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N° 1781

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ASSEMBLÉE   NATIONALE

 

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

SEIZIÈME LÉGISLATURE

 

Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2023.

 

 

AVIS

 

 

PRÉSENTÉ

 

 

AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2024,

 

 

TOME IV

 

 

MÉDIAS, LIVRE ET INDUSTRIES CULTURELLES

 

 

 

Par M. Philippe BALLARD,

 

Député.

 

 

——

 

 

 

Voir les numéros :

Assemblée nationale :  1680, 1745 (annexe n° 31).


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  SOMMAIRE

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Pages

AVANT-PROPOS

Première partie : les crédits de la mission médias, livre et industries culturelles

I. le soutien au secteur de la presse et des médias : une consolidation de l’engagement financier de l’État

A. l’agence France-Presse : des crédits en hausse

B. Les aides à la diffusion de la presse : la mise en œuvre de la réforme du postage et du portage

1. La nouvelle aide à l’exemplaire à double barème

2. Les autres aides à la diffusion

3. La problématique de la distribution de la presse dans les territoires d’outre-mer

C. une légère hausse des aides au pluralisme et à la modernisation en 2024

1. Les aides au pluralisme

2. Les aides à la modernisation

3. Des aides indirectes conséquentes

4. Les sept entreprises de presse les plus subventionnées en 2022

D. Le soutien à l’expression radiophonique locale

1. Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) : une nouvelle hausse de crédits

2. Une stabilité des crédits de la radio franco-marocaine Médi1

II. La politique du livre et les Industries culturelles et créatives au service de l’exception culturelle française

A. Le livre et la lecture, priorités publiques

1. Le soutien à la lecture pour tous les publics sur tous les territoires

2. La Bibliothèque nationale de France

3. La Bibliothèque publique d’information

4. Le Centre national du livre

B. Un secteur de la musique enregistrée soutenu par le centre national de la musique

1. Le Centre national de la musique (CNM) : un opérateur devenu indispensable…

2. … dont le financement fait l’objet de débats

C. Le centre national du cinéma et de l’image animée, opérateur de la filière audiovisuelle et cinématographique

1. Le fonctionnement du CNC, qui a fait la preuve de son efficacité au service du cinéma français, demeure perfectible

2. Une consolidation des ressources fiscales du CNC pour 2023 et 2024, des dispositifs fiscaux en question

a. Les taxes affectées

b. La prorogation du crédit d’impôt international

c. Une réflexion à engager sur l’élargissement de l’assiette du crédit d’impôt cinéma (CIC)

d. La prorogation de la réduction d’impôt au titre des souscriptions en numéraire ou au capital des sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica)

3. L’intelligence artificielle : un enjeu d’avenir pour la filière cinématographique et audiovisuelle

Seconde partie : La souveraineté télévisuelle française

Introduction : la double rÉvolution de la vidÉo À la demande et des Équipements connectÉs

I. Vers une invisibilation des chaînes de télévision françaises sur les interfaces des équipements connectés ?

A. L’exposition des services de la TNT est de moins en moins bien assurée sur les interfaces d’accueil des téléviseurs connectés

B. un triple enjeu économique, culturel et démocratique

II. La directive SMA a donné la possibilité aux États membres de défendre la visibilité de leurs services de médias audiovisuels d’intérêt général

A. l’article 20-7 de la loi Léotard prévoit l’obligation pour les interfaces utilisateurs d’assurer une visibilité appropriée des services d’intérêt général…

B. … dans des conditions précisées par décret

III. les consultations publiques menées par l’arcom doivent concilier des intérêts divergents et prendre en considération des problématiques techniques complexes

A. le périmètre des SIG

B. les mesures de visibilité appropriée

C. la voie d’une harmonisation européenne, gage d’efficacité et d’effectivité

Travaux de la commission

I. Audition de la ministre

II. Examen des crédits

ANNEXE : Liste des personnes entendues par le rapporteur pour avis

 

 


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   AVANT-PROPOS

L’année 2024 constituera indubitablement une année charnière pour la presse, les médias et les industries culturelles. La mission Médias, livre et industries culturelles matérialise le soutien financier que l’État consent à l’égard de ces secteurs, au vu de leur caractère stratégique pour la vitalité de la démocratie et la défense de la souveraineté culturelle françaises. En effet, les bénéficiaires des crédits de la présente mission sont à la fois des entreprises soumises aux lois du marché, évoluant dans un environnement de plus en plus concurrentiel et marqué par la volonté hégémonique de grandes plateformes étrangères, et des acteurs d’intérêt général, qui jouent un rôle majeur dans la diffusion pluraliste des courants de pensée et d’opinion, la diversité de la création littéraire et le développement de la lecture, ainsi que le soutien à la création d’expression originale française.

L’an dernier, votre rapporteur pour avis relevait que les secteurs de la presse, de la radio, du livre, de la musique enregistrée et de l’audiovisuel peinaient à renouer avec leur niveau d’activité prévalant en 2019, avant la crise sanitaire.

Ce constat est toujours valable pour certains de ces secteurs, comme celui de la presse écrite d’information politique et générale (IPG) ou spécialisée, dont la diffusion, après une stabilisation de courte durée en 2021, a recommencé à diminuer en 2022 ([1]), une année pourtant très riche en actualités, françaises comme internationales ([2]). En 2024, l’engagement financier de l’État en faveur de la presse serait stabilisé. La réforme du transport de la presse se poursuivrait, avec une diminution de 15 % de l’aide à l’exemplaire posté – à l’exception des communes rurales – afin d’encourager le transfert d’exemplaires postés vers le portage. En dépit de cette stabilisation, la crise du modèle économique de la presse se poursuit plus que jamais, en particulier du fait des changements d’habitude dans les comportements d’information des Français. Quelques chiffres suffisent à en prendre la mesure : entre 1973 et 2018, la proportion de Français ayant lu la presse au moins une fois au cours des douze derniers mois a diminué de 26 points, passant de 77 % à 51 % ([3]). Alors que les recettes de ventes s’étaient rétablies en 2021, passant de 4,08 milliards d’euros à 4,29 milliards d’euros (+ 5,1 %), elles sont retombées en 2022 à 4,19 milliards d’euros (- 2,4 %) ([4]).

D’autres secteurs connaissent une amélioration sensible de leur situation, notamment celui du cinéma. Selon les estimations du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), les cinémas français ont enregistré près de 125 millions d’entrées sur les huit premiers mois de l’année 2023, soit une augmentation de 28,3 % par rapport aux huit premiers mois de 2022. Cette fréquentation demeure inférieure de 8,8 % par rapport à la moyenne 2017-2019 sur les huit premiers mois. Toutefois, l’ensemble des professionnels de la filière rencontrés par le rapporteur pour avis dans le cadre de ses travaux lui ont fait part de leur optimisme quant à la capacité du cinéma français à renouer durablement avec le public.

Après avoir atteint son pic au début de l’année 2023, l’inflation devrait connaître une première stabilisation, passant de 4,9 % sur l’ensemble de l’année 2023 à 2,6 % en 2024  ([5]). Pour l’heure, la hausse des prix affecte encore douloureusement la presse et les industries culturelles, justifiant plus que jamais des mesures de soutien sectoriel.

Le rapporteur pour avis a choisi de consacrer la seconde partie du présent rapport à la visibilité des chaînes de télévision françaises sur les équipements connectés (interfaces d’accueil des téléviseurs connectés, des boîtiers TV connectés, des fournisseurs d’accès à internet, télécommandes, magasins d’applications, etc.), en gardant à l’esprit, tout au long de ses travaux, que cette problématique recouvre un enjeu tant économique que culturel. La télévision demeure incontestablement un média puissant : plus de 90 % des Français possèdent au moins un téléviseur au sein de leur foyer et l’utilisent à 81 % pour regarder la télévision en linéaire, les autres usages, tels que la consommation de vidéos à la demande, représentant 19 % du temps d’utilisation. Cependant, chacun doit prendre conscience de l’évolution en cours des usages, et de la nécessité qui en découle d’adapter la réglementation sectorielle. La réception de la télévision numérique terrestre (TNT), notamment, continue de décroître rapidement. Selon l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), elle est ainsi passée de 46,3 % au deuxième trimestre 2021 à 43,2 % au deuxième trimestre 2022 ([6]). En parallèle, la consommation de services de vidéos à la demande (SVOD) enregistre une croissance exponentielle. Si les Français de plus de 15 ans étaient seulement 9 % en 2018 à avoir utilisé un SVOD, ils étaient 47 % en 2022 ([7]). Surtout, le renouvellement rapide des équipements télévisuels complexifie l’accès à la télévision en direct et porte déjà atteinte à la visibilité des contenus des chaînes françaises ; la « découvrabilité » de la production audiovisuelle française doit être protégée et améliorée, au nom de l’exception culturelle et de la défense des intérêts économiques de l’audiovisuel français, sous peine de voir ce dernier « invisibilisé » en France même. Alors que l’Arcom s’apprête à conclure deux consultations relatives au périmètre des services d’intérêt général (SIG) et aux mesures de visibilité appropriée des SIG, le rapporteur pour avis a souhaité réaliser un état des lieux de cet enjeu, déterminant pour l’avenir de l’audiovisuel, public comme privé.

*

*     *

Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles sont en hausse et s’établiraient pour l’année 2024 à 741,9 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) – soit une hausse de 5,62 % – et à 735,9 millions d’euros en crédits de paiement (CP) – soit une hausse de 4,41 %.

Cette hausse bénéficierait essentiellement au programme 334 Livre et industries culturelles, dont les crédits augmenteraient en CP de 7,62 %. Au sein de ce programme, ce sont les crédits en faveur du livre et de la lecture (action 01) qui seraient le plus abondés, à hauteur de 22,8 millions d’euros supplémentaires. Cette nouvelle dotation doit permettre de financer la stratégie en faveur de la lecture dans les territoires et le plan national de numérisation de la presse ancienne, dans le cadre de la préparation du Conservatoire national de la presse, construit par la Bibliothèque nationale de France (BNF) dans son futur centre d’Amiens. Cette dernière serait dotée en 2024 d’une subvention pour charges de service public de 211,5 millions d’euros, en hausse de 13 millions d’euros, et d’une subvention pour charges d’investissement de 35,3 millions d’euros, en hausse d’un million d’euros.

À ces crédits budgétaires il convient d’ajouter, d’une part, les ressources issues des taxes affectées à certains opérateurs et, d’autre part, les mesures de soutien indirect via les nombreux crédits et réductions d’impôt au bénéfice des entreprises du secteur et des particuliers.

L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.

À cette date, 100 % des réponses étaient parvenues au rapporteur pour avis.

 


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   Première partie : les crédits de la mission médias, livre et industries culturelles

Les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles

La maquette budgétaire de la mission Médias, livre et industries culturelles reste inchangée par rapport aux précédents exercices budgétaires et comprend deux programmes : le programme 180 (Presse et médias) et le programme 334 (Livre et industries culturelles). Si les crédits de la mission progresseraient (+ 5,62 % en AE et + 4,41 % en CP) par rapport à la loi de finances initiale pour 2023, cette augmentation est inégale entre les deux programmes. Les crédits du programme 180 progresseraient ainsi de 1,52 % en AE et en CP, tandis que les crédits du programme 334 augmenteraient de 10,24 % en AE et de 7,62 % en CP.

 Le programme 180 Presse et médias (376,6 millions d’euros en CP) comprend les crédits relatifs aux aides à la presse et aux relations financières entre l’État et l’Agence France-Presse (AFP) ainsi que les moyens nécessaires au financement de plusieurs actions en faveur de médias locaux (radios associatives) ou de proximité (médias non professionnels). Les principales évolutions budgétaires au sein de ce programme sont les suivantes :

– la diminution (à hauteur de 4 millions d’euros) de l’aide aux titres de presse postés, qui s’établirait ainsi à 68,2 millions d’euros, conformément à la trajectoire établie par le décret n° 2023-132 du 24 février 2023 instituant une aide à l’exemplaire pour les titres de presse postés ou portés ;

– l’augmentation de 0,8 million d’euros de la dotation du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) ;

– la majoration à hauteur de 6,7 millions d’euros des crédits dédiés à l’Agence France-Presse.

● Le programme 334 Livre et industries culturelles (359,2 millions en CP) retrace les crédits alloués aux opérateurs du livre ainsi que les actions du ministère de la Culture en soutien à la filière du livre et au développement de la lecture. La musique enregistrée et l’industrie cinématographique et audiovisuelle sont soutenues respectivement par le Centre national de la musique (CNM) et le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) au travers de mesures budgétaires, mais surtout de taxes affectées et de dépenses fiscales. Les évolutions budgétaires les plus notables au sein du programme 334 seraient :

– le lancement d’un plan national de numérisation de la presse ancienne, bénéficiant d’un premier financement de 4,7 millions d’euros inscrit dans le présent projet loi de finances ;

– une première dotation de 1,8 million d’euros pour la stratégie en faveur de la lecture dans les territoires (à cette dotation, s’ajouteraient 3,1 millions d’euros de crédits inscrits au sein du programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture de la mission Culture) ;

– l’intégration au sein du programme 334 des crédits en faveur de l’entrepreunariat culturel, précédemment inscrits au sein du programme du programme 361 (1,1 million d’euros) ;

– le renforcement des moyens de la Bibliothèque nationale de France (BNF), à hauteur de 13 millions d’euros pour son fonctionnement (dont 6,2 millions d’euros au titre de la prise en compte de l’inflation), et d’1 million d’euros pour ses investissements.

Répartition DES CRÉDITS de la mission PAR PROGRAMME et action
et principales Évolutions

(en euros)

Programmes/

actions

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Loi de finances pour 2023

Projet de loi de finances pour 2024

Loi de finances pour 2023

Projet de loi de finances pour 2024

Programme 180 : Presse et médias

372 049 399

377 705 399 (+ 1,52 %)

371 009 279

376 665 279 (+ 1,52 %)

01 – Relations financières avec l’AFP

134 976 239

141 692 217

134 976 239

141 692 217

02 – Aides à la presse

197 542 361

196 826 383

196 502 241

195 786 263

05 – Soutien aux médias de proximité

1 831 660

1 831 660

1 831 660

1 831 660

06 – Soutien à l’expression radiophonique locale

36 032 639

35 688 639

36 032 639

35 688 639

07 – Compagnie internationale de radio et de télévision (CIRT)

1 666 500

1 666 500

1 666 500

1 666 500

Programme 334 : Livre et industries culturelles

330 337 709

364 169 976

(+ 10,24 %)

333 851 042

359 282 643 (+ 7,62 %)

01 – Livre et lecture

300 673 721

331 895 864

304 187 054

327 008 531

02 – Industries culturelles

29 663 988

32 274 112

29 663 988

32 274 112

TOTAL pour la mission

702 387 108

741 875 375

704 860 321

735 947 922

Variation

+ 39 488 267 (+ 5,62 %)

+ 31 087 601 (+ 4,41 %)

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Médias, livre et industries culturelles.

I.   le soutien au secteur de la presse et des médias : une consolidation de l’engagement financier de l’État

La presse traverse une crise structurelle et déjà ancienne. Son déclin a commencé avant même l’arrivée d’internet. Le nombre de titres de presse quotidienne nationale (PQN), par exemple, est passé de 26 en 1945 à 12 en 1953, et n’est plus que de 9 aujourd’hui ([8]). Le nombre de titres de presse quotidienne régionale (PQR), quant à lui, est passé de 175 en 1946, à 85 en 1968, et à 63 en 2023.

La crise de la presse écrite se manifeste également par la chute des tirages papier, divisés par deux entre 1985 et 2019 ([9]). La plus forte baisse concerne la PQN, dont les tirages ont diminué de 67 % sur cette période. Le nombre de points de vente de presse est également en fort recul, en particulier depuis une dizaine d’années : – 24 % entre 2012 et 2020.

Les recettes du secteur sont ainsi en diminution constante depuis le début des années 2000 : son chiffre d’affaires (6 milliards d’euros en 2022) a accusé une baisse de 58,2 % depuis 2000.

Évolution des recettes de la presse de 1990 à 2021

Source : réponses au questionnaire budgétaire.

Les recettes publicitaires (publicité commerciale et petites annonces) se sont effondrées depuis 2007, passant de 4,8 milliards d’euros à 1,8 milliard d’euros en 2022 ([10]). Alors qu’elles représentaient 43,7 % du chiffre d’affaires de la presse en 2008, elles n’en représentent plus que 30 % aujourd’hui. Cette érosion des recettes publicitaires est liée à la diminution du lectorat mais également à l’essor des plateformes numériques, qui concurrencent les éditeurs de presse sur le marché de la publicité en ligne. Les annonceurs achètent en effet des espaces publicitaires sur les sites internet et applications des éditeurs ou auprès des plateformes numériques. La force de frappe de ces dernières est considérable : en 2019, Google et Meta ont capté 76 % des parts de marché de la publicité en ligne. Les plateformes prélèvent également, au titre de leur rôle d’intermédiaire, une partie des montants investis par les annonceurs pour diffuser des publicités sur le site d’un média. Les éditeurs de presse ne toucheraient ainsi que 40 % de l’investissement publicitaire réalisé sur leurs sites par les annonceurs en ligne, et leur rémunération au titre des droits voisins ne compensera pas la perte structurelle de ressources publicitaires.

Une partie des aides directes à la presse (cf. infra) vise précisément à compenser la diminution des ressources publicitaires. Il s’agit notamment de l’aide aux publications nationales d’IPG à faibles ressources publicitaires (17 millions d’euros prévus pour l’année 2024) et de l’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’IPG à faibles ressources de petites annonces (1,4 million d’euros prévus pour l’année 2024).

À cette crise structurelle, s’ajoutent les effets dévastateurs de l’inflation, en particulier du coût du papier. M. Philippe Carli, président de l’Alliance de la presse d’information politique et générale (Apig), a ainsi rappelé au cours d’une table ronde réunissant les principales organisations professionnelles de la presse, que le prix de la tonne de papier, malgré une légère baisse, devrait s’élever à 800 euros sur l’ensemble de l’année 2023, contre 400 euros en 2021. La presse écrite souffre également de l’augmentation des coûts de l’énergie, qui renchérissent le portage. Au cours de son audition par le rapporteur pour avis, M. Sandro Martin, directeur général de France Messagerie, a estimé l’impact de l’inflation sur les comptes de l’opérateur à 2 millions d’euros sur l’année 2022 et le premier semestre 2023.

Afin d’aider la presse écrite à faire face aux effets de l’inflation et, partant, de créer les conditions de la préservation de son caractère pluraliste, le ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et le ministère de la Culture ont annoncé, dans un communiqué de presse commun du 13 décembre 2022, une aide exceptionnelle de 30 millions d’euros « aux éditeurs de presse les plus touchés par l’augmentation de certains de ses coûts de production ». Ce fonds de soutien bénéficiera aux éditeurs dont les publications sont reconnues par la commission paritaire des publications et agences de presse (CPPAP) ([11]) et son financement proviendra de crédits destinés au secteur de la presse ouverts dans le cadre du plan France relance et non consommés, ainsi que d’une enveloppe de 5 millions d’euros ouverte dans le cadre de la loi n° 2022-1499 du 1er décembre 2022 de finances rectificative pour 2022 ([12]). Cette aide exceptionnelle a été instituée par un décret du 3 mai 2023 ([13]), dont l’article 3 a fixé les conditions d’éligibilité. Selon les informations communiquées au rapporteur pour avis par Mme Florence Philbert, directrice générale des médias et des industries culturelles, 289 sociétés éditrices, représentant 869 publications, ont déposé une demande d’aide auprès de l’Agence de services et de paiement (ASP), chargée de l’instruction des dossiers et du paiement pour le compte de l’État. Les aides devraient être versées au cours du mois d’octobre.

Le rapporteur pour avis se réjouit de la mise en place de cette aide et propose, au vu des difficultés persistantes de la filière, l’extension du pass culture ([14]) aux abonnements à la presse écrite, toutes catégories confondues (IPG, spécialisée, etc.). Ce dispositif géré par le ministère de la Culture vise à permettre l’accès des jeunes âgés de 15 à 18 ans à de nombreux secteurs et produits de la vie culturelle : livres, cinéma, spectacle vivant, musées, expositions, musique, audiovisuel, etc., autant de domaines qui contribuent à l’émancipation intellectuelle et artistique des plus jeunes. La presse, pour sa part, en informant les citoyens, joue un rôle fondamental dans le renforcement de l’esprit critique des jeunes Français. Or ce sont précisément les plus jeunes qui lisent le moins la presse : en 2018, 24 % des 15-24 ans et 37 % des 35-39 ans déclarent lire quotidiennement la presse, contre 44 % des 40-59 ans et 51 % des plus de 60 ans ([15]). Par ailleurs, est-il besoin de rappeler que la presse écrite constitue un rempart contre les pratiques massives de désinformation qui envahissent les réseaux sociaux, alors que ceux-ci, comme le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) ([16]) l’a démontré en 2020 ([17]), sont de plus en plus utilisés à des fins d’information ? En 2019, cet usage atteignait 42 %. Dès lors, l’ouverture du pass culture aux abonnements aux publications de la presse écrite poursuivrait un double objectif : économique et de lutte contre la désinformation ([18]).

 

A.   l’agence France-Presse : des crédits en hausse

L’Agence France-Presse (AFP) est l’une des trois grandes agences de presse mondiales, soutenue par l’État au titre de sa mission d’intérêt général.

Les crédits budgétaires inscrits au sein du programme 180 s’établiraient en 2024 à 141,7 millions d’euros, contre 134,9 millions d’euros en 2023, soit une hausse de 5 %. Ces crédits comprennent deux parts : la première est destinée à compenser les missions d’intérêt général de l’AFP (119 millions d’euros) ; la seconde est versée au titre du paiement des abonnements commerciaux de l’État (22,7 millions d’euros).

Cette dotation budgétaire est conforme à la trajectoire prévue dans le contrat d’objectifs et de moyens (COM) entre l’État et l’AFP pour la période 2024-2028, en cours de finalisation et sur lequel le conseil supérieur de l’Agence devra se prononcer avant la fin de l’année 2023.

Le plan de transformation de l’AFP, arrêté à l’automne 2018, a permis un redressement réel de la situation financière de l’Agence ([19]). Ce plan poursuivait un double objectif d’augmentation des recettes commerciales, grâce à un plan d’investissement dans l’image et la vidéo, et de réduction de ses charges. Il prévoyait notamment 14 millions d’euros d’économies sur la masse salariale avant 2023. En septembre 2023, 12 millions d’euros d’économies ont été réalisés, soit 85 % de l’objectif initial ([20]). En outre, l’ensemble des équipes parisiennes de l’Agence ont été rassemblées dans son immeuble de la place de la Bourse, entièrement rénové pour un coût total de 9 millions d’euros. L’Agence a ainsi libéré les locaux qu’elle louait rue Vivienne, ce qui lui a permis de réaliser une économie de 2,5 millions d’euros sur l’ensemble de l’année 2023.

La situation de l’AFP apparaît en nette amélioration depuis 2019. En 2020, l’Agence est parvenue à réduire ses charges d’exploitation de 9,2 millions d’euros et a dégagé un résultat net de 5,4 millions d’euros. En 2021, ce résultat s’est établi à 10,6 millions d’euros. Pour la quatrième année consécutive, l’AFP présente un résultat net positif en 2022, à hauteur de 1,2 million d’euros. Ses recettes commerciales, en particulier, apparaissent en nette augmentation (+ 5,9 %).

Le rapporteur pour avis estime néanmoins qu’une vigilance particulière devra être apportée aux effets de l’inflation, qui renchérit l’ensemble des coûts de l’AFP.

Pour les années à venir, la stratégie de l’AFP s’articulera autour de trois axes :

– la diversification de sa couverture éditoriale, certains domaines étant encore insuffisamment traités par l’AFP, tels que les problématiques de société ou le numérique ;

– le renforcement de sa présence en Afrique, continent prioritaire pour la croissance de ses recettes commerciales ;

– la poursuite de l’investissement dans de nouveaux produits (investigation numérique et fact-checking, vidéo). Fin 2022, l’AFP comptait plus de 130 journalistes spécialisés dans le fact-checking et l’investigation numérique, cette activité représentant désormais le premier facteur de développement de son chiffre d’affaires : 10,7 millions d’euros, soit + 5,7 millions d’euros par rapport à l’objectif fixé par le COM 2019-2023 pour l’année 2022.

Le rapporteur pour avis salue la bonne gestion de l’AFP, qui a respecté les engagements du COM 2019-2023 et appliqué avec succès le plan d’économie défini en 2018, retrouvant ainsi une crédibilité durable à l’égard de l’État et de ses clients. À l’ère de la désinformation, l’AFP constitue un atout stratégique de premier plan pour la France, justifiant de ce fait pleinement le soutien financier que l’État consent en sa faveur.

B.   Les aides à la diffusion de la presse : la mise en œuvre de la réforme du postage et du portage

Les crédits consacrés aux aides directes à la presse représenteraient en 2024 195,8 millions d’euros en CP, contre 196,5 millions d’euros en 2023 (– 0,3 %).

Les aides à la diffusion, qui constituent le volet le plus important des aides directes, s’élèveraient en 2024 à 115 millions d’euros. Elles visent à permettre l’accès à l’information de tous les citoyens, quelle que soit leur localisation géographique.

1.   La nouvelle aide à l’exemplaire à double barème

L’aide à l’exemplaire pour les titres de presse postés ou portés résulte de la mise en œuvre des conclusions de la mission confiée par le Gouvernement à M. Emmanuel Giannesini, conseiller maître à la Cour des comptes, qui a proposé un nouveau système de distribution de la presse, reposant sur la réduction des volumes de presse postés au profit du portage à domicile, d’une part, et sur la stabilisation des tarifs postaux, d’autre part.

Suite à la signature d’un protocole d’accord le 14 février 2022 entre l’État, les organisations représentatives des éditeurs de presse écrite, la Poste et l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), la Commission européenne a validé le dispositif le 5 décembre 2022, ouvrant la voie à l’institution de l’aide, définie par un décret n° 2023-132 du 24 février 2023.

Bénéficiant aux éditeurs de presse d’IPG, cette aide prévoit un barème pour les exemplaires postés et un barème pour les exemplaires portés, dont le montant est fixé jusqu’en 2026.

L’aide à l’exemplaire posté constitue la contrepartie de la suppression du tarif postal privilégié (le « ciblage postal ») dont bénéficiaient les titres IPG. Afin d’inciter les éditeurs de presse à recourir au portage, le montant de l’aide à l’exemplaire pour les titres de presse postés serait diminué de 15 % à compter du 1er janvier 2024, conformément à la trajectoire prévue par le décret n° 2023‑132 du 24 février 2023. Cette réduction ne sera cependant pas applicable dans les communes rurales, dans lesquelles le portage est très difficile à mettre en œuvre.

Il n’est pas prévu de nouvelle diminution de l’aide pour les années 2025 et 2026. En 2024, le coût de l’aide a été évalué par le ministère de la Culture à 68,2 millions d’euros, soit une baisse de 4 millions d’euros par rapport au montant prévu en loi de finances initiale pour 2023.

L’aide à l’exemplaire pour les titres de presse portés, pour sa part, serait dotée de 32,7 millions d’euros en 2024 au titre des exemplaires portés en 2023, contre 35,1 millions d’euros en 2023. Cette aide est réservée aux éditeurs dont les titres sont portés par un réseau de portage ayant conclu une convention avec la DGMIC.

S’il est encore trop tôt pour mesurer les effets de l’application de cette nouvelle aide, votre rapporteur pour avis sera attentif au bilan qui sera réalisé par le ministère de la Culture en 2024. En particulier, il souhaite que soit prise en compte la difficulté, pour de nombreux éditeurs de presse, à basculer du postage vers le portage du fait de la fragilisation de la filière des vendeurs colporteurs de presse. Cette fragilisation résulte de la diminution de la diffusion de la presse, d’une part, et de l’augmentation du prix de l’essence, d’autre part. Dans ces conditions, le rapporteur pour avis jugerait utile d’exclure à titre temporaire les vendeurs colporteurs de presse du champ d’application des zones à faible émission (ZFE) des métropoles.

2.   Les autres aides à la diffusion

L’aide à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale d’IPG (première section de la sous-action 10 de l’action 02), qui serait reconduite dans le projet de loi de finances pour 2024 à hauteur de 27 millions d’euros, a également pour objectif de soutenir le secteur de la distribution de la presse. Il s’agit d’une aide à la distribution de la presse quotidienne nationale d’IPG vendue au numéro en France. Le montant de cette aide, passée de 18 à 27 millions d’euros en 2021, demeurerait à un niveau élevé en 2024 afin de garantir la distribution de la PQN, dans l’attente des conclusions d’une mission d’inspection sur la distribution de la presse ([21]).

La situation financière de France Messagerie, seule société de messagerie couvrant l’ensemble du territoire, continue de s’améliorer, grâce au soutien de l’État et à un ambitieux plan d’économie (700 équivalents temps plein supprimés en 2020, 50 supplémentaires en 2021 et 2022) mis en œuvre depuis 2020. En 2022, la société a pu dégager un résultat positif de 4,9 millions d’euros.

Le rapporteur pour avis juge nécessaire un renforcement des crédits de la deuxième section de l’aide à la distribution de la presse (850 000 euros en 2024), qui vise à soutenir la distribution de la presse d’IPG d’une périodicité au maximum hebdomadaire à l’étranger. Cette aide est prioritairement ciblée sur des zones géographiques déterminées par la DGMIC (Afrique subsaharienne, Europe hors Union européenne et Maghreb). Les sociétés éligibles sont les éditeurs de presse et les sociétés de messagerie. En 2022, sur la dotation totale de 850 000 euros, 722 500 euros ont été attribués à France Messagerie et 127 500 euros aux Messageries lyonnaises de presse (MLP). Le rapporteur pour avis a été alerté par des acteurs de la distribution de la presse des risques de retrait de certains titres de presse des marchés subsaharien et maghrébin, pourtant stratégiques pour la France. En effet, la distribution de la presse nationale dans ces territoires participe pleinement du rayonnement de la culture française à l’international. En conséquence, il propose de relever la dotation de la deuxième section de l’aide à la distribution de la presse à hauteur d’un million d’euros (+ 150 000 euros).

La dotation prévue par le présent projet de loi de finances apparaît insuffisante.

Par ailleurs, l’aide aux réseaux de portage serait temporairement maintenue à hauteur de 2,4 millions d’euros, soit le même montant qu’en 2023. Elle vise à permettre aux réseaux d’investir afin de pouvoir porter davantage de titres.

Les vendeurs colporteurs de presse et porteurs de presse bénéficieraient d’une exonération des charges patronales (11,4 millions d’euros pour 2024) ([22]).

3.   La problématique de la distribution de la presse dans les territoires d’outre-mer

Au cours de son audition par le rapporteur pour avis, M. Sandro Martin a rappelé que France Messagerie, sur le plan logistique, gérait l’outre-mer comme une destination étrangère. Or les territoires d’outre-mer ne sont pas éligibles aux crédits de la deuxième section de l’aide à la distribution de la presse, alors même que la distribution de la presse y est particulièrement fragile. M. Martin a ainsi rappelé qu’en 2021 et 2022, la presse nationale avait totalement disparu des points de vente guyanais. Si France Messagerie a repris son activité de distribution en Guyane en juillet 2023, la situation demeure très dégradée. Une aide au pluralisme des titres ultramarins a été créée en 2021 ; dotée de 2 millions d’euros pour l’année 2024 (cf. infra), elle ne vise cependant pas à soutenir la distribution de la presse nationale dans les territoires d’outre-mer, dans lesquels des aides à l’impression numérique locale ont été mises en place. Celles-ci demeurent limitées et ne concernent que les quotidiens.

Le rapporteur pour avis propose donc de porter les crédits de l’aide au pluralisme des titres ultramarins à 2,5 millions d’euros, afin de soutenir la distribution des titres de presse dans les territoires d’outre-mer.

C.   une légère hausse des aides au pluralisme et à la modernisation en 2024

Outre les aides à la diffusion, l’État soutient la presse via le versement d’aides au pluralisme (25,9 millions d’euros) et d’aides à la modernisation (55,13 millions d’euros). Les aides directes à la presse bénéficient presque intégralement à la presse d’IPG. En 2022, la part des aides attribuées aux titres d’IPG au sein des aides à la presse écrite a représenté 98 % ([23]). Ce ratio, qui s’explique par l’attribution exclusive des aides directes à la presse d’IPG, à l’exception d’un faible volet du fonds stratégique de développement de la presse (FSDP) et du fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse (FSEIP), s’élèverait à 99 % en 2023 et en 2024.

1.   Les aides au pluralisme

Depuis 2021, les aides au pluralisme sont au nombre de cinq. Les crédits inscrits représenteraient 25,9 millions d’euros en 2024, contre 23,2 millions d’euros en 2023 (+ 11,6 %).

répartition et évolution des aides au pluralisme

(en euros)

 

Loi de finances pour 2023

Projet de loi de finances pour 2024

AE

CP

AE

CP

Aide aux publications nationales d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires

14 355 000

14 355 000

17 000 000

17 000 000

Aides aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces

1 400 000

1 400 000

1 400 000

1 400 000

Aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale

1 470 000

1 470 000

1 470 000

1 470 000

Aide au pluralisme des titres de presse ultramarins

2 000 000

2 000 000

2 000 000

2 000 000

Aide aux services de presse en ligne

4 000 000

4 000 000

4 000 000

4 000 000

TOTAL

23 225 000

23 225 000

25 870 000

25 870 000

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Médias, livre et industries culturelles.

● L’aide aux publications nationales d’information politique et générale à faibles ressources publicitaires vise à soutenir, d’une part, les titres qui bénéficient structurellement de recettes publicitaires faibles compte tenu de leur positionnement éditorial et, d’autre part, les titres qui traversent de façon conjoncturelle des difficultés financières. Cette aide réformée en 2017 comprend, d’une part, l’aide aux quotidiens nationaux à faibles ressources publicitaires (QFRP) et, d’autre part, l’aide aux publications nationales à faibles ressources publicitaires (PFRP). Le montant des crédits destinés au dispositif en 2024 s’élèverait à 17 millions d’euros, en augmentation de 2,7 millions d’euros par rapport à 2023 afin de prendre en compte l’éligibilité de nouveaux titres au dispositif d’aide QFRP (depuis 2017 et jusqu’en 2022, le versement de l’aide à cette publication était assumé par redéploiement interne).

● L’aide aux quotidiens régionaux, départementaux et locaux d’information politique et générale à faibles ressources de petites annonces (QFRPA) a pour objet de concourir au maintien du pluralisme et à la préservation de l’indépendance des titres. Le total des crédits inscrits pour financer l’aide aux QFRPA serait fixé pour 2024 à 1,4 million d’euros, montant identique aux années précédentes.

● L’aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale (PPR) est destinée à conforter les titres de la presse d’IPG dont le maintien est utile au pluralisme d’expression et à la cohésion du tissu économique et social. Elle a été étendue en 2016 à toutes les périodicités de titres régionaux et locaux d’IPG, hors quotidiens, jusqu’aux trimestriels. Un décret du 4 mai 2023 a prorogé le dispositif jusqu’au 31 décembre 2025 ([24]). Le total des crédits inscrits pour financer ce dispositif serait fixé pour 2023 à 1,47 million d’euros, montant identique aux années précédentes.

 L’aide au pluralisme des titres de presse ultramarins a été créée par la loi n° 2020-1721 du 29 décembre 2020 de finances pour 2021 et reconduite depuis avec une dotation annuelle de 2 millions d’euros. Cette aide permet de répondre à la situation particulière de la presse ultramarine et concerne les entreprises de presse écrite imprimée ou bi-médias de certaines collectivités ultramarines ([25]) . Elle vise exclusivement les publications papier et bi-médias payantes IPG de toute périodicité.

● L’aide aux services de presse en ligne a été créée par le décret n° 2021‑1666 du 15 décembre 2021. D’un montant annuel de 4 millions d’euros, elle s’adresse exclusivement aux services de presse tout en ligne, c’est-à-dire diffusés sur internet et qui ne présentent pas de lien éditorial avec une publication imprimée. Sont concernés les services de presse tout en ligne reconnus IPG quel que soit leur modèle économique (gratuits, payants ou mixtes). Autorisée par la Commission européenne le 19 mai 2022, elle a bénéficié en 2022 à 52 titres, dont 26 payants ou mixtes et 26 gratuits.

2.   Les aides à la modernisation

Les aides à la modernisation de la presse professionnelle sont au nombre de quatre. L’aide à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale est détaillée supra dans la partie consacrée aux aides à la distribution.

répartition et évolution des aides à la modernisation

(en euros)

 

Loi de finances pour 2023

Projet de loi de finances pour 2024

AE

CP

AE

CP

Aide à la modernisation sociale de la presse quotidienne d’information politique et générale*

Aide à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale

27 850 000

27 850 000

27 850 000

27 850 000

Aide à la modernisation des diffuseurs de presse

6 000 000

6 000 000

6 000 000

6 000 000

Fonds stratégique pour le développement de la presse

16 473 422

15 433 302

17 316 936

16 276 816

Fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse

5 000 000

5 000 000

5 000 000

5 000 000

TOTAL

55 323 422

54 283 302

56 166 936

55 126 816

(*) Créée par l’article 135 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 de finances rectificative pour 2004, cette aide avait pour objet d’accompagner le processus de modernisation professionnelle et sociale engagé dans les imprimeries de la presse quotidienne nationale, régionale et départementale. Ce dispositif étant éteint, plus aucun crédit n’est prévu pour 2024.

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Médias, livre et industries culturelles.

● L’aide à la modernisation des diffuseurs de presse a pour objet d’accompagner le réseau des diffuseurs de presse, dont la situation reste préoccupante, dans l’effort de modernisation qu’ils doivent accomplir pour améliorer leur performance commerciale, dont dépend directement la diffusion de la presse vendue au numéro. En 2023, les conditions d’accès à l’aide ont été revues afin de privilégier la modernisation des espaces de vente et de constituer un meilleur effet de levier pour les investissements des diffuseurs. Par ailleurs, un simulateur d’aide et un portail numérique sont en cours de construction. La dotation annuelle de 6 millions d’euros prévue pour ce dispositif serait reconduite en 2024.

● Le fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) soutient les projets d’investissement innovants ([26]). Le fonds, dans sa version modernisée en 2020 ([27]), soutient davantage les territoires ultramarins, la protection de la propriété intellectuelle et la transition écologique. Pour 2024, il serait doté de 17,3 millions d’euros en AE (+ 5,1 %) et de 16,3 millions d’euros en CP (+ 5,4 %).

● Le fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse serait doté d’une enveloppe de 5 millions d’euros en 2024, comme les années précédentes. Il permet de financer les bourses d’émergence ([28]), les aides aux programmes d’incubation de médias émergents et les aides aux programmes de recherche et de développement.

 S’agissant par ailleurs des médias non professionnels, le ministère de la Culture a créé en 2015 un fonds de soutien pérenne aux médias de proximité non professionnels, citoyens et participatifs (publications, sites de presse en ligne, webtélés, webradios, etc.). Ceux-ci contribuent en effet de manière croissante à la vitalité du débat démocratique, en donnant la parole aux habitants des territoires, urbains et ruraux, et en favorisant son partage dans l’espace public. En 2023, 128 dossiers ont obtenu une subvention (sur 214 demandes). Le fonds de soutien aux médias d’information sociale de proximité (FSMISP) serait doté de 1,83 million d’euros en 2024, autant qu’en 2023 et 2022.

3.   Des aides indirectes conséquentes

Les aides indirectes, qui prennent la forme de plusieurs dispositifs fiscaux dérogatoires, constituent une part significative des aides à la presse.

La loi n° 2020-935 du 30 juillet 2020 de finances rectificative pour 2020 a instauré un crédit d’impôt pour le premier abonnement à un journal, à une publication périodique ou à un service de presse en ligne d’IPG. La loi n° 2021‑1900 du 30 décembre 2021 de finances pour 2022 a limité son accès par la mise en place d’une condition de ressources. En raison de l’écart entre l’impact budgétaire initialement estimé (60 millions d’euros en année pleine) et l’évaluation fin 2022 réalisée par les services du ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique (3 millions d’euros), l’extinction de ce dispositif a été avancée du 31 décembre 2023 au 31 décembre 2022 par la loi n° 2022-1726 du 30 décembre 2022 de finances pour 2023.

Principales Dépenses fiscales bénéficiant à la presse

(en millions d’euros)

Nature de l’aide

2023

Réduction d’impôt accordée au titre des souscriptions en numéraire au capital d’entreprises de presse

Moins de 0,5

Réduction d’impôt pour souscription au capital des sociétés de presse

Moins de 0,5

Déduction spéciale prévue en faveur des entreprises de presse

1

Exonération des publications des collectivités publiques et des organismes à but non lucratif

1

Exonération de cotisation sur la valeur ajoutée en faveur des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de mandataires inscrits à la commission du réseau de la diffusion de la presse et revêtent la qualité de diffuseurs de presse spécialistes

5

Exonération en faveur des entreprises dont les établissements vendent au public des écrits périodiques en qualité de mandataires inscrits à la commission du réseau de la diffusion de la presse et revêtent la qualité de diffuseurs de presse spécialistes

5

Taux de 2,10 % applicable aux publications de presse

160

TOTAL des dépenses fiscales

172

Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Médias, livre et industries culturelles.

4.   Les sept entreprises de presse les plus subventionnées en 2022

En dehors de l’Agence France-Presse qui bénéficie d’une compensation de l’État au titre de ses missions d’intérêt général, les entreprises ayant touché les aides les plus importantes dans le cadre du programme 180 relevaient d’un ou plusieurs dispositifs (aides à la diffusion, aides au pluralisme et aides à la modernisation, notamment). Les données qui suivent sont consultables pour l’ensemble des titres de presse sur le site internet du ministère de la Culture, qui publie chaque année la liste des titres de presse ayant bénéficié d’aides directes et indirectes.

– Le Parisien Libéré a perçu 12,1 millions d’euros de subvention, dont 11,8 millions d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, et 0,1 million d’euros au titre de l’aide au portage ;

– La Société du Figaro a perçu 5,9 millions d’euros de subvention, dont 5 millions d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, 0,5 million d’euros au titre du fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP) et 0,4 million d’euros au titre de l’aide au portage ;

– La Société Éditrice du Monde a perçu 5,8 millions d’euros de subvention, dont 4,6 millions d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, 0,6 million d’euros au titre de l’aide au portage, et 0,6 million d’euros au titre du FSDP ;

– Bayard Presse (journal La Croix) a perçu 5,7 millions d’euros de subvention, dont 0,4 million d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, 3 millions d’euros au titre de l’aide aux publications nationales d’IPG à faibles ressources publicitaires, 1,3 million d’euros au titre de l’aide au portage et 1 million d’euros au titre du FSDP ;

– Libération a perçu 5,4 millions d’euros de subvention, dont 1,5 million d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, 3 millions d’euros au titre de l’aide aux publications nationales d’IPG à faibles ressources publicitaires, et 0,9 million d’euros au titre de l’aide au portage ;

– La Société nouvelle du Journal l’Humanité a perçu 3,8 millions d’euros de subvention, dont 0,5 million d’euros au titre de l’aide à la modernisation de la distribution, 3,1 millions d’euros au titre de l’aide aux publications nationales d’IPG à faibles ressources publicitaires, et 0,2 million d’euros au titre de l’aide au portage ;

– La Société Bey Medias Presse & Internet (journal L’Opinion) a perçu 2,1 millions d’euros de subvention, dont 0,1 million d’euros au titre de l’aide à la modernisation, 1,5 million d’euros au titre de l’aide aux publications nationales d’IPG à faibles ressources publicitaires, et 0,5 million d’euros au titre de l’aide au portage.

D.   Le soutien à l’expression radiophonique locale

1.   Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) : une nouvelle hausse de crédits

L’aide aux radios associatives, prévue à l’article 80 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, est accordée aux radios locales associatives accomplissant une mission de communication sociale de proximité, et dont les ressources publicitaires sont inférieures à 20 % de leur chiffre d’affaires total. Le Fonds de soutien à l’expression radiophonique locale (FSER) est chargé de la gestion de cette aide. Chaque année, plus de 700 ([29]) radios associatives bénéficient de ce soutien qui représente en moyenne 40 % de leurs ressources.

Ces radios sont présentes sur l’ensemble du territoire, tant dans les quartiers de la politique de la ville que dans les zones rurales et dans les territoires ultramarins. Aux termes du décret n° 2006-1067 du 25 août 2006 pris pour l’application de l’article 80 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, quatre types de subventions sont attribuées :

– la subvention d’installation est accordée aux services de radio nouvellement autorisés par l’Arcom ;

– la subvention d’équipement finance les projets d’investissement en matériel radiophonique ;

– les subventions annuelles de fonctionnement qui comportent deux volets : la subvention d’exploitation qui est automatique et soumise à barème, et la subvention sélective à l’action radiophonique attribuée sur proposition d’une commission consultative pour les radios réalisant des actions dans les domaines de l’emploi, l’intégration, la lutte contre les discriminations, la culture et l’éducation.

Les crédits du FSER ont été augmentés de 1,25 million d’euros en 2021 et de 1,1 million d’euros en 2022 ; une nouvelle revalorisation à hauteur de 1,7 million d’euros a été réalisée en 2023, portant ses crédits totaux à 34,8 millions d’euros, soit le niveau le plus haut jamais atteint depuis que ce dispositif existe (ces mesures sont destinées à compenser la hausse du nombre de radios éligibles autorisées à émettre par l’Arcom en FM et en DAB+ ([30])). En 2024, la dotation du FSER augmenterait à nouveau pour atteindre 35,7 millions d’euros (+ 2 %). Ce renforcement des crédits a permis d’augmenter le montant moyen des aides versées s’agissant des radios les plus engagées.

Votre rapporteur pour avis souhaite que soit renforcé le contrôle par l’Arcom des propos tenus à l’antenne des radios associatives, conformément à l’article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Le contrôle de l’Arcom doit être distingué de celui de la commission du FSER, qui relève d’un contrôle administratif et consiste en l’examen des comptes certifiés des radios associatives, ainsi que d’une note d’activité détaillée. Compte tenu du nombre important de radios associatives, l’Arcom ne peut pas contrôler rigoureusement chacune d’entre elles et intervient a posteriori, sur alerte d’un auditeur. En 2022, l’Arcom a reçu près de 48 200 alertes déposées par des téléspectateurs et des auditeurs via le formulaire « Alertez-nous sur un programme » hébergé sur son site internet ([31]). Ce chiffre ne permet cependant pas de connaître le nombre d’alertes respectives portant sur les chaînes de télévision, les radios commerciales ou les radios associatives. En conséquence, le rapporteur pour avis invite le Gouvernement à mentionner dans le projet annuel de performances du programme 180 le nombre d’alertes concernant les radios associatives et les suites données par l’Arcom.

2.   Une stabilité des crédits de la radio franco-marocaine Médi1

La participation de la France à Médi1 transite par la compagnie internationale de radio et télévision (CIRT). Cette dernière est une radio franco-marocaine créée en 1981 qui diffuse au Maghreb et en Afrique subsaharienne des programmes d’information et de divertissement en français et en arabe. La radio Medi1 est éditée par la société Radio Méditerranée Internationale (RMI), détenue à 43 % par la Société financière de gestion et de placement (société nationale d’investissement de la famille royale marocaine), à 43 % par la Bank of Africa (banque commerciale et filiale de la Banque marocaine du commerce extérieur) et à 14 % par la France par l’intermédiaire de la CIRT. En 2024, la dotation serait maintenue au même niveau que les années précédentes à savoir 1,6 million d’euros (action 07). Elle permet notamment de couvrir les coûts salariaux des journalistes français qui y travaillent.

L’an dernier, votre rapporteur pour avis notait que la radio était passée de la deuxième à la septième place parmi les radios les plus écoutées au Maroc. Cette dégradation semble se poursuivre : la part d’audience de Médi1 est passée à 6,72 % au dernier trimestre 2022 à 6,64 % au premier trimestre 2024. Cependant, la radio est remontée de la septième à la sixième place dans le classement des audiences, devant la radio Aswat ([32]). Au vu de la prise de contrôle de Médi1, à hauteur de 86,3 % de son capital, par la Société nationale de radiodiffusion et de télévision (SNRT), une holding publique marocaine, le rapporteur pour avis propose l’annulation des crédits de l’action 07.

II.   La politique du livre et les Industries culturelles et créatives au service de l’exception culturelle française

Les crédits inscrits au programme 334 Livre et industries culturelles ont trait aux industries culturelles et créatives au sens large c’est-à-dire, outre la politique du livre et le soutien à la lecture, les secteurs de la musique, du cinéma et de l’audiovisuel.

Le soutien à ces industries, qui évoluent dans un secteur très réglementé au niveau national comme, souvent, au niveau européen, passe par l’action de plusieurs établissements publics qui poursuivent des missions de service public tout en disposant d’une autonomie administrative et financière. Si leurs sources de financement sont diverses, ils bénéficient souvent du produit de taxes qui leur sont affectées et dont ils assurent même parfois le recouvrement, à l’instar du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) depuis sa création.

A.   Le livre et la lecture, priorités publiques

L’action 01 Livre et lecture, qui recouvre 91 % des crédits du programme, comprend deux objectifs : d’une part, favoriser l’accès du public aux bibliothèques et le développement de la lecture et, d’autre part, soutenir la création et la diffusion du livre.

En 2024, 331,89 millions d’euros en AE (+ 31,2 millions d’euros par rapport à 2023) et 327 millions d’euros en CP (+ 22,9 millions d’euros par rapport à 2023) seraient consacrés à cette politique publique ambitieuse.

Alors que l’enjeu de diffusion du goût de la lecture continue à mobiliser l’État, il convient de saluer l’amélioration de la fréquentation de la Bibliothèque nationale de France (BNF) en 2022, portée par la réouverture complète du site Richelieu (près de 785 000 visiteurs sur l’ensemble des sites). La Bibliothèque publique d’information (BPI), quant à elle, enregistre une forte hausse de sa fréquentation en 2022 (de 667 000 environ à près d’1,1 million de visiteurs). Enfin, la fréquentation des bibliothèques municipales continue de s’améliorer, le nombre de personnes ayant fréquenté une bibliothèque municipale au moins une fois dans l’année étant passé de 11,2 à 11,4 millions ([33]).

1.   Le soutien à la lecture pour tous les publics sur tous les territoires

 Hors budget de la BPI (cf. infra), les crédits de la sous-action Développement de la lecture et des collections s’établiraient pour 2024 à 12,95 millions d’euros en AE et 13,72 millions d’euros en CP.

Si la lecture publique est une compétence décentralisée, l’État accompagne toutefois les collectivités territoriales dans le développement du maillage territorial en bibliothèques et dans la modernisation des établissements. Les crédits d’intervention déconcentrés ont vocation à être mobilisés pour l’essentiel dans le domaine de la lecture publique, pour le soutien au développement et à la diffusion de l’offre et des pratiques de lecture par les bibliothèques, à travers des actions au bénéfice des médiathèques, la formation continue et l’insertion professionnelle, et les structures régionales pour le livre.

Les crédits centraux d’intervention en faveur du développement de la lecture et des collections (5,9 millions d’euros en AE et 6,7 millions d’euros en CP) permettent de soutenir deux types d’action : d’une part, la conservation et la diffusion du patrimoine écrit et, d’autre part, le développement de la lecture. Le portail national de la lecture accessible, projet initié à l’issue du comité interministériel du handicap et pris en charge conjointement par le ministère de la Solidarité, de l’autonomie et des personnes handicapées et le ministère de la Culture, bénéficierait en 2024 de 0,48 million d’euros en AE et 1,25 million d’euros en CP. Ce projet doit démarrer à la fin de l’année 2023 et prendra la forme d’une application permettant à 12 millions de personnes handicapées de repérer les livres correspondant à leur handicap, que les ouvrages soient nativement accessibles et donc disponibles dans le commerce ou qu’ils aient fait l’objet d’adaptations ultérieurement par des associations. Le ministère de la Culture réalisera ce catalogue national, en s’appuyant sur l’expertise de la BNF. Parallèlement, un plan de rattrapage adaptera chaque année un plus grand nombre de livres, en vue de leur mise à disposition sur le portail à l’occasion de son ouverture prévue en 2025.

 

Un premier financement de 4,65 millions d’euros serait consacré au lancement du plan national de numérisation de la presse ancienne, dont l’objectif est de porter, d’ici 2028, de 40 à 60 millions le nombre de pages de presse numérisées par la BNF et par les collectivités territoriales (bibliothèques municipales et services d’archives), dans le cadre de la création du Conservatoire national de la presse construit par la BNF au sein de son futur centre d’Amiens. Le besoin total de financement du projet est estimé à 17,5 millions d’euros sur l’ensemble de la période.

Les crédits déconcentrés (5,7 millions d’euros en AE et en CP) bénéficieraient d’un abondement de 0,3 million d’euros afin de financer la stratégie en faveur de la lecture dans les territoires, co-financée avec le programme 361. Cette stratégie vise à amplifier la dynamique d’extension des horaires d’ouverture des bibliothèques, à renforcer l’offre de service des bibliothèques dans les communes rurales et les petites villes, à soutenir les collectivités d’outre-mer dans leurs actions en faveur de la lecture publique, et à augmenter les actions en faveur de la lecture des jeunes. Par ailleurs, le Centre national du livre (CNL) serait doté d’un financement complémentaire de 0,7 million d’euros pour participer à la mise en œuvre de cette stratégie.

 Hors budget du Centre national du livre (CNL), les crédits de la sous-action Édition, librairie et professions du livre s’établiraient à 24,78 millions d’euros en 2024.

Les crédits centraux d’intervention (10,5 millions d’euros) visent à soutenir le secteur de l’édition et des librairies à travers divers organismes parmi lesquels figurent la Centrale de l’édition, le Syndicat de la librairie française et le Bureau international de l’édition française (Bief). Les prévisions de dépenses liées au droit de prêt en bibliothèque relèvent des dépenses de fonctionnement courant ([34]).

Les crédits déconcentrés (4,4 millions d’euros) visent principalement à :

– favoriser le maintien et le développement d’un réseau de librairies dense et diversifié contribuant à l’aménagement culturel et commercial du territoire ;

– accompagner des maisons d’édition établies en régions dans leur développement économique ainsi que dans leurs projets de publication, afin de concourir au maintien d’une diversité d’acteurs dans ce secteur, condition de la diversité éditoriale ;

– soutenir, au niveau local, l’organisation de manifestations littéraires de qualité associant des acteurs de la filière (libraires et éditeurs), et qui contribuent à valoriser la création éditoriale et les auteurs en assurant la visibilité de la production des éditeurs, notamment des plus petits d’entre eux, pour lesquels ces salons constituent des lieux privilégiés pour la diffusion de leurs ouvrages ;

– consolider le dispositif « jeunes en librairie », qui permet à des collégiens, lycéens et apprentis de bénéficier de projets d’éducation artistique et culturelle initiés par des établissements scolaires au travers d’un parcours de découverte des métiers et des acteurs du livre, s’achevant par un achat en librairie. En 2024, le ministère de la Culture lui consacrerait 1,5 million d’euros.

2.   La Bibliothèque nationale de France

La Bibliothèque nationale de France (BNF) est un établissement public national à caractère administratif, placé sous la tutelle du ministère de la Culture. Ses missions sont fixées par le chapitre Ier du titre IV du livre III du code du patrimoine :

– collecter, cataloguer, conserver et enrichir, dans tous les champs de la connaissance, le patrimoine national dont elle a la garde, en particulier le patrimoine de langue française ou relatif à la civilisation française ;

– assurer l’accès du plus grand nombre aux collections, sous réserve des secrets protégés par la loi, dans des conditions conformes à la législation sur la propriété intellectuelle et compatibles avec la conservation de ces collections ;

– assurer la gestion des immeubles, appartenant à l’État ou que ce dernier détient en jouissance, nécessaires à l’exercice de ses missions et qui sont mis à sa disposition par une convention d’utilisation conclue dans les conditions prévues aux articles R. 2313-1 à R. 2313-5 et R. 4121-2 du code général de la propriété des personnes publiques ([35]).

Avec 242,9 millions d’euros en AE et 246,9 millions d’euros en CP prévus pour 2023 (en hausse de 14,2 millions d’euros), la BNF est, sur le plan budgétaire, le plus important des établissements culturels.

La construction à Amiens du nouveau centre de stockage et de conservation constitue un investissement important. Outre qu’il permettra de « désaturer » ses sites actuels ([36]), il intégrera le Conservatoire national de la presse qui accueillera à terme la plus grande collection de presse francophone du monde, étant entendu que les documents de presse sont fragiles et supposent des conditions de conservation très contrôlées. Après finalisation du programme technique détaillé en 2022 et choix par concours du maître d’œuvre en novembre 2023, les travaux de construction se dérouleront de 2025 à 2028. À terme, 100 équivalents temps plein (ETP) y seront redéployés.

 

Le coût de l’opération est estimé à 96 millions d’euros. Son plan de financement repose sur différentes contributions : 30,33 millions d’euros en AE imputés sur les crédits du présent programme en loi de finances pour 2021 (4 millions d’euros de crédits de paiement prévus pour 2024), 5 millions d’euros de fonds propres de la BNF, une participation des collectivités territoriales partenaires à hauteur de 40 millions d’euros et, enfin, le solde couvert par les retours estimés de produits à venir de cessions d’immeubles actuellement occupés par la BNF. Votre rapporteur pour avis tient à saluer cet effort de rationalisation des implantations immobilières de la BNF.

● La BNF continue de faire face au défi de l’inflation du prix de l’énergie pour l’alimentation de ses sites. La plupart de ses sites de conservation sont sous climat contrôlé (pour une surface équivalente à 500 kilomètres de rayonnages linéaires). Le projet de loi de finances pour 2024 prévoit un soutien de l’État en compensation de cette inflation à hauteur de 6,23 millions d’euros.

3.   La Bibliothèque publique d’information

La Bibliothèque publique d’information (BPI) est une bibliothèque encyclopédique et multimédia située dans le Centre national d’art et de culture – Georges Pompidou (CNAC-GP). Des travaux de grande ampleur interviendront entre 2025 et 2030, impliquant le relogement de la BPI.

La dotation en fonds propres de l’établissement avait connu une progression de 35,53 millions d’euros en AE et de 5,33 millions d’euros en CP en loi de finances initiale pour 2022. Cette variation s’expliquait par le versement du solde des crédits prévus pour financer le projet de rénovation des espaces de la BPI et pour anticiper le relogement temporaire de ses activités entre 2025 et 2030, en lien avec la fermeture du site de Beaubourg au sein duquel la BPI est implantée. Le site retenu pour la relocalisation de la BPI est le bâtiment « Lumière », dans le 12e arrondissement de Paris, d’une capacité inférieure aux locaux actuels.

En 2024, les subventions pour charges de service public (SCSP) et pour charges d’investissement (SCI) atteindraient 8,47 millions d’euros en AE et 10,13 millions d’euros en CP.

4.   Le Centre national du livre

Le Centre national du livre (CNL) a pour missions de favoriser la création, l’édition, la diffusion et la promotion des œuvres littéraires ou scientifiques les plus qualitatives, à travers des actions de soutien aux professionnels de la chaîne du livre, qu’il s’agisse d’auteurs, de traducteurs, d’éditeurs, de libraires, de bibliothécaires, d’organisateurs de manifestations littéraires ou de structures d’accompagnement ou de valorisation du secteur du livre. Le CNL soutient à la fois la création littéraire et la diffusion des œuvres auprès du public et le soutien économique à la prise de risque des acteurs de la chaîne du livre.

Le contrat d’objectifs et de performance (COP) signé par la ministre de la Culture et la présidente de l’établissement public le 12 juin 2023 comprend quatre axes stratégiques :

– favoriser la diversité de la création en accompagnant l’ensemble des acteurs de la chaîne du livre ;

– renforcer la place des auteurs et de la littérature dans la vie des Français ;

– développer le goût des livres et de la lecture auprès du plus grand nombre ;

– adapter la gouvernance du CNL aux nouveaux enjeux.

La SCSP du CNL serait abondée de 0,7 million d’euros au titre de sa participation à la mise en œuvre de la stratégie en faveur de la lecture dans les territoires (cf. supra). Au total, elle s’élèverait en 2024 à 28,9 millions d’euros en AE comme en CP.

B.   Un secteur de la musique enregistrée soutenu par le centre national de la musique

1.   Le Centre national de la musique (CNM) : un opérateur devenu indispensable…

Créé par la loi n° 2019-1100 du 30 octobre 2019 relative à la création du Centre national de la musique, ce nouvel opérateur a vu le jour le 1er janvier 2020.

Cette « maison commune » de la musique est un établissement public industriel et commercial qui exerce ses missions dans le domaine des enregistrements et des spectacles vivants de la musique et des variétés. Le CNM s’est substitué au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV). Depuis le 1er novembre 2020, il intègre les quatre associations auxquelles étaient confiées des missions d’intérêt général mentionnées par la loi du 30 octobre 2019 précitée : le Bureau export de la musique française, le Fonds pour la création musicale, le Centre d’information et de ressources pour les musiques actuelles et le Club action des labels et disquaires indépendants français, dont il reprend les moyens et les missions.

Le CNM doit permettre à l’État de comprendre et de mesurer l’évolution du secteur afin d’orienter les politiques publiques en faveur de la musique. L’établissement doit ainsi développer les outils d’une véritable connaissance de l’économie de la musique et, à la lumière des données qu’il réunit, mettre en œuvre un système de soutien adapté aux enjeux des professionnels. Le CNM gère en effet plusieurs dispositifs d’aides aux entreprises de la musique et des variétés et délivre les agréments, au nom du ministre chargé de la culture, pour le bénéfice de trois crédits d’impôt dans le domaine de la musique :

 le crédit d’impôt pour dépenses de production d’œuvres phonographiques (CIPP) ([37]) : créé en 2006, ce dispositif bénéficie aux entreprises de production phonographique soumises à l’impôt sur les sociétés au titre des dépenses de production, de développement et de numérisation d’un enregistrement phonographique ou vidéographique musical, à condition de ne pas être détenues, directement ou indirectement, par un éditeur de service de télévision ou de radiodiffusion. En 2022, la dépense fiscale associée s’est élevée à 20 millions d’euros. En 2023 et en 2024, elle est estimée à 27 millions d’euros ([38]) ;

 le crédit d’impôt pour dépenses de production de spectacles vivants (CISV) ([39]) : créé en 2016, il bénéficie aux entreprises exerçant l’activité d’entrepreneur de spectacles vivants soumises à l’impôt sur les sociétés, au titre des dépenses de création, d’exploitation et de numérisation d’un spectacle vivant musical ou de variétés. En 2022, la dépense fiscale associée s’est élevée à 17 millions d’euros, le même montant étant attendu en 2023 et 2024 ;

 le crédit d’impôt pour dépenses d’édition d’œuvres musicales (CIEM) ([40]) : créé en 2022, ce dispositif bénéficie aux entreprises d’édition musicale soumises à l’impôt sur les sociétés, au titre de leurs dépenses engagées en vue de soutenir la création d’œuvres musicales, de contrôler et d’administrer des œuvres musicales éditées, d’assurer la publication, l’exploitation et la diffusion commerciale des œuvres musicales éditées et de développer le répertoire d’un auteur ou d’un compositeur. La dépense fiscale estimée s’élève à 1 million d’euros en 2023 et 6 millions d’euros en 2024.

Au total, la dépense fiscale générée par ces trois crédits d’impôt s’élèverait en 2024 à 50 millions d’euros.

Au cours des débats sur la première partie du projet de loi de finances pour 2024, la représentation nationale était appelée à se prononcer sur la prorogation, que les représentants de la filière musicale entendus par le rapporteur pour avis souhaitent mise en œuvre de façon anticipée, du CIPP, du CISV et du CIEM, lesquels s’appliquent au titre des dépenses réalisées jusqu’au 31 décembre 2024. Plusieurs amendements ont été déposés en ce sens, visant à proroger ces dispositifs jusqu’au 31 décembre 2026 ou jusqu’au 31 décembre 2027. Au vu de l’efficacité démontrée des crédits d’impôt (cf. infra), le rapporteur pour avis est favorable à cette prorogation anticipée, étant entendu qu’il déplore, une fois de plus, que l’Assemblée nationale soit privée de débat sur cette question, du fait de la décision du Gouvernement, intervenue le 18 octobre 2023, d’engager sa responsabilité sur la première partie du projet de loi de finances, en application de l’article 49, alinéa 3, de la Constitution. Toutefois, il relève que le Gouvernement a accepté le principe d’une prorogation jusqu’en 2027, en intégrant dans le texte sur lequel il a engagé sa responsabilité, les amendements mentionnés supra ([41]).

L’évaluation du CIPP et du CISV sur la période 2018-2022

Le CNM a confié au groupe Technopolis une étude d’impact du CIPP et du CISV, transmise au ministère de la Culture en septembre 2023. L’évaluation visait à mesurer le degré d’atteinte des objectifs des crédits d’impôts, leur impact social, économique et fiscal pour les bénéficiaires, les éventuels effets d’aubaine et leur articulation avec les aides du CNM.

S’agissant du CIPP, les objectifs semblent bien atteints, notamment celui visant à soutenir l’économie de l’industrie phonographique, en particulier les TPE et les PME : 95 % des déposants d’agréments provisoires sont des micro-entreprises et leur part relative s’accroît entre 2018 et 2022. 706 entreprises sont entrées dans le dispositif entre 2018 et 2022 (moyenne de 141 nouveaux bénéficiaires par an), la majorité de ces entreprises ayant plus de trois ans d’existence lors de la première demande, ce qui semble exclure tout effet d’aubaine lié au CIPP. Ce dernier soutient majoritairement des esthétiques moins assurées de trouver un débouché commercial (musique classique, jazz, musique contemporaine), contribuant ainsi à la diversité de la production musicale française. L’étude d’impact conclut à un effet positif sur l’emploi permanent, notamment au sein des petites structures bénéficiaires et des structures en développement : un à deux emplois supplémentaires dans les micro-entreprises et un effet de pérennisation des emplois dans les structures. Le CIPP aurait permis aux bénéficiaires d’engager, entre 2018 et 2020, des investissements totaux de plus de 161 millions d’euros sur des nouveaux talents. Il n’apparaît que peu redondant avec les aides pérennes du CNM, seulement 10 % des bénéficiaires du CIPP bénéficiant également d’aides pérennes. Enfin, il s’agit d’un dispositif bien identifié par les acteurs de la filière musicale.

Le cabinet de conseil critique cependant les effets de seuil excessifs liés au passage des entreprises de production phonographique du statut de PME à celui d’ETI et recommande de travailler à une solution pour les réduire. Il propose également de simplifier le dispositif pour les bénéficiaires des plus petits montants du CIPP, ce qu’avaient déjà souligné en 2018, dans un rapport conjoint, l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac) et l’Inspection générale des finances (IGF). Enfin, il recommande d’homogénéiser les taux des trois crédits d’impôt bénéficiant à la filière, en les alignant sur les taux actuels du CIPP. Cette mesure présenterait un coût budgétaire conséquent, les taux simple et majoré du CIPP étant de 20 % et 40 %, tandis que ceux du CISV et du CIEM sont de 15 % et 30 %.

S’agissant du CISV, les résultats présentés sont satisfaisants. L’augmentation de la dépense fiscale (de 10 millions d’euros en 2021 à 17 millions d’euros en 2022) est liée à la reprise d’activité du secteur du spectacle vivant, dans le contexte de sortie de crise sanitaire. Sur la période 2018-2022, près de 78 % des entreprises ayant déposé une demande d’agrément sont des micro-entreprises et 9,4 % sont des PME. En 2022, 68 % des projets soutenus relèvent des musiques actuelles, 13 % de la musique de chambre ou lyrique, 11 % de l’oratorio et de la symphonie, 4 % de la comédie musicale et 4 % de l’humour. Le CISV aurait permis à ses bénéficiaires, sur la période 2018-2022, d’engager des investissements totaux de plus de 166 millions d’euros sur de nouveaux spectacles. Enfin, le recoupement entre les bénéficiaires du CISV et des aides pérennes du CNM apparaît faible, seulement 10 % des structures bénéficiant des deux à la fois. Le cabinet Technopolis formule également une série de recommandations, visant notamment à simplifier le dispositif pour les petits bénéficiaires et à mettre en place une avance de trésorerie.

Le secteur de la musique a été frappé par la crise sanitaire et, à peine trois mois après sa création, le CNM a été chargé de mettre en place les politiques de soutien d’urgence à la filière musicale et les politiques de relance décidées par le Gouvernement. Alors que son budget annuel de fonctionnement devait être de 55 millions d’euros, le CNM a dû gérer plusieurs aides exceptionnelles pour un montant de 152 millions d’euros en 2020, puis 200 millions d’euros issus du plan de relance pour 2021 et 2022.

Le spectacle vivant a été parmi les premiers secteurs touchés par la pandémie et le dernier à reprendre son activité après la crise. Il en est résulté un chiffre d’affaires inférieur de 80 % en 2021 par rapport à 2019. En 2022, des tensions persistent, en particulier du fait de la moindre disponibilité des techniciens, de l’impact de l’inflation des coûts, notamment de l’électricité et du transport, soulignés par les professionnels de la filière musicale rencontrés par le rapporteur pour avis. Les festivals, en particulier, font face à une augmentation préoccupante de leurs coûts, qualifiée par M. Julien Bargeton dans son rapport de mission de « nouvelle crise sur l’économie du spectacle vivant » ([42]). La santé économique de la filière apparaît cependant en voie d’amélioration ; en 2022, les recettes de billetterie sont en progression de 14,6 % par rapport à 2019.

S’agissant de la musique enregistrée, le contexte est différent. Comme le note M. Bargeton dans son rapport de mission, la « crise du disque » appartient désormais au passé, le « consentement à payer de la part des utilisateurs selon un modèle de catalogue universel » ayant permis de marginaliser le piratage. Le chiffre d’affaires de la filière est désormais porté par la consommation de musique en flux (streaming) et est en progression constante depuis 2015 (920 millions d’euros en 2022, soit une progression de 6,4 % par rapport à 2021). Cependant, le marché français du streaming apparaît « en retard » par rapport à celui d’autres pays occidentaux, notamment les États-Unis : en 2022, le taux de pénétration n’est que de 18 % en France, contre 29 % aux États-Unis ([43]). La création d’une taxe streaming, proposée par M. Julien Bargeton, risquerait donc de fragiliser un secteur qui, comme il le reconnaît lui-même, « n’est pas encore mature, aucune plateforme payante pure-player ne dégageant de bénéfices ».

2.   … dont le financement fait l’objet de débats

  1.   Le besoin de financement supplémentaire du CNM est estimé à 30 à 40 millions d’euros

Le CNM dispose de trois sources de financement, dont deux se sont partiellement taries ces dernières années :

– le produit de la taxe sur les spectacles de musiques actuelles et de variétés (TSV), versé auparavant au CNV, devait représenter l’essentiel de son financement. Son rendement s’était établi à 36 millions d’euros en 2019, mais la crise sanitaire a conduit le Gouvernement à suspendre le paiement de cette taxe due par les organisateurs de spectacles de variétés et de musiques actuelles pendant près de deux ans, en 2020 et 2021. En 2022, le rendement de la taxe s’est établi à 32,8 millions d’euros et le CNM l’estime à 30 millions d’euros pour l’année 2023 ;

– les organismes de gestion collective (OGC) peuvent également affecter au CNM les contributions actuellement destinées à leurs actions culturelles et sociales (aide à la création, diffusion du spectacle vivant, etc.). 6 millions d’euros étaient attendus mais aucun montant n’a été versé en 2021. En 2022, la contribution des OGC s’est élevée à 1,5 million d’euros seulement, compte tenu, d’une part, des effets de la crise sanitaire et, d’autre part, des conséquences de l’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) le 8 septembre 2020 sur les « irrépartissables juridiques » ([44]) ;

 en complément, une dotation budgétaire correspondant aux anciennes dotations des structures désormais intégrées au CNM et complétée ces trois dernières années par des crédits destinés à faire monter en puissance l’établissement ([45]) : 28,28 millions d’euros sont prévus pour 2024. Cette subvention pour charges de service public est en augmentation de 0,51 million d’euros correspondant, d’une part, au soutien apporté par l’État au titre de l’impact de l’inflation sur les charges de l’établissement et, d’autre part, à la prise en compte de l’augmentation du point d’indice intervenue en 2022.

Ces sources de financement sont jugées insuffisantes, tant par M. Bargeton que par le ministère de la Culture, pour permettre au CNM de répondre efficacement aux nouveaux enjeux de la filière musicale, au nombre de trois :

– le soutien à l’export, dans un contexte de recul de la part française dans les revenus mondiaux : 4,1 % en 2022 contre 5,7 % en 2014 ([46]) ;

– l’innovation et le numérique, leviers de création de valeur ajoutée pour les entreprises de la filière musicale ;

– le renforcement de la mission d’observation et d’analyse de la filière, prévue par la loi et dont le CNM ne s’acquitte aujourd’hui qu’imparfaitement.

  1.   La proposition d’une « taxe streaming » ne fait pas consensus

L’an dernier, votre rapporteur pour avis avait émis le souhait qu’aucune piste crédible ne soit exclue, en particulier celle d’une taxation plus importante des ventes d’objets connectés – dans l’esprit de la rémunération pour copie privée – et celle d’un élargissement de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels.

Il ajoutait que l’autre piste envisagée, qui consisterait en la taxation des services de streaming musical, ne devait pas conduire à freiner l’expansion des plateformes européennes.

Une taxation des objets connectés risquerait d’être jugée par le Conseil constitutionnel incompatible avec l’article 2 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances (Lolf), dont le II, dans sa rédaction résultant de l’article 3 de la loi organique n° 2021-1836 du 28 décembre 2021 relative à la modernisation des finances publiques, dispose que « les impositions de toute nature ne peuvent […] être affectées à un tiers […] et leur affectation ne peut être maintenue que si ce tiers est doté de la personnalité morale et si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées ». Or les objets connectés n’ont pas pour seul objet l’écoute de la musique, et le rendement d’une telle taxe semble par ailleurs difficile à estimer.

M. Julien Bargeton a formulé les recommandations suivantes :

– l’abaissement du « droit de tirage » assorti à la taxe sur les spectacles de variétés (« taxe billetterie ») : ce mécanisme permet au redevable de récupérer une partie des sommes versées au titre de la taxe pour son bénéfice propre. Il s’apparente à un système d’épargne forcée, chaque assujetti ouvrant un « compte entrepreneur », alimenté à hauteur de 65 % des montants collectés, mobilisables pendant trois ans. Ainsi, en pratique, seulement 35 % des sommes perçues au titre de la taxe billetterie financent le CNM. M. Bargeton propose d’abaisser le droit de tirage à 50 %, ce qui reviendrait à fixer le taux net de la taxe billetterie à 1,75 % ([47]) et permettrait de dégager annuellement 5 millions d’euros ;

la mise en place d’une taxe sur le streaming, que celui-ci soit le fait d’un abonnement (streaming payant) ou d’une plateforme se finançant par la publicité (streaming gratuit). Cette taxe permettrait de rééquilibrer les contributions respectives de la musique enregistrée et du spectacle vivant au financement du CNM. Surtout, elle serait assise sur le mode de consommation majoritaire, le streaming représentant 61 % des revenus de la musique enregistrée en 2022. Le taux de la taxe serait le même que celui de la taxe billetterie, une fois le droit de tirage abaissé, soit 1,75 %. Le rendement annuel attendu de cette mesure est de l’ordre de 20 millions d’euros ;

– enfin, il est attendu des organismes de gestion collective qu’ils reviennent à leur niveau de contribution initialement prévu, à savoir 6 millions d’euros.

Au total, ces mesures nouvelles permettraient de dégager un financement de 31 millions d’euros par an. Elles ont constitué une « base de travail » à la concertation annoncée par le Président de la République le 21 juin 2023 en marge de la Fête de la musique, qui a réuni au cours de l’été l’ensemble des acteurs de la filière musicale, afin de déterminer de nouvelles sources de financement internes à la filière, tout en en préservant les grands équilibres économiques. Le Président de la République avait indiqué que, faute d’accord au 30 septembre 2023, le Gouvernement se réserverait la possibilité de saisir le Parlement d’une contribution obligatoire des plateformes de streaming, sur le modèle de la recommandation émise par M. Bargeton.

Trois scénarios ont émergé de la concertation :

– la création d’une contribution des plateformes de streaming associant un taux plein à 1,75 % et un taux réduit à 1,25 % pour les plateformes intermédiaires, comme Deezer et Spotify. Si cette option semble plus judicieuse que celle initialement proposée, en ce qu’elle porte moins atteinte à l’équilibre du marché du streaming payant, elle ne répond pas pour autant aux objections formulées par le rapporteur pour avis, au premier rang desquelles le fait que lesdites plateformes intermédiaires ne sont pas encore économiquement rentables ;

– une contribution de 7 % sur les revenus publicitaires des seules plateformes de streaming gratuit, via la création d’une nouvelle taxe ou via un aménagement de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) ([48]). Cette option emporte la préférence du rapporteur pour avis, dans la mesure où elle imposerait à des plateformes étrangères telles que TikTok ou YouTube, qui ne rémunèrent pas la musique à sa juste valeur, de contribuer au financement de la diversité musicale française. De plus, ces acteurs concurrencent les plateformes de streaming payant, qui, pour leur part, rémunèrent correctement la création ([49]) ;

– une contribution volontaire des acteurs du streaming, intéressante sur le principe mais non sans incertitudes quant au rendement annuel qu’elle permettrait de dégager.

Le Gouvernement a renoncé à saisir l’Assemblée nationale d’une mesure fiscale, ce que plusieurs acteurs de la filière musicale ont dénoncé ([50]). Des amendements tendant à la création d’une contribution du streaming payant et du streaming gratuit ont été déposés par plusieurs groupes politiques. Cependant, il semble que le ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique souhaite la mise en œuvre d’une contribution volontaire des plateformes de streaming, qui n’a naturellement pas sa place dans le présent projet de loi de finances, du fait de son caractère non fiscal. De fait, ces amendements n’ont pas été retenus dans le texte sur lequel le Gouvernement a engagé sa responsabilité.

Si la piste d’une contribution volontaire est effectivement retenue par le Gouvernement pour l’année 2024, le rapporteur pour avis veillera à ce qu’elle atteigne un niveau suffisant pour permettre au CNM d’assurer efficacement les missions que le législateur lui a confiées. À ce stade, il n’en est pas convaincu, dans la mesure où la réussite de ce troisième scénario dépendra de la bonne volonté des plateformes de streaming. Selon la Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes (Adami) et le Syndicat des éditeurs de services de musique en ligne (ESML), un montant total de 13 millions d’euros serait recherché, soit 7 millions d’euros de moins que le rendement espéré par M. Bargeton. En tout état de cause, il serait inacceptable que cet écart soit compensé par le contribuable via la mobilisation de crédits budgétaires supplémentaires.

C.   Le centre national du cinéma et de l’image animée, opérateur de la filière audiovisuelle et cinématographique

1.   Le fonctionnement du CNC, qui a fait la preuve de son efficacité au service du cinéma français, demeure perfectible

Ces trois dernières années, le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) a été le vecteur du soutien de l’État et il a concentré ses efforts pour accompagner la filière vers la sortie de crise : le montant total des dotations exceptionnelles versées en 2020, 2021 et 2022 s’est élevé à 426,8 millions d’euros. Dans ses observations définitives sur la gestion du CNC de 2011 à 2022, publiées en septembre 2023 ([51]), la Cour des comptes a salué la réactivité de l’opérateur, ainsi que sa « capacité stratégique à protéger les intérêts à moyen et long terme du secteur dont il a la charge ». En particulier, les aides d’urgence, notamment la création en mai 2020 d’un fonds de garantie pour les tournages, ont permis aux producteurs de reprendre les tournages dès juin 2020.

La Cour souligne également l’attachement des professionnels de la filière cinéma au CNC, qui « a fait preuve depuis 2011 d’une vision stratégique et d’une capacité d’adaptation réelles ». Son expertise, reconnue, a contribué au maintien de l’attractivité du cinéma français.

Le statut du CNC

Créé par la loi n° 46-2360 du 25 octobre 1946, le CNC est un établissement public administratif (EPA) chargé de soutenir, financer et développer les industries cinématographiques et audiovisuelles. Ses missions, très larges, sont fixées par l’article L. 111-2 du code du cinéma et de l’image animée. Elles sont au nombre de six :

– observer l’évolution des professions et activités du cinéma et de l’audiovisuel, leur environnement technique, juridique, économique et social ;

– contribuer, par l’attribution d’aides financières, au financement et au développement du cinéma et des autres arts et industries de l’image animée et en faciliter l’adaptation à l’évolution des marchés et des technologies ;

– contrôler les recettes d’exploitation des œuvres et documents cinématographiques ou audiovisuels réalisées par les exploitants d’établissements de spectacles cinématographiques et par les éditeurs de vidéogrammes ;

– tenir les registres du cinéma et de l’audiovisuel ;

– collecter, conserver, restaurer et valoriser le patrimoine cinématographique ;

– participer à la lutte contre la contrefaçon des œuvres cinématographiques et audiovisuelles et des œuvres multimédia.

En 2022, les aides du CNC se sont élevées à 738,5 millions d’euros, dont 291 millions d’euros pour le cinéma, 265,1 millions d’euros pour l’audiovisuel, 124,2 millions d’euros pour les dispositifs transversaux et 58,3 millions d’euros de soutiens exceptionnels liés à la crise sanitaire.

Le statut du CNC est dual ; il est à la fois un établissement public placé sous la tutelle des ministres chargés de la culture et du budget et l’administration centrale de l’État chargée de définir et de mettre en œuvre la politique du cinéma. Son président, nommé par décret du Président de la République, exerce donc les fonctions de directeur d’administration centrale et de président de l’établissement. Ainsi, aux termes de l’article L. 111-3 du code du cinéma et de l’image animée, il dispose de prérogatives de puissance publique, étant notamment chargé d’étudier et de participer à l’élaboration des projets de textes législatifs et réglementaires relatifs aux industries cinématographiques et audiovisuelles.

L’article 6 du décret n° 2022-844 du 1er juin 2022 relatif aux attributions du ministre de la culture précise que ce dernier « exerce la tutelle sur le Centre national du cinéma et de l’image animée. Il a autorité sur le président du Centre national du cinéma et de l’image animée en tant que celui-ci exerce les prérogatives prévues à l’article L. 111-3 du code du cinéma et de l’image animée. » Il en résulte que, pour l’exercice des missions autres que celles prévues à l’article L. 111-3, la direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) n’exerce pas de tutelle sur l’établissement public.

De fait, l’impact de la crise sanitaire est en voie d’être surmonté. Sur les huit premiers mois de l’année 2023, les cinémas français ont enregistré 124,9 millions d’entrées, soit + 28,3 % par rapport aux huit premiers mois de 2022 et – 8,8 % par rapport à la moyenne des huit premiers mois entre 2017 et 2019. En 2022, le nombre d’entrées était de 152 millions, soit une hausse de 59,2 % par rapport à 2021 ([52]). Si cette fréquentation demeure inférieure à la moyenne constatée entre 2015 et 2019 (208 millions d’entrées par an), la France demeure le premier marché européen, loin devant le Royaume-Uni (117 millions d’entrées) et l’Allemagne (78 millions d’entrées).

En outre, la part de marché des films français s’est élevée à 41,1 % en 2022, soit la part de marché du film national la plus élevée de l’Union européenne, devant la République tchèque (37,5 %) et le Danemark (30 %). La part de marché des films américains, quant à elle, s’est établie à un niveau similaire : 41,4 %.

Ces bons résultats sont à mettre au crédit de l’ensemble des acteurs de la filière du cinéma, et d’abord du CNC. Pour autant, les travaux de la Cour des comptes ont mis en évidence le caractère perfectible de la gestion de l’établissement public. La politique de provisions est particulièrement visée par la haute juridiction financière, qui relève que l’ensemble des provisions pour risques, charges ou dépréciation de l’actif a dépassé le milliard d’euros en 2022, alors même que les aides versées par le CNC ont augmenté de 19 % entre 2011 et 2019. La Cour critique également une « information financière et comptable foisonnante et de facto d’un accès complexe ». En conséquence, elle recommande au CNC et aux ministères de tutelle la création d’un comité d’audit rattaché au conseil d’administration, ainsi que la mise en place d’une « gouvernance financière appropriée, avec la nomination de commissaires aux comptes, dont le CNC se dispense jusqu’à présent ». Enfin, la Cour regrette qu’aucun contrat d’objectifs et de moyens (COM) n’ait été signé entre l’État et le CNC.

Si le présent avis budgétaire n’est pas le lieu approprié pour dresser un bilan complet du fonctionnement du CNC, le rapporteur pour avis souligne que ce dernier bénéficie de ressources publiques élevées (785 millions d’euros en 2022), qui appellent une transparence financière totale de l’opérateur. De plus, il s’associe à la Cour des comptes pour réclamer une réflexion sur les liens entre la fiscalité affectée et les besoins d’intervention du CNC, alors que ce dernier dispose d’une trésorerie jugée par la Cour « disproportionnée au regard des autres opérateurs de l’État distribuant des aides ».

La Cour des comptes a également examiné le système d’attribution des aides du CNC, rejoignant pour partie le constat de M. Roger Karoutchi, sénateur, qui relevait dans un récent rapport d’information ([53]) que « l’offre croissante de films, français comme étrangers, dépasse la capacité d’absorption des salles. Elle conduit logiquement à une baisse tendancielle des recettes par films. Celle-ci s’établissait en moyenne à 1,2 million d’euros en 2019 contre 1,7 million d’euros en 2012. Ces chiffres contrastent avec des aides du CNC sans cesse croissantes. » Si le CNC lui a indiqué œuvrer à la mise en place de conditions plus exigeantes en matière de financement et de qualité d’écriture, afin d’éviter la production de films « insuffisamment travaillé », M. Karoutchi recommande « d’aller plus loin, en renforçant l’aide à la formation, qu’il s’agisse de l’écriture ou des techniques, mais aussi à la distribution, en réduisant a minima à due concurrence les aides sélectives à la production ». La Cour des comptes, pour sa part, recommande au CNC de mettre en œuvre une réforme approfondie des aides. En 2021, 172 films d’initiative française (FIF) avaient été produits ; 240 en 2019. Or en 2019, soit avant la crise sanitaire, un tiers des films d’initiative française avaient enregistré moins de 20 000 entrées. Pourtant, le soutien public apporté au financement de FIF n’a cessé de progresser. Certaines aides sélectives font l’objet de critiques poussées de la Cour, notamment l’avance sur recettes (ASR), qui finance des films « qui atteignent rarement un taux de rentabilité élevé : seuls 12 films sur 574 films aidés entre 2011 et 2018 génèrent des recettes guichet à la mi-2022 supérieures au coût total des œuvres, soit 2 % de l’ensemble des films soutenus ».

La question du nombre des aides attribuées par le CNC et de leur efficacité est donc posée, même si le rapporteur pour avis est conscient que la diversité de la création a un coût ; le CNC ne saurait avoir pour seule vocation le financement de films rentables. Si chaque film doit avoir sa chance, il n’en demeure pas moins que le règlement général des aides pourrait être amélioré, ce dont le CNC ne disconvient d’ailleurs nullement.

2.   Une consolidation des ressources fiscales du CNC pour 2023 et 2024, des dispositifs fiscaux en question

a.   Les taxes affectées

Le CNC soutient la filière audiovisuelle et cinématographique ([54]) française avec deux finalités principales : assurer une présence forte des œuvres françaises et européennes sur le territoire français et à l’étranger, et contribuer à la diversité et au renouvellement de la création. Il le fait via son fonds de soutien qui apporte des aides automatiques et sélectives basées sur un système de financement de l’amont par l’aval. Trois taxes lui sont affectées :

– la taxe sur les entrées en salle de cinéma (TSA : 10,72 % du prix du ticket en métropole, 5 % pour les départements ultramarins) qui revient aux acteurs économiques du cinéma sous la forme d’un compte de soutien automatique ([55]) : en 2022, le rétablissement du produit de cette taxe se poursuit. 56,9 millions d’euros avaient été recouvrés en 2021, soit un rendement encore inférieur de 60 % à son niveau de 2019. En 2022, le produit de la taxe s’est établi à 117,9 millions d’euros, soit une progression de 61 millions d’euros. Ce montant demeure en recul de 36,5 millions d’euros par rapport à 2019. En 2023, le CNC espère un produit de 135,8 millions d’euros, une progression qui semble réaliste au vu de l’amélioration de la fréquentation des salles. Enfin, le CNC estime le rendement prévisionnel de la TSA à 152,9 millions d’euros en 2024 ;

– la taxe sur les services de télévision due par les éditeurs (TST-E, assise sur les recettes de publicité et de parrainage et sur les ressources publiques de chaînes au taux de 5,15 % du chiffre d’affaires) et par les distributeurs de services de télévisions (TST-D, assise sur les abonnements et les sommes acquittées par les usagers en rémunération de services de télévisions et d’offres d’accès à internet lorsqu’elles permettent de recevoir la télévision) : 469,1 millions d’euros ont été recouvrés en 2022 avec un rendement lissé sur deux années en lien avec la crise. En 2023, le CNC prévoit un rendement de 446,9 millions d’euros. En 2024, le CNC compte sur un rendement de 462,1 millions d’euros ;

– la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV perçue au taux de 5,15 % sur le chiffre d’affaires des secteurs de la distribution de vidéo physique et de vidéo à la demande) qui s’est établie à 127 millions d’euros en 2022 (+ 15,5 % par rapport à 2021), en progression constante grâce aux abonnements aux plateformes de vidéo à la demande.

À ce stade, le produit des taxes est estimé pour 2023 à 712,7 millions d’euros ([56]), soit un rendement similaire à celui constaté en 2022 (714 millions d’euros).

b.   La prorogation du crédit d’impôt international

Le Gouvernement a intégré dans la première partie du projet de loi de finances pour 2024, sur laquelle il a engagé sa responsabilité, l’amendement n° 3905 de Mme Constance Le Grip et plusieurs de ses collègues, qui proroge jusqu’au 31 décembre 2026, de façon anticipée ([57]), le bénéfice du crédit d’impôt « international » (C2I).

Le crédit d’impôt « international » (C2I)

Mis en place en 2009, le crédit d’impôt pour dépenses de production exécutive d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles est régi par l’article 220 quaterdecies du code général des impôts.

Son bénéfice est ouvert aux entreprises de production cinématographique et aux entreprises de production audiovisuelle soumises à l’impôt sur les sociétés qui assument les fonctions d’entreprises de production exécutive, au titre de leurs opérations effectuées en France, en vue de la réalisation d’œuvres cinématographiques ou audiovisuelles produites par des entreprises de production établies hors de France.

Le taux du C2I, initialement de 20 %, a été relevé en 2016 à 30 % du montant total de certaines dépenses correspondant à des opérations ou prestations effectuées en France. Depuis 2020, le taux est porté à 40 % pour les œuvres de fiction à forts effets visuels et dont les dépenses de travaux de traitement numérique effectuées en France s’élèvent à au moins 2 millions d’euros. Il est plafonné à 30 millions d’euros par œuvre.

Il vise à attirer en France des productions étrangères, même partiellement, face à la concurrence de pays européens à coûts salariaux plus faibles.

Le rapport d’évaluation des crédits d’impôt pour l’année 2022 du CNC ([58]) qualifie les effets des réformes de 2016 et de 2020 de « remarquables » : en 2022, les dépenses en France éligibles au C2I représentent 591 millions d’euros, soit 346 millions d’euros de plus qu’en 2019 (245 millions d’euros). Le nombre de projets agréés a été multiplié par près de 4,6 par rapport à 2015 (101 projets contre 22 en 2015).

Le CNC a missionné un cabinet de conseil ([59]) pour réaliser une évaluation de l’impact des crédits d’impôt relevant de sa gestion sur la période 2017-2021, dont les conclusions sont très positives : avant l’instauration du C2I, les dépenses de production étrangères en France représentaient environ 50 millions d’euros par an. En 2021, ce niveau était huit fois supérieur (402 millions d’euros). Le cabinet conclut qu’en son absence, il serait probable que seules des scènes qui ne pourraient pas être tournées hors de France soient effectivement tournées en France. Si la dépense fiscale générée par le C2I s’est élevée à 97 millions d’euros en 2021, les recettes fiscales et sociales induites ont représenté 135 millions d’euros.

Ce dispositif fiscal atteint donc efficacement son objectif, à savoir accroître l’attractivité de la France pour des productions étrangères. Dès lors, le rapporteur pour avis est favorable à sa prorogation.

c.   Une réflexion à engager sur l’élargissement de l’assiette du crédit d’impôt cinéma (CIC)

Le crédit d’impôt cinéma a été créé en 2004, afin d’empêcher la délocalisation de dépenses de production d’œuvres françaises, même partielle. En effet, les œuvres bénéficiaires doivent être réalisées principalement sur le territoire français et contribuer au développement de la création cinématographique et audiovisuelle française ainsi qu’à sa diversité ([60]).

En 2016, son taux a été relevé de 20 % à 30 % pour les œuvres cinématographiques d’animation et pour les œuvres cinématographiques autres que d’animation réalisées intégralement ou principalement en langue française ou dans une langue régionale, ce qui a permis, selon l’étude du cabinet de conseil mentionnée supra, de faire passer le taux de localisation des œuvres bénéficiaires du CIC de 81 % à 90 % en moyenne. 373 millions d’euros de dépenses supplémentaires ont été générées du fait de cette réforme entre 2017 et 2021, pour une dépense fiscale supplémentaire de 189 millions d’euros. Sur la même période, chaque euro de dépense fiscale contribuait à localiser 6,40 euros de dépenses en France, dont environ 2,12 euros de recettes fiscales et sociales.

Si le taux du CIC n’est pas en question, pas plus que sa prorogation, plusieurs professionnels de la filière cinématographique ont demandé un élargissement de l’assiette des dépenses éligibles aux frais d’assurance des tournages, dans un contexte d’augmentation global des coûts. Une étude d’impact de la dépense fiscale supplémentaire induite par une telle mesure serait bienvenue ; c’est pourquoi le rapporteur pour avis déposera un amendement en ce sens sur la seconde partie du projet de loi de finances pour 2024. En tout état de cause, il ne pense pas que les grands équilibres financiers du CIC seraient modifiés.

d.   La prorogation de la réduction d’impôt au titre des souscriptions en numéraire ou au capital des sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica)

L’article 238 bis HE du code général des impôts institue une déduction du revenu ou du bénéfice imposable pour les souscriptions en numéraire ou au capital des sociétés de financement de l’industrie cinématographique et de l’audiovisuel (Sofica). Ces sociétés, créées à l’initiative de professionnels du cinéma et de l’audiovisuel, ou à celles d’opérateurs du secteur bancaire et financier, et agréées par le CNC, jouent un rôle majeur dans le financement des films d’expression originale française (EOF). En 2022, les douze Sofica agréées ont ainsi drainé 72,8 millions d’euros (+ 2 millions d’euros par rapport à 2021), un montant inédit.

Le Gouvernement a intégré au texte de la première partie du projet de loi de finances pour 2024 quatre amendements identiques prorogeant la réduction d’impôt au titre de l’investissement dans les Sofica jusqu’au 31 décembre 2026 ([61]). Au vu des montants importants investis dans le cinéma et l’audiovisuel et de l’attachement des professionnels de la filière à ce dispositif, le rapporteur pour avis est favorable à sa prorogation.

3.   L’intelligence artificielle : un enjeu d’avenir pour la filière cinématographique et audiovisuelle

Plusieurs défis devront être relevés par les acteurs de l’audiovisuel et du cinéma en 2024, notamment une nouvelle négociation sur la chronologie des médias. L’accord du 24 janvier 2022 a permis de poursuivre l’intégration des services de médias audiovisuels à la demande (Smad) étrangers au système français de financement de la création. Dans son rapport annuel pour l’année 2022, l’Arcom relève que Netflix, Amazon Prime Video et Disney+, les trois services de vidéos à la demande étrangers, ont respecté leurs obligations en matière de production audiovisuelle. Les obligations de production cinématographique, quant à elles, ont été globalement respectées. Les investissements retenus au titre des obligations de production audiovisuelle et cinématographique des services linéaires et non linéaires français et étrangers ont représenté en 2022 1,4 milliard d’euros, dont 1,2 milliard de dépenses engagées par les services linéaires français et près de 159 millions d’euros par les seuls Smad étrangers. Force est de constater que ce dernier montant est encore très loin des 250 à 300 millions d’euros initialement attendus pour l’ensemble de la création française. En conséquence, il importera que toute amélioration du positionnement des Smad dans la chronologie des médias constitue la contrepartie d’une hausse de leur participation au financement de la production d’œuvres cinématographiques et audiovisuelles européennes ou d’EOF.

Enfin, l’année 2023 semble avoir été celle d’une véritable prise de conscience des acteurs des industries culturelles sur les bouleversements majeurs que l’intelligence artificielle (IA) pourrait produire sur leur modèle économique : impact sur le respect du droit d’auteur, modalités de financement des œuvres audiovisuelles et cinématographiques, préservation de la diversité culturelle, etc. Les questionnements sont nombreux et des réponses rapides sont attendues. Des organisations professionnelles, notamment, ont récemment jugé dans une lettre ouverte ([62]) que le développement des IA génératives mettaient « potentiellement en danger des emplois dans l’audiovisuel et les cultures nationales ». En effet, ces IA « ont vocation à créer du contenu se substituant au travail et aux créations de l’esprit humain ». Pourquoi ne pas envisager, demain, le remplacement des professionnels du doublage par des voix artificiellement générées et « plausiblement humaines » ? Les signataires de la lettre ouverte remarquent très justement que les IA génératives « parasitent de manière indue le travail et la valeur des auteurs et des artistes, et conduiront à terme à la disparition de plusieurs corps de métiers de l’économie culturelle et créative, au premier rang desquels ceux du doublage, de la voix-off, de la traduction et du sous-titrage, tous secteurs confondus (cinéma, télévision, publicité, etc.). »

Cette question doit faire l’objet de toutes les attentions des pouvoirs publics. Le rapporteur pour avis ne peut donc que saluer la décision de l’Arcom, annoncée le 22 septembre 2023, de lancer une mission consacrée aux usages de l’intelligence artificielle dans le domaine de la communication audiovisuelle et numérique, ainsi que la création, en septembre 2023 également, d’un comité de l’intelligence artificielle générative placé auprès de la Première ministre. De même, le CNC entend être pleinement associé aux réflexions sur les enjeux des IA génératives. Votre rapporteur pour avis, pour sa part, entend également prendre sa part à ce chantier déterminant pour l’avenir des industries culturelles françaises, dans le cadre des travaux de la commission des affaires culturelles et de l’éducation.

Les industries culturelles et créatives dans le plan France 2030

Le plan d’investissement France 2030 a pour objectif de faire émerger les futurs champions technologiques français et d’accompagner les transitions dans des secteurs d’excellence. Il poursuit 10 objectifs pour un montant global de 30 milliards d’euros.

Dans ce cadre, 1 milliard d’euros sera affecté aux industries culturelles et créatives « afin d’affirmer la souveraineté technologique et culturelle dans un cadre national et européen ».

Ce volet culturel de France 2030 s’articule autour de trois axes :

 une stratégie d’accélération des industries culturelles et créatives, dotée de 400 millions d’euros qui, via des appels à candidatures publics, sélectionne et soutient des projets d’innovation : solutions de billetteries, numérisation du patrimoine et de l’architecture, technologies immersives et de diffusion audiovisuelle dédiées au spectacle vivant, solutions d’accélération de la transition écologique, formation des talents de demain, accompagnement des entreprises innovantes à l’international ;

– une stratégie de développement des studios de tournage et de production numérique pour les filières de l’image, dotée de 350 millions d’euros ;

 une stratégie en faveur des applications culturelles des technologies immersives (qui s’appuient sur les technologies de réalité virtuelle et augmentée, de métavers, de videomapping, de son binaural, etc.), dotée de 150 millions d’euros.

Deux ans après le lancement des premiers dispositifs, plus de 25 appels à candidatures ont été lancés, environ 1 000 candidatures reçues, et plus de 300 lauréats ont été désignés.

 

 

 

 

 

 

 

   Seconde partie : La souveraineté télévisuelle française

   Introduction : la double rÉvolution de la vidÉo À la demande et des Équipements connectÉs

Les chaînes de télévision françaises sont-elles en voie d’invisibilisation ? Poser la question en ces termes peut paraître, de prime abord, excessif ou alarmiste. Les programmes des chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT) bénéficient toujours d’une large audience et la place centrale de ce mode de réception n’est pas remise en cause à court terme. Les 30 chaînes de la TNT proposent ainsi aux téléspectateurs des contenus majoritairement gratuits et en haute définition. Offrant un cadre stable aux éditeurs, la TNT est le seul mode de diffusion, avec le satellite, à couvrir de façon aussi large le territoire national ; elle demeure centrale dans la consommation audiovisuelle des Français. Au deuxième trimestre 2022, elle demeure le mode unique de réception pour 19 % des foyers équipés d’un téléviseur ([63]).

Par ailleurs, l’appétence des éditeurs pour la TNT n’est nullement remise en cause : tous souhaitent conserver leur autorisation d’émettre ([64]).

Les Français utilisent encore, très majoritairement (81 %), leur téléviseur pour regarder la télévision.

Si la télévision demeure, incontestablement, un média puissant, les chaînes de télévision sont de plus en plus concurrencées par l’offre des services de médias audiovisuels à la demande (Smad), dont la consommation connaît une croissance exponentielle. Si les Français de plus de 15 ans étaient seulement 9 % en 2018 à avoir utilisé un service de vidéo à la demande (Svod), ils étaient 47 % en 2022.

Les équipements audiovisuels, pour leur part, ont pleinement intégré la révolution numérique. D’après les résultats de l’Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers de France métropolitaine pour les troisième et quatrième et trimestres 2022, « l’équipement en téléviseur connecté connaît une accélération au deuxième trimestre 2022 et concerne désormais 88 % de foyers équipés (+ 7 points en un an et + 9 points en trois ans) ».

Parmi les foyers équipés d’un téléviseur connecté à internet, on distingue :

– ceux dotés d’un décodeur TV d’un fournisseur d’accès à internet (FAI) : prédominant, ce mode de connexion est utilisé par 69 % des foyers. Les quatre grands opérateurs de télécommunications – Free, SFR, Orange et Bouygues Telecom – se partagent le marché ;

– ceux dotés d’une smart TV : ce mode de connexion est en plein essor (43 % des foyers équipés d’un téléviseur connecté, soit + 15 points en trois ans). Quatre fabricants se partagent actuellement 70 % des ventes : Samsung, LG, Philips et Sony, tandis que les smart TV chinoises (Hisense) s’imposent progressivement sur le marché ;

– ceux dotés d’un boîtier TV connecté (27 %, soit + 8 % en trois ans). Parmi eux, 24,6 % disposent d’un boîtier Mi Box de Xiaomi (Android TV), 32 % d’une clé Chromecast de Google, 21,6 % d’une clé Amazon Fire Stick.

Mode de connexion du téléviseur à internet

Source : Observatoire de l’équipement audiovisuel des foyers de France métropolitaine

La quasi-totalité des téléviseurs vendus sont désormais des smart TV. Au cours d’une table ronde réunissant plusieurs fabricants de téléviseurs, les représentants de Samsung Electronics France ont ainsi estimé que 99,9 % de leurs téléviseurs vendus en France étaient des smart TV. M. Philippe de Cuetos, directeur des affaires techniques et réglementaires de l’Alliance française des industries du numérique (Afnum) a quant à lui jugé que d’ici la fin de la décennie, l’ensemble des foyers seront dotés de smart TV.

C’est bien à cet horizon que souhaite se projeter le rapporteur pour avis, en posant ces questions essentielles pour l’avenir de l’audiovisuel français, public comme privé : l’exposition de nos chaînes sur ces équipements construits à l’étranger sera-t-elle garantie ? Les Français pourront-ils toujours accéder, de façon simple, à la télévision en linéaire ? Les Svod auront-ils supplanté la télévision en linéaire ? Au vu des évolutions en cours et si la bonne visibilité des services de télévision nationaux n’est pas défendue par les pouvoirs publics, la seule réponse possible est : oui. Les smart TV vont continuer à gagner du terrain au sein des foyers ; dès lors, si nous n’agissons pas, nous devrons dire, à moyen terme, adieu à TF1, adieu à France Télévisions, adieu à M6, adieu à Canal+ : nous n’aurons plus le choix, confortablement installés dans nos canapés, qu’entre Netflix, Disney+, YouTube, Prime Video, qui auront acheté à prix d’or leur bon référencement sur les smart TV.

I.   Vers une invisibilation des chaînes de télévision françaises sur les interfaces des équipements connectés ?

A.   L’exposition des services de la TNT est de moins en moins bien assurée sur les interfaces d’accueil des téléviseurs connectés

Tant les représentants de l’audiovisuel public (France Télévisions, France Médias Monde, Arte, Public Sénat, TV Monde) que les chaînes privées (TF1, Canal+, M6 et Altice Media, réunies au sein de l’Association des chaînes privées), ont alerté le rapporteur pour avis sur le risque d’invisibilisation des chaînes de télévision françaises.

Leur exposition, sous l’effet de l’évolution des équipements, s’est dégradée, particulièrement sur les interfaces utilisateurs des smart TV, où les grandes plateformes (Netfix, Amazon Prime Video, Disney+) bénéficient désormais d’une excellente visibilité, grâce à des accords commerciaux privilégiés ([65]) .

Les interfaces utilisateurs

Les interfaces utilisateurs sont définies au I de l’article 20-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication. Il s’agit de « tout dispositif présentant à l’utilisateur un choix parmi plusieurs services de communication audiovisuelle ou parmi des programmes issus de ces services, qui est :

«  Installé sur un téléviseur ou sur un équipement destiné à être connecté au téléviseur ;

«  Installé sur une enceinte connectée ;

«  Mis à disposition par un distributeur de services ;

«  Mis à disposition au sein d’un magasin d’applications. »

Les smart TV Samsung, par exemple, proposent un bandeau d’applications sur l’interface d’accueil, dont l’ordre d’affichage dépend de critères commerciaux. Les applications France TV, TF1, M6, RMC Sport, etc. sont pré-téléchargées mais n’apparaissent pas immédiatement au consommateur, contrairement à Netflix, Amazon Prime Video et Disney+. Selon les représentants de Samsung Electronics France, la mise en avant des éditeurs dépend de plusieurs facteurs, notamment la popularité des contenus pour les utilisateurs et les partenariats avec les éditeurs des applications, étant entendu que le consommateur peut personnaliser l’écran d’accueil de sa smart TV lors de la première utilisation. Il peut ainsi supprimer des applications, les déplacer, en télécharger de nouvelles, etc.

L’argument avancé par les fabricants de téléviseurs, mettant en avant le libre choix du consommateur, qui personnaliserait son interface d’accueil selon ses inclinations personnelles, peut paraître, au premier abord, séduisant. Le consommateur déciderait ce qui est bon pour lui, et non l’éditeur. Par ailleurs, le droit à la personnalisation de l’offre de médias audiovisuels n’est-il pas en voie d’être consacré par l’article 19 du futur règlement européen sur la liberté des médias ? Ce serait oublier que les équipements connectés, dotés de systèmes de recommandation de plus en plus sophistiqués, se font prescriptifs. Les fabricants entendent favoriser l’accès du consommateur à ses contenus préférés ; pourquoi, dès lors, les boutons « TV » disparaissent-ils des télécommandes, alors que, le rapporteur pour avis le rappelle, le téléviseur est utilisé à 81 % pour regarder la télévision ?

Les FAI, pour leur part, reconnus comme distributeurs de services par l’Arcom ([66]), au même titre que Canal+ ou Amazon Prime Video, assurent une meilleure visibilité des chaînes françaises sur leurs interfaces utilisateurs que les smart TV. Ainsi, dans le cadre des offres triple play ([67]) de Bouygues Telecom, Orange, SFR ou Free, des vignettes relatives aux services et programmes de la TNT sont affichées dès l’écran d’accueil, même si les plateformes et les offres payantes bénéficient d’une meilleure exposition, avec un « fort biais d’auto-préférence » relevé par France Télévisions (RMC et BFM TV, par exemple, sont mis en avant sur l’interface d’accueil de SFR ([68])). Au cours d’une table ronde réunissant des représentants des quatre grands FAI français, ces derniers se sont décrits comme « partenaires » des chaînes de télévision et ont rejeté tout procès en « invisibilisation ». Selon eux, la distinction entre les distributeurs traditionnels  que sont les FAI et les plateformes de distribution proposant des contenus en OTT ([69]) (les boîtiers connectés) est essentielle : ce sont avec ces dernières que les éditeurs nationaux doivent « négocier âprement leur visibilité ». Enfin, ils ont souligné la croissance exponentielle (cf. supra) du nombre de foyers disposant d’une smart TV ou d’un boîtier TV connecté, sur les interfaces desquels les éditeurs nationaux sont en concurrence avec des plateformes dotées d’un « pouvoir économique illimité ».

En février 2022, Mmes Sophie Mette et Michèle Victory avaient relevé, au cours de leur communication devant la commission des Affaires culturelles et de l’éducation, présentée en conclusion d’une mission « flash » sur la configuration des télécommandes et des écrans d’accueil des équipements audiovisuels, que « les boutons siglés Netflix ou Primpe, qui fleurissent sur nos télécommandes depuis une dizaine d’années peuvent apparaître anecdotiques ; la disparition plus récente du pavé numérique, qui permettait un accès direct aux chaînes de télévision, ne laisse guère de doute sur le déséquilibre qui est en train d’apparaître, au profit de géants internationaux et au détriment des acteurs locaux ».

De fait, les télécommandes des smart TV ou des boîtiers TV connectés incluent désormais des boutons d’accès direct aux plateformes globales (Netflix, Amazon Prime Video, YouTube, Netflix), qui rémunèrent les constructeurs afin de bénéficier de cette visibilité optimale. M. Olivier Oger, vice-président en charge des ressources humaines, de la responsabilité sociale et environnementale et des relations institutionnelles, et Mme Amandine Rogeon, responsable des affaires publiques et diplomatiques de Samsung Electronics France, ont expliqué que, pendant deux ans, deux télécommandes étaient proposées aux utilisateurs : la première avec des boutons de numérotation, la seconde sans lesdits boutons. Cette seconde télécommande simplifiée, seule proposée désormais, comprend un bouton « Netflix », un bouton « Disney+ », un bouton « Prime video », un bouton « Samsung TV Plus », ainsi qu’un bouton donnant accès aux chaînes de télévision en linéaire. Un sondage a été mené par l’entreprise, pour connaître les préférences d’utilisation des utilisateurs : 97 % des répondants se seraient prononcé en faveur de la télécommande simplifiée. Celle-ci intègre désormais une fonction d’assistant vocal, qui permet un accès rapide à l’ensemble des programmes et facilité pour les personnes souffrant d’un handicap visuel. Les télécommandes Hisense intègrent également un assistant vocal.

Télécommande universelle solaire (Samsung)

Télécommande universelle solaire

Source : site internet de Samsung

Toutes les télécommandes n’ont cependant pas entériné la disparition programmée des boutons de numérotation. C’est notamment le cas des télécommandes des smart TV fabriquées par Hisense, qui proposent en quelque sorte aux utilisateurs un accès direct et « égalitaire » aux chaînes de télévision, ainsi qu’à Netflix, YouTube, Prime Video, Rakuten TV, Canal+, Molotov et Disney+. Cependant, M. Rémy Journé, vice-président de Hisense France, et M. Olivier Dutrieux, directeur service et qualité, ont affirmé au rapporteur pour avis que si les boutons de numérotation n’étaient pas menacés à court terme, ils pourraient disparaître dans un avenir proche.

Télécommande Hisense

Source : site internet de Hisense

B.   un triple enjeu économique, culturel et démocratique

L’enjeu de la bonne exposition des chaînes françaises est celui de la « découvrabilité » des contenus, d’autant plus prégnant que les équipements connectés, comme le rapporteur pour avis l’a souligné, se font de plus en plus prescriptifs via les recommandations de contenus. Certes, les services linéaires et non linéaires des éditeurs français n’ont pas disparu des écrans et les consommateurs peuvent y accéder sans trop de difficultés. Pour autant, doit-on accepter que des plateformes étrangères bénéficient d’une meilleure exposition, alors qu’elles contribuent encore peu au financement de la création audiovisuelle et cinématographique ? La défense de l’exposition des chaînes françaises ne relève pas que d’un simple enjeu économique ; la bataille est aussi culturelle et le rapporteur pour avis est convaincu que l’imaginaire des Français, de plus en plus nourri par les programmes de grandes plateformes étrangères, ne peut être abandonné à ces dernières, quelle que soit, par ailleurs, la qualité desdits programmes. Si la communication au public par voie électronique est libre, la France a fait le choix de défendre le « caractère pluraliste de l’expression des courants de pensée et d’opinion » ([70]). Le rapporteur pour avis s’associe pleinement à l’alerte lancée par Mmes Mette et Victory, qui se sont interrogées en ces termes : « Quelle culture allons-nous pouvoir transmettre aux jeunes générations qui ne recourent qu’à ces appareils ? Comment la culture française et européenne et les valeurs qu’elle porte pourront-elles rayonner si même en France et en Europe, elle est invisible ? ».

L’accès aux chaînes de télévision françaises ne saurait donc dépendre de la bonne volonté de fabricants de téléviseurs étrangers. À l’heure où les équipements télévisuels évoluent plus vite que jamais, il est urgent d’agir avant que l’invisibilisation de l’audiovisuel français soit entérinée par les usages et devienne un fait accompli.

II.   La directive SMA a donné la possibilité aux États membres de défendre la visibilité de leurs services de médias audiovisuels d’intérêt général

L’article 20-7 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dite loi « Léotard », résulte de la transposition, par l’ordonnance n° 2020-1462 du 21 décembre 2020, de l’article 7 bis de la directive (UE) 2018-1808 du 14 novembre 2018 sur les services de médias audiovisuels (directive SMA). Cet article dispose que « les États membres peuvent prendre des mesures afin d’assurer une visibilité appropriée pour les services de médias audiovisuels d’intérêt général ».

A.   l’article 20-7 de la loi Léotard prévoit l’obligation pour les interfaces utilisateurs d’assurer une visibilité appropriée des services d’intérêt général…

La directive SMA ne définit pas strictement les services d’intérêt général (SIG). Son considérant n° 25 définit les contenus concernés comme relevant d’objectifs d’intérêt général, tels que le pluralisme des médias, la liberté d’expression et la diversité culturelle. Les obligations destinées à garantir une visibilité appropriée des contenus d’intérêt général « ne devraient être imposées que lorsqu’elles sont nécessaires pour atteindre des objectifs d’intérêt général clairement définis par les États membres conformément au droit de l’Union ». Lorsque les États membres décident d’imposer des règles de visibilité appropriée, « ils ne devraient imposer aux entreprises que des obligations proportionnées, en considération d’intérêts publics légitimes ».

L’article 20-7 de la loi Léotard définit les services d’intérêt général comme ceux étant fournis par le secteur public de la communication audiovisuelle (France Télévisions, Radio France, France Médias Monde, l’Institut national de l’audiovisuel, Arte, Public Sénat, LCP-Assemblée nationale, TV5-Monde), pour l’exercice de leurs missions de service public. Après consultation publique, l’Arcom peut également y inclure, de manière proportionnée et au regard de leur contribution au caractère pluraliste des courants de pensée et d’opinion et à la diversité culturelle, d’autres services de communication audiovisuelle. L’Arcom rend publique la liste de ces services.

L’obligation d’assurer une visibilité des SIG concerne les interfaces utilisateurs.

Aux termes du II de l’article 20-7 précité, la visibilité appropriée des SIG peut être assurée par la mise en avant :

– sur la page ou l’écran d’accueil ;

– dans les recommandations aux utilisateurs ;

– dans les résultats de recherches initiées par l’utilisateur ;

– sur les dispositifs de pilotage à distance des équipements donnant accès aux services de communication audiovisuelle.

Enfin, les III et IV du même article dotent l’Arcom de prérogatives de contrôle et de sanction des obligations de visibilité appropriée des SIG. Les opérateurs qui déterminent les modalités de présentation des services sur les interfaces utilisateurs soumis à ces obligations doivent rendre compte à l’Arcom des mesures qu’ils mettent en œuvre. En cas de manquement, l’Arcom peut mettre en demeure l’opérateur de se conformer à son obligation, dans un délai qu’elle détermine. Lorsque l’opérateur ne se conforme pas à la mise en demeure, l’Arcom peut prononcer une sanction pécuniaire à son encontre.

B.   … dans des conditions précisées par décret

Le II de l’article 20-7 précité renvoie à un décret la détermination des seuils (nombre d’utilisateurs ou d’unités commercialisées sur le territoire français) à partir desquels les acteurs du secteur sont soumis aux obligations de visibilité appropriée. Doit également être précisé par décret le délai d’entrée en vigueur des obligations de visibilité appropriée des SIG devant être assurées par les opérateurs qui déterminent les modalités de présentation des services sur les interfaces utilisateurs.

Les articles 2 et 3 du décret du 7 décembre 2022 pris pour l’application de l’article 20-7 de la loi Léotard ([71]) fixent les seuils applicables :

– pour les interfaces utilisateurs installées sur un téléviseur ou sur un équipement destiné à être connecté au téléviseur et pour les interfaces installées sur une enceinte connectée (smart TV, box internet, boîtiers TV connectés) : 150 000 interfaces commercialisées, mises à disposition dans le cadre d’un contrat d’abonnement ou louées lors de la dernière année civile sur le territoire français ;

– pour les interfaces mises à disposition par un distributeur de services ([72]) et pour les interfaces mises à disposition au sein d’un magasin d’applications : 3 millions de visiteurs uniques par mois pour chaque interface utilisateur sur le territoire français, ce seuil étant calculé sur la base de la dernière année civile.

L’article 4 du décret confie à l’Arcom le soin de publier, au plus tard le 15 mars de chaque année, la liste des interfaces utilisateurs ayant dépassé les seuils fixés aux articles 2 et 3. Cette liste a été publiée le 14 mars 2023 ([73]).

Le même article accorde aux opérateurs précités un délai de 9 mois à compter de la publication de la liste des interfaces assujetties aux obligations de visibilité pour respecter lesdites obligations. Compte tenu de la date de publication de la liste par l’Arcom, l’entrée en vigueur des obligations de visibilité appropriée est fixée au 14 décembre 2023. Cependant, les mesures de mises en avant des SIG n’ont pas encore été définies par l’Arcom, pas plus que le périmètre des SIG.

III.   les consultations publiques menées par l’arcom doivent concilier des intérêts divergents et prendre en considération des problématiques techniques complexes

A.   le périmètre des SIG

En application du II de l’article 20-7 de la loi Léotard, l’Arcom a lancé en juin 2023 une consultation publique relative au périmètre des SIG visant, dans l’éventualité d’une extension de la liste des SIG, à recueillir les observations écrites des parties intéressées. La consultation porte, d’une part, sur les services de télévision et les Smad et, d’autre part, sur les services de radio.

S’agissant des services de télévision et des services de communication audiovisuelle associés, l’Arcom interroge les parties intéressées sur la nature des services susceptibles d’être qualifiés de SIG : en vue d’établir cette liste, faut-il prendre comme base de référence les services de la TNT ? Faut-il inclure les services payants de la TNT (cinq chaînes) ? Faut-il envisager un périmètre plus large ou plus restreint ? Faut-il inclure les services hertziens locaux (quarante-deux chaînes) ? Dans quelle mesure peut-on et faut-il étendre le périmètre des SIG à des services non linéaires, en particulier aux services de télévision de rattrapage ?

Une proposition de loi relative à la réforme de l’audiovisuel et à la souveraineté audiovisuelle, déposée par M. Laurent Lafon, président de la commission de la Culture, de l’éducation et de la communication du Sénat, a été adoptée par la Haute assemblée le 13 juin 2023. L’article 11 de cette proposition de loi retire à l’Arcom son pouvoir de définition du périmètre des SIG et étend ce dernier à l’ensemble des chaînes de la TNT.

Si le rapporteur pour avis ne pense pas qu’il soit nécessaire, alors que l’Arcom est sur le point de se prononcer sur le périmètre des SIG, en tenant compte des points de vue exprimés par l’ensemble des parties prenantes ([74]), que le législateur détermine lui-même ledit périmètre, il est favorable à la proposition formulée par le Sénat d’extension du périmètre des SIG à l’ensemble des chaînes de la TNT.

En effet, cette extension présente le mérite de la simplicité et tient compte du fait que la TNT, comme le notait l’Arcom dans sa consultation publique, « demeure une plateforme essentielle pour le public et pour l’économie du secteur ». Si l’accès à la télévision par voie hertzienne est en recul, du fait de la concurrence de la télévision sur protocole internet (IPTV) et en OTT, la TNT demeure centrale dans le paysage audiovisuel français (cf. supra). En outre, l’Arcom relève une « influence réciproque vertueuse entre l’importance de la plateforme et la notoriété des chaînes qui y sont hébergées, la plupart rassemblant les plus larges audiences ».

Pour rappel, en application de l’article 30-1 de la loi du 30 septembre 1986, les autorisations d’usage de la ressource radioélectrique sont accordées par l’Arcom « en appréciant l’intérêt de chaque projet pour le public au regard des impératifs prioritaires que sont la sauvegarde du pluralisme des courants d’expression socio-culturels, la diversité des opérateurs et la nécessité d'éviter les abus de position dominante ainsi que les pratiques entravant le libre exercice de la concurrence et des critères mentionnés aux articles 29 et 30 ainsi que des engagements du candidat en matière de couverture du territoire, de production et de diffusion d’œuvres audiovisuelles et cinématographiques françaises et européennes ».

Selon le rapporteur pour avis, devraient être inclus dans le périmètre des SIG télévisuels les services linéaires et non linéaires, nationaux comme locaux.

Le 12 juillet 2023, la Commission européenne a notifié à l’Italie un avis circonstancié, conformément à l’article 6 de la directive (UE) 2015/1535 du Parlement européen et du Conseil du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information, sur la consultation publique italienne « sur l’importance des services de médias audiovisuels et radiophoniques d’intérêt général et l’accessibilité du système de numérotation automatique des chaînes de télévision numérique terrestre ». Cette consultation publique comprenait deux annexes (un projet de règlement sur l’accessibilité des chaînes de télévision numérique terrestre et des lignes directrices sur l’importance des services de médias audiovisuels et radiophoniques d’intérêt général). La Commission a rappelé le principe de libre circulation des services transfrontaliers consacré par l’article 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE), ainsi que la règle posée par l’article 3 de la directive dite « e-commerce » ([75]), en application de laquelle les services de la société de l’information ([76]) ne sont soumis qu’au régime juridique de l’État membre dans lequel leur prestataire est établi (principe du pays d’origine). Le paragraphe 2 de l’article 3 de ladite directive prévoit ainsi que « les États membres ne peuvent, pour des raisons relevant du domaine coordonné, restreindre les services de la société de l’information en provenance d’un autre État membre ». Les États membres ne peuvent déroger à ce principe que pour des motifs d’intérêt général, de façon proportionnée.

Certains services visés par le dispositif italien constituent des services de la société de l’information, notamment les interfaces utilisateurs. Or, au regard du périmètre des SIG retenu par le projet italien ([77]), qualifié de « potentiellement très élevé », la Commission a rappelé aux autorités italiennes « la nécessité d’obligations proportionnées », s’appuyant sur le considérant n° 25 de la directive SMA, qui dispose que « lorsque les États membres décident d’imposer des règles de visibilité appropriée, ils ne devraient imposer aux entreprises que des obligations proportionnées, en considération d’intérêts publics légitimes ».

 

La Commission européenne a donc estimé que le projet notifié par l’Italie entraînait « une restriction indue à la libre prestation de services de la société de l’information sur le territoire italien, en violation de l’article 3 de la directive sur la commerce électronique ». Elle a enfin ajouté que « si le gouvernement italien ne se conformait pas aux obligations découlant de la directive (UE) 2015/1535, ou si le texte du projet de règle technique à l’étude était adopté sans avoir dûment tenu compte des objections susmentionnées, ou s’il constituait pour d’autres raisons une violation du droit de l’Union européenne, la Commission pourrait entamer des procédures conformément à l’article 258 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne » ([78]).

L’Arcom devra nécessairement tenir compte des observations de la Commission européenne susmentionnées, sous peine d’exposer la France à un recours en manquement.

La Commission européenne, cependant, ne précise pas quel aurait été le périmètre des SIG compatible avec le principe de libre circulation des services transfrontaliers et avec le principe du pays d’origine. Cette situation conduit le rapporteur pour avis à plaider pour une harmonisation, au niveau européen, des règles de visibilité appropriée des SIG, dans le cadre du règlement européen sur la liberté des médias, actuellement en cours de discussion (cf. infra).

B.   les mesures de visibilité appropriée

En application du deuxième alinéa du II de l’article 20-7 de la loi Léotard, l’Arcom a lancé en mars 2023 une consultation publique visant à recueillir les observations des parties intéressées relatives à un projet de délibération relatif aux mesures de visibilité appropriée sur les interfaces utilisateurs.

Les articles 2 à 4 du projet de délibération prévoient que :

– les SIG doivent être aisément accessibles au sein d’une interface utilisateur. Les opérations nécessaires à un utilisateur pour accéder à un SIG au sein de cette interface ne doivent pas être plus contraignantes que celles nécessaires à l’accès à tout autre service de communication audiovisuelle de même nature accessible depuis cette même interface ;

– en tenant compte des capacités de personnalisation par l’utilisateur, la visibilité appropriée des SIG peut notamment être assurée en les regroupant en un même emplacement dans le cas des interfaces graphiques ;

– lorsqu’une télécommande ou tout autre dispositif destiné à contrôler une interface utilisateur propose un accès direct, hors numérotation, à un ou plusieurs services de communication audiovisuelle qui n’ont pas la qualité de SIG, ils doivent également prévoir un accès direct aux SIG de même nature (télévision, radio, média audiovisuel à la demande) ou aux SIG pris dans leur ensemble.

La consultation publique s’est achevée le 21 avril 2023. L’Arcom a reçu vingt-et-une contributions d’éditeurs de services, de distributeurs, de fabricants, d’organisations professionnelles, etc., qui ont été publiées sous forme de synthèse le 12 juin 2023.

Les modalités concrètes de la visibilité appropriée des SIG, telles que prévues par l’Arcom dans son projet de délibération, conviennent au rapporteur pour avis, en ce qu’elles prévoient une égalité de traitement entre les SIG et les autres services de télévision. Un équilibre devra nécessairement être trouvé entre, d’une part, la précision des mesures de visibilité appropriée et, d’autre part, la capacité de ces dernières à s’appliquer sur le long terme.

Une difficulté demeure sur le délai d’entrée en vigueur des mesures de visibilité appropriée. L’article 4 du décret du 7 décembre 2022 précité accorde aux opérateurs un délai de neuf mois à compter de la publication de la liste des interfaces assujetties aux obligations de visibilité pour respecter lesdites obligations. Compte tenu de la date de publication de la liste par l’Arcom, le 14 mars 2023, l’entrée en vigueur des obligations de visibilité appropriée est fixée au 14 décembre 2023. Cependant, les mesures de mises en avant des SIG n’ont pas encore été définies par l’Arcom, pas plus que le périmètre des SIG. Dès lors, ce délai semble difficilement tenable. En outre, de nombreuses personnes auditionnées ont insisté auprès du rapporteur pour avis sur la nécessité d’un délai d’entrée en vigueur raisonnable des obligations définies par l’Arcom. Les représentants de Samsung Electronics France, par exemple, ont estimé que, dans la mesure où la délibération définitive de l’Arcom n’était pas encore intervenue, « un délai supplémentaire de mise en conformité devait absolument être prévu », compatible avec « les délais nécessaires à la conception et au déploiement des nouvelles interfaces utilisateurs matérielles et logicielles », soit un délai de dix-huit mois.

Enfin, l’article 7 du projet de délibération de l’Arcom prévoit une mise en conformité, dans un délai de deux ans, de l’ensemble du parc d’équipements existant, « sous réserve d’incompatibilités technologiques majeures avérées et justifiées auprès de l’Arcom ». L’obligation d’actualisation du parc d’équipements a fait l’objet de critiques de la part de constructeurs, certains la jugeant « très problématique », contraire au principe de sécurité juridique et disproportionnée. Une telle opération pourrait s’avérer coûteuse et générer de nombreuses externalités environnementales négatives. L’Arcom est ainsi prise entre deux feux : d’une part, il apparaît difficile d’imposer des mesures de visibilité appropriée des SIG si les équipements, au premier rang desquels les télécommandes, ne sont pas actualisés rapidement ; d’autre part, le principe de proportionnalité doit être respecté par l’Autorité, notamment s’agissant de l’atteinte portée aux intérêts économiques des entreprises concernées.

C.   la voie d’une harmonisation européenne, gage d’efficacité et d’effectivité

Le rapporteur pour avis a déjà mentionné une réalité connue de tous : le marché des équipements télévisuels, en particulier celui des télécommandes, est a minima européen, voire mondial s’agissant de certains fabricants. Une approche harmonisée au niveau européen serait ainsi souhaitable à plus d’un titre.

Premièrement, l’Union européenne constitue le premier marché mondial de consommateurs de services audiovisuels. Pour les distributeurs de services et les constructeurs, les États membres sont donc incontournables et il semble évident que, rassemblés, ils seraient en mesure de leur imposer leurs vues.

Deuxièmement, une harmonisation européenne des mesures de visibilité appropriée porterait moins atteinte aux intérêts économiques des constructeurs et des distributeurs de services, qui la réclament d’ailleurs eux-mêmes. En outre, ces mesures pourraient être mises en œuvre plus rapidement. 

Selon le rapporteur pour avis, il apparaît peu réaliste d’exiger des constructeurs et des distributeurs une adaptation, pays par pays, de leurs interfaces et de leurs équipements. Cette approche est notamment défendue par Mme Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions, par ailleurs présidente de l’Union européenne de radio-télévision (UER), qui souhaite l’inscrire au sein du règlement européen sur la liberté des médias. Ce règlement pourrait ainsi :

– obliger les États membres à prendre des mesures de visibilité appropriée, alors que la directive SMA leur en donne simplement la faculté ;

– définir les modalités concrètes de la visibilité appropriée des SIG dans les considérants du règlement. Ainsi, chaque État membre identifierait les SIG de son ressort territorial, selon des principes définis de manière objective et transparente, et tous seraient soumis aux mêmes règles d’exposition.

Cette voie semble la plus raisonnable et la plus opérationnelle. Hélas, il ne semble pas qu’elle soit retenue par les institutions européennes, qui privilégieraient plutôt la publication, par la Commission européenne, de lignes directrices sur le périmètre des SIG et les mesures de visibilité, ainsi que sur le droit à la personnalisation de l’offre de médias audiovisuels. Il n’est pas encore trop tard pour agir ([79]) et le rapporteur pour avis souhaite que la France défende cette position au sein du Conseil.


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   Travaux de la commission

I.   Audition de la ministre

Lors de sa réunion du mercredi 25 octobre 2023 à 9 heures 30 ([80]), la commission auditionne, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024 (n° 1680 – seconde partie), Mme Rima Abdul-Malak, ministre de la Culture.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Madame la ministre, nous sommes heureux de vous retrouver pour ce traditionnel rendez-vous budgétaire.

Après l’intervention liminaire de Mme la ministre, nous débattrons d’abord de la mission Culture. Nous entendrons successivement l’intervention de la rapporteure pour avis, puis les questions des orateurs de groupe et celles des autres membres de la commission, auxquelles la ministre répondra. Nous passerons ensuite, selon le même schéma, à la discussion conjointe de la mission Médias, livre et industries culturelles et du compte de concours financier Avances à l’audiovisuel public.

À l’issue des deux discussions générales, nous examinerons les amendements.

Mme Rima Abdul Malak, ministre de la Culture. Le budget du ministère de la Culture pour 2024 est de nouveau en hausse : plus 6 % par rapport à celui de 2023, qui avait déjà progressé de 7 %. Il s’élève à 4,4 milliards d’euros environ, auxquels s’ajoutent un peu plus de 4 milliards pour l’audiovisuel public – en hausse de 228 millions d’euros. Il est complété par 804 millions d’euros de taxes et ressources affectées pour le financement du cinéma, de la musique et du théâtre privé ainsi que par le loto du patrimoine pour environ 25 millions d’euros, et les mesures fiscales, à hauteur de 1,7 milliard d’euros. Le total atteint ainsi 11 milliards d’euros.

Avec les crédits budgétaires dédiés à la culture par d’autres ministères – Éducation nationale, Enseignement supérieur, Armées, pour certains musées –, le total des crédits en faveur de la culture est quasiment porté à 16 milliards d’euros. Et n’oublions pas les centaines de millions d’euros du plan France 2030 que le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) mettra au service de notre ambition pour les industries créatives, sur l’ensemble du quinquennat.

Cette politique ambitieuse peut se déployer grâce au travail quotidien de plus de 29 000 agents, dont je salue l’engagement. Le ministère de la Culture forme également 37 000 étudiants, dans près de cent établissements de l’enseignement supérieur Culture. C’est un formidable vivier pour se projeter, pour dessiner l’avenir.

Depuis mon arrivée à la tête du ministère de la Culture, je n’ai eu de cesse d’affirmer les priorités sous lesquelles j’ai placé mon action : susciter l’envie de culture auprès de la jeunesse et en favoriser l’accès ; protéger notre souveraineté culturelle face à l’hégémonie des plateformes numériques ; soutenir l’innovation et la création ; former la relève et développer les compétences ; préserver notre patrimoine, ses bâtiments comme ses savoir-faire, grâce à un plan ambitieux pour les métiers d’art ; contribuer à apaiser les mémoires par la culture ; défendre le pluralisme, l’indépendance des médias et un audiovisuel public fort.

Cette politique culturelle, que je veux vivante, ouverte à tous et ancrée dans tous les territoires, va pouvoir se déployer grâce à ce budget historiquement élevé, comme elle le fait depuis l’élection d’Emmanuel Macron.

En 2023, dans un contexte de sortie de crise, le budget se voulait de résilience. Il nous a permis de faire face à l’inflation, mais aussi de mener de nouvelles initiatives, comme la stratégie pour les métiers d’art, le fonds d’innovation territoriale ou les projets d’olympiades culturelles. Nous entendons que celui de 2024 soit un budget de transformation, pour changer les modèles en profondeur et faire face à toutes les mutations que connaît le monde de la culture. Il faut ainsi accélérer la transition écologique, mieux produire et mieux diffuser – notamment pour ce qui est du spectacle vivant – et s’approprier les nouvelles technologies. Nous devons aussi poursuivre le renouvellement des publics, investir dans l’éducation artistique et l’accès des jeunes à la culture, anticiper la relève des métiers, en matière de formation et de développement des compétences. Nous mettrons en œuvre cette politique dans tous nos territoires grâce à la restauration du patrimoine, grâce à des projets tels que l’Été culturel ou en mobilisant les moyens du Fonds d’aide aux échanges artistiques et culturels (Feac) et du fonds d’innovation territoriale.

L’année 2024 sera une année olympique qui, pour nous, marquera l’aboutissement de grands chantiers. La Cité internationale de la langue française, à Villers-Cotterêts, sera bientôt ouverte au public ; elle accueillera le sommet de la Francophonie à l’automne. Deux rénovations majeures seront également achevées en cette année 2024 : celle du Grand Palais, qui rouvrira ses portes à l’occasion des Jeux olympiques et paralympiques ; celle de la cathédrale Notre-Dame de Paris, dont la réouverture est prévue le 8 décembre.

Dans un monde de plus en plus compétitif, le budget pour 2024 va également contribuer à renforcer la place de notre culture, mais aussi à continuer à tisser des liens généreux et sensibles entre les artistes et les habitants, dans chaque territoire.

Comme je m’y étais engagée auprès des entreprises de l’audiovisuel public, ce budget est assorti d’une trajectoire sur cinq ans, afin de leur donner de la visibilité jusqu’à 2028. Il est composé, selon une logique nouvelle, d’une dotation de base et d’une enveloppe complémentaire. La dotation permet de poursuivre les missions confiées à ces entreprises, de prendre en compte l’inflation et de compenser les effets fiscaux induits par la suppression de la redevance et le changement de mode de financement. L’enveloppe complémentaire sera exclusivement consacrée à des projets de transformation et de modernisation ainsi qu’à des priorités et à des collaborations inscrites dans des contrats d’objectifs et de moyens (COM). Cette enveloppe est au total de 200 millions d’euros sur trois ans, dont 69 millions d’euros pour 2024. Une clause de revoyure est prévue en 2026.

Les autres hausses du budget permettront de renforcer les moyens des structures de la création et de la diffusion, et d’accompagner leur mutation. L’accent porte notamment sur le soutien à l’emploi artistique et aux artistes-auteurs. Les formations et nos écoles d’enseignement supérieur artistique seront également soutenues, notamment celles d’architecture et les écoles d’art territoriales, que ce soit en matière d’investissement, de fonctionnement ou d’emploi.

La protection et la valorisation du patrimoine bénéficieront de crédits en hausse de 55 millions d’euros, qui serviront notamment aux rénovations sur tout le territoire. Le fonds incitatif pour le patrimoine (FIP), en hausse également, a vocation à accompagner, avec les régions, les chantiers dans de petites communes, pour la plupart de moins de 10 000 habitants. Des mesures salariales, très attendues, sont également prévues pour l’Institut national de recherches archéologiques préventives (Inrap).

La priorité pour la lecture est à nouveau réaffirmée, à travers une stratégie déployée sur tout le territoire grâce au Centre national du livre (CNL), aux bibliothèques et aux collectivités. La presse locale, les radios locales et l’AFP (Agence France-Presse) bénéficieront, elles aussi, d’un soutien accru, afin de promouvoir le pluralisme de l’information.

En matière d’emploi, 125 équivalents temps plein (ETP) nouveaux seront affectés, notamment, aux musées, pour la sécurisation des acquisitions et la recherche de provenance, à la Cité internationale de la langue française de Villers-Cotterêts – à hauteur de 15 ETP – ou encore à la montée en puissance du Centre national de la musique (CNM), à raison de 10 emplois supplémentaires.

Je ne vais pas détailler davantage le contenu de ce budget et vous propose d’apporter les précisions que vous pourriez attendre en répondant à vos questions.

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Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons à la discussion générale sur la mission Médias, livre et industries culturelles et le compte spécial Avances à l’audiovisuel public.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis (Médias, livre et industries culturelles). Dans les grandes masses budgétaires du projet de loi de finances, les 736 millions d’euros de la mission Médias, livre et industries culturelles ne pèsent quasiment rien, surtout si on les compare aux 86 milliards d’euros de la mission Enseignement scolaire. Ces crédits revêtent cependant des enjeux fondamentaux pour la vie économique, démocratique et culturelle de notre pays. Le soutien financier que la nation consent à l’égard des secteurs stratégiques que sont la presse, la musique, le cinéma et le livre est plus que jamais justifié dans un contexte d’inflation persistante, d’une part, et de bouleversements majeurs des modes de création, de diffusion et de rémunération, d’autre part. L’État ne peut pas tout mais, en l’espèce, il peut et doit faire beaucoup. Les entreprises soutenues par la mission ne sont pas de simples opérateurs économiques soumis à la loi du marché ; elles sont également des acteurs d’intérêt général, qui évoluent dans un environnement de plus en plus concurrentiel et mondialisé, où des plateformes étrangères dotées d’une force de frappe financière considérable entendent imposer leur loi. Un seul chiffre suffira à en prendre la mesure : l’an dernier, Netflix a investi 17 milliards de dollars dans la production de contenus originaux, contre 440 millions d’euros pour France Télévisions et 250 millions d’euros pour Canal+.

S’agissant de la presse et des médias, la situation demeure difficile. Le choc de la crise sanitaire s’est ajouté à la crise, déjà ancienne, de l’effondrement du lectorat et des tirages papier, que les aides à la transition numérique des titres ne pourront suffire à compenser. La diffusion de la presse continue de reculer en 2022 et les recettes publicitaires, notamment du fait de la concurrence des plateformes, peinent à se rétablir. Une légère amélioration est à noter en 2022, mais leur niveau reste inférieur de près de 5 % à celui de 2019. Le dernier choc en date est lié à l’inflation, sous l’effet de laquelle le prix de la tonne de papier est passé de 400 euros en 2021 à 1 000 euros. Redescendrait-il à 800 euros, en moyenne, sur l’année 2023, que ce prix élevé continuerait de menacer certains titres structurellement fragiles. Cette situation justifie pleinement la création d’un fonds de soutien doté de 30 millions d’euros.

Pour ma part, je renouvelle la proposition que j’avais formulée l’an dernier avec Violette Spillebout, d’étendre le pass culture aux abonnements de la presse écrite, toutes catégories confondues. Ce sont les jeunes qui lisent le moins la presse, alors même que celle-ci constitue un rempart contre les pratiques de désinformation, si dangereuses pour leur émancipation et pour la cohésion sociale.

Les crédits des aides à la presse seraient stabilisés en 2024, tandis que la réforme du postage et du portage se poursuit et qu’il est encore trop tôt pour en apprécier pleinement les effets. Je ne suis pas défavorable à l’incitation au portage, encore faut-il s’en donner les moyens. La fragilisation de la filière des vendeurs-colporteurs de presse est, de ce point de vue, très préoccupante, notamment du fait de l’augmentation des coûts de l’énergie et du transport. Par ailleurs, la création des zones à faibles émissions (ZFE) ne leur facilite pas ma tâche, c’est le moins que l’on puisse dire.

J’ai également été alerté sur la problématique de la distribution de la presse dans les outre-mer. Une aide au pluralisme des titres ultramarins, de 2 millions d’euros, a été instituée en 2021, mais elle ne vise pas à soutenir la distribution de la presse nationale dans ces territoires. Les aides à l’impression numérique locale sont utiles, mais insuffisantes. L’aide au pluralisme des titres ultramarins doit donc être renforcée et inclure l’aide à la distribution.

Toujours à propos de la presse, les états généraux de l’information seront l’occasion de réfléchir à une refonte globale des aides, qui sont nombreuses et parfois difficilement lisibles. L’introduction de nouveaux critères pourrait être envisagée.

J’en viens aux crédits du programme Livre et industries culturelles, qui bénéficient d’une hausse en 2024. Ces nouvelles dotations ont vocation à financer le plan national de numérisation de la presse ancienne et la stratégie en faveur de la lecture dans les territoires. Les besoins, là, sont énormes.

S’agissant du financement du Centre national de la musique, j’ai pu prendre connaissance des résultats de l’évaluation qu’il a réalisée des deux crédits d’impôt dont il assure la gestion. Sans entrer dans le détail, je considère que ces résultats sont satisfaisants. Je suis donc favorable à la prorogation anticipée des crédits d’impôt.

Comme beaucoup, je regrette les atermoiements qui durent depuis plusieurs mois. Le secteur du streaming par abonnement est en plein essor et représente désormais 56 % du chiffre d’affaires de la musique enregistrée. Cependant, son modèle économique n’est pas encore arrivé à maturité. Nul ne conteste le besoin de financement du CNM ; c’est sur les modalités que nous divergeons. Je considère que nous devons protéger les acteurs les plus modestes et ceux qui ne sont pas encore parvenus à la rentabilité. C’est pourquoi le scénario d’une contribution obligatoire des plateformes gratuites, comme YouTube ou TikTok, semble le plus cohérent, d’autant que ces plateformes rémunèrent peu les contenus, contrairement aux plateformes payantes. Dès lors, une augmentation du taux de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV) me semble la meilleure option. Une taxe sur les services de streaming payant pourrait être envisagée ultérieurement, lorsque ces plateformes auront consolidé leur modèle économique.

Quant au scénario d’une contribution volontaire des acteurs de la musique enregistrée, il paraît tout simplement irréaliste, puisque 5 millions d’euros seulement ont été identifiés par le Gouvernement.

Je conclus avec la filière cinématographique. La fréquentation des salles connaît une amélioration sensible sur les huit premiers mois de l’année ; nous pouvons ainsi espérer renouer avec les 200 millions d’entrées sur l’année. La part de marché des films nationaux est la plus élevée d’Europe, avec 41 %. Globalement, le cinéma français se porte donc bien. Cependant, deux récents rapports sénatoriaux et un rapport de la Cour des comptes ont mis en évidence le caractère perfectible – c’est un euphémisme – du fonctionnement du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), notamment pour le volet d’attribution des aides. Les aides sélectives du CNC financent, en effet, trop de films qui ne trouvent pas leur public. J’en veux pour illustration le fait qu’entre 2011 et 2018, sur les 574 films ayant bénéficié de l’avance sur recettes, 12 seulement ont généré des recettes aux guichets supérieures au coût total des œuvres, soit 2 % des films. Entendons-nous bien, le soutien à la diversité de la création a un coût et le CNC n’aurait pas de raison d’être si seuls les films rentables avaient vocation à être soutenus. Néanmoins, le mécanisme d’attribution des aides mérite d’être révisé.

J’ai choisi de consacrer la partie thématique de mon avis budgétaire à la visibilité des chaînes françaises de télévision sur les équipements connectés. Je devrais plutôt parler d’invisibilisation croissante de notre audiovisuel, public comme privé, sur les interfaces d’accueil des téléviseurs connectés et des boîtiers TV connectés, sur les télécommandes et dans les magasins d’applications. Les usages évoluent très vite et le temps est bien loin où les Français n’avaient le choix qu’entre quelques chaînes de la télévision numérique terrestre (TNT). Certes, la télévision reste un média puissant, mais l’audience des chaînes de la TNT ne cesse de reculer, quand la consommation de vidéos à la demande augmente de façon exponentielle. Aujourd’hui, près de 90 % des foyers français possèdent un téléviseur en mesure de recevoir la télévision et des services de vidéo à la demande, grâce à une connexion internet. Les boutons de numérotation disparaissent progressivement et les chaînes de télévision sont de moins en moins bien référencées sur les interfaces d’accueil, où les grandes plateformes étrangères – Disney, Netflix, Prime Video, YouTube – ont désormais la part belle. France Télévisions, TF1, Canal+, M6 ne sont pas sur le point de disparaître de nos écrans ; leurs programmes sont toujours connus et appréciés des Français, mais il est de notre responsabilité de garantir la « découvrabilité » des contenus audiovisuels français, à l’heure où les plateformes investissent massivement dans la création de contenus originaux, qui séduisent de plus en plus les jeunes générations.

La directive sur les services de médias audiovisuels (SMA) a permis aux États membres de prendre des mesures afin d’assurer une visibilité appropriée pour les services de médias audiovisuels d’intérêt général. Il revient à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de définir le périmètre des services d’intérêt général (SIG) ainsi que les modalités de leur visibilité appropriée. Pour ma part, je suis favorable à la qualification de SIG pour l’ensemble des chaînes de la TNT. Il est indispensable que les deux consultations conduites par l’Arcom s’achèvent rapidement.

Je serais personnellement favorable à ce que les mesures de visibilité appropriées soient définies à l’échelle européenne, comme le propose l’Union européenne de radio-télévision (UER). Cela aurait le mérite de garantir une application efficace de ces mesures, le marché des téléviseurs étant, au minimum, un marché européen.

Dans le futur, l’accès aux téléviseurs connectés par wifi, ne passant plus par les fournisseurs d’accès à internet (FAI), va sans doute se développer. L’Arcom n’aurait alors plus aucune prise pour garantir la visibilité appropriée des chaînes françaises. Nous devons nous atteler dès maintenant à une réflexion sur la défense de notre souveraineté audiovisuelle. Sinon, adieu TF1, France Télévisions, Canal+ et M6 ! Nous n’aurons plus le choix qu’entre Amazon, Disney, Netflix, YouTube sur nos téléviseurs connectés, car les Gafam auront pu s’offrir, à coups de milliards de dollars, leur référencement auprès des constructeurs de téléviseurs.

Mme Fabienne Colboc, rapporteure pour avis (Avances à l’audiovisuel public). Cette année s’annonce décisive pour le service public audiovisuel, car elle marque l’entrée en vigueur de la prochaine génération de contrats d’objectifs et de moyens (COM), qui pourra se déployer grâce à une trajectoire budgétaire inédite, en hausse constante jusqu’en 2028.

Pour 2024, les six entités qui composent l’audiovisuel public – France Télévisions, Radio France, Arte, France Médias Monde, TV5 Monde et l’Institut national de l’audiovisuel (INA) – bénéficieront d’une dotation globale de plus de 4 milliards d’euros, en augmentation de 5,5 % par rapport à 2023.

Le PLF introduit cette année un nouveau programme de transformation, doté de 200 millions d’euros pour trois ans, dont 69 millions d’euros pour l’année prochaine. Ces crédits supplémentaires auront vocation à financer des projets de modernisation en matière de proximité, de numérique et d’information. Je pense en particulier à l’approfondissement des coopérations entre entités, à l’image des rapprochements opérés entre France 3 et France Bleu, qui répondent à une réelle attente des citoyens pour une information de proximité. Sur ce point, le président de l’Arcom a préconisé, en audition, d’aller plus loin, en désignant un chef de file afin d’encourager cette dynamique.

Cette enveloppe supplémentaire permettra également de déployer une stratégie numérique ambitieuse face à la concurrence des plateformes. La promotion de contenus adaptés aux nouveaux usages numériques est, en effet, une des conditions premières pour remédier à l’éloignement des publics les plus jeunes de l’audiovisuel.

Ce programme permettra, enfin, d’affirmer le rôle central de l’audiovisuel public pour la diffusion d’une information objective, vérifiée et fiable, à l’heure du « chaos informationnel », pour reprendre les mots de Gérald Bronner.

Je me réjouis que le versement de ces moyens supplémentaires soit conditionné à la bonne réalisation des projets qu’ils soutiennent. C’est un gage de confiance à l’égard des entités dans leur capacité à mener à bien leur modernisation. C’est pourquoi nous serons particulièrement vigilants, lors de l’examen des COM, à ce que les indicateurs de suivi et les responsabilités de chacun soient clairement définis.

Cette ambition nouvelle doit toutefois s’accompagner d’une visibilité quant au mode de financement de notre audiovisuel public.

À partir du 1er janvier 2025, l’affectation d’une fraction de TVA, que nous avons provisoirement établie à la suite de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public (CAP) en 2022, se heurtera à l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de la loi organique relative aux lois de finances (Lolf). À compter de cette date, l’affectation d’une taxe à un tiers ne pourra être maintenue que si elle présente un lien avec les missions de service public qui lui sont confiées, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

Je salue, à ce titre, les conclusions de la mission d’information de nos collègues Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier sur l’avenir de l’audiovisuel public, qui proposent une modification ciblée de la Lolf afin de pérenniser ce mode de financement au-delà de 2024. J’appelle ainsi de mes vœux l’examen de la proposition de loi organique qu’ils ont déposée à cette occasion.

Dans sa partie thématique, mon rapport aborde l’enjeu de la visibilité des outre-mer dans l’audiovisuel public. Le Sénat s’est penché sur cette question à l’occasion d’une mission d’information en 2019. Il déplorait alors la situation des outre-mer comme « territoires oubliés des grandes chaînes publiques nationales ». Je constate que la représentation ultramarine dans l’audiovisuel public a bien évolué depuis. À la suite de la disparition de la chaîne France Ô, qui était consacrée aux outre-mer et diffusée sur la TNT, les entreprises de l’audiovisuel public se sont, en effet, efforcées de faire progresser la présence des territoires ultramarins sur l’ensemble des chaînes et des radios.

Un premier pacte pour la visibilité des outre-mer a été signé en juillet 2019 entre France Télévisions, le ministère des Outre-mer et celui de la Culture. France Télévisions s’y engageait à rendre plus visibles ces territoires en fixant trois objectifs : renforcer le « réflexe outre-mer » dans son offre, en faisant progresser sa représentation dans les grandes éditions nationales ; s’ouvrir aux outre-mer à travers des espaces dédiés, notamment dans les contenus numériques et par un budget sanctuarisé ; accroître les liens de son pôle outre-mer par une meilleure coopération entre les territoires et l’Hexagone.

Le comité de suivi du pacte a confirmé le respect des vingt-cinq engagements par France Télévisions en 2022. La même année, grâce à ces objectifs ambitieux, les personnes résidant dans les territoires ultramarins ont représenté 7 % du total des personnes indexées sur France Télévisions, contre 1 % sur l’ensemble des chaînes, selon l’Arcom.

France Télévisions contribue également à l’accessibilité de l’audiovisuel public dans les territoires ultramarins par son offre « Outre-mer La 1ère », qui regroupe neuf chaînes de télévision, neuf radios et neuf sites internet.

Cette démarche pour rendre les outre-mer plus visibles a été étendue en 2021, avec la signature d’un second pacte entre toutes les entités de l’audiovisuel public et l’État. Radio France y contribue avec des programmes d’information et avec son soutien à la création et aux artistes ultramarins, tandis que sa plateforme numérique accueille des podcasts provenant de tout le service public audiovisuel. France Médias Monde participe au rayonnement des territoires ultramarins grâce à ses programmes sur France 24 et RFI, comme TV5 Monde et Arte avec leur offre de contenus documentaires et artistiques. L’INA a, pour sa part, publié une étude de visibilité sur la médiatisation des outre-mer, afin d’analyser le traitement des sujets ultramarins, tout en continuant d’indexer les archives ultramarines.

Le pacte de visibilité des outre-mer de 2021 a donc grandement accéléré leur mise en lumière dans les programmes de l’audiovisuel public. Nous ne pouvons que souhaiter que cette initiative se poursuive et se renforce dans les années à venir. Un chef de file pourrait être désigné, qui serait chargé d’encourager et de fixer des objectifs ambitieux, puis de coordonner et de suivre leur réalisation. Il serait également pertinent d’engager une réflexion plus large, en invitant les acteurs de l’audiovisuel privé qui le souhaitent à s’associer à cette démarche. Selon l’Arcom, en 2022, 78 % des programmes incluant des personnes résidant outre-mer ont été diffusés par des chaînes du service public.

M. Denis Masséglia, rapporteur spécial (Médias, livre et industries culturelles). En 2024, le budget de la mission Médias, livre et industries culturelles est en hausse substantielle, de 5,6 % en AE et de 4,4 % en CP ; il atteint 740 millions d’euros environ.

Le programme 180 Presse et médias est relativement stable, en dehors de la hausse des financements accordés à l’Agence France-Presse, dont tiendra compte son prochain contrat d’objectifs et de moyens pour 2024-2028, et de celle du Fonds stratégique pour le développement de la presse (FSDP).

Concernant les aides pour le pluralisme, vous avez appelé, madame la ministre, à une réflexion qui sera, je l’espère, au cœur des débats des états généraux de l’information. Je serai, pour ma part, très attentif aux conclusions du rapport commun de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac) sur le soutien à la distribution de la presse, qui devrait bientôt vous être rendu. Le système actuel me paraît peu lisible et peu transparent. Malgré le soutien à la distribution des quotidiens qui transitent par France Messagerie, l’équilibre financier de l’entreprise ne semble pas garanti à moyen terme, voire à court terme. Agissons en amont et n’attendons pas une nouvelle crise comme celle de 2020, qui coûterait des dizaines de millions d’euros à l’État.

Je salue les efforts budgétaires accomplis dans le programme 334 Livre et industries culturelles en faveur du livre dans toutes ses composantes. La stratégie pour développer la lecture dans les territoires sera prolongée en 2024, pendant qu’un soutien sera apporté à la BNF, dont l’équilibre financier est fragile. Par ailleurs, et sans que les deux projets soient liés, la Maison du dessin de presse et le projet de numérisation des journaux de la IIIe République nous rappellent que le débat d’idées, la controverse et le pluralisme sont au cœur de la construction démocratique de notre pays. Patrimonialiser et valoriser cette histoire du débat public et de la satire, des opinions comme des croyances, c’est protéger l’esprit même de la démocratie et de la République.

En ce qui concerne les industries culturelles, je me réjouis que les crédits d’impôt aient été prolongés : jusqu’en 2026, pour le crédit d’impôt international (C2I) et le crédit d’impôt Sofica (société pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle), et jusqu’en 2027 pour le crédit d’impôt en faveur de la production d’œuvres phonographiques (CIPP), le crédit d’impôt spectacle vivant (CISV) et le crédit d’impôt pour les éditeurs de musique (Ciem). Cela procure la visibilité nécessaire aux filières pour engager les investissements dans la création et pour soutenir les artistes émergents.

Des améliorations à la marge peuvent encore, me semble-t-il, être apportées. Par exemple, la différenciation entre l’animation et la fiction n’a plus lieu d’être en matière de plafond de dépenses éligibles au crédit d’impôt audiovisuel. Au regard des coûts de production, les aligner, à hauteur 10 000 euros par minute, apparaît nécessaire. Le crédit d’impôt jeux vidéo peut également être amélioré pour correspondre davantage à la réalité économique des studios de création, qui est désormais celle d’une industrie de plus en plus globalisée et concurrentielle. Par ailleurs, la décision a été prise, en première partie de ce PLF, de borner le dispositif. Or la production de jeux vidéo s’inscrit dans le temps long. J’insiste sur l’impérieuse nécessité de repousser cette limite à 2026 et, surtout, de ne pas l’appliquer aux projets agréés avant cette date.

Côté cinéma, réjouissons-nous du retour du public dans les salles, notamment pour les films français. La pertinence de l’accompagnement de la filière est ainsi démontrée. Certes, le rapport de la Cour des comptes sur le Centre national du cinéma et de l’image animée souligne, à juste titre, la nécessité d’une plus grande transparence des provisions financières et de la présentation budgétaire et comptable de l’établissement. Mais il reconnaît aussi le rôle primordial de régulation et d’unification du secteur que joue cette quasi-administration centrale, unique en France, voire dans le monde. Nous pouvons être fiers, car, sans le CNC, le cinéma français aurait peut-être périclité, comme nombre d’industries cinématographiques en Europe et dans le monde. Les pays qui ont encore une véritable création nationale et qui exportent, à l’image de la Corée du sud, l’ont compris depuis longtemps. Le projet France 2030 pour le cinéma est l’occasion d’être plus offensif encore, en rendant notre territoire attractif pour les tournages et la production de séries audiovisuelles et de films.

Enfin, de nombreux orateurs l’ont rappelé, nous attendons toujours une solution pour le financement du CNM. Il n’est pas possible de maintenir une telle incertitude pour le secteur dans son ensemble et, en premier lieu, pour l’établissement public lui-même, qui doit calibrer le niveau de financement de ses différentes aides sélectives. Je regrette ce spectacle de division que donne ainsi la filière. Nous devons, quant à nous, trancher rapidement entre les pistes identifiées. La solution retenue doit permettre un financement suffisant, pérenne et, surtout, issu de la filière.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.

Mme Violette Spillebout (RE). Grâce au budget ambitieux proposé pour 2024, nous pourrons soutenir la création littéraire, les auteurs et les éditeurs. Vous poursuivez ainsi, madame la ministre, la promotion et la diffusion du livre et de la lecture.

L’adaptation du secteur du livre et des industries culturelles aux mutations numériques et à leur impact sur la création et le partage de la valeur fait l’objet d’un effort qu’il convient de souligner. Les projets labellisés « La grande fabrique de l’image » en sont une belle illustration, comme chez moi, à Tourcoing.

Ce budget accompagne également les médias, un autre secteur essentiel, qui est menacé par la concentration du capital, les ingérences étrangères et l’hégémonie des plateformes et des réseaux sociaux. Il est important que, dans notre débat budgétaire, nous puissions traiter des aides à la presse, afin de garantir le pluralisme, de préserver l’indépendance des journalistes et de contribuer à la modernisation et à la transformation écologique de leurs outils de production.

Concernant les avances à l’audiovisuel public, je salue, moi aussi, le travail de nos collègues Quentin Bataillon et Jean-Jacques Gaultier ; j’espère vraiment que, dans les prochains mois, nous pourrons examiner la proposition de loi organique relative à la réforme du financement de l’audiovisuel public, afin de sécuriser l’ensemble de ses acteurs.

Nous devrons également débattre du renouvellement des contrats d’objectifs et de moyens pour l’audiovisuel public, avec un projet stratégique de proximité, de renforcement de l’information et de lutte contre la désinformation.

C’est avec beaucoup de confiance que le groupe Renaissance votera les crédits accordés à la mission Médias, livre et industries culturelles et au compte spécial Avances à l’audiovisuel public.

Mme Julie Lechanteux (RN). Avons-nous réellement besoin d’un audiovisuel public aussi partial et politisé ? Il suffit d’écouter France Inter, radio financée avec l’argent des contribuables, sur laquelle la pluralité des opinions politiques des Français n’est absolument pas représentée, pour le constater.

Alors que les ménages et les entreprises croulent sous les impôts et les taxes, devons-nous continuer de financer les médias de l’audiovisuel public, France Télévisions et Radio France ? Chaque année, des montants considérables sont engagés, alors que leur privatisation permettrait de réaliser des économies budgétaires tout aussi considérables. Ces fonds devraient plutôt être investis là où c’est nécessaire – le choix ne manque pas.

Les députés du groupe Rassemblement national voteront donc contre la plupart des crédits alloués au titre des avances à l’audiovisuel public.

Concernant la mission Médias, livre et industries culturelles, comme l’a souligné mon collègue Philippe Ballard, alors que le budget du programme Livre et industries culturelles est insuffisant, les aides sélectives du CNC financent bien trop de films qui ne trouvent pas leur public. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : 2 % seulement de ces films ont généré des recettes au guichet supérieures au coût total de production.

Enfin, il faut que la distribution de la presse nationale dans les outre-mer soit soutenue et incluse dans le budget de l’aide au pluralisme des titres ultramarins. Cela n’est pas prévu, au mépris de l’intérêt de nos compatriotes ultramarins.

Les députés du groupe Rassemblement national ne peuvent donc pas accepter le projet de budget de la mission Médias, livre et industries culturelles, en l’état. Toutefois, nous attendons de voir où mèneront les discussions en commission.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Nouvelle année, nouveau budget, bonne nouvelle : les budgets sont en hausse. Enfin, pas vraiment. Dans les faits, cette augmentation est loin de compenser l’inflation, la flambée des prix de l’énergie et les économies contraintes des dernières années. Une fois de plus, il faudra faire mieux avec moins.

Côté presse, les choses ne changent pas. Le pluralisme affiché n’en a que le nom ; vos sept milliardaires chouchous continuent de se tailler la part du lion en concentrant, non seulement les grandes franchises médiatiques, mais aussi en captant une énorme portion des aides directes à la presse. On sait bien que Bolloré, Arnault, Lagardère et les autres n’ont pas d’autre objectif que d’assurer la crédibilité, la liberté, l’indépendance et la pluralité de l’information, au service de la démocratie, et pas du tout leurs intérêts économiques – là-dessus, nous pouvons être rassurés.

Au chapitre de la création aussi le Gouvernement a fait les choses correctement : l’aide à la création radiophonique et aux podcasts disparaît purement et simplement. Merci pour cette décision, qui menace à la fois l’équilibre économique et l’avenir du secteur.

Dans ce PLF, l’absence de conditionnalité des aides publiques est toujours la règle. Pas d’inquiétude, le Gouvernement n’exige toujours aucune garantie de lutte contre le changement climatique, contre la concentration des médias ou pour l’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Pour l’audiovisuel public, la politique de la synergie et de la mutualisation va se poursuivre, à marche forcée, vers une fusion des rédactions, au mépris de leur indépendance et en faveur de l’uniformisation des lignes éditoriales, tellement rassurante en ces temps troublés. Or, derrière cette orientation, il y a des professionnels, qui sont soumis à des réductions d’effectifs et à la précarisation du secteur depuis plusieurs années.

Vous avez l’ambition de hisser l’audiovisuel français au niveau de nos homologues européens. Quand on regarde votre projet, on en doute vraiment.

M. Jean-Jacques Gaultier (LR). Parce que la culture domine tout, comme le rappelait le général de Gaulle, nous avons, chaque année, une responsabilité particulière lors de l’examen des crédits de ses différentes missions.

Dans le programme 180, je suis favorable aux augmentations de crédits pour l’Agence France-Presse et pour les aides à la presse, hors transport postal. La baisse des aides au transport postal s’explique par la réduction des volumes de presse postée. Elle intervient dans le cadre de la réforme du transport postal, entrée en vigueur en janvier 2023, après le protocole d’accord signé par l’État, La Poste, les éditeurs de presse et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). Les aides à la distribution de la presse, elles, sont maintenues. Les états généraux de l’information et la mission IGF-Igac seront l’occasion d’une réflexion nécessaire sur les aides à la presse.

S’agissant du programme 334, je suis favorable aux crédits destinés à la poursuite de projets déjà entamés – le nouveau pôle de conservation de la BNF à Amiens, la Maison du dessin de presse, le Portail national de l’édition accessible –, auxquels s’ajoutent les 15 millions d’euros pour la BNF, en fonctionnement et en investissement.

Dans le compte spécial Avances à l’audiovisuel public, je note l’augmentation des crédits de 228 millions d’euros, soit 6 %, et le principe d’une nouvelle enveloppe complémentaire, conditionnelle, pour des projets prioritaires de transformation. Pour l’instant, le bilan des coopérations est mitigé et nous disposons d’une bonne marge de progression.

Je regrette cependant le retard de présentation des COM et le manque de transparence. Il n’est pas normal d’avoir à voter des crédits sans avoir connaissance des COM. Je déplore également l’absence de réformes structurelles et de visibilité sur le financement à long terme à partir du 1er janvier 2025. Enfin, quid de la proposition de loi organique ?

Pour toutes ces raisons, le groupe Les Républicains s’abstiendra sur le vote de ces crédits.

M. Laurent Esquenet-Goxes (Dem). Avec des aides au pluralisme en hausse de 12 % et des moyens pour la modernisation et l’investissement en progression de 5 %, le budget de la mission Médias, livre et industries culturelles conforte l’intention du Gouvernement de soutenir le quatrième pouvoir. Ces moyens seront retravaillés dans le cadre des états généraux de l’information.

De façon transpartisane, les parlementaires proposent de conditionner les aides à la presse à une certaine démocratie au sein de la rédaction, dans une proposition de loi déposée en réponse à la conduite du propriétaire du Journal du dimanche (JDD) – un journal qui reçoit 1,5 million d’euros d’aides –, qui a poussé la rédaction à la démission pour en changer la ligne éditoriale. Notre texte doit sans doute être retravaillé, mais en soutenez-vous la philosophie ?

Par ailleurs, si les aides sont essentielles, les médias ne doivent pas compter uniquement sur elles pour vivre. Nous devons les aider à construire un nouveau modèle économique, qui passe par une juste rémunération de leur activité en ligne par les acteurs du numérique. Or les négociations des droits voisins sont au point mort avec la plupart de ces acteurs. Comment les relancer ?

Sur les secteurs interdits à la publicité, quelles solutions apporter pour nous assurer que le marché ne sera pas transféré sur internet, échappant ainsi à la presse, aux radios et aux chaînes françaises de télévision ?

Votre budget est des plus ambitieux pour l’audiovisuel public. Les acteurs vont pouvoir bénéficier de moyens en forte hausse, avec 12 % d’augmentation d’ici à 2028. La méthode des projets de transformation et de modernisation est à saluer, comme l’est l’attribution d’objectifs en amont. Comment vérifier que ces objectifs ont bien été atteints et comment récupérer les sommes allouées s’ils ne l’ont pas été ? Avez-vous des pistes à nous proposer en la matière ?

Enfin, savez-vous quand nous seront présentés les prochains contrats d’objectifs et de moyens de l’audiovisuel public ?

Quoi qu’il en soit, le groupe Démocrate salue et soutient ce budget, essentiel pour la vitalité de notre démocratie.

M. Inaki Echaniz (SOC). Je me réjouis de la hausse des crédits alloués à la mission Médias, livre et industries culturelles, comme je me suis réjoui de celle de la mission Culture.

Je dois toutefois souligner le financement du secteur de la musique comme un point noir. Le Président de la République s’était engagé, le 21 juin dernier, à créer une taxe sur le streaming si les professionnels ne se mettaient pas d’accord sur un autre mode de financement. Tel est bien le cas, mais le Gouvernement a renoncé à instaurer une telle taxe dans la partie recettes de ce PLF.

Les perspectives actuelles de contribution volontaire des plateformes mettent en danger l’existence même du tout récent CNM, créé en 2020. En effet, le financement de cet organisme dépend du bon vouloir des plateformes, des Gafam en particulier, et peut donc s’arrêter sans préavis. Il n’est pas possible qu’un établissement public, chargé de la mise en œuvre de la politique publique de soutien à la musique puisse être financé de cette façon. Les majors de la musique et les principales plateformes de streaming se sont alliées pour refuser tout outil de mutualisation de la filière au profit de tous.

Madame la ministre, si vous ne pouvez nous assurer qu’une taxe sur le streaming pourra être instaurée dans ce projet de loi de finances, l’État devra financer le CNM. Nous demandons donc au Gouvernement de prendre ses responsabilités.

Enfin, pour ce qui est du volet Avances à l’audiovisuel public, quelles suites seront données à nos travaux sur le financement de l’audiovisuel public ? Pouvez-vous nous garantir que celui-ci sera pérenne et indépendant au-delà de 2024 ?

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Je salue ce projet de budget ambitieux, en particulier concernant le soutien à la presse et à l’audiovisuel public, alors que la question de l’indépendance des médias et de la fiabilité de l’information se pose avec une acuité nouvelle et que nos médias font face à d’importants défis.

Même si les moyens financiers ne font pas tout et qu’il faudra prendre des mesures de régulation, nous pouvons nous réjouir du montant des avances à l’audiovisuel public ainsi que de la trajectoire pluriannuelle de moyens financiers pour les groupes de l’audiovisuel public.

Ce projet de budget, qui comprend pour la première fois une enveloppe complémentaire de 69 millions d’euros dédiée aux projets de transformation dote les groupes de l’audiovisuel public d’une visibilité indispensable, tout en leur fixant des missions ambitieuses. Ces aides permettront de conforter le statut de l’audiovisuel public, acteur important de l’information, même s’il reste plus que jamais nécessaire de réfléchir à la construction d’un nouveau modèle de financement résilient et pérenne. Je salue, à mon tour, le travail de Jean-Jacques Gaultier et Quentin Bataillon.

Je me réjouis également des nouveaux crédits dédiés à la presse, notamment des aides au pluralisme, qui soutiennent en particulier les quotidiens régionaux, départementaux et locaux et la presse période locale, ainsi que la hausse de près de 1 million d’euros du fonds de soutien à l’expression radiophonique locale. Élu d’un territoire rural, je peux en effet témoigner de l’attachement et de la confiance qu’éprouvent nos concitoyens envers ces médias de proximité. Dans l’ensemble, le projet de budget pour cette mission marque une ambition incontestable et témoigne de priorités gouvernementales auxquelles le groupe Horizons souscrit.

Cependant, comme M. Echaniz, je m’inquiète du financement du Centre national de la musique. Ce nouvel opérateur est chargé du soutien à une industrie culturelle en pleine mutation. Dans son rapport relatif à la stratégie de financement de la filière musicale en France, le sénateur Julien Bargeton proposait notamment l’instauration d’une taxe progressive. Je regrette que cette proposition n’ait pas été retenue dans la première partie du projet de loi de finances. Le CNM reste dans le flou ; le ministère prévoit-il en conséquence d’augmenter son budget ?

Hormis cette interrogation, le groupe Horizons et apparentés souscrit aux orientations choisies et votera ce projet de budget.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Nous ne nous contentons pas de la hausse prévue du montant du budget du service public de l’audiovisuel. Ce rattrapage est insuffisant, après l’absence de prise en compte de l’inflation l’an dernier et la baisse du budget les années précédentes, qui ont notamment affecté les agents et détérioré leurs conditions de travail. En outre, vous entretenez un grand flou sur la pérennisation du financement du service public de l’audiovisuel – c’était notamment le cas hier, en réponse à la question au Gouvernement de M. Gaultier. Je demande un engagement clair.

Quant aux aides à la presse, elles financent notamment des acteurs qui n’en ont pas besoin, à savoir les magnats de l’information, qui interviennent plus ou moins fortement dans les rédactions, soit pour préserver leurs intérêts économiques, soit pour faire progresser leurs idées politiques. L’octroi de ces aides doit être soumis à des conditions précises, pour qu’elles ne bénéficient qu’à ceux qui en ont besoin, notamment les plus petits acteurs, qui souffrent énormément de la hausse du coût du papier. Alors qu’un engagement clair serait nécessaire, vous ne traitez pas la question et perpétuez un système qui aide les plus gros, alors même que certains d’entre eux réduisent l’indépendance des rédactions.

Enfin, la taxe sur le streaming est la grande absente de la première partie du PLF ; le budget du CNM n’est pas consolidé comme il devrait l’être. Madame la ministre, où en sont vos projets en la matière ? Une taxe s’impose. J’espère qu’elle sera instaurée au cours de la navette parlementaire.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Comme l’indique le « bleu » budgétaire, la presse écrite, comme l’ensemble des médias, exerce un rôle fondamental dans l’information de nos concitoyens et dans la diffusion des courants de pensée et d’opinion. Cependant, la situation nationale est loin d’être satisfaisante. Bien que l’une des missions de ce projet de budget soit de garantir le pluralisme des médias, le terme « concentration » ne figure nulle part dans le texte. Pourtant, l’hyperconcentration des médias entre les mains de grands groupes financiers et de milliardaires, qui bénéficient de dizaines de millions d’euros d’aides à la presse, soulève des questions quant à notre conception du pluralisme.

Il est impératif de réformer totalement les aides à la presse, d’établir des seuils anti-concentration et de renforcer le pouvoir des travailleurs au sein de leur rédaction. Nous ne croyons pas un seul instant que l’indépendance rédactionnelle soit possible sans indépendance financière. Il est urgent d’agir, tout comme dans le domaine de l’édition. Alors que les états généraux de l’information débutent, le Parlement doit pleinement jouer son rôle dans l’élaboration d’un nouveau cadre juridique qui devra également mieux protéger les journalistes des procédures-bâillons, en coordination avec le travail entrepris au niveau européen. La récente garde à vue de la journaliste de Disclose, Ariane Lavrilleux, constitue une alerte sérieuse à cet égard.

Le rôle de l’audiovisuel est tout aussi crucial. Nous sommes soulagés que le Gouvernement renonce enfin à procéder à des coupes claires dans ce projet de budget. Cependant, cela ne compense pas les années de contraintes budgétaires injustifiées et le choix d’un mode de financement que nous continuons à contester.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Nous sommes satisfaits par les dispositions budgétaires concernant les secteurs des bibliothèques, du livre et du cinéma. En revanche, trois secteurs nous semblent fragilisés.

Nous connaissons les difficultés structurelles de la filière presse et reconnaissons que vous avez apporté quelques solutions en la matière, ou du moins, avez tenté de le faire. Le crédit d’impôt pour l’abonnement à un titre de presse, qui s’arrêtera fin 2023, n’a malheureusement pas eu l’effet escompté, et nous le regrettons. Surtout, la distribution de la presse dans les territoires ultramarins rencontre de grandes difficultés. Ses acteurs ne sont pas éligibles à toutes les aides prévues pour le secteur, alors qu’ils sont particulièrement fragiles. Nous avons déposé des amendements pour y remédier.

Par ailleurs comme de nombreux collègues, nous nous inquiétons du manque de financement du Centre national de la musique. Nous ne comprenons pas que le Gouvernement refuse d’instaurer une taxe sur le streaming musical alors qu’il manque 30 à 40 millions d’euros pour boucler le budget de cette structure. Nous proposerons du moins d’augmenter la subvention qui lui est allouée.

Enfin, un an après la suppression de la contribution à l’audiovisuel public, nous nous regrettons le statu quo concernant le financement de ce service public. Nous attendons une réforme ambitieuse de sa gouvernance et de sa stratégie. Il n’est pas satisfaisant qu’il soit financé par l’affectation d’une part de la TVA. Nous devons réfléchir à de nouvelles formes de financement, pour assurer son indépendance, la stabilité, la transparence et la pérennité de ses ressources. Surtout, le financement devra s’adapter aux nouvelles pratiques de consommation ; il devra être universel et progressif.

En dépit de ces déceptions et de ces inquiétudes, notre groupe est prêt à voter ce projet de budget, si le texte évolue de manière satisfaisante ; sinon, il s’abstiendra.

Mme la présidente Isabelle Rauch. Nous en venons aux questions des autres députés.

M. Emmanuel Pellerin (RE). Avec l’utilisation croissante de la norme de diffusion de la radio numérique terrestre DAB+, le paysage radiophonique français, tant public que privé, se modernise. Cependant les radios privées commerciales, qui jouent un rôle clé dans la diversité et représentent une large part de l’audience radiophonique, ne bénéficient pas pleinement du soutien financier gouvernemental pour cette transition. Elles demandent désormais un soutien spécifique pour la diffusion. L’accorderez-vous, pour assurer une transition réussie et équitable pour tous les acteurs de ce secteur ?

Mme Lisette Pollet (RN). À l’heure de l’omniprésence du numérique, il faut continuer à se mobiliser pour développer le goût de la lecture. Quelle meilleure publicité que celle offerte par les bouquinistes le long des quais de la Seine ? Ils transcendent le simple commerce de livres, pour devenir des gardiens de la mémoire culturelle de la ville. Ils maintiennent le caractère unique de Paris et permettent aux jeunes générations d’entrer en contact avec le riche héritage littéraire de notre capitale.

Alors que leur profession est déjà menacée à l’heure du numérique, la volonté de déplacer leurs casiers, voire de les faire disparaître vient leur porter un nouveau coup. L’action 01 Livre et lecture, qui absorbe 91 % des crédits du programme 334, compte, parmi ses deux objectifs, celui de soutenir la création et la diffusion du livre. Comptez-vous donc sauvegarder le savoir-faire des bouquinistes des quais de Seine ?

Mme Céline Calvez (RE). Acteur majeur de l’information et de la culture en France, l’audiovisuel public reste financé quasi exclusivement par le budget que vous nous présentez aujourd’hui. Un peu plus de 4 milliards d’euros seront consacrés au financement des entreprises de l’audiovisuel public en 2024, soit une hausse de 228 millions d’euros par rapport à l’année précédente. L’année 2024 devrait être couverte par le contrat d’objectif et de moyens pour 2024-2028, encore en négociation – disposer d’une visibilité à cinq ans, c’est mieux et cela permet de faire mieux.

Un récent rapport de l’Arcom sur l’exécution des COM pour l’année 2022 démontre que si de nombreux efforts ont déjà été fournis afin d’approfondir les coopérations, ceux-ci méritent d’être poursuivis. Nous vous félicitons donc pour le déploiement, au sein de ce PLF, d’une logique nouvelle, celle du programme incitatif de transformation, qui permettra de subordonner l’octroi de certaines subventions à l’atteinte d’objectifs concernant notamment la coopération. Je m’en réjouis d’autant plus que j’ai défendu à plusieurs reprises cette idée d’un financement spécifique en synergie. Pouvez-vous préciser le mécanisme et le calendrier de ce programme, ainsi que le rôle qui sera dévolu au Parlement dans la fixation des objectifs ?

M. Alexis Corbière (LFI-NUPES). La France compte une cinquantaine de magazines musicaux, tous de grande qualité, de Rock&folk aux Inrocks, à Jazz Magazine ou, plus pittoresque, à Musique bretonne. Ces acteurs d’intérêt général ont 1,5 million de lecteurs et jouent un rôle important pour l’industrie musicale, outre qu’ils servent d’intermédiaires entre le public et les artistes. Ils sont indispensables, un acteur majeur de la mise en valeur du patrimoine culturel et musical français. Pourtant, ils sont confrontés à de grandes difficultés : leurs recettes publicitaires sont en berne, ils sont confrontés à la crise du numérique, leur lectorat décroît. C’est un paradoxe : l’argent public aide parfois l’industrie musicale à financer des campagnes publicitaires qui profitent aux Gafam, en court-circuitant ces titres de presse. En outre, le prix de la tonne de papier est passé de 400 euros à 1 000 euros.

Un collectif d’éditeurs de la presse musicale tire donc la sonnette d’alarme et vous demande d’intervenir pour empêcher la disparition de ces titres. Il faudrait, par exemple, que les aides que le Centre national de la musique verse à des labels et à des artistes pour financer leurs campagnes de pub bénéficient à la presse musicale. Que comptez-vous faire pour sauver celle-ci ?

M. Alexandre Portier (LR). Un budget n’a de sens qu’au regard d’un projet, or vous ne souhaitez manifestement pas moderniser les programmes et la structure de l’audiovisuel public. C’est essentiellement un projet de budget de réaction, face aux surcoûts liés à l’inflation et aux effets fiscaux de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public. Nous ne pouvons que déplorer l’absence de vision stratégique et prospective pour le secteur. C’est une faute politique, car aucune grande puissance ne peut peser dans le monde sans se donner les moyens de faire porter sa voix dans son territoire et à l’extérieur de celui-ci. Quand aurons-nous enfin un projet stratégique à la hauteur des ambitions de notre pays ?

Mme Géraldine Bannier (Dem). Les nouveaux crédits de 4,9 millions d’euros alloués aux bibliothèques permettront de renforcer l’offre de service des médiathèques des territoires ruraux, des quartiers et des petites villes, en s’appuyant sur les bibliothèques départementales. Prévoyez-vous d’aider directement à la création de nouvelles bibliothèques ou à l’extension des bibliothèques existantes, sans passer par le biais des collectivités locales ? Celles-ci sont parfois rétives à la création de nouveaux points de lecture, pourtant essentiels pour aller vers de nouveaux lecteurs, et préfèrent concentrer leur action sur les médiathèques, dans une logique plus centralisatrice. Or on sait que le dernier kilomètre est particulièrement important dans ce domaine.

Par ailleurs, c’est une excellente nouvelle, ce PLF prévoit des actions ciblées sur les collectivités d’outre-mer, les centres de loisir, le Centre national du livre, en faveur de la lecture, un levier extrêmement puissant, plus que jamais indispensable contre la désinformation, la paresse intellectuelle et le renoncement à l’esprit critique. J’en profite pour remercier les bénévoles qui se mobilisent chaque jour dans l’ensemble du territoire pour donner accès à la lecture à tous.

Mme Agnès Carel (HOR). Je me réjouis de la hausse importante – de 6 % – que connaîtra le budget de la culture. Tout comme vous, je suis très attachée à la lecture pour tous. Depuis 2017, la lecture et les bibliothèques ont bénéficié d’un engagement fort de l’État, en soutien des collectivités territoriales. Ce soutien sera renforcé en 2024.

Le plan Bibliothèques, lancé à la suite de la publication du rapport « Voyage au pays des bibliothèques » d’Erik Orsenna en 2018, a débouché sur des avancées majeures. Quelque 589 projets d’extension soutenus par l’État ont permis aux bibliothèques aidées d’allonger de neuf heures trente leurs horaires d’ouverture hebdomadaire. Quelque 4,9 millions d’euros seront alloués à la stratégie pour la lecture dans les territoires, qui permettra de renforcer l’offre de service des médiathèques des territoires ruraux, des quartiers, des petites villes, en s’appuyant sur les bibliothèques départementales, pour développer de nouvelles politiques de lecture publique.

Pouvez-vous nous en dire plus sur les programmes nationaux « Premières Pages » et « Des Livres à soi » ? En lien avec le ministère de l’Éducation nationale et de la jeunesse, vous avez encouragé le quart d’heure de lecture en classe. Quelles sont vos initiatives, concernant le partenariat noué entre ce ministère et l’association « Silence, on lit ! » ?

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Alors que le fiasco de la suppression de la contribution à l’audiovisuel public oblige aux acrobaties que nous évoquons depuis tout à l’heure, serait-il envisageable de revenir sur cette aberration et de considérer enfin notre proposition d’une redevance progressive et dynamique, qui réglerait différents problèmes ?

J’aurais souhaité qu’un rapport soit produit concernant l’impact de l’intelligence artificielle sur l’industrie culturelle, mais l’amendement que j’ai déposé en ce sens a été jugé irrecevable, au motif qu’il constituerait un cavalier législatif. Vous préoccupez-vous de cette question, qui a notamment mené à une grève historique à Hollywood ? La France fera-t-elle enfin entendre, notamment au niveau européen, l’exigence du respect des droits d’auteur, à travers la transparence des données, le respect du consentement des ayants droit, comme le demandent plus de soixante-dix organismes professionnels des secteurs de la création et des industries culturelles tels que le livre, la musique, le cinéma et l’audiovisuel ?

Mme Cécile Rilhac (RE). Le montant réglementé des frais de port des livres neufs, lorsque la commande est inférieure à 35 euros, vient de passer à 3 euros. Cette disposition permettra de rétablir une concurrence équitable et de soutenir les librairies, notamment celles qui sont indépendantes ; elles ont particulièrement souffert de la crise sanitaire et de la hausse des prix de l’énergie.

Pour autant, veillons à ne pas pénaliser certains de nos concitoyens, tels que les habitants des zones rurales et des petites villes, qui n’habitent pas forcément à proximité d’une librairie et pour qui les livraisons représentaient jusqu’à maintenant une alternative pratique et économique. Il faut leur permettre de continuer à accéder au marché du livre neuf, sans avoir à engager des frais supplémentaires.

Madame la ministre, nous connaissons votre engagement pour garantir l’accès à la culture, notamment à la lecture, de nos concitoyens. Quelle part de ce projet de budget pour 2024 sera affectée à l’implantation et au développement des librairies partout sur notre territoire, afin de lutter contre les inégalités en matière d’accès au livre ?

Mme Rima Abdul-Malak, ministre. Mesdames, messieurs les députés du Rassemblement national, je suis toujours étonnée de l’incohérence entre votre défense de la culture et de la création française, et votre rejet de l’audiovisuel public. J’ai le sentiment que vous ne consultez pas vraiment les programmes de Radio France et du groupe France Télévisions. Celui-ci est pourtant le premier financeur de la création française, avec 500 millions d’euros injectés dans la production de films et de séries. Quelque 80 % des fictions diffusées sur France 2 sont françaises, alors que seulement 50 % environ des fictions diffusées sur les chaînes privées le sont. Depuis 2020, France 2 ne diffuse plus, par exemple, de fiction américaine.

Peut-être ne mesurez-vous pas non plus le nombre d’emplois liés à cette activité de création, de production de films et de séries ? Vous devriez visiter les studios de France Télévisions à Vendargues. France Télévisions représente 62 000 emplois directs et indirects sur l’ensemble du territoire français.

L’audiovisuel public assure une mission de service public, en accordant une place au sport féminin et à la diversité des sports, auxquels nous sommes tous attachés. Quelque 153 disciplines sportives sont ainsi représentées sur l’audiovisuel public ; aucune chaîne privée n’assure l’équivalent. Contrairement aux chaînes privées, l’audiovisuel public favorise également les documentaires, les spectacles vivants, la culture, et montre ainsi la vitalité culturelle de notre pays. Les antennes de Radio France consacrent chaque semaine plus de dix-neuf heures à la culture, France Télévisions propose plus de 950 programmes culturels.

Les médias publics jouent également un rôle crucial dans la diffusion de programmes éducatifs auprès de la jeunesse, à travers les animations diffusées sur France 4, la plateforme Okoo, qui touche 60 % des enfants et des adolescents, ou la plateforme de programmes éducatifs Lumni, visitée par 2 millions de personnes chaque mois, et ainsi de suite. Je remercie Mme Colboc d’avoir mentionné la visibilité accrue de l’outre-mer et des programmes ultramarins sur l’audiovisuel public, permise par le pacte de visibilité. Je sais que vous êtes également attachés à la représentation de l’outre-mer.

Comment pouvez-vous imaginer que des chaînes privées pourraient s’acquitter de telles missions de service public ? Si l’audiovisuel public disparaissait, ne voyez-vous pas que les programmes consacrés au sport féminin, à la diversité des sports, à la création française, à l’éducation aux médias seraient arrêtés, de même que de nombreux emplois seraient détruits ? Ce constat n’enlève rien aux chaînes privées, qui jouent, elles aussi, un rôle majeur de soutien à la création – je pense notamment à Canal+, à TF1 et à M6 – et dans le pluralisme de l’information.

Le contenu de cette mission de service publique sera réaffirmé dans les contrats d’objectifs et de moyens avec l’audiovisuel public. Il inclut la proximité, à laquelle je tiens énormément. Aucune chaîne privée ne pourra avoir le même réseau de proximité que France 3 et France Bleu réunies, qui forment un média de la vie locale – nous financerons d’ailleurs une réforme prioritaire pour aller plus loin en ce sens, avec l’enveloppe complémentaire prévue dans ce projet de budget.

J’en viens aux modalités de financement de l’audiovisuel public après 2024. Comme vous le savez, à partir de cette date, aux termes de la loi organique relative à la modernisation de la gestion des finances publiques, il sera impossible de financer les médias publics par l’affectation d’une fraction de la TVA. Je reconnais qu’à titre personnel, j’ai toujours été favorable à la pérennisation d’un tel mode de financement, qui permet de réserver un compte de concours financiers à l’audiovisuel public, pour financer sa trajectoire. Les discussions sont encore en cours.

Vous avez consacré de nombreuses interventions à la presse. Sa vitalité est d’une importance majeure pour notre démocratie. Le ministère de la Culture garantit sa pluralité et favorise sa distribution, à travers des aides. Certaines interventions étaient confuses sur ce point.

Plusieurs types d’aides existent. Les aides au pluralisme sont réservées aux journaux à faibles revenus publicitaires, soit les plus fragiles. Quant aux aides à la distribution, elles appliquent le principe constitutionnel de garantie du pluralisme sur tout le territoire, et bénéficient donc aussi bien à La Voix du Jura, qu’à Ouest France, au Journal du Dimanche, à Famille chrétienne et à L’Humanité. La presse en outre-mer bénéficie de ces différentes aides, mais aussi d’aides spécifiques, car elle est particulièrement fragile. Nous attribuons également une aide à la modernisation.

L’aide principale est indirecte et fiscale : c’est celle permise par l’application à la presse d’un taux de TVA dit super réduit, de 2,1 %. Même si cette aide n’apparaît pas dans le présent projet de budget, elle est extrêmement importante.

Vos questions portaient notamment sur la concentration de la presse et son indépendance. Évitons de tout mélanger : la concentration n’implique pas forcément l’atteinte à l’indépendance des journalistes et l’indépendance des journalistes peut être menacée par une ingérence éditoriale, même en l’absence de concentration. Le paysage médiatique français est en réalité moins concentré qu’il y a quarante ans. Seules six chaînes de télévision analogique existaient dans les années 2000, alors qu’actuellement trente chaînes sont diffusées sur la TNT. Dans les années 1980, le groupe Hersant représentait 80 % de la diffusion des quotidiens nationaux et régionaux, alors qu’actuellement, les dix plus gros éditeurs de presse se partagent 30 % des tirages.

Quelque 60 % des aides à la presse que nous versons bénéficient à des groupes qui ne sont pas la propriété des grandes fortunes. Le fait que des groupes industriels – ceux que vous appelez les milliardaires – investissent dans les médias n’est pas en soi problématique. Le tout est de s’assurer que les intérêts économiques ou idéologiques des actionnaires n’interfèrent pas avec le travail des journalistes, afin que l’information reste indépendante.

Ces questions nourriront les débats des états généraux de l’information. Ceux-ci pourront s’appuyer sur plusieurs rapports dont nous attendons la publication, notamment sur la distribution, mais aussi sur le rapport relatif à la concentration dans le secteur des médias à l’ère numérique, élaboré conjointement par l’Igac et l’IGF.

Je n’ai pas encore eu l’occasion de me pencher précisément sur la presse musicale. Nous avions confié au CNM une étude sur ce secteur. Je ne manquerai donc pas de vous répondre plus tard sur ce sujet important.

Je remercie M. Masséglia d’avoir mentionné la Maison du dessin de presse et le budget important que nous dédierons en 2024 à la numérisation des archives de presse. La liberté de la presse et du dessin, leur impertinence parfois, ont une longue histoire dans notre pays. Pour que notre démocratie reste pleinement vivante, il importe de la commémorer, de la transmettre à nos concitoyens.

Je vous remercie tous pour votre mobilisation face à l’impact de l’inflation phénoménale du coût du papier sur la presse. Nous avons ainsi pu débloquer 30 millions d’euros pour aider les acteurs à y faire face.

Plusieurs d’entre vous ont évoqué le cinéma, en s’appuyant notamment sur un récent rapport de la Cour des comptes. Notre modèle d’exception culturelle et de diversité repose sur notre capacité à donner une chance à des films dont on ne sait jamais à l’avance s’ils obtiendront 20 000 ou 1 million d’entrées. Notre système favorise la diversité et permet à des réalisateurs de produire des films plus confidentiels, à côté des films les plus populaires. Parfois, ce n’est qu’après trois ou quatre films qu’un réalisateur touchera un public plus large et recevra l’un des grands prix internationaux. La part des films français obtenant moins de 10 000 entrées est restée assez stable dans le temps, autour de 25 %. Ces films représentent moins de 1 % des séances et bénéficient de moins de 5 % des aides à la production. Ce sont en général des films à petit budget, qui ne grèvent donc pas nos finances. Pour un coût très faible, notre système garantit ainsi le renouvellement des talents et la diversité de la production – la logique est du même ordre que pour les investissements en recherche et développement, pour comparer avec un autre champ. N’oublions pas, en outre, que le CNC ne finance pas tout. Deux tiers des films qui sortent en salle chaque année, français comme étrangers, ne bénéficient pas de ses aides.

Réjouissons-nous d’être l’un des rares pays où les cinémas ont retrouvé leur fréquentation d’avant le covid-19, et d’être l’un des pays où les films nationaux occupent la place la plus importante dans les recettes du box-office. C’est extraordinaire : les films français représentent 40 % des recettes du box-office en France, quand les films britanniques n’en représentent que 8 % au Royaume-Uni, et les films allemands ou italiens, autour de 20 % dans leurs pays respectifs. Le cinéma français résiste très bien, grâce notamment au succès de certains films, qui attirent plus de 1 million de spectateurs. Réjouissons-nous de la vitalité de ce modèle, qui nous convainc tous, je crois.

Je vous rejoins en ce qui concerne l’importance du Centre national de la musique, qui a été créé en 2020, après dix ans d’attente, et deux mois avant le début de la pandémie. Le CNM a joué un rôle absolument déterminant dans le soutien à ce secteur pendant la crise sanitaire puis pour la relance.

Nous avons désormais besoin de conforter le financement du CNM. Une question de principe se pose : le CNM est alimenté par l’État, les organismes de gestion collective et la taxe sur la billetterie, mais pas suffisamment par la musique enregistrée et les plateformes de streaming, qu’elles soient payantes ou gratuites. Par ailleurs, le volume des financements doit permettre de faire face aux défis que le secteur aura à affronter dans les années à venir en matière d’innovation, d’intelligence artificielle, de transition écologique, d’export – la diffusion internationale de la scène française est un enjeu majeur – et de préservation de la diversité et de l’indépendance de la filière. À la suite des déclarations faites par le Président de la République le 21 juin, nous avons lancé une consultation, et les trois mois de discussions intenses qui ont eu lieu avec tous les maillons de la chaîne ont débouché sur trois scénarios.

Le premier, qu’une grande partie d’entre vous défendent, est une contribution obligatoire, qui a un peu évolué par rapport aux premières propositions de l’ex-sénateur Julien Bargeton. Dans cette hypothèse, le chiffre d’affaires réalisé en France serait taxé entre 0,5 % à 1,75 %.

Un deuxième scénario est l’extension à la publicité de la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels. Toutefois, on se heurte au fait que l’ensemble des plateformes ne seraient pas concernées. Apple et Amazon, par exemple, ne font pas appel à la publicité et seraient donc exclus du dispositif, que vous êtes peu nombreux à souhaiter – et il en est de même du côté des acteurs de la filière.

Un troisième scénario a émergé au cours des discussions : les plateformes ont, en effet, proposé une contribution volontaire. Il nous a semblé intéressant de continuer à travailler sur cette hypothèse pour voir s’il était possible de se rapprocher de ce qui était attendu d’une contribution obligatoire, étant entendu que des questions complexes se posent, notamment celle des répercussions sur les ayants droit et, ce que personne ne souhaite, sur les consommateurs. Alors que le chiffrage des éventuelles répercussions sur les abonnements était de l’ordre de quelques dizaines de centimes, on a déjà observé des hausses de prix. Même s’il n’y a pas nécessairement de lien de cause à effet, la question des répercussions est légitime.

La discussion sur une contribution volontaire se poursuit, assez intensément, avec les plateformes. Si elle n’aboutit pas, l’hypothèse d’une contribution obligatoire, évoquée par le Président de la République le 21 juin, reste sur la table. Nous avons encore du temps pour avancer avant la fin de l’examen du PLF.

En ce qui concerne l’intelligence artificielle (IA), nous avons créé un comité interministériel et un groupe de travail qui travaillera plus spécifiquement sur l’impact de l’IA dans le domaine de la culture. Le groupe de travail a été constitué avec Alexandra Bensamoun, qui est une spécialiste du droit de la propriété intellectuelle, Antonin Bergeaud, qui est économiste, Benoît Carré, qui est artiste, auteur et producteur, Bruno Patino, le président d’Arte, et Marion Carré, qui est cheffe d’entreprise et fondatrice d’une start-up d’intelligence artificielle. Ce groupe d’experts nous accompagnera au cours des prochains mois pour la définition d’une politique qui devrait reposer, selon moi, sur trois piliers : l’innovation, la régulation et la formation.

Tout d’abord, il est très important de ne pas freiner l’innovation à un moment où on a besoin de développer des IA génératives françaises, afin de ne pas être dépendant d’IA anglo-saxonnes, qui ne se sont pas entraînées sur nos données, ainsi que pour des raisons de souveraineté linguistique et culturelle.

Les enjeux de la régulation sont également très importants. Comment définit-on, par exemple, l’auteur d’une œuvre créée avec un peu, moyennement ou beaucoup d’intelligence artificielle ? Cela nécessitera des discussions extrêmement précises au niveau européen.

S’agissant du troisième volet, je rappelle que nous avons mis l’accent sur les organismes de formation et l’accompagnement de l’ensemble des filières concernées dans le cadre du plan France 2030. Nous devons faire en sorte que l’intelligence artificielle soit, non pas une menace, mais un atout pour la culture, et une aide, une assistance pour certains métiers. L’intelligence artificielle peut notamment être utilisée pour lutter contre la désinformation. Des expériences et des travaux se dérouleront sur ce point dans le cadre des états généraux de l’information, et vous savez que l’audiovisuel public et l’AFP bénéficient d’un soutien renforcé pour développer les technologies nécessaires afin de débusquer, en utilisant l’intelligence artificielle, les fausses informations créées en ayant recours à celle-ci.

Nous devons aborder toutes ces questions sans naïveté, mais avec optimisme. Des débats similaires ont déjà eu lieu, notamment lorsque la photographie s’est développée. Les peintres, loin de disparaître, ont su renouveler leurs pratiques.

Le Centre national du livre est notre opérateur pour le soutien qui est apporté, un peu partout sur le territoire, aux librairies. On peut se réjouir qu’il s’en crée chaque année un peu plus : 142 nouvelles librairies ont vu le jour l’année dernière, ce qui montre bien la vitalité du secteur et l’engouement des Français pour ces commerces de proximité, dont le tissu est unique au monde.

J’ai bien noté vos questions portant sur les radios privés et le DAB+ : j’y apporterai plus tard des réponses précises.

 

II.   Examen des crédits

Lors de sa réunion du mercredi 25 octobre 202 à 15 heures ([81]), la commission examine pour avis les crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles du projet de loi de finances 2024 (n° 1680 – seconde partie) (M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis).

Article 35 et état B : Crédits du budget général

Amendement II-AC303 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Avec cet amendement d’appel, nous tenons à dénoncer le système actuel des aides à la presse qui ne garantit aucunement le pluralisme indispensable au fonctionnement de notre démocratie. Aujourd’hui, sept milliardaires détiennent la quasi-totalité des médias privés et se partagent plus de 60 % des aides directes à la presse. Il est temps de mettre un coup de pied dans cette fourmilière.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Je me suis déjà exprimé sur cet amendement l’an dernier. Je souhaite, moi aussi, une réforme globale des aides à la presse, débattue avec l’ensemble des parties prenantes. Il faut repenser le modèle économique de la presse, qui est fragilisé par l’effondrement des recettes publicitaires et la concurrence des plateformes.

Les aides à la presse sont versées en fonction de critères objectifs et la plupart d’entre elles soutiennent la modernisation et la diffusion. Sur 196 millions d’euros d’aides directes, les aides au pluralisme ne représentent que 26 millions d’euros. On peut espérer que les états généraux du droit à l’information nous proposeront des pistes intéressantes, tant sur l’évolution du modèle économique de la presse que sur la réforme globale du régime d’aides. Pour l’heure, j’émettrai un avis défavorable sur votre amendement.

La commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC464 de Mme Sophie Taillé-Polian, II-AC271 de M. Frédéric Maillot, II-AC538 de Mme Martine Froger et II-AC410 de M. Philippe Ballard

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Avec cet amendement II-AC464, d’appel, nous proposons d’augmenter de 25 millions d’euros les crédits alloués au Centre national de la musique (CNM). Cette somme correspond à ce que rapporterait la taxe sur le streaming, qui ne figure pas dans ce PLF, alors même que le Président de la République a dit qu’elle est indispensable si les plateformes refusent le principe d’une contribution volontaire.

Nous avons posé la question à Mme la ministre, qui a dit qu’un amendement pourrait être déposé au cours de la navette parlementaire. Adopter mon amendement serait une manière de montrer que nous comptons absolument sur cette taxe. Il n’est pas envisageable que nous finissions l’examen du PLF sans que cette question soit réglée.

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). L’amendement II-AC271 vise à donner au Centre national de la musique les moyens qui lui sont nécessaires. Le Gouvernement n’a pas retenu l’option d’une taxe sur le streaming, qui est pourtant vivement réclamée par le secteur de la musique. Des groupes de l’opposition et de la majorité avaient déposé un amendement en ce sens sur la première partie du PLF et il y avait manifestement une majorité à l’Assemblée nationale pour voter cette taxe redistributive. Malheureusement, l’utilisation du 49.3 a empêché que cette proposition soit discutée et votée.

Le Gouvernement a opté pour une contribution volontaire, dont l’utilité est douteuse et le rendement potentiel très faible. Cette méthode de travail ne répond pas aux besoins du Centre national de la musique et nous fait perdre un temps précieux. Le groupe GDR-NUPES avait déjà déposé l’année dernière un amendement demandant l’instauration de cette taxe. Il est temps de prendre des mesures pour remédier au sous-financement du CNM.

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Pour faire face à l’urgence, nous proposons d’augmenter de 5 millions les crédits du CNM, en attendant de trouver une source pérenne de financement.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Pour financer le CNM, il me paraît plus intéressant d’envisager une taxe qui ferait contribuer les grandes plateformes comme TikTok ou YouTube, qui profitent du secteur sans y contribuer directement. Pourquoi YouTube et le réseau social chinois, qui sont désormais incontournables pour la filière musicale, devraient-ils échapper en grande partie à son financement ? Pourquoi risquer d’affaiblir les acteurs français du secteur, alors que l’on parle à longueur de journée de souveraineté numérique et culturelle ?

Je vais donner un avis qui vaudra pour tous les amendements relatifs au financement du CNM.

La seconde partie du PLF n’est pas le cadre adapté pour créer une taxe sur le streaming et j’estime que le besoin de financement identifié par le sénateur Julien Bargeton, de l’ordre de 30 millions d’euros, n’a pas à être assuré par le contribuable. Je suis donc, par principe, opposé à la majoration de la subvention pour charges de service public du CNM de 28 millions d’euros en 2024.

Cela dit, je comprends le sens de vos amendements, qui visent à faire pression sur le Gouvernement, puisque c’est bien lui qui a refusé le principe de la taxe sur le streaming. Je partage en partie vos observations : nous avons perdu beaucoup de temps et l’instauration d’une contribution volontaire ne suffira pas à donner au CNM les moyens de nos ambitions pour la filière musicale, puisqu’elle ne dégagerait que 5 millions d’euros, d’après le Gouvernement.

J’ai eu l’occasion d’exprimer mes doutes quant au principe d’une taxe sur le streaming payant et gratuit. La différence de contribution entre le spectacle vivant et la musique enregistrée est souvent soulignée. Je ne suis pas un agent du Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), mais je note qu’on oublie souvent de préciser que le spectacle vivant est soumis à un taux réduit de TVA, alors que la musique enregistrée est assujettie au taux de droit commun de 20 %. Par ailleurs, le streaming par abonnement rémunère la création à sa juste valeur, en reversant 70 % de son chiffre d’affaires aux ayants droit.

Je crains qu’en instaurant une telle taxe, on fasse le jeu des plateformes étrangères, comme YouTube et TikTok, qui rémunèrent très peu la création. Pour ma part, j’étais donc plutôt favorable à une taxe sur les services de streaming gratuit. Cette taxe aurait pu s’intégrer à la taxe sur la diffusion en vidéo physique et en ligne de contenus audiovisuels (TSV). Dans un second temps, une fois le modèle économique des services payants stabilisé, nous aurions pu envisager une taxe pesant sur le streaming gratuit et sur le streaming payant. Pour toutes ces raisons, j’émettrai un avis défavorable sur ces amendements.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Comme le Gouvernement n’a pas inscrit la taxe sur le streaming dans la première partie du PLF, nous n’avons pas d’autre choix que de proposer une augmentation des crédits alloués par l’État au CNM. J’espère qu’au cours de la navette parlementaire la représentation nationale pourra avoir un débat de fond sur cette taxe indispensable, et que nous pourrons en définir démocratiquement l’assiette et le taux.

M. Quentin Bataillon (RE). Nous sommes nombreux, au sein de la majorité présidentielle, à partager l’inquiétude de notre collègue Sophie Taillé-Polian. Le CNM a besoin d’au moins 30 millions d’euros supplémentaires. Le Président de la République a dit clairement, à l’occasion de la fête de la musique, le 21 juin, qu’il envisageait la création d’une taxe sur le streaming. Plusieurs groupes, dont le groupe Renaissance, avaient déposé un amendement en ce sens, signé notamment par Fabienne Colboc et Céline Calvez. La majorité a également déposé une proposition de loi sur le sujet, afin de maintenir la pression, l’idée étant quand même de pousser les acteurs à une contribution volontaire. Le Parlement, en tout cas, ne doit pas avoir peur de légiférer, le moment venu, si cette contribution volontaire ne voit pas le jour. Nous comptons sur la mobilisation du Gouvernement et le respect de la parole présidentielle : nous avons besoin d’un CNM fort pour garantir la création et la diversité musicale dans notre pays.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). En commission des finances, le groupe La France insoumise s’est exprimé en faveur d’une taxe sur le streaming, afin de garantir un financement pérenne au CNM, celui-ci posant des difficultés depuis sa création. L’idée est d’en faire une maison commune, régie par un système de redistribution comparable à celui qui finance le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC). Il faut que l’ensemble de la filière y contribue et nous étions d’ailleurs favorables à ce que, à terme, les musiques classiques y contribuent autant que les musiques actuelles. Par ailleurs, le CNM doit profiter à toutes les musiques : il y a donc aussi un effort à faire de son côté, pour que tous les genres musicaux s’y sentent représentés et aidés. Le 49.3 est intervenu bien opportunément et aucune décision n’a été prise en la matière. Je soutiens donc l’amendement de ma collègue Sophie Taillé-Polian.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Le groupe Horizons accorde, lui aussi, une grande importance au CNM, qui va devoir relever des défis immenses. Il est essentiel d’augmenter son financement, puisqu’il y va du rayonnement de nos acteurs musicaux dans le monde. Nous ne sommes pas fermés à l’idée d’une taxe sur le streaming ; l’essentiel, c’est que le CNM bénéficie d’un financement pérenne et qu’il puisse remplir ses missions. Nous attendons beaucoup du Gouvernement.

Les amendements II-AC271 et II-AC538 sont retirés.

Successivement, la commission adopte l’amendement II-AC464 et rejette l’amendement II-AC410.

Amendement II-AC324 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Il s’agit de soutenir les microentreprises exerçant l’activité d’entrepreneur de spectacle vivant, autrement dit les petites structures qui bénéficient du crédit d’impôt en faveur de la production phonographique (CIPP) ou du crédit d’impôt pour le spectacle vivant musical (CISV). Fort heureusement, ces crédits d’impôt, qui sont absolument indispensables à la survie de ces petites structures, ont été prorogés, mais nous proposons, par cet amendement, de leur accorder aussi un soutien direct de l’État.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Le CIPP a pour objectif de soutenir la création et la diversité musicales en accompagnant les entreprises du secteur, notamment les TPE et les PME. En 2024, la dépense fiscale induite par les trois crédits d’impôt musicaux est estimée à 50 millions d’euros. Il s’agit d’un montant significatif, qui nous impose de vérifier que ces crédits d’impôt atteignent leur objectif de façon efficace. Les trois crédits d’impôt musicaux devaient arriver à échéance à la fin de l’année 2024. Afin de gagner en visibilité, les acteurs de la filière musicale ont demandé une prorogation anticipée, à laquelle je suis favorable. Le Gouvernement l’est également, puisqu’il a intégré à la première partie du PLF les amendements qui la proposaient. Votre amendement étant satisfait, je vous invite à le retirer.

L’amendement est retiré.

Amendement II-AC313 de M. Alexis Corbière

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. En 2022, le Centre national du livre (CNL) a alloué 627 aides aux auteurs et traducteurs, pour un montant de 4,2 millions d’euros. Nos auteurs sont déjà soutenus par trois types de bourses : les bourses de découverte, les bourses de création et les bourses d’année sabbatique. Je ne suis pas opposé par principe à l’attribution de crédits supplémentaires au CNL pour le versement de ces bourses, mais je m’interroge sur les effets d’aubaine qui pourraient découler du versement de bourses aux auteurs non encore publiés.

De plus, je ne suis pas certain que de telles bourses feraient mécaniquement augmenter le nombre de lecteurs. Or c’est bien la priorité et il existe pour cela des dispositifs de soutien aux librairies indépendantes et aux bibliothèques municipales et, bien sûr, l’école. Votre amendement m’intéresse mais je suis sceptique quant au montant proposé – 10 millions d’euros. Pour rappel, le CNL perçoit une subvention pour charges de service public de 29 millions d’euros. Avis défavorable.

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Nous retirons cet amendement et nous le retravaillerons en vue de la séance, même si nous savons ce qu’il en sera de l’examen du texte en séance.

L’amendement est retiré.

Amendement II-AC312 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Avec cet amendement d’appel, nous proposons un plan de lutte contre les réductions de service de la Bibliothèque nationale de France (BNF), le sous-effectif et les conditions de travail des métiers de la bibliothèque.

En mai 2022, plus de quatre semaines de mobilisation étaient annoncées. En cause, une direction d’austérité et quelque 300 postes perdus sur la dernière décennie. En douze ans, près de 120 emplois ont été supprimés parmi le personnel chargé du magasinage, soit 25 % de l’effectif initial. Cette année encore, alors que le budget augmente de 14 millions d’euros, les effectifs stagnent à 2 212 équivalents temps plein (ETP).

Il est primordial de réinvestir dans cette institution publique, tant pour la revalorisation de son personnel que pour ce qu’elle représente en matière d’accès à la culture pour toutes et tous.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Je vous ferai la même réponse que l’an dernier : la question de la précarité est importante, mais la BNF est confrontée à des problèmes de gestion du personnel qui ne facilitent pas les recrutements. Le contrat à durée déterminée (CDD) me paraît adapté aux besoins de la BNF et aux horaires proposés. Les recrutements se font en contrats à temps partiel et les contrats à durée indéterminée (CDI) ne constituent pas forcément l’outil le plus adapté. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC308 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous proposons d’instaurer la gratuité du prêt des livres dans les bibliothèques et médiathèques municipales. Nous souhaitons appliquer le Manifeste de l’Unesco sur la bibliothèque publique, de 1994, qui affirme que « les services de la bibliothèque publique sont en principe gratuits ».

Une proposition de loi relative aux bibliothèques et au développement de la lecture publique, adoptée en 2021, a réaffirmé le fait que les bibliothèques ont pour mission de garantir l’égal accès de tous à la culture, à l’information, à l’éducation, à la recherche, aux savoirs et aux loisirs. Mais elle n’a pas instauré la gratuité du prêt.

Nous proposons donc de le faire, afin de garantir à toutes et tous l’accès aux livres. Certaines collectivités pourront bénéficier d’un fonds de soutien si elles rencontrent des difficultés financières pour appliquer cette mesure.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Il s’agit du même amendement que l’an dernier – à ceci près que vous êtes passée de 100 euros à 5 millions d’euros !

Je vous ferai donc la même réponse : je ne pense pas que l’absolue gratuité aide les Français à se rendre compte que l’information et la création littéraire et artistique ont un coût et que la propriété littéraire et artistique se respecte. Le droit d’auteur et les droits voisins sont déjà suffisamment malmenés par les plateformes étrangères pour que nous n’allions pas dans leur sens. Une contribution, même symbolique, à l’entrée des bibliothèques, peut contribuer à cette prise de conscience.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC311 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Nous souhaitons soutenir les maisons d’édition pour qu’elles investissent dans la mise en accessibilité des livres aux personnes en situation de handicap.

La directive européenne relative à l’accessibilité des biens et des services rend obligatoire, dès 2025, la production de livres numériques nativement accessibles aux lecteurs en situation de handicap. Selon le Syndicat national de l’édition, seuls 10 % des livres imprimés sont disponibles dans un format qui répond aux besoins d’adaptation des personnes atteintes de handicap.

Cependant, la mise en accessibilité des livres – synchronisation des contenus textuels et audio, compatibilité et interopérabilité avec diverses technologies d’assistance, etc. – a un coût. De plus, si la directive européenne concerne les livres numériques, le coût de fabrication des livres en braille est également plus important. Il importe donc de soutenir ce secteur si l’on ne veut pas que ces livres soient hors de prix.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Je partage votre objectif d’investir dans la mise en accessibilité des livres. Comme vous le rappelez, 10 % seulement des livres imprimés le sont dans un format permettant la lecture aux personnes en situation de handicap.

Il me semble toutefois que votre amendement est satisfait par la création du portail national de l’édition accessible, dont le déploiement commence cette année. Ce projet reprend une proposition d’Emmanuel Belluteau, conseiller maître à la Cour des comptes. Le ministère chargé des personnes handicapées va créer une application et lancer un plan de rattrapage afin d’adapter un plus grand nombre de livres. Nous pourrons dresser un premier bilan du dispositif l’an prochain. Pour l’heure, je considère que votre amendement est satisfait. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC543 de Mme Martine Froger

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Il s’agit de renforcer l’accessibilité des œuvres culturelles pour les personnes en situation de handicap, en allouant une dotation supplémentaire de 1 million d’euros à l’action 01 Livre et lecture du programme 334 Livre et industries culturelles.

Suivant une préconisation formulée par Emmanuel Belluteau, conseiller maître à la Cour des comptes, le Gouvernement a annoncé en 2022 la création d’un portail national de l’édition accessible. Cette annonce a été réitérée à l’occasion de la Conférence nationale du handicap, en avril 2023. Il importe d’en accélérer la réalisation.

Contre la recommandation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC309 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Cet amendement d’appel devrait plaire au rapporteur pour avis.

La rentabilité économique des librairies est très faible. Alors que le prix du livre est relativement stable, les charges liées au loyer et à l’énergie ont tendance à augmenter. La France compte environ 3 500 libraires indépendantes. Ce chiffre est relativement stable depuis dix ans mais cache de grandes disparités géographiques. C’est pourquoi nous proposons de créer un fonds de soutien pour l’installation de librairies indépendantes dans les centres-villes des communes rurales

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Vous avez raison, cet amendement me plaît et je ne peux qu’y être favorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC310 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). La part de marché des librairies indépendantes prévue dans le PLF pour 2024 reste de 19 %. Cette stagnation interroge sur la volonté des pouvoirs publics de défendre la pluralité des acteurs du livre, et de la culture en général. Au consumérisme individuel, nous préférons l’émancipation collective. C’est pourquoi nous proposons que l’objectif de part de marché des librairies indépendantes passe à 25 % d’ici à 2025.

Contre la recommandation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC315 de M. Alexis Corbière

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. En 2022, cinquante résidences d’auteurs ont été créées. La bourse de résidence attribue une rémunération à des auteurs invités en résidence par une structure – souvent un centre de loisirs ou une colonie de vacances –, afin de leur permettre de mener à bien un projet d’écriture ainsi qu’un projet d’animation littéraire, défini avec la structure d’accueil.

Rien n’interdit en principe à une structure d’accueillir un écrivain non encore publié, si elle le juge utile. En revanche, afin de toucher la bourse de résidence, le bénéficiaire doit attester d’au moins un ouvrage personnel écrit ou traduit. C’est un principe de bon sens, à la fois pour limiter le coût du dispositif et éviter les effets d’aubaine.

S’agissant de la visibilité et du recensement des résidences d’auteurs, le site internet du CNL présente les résidences sur une carte interactive ; j’en ai compté quarante-sept. Toutefois, comme je partage les objectifs de votre amendement, je donnerai un avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC314 de M. Alexis Corbière

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Je vous propose une mesure qui serait favorable à la fois aux auteurs et aux éditeurs indépendants.

Dans la crise que traverse le secteur de l’édition en France, les éditeurs indépendants sont les acteurs les plus fragiles. Or nous avons besoin d’eux et de leur maillage très fin pour repérer de nouveaux talents. Un élément essentiel de la professionnalisation de l’activité d’écrivain est le principe de l’à-valoir. C’est une rémunération spécifique aux contrats entre auteurs et éditeurs, une avance sur les droits d’auteur issus de la vente des ouvrages, versée à la signature du contrat. Cette avance permet à l’auteur de vivre et de poursuivre le travail nécessaire à la finalisation de son ouvrage avant sa publication, mais elle constitue aussi une charge nette d’investissement qui pèse sur la trésorerie des éditeurs indépendants.

La tendance actuelle est à la limitation de la prise de risques économiques, et se traduit par l’appauvrissement de la diversité des projets de nouveaux auteurs. Il importe donc de soutenir les éditeurs indépendants.

Contre la recommandation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC409 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Le présent amendement tend à abonder de 160 000 euros les crédits de la sous-action 04 Édition, librairie et professions du livre de l’action 01 du programme 334. Cette sous-action a pour objectif d’allouer des crédits déconcentrés afin de favoriser le maintien et le développement d’un réseau de libraires dense et diversifié contribuant à l’aménagement culturel du territoire national. Ces crédits visent aussi à soutenir l’organisation de manifestations littéraires de qualité au niveau local.

Le tissu culturel local, ainsi que le réseau de librairies, sont essentiels à la préservation de l’exception culturelle locale. Face au développement d’Amazon, il est essentiel de soutenir les librairies et les salons littéraires, afin de défendre les auteurs français et la diffusion de leurs œuvres dans un cercle vertueux pour l’économie et la culture françaises.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC530 de M. Stéphane Lenormand

M. Stéphane Lenormand (LIOT). Cet amendement vise à créer une aide directe et pérenne en direction des éditeurs privés de services de télévision à vocation locale opérant dans les territoires d’outre-mer.

Il s’agit de préserver le modèle de ces éditeurs et de garantir leur pérennité, afin que les populations des outre-mer continuent de bénéficier de manière effective de la gratuité d’accès à de nombreux programmes, de la diversité des offres audiovisuelles, du pluralisme des expressions ainsi que de la mise en valeur des identités et cultures locales. C’est un sujet très sensible outre-mer, notamment à La Réunion, et un marqueur pour notre groupe.

Contre la recommandation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC321 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Il s’agit de soutenir les établissements de spectacles cinématographiques et les salles de cinéma d’outre-mer.

Contre la recommandation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

Amendements II-AC306 de Mme Ségolène Amiot et II-AC402 de M. Philippe Ballard

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Nous proposons de garantir une aide significative à l’export de la presse vers les outre-mer, similaire aux aides à l’export vers l’étranger. Nos compatriotes français installés à l’étranger bénéficient d’une aide à l’export de nos titres de presse, parce qu’ils sont éloignés de l’Hexagone. Nos compatriotes ultramarins n’en bénéficient pas, alors qu’ils en sont tout autant, voire plus, éloignés.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Je propose de créer une aide à la distribution des titres de presse dans les territoires ultramarins : il s’agit d’une demande des acteurs du secteur, qui font face à de grandes difficultés pour garantir le pluralisme dans ces territoires. Le Gouvernement a introduit des aides à l’impression numérique locale, mais elles sont souvent limitées et ne concernent que les quotidiens. Les coûts d’impression outre-mer sont beaucoup plus élevés que dans l’Hexagone, parce que les infrastructures ne sont pas les mêmes. Je vous invite, madame Amiot, à retirer votre amendement au profit du mien.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC290 de Mme Soumya Bourouaha

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Cet amendement vise à revenir sur la baisse de l’aide aux exemplaires postés – 68,2 millions d’euros au total – et, surtout, à alerter sur la dégradation importante du service de La Poste en matière de livraison de journaux, avec une incitation toujours plus forte au portage. De nombreux bureaux de poste ferment et il arrive de plus en plus souvent que des journaux soient livrés plusieurs jours après leur parution, voire pas du tout. Force est de constater que notre service postal, qui est financé par de l’argent public, est désormais soumis à des impératifs de rentabilité, ce qui a pour conséquence de restreindre l’accès à l’information et de mettre en péril notre démocratie.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Je partage entièrement votre préoccupation concernant la dégradation du service public postal.

La nouvelle aide à l’exemplaire à double barème est pleinement entrée en vigueur cette année. Elle vise à inciter les éditeurs de presse à recourir au portage, d’où une diminution du montant de l’aide à l’exemplaire posté en 2024, qui ne concernera d’ailleurs pas les communes rurales. Pour les années suivantes, le décret qui a institué cette aide ne prévoit pas de nouvelle diminution.

Outre que la diminution de l’aide à l’exemplaire posté est prévue par décret, un bilan complet de la réforme du postage et du portage sera réalisé par le ministère de la Culture en 2024. Nous pourrons donc en apprécier les effets l’année prochaine et en rediscuter dans le cadre du PLF 2025. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC318 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Par cet amendement, le groupe LFI-NUPES souhaite appeler l’attention sur les difficultés rencontrées par les distributeurs indépendants de films.

La distribution est l’un des secteurs de la filière du cinéma qui a été le plus fragilisé, à la fois par la crise sanitaire et par des phénomènes de concentration à l’œuvre depuis longtemps. Les distributeurs jouent pourtant un rôle essentiel, puisqu’ils évaluent le potentiel artistique et commercial d’un film. La promotion des films est de plus en plus rarement assurée par les exploitants, si bien que les distributeurs indépendants doivent souvent s’en charger eux-mêmes dans les cinémas, sans garantie de programmation, ce qui a un coût. Nous proposons donc de créer un fonds pour les soutenir et conserver sa vitalité à l’ensemble de la chaîne du cinéma.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Vous l’avez rappelé, le secteur de la distribution n’est plus ce qu’il était. Le métier de distributeur, essentiel dans la chaîne du cinéma, s’est complexifié, puisqu’il inclut désormais la promotion du film, l’affichage, la communication, le soutien du film dans le cadre des festivals, etc. Tout coûte plus cher. Il existe déjà plusieurs aides sélectives et automatiques à la distribution et je pense que la solution consisterait plutôt en un renforcement du soutien apporté par le CNC à ce secteur.

D’une manière plus générale, le dispositif des sociétés pour le financement de l’industrie cinématographique et audiovisuelle (Sofica) sera reconduit en 2024, ainsi que le crédit d’impôt international, ce qui est une bonne nouvelle pour le cinéma. Le CNC devra s’engager dans une refonte globale de son système d’attribution des aides, et je souhaite que la distribution soit mieux prise en compte. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

À la demande du rapporteur pour avis, l’amendement II-AC322 de Mme Sarah Legrain est retiré.

Amendement II-AC320 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Il s’agit d’aider les salles de cinéma à financer plusieurs opérations nécessaires à la transition écologique : la rénovation thermique, le changement des centrales de traitement d’air (CTA) et l’installation de projecteurs laser.

L’appel à projets « Alternatives vertes » a bien été lancé pour accélérer la transition écologique des structures culturelles, mais il concerne des projets innovants, ce qui ne répond pas vraiment aux besoins de nombreuses salles dans le pays. Or il faut soutenir ces salles qui font la beauté du cinéma français et dont le maillage est une spécificité française.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. La France a la chance de disposer d’un cinquième des salles de cinéma de l’Union européenne, mais celles-ci sont bien mal réparties – ma circonscription, qui couvre un espace de 75 kilomètres de long sur 45 de large, et 150 000 habitants, n’en compte aucune.

Ces salles, lorsqu’il y en a, sont bien équipées. Selon un sondage du CNC, plus de 90 % des spectateurs se déclarent satisfaits des conditions matérielles de leur accueil au cinéma. Cette qualité des équipements résulte d’investissements massifs, d’une exploitation centrée sur la rénovation des salles et du passage au numérique. Un fonds de soutien automatique à l’exploitation existe déjà : géré par le CNC, il permet aux propriétaires d’un établissement ou à l’exploitant de se faire rembourser des travaux et investissements effectués pour la construction, l’amélioration, la réfection et l’aménagement des bâtiments.

Enfin, je m’interroge sur le chiffrage de votre amendement : des crédits de 50 millions d’euros semblent disproportionnés. Avis défavorable.

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Les Français sont certes satisfaits des conditions d’accueil dans les salles de cinéma mais il faut prendre en considération les économies d’énergie que celles-ci doivent réaliser. On n’installe pas des projecteurs laser uniquement pour le confort des spectateurs.

S’agissant du chiffrage, en 2022, 10 % des 6 300 écrans de France disposaient de projecteurs laser : les généraliser à l’ensemble du parc coûterait 400 millions. Or il faut aussi changer les CTA et effectuer la rénovation thermique des bâtiments. Les sommes à engager sont donc considérables. C’est pourquoi le soutien de l’État, dans le cadre du budget, est indispensable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC317 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Outre qu’elles sont inégalement réparties sur le territoire, les salles de cinéma sont souvent concentrées dans des zones industrielles commerciales, mal desservies par les transports en commun : 28 % de l’empreinte carbone de l’audiovisuel provient ainsi des déplacements des spectateurs en voiture individuelle.

Par cet amendement d’appel, nous proposons de créer un fonds de soutien pour relocaliser les salles de cinéma en centre-ville.

Contre la recommandation du rapporteur pour avis, la commission rejette l’amendement.

À la demande du rapporteur pour avis, l’amendement II-AC323 de Mme Sarah Legrain est retiré, ainsi que l’amendement II-AC316 de la même auteure.

Amendement II-AC307 de Mme Sarah Legrain

Mme Sarah Legrain (LFI-NUPES). Cet amendement vise à mettre en place un véritable plan de lutte contre les violences et le harcèlement sexistes et sexuels, et de défense de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les médias et l’audiovisuel public. L’affaire de harcèlement de la Ligue du LOL, en 2019 ou, à partir de février 2021, la plainte pour viol déposée par Florence Porcel contre Patrick Poivre d’Arvor, suivie des témoignages et plaintes de vingt-deux femmes pour harcèlement sexuel, agression sexuelle ou viol, ont provoqué une libération de la parole et la formation du mouvement #MeTooMedia. Le 4 octobre, il organisait avec France Télévisions un colloque intitulé « De MeToo à WeToo pour construire ensemble des médias sans sexisme et sans violences sexuelles », portant notamment sur la lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) au sein des médias ainsi que sur les enquêtes menées sur cette question par les médias.

Il importe de soutenir cette initiative en créant un fonds, qui permettra aux médias de proposer des formations et des actions de lutte contre les VSS et les discriminations, et de sensibilisation à l’égalité entre les femmes et les hommes au sein de leurs équipes ou rédactions, pour leur bien-être comme pour l’amélioration de l’information dans le pays.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Beaucoup est fait en la matière dans l’audiovisuel, public comme privé, même si cela reste sans aucun doute insuffisant. Je partage votre souhait de mieux lutter contre les violences sexuelles et sexistes dans les médias. Les langues se délient et c’est tant mieux. Il faut mettre les directions, les responsables des ressources humaines devant leurs responsabilités. C’est à eux d’être en première ligne, et il ne revient pas à l’État de financer ces plans, surtout pour un tel montant – je ne comprends d’ailleurs pas comment vous parvenez à 10 millions d’euros. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC405 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. L’action 07 du programme Presse et médias rassemble les crédits consacrés au financement de Radio Médi1, une radio qui diffuse dans le Maghreb, depuis le Maroc. Elle est détenue à 86,3 % par des acteurs marocains et à seulement 13,7 % par la France, par l’intermédiaire de la Compagnie internationale de radio et de télévision. Cette année, le projet de loi de finances prévoit encore de lui allouer plus de 1,6 million pour couvrir les coûts salariaux des journalistes français qui y travaillent. En 2010, la radio, détenue à 49 % par la France, bénéficiait déjà de ce même montant de subventions publiques, pour quinze journalistes. Elle est passée sous holding marocaine en 2023 et son audience s’effondre d’année en année. Au vu du contrôle inexistant de cette radio, nous ne comprenons pas que l’État français continue de la financer.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC368 de Mme Violette Spillebout

Mme Violette Spillebout (RE). Cet amendement vise à compenser la légère baisse des aides à la presse cette année. Dans le contexte actuel, il est essentiel de soutenir la diffusion de la presse, sa transformation par les outils numériques, sa présence sur les espaces numériques et les réseaux sociaux, et, globalement, de défendre le pluralisme et les titres émergents. Je propose donc d’accroître les crédits de paiement de 700 000 euros, pour revenir au niveau de 2023.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. La diminution des aides à la presse est globale, et constitue un trompe-l’œil. Elle résulte surtout de la baisse de l’aide à l’exemplaire posté, à hauteur de 4 millions d’euros ; les aides au pluralisme progressent de 11,6 %. La dotation de l’aide à la modernisation de la distribution de la presse quotidienne nationale d’information politique et générale (IPG) est inchangée, de même que l’aide aux réseaux de portage ou l’aide au pluralisme des titres ultramarins, notamment. Les aides à la modernisation augmentent légèrement, en particulier la dotation du fonds stratégique de développement des aides à la presse. Pour tout dire, nous n’avons pas bien cerné le sens de cet amendement. Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Je partage les inquiétudes de Mme Spillebout : il y a un tassement des aides à la presse compte tenu de l’augmentation des coûts du papier, donc de la production des journaux. Certains titres renoncent d’ailleurs à la version papier, ce qui est un problème majeur. Certes, les aides à la presse ne doivent pas être maintenues si elles ne sont pas conditionnées, mais elles doivent être augmentées pour faire face aux coûts croissants, notamment dans la presse écrite.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Un fonds de 30 millions d’euros existe pour faire face à l’augmentation du coût du papier ; il a reçu plusieurs centaines de demandes.

M. Jean-Jacques Gaultier (LR). Le volume de la presse postée ayant significativement diminué, un accord a été passé entre l’État, la presse, la Poste et l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep). La baisse des aides au transport postal se justifie donc.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC291 de M. Stéphane Peu

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Mon collègue Stéphane Peu signale que la majeure partie des aides directes à la presse est captée par des groupes de médias appartenant à de riches hommes d’affaires. En 2021, selon les chiffres du ministère de la Culture, sept milliardaires ont reçu 43,6 millions d’euros d’aides pour leurs médias respectifs. Le même problème se pose pour la presse quotidienne régionale, où un nombre restreint de groupes capte l’essentiel des aides. Il est paradoxal qu’une part significative de ces aides visant à défendre le pluralisme soit attribuée à des groupes de médias qui ont déjà une position dominante, ce qui constitue une menace pour le pluralisme de la presse et des médias.

Il est donc urgent d’engager une réforme profonde, afin que les aides tiennent compte de la situation économique des groupes auxquels les titres appartiennent. Elles doivent évoluer en fonction de critères, notamment de gouvernance des titres, en particulier de la présence de salariés au sein des organes de direction.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Mêmes arguments que précédemment. Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). C’est un cercle vicieux : le prix du papier augmente, donc le nombre d’exemplaires produits diminue, puis les aides, et le secteur tout entier se rétracte. C’est la raison pour laquelle il importe d’aider la presse, afin qu’elle se tourne vers les nouveaux outils et ne se mette pas en retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC404 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Les distributeurs de presse nous ont alertés sur l’importance de l’aide au maintien de la distribution de la presse française dans l’espace francophone. Selon eux, de nombreux titres réfléchissent à se retirer de ces marchés, ce qui menacerait l’influence française en Afrique subsaharienne, notamment.

L’amendement tend donc à abonder de 150 000 euros, en autorisations d’engagement et en crédits de paiement, les crédits de la sous-action 10 Aide à la modernisation de la distribution de la presse, afin de les porter à 1 million d’euros.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC406 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Les professionnels du secteur de la distribution de la presse nous ont alertés sur le coût important que représente pour les vendeurs-colporteurs de presse la mise en conformité de leurs véhicules, pour la plupart anciens, pour accéder aux nombreuses zones à faibles émissions (ZFE) présentes dans les métropoles. Ces ZFE représentent un réel danger pour le pluralisme de la presse. Même s’ils s’engagent de plus en plus à renouveler leurs parcs automobiles afin de réduire leurs émissions de CO2, les acteurs du secteur s’inquiètent de cette charge supplémentaire, dans un contexte économique rendu difficile par l’explosion des prix du carburant et du papier.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC319 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). Par cet amendement, nous proposons la création d’un Centre national du jeu vidéo, sur le modèle du Centre national du cinéma et de l’image animée, financé de la même manière, pour conduire des actions similaires.

Le jeu vidéo, première industrie culturelle française, est un médium qui permet de faire rayonner la France à l’international, avec ses savoir-faire, ses imaginaires – un art total qui mérite d’être soutenu et reconnu. Nous proposons de lui donner sa juste place, hors du financement subventionné, en créant un centre dédié. Cela permettrait d’orienter la création vers des modèles moins sexistes et moins violents.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. J’ai déjà rappelé l’an dernier que le soutien à la filière du jeu vidéo fait partie des attributions du CNC, au même titre que le cinéma ou l’audiovisuel. Le fonds d’aide au jeu vidéo soutient la création et accompagne les auteurs et les entreprises dans toutes les phases de réalisation d’un jeu.

Notre collègue Céline Calvez avait souligné la nécessité que le cinéma, l’audiovisuel et le jeu vidéo dialoguent : il paraît utile de réunir ces filières au sein d’un même organisme, au lieu de les cloisonner. Par ailleurs, je ne suis pas favorable à une nouvelle taxe sans étude d’impact préalable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC304 de Mme Ségolène Amiot

Mme Ségolène Amiot (LFI-NUPES). L’amendement, déjà examiné l’année dernière, vise à créer un Conseil de déontologie des médias. À l’heure actuelle, il existe une association à laquelle de nombreux journalistes, dénonçant une manœuvre du Gouvernement, ont refusé d’adhérer. Il serait cependant pertinent de disposer d’une institution, qui permettrait de défendre les journalistes et les usagers.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Même avis défavorable que l’an dernier. Un Conseil de déontologie journalistique et de médiation a été créé en 2019, à l’initiative notamment de l’Observatoire de la déontologie de l’information, du Syndicat national des journalistes et de la CFDT-Journalistes. L’instance n’est pas contrôlée par le pouvoir. Je ne vois pas la nécessité de créer un second conseil concurrent.

Il revient par ailleurs à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom) de contrôler l’honnêteté et l’indépendance de l’information. L’appréciation que l’on porte sur l’exercice de cette mission relève d’un autre débat, qui n’est pas budgétaire.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC305 de M. Alexis Corbière

M. Alexis Corbière (LFI-NUPES). Par cet amendement d’appel, nous proposons d’augmenter les moyens de contrôle des conventions de diffusion des chaînes privées émettant sur la télévision numérique terrestre (TNT) gratuite. De nombreuses questions se posent, s’agissant du pluralisme, de l’indépendance, de l’information des programmes et de l’honnêteté de l’information. On peut notamment se demander quelle part de contenus violents ou de publicité on peut autoriser. Si la loi prévoit que l’Arcom doit veiller à tous ces aspects de la représentation de la société française, elle ne lui offre que peu de moyens pour y parvenir, ni pour faire en sorte que les chaînes respectent leurs obligations et leurs engagements. L’amendement vise à les lui donner.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Votre amendement devrait plutôt viser le programme Protection des droits et libertés de la mission Direction de l’action du Gouvernement.

Le PLF 2024 attribue à l’Arcom 2,2 millions d’euros et 10 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires, qui viendront renforcer les 15 ETP ajoutés en 2023. Je ne doute pas que votre commission d’enquête fera toute la lumière sur la façon dont l’Arcom exerce sa mission de contrôle des obligations des chaînes conventionnées sur la TNT. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC411 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Les distributeurs de services audiovisuels nous alertent sur l’importance que l’Arcom reconnaisse certaines plateformes comme des distributeurs de services audiovisuels. Si ceux-ci contribuent au CNC via la TSV, ils ne participent pas au financement du CNC via la taxe sur les services de télévision due par les distributeurs de services de télévisions (TST-D). Or ces plateformes sont des distributeurs qui ne disent pas leur nom. Pour préserver notre exception culturelle française, il est indispensable de protéger les acteurs français de la concurrence des Gafam.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC302 de M. Frédéric Maillot

Mme Soumya Bourouaha (GDR-NUPES). Le « bleu » budgétaire insiste sur la nécessaire pluralité de la presse et les aides afférentes, mais il n’aborde pas la question, pourtant centrale, de la concentration et de ceux qui possèdent ces médias. Notre objectif ne doit pas être d’organiser la pluralité entre milliardaires. Il ne peut y avoir de véritable indépendance des rédactions sans indépendance financière. Il est plus que temps de réformer profondément les lois anti-concentration, les critères d’attribution des aides à la presse, et de renforcer le pouvoir des rédactions sur la direction et les orientations de leurs médias. L’accaparement est lié à la difficulté, pour tout média indépendant, de survivre ou d’atteindre une large diffusion : ces médias doivent être soutenus en priorité.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Je partage votre objectif de voir évoluer les dispositifs anti-concentration : il faut trouver un équilibre entre la liberté d’entreprendre et la garantie absolue de l’indépendance éditoriale et du pluralisme. Le rapport conjoint de l’Inspection générale des finances (IGF) et de l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac) publié l’an dernier, ainsi que celui de la commission d’enquête du Sénat, offrent des bases solides pour mener ce travail. En revanche, le PLF ne semble pas être le cadre adapté pour débattre de l’évolution de ces règles. Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC407 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à créer un nouveau programme Aide au développement du DAB+, au sein de la mission Médias, livre et industries culturelles. Dans un contexte de saturation de la bande FM, uniquement analogique, et sous l’impulsion de l’Arcom, de nombreuses radios se sont tournées vers un nouveau mode de diffusion, le DAB+, qui offre d’importantes possibilités de développement. Il a vocation à devenir la nouvelle norme pour les radios, une norme numérique qui est présente sur toutes les voitures neuves depuis plus de deux ans. Ces coûts ne peuvent plus être supportés par les seuls éditeurs radiophoniques. Les enjeux de souveraineté, de numérisation de ce média et de maintien de son pluralisme réclament un accompagnement des pouvoirs publics.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC412 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Il s’agit d’un amendement d’appel pour alerter sur la place prise par les mentions légales dans la publicité radiophonique. Les annonceurs doivent parfois payer jusqu’à 15 secondes de mentions légales sur un message de trente secondes. Certains secteurs en ont été conduits à réduire leurs investissements publicitaires radiophoniques, de 30 % pour l’automobile et de 36 % pour les assurances.

Il conviendrait de repenser totalement ces règles un peu dépassées, et de renvoyer vers un site internet rassemblant toutes les informations disponibles, sans pour autant revenir sur les réglementations publicitaires de santé concernant l’alcool ou l’addiction aux jeux d’argent.

La commission rejette l’amendement.

Contre la recommandation du rapporteur pour avis, elle émet ensuite un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Médias, livre et industries culturelles modifiés.

 

Article 38 et état G : Objectifs et indicateurs de performance

Amendement II-AC403 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à créer un nouvel indicateur de performance permettant de connaître plus précisément le taux de radios associatives contrôlées par l’Arcom. L’indicateur prendra en compte la part des radios associatives ayant subi un contrôle de l’Arcom au cours de l’année. Les radios associatives sont de plus en plus nombreuses. Si elles participent au débat local et à la démocratie dans les territoires, il faut s’assurer qu’elles véhiculent des propos conformes à la laïcité et à la démocratie, et qu’elles ne propagent pas des discours allant à l’encontre de l’unité nationale. Il importe que le contribuable français sache qui bénéficie du fonds de soutien à l’expression radiophonique et si l’Arcom exerce un réel contrôle sur ces radios.

La commission rejette l’amendement.

Après l’article 54

Amendements identiques II-AC207 de Mme Sophie Taillé-Polian et II-AC366 de Mme Violette Spillebout et amendement II-AC206 de Mme Sophie Taillé-Polian (discussion commune)

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). L’amendement II-AC207 et les suivants reprennent certaines dispositions de la proposition de loi dite JDD (Le Journal du dimanche), visant à protéger la liberté éditoriale des médias sollicitant des aides de l’État. Il s’agit de conditionner les aides à la presse au respect de la déontologie des journalistes : une rédaction ne peut plus se voir imposer un directeur ne présentant pas toutes les garanties qu’il respectera l’indépendance et la déontologie des journalistes qui en font partie. Le texte entend apporter une réponse à un problème majeur, découlant de la concentration des médias et du fait que des actionnaires s’immiscent dans les rédactions. Récemment, la rédaction du quotidien Les Échos s’est prononcée contre son actionnaire : elle offre un exemple à suivre pour tous les médias bénéficiant des aides à la presse.

Mme Violette Spillebout (RE). Nous avons été nombreux à cosigner cette proposition de loi transpartisane. L’affaire du JDD a été un déclencheur, mais ni la proposition de loi ni les amendements ne résoudront le problème. Il s’agit plutôt de réfléchir ensemble à la façon de protéger la valeur que les journalistes apportent aux médias, à côté de la valeur capitalistique des propriétaires. Celle-ci se trouve dans la ligne éditoriale que les journalistes construisent depuis vingt ou trente ans, et dans le lectorat. Il nous faut la protéger, comme l’ont fait Le Monde, Libération ou Les Échos, avec des formules différentes. Nous souhaitons, non pas imposer ce format, mais conditionner l’attribution des aides publiques à un modèle qui semble vertueux et protecteur du droit des journalistes.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Ce droit d’agrément des journalistes est réclamé par de nombreuses rédactions. Pour préserver le respect de leur déontologie et pour qu’on ne leur impose pas d’écrire ce qu’ils ne veulent pas, les journalistes n’ont que des droits individuels, qui sont des droits de sortie – droit de se faire licencier avec une indemnité, droit de quitter leur emploi, etc. Le droit de rester, de continuer à faire son travail avec toute la déontologie requise, est un droit collectif que nous devons garantir aux rédactions. C’est pourquoi nous pensons que les aides publiques doivent être conditionnées au fait de produire des journaux, non pas des tracts.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Journaliste pendant près de quarante ans, je suis attaché à la liberté de la presse et à celle de l’information. Pourtant, je ne comprends ni vos amendements ni la proposition de loi. Si vous êtes propriétaire d’un média de presse écrite, vous ne placerez pas une personne qui a une sensibilité contraire à la vôtre à la tête de la rédaction. L’affaire du JDD a suscité des cris d’orfraie et un procès d’intention : je vois pourtant que des ministres s’expriment dans ses colonnes.

En outre, vous ciblez les directeurs de rédaction, mais ils sont soumis à des directeurs de l’information, qui fixent la ligne éditoriale quand les premiers gèrent le personnel.

Enfin, je ne sais pas où l’on va si on élargit ces principes au-delà de la presse IPG.

Avis défavorable.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Il s’agit, non pas d’imposer des lignes éditoriales à des journaux, il s’agit de garantir la déontologie. Les journalistes des Échos ont exercé leur droit d’agrément, car le directeur avait commis une infraction à la charte déontologique en publiant une publicité d’une des marques de l’actionnaire, sans mentionner ses liens avec le journal. Le directeur de la rédaction doit être placé devant ses responsabilités : personne ne doit intervenir, ni pour mettre en avant les intérêts économiques d’un actionnaire, ni pour faire en sorte que ses opinions politiques prennent le pas sur le traitement des faits qu’est le journalisme.

M. Alexis Corbière (LFI-NUPES). M. Ballard et ses collègues s’interrogent sur la nécessité d’un service public de l’information – après tout, on pourrait laisser faire le privé, et détenir un journal comme on possède une voiture. Mais les choses sont un peu plus compliquées. Les citoyens doivent pouvoir disposer de médias proposant la variété des opinions existant dans la société. Or on observe un mouvement où un homme puissant financièrement met la main sur nombre de médias et en profite pour pousser une certaine ligne idéologique. Les gens dans mon camp n’ont pas à leurs côtés un milliardaire qui pourrait créer les conditions d’un équilibre. La question est donc de déterminer comment les rédactions pourront résister à ce mouvement. Sans quoi, c’est le pluralisme même qui est remis en cause.

M. Jérémie Patrier-Leitus (HOR). Nous ne réglerons pas aujourd’hui ce débat important.

Il est bon que les médias qui ont une certaine sensibilité accueillent des personnalités ne la partageant pas : Jordan Bardella peut être l’invité de France Info ou des membres de LFI, être interviewés par CNews. Si on ne parle qu’aux médias de notre sensibilité, on risque de fragiliser la démocratie. Mais quel que soit notre bord politique, on peut tomber d’accord sur l’idée qui sous-tend certains des amendements, d’une séparation entre le pouvoir actionnarial et le pouvoir éditorial. On peut travailler collectivement à des dispositions qui permettent de garantir cette étanchéité.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Dans vos interventions, vous employez le terme « médias » alors que les amendements visent la presse IPG. On peut avoir un autre débat sur les médias en général.

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Le débat est plus large : notre proposition de loi concernait aussi les chaînes de télévision, notamment la TNT. S’agissant de la presse d’information générale, où vit la démocratie, nous avons proposé un dispositif opérant, car il faut agir vite.

La commission rejette successivement les amendements.

Amendement II-AC212 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). Dans la même logique, l’amendement vise à conditionner le versement des aides à la presse à la présence dans la masse salariale de 40 % de journalistes, et non de producteurs de contenus.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Une telle mesure est quelque peu prématurée, les états généraux du droit à l’information n’ayant pas achevé leurs travaux.

Néanmoins, je partage pleinement votre préoccupation : les médias sans journalistes ne doivent pas s’ériger en nouveau modèle. L’attribution des aides aux seuls médias embauchant des journalistes professionnels pourrait constituer une partie de la solution.

J’émettrai donc un avis de sagesse.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC215 de Mme Sophie Taillé-Polian

Mme Sophie Taillé-Polian (Écolo-NUPES). L’amendement, qui a été rédigé en collaboration avec l’association Un bout des médias, tend à conditionner les aides à la presse à la publication du nom et des liens d’intérêts des actionnaires.

Dans le contexte de concentration des médias que nous connaissons, la transparence est une exigence démocratique. Les citoyens doivent savoir qui possède un média pour le consulter en toute connaissance de cause.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Votre amendement me semble déjà satisfait par la loi du 1er août 1986.

En effet, son article 5 impose à toute publication de presse de porter à la connaissance des lecteurs les nom et prénom du propriétaire de l’entreprise éditrice, si celle-ci n’est pas une personne morale. Si elle est une entreprise morale, doivent être publiés son siège social, sa forme juridique, le nom du représentant légal et des personnes physiques ou morales détenant au moins 10 % de son capital.

L’article 6 oblige, chaque année, les entreprises éditrices à porter à la connaissance des lecteurs ou des internautes toutes les informations relatives à la composition de son capital, en cas de détention par toute personne physique ou morale d’une fraction supérieure ou égale à 5 % de celui-ci.

Enfin, l’article 15-1 est clair : la violation par une entreprise éditrice des articles 5 et 6 entraîne la suspension de tout ou partie des aides publiques, directes et indirectes, dont elle bénéficie.

Demande de retrait.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC408 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Le crédit d’impôt en faveur de la production phonographique, qui concerne les dépenses engagées pour la production de nouveaux talents, représente 11 millions d’euros de crédits chaque année. Pourtant, il n’est assorti d’aucune exigence de transparence, alors que des dispositifs d’évaluation ont fait leur preuve pour des incitations fiscales comparables.

Ainsi, le Centre national du cinéma et de l’image animée remet, chaque année, au Parlement et au Gouvernement un rapport d’évaluation des crédits d’impôt aux fins de transparence de l’action publique.

L’amendement, émanant d’une recommandation du Bureau de la Radio, association de radios privées, a donc pour objet d’imposer une obligation identique au Centre national de la musique, qui délivre les agréments ouvrant droit au crédit d’impôt.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC708 de M. Philippe Ballard

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Arguant de l’augmentation globale des coûts, plusieurs professionnels de la filière cinématographique ont demandé un élargissement de l’assiette des dépenses éligibles aux frais d’assurance des tournages. Une étude d’impact de la dépense fiscale supplémentaire induite par une telle mesure serait bienvenue.

La commission rejette l’amendement.

Amendement II-AC327 de M. Alexis Corbière

M. Alexis Corbière (LFI-NUPES). L’amendement a pour objet de demander un rapport évaluant le fonctionnement ainsi que les moyens humains et financiers de l’Arcom. Il s’agit de s’assurer de sa capacité à contrôler le respect des engagements pris par les chaînes.

M. Philippe Ballard, rapporteur pour avis. Cet amendement ne me semble pas relever de la mission Médias, livre et industries culturelles, les moyens de l’Arcom étant fixés par la mission Direction de l’action du Gouvernement.

Par ailleurs, je ne suis pas certain que la remise d’un tel rapport nous éclairera particulièrement. Les rapports d’activité de l’Arcom sont très denses et doivent présenter un bilan du respect par les éditeurs de services de leurs obligations.

Enfin, je suis sûr que la commission d’enquête qui résultera de votre droit de tirage fera toute la lumière sur ce point.

Avis défavorable.

La commission rejette l’amendement.

*


–  1  –

   ANNEXE :
Liste des personnes entendues par le rapporteur
pour avis

(par ordre chronologique)

     Table ronde (thème Musique) :

 Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI)  M. Guilhem Cottet, directeur général

 Société civile des producteurs de phonographiques (SCPP) M. Marc Guez, directeur général gérant

– Syndicat national de l’édition phonographique (Snep)*M. Bertrand Burgalat, président, M. Alexandre Lasch, directeur général, et Mme Emilie Trébouvil, directrice des affaires publiques et réglementaires

 Fédération nationale des labels indépendants (Felin)  M. Mathieu Dassieu, président, et Mme Céline Lepage, déléguée générale

 Syndicat des musiques actuelles (SMA)*  M. Mathieu Dassieu, président de la Felin, et élu au SMA

– Société civile des producteurs de phonogrammes en France (SPPF)M. Pascal Nègre, président, et M. Jérôme Roger, directeur général

       Ministère de la culture direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC) – Mme Florence Philbert, directrice générale, M. Ludovic Berthelot, chef du service des médias, et M. Loic Masson, chef du bureau des affaires budgétaires et financières

       France messagerie M. Sandro Martin, directeur général

       Agence France presse M. Fabrice Fries, président-directeur général, et Mme Dalila Zein, directrice générale

        Table ronde de syndicats de la presse

 Fédération nationale de la presse d’information spécialisée (FNPS)M. Jean-Christophe Raveau, président, M. Laurent Berard-Quelin, vice-président, Mme Catherine Chagniot, directrice générale

 Syndicat des éditeurs de la presse magazine (SEPM)*M. Alain Augé, président, M. François Claverie, vice-président, et Mme Julie Lorimy, directrice générale

– Syndicat de la presse indépendante d’information en ligne (SPIIL)M. Laurent Mauriac, co-président

 Alliance de la Presse d’Information Générale (APIG) M. Philippe Carli, président, M. Pierre Petillault, directeur général, et Mme Léa Boccara, responsable du Pôle juridique

       Syndicat national des radios libres (SNRL)  M. Sylvain Delfau, vice-président, et M. Christophe Betbeder, délégué général

       Table ronde (thème Cinéma)

– Distributeurs indépendants réunis européens (DIRE)  M. Hugues Quattrone, délégué général

– Société civile des auteurs réalisateurs producteurs (ARP)  Mme Joyce Dardanne, déléguée générale adjointe

– Fédération nationale des éditeurs de films (FNEF)  Bureau de liaison des industries cinématographiques (BLIC)  Mme Hélène Herschel, déléguée générale de la FNEF et secrétaire générale du BLIC

– Syndicat des producteurs indépendants (SPI) – Mme Marion Golléty, déléguée cinéma

– Union des producteurs de cinéma (UPC) – M. Thomas Séjourné, chargé des relations institutionnelles, juridiques et publiques

– Association des producteurs indépendants (API)  Mme Hortense de Labriffe, déléguée générale

       Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) M. Olivier Henrard, directeur général délégué, et M. Vincent Villette, directeur financier et juridique

       Syndicat des radios indépendantes (SIRTI) M. Christophe Schalk, président, et M. Kevin Moignoux, secrétaire général

       Bureau de la radio*  Mmes Maryam Salehi, présidente, et Anne Fauconnier, déléguée générale

       Association des chaînes privées (ACP) – Mme Marie Lhermelin, secrétaire générale adjointe d’Altice France, Mme Amélie Meynard, directrice des affaires publiques de CANAL+, et Mme Marie Grau-Chevallereau, directrice des études réglementaires du Groupe M6

 

 

       Table ronde réunissant des chaînes de télévision françaises

– France Télévisions* – M. Christophe Tardieu, secrétaire général, et Mme Livia Saurin, directrice des relations institutionnelles

– France médias monde*  M. Roland Husson, directeur général en charge du pôle ressources, et M. Serge Schick, directeur du développement international et des ressources propres

– ARTE France*  M. Frédéric Béreyziat, directeur général chargé des ressources, et M. Aksel Gökçek chargé de mission au secrétariat général

– Public Sénat – M. Christopher Baldelli, président directeur général

– TV5 Monde  M. Thomas Derobe, secrétaire général, et M. Arnaud Rivalan, directeur juridique

– Association des chaînes privées (ACP) – Mme Marie Lhermelin, secrétaire générale adjointe d’Altice France, Mme Amélie Meynard, directrice des affaires publiques de CANAL+, et Mme Marie Grau-Chevallereau, directrice des études réglementaires du Groupe M6

       Table ronde de fabricants de téléviseurs

– Samsung*  M. Olivier Oger, vice-président en charge des ressources humaines, de la responsabilité sociale des entreprises et des relations institutionnelles, et Mme Amandine Rogeon, responsable des affaires publiques et diplomatiques de Samsung France

– Sony France  M. Denis Bajas, Business Development &Technical Marketing Manager

– Hisense France  M. Rémy Journé, vice-président, et M. Olivier Dutrieux, directeur service et qualité

– TP Vision Europe BV – M. Philippe Petit

– Alliance française des industries du numérique (AFNUM)  M. Philippe de Cuetos, directeur des affaires techniques et réglementaires 

       Table ronde de fournisseurs d’accès à internet

 Orange*  Mme Claire Chalvidant, directrice des relations institutionnelles

 Free  Groupe Iliad  Mme Ombeline Bartin, directrice des affaires publiques

 Bouygues Telecom*  M. Corentin Durand, responsable des affaires publiques

– SFR*  Mme Alix de Montesquieu, responsable des affaires publiques du groupe Altice

       Table ronde de distributeurs de services

– Canal + *– Mmes Laetitia Ménasé, secrétaire générale, et Amélie Meynard, directrice des affaires publiques

– Google France*  Mme Sarah Clédy, responsable des relations institutionnelles, M. Benoit Tabaka, secrétaire général

– Netflix*  M. Thomas Volmer, directeur monde de la politique d’acheminement des contenus Netflix, et Mme Marie-Laure Daridan, directrice des relations institutionnelles, Netflix France

       Centre national de la musique (CNM)  M. Romain Laleix, directeur général délégué

       Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM)  M. Roch-Olivier Maistre, président, M. Guillaume Blanchot, directeur général, et Mme Justine Boniface, directrice de cabinet

 

 

 

 

 

 

* Ces représentants d’intérêts ont procédé à leur inscription sur le répertoire de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique, s’engageant ainsi dans une démarche de transparence et de respect du code de conduite établi par le Bureau de l’Assemblée nationale.

 

 


([1]) L’indicateur 2.1 de la mission mesure la diffusion de l’ensemble des quotidiens payants et gratuits d’information politique et générale (IPG), nationaux et locaux, et des hebdomadaires d’IPG, nationaux et locaux, d’après les données fournies par l’Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM). Mesurée en indice et sur une base 100 en 2007, la diffusion de la presse a diminué de 4,3 % en 2022. La cible du projet annuel de performances prévoit une diminution de 1,3 % pour l’année 2023, puis de 10 % en 2024.

([2]) Le rapporteur pour avis songe naturellement à l’élection présidentielle, aux élections législatives et à l’invasion de l’Ukraine par la Russie.

([3]) Source : direction générale des médias et des industries culturelles (DGMIC).

([4]) Source : réponses au questionnaire budgétaire.

([5]) Source : projet de loi de finances pour 2024.

([6]) Arcom, rapport annuel 2022, juin 2023.

([7]) Institut Kantar, « Montée en puissance de la SVOD, mythe ou réalité ? », janvier 2023.

([8]) Source : Alliance pour les chiffres de la presse et des médias (ACPM).

([9]) Source : DGMIC.

([10]) Un point positif peut néanmoins être mis en avant : les recettes publicitaires sont sur le point de retrouver leur niveau d’avant la pandémie, soit 1,9 milliard d’euros.

([11]) Instituée par le décret n° 97-1065 du 20 novembre 1997 relatif à la commission paritaire des publications et agences de presse, la CPPAAP est notamment chargée de donner un avis sur l’application aux journaux et écrits périodiques des textes législatifs ou réglementaires prévoyant des allégements en faveur de la presse en matière de taxes fiscales et de tarifs postaux, de faire des propositions pour l’inscription sur la liste des organismes reconnus comme agences de presse, ainsi que de reconnaître les services de presse en ligne. Enfin, elle est chargée de reconnaître le caractère d’IPG des publications.

([12]) Résultant de l’adoption de l’amendement n° 207 de M. Denis Masséglia.

([13]) Décret n° 2023-331 du 3 mai 2023 instituant une aide exceptionnelle visant à compenser la hausse de certains coûts de production des publications imprimées des entreprises éditrices de presse particulièrement affectées par les conséquences économiques et financières de la guerre en Ukraine.

([14]) Pour l’année 2024, ce dispositif devrait être doté de 210,5 millions d’euros de crédits budgétaires inscrits au sein du programme 361 Transmission des savoirs et démocratisation de la culture de la mission Culture, et de 57 millions d’euros inscrits au sein du programme 230 Vie de l’élève de la mission Enseignement scolaire, soit 267,5 millions d’euros au total.

([15]) Source : DGMIC.

([16]) Le CSA et la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur internet (Hadopi) ont fusionné le 1er janvier 2022, devenant l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom).

([17]) CSA, La propagation des fausses informations sur les réseaux sociaux : étude du service Twitter, novembre 2020.

([18]) Le rapporteur pour avis rappelle qu’il avait déjà proposé avec sa collègue Mme Violette Spillebout, dans leur communication présentée le 15 février 2023 en conclusion d’une mission flash sur l’éducation critique aux médias, la création d’un pass Culture et Médias.

([19]) En 2018, l’AFP était endettée à hauteur de 48 millions d’euros.

([20]) Rapport au Parlement du conseil supérieur de l’AFP, septembre 2023.

([21]) Le ministre de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et la ministre de la Culture ont, par une lettre du 23 mai 2023, chargé l’Inspection générale des finances (IGF) et l’Inspection générale des affaires culturelles (Igac) d’une mission sur la distribution de la presse. Cette mission portera notamment sur la distribution de la presse quotidienne, nationale comme régionale, et rendra son rapport à l’automne 2023.

([22]) Le coût de cette aide est calculé par l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale.

([23]) Ce ratio est mesuré par l’indicateur 3.3 – Part de l’aide publique globale accordée à la presse d’information politique et générale du projet annuel de performance du programme 180.

([24]) Décret n° 2023-347 du 4 mai 2023 modifiant le décret n° 2004-1312 du 26 novembre 2004 relatif au fonds d’aide au pluralisme de la presse périodique régionale et locale.

([25]) Soit les collectivités régies par l’article 73 de la Constitution, Saint-Martin, la Nouvelle-Calédonie et la Polynésie française.

([26]) Augmentation de la productivité au moyen de la mutation et de la modernisation industrielles, de développements numériques et projets assurant le rayonnement de la presse française dans les pays francophones.

([27]) Décret n° 2020-1552 du 9 décembre 2020 portant réforme du fonds stratégique pour le développement de la presse et du fonds de soutien à l’émergence et à l’innovation dans la presse.

([28]) La bourse d'émergence a pour objectif de soutenir la conception, le lancement et le début du développement de nouvelles publications imprimées ou de nouveaux services de presse en ligne.

([29]) En 2022, 739 radios associatives ont bénéficié d’une aide publique versée par le FSER.

([30]) Digital Audio Broadcasting, ou radiodiffusion numérique.

([31]) Arcom, Rapport annuel 2022, juin 2023.

([32]) Selon les chiffres de Radiométrie Maroc.

([33]) Ces données sont mesurées par l’indicateur de performance 1.1 Fréquentation des bibliothèques du programme 334.

([34]) Le droit de prêt public permet aux auteurs et autres titulaires de droits de toucher une rémunération de l’État en contrepartie du prêt à titre gratuit de leurs livres par les bibliothèques, notamment publiques.

([35]) Article R. 341-2 du code du patrimoine.

([36]) L’activité de la BNF se répartit sur sept sites : la BNF-François-Mitterrand, la BNF-Richelieu, la bibliothèque de l’Arsenal, la BNF-Opéra, la BNF-Avignon, le centre technique de Bussy-Saint-Georges et le centre de conservation à Sablé-sur-Sarthe. Ces deux derniers sont consacrés à des activités de conservation et de traitement des collections.

([37]) Article 220 octies du code général des impôts.

([38]) Tome II de l’évaluation des voies et moyens annexée au projet de loi de finances pour 2024.

([39]) Article 220 quindecies du code général des impôts.

([40]) Article 220 septdecies du code général des impôts.

([41]) Il s’agit des amendements n° 1269 et identiques, n° 1270 et identiques, et n° 1271 et identiques après l’article 5 de Mme Emmanuelle Anthoine.

([42]) Julien Bargeton, La stratégie de financement de la filière musicale en France : faire du Centre national de la musique l’outil d’une nouvelle ambition, avril 2023.

([43]) Selon les données de la Fédération internationale de l’industrie phonographique.

([44]) CJUE, Recorded Artists Avtores Performers Ltd contre Phonographic Performance (Ireland) Ltd, 8 septembre 2020. Les titres dont les titulaires de droits étaient situés hors de l’Union européenne (notamment aux États-Unis) n’étaient jusqu’alors pas rémunérés car les droits à rémunération équitable collectés sur ces enregistrements étaient considérés jusqu’à présent comme des « irrépartissables juridiques » et affectés au financement de l’aide aux auteurs. Dans son arrêt, la CJUE a indiqué que les OGC des droits d’auteur de l’Union européenne devaient traiter les créateurs de musique de manière égale, quelle que soit leur nationalité. Les OGC devront désormais rémunérer tous les détenteurs de droits. L’application de l’arrêt de la Cour représente une charge annuelle comprise entre 25 et 30 millions d’euros pour les OGC français.

([45]) 7,5 millions d’euros en 2020, 7,5 millions d’euros en 2021 et 5 millions d’euros en 2022.

([46]) Source : Fédération internationale de l’industrie phonographique.

([47]) La taxe billetterie est prévue par l’article 76 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances rectificative pour 2003. Son taux est fixé à 3,5 %.

([48])  Cette taxe est prévue par l’article 1609 sexdecies B. Son taux est de 5,5 % et est porté à 15 % lorsque les opérations concernent des œuvres ou documents cinématographiques ou audiovisuels à caractère pornographique ou d’incitation à la violence.

([49]) Selon les données communiquées par le Syndicat national de l’édition phonographique (Snep), Deezer, Spotify et Qobuz reversent 70 % de leur chiffre d’affaires aux ayants droits.

([50]) Voir notamment le communiqué de presse commun, en date du 13 octobre 2023, du Syndicat national du spectacle musical et de variété (Prodiss), du Syndicat des musiques actuelles (SMA) et de l’Union des producteurs phonographiques français indépendants (UPFI).

([51]) Cour des comptes, Le Centre national du cinéma et de l’image animée, 20 septembre 2023.

([52]) Bilan 2022 du CNC.

([53]) Rapport d’information n° 610 (2022-2023) de M. Roger Karoutchi sur le financement public du cinéma, enregistré à la présidence du Sénat le 17 mai 2023.

([54]) Le CNC soutient aussi la création numérique sur internet, la réalité virtuelle et le jeu vidéo.

([55]) Les montants ainsi collectés sont redistribués aux acteurs économiques du secteur basés en France (sociétés de production, société de distribution, salles de cinéma) via un compte de soutien automatique de la société, et dont le montant est proportionnel au succès commercial des œuvres exploitées.

([56]) Centre national du cinéma et de l’image animée, document stratégique de performance du CNC dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2024.

([57]) En l’état du droit, le crédit d’impôt est ouvert pour les dépenses effectuées en France jusqu’au 31 décembre 2024.

([58]) CNC, rapport d’évaluation des crédits d’impôt 2022, 30 septembre 2023.

([59]) EY Consulting, Évaluation de l’impact des crédits d’impôt relevant du CNC de 2017 à 2021, juillet 2023.

([60]) Article 220 sexies du code général des impôts.

([61]) Amendement n° 1285 de M. Inaki Echaniz et plusieurs de ses collègues, après l’article 3, amendement n° 4857 de Michel Herbillon, amendement n° 5019 de Mme Constance Le Grip et plusieurs de ses collègues, amendement n° 5217 de Mme Isabelle Rauch et plusieurs de ses collègues.

([62]https://lesvoix.fr/wp-content/uploads/2023/06/2023-06-22-Lettre-Ouverte-IA-LesVoix-SFA-SNAPAC-SIA-UNSA.pdf

([63]) Arcom, rapport annuel 2022, juin 2023.

([64]) Les autorisations de nombreuses chaînes arriveront à échéance d’ici 2025.

([65]) Si les montants négociés entre les fabricants de téléviseurs et les grands Smad ne sont pas connus, M. Christophe Tardieu, secrétaire général de France Télévisions, a indiqué au rapporteur pour avis que ces deniers payaient « très cher » pour bénéficier de la meilleure exposition possible sur les interfaces d’accueil.

([66]) L’article 4 du décret n° 2022-1541 du 7 décembre 2022 pris pour l’application de l’article 20-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et fixant le seuil de déclenchement et le délai d’application des obligations de visibilité appropriée des services d’intérêt général prévoit que l’Arcom publie au plus tard le 15 mars de chaque année la liste des interfaces utilisateurs assujetties aux obligations de visibilité appropriée des services d’intérêt général, prévues par le II de l’article 20-7 de la loi du 30 septembre 1986. Orange, Free, Bouygues Telecom, SFR, sont mentionnés par l’Arcom dans la catégorie des distributeurs de services.

([67])  Les offres triple play sont des offres commerciales associant trois services dans le cadre d’un seul contrat : un accès à internet, un service de téléphonie fixe et des services télévisuels.

([68]) RMC, BFM TV et SFR appartiennent tous trois au groupe Altice Média.

([69]) L’OTT (over the top) est définie par l’Arcom comme un mode de distribution de contenus sur internet sans l’intermédiaire des FAI au-delà de l’acheminement des données. La diffusion OTT se définit par opposition aux réseaux classiques de diffusion de services de télévision (réseaux gérés par des FAI, réseau hertzien, câbles, etc.). Les boîtiers TV connectés, comme Chromecast ou Apple TV, ainsi que Molotov ou Amazon Prime, rentrent dans cette catégorie.

([70]) Article premier de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.

([71]) Décret n° 2022-1541 du 7 décembre 2022 pris pour l’application de l’article 20-7 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et fixant le seuil de déclenchement et le délai d’application des obligations de visibilité appropriée des services d’intérêt général.

([72]) La notion de distributeur de services est définie par l’article 2-1 de la loi du 30 septembre 1986. Il s’agit de toute personne qui établit avec des éditeurs de services des relations contractuelles en vue de constituer une offre de services de communication audiovisuelle mise à disposition du public par un réseau de communications électroniques au sens du 2° de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques. Est également regardée comme distributeur de services toute personne qui constitue une telle offre en établissant des relations contractuelles avec d’autres distributeurs.

([73])  https://www.arcom.fr/sites/default/files/2023-03/Liste%20des%20interfaces%20assujetties%20aux%20obligations%20de%20l%27article%2020-7%20de%20la%20loi%20du%2030%20septembre%201986%20et%20du%20d%C3%A9cret%20du%207%20d%C3%A9cembre%202022.pdf

([74]) L’Arcom a reçu 24 contributions, émanant de plusieurs catégories d’acteurs (éditeurs de services audiovisuels, distributeurs, fabricants, opérateurs d’infrastructures, syndicats et organisations professionnelles).

([75]) Directive 2000/31/CE du Parlement européen et du Conseil du 8 juin 2000 relative à certains aspects juridiques des services de la société de l’information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur (« directive sur le commerce électronique »).

([76]) Définis comme tout service fourni, notamment contre rémunération, à distance au moyen d’équipement  électronique de traitement (y compris la compression numérique) et de stockage des données, à la demande individuelle d’un destinataire de services.

([77]) Trois types de services seraient inclus dans le périmètre des SIG : les services publics de médias audiovisuels et radiophoniques, distribués gratuitement soit par la télévision numérique terrestre, par satellite ou en ligne (télévision ou radio de rattrapage, FM en ligne et DAB+) ; les services audiovisuels et radiophoniques commerciaux (privés) nationaux distribués gratuitement selon les modalités susmentionnées ; les services audiovisuels et radiophoniques commerciaux (privés) locaux distribués par l’intermédiaire de la télévision numérique terrestre.

([78]) L’article 258 permet à la Commission européenne, si elle estime qu’un État membre a manqué à une des obligations qui lui incombent en vertu des traités, d’émettre un avis motivé à ce sujet, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations. Si l’État en cause ne se conforme pas à cet avis dans le délai déterminé par la Commission, celle-ci peut saisir la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) dans le cadre d’un recours en manquement.

([79]) Le règlement européen sur la liberté des médias a été présenté par la Commission européenne le 16 septembre 2022. Le Conseil de l’Union européenne a adopté une position commune le 21 juin 2023, puis le Parlement européen a adopté un texte le 3 octobre 2023. Le Conseil et le Parlement européen doivent désormais trouver un compromis, dans le cadre de la procédure législative ordinaire.

([80])  https://assnat.fr/HpoEDI

([81])  https://assnat.fr/pcak9U