux dépenses de fonctionnement général, aux systèmes d’information, aux équipements informatiques et à l’immobilier du ministère de l’Éducation nationale.

Les dépenses de fonctionnement diminueraient de 6,13 % en AE (360,65 millions d’euros) mais augmenteraient de 2 % en CP (344,92 millions d’euros). Elles permettront de financer :

– pour 52,46 millions d’euros en AE et 49,47 millions d’euros en CP les dépenses de fonctionnement courant : fournitures de bureau, documentation, abonnements, matériels, petits équipements, etc. pour les services centraux et déconcentrés, ainsi que les mesures de verdissement du parc automobile ou encore les coûts de fonctionnement des personnels des délégations régionales académiques à la jeunesse, à l’engagement et au sport (Drajes), créées au sein de chaque région académique en 2020 ;

– pour 202,20 millions d’euros, les dépenses informatiques. Parmi les grands projets informatiques du ministère, le projet OP@LE, pour l’adaptation du cadre comptable des établissements publics locaux d’enseignement, sera financé à hauteur de 14,62 millions d’euros en AE et 13,19 millions d’euros en CP. La nouvelle trajectoire du système d’information pour les ressources humaines, SIRH, sera financée à hauteur de 31,3 millions d’euros en AE et 32,7 millions d’euros en CP en 2024, avant une seconde phase dont le besoin de financement est évalué à 201,45 millions d’euros pour la période 2025-2029. Le numérique pour l’éducation bénéficiera de 9 millions d’euros en AE et en CP, pour accompagner la production de contenus numériques pour une pédagogie innovante, développer des outils destinés aux élèves à besoins particuliers, soutenir des dispositifs de recherche-action en matière numérique ou encore financer le dispositif PIX de certification des compétences numériques. 

Les dépenses d’investissement diminueraient de 9,31 % en AE (214,56 millions d’euros) mais augmenteraient de 4,34 % en CP (165,63 millions d’euros). Elles permettront de financer :

– les opérations d’investissement sur les bâtiments des services académiques et de l’administration centrale, pour 27,64 millions d’euros en AE et 35,97 millions d’euros en CP. Ces opérations concerneront notamment le regroupement des sites Dutot, Regnault et Avenue de France sur un site unique avec une cession de deux bâtiments domaniaux (pour 21,19 millions d’euros en AE et 18,57 millions d’euros en CP) ou encore la rénovation de la cité administrative de Nanterre (pour 28,85 millions d’euros en AE et 2,68 millions d’euros en CP) ;

– les constructions scolaires en outre-mer pour 130,71 millions d’euros en AE et 81,95 millions d’euros en CP. En effet, par exception au régime de droit commun, l’État conserve l’exercice des compétences en matière d’investissement pour les établissements scolaires du second degré en outre-mer (construction, réhabilitation, extension). L’enveloppe totale demandée pour le contrat de convergence pour les constructions scolaires du second degré à Mayotte sur la période 2024-2027 s’élève à 523 millions d’euros soit un montant moyen annuel de 130,7 millions d’euros en               AE (en augmentation de 56,7 %, le montant annuel moyen étant de 83,5 millions d’euros pour la période 2019-2023). Ceci permettrait d’accueillir plus de 14 000 élèves supplémentaires sur les huit prochaines années avec la construction de cinq nouveaux lycées et une extension de lycée, de cinq nouveaux collèges et neuf extensions de collèges, la création de trois pôles de métiers (mer, agroalimentaire, environnement) ainsi que la construction d’une cuisine centrale et de 24 cuisines satellites. À La Réunion, une participation de l’État au financement de la construction d’un lycée des métiers du tourisme et de l’hôtellerie et d’un lycée des métiers de la mer a été annoncée par la Première ministre à hauteur de 60 millions d’euros ;

– les opérations immobilières des établissements scolaires restés à la charge de l’État, pour 2,99 millions d’euros en AE et 3,15 millions d’euros en CP. Ces crédits permettent de financer les travaux immobiliers des établissements restés à la charge de l’État : le lycée d’État Jean Zay, le lycée autogéré de Paris, le lycée Comte de Foix d’Andorre, le lycée de Saint-Pierre-et-Miquelon et les internats de la réussite de Sourdun, de Montpellier et de Marly-le-Roi.

Il peut être noté que l’un des indicateurs associés au programme porte sur le respect des coûts et délais des grands projets. Alors que le taux d’écart budgétaire agrégé pour les projets immobiliers était de 17 % en 2021 et de 2 % en 2022, la cible pour 2024 est fixée à 7 %. De même, alors que le taux d’écart calendaire était de 100 % en 2021 et de 91 % en 2022, la cible pour 2024 est de 64 %.

 Le financement des opérateurs de l’État 

L’action 7 Établissements d’appui de la politique éducative regroupe l’ensemble des subventions pour charges de service public versées aux établissements publics nationaux administratifs participant à la mise en œuvre de la politique éducative. Les crédits de cette action augmenteraient de 4,55 % en 2024, passant de 154,07 à 161,09 millions d’euros.

Ces crédits financeront les subventions pour charges de service public des établissements qui jouent un rôle majeur dans la mise en œuvre du service public de l’éducation :

– pour 88,03 millions d’euros, le réseau Canopé, qui exerce auprès des établissements d’enseignement et des communautés universitaires et éducatives une mission d’édition des ressources éducatives ;

– pour 37,70 millions d’euros, le Centre national d’enseignement à distance (Cned), qui dispense et promeut un enseignement à distance à tous les niveaux de formation, notamment en s’appuyant sur les techniques numériques ;

– pour 22,75 millions d’euros, l’Office national d’information sur les enseignements et les professions (Onisep), qui élabore et met à la disposition des utilisateurs (élèves, étudiants, adultes en formation continue) la documentation nécessaire à l’orientation ;

– pour 7,85 millions d’euros, le Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Cereq), qui collecte et diffuse les informations utiles à la compréhension de la relation entre formation et emploi, auprès de chercheurs, de responsables administratifs, syndicaux et d’entreprises au plan national et régional ;

– pour 3,35 millions d’euros, l’Établissement public du palais de la Porte dorée (EPPPD) placé sous la tutelle principale du ministère chargé de la culture et rattaché au programme 175 Patrimoines de la mission ministérielle Culture.

VII.   programme 143 : enseignement technique agricole

L’enseignement et la formation agricoles font partie intégrante du service public national d’éducation et de formation. Cet enseignement, piloté par la direction générale de l’enseignement et de la recherche (DGER) du ministère de l’Agriculture et de la souveraineté alimentaire a formé près de 200 000 apprenants aux métiers du vivant durant l’année scolaire 2022-2023. Ces effectifs d’élèves et d’apprentis sont en progression par rapport à l’année précédente, portant à 4 % la hausse cumulée depuis 2019, avec environ 154 000 élèves au titre de la formation initiale scolaire et 43 000 apprentis ([16]).

Le programme 143 Enseignement technique agricole qui assure le financement de ces établissements, poursuit deux objectifs : assurer un enseignement général, technologique et professionnel conduisant à la réussite scolaire et à une bonne insertion sociale et professionnelle ; optimiser la gestion de la formation initiale.

Par rapport à la LFI pour 2023, les crédits du programme 143 augmenteraient de 6,39 %, passant de 1,6 à 1,7 milliard d’euros dans le PLF pour 2024.

Les dépenses de personnel du programme 143 augmenteraient de 3,84 % pour atteindre 864,82 millions d’euros dans le PLF pour 2024 contre 831,35 millions d’euros en LFI pour 2023 (hors contribution au CAS Pensions, 1 114,76 millions d’euros CAS inclus). Cette augmentation permettrait notamment de financer le versement au titre de l’indemnité dite de garantie individuelle de pouvoir d’achat pour un montant de 0,04 million d’euros et le glissement vieillesse technicité pour 12,75 millions d’euros.

Par ailleurs, le projet de loi de finances pour 2024 prévoit un schéma d’emplois de + 20 ETP permettant de renforcer les services de médecine scolaire et les services sociaux des établissements d’enseignement agricole, et d’accompagner la mise en œuvre des mesures de la loi d’orientation et d’avenir agricoles.

Les mesures du « pacte enseignant » seront financées en 2024 par un transfert en gestion en provenance du programme 141 (Enseignement scolaire public du second degré) du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse.

Les dépenses de fonctionnement diminueraient de 11,93 % (passant de 17,41 à 15,34 millions d’euros) tandis que les dépenses d’intervention augmenteraient de 11,83 % (de 506,62 à 566,56 millions d’euros).

PROGRAMME 143 Enseignement technique agricole
VARIATIONS BUDGÉTAIRES (en CP) 2024 / 2023

Numéro et intitulé de l’action concernée

LFI 2023

(en millions d’euros)

PLF 2024

(en millions d’euros)

Variations constatées
entre 2024 et 2023

01 – Mise en œuvre de l’enseignement dans les établissements publics

854,68

905,67

+ 5,97 %

02 – Mise en œuvre des enseignements dans les établissements privés

628,54

621,58

- 1,11 %

03 – Aide sociale aux élèves (enseignement public et privé)

82,04

73,82

- 10,03 %

04 – Évolution des compétences et dynamique territoriale

8,03

7,10

- 11,65 %

05 – Moyens communs à l’enseignement technique agricole, public et privé

22,13

89,21

+ 303,23 %

Total

1 595,42

1 697,38

+ 6,39 %

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Enseignement scolaire.

 

● La poursuite de la campagne « L’aventure du vivant »

Le programme 143 permettra, comme en 2023, de financer une grande campagne de communication sur les formations de l’enseignement agricole sous une marque unique : « L’aventure du vivant, des métiers grandeur nature ».

Une enveloppe budgétaire de 1,4 million d’euros est associée à cette campagne en 2024. Elle permettra de financer :

– une campagne virtuelle sur les réseaux sociaux pour cibler les jeunes et leurs familles. Il peut être souligné que le site internet « L’Aventure du vivant » a été consulté par 30 000 utilisateurs différents en 2022, et que le compte Instagram compte 4 300 abonnés et a suscité 52 millions de vues dans l’année, soit une progression de presque 25 % par rapport à l’année précédente ([17]) ;

– une présence physique au travers de l’opération « L’aventure du vivant : le tour », menée par un camion itinérant. Le camion a reçu la visite de 82 000 personnes dont 28 000 élèves durant l’année 2022 ([18]). Des événements sont également organisés de manière à valoriser l’enseignement agricole et les dynamiques locales de recrutement. D’après les réponses au questionnaire budgétaire, « collectivités et organisations professionnelles ont fait part de leur grande satisfaction à l’égard de cette opération au plus près des territoires et nombreuses sont celles qui souhaitent être parties prenantes de l’opération ».

 La rémunération des périodes de formation en milieu professionnel

L’action 5 Moyens communs à l’enseignement technique agricole (public et privé) regroupe les moyens affectés à l’organisation des examens, à la délivrance des diplômes et au fonctionnement de l’Inspection de l’enseignement agricole. Elle intègre, depuis début 2023, les moyens consacrés à la modernisation des systèmes d’information et aux moyens d’appui de l’enseignement agricole public et privé ainsi que les crédits destinés à la formation et l’information des syndicats agricoles.

Ses crédits augmenteraient de 303,23 % en AE et en CP, passant de 22,12 à 89,21 millions d’euros, en raison principalement d’une évolution de la maquette budgétaire. Ainsi, à compter de 2024, les crédits relatifs à la mise en œuvre de la mesure de gratification des élèves de la voie professionnelle lors de la période de formation en milieu professionnel sont intégrés dans l’action 5. De plus, les dépenses réalisées dans le cadre des actions du dispositif national d’appui ([19]) sont désormais entièrement imputées sur l’action 5, sous-actions 6 Modernisation des systèmes d’information de l’enseignement agricole et 7 Moyens d’appui du système d’enseignement agricole, au lieu de cinq sous-actions différentes du programme auparavant.


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   deuxième partie – améliorer le bien-être des élèves à l’école : une priorité nationale

S’il est difficile de quantifier les dépenses qui, au sein de la mission Enseignement scolaire, contribuent à l’amélioration du bien-être des élèves à l’école, il ne peut être nié que l’attention portée à la question a été croissante ces dernières années et trouve aujourd’hui à se manifester – y compris de manière budgétaire – dans différents domaines essentiels : le bâti scolaire, les rythmes scolaires, les programmes de lutte contre le harcèlement, le développement de la pratique culturelle et sportive ou encore la place des évaluations. Alors même que le bien-être est, par essence, multifactoriel, et dépasse largement le cadre de l’école, celle-ci a un rôle essentiel à jouer pour le préserver et, dans la mesure du possible, l’améliorer. L’Éducation nationale s’y emploie depuis plusieurs années déjà, au sein d’une politique plus large de promotion de la santé globale à l’école.

Deux leviers d’amélioration du bien-être des élèves font, à juste titre, l’objet d’une attention particulièrement importante du ministère de l’Éducation nationale : l’augmentation de l’activité physique des élèves en milieu scolaire d’une part, et la lutte contre le harcèlement d’autre part. Si de nombreux dispositifs ont été instaurés ou renforcés ces dernières années, et s’ils permettent déjà d’atteindre certains résultats positifs, des ajustements peuvent être envisagés pour qu’ils soient rendus pleinement efficaces.

I.   le bien-être à l’école : une préoccupation croissante de l’éducation nationale

A.   une notion multifactorielle, difficile à définir, mais pleinement nécessaire à l’épanouissement et à la réussite scolaire

1.   Le bien-être en milieu scolaire est une notion difficile à définir et multifactorielle

Le bien-être à l’école est, par essence, une notion multifactorielle, difficile à définir, mais pleinement nécessaire à l’épanouissement et à la réussite scolaire. S’il ne dépend pas uniquement de l’école, l’école a indéniablement un rôle à jouer pour le préserver et, autant que possible, l’améliorer.

Le bien-être à l’école est, d’abord, particulièrement difficile à définir et à circonscrire tant les facteurs qui l’affectent sont nombreux. En effet, selon M. Christophe Marsollier, docteur en sciences de l’éducation et inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche ([20]), la littérature scientifique permet d’identifier quatre dimensions du bien-être des élèves :

– le bien-être physique, qui inclut notamment la durée de la journée, la fréquence des activités physiques, mais également la propreté des bâtiments ou des sanitaires, la qualité de la restauration scolaire, l’esthétisme, etc. ;

– le bien-être social, qui recouvre le sentiment d’appartenance, la qualité des relations avec les enseignants, le respect de la diversité, le soutien entre pairs, etc. ;

– le bien-être psychologique, qui englobe le sentiment de sécurité et de justice au sein de l’établissement, notamment dans la relation aux enseignants, la satisfaction personnelle de la vie dans l’établissement, la manière dont l’équipe pédagogique résout les conflits ou fait face aux comportements à risques, etc. ;

– le bien-être cognitif, qui porte sur le sentiment de compétence, d’efficacité personnelle, la qualité de l’instruction, le rapport constructif aux évaluations ou encore le sens trouvé aux études. 

Ce bien-être recouvre, par ailleurs, des dimensions collectives (relations entre élèves, avec les personnels) mais également individuelles (sentiment de sécurité, rapport à l’évaluation, structure familiale, âge, sexe, etc.).

Le Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco), dans un rapport scientifique de 2017 consacré à la qualité de vie à l’école ([21]), présente le modèle sociologique du bien-être proposé par Konu et Rimpela en 2002 ([22]), illustré par le schéma ci-dessous. Le bien-être y est défini comme un état dans lequel l’élève peut satisfaire trois besoins de base : having, qui se réfère aux conditions matérielles de vie scolaire (environnement physique, environnement d’apprentissage, services aux élèves) ; loving, qui concerne les relations interpersonnelles et sociales (relations élèves-enseignants, relations avec les camarades et la communauté éducative) ; being, qui renvoie aux besoins de croissance personnelle des élèves (dispositifs favorisant la participation aux prises de décision, l’initiative, la confiance en soi). À ces trois besoins, doit être ajouté l’état de santé, health, qui englobe les symptômes physiques, psychologiques ou somatiques, et est considéré comme un élément important du bien-être des élèves à l’école.

 

Le modèle du bien-être à l’école (Konu et Rimpela, 2002)

https://www.reseau-canope.fr/fileadmin/user_upload/_processed_/5/6/csm_CNESCO3_f22a583aa6.jpg

Source : Cnesco

2.   Le bien-être ne dépend pas uniquement de l’école mais celle-ci doit contribuer à son amélioration

Si le bien-être ne saurait être considéré comme dépendant uniquement de l’école – dès lors qu’il recouvre des enjeux liés à la situation familiale, à la pauvreté, à la protection de l’enfance, etc. – il est incontestable que l’école a un grand rôle à jouer pour le préserver voire l’améliorer.

Ceci est d’autant plus nécessaire que le bien-être est un facteur essentiel de réussite de l’apprentissage et de la socialisation de l’élève qui, en retour, contribuent à l’amélioration du climat scolaire, dans une dynamique vertueuse. De fait, comme l’indiquent M. Fabrice Murat et Mme Caroline Simonis‑Sueur dans leur avant‑propos à la revue Éducation et Formations de décembre 2015, publiée par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) et consacrée au climat scolaire et au bien-être à l’école ([23]), « les relations sont ici probablement réciproques : un sentiment de bien-être peut favoriser les apprentissages, mais à l’inverse les difficultés scolaires peuvent être source de mal-être ; un climat scolaire apaisé permet sans doute aux élèves et aux équipes pédagogiques de bien travailler, mais à l’inverse la réussite des élèves est aussi un facteur favorisant de bonnes relations entre les différents acteurs ».

C’est pourquoi, pour plusieurs syndicats d’enseignants et de professions médico-sociales de l’Éducation nationale rencontrés par les rapporteurs, le bien-être et la santé sont indissociables du projet éducatif de l’élève. L’école doit alors reconnaître le bien-être comme un déterminant majeur de la réussite scolaire, et se saisir de cette question au quotidien, dans les pratiques scolaires : la politique du bien-être à l’école ne peut ni se contenter du repérage des troubles et pathologies ni consister en un empilement de mesures disparates et peu cohérentes.

En définitive, comme l’indiquait l’Unesco en commentaire de son rapport conjoint avec l’association internationale pour l’évaluation du rendement scolaire publié en 2022 ([24]), « des données […] ont montré que les écoles peuvent et doivent jouer un rôle de premier plan dans le bien-être de la communauté scolaire, notamment en aidant les élèves, les enseignants et leurs familles. À l’avenir, pour assurer le succès de la reprise et de la transformation de l’éducation, il faudra […] faire en sorte que tous les enfants apprennent, mais aussi qu’ils se sentent en sécurité, heureux et accompagnés dans la pleine réalisation de leur potentiel. »

Au-delà des programmes efficaces mais ponctuels, le défi est bien celui de l’implantation de pratiques quotidiennes et de politiques publiques en mesure d’améliorer le bien-être des élèves et le climat scolaire dans son ensemble.

B.   le constat alarmant de la dégradation du bien-être des élèves à l’école

1.   Plusieurs études montrent une dégradation de la santé mentale des élèves, aggravée par la crise sanitaire

Depuis plusieurs années, le constat d’une dégradation du bien-être et de la santé mentale des élèves se fait jour. Différentes études font, en effet, état de chiffres explicites. Ainsi, l’étude Enabée ([25]), réalisée par Santé publique France, a pour objet de mesurer le bien-être et la qualité de vie en lien avec la santé et la fréquence de certains troubles de santé mentale, chez les enfants scolarisés de la petite section de maternelle au CM2 dans des écoles publiques ou privées sous contrat. Les résultats publiés en juin 2023 indiquent qu’environ 13 % des enfants de 6 à 11 ans présentent un trouble probable de santé mentale. En outre, alors que l’étude permet de comparer trois points de vue complémentaires pour évaluer la santé mentale des enfants (les enfants, les parents et les enseignants), l’enquête montre que les enfants qui se disent en difficulté ne sont pas nécessairement ceux que les adultes ont identifiés comme tels.

L’enquête réalisée par l’association Synlab en 2022 sur la santé mentale à l’école établit pour sa part qu’un élève sur 4 laisse transparaître des signes de stress ou d’anxiété. Le stress est particulièrement élevé dans le secondaire : au collège et au lycée, ce sont respectivement 26 % et 31 % des élèves qui sont concernés.

Cette situation a, de plus, été aggravée par les conséquences de la crise sanitaire et du confinement qui l’a accompagnée. Ainsi, comme l’indiquait le directeur général de l’enseignement scolaire, auditionné par les rapporteurs, les troubles anxieux ont augmenté de 30 à 40 % entre 2020 et 2021. De jeunes enfants ou adolescents ont fait l’expérience d’une angoisse collective qui a eu de fortes répercussions sur leur santé mentale. Si un reflux de ces troubles semble engagé, il est probable que nous ne retrouvions pas la configuration pré-covid mais que nous nous installions dans une situation durable de fragilisation psychique des jeunes.

2.   Les données relatives au bien-être des élèves demeurent encore trop partielles

Malgré ces éléments, les données portant sur le bien-être des élèves à l’école demeurent encore trop partielles et celui-ci reste d’autant plus difficile à mesurer que cette mesure est, le plus souvent, opérée « en creux », par ce que l’attention portée au bien-être des élèves permet d’éviter : les pensées suicidaires ou les dépressions, le décrochage scolaire, etc. En outre, plusieurs dispositifs permettant d’affiner cette mesure seraient insuffisamment utilisés.

Pour évaluer la qualité du climat scolaire et le bien-être des élèves qui lui est souvent lié, la Depp du ministère de l’Éducation nationale mène deux enquêtes complémentaires :

– l’enquête Sivis (système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire), qui recueille mensuellement, auprès des chefs d’établissement et des inspecteurs de l’Éducation nationale, les faits graves survenus dans les établissements dont ils ont la responsabilité. Ces données reflètent principalement les faits de violence constatés ou portés à la connaissance des équipes pédagogiques ;

– les enquêtes nationales de climat scolaire et de victimation, qui interrogent périodiquement des élèves et des personnels sur le climat scolaire et les éventuelles atteintes subies à l’école, qu’elles aient ou non été signalées.

Ces enquêtes permettent d’établir qu’en 2021-2022, 93 % des collégiens déclarent se sentir « bien » ou « tout à fait bien » dans leur établissement scolaire. Il n’en demeure pas moins que les actes pouvant affecter leur bien-être sont nombreux : les atteintes les plus fréquentes sont les insultes ou surnoms désagréables (59 %), les vols de fournitures scolaires (54 %) et les mises à l’écart (43 %).

 

Résultats de l’enquête nationale de climat scolaire et de victimation auprès des collégiens menée au printemps 2022

Le point de vue des collégiens sur le climat scolaire - Image agrandie

Source : Depp

D’autres dispositifs de mesure du bien-être des élèves et du climat scolaire existent, mais seraient insuffisamment utilisés.

Ainsi, selon le syndicat national autonome des médecins de santé publique de l’Éducation nationale (SNAMSPEN), le dispositif ABMA, « Aller bien pour mieux apprendre », qui permet aux élèves et aux adultes d’un établissement de s’interroger sur leur bien-être et leur santé pour construire ensemble des pistes d’amélioration, est trop rarement utilisé alors même que les équipes des établissements peuvent bénéficier de plusieurs formes d’accompagnement pour le mettre en place : un accompagnement de proximité réalisé par un référent départemental formé au dispositif ABMA, des sessions de formation et d’échange de pratiques inscrites au plan académique de formation ou encore la mise à disposition de ressources ad hoc.

De la même manière, l’enquête locale de climat scolaire est, selon le Syndicat général de l’Éducation nationale (SGEN-CFDT), insuffisamment utilisée. Cette enquête permet, sur la base de questions communes qui s’adressent à la fois aux élèves, aux personnels et aux parents, de dresser un état des lieux de l’expérience de chacun dans l’établissement et du climat scolaire tel qu’il est ressenti. L’objectif est de produire une photographie du climat scolaire de l’établissement, dont les résultats peuvent ensuite être rapprochés des résultats nationaux. Ces enquêtes sont réalisées sur la base du volontariat et l’initiative en revient aux équipes de direction.

Par ailleurs, le syndicat national autonome des médecins de santé publique de l’Éducation nationale regrette qu’il n’existe pas de logiciel professionnel à disposition des médecins de l’Éducation nationale – logiciel qui permettrait notamment de recenser précisément le nombre de consultations liées à la sphère psychique – ni de partage d’information possible avec les infirmiers de l’Éducation nationale dont les logiciels sont différents. Ceci rend impossible, selon eux, de disposer de données nationales précises sur les consultations des personnels de santé scolaire ayant un lien avec le mal‑être à l’école.

Enfin, la Fédération des conseils de parents d’élèves (FCPE) alerte sur le manque de données concernant des enfants fragiles, en particulier les enfants sans abri ou de l’aide sociale à l’enfance, particulièrement vulnérables aux situations de mal-être et entourés de peu d’adultes capables de faire valoir leurs droits.

C.   Une prise en compte croissante du bien-être par l’éducation nationale

1.   Le bien-être a longtemps été absent des préoccupations de l’Éducation nationale

Face à ce constat alarmant, la prise en compte du sujet du bien-être à l’école est, indéniablement, croissante.

Ce sujet a pourtant, longtemps, été absent des préoccupations à l’égard de l’école et du système scolaire dans son ensemble. Comme l’indique la société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA), il a longtemps existé en France – et il peut exister encore aujourd’hui – l’idée selon laquelle l’apprentissage doit se faire dans un cadre très strict où les contraintes sont multiples et les évaluations nombreuses. Ces évaluations constituent pourtant l’un des éléments principaux expliquant l’anxiété des élèves. Alors que les enseignants ont pour mission principale de transmettre un savoir académique, ils ne se sentent pas nécessairement compétents pour être acteurs, d’une autre manière, de l’épanouissement de l’élève.

En témoigne la place du corps, longtemps « le grand oublié » de l’Éducation nationale, tant l’école s’est construite sur un modèle confessionnel où le corps n’avait pas droit de cité. Ceci est encore perceptible dans le poids des cartables, l’inconfort des chaises sur lesquelles les élèves doivent rester assis plusieurs heures, le temps d’attente avant la cantine ou encore la faible propreté des sanitaires.

Depuis quelques années pourtant, alors même que, comme l’ont indiqué plusieurs personnes auditionnées par les rapporteurs, la recherche du bien-être ne figure pas dans « l’ADN » de l’Éducation nationale, l’ensemble des équipes éducatives et de l’administration de l’Éducation nationale s’engagent dans cette voie, sans doute poussées par l’exigence que le mal-être social impose.

2.   Le sujet du bien-être est davantage pris en compte par les systèmes scolaires nationaux et internationaux

Ainsi, comme l’ont indiqué les responsables du Cnesco auditionnés par les rapporteurs, de plus en plus de systèmes éducatifs se préoccupent du sujet du bien‑être à l’école. Le Cnesco en avait d’ailleurs fait l’objet d’un rapport scientifique publié en 2017 ([26]), après trois années de travaux qui avaient mis en lumière une préoccupation qui commençait alors à émerger.

La revue Éducation et formations de 2015 précitée, consacrée au bien-être et au climat scolaire ([27]), le confirme : « de fait, aujourd’hui, de nombreux systèmes éducatifs considèrent que la réussite des élèves ne se réduit pas à leurs performances académiques, mais qu’elle renvoie aussi à leur bien-être dans leurs contextes de vie, à l’école en particulier ».

La France, dès 2014, a publié un guide intitulé Une école bienveillante face aux situations de mal-être des élèves, à l’attention des équipes éducatives des collèges et des lycées. Ce guide, réalisé par la direction générale de l’enseignement scolaire, avait pour objectif d’aider les équipes éducatives à mieux identifier les signes de mal-être des élèves, à agir en concertation et à être associées, sous la coordination des chefs d’établissements, à une politique éducative globale visant à rétablir un climat scolaire serein. Il se voulait pragmatique et adapté à la réalité quotidienne des établissements.

Depuis 2015, la préservation de la santé, qui recouvre partiellement la question du bien-être, est pleinement intégrée dans les responsabilités de l’école. C’est tout l’enjeu du dispositif « L’école promotrice de la santé », qui repose sur le fondement suivant : l’une des missions de l’école est de promouvoir auprès des élèves une santé complète, un bien-être global, tant physique que psychique, intégrant les notions de confiance en soi, de compétences psychosociales, mais aussi les dimensions liées à l’alimentation ou encore à l’activité physique. Ainsi, le vade‑mecum publié par l’Éducation nationale pour accompagner le déploiement de ce dispositif indique que « l’École joue un rôle important quant au déploiement d’une approche positive et intégrée de la promotion de la santé. En effet, l’École apporte une contribution significative à la santé et au bien-être des enfants et des adolescents : des élèves en bonne santé apprennent mieux […]. L’École en lien avec les ressources du territoire peut concevoir et conduire des actions qui favorisent la mobilisation de leviers en faveur du bien-être des élèves et de la communauté éducative, d’un climat de confiance et de réussite. » Cette approche doit, notamment, conduire à améliorer les conditions de vie quotidienne au sein d’une école et d’un établissement scolaire et à porter une attention particulière aux relations interpersonnelles et sociales.

La place du bien-être à l’école est, d’ailleurs, un sujet dont les enseignants ont désormais pleinement conscience de l’importance. Comme l’indique M. Marsollier ([28]), « de plus en plus, les enseignants cherchent à offrir aux élèves les meilleures conditions pour favoriser leur réussite scolaire et leur épanouissement personnel […]. Ces dernières années, le développement de pratiques visant le bien-être des élèves constitue un phénomène sans précédent qui témoigne d’une aspiration plus grande des enseignants à rechercher des conditions qui permettent non seulement la réussite scolaire mais favorisent aussi l’épanouissement personnel et le bonheur d’aller à l’école. »

II.   Deux axes clés pour améliorer le bien-être : la promotion de l’activité physique et la lutte contre le harcèlement

Sans nier l’importance que revêtent un grand nombre de dispositifs concourant à l’amélioration du bien-être à l’école, portant notamment sur le bâti scolaire, les rythmes scolaires, la restauration, ou encore la place des évaluations, les rapporteurs ont choisi de s’attarder sur deux leviers qui leur paraissent essentiels, en particulier dans un contexte marqué par les dramatiques suicides d’adolescents harcelés d’une part, et par la préparation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 d’autre part : la lutte contre le harcèlement et la promotion de l’activité physique en milieu scolaire.

A.   l’activité physique, outil d’amélioration du bien-être à l’école

1.   L’activité physique participe au bien-être physique et psychique des élèves et à l’amélioration du climat scolaire

L’activité physique constitue, sans conteste, un élément essentiel d’amélioration du bien-être physique des élèves, dont les capacités, notamment cardio-vasculaires, se sont dégradées ces quarante dernières années. La sédentarité des jeunes est devenue un problème de santé publique de plus en plus préoccupant, accentué par l’utilisation croissante des écrans et des transports motorisés. L’Anses, dans une note d’information de 2020 ([29]), indique ainsi qu’un quart des enfants de 3 à 10 ans, la moitié des adolescents de 11 à 14 ans et les deux tiers des adolescents de 15 à 17 ans passent plus de 3 heures par jour devant un écran, ces chiffres ayant depuis été aggravés par le confinement. Au total, selon l’Organisation mondiale de la santé, le manque d’activité physique concernerait 80 % des jeunes entre 11 et 17 ans ([30]). L’académie de Créteil, dont l’ancien recteur a été entendu par les rapporteurs, a élaboré en 2022 une série de tests dits « sport-santé » portant sur quatre compétences – endurance, force, vitesse et souplesse – que les enseignants d’éducation physique et sportive peuvent faire passer à leurs élèves. Les résultats de cette étude, qui a d’abord porté sur un échantillon robuste de 13 014 élèves de 6ème, scolarisés dans 30 % des collèges de l’académie au mois de janvier 2023, ont permis d’établir un diagnostic académique. Il en résulte que la part des élèves de niveau confirmé ou avancé parmi les élèves hors éducation prioritaire est supérieure de plus de 10 points à la part des élèves de niveau confirmé ou avancé parmi les élèves de REP+, tandis que la part des élèves débutants est deux fois plus élevée en REP+ qu’hors éducation prioritaire. Les performances, en particulier en endurance, sont moins élevées chez les élèves de REP+, ce qui met en lumière des inégalités flagrantes en termes de santé, d’alimentation ou encore d’accès à la pratique sportive extrascolaire.

Au-delà du seul bien-être physique, l’activité physique contribue également à l’amélioration du bien-être psychique et du climat scolaire, comme en attestent plusieurs études. Ainsi, Mme Marie-Maude Dubuc, professeure au département de sciences de l’activité physique de l’université du Québec à Montréal, auteure d’une thèse sur le sujet ([31]), mentionne parmi les bienfaits de l’activité physique l’amélioration des habiletés sociales, de la concentration, du rendement scolaire et du bien-être psychologique. Pour le Cnesco, l’activité physique permet de développer l’empathie, la solidarité, l’attention et la persévérance et d’apprendre, dès la maternelle, à réguler ses gestes et à éviter la brutalité. La pratique d’une activité physique fournit, en outre, de multiples occasions de développer les compétences psychosociales : comme l’ont mentionné plusieurs organismes auditionnés, en particulier les fédérations sportives scolaires, l’organisation d’activités peut inciter les élèves à devenir acteurs de leur pratique et à endosser divers rôles (arbitre, chef d’équipe, reporter) et responsabilités (préparation du matériel). L’activité physique crée, enfin, un contexte social particulièrement propice à la collaboration et à l’inclusion : les élèves apprennent à constituer des équipes et à coopérer pour atteindre un but commun, dans le respect des autres et l’acceptation des différences, plus encore dès lors que la pratique est mixte et inclut des élèves en situation de handicap.

L’activité physique doit donc aujourd’hui être conçue sous deux angles : la lutte contre la sédentarité et pour l’adoption d’habitudes de vie saines, au travers de l’organisation d’un maximum d’activités physiques dans la journée de classe d’une part, et la consolidation d’une culture sportive, d’un habitus sportif, qui permette de développer les compétences psychosociales qui y sont associées d’autre part.

À cet égard, les Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, doivent être une formidable opportunité pour faire changer les pratiques et pour, selon les termes du directeur général de l’enseignement scolaire, « cultiver le sport à tous les étages ». Il s’agit de promouvoir une pratique universelle, en accompagnant au mieux les parcours d’excellence et en créant chez tous une culture générale sportive. Ce dernier élément doit également permettre d’intéresser et d’associer les enfants éloignés du sport par la dimension historique ou culturelle que recouvrent les Jeux : dans le cadre du programme « Un mois, un symbole », les professeurs seront ainsi, par exemple, incités à effectuer tout au long de l’année scolaire un travail mémoriel autour des symboles historiques et culturels des Jeux.

Il importera, par la suite, de pérenniser cette dynamique encourageante et de s’assurer de la transmission durable de l’héritage des Jeux olympiques et paralympiques en matière de pratique physique et sportive chez les jeunes.

2.   Des évolutions récentes commencent à porter leurs fruits

La promotion de la pratique d’une activité physique et sportive régulière auprès des élèves a été renforcée ces trois dernières années, dans le premier comme dans le second degré, en lien avec les fédérations sportives scolaires.

Dans le premier degré, les « trente minutes d’activité physique quotidienne », qui concernaient 9 000 écoles volontaires en 2021-2022, ont été généralisées à la rentrée 2022. Le dispositif laisse une grande marge de manœuvre aux enseignants quant aux activités qui peuvent être proposées – qui ne doivent requérir ni tenue, ni matériel, ni espace spécifiques – ou aux temps sur lesquels elles peuvent l’être – y compris les temps non éducatifs de la récréation, de la pause méridienne ou de l’avant-cours pour affecter le moins possible les temps d’enseignement. Le ministère de l’Éducation nationale a entrepris la distribution de kits de petit matériel, qui devrait s’achever au premier trimestre 2024. De manière générale, la majorité des écoles se sont approprié le dispositif, mais 77 % des enseignants ne se sont pas sentis suffisamment accompagnés dans la mise en œuvre de la mesure.

Les rapporteurs insistent donc sur la nécessité de mieux accompagner les professeurs des écoles et de renforcer la dimension collective du dispositif, à l’échelle de l’école, pour les années à venir. Par ailleurs, si ces trente minutes d’activité physique ne doivent pas venir se substituer aux heures d’éducation physique et sportive, mais bien s’y ajouter, il convient toutefois d’être attentif à leur contenu : il ne suffit pas, en effet, de « faire bouger » les enfants mais bien de leur apprendre à développer des capacités, des aptitudes physiques, des habiletés motrices basiques – s’équilibrer, réceptionner un ballon, etc. – qui leur permettront par la suite de se tourner vers une pratique sportive régulière. Là encore, l’accompagnement et la formation des enseignants du premier degré apparaissent comme des prérequis incontournables.

Dans le second degré, l’expérimentation de deux heures d’activité physique et sportive en plus par semaine au collège a été étendue à 700 collèges à la rentrée 2023, contre 140 collèges l’an passé. Ce dispositif repose sur la mise en relation d’un chef d’établissement avec les clubs sportifs de proximité pour que les élèves volontaires puissent bénéficier de deux heures de sport en plus, prises en charge par les animateurs de clubs sportifs, sur du temps qui pourrait être du temps scolaire mais que l’emploi du temps de l’élève laisse libre (créneaux de 8 heures à 10 heures ou de 15 heures à 17 heures notamment). L’enjeu, pour cette nouvelle année, est de parvenir à toucher les élèves les plus éloignés de la pratique sportive, les élèves déjà sportifs ayant, à ce jour, le plus bénéficié du dispositif. À cette fin, il ressort des auditions menées par les rapporteurs qu’il conviendrait de mieux articuler le dispositif avec les professeurs d’éducation physique et sportive afin que ceux-ci repèrent les élèves pour lesquels ces deux heures d’activité physique supplémentaires seraient particulièrement bénéfiques.

Le dispositif se heurte également aux difficultés liées à la disponibilité des équipements sportifs et à la logistique des transports scolaires pour rejoindre les équipements éloignés. Le programme « 5 000 terrains de sport » est, à ce titre, perçu très favorablement par les différents organismes auditionnés. Piloté par l’Agence nationale du sport (ANS), ce plan pluriannuel doté de 192 millions d’euros a pour objet d’accompagner le développement de 5 000 terrains de sport d’ici 2024. Il a notamment permis de rénover des établissements scolaires en transformant certaines classes inutilisées en espaces sportifs, mais aussi de créer des tiers-lieux socio‑éducatifs mutualisés qui font l’objet d’un grand consensus. 

Les associations sportives scolaires, fédérées et organisées par l’Union sportive de l’enseignement du premier degré (Usep) et l’Union nationale du sport scolaire (UNSS) du second degré, contribuent très largement à développer l’activité physique des élèves et l’ensemble des compétences psychosociales qui y sont associées, en particulier grâce à leur organisation associative. Outre les activités qu’elles organisent à destination des jeunes – l’Usep a ainsi mis en place des « défis récré », ainsi que des fiches « jeux », conçus pour que les enfants puissent les utiliser de manière autonome – elles proposent aussi des ressources pédagogiques et des outils de formation pour les enseignants. Ces ressources gagneraient à être mieux connues des enseignants.


3.   Plusieurs points requièrent une attention particulière

Pour que l’activité physique contribue de manière effective à l’amélioration du bien-être à l’école, plusieurs points de vigilance doivent toutefois être observés.

Il convient, en premier lieu, d’éviter d’aborder l’activité physique uniquement sous le prisme de la compétition. Ainsi, comme l’indiquait le directeur général de l’enseignement scolaire, le regard de l’autre à travers la performance sportive peut amplifier les différences et accentuer les discriminations. De même, le sport peut, dans l’occupation de l’espace, créer des périphéries, dès lors que le terrain – le plus souvent de football – occupe tout le centre de la cour de récréation et relègue les élèves non sportifs dans les coins. Or c’est dans ces périphéries qu’ont le plus souvent lieu les actes de harcèlement. C’est pourquoi, l’attention doit être portée sur le développement d’une pratique récréative, inclusive, source de plaisir pour les élèves. Ceci permet, en outre, de toucher le plus grand nombre. Mme Marie‑Maude Dubuc le confirmait : les élèves qui ont peu d’intérêt pour l’activité physique préfèrent les activités récréatives aux activités compétitives ; pour atteindre tous les élèves, il est donc nécessaire de proposer des activités récréatives et variées. Les fédérations sportives, notamment scolaires, sont très attentives à la promotion d’une pratique sportive qui ne valorise pas la seule performance mais également la participation, le plaisir de l’effort et de la réussite, l’inclusion et la mixité. Les rapporteurs le saluent, et rappellent qu’il ne s’agit pas de construire des champions, mais d’abord des élèves qui vont bien.

Le renforcement de la formation des enseignants du premier degré apparait également indispensable. Alors que les professeurs des écoles ont la charge d’enseigner l’ensemble des matières scolaires, y compris l’éducation physique et sportive, il ressort des auditions menées que beaucoup d’enseignants ne se sentent pas compétents pour le faire. L’objectif de renforcement des savoirs fondamentaux – qui doivent mobiliser 55 % du temps de formation initiale des futurs enseignants du premier degré – a réduit significativement le nombre d’heures de formation consacrées à l’éducation physique et sportive, les variations entre les Inspé pouvant, en outre, être très importantes. Si l’Usep a mis en place des ressources pour la formation continue des enseignants et l’accompagnement de leurs initiatives, dont il faudrait encourager le développement et la démocratisation, ceci ne saurait se substituer à une formation initiale suffisante des enseignants du premier degré, selon des volumes horaires qui doivent être harmonisés au sein de l’ensemble des Inspé, et à laquelle la participation des fédérations sportives doit pouvoir être envisagée. Comme l’indiquent les fédérations sportives auditionnées, ceci permettrait d’introduire un apport technique garantissant une pratique sécuritaire, une progressivité adaptée et une adéquation au profil de l’enfant, assurant à chacun la possibilité d’exploiter pleinement son potentiel. Le « terreau technique » maîtrisé par les enseignants permettrait alors aux valeurs et aux compétences associées à la pratique d’une activité physique de s’exprimer.

 

Enfin, l’augmentation des moyens – notamment humains  des fédérations sportives scolaires apparait nécessaire, d’autant plus que ces fédérations s’attendent à une hausse du nombre d’inscriptions à la rentrée 2024 sous l’effet des Jeux olympiques et paralympiques. Ce phénomène devrait, en particulier pour l’Usep, être accompagné d’une augmentation du nombre de personnels, à hauteur d’un poste par département mis à disposition par le ministère de l’Éducation nationale. Cette centaine de personnels supplémentaires, qui seraient chargés de mission « sport scolaire », seconderaient les délégués départementaux de l’Usep et les aideraient à solliciter les professeurs des écoles afin de les encourager à créer une association, à développer des activités ou encore à mettre des ressources à disposition des enseignants. Ceci permettrait à la fédération, avec des moyens qui ne semblent pas excessifs compte-tenu des enjeux, de dépasser le « plafond de verre » qu’elle connait actuellement, son taux de couverture atteignant un plateau autour de 20 % des écoles.

B.   la lutte contre le harcèlement : une prise de conscience à concrétiser

1.   Le harcèlement, dont les formes ont évolué, touche un nombre bien trop important d’élèves

Le phénomène du harcèlement, véritable fléau, a considérablement évolué ces dernières années et appelle, en retour, une évolution rapide des réponses qui lui sont apportées. En effet, le harcèlement n’a plus exclusivement lieu sur les heures de classe, ni même au sein de l’école, mais se prolonge en dehors du temps et du lieu scolaires, le plus souvent sur les réseaux sociaux. L’emploi même des termes « harcèlement scolaire » peut aujourd’hui apparaître inadapté, tant le harcèlement est devenu un harcèlement entre pairs, entre enfants – certes, des élèves – où la place de l’école est moindre qu’auparavant. Comme l’indiquait le directeur général de l’enseignement scolaire lors de son audition par les rapporteurs, il n’y a plus, aujourd’hui, une seule situation de harcèlement qui n’ait son prolongement « cyber », et le cyberharcèlement a profondément bouleversé les capacités de réponses de l’administration, en particulier de l’administration scolaire. L’association Marion la main tendue le précise, en s’appuyant sur une étude réalisée pour son compte par l’institut Ifop en mars 2021 ([32]) : « le harcèlement entre pairs met en jeu plusieurs espaces. Si les faits se déroulent très majoritairement au sein même de l’établissement (92 %), les sévices se prolongent pour une partie des victimes dans le cadre des activités extra-scolaires (26 %), dans les transports (18 %) et sur les réseaux sociaux (18 %). À cet égard, l’analyse des résultats par tranche d’âge laisse à penser qu’il s’agit d’un phénomène en progression : la proportion de cyber-harcelés parmi les 15-17 ans étant plus élevée (30 %) que chez les 18-24 ans (24 %) et les 25 à 34 ans (11 %). »

La réponse aux situations de harcèlement doit évoluer d’autant plus rapidement que le nombre d’élèves touchés apparait bien trop élevé. Les chiffres de la Depp indiquent que 46 % des élèves déclarent avoir été victimes d’au moins une violence de façon répétée durant l’année scolaire 2021-2022 et 6,7 % des élèves signalent au moins cinq violences réitérées plusieurs fois au cours de l’année. 15 % des collégiens – âge critique en matière de harcèlement – déclarent s’être sentis harcelés au cours d’une année scolaire et un collégien sur cinq a été victime d’au moins une cyberviolence de façon répétée. Ces chiffres montrent, en outre, que les violences sont très genrées : s’il s’agit essentiellement de violences physiques pour les garçons, les filles sont davantage victimes de rumeurs et de mises à l’écart.

Les associations de lutte contre le harcèlement, reçues par les rapporteurs, avancent des chiffres sensiblement plus élevés. Ainsi, 41 % des élèves interrogés par l’association Marion la main tendue indiquent avoir vécu du harcèlement au moment de leur scolarité ; 52 % des enfants n’en auraient pas parlé au moment des faits, par peur de représailles. Selon l’association Agir contre les violences scolaires, entre 35 % et 45 % des élèves seraient concernés et les chiffres du ministère de l’Éducation nationale seraient sous-estimés en raison du grand nombre d’élèves qui ne rapporteraient pas les faits dont ils seraient victimes. Pour l’association Marcelment, selon les différents points de vue, la prévalence du harcèlement oscillerait entre 5 % et 35 % pour les victimes, entre 5 % et 12 % pour les auteurs, mais 100 % des enfants seraient concernés, qu’ils soient victimes, auteurs ou témoins.

2.   Les premières mesures indispensables doivent être ajustées et prolongées

Face à ce phénomène, plusieurs mesures ont été mises en place et ont fait l’objet d’une accélération ces trois dernières années. Pour atteindre une pleine efficacité, ces dispositifs doivent cependant être ajustés.

Le programme pHARe, a ainsi été mis en place depuis 2021, puis généralisé aux écoles et collèges à la rentrée 2022 et enfin étendu aux lycées depuis la rentrée 2023. Alors que 86 % des collèges et 60 % des écoles sont inscrits dans le programme au printemps 2023, six mois après l’annonce de sa généralisation, les recteurs mobilisent les services académiques et départementaux pour atteindre l’objectif de 100 % des établissements insérés. Ce programme a pour objet de doter tous les établissements scolaires d’un plan de prévention structuré, d’assurer la sécurité et le bien-être des élèves en agissant directement sur le climat scolaire, d’apporter de la sécurité aux équipes pédagogiques en garantissant la traçabilité et la prévisibilité de l’action publique, de former les élèves et les personnels à la prévention et à la détection des situations de harcèlement et enfin de garantir la prise en charge de 100 % des situations signalées. Le plan prévoit le déploiement : 

– d’une équipe « ressource », chargée de mettre en œuvre le protocole de prise en charge des situations de harcèlement dans chaque circonscription du premier degré et dans chaque établissement du second degré. Cette équipe suit une formation, consacrée notamment aux faits d’intimidation et à leur prise en charge ;

– d’une équipe « programme » qui organise, dans chaque école, collège ou lycée, dix heures annuelles d’apprentissage dont bénéficient tous les élèves du CP à la terminale, sur la prévention du harcèlement et le développement des compétences psychosociales ;

– d’élèves ambassadeurs de la lutte contre le harcèlement formés dans le second degré.

Le programme pHARe prévoit, en outre, la participation des élèves à trois temps forts de prévention au cours de l’année scolaire et l’organisation d’ateliers de sensibilisation à l’attention des familles. Le dispositif s’appuie aujourd’hui sur un réseau de 400 référents académiques et départementaux.

L’ensemble des intervenants entendus par les rapporteurs s’accordent sur un point : « pHARe a le mérite d’exister », notamment en ce qu’il permet d’impliquer tous les acteurs d’un établissement – professeurs, parents, élèves, équipe éducative, etc. Il souffre cependant de lacunes qui mériteraient d’être corrigées. Beaucoup regrettent, en effet, que la formation des personnels qui y participent, notamment à la méthode de la préoccupation partagée, soit insuffisamment réalisée, et le soit le plus souvent en visioconférence et en autoformation, avec peu de mise en pratique et d’échanges avec les pairs. Or, sans remettre en cause la nécessité d’une responsabilité partagée, la sensibilité des sujets à traiter requiert une véritable professionnalité qui nécessite une formation approfondie. Tous les syndicats entendus estiment également que le temps nécessaire à la concertation entre enseignants, et entre adultes de manière plus large, est insuffisant. Or ces temps de concertation, d’analyses de pratiques, de partage d’informations sont indispensables pour traiter au mieux les situations de harcèlement. Enfin, les associations de parents d’élèves alertent sur la méconnaissance par les élèves et leurs familles de l’existence du dispositif et de l’identité des référents auxquels ils peuvent s’adresser. La médiatrice de l’Éducation nationale, qui consacrait une partie de son rapport pour l’année 2022 ([33]) à la prévention et à la prise en charge du harcèlement entre élèves, soulignait également que « le réseau d’appui (référents, équipes ressources, réseaux départementaux d’intervention) mis en place pour prévenir et repérer les situations de harcèlement n’est pas encore suffisamment connu » et prônait un « meilleur déploiement de l’information sur les dispositifs existants ».

En définitive, le dispositif pHARe devrait faire l’objet d’une évaluation robuste et indépendante, qui permettrait d’objectiver ses lacunes et de vérifier l’homogénéité de son déploiement. Comme l’indiquait la médiatrice de l’Éducation nationale, il s’agit de « s’assurer de sa réalisation effective dans toutes ses dimensions, [de] mettre en relief les conditions de son efficacité, [d’]identifier les freins à son déploiement et [de] faire des propositions pour faciliter et accélérer son appropriation par les équipes de terrain ». En tout état de cause, pHARe ne pourra remplacer l’existence d’un pôle médico-psycho-social solide, qui doit être étoffé et formé. Les infirmiers, assistants sociaux et psychologues de l’Éducation nationale jouent en effet un rôle fondamental dans la prévention et le traitement du harcèlement, que les enseignants ne peuvent ni ne doivent assumer à leur place.

La loi du 2 mars 2022 visant à combattre le harcèlement scolaire, contribue à prendre en compte l’évolution du harcèlement, en intégrant à sa définition les actes commis en marge de la vie scolaire ou universitaire, mais également par les personnels. Elle crée un délit de harcèlement scolaire sanctionnant les élèves, les étudiants ou les personnels reconnus coupables de harcèlement. Les peines maximales encourues sont de dix ans de prison et de 150 000 euros d’amende en cas de suicide ou de tentative de suicide de la victime harcelée. Le suivi d’un stage de sensibilisation aux risques liés au harcèlement scolaire peut également être prononcé par le juge. Le droit de suivre une scolarité sans harcèlement scolaire, posé par la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance, devient une composante du droit à l’éducation et la loi prévoit qu’une information sur les risques liés au harcèlement scolaire et au cyberharcèlement soit délivrée chaque année aux élèves et aux parents d’élèves. Elle dispose également que tous les personnels devront être formés à la lutte contre le harcèlement scolaire d’ici 2027, au travers de la formation systématique des enseignants stagiaires mais également de la formation continue des enseignants en poste : les Inspé et les écoles académiques de la formation continue (EAFC) sont mobilisés en ce sens.

Ceci va, indéniablement, dans la bonne direction, d’autant plus que, comme le montre l’étude Ifop réalisée pour l’association Marion la main tendue, « alors même que les enseignants ont été assez largement confrontés à des cas de harcèlement entre élèves dans leur vie professionnelle (62 % en ont géré dont 33 % à plusieurs reprises), ces derniers se sentent assez majoritairement désarmés pour y faire face (65 %). Ces professionnels déplorent spontanément le manque de formation (53 % des témoignages recueillis font référence à cette dimension). Et de fait, seulement 17 % des enseignants indiquent avoir suivi une formation dédiée (dont 5 % pendant leur formation initiale). » Il conviendra de s’assurer que ces formations seront bien proposées et suivies par les enseignants, le cas échéant en envisageant une organisation qui facilite leur participation.

Par ailleurs, les décrets du 16 août 2023 renforcent les pouvoirs de sanction des chefs d’établissement et autorités académiques. Ainsi, dans le premier degré, le décret n° 2023-782 du 16 août 2023 relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires relevant du ministre chargé de l’Éducation nationale autorise l’éviction du harceleur de son établissement scolaire. Le texte donne le droit au directeur académique, saisi par le chef d’établissement, de demander l’exclusion définitive d’un élève qui « fait peser un risque caractérisé sur la sécurité ou la santé d’un autre élève de l’école » par son comportement intentionnel et répété, en cas d’échec des mesures éducatives préalables. La sanction n’intervient qu’après une première exclusion de cinq jours au maximum et avec l’accord du maire, qui a la compétence de l’inscription des élèves dans sa commune.

Pour les organismes entendus par les rapporteurs, cette mesure constitue une réponse immédiate et justifiée de protection de la victime mais ne saurait être considérée comme suffisante si elle n’est pas accompagnée de mesures éducatives : en cas contraire, le « problème » serait simplement déplacé d’un établissement à un autre, emportant le risque que le harceleur récidive ou, à l’inverse, devienne harcelé dans son nouvel établissement. En outre, le harcèlement est bien souvent le fait d’un groupe, animé d’une dynamique propre, au sein duquel les responsabilités peuvent être difficiles à établir : l’exclusion d’un seul élève peut se révéler vaine, voire contreproductive. Comme l’indique l’association Marcelment, « le groupe joue un rôle majeur dans les situations, et évincer un membre du groupe ne saurait contribuer assurément à une amélioration de la situation. Au mieux personne n’aura appris de cette décision, au pire des représailles seront perpétrées sur la victime. » L’étude Ifop réalisée pour l’association Marion la main tendue le confirme : « trois quarts des victimes concernées indiquent que les actes étaient le fait de plusieurs élèves (76 %). Plus le harcèlement se déroule sur une période longue, plus il tend à impliquer plusieurs agresseurs. » Il importe, également, de travailler sur l’amélioration de la réponse collective apportée aux situations de harcèlement. En effet, comme l’indique l’association Marcelment, « le harceleur qui peut exercer son harcèlement, le fait grâce à une défaillance collective, avec un manque de prévention de la part des adultes, de repérage précoce des dysfonctionnements, une non gestion des conflits, une indifférences des élèves qui ne cherchent pas à rompre les phénomènes de harcèlement par peur ou par indifférence ; de même pour les adultes ». Il faut, enfin, accompagner la victime dans la durée, celle-ci pouvant demeurer durablement traumatisée, quand bien même le harceleur aurait changé d’école. En tout état de cause, le changement d’établissement de l’élève harceleur ne saurait être considéré comme ayant clôt la situation.

De plus, le décret n° 2023-783 du 16 août 2023 relatif à la compétence de l’équipe éducative au sein des écoles, prévoit que l’équipe éducative « se réunit obligatoirement lorsque le comportement intentionnel et répété d’un élève fait peser un risque avéré sur la sécurité ou la santé des autres élèves de l’école ». Si les rapporteurs estiment que cela devrait contribuer à permettre aux équipes éducatives de disposer d’un temps de concertation minimal, ils regrettent que la disposition ne s’applique qu’aux cas manifestement déjà graves.

Dans le second degré, enfin, le décret du 16 août 2023 relatif au respect des principes de la République et à la protection des élèves dans les établissements scolaires étend les compétences disciplinaires du chef d’établissement : il peut désormais sanctionner un élève de son établissement commettant des actes de harcèlement à l’encontre d’élèves situés dans un autre établissement. Ceci est une avancée positive qui permet de tenir compte des nouvelles formes de harcèlement, dont les auteurs et les victimes n’appartiennent pas systématiquement au même établissement, moins encore à un groupe classe fermé.

3.   Les mesures du plan interministériel de lutte contre le harcèlement sont à préciser et leur application à accompagner

Pour améliorer encore la réponse apportée aux situations de harcèlement et limiter le nombre d’enfants victimes, le Gouvernement a adopté un plan interministériel de grande ampleur, présenté en septembre 2023 par la Première ministre. Ce plan, dont les rapporteurs saluent l’existence, comporte trois grands axes :

– 100 % prévention, grâce au développement des compétences psychosociales dont l’efficacité est avérée par la recherche scientifique et permet d’améliorer la santé mentale et le bien-être, mais aussi la qualité des apprentissages et le climat scolaire. Il s’agit d’encourager l’empathie, le savoir-vivre, la maîtrise de soi, l’acceptation de la différence, ou encore la confiance en soi. Un grand plan de formation à ces compétences a été annoncé dans la circulaire de rentrée pour 2023, qui demande, selon les rapporteurs, à être détaillé et décliné avec les syndicats des professions médico-sociales de l’Éducation nationale. S’agissant de la mise en œuvre annoncée de « cours d’empathie », dont le terme semble pouvoir recouvrir une grande variété de contenus, les rapporteurs soulignent que plusieurs dispositifs existent déjà et pourraient être généralisés ou à tout le moins étendus. C’est le cas, notamment, des ateliers de philosophie mis en place par l’association Savoir être et vivre ensemble (SEVE) dès la classe de grande section de maternelle. Ces ateliers permettent aux enfants de s’exprimer, de réfléchir à des questions fondamentales autour de l’amitié, de la mort, du bonheur, dans un espace et un lieu « protégés ». Ils conduisent à développer les habiletés de pensée des enfants dans le cadre d’un dialogue philosophique non moralisateur et incitent ainsi à un échange non-violent à même de contribuer à la réduction du harcèlement. L’association, qui dispose d’un agrément du ministère de l’Éducation nationale, forme également de futurs animateurs d’ateliers : depuis 2016, plus de 5 000 animateurs ont été formés, dont 30 % sont des enseignants. L’association Recherche sur le yoga dans l’éducation, qui dispose également d’un agrément de l’Éducation nationale, travaille pour sa part depuis quarante ans à adapter les techniques de yoga de manière à les rendre utilisables dans le quotidien d’une classe et à former les enseignants à s’en servir. Ceci doit permettre aux élèves d’acquérir des éléments de savoir-être, de maitrise de leur corps, de gestion du stress et des émotions, ou encore d’attention et de concentration, qui peuvent contribuer à prévenir et à réduire le harcèlement. Ces différentes pratiques doivent, pour les rapporteurs, faire l’objet d’une étude approfondie portant sur les modalités de leur mise en œuvre, leurs effets immédiats et à long terme, ou encore les précautions qui doivent être prises lorsqu’elles sont dispensées par des intervenants extérieurs à l’école, étude qui devrait être adossée sur la recherche expérimentale et réalisée, par exemple, par des doctorants. La prévention passera également par la réforme de l’enseignement moral et civique (EMC) et la systématisation de la sensibilisation des parents et des élèves, selon des modalités qui restent à préciser ;


– 100 % détection, par le déploiement de questionnaires annuels, dès la classe de CE2. Les rapporteurs estiment que ces questionnaires devront faire en sorte de déceler les élèves harcelés, mais également les potentiels élèves harceleurs. Les parents pourront suivre des stages de détection des risques et un temps banalisé sera organisé plusieurs fois dans l’année dans toutes les classes. Davantage de personnels consacrés au harcèlement seront mobilisés dans chaque académie et 1 000 jeunes en service civique seront déployés dans les différents lieux de vie de l’enfant ;

– 100 % réaction, afin d’assurer une prise en charge et un suivi au plus près des élèves victimes et des élèves auteurs. Le numéro de signalement 3018 deviendra le numéro unique, pour plus de lisibilité du dispositif de signalement. L’engagement d’une procédure de sanction disciplinaire sera systématisé, et la coordination entre les ministères de l’Éducation nationale, de l’Intérieur et de la Justice renforcée. De nouvelles mesures judiciaires permettant d’interdire de réseaux sociaux les auteurs de cyberharcèlement dès le constat de l’infraction seront proposées. Les rapporteurs saluent ces avancées très positives et insistent sur la nécessité, tout en distinguant ce qui relève du harcèlement de ce qui n’en constitue pas, d’accorder une place importante à la parole de l’élève et de ne jamais minimiser ce qui ne peut aucunement être assimilé à des « querelles d’enfants » : un enfant qui rapporte une violence devra systématiquement être entendu. 


Travaux de la commission

  1.   AUDITION DU MINISTRE

Lors de sa réunion du mardi 17 octobre 2023 à 17 heures 30 ([34]), la commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680 – seconde partie), M. Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous commençons nos travaux sur la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024 par l’examen des crédits de la Mission Enseignement scolaire. Cela nous donne l’occasion d’auditionner pour la première le nouveau ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse.

Après avoir entendu le ministre, les rapporteurs pour avis et les orateurs de groupes prendront la parole, puis tous les députés qui le souhaitent pourront poser une question de nature budgétaire.

Après le départ du ministre, ou ce soir, nous examinerons les amendements et voterons les crédits.

M. Gabriel Attal, ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse. Je ne peux aborder cette première audition sans évoquer l’attentat islamiste de vendredi, qui nous a tous profondément ébranlés.

L’assassinat sauvage et barbare de Dominique Bernard a été un choc immense pour les professeurs, pour l’ensemble de la communauté éducative et pour la nation tout entière. Je partage toute l’émotion et la douleur des Français qui, trois ans après Samuel Paty, voient à nouveau tomber l’un de nos professeurs. Je comprends l’appréhension des équipes enseignantes et de tous ceux qui font vivre les écoles. Dès hier, ils étaient de retour pour préparer la reprise des cours, pour tenter d’aborder l’inexplicable, d’évoquer l’horreur, et pour malgré tout continuer à transmettre inlassablement nos valeurs républicaines.

Hier, la France était en communion avec ses professeurs. Nous devons chaque jour renouveler le respect, l’admiration, la reconnaissance qui se sont exprimés. En effet, l’école est précisément tout ce que rejettent nos ennemis, tout ce qu’abhorrent ces marchands de haine et de terreur : un lieu d’émancipation pour tous, d’élévation, de mixité, où des femmes et des hommes transmettent le meilleur de la création et du génie humains aux nouvelles générations. Là, les jeunes filles peuvent devenir ingénieures, malgré les stéréotypes, encore trop nombreux. Là, les jeunes garçons, quels que soient leur origine et leur parcours, peuvent s’élever dans la société et épouser la culture de notre pays. La jeunesse de France et ses professeurs y témoignent chaque jour que le débat, l’esprit critique et la transmission des savoirs sont les fondements d’un progrès durable de nos sociétés. L’école, c’est tout cela.

Au fond, l’école est une condition de la République, le moyen de tenir sa promesse. Parce qu’elle est l’exact inverse du monde que voudraient nous imposer les terroristes, elle doit ne rien céder, ne renoncer à rien, ne rien amputer ni à ses engagements ni à son idéal.

Hier, notre école s’est tenue debout ; elle reste debout. Derrière elle, toute la nation est unie, fière de ses professeurs.

Je n’ignore rien des débats, légitimes, que nous aurons sur les circonstances de l’attentat et sur les moyens de renforcer encore la sécurité du personnel et des établissements scolaires. Toutefois, il est essentiel de montrer que les institutions sont à l’œuvre et que le débat démocratique se poursuit : les terroristes, les islamistes projettent aussi de les éteindre.

Après les attentats de 2015, un diagnostic a été réalisé dans chaque établissement et des travaux de sécurisation ont été engagés, en fonction des besoins. Le bâti scolaire relève des compétences des collectivités territoriales. Cependant, étant donné les circonstances, l’État a consenti plus de 100 millions d’euros de cofinancement depuis 2017 pour sécuriser des établissements publics locaux, dont les écoles, dans le cadre du fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), qui dépend des crédits du ministère de l’Intérieur.

Pour dresser un bilan de ces travaux et évaluer les besoins supplémentaires en équipements et en moyens humains, j’ai lancé sans délai une enquête flash auprès des écoles, collèges et lycées ; les conclusions m’en seront remises en début de semaine prochaine.

J’ai reçu ce matin les organisations syndicales de l’Éducation nationale. Je recevrai demain les associations d’élus. Hier, le Président de la République et la Première ministre nous ont à nouveau réunis, les ministres de l’Intérieur et des outre-mer, de la Justice et moi-même.

C’est ensemble que le Gouvernement, la représentation nationale, grâce aux missions de contrôle et au débat budgétaire, les collectivités locales et les organisations syndicales contribueront à élaborer les meilleures solutions pour assurer la sécurité des élèves, des personnels et des établissements scolaires.

D’ores et déjà, le plan Vigipirate a été rehaussé à son plus haut niveau, « urgence attentat » ; 7 000 militaires de l’opération Sentinelle, des milliers de policiers et gendarmes en patrouilles renforcées et un millier de membres du personnel de sécurité de l’Éducation nationale sont déployés pour exercer une vigilance maximale aux abords et dans les établissements scolaires. À cette réaction d’urgence, nous ajouterons des réponses structurelles et durables pour garantir la sécurité des professeurs, des élèves et de l’ensemble de la communauté éducative.

Tel est le contexte dans lequel vous allez examiner le budget de l’école pour 2024. Il est le fruit du travail de nos concitoyens qui, par leur impôt, financent et rendent possible un meilleur avenir pour les jeunes générations.

Depuis 2017, nous avons fait le choix historique de réinvestir massivement dans l’école de la République. Car il n’y a pas de plus beau message que celui d’une nation qui croit en son destin et qui investit dans son avenir.

En 2024, le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse disposera d’un budget de 63,6 milliards d’euros. C’est près de 15 milliards de plus qu’en 2017, soit une hausse de plus de 29 %. Dans le même temps, l’école a accueilli 300 000 élèves de moins, en raison de la démographie ; pourtant son budget a crû de 29 %. En seulement deux années, de 2022 à 2024, cette hausse atteint 7,6 milliards d’euros, soit 14 %. J’entends tous les débats, légitimes, sur les moyens de l’école. Toutefois, je mets quiconque au défi de trouver un quinquennat pendant lequel son budget a autant augmenté, alors que la démographie scolaire diminuait.

Derrière ces chiffres, il y a des vies d’engagement ; nous avons vis-à-vis de nos professeurs un immense devoir de reconnaissance. Aussi avons-nous décidé en cette rentrée des revalorisations inédites et sans condition de leur rémunération par rapport à la rentrée 2022, de 125 à 250 euros net par mois. Les professeurs néotitulaires gagnent désormais 2 100 euros net, contre 1 700 euros il y a seulement trois ans. Nous avons effacé une génération de déclassement salarial. Nous n’avons pas seulement tenu les engagements de la campagne présidentielle, une revalorisation moyenne de 10 % et 2 000 euros en début de carrière, nous les avons dépassés, avec une revalorisation moyenne de 11 % entre avril 2022 et janvier 2024. Je ne dis pas que tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, mais depuis plus de trente ans, aucune revalorisation de cette ampleur n’était intervenue en si peu de temps.

Toutefois, nous ne sommes pas au bout du chemin pour redorer le prestige social du métier de professeur et lui rendre son attractivité. Dès la rentrée, j’ai donc engagé une large discussion sur ce thème avec les organisations syndicales, en examinant les enjeux de la formation initiale, des évolutions de carrière et des conditions de travail. Je souhaite y associer les parlementaires, notamment de la commission des Affaires culturelle et de l’éducation. J’en rendrai les conclusions d’ici au début de l’année prochaine.

De puissants leviers ont été envisagés : améliorer la formation initiale en master, en réformant le positionnement du concours ; renforcer l’accompagnement lors de la prise de poste ; faciliter la progression en milieu de carrière ; soutenir l’effort de prévention en matière de santé ; aménager les fins de carrière.

Nous avons également l’ambition de continuer à réduire la taille des classes. À la rentrée 2023, 85 % des classes de grande section de maternelle situées en réseau d’éducation prioritaire (REP) et en réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP +) étaient dédoublées ; elles seront 100 % à la rentrée 2024. Dans le premier degré, on comptait 23,6 élèves par classe en 2017, ils seront 21,4 en 2024. À la rentrée 2024, nous aurons achevé le dédoublement des classes de grande section, CP et CE1 de REP, au profit de 500 000 élèves. Cet investissement massif et inédit de la nation, qui se traduit par 11 000 créations de postes de professeurs des écoles, a déjà produit des résultats, elle continuera d’en produire. Une étude de septembre 2021 de la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp) montre que, grâce au dédoublement, en fin de CE1, les écarts en lecture et en calcul entre un élève en REP + et un élève hors éducation prioritaire sont réduits de 15 à 40 %. Notre objectif est de réduire les inégalités scolaires en élevant le niveau de tous.

Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 prévoit aussi le financement de soixante très petites sections supplémentaires pour accueillir les enfants dès 2 ans dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV), la création de postes dans les unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis) et la poursuite du plan « autisme ».

Ce PLF pour 2024 tend également à satisfaire l’ambition d’accueillir à l’école tous les enfants de France à travers le service public de l’école inclusive. Depuis 2017, nous avons augmenté de 51 % le nombre d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et de 36 % le nombre d’élèves en situation de handicap accueillis en milieu ordinaire, porté à plus de 475 000. Nous en sommes fiers.

Néanmoins, pour rendre leur accueil satisfaisant, il nous faut plus de moyens humains. Depuis 2017, nous avons massivement augmenté le nombre d’AESH : ils sont 130 000. En quelques années, leur métier est devenu le deuxième de l’Éducation nationale, en personnel. L’année scolaire en cours marquera la poursuite de cet effort, avec le recrutement de 4 800 AESH supplémentaires : ils seront 15 000 de plus qu’en 2022.

Là non plus, je n’ignore rien des difficultés qui demeurent, des délais, des manques qui persistent. Je reçois les témoignages, souvent bouleversants, de familles qui attendent un AESH pour leur enfant.

Pour pouvoir recruter davantage, il fallait revaloriser et de déprécariser le métier. Grâce à un amendement adopté lors de l’examen du PLF pour 2023, les AESH gagnent entre 89 et 117 euros net de plus par mois. Ce mois-ci leur sera versée une prime exceptionnelle de pouvoir d’achat, de 500 euros en moyenne.

Alors qu’il y a six ans, la plupart des AESH avaient un contrat aidé et étaient très précaires, plus de 55 % d’entre eux ont désormais un CDI et reçoivent une meilleure formation, même si des progrès restent à accomplir. Enfin, nous devons permettre à ceux qui le souhaitent de travailler à temps complet ; nous avons déjà conclu des conventions en ce sens avec plus de quatre-vingts collectivités.

Pour aller plus loin et satisfaire aux ambitions qu’a définies la dernière Conférence nationale du handicap (CNH), l’article 53 du PLF tend à expérimenter, dès la rentrée 2024, la création de pôles d’appui à la scolarité (PAS), qui visent à fournir une réponse pédagogique plus rapide et plus complète aux élèves en situation de handicap et à leur famille. Il s’agit d’améliorer sensiblement les conditions d’accueil et de scolarisation en leur apportant une réponse de premier niveau, élaborée conjointement par des professionnels de l’Éducation nationale et du secteur médico-social, comme cela était demandé depuis des années.

Très concrètement, les pôles d’appui à la scolarité seront chargés de définir et d’appliquer rapidement des mesures cohérentes avec l’évaluation des besoins de l’élève, qu’il s’agisse d’adaptations pédagogiques, de mise à disposition de matériel pédagogique – dont nous devons accélérer les délais – ou de l’intervention d’acteurs de l’Éducation nationale et du secteur médico-social. Ils pourront informer les familles de la possibilité de saisir la maison départementale des personnes handicapées (MDPH) d’une demande de reconnaissance de handicap et de compensation et les conseiller dans cette démarche. Enfin, ils apporteront leur soutien en matière de ressources, de pratiques pédagogiques et de formation aux personnels des écoles et des établissements de leur ressort qui en font la demande.

Avec ces pôles d’appui à la scolarité, nous mobilisons toutes les expertises pour proposer aux familles, aux élèves et à leurs professeurs une vraie solution, complète et rapide. Pour les faire vivre, nous recruterons 300 personnes – le budget de l’Éducation nationale financera 100 emplois, celui du médico-social 200. Ainsi, l’accueil et l’accompagnement de tous les élèves à l’école de la République pourront accomplir un véritable saut qualitatif.

La question des moyens humains se pose aussi pour mener la lutte implacable qui s’impose contre le fléau du harcèlement scolaire. Je l’ai dit dès ma prise de fonctions, il s’agit de ma grande cause pour l’école. Je sais pouvoir compter sur votre très large soutien, par-delà les clivages politiques. Car on n’apprend pas bien à l’école quand on y est malheureux. On ne peut acquérir les savoirs fondamentaux quand l’esprit est tout entier préoccupé.

Voilà pourquoi, avec la Première ministre, nous avons annoncé un plan interministériel de lutte contre le harcèlement à l’école. Pour l’Éducation nationale, il sera financé par des crédits existants, notamment 38 millions d’euros par an alloués à la formation du personnel et à certaines missions des référents présents dans les établissements. Nous devrons toutefois dégager des moyens supplémentaires pour recruter des équipes académiques consacrées à temps plein à la lutte contre le harcèlement, afin d’assurer un traitement et un suivi systématique de chaque situation. Il faut un suivi humain, comme malheureusement l’ont montré les drames que nous avons connus et certaines réponses de l’administration. Il faut également renforcer la médecine scolaire, qui en a tant besoin, et recruter davantage d’infirmiers et d’assistants sociaux, en les rémunérant mieux, même si nous avons déjà engagé des revalorisations substantielles au cours des dernières années.

Le 9 novembre se tiendra dans tous les établissements scolaires la Journée « Non au harcèlement ! » Elle permettra de recueillir la parole de tous les élèves et d’identifier des situations jusqu’ici sans réponse. Elle favorisera le changement culturel que je veux étendre à tous les étages de l’Éducation nationale, pour qu’enfin la parole des élèves soit systématiquement écoutée, entendue et suivie d’effets.

Enfin, le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse joue un rôle fondamental dans la transition écologique et pour la cohésion sociale de notre pays. L’école est le cœur battant de la nation et l’institution qui en perpétue la culture, les valeurs et les principes en les transmettant aux futures générations.

On compte 1,5 million d’élèves boursiers sur critères sociaux ; nous avons revalorisé les bourses de 6 % en deux ans. Leur versement sera automatique à compter de la rentrée 2024, afin de lutter contre le non-recours et l’autocensure. J’ajoute que 150 000 élèves bénéficient également d’une bourse au mérite et 40 000 d’une prime d’internat, que nous continuons bien sûr de financer.

Les fonds sociaux sont sanctuarisés à hauteur de 54 millions d’euros ; grâce au Pacte des solidarités, nous poursuivons le déploiement des petits déjeuners gratuits et des cantines à 1 euro, financés par la mission Solidarité, insertion et égalité des chances. Ainsi, l’an passé, des élèves de familles modestes ont bénéficié de 13 millions de petits déjeuners gratuits : toutes les études montrent qu’on apprend mieux et qu’on est plus calme quand on a pris un petit déjeuner.

En cette rentrée 2023, nous finançons l’extension de la part collective du pass culture aux élèves de sixième et de cinquième ; elle constitue l’une des briques de l’ambition « 100 % d’éducation artistique et culturelle ». L’an passé, 2,2 millions de collégiens ont ainsi profité de visites de musées ou de représentations théâtrales ou ont joué d’un instrument de musique. Je salue les 87 % des collèges qui se sont déjà engagés dans cette démarche. Notre objectif est de parvenir à 100 %.

Nous poursuivons l’investissement dans l’éducation prioritaire avec l’achèvement du dédoublement des classes ; au total, nous aurons augmenté de 50 % le budget de l’éducation prioritaire.

Pour financer cet effort, nous devons discuter de la réorientation du fonds de 42 millions d’euros destiné aux communes qui ont choisi de maintenir la semaine de quatre jours et demi. Les documents budgétaires qui vous ont été soumis l’an dernier prévoyaient la réduction de moitié du fonds dès cette rentrée, avant une extinction à la rentrée prochaine, mais nous avons choisi de maintenir les crédits pour l’année 2023-2024 au niveau de l’année passée. Il faudra donc réabonder le fonds de 19 millions et débattre de son évolution à compter de la rentrée 2024, le temps d’organiser une concertation convenable avec les communes, concernant les nouvelles modalités de financement de leurs activités périscolaires. Les marges de manœuvre ainsi dégagées pourraient être utilement redéployées sur l’éducation prioritaire.

L’égalité des chances passe aussi par la réforme du lycée professionnel. À terme, l’investissement supplémentaire se montera à 1 milliard d’euros par an, pour financer la gratification des stages de la classe de seconde à celle de terminale, les cours en petits effectifs, l’ajout de cours d’options, la création d’un bureau des entreprises dans chaque établissement et la transformation de la carte des formations. Nous voulons faire chuter drastiquement le taux de décrochage et augmenter significativement ceux des poursuites d’études dans l’enseignement supérieur et d’insertion dans l’emploi.

Le bâti scolaire représente la moitié du bâti public en France. L’État cofinancera la rénovation des écoles à hauteur de 500 millions d’euros par an, avec le fonds Vert du ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires. Le programme EduRénov de la Caisse des dépôts et les dotations à l’investissement des collectivités territoriales complètent cet effort massif consenti pour arriver à rénover 40 000 écoles en dix ans.

Nous devons y parvenir pour atteindre nos objectifs de transition écologique, ainsi que pour assurer la santé et le bien-être des élèves et des professeurs. À l’école de la République, on ne doit plus avoir trop chaud l’été ou trop froid l’hiver. Bien que la rénovation du bâti ne relève pas de la compétence de l’État, nous y consacrons donc 500 millions d’euros dans ce budget, qui n’apparaissent pas non plus dans les crédits de l’enseignement scolaire, puisqu’ils dépendent du fonds Vert. De la même manière, conformément à l’engagement du Président de la République, l’État investira 100 millions d’euros sur trois ans dans les équipements sportifs, qui ne relèvent pas non plus de sa compétence. Le budget du ministère des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques supportera cet effort inédit.

Le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse finance également le bâti scolaire à Mayotte, où nous engageons 523 millions d’euros d’investissement sur la période allant de 2024 à 2027 ; des projets de construction à La Réunion, avec 60 millions d’euros consacrés aux lycées des métiers de la mer et du tourisme vert entre 2024 et 2028 ; la rénovation du patrimoine du ministère, à hauteur de 96 millions en 2024 ; sa modernisation informatique à hauteur de 180 millions en 2024.

Voilà ce que, très concrètement, le PLF 2024 permet de financer pour l’école, au service des élèves et de la jeunesse.

Mme la présidente Isabelle Rauch. On voit bien que l’école est un domaine transversal : d’autres ministères financent certaines de ses évolutions, qu’elles relèvent de la transition écologique ou du sport.

Nous nous associons à vos propos sur l’attentat islamiste qui a coûté la vie à un professeur. Nous sommes aux côtés des familles des victimes, et de toute la communauté éducative.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Nous nous associons aux interventions liminaires de M. le ministre et de Mme la présidente. Nous nous réunissons pour la première fois depuis l’attentat d’Arras : nous exprimons notre solidarité envers le personnel de l’Éducation nationale et ses élèves et nous adressons nos pensées aux victimes du drame et à leurs proches. Comme beaucoup, nous sommes très émus, en particulier M. Philippe Fait, député et conseiller départemental du Pas-de-Calais, qui côtoie régulièrement les Arrageois.

La mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances pour 2024 révèle les priorités du Gouvernement pour l’école : l’acquisition des savoirs fondamentaux et la réussite des élèves, ainsi que leur épanouissement et leur bien-être.

Pour atteindre ses objectifs, le Gouvernement alloue des moyens inédits au budget de l’Éducation nationale. Ainsi, la mission Enseignement scolaire demeure la mieux dotée ; le budget du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse s’élève à 86 milliards d’euros en autorisations d’engagement et en crédits de paiement. Ce budget est en hausse de 5,31 %, après l’avoir été de 6 % l’an passé. Depuis 2022, le budget du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse a augmenté de 13,6 %, soit 7,6 milliards d’euros : en deux ans, la hausse a été plus forte que pendant chacun des deux précédents quinquennats. Nous y sommes bien évidemment favorables et appelons cette progression à se poursuivre, dans une dynamique pluriannuelle, pour que l’ensemble des réformes engagées puisse aboutir.

Cette augmentation s’explique par un grand nombre de mesures ambitieuses. La première par son incidence budgétaire, est la poursuite des revalorisations des rémunérations, des enseignants en particulier. Les revalorisations dites socle, inconditionnelles, représenteront 1,3 milliard d’euros en 2024. Elles comprennent l’augmentation des indemnités de fonction des enseignants, des conseillers principaux d’éducation (CPE) et des psychologues de l’Éducation nationale (psy-EN) et celle de la prime d’activité, ainsi que des mesures de fluidification des carrières. Ainsi, tous les enseignants titulaires, les CPE et les psy-EN débuteront leur carrière avec une rémunération supérieure à 2 000 euros net par mois – 2 102 euros pour les enseignants néotitulaires et 2 466 euros pour les néotitulaires en REP +.

Il faut ajouter les mesures issues du rendez-vous salarial et, pour les enseignants volontaires, la rémunération de missions complémentaires. Sans les revalorisations liées au pacte enseignant, les professeurs titulaires gagneront en janvier 2024 en moyenne 258 euros net de plus qu’en avril 2022, soit une progression de 11 %.

Nous saluons ces efforts pour améliorer l’attractivité du métier ; il faut les poursuivre et ne pas se limiter à la dimension salariale, mais inclure les enjeux relatifs aux conditions de travail.

L’acquisition des savoirs fondamentaux et la réussite scolaire restent au nombre des grandes priorités du Gouvernement, avec plusieurs mesures : le développement de l’accueil dès 2 ans ; l’achèvement du dédoublement des classes de grande section en éducation prioritaire ; les plans de formation en mathématiques et français, ainsi que le plan destiné aux enseignants de maternelle ; l’heure hebdomadaire de soutien et d’approfondissement en mathématiques ou en français au collège ; la généralisation du dispositif Devoirs faits ; la réintégration des mathématiques dans le tronc commun de première générale.

Mais la réussite scolaire n’a de valeur que si elle est accessible à tous. C’est pourquoi le projet de loi de finances contient plusieurs mesures visant à garantir l’égalité des chances et l’accès de tous à l’éducation. Le budget consacré à l’inclusion scolaire des élèves en situation de handicap augmente ainsi de 15,43 % ; il permettra de recruter 3 000 AESH, et de revaloriser leur salaire, de 13 % en moyenne. S’ajoute la création d’un fonds de soutien à l’acquisition de matériel adapté, doté de 25 millions d’euros.

Les cordées de la réussite, les contrats locaux d’accompagnement, les territoires éducatifs ruraux et les internats d’excellence créés en application du plan France ruralités contribueront à réduire les inégalités sociales et territoriales, pour favoriser la réussite de tous.

Le PLF prévoit également de financer les mesures de la réforme de la voie professionnelle : développement des bureaux des entreprises ; dispositifs Tous droits ouverts et Ambition emploi ; enseignement en petits groupes ; gratification des périodes de formation en milieu professionnel. Au total, 1 milliard d’euros seront investis en 2024 pour appliquer cette réforme, soutenue par les ministères chargés de l’Éducation nationale, du travail et de l’agriculture, par le secrétariat d’État chargé de la mer, et par le plan France 2030.

Enfin, l’enseignement technique agricole fait l’objet d’une attention particulière, puisque les crédits du programme 143 augmenteront en 2024 de 6,39 %.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous avons porté une attention particulière au bien-être des élèves à l’école, car il est une condition fondamentale de leur réussite scolaire et personnelle.

Le périmètre de la notion est d’autant plus difficile à définir que de nombreux facteurs interviennent et que le bien-être est souvent évalué en creux, par ce qui peut être évité, en particulier les dépressions et les suicides. S’il ne dépend pas uniquement de l’école, celle-ci joue un rôle essentiel pour le préserver, voire l’améliorer – toutes les auditions l’ont montré.

Plusieurs études, de Santé publique France notamment, attestent une dégradation alarmante de la santé mentale des élèves. Si certains dispositifs d’évaluation du climat scolaire dans les établissements sont sous-utilisés, le système scolaire prend de mieux en mieux en considération le bien-être, au niveau national comme international. En France, le dispositif École promotrice de santé est fondé sur l’idée que l’école doit encourager une santé complète, ce qui passe notamment par la confiance en soi, les compétences psychosociales, l’alimentation et le sport. C’est essentiel car il n’est pas dans la tradition de l’école française de se préoccuper du bien-être ; le corps a longtemps été impensé, ce que le poids des cartables et l’organisation des espaces rendent encore visible. Cependant, les mentalités évoluent rapidement – nous nous en réjouissons.

De nombreuses dimensions de l’école sont en jeu – bâti scolaire, propreté, restauration, sentiment de sécurité, évaluations et notations, etc. Nous avons choisi de mettre l’accent sur deux leviers essentiels : la promotion de l’activité physique et la lutte contre le harcèlement.

L’activité physique est susceptible d’améliorer le bien-être physique et psychique des élèves ainsi que le climat scolaire. En effet, elle accroît leur concentration en classe et les aide à développer des compétences sociales et psychosociales, comme la solidarité, la tolérance, la coopération et le respect d’autrui. En outre, proposer des activités adaptées aux handicaps favorise les projets communs inclusifs et une meilleure compréhension du handicap.

À cet égard, les Jeux olympiques et paralympiques (JOP) de Paris offrent l’occasion de sensibiliser les élèves à l’importance d’une pratique sportive régulière. Nous devrons veiller à rendre durable leur héritage.

Plusieurs mesures récentes tendent à renforcer la pratique physique des élèves du premier et du second degré, en particulier les trente minutes d’activité physique quotidienne et les deux heures de sport supplémentaires au collège. Elles commencent à porter leurs fruits.

Cependant, pour que l’activité physique contribue efficacement à améliorer le bien-être à l’école, il faut éviter de favoriser la compétition, au risque d’aggraver la stigmatisation de certains enfants. Il faut également chercher à toucher les élèves les plus éloignés de la pratique sportive, pas uniquement ceux pour qui elle est naturelle. Enfin, il faut renforcer la formation des enseignants, en particulier dans le premier degré, car ils s’estiment en majorité insuffisamment outillés sur ces sujets.

S’agissant de la lutte contre le harcèlement, nous pensons d’abord aux trop nombreuses victimes et à leurs familles. Les formes de harcèlement évoluent et ne se limitent plus au seul cadre scolaire : le cyberharcèlement a profondément bouleversé les comportements et les capacités de réaction de l’administration ; il prive les victimes du moindre temps de respiration, de la moindre échappatoire. Plusieurs associations nous l’ont dit, 100 % des élèves sont concernés par le harcèlement, qu’ils en soient victimes, auteurs ou témoins.

Il faut donc agir. Les bons résultats de Phare, le programme de lutte contre le harcèlement à l’école, sont assez largement reconnus. Il faut les consolider en informant davantage les élèves et leur famille de son existence, en formant mieux les enseignants, et surtout en développant les temps de concertation entre professionnels. L’éviction du harceleur d’un établissement est une bonne mesure, à condition de lui adjoindre un accompagnement éducatif, sous peine de seulement déplacer le problème.

Le plan interministériel vise à mieux prévenir, à mieux détecter et à mieux réagir au harcèlement. Il promet des avancées. Nous suivrons son déploiement avec attention. Nous insistons sur l’importance de développer les compétences psychosociales dès le plus jeune âge. Les cours d’empathie constituent une piste intéressante, dont les modalités restent à préciser. Nous souhaitons vivement que tous les personnels soient associés à la réflexion, en particulier les médecins, les infirmiers et les Psy-EN.

Nous donnons un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous passons aux interventions des orateurs de groupe.

M. Quentin Bataillon (RE). La présentation de la mission budgétaire relative à l’enseignement scolaire s’inscrit dans un contexte extrêmement douloureux. Députés de la République, nous étions tous présents hier dans nos circonscriptions afin de soutenir le corps enseignant et l’ensemble du personnel de l’Éducation nationale, ces combattants du savoir, comme vous le dites si bien, monsieur le ministre. Nous rendions hommage à Samuel Paty, à Dominique Bernard, à toute notre école endeuillée, profondément bouleversée face à tant d’injustice et de haine aveugle, face au terrorisme, à l’obscurantisme et à l’ignorance. La communauté éducative a d’ailleurs salué la clarté des annonces, de l’hommage en ses différents temps et des mesures de sécurité que vous avez prises rapidement et que vous lui avez communiquées directement.

L’école doit rester un sanctuaire qui permet à chaque élève de devenir un citoyen libre, éclairé, doté des mêmes droits et devoirs et conscients de faire partie d’une même société. C’est d’ailleurs le chemin que nous avons tous suivi ici. À ce titre, nous sommes nombreux à appeler de nos vœux un renforcement significatif de l’éducation morale et civique qui ne peut pas être le seul objet voire parfois le seul poids des professeurs d’histoire et de géographie. Il doit pouvoir être amplifié, sanctuarisé, approfondi et évalué grâce à de nombreuses interventions extérieures. L’école ne doit en aucun cas s’autocensurer. Au contraire, elle est là pour faire des républicains, des citoyens complets. Plus que jamais, les professeurs doivent avoir les moyens d’enseigner, et ce sont ces moyens que la mission que vous présentez apporte.

Votre budget connaîtra en 2024 la plus importante progression de tous les budgets de l’État, le portant à 63,6 milliards d’euros, soit une hausse de près de 4 milliards d’euros par rapport à 2023. Ses objectifs sont clairs et nos rapporteurs les ont très bien expliqués. Le premier, et c’est historique : mieux rémunérer nos enseignants. Cette augmentation concerne tous nos professeurs : elle est composée d’une partie sans aucune condition, à laquelle peuvent s’ajouter des revalorisations liées à des missions nouvelles.

Le deuxième : améliorer l’accueil de tous les élèves, quels que soient leur niveau ou leur situation personnelle. À ce titre, le groupe Renaissance se réjouit de l’application de son amendement visant à augmenter les AESH ainsi que leur passage en CDI. C’est un métier essentiel pour une école inclusive. Nous souhaitons continuer les travaux afin de pouvoir proposer à toutes celles qui le souhaitent un emploi à temps complet.

Enfin, en cohérence avec la revalorisation des emplois, ce budget vient améliorer le taux d’encadrement et poursuivre le dédoublement des classes déjà bien engagé sur tout notre territoire. Je n’oublie pas non plus la réforme des lycées professionnels, menée par la ministre Carole Grandjean, ni l’enjeu majeur de la rénovation thermique des bâtiments scolaires par nos collectivités.

Chers collègues, ce budget traduit l’ambition nouvelle du Président de la République et de la majorité pour notre école. Monsieur le ministre, vous avez fait des annonces fortes, lors de la rentrée scolaire. Vous vous êtes emparé des sujets de fond, à commencer par les programmes et l’affirmation des savoirs fondamentaux tels que la lecture et les mathématiques. Nous avons salué votre annonce concernant la création d’une mission « exigence des savoirs » et souhaitons connaître vos pistes pour rehausser significativement et durablement le niveau de nos écoliers.

M. Roger Chudeau (RN). Notre solidarité vis-à-vis de Dominique Bernard, de sa famille, de ses proches, de ses collègues et de l’Éducation nationale est totale. C’est l’islamisme terroriste qui a armé l’assassin. Mais il existe au sein de notre école, nous le savons tous, un islamisme rampant. Vous avez noté à plusieurs reprises récemment que 50 % des professeurs avaient déclaré s’être autocensurés. Cette situation n’est pas nouvelle. Elle date au moins de 2004 et du rapport Obin (sur les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires). Les politiques qui se sont succédé depuis n’ont rien entrepris pour y remédier – et ne me dites que ce sont les hauts fonctionnaires qui en portent la responsabilité. Avez-vous l’intention d’entreprendre quelque chose de frontal pour mettre fin à cet islamisme rampant qui s’en prend au fonctionnement même de notre école et aux enseignements qui y sont dispensés ?

Le budget augmente de 3,9 milliards d’euros cette année, de 29 % en sept ans. Est‑ce un effort significatif ? Oui. Cette part de la richesse nationale peut-elle produire des résultats en matière d’amélioration de l’action éducatrice de l’État ? Non. L’essentiel de l’augmentation des crédits est affecté à la revalorisation des traitements des enseignants. Fort bien ! Mais elle passe à côté de l’essentiel : elle est pour une grande part indemnitaire et non indiciaire et elle est assortie d’un pacte qui ne mérite pas son nom, et qui d’ailleurs ne fonctionne ni pour le remplacement ni pour le soutien scolaire. Et je ne parle pas de l’effet de l’inflation sur l’augmentation des traitements.

Ce budget est à nos yeux un dispendieux budget de gestion. C’est un tonneau des Danaïdes, tout l’inverse d’un budget de mission, stratégique, tenant compte de l’état réel du système éducatif et du nécessaire sursaut attendu par le pays. Prenons un exemple : la commission a adopté le rapport de la mission d’information chargée de dresser un panorama et un bilan de l’éducation prioritaire, dont Mme Carel était la rapporteure et dont j’étais le président, qui recommande notamment de créer un programme distinct au sein de la mission Enseignement scolaire, afin de piloter une politique publique qui concerne 20 % des élèves et représente 8 milliards d’euros d’argent public et de permettre un contrôle parlementaire. Nous ne trouvons aucune trace de l’éducation prioritaire dans ce budget, si l’on excepte la poursuite des dédoublements de classe, ce qui est très bien.

Autre exemple : le coût moyen d’un écolier est à peu près de 6 980 euros, celui d’un lycéen 9 850 euros. La différence entre les programmes 140 et 141 est inchangée depuis des décennies. Les pays qui ont de bons résultats ont décidé de mettre la priorité budgétaire sur le premier degré, ce qui n’est pas le cas ici. Parlons enfin des emplois : vous supprimez 2 693 emplois de professeurs dans les programmes 140, 141 et 139. Dans le premier degré, vous aurez supprimé en deux ans 2 300 emplois. On voit ici ce qu’il faut penser de votre priorité aux fondamentaux…

Nous aurons bientôt, je l’espère, l’occasion de débattre de ce budget pour 2024, si le 49.3 nous en donne l’occasion, ce support rêvé pour une politique de l’annonce, une politique de plateaux de télévision, très éloignée de l’impératif catégorique de redressement de notre système éducatif.

La réunion est suspendue de dix-huit heures dix à dix-huit heures vingt-cinq.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Monsieur le ministre, l’attaque terroriste de la cité scolaire Gambetta à Arras a coûté la vie à Dominique Bernard, professeur de lettres. Elle a blessé l’un de ses collègues enseignant et deux agents territoriaux, dont l’un très grièvement. Trois ans après la mort de Samuel Paty, l’ensemble des personnels de l’Éducation nationale, le pays dans son entier sont terriblement affectés par ce nouvel assassinat d’un professeur, tué parce qu’il était professeur. Qu’est-ce qu’être un professeur ? C’est élever de jeunes esprits en formation à la liberté et à l’autonomie de la pensée par le savoir, la raison et la culture. Dominique Bernard nous a montré jusqu’où pouvait conduire cet engagement, jusqu’à mettre littéralement sa vie en jeu pour protéger ses élèves. À cet instant, son héroïsme, celui de ses collègues enseignants, personnels administratifs, agents techniques nous bouleversent toutes et tous.

Au-delà de l’émotion, il fait sens et nous questionne. Nos gouvernements sont-ils à la hauteur de cet engagement ? Nos gouvernements sont-ils à la hauteur de nos professeurs ? Nos gouvernements sont-ils à la hauteur des besoins de nos enfants ? Non, ils ne le sont pas. Ils ne le sont plus depuis longtemps déjà. À coups de budgets rabotés, de postes supprimés, de salaires non revalorisés, l’école publique a été affaiblie par une succession de choix politiques. Le métier de professeur est entré dans une crise que révèlent à peine les milliers de postes laissés vacants chaque année aux concours de l’Éducation nationale. Des dizaines de milliers d’élèves sont abandonnés sans professeur à la rentrée, sans professeur les jours suivants. Le job dating est devenu la règle, les inégalités scolaires s’approfondissent. En Guyane, 10 000 jeunes seraient privés d’accès à l’école de la République, tandis que près de 3 000 enfants scolarisés dans l’Hexagone vivent dans la rue.

Comme beaucoup d’autres avant lui, ce budget 2024 signe la forfaiture de nos gouvernements vis-à-vis de l’école. Il est la terrible illustration du fait que, passé le temps de l’émotion et de l’hommage, le soutien à nos professeurs, le souci de nos élèves et de leurs familles ne se paient que de mots. Ce budget 2024, c’est 1 709 postes supprimés dans le premier degré, 484 postes supprimés dans le second degré ; c’est le démantèlement du lycée professionnel ; c’est la priorité donnée à l’école privée, dont le budget augmente plus vite que celui de l’école publique ; c’est la poursuite de la politique d’appauvrissement des professeurs. La revalorisation historique affichée accompagne, en réalité, une nouvelle perte de pouvoir d’achat des enseignants, eux dont le salaire d’entrée dans la carrière est passé de 2,2 Smic dans les années 80 à 1,26 Smic cette année.

Cet effondrement doit être arrêté. Sinon, c’est toute la République qui peut être emportée. Et pour cela, monsieur le ministre, vous devez accepter la nécessité d’un débat démocratique sur l’école. Votre contre-réforme du lycée professionnel a été imposée sans vote ni débat. Les représentants des organisations syndicales représentatives des enseignants ont été méprisés, insultés, ici même, trois semaines avant l’assassinat de Dominique Bernard, par des députés de l’extrême droite et de votre majorité. Votre précédent budget a été imposé par 49.3. Il en sera de même pour celui-là. C’est une impasse, monsieur le ministre, pas simplement pour vous mais pour l’école de la République.

Mme Annie Genevard (LR). Monsieur le ministre, gouverner, c’est choisir ses combats, c’est établir des priorités. Depuis l’assassinat par un islamiste du professeur Dominique Bernard, la priorité à la sécurité de nos établissements scolaires s’impose, et le défi est immense. On peut mettre en œuvre tous les dispositifs technologiques et humains, le problème se réglera ailleurs, notamment par la politique migratoire que les Républicains défendent – du moins son évolution – et que les récents et tragiques événements éclairent d’un jour nouveau. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire ce que vous entendez faire à l’égard des contestataires de la minute de silence ?

Vous avez décidé de mettre l’accent sur un choc des savoirs en français et en mathématiques, à l’image du « choc Pisa » en Allemagne. Nous le réclamions depuis longtemps, accusés par nos opposants qui y voyaient un Smic éducatif. Le niveau de nos élèves et parfois celui de professeurs recrutés à la hâte et sans formation adéquate ont relégué cette posture idéologique terriblement erronée, qui explique les piètres résultats de nos élèves dans ces savoirs essentiels. Vous avez annoncé la création d’une mission consacrée à l’exigence des savoirs fondamentaux et confiée à des professionnels, qui doit rendre ses conclusions dans huit semaines, les premières mesures étant annoncées pour la rentrée 2024. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

Notre commission s’est elle aussi emparée du sujet sur la question de l’apprentissage de la lecture, apprentissage fondateur de tous les autres. Selon les établissements, entre 25 et 40 % de nos élèves arrivent en sixième sans maîtriser une lecture fluide. La massification de la scolarisation et la part grandissante d’élèves allophones n’expliquent pas tout et, en tout cas, ne justifient en rien l’impuissance de notre école républicaine à donner les mêmes chances à tous. Si nous respectons parfaitement le travail des experts, que nous auditionnons aussi, prendrez‑vous en compte, monsieur le ministre, les conclusions de la mission que Fabrice Le Vigoureux et moi menons et dont nous envisageons de rendre les conclusions, que nous voulons utiles et opérationnelles, le plus rapidement possible ?

M. Alexandre Portier (LR). Monsieur le ministre, nous sommes là pour débattre du budget. Or ce débat, comme vous le savez, nous en avions été privés l’an passé à cause du 49.3. D’où ma première question : aurons-nous le droit cette année de débattre dans l’hémicycle ou fuirez-vous, vous aussi, cette heure de vérité devant les Français ? Notre école aujourd’hui n’est même plus capable de protéger ni ses enseignants ni nos enfants. Je ne parle pas du fait que, chaque semaine, un agent de votre ministère se suicide ni du harcèlement scolaire qui touche plus de 10 % de nos enfants. Je parle tout simplement de la sécurité la plus élémentaire à laquelle n’ont eu droit ni Samuel Paty ni Dominique Bernard. Dans le Beaujolais, dans ma circonscription, la semaine dernière, nous avons eu deux alertes à la bombe dans des lycées. Et hier encore, une jeune s’est rendue dans son collège avec, dans son sac, un marteau et un cutter.

Notre école est chaque jour sous pression et votre premier devoir, monsieur le ministre, c’est évidemment la sécurité de ceux que nous accueillons à l’école, qu’il soit enfant ou adulte. Or dans ce budget, il n’y a rien, ce qui est incompréhensible. Pourtant des solutions existent. Dans notre région, tous les lycées ont été équipés de portiques de sécurité. Dans ma ville, à Villefranche-sur-Saône, nous avons doté toutes les écoles de 260 boîtiers d’alerte mobiles. Ce silence sur les questions de sécurité n’a pour égal que votre silence sur le lycée professionnel. Il reste le parent pauvre de notre système éducatif, alors qu’il devrait en être la voie royale. Aujourd’hui, c’est la première fois qu’on vous entend sur le sujet, mais payer des stages, ce n’est pas un projet pour notre école, ce n’est pas un projet pour les 600 000 lycéens professionnels.

Enfin, monsieur le ministre, pourquoi ne faites-vous pas de l’égalité des chances le moteur de notre école, non pas dans des discours mais dans des actes, en instaurant une politique de bourses au mérite digne de ce nom et qui récompense enfin les élèves les plus méritants ?

M. Laurent Croizier (Dem). Monsieur le ministre, chers collègues, le groupe Démocrate tient à rendre hommage aux professeurs Dominique Bernard et Samuel Paty, tous deux lâchement assassinés par la folie meurtrière du terrorisme islamiste. Nous souhaitons adresser à leur famille, à leurs collègues, à l’ensemble des enseignants et du personnel de l’Éducation nationale, aux élèves nos sincères condoléances. L’école est un pilier de la République. Elle est un rempart. Elle s’est construite autour de valeurs fortes : l’idéal républicain, la promesse d’émancipation, le combat contre l’assignation sociale et la lutte contre les inégalités. Les professeurs en ont toujours été les gardiens. Ces valeurs ne sont pas négociables ; elles ne le seront jamais.

Le groupe Démocrate souhaite des établissements scolaires protecteurs, sanctuaires où le harcèlement, l’exclusion, le racisme, le prosélytisme religieux n’ont pas leur place. Nous souhaitons une école qui soit ce lieu de transmission des savoirs, qui permette à tous les élèves, quel que soit leur milieu social, de s’émanciper et de construire un avenir solide. Cette école, parce que nous la voulons bienveillante, nous la devons exigeante. Élever le niveau de l’école nécessite de bonnes conditions d’apprentissage pour les 12 millions d’élèves de la maternelle au lycée, ainsi que des professeurs bien formés, dont la mission fondamentale reste la transmission des savoirs et des compétences.

Le groupe Démocrate se réjouit qu’avec plus de 64 milliards d’euros le budget du ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse soit le premier budget de l’État et bénéficie d’une hausse historique de près de 4 milliards d’euros. Depuis 2017, alors que la démographie scolaire est en baisse, le budget a augmenté de 30 %, ce qui démontre l’ambition forte de la majorité présidentielle envers la réussite des jeunes générations. Le budget 2024 permet de mettre en œuvre plusieurs priorités qui nous sont chères. Parce que l’école est le lieu où se joue la justice sociale, nous nous réjouissons que l’une des priorités de l’action gouvernementale porte sur l’accueil des enfants en situation de handicap. Le projet de loi de finances 2024 prévoit des moyens renforcés de 700 millions d’euros par rapport à 2023, avec 4 800 postes supplémentaires d’accompagnants d’élèves en situation de handicap. Depuis 2017, leur nombre a ainsi augmenté de plus de 63 %. Entre juin 2023 et janvier 2024, leur rémunération progressera en moyenne de 13 %.

Nous souhaitons saluer les crédits consacrés à la réforme du lycée professionnel. Un milliard d’euros sera investi en 2024 pour soutenir la réforme. La voie professionnelle doit impérativement redevenir une voie de réussite, une voie d’excellence reconnue par tous.

Enfin, je terminerai mon propos en parlant des enseignants. Le groupe Démocrate est convaincu qu’il faut remettre les professeurs au cœur du système éducatif. L’Éducation nationale peine à recruter. Il nous paraît important de recréer la confiance, l’envie d’être professeur et de restaurer leur autorité dans la société. Cela nécessite que les enseignants soient légitimement reconnus pour leur savoir et pour leurs compétences à transmettre. Restaurer l’attractivité du métier ne peut se faire sans perspective de carrière. À qualification égale, les enseignants sont moins payés que les autres fonctionnaires de catégorie A. À ce titre, la revalorisation salariale engagée était indispensable et les moyens sont inédits. Nous saluons ainsi pleinement le renforcement de la revalorisation des enseignants pour un montant total de 2,2 milliards d’euros. Cette revalorisation, devra se poursuivre, éventuellement dans le cadre d’une planification pluriannuelle. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous indiquer où en sont vos réflexions à ce sujet ?

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). J’aimerais tout d’abord souligner comme il est difficile de parler d’un projet de loi de finances lorsque l’on est en deuil. C’est un deuil national, c’est le deuil de l’école et je m’associe à mes collègues pour rendre un hommage appuyé à Dominique Bernard, qui était mon collègue et qui est, pour moi en tout cas, le symbole de l’héroïsme des enseignants au quotidien.

Toutefois, il faut parler du projet de loi de finances, qui nous inquiète sur trois points. Premièrement, l’État ne doit pas faire d’économies sur le dos des professeurs. En actant la suppression de 2 700 postes cette année, le Gouvernement cautionne les classes surchargées, qui nuisent à la fois aux apprentissages des élèves et aux conditions de travail des enseignants. La baisse démographique ne doit pas être utilisée comme argument de statu quo d’une situation qui n’est pas satisfaisante. Au contraire, elle doit être le moteur de la baisse progressive du nombre d’élèves par classe. Par ailleurs, il n’est pas entendable de promettre un enseignant devant chaque élève depuis bientôt un an et, en même temps, de supprimer tant de postes qui s’ajoutent à la réduction déjà massive de l’année dernière de 2 000 postes. En deux ans, cela fait 4 700 postes de professeurs en moins. Depuis qu’Emmanuel Macron est Président de la République, ce sont plus de 10 000 postes en moins.

Second point d’inquiétude : ce projet de loi de finances ne prévoit aucun poste supplémentaire dans le secteur médico-social, alors même que les manques sont criants. Les défis autour de l’élève sont connus et partagés de tous : lutte contre le harcèlement scolaire, lutte contre le décrochage, détection des signes de troubles liés à la santé mentale de l’élève, ainsi qu’aux violences psychologiques et physiques dont il peut être victime en dehors de l’école. Pour cela, l’élève doit être mieux accompagné. Cela passe indéniablement par plus d’assistants sociaux, plus d’infirmiers scolaires, de médecins, de psychologues de l’Éducation nationale, pour que l’élève puisse se tourner vers un professionnel de l’école et que l’enseignant revienne à sa mission première, la transmission des savoirs. Dans le second degré, pour que l’école parvienne à ses objectifs, il faut aussi que l’élève soit mieux encadré, ce qui est du rôle des conseillers principaux d’éducation (CPE) et des assistants d’éducation qui doivent être plus nombreux, ce qui n’est pas du tout prévu dans la loi de finances.

Troisième point d’inquiétude : la transformation du Pial, le pôle inclusif d’accompagnement localisé, en PAS, pôle d’appui à la scolarité. Nous sommes et nous restons opposés au Pial depuis sa création sous le précédent quinquennat. Et si nous pensions qu’il s’agissait d’un simple changement de nom, qui n’aurait rien réglé aux difficultés, il semble que le PAS aggrave la situation. Il est précisé dans le projet de loi de finances qu’il sera chargé de « définir la quotité horaire de l’accompagnement individuel ». Que signifie cette mesure ? La MDPH, la maison départementale des personnes handicapées, composée de personnels médicaux qualifiés choisit normalement l’accompagnement nécessaire pour les élèves en situation de handicap. Quelle est la légitimité de ce PAS ? Quels seront désormais le rôle et le périmètre d’action en matière de notification de la MDPH ? Nous ne pouvons nous empêcher de penser que cette nouvelle façon de faire permettra à l’Éducation nationale de recouvrir plus de notifications en façade, sans augmenter le nombre de personnels, cachant ainsi les difficultés à recruter les AESH dont les conditions d’exercice sont très peu attractives. Pour le groupe socialiste et apparentés, une autre école est possible, capable de relever les défis qui l’attendent.

Mme Agnès Carel (HOR). Je ne peux que me réjouir, comme mon groupe Horizons et apparentés, de la hausse importante de 3,9 milliards d’euros du budget de l’Éducation nationale. Vous connaissez mon attachement pour elle, d’un côté ou de l’autre du bureau. Depuis l’an dernier, ce budget augmente de manière importante. Une priorité a été donnée à la revalorisation des salaires des enseignants et du personnel. À ces revalorisations s’est ajoutée la mise en place du pacte enseignant qui représente une enveloppe de 900 millions d’euros. L’ensemble des personnels enseignants, CPE et psy-EN, qu’ils soient fonctionnaires ou contractuels, en fonction des besoins et sur la base du volontariat, peuvent assurer des missions complémentaires. Ce pacte permet notamment de faciliter les remplacements de courte durée mais aussi la mise en place de l’heure hebdomadaire de soutien, d’approfondissements en français et en mathématiques en sixième ou de participer au dispositif Devoirs faits. L’objectif de ces missions est de participer à la réussite des élèves et doit permettre de mettre l’accent sur l’égalité des chances.

Mais, depuis quelques mois, les remontées de terrain que j’ai dans ma circonscription, lorsque je vais à la rencontre des enseignants des principaux établissements, ne sont pas satisfaisantes, loin s’en faut. En premier lieu, il semblerait que les décrets aient tardé à sortir et que les explications reçues par les uns et les autres diffèrent et manquent de clarté. Par ailleurs, le pacte enseignant se met parfois en concurrence avec les HSE, les heures supplémentaires effectives, et il devient difficile pour nos principaux de collège d’équilibrer les dotations horaires globales, sans parler du climat compliqué que cela a fait naître dans certaines salles des professeurs. Quelles mesures comptez-vous prendre pour revoir la communication sur ce pacte enseignant, dont je suis convaincue de la légitimité, afin qu’il soit mieux compris, mieux intégré et surtout mieux accepté par les enseignants en règle générale ?

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Le contexte de l’examen des budgets de la mission Enseignement scolaire est particulièrement difficile cette année du fait du terrible assassinat de Dominique Bernard. Cet événement tragique nous rappelle combien l’engagement pour l’école de la République et ses élèves doit être indéfectible et inébranlable. Nous le devons à tous, aux personnels, aux enfants et à leurs familles. Monsieur le ministre, l’an dernier, le 49.3 et les manœuvres du Gouvernement ont privé l’Assemblée nationale d’un vrai débat sur l’école en séance publique. Il serait scandaleux que les députés de la nation ne puissent pas débattre un seul instant du premier budget de l’État dans l’hémicycle. Aussi, je souhaite commencer cette intervention par une question : pouvez-vous nous confirmer que vous défendrez ce budget en séance avant le 49.3 ? Si vous ne le faites pas, vous perdrez de la crédibilité à nos yeux.

J’en viens au fond du budget pour faire partager notre vive inquiétude. Vous poursuivez cette année la suppression de postes d’enseignants contre toute logique et contre l’intérêt des élèves : 2 500 postes vont disparaître en 2024 malgré les alertes des syndicats et les classes surchargées. Vous affichez l’objectif d’améliorer les taux d’encadrement dans le premier comme dans le second degré mais manquez de passer des mots aux actes. Ce budget n’est pas non plus au rendez-vous de l’augmentation inconditionnelle de 10 % pour tous les enseignants. Le milliard d’euros que vous allouez au pacte aurait pourtant pu permettre de financer cette hausse. Les écologistes défendront donc le rehaussement du nombre de professeurs et l’augmentation de leur rémunération dans l’intérêt de nos enfants et de la communauté éducative. Ces deux mesures sont nécessaires pour que la promesse du Président de la République d’avoir un professeur devant chaque classe se réalise. Nous espérons que vous entendrez raison.

J’en termine par une remarque sur la crise du système de médecine scolaire. Face aux défis de l’école, du harcèlement, des violences faites aux enfants, il a besoin d’un électrochoc. De nombreux amendements vont dans ce sens. J’espère que vous les soutiendrez, ainsi que les avancées en la matière.

Enfin, monsieur le ministre, vous l’avez dit, on ne peut pas accepter que dans l’école de la République on ait trop froid l’hiver et trop chaud l’été. La rénovation des bâtiments scolaires est une mesure essentielle pour le bien-être des élèves et des personnels de l’Éducation nationale. Bien que ces budgets ne soient pas inscrits dans la mission Enseignement scolaire, le groupe écologiste se félicite que le Gouvernement prenne enfin la mesure de l’enjeu. Néanmoins, vous le savez en qualité d’ancien ministre des comptes publics, les collectivités territoriales sont face à un mur d’investissements pour réussir la transition écologique. Le demi‑milliard d’euros débloqué nous semble donc insuffisant. Nous appelons à de plus grandes ambitions en la matière. Ce n’est qu’avec un grand plan d’investissement pluriannuel dans les bâtiments du premier et du second degré que nous pourrons garantir aux élèves des bonnes conditions d’apprentissage.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). « J’m’appelle Moussa, j’ai 10 ans, j’suis en CM2 à Épinay / Ville du 93 où j’ai grandi et où j’suis né / Mon école elle est mignonne même si les murs sont pas tous neufs / Dans chaque salle y a plein de bruit moi dans ma classe on est vingt-neuf / Y a pas beaucoup d’élèves modèles et puis on est un peu dissipés / J’crois qu’nous sommes ce qu’on appelle des élèves en difficulté / Moi en maths j’suis pas terrible mais c’est pas pire qu’en dictée / C’que je préfère c’est 16 heures j’retrouve les grands dans mon quartier / Pourtant ma maîtresse j’l’aime bien elle peut être dure mais elle est patiente / Et si jamais je comprends rien elle me réexplique elle est pas chiante / Elle a toujours plein d’idées et de projets pour les sorties / Mais on a que deux cars par an qui sont prêtés par la mairie / Je crois que mon école elle est pauvre, on n’a pas de salle informatique / On n’a que la cour et le préau pour faire de la gymnastique / À la télé j’ai vu que des classes faisaient du golf en EPS / Nous on n’a que des tapis et des cerceaux et la détresse de nos maîtresses / Alors si tout s’joue à l’école, il est temps d’entendre le SOS / Ne laissons pas s’creuser l’fossé d’un enseignement à deux vitesses / Au milieu des tours y a trop de pions dans le jeu d’échec scolaire / Ne laissons pas nos rois devenir fous dans des défaites spectaculaires / L’enseignement en France va mal et personne peut nier la vérité / Les zones d’éducation prioritaires ne sont pas des priorités / Les classes sont surchargées pas comme la paye des profs minés / Et on supprime des effectifs dans des écoles déjà en apnée / Au contraire faut rajouter des profs et des autres métiers qui prennent la relève / Dans des quartiers les plus en galère, créer des classes de quinze élèves / Ajouter des postes d’assistants ou d’auxiliaires qui aident aux devoirs / Qui connaissent les parents et accompagnent les enfants les plus en retard / L’enseignement en France va mal, l’État ne met pas assez d’argent / Quelques réformes à deux balles pour ne pas voir le plus urgent / Un établissement scolaire sans vrais moyens est impuissant / Comment peut-on faire des économies sur l’avenir de nos enfants / L’enseignement en France va mal car il rend pas les gens égaux / Les plus fragiles tirent l’alarme mais on étouffe leur écho / L’école publique va mal car elle a la tête sous l’eau / Y a pas d’éducation nationale, y a que des moyens de survie locaux / Alors continuons de dire aux p’tit frères que l’école est la solution / Et donnons-leur les bons outils pour leur avenir car attention / La réussite scolaire dans certaines zones pourrait rester un mystère / Et l’égalité des chances un concept de ministère / Alors si tout s’joue à l’école, il est temps d’entendre le SOS / Ne laissons pas s’creuser l’fossé d’un enseignement à deux vitesses / Au milieu des tours il y a trop de pions dans le jeu d’échec scolaire / Ne laissons pas nos rois devenir fous dans des défaites spectaculaires. / J’m’appelle Moussa, j’ai 10 ans, j’suis en CM2 à Épinay / Ville du 93 où j’ai grandi et où j’suis né / C’est pas d’ma faute à moi si j’ai moins de chance d’avoir le bac / C’est simplement parce que j’vis là, que mon avenir est un cul de sac. »

Monsieur le ministre, ces mots ne sont pas de moi mais de Grand Corps Malade, qui a exprimé toute l’importance de l’éducation. C’est peut-être l’histoire de Jérémy de La Réunion, d’Émilie en Martinique ou de Sébastien en Guyane. Ne laissez pas le 49.3 nous priver de débats sur le budget le plus important pour l’avenir du pays. Ne laissez pas le 49.3 nous priver de débats sur l’avenir de nos enfants.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Je tiens moi aussi à faire part de la solidarité de mon groupe aux proches de Dominique Bernard, assassiné parce qu’il était enseignant, décédé pour avoir voulu protéger ses élèves. Solidarité aussi à toute la communauté éducative dont je considère faire partie encore. Trois ans après l’assassinat de Samuel Paty, les enseignants se retrouvent une nouvelle fois la cible du terrorisme islamiste. Les mots manquent face à l’horreur, à l’émotion que nous éprouvons. Notre soutien envers l’école et ses acteurs doit être total. C’est dans cet esprit et dans cette exigence que notre groupe a abordé les crédits de la mission Enseignement scolaire. Ils sont en hausse et contiennent des avancées que nous saluons.

Il demeure toutefois quelques ombres au tableau, s’expliquant par le manque de volonté en matière d’éducation pendant trop d’années. S’agissant de la question de la revalorisation des salaires des enseignants, celle des néo-titulaires ces derniers mois a permis un premier rattrapage. Néanmoins, beaucoup de retards ayant été pris ces quinze dernières années, nous craignons que ces revalorisations ne permettent pas de rendre le métier attractif, surtout en cette période d’inflation.

Quant au pacte enseignant, il peine à séduire les professeurs. Notre groupe souhaite un plan de revalorisation pluriannuel pour leur offrir des perspectives, notamment en milieu de carrière. Il regrette la baisse des effectifs : la diminution du nombre d’élèves devrait être l’occasion de réduire leur nombre par classe, à l’instar du plafonnement instauré en REP et REP +.

Notre groupe déplore enfin la suppression du fonds de soutien au développement des activités périscolaires. C’est une mauvaise nouvelle pour les communes qui continuent à proposer ces activités et les élèves seront les premiers à en pâtir.

En espérant être plus entendue que les années précédentes, j’alerte sur le manque de médecins et d’infirmiers scolaires, dont les conséquences sont désastreuses. Ce sont les seuls professionnels de santé que consultent de nombreux enfants. La prévention, la maltraitance familiale, l’accompagnement d’élèves atteints de pathologies chroniques ou de maladies graves exigent de prendre la mesure de la gravité de la situation et d’y remédier. J’ai déposé des amendements en ce sens.

Le constat est identique pour les assistants sociaux et les psychologues scolaires, dont les interventions sont primordiales face au harcèlement scolaire et à la détresse psychologique croissante des jeunes.

S’agissant de la scolarité des élèves en situation de handicap, malgré les progrès à faire dans l’efficacité des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), je salue les efforts du Gouvernement en faveur des AESH. Je présenterai des amendements pour améliorer encore l’inclusion scolaire.

M. Gabriel Attal, ministre. L’amélioration de la santé et du bien-être des élèves est un enjeu absolument majeur. Qu’il s’agisse de prévention des conduites addictives, d’éducation à l’alimentation, de promotion de l’activité physique, de santé environnementale et, plus encore, de santé mentale, le rôle de la médecine scolaire est central. La difficulté tient non pas au nombre de postes mais à la capacité à les pourvoir – 45 % des postes de médecins scolaires ne sont pas pourvus. Cela s’explique par le manque d’attractivité, qui n’est pas seulement lié aux rémunérations – les amendements déposés sur le sujet, qui visent à poursuivre les efforts accomplis, méritent néanmoins d’être débattus – car leur hausse, rendue possible récemment par l’accès aux primes REP et REP +, n’a pas eu d’impact significatif. Cela s’explique aussi par la démographie médicale – il manque des médecins en ville ainsi que dans les établissements de santé et médico-sociaux. Jusqu’à ce que la décision que nous avons prise sur le numerus clausus produise ses effets, c’est par la coopération avec la médecine de ville et les établissements de santé que nous réussirons à accroître la présence médicale.

Pour les infirmières scolaires, là aussi, nous pouvons regarder comment maintenir les efforts en matière d’alignement de grille de ces dernières années – le budget a massivement augmenté. Mais nous devons aussi examiner d’autres leviers d’attractivité tels que la possibilité de cumuler leur activité avec un exercice libéral – cela m’a été demandé sur le terrain.

Monsieur Bataillon, en ce qui concerne la réforme de l’enseignement moral et civique (EMC), j’attends les propositions du Conseil supérieur des programmes. Je souhaite annoncer mes décisions en début d’année, après concertation avec les organisations syndicales ainsi qu’avec les parlementaires, qui sont nombreux à être mobilisés sur le sujet.

La réflexion doit porter sur le volume horaire accordé à l’EMC, la manière de garantir son effectivité et les missions qu’on lui assigne. À force d’en ajouter, ces missions se sont diluées et les priorités n’apparaissent plus clairement. L’école doit former des républicains et des citoyens éclairés : à partir de cet objectif, il est possible de décliner de grandes orientations. Par ailleurs, le Président de la République souhaite que soit lu, chaque semaine, dans nos établissements, un texte fondamental de notre République. Il y aura un travail à mener avec les historiens pour sélectionner les textes qui seront proposés.

Monsieur Chudeau, vous ne pouvez pas évoquer le nombre de postes sans le mettre en regard de la démographie scolaire. Malgré les 300 000 élèves perdus ces cinq dernières années, nous avons créé plusieurs milliers de postes. Si nous avions suivi stricto sensu la démographie, nous aurions supprimé plusieurs dizaines de milliers de postes pour maintenir le même taux d’encadrement. C’est la raison pour laquelle le taux d’encadrement est passé d’un peu plus de vingt-quatre élèves par classe dans le premier degré en 2017 à un peu plus de vingt et un élèves l’an prochain.

Toutes les études montrent que nous perdrons plus de 400 000 élèves supplémentaires dans les années à venir. Aujourd’hui, il y a 860 000 enseignants. Pour conserver le même taux d’encadrement l’année prochaine, avec la baisse démographique annoncée, le nombre d’enseignants devrait passer à 855 000. Or nous allons recruter pour atteindre le nombre de 857 500 et ainsi continuer à améliorer le taux d’encadrement.

Monsieur Vannier, je ne crois pas que la réforme du lycée professionnel soit le signe d’un abandon alors qu’elle coûte 1 milliard d’euros. C’est une réforme non pas d’économie, mais d’investissement. Les moyens ne financeront pas uniquement la gratification des stages – même s’il s’agit d’une mesure de justice importante par rapport aux élèves en apprentissage. J’espère qu’elle encouragera les élèves à persévérer dans le suivi des enseignements théoriques. Nous aurons l’occasion d’évaluer la réforme qui a bien d’autres vertus : elle renforce les fondamentaux ; elle offre des options supplémentaires – langues vivantes, entrepreneuriat, numérique – et des cours en petits groupes pour maîtriser mieux la lecture, l’écriture et le calcul ; elle revoit la carte des formations en assumant de supprimer celles qui n’offrent aucun débouché professionnel et d’en ouvrir dans les secteurs qui recrutent – Carole Grandjean et moi menons ce travail avec les acteurs économiques territoriaux.

Madame Genevard, s’agissant de l’élévation du niveau général, j’ai annoncé une mission « exigence des savoirs » pour remédier à la baisse que nous connaissons. Un élève de quatrième en 2018 avait le niveau d’un élève de cinquième en 1995 – en 23 ans, un niveau a été perdu. Désormais, les évaluations nationales annuelles, que nous devons à Jean-Michel Blanquer, nous renseignent sur le niveau des élèves de sixième. Aujourd’hui, un élève sur trois entre en sixième sans maîtriser convenablement la lecture, l’écriture et le calcul ; un élève sur deux ne sait pas combien il y a de quarts d’heure dans la fraction trois quarts d’heure ; au diplôme national du brevet, 25 % des élèves ont moins de quatre à l’épreuve de mathématiques – le quatre étant la note la plus distribuée.

Personne ne peut se satisfaire de cette situation. Il est de notre responsabilité – et non de celle des enseignants, des élèves ou des familles – de prendre les mesures qui conviennent pour élever le niveau général dans le pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui consacre le plus de temps aux disciplines fondamentales, notamment en primaire. Ce n’est donc pas le volume horaire qui est en cause mais l’enseignement. On sait que le nombre d’élèves par classe a son importance ainsi que le montre la réduction des écarts entre les établissements en éducation prioritaire et les autres en lecture, écriture et calcul. Mais nous pouvons faire beaucoup en matière de formation des enseignants, d’où la réforme de la formation initiale sur laquelle j’aurai l’occasion de revenir devant vous, ainsi que les plans de formation continue – le plan Lecture et le plan Mathématiques nous permettent de former, tous les six ans, l’ensemble des professeurs des écoles.

Nous devons aussi engager un travail difficile – je l’assume et je respecte la liberté pédagogique des enseignants – sur les manuels scolaires. 60 % des élèves de CM1 n’ont pas de manuels de référence, ce qui amène parfois des professeurs des écoles à s’appuyer sur des ressources qui ne sont pas étayées scientifiquement ou qui prônent des méthodes dont l’efficacité n’est pas avérée. La mission devra se prononcer sur l’éventuelle labellisation de manuels scolaires utiles à nos élèves.

Je pose une autre question : peut-on continuer à laisser entrer au collège, dans les mêmes conditions, des enfants qui ne maîtrisent pas la lecture, l’écriture et le calcul ? L’intérêt des élèves ne serait-il pas de les faire redoubler à condition qu’ils ne refassent pas une année identique à celle qu’ils viennent de passer, ou de les faire entrer en sixième après un stage de réussite pendant deux semaines avant la rentrée ? En laissant un élève entrer en sixième dans les conditions actuelles, on lui donne toutes les chances de décrocher dans les années qui suivent. Ce n’est pas un service à lui rendre. Il faut absolument réfléchir à une autre organisation.

S’agissant du collège, nombre d’enseignants me le disent, le niveau est tellement hétérogène, notamment en français et en mathématiques, qu’une organisation non pas par classe de niveau, mais en groupes de compétences permettrait de faire progresser tout le monde, là où l’organisation actuelle finit parfois par tirer tout le monde vers le bas.

Ce constat n’est pas facile mais j’assume de dire les choses et de laisser travailler la mission en collaboration avec les organisations syndicales – chaque groupe de travail réunit des professeurs du terrain, des inspecteurs et des recteurs. Je souhaite que votre commission soit associée, selon des modalités à définir, aux travaux de la mission.

Monsieur Portier, 150 000 élèves bénéficient d’une bourse au mérite qui s’élève de 400 à 1 000 euros par an. Elle est versée jusqu’au baccalauréat à tous les élèves boursiers lauréats d’une mention « bien » ou « très bien » au brevet des collèges. Je souhaite que la mission « exigence des savoirs » examine aussi le niveau d’exigence du brevet.

Depuis le 4 septembre dernier, 173 fausses alertes à la bombe ont été recensées dans nos établissements scolaires. C’est totalement inadmissible, d’autant plus dans le contexte actuel qui suscite angoisses et inquiétudes. Il y a eu hier une fausse alerte au lycée d’Arras au moment de l’hommage à Dominique Bernard, c’est insupportable. Le ministère de l’Éducation nationale et le ministère de l’Intérieur travaillent pour identifier à chaque fois les auteurs. Après les arrestations de septembre, six personnes ont été interpellées hier. Ce sont souvent des mineurs qui ont un lien avec l’établissement. Certains qualifient parfois un tel acte de canular, mais ce n’en est pas un, c’est de la déstabilisation d’élèves et d’équipes enseignantes. Je souhaite évidemment que la justice s’empare de ces dossiers avec une grande sévérité. Il faut faire des exemples. Il faut envoyer un message de grande fermeté.

Monsieur Croizier, des mesures, qui ne relèvent pas à proprement parler de la revalorisation, contribuent à augmenter le pouvoir d’achat des enseignants : je pense, en cette rentrée, à la prise en charge à 75 % au lieu de 50 % de l’abonnement transport – le passe Navigo en Île-de-France – qui s’applique à tous les fonctionnaires ; à la prime exceptionnelle de pouvoir d’achat ; à l’introduction de cinq points d’indice majoré pour tous les fonctionnaires en janvier 2024. Depuis la réélection du Président de la République en avril 2022, la revalorisation cumulée atteint 11 % en moyenne pour les enseignants. La hausse est plus importante en début de carrière. En matière de rémunération des enseignants en début et en fin de carrière, notre pays se situera en janvier au-dessus de la moyenne de l’OCDE. Il reste un retard important en milieu de carrière, sur lequel nous devons continuer à travailler. Certains médias parlent de « coup de blues de milieu de carrière » – je n’aime pas cette expression – mais il est vrai qu’il y a un creux qui est abordé dans le cadre du chantier sur l’attractivité que j’ai ouvert avec les enseignants.

Monsieur Chudeau, en 2017, la France dépensait 6 900 euros par élève dans le premier degré. Grâce à toutes les mesures que nous avons instaurées, le montant s’élève désormais à 7 900 euros. Nous sommes encore en dessous de la moyenne de l’OCDE, mais nous nous en rapprochons. Il n’y a pas de précédent d’une convergence aussi rapide. Nous restons au-dessus de la moyenne de l’OCDE dans le second degré et en lycée professionnel. Lors de la remise du rapport de l’OCDE Regards sur l’éducation, tous les intervenants reconnaissaient que l’élément clé pour élever le niveau, c’est la formation des enseignants. C’est ce qu’on appelle l’effet maître. Nous devons donc continuer à concentrer nos moyens dans ce domaine.

Madame Keloua Hachi, le nombre d’élèves par classe n’augmente pas, il baisse. Dans le primaire, il passera de 23,6 en 2017 à 21,4 en 2024. C’est évidemment une moyenne qui inclut les dédoublements. Je rappelle aussi le plafonnement à 24 élèves par classe en grande section, CP et CE1 hors éducation prioritaire. J’ai demandé à la mission « exigence des savoirs » d’évaluer les effets de cette mesure pour décider si elle doit être généralisée. Notre boussole doit être, en toutes circonstances, l’élévation du niveau de nos élèves.

Il y aurait, selon vous, 10 000 postes supprimés depuis 2017. C’est faux. Entre 2017 et 2022, on recense 2 170 créations nettes de postes de professeurs.

Madame Pasquini, en ce qui concerne les assistants d’éducation (AED), depuis 2017, le nombre de postes a connu une hausse, passant de 62 000 à 67 500 l’an prochain. Nous devons l’augmenter encore car nous avons besoin des AED pour lutter contre le harcèlement scolaire et assurer la sécurité dans nos établissements scolaires. Depuis 2022, 400 postes de CPE ont également été créés pour la vie scolaire.

S’agissant des pôles d’appui à la scolarisation, après le saut quantitatif, nous souhaitons tous un saut qualitatif dans l’accueil des élèves en situation de handicap. Je suis frappé par la détresse des familles mais aussi des professeurs des écoles face aux difficultés à accueillir ces élèves. Le PAS permettra d’offrir à la fois un appui aux professeurs par des professionnels du médico-social ; un point d’entrée unique pour les familles, notamment pour les accompagner dans leurs démarches auprès de la maison départementale des personnes handicapées ; une réponse de premier niveau sans attendre la réponse de la MDPH, en matière d’adaptation du matériel pédagogique notamment. En expérimentant les PAS, on se donne une chance d’améliorer la qualité de l’accueil des élèves en situation de handicap. J’espère que cette mesure sera soutenue.

Madame Carel, vous avez présenté un rapport très important dressant un panorama et un bilan de l’éducation prioritaire dont nous avons repris plusieurs recommandations. Nous continuons à renforcer les moyens : soixante ouvertures de très petites sections dès 2 ans dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ; l’achèvement du dédoublement des classes en grande section de maternelle ; l’extension de l’ouverture de huit heures à dix-huit heures dans les collèges – les collèges seront plus nombreux que prévu à adopter ce dispositif dès cette année car nous les y avons encouragés fortement.

Madame Pasquini, vous menez avec Graziella Melchior une mission sur l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques. L’isolation thermique des bâtiments publics est une nécessité pour assurer le bien-être des élèves et des enseignants et atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas-carbone. Nous voulons rénover 40 000 écoles dans les dix ans qui viennent, ce qui implique de multiplier par trois ou quatre le rythme annuel de rénovation dans notre pays. Bien que la compétence appartienne aux collectivités locales, pour la première fois, l’État alloue 500 millions d’euros de crédits par l’intermédiaire du fonds Vert – c’est un investissement inédit et massif –, qui viennent s’ajouter au soutien de la Caisse des dépôts.

Monsieur Maillot, je vous remercie pour votre témoignage. Je ne reviens pas sur le renforcement des moyens en éducation prioritaire. Certes, on peut faire toujours plus, mais donnez-moi un exemple d’un moment dans l’histoire de notre école où l’État a autant investi dans l’éducation prioritaire. 500 000 élèves ont fait leur rentrée dans des classes dédoublées ; des millions d’élèves ont droit à un petit déjeuner gratuit ; etc.

Je soutiens les langues régionales et leur apprentissage – je l’assume même si cette position n’a pas toujours été celle de mes prédécesseurs – d’autant plus qu’elles permettent souvent d’améliorer l’apprentissage du français. Je cite l’exemple de La Réunion où 85 % des élèves parlent créole à la maison. Il ressort d’une expérimentation menée dans des écoles maternelles que dans les classes bilingues créole-français, les élèves parlent mieux le français que dans les classes 100 % en français. C’est un exemple tout à fait parlant du rôle des langues régionales comme pont vers la langue française, notamment dans nos territoires ultramarins. Par ailleurs, vous avez entendu les propos du Président de la République sur la création d’un service public de l’apprentissage de la langue corse. C’est une part de notre culture et de notre histoire qui doit pouvoir être transmise à nos enfants.

Madame Descamps, je vous ai répondu par anticipation sur la santé à l’école.

Le pacte enseignant se déploie. Au retour des vacances de la Toussaint, je disposerai d’un bilan plus complet. À ce stade – les chiffres remontent au 21 septembre, date à laquelle une grande partie des enseignants n’avaient pas encore signé leurs états de service, donc indiqué s’ils adhéraient au pacte –, un enseignant sur quatre a rejoint le pacte – un sur trois au collège et en lycée professionnel. Je ne crois pas que l’on puisse parler d’échec.

L’adhésion au pacte dépend des protocoles signés dans les établissements scolaires sur l’organisation du remplacement de courte durée. Les enseignants disent, et je l’entends parfaitement, qu’ils ne veulent pas être appelés à minuit pour venir faire un remplacement le lendemain à huit heures du matin alors qu’ils ne travaillent pas normalement. Ce n’est évidemment pas l’esprit du pacte. Dans chaque établissement, doit être signé un protocole dont les modalités sont adaptées aux spécificités de chacun. J’ai visité un établissement dans lequel il est demandé aux enseignants des créneaux sur lesquels ils pourraient faire du remplacement et un délai de prévenance de quarante-huit heures est prévu. Dans un autre, le chef d’établissement demande aux enseignants de remplir un tableau avec leurs disponibilités. Il faut donner de la souplesse sur le terrain aux chefs d’établissement et aux équipes. C’est de cette manière que la confiance dans le dispositif, qui reste à bâtir, je le sais, sera gagnée. Je ne suis pas du genre à abandonner.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous passons aux questions des autres députés.

M. Fabrice Le Vigoureux (RE). Je souhaite à mon tour saluer l’effort budgétaire considérable en faveur de l’Éducation nationale pour 2024 – une hausse des crédits plus forte en deux ans que durant les trois législatures précédentes.

Cet effort bénéficie à l’éducation prioritaire – achèvement du dédoublement des classes, ouverture des établissements de huit heures à dix-huit heures, création de très petites sections. Reste une attente forte : la révision de la carte de l’éducation prioritaire, très datée, qui ne prend pas en considération les évolutions sociologiques de certains établissements. Je pense au collège Dunois à Caen, qui, malgré un indice de position sociale (IPS) d’environ 80, n’est classé ni en REP ni en REP +, à la différence du collège voisin dont la sociologie est moins défavorable et l’IPS plus élevé. Je me fais le relais de sa formidable équipe pédagogique pour vous demander à quelle échéance la carte de l’éducation prioritaire sera révisée.

Mme Julie Lechanteux (RN). J’aimerais exprimer notre solidarité avec la famille, les collègues et les proches de Dominique Bernard lâchement assassiné, il y a quelques jours, à Arras et j’adresse mon soutien total à la communauté éducative.

L’école est le lieu où s’émancipe l’individu et où rayonne le savoir. Elle est devenue une cible. La France est ce pays où on peut mourir d’enseigner. Attentat après attentat, nous déplorons les mêmes morts, les mêmes failles, les mêmes modes opératoires ; ensuite rien ne se passe. Qu’ont fait le Gouvernement et vos prédécesseurs depuis la mort de Samuel Paty pour protéger les enseignants et les élèves ? Combien d’enseignants égorgés comme Samuel Paty et tué comme Dominique Bernard faudra-t-il pour que vous débarrassiez l’école de ceux qui quotidiennement la défient au nom du fondamentalisme islamiste ? Qu’attendez-vous pour affecter un budget à la sécurité des établissements et pour mettre un terme au « pas de vagues » qui laisse prospérer l’idéologie islamiste à l’école ?

Mme Graziella Melchior (RE). Je vous remercie pour votre engagement total dans un contexte difficile et je tiens à apporter mon soutien à toute la communauté éducative d’Arras et d’ailleurs.

Députée du Finistère où un élève sur deux est scolarisé dans un établissement privé sous contrat et co-rapporteure d’une mission d’information relative à l’adaptation de l’école aux enjeux climatiques, ma question porte sur le financement de la rénovation du bâti scolaire des écoles privées sous contrat. Alors que 500 millions d’euros par an seront alloués, par l’intermédiaire du fonds Vert, à la rénovation des établissements publics, la loi empêche l’État d’accompagner financièrement les investissements pour le bâti scolaire dans les écoles privées. Or l’urgence écologique ne s’arrête pas à leur porte. N’est-il pas nécessaire de trouver les moyens d’accompagner les écoles privées ?

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Vous avez, à juste titre, souligné la nécessité impérieuse de protéger l’école. Nous ne pouvons évidemment qu’être d’accord, encore faut-il mettre en accord les discours et les actes. Je cite l’exemple du lycée Henri Sellier de Livry-Gargan, dans ma circonscription en Seine-Saint-Denis, où les enseignants ont exercé leur droit de retrait ces deux derniers jours. Alors que le lycée accueille toujours plus d’élèves, il manque de tout : il n’y a pas de lieu de rassemblement sécurisé en cas d’incendie, ni de CPE, ni d’AED, ni de proviseur adjoint supplémentaire, ni d’infirmières supplémentaires, ni de secrétaires supplémentaires.

Cette situation n’est malheureusement pas exceptionnelle Voici ce qu’écrit le syndicat FO des chefs d’établissement dans une lettre qu’il vous a adressée : « Les collègues ne pourront pas à la fois assurer la priorité de la situation qui s’impose à tous et l’ensemble des priorités affichées par l’institution ». Monsieur le ministre, annulerez-vous les 2 693 suppressions d’emplois d’enseignants prévus dans le budget ?

M. Maxime Minot (LR). Le sport est un vecteur de mixité et de cohésion sociale. La triste actualité nous montre que cette dernière est plus que jamais nécessaire.

En tant que coprésident du groupe de travail chargé du suivi de la préparation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, je constate la place essentielle qu’occupe le sport auprès des jeunes, notamment ceux des zones en difficulté. Près de 280 jours avant le début de l’événement, il est indispensable que l’Éducation nationale profite de l’occasion pour redonner une impulsion à la pratique du sport.

Quelle part de la hausse de son budget votre ministère réserve-t-il à la pratique du sport ? En raison des Jeux olympiques, la rentrée 2024 sera-t-elle décalée, en particulier dans les établissements scolaires situés dans le périmètre du village des athlètes ?

M. Bertrand Sorre (RE). Le projet de loi de finances pour 2024 affiche un objectif très volontariste : mieux rémunérer les professeurs. C’est une nécessité. Ainsi, 1,9 milliard d’euros sera consacré à la revalorisation socle et un milliard supplémentaire à la partie conditionnelle liée à l’exercice de missions nouvelles. Je salue ces mesures. Le 28 septembre, vous avez annoncé que 25 % des enseignants étaient engagés dans la partie conditionnelle du pacte. C’est un bon début à mes yeux pour une mesure très pragmatique destinée à suppléer certaines absences d’enseignants – cela répond à une demande forte de nos concitoyens. Pouvez-vous confirmer que tous les enseignants des collèges et des lycées, quel que soit leur statut, sont bien concernés par le pacte ? Comment comptez-vous convaincre un plus grand nombre d’enseignants de s’engager dans ce dispositif ?

M. Julien Odoul (RN). L’idéologie islamiste, responsable du massacre des professeurs de l’école de la République Dominique Bernard et Samuel Paty, tente de conquérir notre école depuis bien longtemps. Face à l’explosion des atteintes à la laïcité, vous avez tenté un semblant de réaction salutaire en interdisant l’abaya dans les enceintes scolaires. Pour autant, notre législation est incomplète et inefficace. Si le port de tenues ou de signes religieux est interdit dans l’enceinte scolaire, il ne l’est pas dans le cadre d’activités, de cérémonies ou de sorties scolaires. Compte tenu de l’entrisme islamiste, pensez-vous qu’il faille aller plus loin en interdisant le port de signes religieux et politiques dans le cadre scolaire ?

Mme Estelle Folest (Dem). Je déplore d’autant plus le manque de médecins scolaires que nos jeunes sont confrontés à de nombreuses difficultés liées à la radicalisation ou au harcèlement. L’école a du mal à repérer les cas les plus difficiles. Une meilleure coopération entre la protection maternelle et infantile, la médecine de ville et les quelques médecins scolaires qu’il nous reste permettrait sans doute de décharger en partie nos professeurs de ce rôle de repérage des élèves en difficulté, qui leur est souvent dévolu.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je me réjouis de vos propos concernant l’enseignement des langues régionales.

Pour lutter contre le harcèlement, la précarisation toujours plus importante des familles et les violences intrafamiliales mais, aussi, pour faire face aux enjeux de santé mentale, les établissements scolaires ont besoin de pôles médico-sociaux solides. Les assistantes sociales, les infirmières, les psychologues manquent trop souvent à l’appel, que ce soit dans les établissements d’éducation prioritaire – où, durant ma carrière, je n’ai jamais vu une équipe au complet – ou dans les établissements ruraux comme dans ma circonscription, où l’ensemble du Haut-Béarn – une dizaine de collèges et de lycées – est dépourvu d’assistantes sociales.

Pourtant, rien n’est prévu pour revaloriser ces métiers et recruter de nouveaux professionnels. Nous défendrons deux amendements afin de favoriser leur recrutement et de revaloriser immédiatement de 5 % leur rémunération.

M. Alexis Corbière (LFI-NUPES). En équivalent temps plein annuel travaillé, les effectifs d’enseignants diminuent : 1 709 emplois sont supprimés dans le premier degré et 484 dans le second. Il manque 11 543 emplois pour revenir au taux d’encadrement de 2017.

D’un certain point de vue, nous sommes à vos côtés dans la lutte contre le harcèlement scolaire mais où sont les moyens, notamment pour les cours d’empathie ? Selon quelles modalités ces derniers seront-ils organisés ? Seront-ils dispensés par des personnels formés spécifiquement, par des enseignants qui feront des heures supplémentaires, des intervenants extérieurs, des entreprises privées ? Quoi qu’il en soit, je vous invite à faire preuve d’empathie à l’endroit du service public et des enseignants.

Mme Frédérique Meunier (LR). Depuis six ans, on nous annonce chaque année d’extraordinaires augmentations du budget de l’Éducation nationale et, chaque année, les mêmes problèmes se posent : lacunes dans les savoir fondamentaux, manque de revalorisation salariale des personnels pour faire face à la pénurie, absences de médecins, d’infirmières, de psychologues. Au-delà de la question des moyens, la question n’est-elle pas de mieux dépenser ?

De plus, à force de concentrer tous les moyens sur les zones urbaines, la jeunesse rurale a été entièrement délaissée. Neuf des dix départements où les jeunes sont les plus touchés par les difficultés de lecture sont ruraux. Quid des programmes d’éducation prioritaire dans ces territoires ?

M. Belkhir Belhaddad (RE). L’éducation est la mère des batailles pour substituer la confiance à la défiance. L’union ne se fera pas à partir de la peur de l’autre, de l’inconnu, de ce qui nous dépasse.

Les cordées de la réussite, financées à hauteur de 7,4 millions d’euros, visent à conforter l’ambition scolaire et à faire en sorte que les jeunes aient envie de poursuivre des études dans l’enseignement supérieur. Près de 200 000 jeunes ont bénéficié de ce dispositif l’an passé. Comment votre ministère évaluera-t-il les effets de telles initiatives sur la réduction des inégalités territoriales et l’amélioration de l’égalité des chances ?

Mme Caroline Parmentier (RN). Le 5 septembre dernier, vous avez déclaré que vous présenteriez à l’automne un calendrier et des modalités d’expérimentation quant au port de l’uniforme. Les députés du Rassemblement national vont dans votre sens, comme en témoignent les amendements que nous soutiendrons. Oui, il est temps de procéder à cette expérimentation, le budget de l’Éducation nationale le permet !

Elle est d’autant plus nécessaire que des élèves, nourris d’idéologies communautaristes, défient toujours plus l’école en se présentant en abaya. Les centaines de signalements ne sont que la partie émergée de l’iceberg tant les peurs ou les menaces sont grandes, à moins que ce soit le « pas de vagues » qui l’emporte. Les professeurs ont peur et nous savons pourquoi. Joindrez-vous la parole aux actes ? Accepterez-vous la main tendue par les députés du Rassemblement national pour le bien de notre école publique ?

Mme Fabienne Colboc (RE). Dans les moments tragiques qui bouleversent l’ensemble de l’Éducation nationale, je vous assure de toute ma confiance, monsieur le ministre. Et je salue les décisions claires que vous avez prises dès votre entrée en fonction. Les crédits consacrés à cette mission, qui s’élèvent à 63,6 milliards, sont en hausse de 6,5 % par rapport au PLF pour 2023. Je me réjouis de la création et de la réhabilitation de 3 000 places en internat d’excellence dans les territoires ruraux d’ici à 2026, ce qui permettra aux jeunes volontaires de bénéficier d’un accompagnement pédagogique renforcé et personnalisé.

M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). Je m’associe aux hommages qui ont été exprimés.

La lutte contre le harcèlement scolaire est votre priorité. Derrière ces mots, il y a des morts. Toutes les enquêtes montrent que le phénomène se poursuit sur les réseaux sociaux. Selon la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO), 26 % des collégiens en sont victimes. L’accès public aux ordinateurs et aux tablettes est nécessaire afin de réduire les inégalités mais cela permet aussi de travailler à la sensibilisation des publics concernés et d’agir par l’intercession des modalités de conclusion des contrats informatiques : configuration, kit sur le harcèlement, etc. Je défendrai un amendement visant à inscrire dans le code de la commande publique la possibilité, pour les acheteurs, d’inclure dans les conditions d’exécution d’un marché, des conditions relatives à la lutte contre le harcèlement. Qu’en pensez-vous ?

Mme Cécile Rilhac (RE). Dans un rapport publié le 7 septembre dernier, la Cour des comptes soulignait que la formation continue des enseignants, comme la formation initiale, est l’un des principaux leviers susceptibles d’améliorer à court et à moyen terme les résultats des élèves et le service public d’enseignement.

Pourtant, le temps de formation continue des enseignants est inférieur à celui de la moyenne des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). De surcroît, un certain nombre de nos enseignants estiment qu’il n’existe pas de formation appropriée aux besoins durant leur carrière.

Lors de votre audition, au Sénat, vous avez insisté sur cet impératif qu’est la révision de la formation de nos enseignants, de manière à ce qu’elle soit adaptée à la réalité et aux défis du XXIe siècle. La prise en charge des élèves à besoins éducatifs particuliers, le numérique éducatif, la lutte contre le harcèlement et tant d’autres enjeux nécessitent que nos enseignants bénéficient d’une formation continue renforcée. Quelles dispositions budgétaires sont-elles prévues à cette fin ?

Mme Sophie Blanc (RN). Le 27 septembre, vous annonciez un « tsunami de la parole » à propos du harcèlement scolaire. Le programme Phare de lutte contre le harcèlement à l’école, lancé en 2021, est une bonne chose. Hélas, votre PLF ne présente aucun indicateur permettant d’en évaluer l’efficacité.

Dans sa présentation stratégique, le DGESCO, Édouard Geffray, évoque la lutte contre les violences scolaires à caractère sexiste, sexuel, LGBTphobe, raciste et antisémite. Ces items ne font pourtant pas partie des indicateurs du programme 230 Vie de l’élève. Pourquoi ne pas les intégrer ?

Mme Céline Calvez (RE). Hier, la communauté éducative et la communauté nationale étaient debout, unies.

Comment créer un lien encore plus fort entre les enseignants et ceux qui font bouger les cités, notamment, les associations, mais aussi ceux qui veulent cultiver l’apprentissage de l’altérité ? J’ai discuté cet après-midi avec Cathy Racon-Bouzon et Tarik Ghezali de tout ce qui existe déjà et qui va dans le bon sens. J’ai également déposé plusieurs amendements afin de flécher spécifiquement les financements de l’État qui pourraient renforcer le développement de tels liens dans les domaines de l’orientation, du soutien scolaire, de la laïcité, de l’empathie, du sport, de la santé ou du médico-social. Qu’en pensez-vous ?

Mme Isabelle Périgault (LR). Le budget de votre ministère augmente de 6,5 % par rapport à l’an passé – ce dont nous nous réjouissons – ce qui représente une hausse historique de près de 4 milliards d’euros.

Néanmoins, cette hausse s’accompagnera de la suppression de 2 500 postes d’enseignants à la rentrée 2024. Le ministère la justifie par une baisse importante des effectifs d’élèves pour des raisons démographiques. Cette annonce a fait réagir la communauté éducative, notamment dans les circonscriptions rurales comme la mienne, en Seine-et-Marne.

Avant la rentrée 2023, vous aviez promis qu’il y aurait un professeur devant chaque classe, or, le collège Les Tournelles, à Villiers-Saint-Georges, n’a pas d’enseignants en physique-chimie et en lettres classiques, ni même un conseiller principal d’éducation. Comment ferez-vous pour résoudre de tels problèmes ?

Mme Violette Spillebout (RE). Je salue votre engagement sans faille auprès de nos enfants et de la communauté éducative, qui traversent une épreuve sans précédent.

Suite à la mission flash sur l’éducation critique aux médias, dont j’ai été co-rapporteure, je suis persuadée que nous devons favoriser l’intervention de journalistes et d’auteurs dans les classes afin de soutenir nos professeurs et de travailler avec les jeunes sur la fabrique de l’information et, ainsi, de mieux lutter contre la désinformation, le complotisme, les séparatismes et l’embrigadement. Les professeurs documentalistes sont au cœur de ce dispositif et leur rôle de coordination doit être mieux reconnu et valorisé. Les moyens consacrés à cette éducation aux médias doivent être renforcés. Ce budget permettra-t-il de relever ce défi ?

M. Bruno Bilde (RN). Après l’attentat islamiste d’Arras et alors que la menace terroriste est très élevée, la sécurité à l’intérieur et aux abords des établissements scolaires est une priorité absolue. L’école doit demeurer un sanctuaire contre les violences extérieures.

Les collectivités territoriales sont compétentes en ce qui concerne les abords des établissements scolaires mais les moyens financiers et humains sont insuffisants pour déployer des agents de police municipaux devant chaque école, collège et lycée. Elles ne peuvent pas non plus assumer seules les travaux urgents de sécurisation qui s’imposent.

La sécurisation des écoles exige une mobilisation conjointe des collectivités locales et des services de l’État. Quels dispositifs précis envisagez-vous, avec le ministre de l’Intérieur, pour renforcer la sécurité aux abords des établissements scolaires ?

M. Philippe Berta (Dem). Qui dit laïcité dit connaissances, savoirs fondamentaux, faits démontrés, esprit critique. Je vous sais engagé, et je vous en sais gré, sur l’enseignement du français et des mathématiques, mais les mathématiques ne sont pas les sciences. Ce sont ces dernières qui expliquent notre évolution, notre place au sein de la biosphère et, même, dans l’univers observable. Elles sont autant de remparts face au complotisme et aux négationnismes. Pourtant, le niveau général scientifique des élèves chute. En fin de CM1, les élèves français figurent en avant-dernière position des pays de l’OCDE. Quelles mesures urgentes comptez-vous prendre afin de redonner aux sciences toute leur place dans l’enseignement scolaire, de la maternelle au lycée ?

Mme Emmanuelle Anthoine (LR). Pour la rentrée scolaire de septembre 2024, vous prévoyez de supprimer 484 emplois d’enseignants dans le second degré, après avoir supprimé plus de 3 100 postes depuis 2020. Or, dans le même temps, les effectifs scolarisés dans le second degré augmentaient. De tels choix nous intriguent tant ils semblent préjudiciables à la qualité des conditions d’enseignement.

Des postes seront supprimés dans certaines matières, ce qui contraindra des professeurs à assurer un nombre considérable d’heures supplémentaires. En outre, il sera plus difficile d’organiser des temps d’enseignement en effectif allégé, en dépit des injonctions en ce sens.

Dans un rapport d’octobre 2020, la Cour des comptes a pointé le recours accru aux heures supplémentaires dans la fonction publique, dont le coût est d’ailleurs sous-évalué. Dans son analyse du budget pour 2020, cette institution observait que les enseignants du second degré réalisaient près de 600 000 heures supplémentaires hebdomadaires. Ne faut-il pas revenir sur de tels choix en matière de ressources humaines ?

M. Francis Dubois (LR). Ces efforts budgétaires permettront-ils de relever le niveau des élèves français, qui stagnent en queue des classements internationaux ? Les territoires ruraux sont désormais fortement touchés par une telle baisse.

Dans ma circonscription de Corrèze, les suppressions de postes ou les absences non remplacées d’enseignants se multiplient et les classes multi-niveaux deviennent la norme. C’est le cas dans six écoles sur dix. De telles décisions ont des répercussions néfastes sur la qualité de l’enseignement, sur l’apprentissage et le niveau des élèves, sans compter les difficultés liées aux temps de trajets pour rejoindre les établissements scolaires : six élèves sur dix sont scolarisés hors de leur commune de résidence. Il est essentiel de maintenir des écoles de proximité pour leur apprentissage et leur épanouissement. Ne conviendrait-il pas d’intégrer le milieu rural en zone d’éducation prioritaire afin de favoriser un meilleur encadrement des élèves et de relever leur niveau scolaire ?

Mme Christine Loir (RN). L’article 53 du PLF prévoit de donner tout pouvoir à l’Éducation nationale pour déterminer et évaluer les besoins si spécifiques des élèves en situation de handicap, mission aujourd’hui assurée par les MDPH. En évaluant les besoins de l’enfant de manière précise et individuelle, le projet personnalisé de scolarisation garantit le parcours et l’accompagnement de l’enfant au sein de l’école. Lors de son discours à la conférence nationale du handicap, le 26 avril dernier, le Président Macron a déclaré que le monde du handicap ne devait plus être silencieux. Alors, Monsieur le ministre, entendez le cri de détresse des parents qui ne veulent pas du PAS.

Mme Valérie Bazin-Malgras (LR). Lors de son audition, le DGESCO a indiqué que la refondation de la carte des réseaux d’éducation prioritaire renforcés (REP +) n’interviendrait pas avant 2025, alors qu’elle était espérée pour 2024.

Dans ma circonscription, le taux d’élèves boursiers au collège Les Jacobins est supérieur à celui des collèges REP +. Il est situé dans le quartier Jules-Guesde, l’un des vingt plus pauvres de France, où l’indice de position sociale des élèves (IPS) est de 68, le plus bas du département de l’Aube.

Le report à 2025 d’une éventuelle classification en REP + suscite l’incompréhension du corps enseignant, des élèves et des parents. Quand classerez-vous Les Jacobins en REP + ?

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Il y a des moments où la République fait bloc autour de l’école. Le temps passe, mais pas la douleur éprouvée depuis longtemps par une profession qui a le sentiment d’être abandonnée, déconsidérée et de constituer une cible, aux sens propre et figuré : il faut toujours colmater les brèches, les professeurs sont pointés du doigt comme s’ils manquaient à leur mission et, face à la violence, certains d’entre eux n’ont pas été suffisamment soutenus par leur administration. Que ferez-vous afin que les choses changent ?

M. Gabriel Attal, ministre. Il conviendra en effet de réviser la carte de l’éducation prioritaire, en lien avec celle de la carte des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Je ne sais pas si ce sera le cas dès 2024 ou en 2025, mais nous le ferons. Des concertations locales sont nécessaires, de même peut-être qu’une révision de certains critères. Tels qu’ils sont, deux cents établissements entreraient en éducation prioritaire et deux cents en sortiraient.

Depuis 2021, les contrats locaux d’accompagnement (CLA) permettent d’accompagner les écoles orphelines, par exemple, un collège à faible IPS non rattaché au réseau REP ou au REP +. Un tel établissement peut bénéficier de moyens supplémentaires.

J’ai rencontré longuement, ce matin, les représentants des organisations syndicales et je rencontrerai demain les associations d’élus. La sécurisation des établissements relève de la compétence des collectivités locales. Pour autant, j’assume mes responsabilités : si nous devons aider au financement de ces dernières, nous le ferons. Les Français attendent que, tous, nous puissions leur apporter le meilleur service public possible et que nous fassions en sorte qu’ils soient en sécurité. Depuis 2017, nous avons dépensé 100 millions d’euros pour la sécurisation d’établissements publics locaux. Nous continuerons à agir en ce sens. Depuis 2015, beaucoup a été fait. Certaines régions se sont engagées en installant des portiques, des caméras de vidéo-protection, des postes de vigiles. L’essentiel est de garantir un standard minimal de sécurité de telle sorte que nul, qui n’a rien à y faire, ne puisse s’introduire dans un établissement scolaire. J’ai conscience que ce n’est pas le cas partout et que nous devons combler un certain nombre de brèches.

La loi ne permet pas à l’État de financer la rénovation du bâti privé, laquelle relève des organismes de gestion de l’enseignement catholique (Ogec), à travers leurs fonds de roulement.

Nous comptons 8 500 psychologues de l’éducation nationale contre près de 9 000 en 2018 et 2019. Pour la session 2023, 200 postes ont été ouverts au concours externe ; 50 postes au concours interne et 10 postes au troisième concours.

Nous continuons à renforcer la pratique sportive à l’école, avec les 30 minutes d’activité physique quotidienne en primaire, même s’il y a encore du travail afin qu’elles soient généralisées. L’expérimentation des 2 heures de sport en plus au collège se poursuit. Ce sera le cas, cette année, dans 700 collèges, notamment en QPV. Au total, 5,7 milliards d’euros sont consacrés à l’activité physique et sportive.

La rentrée de 2024 ne sera pas décalée mais adaptée dans les établissements concernés par les Jeux olympiques. J’ai rencontré le président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis, M. Troussel afin de trouver des solutions au cas par cas. Je suis très attentif au bon fonctionnement des établissements scolaires. Depuis plusieurs mois, des travaux minutieux de recensement des écoles et des établissements situés à proximité des lieux d’épreuves a été effectué par les services des rectorats, en lien avec les collectivités locales. Ces travaux sont toujours en cours, avec les préfectures et la préfecture de police, afin d’ajuster la liste des établissements pour lesquels des aménagements seront nécessaires, selon qu’ils se situent dans un périmètre de circulation interdite ou restreinte ou à proximité des voies réservées. Nous travaillons à lever chacun des obstacles anticipés.

Je confirme que tous les enseignants peuvent être concernés par le pacte, y compris les contractuels. Nous continuerons à les convaincre pour qu’ils s’y engagent. L’effort financier est conséquent. Nombre d’enseignants font déjà des remplacements de courte durée – en moyenne, 2 heures par semaine. L’heure est payée 41 euros brut ; avec le pacte, 69 euros. La hausse est également de 50 % pour le dispositif Devoirs faits et pour les stages de réussite pendant les vacances, où chaque année, 40 000 enseignants accueillent des élèves. Payés habituellement 27 euros de l’heure, ils le sont 52 euros de l’heure avec le pacte.

La question du port de signes religieux par des accompagnatrices lors de sorties scolaires se pose, en effet. Nul ne niera mon engagement pour la laïcité, en particulier suite à la décision que j’ai prise concernant l’interdiction de l’abaya et du qamis à l’école. Néanmoins, suite à la lecture de la tribune de Caroline Fourest – que nul n’accusera de tergiverser avec la laïcité – intitulée « Pour le droit des mères voilées à accompagner les sorties scolaires », j’ai décidé de ne pas modifier les règles.

Nous continuerons bien sûr à lutter contre le harcèlement scolaire. Des enseignants se chargeront des cours d’empathie après avoir suivi une formation. La méthode danoise est également utilisée dans des établissements scolaires parisiens mais aussi à Saint-Ouen. La fondation Seve, de Frédéric Lenoir, propose des ateliers à visées philosophiques tout à fait remarquables en primaire. Nous pourrons nous appuyer sur de telles initiatives pour déployer l’apprentissage de l’altruisme, de l’altérité et de la tolérance.

S’agissant des cordées de la réussite, 7,4 millions d’euros permettent de renforcer l’ambition scolaire ; 200 000 élèves en ont bénéficié l’an passé. J’ai fixé un objectif de 100 % des collèges REP et REP +.

En ce qui concerne l’expérimentation des tenues et des uniformes, j’aurai l’occasion de m’exprimer dans les semaines à venir. Il ne me paraît pas nécessaire de prévoir des crédits en PLF mais j’entends l’intention partagée par de nombreux groupes parlementaires d’aller en ce sens. L’expérimentation nous permettra d’évaluer son utilité. Si des élus locaux, dans vos circonscriptions, sont intéressés, n’hésitez pas à me le faire savoir.

S’agissant des internats d’excellence, 3 000 places seront rénovées ou ouvertes en zones rurales dans le cadre du plan France ruralités annoncé par la Première ministre ; 40 millions d’euros en AE et 10 millions en CP sont prévus.

Les équipements individuels de nos élèves visent à réduire la fracture numérique et les inégalités. Les études de la direction des études et de la planification (DEP) montrent qu’il existe un lien entre la présence d’un équipement individuel et les résultats scolaires, notamment au collège, en mathématique et dans les zones d’éducation prioritaires. Ces équipements doivent être utilisés à la maison dans le cadre de la classe ou en lien avec une activité pédagogique donnée par l’enseignant. Les règles de la commande publique en matière d’équipement respectent le code de l’éducation et les standards français et européens. Une modification en la matière ne mettrait pas un terme au cyber-harcèlement.

La formation continue des enseignants est un levier essentiel pour améliorer leurs pratiques. Ce PLF y consacre 1,9 milliard d’euros. Les enseignants doivent se former en dehors du temps scolaire. L’an dernier, 2 millions d’heures de cours ont été perdues sans être remplacées. Les modules seront plus courts, hybrides, parfois sur sites et en groupes. Au collège, moins d’un enseignant sur deux se forme et à peine plus d’un sur trois au lycée.

Il n’est pas possible de dire que l’école rurale est délaissée. Ses moyens, au contraire, ont été renforcés. Le taux d’encadrement y est plus favorable que la moyenne nationale et s’établit à 20,3 élèves par classe dans les zones rurales isolées contre 21 dans les autres communes rurales. En moyenne, les évaluations montrent également une meilleure performance dans les fondamentaux jusqu’à la fin du collège. Cela n’exclut évidemment pas des difficultés dans certains départements. J’ai demandé à mes recteurs de piloter leurs moyens académiques en fonction des résultats des évaluations. Selon une étude de la DEP, on compte en moyenne deux élèves de moins en maternelle dans les zones rurales et un élève par classe de moins en cours élémentaire. Le socle des naissances, dans un territoire rural, doit permettre de donner de la visibilité démographique aux élus locaux.

La journée nationale « Non au harcèlement scolaire » aura lieu le 9 novembre. Une grande enquête sera reconduite chaque année. À partir du CE2, tous les élèves répondront à un questionnaire conçu par des pédopsychiatres, des spécialistes de la santé mentale des enfants et de la violence scolaire. Cela nous permettra d’identifier des situations de harcèlement qui ne sont pas déclarées.

Résoudre le problème de la pénurie du nombre d’enseignants suppose de recruter, donc de renforcer l’attractivité de ce métier. Tel est le sens de la concertation engagée avec les organisations syndicales, à laquelle je souhaite que les parlementaires puissent participer. En début de carrière, les salaires sont désormais supérieurs à la moyenne de l’OCDE. Nous devrons également réfléchir aux moyens d’améliorer la situation de ceux qui sont en milieu ou en fin de carrière. Nous travaillons également à une réforme profonde de la formation initiale pour créer les Écoles normales du XXIe siècle. Les conditions d’exercice du métier et le déroulement de carrière sont aussi des enjeux essentiels.

Le fonds interministériel de prévention de la délinquance dépend du ministère de l’Intérieur ; depuis 2017, il a été abondé de 100 millions d’euros. Le travail que nous mènerons avec les collectivités nous permettra d’identifier les moyens supplémentaires nécessaires.

Le renforcement du niveau dans les matières scientifiques est évidemment fondamental afin de garantir l’égalité des chances et de soutenir nos objectifs ambitieux d’orientation vers les filières techniques et numériques, comme le programme Chiche !, co-élaboré avec l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria). Le PLF consacre 70 000 euros pour des interventions de chercheurs dans des classes de seconde générale afin de faire connaître les métiers du numérique et de la recherche. La demi-journée de découverte des métiers au collège, toutes les deux semaines, mais aussi le nouveau stage de fin de seconde permettent d’aller en ce sens. L’éducation aux médias et à l’information est un enjeu fondamental qui doit compter parmi les priorités de l’enseignement moral et civique. La capacité à décrypter l’information, notamment sur les réseaux sociaux, est devenue essentielle.

Nous dépensons moins que les autres pays de l’OCDE dans le premier degré et toujours plus dans le second degré. Il convient également de dépenser mieux. Dans le second degré, nous sommes confrontés à des difficultés pour répondre aux nécessaires remplacements de professeurs absents pendant plusieurs mois, alors que nos brigades de remplacement sont organisées pour pourvoir des postes seulement en début d’année. Plus le métier sera attractif, plus les recrutements seront nombreux.

Je ne crois pas à une crise des vocations : un élève sur quatre envisage de devenir enseignant. Après une première carrière dans le public ou le privé, des gens souhaitent redonner du sens à leur travail en devenant enseignant. Désormais, ils peuvent conserver les deux tiers de leur ancienneté.

Le soutien aux enseignants est fondamental. Il passe par la réaffirmation de l’autorité des règles à l’école, ce qui permettra aussi de faire reculer ce poison mortel qu’est l’autocensure chez les enseignants. Dans certains endroits, il est possible de faire en sorte qu’un enseignant ne soit plus seul devant sa classe, qu’il puisse s’appuyer sur des personnes extérieures à l’établissement.

Un effort est fait pour supprimer le moins de classes possible. L’enjeu de la visibilité est essentiel : comment construire avec les élus locaux une carte partagée ? Des Français habiteront toujours plus loin que d’autres des établissements scolaires. Un travail doit être mené avec les collectivités locales sur le transport scolaire mais, aussi, sur le temps de présence des élèves, comme nous le faisons avec l’accueil de 8 heures à 18 heures.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Je vous remercie.

 


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II.   EXAMEN DES CRÉDITS

1.   Réunion du mardi 17 octobre 2023 à 21 heures 30

La commission examine pour avis les amendements sur la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances 2024 (n° 1680) (MM. Philippe Fait et Christophe Marion, rapporteurs pour avis)([35]).

Mme la présidente Isabelle Rauch. Mes chers collègues, nous entamons l’examen des crédits de la mission Enseignement scolaire.

Vendredi dernier, l’attention de plusieurs d’entre vous a été appelée sur des amendements mal présentés et formellement irrecevables, qui ont pu être retravaillés. Cette démarche ne sera toutefois pas possible la semaine prochaine, où nous examinerons quatre missions et un compte d’affectation spéciale en trois jours. Les amendements qui poseront problème seront donc déclarés irrecevables.

Nous sommes saisis de 190 amendements. Nous commençons par l’examen des amendements de crédits à l’état B, qui ont été regroupés par thème. Si vous en êtes d’accord, nous les examinerons comme s’il s’agissait d’une discussion commune, puis ils seront mis aux voix successivement.

Article 35 et État F : Crédits du budget général

Amendements II-AC8 de M. Paul Vannier, II-AC60 de M. Léo Walter, II-AC9 de M. Paul Vannier, II-AC28 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC10 et II-AC77 de M. Paul Vannier

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). L’amendement II-AC8 vise à tenir la promesse républicaine d’une école gratuite, conséquence de l’obligation scolaire. Or la gratuité réelle de l’école n’est pas vassurée dès lors que la cantine, les sorties scolaires, les activités périscolaires et les fournitures sont à la charge des familles. Cette charge est particulièrement lourde en cette période où les salaires stagnent et les prix s’envolent. La Confédération syndicale des familles estime que le coût moyen d’une liste complète de fournitures à la rentrée 2023 pour un élève du primaire s’élève à 233 euros contre 190 euros en 2022, soit une hausse de 23 %. Selon une étude du CSA Research, menée en 2023, la situation contraint de nombreuses familles à renoncer à des dépenses essentielles pour leurs enfants : 59 % des parents interrogés sacrifient l’habillement ; 40 %, les articles de sport ; 37 % abandonnent les inscriptions aux activités extrascolaires ou les fournitures scolaires. Enfin, 13 % d’entre eux envisagent de contracter un prêt à la consommation pour surmonter le coût de la scolarité de leurs enfants.

La mesure prévoit par ailleurs un soutien aux collectivités territoriales qui font parfois face à ces dépenses malgré une situation financière exsangue.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Mon amendement, le II-AC60 va dans le même sens que celui de mon collègue, et vise tout particulièrement les frais de cantine. Dans un rapport de mai 2019, le Défenseur des droits indique qu’en moyenne, sept enfants sur dix fréquentent les cantines des écoles primaires, dont le rôle apparaît de plus en plus important pour certains enfants, en particulier les plus pauvres, le repas du midi pouvant constituer le seul repas complet et équilibré de la journée. Le développement de la pauvreté contribue à fragiliser l’accès à ce service public. Nous proposons donc d’abonder un fonds de soutien aux collectivités territoriales afin qu’elles puissent libérer les familles de ce poids financier supplémentaire.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). L’amendement II-AC9 est un amendement de repli. Aussi, j’aurais souhaité connaître l’avis du rapporteur pour avis.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Examiner un à un les 190 amendements nécessiterait dix à quinze heures de débats, ce que nous ne pouvons pas nous permettre. Aussi, je vous ai proposé de les grouper par thème, afin que vous puissiez tous les présenter. Je rappelle que les crédits de cette mission seront examinés en séance le 3 novembre.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Chacun sait que nous n’aurons pas la possibilité de débattre de ces amendements car le 49.3 va tomber. Je souhaite un dialogue de qualité, avec les rapporteurs pour avis, qui ont fourni un travail sur chaque proposition. Il nous faut un vrai débat : sinon, à quoi sert l’Assemblée nationale ?

L’amendement II-AC9, de repli, vise à instaurer des mesures de gratuité pour l’ensemble des élèves scolarisés dans des établissements relevant de l’éducation prioritaire, les plus frappés par la pauvreté. Selon l’Éducation nationale, 13 % des enfants scolarisés en réseau d’éducation prioritaire (REP) et réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP +) arrivent à l’école le ventre vide et ne bénéficient pas de bonnes conditions pour leurs apprentissages. L’amendement a donc une finalité éducative.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Le II-AC28 vise à ce que l’Éducation nationale fournisse les fournitures scolaires à tous les élèves de primaire. L’objectif est de faire économiser 233 euros en moyenne aux familles, et de donner un symbole de la gratuité de l’école. M. le ministre a rappelé que nombre de collectivités fournissent gratuitement ces fournitures en début d’année, ce qui grève leur budget. Nous voulons que l’État les prenne en charge, pour un coût estimé à 478 millions d’euros.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Les amendements II-AC10 et II-AC77, de repli, rejoignent les positions de M. Olivier Klein, qui était, il y a quelques semaines encore, le ministre délégué chargé de la ville et du logement d’Emmanuel Macron. M. Klein avait émis l’hypothèse que les fournitures scolaires et l’école devaient être gratuites dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Ces amendements pourront donc peut-être convaincre, au-delà des rangs de La France insoumise et de la NUPES. Ils apparaissent encore plus nécessaires que les précédents eu égard à l’urgence sociale dans ces territoires.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. En tant qu’anciens maires, Philippe Fait et moi-même comprenons les difficultés des familles ; nous avons souvent eu l’occasion de rencontrer des parents en difficulté. Plusieurs dispositifs nous permettaient de les accompagner, qu’il s’agisse des fonds sociaux, des bourses ou de l’allocation de rentrée scolaire.

Les fonds sociaux, dans les établissements publics et privés, ont atteint 54 millions d’euros dans le projet de loi de finances (PLF) pour 2024, un montant largement supérieur aux montants consommés en 2022. Cela pose la question des actions de communication à mener pour faire connaître ces fonds. Dans le contexte d’inflation que nous connaissons, le ministère a fortement mobilisé les académies pour augmenter leur consommation durant l’année scolaire 2022-2023.

Les bourses ont été revalorisées de 2 % à la rentrée 2023, après une revalorisation de 4 % à la rentrée 2022. Pour favoriser le recours aux bourses et aux fonds sociaux, des travaux ont été conduits dans les académies, afin de mobiliser, de communiquer davantage et de repérer les familles.

L’allocation de rentrée scolaire alloue aux familles sous condition de ressources une aide entre 400 et 435 euros selon l’âge des enfants : elle est principalement destinée à financer l’achat de fournitures. Des crédits pédagogiques permettent l’achat de manuels scolaires par l’État : dans le PLF pour 2024, 3 millions d’euros sont consacrés à l’achat de manuels pour les élèves de CP et CE1 des quartiers prioritaires de la ville. L’État fournit également une aide aux collectivités proposant des petits déjeuners gratuits en REP et REP +.

Je rejoins le premier adjoint au maire communiste d’Ivry-sur-Seine, Romain Marchand, qui défend une approche fondée sur le quotient familial individualisé plutôt que sur la gratuité : « Il y a un élément de dignité aussi dans le fait de participer à la hauteur de ses moyens ». Un débat approfondi mérite d’avoir lieu, même si le PLF n’est pas le moment opportun. La proposition de loi sur la gratuité que vous avez déposée en 2022 n’a pas encore été inscrite ni dans une niche ni à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale. La question mérite pourtant des échanges de qualité.

En l’état, je donne un avis défavorable à l’ensemble des amendements.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). L’allocation de rentrée scolaire a progressé d’environ 5 % quand l’envolée des fournitures scolaires dépasse les 20 %. Les difficultés se sont aggravées, ce qui pose avec plus d’acuité la question de la gratuité ou de la tarification sociale, du moins d’un soutien aux familles pour lever tout obstacle à la réussite éducative de l’ensemble des élèves de notre pays.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC64 de M. Léo Walter, II-AC131 de Mme Francesca Pasquini, II-AC100 de M. Frédéric Maillot, II-AC136 et II-AC132 de Mme Francesca Pasquini

M. Léo Walter (LFI-NUPES). L’amendement II-AC64 vise à corriger le rejet des amendements précédents, en abondant les fonds sociaux de 10,5 millions d’euros, afin qu’ils retrouvent le niveau atteint en 2018 et 2019. Le PLF pour 2024 abonde ces fonds d’environ 49 millions d’euros, en légère baisse par rapport à l’année précédente mais avec une inflation prévue à 5,8 % en 2023. Il est indispensable de soutenir les deux types de fonds – fonds social pour les cantines ; fonds pour les collégiens et lycéens – pour faire face aux situations difficiles que peuvent connaître les élèves les plus pauvres.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Mon amendement, le II-AC131, va dans le même sens. Alors que la France a été frappée par de nombreuses crises depuis 2017, le montant des crédits alloués aux fonds sociaux a évolué de manière erratique : stable autour de 59 millions d’euros entre 2017 et 2019, il a été brutalement diminué de 28 millions d’euros en 2020, pour revenir à près de 50 millions d’euros en 2023. Dans le projet de loi de finances pour 2024, il a été baissé d’un cran, à 49 millions d’euros. Les familles ont fortement souffert de l’inflation, qui pèse sur leur pouvoir d’achat. Le coût des fournitures scolaires et de la cantine a connu une augmentation importante. Pour aider les familles à faire face à de telles difficultés, nous proposons de rétablir les crédits alloués aux fonds sociaux pour les élèves précaires à leur niveau de 2017, soit à 59,5 millions d’euros.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). Cet amendement, le II-AC100, vise à abonder les crédits dédiés à l’action sociale, en particulier aux fonds sociaux, afin de lancer une campagne d’information à destination des familles. Ces fonds sont souvent sous-utilisés par les familles, qui pourraient pourtant être éligibles. Ils permettent notamment de régler les frais de cantine, par l’intermédiaire du fonds social pour la cantine. On le sait, les familles précaires inscrivent proportionnellement moins leurs enfants à la cantine. Au collège, 40 % des enfants qui ne mangent pas à la cantine sont issus de milieux défavorisés. Ce taux de non-recours n’est pas une fatalité : une campagne d’information doit être lancée dans tous les établissements, pour permettre aux familles de connaître leurs droits et d’utiliser pleinement ces fonds, comme le rappelle la circulaire du 22 août 2017.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). L’amendement II-AC136 a pour objet d’exclure les écoles privées de la possibilité de recourir aux fonds sociaux de l’Éducation nationale, possibilité introduite par une circulaire de juin 2022. Tandis que les directeurs d’écoles privées sous contrat peuvent solliciter ces fonds pour financer des actions sociales ou éducatives après accord du recteur, les fonds pour les écoles publiques ne peuvent être utilisés qu’à la demande d’un établissement secondaire et avec l’approbation du chef d’établissement du collège ou lycée public. Parce que cette inégalité d’accès nous paraît inacceptable, nous proposons de retirer l’accès des écoles privées aux fonds sociaux et demandons au Gouvernement d’établir une égalité stricte dans l’accès au dispositif.

L’amendement II-AC132 vise à financer une campagne de communication auprès des parents dans les collèges et les lycées, pour les informer de l’existence des fonds sociaux destinés aux cantines. La guerre en Ukraine, la crise sanitaire et la diminution de certaines récoltes ont entraîné des conséquences agricoles, alimentaires et sociales importantes. Selon l’Association des maires de France, la moitié des communes ont augmenté les prix de la restauration collective. De nombreuses aides existent, mais elles ne sont pas toutes connues, faute de communication adéquate.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. La question centrale n’est pas celle du montant des fonds sociaux mais de leur consommation. Leur montant est relativement stable, à 49 millions d’euros – 53,5 millions d’euros en incluant les établissements privés – mais seuls 35 millions d’euros ont été consommés en 2022.

Nous partageons tous la nécessité de faire connaître ces fonds mais il n’est pas certain qu’allouer 1 million d’euros permettra d’atteindre cet objectif. Comme pour le FDVA (Fonds de développement de la vie associative), que de nombreuses associations ne connaissent pas, il revient aux élus d’en faire connaître l’existence : le ministère doit demander au rectorat une communication à ce sujet, à moyens constants.

Supprimer l’accès aux fonds sociaux des établissements privés risque d’accentuer l’absence de mixité sociale. La différence d’accès tient au fait que, dans l’enseignement public, les aides sont attribuées par une commission présidée par le chef d’établissement, qui, en vertu de la circulaire 2017-122 du 22 août 2017, comprend des membres de la communauté éducative, tandis que les directeurs des établissements privés n’ont pas la faculté d’attribuer les aides issues des fonds sociaux collégiens et lycéens, et se bornent à instruire les dossiers. C’est pourquoi ils saisissent le recteur des demandes d’aide qui leur sont transmises.

J’émets donc un avis défavorable à l’ensemble des amendements.

Mme Cécile Rilhac (RE). En tant que rapporteure pour avis des crédits de la mission Enseignement scolaire en 2019, j’avais demandé au Gouvernement un rapport sur ces fonds, qui subissaient une forte baisse. Le document, remis en 2020, mettait en avant la sous‑consommation de ces crédits, qui perdure aujourd’hui. Abonder les fonds sociaux apparaît difficile, dans un moment où la dette publique doit requérir toute notre attention. Nous voterons donc contre les amendements.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). La somme demandée ne paraît pas excessive pour mener une campagne d’information. Elle pourrait avoir un effet sur la consommation des fonds sociaux. On ne peut pas à la fois les rendre publics et refuser de mener une campagne pour les faire connaître. Puisque nous souhaitons que ces fonds soient utilisés, je ne vois pas d’autre solution que lancer une campagne de communication.

M. Roger Chudeau (RN). Nous ne voterons pas ces cinq amendements. D’abord, les crédits des fonds sociaux sont notoirement sous-consommés : les abonder n’a donc pas beaucoup de sens. Les établissements eux-mêmes conduisent des campagnes d’information, dès la rentrée scolaire. Les informations concernant les fonds sociaux figurent souvent dans les brochures d’accueil des établissements. Il est donc inutile de dépenser de l’argent public pour des campagnes nationales.

Enfin, nous dénonçons la crispation obsessionnelle des auteurs des amendements sur le programme 139 Enseignement privé du premier et du second degrés, taillable et corvéable à merci, pour subventionner toutes sortes de fantaisies.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Il ne vous aura pas échappé que nous appelons le Gouvernement à lever le gage dans tous les exposés sommaires. Nous ne sommes obligés de gager ces dispositions sur le programme 139 qu’afin de franchir l’obstacle de l’article 40. Je souhaiterais donc que l’on évite cet argument de mauvaise foi, pour avancer sur le fond.

M. Laurent Croizier (Dem). J’appelle votre attention sur la façon dont toutes ces propositions sont financées. Si l’on vous écoutait, l’enseignement privé n’aurait plus de budget. Selon vous, on pourrait faire des propositions, toutes plus démagogiques les unes que les autres, sans les financer. Si vous retirez au privé tous ses budgets, ceux qui servent à payer les enseignants dont vous avez dit qu’ils étaient des « héros de la République », vous poussez les élèves vers le privé hors contrat. Voilà à quoi mènent les propositions de La France insoumise !

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. On peut en effet envisager d’obtenir la levée du gage mais le fait est que le programme 139 fait souvent les frais de vos dispositions.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC128 de Mme Francesca Pasquini et II-AC186 de Mme Béatrice Descamps

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). La charge de travail des assistants sociaux de l’Éducation nationale n’a jamais été aussi forte : leur nombre – 2 700 pour 12 millions d’élèves – ne suffit pas à traiter efficacement toutes les situations auxquelles ils sont confrontés. Or les assistants sociaux se sont imposés comme les relais les plus appropriés pour détecter certaines situations de décrochage, un manque de ressources financières ou des problèmes d’isolement, notamment au sein des quartiers prioritaires de la ville.

Face à ce constat, l’amendement II-AC128 vise à recruter un assistant social par quartier prioritaire de la ville – 10 % des élèves se concentrent dans les QPV. Le recrutement de 1 500 assistants sociaux correspond à un budget d’environ 45 millions d’euros.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Mon amendement, le II-AC186, a également pour objectif d’encourager le ministère à créer des postes d’assistants sociaux, qui jouent un rôle particulièrement important dans la prise en charge globale des élèves. Il prévoit modestement de recruter cinquante assistants sociaux, soit une augmentation de 1,8 % des effectifs actuels.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Les effectifs titulaires d’assistants sociaux devraient atteindre 7 793 personnes physiques en 2023, soit 2 604 ETP (équivalent temps plein), le nombre le plus élevé depuis 2017. Toutefois, sur les 152 postes offerts au concours en 2022, seuls 75 % ont été pourvus contre 82,4 % l’année précédente. Les difficultés de recrutement se concentrent en Île-de-France, où le nombre de candidats retenus est inférieur au nombre de postes offerts.

Plusieurs mesures ont été prises pour renforcer l’attractivité de ces métiers. Depuis le 1er février 2019, les assistants de service social appartiennent à un corps de catégorie A de la fonction publique. Les plafonds indemnitaires réglementaires ont été revalorisés. En 2021, une concertation a été conduite pour faire reconnaître l’évolution des missions du service social et de meilleures conditions d’exercice dans les établissements.

Entre 2020 et 2022, les assistants de service social et les conseillers techniques de service social ont bénéficié d’une revalorisation indemnitaire de 3 519 euros et 4 706 euros brut annuels, respectivement. Par ailleurs, au 1er janvier 2023, les assistants de service social non affectés mais exerçant dans les écoles et établissements relevant d’un REP bénéficient des indemnités REP dans les mêmes conditions que les autres personnels affectés dans ces écoles et établissements.

Il faut continuer dans ce sens : augmenter le nombre de postes sur le papier ne permettrait pas de couvrir les besoins, même si nous sommes tous convaincus de l’importance de ces métiers. Avis défavorable.

M. Inaki Echaniz (SOC). Nous soutenons les deux amendements car le manque de professionnels et d’attractivité est criant. Le rapporteur pour avis a rappelé les efforts consentis mais force est de constater qu’ils ne sont pas suffisants. Il faut aller plus loin, dès maintenant : nous devons soutenir la nécessité de revaloriser ces métiers, de les rendre plus attractifs. Les assistants sociaux se retrouvent parfois seuls, à gérer plusieurs missions, dans plusieurs établissements. Parce que les infirmières scolaires ou les psychologues de l’Éducation nationale ne sont pas là, ils peuvent être amenés à devenir des couteaux suisses.

Il faut aussi leur donner plus de moyens, pour qu’ils puissent prendre le temps, sans être en permanence appelés vers d’autres missions. Aujourd’hui, la situation est telle qu’ils préfèrent souvent choisir un poste dans les départements plutôt que dans l’Éducation nationale.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC148 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). La réforme du lycée professionnel ne nous ayant pas convaincus, nous avons déposé un amendement qui garantira l’excellence de la voie professionnelle. Nous proposons d’instaurer une allocation d’autonomie pour les élèves de cette filière à partir de 16 ans. D’un montant de 1 102 euros, soit le seuil de pauvreté, elle permettra une triple émancipation, à l’égard de la famille – ce sont souvent les enfants des familles les plus défavorisées qui se retrouvent en lycée professionnel – ; de l’entreprise, puisque le stagiaire est avant tout élève, il apparaît cohérent que la ressource financière soit corrélée à la formation dans son ensemble ; et dans le choix du parcours. Le transport et l’hébergement ne doivent pas être un frein à l’accomplissement d’un parcours.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Nous ne sommes pas favorables à une telle garantie d’autonomie. La gratification des périodes de stage constitue une avancée importante de la réforme du lycée professionnel. Cette allocation pourrait par ailleurs soulever des questions d’équité envers les lycéens aux ressources faibles, suivant d’autres formations. Cette question doit faire l’objet d’un débat approfondi, après qu’une première analyse de la réforme nous aura conduit, le cas échéant, à la faire évoluer.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC144 et II-AC145 de M. Jean-Claude Raux, II-AC101 de Mme Soumya Bourouaha et II-AC102 de M. Frédéric Maillot

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Avec la gratification des périodes de formation en entreprises, les lycéens et lycéennes sont considérés comme des sous-salariés. Ils percevront 2,8 euros de l’heure, contre 4,05 euros pour les stagiaires, pour la même durée minimale de stage. L’amendement II-AC144 vise à leur octroyer une gratification équivalente à celle des autres stagiaires.

Le statut assez peu protecteur de stagiaire peut se révéler dangereux, d’autant que l’État prend en charge la gratification, ce qui ne responsabilise pas l’entreprise accueillante et transforme les élèves en main-d’œuvre à bas coût.

Dans le droit-fil du précédent amendement portant sur les établissements publics, l’amendement II-AC145 vise à aligner la gratification des élèves de lycées professionnels privés sur celle des autres stagiaires.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). Les amendements II-AC101 et II-AC102 ont pour objet d’exprimer notre opposition à la réforme du lycée professionnel.

Le montant de 323 millions correspond à l’allocation aux lycéens de la voie professionnelle, venant gratifier les stages en entreprises que les lycéens et les lycéennes réalisent dans les lycées professionnels publics. En diminuant le temps scolaire et en instaurant une logique adéquationniste à l’enseignement professionnel, la réforme va à rebours de notre ambition pour ces voies.

Revaloriser la voie professionnelle, c’est d’abord revaloriser les métiers auxquels préparent ces filières, notamment par les salaires et le statut. Vouloir adapter les formations au seul marché du travail revient à méconnaître l’évolution rapide des métiers, la nécessité de développer des compétences larges pour adapter sa future vie professionnelle. L’école doit former des travailleurs citoyens : ce n’est pas en réduisant le temps scolaire que nous y parviendrons.

En outre, la seule ambition d’une employabilité immédiate nous apparaît contraire à l’intérêt des étudiants et du pays. La vision de court terme que le Gouvernement a de l’enseignement professionnel revient à satisfaire les besoins immédiats des entreprises, sans se soucier de l’avenir. La mission de l’école est aussi de former des citoyennes et citoyens, sans les restreindre à leur statut de main-d’œuvre au service des entreprises du bassin d’emploi.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Avis défavorable.

S’agissant de la rémunération des stagiaires des lycées professionnels, il existe bien une différence avec le régime classique. L’article L. 124-6 du code de l’éducation dispose qu’une gratification est obligatoirement versée si, au cours de la même année scolaire ou universitaire, la durée du stage est supérieure à deux mois consécutifs, soit l’équivalent de quarante-quatre jours, à raison de sept heures par jour, ou à 309 heures, même si le stage n’est pas effectué de façon continue. Or, actuellement, les lycéens en voie professionnelle ne réalisent jamais plus de 309 heures de stage au cours d’une même année scolaire. La comparaison n’est donc pas possible.

En ce qui concerne la réforme du lycée professionnel, je crois que les choses ne sont pas aussi simples que ce qui a été dit. J’ai le souvenir d’avoir débattu publiquement avec Pascal Vivier, le secrétaire général du SNETAA-FO – Syndicat national de l’enseignement technique action autonome-Force ouvrière –, qui avait un avis très nuancé : il était positif sur un certain nombre de points.

Pour ce qui est de l’adéquationnisme entre les formations professionnelles et les entreprises qui pourraient se situer sur un territoire, il faut être conscient du fait que si les formations professionnelles ne sont pas liées, d’une manière ou d’une autre, à l’activité économique du territoire, on aura du mal à trouver des stages pour les élèves des lycées professionnels.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). On parle de formations en adéquation avec les besoins, mais on supprime certaines d’entre elles qui sont pourtant indispensables. Plusieurs syndicalistes nous ont ainsi expliqué, lors d’une table ronde sur le lycée professionnel qui s’est tenu dans cette salle, que dans l’Est de la France, notamment en Lorraine, toutes les formations en chaudronnerie avaient purement et simplement été supprimées, alors qu’on sait le poids de la sidérurgie – ou de ce qu’il en reste – dans cette partie du pays.

S’agissant de la rémunération des stages, ce qui a été décidé par le Président de la République au début de son deuxième quinquennat, à savoir le placement de l’enseignement professionnel sous la double tutelle du ministère du Travail et du ministère de l’Éducation nationale, revient à tirer un trait sur un acquis fondamental, qui a été arraché après la Seconde guerre mondiale : la soustraction des jeunes à la tutelle des patrons.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). La réforme de la voie professionnelle, qui concerne un tiers des lycéens de notre pays et qui est décisive du point de vue de l’industrie, de la bifurcation écologique et de la citoyenneté, n’a jamais été débattue à l’Assemblée nationale. Je remercie nos collègues pour les amendements d’appel qu’ils ont déposés, car ils permettent d’évoquer ce sujet qui intéresserait, je crois, tous les parlementaires de cette commission et nécessiterait un véritable débat démocratique. L’école se meurt de l’absence de politisation et de débat démocratique sur des enjeux pourtant fondamentaux pour notre pays et son avenir. Nous sommes nombreux ici à le regretter. Le sort d’un tiers de la jeunesse lycéenne de notre pays – sa part la plus populaire – ne doit pas être traité comme cela.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC146 de M. Jean-Claude Raux, II-AC69 de M. Paul Vannier, II-AC188 de Mme Estelle Folest, II-AC85 de Mme Julie Lechanteux, IIAC147 de M. Jean-Claude Raux et II-AC104 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’amendement II-AC146 tend à apporter une réponse partielle à une question importante pour les élèves des lycées professionnels, celle de la mobilité. Il y a là, plus qu’ailleurs, un frein sur le plan géographique, à la fois pour trouver un stage dans une entreprise et, plus généralement, dans les parcours, car la réalité matérielle oblige souvent les élèves à se tourner vers un lycée près de chez eux, ce qui aggrave l’orientation subie. Mais le pire, c’est que le transport coûte en moyenne 130 euros de plus pour les jeunes en lycée professionnel que pour leurs camarades de la voie générale et technologique. Nous demandons que ces 130 euros soient reversés aux familles et qu’on prenne en considération la question de la mobilité, à l’inverse de ce que fait la réforme, qui oblige les élèves à rester dans leur bassin d’emploi, aux dépens, parfois, de leurs rêves et de leurs aspirations. Peut-on imaginer, par exemple, que tous les élèves du Vaucluse aient envie de travailler dans le nucléaire ?

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). Nous souhaitons, par l’amendement II-AC69, renforcer les enseignements généraux dans la voie professionnelle et y créer 8 000 classes supplémentaires.

Le lycée professionnel, je le redis, scolarise près d’un élève sur trois, et nous sommes convaincus, pour notre part, qu’il est une voie d’avenir, pour préparer aux métiers de demain, qui doivent notamment permettre de faire face au défi du réchauffement climatique.

Le Président de la République a annoncé qu’il voulait faire du lycée professionnel une voie d’excellence selon la méthode suivie en matière d’apprentissage, qu’il a tant vantée. Or en quoi consiste cette méthode ? Il s’agit de fournir gratuitement des travailleurs aux entreprises. L’intégralité du salaire d’un apprenti de moins de 21 ans est ainsi prise en charge par l’État. Des syndicalistes de la grande distribution nous ont dit que les patrons employaient des jeunes en apprentissage, formés à la va-vite, et qu’il était très rare que ces derniers soient gardés. Nous considérons que la place des élèves est à l’école. J’appelle votre attention sur le fait que le taux de réussite aux diplômes est plus important dans l’enseignement professionnel que dans le cadre de l’apprentissage.

Mme Estelle Folest (Dem). Mon amendement vise à aider l’enseignement professionnel, auquel je suis également très attachée, à se préparer à la mise en œuvre des formations pour les métiers de demain. Des campus des métiers et des qualifications, qui existent depuis une dizaine d’années, permettent de regrouper, dans une activité ou un secteur en particulier, les grands acteurs de la formation, de la recherche et de l’éducation ainsi que les entreprises, les partenaires économiques. Il en résulte des synergies intéressantes, qui favorisent notamment l’intégration des jeunes dans l’emploi, par des stages et des parcours professionnels, souvent dans le cadre des bassins d’emploi, et permettent d’aider des salariés plus âgés, par exemple grâce à la VAE, la validation des acquis de l’expérience. Je vous propose de dynamiser ces outils vraiment essentiels pour faire évoluer l’enseignement professionnel en augmentant leur financement.

Mme Julie Lechanteux (RN). Notre économie souffre d’un cruel manque de main-d’œuvre qualifiée : les métiers en tension sont nombreux. Il est donc impératif d’augmenter le budget alloué à l’apprentissage pour répondre aux besoins du marché du travail. Permettez-moi de vous rappeler une statistique alarmante : 17 % de nos jeunes sont actuellement à la recherche d’un emploi. La mesure de bon sens que nous vous proposons aura un double impact positif : elle soulagera les secteurs économiques en tension et contribuera, de manière significative, à réduire le chômage. Nous offrirons ainsi de nouvelles perspectives à notre jeunesse.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Seuls 16 % des élèves allophones sont scolarisés dans une classe spécifique, et une très grande majorité d’entre eux se trouvent en lycée professionnel. C’est la conséquence de l’orientation subie, que j’ai déjà évoquée, et d’une déconsidération institutionnalisée. La voie professionnelle pourrait pourtant être porteuse de projets de vie attractifs, qui sont, par ailleurs, susceptibles d’être plus en cohérence avec l’inévitable et souhaitable transition écologique et sociale que d’autres débouchés valorisés à outrance par notre société.

En outre, la formation n’est pas suffisante : seulement un peu plus de 2 % des enseignants ont suivi le module de formation Élèves allophones. Ne pas être formé peut conduire à des souffrances, tant pour l’élève, qui n’est pas accompagné correctement, que pour l’enseignant, qui peut se trouver démuni. L’école de la République joue le contraire du rôle attendu d’elle : elle accentue les violences et perpétue les inégalités.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Selon le projet annuel de performances de la mission Enseignement scolaire, « Au lycée professionnel, des temps d’immersion en entreprise seront proposés à tous les professeurs (un tiers formé par an) ». Par l’amendement d’appel II-AC104, le groupe Socialistes et apparentés souhaite avoir plus de précisions sur les conditions dans lesquelles ces formations auront lieu et, surtout, sur leurs objectifs.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Je suis défavorable à ces amendements.

Quand un élève décide de ne pas aller dans un lycée professionnel situé à trente ou quarante kilomètres de chez lui, ce n’est pas toujours en raison d’un problème de transport ou de coût du transport : c’est aussi une question culturelle. Des élèves de lycée professionnel n’osent pas quitter la ville dans laquelle ils vivent. Même si on payait leurs frais de transport, cela ne réglerait pas tout. Cependant, nous sommes bien conscients que le transport peut être une question difficile pour un certain nombre de lycéens. Si le coût moyen est plus élevé, de 130 euros, pour les lycéens professionnels, ce n’est pas vrai dans tous les cas : je ne crois donc pas qu’il serait opportun de donner 130 euros à l’ensemble des lycéens professionnels. Par ailleurs, les régions ont créé différents dispositifs. Beaucoup d’entre elles offrent aux lycéens, qu’ils se trouvent dans la voie professionnelle ou dans la voie générale et technologique, la gratuité dans les transports régionaux.

Nous avons entendu la petite musique habituelle au sujet de la réforme du lycée professionnel. On a très longtemps dit que l’augmentation du nombre de périodes de stage signifierait un affaiblissement de l’enseignement général dans les lycées professionnels. Or ce n’est pas le cas. Depuis la rentrée 2023, les heures de mathématiques et de français peuvent être dispensées en groupes à effectif réduit, en particulier dans les classes de seconde professionnelle et en première année de CAP dans les lycées professionnels volontaires, et cette mesure concernera l’ensemble des lycées professionnels à partir de la rentrée 2024. Par ailleurs, les établissements volontaires peuvent désormais proposer des activités optionnelles aux élèves – des cours de création numérique, de codage, de langue ou encore d’entrepreneuriat. On laisse, en la matière, de l’autonomie aux établissements.

Quant à l’ouverture de 8 000 classes supplémentaires en lycée professionnel, pourquoi pas, mais regardons d’abord les effets de la réforme, en particulier en matière d’attractivité. Si celle-ci augmente, il y aura fatalement des ouvertures de classe dans les prochaines années.

Pour ce qui est des campus des métiers et des qualifications, je crois que nous serons tous d’accord pour reconnaître qu’ils permettent de fédérer, au sein d’un territoire, les acteurs éducatifs et économiques autour de filières dynamiques. Ces campus, au nombre de 116, dont cinquante sont reconnus d’excellence, parce qu’ils portent les projets les plus ambitieux, n’ont pas cessé de monter en puissance depuis la première vague de labellisation, en 2014, et ils s’inscrivent dans un véritable maillage territorial. Ils sont présents partout, y compris outre‑mer. Le dispositif me semble suffisamment soutenu par l’État. Comme il n’y a pas, à proprement parler, de menace planant sur ces structures, il n’est pas forcément nécessaire d’augmenter leur financement.

En ce qui concerne les crédits consacrés à l’apprentissage, une augmentation de 4,5 % est prévue dans le PLF. Les effectifs d’apprentis continuent d’augmenter en France, même si c’est désormais à un rythme moins soutenu, de 6,5 %. Je ne vois pas bien en quoi il serait pertinent, à ce stade, d’aller encore plus loin.

S’agissant de la formation initiale et continue des personnels de l’Éducation nationale à la prise en charge des élèves allophones, vous l’avez dit vous-même : des modules de formation existent, en particulier dans le cadre de la formation continue. Néanmoins, seuls 2 % des enseignants des lycées professionnels les suivent. S’il y a un effort à réaliser, il ne porte pas sur l’augmentation des moyens : il s’agirait plutôt d’inciter les enseignants à suivre les formations qui existent déjà, notamment en facilitant les choses sur le plan organisationnel.

Pour ce qui est des temps d’immersion dans les entreprises pour les professeurs des lycées professionnels, j’ai un peu de mal à vous répondre. C’est plutôt une question à poser au ministre.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Je trouve assez étonnant qu’on dise, devant la représentation nationale, que la mobilité dépend des desiderata des collectivités territoriales, selon que des dispositifs existent ou non, et des revenus des familles – certaines peuvent payer et d’autres non. C’est porter une atteinte grave au principe d’égalité entre les élèves et créer une inégalité de destin. Il me semblait qu’on avait réglé cette question, au moins en principe, en 1789.

Ce que demande Mme Folest nous semblerait cohérent et tout à fait admissible si ce que nous avons proposé pour le lycée professionnel, afin d’assurer l’égalité de choix entre élèves, avait été adopté par la majorité, mais cela n’a pas été le cas. Je crains donc que l’amendement de notre collègue soit en quelque sorte caduc.

Quant à l’amendement présenté par Mme Lechanteux, il représente environ 0,0014 % du budget de l’enseignement professionnel, autant dire rien. Cette proposition est donc complètement inefficace.

Mme Estelle Folest (Dem). J’avais déposé le même amendement l’an dernier, car je trouvais que les campus montaient doucement en puissance. Cette année, en tout cas en théorie, ils ont davantage servi d’appui dans le cadre de la construction de France 2030 – pour faire vite. Je vais retirer mon amendement, mais je le redéposerai l’an prochain, quand nous serons prêts à aller plus loin. J’espère que nous pourrons en discuter sur le fond.

L’amendement II-AC188 est retiré.

La commission rejette les amendements II-AC146, II-AC69, II-AC85, IIAC147 et II-AC104.

Amendements II-AC39 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC6 et II-AC5 de M. Paul Vannier, II-AC123 de Mme Francesca Pasquini, II-AC187 de Mme Béatrice Descamps, II-AC4 et II-AC3 de M. Paul Vannier

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Nous demandons une revalorisation supplémentaire immédiate de 5 % pour tous les enseignants, quel que soit leur échelon et sans aucune condition. La promesse du Président de la République de revaloriser tous les enseignants s’est vite transformée en une espèce de distribution de chèques de 100 euros et, surtout, en prétexte pour leur demander de travailler davantage. La revalorisation que nous demandons pour tous s’ajouterait à celle prévue par le Gouvernement. Nous souhaitons, par ailleurs, une augmentation des rémunérations de 10 % dans le cadre d’une loi pluriannuelle.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). L’amendement II-AC6 tend à assurer un rattrapage de l’écart de rémunération entre les enseignants français et la moyenne dans l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques) – il est de 19 % dans le premier degré.

Ce n’est pas un amendement catégoriel, mais d’intérêt général. En effet, l’appauvrissement considérable qu’ont connu les enseignants ces dernières années – ils commençaient leur carrière à 2,2 fois le Smic dans les années 1980, contre 1,26 fois aujourd’hui, et ils ont perdu depuis 2010 l’équivalent d’un mois de salaire en pouvoir d’achat – est une des principales explications de la très grave crise de recrutement dans l’Éducation nationale, qui a des conséquences éducatives pour des dizaines de milliers d’enfants. Il manque des professeurs, par milliers, en cette rentrée et la précarité se développe dans l’Éducation nationale, par un recours croissant aux contractuels.

Répondre à la question de la rémunération des enseignants, c’est rebâtir notre école publique. Les professeurs sont sous-payés, et il faut corriger d’urgence la situation.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). L’amendement II-AC5 est de repli. Le ministre a dit tout à l’heure qu’il n’y avait jamais eu une hausse aussi importante depuis 1990 – c’est vrai mais cela veut dire, justement, qu’il y en avait eu auparavant. Nous proposons de nous aligner sur les autres pays de l’OCDE, dont la France est un membre éminent.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Notre amendement vise à créer un fonds de soutien servant à assurer une revalorisation de 10 %, immédiate et sans condition, des salaires de tous les enseignants. Ils ont subi en quarante ans une perte de pouvoir d’achat bien supérieure à celle des autres catégories de la fonction publique et sans équivalent dans l’OCDE. Aucune mesure inscrite dans le projet de loi de finances ou annoncée par le Gouvernement ne permettra de compenser véritablement cette perte de pouvoir d’achat pour l’ensemble des enseignants. Nous proposons d’allouer 1 milliard d’euros à la revalorisation que nous demandons, ce qui correspond bien à une hausse d’environ 10 % des rémunérations.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). L’amendement II-AC187 tend à créer un nouveau programme dont l’objectif est de soutenir un plan de revalorisation pour les enseignants dans une perspective pluriannuelle. La diminution importante de leur pouvoir d’achat en vingt ans est bien connue.

Les revalorisations successives de ces derniers mois ont permis un premier rattrapage. Une des mesures encourageantes qui ont été adoptées concerne les néotitulaires : ils commencent désormais leur carrière à 2 100 euros. Néanmoins, beaucoup de retard a été pris et l’inflation ne faiblit pas. Surtout, les enseignants en milieu de carrière se sentent lésés, comme M. le ministre l’a dit lors de son audition.

Afin de combler les retards, nous proposons de programmer sur plusieurs années une revalorisation qui devra cibler en particulier les professeurs en milieu de carrière.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Nous proposons, par l’amendement II-AC4, une revalorisation de 30 % des salaires des enseignants. Ce chiffre peut paraître considérable, mais il correspond à la perte de pouvoir d’achat liée à la non-compensation de l’inflation depuis 2010. La hausse que nous proposons est à la mesure de l’effondrement qui s’est produit : il ne s’agit que de revenir, en euros constants, au niveau de rémunération du début des années 2010, qui est une période extrêmement récente. Il s’agit d’un amendement d’appel, car la dépense proposée est considérable – nous l’avons d’ailleurs chiffrée. Nous voulons ouvrir le débat en donnant la mesure de ce qu’ont perdu les enseignants, de leur déclassement salarial et symbolique, sans doute inégalé dans d’autres professions.

L’amendement II-AC3, lui aussi d’appel, demande une augmentation pour tous les personnels. Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur pour avis, les postes vacants et vous avez souligné que, dans certains métiers de l’Éducation nationale, la question qui se posait était celle de l’attractivité. Un des critères en la matière est, bien sûr, la rémunération. Celle-ci s’est effondrée si on raisonne en pouvoir d’achat. Les promesses faites par le Président de la République cet été n’ont pas été tenues : les augmentations de façade qui ont lieu sont annulées par l’inflation. Le pouvoir d’achat des personnels de l’Éducation nationale a ainsi stagné cette année, et il reste faible quand on le compare à la moyenne de l’OCDE ou à la situation des professeurs allemands, qui gagnent deux fois plus – même s’ils font parfois un peu plus d’heures que les enseignants français, les situations sont comparables. Il est urgent de répondre à la question salariale. Je vous prends au mot, monsieur le rapporteur pour avis : l’attractivité passe aussi par la rémunération, pour tous les personnels de l’Éducation nationale.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous sommes évidemment conscients de l’enjeu de la revalorisation salariale, du point de vue de l’attractivité des professions concernées et de la reconnaissance du travail qui est fait. M. le ministre est revenu sur les nombreuses mesures qui ont été prises : une grande avancée a eu lieu pendant le quinquennat précédent, et des efforts importants ont également été réalisés depuis l’an dernier. Le PLF pour 2024 prolonge les revalorisations inconditionnelles qui ont été décidées, pour plus de 1,3 milliard d’euros.

Cela passe par un relèvement des principales indemnités de fonction perçues par les personnels enseignants, les conseillers principaux d’éducation  (CPE) et les psychologues de l’éducation nationale (psy-EN) ), une revalorisation de la prime d’attractivité – pour un montant compris entre 600 et 1 780 euros brut annuels, en fonction de l’ancienneté, cette prime étant par ailleurs étendue aux professeurs stagiaires, ce qui relèvera la rémunération de ces derniers d’au moins 181 euros net par mois entre septembre 2022 et septembre 2023 –, et des mesures visant à fluidifier les carrières, en accélérant l’accès aux grades supérieurs. Par ailleurs, toutes les mesures du Rendez-vous salarial concernent ces personnels : hausse du point d’indice, octroi de cinq points d’indice majoré au 1er janvier 2024, etc. Ces mesures permettent aux enseignants en début de carrière de gagner, en 2023, 1,6 fois le salaire minimum dans le premier degré et 1,8 fois dans le second degré, c’est-à-dire de retrouver pour la première fois un niveau proche de celui des années 2000.

S’agissant des accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH), ont été prévus un relèvement de la grille indiciaire, qui débute désormais à l’indice majoré 366, soit cinq points au-dessus de l’indice minimum de traitement dans la fonction publique, la création d’une indemnité de fonction, d’un montant de 1 529 euros brut annuels, et le relèvement de 10 % de l’indemnité de fonction des AESH référents, qui apportent un appui méthodologique et un soutien spécifique aux AESH nouvellement nommés. À cela s’ajoutent des mesures annoncées lors du Rendez-vous salarial. Au total, la rémunération des AESH progressera en moyenne de 13 % entre juin 2023 et janvier 2024.

En ce qui concerne les personnels de la médecine scolaire, les médecins de l’Éducation nationale et les médecins conseillers techniques ont bénéficié d’une revalorisation indemnitaire de 8 650 euros brut annuels entre 2019 et 2023. Il y a eu un réexamen triennal de leur régime indemnitaire en 2019, une revalorisation indemnitaire à compter du 1er janvier 2021, une revalorisation forfaitaire de 3 000 euros brut annuels en 2022 et un relèvement, à compter du 1er janvier 2023, des plafonds réglementaires de leur indemnité de fonction et sujétion, qui a permis une revalorisation moyenne de 3 000 euros brut annuels par agent et de 2,4 millions d’euros au total.

Entre 2021 et 2023, les infirmiers de l’Éducation nationale ont bénéficié d’une hausse de leur rémunération, indiciaire et indemnitaire, de 2 699 euros brut annuels, à la suite d’une revalorisation indemnitaire à compter du 1er janvier 2021, d’une revalorisation indiciaire liée à la transposition des mesures du « Ségur de la santé », à compter du 1erjanvier 2022, d’une revalorisation indemnitaire visant un gain annuel brut par équivalent temps plein (ETP) de 700 euros et, à compter du 1er janvier 2023, d’une revalorisation indemnitaire permettant un gain moyen de 580 euros brut annuels par agent.

À partir de janvier 2023, les personnels de santé qui exercent dans des écoles ou établissements relevant d’un réseau d’éducation prioritaire renforcé (REP +) bénéficient d’indemnités dans les mêmes conditions que les personnels affectés dans ces écoles ou établissements.

Enfin, à compter de juillet 2023, les personnels de la médecine scolaire bénéficient, comme les autres agents publics, des mesures annoncées dans le cadre du Rendez-vous salarial, en particulier la hausse de la valeur du point d’indice de 1,5 %, l’augmentation de la prise en charge de l’abonnement transport pour les trajets domicile-travail, la prime de pouvoir d’achat exceptionnelle et l’octroi de cinq points d’indice majoré – à compter du 1er janvier 2024.

Compte tenu de toutes ces mesures, j’émets un avis défavorable aux amendements.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Je reviens sur la question de la revalorisation, qui me tient à cœur. En vingt ans, les salaires ont perdu 20 % de leur valeur et, avec l’inflation de ces derniers temps, la baisse est maintenant de 30 %. Comment se loge-t-on quand on débute avec 2 000 euros net ? C’est impossible à Paris lorsqu’on a une famille – le moindre T4 est à 2 000 euros par mois – et c’est aussi très difficile dans d’autres villes. Par ailleurs, ce sont des gens qui ont un niveau master : ils commencent donc leur vie professionnelle à 2 000 euros par mois après avoir fait des années d’études. Cela explique la perte d’attractivité. Il est évident que les jeunes ne vont plus vouloir devenir enseignants, ce n’est pas possible avec de tels salaires.

Ne profitez pas des problèmes de rémunération pour introduire des mesures de management toxique. Au lieu d’augmenter le point d’indice et le traitement de tous les fonctionnaires, vous préférez donner des primes liées à des fonctions et mettant en concurrence les agents – pour avoir la meilleure note lors des évaluations –, ce qui est catastrophique pour les collectifs de travail.

M. Roger Chudeau (RN). Nous ne voterons pas les amendements de la NUPES, pour plusieurs raisons.

D’abord, vous avez une sorte d’obsession : le programme 139 est systématiquement ponctionné, et je n’arrive pas à croire à votre sincérité quand vous invitez le Gouvernement à lever le gage.

Sur un plan plus politique, vous faites observer que le rapport entre le salaire d’un enseignant et le Smic ne cesse de se dégrader depuis quarante ans, mais qui a été au pouvoir durant cette période ? C’était bien la gauche. C’est vous qui avez laissé la situation se dégrader – en tout cas, vous portez une part de responsabilité, c’est historiquement indéniable.

Enfin, les amendements à 1 euro qui demandent une augmentation de 30 % des rémunérations ne me semblent pas sérieux : ce n’est pas digne d’un débat parlementaire. Des adolescents diraient que ce sont des amendements à 2 balles.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC7 de M. Paul Vannier, II-AC91 de M. Stéphane Peu, II-AC90 de Mme Soumya Bourouaha et II-AC88, II-AC40 et II-AC118 de Mme Fatiha Keloua Hachi

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Le pacte enseignant, que vient d’évoquer M. Davi, est massivement rejeté par la profession et l’ensemble des organisations syndicales. Selon les remontées du terrain que nous avons, moins d’un quart des « briques » ont trouvé preneur.

L’amendement de repli II-AC7 tend à utiliser pour l’ensemble de la profession l’enveloppe prévue pour ce dispositif, ce qui évitera d’opposer les agents entre eux et permettra d’espérer au moins une petite augmentation pour tous les enseignants.

Injustice moins connue, une note de l’INSEE datant du 29 juin a confirmé que le salaire net des enseignants est inférieur de près de 1 000 euros par mois au salaire des autres cadres A de la fonction publique. C’est un autre argument pour augmenter, sans condition, tous les enseignants.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). L’amendement II-AC91 vise à redéployer les crédits alloués à la mise en place du pacte dans le second degré vers un nouveau programme consacré à la revalorisation inconditionnelle du traitement de ces professeurs. Nous sommes opposés à la logique du pacte, qui est bien loin de signifier un rattrapage de la baisse du traitement des professeurs. Ceux-ci sont les fonctionnaires de catégorie A les moins payés – ils perçoivent en moyenne 1 000 euros de moins, cela mérite d’être répété. Nous souhaitons transformer le pacte en augmentation inconditionnelle des traitements : cela aurait plus d’effet.

L’amendement II-AC90 vise à réaffecter les 250 millions du pacte dans le premier degré à une augmentation inconditionnelle. Nous sommes une fois encore opposés à la logique du pacte. Les revalorisations salariales intervenues cette année ne suffiront pas à rattraper le retard accusé depuis quarante ans ni à compenser l’inflation.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement II-AC88 vise à connaître le nombre d’ETP (équivalents temps plein) concernés par le pacte dans le premier degré, dont le budget s’élève à 197 millions d’euros en année pleine.

L’amendement II-AC40 dénonce le mécanisme du continuum école-collège conçu par le Gouvernement. Il repose sur des enseignants du premier degré volontaires pour effectuer des heures supplémentaires afin d’assurer du soutien en français et en mathématiques au collège. Nous souhaitons comprendre comment cette mesure a pu être mise en place à la rentrée 2023 alors que vous n’avez réussi à mobiliser qu’environ 25 % d’enseignants du premier degré.

Enfin, l’amendement II-AC118 vise à connaître le nombre d’ETP concernés par le pacte dans le second degré, dont le budget s’élève à 75 millions d’euros en année pleine. Comme pour le premier degré, nous ne savons pas combien d’enseignants ont signé le pacte. Comment avez-vous calculé ce budget ?

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Le pacte repose sur un mécanisme de volontariat. Selon le ministère, environ un quart des enseignants y ont adhéré au 23 septembre. Il serait souhaitable de laisser vivre ce nouveau dispositif avant d’en dresser le bilan en fin d’année. Concernant les amendements tendant à connaître avec précision les répartitions entre premier et second degrés, je vous invite à poser vos questions au Gouvernement. Avis défavorable à l’ensemble de ces amendements.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Le pacte repose sur une méconnaissance du métier des enseignants, qui travaillent déjà 43 heures par semaine. Toutes les études sur ce sujet le démontrent : les enseignants sont surchargés de travail.

Par ailleurs, le pacte aggravera les inégalités salariales entre les femmes et les hommes, ces derniers ayant davantage recours aux heures supplémentaires que les femmes. C’est une conséquence de la répartition sexiste des rôles dans notre société : les femmes sont, bien plus que les hommes, astreintes aux tâches domestiques. Le pacte va donc fondamentalement dans le mauvais sens et poussera certains enseignants, parce que leur salaire est trop faible, à accepter de voir leur quotidien dégradé.

M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons les amendements AC90 et AC91 car nous sommes résolument hostiles au pacte, qui est inefficace. Il ne permet pas en effet d’assurer des remplacements immédiats, de faire du soutien ou encore de mettre en œuvre le dispositif Devoirs faits. Tout cela ne respecte pas l’obligation de moyens du service public. Il vaut mieux réaffecter ces sommes à une augmentation indiciaire non conditionnelle.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Votre réponse, monsieur le rapporteur, est évasive. Comment avez-vous calculé le chiffre de 75 millions d’euros ? Combien d’enseignants cela concerne-t-il ?

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Ce sont les prévisions du ministère.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC50 de M. Léo Walter et II-AC84 de Mme Julie Lechanteux

M. Léo Walter (LFI-NUPES). L’absentéisme des enseignants est un mythe ; le véritable problème est celui du remplacement. Mon amendement a pour objet d’obliger le ministère à réserver 10 % des postes au remplacement des personnels enseignants et de vie scolaire absents.

Mme Julie Lechanteux (RN). Nous proposons d’augmenter le budget alloué au remplacement des enseignants au collège et au lycée. En effet, 15 millions d’heures d’enseignement sont perdues chaque année. En négligeant cette question cruciale, nous compromettons l’avenir de notre jeunesse.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Concernant l’amendement AC50, nous ne sommes pas favorables à la fixation d’un ratio de 10 % de postes réservés au remplacement car plusieurs mesures ont été prises pour remédier à ce problème – hausse de 4,5 % des crédits alloués au remplacement dans le premier et le second degré ; pacte enseignant pour assurer des remplacements de courte durée (RCD) ; plan annuel pour le RCD.

De même, nous ne sommes pas favorables à l’amendement AC84 qui vise à augmenter de 500 000 euros les crédits consacrés au remplacement dans le second degré. En effet, 5,5 % des emplois sont affectés au remplacement, soit une proportion en hausse. De plus, des remplacements peuvent être effectués dans le cadre du pacte ou par des enseignants rémunérés en heures supplémentaires effectives (HSE).

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). L’amendement du Rassemblement national est l’occasion, une fois de plus, de faire la démonstration de sa tartufferie. Il propose d’abonder à hauteur de 500 000 euros les moyens alloués au remplacement des professeurs, soit environ dix ETP, alors qu’il manquait plusieurs milliers de professeurs le jour de la rentrée. Je tenais à féliciter l’extrême droite pour cette contribution !

Mme Julie Lechanteux (RN). Vous refusez de prendre cet amendement pour ce qu’il est, à savoir un amendement d’appel. Vous parlez de tartufferie ; pourtant, lorsque 15 millions d’heures d’enseignement ne sont pas remplacées, il y a matière à s’inquiéter. Mais il est vrai que votre parti politique, qui a dirigé ce pays pendant un certain nombre d’années – ou a été associé à certain gouvernements –, n’a absolument rien fait pour régler ce problème.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendements II-AC33 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC2 de M. Paul Vannier, II-AC23 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC59 de M. Léo Walter, IIAC126 de Mme Francesca Pasquini, II-AC192 de Mme Béatrice Descamps, IIAC22 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC194 de Mme Béatrice Descamps, IIAC35 et II-AC36 de Mme Fatiha Keloua Hachi, et II-AC1 de M. Paul Vannier

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement II-AC33 vise à recruter 21 235 enseignants, l’objectif étant de limiter la taille des classes dans le premier degré à dix‑neuf élèves, contre vingt-huit actuellement en région parisienne, hors classes dédoublées.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). L’amendement II-AC2 vise à créer 11 691 postes d’enseignants à la rentrée prochaine afin de compenser les quelque 12 000 suppressions de postes – soit l’équivalent de 180 collèges – intervenues depuis 2017. Ces recrutements permettront de diminuer le nombre moyen d’élèves par classe, et donc d’améliorer les conditions de travail des enseignants et d’apprentissage des élèves.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement II-AC23 a pour objet le recrutement de 10 428 enseignants au collège, afin qu’aucune classe ne dépasse vingt-quatre élèves. Le Gouvernement supprime encore 2 500 postes cette année ; or la baisse démographique scolaire devrait être considérée comme une opportunité pour  réduire la taille des classes.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). L’amendement II-AC59 s’inspire des pays qui réussissent en Europe s’agissant des moyens mis à la disposition des enseignants et des élèves. La baisse des effectifs ne doit pas entraîner une baisse du nombre d’adultes dans la classe : elle doit au contraire permettre d’individualiser le rapport à l’enfant afin que les enseignants reprennent leur place en tant qu’autorité qui élève et non autoritarisme qui soumet.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). L’amendement II-AC126 vise à recréer les quelque 4 800 postes d’enseignants non renouvelés, et donc supprimés ou en voie de l’être, dans les PLF pour 2023 et 2024. Ainsi les promesses faites pourront-elles peut-être être tenues.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). L’amendement II-AC192 vise à revenir sur la baisse de 1 709 ETP dans le premier degré public pour la rentrée 2024. La baisse des effectifs doit entraîner une baisse non pas du nombre d’enseignants mais du nombre d’élèves par classe.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement II-AC22 vise à annuler la baisse de 1 709 postes d’enseignants dans le premier degré. C’est en assurant une présence humaine plus importante que nous parviendrons à lutter contre la déscolarisation et le harcèlement et que nous favoriserons l’inclusion et la réussite scolaire.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). L’amendement II-AC194 vise à revenir sur la baisse de 481 ETP dans le second degré.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Dans de nombreux collèges, les classes sont surchargées. L’amendement II-AC35 a donc pour objet d’annuler la baisse de 484 postes d’enseignants dans le second degré.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). L’amendement II-AC1 a pour objet d’ouvrir un concours supplémentaire pour embaucher d’urgence les 1 315 enseignants dans le premier degré que le concours de 2023 n’avait pas permis de recruter.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. S’agissant des amendements tendant à revenir sur les suppressions de postes, nous sommes tous d’accord sur le fait que les enseignants ne sont pas suffisamment rémunérés et que l’apprentissage est plus efficace lorsqu’il y a moins d’élèves par classe. Cela étant, on ne peut pas compenser en un ou deux budgets trente années d’abandon de l’Éducation nationale. Le budget pour 2024 est en hausse de 5,31 % après avoir augmenté de 6 % l’année dernière, soit beaucoup plus que lors des deux précédents quinquennats. Les problèmes que vous avez soulevés se régleront dans une dynamique pluriannuelle. Depuis l’an dernier, le salaire des enseignants augmente et depuis quelques années, le taux d’encadrement s’améliore.

Quant à la création d’un concours exceptionnel, les sessions organisées en 2023 ont abouti à un taux de couverture de 84 %, contre 78 % en 2022. L’amélioration est donc assez nette. Dans les académies franciliennes, qui souffrent d’un déficit d’attractivité plus important, des sessions supplémentaires ont permis de recruter 357 lauréats. Par ailleurs, 1 581 candidats étaient inscrits sur liste complémentaire et ont été pour la plupart recrutés. Enfin, 370 postes ont été ouverts lors de concours internes exceptionnels dans les académies les plus fragiles, 282 lauréats ayant été admis. Le taux d’encadrement dans le premier degré s’améliore, passant de 23,2 élèves par classe en 2017 à 21,4 cette année. Dans ces conditions, l’organisation d’un concours exceptionnel début 2024 ne se justifie pas.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Vous êtes au pouvoir depuis 2017. On ne peut pas déplorer les effets d’un sous-investissement qui remonte à plusieurs décennies et repousser encore la nécessité d’investir massivement dans notre système éducatif.

Vous faites état d’augmentations que vous qualifiez d’historiques. Or celles-ci sont effacées par l’inflation, dont le niveau est lui aussi historique.

Enfin, s’agissant de la dynamique pluriannuelle que vous avez évoquée, nous connaissons les prévisions pour les prochaines années : plus 1,25 % en 2025 et plus 0,6 % en 2026. Rapportés à la dynamique de l’inflation, les moyens consacrés par la nation à son éducation diminueront l’année prochaine et l’année suivante. Le Gouvernement est aux manettes : il doit s’en saisir pour assumer des choix politiques de bifurcation pour sauver notre école.

Successivement, la commission rejette les amendements II-AC33, II-AC2, II-AC23, II-AC59 et II-AC126, adopte l’amendement II-AC192, rejette l’amendement II-AC22, adopte l’amendement II-AC194, et rejette les amendements II-AC35, II-AC36 et II-AC1.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis Christophe Marion, la commission rejette l’amendement II-AC121 de Mme Fatiha Keloua Hachi.

Amendements II-AC53 et II-AC54 de M. Léo Walter, II-AC68 et II-AC56 de M. Paul Vannier, et II-AC127 de Mme Francesca Pasquini

M. Léo Walter (LFI-NUPES). L’un des méfaits du tristement célèbre Jean‑Michel‑Blanquer, en arrivant au ministère en 2017, a été de supprimer les EVS (employés de vie scolaire). Ils faisaient office de secrétaires de direction, accompagnant les directeurs et les directrices d’école dans leurs tâches quotidiennes et leur permettant ainsi de se consacrer davantage à leurs tâches pédagogiques et d’encadrement. L’amendement AC53 a donc pour objet de créer un corps de fonctionnaires de secrétaires de direction dans les écoles maternelles et élémentaires. L’amendement AC54 est un amendement de repli visant à recruter des contractuels en CDI (contrat à durée indéterminée).

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Le temps consacré par les directeurs et directrices d’école à leurs fonctions de direction est considérable. En 2019, 44 % d’entre eux consacraient plus de vingt et une heures par semaine à ces tâches, et 87 % indiquaient être souvent interrompus en classe pour répondre à des sollicitations liées à leur fonction de direction. Certes, en 2022, des efforts ont été faits mais ils ne sont pas suffisants. Nous proposons donc de créer 2 140 ETP de remplaçants afin d’augmenter considérablement les décharges des directeurs et directrices d’école.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). L’amendement II-AC56 a pour objet d’augmenter le temps de décharge des directeurs d’école par l’embauche de 1 250 ETP. Monsieur le rapporteur, lorsque j’étais directeur d’une petite école – de moins de quatre classes –, je bénéficiais, en théorie, de douze jours de décharge par an. Toutefois, ces décharges sont assurées par des remplaçants, qui, compte tenu de leur faible nombre, sont très rapidement appelés à assumer d’autres missions, à savoir des remplacements à l’année. Les remplacements de courte durée sont alors effectués par ceux qui assurent normalement les décharges de direction. Pendant les trois années au cours desquelles j’ai été directeur, je n’ai eu que trois jours de décharge effectifs annuels. Toutes les écoles de moins de quatre classes de mon département sont confrontées à la même difficulté.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). L’amendement II-AC127 a pour objet de financer de nouvelles décharges au profit des directeurs et directrices d’écoles. Selon les syndicats représentatifs, il faudrait entre 1 250 et 1 300 ETP par an d’ici à 2026 pour financer les décharges nécessaires à une réelle application du statut de directeur d’école. Il manque donc près de 250 ETP dans le budget actuel. Les écologistes proposent d’allouer à cette fin 8 millions d’euros, ce qui permettrait aux directeurs et directrices de se concentrer sur leurs tâches essentielles et renforcerait l’attractivité du métier de directeur d’école.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis.  Vous avez raison de souligner les difficultés que rencontrent les directeurs d’école dont la charge de travail est croissante. Évidemment, ce n’est pas par un amendement de crédits en loi de finances que nous pourrons créer un corps de fonctionnaires, avec tout ce que cela implique.

Cela étant, le régime de décharge a été renforcé et reconnu législativement. Ainsi, à la rentrée 2021 a été mis en œuvre le renforcement des décharges des directrices et directeurs des écoles de 1 à 3 classes, ainsi que des écoles élémentaires de 9 à 13 classes, représentant 695 ETP supplémentaires. Cette amélioration concernait 38 % des directeurs d’école. À la rentrée 2022, il a été procédé à l’augmentation de la décharge d’un quart à un tiers pour les directrices et directeurs des écoles de 6 et 7 classes, à la décharge complète pour les directeurs des écoles de 12 et 13 classes. Ce renforcement équivaut à 1 489 ETP supplémentaires et concerne 20 % des directeurs d’école. Les moyens consacrés au régime de décharges des directeurs d’école ont été renforcés entre 2020 et 2022, en dépit des baisses démographiques dans le 1er degré. L’amélioration apportée depuis 2016 représente donc une progression des décharges de 15 %.

Je voudrais souligner le travail effectué en la matière par Cécile Rilhac.

Mme Cécile Rilhac (RE). Dans la loi créant la fonction de directeur d’école, nous avons souhaité renforcer les possibilités de décharge. Toutefois, les directeurs ne peuvent pas toujours bénéficier de l’ensemble des jours de décharge du fait de la mobilisation des remplaçants. Je déposerai un amendement en commission des finances sur la direction d’école pour revenir sur une disposition de la loi, non encore appliquée, qui vise à prendre en compte deux spécificités des écoles : leur caractère inclusif, qui permet la scolarisation d’un nombre beaucoup plus élevé d’élèves en situation de handicap, et leur nature d’école primaire.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Je m’étonne que la majorité ne se montre pas favorable à nos amendements, car ils offrent les conditions d’une pleine réussite de la loi Rilhac. Les moyens manquent pour permettre son application complète : on voit que des enfants ne sont pas pris en charge et que des enseignants sont en souffrance.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC51 de M. Paul Vannier

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Cet amendement s’appuie sur plusieurs observations de la mission flash conduite par Rodrigo Arenas et Cécile Rilhac, qui mettaient en lumière, dans leur communication de novembre 2022, une réduction du vivier des candidats aux concours de recrutement de professeurs des écoles. Nos collègues expliquaient qu’un premier levier d’action résidait dans l’élargissement et la diversification du vivier de recrutement. À cette fin, nous proposons la création d’une voie de prérecrutement au professorat qui serait ouverte aux titulaires d’un baccalauréat ou d’une licence s’engageant à effectuer une formation de cinq ou de trois ans. Durant cette période, ils auraient le statut de fonctionnaire stagiaire, seraient rémunérés en conséquence et leur formation serait organisée au sein d’écoles professionnelles de l’enseignement créées en lien avec le monde universitaire.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. C’est un sujet dont il va falloir s’emparer. Le ministre a évoqué la création d’« écoles normales du XXIe siècle ». Il faut ouvrir le débat sur la préprofessionnalisation et le recrutement de futurs enseignants dès le bac, voire après la licence. Je ne suis toutefois pas certain que cela puisse faire l’objet d’un amendement dans le PLF, d’autant plus qu’on ne sait pas comment a été calculée la somme de 280 millions. Avis défavorable.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Il est étonnant que l’on ne doive pas discuter du budget au moment où on l’étudie ! On est apparemment d’accord sur le recrutement à partir du bac, mais on semble ignorer le fait que le processus peut commencer dès la troisième, puisque les collèges et les lycées constituent un formidable vivier. Nous sommes favorables à une école qui ne sépare pas les savoirs pratiques et théoriques, de même que les enseignants ne séparent pas la tête et la main.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC166 et II-AC195 de M. Alexandre Portier

M. Alexandre Portier (LR). Pour remédier à la crise d’attractivité qui frappe les métiers de l’enseignement, un effort accru doit être porté sur l’intégration des nouveaux enseignants, car les démissions sont de plus en plus nombreuses en début de carrière. Ces amendements visent à compléter la prime mobilité allouée aux enseignants stagiaires de l’enseignement scolaire public du premier et du second degré en vue de couvrir la totalité de leurs frais de déplacement. Ce serait une mesure financière mais aussi symbolique.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. De nombreux dispositifs de prise en charge des frais de déplacement des enseignants stagiaires, voire des étudiants en master de l’enseignement, de l’éducation et de la formation (Meef) existent déjà. En vertu du décret du 8 septembre 2014, les enseignants stagiaires qui effectuent un stage probatoire peuvent prétendre au bénéfice d’une indemnité forfaitaire de formation, qui a été revalorisée de 100 euros à compter du 1er janvier 2022 pour atteindre 1 100 euros bruts annuels. En 2022, la dépense totale au titre de cette indemnité excédait 10 millions d’euros.

Par ailleurs, en vertu du décret du 9 août 2022, une indemnité de sujétion de formation de 700 euros bruts annuels peut être versée, depuis la rentrée scolaire 2022, aux étudiants de Meef bénéficiant d’un contrat de travail pour suivre une formation en alternance, afin de compenser les frais de déplacement entre leur lieu de formation et l’école ou l’établissement dans lequel ils exercent.

Il n’en reste pas moins que, comme vous l’avez dit, un effort accru doit être fait pour l’intégration des enseignants en début de carrière, compte tenu du nombre croissant de démissions. Aussi émettrons-nous un avis de sagesse sur les deux amendements.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). La prise en charge des frais kilométriques est en effet un élément central, en particulier dans les zones rurals. Dans certains départements, l’Inspe (institut national supérieur du professorat et de l’éducation) peut être distant de quarante-cinq, cinquante voire soixante-dix kilomètres du lieu d’enseignement. En outre, en début de carrière, on est souvent nommé très loin de son domicile. Nous soutenons ces amendements.

La commission adopte successivement les amendements.

Amendements II-AC196 et II-AC38 de Mme Fatiha Keloua Hachi, amendements II-AC139 de Mme Francesca Pasquini et II-AC98 de M. Stéphane Peu

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement II-AC196 vise à augmenter de 15 millions d’euros les moyens alloués à la formation continue des enseignants du premier degré. En effet, 76 % des enseignants déclarent effectuer des tâches pour lesquelles ils auraient besoin de plus de formation. Ce facteur conditionne la réussite des élèves. La réforme de 2020, qui a conduit à mettre des enseignants stagiaires, sans accompagnement, dans les classes, s’apparente à une technique de prétitularisation qui permet au Gouvernement de justifier la suppression de postes. Elle a été accompagnée d’une diminution de 30 millions d’euros des crédits pour la formation. Il importe de rétablir ces crédits pour faire bénéficier les enseignants du premier degré d’une politique de formation continue ambitieuse.

L’amendement II-AC38 a pour objet d’allouer 15 millions d’euros à la formation continue des enseignants du second degré.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). L’amendement II-AC139 a pour objet d’augmenter les crédits alloués aux plans académiques de formation afin de former massivement les enseignants à la classe dehors. Depuis quelques années, en particulier depuis la crise sanitaire, les enseignants sont de plus en plus nombreux à organiser des temps de classes à l’extérieur et des sorties scolaires. Les effets positifs de la classe dehors – sur l’apprentissage, l’inclusion, la lutte contre le décrochage scolaire, la cohésion et le bien-être des élèves – ont été étayés par plusieurs études, auxquelles s’ajoutent les retours des enseignants.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). L’amendement II-AC98 vise à augmenter les moyens pour la formation des professeurs du premier degré en éducation physique et sportive (EPS). Le temps consacré à la formation initiale et continue a très largement diminué au cours des dernières années, ce qui a des conséquences sur l’enseignement de l’EPS dans le primaire, qui n’est pas toujours assuré dans de bonnes conditions. La mise en place des trente minutes d’activité physique et sportive quotidiennes ne peut constituer la seule réponse. Il convient de prévoir un enseignement de quatre heures par semaine pour l’EPS, qui est une matière à part entière, en l’accompagnant d’un développement des associations sportives réunies au sein de l’Usep (Union sportive de l’enseignement du premier degré).

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Les crédits dédiés à la formation initiale et continue des enseignants des premier et second degrés ont augmenté de 4 % en 2024, ce qui permettra de financer la poursuite du déploiement des écoles académiques de formation continue. Surtout, on note la sous-consommation chronique des crédits de formation, qui n’est pas seulement liée à la crise sanitaire. Ainsi, 48,9 % de ces crédits ont été consommés en 2017, 56 % en 2018 et seulement 39,5 % en 2021 – on se trouve systématiquement en deçà des 80 %. Malgré cela, le ministère maintient, voire augmente, l’enveloppe dédiée de formation dans le PLF, ce qu’il faut saluer. Il faut veiller à ce que les crédits soient entièrement consommés. Avis défavorable sur les trois premiers amendements.

S’agissant de l’amendement de M. Peu, chacun constate les bienfaits de la pratique sportive. Avis de sagesse.

La commission rejette successivement les amendements II-AC196, II-AC38 et II-AC139.

Elle adopte l’amendement II-AC98.

Amendement II-AC97 de M. Stéphane Peu

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). Cet amendement a pour objet de financer le recrutement de 1 500 professeurs d’EPS supplémentaires afin de couvrir les besoins dans les établissements du second degré. Le sport à l’école doit devenir le pilier de notre stratégie sportive. La construction d’un service public du sport destiné à favoriser la culture sportive pour toutes et tous ne peut passer que par une pratique régulière dès le plus jeune âge. Si plusieurs dispositifs ont été institués au cours des dernières années – trente minutes de sport quotidien en primaire, expérimentation de deux heures supplémentaires par semaine au collège –, nous devons aller plus loin en mettant au cœur de cette stratégie les professeurs d’EPS. Cela doit s’accompagner d’une politique ambitieuse de construction d’infrastructures de proximité.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Nous sommes très sensibles à la question du sport, mais nous n’avons aucune remontée quant à d’éventuelles tensions de recrutement dans cette discipline. Les volumes de recrutement des professeurs d’EPS restent suffisamment élevés et la couverture du besoin exprimé par les académies est globalement satisfaisante, voire excédentaire, ce qui permet un recours limité aux contractuels.

Cela étant, depuis quelques années, une attention particulière est portée à la discipline, compte tenu de l’accroissement prévu des départs à la retraite. Le volume global des postes offerts a, en conséquence, augmenté de 4 % pour 2019 et de 2,3 % pour 2020. Un nouvel effort a été réalisé en 2022 avec 690 postes offerts et la diversification des voies d’accès, notamment l’ouverture d’un troisième concours. Avis défavorable.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Le critère tenant à l’existence ou non de tensions de recrutement vaudrait si l’on avait une véritable vision de l’enseignement du sport. Les enseignants de sport travaillent aussi au sein des associations sportives. Dans beaucoup de territoires, pour ne pas dire l’ensemble d’entre eux, l’offre sportive ouverte aux collégiens par ces structures n’est plus qu’un souvenir. Le ministère clame depuis six ans l’importance du sport et insiste sur la nécessité d’avoir des professionnels pour l’enseigner, mais, lorsqu’on demande leur présence effective, on nous répond que ce n’est pas possible.

Mme Cécile Rilhac (RE). Il me semble qu’une petite confusion a été faite. Les trente minutes de sport quotidien concernent le primaire, niveau dans lequel il n’y a pas de corps de professeurs d’EPS, hormis à Paris. Un débat mériterait d’être lancé sur l’opportunité de créer un tel corps. Il faut toutefois avoir conscience des difficultés que cela entraînerait du point de vue des nominations. Les deux heures supplémentaires d’EPS au collège, quant à elles, sont assurées non pas par le corps professoral mais par des associations ayant noué des partenariats avec les établissements scolaires. En tant qu’ancienne professeure d’EPS, j’aimerais qu’il y ait toujours plus d’enseignants dans cette discipline, mais celle-ci est l’une des rares où l’ensemble des postes sont pourvus. En tout état de cause, lorsqu’on demande des professeurs d’EPS, il faut les orienter vers le bon niveau.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). Recruter 1 500 professeurs supplémentaires, c’est peut-être avoir demain, chez nous, un Usain Bolt ou un autre Zinedine Zidane, c’est un investissement qui vaut la peine d’être engagé.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je m’étonne du sophisme du rapporteur qui, tout à l’heure, nous refusait des créations de postes au motif que personne n’allait postuler et qui, à présent, les refuse parce que des gens postuleraient.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Ce n’est pas exactement ce que le rapporteur a dit.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC20 de M. Roger Chudeau

M. Roger Chudeau (RN). Cet amendement a pour objet de réaffecter les crédits du fonds d’innovation pédagogique (FIP) prévu dans le cadre du Conseil national de la refondation (CNR) en direction du recrutement et de la formation de professeurs des écoles. Doté de 500 millions d’euros sur le quinquennat, le FIP a été voulu par le Président de la République pour financer des projets d’innovation pédagogique et donner plus d’autonomie aux établissements. En créant ce nouveau gadget coûteux et inutile, le Gouvernement tente de réinventer le projet d’établissement, qui existe depuis 1989. D’après un rapport du Sénat publié cette année, la mise en œuvre de ce fonds est jugée « désordonnée, peu transparente » et risquant de « créer des inégalités entre les établissements ». Le Gouvernement tente, à marche forcée, de dépenser ce budget dans des projets dont la dimension innovante est très discutable. En conséquence, l’amendement propose de transférer 11 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et en crédits de paiement (CP) de l’action 13 Personnels en situations diverses du programme 141 Enseignement public du second degré vers l’action 02 Enseignement élémentaire du programme 140 Enseignement scolaire public du premier degré.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Laissons vivre ce dispositif, à l’instar du pacte, avant de dresser un bilan. Nous savons d’ores et déjà qu’au 31 août 2023, près de 20 000 intentions de concertation ont été signifiées par les écoles et les établissements, qui ont abouti à la validation de 3 093 projets par les instances académiques d’appui territorial. Précisons que 98 % de ces projets sont conduits dans des écoles et établissements du secteur public, dont 24 % dans l’éducation prioritaire. Les crédits alloués aux projets validés par les recteurs s’élèvent à 22,8 millions d’euros dans le premier degré public et à 23 millions d’euros dans le second degré public. En moyenne, un projet validé se voit allouer un financement de près de 13 000 euros dans le premier degré et de 18 500 euros dans le second degré, ce qui constitue une différence importante pour un établissement et pour ses élèves. Près de 300 000 écoliers, plus de 435 000 collégiens et plus d’un million d’élèves au total sont scolarisés dans des écoles et établissements dont les projets ont été validés. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC142 de M. Jean-Claude Raux

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Par cet amendement, je souhaite appeler votre attention sur la médecine préventive pour les personnels de l’Éducation nationale. Comme tout travailleur, un enseignant est confronté à des risques professionnels qui peuvent affecter sa santé, en l’occurrence des risques psychosociaux, des troubles musculo-squelettiques, une altération de la voix ou de l’audition. Une médecine dotée de moyens suffisants devrait être à leur disposition pour prévenir ces risques et les accompagner dans la préservation de leur santé physique et mentale. Or, avec un médecin pour 16 000 personnels, la médecine préventive est chichement pourvue, alors qu’un suivi fréquent et personnalisé est nécessaire à l’amélioration des conditions de travail des enseignants. C’est une partie du chantier à mener, parallèlement à une véritable revalorisation salariale, pour garantir le maintien des personnels en poste et susciter l’intérêt des jeunes pour le métier.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. C’est en effet une question importante. Nous aurons l’occasion de dresser un état des lieux de la situation. Un amendement demande d’ailleurs la remise d’un rapport sur ce sujet. Je ne suis pas favorable à ce que l’on affecte 1 million d’euros à la médecine du travail dans l’Éducation nationale.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous examinerons les demandes de rapport demain après-midi.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). J’ai été intégré deux fois à l’Éducation nationale puisque j’ai exercé les fonctions de conseiller principal d’éducation (CPE) avant d’être professeur des écoles. Je n’ai eu droit qu’à une visite médicale dans toute ma carrière, lorsque j’ai pris mes fonctions d’enseignant. Nous n’avons pas forcément besoin d’un rapport car nous savons que la situation est terrible ; en revanche, il nous faut des médecins scolaires.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Vous comprendrez, mon cher collègue, que nous ne puissions pas faire la loi à partir d’une expérience personnelle, aussi riche soit-elle. Un rapport permettrait d’objectiver les choses.

M. Roger Chudeau (RN). Il est tout à fait anormal qu’un million d’agents de l’Éducation nationale soient privés d’une médecine préventive digne de ce nom, mais il faut considérer ce problème d’une manière plus large. Compte tenu de la modicité des effectifs du corps médical, peut-être faudrait-il rechercher des solutions de mutualisation avec d’autres ministères, voire avec d’autres fonctions publiques. Cela excède le champ de ce débat budgétaire et mériterait peut-être que l’on se rapproche de la commission des affaires sociales pour lancer une mission flash.

M. Alexandre Portier (LR). Nous sommes tous préoccupés par cette question. J’ai dressé le même constat dans le cadre de mes fonctions antérieures. On sait que l’on a droit à deux visites médicales au cours de sa carrière, une au début et une autre à la fin. Cela m’a conduit à déposer l’amendement II-AC170, qui demande un rapport au Gouvernement. L’amendement qui nous est soumis est évidemment un amendement d’appel, car ce n’est pas avec 1 million d’euros qu’on résoudra le problème. Le problème de fond tient au fait que les étudiants en médecine se destinent rarement à la médecine de prévention, ce qui justifierait la création d’une filière à part entière.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC29 de Mme Fatiha Keloua Hachi

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement vise à revaloriser de 5 % la rémunération de tous les personnels qui accompagnent chaque jour nos élèves : AESH, CPE, assistants d’éducation (AED), infirmières scolaires, assistantes sociales et psychologues, pour ne citer qu’eux. Ces postes sont en effet de moins en moins attractifs.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Défavorable. Nous avons déjà évoqué la revalorisation des rémunérations des CPE, des AESH, des AED…

La commission rejette l’amendement.

2.   Réunion du mercredi 18 octobre 2023 à 15 heures

La commission poursuit l’examen pour avis des amendements sur la mission Enseignement scolaire du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680) (MM. Philippe Fait et Christophe Marion, rapporteurs pour avis)([36])

Amendements II-AC24 et II-AC25 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC65 de M. Paul Vannier et II-AC44 de Mme Fatiha Keloua Hachi.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement II-AC24 vise à recruter 18 141 assistants d’éducation (AED). Alors que nous comptons aujourd’hui un AED pour près de 100 élèves, nous proposons de prévoir un AED pour 72 élèves. Nous sommes convaincus que l’élève doit être mieux accompagné, mieux suivi, mieux encadré. C’est seulement grâce à cette présence humaine que nous parviendrons à lutter contre les fléaux de la déscolarisation et du harcèlement et que nous apaiserons le climat scolaire.

L’amendement II-AC25 vise à recruter 7 517 conseillers principaux d’éducation (CPE). Les CPE sont essentiels au bien-être de l’élève, surtout dans les interclasses et à la pause méridienne. Alors que nous comptons aujourd’hui un CPE pour 500 élèves, nous proposons de prévoir un CPE pour 300 élèves.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). L’amendement II-AC65 a pour objet de recruter des personnels de vie scolaire dans le second degré. Comme l’a dit ma collègue, le nombre de CPE stagne. Or, dans de nombreux établissements, notamment dans des collèges, il n’y a parfois qu’un CPE lorsqu’il en faudrait deux, voire trois.

Le nombre d’AED continue de baisser. Alors que le budget 2023 prévoyait 55 171 équivalents temps plein travaillé (ETPT), le PLF pour 2024 n’en prévoit plus que 54 059. Par leur fonction, ce sont pourtant des personnels indispensables aux élèves. Ce sont souvent des étudiants, qui entretiennent une relation particulière avec les élèves. Ils participent de la qualité du climat scolaire et sont en première ligne pour détecter les phénomènes de harcèlement scolaire, sujet sur lequel nous partageons la priorité gouvernementale. Celle-ci doit se traduire par des moyens humains.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement II-AC44 vise à revenir sur la baisse du nombre de chefs d’établissements adjoints (-101) et de personnels administratifs (‑ 240) dans le second degré.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. En juin 2023, 66 866 AED étaient en activité. Depuis l’année scolaire 2014-2015, leur effectif a augmenté de 10 %. Avant d’augmenter leur nombre, plusieurs questions se posent. La première est celle de leurs missions en matière de sécurité. Le ministre a annoncé hier une discussion à venir sur le renforcement de la sécurisation des établissements. La seconde porte sur l’évolution du métier, qui a été abordée lors de la Conférence nationale du handicap, avec le rapprochement possible des métiers d’accompagnants d’élèves en situation de handicap (AESH) et d’AED pour construire un nouveau métier d’assistant à la réussite éducative.

Les CPE sont essentiels au fonctionnement de nos établissements scolaires. 300 nouveaux postes de CPE ont été ouverts en 2022 et 100 postes supplémentaires ont été créés en 2023. Par ailleurs, l’attractivité du métier a été renforcée par des revalorisations salariales. Les indemnités de fonction des CPE ont ainsi été revalorisées de 1 294 euros bruts depuis la rentrée 2023, soit le montant de la revalorisation de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves (ISOE).

S’agissant des chefs d’établissement, si les effectifs ont diminué entre l’année scolaire 2021-2022 et l’année scolaire 2022-2023, ce n’est pas le fait d’une volonté politique de suppression de postes mais d’une moindre attractivité de ces métiers. Nous pouvons créer des postes mais le sujet n’avancera pas si nous ne parvenons pas à les pourvoir.

Je donnerai un avis défavorable à ces trois amendements.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je tiens à vous lire un passage de la circulaire de 1982 qui porte sur la création du corps des conseillers d’éducation et des conseillers principaux d’éducation, qui m’a amené à entrer dans cette carrière.

« L’ensemble des responsabilités exercées par les conseillers d’éducation et les conseillers principaux d’éducation se situent dans le cadre général de la vie scolaire qui peut se définir ainsi : placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelle et collective et d’épanouissement personnel. Ces responsabilités se répartissent en trois domaines : le fonctionnement de l’établissement, notamment en assurant la sécurité des élèves, la collaboration avec le personnel enseignant, l’animation éducative. »

Aujourd’hui, par manque de personnel, les CPE n’assurent plus que la première de ces fonctions. Ils ne sont donc plus à même d’assurer ce que leur demande la circulaire de 1982. Vous nous répétez que ces postes souffrent d’un manque d’attractivité et qu’il n’y a pas de postulants. Créons des postes et les moyens de cette attractivité, comme nous l’avons proposé dans les précédents amendements que vous avez rejetés !

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Vous affirmez, monsieur le rapporteur, que la diminution du nombre de chefs d’établissement adjoints n’est pas le fait d’une volonté politique. J’entends qu’il n’y a pas suffisamment de personnes qui se présentent au concours mais je considère qu’il y a un manque de volonté politique pour rendre ce métier attractif.

J’observe le même manque de volonté politique pour recruter davantage de CPE pour encadrer les élèves. Je rappelle qu’un CPE pour 500 élèves correspond à un poste par collège. Pour les établissements plus petits, les CPE peuvent parfois même effectuer quelques heures à l’extérieur.

De même, c’est un manque de volonté politique que de refuser de recruter un AED pour trois classes et non pour quatre ou même cinq classes comme aujourd’hui.

Ce sont bien des choix politiques et budgétaires. Si vous êtes contre ces amendements, vous êtes contre le renforcement des équipes éducatives autour de l’élève.

La commission rejette successivement les amendements II-AC24, II-AC25, IIAC65, II-AC44.

Amendement II-AC174 de M. Alexandre Portier.

M. Alexandre Portier (LR). L’amendement II-AC174 porte sur les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (Atsem). Les Atsem occupent une fonction essentielle dans toutes les écoles maternelles et jouent un rôle de proximité encore plus important depuis l’instauration de l’obligation de scolarisation à trois ans. Cette réforme a transformé en profondeur leurs missions. Il y a aujourd’hui un malaise dans la profession, qui se sent déconsidérée. Elle mérite un geste fort au travers de la création d’une ligne budgétaire de 8 millions d’euros qui permettrait de financer la revalorisation de leur rémunération aux côtés des communes.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Comme vous l’avez souligné, les Atsem sont recrutés par les collectivités locales et non par l’État. La revalorisation de leur rémunération doit être discutée au niveau de ces collectivités et je note qu’elles n’ont pas toutes le même degré d’implication sur ce sujet.

Avis défavorable.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je soutiens l’amendement de mon collègue Alexandre Portier. J’entends votre remarque mais si vous partagez l’objectif, je vous invite à proposer un sous-amendement créant un fonds de soutien aux collectivités locales.

La commission rejette l’amendement II-AC174.

Amendement II-AC83 de M. Paul Vannier.

M. Idir Boumertit (LFI-NUPES). Cette mesure vise à fixer la quotité horaire qui correspond à un temps plein à 24 heures hebdomadaires pour les AESH. Une enquête du réseau d’associations Unapei relève que seuls 27 % des élèves en situation de handicap bénéficient de plus de douze heures d’enseignement hebdomadaire, 26 % jusqu’à 6 heures et 23 % ne bénéficient d’aucune heure d’enseignement.

Par cet amendement, nous proposons de rendre plus attractif le métier crucial d’AESH en revalorisant leur rémunération de 30 %.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Votre amendement propose de fixer la quotité horaire d’un temps plein d’AESH à 24 heures. À nouveau, cela demande un débat plus approfondi – que nous avons déjà d’ailleurs partiellement eu – et qui ne peut se faire au détour d’un amendement en loi de finances. Des discussions auront lieu autour de la refonte du métier d’AESH, qui incluront très certainement la question du temps de présence devant élève et du temps de travail rémunéré.

Avis défavorable.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Vous faites le choix de l’impuissance politique en reportant toujours à plus tard un certain nombre de sujets, dont celui-ci qui est particulièrement crucial. Nous avons rencontré les équipes enseignantes à la rentrée et dans toutes nos circonscriptions nous avons constaté un manque chronique d’AESH. Dans ma circonscription à Argenteuil, il y a deux fois plus de besoins que de moyens accordés. Dans une école primaire, seuls quatre AESH sont présents pour répondre à seize notifications

La cause principale de cette pénurie extrêmement grave, qui empêche la République de tenir la promesse d’une école inclusive, c’est le manque d’attractivité de ce métier.

Sans la création d’un corps de fonctionnaires reconnaissant la qualification et l’expertise professionnelle de ces AESH, vous n’y arriverez pas. C’est une urgence pour tous les enfants de l’école de la République, pour ces dizaines de milliers d’élèves dont le droit à l’éducation est dénié par manque de volonté politique que vous confirmez aujourd’hui.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous ne pouvons pas créer un corps de fonctionnaires en loi de finances. C’est une discussion que nous devrons avoir dans un autre cadre. Je crois que nous sommes tous d’accord sur la nécessité de définir le statut d’AESH. J’ajoute que j’ai rencontré certains AESH satisfaits de la revalorisation.

Mme Cécile Rilhac (RE). Nous avons déjà eu cette discussion. Vous avez déposé une proposition de loi créant ce corps et elle a été rejetée. Je ne pense pas que la création d’un corps de fonctionnaires soit la solution. Il est plus important de faire évoluer le salaire des AESH. J’ajoute que nous ne pouvons pas rémunérer 24 heures de travail à hauteur de 35 heures. Si nous nous engagions dans cette voie, il y aurait de nombreux effets en chaîne.

Depuis 2017, nous avons reconnu cette fonction, assurée jusqu’alors par des contrats d’insertion, comme métier d’éducation. Les AESH sont désormais des membres à part entière des équipes éducatives et de l’Éducation nationale. Nous travaillons à ce que les AESH puissent bénéficier de contrats de 35 heures, toucher un salaire décent et ne soient pas cantonnés à des temps partiels contraints.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Alors que mon expérience de CPE et d’enseignant n’était pas considérée comme pertinente hier, le témoignage des quelques AESH rencontrées par le rapporteur vaut aujourd’hui diagnostic… Par ailleurs, je m’étonne des propos de Mme Rilhac qui semble oublier que 24 heures devant élèves ne sont pas 24 heures effectives. Pour avoir eu un certain nombre d’élèves en situation de handicap dans mes classes et avoir travaillé avec des AESH extrêmement attachés à leur métier et qui souhaitaient le faire de manière correcte, je sais que nous sommes très au-delà des 24 heures devant élève.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Nous avons tous une expérience personnelle avec l’Éducation nationale et je pense que nous devons prendre de la distance par rapport à cette expérience. Nous sommes ici pour avoir une vision plus globale que celle de notre propre expérience d’enseignant, de CPE ou de directeur d’établissement.

Sur la notion d’impuissance politique, je rappelle que depuis 2017 nous avons augmenté le nombre d’AESH financés par la loi de finances de 63 %. 478 000 élèves en situation de handicap sont aujourd’hui scolarisés en milieu ordinaire. Vous ne pouvez donc pas parler d’impuissance politique. J’entends que vous pensiez que ce n’est pas suffisant, je respecte cette position, mais je trouve que nous avons fourni un bel effort.

La commission rejette l’amendement II-AC83.

Amendement II-AC125 de Mme Francesca Pasquini.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement vise à inciter le ministère de l’Éducation nationale à lancer un plan de titularisation massif des AESH en leur proposant des contrats à temps complet.

Les conditions de travail déplorables des AESH sont bien connues de tous. Seuls 2 % des 130 000 AESH, qui sont des femmes à une écrasante majorité, disposent d’un emploi à temps complet. Seules 25 % d’entre elles sont employées en CDI, alors que les besoins d’accompagnement augmentent.

Leur rémunération moyenne n’est que de 760 euros par mois, ce qui est largement en dessous du seuil de pauvreté. Pour y remédier, nous demandons au ministère de l’Éducation nationale, par cet amendement d’appel, de lancer un plan massif de titularisation des AESH en leur proposant des contrats à temps complet.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous avons adopté en décembre 2022 une disposition permettant une CDIsation des AESH après trois ans d’exercice. Comme je l’ai déjà mentionné, nous devrons réfléchir à une trajectoire sur leur statut. Pour répondre au député Vannier, il y a autour de la table de nombreux enseignants ou personnes issues du monde de l’éducation, ainsi que des élus locaux : nous avons donc tous une expérience du secteur, comme l’a souligné mon collègue rapporteur.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-AC125.

Amendement II-AC184 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Cet amendement propose une augmentation du salaire des AESH de 220 euros par an. Si leur situation s’est améliorée, comme le reconnaissent les AESH, elles continuent à vivre sous le seuil de pauvreté. Nous devons en prendre conscience avant de nous prononcer sur cet amendement. N’oublions pas non plus que leurs emplois du temps sont annualisés. Comme elles n’ont pas droit aux vacances scolaires, elles effectuent davantage d’heures durant les semaines scolaires que ce qui est indiqué dans leur contrat. Par exemple, pour un contrat annualisé de 24 heures par semaine, elles travailleront 27 heures durant les semaines scolaires.

Nous devons faire un geste envers ces personnes qui jouent un rôle essentiel dans l’accompagnement des élèves en situation de handicap. J’espère avoir votre soutien sur cette modeste proposition.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Pour renforcer l’attractivité de la profession et pourvoir tous les postes ouverts, des mesures de revalorisation salariale, effectives depuis la rentrée 2023, sont prolongées dans le PLF pour un montant de 240 millions d’euros en année pleine. Avec le relèvement de la grille indiciaire, la création d’une indemnité de fonction, le relèvement de 10 % de l’indemnité de fonction des AESH référents, la rémunération des AESH progresserait en moyenne de 13 % entre juin 2023 et juin 2024.

Au-delà du salaire horaire, c’est aujourd’hui la question du temps de travail qui doit être résolue. Les discussions qui pourront avoir lieu autour du périmètre et des missions des « accompagnants à la réussite éducative » devront contribuer à y répondre.

Avis défavorable.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Je n’ai pas parlé d’attractivité. J’ai souligné que ces personnes vivaient sous le seuil de pauvreté. Elles font un métier formidable et je demande seulement 220 euros par an.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). J’appuie l’amendement de ma collègue. J’ajoute que nous aurions proposé un montant permettant de dépasser ce seuil de pauvreté parce que, même avec l’amendement que vous proposez, les AESH resteront sous le seuil de pauvreté.

Il faut mesurer le caractère incompréhensible de ce refus de verser 18 euros par mois aux AESH, soit à peine de quoi leur permettre de maintenir la tête hors de l’eau. C’est une dépense dérisoire à l’échelle du budget de l’Éducation nationale et je vous invite, Monsieur le rapporteur, à bien la considérer.

Nous voterons pour cet amendement de notre collègue.

Mme Virginie Lanlo (RE). Nous travaillons depuis des années à la revalorisation du métier d’AESH. Les collectivités territoriales et l’Éducation nationale s’efforcent de proposer des temps plus complets aux AESH parce que les élèves en situation de handicap ont aussi besoin d’accompagnement sur les temps périscolaires et extrascolaires. Cela répond à l’objectif d’assurer un parcours de l’enfant dans sa globalité et pas uniquement au sein de l’école.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). Vous évoquez la revalorisation des AESH mais vous ne parlez pas de la situation des AESH en outre-mer, où tout coûte plus cher. Je ne peux que soutenir l’amendement de ma collègue et inviter la commission à voter en pensant aussi à l’outre-mer.

M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons cet amendement, qui relève plus du débat politique mais de la dignité humaine. J’invite moi aussi le rapporteur à ne pas émettre un avis trop défavorable ; il serait mal inspiré.

La commission adopte l’amendement II-AC184.

Amendement II-AC109 de Mme Sophie Blanc.

Mme Bénédicte Auzanot (RN). Cet amendement est un amendement d’appel. Le nombre insuffisant d’AESH a pour conséquence qu’environ 20 000 enfants qui pourraient être scolarisés ne le sont pas. Cela tient au fait que le métier d’AESH est précaire et que les AESH sont insuffisamment formés. Les promesses faites par Emmanuel Macron pour résoudre ce très grave problème n’ont pas eu de traduction dans les faits. Il convient donc, par cet amendement, de faire tenir au Président de la République les promesses électorales du candidat Emmanuel Macron.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Je rappelle que l’année dernière les députés du Rassemblement national avaient proposé une augmentation du salaire des AESH de 10 centimes par mois. Cette année, par cet amendement d’appel, le Rassemblement national renonce à toute proposition. C’est un mieux que je tenais à souligner.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Le PLF prévoit déjà le recrutement de 3 000 AESH à la rentrée 2024, après le recrutement de 4 000 AESH par an depuis 2021 et de 8 000 AESH en 2020.

Nous sommes passés de 53 000 à 86 000 équivalents temps plein (ETP) d’AESH et de 43 000 à 128 000 personnes physiques depuis 2017.

Plus qu’au seul nombre d’AESH, c'est à leur statut et à leurs missions qu’il faut s’intéresser. La Conférence nationale du handicap a évoqué la piste d’une nouvelle fonction. C’est une piste à discuter et à approfondir, en incluant tous les acteurs concernés.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-AC109.

Amendements II-AC27 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC76 de M. Paul Vannier, II-AC124 de Mme Francesca Pasquini, II-AC180 de Mme Béatrice Descamps et II-AC93 de M. Stéphane Peu.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement II‑AC27 demande le recrutement de 7 727 AESH de façon à couvrir les notifications des enfants en situation de handicap.

Je tiens également à préciser qu’une AESH n’est pas un « couteau suisse ». Je déplore que ces personnels soient maltraités parce que sous-payés pour un travail de 24 à 27 heures par semaine qui ne prend pas en compte le travail de préparation pour connaître le handicap de l’élève, comprendre son fonctionnement, envisager sa progression. Vous avez évoqué le périscolaire mais l’AESH n’accompagne pas un élève en situation de handicap, elle en accompagne quatre ou cinq. Elle s’occupe donc de la cantine et donne à manger à tous les élèves. Pour moi, un personnel de l’Éducation nationale doit être respecté.

M. Paul Vannier (LFI-NUPES). Nous avons un désaccord de fond sur la question du corps et du statut. Mme Rilhac a rappelé que la majorité avait voté contre la proposition de création d’un corps d’AESH que nous avions présentée lors de notre dernière niche parlementaire.

Au-delà de ce désaccord, vous avez l’occasion, avec l’amendement II‑AC76, de créer 3 000 postes d’AESH supplémentaires. M. Marion a fait état d’une dynamique qui lui paraît suffisante. Je suis certain que vous constatez comme moi le manque criant d’AESH dans tous les établissements scolaires de ce pays. Quand je parle de manque criant, je n’évoque pas l’exception d’un élève auquel il manquerait une accompagnante mais des demi-douzaines d’élèves, qui, dans chacune des écoles de ma circonscription, sont concernés par cette situation.

Ces 3 000 postes contribueront à améliorer une situation aujourd’hui déplorable, je suis sûr que vous partagez ce constat. Au-delà de nos désaccords de fond, vous avez la possibilité de soulager la situation de milliers de familles et de milliers d’élèves en votant cet amendement.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Pour faire face à ce problème, nous proposons par l’amendement d’appel II‑AC124, la création de 4 000 postes d’AESH supplémentaires. Depuis les années 2000, le nombre d’élèves en situation de handicap ne cesse d’augmenter. Ils sont aujourd’hui près de 430 000. Le nombre d’AESH est très insuffisant pour couvrir l’ensemble des besoins de ces élèves. Les quelques recrutements d’ETP prévus dans le projet de loi de finances sont trop limités.

C’est pour faire face à ce problème et pour accompagner au mieux les élèves en situation de handicap qui disposent, comme les autres enfants, d’un droit à l’éducation, que nous proposons cet amendement.

Nous n’aurons de cesse de demander un accompagnement supplémentaire pour ces élèves en situation de handicap que l’on empêche d’aller à l’école. Certaines mères de famille arrêtent de travailler pour suivre elles-mêmes leur enfant à l’école. Cela doit cesser !

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Cet amendement II‑AC180 vise à augmenter le nombre d’AESH de 758, ce qui me paraît raisonnable et permettra de limiter les suivis mutualisés. L’accompagnement par une AESH qui suit cinq ou six collégiens qui ne sont pas dans les mêmes classes et qui n’ont pas les mêmes emplois du temps ne sert à rien. Je sais que le nombre d’AESH a augmenté au cours des dernières années mais c’est insuffisant.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Cet amendement d’appel II-AC93 a pour objectif d’augmenter les moyens consacrés à l’accompagnement des élèves en situation de handicap.

Le nombre d’élèves en situation de handicap scolarisés ne cesse d’augmenter depuis plus de 20 ans et les conditions de scolarisation ne sont pas dignes du principe d’inclusion scolaire consacré par la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République du 8 juillet 2013.

Notre pays est aujourd’hui incapable d’accompagner l’ensemble des élèves au sein d’une école qui soit réellement inclusive. Des efforts ont été faits avec l’embauche de 4 000 AESH l’année dernière et de 4 800 cette année, mais c’est un métier qui reste précaire parce que la rémunération n’est pas satisfaisante, bien souvent en dessous de 1 000 euros, parce que les AESH sont majoritairement à temps partiel et parce que la formation n’a pas été renforcée.

Cette situation n’est pas acceptable. Elle ne pourra se résoudre sans l’augmentation des moyens dédiés à cet accompagnement.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Le PLF prévoit le recrutement de 3 000 AESH. Depuis 2017, nous sommes passés de 53 000 à 86 000 ETP d’AESH et de 43 000 à 128 000 personnes physiques.

J’ajoute que j’ai pu échanger avec une cinquantaine d’AESH. C’est un panel représentatif au sein duquel moins de la moitié souhaitait évoluer vers des temps complets. Certains voulaient faire autre chose que du suivi d’élèves.

Avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

Mme Virginie Lanlo (RE). Nous ne nions pas que nous manquons d’AESH, tant dans le primaire que dans le secondaire. Cependant, des postes sont ouverts et nous efforçons de recruter et de former des AESH. Ils ne servent pas qu’à donner à manger sur la pause méridienne. Ils sont en accompagnement individualisé ou mutualisé parce que tous les enfants n’ont pas le même besoin d’accompagnement. Les directions des écoles doivent le prendre en compte dans la construction des emplois du temps de ces personnels.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Je n’ai pas dit que la fonction d’une AESH était de donner à manger à des enfants à midi. Bien au contraire, j’ai dit que les AESH étaient des personnels de l’Éducation nationale et qu’ils devaient, en tant que tels, bénéficier d’une revalorisation salariale et d’un emploi à plein temps pour nourrir leur famille.

Je ne pense pas, monsieur le rapporteur, qu’il soit possible de gouverner avec des anecdotes. Avec 800 euros par mois, on est sous le seuil de pauvreté en France. C’est donc un emploi indigne ! Enfin, ce serait effectivement une bonne chose que l’AESH accompagne son élève tout au long de la journée mais pas une classe ou un groupe d’élèves.

M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons contre les amendements gagés sur le programme 139, c’est-à-dire sur l’enseignement privé, largement diocésain, car nous sommes extrêmement agacés par cette obsession de LFI de s’en prendre à l’enseignement diocésain. Nous aimerions que vous fassiez preuve de la même vigueur pour dénoncer le Hamas.

Nous voterons en revanche l’amendement de M. Peu qui n’est pas gagé sur le programme 139 et qui vise à augmenter la rémunération des AESH.

M. Rodrigo Arenas. (LFI-NUPES). Tous les députés reconnaissent le travail essentiel de ces personnels éducatifs. Ils savent aussi que ce sont principalement des femmes qui subissent la vision que la société a d’elles.

Ces amendements ont trois objectifs. Le premier est la reconnaissance statutaire. Les AESH doivent être traités comme les députés, qui bénéficient d’un statut. Le deuxième est une reconnaissance salariale. Les personnes qui s’occupent des enfants les plus fragiles doivent avoir les moyens d’effectuer leur travail. Il est indigne qu’elles soient en dessous du seuil de pauvreté et cela contribue à la faible attractivité de la profession. Enfin, le troisième objectif est la reconnaissance des enfants. Nous ne devons pas leur affecter des personnels en situation de précarité, sans tenir compte de la pénibilité du travail, dont ils sont les premières victimes.

Les doctrines qui nous opposent doivent s’effacer face à la situation vécue par ces familles.

Enfin, M. Chudeau, je sais que nous avons bien des désaccords, mais il faut parfois avoir un peu de retenue.

Mme Cécile Rilhac (RE). Cette série d’amendements prévoit l’augmentation du nombre d’AESH. Nous constatons en effet un manque criant d’AESH dans nos circonscriptions. Ce manque n’est pas lié au nombre de postes ouverts mais au manque d’attractivité de ce métier. Si les amendements précédents répondaient à cette problématique, cette série n’apporte aucune réponse. Nous n’avons pas besoin d’ouvrir de lignes supplémentaires de crédits pour augmenter le nombre d’ETP mais de pourvoir les postes déjà financés. C’est un sujet de fond sur lequel nous devons continuer à discuter. C’est en y répondant que les trois objectifs détaillés par M. Arenas seront atteints.

La commission rejette successivement les amendements II-AC27, II-AC76, II-AC124, II-AC180 et II-AC93.

Amendement II-AC61 de M. Léo Walter.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Avant de défendre cet amendement, je salue la casuistique particulière de Mme Rilhac, qui, après avoir rejeté l’ensemble de nos amendements permettant la revalorisation du métier d’AESH, nous explique que n’allons pas pouvoir recruter suffisamment d’AESH puisque le métier n’a pas été revalorisé.

Je vais être obligé de parler de mon expérience personnelle et je m’en excuse auprès de M. le rapporteur. Ce n’est pas pour m’en prévaloir ou pour refuser de prendre de la hauteur, c’est pour coller à la réalité du terrain.

Je suis élu des Alpes de Haute-Provence où, depuis la mise en place des pôles inclusifs d’accompagnement localisés (Pial), des AESH peuvent parcourir dans la journée jusqu’à 80 kilomètres pour se rendre d’une affectation à l’autre, ce qui représente 180 euros d’essence par mois, soit 10 fois le choc d’attractivité que nous avons voté grâce à Mme Descamps.

Par cet amendement, je propose la prise en charge des frais kilométriques dès que les AESH sont affectés à deux endroits différents.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous comprenons, M. le député, l’intérêt que vous portez aux frais de déplacement des AESH.

Pour permettre le remboursement des éventuels frais de déplacement, le contrat de l’AESH fixe la liste de ses lieux d’exercice, à savoir des établissements composant aujourd’hui le Pial. En conséquence, lorsque les AESH exercent dans plusieurs établissements scolaires, leurs frais de déplacement entre deux établissements sont pris en charge intégralement.

Je vous rappelle également que les moyens consacrés aux frais de déplacement ont été renforcés en LFI 2023 de plus de 8 % par rapport à 2022. Au total, pour 2023 la dotation au titre de la prise en charge des frais de déplacement des AESH s’est élevée à 1,49 million d’euros. Au PLF 2024, l’enveloppe prévue s’élève à 1,57 million d’euros, soit une nouvelle augmentation de 5 %.

Cette enveloppe tient compte la revalorisation de 10 % des indemnités kilométriques, effective depuis le 1er janvier 2022.

Avis défavorable.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je tiens à réagir à cette affirmation de la prise en charge de 100 % des frais de déplacement. C’est absolument faux. Dans mon département, le manque d’AESH, conduit plusieurs d’entre elles à intervenir sur plusieurs Pial. Par ailleurs, le calcul des frais de déplacement s’effectue à partir d’une grille de l’Éducation nationale qui considère comme limitrophes des communes entre lesquelles il n’y a aucun transport en commun. Ce sont des personnes qui gagnent, je le rappelle, moins de 800 euros par mois, et qui doivent dépenser 300 euros par mois en frais de déplacement. Ce serait un geste d’humanité minimal de prendre en charge la totalité de ces frais.

La commission rejette l’amendement II-AC61.

(Présidence de Mme Isabelle Rauch)

Amendements II-AC82 de M. Paul Vannier et II-AC94 de Mme Soumya Bourouaha.

M. Jérôme Legavre (LFI-NUPES). L’amendement II‑AC82 propose la création d’un nouveau corps de la fonction publique en catégorie B pour les AESH. Nous avons beaucoup parlé de la rémunération qui constitue un frein majeur pour l’engagement des personnels AESH dans une profession dont chacun reconnaît le caractère absolument indispensable. La grande précarité de cette profession est aussi un obstacle. C’est pourquoi nous souhaitons remédier à cette précarité par la création d’un corps de fonctionnaires.

M. Frédéric Maillot (GDR-NUPES). Quand quelque chose est juste, il ne faut pas avoir peur de le répéter. Il me semble essentiel de reconnaître ces hommes et ces femmes qui s’occupent de nos enfants en situation de handicap comme des fonctionnaires. C’est leur envoyer un message d’humanité, de reconnaissance.

Cet amendement II‑AC94 réclame la création d’un corps de fonctionnaires de catégorie B pour nos AESH, même si nous avons bien compris que vous refusez de reconnaître l’importance des missions des AESH et que vous les laissez vivre en dessous du seuil de pauvreté.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Votre amendement a pour objet de créer un corps de fonctionnaires pour les AESH. Je rappelle que ce sujet doit pouvoir faire l’objet d’un débat spécifique, et non au travers d’un amendement de crédits.

Avis défavorable.

La commission rejette successivement les amendements II-AC82 et II-AC94.

Amendement II-AC181 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Cet amendement vise à renforcer la formation des AESH, en leur donnant l’opportunité de suivre des formations supplémentaires, par exemple pour se spécialiser dans certains types de handicap. Le coût de cette mesure est de 3 millions d’euros.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Cette spécialisation est importante, comme vous l’avez souligné, Mme la députée. Ce sera au cours de la discussion que nous engagerons sur la refonte du métier d’AESH que nous aborderons ce sujet.

Je confirme que les personnes que j’ai rencontrées ont formulé cette demande de formation, sur le handicap, mais aussi sur les différentes matières scolaires.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-AC181.

Amendements II-AC45 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC182 de Mme Béatrice Descamps, II-AC197, II-AC198 et II-AC133 de Mme Francesca Pasquini, II-AC75 de M. Paul Vannier, II-AC106, II-AC107 et II-AC108 de Mme Sophie Blanc.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). L’amendement II-AC45 vise à augmenter les dispositifs des unités localisées pour l’inclusion scolaire (Ulis). Un tel dispositif est composé d’un enseignant référent coordonnateur et d’un AESH. 15 % des élèves qui ont des besoins spécifiques et qui devraient être scolarisés en classe Ulis n’ont pas de place. Il manque en effet 924 dispositifs Ulis pour couvrir la totalité des élèves en situation de handicap.

Cet amendement réclame donc la création de 924 dispositifs Ulis.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). L’amendement II‑AC182 me tient particulièrement à cœur. Au-delà de l’accompagnement humain, des élèves, au nombre de 14 825 en 2021-2022, ont besoin de matériel spécifique. Or, il est aujourd’hui très compliqué d’obtenir ce matériel. J’ai récemment rencontré une mère qui m’a confié qu’elle utilisait les chèques culture fournis par le comité d’entreprise de son mari pour acheter les logiciels dont son enfant avait besoin mais qu’elle n’en avait pas suffisamment.

Accepter cet amendement serait un geste très important pour tous les élèves en attente de matériel.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Ces amendements II-AC197, II‑AC198 et II-AC133 portent sur le financement de la formation des enseignants du privé et des enseignants du public des premier et second degrés aux problématiques de l’inclusion scolaire.

Le financement de ces formations n’est que vaguement mentionné dans ce PLF. Il précise que des crédits seront alloués à la formation continue relative à la scolarisation des élèves en situation de handicap, sans donner plus de détails.

Afin de garantir que les élèves en situation de handicap soient accueillis dans les meilleures conditions et conformément au droit à l’éducation, nous proposons de renforcer la formation continue des enseignants des premier et second degrés publics et des enseignants du privé aux problématiques de l’inclusion scolaire.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Nous avons toujours eu dans cette commission la volonté d’objectiver les situations avec des éléments factuels et des auditions des personnels concernés.

Cet amendement II‑AC75 propose une évaluation des Pial à travers l’audition de tous les acteurs concernés, en particulier les parents d’élèves, dont certains nous remontent des difficultés en termes d’attention portée à leurs enfants.

Mme Sophie Blanc (RN). L’amendement d’appel II‑AC106 concerne le second degré. Intégrer pleinement nos concitoyens handicapés dans la société demeure un combat permanent. La place qu’ils y occupent témoigne de notre degré d’humanité, de ce qu’est notre civilisation. Cette intégration commence bien évidemment à l’école, premier lieu de socialisation et d’échange.

Le programme 230 enchaîne les poncifs dans l’air du temps à l’aide de propositions à la mode : « respecter », « apprentissage de la citoyenneté », « éco-délégués », « éducation au respect de l’autre », on ne va pas détailler la liste. Toutes ces préoccupations, honorables, ne sont rien si nous laissons collectivement chez eux les plus fragiles de nos enfants, si nous les retranchons du système collectif. Nous devons intégrer dans l’école nos enfants handicapés, nous le devons, à chacun d’eux et nous nous le devons aussi collectivement

L’amendement II‑AC107 est aussi un amendement d’appel qui concerne l’enseignement du premier degré.

Enfin, l’amendement II‑AC108, qui est également un amendement d’appel, porte sur le financement du matériel. L’inclusion des élèves handicapés est une priorité de notre programme, mais il faut pour cela leur permettre d’étudier dans de bonnes conditions, avec du matériel approprié. Aujourd’hui, en raison de la faiblesse des crédits alloués, les demandes de matériel spécifique, par exemple des ordinateurs, font l’objet de listes d’attente, ce qui laisse les élèves sans matériel quand leurs parents n’ont pas les moyens de l’acquérir sur leurs propres deniers. Au-delà de la question matérielle, se pose encore une fois la question de la place que nous laissons aux plus fragiles d’entre nous.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous ne nions pas l’importance de ces dispositifs Ulis pour l’accueil et la scolarisation des élèves en situation de handicap, mais nous tenons à rappeler que 304 nouveaux dispositifs Ulis ont été créés à la rentrée 2023 – 80 dans le premier degré, 224 dans le second degré –, portant leur nombre à 10 468 – 5 307 dans le premier degré et 5 161 dans le second degré.

Sur l’amendement II‑AC182, nous rappelons que dans le cadre des mesures actées par la Conférence nationale du handicap du 26 avril 2023, un fonds spécifique pour le soutien en matériel pédagogique adapté est créé par le PLF et doté de 25 millions d’euros.

Sur les amendements II‑AC197, II‑AC198 et II‑AC133, je rappelle que les crédits alloués à la formation des enseignants augmentent de plus de 4 % dans le PLF 2024. Par ailleurs, l’inclusion est un enjeu bien identifié de la formation continue, c’est l’un des thèmes que les enseignants souhaitent le plus approfondir. La circulaire n° 2019-088 du 5 juin 2019 relative à l’école inclusive prévoit des formations spécifiques. Aussi, sans nécessairement augmenter ces crédits, il nous semble en premier lieu nécessaire d'inciter les enseignants à suivre les formations qui existent déjà ou de leur permettre d’y assister en levant certaines difficultés d'organisation.

L’amendement II‑AC75 est un amendement de crédits qui crée un programme supplémentaire. Cela ne nous semble pas la forme appropriée pour une demande de rapport ou d’évaluation.

Enfin, s’agissant des amendements II‑AC106 à II‑AC108, le PLF 2024 comporte un grand nombre de mesures et prévoit d’importants moyens en faveur de la scolarisation des élèves en situation de handicap. Ceux-ci atteignent 4,5 milliards d’euros contre 3,8 milliards d’euros dans le PLF pour 2023. L’augmentation, de plus de 15 %, est considérable.

Nous donnerons un avis défavorable à l’ensemble des amendements.

Mme Cécile Rilhac (RE). Le matériel pédagogique constitue un réel problème, notamment s’agissant de sa mise à disposition. Il est centralisé au niveau des directions départementales des services de l’Éducation nationale (DSDEN) et doit suivre un parcours complexe pour parvenir aux élèves. Il me semble que l’article 53, qui prévoit la création des pôles d’accompagnement à la scolarité (PAS) en lieu et place des Pial, résoudra une partie de ce problème. En effet, grâce à la constitution des PAS, tout un volet budgétaire sera consacré à l’achat et à la mise à disposition de matériel, avant même que les élèves ne reçoivent de notification de la maison départementale des personnes handicapées (MDPH).

Le groupe Renaissance votera contre ces amendements, non pas sur le fond, mais parce que le PLF apporte des réponses dans son article 53.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je soutiens l’amendement de ma collègue Keloua Hachi et rappelle qu’il existe un effet domino. Il n’y a pas assez de places dans les instituts médico-éducatifs (IME) et dans les instituts thérapeutiques, éducatifs et pédagogiques (Itep). Par conséquent, les élèves qui devraient être en IME ou en Itep sont en Ulis. Comme il n’y a pas assez de place en Ulis, des élèves sont en classes ordinaires. Aucun élève n’est pris en charge à la hauteur de son handicap. Puisque la création de nouveaux IME ou de nouveaux Itep n’a pas été proposée, je soutiens la création de dispositifs Ulis.

Enfin, au regard de l’article de notre Règlement sur la qualité de nos débats, j’aimerais que nos rapporteurs fassent preuve d’un peu d’imagination et ne nous assènent pas les mêmes arguments depuis le début cette session. Je les invite à aller dire à nos concitoyens sur les marchés que le Gouvernement n’a jamais autant fait pour l’éducation et à éviter les sophismes.

M. Roger Chudeau (RN). Nous voterons des deux mains l’amendement II‑AC54 de Mme Keloua Hachi. Nous considérons qu’il faut créer des Ulis. C’est une obligation de moyens du service public pour combler une grave carence. Nous voterons également les amendements II‑AC182, II‑AC197 et II‑AC198.

En revanche, nous considérons que les amendements II‑AC133 et II‑AC75 ne sont pas véritablement de nature législative et nous nous abstiendrons.

Mme Virginie Lanlo (RE). Certaines collectivités apportent des moyens pour équiper les élèves en situation de handicap, en complément du matériel fourni par l’Éducation nationale.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Je suis désolé que nos réponses ne satisfassent pas M. Walter. J’ai pourtant le sentiment que nous prenons le temps de répondre et je n’ai pas l’impression que nous méprisions les remarques qui nous sont faites.

J’entends que nos réponses ne vous conviennent pas. Cependant, vous ne pouvez pas nous renvoyer vers le terrain, vers nos circonscriptions, comme si nous n’y défendions pas notre projet, notre programme. Nous y rencontrons aussi des habitants qui sont d’accord avec nous. Je crois également savoir que certaines de vos positions actuelles peuvent susciter des mécontentements.

Je suis sur le terrain tous les week-ends et une partie de la semaine quand le travail de l’Assemblée nationale me le permet ; je l’étais avant d’être député, puisque j’étais maire de ma commune. Sur ce sujet, ni Philippe Fait ni moi n’avons de leçon à recevoir.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). J’avais connaissance de l’information que vous avez apporté. Je voulais insister sur la nécessité de faire un geste supplémentaire sur ce sujet.

Je salue l’engagement des collectivités pour nos écoles et pour l’inclusion scolaire mais nous devons veiller à l’égalité des chances. Toutes les communes ne peuvent pas se permettre d’acheter du matériel pour les élèves en situation de handicap.

La commission rejette les amendements II-AC45, II-AC182, II-AC197, IIAC198, II-AC133, II-AC75, II-AC106, II-AC107 et II-AC108.

Amendements II-AC37 de Mme Fatiha Keloua Hachi, II-AC185 de Mme Béatrice Descamps, II-AC191 de M. Erwan Balanant, II-AC129 de Mme Francesca Pasquini et IIAC179 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement II‑AC37 du groupe Socialistes et apparentés vise à apporter plus de moyens aux professionnels de la santé scolaire afin de mieux lutter contre les inégalités sociales de santé dans les établissements scolaires.

Alors que la France ne compte déjà qu’un médecin pour 12 572 élèves et un infirmier pour 1 600 élèves, les effectifs de ces personnels de santé sont en chute libre : depuis 2017, on compte 355 médecins et 956 infirmiers en moins dans le milieu scolaire – soit une diminution respective de 30 % et de 11 %.

Nous connaissons tous la raison de ces baisses : le manque d’attractivité de ces métiers. Pourtant, le besoin de médecins, d’infirmiers et de psychologues est crucial pour assurer le suivi médical des élèves, y compris de leur santé mentale. C’est pourquoi nous demandons une revalorisation de 5 % de leur rémunération, ce qui permettra a minima de l’indexer sur l’inflation.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Mon amendement II-AC185 propose de rendre plus attractif le métier de médecin scolaire en augmentant leur rémunération.

M. Erwan Balanant (Dem). Je vous remercie de m’accueillir dans cette commission dans laquelle je viens tous les ans pour défendre le même amendement.

Mon amendement II-AC191 porte sur la médecine scolaire, qui est en grande difficulté, pour des raisons financières mais aussi par manque d’attractivité du métier. C’est d’autant plus dommageable qu’elle représente un axe efficace pour traiter les questions du climat scolaire, du bien vivre ensemble et du harcèlement scolaire. Les infirmières peuvent ainsi jouer un rôle important dans le suivi des cas de harcèlement.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement II-AC129 vise à augmenter la rémunération des médecins de l’Éducation de nationale de 30 %.

Tous les rapports montrent que la médecine scolaire est en grande difficulté. Les effectifs de médecins de l’Éducation nationale sont en chute libre depuis plus de dix ans. Il y a aujourd’hui 944 médecins scolaires pour environ 12 millions d’élèves. Par ailleurs, d’après l’un des syndicats de la profession, moins d’un élève sur deux ferait sa visite médicale à six ans, pourtant obligatoire.

Un des facteurs expliquant le manque de médecins scolaires est la faible attractivité de ce métier. Parce que la médecine scolaire joue un rôle essentiel dans la réussite des élèves et dans la réduction des inégalités en matière de santé, nous proposons de suivre la recommandation de la Cour des comptes et d’augmenter la rémunération des médecins de l’Éducation nationale de 30 %.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Nous manquons de médecins scolaires mais aussi d’infirmières scolaires. L’année dernière, l’Assemblée nationale a voté une proposition de loi mais a rejeté l’article par lequel je demandais la présence d’une infirmière ou d’un médecin scolaire dans les centres d’examen. Cet article n’a pas été voté parce que nous manquons de médecins et d’infirmières scolaires.

Malheureusement, ce que je craignais est arrivé dans le Nord. Un jeune a perdu la vie pendant un examen.

C’est pourquoi je demande, par cet amendement II‑AC179, 3 millions d’euros de crédits supplémentaires sur la médecine scolaire.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous répondrons favorablement à l’amendement de Mme Keloua Hachi et nous partageons les préoccupations de tous les intervenants, notamment celles de M. Balanant pour qui la mise en œuvre de politiques de prévention et de détection du harcèlement et de la maltraitance est capitale.

Cet amendement II‑AC37, qui représente une dépense supplémentaire de plus de 29 millions d’euros, satisfait largement les autres amendements dont nous demandons le retrait.

Avis favorable.

M. Quentin Bataillon (RE). Nous sommes favorables à la hausse des moyens de la médecine scolaire qui joue un rôle important contre le harcèlement mais aussi dans la période anxiogène que nous traversons. Le groupe Renaissance soutient l’amendement de notre collègue Keloua Hachi qui est mieux-disant, avec environ 30 millions d’euros, que les amendements suivants.

La commission adopte l’amendement II-AC37 à l’unanimité.

Les amendements II-AC185, II-AC191, II-AC129 et II-AC179 sont retirés.

Amendement II-AC26 de Mme Fatiha Keloua Hachi.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Le nombre d’infirmières scolaires est très insuffisant, avec une infirmière pour 1 600 élèves dans les collèges. Les infirmières nous disent qu’elles travailleraient au plus proche des élèves avec un ratio d’un poste à temps plein pour 800 élèves.

Par conséquent, nous demandons le recrutement de 7 517 infirmiers et infirmières.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Tous les postes ne sont pas pourvus actuellement et votre proposition n’est pas une mesure d’attractivité susceptible de résoudre ce problème.

Entre 2021 et 2023, les infirmiers de l’Éducation nationale ont bénéficié d’une hausse de leur rémunération, indiciaire et indemnitaire, à hauteur de 2 699 euros bruts annuels, avec, depuis le 1er janvier 2021, une revalorisation indemnitaire de 462 euros par an et par agent en moyenne, depuis 1er janvier 2022 une revalorisation indiciaire liée à la transposition des mesures du Ségur de la santé et, depuis le 1er janvier 2023, une revalorisation indemnitaire permettant un gain moyen de 580 euros annuels bruts par agent.

Nous donnons un avis défavorable.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je soutiens l’amendement de ma collègue Mme Keloua Hachi. Vous connaissez mon investissement dans le secteur médico-social et ma frustration d’entendre que nos propositions ne régleront pas le problème. Nous sommes dans la même situation s’agissant des assistantes sociales.

Aujourd’hui, les infirmières sont mieux rémunérées en travaillant à l’hôpital public, dont nous connaissons pourtant tous la situation ! Nous pouvons continuer à fermer les yeux ou commencer à réfléchir et à nous attaquer au problème. Nous ne disons pas que la création de 7 517 postes réglera tout mais nous sommes convaincus que cette mesure participera à l’attractivité du métier, en montrant aux candidats que leur charge de travail sera moins importante et qu’ils pourront mener correctement leurs missions. Si, en plus, nous accompagnons cette mesure d’une revalorisation salariale, nous commencerons à régler une partie du problème.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). J’ai écouté attentivement le ministre qui nous a dit que 500 postes de médecins scolaires n’étaient pas pourvus mais que tous les postes d’infirmières l’étaient. Si tel est le cas, l’augmentation du nombre de postes permettra de diminuer le nombre d’élèves dont doit s’occuper une infirmière.

La commission rejette l’amendement II-AC26.

Amendements II-AC66 de M. Paul Vannier, II-AC199 et II-AC137 de Mme Francesca Pasquini et II-AC178 de Mme Béatrice Descamps.

M. Idir Boumertit (LFI-NUPES). Les psychologues de l’Éducation nationale accompagnent les élèves dans leurs projets d’orientation, leur permettent de prendre conscience des enjeux de leur formation et de s’orienter vers une qualification visant leur insertion socioprofessionnelle. Pourtant, l’Éducation nationale n’en compte qu’un seul pour près de 1 500 élèves.

Il est donc nécessaire de doter l’Éducation nationale d’un réel service public de l’orientation. Cet objectif passe par le recrutement de psychologues de l’Éducation nationale, aujourd’hui en nombre très insuffisant. C’est ce que propose cet amendement II-AC66.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Ces deux amendements II-AC199 et II-AC137 visent à augmenter les crédits affectés au recrutement des psychologues scolaires dans les premier et second degrés. L’école manque cruellement de psychologues scolaires et ne parvient pas à répondre à l’ensemble des besoins sur le terrain. Ce problème est loin d’être anodin au regard de l’importance du rôle joué par les psychologues scolaires pour les élèves. Leurs tâches sont multiples : ils veillent à l’orientation des jeunes, à l’inclusion des élèves en situation de handicap, ils accompagnent les élèves en décrochage scolaire et ceux faisant face à des situations de violence. Enfin, ils rassurent les adolescents dont l’angoisse ne fait qu’augmenter depuis la dernière réforme du baccalauréat.

Nous proposons donc d’augmenter le recrutement des psychologues scolaires grâce à une hausse de budget de 14 millions d’euros, dont 7 millions d’euros pour le premier degré.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). L’amendement II‑AC178 vise également à augmenter le nombre de psychologues scolaires. On n’a jamais autant parlé de mal-être, de harcèlement, de violence à l’école. Nous avons besoin de ces psychologues. Ma proposition équivaut au recrutement de deux psychologues scolaires supplémentaires par académie.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous entendons vos préoccupations et nous savons le rôle indispensable que jouent les psychologues de l’Éducation nationale dans les établissements.

Entre 2017 et 2022, le nombre de psychologues a augmenté de plus de 7 %. Il est passé de 8 026 en 2017 à 8 738 en 2021.

Là encore, comme pour la médecine scolaire, la question est en grande partie celle de l’attractivité de la profession. Plusieurs démarches ont été engagées et les psychologues de l’Éducation nationale ont notamment bénéficié de la revalorisation des indemnités de fonction et de la prime d’attractivité.

C’est une réflexion globale qui doit être menée.

Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). J’aimerais revenir sur la nécessité de recruter massivement des psychologues de l’Éducation nationale. L’an dernier, j’ai rédigé avec mon collègue Thomas Cazenave un rapport pour avis au nom du Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques sur l’accès à l’enseignement supérieur. Nous avons auditionné de nombreux acteurs et nous avons conclu à la nécessité de fonder un vrai service public de l’orientation. J’ai acquis la conviction qu’il fallait augmenter le nombre de psychologues de l’Éducation nationale et revaloriser leur traitement, au moins en le doublant, pour que ce métier devienne attractif. Il faut aussi recruter d’autres psychologues pour traiter les souffrances psychologiques des élèves afin que les psychologues de l’Éducation nationale chargés de l’orientation ne soient pas débordés par d’autres demandes des élèves.

M. Inaki Echaniz (SOC). Au sein de l’Éducation nationale, les psychologues sont des « couteaux suisses » qui doivent accompagner les élèves dans leur orientation mais aussi les équipes éducatives et les élèves en détresse psychologique, parfois pour des raisons liées au harcèlement scolaire, ainsi que les familles dans les situations de violences intrafamiliales. Ce sont des piliers essentiels du climat scolaire. Comme les infirmières et les assistantes sociales, ils sont trop souvent en sous-effectifs.

J’entends l’argument des rapporteurs qui disent que ce n’est pas la bonne méthode. Que proposez-vous pour passer à l’action et sortir de cette situation ?

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Je rappelle que nous avons voté, il y a quelques minutes, une revalorisation de 5 % pour l’ensemble des personnels de médecine scolaire, y compris pour les psychologues de l’Éducation nationale.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Puisque ces 5 % sont un choc d’attractivité, il faut absolument prévoir les postes pour accueillir tous les postulants qui voudront rejoindre les rangs des psychologues de l’Éducation nationale !

La commission rejette successivement les amendements II-AC66, II-AC199, IIAC137 et II-AC178.

Amendements II-AC86 de M. Julien Rancoule et II-AC177 de Mme Béatrice Descamps.

M. Julien Rancoule (RN). Le détail de la mission Enseignement scolaire évoque les formations de secourisme en santé mentale – on peut s’en réjouir – mais n’aborde à aucun moment la formation des personnels aux gestes de premiers secours. Mieux former notre population à ces gestes constitue pourtant un objectif de société. La mission Sécurités évoque l’objectif de 80 % de la population formée aux gestes qui sauvent d’ici 2027.

L’école doit montrer l’exemple en formant ses personnels mais aussi jouer un rôle majeur pour former massivement les élèves.

Pourtant, nous n’avons pas de stratégie nationale en raison d’un manque de moyens et de volonté politique. J’ai pu constater que chaque établissement et chaque académie mettait en place des dispositifs différents en fonction des moyens à sa disposition, souvent insuffisants ou inexistants.

Nous pensons que nous pouvons mettre en place une stratégie nationale plus ambitieuse. C’est l’objet de cet amendement II‑AC86.

Il importe de rappeler que le code de l’éducation prévoit que tout élève bénéficie, dans le cadre de la scolarité obligatoire, d’une sensibilisation à la prévention des risques et aux missions des services de secours, ainsi que d’un apprentissage des gestes de premier secours.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Cet amendement II-AC177 vise également à donner davantage de moyens pour l’apprentissage des gestes de premiers secours. Nous savons qu’il y a quelques séances en classe de temps en temps, mais nous savons aussi que les gestes s’oublient et qu’il faut refaire régulièrement les formations. Nous avons besoin de formations, de matériel et d’une stratégie nationale qui commence par l’école.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous entendons vos préoccupations pour la formation de nos personnels et des élèves aux gestes de premiers secours. Nous savons aussi ce qui est fait sur les temps scolaire et périscolaire par les collectivités. Nous donnons un avis de sagesse sur les deux amendements.

La commission rejette l’amendement II-AC86 et adopte l’amendement II-AC177.

Amendements II-AC14 et II-AC15 de M. Roger Chudeau et II-AC164 de Mme Agnès Carel.

M. Roger Chudeau (RN). Nos amendements II-AC14 et II-AC15 proposent la création d’un programme consacré à l’éducation prioritaire. Avec Mme Carel, nous avons conduit une mission d’information sur ce sujet. Le rapport a été adopté par la commission. J’ai dit hier au ministre qu’il était très étonnant, presque incompréhensible, qu’il n’y ait pas de programme consacré à l’éducation prioritaire pour suivre cette politique publique prioritaire pour l’insertion de nos élèves, qui représente à peu près 8 milliards d’euros et qui concerne 20 % de nos élèves, et en assurer le contrôle parlementaire.

C’est pourquoi je demande la création d’un programme consacré à l’éducation prioritaire dans la mission Enseignement scolaire.

Mme Agnès Carel (HOR). Dans le rapport de la mission d’information sur l’éducation prioritaire, j’ai souhaité que le budget reflète cette politique publique. L’amendement II-AC164 que je vous soumets propose de créer un nouveau programme consacré à l’éducation prioritaire doté de 10 millions d’euros. Ce montant ne correspond pas au coût réel de cette politique mais répond aux contraintes de recevabilité financière. Il minore donc du même montant l’action 08 Logistique, système d’information, immobilier du programme 214 Soutien de la politique de l’Éducation nationale.

Il s’agit avant tout de traduire notre volonté de voir ce budget mis en avant, voire abondé s’il en était besoin, afin de mieux en discuter, de mieux l’évaluer et, à terme, de mieux le reconnaître. Cela renforcerait notre vision des moyens mobilisés pour cette politique.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Je comprends parfaitement cette demande et sa philosophie. Cependant, la création de ce programme pose un certain nombre de problèmes. D’une part, elle contribuerait à rigidifier la matrice budgétaire et à déresponsabiliser les responsables des autres programmes. Aujourd’hui, l’éducation prioritaire est transversale, on en trouve dans le premier degré public, dans le second degré public, ce qui en fait une politique globale du ministère et non une chasse gardée de tel ou tel service ou de tel responsable d’un programme identifié.

D’autre part, on ne rend pas davantage visible une politique publique, on ne l’évalue pas mieux quand on a un programme budgétaire. Nous n’avons pas besoin de programme pour avoir une vision consolidée des budgets consacrés à l’éducation prioritaire. Je crois qu’une demande de rapport sera présentée dans les amendements à suivre. Ce « jaune » budgétaire, pour lequel nous émettrons un avis de sagesse, voire un avis favorable, est davantage de nature à donner une vision consolidée des budgets de l’éducation prioritaire.

Je crains également que d’autres demandes de création de programmes soient formulées. Certains souhaitent par exemple disposer d’une vision plus complète de l’éducation rurale, d’autres de l’éducation sportive ou de l’école inclusive. Le danger est d’aboutir à une organisation en silos et de perdre progressivement la cohérence de l’ensemble.

Enfin, même si ces éléments ne doivent pas peser sur notre décision, j’ai échangé avec les services du ministère sur ce sujet qui m’ont dit que la création d’un tel programme serait extrêmement complexe en termes de « tuyauterie » budgétaire et pourrait compliquer les mouvements de personnels.

M. Roger Chudeau (RN). Ces arguments sont beaucoup trop faibles. Il ne s’agit pas de créer une chasse gardée, qui est une notion assez peu administrative ou politique. Ce que Mme Carel a dit dans le rapport et que j’ai approuvé, c’est que cette politique n’était ni pilotée, ni évaluée. Le directeur général de l’enseignement scolaire lui-même était très embarrassé quand nous lui avons demandé de chiffrer cette politique. Pourtant, 20 % des élèves relèvent de cette politique dans les quartiers prioritaires de la ville. Elle est centrale si nous voulons que l’Éducation nationale remplisse sa mission d’assimilation, d’intégration et de transmission des valeurs et des connaissances.

Je ne comprends pas pourquoi vous refusez de nous suivre, d’autant plus que cette mesure est à budget constant.

Mme Agnès Carel (HOR). L’idée n’est peut-être pas de rendre plus visible cette politique, puisque M. Marion conteste ce terme, mais de mettre en avant le budget réservé à l’éducation prioritaire, qui est très transversal. S’il est impossible de créer un programme, il faut que nous soyons en mesure d’extraire des données pour que nous soyons capables d’évaluer les moyens alloués aux différentes missions de l’éducation prioritaire.

J’ajoute que ma proposition permettait de mettre en avant ce qui constitue un bel effort du ministère.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Nous ne prendrons pas part au vote sur l’amendement de Mme Carel, que nous soutenons sur le fond.

Mme la Présidente Isabelle Rauch. Nous comprenons ces amendements mais je vous rappelle qu’il n’est pas toujours évident de mettre en œuvre les recommandations d’un rapport dès l’année suivant sa publication. J’aurais envie de les considérer comme des amendements d’appel, qui sont très importants pour identifier et rendre visibles ces politiques.

Les propos du rapporteur sont empreints de sagesse et nous continuerons à travailler pour que ces politiques soient le plus visible possible. M. le rapporteur, pouvez-vous rappeler votre avis ?

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. C’est un avis défavorable. Je serai, en revanche, favorable à l’amendement portant sur la création d’un « jaune » budgétaire.

La commission rejette successivement les amendements II-AC14, II-AC164 et IIAC15.

Amendements II-AC200 et II-AC149 de M. Jean-Claude Raux.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). L’origine territoriale est l’un des facteurs en matière d’inégalités scolaires. En effet, 24 % des élèves dans les espaces ruraux reculés ne poursuivent pas d’études, alors que la moyenne nationale est de 15 %. Ces amendements II-AC200 et II‑AC149 proposent d’augmenter la dotation dévolue aux territoires éducatifs ruraux respectivement pour le premier degré et pour le second degré. Si nous voulons lutter contre le déterminisme, il faut agir au plus tôt. Dès l’école maternelle, le champ des possibles prend forme et se rétracte. Il est donc urgent d’y consacrer les moyens nécessaires.

Pour accompagner les élèves et leur offrir les mêmes possibilités qu’ailleurs dans le second degré, le dispositif Territoires éducatifs ruraux (TER) souffre d’un manque de moyens spécifiques. Si on compare les sommes allouées aux Cités éducatives, on ne peut réfuter cette analyse. Une cité éducative perçoit environ un million d’euros alors qu’un territoire éducatif rural reçoit moins de 30 000 euros.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Les dotations aux territoires éducatifs ruraux vont doubler dans la loi de finances 2024 pour les programmes 140 et 141, de manière à prendre en compte le déploiement du dispositif à 185 territoires. Cela nous parait déjà une avancée très positive, pour un total en 2024 de 5,55 millions d’euros.

Nous donnons un avis défavorable.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). En soutien à l’amendement de mon collègue Raux, je rappelle que l’ambition scolaire des élèves en milieu rural est souvent oubliée. Dans toutes les études, nous constatons que, dès le plus jeune âge, les élèves en milieu rural ont des ambitions scolaires nettement moins élevées que les élèves en milieu urbain. En effet, dans un département comme le mien, un élève qui veut faire des études après le bac doit « s’expatrier ». Il est donc nécessaire de soutenir les territoires ruraux.

Je rappelle également que la dotation globale de fonctionnement (DGF) allouée aux communes rurales est inférieure de moitié à celle affectée aux communes urbaines. Un rural vaut donc moitié moins qu’un urbain. En votant cet amendement, vous pourriez montrer que ce n’est pas le cas.

La commission rejette successivement les amendements II-AC200 et II-AC149.

Amendements II-AC78, II-AC79, II-AC80, II-AC81, II-AC70, II-AC72 et II-AC71 de M. Paul Vannier.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Nous tenons à attirer votre attention sur le fait que de nombreuses collectivités territoriales sont exsangues, notamment en raison de l’augmentation du coût de l’énergie. Elles n’ont pas les moyens d’assumer cette hausse, sauf à faire des choix budgétaires drastiques, qui auraient un impact direct sur les populations. Quelle que soit leur taille, les collectivités territoriales sont en train de « racler les fonds de tiroirs » pour assumer leurs dépenses obligatoires. Les dépenses volontaires se sont depuis longtemps que des souvenirs.

Ces amendements ont pour objectif de faire prendre conscience à l’Assemblée nationale de ces difficultés et d’inciter ceux qui ont la main sur ces sujets à les intégrer dans le budget qui sera présenté par le Gouvernement, pour que les collectivités territoriales ne soient pas oubliées.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Nous connaissons la situation des collectivités territoriales ; je suis conseiller municipal de ma commune, Philippe Fait est conseiller départemental.

Je tiens néanmoins à nuancer les termes de « collectivités territoriales exsangues ». Depuis la crise sanitaire, ma commune a bénéficié d’énormément d’investissements et d’engagements de l’État et continue à investir. Je ne dis pas qu’elle n’est pas frappée par l’inflation, mais il me semble exagéré d’affirmer que toutes les collectivités territoriales françaises sont exsangues.

Plusieurs leviers ont été mobilisés pour soutenir les collectivités territoriales et je ne suis pas certain que ce soit le rôle du budget de l’Éducation nationale. Les petites collectivités, de moins de dix employés et qui disposent de moins de 2 millions d’euros de recettes, sont éligibles aux tarifs réglementés de vente d’électricité. Elles ont pu bénéficier du bouclier tarifaire qui a limité la hausse de leur facture d’électricité à 4 % en moyenne. Elles ont également bénéficié de la baisse de la taxe intérieure sur la consommation finale d’électricité (TICFE) et du filet de sécurité. Par ailleurs, l’ambition de l’État est que leurs bâtiments soient mieux isolés. Le Fonds vert a été largement mobilisé, notamment pour les écoles des collectivités territoriales qui se sont engagées à baisser leur facture énergétique.

L’État a répondu présent dans l’accompagnement des collectivités territoriales et je répète que n’est pas au budget de l’Éducation nationale de régler ces problèmes.

Avis défavorable

M. Léo Walter (LFI-NUPES). J’ai participé hier au Congrès des maires de mon département. Ils étaient unanimes pour dire que l’État les soutenait mais aussi qu’ils étaient « à l’os » sur un certain nombre de budgets, en particulier en raison de ce qu’ils appellent les injonctions contradictoires de l’État, par exemple sur le logement, les obligations légales de débroussaillement, la défense de la forêt contre les incendies. Ils sont dans l’incapacité totale de financer les investissements demandés par l’État.

Je vous invite à lire les communiqués de l’Association des maires de France et de l’Association des maires ruraux de France. Le terme « exsangue » ne vient pas de mon collège Arenas mais de ces associations d’élus.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Les exemples de soutien que vous avez cités, monsieur le rapporteur, portent sur les investissements. Or, dans une collectivité, les coûts de l’énergie sont des frais de fonctionnement. S’il est possible d’amortir sur le plan comptable les investissements, les frais de fonctionnement sont imputés sur l’exercice budgétaire en cours.

Une série de communes qui s’en sortent ne fait pas système. Les collectivités territoriales sont dans la même situation que leurs habitants, dont certains souscrivent des crédits pour payer leur loyer, en raison de la hausse des coûts de l’énergie.

Je vous invite à la prudence et à prendre en compte cette série d’amendements pour anticiper cette situation qui va fragiliser de nombreuses communes.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Le Fonds vert finance en effet des investissements mais je vous rappelle que j’ai également cité le filet de sécurité, l’amortisseur électrique ou encore les tarifs réglementés qui portent sur le fonctionnement.

La commission rejette successivement les amendements II-AC78, II-AC79, IIAC80, II-AC81, II-AC70, II-AC72 et II-AC71.

Amendements II-AC163 de Mme Céline Calvez, II-AC55 de M. Paul Vannier et IIAC130 de Mme Francesca Pasquini.

Mme Céline Calvez (RE). Cet amendement II-AC163 vise à créer une nouvelle ligne budgétaire spécifiquement dédiée à l’orientation.

Dans le cadre d’une politique d’émancipation et d’égalité des chances, nous avons mis en place de nombreuses actions au cours des dernières années : semaine de l’orientation au lycée, lancement de la plateforme Parcoursup, découverte des métiers dès la 5e, création des bureaux des entreprises, etc. Pourtant, leur application rencontre encore de nombreux obstacles, peut-être parce que nous n’avons pas clairement identifié dans le budget les dépenses liées à l’orientation des élèves.

Une partie de l’orientation est dévolue, depuis 2018, aux régions mais je pense que l’État doit investir. C’est la raison pour laquelle je propose ce fléchage.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Nous allons dans le même sens que notre collègue en proposant, par cet amendement II-AC55, la création d’un véritable service public de l’orientation. Le Gouvernement a présenté des propositions tournant autour du mentorat. Un article publié dans Le Monde le 15 juin 2021 souligne que certains professeurs peuvent être d’excellents mentors, mais aussi qu’ils n’ont ni le temps ni les moyens de remplir pleinement ce rôle et d’assurer un suivi individuel, les établissements ayant alors tout intérêt à miser sur des partenaires extérieurs.

Nous proposons au contraire de miser sur des partenaires internes et de recréer un véritable service d’orientation. Je travaillais avec un psychologue scolaire, qui disait toujours : « laissons-nous la possibilité d’être surpris ». Je vous propose d’aller dans le sens de cet optimisme en nous laissant la possibilité d’être surpris par votre soutien à cet amendement.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement II‑AC130 vise à créer un véritable service public de l’orientation. L’école est aujourd’hui pensée comme une passerelle figée vers le monde professionnel. Cela explique pourquoi l’orientation scolaire vise principalement les élèves en classes de 3e et de terminale, au lieu d’être étalée sur l’ensemble de la scolarité.

Cette vision étriquée fait abstraction des biais sociaux déjà incorporés dans l’esprit des élèves issus de milieux défavorisés. Ils réfléchissent à leur projet d’orientation bien plus tardivement que les enfants de cadres et sont moins encouragés à poursuivre des études.

Pour y remédier, nous proposons de changer de paradigme et de créer un véritable service public national de l’orientation qui accompagnerait les élèves dès le plus jeune âge, avec un suivi régulier jusqu’à la fin de l’enseignement obligatoire.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Plusieurs heures sont consacrées à l’orientation à partir du collège pour permettre un accompagnement dans le choix de la poursuite de scolarité, 12 heures en classe de 4e, 36 heures en 3e, 54 heures annuelles en lycée général et technologique et 265 heures sur trois ans dans la voie professionnelle sous statut scolaire.

Plusieurs mesures ont été prises récemment pour aller plus loin, notamment la mise en place des seconds professeurs principaux et des professeurs référents qui doivent assurer un suivi individualisé renforcé auprès d’un groupe d’élèves. Nous notons également la mise en place du dispositif de découverte des métiers au collège, un des piliers du parcours Avenir, qui a pour objectif de permettre aux élèves, de la 5e à la 3e, de mieux comprendre le fonctionnement du monde du travail.

J’entends que ces financements ne sont pas parfaitement identifiés ni sanctuarisés.

C’est pourquoi je suggère le retrait de ces amendements pour imaginer une meilleure rédaction, avec une meilleure appréciation des montants nécessaires, dont nous pourrions débattre en séance.

En absence de retrait, notre avis est défavorable.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Toutes les études de terrain montrent que les 54 heures annuelles en lycée sont utilisées pour finir les programmes.

Si le montant n’est pas bien évalué, je vous invite à sous-amender nos amendements pour l’évaluer plus correctement. Nous ne retirons donc pas nos amendements.

Mme Céline Calvez (RE). Je retire mon amendement II‑AC163 et j’invite mes collègues à travailler avec moi sur un amendement commun. S’il y a une question de sanctuarisation du financement, il y a aussi celle de la sanctuarisation du temps. M. Walter a pointé l’ineffectivité des 54 heures. Je pense que nous pouvons, d’ici la séance, harmoniser nos propositions pour sanctuariser le financement d’une politique d’orientation très avancée mais que nous devons encore conforter.

L’amendement II-AC163 est retiré.

La commission rejette successivement les amendements II-AC55 et II-AC130.

Amendement II-AC193 de Mme Céline Calvez.

Mme Céline Calvez (RE). Cet amendement vise à permettre la création d’une nouvelle ligne budgétaire spécifiquement consacrée au soutien des projets de coopération entre le monde enseignant et les associations pour que l’ensemble de la cité puisse participer au projet éducatif. Il en va aussi bien de la laïcité que du soutien scolaire.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Dans la logique de la position que j’ai tenue sur la création de nouvelles lignes ou de nouveaux programmes, et même si nous devons avoir conscience du rôle des associations, j’émets un avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-AC193.

Amendement II-AC19 de M. Roger Chudeau.

M. Roger Chudeau (RN). Par cet amendement, nous proposons de réduire le financement par le ministère de l’Éducation nationale des associations à caractère politique, qui ne respectent pas le principe de laïcité et de neutralité du service public de l’éducation.

Il n’est pas acceptable que l’État soutienne financièrement des associations qui, au nom de l’éducation à la citoyenneté et à l’esprit critique, mènent des activités de propagande politique et idéologique auprès des élèves, dont certaines ont été condamnées par la justice.

Parmi les associations bénéficiant de subventions figurent notamment SOS Racisme qui, sous couvert de lutter contre le racisme, prend régulièrement des positions politiques en appelant à faire barrage contre Marine Le Pen. En 2012, son président a été condamné par un tribunal au pénal pour diffamation. SOS Racisme a reçu en 2023 une subvention de 133 000 euros. Nous pouvons également citer le Mouvement français pour le Planning familial (MFPF), qui explique aux élèves que « le sexe est un construit social. Un pénis est un pénis, pas un organe sexuel mâle ». Le Planning familial a touché en 2022 une subvention de 30 000 euros. Enfin, la Ligue de l’enseignement a pour objectif de lutter contre la banalisation des thèses d’exclusion d’extrême droite. Elle touche 24 millions d’euros.

Nous proposons la suppression de ces subventions, pour reverser les montants ainsi économisés à la formation initiale des enseignants du premier degré.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Toutes les associations qui reçoivent des subventions publiques sont soumises au respect du contrat d’engagement républicain, comme le prévoit loi du 24 août 2021 confortant le respect des principes de la République.

Ce contrat impose le respect du caractère laïc et des principes de la République, notamment l’égalité femme-homme, la dignité humaine, la fraternité, etc. La loi prévoit déjà des modalités de contrôle et des sanctions : si les associations violent cette obligation, la subvention qu’elles ont perçue doit être remboursée.

En aucun cas une sanction financière telle que vous la souhaitez ne pourrait être décidée par un amendement de crédits en loi de finances, qui contreviendrait – entre autres – au principe élémentaire du respect du contradictoire.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-AC19.

Amendement II-AC74 de M. Paul Vannier.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Cet amendement a pour but de préserver la laïcité dans les établissements scolaires. Comme vous le savez, la laïcité protège les écoles publiques du prosélytisme religieux, politique, mais aussi commercial.

Or, des organisations patronales n’hésitent pas à pratiquer du lobbying en direction des élèves et des enseignants, parfois avec des « packs » éducatifs qui font de la promotion publicitaire.

Cet amendement a donc pour objectif de lutter contre le prosélytisme commercial dans les écoles laïques de la République.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. J’émets un avis défavorable. Je pense qu’il y a aussi une place pour des relations entre l’école et l’entreprise. Il ne doit pas y avoir de séparation étanche entre les deux. Il ne s’agit évidemment pas de faire financer les établissements scolaires par les entreprises, mais qu’ils puissent s’ouvrir au monde professionnel, ce qui peut contribuer à favoriser l’insertion sociale et professionnelle des jeunes.

Dès lors qu’il n’y a pas de contradiction avec la charte des valeurs républicaines que j’évoquais hier, je ne vois pas l’intérêt d’empêcher ces relations qui ne sont pas obligatoires mais à la discrétion des enseignants.

Ces partenariats sont conclus au même titre que les autres, ils n’ont d’autre but que de favoriser le lien école-entreprise pour une meilleure connaissance réciproque sans que ne soit remise en cause la compétence de l’Éducation nationale.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Notre propos n’est pas d’interdire les forums de formation. Certains parents d’élèves sont également régulièrement invités par les équipes pédagogiques à présenter leur métier et parmi eux figurent des chefs d’entreprises.

Notre amendement vise ceux qui interviennent en faisant du marketing auprès des enseignants et des élèves. Je tiens à votre disposition, M. le rapporteur, un certain nombre de documents qui ont été portés à notre connaissance par les fédérations de parents d’élèves. Certaines entreprises incitent les enseignants, les élèves et leurs parents à consommer leurs produits. C’est de ces pratiques dont nous voulons préserver l’école.

La commission rejette l’amendement II-AC74.

Amendements II-AC152 de M. Jean-Claude Raux, II-AC168 de M. Alexandre Portier, II-AC154 et II-AC151 de M. Jean-Claude Raux.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). La société aura besoin de nombreux professionnels du monde agricole dans les années à venir, alors que nous ne comptons actuellement qu’une seule installation d’agriculteur pour deux à trois départs.

Face à cet enjeu de renouvellement des générations, l’enseignement public agricole tient une place primordiale en offrant aux jeunes un accès à une formation fondamentale. Pourtant, des rapports mettent en lumière les difficultés financières des établissements agricoles et la baisse des effectifs. Le gouvernement projette 20 000 installations par an mais nous n’en sommes qu’à 14 000. Pour atteindre un tel objectif, il faut agir sur les lieux de formation, où tout se joue. Avec cet amendement II-AC152, ce sont 3 000 jeunes supplémentaires qui pourront être formés chaque année.

M. Alexandre Portier (LR). Cet amendement II-AC168 vise à rétablir un nombre d’emplois suffisant dans l’enseignement public agricole pour assurer la conformité avec les grilles horaires réglementaires et le nouveau programme du baccalauréat.

La récente réforme du lycée repose en partie sur la variété des enseignements pouvant être choisis par les élèves. Dans l’enseignement agricole public, la baisse continue des ETP, mais aussi des dotations depuis plusieurs années, ne permet pas d’assurer l’offre minimale de 30 000 heures d’enseignements facultatifs, ni d’une option par lycée mentionnée par les référentiels, y compris pour les matières les plus essentielles dans cette formation, comme les mathématiques ou l’agronomie.

L’enjeu du rétablissement de 46 ETP proposé par le présent amendement est donc de préparer les élèves de l’enseignement agricole public à la transformation de nos systèmes agricoles et alimentaires, en leur offrant des possibilités variées, celles que méritent tous les lycéens.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Le coût de la rémunération des assistants d’éducation de l’enseignement agricole n’est pas au niveau de celui de l’Éducation nationale. Des syndicats estiment l’écart à 580 euros par agent, soit un total de 700 000 euros. C’est aux établissements agricoles d’assurer la rémunération des agents sur leurs propres fonds ou de subir un sous-effectif. Cette carence met en péril l’accompagnement, l’encadrement et la sécurité des élèves. Cet amendement II‑AC154 vise à aligner les crédits de l’enseignement agricole sur ceux du ministère de l’Éducation nationale.

S’agissant de l’amendement II‑AC151, le Parlement se penchera bientôt sur la loi d’orientation agricole, autour de l’enjeu majeur que constitue le renouvellement des générations. Sont en jeu la souveraineté alimentaire et la sauvegarde de notre biodiversité pour une agriculture durable et soutenable.

Le Gouvernement annonce la plantation de 50 000 kilomètres de haies d’ici 2030. Nous souhaitons que les haies existantes soient mieux protégées, ce qui requiert des professionnels mieux formés. Si certains agriculteurs craignent que cette question freine les installations, nous pensons que l’augmentation du nombre de conseillers en chambres d’agriculture permettra de mieux conseiller les agriculteurs, et ce dès leur installation. Le budget prévoit 110 millions d’euros dès 2024 pour les haies et les paysages mais des moyens doivent également être alloués à la formation initiale. Or, il n’existe aujourd’hui aucune formation spécifique à l’agroforesterie, ce à quoi cet amendement souhaite remédier.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Les amendements II‑AC152 et II‑AC168 proposent d’augmenter les moyens de l’enseignement agricole. Nous sommes convaincus de l’importance de cet enseignement, qui fait partie intégrante du service public national d’éducation et de formation, et qui forme chaque année plus de 200 000 apprenants. Au-delà de la seule dimension « agricole », ces établissements forment à toute une palette de métiers, autour du vivant.

Cependant, un certain nombre d’avancées sont prévues par ce PLF, et les crédits destinés à l’enseignement agricole augmentent déjà de 6,39 %, soit plus fortement que ceux de l’enseignement public. Ces augmentations permettront de mettre en œuvre la réforme de la voie professionnelle dans les établissements concernés, mais aussi de financer deux dispositifs importants : le recrutement de 20 personnels destinés à renforcer les équipes médico‑sociales ainsi que la poursuite de la campagne de communication intitulée « L’aventure du vivant ».

L’amendement II‑AC154 a pour objet d’augmenter le budget de l’enseignement agricole pour mettre fin au différentiel de rémunération des assistants d’éducation entre les ministères de l’Agriculture et de l’Éducation nationale.

Les réponses que nous avons obtenues du ministère de l’Agriculture nous indiquent que la « budgétisation 2024 permet un taux de prise en charge par assistant d’éducation équivalent à celui du ministère de l’Éducation nationale afin de doter les établissements des moyens nécessaires à couvrir la dépense ».

En effet, le ministère chargé de l’agriculture applique les textes interministériels relatifs à la rémunération des assistants d’éducation. Celle-ci est déterminée par référence aux indices et valeur du point de la fonction publique. Le traitement minimum des assistants d’éducation recrutés en CDI est fixé par référence à l’indice brut 398.

En outre, la dotation du programme 143 prévoit d’augmenter la base de calcul de l’attribution budgétaire pour les assistants d’éducation de 39,5 ETPT en 2024 afin d’améliorer le taux d’encadrement.

Enfin, votre amendement II‑AC151 propose la création de brevets de technicien supérieur agricole (BTSA) en agroforesterie. La rénovation du BTSA spécialité « gestion forestière » englobe les notions de chantiers d’agroforesterie. Aussi, il n’y a pas lieu de créer des BTSA en agroforesterie.

Pour toutes ces raisons, nous émettons un avis défavorable pour l’ensemble de ces amendements.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Je souhaite revenir sur la nécessité de renforcer l’enseignement agricole. L’agriculture est l’une des principales activités émettrices de gaz à effet de serre. Par ailleurs, l’usage massif de pesticides menace la santé – surtout celle des agriculteurs qui souffrent de cancers très spécifiques comme l’a montré une étude de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) – mais aussi l’environnement. La baisse du nombre d’insectes est dramatique dans nos campagnes et induit une diminution du nombre d’oiseaux. C’est pourquoi nous avons absolument besoin d’une transition vers une agriculture écologique. La réduction des intrants nécessite une augmentation du nombre d’agriculteurs, qui doivent être formés. C’est la raison pour laquelle les amendements visant à augmenter les moyens de l’enseignement agricole vont dans le bon sens.

La commission rejette successivement les amendements II-AC152, II-AC168, IIAC154 et II-AC151.

Amendements II-AC47 de Mme Caroline Parmentier, II-AC161 de M. Julien Odoul, II-AC172 de M. Alexandre Portier, II-AC160 de M. Julien Odoul, II-AC48 de Mme Caroline Parmentier, II-AC16 de M. Roger Chudeau, II-AC159 de M. Julien Odoul, IIAC173 de M. Alexandre Portier et II-AC46 de Mme Caroline Parmentier.

Mme Bénédicte Auzanot (RN). Je défends les amendements II‑AC47 et II‑AC48. Le 5 septembre dernier, le ministre de l’Éducation nationale et de la jeunesse, M. Gabriel Attal, déclarait à propos de l’uniforme : « il faut passer par des expérimentations [...]. À l’automne, je présenterai des modalités et un calendrier d’expérimentation dans un certain nombre d’établissements ».

Le présent amendement propose de traduire dans les faits les propos du ministre en créant un nouveau programme intitulé « Expérimentation du port de l’uniforme à l’école publique (premier et second degrés) » et en procédant à l’expérimentation au sein de plusieurs établissements.

Le port de l’uniforme est de nature à rappeler que l’école est un lieu consacré à l’apprentissage. Il est propre à valoriser l’image de l’établissement auprès de l’élève et à lui donner un sentiment d’appartenance à un ensemble qui le dépasse et aille au-delà de ses seuls déterminismes sociaux et culturels.

Cette expérimentation semble d’autant plus nécessaire aujourd’hui, qu’un nombre croissant d’établissements subit une offensive culturelle par le port de tenues à caractère confessionnel. Ce prosélytisme n’a pas et n’aura jamais sa place à l’école.

Aussi, convient-il de créer le programme précité et de le doter de 15 millions d’euros. Ce montant, supportable pour nos finances publiques, assurerait un budget suffisant pour mener à bien cette expérimentation, sans que cela ait un coût pour les familles des élèves concernés.

M. Alexandre Portier (LR). L’objet des amendements II‑AC172 et II‑AC173 est de créer deux nouvelles lignes budgétaires afin que l’État prenne en charge le financement des uniformes des élèves au sein des établissements publics du premier et du second degré.

L’uniforme présente de nombreux avantages. Le premier est socio-économique, en réduisant les inégalités entre les élèves et en les obligeant à porter les mêmes vêtements, indépendamment de leur situation financière. Il les soustrait également à la pression exercée par les marques et les tendances de la mode. Enfin, il favorise un sentiment d’appartenance à une communauté scolaire et permet aux élèves de se sentir davantage liés à leur école et à leurs camarades de classe, ce qui réduit les risques de harcèlement scolaire.

En éliminant les distractions liées à la mode, les élèves peuvent se concentrer davantage sur leur travail scolaire et sur l’apprentissage en classe. Cela peut améliorer les performances académiques.

Il s’agit de donner au ministre les moyens de mener à bien les expérimentations qu’il souhaite engager.

M. Roger Chudeau (RN). Je défends les amendements II­‑AC161, II­‑AC160, II‑AC16, II­‑AC159 et II­‑AC46 sur le port de l’uniforme. L’année dernière, nous avions défendu une proposition de loi sur ce sujet. Nous pensons qu’il a une valeur symbolique, qui ne doit pas être sous-estimée, parce qu’il fait d’un enfant issu de son milieu un élève de l’école de la République, c’est-à-dire un futur citoyen français. Il a également une portée pratique parce qu’il permet de gommer une grande partie des marqueurs sociaux vestimentaires, et résout la question des marqueurs religieux que sont les abayas et les qamis.

Nous estimons que l’expérimentation a déjà eu lieu dans certains départements et territoires d’outre-mer et qu’il serait parfaitement loisible au ministère de passer directement à la décision de généraliser la mesure. Aucun établissement ayant testé l’uniforme n’envisage de revenir en arrière.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Le ministre a en effet annoncé sa volonté de mettre en place une expérimentation sur la tenue scolaire. Je ne connais pas la teneur de cette expérimentation et des annonces sont prévues cet automne. Par conséquent, il me paraît prématuré de prévoir un budget.

J’observe que la position de M. Chudeau varie au cours du temps. L’année dernière, à la même époque, vous proposiez d’inscrire un budget pour financer l’uniforme, alors qu’à l’occasion de la proposition de loi que vous défendiez en janvier dernier, vous indiquiez qu’il n’était pas nécessaire de prévoir un budget, l’uniforme devant être à la charge des familles.

Aujourd’hui, si les familles doivent acheter une tenue scolaire, elles disposent de l’allocation de rentrée scolaire qui ne relève pas du budget de l’Éducation nationale. Les fonds sociaux peuvent également être mobilisés et nous avons vu hier qu’ils étaient largement sous‑consommés.

Si cette tenue scolaire est mise en place, nous aurons un débat sur les modalités de financement, mais il est aujourd’hui prématuré.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). J’ai l’impression que ces amendements sont satisfaits puisque la loi autorise déjà les écoles et les collectivités territoriales à imposer des uniformes. C’est par exemple le cas de Troyes, qui est revenu en arrière.

J’ai lu attentivement les objectifs fixés par ces différents amendements. Je vous invite, monsieur Chudeau, à vous intéresser aux pays qui ont mis en place l’uniforme. Vous constaterez qu’aucun des objectifs que vous fixez n’est satisfait. L’uniforme ne permet pas de lutter contre la pauvreté ni contre l’homogénéisation de la pensée, les violences ou le harcèlement.

Si vous vous intéressiez vraiment à ce que vous défendez, vous auriez voté tous les amendements sur la gratuité de l’enseignement public que nous avons proposés.

M. Roger Chudeau (RN). Il n’est pas prématuré de prévoir un budget puisque le Gouvernement a annoncé qu’il y aurait une expérimentation.

Je note par ailleurs que vous reprenez mes propres arguments, en affirmant que l’uniforme devrait être gratuit, alors qu’il y a un an vous les combattiez en disant que ce ne pouvait pas être gratuit. On s’y perd aussi de votre côté.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. J’essaie de vous suivre !

M. Roger Chudeau (RN). Nous n’avons jamais considéré que l’uniforme luttait contre la pauvreté cher collègue Arenas, il efface les marqueurs sociaux qui créent des tensions entre les élèves.

M. Quentin Bataillon (RE). Le groupe Renaissance salue l’initiative du ministre de lancer cette expérimentation même s’il est évident que l’uniforme ne sera pas une solution magique pour résoudre tous les problèmes de l’école.

Il est important que les établissements qui feront ce choix à travers leur règlement intérieur soient accompagnés, pour identifier les bonnes et les mauvaises pratiques, comme pour financer le dispositif.

Sur ce point, le ministre a été très clair : c’est le fonds d’innovation pédagogique qui interviendra.

La commission rejette successivement les amendements II-AC47, II-AC161, IIAC172, II-AC160, II-AC48, II-AC16, II-AC159, II-AC173 et II-AC46.

Amendements II-AC150 de M. Jean-Claude Raux et II-AC140 de Mme Francesca Pasquini.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Connaître son environnement, comprendre le fonctionnement des écosystèmes, accéder à la nature régulièrement sont autant d’éléments à mettre en place dès le plus jeune âge et tout au long de la scolarité.

Avec cet amendement II-AC150, nous voulons ouvrir les écoles sur la biodiversité en impliquant les élèves, une demi-journée par semaine ou deux jours par mois, de l’école au lycée, comme partie prenante de l’environnement qui les entoure.

Ces sorties pourront se faire en lien avec les collectivités territoriales et le tissu associatif, créant ainsi de nouveaux ponts entre l’école et les acteurs locaux.

Notre modèle scolaire est encore trop modeste sur l’ouverture des écoles vers l’extérieur. Il se réduit trop souvent à des cours dans une salle de classe.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Malgré les efforts des collectivités territoriales, de nombreux enfants de milieux populaires n’ont jamais pu faire l’expérience des voyages scolaires. Le rapport Delahaye sur la grande pauvreté a montré que ces élèves étaient exclus des séjours, faute de pouvoir financer le reste à charge avec les fonds sociaux. Or, les voyages scolaires représentent une opportunité unique de renforcer la cohésion des classes, de découvrir de nouveaux territoires, en France ou à l’étranger, et de pratiquer les langues vivantes.

Les écologistes proposent donc, par cet amendement II-AC140, de mettre en place un plan ambitieux pour que chaque élève puisse partir, à chaque stade de sa scolarité, dans le primaire, au collège et au lycée.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. J’observe que de nombreuses collectivités organisent des sorties scolaires et je rappelle que le fonds d’innovation pédagogique permet de financer une partie de ces sorties.

Sur les voyages scolaires, il existe de nombreux dispositifs de soutien, au niveau national avec les fonds sociaux, qui sont sous-consommés, mais également au niveau local voire au sein des établissements, avec un système de solidarité.

Si beaucoup d’enfants ne partent pas, ce n’est pas tant parce qu’ils n’en ont pas les moyens, que parce que de moins en moins de voyages scolaires sont organisés.

De nombreuses mesures sont prises pour favoriser l’organisation des voyages scolaires et pour inciter les écoles et les établissements scolaires à organiser ces séjours.

Enfin, je rappelle que nous avons mis en place les « Vacances apprenantes » qui répondent en partie à votre demande.

Avis défavorable sur ces deux amendements.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je soutiens l’amendement de ma collègue. Je vous renvoie à ma déclaration lors de la semaine de contrôle le 5 avril dernier sur le salaire des enseignants. La préparation d’une classe découverte représente un lourd travail pour les enseignants, qui doivent, en outre, chercher des financements. Je m’inscris en faux par rapport aux propos qui viennent d’être tenus et qui affirment qu’ils sont soutenus.

Je rappelle également que le ministre Pap Ndiaye avait affirmé à la tribune que les classes découvertes feraient partie des missions couvertes par le Pacte enseignant. Or, il n’en est rien et nous devons soutenir autrement les enseignants qui les préparent.

M. Philippe Emmanuel (RE). J’étais il y a quelques semaines encore maire de ma commune et membre du conseil d’administration du collège. Dans le premier degré, la commune soutient les voyages avec des subventions ou via le centre d’action sociale. Nous n’avons jamais laissé un seul élève sur le bord de la route. Le collège organise également des voyages et bénéficie de fonds dédiés. Il existe donc déjà des dispositifs de soutien à ces activités.

M. Alexandre Portier (LR). Je partage votre position sur l’importance des classes de découvertes. C’est un sujet qui peut nous rassembler, quelle que soit la zone géographique d’où nous venons. Il y a des gamins qui ne sortiront jamais de leur village s’ils n’ont pas de classes découvertes qui les emmènent à Paris ou dans les grandes villes. C’est un sujet qui est fondamental et je voterai bien volontiers cet amendement.

La commission rejette successivement les amendements II-AC150 et II-AC140.

Amendement II-AC135 de Mme Francesca Pasquini.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). L’école joue un rôle considérable pour orienter les comportements de consommation et pour transmettre des habitudes alimentaires saines chez les enfants. Or, si l’éducation à l’alimentation est inscrite dans le code de l’éducation, les enseignants peinent à trouver le temps et la façon adéquate de la mettre en place. Ne disposant pas d’heures consacrées à cet enseignement, les enseignants du secondaire, en particulier de sciences de la vie et de la terre (SVT), s’en tiennent souvent à la pyramide alimentaire. Pour y remédier, nous proposons de créer un fonds qui permettra à tous les établissements de mettre en place des projets d’éducation à l’alimentation.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Je vous renvoie vers le fonds d’innovation pédagogique, qui peut être activé pour ce genre de projet, et vers les collectivités locales. J’ajoute que si vous avez été maire, vous connaissez l’effort des communes pour les sorties scolaires, les voyages scolaires ou les projets à caractère éducatif et pédagogique.

Avis défavorable.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je m’associe aux salutations aux maires qui ont les moyens de soutenir ces initiatives. Comme il ne faut pas parler de son expérience personnelle, je vais citer l’exemple d’un ami, professeur des écoles à Entrevennes, commune de 160 habitants, qui a organisé dans son école en classe unique cinq classes découvertes cinq années consécutives : deux classes de neige, un voyage à Porquerolles, un à Paris et un autre à Venise. Pensez-vous sincèrement que cette commune a pu financer ces cinq voyages ? À une époque, il suffisait de remplir un dossier de sortie scolaire avec nuitées pour obtenir un financement de l’Éducation nationale. Ce mécanisme a complètement disparu et c’est aux enseignants de trouver des financements.

La commission rejette l’amendement II-AC135.

Amendements II-AC13 de M. Roger Chudeau, II-AC169 de M. Alexandre Portier, IIAC63 de M. Paul Vannier, II-AC171 de M. Alexandre Portier, II-AC116 de Mme Lisette Pollet, II-AC122 de Mme Fatiha Keloua Hachi et II-AC105 de Mme Sophie Blanc.

M. Roger Chudeau (RN). Depuis des décennies, les gouvernements successifs affichent leur volonté de donner la priorité aux « fondamentaux ». Le Gouvernement actuel ne déroge pas à la règle, M. Gabriel Attal est le quinzième ministre à assurer que c’est prioritaire.

Or, l’enseignement secondaire public continue de bénéficier de dotations très supérieures à celles de l’enseignement primaire public. Cette distorsion dans l’allocation des moyens est d’ailleurs une spécificité française. Dans son rapport de 2015 sur le coût du lycée, la Cour des comptes a montré deux choses : non seulement le lycée coûte plus cher en France que dans les autres pays de l’OCDE – l’écart est estimé à 38 % – mais la différence de coût entre lycéens et élèves de l’école primaire est nettement plus prononcée en France. Le coût d’un élève du premier degré en 2020 était de 6 980 euros, alors qu’un élève du second degré coûte 9 850 euros.

Par cet amendement II‑AC13, il s’agit de remédier à ce déséquilibre et de donner à l’enseignement élémentaire les moyens d’atteindre les objectifs que lui fixe la nation.

M. Alexandre Portier (LR). Cet amendement II-AC169 vise à mettre en place un service public de soutien scolaire afin de donner à tous les élèves, sur tout le territoire, les moyens de leur réussite. Il serait organisé par le ministère de l’Éducation nationale, de manière à élargir son accès à tous les niveaux et à ne pas le laisser aux mains d’associations parfois douteuses ou au bon vouloir de communes aux moyens très variables.

M. Idir Boumertit (LFI-NUPES). Pour le soutien scolaire, nous avons besoin d’un réel service public assuré par un personnel dédié et non par des professeurs effectuant des heures de travail supplémentaires dans le cadre du Pacte. Le système actuel creuse les inégalités entre les élèves issus de familles précaires et les autres.

L’argument principal des entreprises privées de soutien scolaire est celui de la déduction d’impôt sur le coût des heures d’enseignement, présenté comme un « avantage fiscal ».

Pourtant, les exemples des entreprises MyMentor, Acadomia ou Complétude, entre autres, témoignent de pratiques fortement contestables. En 2010, la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil) a révélé une violation dans le traitement des données par un fichage numérique regroupant les informations personnelles des enseignants, parents et élèves au sein d’Acadomia. Le fichier contenait des détails sur l’état de santé des personnes, la vie privée et familiale voire des insultes et qualifications dégradantes. En 2020, la même entreprise a été accusée de fraude de la part des enseignants, pour les avoir déclarés au chômage partiel alors qu’ils travaillaient à temps plein.

Par cet amendement II-AC63, nous demandons que les crédits correspondant à l’abattement fiscal dont bénéficient ces entreprises soient destinés à un service public de soutien scolaire, afin de garantir le traitement égal des élèves et de mettre fin au financement des entreprises privées de soutien scolaire.

M. Alexandre Portier (LR). Cet amendement II-AC171 a pour objectif de créer une réserve éducative afin de proposer un service public d’aide aux devoirs favorisant la réussite des élèves sur tout le territoire de la République.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement d’appel II-AC122 vise à souligner la baisse du taux de réussite au diplôme national du brevet (DNB) entre 2021 et 2022, et l’augmentation de l’écart de réussite entre les collèges REP et les collèges hors réseau d’éducation prioritaire.

Nous aimerions connaître les raisons de cette baisse et les mesures envisagées pour améliorer la réussite au DNB dans les collèges de REP.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous partageons l’ambition de la réussite des élèves et de la bonne acquisition des savoirs fondamentaux mais l’augmentation des crédits que vous proposez ne nous semble par pertinente, dès lors que les crédits de l’action 2 du programme 140 augmentent déjà de plus de 4,5 %.

Je rappelle que le taux d’encadrement est passé 23,2 à la rentrée 2017 à 21,4 à la rentrée 2023, ce qui représente une amélioration considérable. Des moyens importants sont consacrés à l’acquisition des savoirs fondamentaux, notamment via des dédoublements de classes ou à travers les grands plans mathématiques et français pour les enseignants du premier degré. Enfin, les activités complémentaires aux enseignements sont recentrées sur des activités de lecture et de compréhension.

Il existe un grand nombre de dispositifs de soutien scolaire, tels que l’heure de consolidation en mathématiques ou en français au collège, la généralisation du dispositif des « devoirs faits » en 6e – qui, depuis la rentrée 2019, a été étendu à tous les élèves des écoles primaires dans les départements ultramarins – les vacances apprenantes ou encore les stages de réussite. Le soutien scolaire est donc bien assuré.

Avis défavorable.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Je n’ai pas compris la réponse du rapporteur. À la page 86 du « bleu » budgétaire, sont rapportés des écarts sur le taux de réussite au DNB entre les REP et les autres zones. L’écart était de 6,7 en 2021 et de 7,4 en 2022. Pourquoi cet écart s’est-il creusé alors que vous faites des efforts sur les REP ?

M. Roger Chudeau (RN). Monsieur le rapporteur, je pense que vous n’avez pas répondu à mon amendement II‑AC13. Je demande le rééquilibrage des moyens en transférant 3 milliards d’euros du secondaire vers le primaire. La Finlande investit la même somme pour un élève du primaire et du secondaire et elle est en tête du classement du programme international pour le suivi des acquis des élèves (Pisa).

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Il me semble très problématique de transférer des crédits du second vers le premier degré, au regard des efforts consentis pour l’acquisition des savoirs fondamentaux dans le premier degré.

Quant aux taux de réussite au DNB, c’est au ministère que Mme la députée doit demander des précisions.

S’agissant des moyens pris pour y remédier, nous pouvons rappeler que le renforcement du dispositif « devoirs faits » rendu obligatoire en 6e dès la rentrée 2023 ainsi que la mise en place d’une heure de consolidation ou d’approfondissement en français et en mathématiques devraient permettre une amélioration des résultats des élèves. Laissons les dispositifs produire leurs effets !

La commission rejette les amendements II-AC13, II-AC169, II-AC63, II-AC171, IIAC116, II-AC122 et II-AC105.

Suivant l’avis du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement IIAC117 de Mme Lisette Pollet.

Amendement II-AC18 de M. Roger Chudeau.

M. Roger Chudeau (RN). Parmi les objectifs attachés au programme 214, il y a l’optimisation des moyens des fonctions support. Le projet annuel de performances précise que « l’amélioration de l’efficience concernant la gestion des moyens, tout en veillant au maintien de la qualité du service, constitue un enjeu stratégique pour le programme ».

Les services déconcentrés de l’Éducation nationale se structurent, depuis 2020, en 18 régions académiques et en 30 académies, à la suite de la mise en œuvre du nouveau cadre régional créé par la loi du 7 août 2015 portant nouvelle organisation territoriale de la République (NOTRe).

La mission conduite par M. François Weil en 2018, sur la réorganisation territoriale des services déconcentrés des ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation, à la demande de M. Jean-Michel Blanquer, préconisait de faire correspondre la carte des académies avec celle des régions métropolitaines.

Nous proposons, par cet amendement, de réduire à 13 le nombre d’académies et de recteurs d’académie, afin qu’il soit en cohérence avec les 13 régions métropolitaines.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Votre amendement propose de réduire le nombre d’académies pour l’aligner sur le nombre des régions. Nous y sommes défavorables : cela ne peut évidemment pas passer par un amendement de crédits au PLF et nécessite une étude d’impact et un débat approfondi.

La commission rejette l'amendement II-AC18.

Amendement II-AC17 de M. Roger Chudeau.

M. Roger Chudeau (RN). Les objectifs et les enjeux de l’action éducatrice de l’État en outre-mer sont évidemment les mêmes que sur le territoire métropolitain. Néanmoins, on constate, dans les départements d’outre-mer, un décrochage très significatif en matière d’apprentissage.

Cette situation témoigne des décennies d’indifférence et d’abandon vis-à-vis de l’avenir des Français d’outre-mer et de leurs territoires. Il est urgent de rétablir l’efficacité de l’action publique dans le domaine éducatif afin d’affirmer un égal accès à l’instruction publique pour tous les citoyens français.

Le but de cet amendement est de doter les départements d’outre-mer où la situation de l’action éducatrice de l’État est la plus dégradée, à savoir la Guyane et Mayotte, d’un plan spécifique de rattrapage éducatif doté d’un budget opérationnel de programme dans le budget de la mission Enseignement scolaire, et piloté par une structure ad hoc au sein du ministère de l’Éducation nationale.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. J’ai déjà donné mon sentiment sur la création de nouveaux programmes. Les académies d’outre-mer sont dans des situations spécifiques et difficiles mais je souhaite qu’elles restent pleinement intégrées aux politiques publiques relatives aux premier et second degrés, au sein des programmes concernés, plutôt que d’être isolées dans un programme à part.

Par ailleurs, de nombreuses mesures sont déjà prises pour ces territoires, qui suivent les trois axes que vous mentionnez. Des modalités spécifiques de recrutement existent à Mayotte et en Guyane, pour inciter les enseignants à aller y enseigner, avec un système de pré-recrutement et de bonification. S’agissant de la langue et des savoirs fondamentaux, un plan pour la lecture a été engagé en 2021 à Mayotte, qui a permis la formation de tous les enseignants de CP et qui commence déjà à porter ses fruits sur les résultats des élèves. Depuis la rentrée scolaire 2019, le dispositif « devoirs faits » a été étendu à tous les élèves de l’école primaire dans les départements ultramarins. Les élèves volontaires bénéficient ainsi d’une aide au travail personnel, après la classe. S’agissant des constructions, je vous rappelle que dans les territoires d’outre-mer, c’est l’État qui a la charge des investissements immobiliers scolaires du second degré et que de nombreux projets de construction ou de rénovation sont en cours.

Par ailleurs, les territoires d’outre-mer sont aussi éligibles aux dispositifs tels que les réseaux d’éducation prioritaire, qu’ils utilisent massivement. Ainsi, la Guyane est intégralement classée en REP + depuis 2016. Mayotte est classée en REP depuis 2018, et la moitié des élèves sont scolarisés en REP +. En Martinique et à La Réunion, un tiers des enfants scolarisés dans le primaire et au collège est en éducation prioritaire.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-AC17.

Amendements II-AC67 de M. Léo Walter et II-AC134 de Mme Francesca Pasquini.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). En introduction, je tiens à rassurer M. Chudeau, qui considère que la Ligue de l’enseignement est un danger pour la République. Cette association est l’un des principaux organisateurs des classes découverte.

Le but n’est pas de déclencher une nouvelle panique réactionnaire mais de permettre à l’État d’assurer l’une de ses missions obligatoires qui n’est pas remplie : l’éducation à la sexualité et aux relations affectives trois heures par an.

J’ai assisté la semaine dernière à une semaine de prévention dans mon département qui s’intitulait « Pour en finir avec l’inceste », à laquelle participait la Commission indépendante sur l’inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise). L’une des principales causes de la vulnérabilité des enfants face aux situations incestueuses vient du manque d’informations. Il est absolument nécessaire de soutenir ce programme et je vous remercie de voter cet amendement II-AC67.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement II-AC134 vise à financer une campagne de communication massive autour de l’éducation à la sexualité. En vigueur depuis 2001, l’obligation de dispenser au moins trois séances annuelles d’éducation à la sexualité aux élèves n’est pas respectée.

La situation est telle qu’en mars 2023, le Planning familial, Sidaction et SOS homophobie ont saisi le tribunal administratif de Paris pour demander l’application de la loi. Ce manque d’application montre que l’éducation à la sexualité doit être urgemment renforcée, par tous les moyens.

Les écologistes proposent de financer une campagne de communication massive autour de l’éducation à la sexualité et à la vie affective qui couvrirait des thématiques comme le respect du corps et du consentement, la prévention des infections sexuellement transmissibles (IST), les violences sexistes et sexuelles, la contraception ou encore les discriminations LGBTIphobes.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. La question de l’éducation à la sexualité est une question importante, qui correspond à des prescriptions anciennes, mais dont la mise en œuvre est inégale sur le terrain parce que les sujets sont sensibles.

Depuis 2001, elle est obligatoire dans les écoles, collèges et lycées. À ce titre, le ministère a développé des fiches, des vade-mecum pour accompagner les équipes pédagogiques dans la mise en œuvre de cet enseignement essentiel pour la santé, l’égalité fille garçons, etc.

À ce stade, il nous paraît nécessaire de garantir la bonne application des dispositifs existants sur le terrain, et de manière homogène, notamment en accompagnant mieux les enseignants dans la préparation de leurs séquences pédagogiques, avant de financer l’intervention d’organismes extérieurs à l’école.

Avis défavorable.

M. Hendrik Davi (LFI-NUPES). Je viens en défense de ces amendements et je regrette votre avis défavorable. Le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a rendu récemment un rapport sur la porno-criminalité. Il a pointé les effets négatifs sur l’imaginaire d’une partie des jeunes d’une partie de la production pornographique qui valorise des comportements sexistes, voire le racisme. Nous avons examiné ici même le projet de loi visant à sécuriser et réguler l’espace numérique qui visait à interdire le visionnage de la pornographie par les mineurs. Notre groupe a souligné l’importance de renforcer le volet éducatif et de ne pas s’en tenir au volet répressif.

La notion de consentement et d’intimité peut se comprendre dès le plus jeune âge. Cette éducation permet de lutter contre l’inceste mais aussi contre les différents types de harcèlement moral, qui sont souvent sexistes et homophobes.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Le ministre de l’Éducation nationale a saisi le Conseil supérieur des programmes pour qu’il propose un programme précis sur l’éducation à la sexualité. Nous ne nous contenterons pas de fiches et de vade-mecum. Nous attendons un vrai programme avec trois heures annuelles. Or, j’ai cru comprendre que les moyens resteraient constants. Je crois qu’il faut un budget supplémentaire pour déployer ce programme dans tous les établissements de façon pérenne.

La commission rejette successivement les amendements II-AC67 et II-AC134.

Amendement II-AC21 de M. Roger Chudeau.

M. Roger Chudeau (RN). Créées en 1998, les classes relais sont un dispositif ayant pour but d’accueillir des élèves sous obligation scolaire qui sont en rupture avec l’institution scolaire. Grâce à des effectifs réduits, des équipes d’enseignants spécifiquement formés et des activités pédagogiques adaptées, ces classes jouent un rôle déterminant dans la lutte contre le décrochage scolaire et la marginalisation sociale.

On dénombrait en 2020-2021, 404 dispositifs relais : 265 classes relais, 131 ateliers et 8 internats tremplins.

Comme le montre le rapport n° 885 du Sénat, Prévenir la délinquance des mineurs - Éviter la récidive, de juin 2022, le nombre d’élèves accueillis en classes relais a baissé de 32 % entre 2017 et 2021 suite à la fermeture par le ministère plusieurs de ces classes, leur nombre passant de 9 400 classes en 2017-2018 à 7 643 en 2020-2021.

Le but de cet amendement est d’augmenter le nombre de classes relais en transférant des crédits d’une action sur l’autre.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Les dispositifs relais sont effectivement des dispositifs importants, qui font l’objet de 5,7 millions d’euros de crédits pédagogiques dans le PLF 2024, un montant stable par rapport à l’année dernière.

Ce montant ne recouvre que les crédits alloués aux dispositifs relais et ne reflète donc pas la totalité des financements liés aux besoins éducatifs particuliers.

Il ne nous semble pas nécessaire d’abonder les moyens qui y sont consacrés, d’autant plus que l’objectif de l’ensemble des autres dispositifs, notamment de lutte contre le décrochage scolaire, est justement d’éviter d’arriver à l’inscription des élèves dans un dispositif relais.

En effet, ces dispositifs s’adressent plus particulièrement aux élèves du second degré encore sous obligation scolaire mais rejetant l’institution scolaire et les apprentissages, et qui ont déjà bénéficié de toutes les mesures d’aide et de soutien existant au préalable. La diminution de leur nombre peut donc apparaître comme le signe de la réussite des dispositifs qui les ont précédés dans le temps.

Avis défavorable.

M. Roger Chudeau (RN). Qui peut croire que le nombre d’élèves en rupture scolaire a diminué ? Il y a un grave problème que le Gouvernement ne veut manifestement pas voir.

La commission rejette l’amendement II-AC21.

Amendements II-AC175 de M. Alexandre Portier, II-AC190 de M. Erwan Balanant et II-AC138 de Mme Francesca Pasquini.

M. Alexandre Portier (LR). En politique, il y a les mots et les actes. En cette rentrée, la lutte contre le harcèlement a été présentée par le Gouvernement comme une grande cause mais elle ne bénéficie pas d’une enveloppe budgétaire dédiée dans le PLF 2024. Le Gouvernement essaie de faire passer la revalorisation des personnels de santé et sociaux comme étant suffisante pour lutter contre le harcèlement scolaire, ce que personne ne peut croire.

Le but cet amendement II-AC175 est de faire tenir au Gouvernement sa promesse de faire du harcèlement scolaire une véritable priorité en lui affectant 3 millions d’euros dès le PLF 2024.

M. Erwan Balanant (Dem). La lutte contre le harcèlement scolaire est une grande cause de long terme. Pour commencer ce combat, nous avons besoin de chiffres précis.

C’est pourquoi cet amendement II-AC190 propose la réalisation, pour 3 millions d’euros, d’une grande étude de victimation pour affiner le combat, connaître les chiffres exacts et les différentes typologies de harcèlement scolaire. Elle permettra également de mettre en place les protocoles adaptés. Enfin, nous réclamons la mise en place d’un baromètre annuel.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Cet amendement II-AC138 vise à augmenter les crédits alloués au financement d’activités périscolaires, notamment dans le cadre la lutte contre le harcèlement scolaire.

Le harcèlement scolaire persiste en France, affectant 10 % des élèves au collège. Les drames successifs d’enfants harcelés qui se donnent la mort ne cessent de nous rappeler à quel point il est urgent de lutter contre ce fléau.

Les tentatives de sensibilisation isolées se sont avérées insuffisantes, d’où l’importance de combiner sensibilisation et mesures concrètes sur le terrain.

La mise en place de boîtes aux lettres de signalements anonymes, comme les boîtes aux lettres « Papillons » qui permettent aux élèves de faire part de leur mal-être est une solution ayant fait ses preuves.

Les écologistes appellent le ministère de l’Éducation nationale à changer d’approche sur le harcèlement scolaire. Nous demandons le financement d’actions complémentaires contre le harcèlement au travers des activités périscolaires

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. L’amendement défendu par M. Portier a pour objet de créer un nouveau programme « lutte contre le harcèlement ». Nous pensons que la lutte contre le harcèlement a toute sa place au sein des autres programmes : enseignement du premier degré, du second degré, enseignement privé, agricole, vie scolaire, etc.

Il n’y a certes pas d’enveloppe spécifique, mais indéniablement des moyens sont alloués par le PLF à la lutte contre le harcèlement, au-delà de la seule revalorisation des personnels de médecine scolaire : prolongation du dispositif pHARe ; mesures liées à l'amélioration de la santé mentale des élèves ; formation des enseignants. D’autres mesures sont annoncées et seront financées, notamment la sensibilisation des parents, la réalisation de questionnaires annuels pour les élèves à partir de la classe de CE2, l’organisation de cours d’empathie dès la maternelle ou encore l’affectation de jeunes en service civique, en charge du harcèlement.

Nous émettons donc un avis défavorable.

Pour l’amendement II‑AC190, nous émettons un avis de sagesse, en écho au rapport que nous produirons prochainement avec mon collègue Christophe Marion.

Enfin, sur l’amendement II‑AC138, la lutte contre le harcèlement est évidemment un enjeu essentiel et plusieurs activités peuvent y contribuer, notamment l’activité physique que nous avons étudiée dans notre rapport.

La Première ministre a annoncé un plan interministériel d’ampleur, qui inclut la mise en œuvre de cours d’empathie que vous évoquez. Ceux-ci seront déployés sans que l’abondement de crédits que vous proposez ne soit nécessaire.

Nous avons travaillé sur ce sujet dans le cadre de la partie thématique de notre rapport, et nous avons d’ailleurs pu évoquer différents dispositifs qui pourraient rentrer dans le cadre de ces cours d’empathie, en réalité un terme un peu générique, et sont intéressants : des ateliers de philosophie, dès la grande section de maternelle, ou encore des ateliers de yoga.

Avis défavorable.

M. Alexandre Portier (LR). Je ne comprends pas vos objections à la création d’une ligne budgétaire permettant de financer des actions en faveur de la lutte contre le harcèlement scolaire, alors qu’elle va dans le sens de l’amendement proposé par notre collègue Balanant que je soutiendrai.

J’ai eu l’occasion de mettre en œuvre au niveau de la région Auvergne-Rhône-Alpes l’enquête de victimation évoquée ce matin par M. Jean-Pierre Bellon. Elle est nécessaire pour obtenir des données et je pense que les deux amendements sont complémentaires.

Je regrette votre lecture qui revient à dire que le travail de lutte contre le harcèlement scolaire pèsera sur les agents qui en sont déjà en charge et qui sont bien en peine de réaliser toutes leurs missions. Rien ne changera si nous ne mettons pas de moyens supplémentaires.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Depuis le début de l’examen des amendements, tous ceux portant création de programmes ont été rejetés.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). Je pense qu’il y a un souci de compréhension sur l’amendement II‑AC138. Je propose d’augmenter les crédits alloués au financement des activités périscolaires. Or, M. le rapporteur parle de cours d’empathie. Je doute que ces cours aient lieu sur le temps périscolaire, sauf si j’ai mal compris la proposition du ministre. Il semble que les cours d’empathie doivent avoir lieu sur le temps scolaire. Cet amendement vise à harmoniser les pratiques entre le temps scolaire et le temps périscolaire. Je suis étonnée que nos amendements ne soient pas toujours très bien compris par les rapporteurs.

M. Erwan Balanant (Dem). Je remercie le rapporteur de sa sagesse et je rappelle que le vote de cet amendement représenterait une grande avancée. Cette étude de victimation s’inscrirait dans la continuité de ce qui a été annoncé par le ministre et permettrait de changer de regard sur le harcèlement scolaire.

Mme Virginie Lanlo (RE). Sur l’amendement II‑AC138, je crois qu’au-delà des chiffres, il y a tout un travail à faire en amont pour voir quels sont les outils qui peuvent être apportés aux collectivités pour lutter contre le harcèlement. Je crois beaucoup à la transversalité des temps, à la mutualisation des formations entre les enseignants et les animateurs périscolaires, au partage des outils. Avant de parler de moyens, il nous faut mettre en place une cohérence de lutte contre le harcèlement sur les temps scolaire, périscolaire et extrascolaire.

La commission rejette les amendements II-AC75 et II-AC138.

La commission adopte l’amendement II-AC190.

Amendement II-AC183 de Mme Béatrice Descamps.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Cet amendement vise la mise en place d’une information obligatoire à destination des élèves des écoles élémentaires sur les dangers des écrans.

Nous sommes plusieurs à avoir participé au Forum citoyen. Après de nombreuses auditions, nous avons pris conscience que les dangers des écrans allaient au-delà de ce que nous imaginions.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Le code de l’éducation fixe déjà l’obligation de former les élèves, dès l’élémentaire, sur les enjeux du numérique et des médias. Ceci se prolonge tout au long de la scolarité dans le secondaire.

Bien sûr, les écrans comportent des risques, il faut en avertir les parents et les enfants eux-mêmes. Mais nous ne pensons pas que cela passe par une campagne d’information, sous une forme qui n’est d’ailleurs pas précisée.

Avis défavorable.

Mme Béatrice Descamps (LIOT). Je connais les programmes scolaires mais contrairement à ce que vous dites, il faut en parler beaucoup, avec les familles et les enfants.

La commission rejette l'amendement II-AC183.

Amendements II-AC143 de M. Fatiha Keloua Hachi, II-AC62 et II-AC73 de M. Paul Vannier.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement d’appel II-AC143 vise à souligner l’augmentation nette du nombre d’élèves dans les établissements privés du second degré depuis 2017.

Selon le projet annuel de performances de la mission Enseignement scolaire, on dénombre pas moins de 17 552 élèves supplémentaires dans les collèges privés entre la rentrée 2017 et la rentrée 2022, et 8 422 élèves supplémentaires dans les lycées privés sur cette même période.

Aussi, le groupe Socialistes et apparentés souhaiterait souligner le lien entre la politique menée par le Gouvernement depuis 2017 et cette augmentation des effectifs des établissements privés du second degré.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). M. Chudeau nous a accusés à plusieurs reprises de nous en prendre à l’enseignement privé. Ce n’était pas vrai, jusqu’à maintenant.

Cet amendement II-AC62 propose la création d’un document budgétaire dit « jaune » consacré à l’enseignement privé sous contrat, destiné à mesurer le montant et l’évolution de l’ensemble des financements publics des établissements d’enseignement privé sous contrat, afin d’évaluer la manière dont ces établissements sont contrôlés ainsi que d’estimer les effets de cette dépense publique sur le fonctionnement du système scolaire dans son ensemble.

Je rappelle que l’enseignement privé est financé à hauteur de 73 % par des fonds publics et que la Cour des comptes soulignait il y a peu que le contrôle de ces établissements n’était pas du tout satisfaisant et ne permettait pas de savoir comment était utilisé l’argent public. Nous demandons à corriger cette anomalie.

L’amendement II‑AC73 est un amendement d’appel par lequel nous proposons de moduler les fonds attribués au financement du fonctionnement des établissements privés sous contrat par l’État et les collectivités locales en fonction d’un critère de sectorisation des élèves. Il s’agit d’obliger l’enseignement privé à respecter les critères de mixité sociale.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Vous soulignez l’augmentation du nombre d’élèves dans les établissements privés. Or, d’après les chiffres communiqués par la direction de l’évaluation, de la prospective et de la performance (Depp), dans le premier degré, la part des élèves de l’enseignement privé sous contrat par rapport au total des élèves oscille entre 13,3 et 13,4 % depuis 2017. Dans le second degré, la part des élèves de l’enseignement privé sous contrat par rapport au total des élèves oscille entre 21,1 et 21,2 % depuis 2018.

Il n’y a donc pas d’augmentation du nombre d’élèves dans le privé sous contrat.

S’agissant de la création d’un « jaune » budgétaire et du conditionnement des financements à la sectorisation, une mission d’information est en cours, conduite par MM. Vannier et Weissberg. Je propose d’en attendre les résultats.

Nous donnons un avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

M. Roger Chudeau (RN). Je suis très heureux, cher collègue Walter, que vous sortiez du bois. Votre tropisme anticatholique est assez étonnant. Personne n’a intérêt à relancer la guerre scolaire et je pense que vous vous trompez d’ennemi.

Si le nombre d’élèves dans l’enseignement privé a augmenté, nous devons nous interroger sur les raisons qui ont poussé les familles à y inscrire leurs enfants.

Par ailleurs, je rappelle que le budget est bloqué par les accords dits « Lang-Cloupet » de 1992, qui prévoient une répartition des moyens à hauteur de 20 % pour le privé et 80 % pour le public.

Enfin, l’enseignement catholique diocésain bénéficie d’une sorte de délégation de service public et exerce une liberté constitutionnelle, la liberté de l’enseignement.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je trouve amusante la confusion de M. Chudeau entre enseignement privé sous contrat et enseignement privé sous contrat catholique.

Je suis issu d’une lignée maternelle de fervents catholiques et je ne suis absolument pas cathophobe.

J’ajoute que nous avons connu, pour la première fois, une année où la scolarisation dans l’enseignement public était supérieure à la scolarisation dans l’enseignement privé dans tous les départements. La réforme des rythmes scolaires est arrivée juste après. Dans mon département, une école privée a largement communiqué sur le maintien d’un rythme scolaire de 4 jours par semaine alors que toutes les écoles publiques étaient obligées de passer à 4 jours et demi. Dès l’année suivante, nous avons de nouveau observé que, dans certains départements, l’enseignement privé était majoritaire.

Le problème de fond est que l’État finance à 73 % l’enseignement privé sous contrat alors que celui-ci n’est soumis à aucune des injonctions du public, hors celle du respect des programmes. Il y a donc une inégalité de fait entre l’enseignement public et l’enseignement privé, qui explique la situation décrite par M. Chudeau.

La commission rejette successivement les amendements II-AC43, II-AC62 et IIAC73.

Amendement II-AC120 de Mme Fatiha Keloua Hachi.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement d’appel vise à demander au Gouvernement le taux d’encadrement des élèves en collège, hors éducation prioritaire.

En effet, si le taux d’encadrement hors éducation prioritaire est bien précisé dans le projet annuel de performances pour le premier degré, ce n’est pas le cas pour le second degré et plus précisément pour le collège. Seul l’écart de taux d’encadrement au collège entre éducation prioritaire et hors éducation prioritaire est précisé.

Ainsi et afin d’en connaître l’évolution, la représentation nationale gagnerait à connaître ces données.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Nous ne disposons en effet que du pourcentage d’écart entre les taux d’encadrement en éducation prioritaire et hors éducation prioritaire. Je suis preneur de cette information, mais la demande ne saurait passer par un amendement de crédits. Je vous invite à interroger le ministère.

J’émets donc un avis défavorable sur l’amendement de crédits mais je suis prêt à signer un courrier avec vous pour demander cette information au ministre.

L’amendement II-AC120 est retiré.

Amendement II-AC57 de M. Léo Walter.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous proposons de supprimer l’ensemble des évaluations nationales. Ce dispositif entraîne les enseignants dans une spirale mortifère, c’est-à-dire dans un bachotage permanent, car il compare les résultats des classes et des établissements. Il y a une injonction absolue à réussir ces évaluations, qui, de mon point de vue de pédagogue, sont d’une grande pauvreté, ce qui en tronque la validité scientifique.

Nous ne sommes pas opposés à tout système d’évaluation nationale de qualité. De telles évaluations ont déjà existé. Elles portaient sur un certain nombre d’apprentissages, et non uniquement sur les « sacro-saints » fondamentaux, et étaient conçues autrement que comme des exercices répétitifs de neurosciences.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Nous pouvons comprendre vos arguments, monsieur le député, mais ces évaluations sont un outil utile pour permettre à un enseignant de déceler des élèves en difficulté, de mieux appréhender le niveau de sa classe, et d’adapter son enseignement. Ces évaluations nationales leur permettent de mieux situer leurs élèves par rapport au reste des élèves du même niveau scolaire.

Les enseignants s’approprient de mieux en mieux ces évaluations, auxquelles ils ne s’opposent pas. Ainsi, selon les données de la Depp, 65 % des enseignants estiment que l’évaluation est susceptible d’exercer une influence sur la pratique en classe dans la mise en place de groupes de besoins, contre 37 % en 2019, et 91 % estiment qu’elle leur a permis de confirmer des difficultés.

Avis défavorable.

M. Roger Chudeau (RN). Je suis d’accord avec mon collègue Walter, trop d’évaluations tuent l’évaluation. Je suis également d’accord avec lui quand il souligne leur caractère partiel.

Cependant, il faut des évaluations, à condition qu’elles respectent un certain nombre de critères, notamment l’anonymat total, et qu’elles ne servent pas à classer les établissements.

Enfin, je suis partisan du rétablissement des examens d’entrée en 6e et en 2de.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). En économie, nous essayons de dégager des lois permettant de valider une hypothèse. Dans tout modèle économique ou économétrique, il y a toujours des perturbations. Or, les remontées de terrain indiquent que ces perturbations sont tellement importantes qu’elles invalident le modèle des évaluations. Par conséquent nous demandons aux enseignants de travailler sur la base d’hypothèses qui ne se vérifient pas et qui sont un frein à l’efficacité et à la pertinence des politiques publiques mises en place en direction des élèves en difficulté.

M. Bertrand Sorre (RE). En tant que pédagogue, je suis très favorable aux évaluations. Elles permettent de positionner les élèves très rapidement dans l’année et de construire des progressions pédagogiques adaptées aux difficultés de chacun.

La commission rejette l’amendement II-AC57.

Amendement II-AC58 de M. Léo Walter.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je note, M. Chudeau, que votre soutien se limite aux paroles.

Lors de sa première audition en septembre 2022, j’avais posé à M. Édouard Geffray une question à laquelle il n’a jamais répondu. À l’époque, le dispositif d’évaluation des écoles, expérimental, devait être généralisé à l’ensemble du territoire. Je lui avais demandé si l’expérimentation avait été évaluée.

Un an plus tard, nous n’avons toujours pas de réponse et ces évaluations d’école ne sont toujours pas évaluées. Elles ont pourtant été étendues à l’ensemble du territoire.

Quand on veut piloter par les évaluations, ce qui est le modèle du ministère depuis Jean-Michel Blanquer, il faut savoir si ces évaluations ont un sens.

Comme elles n’ont pas été évaluées, nous demandons le retrait de ces évaluations d’école.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Vous demandez un rapport sur le dispositif des évaluations d’école.

Nous n’y sommes pas fondamentalement opposés sur le principe, mais sur la forme. Faire un amendement de crédits pour demander un rapport n’a pas de sens et le ministre n’est pas présent pour répondre à votre amendement d’appel.

Sur le fond, les évaluations d’établissements ne nuisent aucunement à la liberté pédagogique des enseignants, elles permettent aux personnels de direction et aux enseignants d’identifier les axes stratégiques qu’ils souhaitent faire figurer dans le projet d’établissement.

Avis défavorable.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je note que le rapporteur ne répond à ma question, que je repose. Ces évaluations ont-elles été évaluées ?

La commission rejette l’amendement II-AC58.

Amendement II-AC119 de Mme Fatiha Keloua Hachi.

Mme Fatiha Keloua Hachi (SOC). Cet amendement d’appel vise à revenir sur une phrase du projet annuel de performances de la mission Enseignement scolaire, dans lequel il est précisé que « Ces dix dernières années, le nombre de décrocheurs a été réduit de plus d’un tiers ». Toujours pour ce même programme, quelques pages plus tard, il est pourtant précisé que ce taux de décrocheurs a augmenté entre 2019 et 2021.

La représentation nationale gagnerait à connaître plus précisément la réalité de la situation, en connaissant le nombre de décrocheurs scolaires actuel, ainsi que le nombre de décrocheurs scolaires il y a dix ans.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. Votre amendement est un amendement d’appel sur les données relatives au décrochage scolaire. Là encore, les précisions sont à demander au Gouvernement. Je vous invite à compléter le courrier évoqué par M. Marion à destination du ministre.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement II-AC119.

Suivant les préconisations des rapporteurs pour avis, la commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Enseignement scolaire, modifiés.

La séance est suspendue de dix-huit heures trente-cinq à dix-huit heure quarante.

(Présidence de M. Bertrand Sorre, secrétaire)

Article 38 et état G

Amendement II-AC155 de M. Jean-Claude Raux.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Cet amendement demande la création de nouveaux indicateurs spécifiques pour les stages des lycéens professionnels. Il vise l’élaboration d’objectifs en termes de qualité de l’emploi et de prévention des risques.

Les lycéens professionnels sont un public particulièrement exposé aux risques professionnels, alors même qu’il s’agit en très grande partie de mineurs. Les jeunes de moins de 25 ans ont une fréquence annuelle d’accidents du travail deux fois et demie plus importante que l’ensemble des autres salariés, tous secteurs d’activité confondus.

La presse s’est déjà fait le relais d’abus en termes de conditions et horaires de travail, par exemple à l’occasion de la préparation du concours de Miss France pour les élèves d’un lycée professionnel parisien qui ont été contraints de travailler jour et nuit.

On ne le répétera jamais assez : les lycéens ne sont pas des salariés de seconde zone, ce sont des élèves en formation.

Les deux indicateurs que nous réclamons permettront, d’une part, de mesurer la fréquence des accidents du travail des lycéens professionnels dans leur entreprise d’accueil et, d’autre part, de quantifier les dérogations accordées au travail de nuit des mineurs.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Ces informations m’intéressent et je suis prêt à les demander avec vous à la ministre Carole Grandjean.

Cependant, je ne suis pas certain que ces indicateurs soient liés au PLF. Dans le PLF, les indicateurs mesurent la manière dont les crédits sont utilisés.

J’émets donc un avis défavorable sur l’indicateur créé au sein du PLF mais je suis favorable à l’obtention de ces informations.

La commission rejette l’amendement II-AC155.

Amendements II-AC162 de M. Roger Chudeau et II-AC110 à II-AC114 de Mme Sophie Blanc.

M. Roger Chudeau (RN). Nous demandons, par cet amendement II-AC162, la création d’un indicateur permettant de mesurer la proportion d’atteintes à la laïcité signalées.

Le respect de la laïcité dans les établissements scolaires est de plus en plus mis à mal par les incursions du communautarisme islamiste. Ainsi, l’année scolaire 2022-2023 a connu une augmentation de 120 % des atteintes à la laïcité. Les tenues religieuses comme l’abaya et le qamis ont fait leur apparition à l’école, à tel point que le ministre de l’Éducation nationale a dû entériner leur interdiction lors de la rentrée.

Ce phénomène est mal mesuré. Il l’est par les remontées statistiques des établissements qui sont peu fiables. Nous souhaitons donc que la représentation nationale dispose d’un indicateur le mesurant.

Mme Sophie Blanc (RN). L’objectif des amendements II-AC110 à II-AC114 est de faire rentrer la proportion d’actes de violences graves à caractère sexuel, raciste, LGBTphobe et antisémite dans les indicateurs officiels de mesure du ministère de l’Éducation nationale, correspondant à la liste prévue par la direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO).

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Cette prise de parole à deux voix était magnifique d’hypocrisie.

Il manque, dans la demande d’indicateurs de M. Chudeau celui sur les attaques menées par ce que nous appelons les « parents vigilants », qui sont beaucoup plus dangereuses pour la liberté pédagogique.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Pour l’amendement II‑AC162, les données sont déjà recueillies et peuvent être consolidées au niveau national. Les atteintes au principe de laïcité, signalées par les inspecteurs de l’Éducation nationale de circonscription et les chefs d’établissements, font l’objet de communications régulières du ministre chargé de l’Éducation nationale et sont particulièrement suivies à tous les niveaux territoriaux.

Pour les autres amendements, il existe déjà un indicateur « proportion d’actes de violence graves signalés », calculé à partir des résultats de l’enquête « Système d’information et de vigilance sur la sécurité scolaire » (Sivis), qui recense les actes signalés, dès lors qu’ils sont précisément définis au regard des circonstances et des conséquences de l’acte. La motivation à caractère discriminatoire doit ainsi être explicitée, ce qui permet d’identifier les violences à caractère raciste, sexiste, sexuel et LGBTphobe.

Avis défavorable.

M. Roger Chudeau (RN). Nous savons tous que les chiffres qui remontent des établissements ne sont pas fiables. Les chefs d’établissement appliquent le principe du « pas de vague » et ne veulent pas attenter à la réputation de leur établissement, notamment dans les cas d’atteinte à la laïcité. Certains craignent aussi d’être accusés d’islamophobie et subissent des pressions exercées par des parents d’élèves islamistes.

Je demande la création d’un indicateur national, ce qui contraindra la DGESCO à exiger des établissements la sincérité des remontées.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Si vous n’avez pas confiance dans les remontées du terrain, ce n’est pas la création d’un indicateur qui vous la redonnera.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Ces indicateurs existent. Le débat n’est pas sur la quantité mais sur la qualification et surtout sur l’âge des élèves qui commettent ces atteintes. Alors que M. Chudeau veut exclure ces élèves, nous voulons leur accorder une attention éducative particulière. Chaque enfant est « éducable », c’est le rôle des enseignants. En tant que partis ou mouvements politiques, nous devons veiller à ne pas jeter l’opprobre sur une partie de la population et à libérer une parole qui contrevient à l’ordre républicain.

Les « parents vigilants », dont les résultats sont dérisoires, donnent le signal que des parents d’élèves peuvent outrepasser la loi et prendre une responsabilité qui n’est pas la leur dans un conseil d’école, un conseil d’administration ou une quelconque instance de l’Éducation nationale. Les parents d’élèves ne sont pas là pour contrôler les enseignants mais pour participer à un projet éducatif.

La commission rejette les amendements II-AC162, II-AC110, II-AC111, II-AC112, II-AC113 et II-AC114.

Amendement IIAC156 de M. Jean-Claude Raux.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Le présent amendement vise à ajouter un indicateur portant sur le temps de trajet des élèves. Celui-ci fait partie intégrante de leur quotidien, il influence directement leur capacité de réussite dans leur formation et constitue parfois un élément d’inégalité entre les jeunes.

Dépendant de l’implantation de leur établissement et de l’offre de mobilité de proximité, les élèves devraient pouvoir accéder à une scolarité choisie, qui ne serait pas soumise à d’autres contraintes que celle de leur envie et de leur projet de vie.

La mise en place d’un indicateur sur le temps de trajet moyen des élèves donnera à la puissance publique les moyens d’objectiver cette partie de la scolarité bien trop souvent oubliée, alors qu’elle constitue un frein à l’accès à une orientation réellement choisie.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Ce sont des informations intéressantes à obtenir mais elles ne relèvent pas du PLF. Le temps de trajet est lié à la carte des établissements scolaires ou de formation, mais il dépend également d’un grand nombre de paramètres qui ne sont pas à la main du ministère de l’Éducation nationale : double résidence, éventuellement, dans le cas de parents séparés, qualité de la desserte en transports, etc.

Avis défavorable.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je viens en soutien de l’amendement de mon collègue. Je suis élu d’un département rural où les élèves sont contraints d’effectuer un certain nombre d’heures de trajet en car pour se rendre au lycée. Ces heures sont multipliées parce que les établissements ne sont pas en mesure de proposer aux familles suffisamment de places d’internat. Il y a pour moi une absolue nécessité à évaluer cette question et j’ai du mal à entendre les arguments consistant à dire qu’on est prêt à prendre la température mais pas à utiliser un thermomètre.

La commission rejette l’amendement II-AC156.

 

 

Article 53

Amendements identiques de suppression II-AC52 de M. Léo Walter et II-AC115 de Mme Fatiha Keloua Hachi.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Par cet amendement II-AC52 de suppression, nous souhaitons dénoncer la création des PAS qui remettent en cause les MDPH. Je rappelle que celles-ci sont composées de personnes compétentes pour déterminer quels sont les besoins des enfants handicapés, ce qui n’est le cas ni des enseignants, ni de l’institution scolaire.

Cet article 53 s’inscrit dans la suite logique de ce qui a pu se passer il y a quelques années quand les notifications MDPH étaient contingentées dans certains départements parce qu’il n’y avait pas suffisamment d’AESH.

C’est extrêmement dangereux et je demande la suppression de cet article.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je défends l’amendement II-AC115 qui vise à supprimer l’article 53 actant la création des (PAS) à la place des Pial.

Les Pial, mis en place sous le premier quinquennat du Président Macron, sont décriés par les professionnels de l’Éducation nationale, comme par les parents des enfants en situation de handicap. C’est un outil de gestion de ressources humaines qui a eu pour conséquence la dégradation des conditions de travail des AESH. Cette logique comptable a pris le pas sur l’humain, et les Pial ont multiplié les situations dans lesquelles les AESH sont affectés au sein de plusieurs établissements. Les enfants en situation de handicap en sont les premières victimes, avec des volumes horaires d’accompagnement diminués qui ne respectent pas leur notification par la MDPH.

Si le groupe socialistes et apparentés demande depuis 2019 une suppression des Pial, ce passage du Pial au PAS ne semble pas revenir sur la logique comptable largement décriée.

Un changement de nom ne réglera pas tous les problèmes des Pial et ne remettra pas le bien-être et l’inclusion des élèves en situation de handicap au centre du jeu. Il est plutôt nécessaire d’augmenter massivement le nombre d’AESH pour pouvoir couvrir l’ensemble des notifications et d’améliorer les conditions de travail de ces personnels pour rendre le métier plus attractif.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. On ne peut pas interpréter l’article 53 comme une liquidation ou un contournement des MDPH. Quand on observe les différences de notifications d’AESH selon les MDPH, on voit bien qu’il y a une inégalité très forte entre les départements.

Face aux difficultés persistant dans l’accompagnement des élèves en situation de handicap – délais trop longs, manque de personnel, manque de matériel adapté – le PLF prévoit avec cet article 53 une expérimentation consistant à créer des PAS pour une réponse plus rapide et plus complète aux élèves en situation de handicap. C’est une réponse graduée, de premier niveau, qui va par exemple permettre d’attribuer du matériel rapidement, sans attendre le rendez-vous à la MDPH qui peut prendre neuf mois.

J’ajoute que l’association APF-France handicap considère que la création des PAS va dans le bon sens en renforçant les réponses de premier niveau que l’école se doit de mettre en œuvre avant tout passage devant la MDPH. Ma nature me conduit à croire les professionnels, à valider cet article 53 et à émettre un avis défavorable aux amendements.

M. Léo Walter (LFI-NUPES). Je connais l’avis d’APF-France handicap. L’association souligne que ce sont des mesures qui vont dans le bon sens car elle constate que les MDPH ne fonctionnent pas comme elles le devraient.

Je vous propose de supprimer cet article 53 et de renforcer massivement les moyens des MDPH.

Mme Virginie Lanlo (RE). En complément des propos du rapporteur, je confirme que les directeurs d’école, notamment en maternelle, au début d’une détection de handicap, veulent mettre assez rapidement en place des dispositifs pour accompagner les enfants. Les PAS peuvent faciliter l’inclusion des enfants en situation de handicap et soulager les enseignants.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je ne comprends l’intérêt de créer une nouvelle entité alors qu’il serait beaucoup plus simple de renforcer les moyens des MDPH. Les délais de rendez-vous sont très longs partout et une fois que la notification a été reçue, les parents attendent encore plusieurs mois une AESH. Ce ne sont pas les PAS qui vont améliorer la situation. Les MDPH ont besoin de moyens humains pour accélérer le traitement des dossiers et l’Éducation nationale d’un nombre suffisant d’AESH pour répondre à tous les besoins.

La commission rejette les amendements II-AC52 et II-AC115.

La commission émet ensuite un avis favorable à l’adoption de l’article 53.

 

Article 54

Amendements identiques de suppression II-AC34 de Mme Fatiha Keloua Hachi, IIAC87 de M. Jean-Claude Raux et II-AC141 de Mme Francesca Pasquini.

M. Inaki Echaniz (SOC). Cet amendement II-AC34 vise à maintenir le fonds de soutien au développement des activités périscolaires (FSDAP) que le Gouvernement entend supprimer.

La loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’école de la République avait créé ce fonds en 2013 afin de permettre le développement d’une offre d’activités périscolaires dans les écoles maternelles et élémentaires, activités de découverte et d’enrichissement culturel qui bénéficiaient à tous les élèves, y compris aux plus défavorisés, et qui participaient à la réduction des inégalités sociales.

Le Gouvernement, pour lequel la lutte contre les inégalités scolaires n’a jamais été la priorité, a pourtant fait le choix, dès 2017, de ne pas soutenir ce dispositif.

La suppression de ce fonds va mettre un coup d’arrêt aux projets éducatifs des 1 462 communes qui continuent de mettre en œuvre ces activités périscolaires, et affecter tous les élèves qui en bénéficient.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Si les 41 millions d’euros du fonds paraissent résiduels au Gouvernement, cette dotation est nécessaire à l’équilibre financier des communes offrant aux enfants des activités culturelles, sportives et artistiques. Pour les 13 % d’enfants concernés, cette suppression signifie moins d’activités à côté de l’école, moins de temps collectif pour faire société, moins de découverte de soi et du monde, moins d’éveil aux cultures et aux arts.

La suppression de ce fonds est le signe d’une résignation face aux inégalités. Pour des grandes villes, des communes périurbaines ou des territoires ruraux, la suppression de ce fonds conduira à la fin de politiques éducatives ambitieuses. C’est un abandon de plus des collectivités territoriales par l’État. L’amendement II-AC87 a pour objet d’y remédier.

Mme Francesca Pasquini (Écolo-NUPES). L’article 54 du PLF 2024 prévoit la suppression du fonds de soutien au développement des activités périscolaires. Cette suppression est aussi inquiétante que néfaste. Ce fonds de soutien représente 41 millions d’euros pour plus de 1 300 communes. Parmi elles, nombreuses sont celles qui comportent des quartiers prioritaires pour lesquels l’ambition éducative doit être encore plus intransigeante.

La suppression de ce fonds de soutien met en péril l’équilibre financier des collectivités qui choisissent de rester à 4,5 jours de classe dans un contexte économique déjà difficile, marqué par l’inflation et la crise du secteur de l’animation.

Afin de garantir une véritable égalité des chances à tous les enfants du territoire, il est essentiel de maintenir le fonds de soutien au développement des activités périscolaires et donc de supprimer cet article, ce que nous proposons par notre amendement II-AC141.

M. Christophe Marion, rapporteur pour avis. Je reconnais que les positions sur l’avenir du FSDAP ont bougé au cours des dernières semaines. Sa suppression a été évoquée, puis le Gouvernement est revenu sur ce projet et a décidé de le maintenir pour l’année 2023‑2024. Le ministre a lui-même reconnu que la concertation avait été insuffisante. Toutes les options sont possibles, notamment le maintien d’un fonds pour tout le monde ou la concentration sur les collectivités les plus fragiles.

J’ai confiance dans la parole du ministre quand il dit que le fonds sera maintenu à l’issue de la concertation. C’est pourquoi j’émets un avis de sagesse.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Je vous remercie pour votre avis de sagesse qui montre votre préoccupation pour les activités périscolaires des collectivités territoriales. 40 % des élèves de France vivent dans les 1 300 communes concernées par le FSDAP.

Vous avez raison de rappeler qu’il y a eu un « couac », les collectivités ayant préparé leur budget relatif aux activités périscolaires en tenant compte des sommes versées par le fonds.

Le précédent gouvernement nous avait assuré que les dispositions de la loi du 26 juillet 2019 pour une école de la confiance portant sur les jardins d’enfants seraient abrogées, mais elles ont finalement été maintenues. C’est pourquoi nous avons de vraies difficultés à croire la parole publique.

Nous maintenons donc nos amendements.

La commission adopte les amendements identiques II-AC34, II-AC87 et IIAC41.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable à l’adoption de l’article 54.

 

Après l’article 54

Amendements II-AC158 de M. Jean-Claude Raux et II-AC189 de Mme Estelle Folest.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). J’ai déjà eu l’occasion d’évoquer l’épineuse question de la sous-exécution chronique des budgets de l’enseignement professionnel. M. Pap Ndiaye s’était engagé à me répondre par écrit, je l’ai relancé, j’ai écrit à Mme Carole Grandjean, mais je n’ai reçu aucune réponse. Une sous-exécution de 15 % est pourtant significative.

Cela représente des centaines de millions d’euros, dont les lycées professionnels ont été spoliés depuis 2019. Pour la seule année 2022, la somme s’élève à 700 millions d’euros. Le milliard d’euros annoncé hier par M. Gabriel Attal ne suffit pas à rattraper la sous-exécution des budgets.

Le Gouvernement doit rendre des comptes, d’autant que cette mauvaise exécution semble se perpétuer depuis la réforme de 2018 dont les effets financiers n’ont jamais été évalués. C’est l’objet de cet amendement II‑AC158.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. J’émets un avis de sagesse.

La commission adopte l’amendement II-AC158.

Mme Estelle Folest (Dem). Cet amendement II‑AC189 demande au Gouvernement un rapport sur l’évaluation des aides de l’État en faveur de l’apprentissage et la manière dont elles peuvent être réorientées afin de profiter plus largement à l’enseignement professionnel.

Alors que cette politique visait essentiellement les élèves des lycées professionnels, elle a plutôt atteint les élèves du supérieur. Je lis dans un article paru aujourd’hui que le nombre d’apprentis dans les grandes écoles a augmenté de 43 % depuis 2019. Il convient donc de réorienter cette politique.

Par ailleurs, par effet d’aubaine, celle-ci bénéficie à des établissements privés appartenant parfois à des fonds d’investissement étrangers.

M. Philippe Fait, rapporteur pour avis. J’émets un avis de sagesse.

M. Jean-Claude Raux (Écolo-NUPES). Je soutiens cet amendement et je salue l’investissement de Mme Folest sur le dossier de l’enseignement professionnel. Ce rapport sera très utile. On observe une politique inégalitaire entre l’apprentissage et la formation en voie professionnelle. Des sommes colossales sont mises à la disposition des entreprises par l’État pour l’embauche d’apprentis. C’est parfois une aubaine pour les entreprises qui voient dans ces apprentis une main-d’œuvre à bon marché. La Cour des comptes alertait déjà en juin 2022 sur les conséquences du financement du « tout apprentissage ». Il faut également rappeler les dérives constatées depuis la réforme de la taxe d’apprentissage et la création du filon des centres de formation des apprentis privés.

M. Rodrigo Arenas (LFI-NUPES). Nous soutenons cet amendement qui montre les limites de la start-up nation, qui, quand on sait lire entre les lignes de la loi, permet des détournements de fonds publics, allègrement et sans aucun scrupule.

M. Inaki Echaniz (SOC). Nous soutenons également cet amendement.

M. Quentin Bataillon (RE). Le groupe Renaissance soutient fortement cet amendement. L’apprentissage est une priorité du Président de la République et de la majorité. Nous en constatons les retours positifs sur le terrain et ce rapport nous permettra d’explorer les voies et moyens d’améliorer ce dispositif.

La commission adopte l’amendement II-AC189 à l’unanimité.

 

 

 

 


— 1 —

   ANNEXE

Liste des personnes entendues par les rapporteurs pour avis

(par ordre chronologique)

       Union sportive de l’enseignement du premier degré (Usep)  Mme Véronique Moreira, présidente nationale, et M. Jérôme Vandenabeele, directeur national

       Réseau des Inspé  M. Alain Frugière, président, et Mme Anne-Lise Rotureau, déléguée générale

       Ministère de l’Éducation nationale – direction générale de l’enseignement scolaire (DGESCO)  MM. Edouard Geffray, directeur général, et Jean Hubac, chef du service de l’accompagnement des politiques éducatives

       Centre national d’étude des systèmes scolaires (Cnesco) – Mme Agnès Florin, responsable, et M. Jean-François Chesné, coordinateur exécutif CNAM-Cnesco

       Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent et disciplines associées (SFPEADA)  Dr Nicole Catheline, présidente du conseil scientifique, et Mme Anne Vachez-Gatecel, membre du conseil d’administration et responsable du collège de formation

       Union nationale du sport scolaire (UNSS) M. Olivier Girault, directeur national, et Mme Marie-Céline Courtet, directrice du pôle administratif, finances, juridique et ressources humaines

       Table ronde des syndicats d’enseignants :

– Fédération syndicale unitaire (FSU) – Mme Blandine Turki et MM. Grégory Frackowiak, Olivier Raluy, Igor Garncarzyk, et Grégory Raynal secrétaires nationaux

 Syndicat des enseignants de l’UNSA (SE-UNSA)  M. Gilles Langlois, secrétaire national

 Fédération nationale de l’enseignement, de la culture et de la formation professionnelle Force Ouvrière (FNEC-FP-FO)  M. Maxime Reby, secrétaire fédéral

– Syndicat général de l’Éducation nationale CFDT (SGEN-CFDT) – M. Laurent Kaufmann, secrétaire fédéral, et Mme Cécile Rossard, secrétaire fédérale

 CGT Educ’action  Mme Isabelle Vuillet, co-secrétaire générale, et M. Michaël Marcilloux, co-secrétaire général

– Syndicat national des lycées, collèges, écoles et du supérieur (SNALC) – M. Maxime Reppert, vice-président

 Table ronde des associations de parents d’élèves :

 Fédération des conseils de parents d’élèves des écoles publiques (FCPE) – M. Grégoire Ensel, président, et Mme Ghislaine Morvan-Dubois, trésorière nationale

 Union nationale des associations autonomes de parents d’élèves (UNAAPE) – M. Patrick Salaün, président

 Association des parents d’élèves de l’enseignement libre (APEL nationale)  MM. Christophe Abraham, secrétaire général, et Paul Vitart, trésorier national

     Table-ronde des associations de lutte contre le harcèlement :

– Association Marcelment  Mmes Kiara Latrompette, présidente et Catherine Latrompette, co-présidente

– Association Agir Contre les Violences Scolaires (ACVS) – M. Olivier Laurendeau, président

Association Marion, la main tendue – Mme Nora Tirane-Fraisse, déléguée générale

 Association HUGO !* – M. Hugo Martinez, président

     Table-ronde des syndicats des professions médico-sociales:

– Syndicat national des infirmiers et conseillers de la santé de la FSU (SNICS-FSU) Mmes Saphia Guereschi, secrétaire générale, et Sandie Cariat, membre du bureau national

– Syndicat national des médecins scolaires et universitaires (SNMSU-UNSA-Éducation) – Mmes Mechtilde Dippe et Jocelyne Grousset, co-secrétaires générales

– Syndicat national autonome des médecins de santé publique de l’Éducation nationale (SNAMSPEN-SGEN-CFDT) – Mmes Patricia Colson, secrétaire générale, et Noëlle Perrin, membre

 Syndicat national des assistants de service social de l’Éducation nationale (Snasen UNSA-éducation)  M. Stéphane Gargaud, co-secrétaire général

 Syndicat national unitaire des assistants sociaux de la fonction publique – Fédération syndicale unitaire (SNUASFP-FSU) – M. Brice Castel, secrétaire général, Mmes Albine Caillié, Véronique Hoarau et M. Jonathan Achachera, membres du bureau national

       Conseil d’évaluation de l’école – MM. Daniel Auverlot, président, et Mustapha Touahir, secrétaire général

       Association Savoir être et vivre ensemble – Mmes Martine Roussel-Adam, vice-présidente, et Barbara Martin, administratrice

       Mme Marie-Maude Dubuc, professeure au Département des sciences de l'activité physique de l’Université du Québec à Montréal

       Association Recherche sur le yoga dans l’éducation – Mmes Laurence Jourdain, formatrice, professeur d’anglais et professeur de yoga, et Véronique Mainguy, membre du comité de pilotage

     Table-ronde des fédérations sportives :

– Fédération française de badminton  M. Yohan Penel, président, et Mme Martine Robert, directrice de la performance sociale

– Fédération française d’athlétisme  MM. Didier Vareecke, vice-président en charge de la Stratégie « Éducation Athlétique - U16 » et des relations avec les fédérations scolaires, universitaires et affinitaires, et Guillaume Geisler, directeur technique national adjoint en charge la formation et du développement

– Fédération française de judo, kendo et disciplines associées – Mmes Magali Baton, secrétaire générale et Audrey Valéro, et M. Sylvain Limouzin, travaillant sur le dispositif de développement du judo à l’école

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 


([1]) Réponses au questionnaire budgétaire

([2]) Réponses au questionnaire budgétaire.

([3]) Arrêté du 19 juillet 2023 fixant les montants de l’indemnité de suivi et d’orientation des élèves et de l’indemnité de suivi et d’accompagnement des élèves et précisant les missions ouvrant droit à la part fonctionnelle de ces deux indemnités : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000047862611

([4]) Réponses au questionnaire budgétaire

([5]) Réponses au questionnaire budgétaire

([6]) Réponses au questionnaire parlementaire

([7]) Réponses au questionnaire parlementaire

([8]) Réponses au questionnaire budgétaire

([9]) Idem

([10]) Réponses au questionnaire budgétaire

([11]) Réponses au questionnaire budgétaire

([12]) Réponses au questionnaire budgétaire

([13])  Le soutien financier de l’État aux activités périscolaires, assuré depuis 2013, est accordé pour toutes les communes dotées d’un projet éducatif territorial ayant conservé une organisation du temps scolaire sur 9 demi-journées ou 8 demi-journées comprenant 5 matinées. Depuis son instauration, le fonds de soutien au développement des activités périscolaires a soutenu un nombre décroissant de communes, du fait notamment de la possibilité de déroger aux nouveaux rythmes scolaires instaurée par le décret n° 2017-1108 du 27 juin 2017 relatif aux dérogations à l’organisation de la semaine scolaire dans les écoles maternelles et élémentaires publiques. Ce nombre est passé de 20 298 en 2016 à 1 345 en 2022, soit une baisse de plus de 90 %. De plus, 6 communes sur les 1 458 restantes mobilisent à elles seules un quart du fonds (Dijon, Paris, Toulouse, Grenoble, Rennes et Nantes). Comme l’indiquent les réponses au questionnaire budgétaire, « cela conduit le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse à réorienter sa politique et ses crédits vers d’autres dispositifs qui concernent toutes les communes, à l’image de l’école ouverte. L’État a donc décidé de réduire de moitié, à la rentrée scolaire 2023, les aides forfaitaires prévues dans le cadre de ce fond […] et de mettre en extinction le fonds à la rentrée 2024 par une disposition inscrite au PLF 2024 ».

([14]) Projet annuel de performances 2024 de la mission Enseignement scolaire

([15]) Projet annuel de performances 2024 de la mission Enseignement scolaire

([16]) Réponses au questionnaire budgétaire

([17]) Réponses au questionnaire budgétaire

([18]) Réponses au questionnaire budgétaire

([19]) Ensemble de ressources et de personnes mises à disposition de l’enseignement agricole pour accompagner son adaptation aux changements éducatifs, sociaux, économiques ou techniques

([20]) Le bien-être des enfants à l’école : fondements et enjeux, état de la recherche par Christophe Marsollier, docteur en sciences de l’éducation, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, septembre 2019.

([21]) Cnesco, L’école française propose-t-elle un cadre de vie favorable aux apprentissages et au bien-être des élèves ?, 2017.

https://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2017/12/171002Dossier_Synthese_Qualite_vie_ecole_def.pdf

([22]) A. Konu et M. Rimpela, Well-being in schools: a conceptual model. Health Promotion International, 2002.

([23]) « Climat scolaire et bien-être à l'école », Éducation et formations, n° 88-89, décembre 2015.

([24]) The impact of the COVID-19 pandemic on education: international evidence from the Responses to Educational Disruption Survey (REDS).

([25]) https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/enabee-etude-nationale-sur-le-bien-etre-des-enfants

([26]) Rapport scientifique du Cnesco, Comment l’école peut-elle proposer un cadre de vie favorable à la réussite et au bien-être des élèves ?, octobre 2017.

https://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2017/10/170929_QDV_FLorin_Guimard.pdf

([27]) « Climat scolaire et bien-être à l’école », Éducation et formations, n° 88-89, décembre 2015.

([28]) Le bien-être des enfants à l’école : fondements et enjeux, état de la recherche par Christophe Marsollier, docteur en sciences de l’éducation, inspecteur général de l’éducation, du sport et de la recherche, septembre 2019.     

([29]) https://www.anses.fr/fr/content/inactivit%C3%A9-physique-et-s%C3%A9dentarit%C3%A9-chez-les-jeunes-l%E2%80%99anses-alerte-les-pouvoirs-publics

([30]) https://www.who.int/fr/news/item/22-11-2019-new-who-led-study-says-majority-of-adolescents-worldwide-are-not-sufficiently-physically-active-putting-their-current-and-future-health-at-risk    

([31]) Marie-Maude Dubuc, « Influence des fonctions cognitives, des facteurs physiques, psychologiques, sociologiques et des habitudes de vie sur le rendement scolaire des élèves du secondaire : une étude longitudinale », Montréal (Québec, Canada), Université du Québec à Montréal, Doctorat en biologie, 2020.

([32]) https://www.ifop.com/wp-content/uploads/2021/03/Lanalyse.pdf

([33]) Rapport de la médiatrice de l’éducation nationale et de l’enseignement supérieur 2022, Apprendre à vivre ensemble, juillet 2023.

([34]) https://assnat.fr/Slkfkv

([35]) https://assnat.fr/fTJLbU.

([36]) https://assnat.fr/aO5IuU.