N° 1781
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ASSEMBLÉE NATIONALE
CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
QUINZIÈME LÉGISLATURE
Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 18 octobre 2023.
AVIS
PRÉSENTÉ
AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES CULTURELLES ET DE L’ÉDUCATION SUR LE PROJET DE LOI de finances pour 2024,
TOME VI
RECHERCHE ET ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR
RECHERCHE
Par M. Philippe BERTA,
Député.
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Voir les numéros :
Assemblée nationale : 1680, 1745 (annexe n° 36).
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Pages
premiere PARTIE : Présentation des crédits en faveur de la recherche
I. La poursuite du respect de la trajectoire fixÉe par la loi de programmation de la recherche
II. Programme 172 : Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
III. Programme 150 : Formations supÉrieures et recherche universitaire
IV. Programme 193 : Recherche spatiale
V. D’importants crédits additionnels
I. éTAT DES LIEUX DE LA RECHERCHE BIOMéDICALE EN FRANCE
B. L’affaiblissement progressif de la recherche biomÉdicale FranÇaise
1. Les indicateurs de publication
a. Les publications toutes disciplines confondues
b. Les publications en matière de recherche biomédicale
3. La crise de la covid-19, révélateur de l’affaiblissement français ?
C. des dÉpenses sous-calibrÉes et des circuits de financement pluriels
a. Des budgets consacrés à la recherche en biologie santé insuffisants en dépit des efforts récents
b. Les effets du sous-investissement dans la recherche
a. Les financements au titre du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
b. Les financements au titre du ministère de la Santé
c. Les financements au titre des Investissements d’avenir
d. Les autres sources de financements publics
e. Les sources de financements privés
3. Une recherche en biologie santé se singularisant par une constellation d’opérateurs
a. Les établissements et structures qui mènent des activités de recherche en biologie santé
b. Des structures innovantes s’inscrivant dans le continuum recherche
d. Les structures d’évaluation des opérateurs de recherche
a. Un cadre juridique favorable à la valorisation des activités et des résultats scientifiques
b. Valorisation de la recherche publique : transfert de technologie et recherche partenariale
II. Constats et recommandations
B. MIEUX PILOTER L’ORGANISATION DE LA RECHERCHE EN BIOLOGIE SANTÉ
b. La mise en place d’outils de pilotage appropriés
c. La mise en place d’une vision consolidée des crédits alloués à la recherche biomédicale
3. Au niveau international, réactiver la diplomatie scientifique
C. AMÉLIORER LE FONCTIONNEMENT DE LA RECHERCHE
1. Redonner du temps de recherche aux chercheurs
a. Mettre en place un « guichet unique » pour les appels à projets
b. Prévoir des contrats de recherche sur cinq ans au minimum
c. Harmoniser les formats des contrats entre les organismes de recherche
d. Réduire le temps consacré à la préparation des évaluations
2. Améliorer l’évaluation de la recherche
D. INTERROGER L’ORGANISATION DE LA VALORISATION DES ACTIVITÉS DE RECHERCHE
E. renforcer le lien entre la recherche biomÉdicale et La PRÉVENTION SANTÉ
1. Réunion du jeudi 26 octobre 2023 à 9 heures 30
2. Réunion du jeudi 26 octobre 2023 à 15 heures
ANNEXE : Liste des personnes entendues par le rapporteur pour avis
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premiere PARTIE : Présentation des crédits en faveur de la recherche
Le budget de la recherche s’inscrit cette année encore dans une trajectoire ascendante et amplifie la hausse des moyens qui avait marqué la loi de finances initiale pour 2023.
En 2024, le budget du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (MESR) progresserait de près de 794,13 millions d’euros par rapport à la loi de finances (LFI) pour 2023, hors financements issus du Plan de relance et de France 2030. Le rapporteur pour avis ne peut que se réjouir d’une telle évolution.
Les crédits alloués à la recherche s’élèveraient à 12 939,33 millions d’euros en autorisations d’engagement (AE) et 12 498,03 millions d’euros en crédits de paiement (CP), répartis entre l’action Recherche du programme 150 Formations supérieures et recherche universitaire, pour 4 316,63 millions d’euros en AE et CP, et le programme 172 Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, à hauteur de 8 622,70 millions d’euros en AE et 8 181,40 millions d’euros en CP.
Le rapporteur pour avis souligne la poursuite des efforts inédits en faveur du budget affecté à la recherche, lesquels résultent de la quatrième année d’application de la loi de programmation de la recherche (LPR) ([1]) .
Le respect de la trajectoire prévue à l’article 2 de la LPR a conduit à l’accroissement des crédits du programme Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires de 1 109 millions d’euros entre 2020 et le PLF pour 2024.
Ces ressources ont notamment participé à la mise en œuvre de l’amélioration des rémunérations des personnels à hauteur de 258 millions d’euros entre 2020 et ce qui est prévu dans le PLF 2024. La LPR a amorcé l’engagement d’un vaste plan de revalorisation indemnitaire de 644 millions d’euros en sept tranches annuelles de 92 millions d’euros ainsi qu’un effort de convergence des différents régimes indemnitaires de l’enseignement supérieur et de la recherche. Pour les corps des chercheurs et des enseignants-chercheurs, cet objectif se traduit par une refonte du régime indemnitaire pour arriver à un régime unifié articulé autour de trois composantes (mission liée au grade, composante fonctionnelle liée à l’exercice de certaines fonctions et responsabilités particulières, et composante individuelle). En 2024, le montant indemnitaire de base augmenterait de près de 3 000 euros bruts par an par rapport à 2020, avec une revalorisation cible en 2027 de 6 400 euros bruts par an.
De plus, la LPR prévoit de porter la rémunération minimale brute des doctorants financés par le MESR à 2 300 euros par mois. L’arrêté du 21 décembre 2022 a déjà porté cette rémunération à 2 044 euros bruts par mois à compter du 1er janvier 2023 ; cette hausse bénéficie aux nouveaux doctorants, ainsi qu’à ceux déjà recrutés. La LPR a par ailleurs permis d’augmenter le nombre de nouveaux recrutements. Depuis 2020, plus de 1 100 contrats doctoraux nouveaux (dont plus de 300 sur le programme Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires) ont déjà été ouverts, ainsi que 300 contrats résultant de la convention industrielle de formation par la recherche (Cifre). 100 contrats Cifre supplémentaires seraient signés en 2024.
Les moyens ouverts par la LPR permettraient également que 509 millions d’euros supplémentaires en AE soient alloués en 2024 à la recherche compétitive via l’Agence nationale pour la recherche (ANR) par rapport aux crédits disponibles en 2020. L’enveloppe des AE allouée aux appels à projets de l’ANR augmenterait à nouveau en 2024 de 106 millions d’euros afin d’accroître encore les taux de dossiers retenus, notamment sur l’appel à projets dit « générique ». De même, les laboratoires verraient leur dotation de base progresser, en 2024, de 70 millions d’euros en CP par rapport à 2020.
Le rapporteur pour avis se réjouit de cette hausse des crédits et notamment des revalorisations, qui sont nécessaires. Il souhaite cependant attirer l’attention sur le risque accru de tension budgétaire pesant sur les différentes structures, tant du fait de la hausse des prix de l’énergie et de l’inflation qu’en raison du « reste à charge » associé aux revalorisations indemnitaires. Même si les subventions versées aux organismes seraient augmentées à ce titre de 45 millions d’euros en 2024, cela ne représenterait que 50 % du surcoût (ou 60 % pour les opérateurs les plus fragilisés, grâce à des abondements additionnels). Aussi la demande « d’effort en responsabilité » ‒ selon la terminologie employée par le Gouvernement ‒ qui leur est adressée ne saurait être pérenne, les réserves financières des entités concernées n’étant pas illimitées et leurs fonds propres ayant vocation à couvrir d’autres types de dépenses.
Le rapporteur pour avis réitère également son interrogation sur l’opportunité de réduire la durée de programmation de la LPR à budget constant, en la faisant passer de sept à cinq ans, afin d’accroître plus significativement encore le budget de la recherche et de faire coïncider ce plan avec la durée de la mandature et du quinquennat présidentiel.
Concernant le présent projet de budget, le rapporteur pour avis estime qu’il est à la hauteur des besoins et des ambitions de la recherche française. Il émet, par conséquent, un avis favorable à l’adoption des crédits de la mission Recherche et enseignement supérieur du projet de loi de finances pour 2024.
L’article 49 de la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances fixe au 10 octobre la date limite pour le retour des réponses aux questionnaires budgétaires.
À cette date, 82 % des réponses étaient parvenues.
I. La poursuite du respect de la trajectoire fixÉe par la loi de programmation de la recherche
Le projet de loi de finances (PLF) pour 2024 poursuit la hausse des crédits alloués en faveur de la recherche. La mission Recherche et enseignement supérieur connaît une hausse de 3,55 % en AE et 3,29 % en CP, soit 1 042,18 millions d’euros et 1 012,96 millions d’euros respectivement.
À ces montants s’ajoutent les crédits ouverts dans les missions Plan de Relance et Investir pour la France de 2030 dont certaines actions entrent dans le champ de la recherche.
Le rapporteur pour avis salue cet engagement réaffirmé du Gouvernement en faveur de la recherche, qui traduit l’attention particulière qu’il porte au respect de la trajectoire fixée par la LPR.
RÉCAPITULATION DES CRÉDITS PAR PROGRAMMEs
(en millions d’euros)
Numéro et intitulé du programme et du titre |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
||
Ouvertes en LFI pour 2023 |
Demandées pour 2024 |
Ouverts en LFI pour 2023 |
Demandés pour 2024 |
|
150 - Formations supérieures et recherche universitaire |
15 205,81 |
15 277,05 |
14 907,80 |
15 180,79 |
231 - Vie étudiante |
3 136,41 |
3 357,41 |
3 130,19 |
3 326,64 |
172 - Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires |
8 070,81 |
8 622,70 |
7 833,53 |
8 181,40 |
193 - Recherche spatiale |
1 865,68 |
1 900,18 |
1 865,68 |
1 900,18 |
190 - Recherche dans les domaines de l’énergie, du développement et de la mobilité durables |
1 675,83 |
1 888,58 |
1 800,83 |
1 948,48 |
192 - Recherche et enseignement supérieur en matière économique et industrielle |
681,60 |
678,14 |
693,74 |
688,64 |
191 - Recherche duale (civile et militaire) |
150,02 |
150,02 |
150,02 |
150,02 |
142 - Enseignement supérieur et recherche agricoles |
426,49 |
445,10 |
424,40 |
443,41 |
TOTAL |
31 212,65 |
32 319,18 |
30 806,19 |
31 819,15 |
Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Recherche et enseignement supérieur.
— 1 —
II. Programme 172 : Recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires
Par rapport à la loi de finances initiale (LFI) pour 2023, les crédits du programme 172 passeraient, dans le PLF pour 2024, de 8 070,81 millions d’euros à 8 622,70 millions d’euros en AE, soit une hausse de 551,89 millions d’euros (6,84 %), et de 7 833,53 millions d’euros à 8 181,40 millions d’euros en CP, soit une hausse de 347,87 millions d’euros (4,44 %).
Évolution des autorisations d’engagement inscrites au programme 172 de la mission recherche et enseignement supérieur entre 2023 et 2024
Numéro et intitulé de l’action concernée (nomenclature 2023) |
LFI 2023 (en millions d’euros) |
PLF 2024 (en millions d’euros) |
Variations constatées entre 2024 et 2023 |
01 – Pilotage et animation |
296,75 |
458,68 |
+ 54,57 % |
02 – Agence nationale de la recherche |
1 225,72 |
1 349,7 |
+ 10,11 % |
11 – Recherches interdisciplinaires et transversales |
80,73 |
82,77 |
+ 2,52 % |
12 – Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies |
167,66 |
171,52 |
+ 2,30 % |
13 – Grandes infrastructures de recherche |
257,71 |
377,71 |
+ 46,56 % |
14 – Moyens généraux et d’appui à la recherche |
1 109,21 |
1 140,06 |
+ 2,78 % |
15 – Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé |
1 319,52 |
1 349,72 |
+ 2,29 % |
16 – Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information |
1 076,86 |
1 103,57 |
+ 2,48 % |
17 – Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie |
878,54 |
899,56 |
+ 2,39 % |
18 – Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement |
1 217,20 |
1 238,45 |
+ 1,75 % |
19 – Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sciences sociales |
440,91 |
450,98 |
+ 2,28 % |
Total |
8 070,81 |
8 622,70 |
+ 6,84 % |
Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Recherche et enseignement supérieur.
Les crédits demandés au titre du programme 172 se répartissent de la manière suivante.
● L’action 1 Pilotage et animation finance l’administration centrale du ministère qui élabore la politique de l’État en matière de recherche, de développement technologique, d’innovation, dans le secteur public comme dans le privé, et assure la tutelle de l’ensemble des opérateurs de recherche du programme. Ses crédits en AE passeraient de 296,75 millions d’euros en LFI pour 2023 à 458,68 millions d’euros en PLF pour 2024, soit une hausse de 54,57 % et de 161,93 millions d’euros. En CP, la hausse serait moitié moindre : 43,77 millions d’euros supplémentaires seraient alloués à cette action, soit augmentation de 19,93 %, pour s’établir à 341,08 millions d’euros, contre 284,39 millions d’euros en LFI 2023. Après une baisse en PLF pour 2023 de 9,35 % en AE (et 13,34 % en CP), cette importante revalorisation s’explique notamment par les besoins sur le projet ParisSanté Campus ([2]) et la mesure « relais PIA ».
C’est cette action (en sa sous-action 8 Renforcement des liens entre science et société) qui finance la Science avec et pour la société (SAPS) et les actions de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle (CSTI). 8,94 millions d’euros y seraient consacrés en 2024 (contre 5,94 millions d’euros en PLF pour 2023). Le rapporteur pour avis se réjouit de cette hausse mais rappelle ‒ pour le déplorer ‒ que la présidence du Conseil national de la culture scientifique, technique et industrielle est vacante depuis plus de deux ans ([3]) .
● L’action 2 Agence nationale de la recherche (ANR) regroupe les crédits budgétaires qui permettent à celle-ci de financer les établissements de recherche par appels à projets. L’ANR a une double mission : soutenir des projets pour produire de nouvelles connaissances et savoir-faire, et favoriser les intéractions entre les laboratoires publics et les laboratoires privés, en développant des collaborations.
Les crédits programmés sur cette action seraient cette année encore en augmentation : de 123,98 millions d’euros en AE, soit 10,11 %, et de 125,2 millions d’euros en CP, soit 13,03 %. Cet accroissement correspond principalement à l’augmentation des dépenses d’intervention opérées par l’ANR, conformément à la trajectoire définie par la LPR et à l’augmentation de ses moyens récurrents (pour 2 millions d’euros), complétant la progression de son plafond d’emplois.
● L’action 11 Recherches interdisciplinaires et transversales est destinée à soutenir la dynamique interdisciplinaire, caractéristique majeure de la recherche scientifique du XXIe siècle. Dotée de 82,77 millions d’euros en AE et en CP, ses crédits augmenteraient de 2,52 %, soit 2,04 millions d’euros par rapport à la LFI pour 2023. L’action permet de verser au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et au Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) respectivement 58,72 millions d’euros et 24,05 millions d’euros pour charges de service public.
L’action 12 Diffusion, valorisation et transfert des connaissances et des technologies verrait son budget augmenter de 4,96 % en AE et en CP par rapport à la LFI pour 2023, ce qui représenterait une hausse de 7,93 millions d’euros. Cette action finance notamment le deuxième Plan national pour la science ouverte lancé par le MESR en juillet 2021 qui s’organise autour de quatre axes : généraliser l’accès ouvert aux publications ; structurer, partager et ouvrir les données de la recherche ; ouvrir et promouvoir les codes sources produits par la recherche ; transformer les pratiques pour faire de la science ouverte le principe par défaut. Une partie du budget abonde également le Fonds national pour la science ouverte (FNSO) ainsi que l’entrepôt pluridisciplinaire Recherche Data Gouv qui s’est renforcé dès 2023 avec le déploiement d’un dispositif complet d’accompagnement des équipes de recherche pour la gestion des données, la gestion d’un entrepôt de données pluridisciplinaire et la création d’un catalogue des données de la recherche française. Cette action participe également au financement des opérateurs du programme au travers de subventions pour charges de service public (le CNRS recevra par exemple 58,72 millions d’euros et l’Institut de recherche pour le développement 31,93 millions d’euros).
● L’action 13 Grandes infrastructures de recherche finance ces structures dont le premier objectif est de mener une recherche d’excellence et d’assurer une mission de service pour une ou plusieurs communautés scientifiques. Ces infrastructures constituent des outils de recherche mutualisés à la frontière des connaissances technologiques et scientifiques dont l’importance du coût de construction et d’exploitation justifie des processus de décision particuliers. Les crédits de cette action augmenteraient très fortement en 2024 après une hausse importante en 2023. Les AE de cette action pour 2024 atteindraient 377,71 millions d’euros, soit une hausse de 46,56 %. En CP, l’évolution seraient moins marquée, avec une croissance de 6,72 %. Cette importante variation s’explique par la nature même de la dépense, qui nécessite d’importantes ouvertures de crédits en AE, dont la consommation s’étale sur plusieurs années. Le PLF pour 2024 finalise la mise en œuvre de la première vague d’opérations de la mesure « LPR équipement » (2022-2024) qui s’était traduite dans la LFI pour 2022 par l’ouverture de 100 millions d’euros en AE sur trois ans. Le PLF pour 2024 prévoit 20 millions d’euros en CP pour terminer la couverture de ces engagements. Parallèlement, ce PLF marque le début de la mise en œuvre de la deuxième vague d’opérations de la mesure « LPR équipement », permettant la suite des investissements dans des infrastructures d’importance stratégique nationale avec une ouverture de 120 millions d’euros en AE (les projets bénéficiaires et l’échelonnement des CP entre 2024 et 2027 sont en cours d’instruction).
● L’action 14 Moyens généraux et d’appui à la recherche concerne les moyens que les organismes de recherche doivent administrer afin de gérer et d’optimiser leurs processus de production de connaissances et de technologies. Cela se matérialise par des coûts indirects, a priori non imputables à un domaine de recherche particulier. Les moyens de cette action augmenteraient de 2,29 % en AE et en CP dans le PLF pour 2024 par rapport à la LFI pour 2023, s’établissant à 1 140,06 millions d’euros. Cette action dispose d’un poste « non ventilé » permettant d’allouer des crédits supplémentaires aux opérateurs en gestion, selon les besoins observés (à hauteur de 7,04 millions d’euros).
● L’action 15 Recherches scientifiques et technologiques en sciences de la vie et de la santé verrait ses crédits augmenter en 2024 en AE et en CP de 2,29 %, soit une hausse de 30,2 millions d’euros, pour s’établir à 1 349,75 millions d’euros. Cette action finance principalement la recherche des opérateurs en ce domaine, réunis sous l’alliance Aviesan (cf. infra programme 150). Les opérateurs principaux sont le CNRS (587,19 millions d’euros) et l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) (537,88 millions d’euros), ainsi que les Instituts Pasteur et Curie, les centres de lutte contre les cancers et les différents groupements d’intérêt public de recherche relevant des sciences de la vie et de la santé.
● Les crédits de l’action 16 Recherches scientifiques et technologiques en sciences et techniques de l’information passeraient de 1 076,86 millions d’euros à 1 103,57 millions d’euros en AE et en CP, soit une hausse de 2,48 %. Comme l’action précédente, l’action 16 finance la recherche dans ce domaine à travers le financement des opérateurs dont, notamment, le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) (235,66 millions d’euros), le CNRS (763,34 millions d’euros) et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria) (103,94 millions d’euros) qui sont réunis sous l’alliance Allistene (cf. infra programme 150).
● L’action 17 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’énergie finance la recherche des opérateurs dans ce domaine, réunis au sein de l’alliance Ancre (cf. infra programme 150). Ses crédits augmenteraient de 2,39 % en AE et CP en 2024 pour s’établir à 899,56 millions d’euros. L’opérateur principal de cette action est là encore le CNRS (322,95 millions d’euros) et ces crédits permettent également, via le CEA, de financer la contribution de l’État au projet de réacteur expérimental à fusion nucléaire Iter.
● L’action 18 Recherches scientifiques et technologiques dans le domaine de l’environnement verrait ses crédits augmenter en 2024 de 1,75 % en AE et en CP ce qui représenterait un budget de 1 238,45 millions d’euros. L’alliance Allenvi (cf infra programme 150) regroupe les opérateurs de recherche dans ce domaine. Le premier opérateur financé par cette action est l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae), avec 558,21 millions d euros.
● L’action 19 Recherches scientifiques et technologiques en sciences humaines et sciences sociales finance les opérateurs de l’alliance Athena. Elle permet le développement de recherches dans de nouvelles matières telles que les « humanités numériques » qui se trouvent à la croisée des sciences humaines et sociales et de l’information. L’action serait dotée pour 2024 de 450,98 millions d’euros, soit 2,28 % d’augmentation par rapport à la LFI pour 2023. Les principaux opérateurs sont les CNRS (352,31 millions d’euros) et l’Inrae (51,53 millions d’euros).
RÉCAPITULATIF DES crÉdits allouÉs aux opÉrateurs de la mission Recherche et enseignement supÉrieur
(en euros)
|
LFI 2023 |
PLF 2024 |
||
Opérateur financé (Programme chef de file) Nature de la dépense |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
Opérateurs de soutien à l’enseignement supérieur et à la recherche (P150) |
10 305 000 |
10 305 000 |
10 305 000 |
10 305 000 |
Subventions pour charges de service public |
10 305 000 |
10 305 000 |
10 305 000 |
10 305 000 |
ANR - Agence nationale de la recherche (P172) |
1 225 720 000 |
960 800 000 |
1 349 700 000 |
1 086 000 000 |
Subventions pour charges de service public |
38 000 000 |
38 000 000 |
40 000 000 |
40 000 000 |
Transferts |
1 187 720 000 |
922 800 000 |
1 309 700 000 |
1 046 000 000 |
Académie des technologies (P172) |
1 359 000 |
1 359 000 |
1 359 000 |
1 359 000 |
Subventions pour charges de service public |
1 359 000 |
1 359 000 |
1 359 000 |
1 359 000 |
Ihest - Institut des hautes études pour la science et la technologie (P172) |
1 539 000 |
1 539 000 |
0 |
0 |
Subventions pour charges de service public |
1 539 000 |
1 539 000 |
0 |
0 |
IRD - Institut de recherche pour le développement (P172) |
222 706 500 |
222 706 500 |
228 060 000 |
228 060 000 |
Subventions pour charges de service public |
222 706 500 |
222 706 500 |
228 060 000 |
228 060 000 |
Inserm - Institut national de la santé et de la recherche médicale (P172) |
710 370 500 |
710 370 500 |
726 860 000 |
726 860 000 |
Subventions pour charges de service public |
710 370 500 |
710 370 500 |
726 860 000 |
726 860 000 |
Ined - Institut national d’études démographiques (P172) |
18 917 000 |
18 917 000 |
19 382 000 |
19 382 000 |
Subventions pour charges de service public |
18 917 000 |
18 917 000 |
19 382 000 |
19 382 000 |
Inrae - Institut national pour la recherche en agriculture, alimentation et environnement (P172) |
839 978 000 |
839 978 000 |
858 781 000 |
858 781 000 |
Subventions pour charges de service public |
839 978 000 |
839 978 000 |
858 781 000 |
858 781 000 |
CNRS - Centre national de la recherche scientifique (P172) |
3 048 509 000 |
3 049 009 000 |
3 122 522 260 |
3 122 522 260 |
Subventions pour charges de service public |
2 966 266 000 |
2 966 266 000 |
3 032 527 000 |
3 032 527 000 |
Dotations en fonds propres |
0 |
500 000 |
0 |
500 000 |
Transferts |
82 243 000 |
82 243 000 |
89 995 260 |
89 995 260 |
Inria - Institut national de recherche en informatique et en automatique (P172) |
191 689 000 |
191 689 000 |
196 431 000 |
196 431 000 |
Subventions pour charges de service public |
191 689 000 |
191 689 000 |
196 431 000 |
196 431 000 |
Ipev - Institut polaire français Paul-Émile Victor (P172) |
15 191 000 |
20 191 000 |
15 201 000 |
15 201 000 |
Subventions pour charges de service public |
15 191 000 |
15 191 000 |
15 201 000 |
15 201 000 |
Dotations en fonds propres |
0 |
5 000 000 |
|
|
Genopole (P172) |
2 942 000 |
2 942 000 |
2 942 000 |
2 942 000 |
Subventions pour charges de service public |
2 942 000 |
2 942 000 |
2 942 000 |
2 942 000 |
Ifremer - Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (P172) |
184 309 000 |
197 889 645 |
186 369 000 |
186 369 000 |
Subventions pour charges de service public |
184 309 000 |
184 309 000 |
186 369 000 |
186 369 000 |
Dotations en fonds propres |
0 |
13 580 645 |
|
|
Cirad - Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (P172) |
136 288 000 |
136 288 000 |
138 660 000 |
138 660 000 |
Subventions pour charges de service public |
136 288 000 |
136 288 000 |
138 660 000 |
138 660 000 |
BRGM - Bureau de recherches géologiques et minières (P172) |
53 749 000 |
53 749 000 |
54 950 000 |
54 950 000 |
Subventions pour charges de service public |
53 749 000 |
53 749 000 |
54 950 000 |
54 950 000 |
CEA - Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (P172) |
746 232 000 |
746 232 000 |
742 973 779 |
742 973 779 |
Subventions pour charges de service public |
525 347 000 |
525 347 000 |
539 556 000 |
539 556 000 |
Transferts |
220 885 000 |
220 885 000 |
203 417 779 |
203 417 779 |
Total |
7 409 804 000 |
7 163 964 645 |
7 654 496 039 |
7 408 415 394 |
Total des subventions pour charges de service public |
5 918 956 000 |
5 918 956 000 |
6 051 383 000 |
6 051 383 000 |
Total des dotations en fonds propres |
0 |
19 080 645 |
0 |
17 619 355 |
Total des transferts |
1 490 848 000 |
1 225 928 000 |
1 603 113 039 |
1 339 413 039 |
Total des subventions pour charges d’investissement |
0 |
0 |
0 |
0 |
Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Recherche et enseignement supérieur.
— 1 —
III. Programme 150 : Formations supÉrieures et recherche universitaire
Par rapport à la LFI pour 2023, les crédits du programme 150 passeraient, dans le PLF pour 2024, de 15 205,81 millions d’euros à 15 277,05 millions d’euros en AE, soit une légère hausse de 0,47 %, et de 14 907,80 à 15 180,78 millions d’euros en CP, soit une augmentation de 1,83 %.
Les crédits du programme 150 sont répartis en neuf actions. Parmi celles-ci, seule l’action 17 est exclusivement destinée au financement de la recherche universitaire.
Évolution des autorisations d’engagement inscrites au programme 150 de la mission recherche et enseignement supérieur entre 2023 et 2024
Numéro et intitulé de l’action concernée (nomenclature 2023) |
LFI 2023 (en millions d’euros) |
PLF 2024 (en millions d’euros) |
Variations constatées entre 2024 et 2023 |
01 – Formation initiale et continue du baccalauréat à la licence |
3 882,89 |
3 920,78 |
+ 0,98 % |
02 – Formation initiale et continue de niveau master |
2 675,68 |
2 969,35 |
+ 0,77 % |
03 – Formation initiale et continue de niveau doctorat |
453,50 |
494,29 |
+ 8,99 % |
04 – Établissements d’enseignement privés |
94,90 |
94,90 |
‑ |
05 – Bibliothèques et documentation |
474,58 |
481,84 |
+ 1,53 % |
13 – Diffusion des savoirs et musées |
131,16 |
133,67 |
+ 1,93 % |
14 – Immobilier |
1 543,20 |
1 368,91 |
‑ 11,29 % |
15 – Pilotage et support du programme |
1 726,68 |
1 769,70 |
+ 2,49 % |
17 – Recherche |
4 223,27 |
4 316,67 |
+ 2,21 % |
Total |
15 205,81 |
15 277,05 |
+ 0,47 % |
Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Recherche et enseignement supérieur.
Le rapporteur pour avis appelle à un renforcement de la prise en compte des questions de transferts et de valorisation des données et des résultats de la recherche. Cette problématique correspond à l’objectif 4 de ce programme : Améliorer le transfert et la valorisation des résultats de la recherche. La question du transfert devient de plus en plus centrale, les connaissances produites constituant une source d’innovation majeure pour l’économie nationale. Deux indicateurs permettent de mesurer cet objectif. Le premier évalue le développement de la culture de valorisation chez les opérateurs du programme : il permet une appréciation de la pertinence des brevets déposés en fonction des redevances qu’ils génèrent.
Le montant des redevances sur titres de propriété intellectuelle (brevets et logiciels) enregistre une croissance régulière en valeur absolue depuis 2014. Sa contribution en valeur relative à l’ensemble des ressources recherche des opérateurs du programme demeure cependant stable et relativement faible. En 2021, la part des ressources apportées par les redevances sur titres de propriété intellectuelle représentait ainsi seulement 0,53 % des ressources recherche totales des opérateurs du programme.
Un des principaux leviers d’action pour augmenter ces résultats est constitué par les sociétés d’accélération du transfert de technologie (Satt). Au nombre de treize aujourd’hui et fruits des investissements d’avenir, elles sensibilisent les équipes à la valorisation de la recherche.
Le rapporteur pour avis encourage le développement de cet objectif de valorisation mais rappelle que l’empilement de structures partageant certaines compétences (comme les Satt avec les universités) peut nuire à la poursuite de cet objectif et induire des coûts supplémentaires compte tenu de l’existence de doublons ou de structures parallèles.
Le second indicateur de cet objectif est le montant, dans les ressources des opérateurs, des contrats de recherche passés avec les entreprises. La part de ces contrats enregistre une croissance modérée mais régulière depuis 2014, aussi bien en valeur absolue qu’en valeur relative : elle est ainsi passée de 2,7 % des ressources recherche totales des opérateurs en 2014 à 4,3 % en 2021.
Les crédits destinés à la recherche demandés au titre de l’action 17 représentent 28,3 % du programme 150 (contre 27,8 % en LFI pour 2023). Le montant serait en augmentation de 2,21 % en AE et en CP, passant de 4 223,27 à 4 316,63 millions d’euros, soit une hausse en valeur absolue de 93,36 millions d’euros.
Ces crédits sont alloués aux opérateurs du programme 150 dans le but de développer la recherche universitaire. Ils fédèrent leurs actions par l’intermédiaire de cinq alliances thématiques : l’alliance nationale pour les sciences de la vie et de la santé (Aviesan) ; l’alliance des sciences et technologies du numérique (Allistene) ; l’alliance nationale de coordination de la recherche pour l’énergie (Ancre) ; l’alliance dans le domaine de la recherche environnementale (Allenvi) ; l’alliance nationale des humanités, sciences humaines et sciences sociales (Athena).
Le rapporteur pour avis réitère sa demande formulée l’année dernière afin qu’une réflexion soit engagée sur ces alliances. C’est notamment le cas pour l’Avisean et sa coexistence avec l’Agence de l’innovation en santé (AIS). Le rapport Gillet sur l’écosystème de la recherche et de l’innovation abonde d’ailleurs en ce sens en proposant de supprimer l’Aviesan ([4]).
L’Aviesan a cependant permis de formaliser un lieu d’échanges et de coordination entre les acteurs de la recherche en la matière, avec en particulier un conseil de coordination. La poursuite des objectifs est réalisée au sein de neuf instituts multi-organismes (Itmo), dont le rôle principal est d’animer la réflexion stratégique au sein de leur propre communauté scientifique. Ces Itmo sont un élément essentiel dans la construction d’Aviesan et constituent pour les chercheurs une source importante d’animation scientifique et de coordination. Ils sont des lieux de prospective scientifique, de positionnement stratégique vis-à-vis de l’Europe ou de l’international, et permettent même parfois l’élaboration et le suivi de plans nationaux, avec en particulier des conseils scientifiques.
L’AIS constitue quant à elle la mesure phare du Plan Innovation Santé 2030. Créée le 28 octobre 2022, elle a vocation à piloter, en lien avec les ministères et opérateurs concernés, la mise en œuvre de l’ensemble des actions du plan. Elle coordonne les travaux sur la prospective en santé pour caractériser les besoins à venir du système de santé et doit anticiper leurs impacts sur le système de prévention et de soins. Elle a également comme objet de proposer des simplifications des processus en identifiant les cas d’usages prioritaires avec l’écosystème, d’être l’interlocuteur privilégié des acteurs de l’innovation en santé et d’accompagner prioritairement les projets considérés comme stratégiques pour la France. Pour ce faire, l’AIS développe un réseau de partenaires en région. Dans un contexte interministériel, elle assure le pilotage des 7,5 milliards d’euros de France 2030 fléchés sur le Plan Innovation Santé 2030.
Les crédits prévus au titre des subventions pour charges de service public de l’action 17 s’élèveraient à 4 205,3 millions d’euros en AE et en CP, dont 86,4 millions d’euros de nouveaux moyens (contre 159,4 millions d’euros de nouveaux moyens en LFI pour 2023).
Les crédits de masse salariale représenteraient cette année 4 006,3 millions d’euros. En LFI pour 2023, ces crédits s’élevaient à 3 929,9 millions d’euros. Cette hausse est notamment liée à la revalorisation du point d’indice. Elle comprend également une mesure de transfert en masse salariale au titre du financement de la filière innovation créée au sein de l’Institut universitaire de France (IUF), à hauteur de 3,5 millions d’euros.
Les moyens nouveaux de masse salariale (72,9 millions d’euros) seront consacrés au financement de plusieurs mesures :
‒ les mesures du Rendez-vous salarial du 12 juin 2023 : revalorisation de 1,5 % de la valeur du point d’indice, attribution de 5 points d’indice supplémentaires et revalorisation des bas salaires (46 millions d’euros) ;
‒ la poursuite de la montée en puissance de la LPR (30,1 millions d’euros), qui prévoit des revalorisations indemnitaires et des dispositifs relatifs à la valorisation et au recrutement des enseignants-chercheurs ainsi que le financement, dans le cadre du dialogue contractuel, de projets de recherche et innovation. Les moyens consacrés à la dotation au démarrage, précédemment imputés en masse salariale, sont désormais imputés sur la brique fonctionnement ;
‒ l’ajustement des moyens alloués au titre de la protection sociale complémentaire dans la fonction publique (‑ 3,2 millions d’euros) au regard des données d’exécution.
ÉlÉments de la dÉpense par nature pour l’action 17
(en euros)
Titre et catégorie |
Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement
|
Dépenses de personnel |
110 605 897 |
110 605 897 |
Rémunérations d’activité |
63 871 706 |
63 871 706 |
Cotisations et contributions sociales |
45 502 839 |
45 502 839 |
Prestations sociales et allocations diverses |
1 231 352 |
1 231 352 |
Dépenses de fonctionnement |
4 205 499 530 |
4 205 499 530 |
Dépenses de fonctionnement autres que celles de personnel |
231 980 |
231 980 |
Subventions pour charges de service public |
4 205 267 550 |
4 205 267 550 |
Dépenses d’intervention |
521 128 |
521 128 |
Transferts aux autres collectivités |
521 128 |
521 128 |
Total |
4 316 626 555 |
4 316 626 555 |
Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Recherche et enseignement supérieur.
Les crédits de fonctionnement récurrents (190,5 millions d’euros) se voient dotés de 13,5 millions d’euros supplémentaires en PLF pour 2024, qui seront alloués au renforcement des mesures de la LPR dont 10 millions d’euros en lien avec la dotation au démarrage ré-imputée sur la ligne fonctionnement (cf. supra) et 3,5 millions d’euros pour les moyens aux laboratoires.
En revanche, les crédits d’accompagnement restent identiques depuis la LFI pour 2021, pour un montant de 8,4 millions d’euros. Ils sont alloués au titre de l’IUF. Il s’agit de la compensation des décharges de service (deux-tiers de service) et de la prime d’encadrement doctoral et de recherche (PEDR), chaque membre de l’IUF bénéficiant d’une dotation budgétaire finançant les travaux de recherche de son équipe.
Le rapporteur pour avis ne peut que se réjouir de ces augmentations. En plus des investissements issus de la LPR, cette nouvelle revalorisation du point d’indice participe à la vitalité et à l’attractivité de la recherche universitaire. Il constate cependant qu’une fois pris en compte les 46 millions d’euros dus au Rendez-vous salarial, l’augmentation « nette » se limite à 40,4 millions d’euros supplémentaires.
IV. Programme 193 : Recherche spatiale
Par rapport à la LFI pour 2023, les crédits du programme 193 passeraient, dans le PLF pour 2024, de 1 865,68 millions d’euros à 1 900,98 millions d’euros en AE et en CP, soit une hausse de 35,3 millions d’euros et de 1,85 %.
Depuis l’été 2020, la compétence de la politique de l’espace, confiée jusqu’alors du MESR, a été attribuée au ministère de l’Économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique. Le programme relève de la direction générale des entreprises dont le directeur général est le responsable du programme. Cependant, compte tenu de l’importance de la recherche spatiale et de l’intérêt de la Commission pour celle-ci, le rapporteur pour avis continue d’analyser les crédits qui lui sont affectés.
Évolution des autorisations d’engagement inscrites au programme 193 de la mission recherche et enseignement supérieur entre 2023 et 2024
Numéro et intitulé de l’action concernée (nomenclature 2023) |
LFI 2023 (en millions d’euros) |
PLF 2024 (en millions d’euros) |
Variations |
01 – Développement de la technologie spatiale au service de la science |
242,76 |
287,34 |
+ 18,36 % |
02 – Développement de la technologie au service de l’observation de la terre |
360,46 |
362,54 |
+ 0,58 % |
03 – Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l’information et de la communication |
150,62 |
113,15 |
‑ 24,88 % |
04 – Maîtrise de l’accès à l’espace |
665,10 |
615,89 |
‑ 7,40 % |
05 – Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique |
282,98 |
273,42 |
‑ 3,38 % |
06 – Moyens généraux et d’appui à la recherche |
97,74 |
184,26 |
+ 88,53 % |
07 – Développement des satellites de météorologie |
66,02 |
63,58 |
‑ 3,71 % |
Total |
1 865,68 |
1 900,18 |
+ 1,85 % |
Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Recherche et enseignement supérieur.
Le 7 octobre 2022, l’État et le Cnes ont signé un contrat d’objectifs et de performance pour la période 2022-2025 structuré autour de quatre priorités :
– utiliser toutes les potentialités du secteur spatial comme vecteur de croissance économique, de compétitivité industrielle et de développement d’un nouvel écosystème ;
– maintenir et développer l’autonomie stratégique de la France et de l’Europe ;
– maintenir l’excellence scientifique du secteur spatial français et amplifier son rayonnement ;
– être à l’avant-garde du développement durable du spatial.
Les investissements continus de la France dans sa politique spatiale en font aujourd’hui le premier pays européen en termes d’activités et de compétences.
Le rapporteur pour avis ne peut que se réjouir de cette situation qui constitue un véritable exemple de réussite française. La recherche y est considérée comme faisant partie d’un ensemble plus grand, allant jusqu’à l’application industrielle et la croissance économique, sans oublier l’idée de l’autonomie stratégique. Les quatre priorités du contrat d’objectifs et de moyens sont transposables/peuvent être transposées à de nombreuses recherches thématiques et il considère plus largement que ces objectifs sont ceux que la recherche française doit se fixer, notamment en matière de recherche en biologie-santé (cf. infra).
Les crédits demandés au titre du programme 193 se répartissent de la manière suivante :
– l’action 1 Développement de la technologie spatiale au service de la science finance les programmes spatiaux d’étude et d’exploration de l’univers, ceux de la physique fondamentale et des sciences de la vie et de la matière ainsi que des activités relevant des sciences humaines et sociales. Elle a pour but de contribuer à l’avancement des connaissances scientifiques et de permettre de développer et de tester des technologies spatiales innovantes. Ses crédits seraient de 287,34 millions d’euros en 2024, contre 242,76 millions d’euros en LFI pour 2023, soit une hausse importante de 18,36 % et de 44,58 millions d’euros, tant en AE qu’en CP ;
– l’action 2 Développement de la technologie spatiale au service de l’observation de la Terre contribue à l’avancement des connaissances scientifiques et à préparer les outils spatiaux destinés aux politiques nationale et européenne d’observation. Un des axes forts de cette thématique porte sur la compréhension et le suivi du changement climatique, pour lequel les observations permettent de surveiller plus de la moitié des variables climatiques essentielles. Depuis la réunion du One Planet Summit fin 2017, la France et le Cnes exercent une forme de prééminence au niveau des agences spatiales sur la mobilisation de ces observations pour lutter contre les conséquences du changement climatique, avec notamment la mise en place d’un Space Climate Observatory, auquel adhèrent près de quarante organismes et agences spatiales au niveau international. Les crédits de cette action en AE et CP resteraient stables dans le PLF pour 2024 en s’établissant à 362,54 millions d’euros contre 360,46 millions d’euros en LFI pour 2023 ;
– l’action 3 Développement de la technologie spatiale au service de la recherche en sciences de l’information et de la communication concerne les programmes spatiaux de télécommunications et de navigation-localisation-synchronisation. Elle permet de préparer, développer et tester des technologies et des systèmes spatiaux destinés à des utilisations opérationnelles. Ces domaines possèdent un fort caractère dual, les travaux de recherche pouvant trouver des applications tant civiles que militaires. L’effort technologique entrepris permet également de renforcer la position de l’industrie française sur le principal marché spatial commercial viable aujourd’hui, à savoir celui des télécommunications, qui est en pleine révolution au niveau des usages comme des technologies. Les crédits pour 2024 baisseraient fortement en AE et CP passant de 150,62 millions d’euros en LFI 2023 à 113,15 au PLF 2024, soit une diminution de 24,88 % ;
– l’action 4 Maîtrise de l’accès à l’espace concerne les programmes de lanceurs spatiaux et des infrastructures associées (centre spatial guyanais de Kourou). Elle a pour but de préparer, de développer et de qualifier les systèmes de lancement assurant à l’Europe l’autonomie d’accès à l’espace au meilleur coût pour les puissances publiques.
En réponse à une diversification des besoins de lancement (mini et micro-lanceurs), la réhabilitation de l’ancien pas de tir Diamant (datant des années 1970) se poursuit pour le transformer en un ensemble multi-lanceurs ; elle bénéficie notamment du soutien du volet spatial de France 2030.
Cette action est la plus importante du programme, représentant 32,4 % de ses crédits, soit 615,89 millions d’euros en AE et en CP pour 2024 ;
– l’action 5 Maîtrise des technologies orbitales et de l’innovation technologique finance la station spatiale internationale (ISS), la conception et le développement de plateformes de mini, micros et nano‑satellites (utilisés en particulier avec les étudiants), la conception, le développement et la mise en œuvre de ballons atmosphériques destinés à des missions scientifiques d’observation, des activités de recherche relatives à l’amélioration des performances des satellites, ainsi que le développement d’applications utilisant les capacités et les données spatiales dans de nombreux domaines. Hormis l’ISS, qui est un programme international auquel la France contribue principalement au travers de l’Agence spatiale européenne (ou European Space Agency ‒ ESA), les travaux sont menés essentiellement dans un cadre national.
Contrairement à la LFI pour 2023 qui avait prévu des crédits en hausse par rapport à ceux de la LFI pour 2022, le PLF pour 2024 reviendrait à la stabilité des années précédentes en ouvrant 273,42 millions d’euros en AE et en CP au titre de cette action ;
– l’action 6 Moyens généraux d’appui à la recherche porte notamment sur le fonctionnement général du Cnes et les investissements associés. L’action bénéficierait en 2024 d’une importante hausse de ses crédits de 88,53 %, passant ainsi en AE et CP de 97,74 millions d’euros en LFI pour 2023 à 184,26 millions d’euros. Le rapporteur pour avis ne peut que se réjouir de cette forte hausse mais s’étonne de l’absence de précisions quant à sa destination dans le projet annuel de performances. Cette hausse semble avoir pour origine l’augmentation des crédits dédiés à la recherche spatiale conformément à la LPR ainsi que 2 millions d’euros destinés à atténuer l’impact de l’inflation pour le CNES ;
– l’action 7 Développement des satellites de météorologie concerne la contribution française aux programmes de satellites météorologiques (stationnaires et polaires en orbite basse) développés par l’Organisation européenne pour l’exploitation des satellites météorologiques (Eumetsat) qui compte trente États membres. Les moyens mis en place sont coordonnés à l’échelle mondiale, principalement avec les Américains et les Japonais.
Les États contribuent au prorata de leur produit national brut ; il n’y a pas de retour géographique contrairement à l’ESA. Les industriels français sont particulièrement bien placés sur les nouvelles générations de satellites en cours de développement et le Cnes exerce la maîtrise d’ouvrage d’un sondeur atmosphérique dont une partie du développement a été financée par sa programmation budgétaire propre, couverte par les crédits de ce programme.
Cette action est la plus modeste du programme, regroupant 3,3 % des crédits, soit 63,58 millions d’euros en AE et en CP.
V. D’importants crédits additionnels
Aux moyens prévus dans la mission Recherche et enseignement supérieur s’ajoutent les crédits apportés par les plans de renforcement de la souveraineté et de la sobriété énergétiques – « France Relance », « Résilience I » et « Résilience II » – et ceux ouverts sur le programme d’investissements d’avenir (PIA) et le plan France 2030 en faveur des projets de recherche, d’innovation et de formation.
● La mission Plan de Relance
Comme le PLF pour 2023, la LFI pour 2024 ne prévoit aucun engagement nouveau (AE), la mission Plan de Relance étant par nature temporaire. 1,4 milliard d’euros de crédits de paiement sont ouverts afin de tenir les engagements déjà pris. Cela tient notamment à la nature même des projets qui justifient des décaissements sur plusieurs années. Ce niveau d’ouverture, relativement faible en comparaison des années passées, reflète l’achèvement progressif de l’effort de relance. Les crédits ouverts au titre de cette mission vont poursuivre leur décroissance (ils devraient atteindre 659 millions d’euros en 2025, puis 629 millions d’euros en 2026), conformément à l’objectif de mise en extinction du plan. La trajectoire prévoit des besoins résiduels d’ouverture de crédits en direction de certains dispositifs ciblés en 2027 et au-delà, compte tenu du temps long d’exécution de certaines mesures.
● La mission Investir pour la France de 2030
Cette mission regroupe désormais les programmes d’investissement d’avenir (PIA) 3 et 4 et les complète, permettant de soutenir l’ensemble du cycle de vie de l’innovation jusqu’à son déploiement et son industrialisation, étapes qui n’étaient traditionnellement pas prises en charge par les investissements d’avenir.
Au total, 54 milliards d’euros sont ouverts pour cette mission, dont 34 milliards d’euros votés en LFI pour 2022, et 20 milliards d’euros pour le PIA 4. Ces AE conséquentes sont portées plus particulièrement par les programmes Financement des investissements stratégiques et Financement structurel des écosystèmes d’innovation. Les programmes Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche, Valorisation de la recherche et Accélération de la modernisation des entreprises permettront d’achever la mise en œuvre du PIA 3, doté de 10 milliards d’euros depuis 2017.
L’État va continuer de s’appuyer sur les quatre opérateurs historiques des PIA : l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), l’ANR), Bpifrance et la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC). Les territoires sont également appelés à exercer un rôle renforcé dans cette nouvelle approche.
À la différence des premiers PIA, dont les objectifs et les enveloppes étaient définis ab initio, France 2030 est plus souple. De même, son architecture juridique a été simplifiée : elle repose sur une dizaine de textes juridiques contre plus de 110 conventions pour les PIA.
À cette date, l’ensemble du cadre juridique permettant la mise en œuvre des projets de France 2030 a été adopté pour la partie subventionnelle. Les conventions plus spécifiques encadrant les fonds propres sont élaborées au fur et à mesure de la définition des instruments d’intervention. Enfin, les conventions financières par opérateur permettent de rémunérer ces derniers pour leurs activités. Celle de l’ANR est par exemple en cours de finalisation.
En parallèle de l’achèvement de la consommation des crédits ouverts dans le cadre du PIA 3, France 2030, incluant le PIA 4, poursuit son déploiement. D’un point de vue budgétaire, en 2023, la quasi-totalité des AE ouvertes des programmes Financement des investissements stratégiques et Financement structurel des écosystèmes d'innovation ont été consommées à ce stade et confiées aux opérateurs, soit 44,2 milliards d’euros sur les 50,6 milliards d’euros disponibles au 31 août 2023.
Sur le plan opérationnel, ce sont plus de 250 appels à projets ou appels à manifestation d’intérêt qui ont été lancés depuis le début de l’année 2021. Au 30 juin 2023, plus de 19,5 milliards d’euros avaient été consommés, ce qui représente, hors fonds propres et aides-guichets, plus de 2 400 projets sélectionnés pour près de 2 700 bénéficiaires.
RÉCAPITULATIF DES CRÉDITS de la mission Investir pour la France de 2030 POUR 2023 et 2024
(en euros)
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Autorisations d’engagement |
Crédits de paiement |
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Programme / Action |
LFI 2023 |
PLF 2024 |
LFI 2023 |
PLF 2024 |
421 – Soutien des progrès de l’enseignement et de la recherche |
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244 000 000 |
255 000 000 |
01 – Nouveaux cursus à l’université |
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25 000 000 |
25 000 000 |
02 – Programmes prioritaires de recherche |
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27 000 000 |
40 000 000 |
03 – Équipements structurants de recherche |
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67 000 000 |
50 000 00 |
04 – Soutien des grandes universités de recherche |
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90 000 000 |
90 000 000 |
05 – Constitution d’écoles universitaires de recherche |
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15 000 000 |
30 000 000 |
07 – Territoires d’innovation pédagogique |
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20 000 000 |
20 000 000 |
422 – Valorisation de la recherche |
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33 000 000 |
88 200 000 |
03 – Démonstrateurs et territoires d’innovation de grande ambition |
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20 000 000 |
60 000 000 |
05 – Accélération du développement des écosystèmes d’innovation performants |
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13 000 000 |
28 200 000 |
423 – Accélération de la modernisation des Entreprises |
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92 500 000 |
14 260 000 |
01 – Soutien à l’innovation collaborative |
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42 500 000 |
0 |
02 – Accompagnement et transformation des filières |
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50 000 000 |
9 660 000 |
04 – Adaptation et qualification de la main d’œuvre |
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4 600 000 |
424 – Financement des investissements stratégiques |
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3 485 000 000 |
5 691 750 000 |
01 – Programmes et équipements prioritaires de recherche |
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200 000 000 |
0 |
02 – Maturation de technologies, R&D, valorisation de la recherche |
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160 000 000 |
640 000 000 |
03 – Démonstration en conditions réelles, |
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650 000 000 |
1 238 750 000 |
04 – Soutien au déploiement |
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625 000 000 |
1 873 000 000 |
05 – Accélération de la croissance (fonds propres) |
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450 000 000 |
210 000 000 |
06 – Industrialisation et déploiement |
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1 400 000 000 |
1 730 000 000 |
425 – Financement structurel des écosystèmes d’innovation |
|
|
2 233 128 199 |
1 652 500 000 |
01 – Financements de l’écosystème ESRI et valorisation |
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205 000 000 |
220 000 000 |
02 – Aides à l’innovation « bottom-up » (subventions et prêts) |
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528 128 199 |
727 500 000 |
03 – Aides à l’innovation « bottom-up » (fonds propres) |
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1 500 000 000 |
705 000 000 |
Totaux |
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6 087 628 199 |
7 701 710 000 |
Source : Projet annuel de performances 2024 de la mission Investir pour la France de 2030.
— 1 —
SECONDE PARTIE :
L’ORGANISATION DE LA RECHERCHE EN BIOLOGIE SANTé : UNE PROPOSITION POUR L’éVOLUTION DE NOTRE MODèLE
Le présent rapport pour avis puise son origine dans trois évènements détaillés par la suite et par un constat sans appel sur l’urgence d’une action forte et déterminée et d’une cohérence politique pour la recherche en biologie santé.
En premier lieu, nous retenons le discours du Président de la République, le 16 mai 2023, à l’Institut Curie lors de la présentation des bioclusters et des nouveaux Instituts hospitalo-universitaires (IHU) labellisés, qui prend toute la mesure de l’enjeu posé : « Je souhaite que la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche, le ministre de la Santé et de la prévention et le ministre délégué à l’industrie, avec l’aide de l’Agence de l’innovation en santé et de la Mission France 2030, puissent mener des concertations avec tous les acteurs concernés qui devront aboutir à un plan d’action dans les six mois à venir pour avoir une recherche biomédicale plus unifiée et plus efficace. »
Ensuite, à travers les zoonoses, la pandémie de covid-19 est venue quant à elle confirmer, si besoin était, que la santé humaine ne peut être considérée et appréhendée indépendamment de la santé animale et de la santé environnementale à l’échelle locale comme mondiale ([5]). La liste ([6]) des zoonoses repérées nous menaçant aujourd’hui est impressionnante et la part de zoonoses parmi les maladies humaines émergentes a augmenté de 62 % à 75 % au cours des soixante dernières années. On peut citer par exemple l’influenza aviaire, la grippe porcine, la tuberculose, la brucellose, la salmonellose, la leptospirose, Ebola, les encéphalites, etc. Nous ne pouvons pas ne pas mentionner les 40 000 décès imputables à la pollution de l’air chaque année en France ou encore l’effondrement de la fertilité lié aux multiples perturbateurs endocriniens déversés dans l’environnement. L’ensemble de ces trois santés est désormais regroupé sous le terme de santé globale, « One health », une approche loin d’être récente, mais qui doit aujourd’hui s’imposer comme un fil conducteur pour la mise en place de nouvelles politiques publiques en recherche santé afin notamment de questionner et de réformer l’ensemble du système aux fins de trouver des solutions qui répondent à des enjeux à la fois de santé et d’environnement.
La crise sanitaire a mis en exergue les difficultés françaises en matière de diagnostic et de vaccination au pays de Pasteur. De même, elle a révélé l’absence de culture française du risque intrinsèque à la recherche et à l’innovation ; elle a aussi mis en lumière les conséquences liées à l’absence de prise en compte des sciences humaines et sociales dans le lien science-médecine-société et a donc attesté du besoin essentiel de pluridisciplinarité. Elle a aussi démontré nos carences industrielles en matière de production biomédicale (tests PCR, masques, capacité de bioproduction, etc.) et a constitué un réel marqueur de notre désindustrialisation. Enfin, elle a rappelé les failles de notre organisation en recherche biomédicale, fragmentée entre de multiples tutelles trop peu coordonnées.
Enfin, le troisième point concerne la prise en compte de la révolution en cours dans le domaine de la santé. En quelques années, les médicaments chimiques « classiques » ont été supplantés par les médicaments biologiques (ou biothérapies). Leurs substances actives sont produites à partir d’une cellule ou d’un organisme vivant et sont principalement utilisées pour traiter les pathologies chroniques graves, évolutives et souvent invalidantes. Les outils diagnostiques, les dispositifs médicaux implantables ou non, l’intelligence artificielle, l’accès aux données de santé, la médecine 5P (personnalisée, préventive, prédictive, participative et médecine des preuves) sont autant de thématiques en constante évolution. Une récente note de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (Opecst) sur les avancées thérapeutiques en oncologie ([7]), co‑rédigée par le rapporteur pour avis et la sénatrice Laure Darcos, et qui décrit l’accélération fulgurante en matière d’innovation en cancérologie, en est la parfaite illustration. Cette révolution dans un contexte de forte compétition mondiale induit l’exigence d’une organisation performante dans cette ère où l’intelligence économique prime et où l’innovation ouverte rend indispensable une co-construction avec l’ensemble des acteurs (recherche fondamentale, recherche clinique, recherche translationnelle, partenaires industriels, sciences humaines et sociales et patients).
Notre pays ne peut se satisfaire d’une situation où, malgré de nombreuses découvertes françaises, 95 % des biothérapies mises sur le marché sont importées. Il faut offrir à la France un retour sur son investissement en recherche publique et privée et permettre son rayonnement à l’international.
Vecteur de progrès au regard de l’amélioration des conditions de vie des femmes et des hommes et élément de la souveraineté nationale, la recherche scientifique, et plus particulièrement la recherche investissant sur la santé, est aussi un moteur économique national majeur. En cela, la recherche biomédicale revêt une importance stratégique réelle.
Un rapport de la Cour des comptes, en 2007, affirmait que « les sciences du vivant sont le premier secteur de la recherche publique française en termes de priorité et de ressources […] dont l’importance stratégique pour l’avenir de notre pays dépasse sans doute son poids intrinsèque dans l’effort public de recherche. » ([8])
Force est de constater, une quinzaine d’années plus tard, que l’effort public en matière de recherche biomédicale s’est révélé insuffisant. Les indicateurs montrent un affaiblissement de la France sur la scène internationale au regard de ses voisins et concurrents européens notamment.
Les causes de cet affaiblissement sont connues. La première d’entre elles, fréquemment évoquée, est une sous-dotation budgétaire chronique ; d’aucuns considèrent à cet égard que la recherche en biologie santé est le « parent pauvre de la recherche » ([9]). Les inévitables conséquences sur l’attractivité des carrières, en raison de rémunérations non concurrentielles avec d’autres secteurs d’activité, mais aussi avec des pays étrangers, et sur les conditions de travail (équipements, supports, etc.) sont soulignées par l’ensemble des acteurs.
De plus, le coût lié à l’évolution technologique rapide dans ce domaine – l’étude de l’objet moléculaire unique permettant aujourd’hui, grâce aux « omics », l’analyse en parallèle de milliers de molécules – n’a pas ou peu été intégré dans la réflexion budgétaire. Ainsi, au même titre que la physique depuis des décennies, la biologie d’aujourd’hui nécessite de multiples équipements lourds et onéreux qui se perfectionnent et se renouvellent continuellement. Une étude complète jusqu’au stade préclinique se doit d’utiliser divers modèles, in vitro, cellulaires, animaux ou autres organoïdes, éléments exigés pour espérer une publication de bon niveau, publication qui a donc vu son coût exploser.
Mais au-delà du paramètre financier, l’organisation de la recherche biomédicale en France apparaît à la fois complexe, pléthorique, mal coordonnée, souffrant d’une stratégie peu lisible et d’un pilotage inefficient.
Après avoir présenté les grandes lignes des crédits de la recherche inscrits au projet de loi de finances (PLF) pour 2024, le rapporteur pour avis consacrera la partie thématique de l’avis budgétaire à la recherche en biologie santé en France. S’il n’entend nullement ignorer la question fondamentale des moyens, le rapporteur pour avis a cependant choisi d’axer son propos sur les aspects de gouvernance, d’organisation et de fonctionnement de la recherche biomédicale.
Après avoir dressé un état des lieux de ce secteur de la recherche, le rapporteur pour avis s’attachera à proposer des éléments de gouvernance et d’organisation du système français sur l’ensemble de la chaîne de valeur, afin d’améliorer la performance de la recherche en biologie santé.
Le rapporteur pour avis souhaite remercier sa collaboratrice parlementaire, Katia Andreetti, pour sa précieuse contribution à la rédaction de cet avis.
I. éTAT DES LIEUX DE LA RECHERCHE BIOMéDICALE EN FRANCE
A. La recherche BIOMÉDICALE reprÉsente des enjeux majeurs pour la SOCIÉTÉ FRANÇAISE, en matiÈre de SANTÉ comme dE DÉVELOPPEMENT ÉconomiQUe
Investir dans la recherche en biologie santé, c’est protéger la population tout en stimulant l’économie du pays.
Les exemples de traductions concrètes de la recherche scientifique en progrès en santé sont nombreux. Et aujourd’hui plus que jamais, dans un monde confronté à des transitions majeures sur les plans technologiques, avec la révolution numérique notamment, et environnementaux, marqués par la dérégulation climatique, les enjeux de la recherche en biologie santé sont primordiaux si l’on souhaite maintenir une augmentation continue de l’espérance de vie, plus particulièrement une espérance de vie en bonne santé.
Face à des enjeux scientifiques et sociétaux immenses, la recherche en biologie santé doit permettre d’apporter des réponses aux défis actuels et à venir évoqués ci-dessous.
● Faire face aux tendances lourdes de santé au niveau européen, voire mondial, en particulier dans un monde en mutation climatique : augmentation des pathologies chroniques et neuro-dégénératives, notamment dues au vieillissement de la population ; maladies émergentes ; risques de pandémies virales (zoonoses en particulier) ; lutte contre l’obésité, le diabète et les maladies cardio-vasculaires ; traitements encore insuffisants des cancers ; maladies rares pour lesquelles des premiers traitements prometteurs arrivent désormais sur le marché ; antibiorésistance ; pathologies liées aux effets des substances polluantes ; iatrogénie ([10]) liée à la surmédicalisation, etc. ;
● Lutter contre les risques sanitaires émergents, aujourd’hui peu ou pas identifiés, liés aux conséquences des grands bouleversements planétaires engagés ou susceptibles d’intervenir, notamment : réchauffement climatique, dont la rapidité ne rend pas possible une adaptation naturelle (propagation de maladies vectorielles vers de nouvelles régions par exemple), changements environnementaux, évolutions démographiques, comportements humains.
À ce titre, la recherche fondamentale amont, majoritairement ouverte (par opposition à une recherche orientée, souvent soumise aux appels à projets) doit occuper une place essentielle. Outre qu’elle s’inscrit dans le temps long, elle repose sur la créativité des chercheurs, leur instinct et parfois le hasard (notion de sérendipité). L’enjeu est donc d’éviter de concentrer les moyens (financiers et humains) sur un nombre trop restreint d’objets, pour se donner la chance de parvenir à des découvertes et des avancées significatives dans des champs de recherche méconnus. La créativité est un ingrédient clé de la recherche fondamentale, permettant aux chercheurs d’explorer, de repousser les limites de la connaissance et de faire des découvertes qui peuvent finalement avoir un impact majeur sur la science et la société.
● Accompagner les transformations et (r)évolutions en cours : génomique, thérapies géniques et cellulaires, immuno-oncologie, intelligence artificielle, vaccinologie, ARN, etc.
Sur le plan sociétal et économique, la recherche en biologie santé a un double impact : d’une part, elle est un vecteur d’innovations fortes contribuant à la promotion économique d’une nation, et, d’autre part, en ayant pour objectif l’amélioration de la santé, elle est tout à la fois garante de bien-être pour la population, et d’économies pour notre système de santé. L’investissement dans la recherche biomédicale ne doit donc pas être perçue comme une charge. À ce titre, la recherche en biologie santé est un facteur déterminant de la croissance économique et de la création d’emplois en France. Plusieurs exemples permettent d’illustrer ce propos :
– l’industrie de la santé dans son ensemble représente un chiffre d’affaires d’environ 90 milliards d’euros, dont 35 % proviennent d’exportations. De la start-up au grand groupe, les quelque 3 100 entreprises du secteur représentent environ 455 000 emplois en France ([11]) ;
– l’industrie du médicament compte plus de 103 000 emplois correspondant à 150 métiers (recherche et développement, production, qualité, fonctions support, marketing/commercialisation, information médicale et réglementaire). On estime à 10 000 le nombre de postes à pourvoir dans ce secteur à l’horizon 2030, et à plus de 5 000 ceux à pourvoir dans les métiers du numérique en santé (intelligence artificielle, simulation numérique, données de santé, cybersécurité, etc.) ([12]) ;
– si la balance commerciale du secteur pharmaceutique français demeure positive, l’excédent constaté a néanmoins baissé de 55 % entre 2013 et 2021 (de 6,1 à 2,8 milliards d’euros). On peut attribuer cette évolution à la diminution des exportations de médicaments matures mais aussi à l’augmentation des importations de thérapies innovantes. Ceci conforte l’analyse qu’une recherche biomédicale sous-calibrée impacte lourdement la balance commerciale et donc la richesse nationale.
La recherche biomédicale revêt donc clairement une dimension stratégique majeure pour la santé de notre nation et pour son économie ; elle devrait à cet égard appeler la pleine attention du monde politique et, plus largement, des autorités décisionnelles.
B. L’affaiblissement progressif de la recherche biomÉdicale FranÇaise
La place de la recherche scientifique française est en recul et le secteur de la biologie santé n’échappe pas à cette tendance. Cette dernière connaît en effet un infléchissement de ses performances par rapport aux pays voisins, faisant craindre un décrochage de la France. Étant donné l’intense concurrence internationale, amplifiée par la place désormais occupée par les grands pays émergents (Chine, Inde), un tel constat ne peut que constituer un sujet de préoccupation majeure.
1. Les indicateurs de publication
a. Les publications toutes disciplines confondues
En dépit d’un volume de publications croissant ces dernières années, la part mondiale de la France se tasse dans l’ensemble des disciplines depuis le début des années 2000. La production scientifique française, toutes disciplines confondues, ne représenterait en 2022 que 2,1 % (contre 2,3 % en 2021) des publications scientifiques internationales ([13]), soit la 9e place, loin derrière le Royaume-Uni (3e avec 4,5 %) et l’Allemagne (4e avec 4,3 %). La comparaison avec la situation en 2005 (4,1 %) donne un aperçu du déclin puisque, depuis cette date, la France a été dépassée par l’Inde, l’Italie et, en 2018, la Corée du Sud. La part de la France dans les publications scientifiques mondiales a baissé de 50 % en moins de deux décennies, ce qui l’a conduite à passer du 6e au 9e rang entre 2005 et 2018 ([14]), soit le deuxième plus fort recul parmi les 12 premiers pays.
S’agissant des publications à fort impact, la situation n’est guère plus encourageante ([15]) puisque la France est le pays enregistrant le plus fort déclin sur la moyenne des cinq dernières années parmi les dix premiers pays du classement ([16]).
L’indice d’impact scientifique des publications françaises toutes disciplines confondues fléchit depuis 2017 et s’inscrit désormais en dessous de la moyenne mondiale.
b. Les publications en matière de recherche biomédicale
La recherche biomédicale est le premier domaine de publications scientifiques dans le monde.
La France apparaît modérément spécialisée en recherche biomédicale, comparée à d’autres domaines scientifiques. Elle est plus engagée en recherche biomédicale que la moyenne mondiale, mais moins que de nombreux pays à hauts revenus (Japon, États-Unis, pays du nord de l’Europe). Elle est néanmoins spécialisée dans différentes disciplines, telles que l’immunologie/infectiologie, la recherche sur le cancer ou les maladies rares.
En recherche biologique et médicale, les publications à fort impact ont vu leur part augmenter dans la production nationale, mais le travail d’évaluation de la position scientifique de la France par l’Observatoire des sciences et techniques (OST-HCERES) révèle que l’indice d’impact des publications de la France dans ces domaines, s’il se maintient autour de la moyenne mondiale (entre 0,8 et 1,1), demeure en-dessous des résultats des recherches provenant des pays anglo-saxons, d’Allemagne, de Scandinavie, de Suisse et des Pays-Bas ([17]).
Selon les constats tirés d’un rapport de France Universités datant de janvier 2023 ([18]) et fondés sur une analyse bibliométrique des publications :
– le volume de la production de recherche biomédicale en France est inférieur à ceux du Royaume-Uni, des Pays-Bas, de la Suède, de l’Allemagne, de l’Italie, de l’Espagne et du Canada. Le taux de croissance de la production française est le plus modeste entre 2010 et 2020 et le seul à se situer en-dessous de la moyenne de l’Union européenne (UE) et du Royaume-Uni depuis plusieurs années ;
– l’investissement dans la recherche en biologie santé par habitant n’est pas à la hauteur de celui de pays comparables (Royaume-Uni, Pays-Bas, Suède, Allemagne, Italie, Espagne, Suisse) ;
– si la contribution à la recherche biomédicale mondiale française est restée stable, il demeure que la part de la France dans les publications mondiales est inférieure à celle de pays comme l’Allemagne et le Royaume-Uni ;
– la recherche biomédicale française bénéficie, malgré tout, d’un impact scientifique similaire à celui de l’Espagne et du Royaume-Uni, avec un pourcentage égal de publications dans des revues de premier plan.
Le critère bibliométrique démontre donc une baisse certaine des résultats de la recherche biomédicale française au cours de la dernière décennie. Même si la quantité de publications produites n’offre qu’une vision imparfaite de la production scientifique d’un pays et qu’elle ne constitue pas l’unique mesure de la solidité de la recherche, cela démontre toutefois que la recherche biomédicale en France nécessite un nouvel élan. Son positionnement en matière de production scientifique n’est pas à la mesure de son rang économique.
En 2020-2021, la France a déposé plus de 300 demandes de brevets à l’Office européen des brevets dans 10 sous-domaines technologiques (sur 35). Contrairement aux États-Unis et, à un degré moindre, au Royaume Uni, elle est peu spécialisée dans les sous-domaines « Produits pharmaceutiques » et « Technologies médicales » ([19]).
En ce qui concerne l’innovation dans le domaine santé, la France n’est classée qu’en 16e position en 2019 pour l’indice global, et à cette même place pour sa réponse en 2020 à la crise de la covid-19 ([20]).
Si la France se place au 3e rang pour les financements en sciences de la vie alloués par le Conseil européen de la recherche (European Research Council, ERC) sur l’ensemble du programme Horizon 2020 (2014 à 2020), elle ne se trouve qu’à la 15e place si l’on normalise les allocations reçues par rapport à la population de chaque pays ([21]). Ainsi, la France a apporté environ 18 % du budget européen alors que le succès aux appels ERC était nettement plus faible : entre 11 et 12 % pour les financements consolidator et advanced et seulement 8,4 % des financements starting dédiés aux jeunes chercheurs ([22]).
3. La crise de la covid-19, révélateur de l’affaiblissement français ?
Au-delà des données statistiques, il est admis que la crise de la covid-19 a dévoilé un certain nombre de faiblesses de la recherche biomédicale française. L’incapacité de produire un vaccin ou une prophylaxie médicamenteuse contre le virus, en dépit du foisonnement d’initiatives, reflet de la forte capacité de réactivité des chercheurs et de leurs institutions, a mis en lumière le décrochage de la France et ce malgré le maintien de domaines d’excellence telle l’oncologie. N’a-t-on pas entendu : « le pays de Pasteur ne fait plus partie des grandes nations innovantes dans le domaine de la recherche en santé » ([23]) ?
Cependant, selon le rapporteur pour avis, l’échec de la réponse française à la crise sanitaire interroge non la qualité scientifique de la recherche biomédicale, mais l’organisation de cette dernière.
Comme l’affirme un rapport de l’Inspection générale de l’Éducation, du sport et de la recherche (IGÉSR), « de nombreux acteurs de la recherche se sont très rapidement mobilisés, mais en ordre dispersé » ([24]), constat partagé par un rapport d’audit de la Cour des comptes de 2021. Des financements trop dispersés et un défaut d’organisation ont accentué l’éparpillement des initiatives. À la différence d’autres pays, le pilotage et la structuration ont été grandement insuffisants : « Il a manqué une stratégie de recherche dans laquelle chacun, à la place qu’il occupe, puisse se reconnaître. L’absence de chef de file pour la mettre en œuvre a notamment été pénalisante » ([25]). Par nature, une organisation dont la coordination hors temps de crise demeure limitée ne peut être en mesure, en temps de crise et soumise à l’urgence, de muer en un système coordonné et efficace.
Par ailleurs, la pandémie de covid-19 est « survenue dans le contexte d’un recul spectaculaire du soutien à la recherche en biologie-santé en France », puisqu’en 2020 seuls 17,2 % du total des crédits recherche étaient attribués au secteur de la recherche en biologie santé, soit le ratio le plus faible depuis au moins 15 ans ([26]). Les efforts financiers exceptionnels mobilisés pendant la pandémie « ne sauraient compenser le déficit de financement antérieur à la crise, en particulier dans le secteur biologie-santé. Les réussites et les échecs de la recherche s’inscrivent dans la durée » ([27]).
C. des dÉpenses sous-calibrÉes et des circuits de financement pluriels
La recherche française a souffert cette dernière décennie d’un manque criant de moyens, tout particulièrement la recherche biomédicale, dont le financement public est en outre émietté entre plusieurs dotations budgétaires « soclées » et « extra » budgétaires. Dans un modèle d’innovation ouverte qui est la règle aujourd’hui, c’est bien la recherche biomédicale publique qui fournit les éléments de création de valeur amenés sur le marché par le monde industriel. Ne pas mettre les moyens suffisants dans notre outil de recherche non seulement constitue une perte de chance pour les patients français, mais encore revient à mettre en péril un secteur essentiel de l’économie française.
1. L’état du financement de la recherche en biologie santé : un investissement qui n’est pas encore à la hauteur des enjeux et des besoins, et qui reste inférieur à celui de la plupart des pays développés comparables
S’il faut saluer les efforts budgétaires récents entrepris dans le cadre de la loi de programmation de la recherche (LPR) de 2020 ([28]) et du plan France 2030, la France, avec 2,2 % du PIB consacrés à la recherche, demeure encore loin de l’objectif de 3 % fixé par la « stratégie de Lisbonne », contrairement à d’autres nations européennes qui ont atteint voire dépassé cet objectif, telle l’Allemagne par exemple. L’intensité de recherche et développement (R&D) française reste inférieure à la moyenne de l’OCDE (2,7 % en 2021) mais cependant supérieure à celle de l’Union européenne (2,1 %) ([29]).
Entre 2014 et 2018, la dépense intérieure de recherche et développement (DIRD) française a diminué de 2,28 % à 2,19 % du PIB ([30]). Pour cette même période, la part du PIB investie en crédits publics dans la dépense intérieure R&D était estimée en 2018 à 0,73 % en France, soit dans la moyenne européenne (0,74 %) mais au 10e rang de l’Union européenne, loin derrière les 0,98 % de l’Allemagne ([31]).
Après une attrition constante des crédits publics alloués à la recherche en biologie santé dans la dernière décennie, la période récente connaît une hausse budgétaire, qui demeure néanmoins insuffisante au regard du retard pris et des enjeux à venir.
a. Des budgets consacrés à la recherche en biologie santé insuffisants en dépit des efforts récents
La dépense publique de recherche en santé a ainsi diminué de 28 % entre 2011 et 2018 ([32]), dont 15,7 % entre 2015 et 2018. Sa part dans les dépenses intérieures totales de recherche en santé a reculé, passant de 26,3 % à 23,9 %, l’érosion étant essentiellement due à un recul de la dépense intérieure de recherche et développement des administrations (DIRDA) ([33]).
Le financement de la recherche en biologie santé est donc globalement insuffisant depuis des années. Et le recul opéré dans la dernière décennie est d’autant plus problématique que, dans le même temps, la plupart de nos partenaires européens ont accru leurs dépenses publiques de R&D dans le secteur de la santé. La recherche française en biologie santé apparaît donc sous‑financée en comparaison des autres pays en tête de la recherche mondiale, nos voisins européens consacrant entre 35 % à 40 % du budget de la recherche à ce secteur, voire 50 % pour le Royaume Uni ([34]).
Au final, la faible part de la biologie santé dans le financement de la recherche tend à démontrer que ce secteur ne paraît pas prioritaire pour les décideurs politiques. Et si les efforts budgétaires récents, dans le cadre de la LPR 2020 (25 milliards d’euros sur 10 ans jusqu’en 2030) et du plan France 2030 (plan Innovation Santé 2030, 7,5 milliards d’euros, qui intègre les mesures du PIA 4 antérieures), constituent des débuts de réponse, ceux-ci ne paraissent pas encore à la hauteur des enjeux.
Une large part des dotations annuelles de la LPR 2020 servent en effet à compenser le coût des mesures de revalorisation salariale (dites mesures « Guérini ») ([35]) et, en raison du contexte d’inflation, sont en partie absorbées par le surcoût de l’énergie. Lors de l’examen des crédits de la recherche pour 2023, le rapporteur pour avis alertait ainsi « sur le risque accru de tension budgétaire des laboratoires notamment, du fait de la hausse des prix de l’énergie et de l’inflation. Les efforts faits depuis plusieurs années avec la LPR ne doivent pas être complètement absorbés par ces surcoûts. » ([36])
Enfin, les effets financiers annoncés dans le cadre du plan d’investissement pluriannuel France 2030, et son plan Innovation Santé 2030, qui ambitionne de faire de la France « la 1ère nation européenne innovante et souveraine en santé » ([37]), ne sont pas encore perceptibles. Le rapporteur pour avis s’interroge par ailleurs sur la pérennité de ces fonds au-delà de 2030. La recherche fondamentale, particulièrement en biologie santé, a besoin de visibilité et de temps long.
b. Les effets du sous-investissement dans la recherche
L’insuffisance des moyens budgétaires alloués à la recherche biomédicale influe naturellement sur les activités de recherche, qu’il s’agisse de la dotation en fonctionnement et en équipements matériels mais aussi de la ressource humaine au regard de l’attractivité des carrières de chercheurs, fragilisées par des rémunérations du service public non concurrentielles, ou encore des conditions de travail perfectibles (manque de fonctions support, tels des assistants par exemple, pour décharger le scientifique des charges administratives au profit de l’activité de recherche proprement dite).
Le sous-investissement chronique de la France dans sa recherche engendre des répercussions immédiates sur les chercheurs et les enseignants-chercheurs : la rémunération en début de carrière des scientifiques, recrutés à partir de 1,4 Smic à l’âge moyen de 33 ou 34 ans, est inférieure de 37 % à la moyenne des pays de l’OCDE. Dans ce contexte, il n’est pas surprenant que les carrières scientifiques attirent de moins en moins de jeunes ([38]).
L’audition par le rapporteur pour avis d’un responsable scientifique suisse a nettement mis en exergue les différences de conditions de travail entre les deux pays, confirmées par un récent rapport sénatorial. En Suisse, « un salaire ʺenvironnéʺ […] comprend le salaire de la personne recrutée, mais aussi les financements pour le recrutement des doctorants et les frais de fonctionnement. Une personne de niveau international pèse donc de l’ordre d’un million d’euros. Dans le meilleur des cas, ce montant est cinq fois inférieur en France. » ([39])
Pour le rapporteur pour avis, les efforts budgétaires récents dans le cadre de la LPR 2020 et du plan pluriannuel France 2030 ne semblent pas en mesure de créer le « choc d’attractivité » nécessaire pour susciter des vocations scientifiques, pour endiguer la chute du nombre de doctorants et pour conserver voire attirer les meilleurs chercheurs au sein de nos organismes de recherche et de nos universités. Le risque que la recherche biomédicale se retrouve dans la même situation de crise de recrutement que la médecine ou l’enseignement est donc réel.
Ces difficultés se retrouvent également dans l’accès des chercheurs à des équipements et infrastructures performants, éléments essentiels de l’efficacité et de l’attractivité́ de la recherche d’un pays, la recherche biomédicale faisant en effet « face à un défaut d’investissement dans les infrastructures de recherche à disposition des équipes académiques et des biotechs » ([40]).
Les matériels de pointe, les besoins de plateformes liés à l’essor des « omics », l’accès au numérique, etc. nécessitent un investissement suffisamment robuste et régulièrement renouvelé pour maintenir les équipements au degré d’exigence requis au niveau international. On signalera à cet égard l’absence de la France dans le développement de grands équipements de recherche en santé, en particulier dans les domaines de l’imagerie médicale ([41]). Le déficit en France de certains matériels peut être frappant au regard des dotations de certains pays. L’exemple des cryo-microscopes électroniques est éclairant, alors que la France fut pionnière de cette technique révolutionnaire de la recherche en biologie. La France en possède quatre quand l’Allemagne en dénombrait trente-neuf en 2020, le Royaume‑Uni une vingtaine ([42]) et une biotech chinoise huit ([43]). La cryo-microscopie électronique est un exemple emblématique du « miroir grossissant du décrochage de la recherche française » ([44]) ; ces instruments ont en effet « manqué en nombre au moment de la crise de la covid-19 » ([45]).
Les équipements et les matériels innovants de recherche en biologie santé sont de plus en plus coûteux, allant de quelques milliers à plusieurs millions d’euros, qu’il s’agisse des séquenceurs d’ADN nouvelle génération (NGS), des outils de microscopie avancée (microscopes électroniques à balayage, MEB), des spectromètres de masse, etc. Au-delà du coût d’achat de ces équipements, il faut tenir compte des coûts de maintenance, de la formation du personnel, des consommables, etc.
L’absence en France, contrairement à d’autres pays, de mécanismes de financement pérennes des infrastructures de recherche en biologie santé correspondant à des besoins permanents et notre dépendance aux financements par nature temporaires des programmes d’investissement d’avenir ([46]) doivent être interrogées. Avec un budget annuel passé de 15 millions d’euros à 3 millions d’euros, le Groupement d’intérêt scientifique Infrastructures en biologie santé et agronomie (GIS IBiSA) ([47]), structure initialement créée pour tenir un rôle de financeur, se limite désormais à labelliser des plateformes installées par d’autres acteurs.
La récente crise sanitaire a néanmoins fait prendre conscience aux pouvoirs publics de la nécessité de réinvestir les infrastructures de recherche. Le rapporteur pour avis observe qu’une partie du milliard d’euros consacrés au renforcement de la capacité française en recherche biomédicale dans le cadre du plan Innovation Santé 2030 doit en effet servir à « renforcer le déploiement des infrastructures de recherche en santé » ([48]). Dans son discours du 16 mai 2023 à l’Institut Curie, le Président de la République a annoncé un plan d’action à hauteur de 100 millions d’euros.
2. Le financement de la recherche en biologie santé se caractérise par la multiplicité des circuits, facteur de complexité
La recherche biomédicale publique est financée par plusieurs sources, dont les budgets ne sont pas fongibles, et qui diffèrent selon les opérateurs concernés. Le financement d’une partie de la recherche biomédicale par les autorités de santé singularise ce secteur par rapport aux autres champs disciplinaires de la recherche.
D’un côté, les organismes nationaux de recherche et les universités sont pour l’essentiel des établissements publics financés via des subventions pour charges de service public, dans le cadre des lois de finances, essentiellement à travers la mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur. De l’autre, les établissements de santé évoluent dans un environnement concurrentiel, avec un financement essentiellement fondé sur l’activité de soins, provenant de l’assurance maladie et inscrit dans les lois de financement de la sécurité sociale.
D’autres circuits de financement se superposent, notamment ceux de la mission Investissements d’avenir (France 2030, PIA) qui échappent à la tutelle duale du ministère de l’Enseignement supérieur et de la recherche (MESR) et de la direction générale de l’offre de soin (DGOS) du ministère de la santé et de la prévention (MSP), rendant au final le système de financement de la recherche biomédicale peu lisible. De plus, cette diversité de tutelles budgétaires maintient une séparation entre recherche fondamentale et recherche clinique.
Le tableau ci-dessous, extrait d’un récent rapport sénatorial ([49]), donne un aperçu des sources de financement de la recherche en biologie santé par l’État (MESR, MSP et France 2030).
Si, en volume, le financement de la recherche publique en biologie santé repose avant tout sur les crédits inscrits chaque année au budget de l’État au sein de la mission Recherche et enseignement supérieur, les circuits de financement en revanche sont nombreux.
a. Les financements au titre du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche
La mission interministérielle Recherche et enseignement supérieur (Mires, programmes 172 et 150, pilotés essentiellement par le MESR), au sein du budget de l’État, héberge les dotations des principaux organismes nationaux de recherche (ONR) travaillant sur les sciences du vivant (Inserm, IRD, CNRS, Inrae, CEA ([50])), des universités, des fondations de recherche en partie financées par l’État (Pasteur, Curie) et des agences de financement de recherche relevant de la tutelle du MESR (ANR, ANRS-MIE ([51])).
b. Les financements au titre du ministère de la Santé
Les sources venant du ministère chargé de la santé et de l’assurance maladie – lesquelles, selon l’Académie de médecine, n’accroissent en réalité que marginalement les moyens de la recherche en biologie santé ([52]) – financent notamment la recherche dans les centres hospitaliers et universitaires (CHU), à l’Institut national du cancer (INCa), dans les centres de lutte contre le cancer (CLCC) et, pour la deuxième année consécutive, à l’Inserm.
Les missions d’enseignement, de recherche, de référence et d’innovation (Merri) sont des financements alloués par l’assurance maladie à tous les établissements de santé, sur la base de règles fixées par la DGOS. Globalement, les crédits Merri semblent peu incitatifs à l’investissement dans la recherche par les CHU, et beaucoup d’acteurs s’interrogent sur la réalité de leur utilisation à cette fin.
Depuis 2016, les Merri comprennent deux enveloppes :
– une dotation « socle » ([53]) (1,6 milliard d’euros annuels environ), dont l’objectif affiché est de favoriser la recherche dans les CHU en compensant les surcoûts ou les pertes de recettes générés par l’activité de recherche et d’enseignement des établissements. En dépit de son affichage, la partie « socle » des Merri ne paraît pas véritablement participer au financement de la recherche clinique. En pratique, les crédits alloués – qui contribuent environ à hauteur de 10 % au budget des hôpitaux – « sont plutôt utilisés par les directeurs de CHU par défaut comme un moyen d’équilibrer leur budget » ([54]) et répondre aux urgences budgétaires que pour mener une politique de recherche ;
– une part variable, qui finance des structures, des activités et des projets de recherche. Cette part sert notamment au financement des appels à projets ministériels pour différents programmes ([55]) – notamment les PHRC ([56]), créés en 1992 pour favoriser la recherche clinique dans les CHU, et les PRT ([57]) – ainsi que des structures de soutien à la recherche, enseignement et formation. Les crédits des PHRC représentent plus de 90 % des autorisations d’engagement de l’ensemble des programmes ; ils constituent un facteur important de dynamisation de la recherche en France et ont favorisé la motivation du personnel médical dans les CHU. Le financement public du PHRC est aussi un gage d’indépendance vis-à-vis des industriels ([58]). Les PHRC et les PRT réunis avoisinent les 130 millions d’euros annuels ([59]) d’autorisations d’engagement. Cependant, selon un rapport de la Cour des comptes, seule une trentaine de millions d’euros correspondent à une réelle ouverture de dépenses pour des appels à projets ([60]).
Après le transfert du financement de plusieurs opérateurs à l’assurance maladie, l’INCa est le dernier opérateur restant pleinement rattaché à la mission Santé (programme 204).
Les centres de lutte contre le cancer (CLCC) sont financés par l’assurance maladie et sont contrôlés par le MSP, dans les mêmes conditions que les hôpitaux publics.
c. Les financements au titre des Investissements d’avenir
Les financements au titre de la mission Investissements d’avenir, déclinent la politique d’innovation mise en place dès 2010, dans une mission spécifique du budget de l’État (désormais France 2030). La recherche en biologie santé a été financée depuis 2010 par quatre vagues de PIA à hauteur de 2,9 milliards d’euros sur les 8,5 milliards d’euros de financements visant spécifiquement la recherche, soit 34 % ([61]).
Comme l’observe l’Académie de médecine, ces budgets, bien que non négligeables, représentent cependant une fraction modeste du total du budget de la Mires ([62]) si on les rapporte au nombre d’années depuis la mise en place des PIA.
Les financements du plan pluriannuel d’investissement d’avenir France 2030, sont pilotés par le secrétariat général pour l’investissement (SGPI) : une partie se décline dans le plan Innovation Santé 2030 doté de 7,5 milliards d’euros, dont 1 milliard d’euros pour renforcer la capacité de recherche médicale. Le plan France 2030 comporte une enveloppe destinée à « produire en France au moins 20 biomédicaments, notamment contre les cancers, les maladies chroniques dont celles liées à l’âge et créer les dispositifs médicaux de demain » ([63]). L’Agence nationale de la recherche (ANR) est l’opérateur de France 2030 pour lequel elle assure la sélection, le financement, le suivi, l’évaluation et l’étude d’impact des projets.
Le tableau ci-dessous, extrait du rapport sénatorial précité ([64]), présente les programmes de financement des projets en biologie santé par les PIA. Doivent y être ajoutées les écoles universitaires de recherche (PIA 3), qui visent à lier recherche et formation dès la première année de licence (par exemple, NeuroSchool d’Aix-Marseille Université, ou UBGSNeuro Bordeaux Neurocampus, autour des neurosciences).
d. Les autres sources de financements publics
Par leurs aides et subventions, les collectivités territoriales, et plus particulièrement les régions, assument un rôle non négligeable dans le financement de la recherche en santé (plus de 900 millions d’euros en 2019 pour l’ensemble de la recherche ([65])). Les contrats de plan État-région (CPER) sont mis à profit par les acteurs de la recherche en biologie santé, en particulier pour les parties immobilières ou pour le soutien en équipement et instrumentation de recherche, souvent en lien avec les infrastructures nationales. Si ces financements sont hétérogènes selon les collectivités et sont majoritairement consacrés aux transferts de technologie et aux opérations immobilières, on note une ambition croissante des régions à l’égard de la recherche ([66]).
L’Union européenne, via le programme Horizon Europe (2021-2027), participe également au financement de la recherche. Le Conseil européen de la recherche dispose d’un budget de 16 milliards d’euros. Les projets en sciences de la vie représentaient 28 % à 30 % de l’ensemble des projets soutenus lors de la campagne de financement 2019 et le montant perçu par la France sur l’ensemble de ces différents appels à projets s’élevait à 51,2 millions d’euros ([67]).
e. Les sources de financements privés
Le financement des nombreuses structures de recherche par le secteur associatif, dont le modèle repose sur la générosité du public, avec des associations et fondations privées reconnues d’utilité publique, n’est pas négligeable. Par exemple, le montant total du budget recherche de la Ligue contre le cancer s’est élevé à 41,1 millions d’euros en 2021, ce qui positionne la Ligue comme le premier financeur associatif indépendant de la recherche sur le cancer en France ([68]).
D. unE recherche biomÉdicale fragmentÉe entre de multiples acteurs et souffrant d’un dÉficit de gouvernance et de coordination, sur toute la chaîne de valeur
La recherche en biologie santé mobilise de nombreux opérateurs de gouvernance, de pilotage, de production, de coordination et d’animation, de financement, d’évaluation et de valorisation (transferts de technologie, recherche partenariale, etc.). Les statuts de ces diverses structures – établissements publics, agences, instituts, associations de droit privé, sociétés commerciales, etc. – sont variés. Ces acteurs interviennent prioritairement sur certains segments de la chaîne de valeur ou au contraire sur l’intégralité du continuum, de la recherche fondamentale à sa valorisation.
Si l’ensemble de la recherche française se caractérise par l’intervention d’opérateurs plus ou moins nombreux, a minima les ONR et les universités, la recherche en biologie santé se singularise par un extrême morcellement de ses opérateurs, puisque s’y ajoutent la diversité des établissements de santé, ainsi qu’un tissu associatif important.
1. Un cadre national juridique favorable à une gouvernance stratégique de la recherche, mais peu appliqué
Les dispositions du code de la recherche offrent, en apparence du moins, des instruments juridiques adaptés à une gouvernance de la recherche coordonnée au niveau interministériel et pilotée par le MESR ([69]).
D’une part, une stratégie nationale de recherche est élaborée et révisée tous les cinq ans sous la coordination du ministre chargé de la recherche (art. L. 111-6 du code de la recherche), en vue de répondre aux défis scientifiques, technologiques, environnementaux et sociétaux en maintenant une recherche fondamentale de haut niveau. Les priorités en sont arrêtées après une concertation avec la communauté scientifique et universitaire (y compris le secteur associatif) et les partenaires sociaux et économiques, mais également avec les autres ministères et les régions. Le ministre chargé de la recherche veille à la cohérence de la stratégie nationale de recherche avec les autres stratégies nationales (santé, biodiversité, etc.) et européenne.
D’autre part, depuis 2013, un Conseil stratégique de la recherche ([70]) (lequel s’inscrit dans la continuité de nombreuses structures aux objectifs similaires depuis les années 1980), placé auprès du Premier ministre, est chargé de proposer les grandes orientations de la stratégie nationale de recherche. Ce conseil s’appuie notamment sur la direction générale pour la recherche et l’innovation (DGRI) du MESR.
On constate cependant que ni la stratégie nationale de recherche ni le Conseil stratégique de la recherche ne se sont réellement inscrits dans le paysage de la recherche. À ce jour, un seul exercice de stratégie nationale a vu le jour, en 2015 ([71]), et le Conseil stratégique ne semble pas s’être réuni depuis cette même année.
2. Au niveau de la gouvernance, une recherche en biologie santé fragmentée entre de nombreux acteurs ministériels, sans structure de pilotage efficiente
En dépit des enjeux qu’ils recouvrent et en décalage avec le code de la recherche qui les inscrit comme des priorités nationales ([72]), la recherche scientifique et le développement technologique ne relèvent pas aujourd’hui d’un ministère exclusivement dédié et de plein exercice ([73]). Depuis une quarantaine d’années, les changements de rattachement ministériel ainsi que l’association à diverses politiques publiques sont par ailleurs assez révélateurs de la difficulté de positionner la recherche dans le paysage institutionnel : éducation nationale, enseignement supérieur, industrie, innovation, nouvelles technologies, espace, technologie ([74]). On notera que la recherche, après avoir été rattachée à quelques reprises à l’industrie dans la période antérieure, est systématiquement associée depuis 2005 à l’enseignement supérieur. Par ailleurs, l’association de l’innovation à la recherche est à la fois très récente et, à ce jour, unique (période 2017-2022).
Cette complexité inhérente à la recherche est accentuée pour la recherche biomédicale, historiquement partagée entre le MESR et, directement ou via l’assurance maladie, le ministère chargé de la santé, qu’il s’agisse du financement ou de la tutelle administrative des opérateurs. De surcroît s’ajoutent à ces deux « chefs de file » d’autres ministères dits « techniques », co-tutelles d’opérateurs de recherche intervenant de manière croissante dans le domaine des sciences de la vie et, depuis 2010, un nouvel acteur interministériel rattaché au Premier ministre, le secrétariat général pour l’investissement (SGPI, anciennement commissariat général à l’investissement), responsable des plans pluriannuels d’investissement d’avenir (PIA, France 2030).
Aujourd’hui, ce ne sont pas moins de 10 départements ministériels ([75]), en leur qualité de tutelles d’opérateurs de recherche, auxquels il faut ajouter le SGPI, qui interviennent à des degrés divers dans l’organisation et le financement de la recherche en biologie santé et plus largement en sciences du vivant.
Or, à ce jour, les structures trans-ministérielles existantes ne semblent pas en mesure d’assurer une coordination efficace entre tous ces opérateurs.
Afin de fédérer les divers acteurs et mieux structurer leur coordination, une alliance souple – l’Aviesan (Alliance pour les sciences de la vie et de la santé), a été créée en 2009. Réunissant, sous l’animation du président de l’Inserm, les principaux établissements de recherche ([76]) et divers partenaires en biologie santé ([77]), l’Aviesan est présentée comme « le lieu de réflexion stratégique, du renforcement des synergies entre tous les acteurs de la recherche en santé » ([78]). Mais dénuée de moyens réels et de personnalité morale, sans cadre ni mission bien définis et sans impulsion politique claire, cette alliance dépend de la volonté politique des tutelles, et du bon accord entre les responsables des organismes de recherche et d’une direction plus ou moins volontariste.
Cette « agence virtuelle », selon les mots de l’Académie nationale de médecine, n’a pas été en mesure de jouer le rôle qui lui était imparti. « À partir du moment où la pression politique s’est amoindrie et la volonté de coordination s’est moins affirmée, les organismes ont cherché à recouvrer » leur autonomie de décision. « Cette dérive s’est concrétisée […] par une séparation encore plus forte des partenaires au détriment de la coordination au niveau des sites comme à celui des unités de recherche » ([79]). L’échec du plan de programmation de la recherche en santé ([80]), qui fut confié à l’Aviesan en 2014 par les ministres chargés de la santé et de la recherche, est à cet égard emblématique : « l’échec de la mise en œuvre du plan semble principalement lié à la défiance entre les acteurs de la santé et de la recherche, et notamment à la crainte de voir AVIESAN prendre une responsabilité dans la programmation des financements de la recherche hospitalière » observe la Cour des comptes dans un rapport de 2018 ([81]).
Aujourd’hui l’Alliance se retrouve fragilisée, au point que le rapporteur pour avis note que le rapport Gillet, remis à la ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche en juin 2023, en propose expressément la suppression ([82]).
Un nouvel acteur a récemment émergé dans le paysage pourtant passablement encombré de la recherche en santé en France. Issue en 2022 du plan Innovation Santé 2030, l’Agence de l’innovation en santé (AIS) ([83]) a pour objet de piloter, en lien avec les ministères et les opérateurs concernés, la mise en œuvre du volet santé de France 2030.
Cette structure légère a vocation à coordonner les travaux sur la prospective en santé pour caractériser les besoins à venir du système de santé, et anticiper leurs impacts sur le système de prévention et de soin. Parmi ces missions, on trouve la gestion de différents dossiers prioritaires demandant une coordination dans le temps long à la fois entre acteurs publics, et entre acteurs publics et privés. Elle est chargée de définir une stratégie nationale d’innovation en santé et d’assurer sa mise en œuvre, incluant anticipation et réactivité à court terme et vision stratégique à horizon 2030, ceci en cohérence avec les défis de recherche sur lesquels la France veut investir.
Structure d’impulsion et de pilotage stratégique, actuellement dépourvue de personnalité morale et peu dotée (15 personnes), l’agence doit encore trouver son positionnement, notamment face aux acteurs historiques, sur la chaîne de pilotage de la recherche et de l’innovation en santé en France.
Le rapporteur pour avis note cependant, avec intérêt, que le Président de la République, lors de son discours à l’Institut Curie le 16 mai 2023, a souhaité associer l’agence à la réflexion menée par les trois ministères chargés de la recherche, de la santé et de l’industrie visant à faire évoluer le pilotage et l’organisation de la recherche en biologie santé vers plus de décloisonnement et moins de logique de silos.
Le rapporteur pour avis observe qu’en l’absence d’un ministère exclusivement consacré à la recherche et à l’innovation, aucune structure interministérielle ou ministérielle n’est à ce jour en mesure de piloter efficacement les stratégies nationales de recherche de l’ensemble des tutelles de la recherche biomédicale.
À défaut d’une structure interministérielle de pilotage, le morcellement des acteurs exigerait une robuste coordination entre les administrations des différents ministères (MESR, MSP, SGPI, ministères « techniques ») pilotes de la recherche en biologie santé. Force est de constater que ce n’est pas le cas.
3. Une recherche en biologie santé se singularisant par une constellation d’opérateurs
a. Les établissements et structures qui mènent des activités de recherche en biologie santé
Contrairement à beaucoup de pays où les grandes universités sont le lieu naturel d’intégration de la recherche, le rôle des organismes de recherche est historiquement prépondérant dans le financement et la conduite de la recherche en France. Il s’ensuit que, partagée entre les universités et les organismes de recherche, l’organisation de la recherche publique française est généralement duale… à l’exception du domaine de la recherche en biologie santé, où intervient un troisième acteur majeur : le milieu hospitalier.
Au niveau opérationnel, les activités de recherche s’exercent le plus souvent au sein d’unités mixtes de recherche (UMR), faisant intervenir des équipes relevant de tutelles différentes.
● Le Centre national de la recherche scientifique (CNRS), établissement public à caractère scientifique et technologique (EPST) placé sous la tutelle administrative du MESR, est la seule institution compétente sur l’ensemble des champs disciplinaires, ce qui le conduit à travailler avec l’ensemble des autres organismes de recherche. Une de ses composantes, l’Institut national des sciences biologiques (INSB), est compétente en biologie santé et peut s’appuyer sur la pluridisciplinarité du CNRS.
● L’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) ([84]), EPST sous la double tutelle du MESR et du MSP, est spécialisé en recherche biomédicale.
● D’autres organismes de recherche spécialisés sur divers secteurs de recherche sont dotés d’une composante interne dédiée aux sciences du vivant : le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ([85]) ; l’Institut de recherche pour le développement (IRD) ([86]) ; l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) ([87]) ou encore l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ([88]).
● D’autres organismes nationaux de recherche peuvent aussi être mentionnés, dans une approche transversale One Health : Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) ; Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad) ; Institut de recherche biomédicale des armées (Irba) ; Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) ; Institut national de l’environnement industriel et des risques (Ineris) ([89]), Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer (Ifremer) ; Établissement français du sang (EFS).
La recherche en biologie santé dans l’enseignement supérieur fait intervenir de nombreux acteurs académiques :
– les 72 universités ([90]), au sein desquelles les enseignants-chercheurs dispensent des enseignements et assurent des activités de recherche. Parmi elles, 36 universités ainsi que l’Institut catholique de Lille ([91]) ont des unités de formation en recherche (UFR) associées à un CHU ;
– certaines grandes écoles d’ingénieurs ([92]), comme les Insa (Toulouse, Lyon), le réseau Polytech (écoles d’ingénieurs polytechniques des universités) ou l’institut Mines-Telecom, dotés de pôles de recherche en santé globale, en bio-ingénierie, etc.. L’Insa fait notamment partie d’UMR avec des grands établissements de recherche.
● Les 32 centres hospitaliers régionaux et universitaires (CHR&U, couramment appelés CHU ([93])), créés par l’ordonnance dite Debré du 30 décembre 1958, sont des centres hospitaliers régionaux (CHR ([94])) ayant passé une convention avec une université comportant une ou plusieurs unités de formation et de recherche médicales, pharmaceutiques ou odontologiques ([95]). Contrairement aux centres hospitaliers qui sont créés par la voie réglementaire ([96]), la spécificité universitaire d’un CHR repose sur une convention entre les deux entités hospitalière et universitaire. La gouvernance de ces entités reste séparée, même s’il y a désormais une représentation de l’université plus importante au sein du directoire des CHU.
Structures dépendant du ministère chargé de la santé, les CHU ont une mission de soins, mais également d’enseignement et de formation des étudiants médicaux et paramédicaux de l’Université, ainsi que de recherche, essentiellement exercées par des professeurs des universités-praticiens hospitaliers (PU-PH) et des maîtres de conférence des universités-praticiens hospitaliers (MCU-PH). Des trois missions de soins, de recherche et de formation, les soins concentrent indubitablement l’attention et les moyens des CHU, notamment depuis la généralisation de la tarification à l’activité et les difficultés financières rencontrées par une grande partie de ces établissements. Cela étant, il est apparu au cours des auditions que les activités de recherche constituent un élément d’attractivité majeur pour les personnels pour rejoindre un CHU. Si le spectre de la recherche en CHU couvre théoriquement les trois champs de la recherche fondamentale, translationnelle et clinique, en pratique cette dernière demeure prédominante.
Les dernières années ont vu l’émergence d’une nouvelle ambition des CHU en matière de recherche, avec une gouvernance plus intégrée et une organisation interne progressivement adaptée. On note en particulier le développement progressif de structures de soutien à la recherche financées par le ministère chargé de la santé : délégations à la recherche clinique et à l’innovation, centres d’investigation clinique et centres de ressources biologiques. Au cours des dernières années, l’activité de recherche des CHU s’est développée, accompagnée par la mise en œuvre du Programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) et la définition de stratégies de recherche des établissements. Des instances de coordination ont été créées au niveau local (comités de la recherche en matière biomédicale et de santé publique) et interrégional (groupements inter-régionaux de recherche clinique et d’innovation). Néanmoins, la qualité des relations avec les partenaires (université, Inserm, CNRS) est inégale et dépend souvent de facteurs locaux. Par ailleurs, « l’activité de recherche des CHU est concurrencée par d’autres établissements de santé : certains CHU ont une activité comparable ou moindre que celle des centres de lutte contre le cancer les plus importants mais aussi de certains centres hospitaliers ou cliniques privées. » ([97])
L’exemple de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP)
Premier centre hospitalier et universitaire (CHU) d’Europe, l’AP-HP et ses 38 hôpitaux sont organisés en 6 groupements hospitalo-universitaires (AP-HP Centre-Université Paris Cité ; AP-HP Sorbonne Université ; AP-HP Nord-Université Paris Cité ; AP-HP Université Paris Saclay ; AP-HP Hôpitaux Universitaires Henri Mondor et AP-HP Hôpitaux Universitaires Paris Seine-Saint-Denis) et s’articulent autour de cinq universités franciliennes.
Étroitement liée aux grands organismes de recherche, l’AP-HP compte huit instituts hospitalo-universitaires d’envergure mondiale (ICM, ICAN, IMAGINE, FOReSIGHT, PROMETHEUS, lnovAND, Re-Connect, THEMA) et le plus grand entrepôt de données de santé (EDS) français.
● Les 19 centres de lutte contre le cancer (CLCC) ([98]), comme l’Institut Gustave Roussy ou l’Institut Curie, sont des établissements de santé privés à but non lucratif et de caractère hospitalo-universitaire participant au service public hospitalier. À ce titre, ils sont contrôlés par le ministère en charge de la santé, dans les mêmes conditions que les hôpitaux publics. Voués au traitement des cancers, ils assurent des missions de prévention, de recherche, d’enseignement et de soins.
● Outre les CHU et les CLCC, la recherche clinique est également réalisée au sein d’autres établissements de santé : les centres hospitaliers, les huit hôpitaux d’instruction des armées, ou les cliniques privées ([99]).
● Enfin, des établissements privés à but non lucratif (fondations), partiellement financés par l’État, comme les Instituts Pasteur, mènent des activités de recherche importantes.
Les moyens affectés par les organismes de recherche aux universités le sont le plus souvent dans le cadre d’unités mixtes de recherche (UMR), au sein desquelles les parties prenantes (universités, organismes de recherche) conservent la gestion de leurs crédits et de leur personnel, selon des règles budgétaires et comptables distinctes. Si les CHU ne sont en général pas identifiés comme tutelles des UMR, ils représentent cependant un partenaire important. En effet, nombre d’entre eux hébergent des UMR et gèrent des plateformes et des structures indispensables à l’activité de recherche. Par ailleurs, les personnels hospitalo‑universitaires (PU-PH) et certains personnels hospitaliers ont une activité de recherche au sein des UMR. L’unité mixte représente le modèle le plus fréquent d’unités de recherche : les laboratoires en partenariat représentent plus de 50 % de la recherche effectuée par les équipes relevant d’une université, et constituent plus de 90 % des laboratoires du CNRS par exemple ([100]). C’est sur ce principe synergique et partenarial que s’est construit le modèle français de la recherche depuis un certain nombre d’années ([101]).
Administrée par un directeur et un conseil de laboratoire, l’UMR définit sa stratégie de recherche de manière largement autonome. Ce format d’unité partagée entre les acteurs de la recherche permet aux chercheurs, enseignants-chercheurs et ingénieurs de travailler dans les mêmes lieux ou sites sur des questions de recherche communes, indépendamment de leur employeur. Il favorise la construction de communautés de recherche thématiques sur des sites, et offre aux organismes nationaux des capacités de déclinaison de leur politique nationale au niveau des sites universitaires en fonction des acteurs locaux et des spécificités des territoires. Outil conventionnel permettant de réaliser des activités de recherche dans le cadre d’orientations et de priorités partagées, le dispositif d’UMR, plutôt souple d’apparence, est largement accepté dans les laboratoires et les établissements.
En revanche, le fonctionnement administratif de l’UMR et les contraintes qui y sont associées sur les plans budgétaire, financier et en matière de ressources humaines ne sont pas sans poser de réelles difficultés, la complexité du système amenant assez logiquement la complexité des outils et réciproquement. D’une part, le partage de la tutelle des UMR entre différents opérateurs aboutit à la superposition de nombreux outils, notamment informatiques, de pilotage administratif des structures, le plus souvent non interopérables, ce qui rend hypothétique à ce stade des outils communs et des procédures unifiées pour la gestion de ces structures. D’autre part, en cas de valorisation d’une découverte scientifique de chercheurs appartenant à des organismes différents, la cotutelle des opérateurs sur les UMR occasionne parfois des difficultés pour déterminer la répartition des droits en matière de propriété intellectuelle entre les établissements de recherche employeurs.
Cette spécificité d’organisation des activités de recherche contribue également à expliquer, en partie, la complexité du système de fonctionnement et de valorisation de la recherche publique française.
b. Des structures innovantes s’inscrivant dans le continuum recherche
Des structures innovantes, nées des programmes d’investissement d’avenir, se distinguent dans le paysage de la recherche française par leur modèle intégré, intervenant sur l’ensemble de la chaîne de valeur, de la recherche fondamentale à la valorisation des découvertes. Les instituts hospitalo-universitaires (IHU) sont spécifiques à la recherche en santé, contrairement aux instituts de recherche technologiques (IRT), pluridisciplinaires.
Les IHU sont un regroupement géographique d’acteurs permettant de rapprocher, autour d’une même thématique médicale, recherche fondamentale et recherche clinique, structures publiques et partenaires privés ([102]). Ils reposent sur le triptyque suivant : une structure autonome, un lieu unique réunissant tous les acteurs et une thématique commune de recherche.
En 2010, le MESR et le ministère chargé de la santé ont lancé un appel à projets portant sur la création des IHU. L’enjeu était de faire émerger des pôles d’excellence de la recherche médicale française visant au renforcement de l’attractivité dans le domaine de la recherche en santé. « Campus d’excellence », chaque IHU associe, autour d’une spécialité médicale, différents opérateurs de la recherche. Chaque IHU est bâti sur quatre piliers : la recherche, les soins, la formation et la valorisation industrielle. Lieux d’excellence scientifique, les IHU ont pour ambition de former des spécialistes dans leurs domaines de compétence, d’attirer des chercheurs renommés et de valoriser leurs travaux.
Six lauréats ont été retenus lors de la première vague de PIA, et un lors de la deuxième sélection en 2018 (PIA 3). Existant sous une autre forme avant l’obtention du label, les IHU ([103]) ont alors été adossés à des structures de recherche d’excellence, souvent dirigées par « des personnalités scientifiques charismatiques » ([104]).
Les sept Instituts hospitalo-universitaires initiaux ([105])